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PRHA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 février 1999

• 1116

[Traduction]

Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): Chers collègues, nous allons commencer nos travaux. Notre ordre du jour d'aujourd'hui porte sur l'examen de demandes reçues conformément à l'article 106(3) du Règlement au sujet de la fuite de rapports de comité avant leur présentation à la Chambre.

Nous accueillons aujourd'hui notre collègue Bill Graham, président du comité de liaison.

Bill, je vais vous présenter dans un instant, mais je vais d'abord commencer par deux ou trois petites choses.

Chers collègues, je me permets d'attirer votre attention sur le fait qu'on nous a posé des questions au sujet des notes d'information. Vous avez devant vous deux séries de notes d'information, l'une qui nous servira aujourd'hui et l'autre—qui est un rapport assez exhaustif sur les fuites de comité en Australie—qui me parait tout à fait pertinent à notre propos. J'oserais dire que les fuites en Australie revêtent un caractère tout particulier parce que ce pays, en grande partie désertique, manque d'eau.

Je vous signale par ailleurs qu'un de nos témoins de la réunion précédente, Mme Diane Davidson, m'a fait parvenir par écrit certains des avis qu'elle avait exprimé de vive voix, et je l'en remercie. Le document est en traduction et, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous vous le remettrons lors de notre prochaine réunion.

J'ai demandé aux députés ou aux partis de nous recommander des noms de témoins pour plus tard. Je n'ai encore reçu aucune suggestion, si ce n'est qu'une personne qui n'est pas membre de ce comité m'a laissé entendre que notre collègue Derek Lee pourrait être intéressé à comparaître. J'ai vu dans le Hill Times qu'il a exprimé un point de vue assez arrêté à ce sujet et, si vous le souhaitez, je pourrais bien sûr l'inviter. Quoi qu'il en soit, il peut se présenter devant à sa guise. Je vous exhorte à me soumettre d'éventuels noms de témoins.

Jeudi prochain, nous accueillerons Doug Fisher, qui représente l'ensemble des journalistes et la Tribune de la presse.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Jules Richer?

Le président: Oui, c'est cela. C'est Jules Richer, monsieur Bergeron.

[Traduction]

Je vais maintenant vous présenter Bill Graham et comme nous accueillons d'autres invités, Bill, je me propose d'expliquer à quel titre vous êtes ici, si cela vous convient.

La dernière fois, l'un de nos témoins était Rob Walsh, qui représentait les greffiers de nos comités permanents et nous avons grandement apprécié sa contribution.

Bill est président du comité de liaison, qui est le comité des présidents des comités permanents. En outre, il est président du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

C'est donc à ce titre, Bill, que nous allons vous entendre. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de venir nous rencontrer. Vous pouvez commencer par quelques remarques après quoi nous passerons à la discussion.

M. Bill Graham (député de Toronto Centre—Rosedale, Lib.): Oui, merci, monsieur le président. Merci de m'avoir invité aujourd'hui.

Avant tout, je dois dire—et cela ne vous surprendra pas parce que vous participez à nos réunions—que nous avons tenu une réunion du comité de liaison à la demande du président, où les membres présents ont parlé de ce dossier. Je vais donc essayer non pas de vous faire simplement part de mon point de vue personnel, car je vais essayer en fait de vous communiquer celui des présidents des autres comités.

• 1120

Pour résumer très rapidement cette réunion des présidents—certaines des personnes présentes dans la salle y ont d'ailleurs assisté—je crois pouvoir dire que nous avons tous convenu de la très grande importance de ce sujet et du fait qu'il est également essentiel que les comités parlementaires puissent occasionnellement se rassembler et tenir des discussions à huis clos. En revanche, nul ne savait au juste ce qu'il fallait faire au cas où quelqu'un enfreindrait le secret des délibérations.

Dans l'intérêt de l'intégrité du système, tout le monde, je crois, a reconnu la nécessité de renoncer de temps en temps à nos différences partisanes pour échanger des idées entre nous et nous entendre sur des éléments répondant au bien commun. Malheureusement, on perd parfois de vue ce besoin de garantir l'intégrité du système et il peut arriver qu'on soit tenté de prendre un avantage partisan. C'est à ce moment-là que se produisent les fuites.

Ainsi, pour que le système fonctionne, il faut que tout le monde adhère au principe de l'intégrité du système et, à la lecture des transcriptions de la semaine dernière, je pense que c'est précisément ce dont M. White parlait quand il a déclaré que l'intégrité du système n'est plus assurée et que son groupe ne jouera plus cette partie. Si l'intégrité est tellement importante que cela, il convient donc de chercher une façon de la garantir à nouveau.

Pour ma part, je dirais qu'il existe trois cas de figure où il peut y avoir communication des travaux des comités, chaque cas exigeant une approche différente.

Il y a d'abord le cas des réunions de comité tenues à huis clos dans le cadre normal de leurs travaux. Afin de protéger des renseignements privés, des renseignements délicats ou pour d'autres raisons, les comités décident de traiter des informations dont ils sont saisis à huis clos; quelqu'un peut alors décider de couler fuir ces informations, autrement dit, de les rendre publiques.

En ce qui concerne notre comité, le Comité des affaires étrangères, sachez que nous sommes récemment tous à peu près tombés d'accord sur le fait que nous ne tiendrons que rarement des réunions à huis clos, réservant cette formule aux seules questions de sécurité nationale pour lesquelles il faudra nous prouver qu'il convient de ne pas les diffuser.

Laissez-moi vous donner un exemple. Récemment, un ministre étranger demandé à comparaître devant le comité à huis clos. Et bien, nous avons décidé aux voies que nous devions tenir cette réunion en public et que, si le ministre en question ne voulait pas comparaître dans ces conditions, nous ne le recevrions tout simplement pas.

Il y a donc un choix à faire. Le comité est passé à côté de la possibilité d'entendre cette personne. D'un autre côté, nous avons eu l'impression que nous nous devions de défendre ce principe important.

Je ne sais pas dans quelle mesure les autres comités appliquent un tel principe. Tout ce que je peux dire, c'est que celui-ci est certainement très important dans le cas du comité de M. Lee, le comité sur le SCRS, ou encore chaque fois qu'on est appelé à se pencher sur des questions du genre, étant entendu qu'il ne peut s'agir que de cas spéciaux.

La question que j'estime être la plus importante, dont nous avons parlé entre présidents et sur laquelle je vous invite à vous pencher, est celle des fuites intervenant à l'étape de la négociation des rapports. Peu importe, dans ce cas, que le rapport soit produit à la suite d'une étude demandée par le comité ou par le gouvernement... je sais que vous en avez parlé. Ce qui importe, c'est ceci: si nous voulons produire des rapports faisant l'unanimité, des rapports susceptibles de rassembler tous les partis de la Chambre—et personnellement je suis convaincu que ce genre de rapport a beaucoup plus de poids qu'un simple rapport gouvernemental et quatre rapports minoritaires—si nous voulons des rapports permettant à la population canadienne de tirer tous les bénéfices d'un consensus multipartite à la Chambre, il faut qu'à un moment donné les députés puissent échanger leurs points de vue entre eux, en privé, et, comme nous le disons sans cesse à notre comité, que des députés soient disposés à mettre un peu d'eau dans leur vin pour parvenir à un consensus.

Or, les chances d'y parvenir sont bien moindres quand les délibérations sont publiques. C'est la nature des choses qui veut cela. Si nous tenions ce genre de discussion en public, il est fort probable que les députés s'en tiendraient à des décisions prises d'avance et qu'ils seraient donc beaucoup moins disposés à faire un compromis.

Pour cette raison et dans l'intérêt du système, pour produire donc des rapports unanimes, les présidents des comités vous exhortent à trouver une façon de préserver cet aspect du système. J'insiste auprès des députés de l'opposition sur le fait qu'ils ont intérêt à protéger le huis clos parce que si toutes les discussions sur les rapports doivent être publiques et que chaque parti s'en tienne à ses positions, nous finirons systématiquement par produire un rapport gouvernemental d'un côté et quatre rapports de l'opposition de l'autre, laquelle opposition n'aura pas la possibilité de faire bouger le gouvernement sur les dossiers traités.

• 1125

Je ne sais comment fonctionne les autres présidents de comité mais, pour ma part, je demande à mes chargés de recherche de me soumettre leurs ébauches de rapports. Je ne remets aucun rapport à mon secrétaire parlementaire avant les autres membres du comité, si bien que tout le monde reçoit ces documents en même temps. Je considère que cette première mouture est l'ébauche de rapport du comité dont tout le monde aura l'occasion de discuter plus tard.

Si tout devait être public, je ne crois pas que le système fonctionnerait ainsi. Il faudrait que la première mouture soit l'ébauche du gouvernement, il faudrait qu'il y ait les ébauches de l'opposition et les comités passeraient à côté de la possibilité d'échanger des informations avec le gouvernement.

[Français]

Monsieur Bergeron, si je me souviens bien de notre expérience dans l'affaire de la politique étrangère du Canada, nous avions eu beaucoup d'échanges entre nous. C'est parce que ces échanges d'information et de points de vue se faisaient en toute confidentialité qu'on avait pu les tenir sans craindre d'être critiqués ou attaqués pour avoir adopté telle ou telle position. Donc, je crois que la confidentialité, au moment de la préparation du rapport, est très importante,

[Traduction]

et c'est pour cela que nous insistons auprès de votre comité, c'est pour qu'il trouve une façon de réaliser cela.

Je suis certain que tout le monde, ici autour de la table, est de cet avis. Cependant, personne ne sait exactement comment s'y prendre et nous ne sommes pas mieux placés que vous à ce propos.

La première chose que nous pourrions faire consisterait à réduire la durée des délibérations. Personnellement, j'estime que cette durée est une des causes des fuites au Parlement. Par exemple, nous avons tenu de longs débats à l'occasion de la production de notre dernier rapport. En Chambre, j'ai pris la parole pour me plaindre d'une fuite et j'ai reçu l'appui de M. Strahl. À l'époque, cela nous avait beaucoup fâché. Mais réflexion faite, je me rends compte qu'on a discuté de ce rapport pendant un mois et demi environ. On en a sans doute produit une vingtaine d'exemplaires et, pour être francs, il faut reconnaître qu'il est naïf ou illusoire de penser qu'un document produit en autant d'exemplaires dans cette ville puisse demeurer confidentiel pendant un mois et demi.

J'estime donc que les présidents des comités doivent être conscients que s'ils veulent tenir ce genre de réunions, celles-ci devront être assez brèves pour permettre aux députés de faire rapidement le travail et de passer à autre chose. Ça ne fonctionnera pas si nous devons prolonger les discussions.

Outre cela, je n'ai pas d'autres recommandations à formuler, mais je suis convaincu que le comité devrait exhorter les présidents et le personnel... Dans le cas de notre dernier rapport, une employée d'un de nos membres a téléphoné pour demander si son patron pouvait obtenir deux exemplaires du rapport. Quand le greffier lui a demandé pourquoi, elle a répondu que des journalistes l'avaient appelée et exprimé le désir de consulter le rapport qu'elle se proposait de leur envoyer. Il a fallu lui rappeler que celui-ci était encore confidentiel. Eh bien, il s'agissait pourtant de l'employée d'un député membre d'un de nos comités. Je ne veux blâmer personne, mais il faut que nos gens comprennent les règles du jeu que nous devons appliquer.

Troisièmement, il faut se demander si, une fois terminées les négociations au sujet du rapport, celui-ci devrait être gardé confidentiel jusqu'à son dépôt en Chambre. Normalement, nous essayons de le déposer le plus vite possible à la Chambre. Personnellement, j'y vois bien sûr des raisons historiques parce que, comme l'a indiqué M. Marleau dans son exposé, les comités sont vus comme faisant le travail de la Chambre si bien que la Chambre doit être la première à avoir le droit de voir les rapports; il y a lieu de poursuivre cette pratique. Je suis d'accord avec cela, mais je ne pense pas que cette phase, qui intervient à la fin, est aussi importante que celle du début.

L'important est de faire en sorte que les députés travaillent en collégialité, pour le meilleur intérêt des citoyens, et produisent des rapports de bonne facture au nom du Parlement. Au nom de l'intégrité du système, j'estime que nous devons appliquer des mécanismes qui nous permettront de débattre des rapports pour obtenir les meilleurs résultats possibles et, selon moi, cela doit se faire en privé. Une fois les rapports terminés, nous devrions les soumettre à la Chambre le plus rapidement possible. Cependant, j'estime qu'il n'y pas à craindre que les fuites menacent l'intégrité du système si tout est public à l'étape des négociations.

Voilà donc mes réflexions sur la question, réflexions qui, je crois, reflètent assez fidèlement la position de mes collègues du comité de liaison.

Le président: Merci beaucoup, Bill.

Chers collègues, Derek Lee est arrivé après le début de la séance. J'ai mentionné son nom tout à l'heure. Si vous me le permettez et si cela vous sait gré, Derek, j'aimerais ajouter votre nom à notre liste d'intervenants.

• 1130

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Bien sûr. C'est très bien.

Le président: Parfait, vous voilà sur la liste.

Eh bien, j'ai maintenant sur ma liste les noms suivant: Chuck Strahl, Stéphane Bergeron, Yvon Charbonneau, le mien, Joe Fontana, Roy Bailey et Derek Lee. Nous allons donc débuter par Chuck Strahl.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Merci, monsieur le président et merci à vous, M. Graham.

Bill, je me rappelle l'époque où vous et moi, en compagnie de Stéphane, travaillions à l'examen des affaires étrangères dans le cadre du premier comité mixte Sénat-Chambre des communes. Nous avions produit un rapport énorme. Nos débats se sont étalés sur des mois et, si je me souviens bien, nous n'avons pas vraiment eu de problème de fuite. Ce fut une très belle expérience.

On dirait, à présent, qu'une grande partie de nos rapports ne subissent pas un traitement aussi privilégié. C'est un peu comme si, au cours des cinq dernières années, les choses s'étaient mises à se déglinguer. En fait, la dernière fois que nous nous sommes retrouvés à un même comité des affaires étrangères, vous vous en souviendrez, c'était pour justement parler de fuite. Le National Post avait publié une série d'articles sur le rapport que nous étions en train de préparer. Vous me direz que nous sommes précisément ici pour savoir ce qu'il est advenu de l'intégrité du processus. Les choses se sont beaucoup dégradées au cours des cinq dernières années et je dois dire que les outils dont les partis de l'opposition disposent sont relativement limités. Nous ne pouvons pas toujours réagir ainsi. Nous ne voulons pas avoir à couler un rapport une autre fois.

Il nous arrive parfois d'être mécontents et de devoir lutter avec tous les moyens possibles. Vous vous souviendrez que je vous ai envoyé une lettre, l'autre jour, à propos d'un des outils auxquels les partis d'opposition peuvent avoir recours. Je veux parler de l'article 106(3) du Règlement qui nous permet d'appeler des témoins. Autrement dit, nous pouvons contraindre un comité à prendre une question en compte. Comme je vous l'indiquais dans cette lettre, les comités paralysent systématiquement l'action des partis de l'opposition en prononçant le huis clos dans de tels cas.

Autrement dit, une grande partie des comités, mais ce n'est peut-être pas le cas du vôtre, Bill, adoptent une approche antagoniste plutôt que de collaborer avec l'opposition. Voilà la première chose que je voulais dire.

Je conviens avec vous qu'il y aurait lieu de limiter les délibérations dans le temps; par ailleurs, le gouvernement devrait éviter de provoquer délibérément l'opposition parce que la plupart de ces fuites viennent du côté gouvernemental, ce qui est fort regrettable.

Deuxièmement, je voulais un peu parler, en passant, de ce qui vient de se passer aujourd'hui—et qui a un rapport direct avec notre propos—je veux parler des extraits du budget de tout à l'heure, qui se sont retrouvés dans la presse. Le gouvernement a communiqué d'avance les chiffres, les montants, ce qu'il va faire, les sommes qu'il va consacrer aux programmes de santé, les modifications qu'il se propose d'apporter aux paiements de transfert, la façon dont il va régler...

Le président: Chuck, cela ne concerne pas le comité.

M. Chuck Strahl: Pas directement, mais je veux rappeler qu'on a affaire à un problème de changement de culture. La culture a changé. On peut lire à ce propos dans le Vancouver Sun sous la plume de Barbara Yaffe: «Les hauts fonctionnaires du ministère des Finances sont venus me voir l'autre jour pour me parler du budget». Comment peut-on s'attendre à ce que le Parlement soit respecté si les hauts fonctionnaires du ministère des Finances agissent comme s'ils ne servaient plus à rien?

Au cours des cinq dernières années, nous sommes passés d'une culture où nous pouvions garder l'information secrète pendant des mois, ce que nous avons fait dans le cadre des travaux du Comité mixte des affaires étrangères Sénat-Chambre des communes, à une attitude patente qui consiste à dire: «Peu importe ce que vous allez faire, de toute façon, nous laisserons transpirer l'information». La toute dernière fuite vient du sommet—elle est le produit des hauts fonctionnaires du portefeuille concerné, celui des Finances—et je ne vois pas comment nous allons réussir à discipliner les comités étant donné que nous avons maintenant affaire à une véritable culture, à un nouveau mode de fonctionnement.

Cela m'inquiète. Je partage les inquiétudes de M. Graham quant à la façon dont nous allons pouvoir fonctionner ensemble dans l'avenir, étant donné que le ministère des Finances nous fait savoir, sans grande subtilité, que la nouvelle règle du jeu consiste maintenant à couler tout ce qu'on peut. J'aimerais connaître votre opinion sur la façon dont nous pourrions arriver à maintenir l'intégrité du processus au niveau des comités, quand on semble avoir affaire à un nouveau mode de fonctionnement du gouvernement, des ministères. Je ne vois pas comment nous allons parvenir à faire rentrer le génie dans sa bouteille, puisque les plus hauts échelons du ministère et le ministre lui-même viennent essentiellement de donner leur bénédiction à cette façon de fonctionner.

Voilà le véritable problème, selon moi.

Le président: Bill Graham.

M. Bill Graham: Deux choses, monsieur Strahl.

D'abord, je suis entièrement d'accord avec vous: nous assistons à un changement de culture. Ceux d'entre nous qui ont suivi ce qui s'est passé chez nos voisins du sud au cours des dix-huit derniers mois, dans l'affaire Clinton, ont pu lire un article expliquant que nous vivons désormais dans un monde où tout se retrouve sur l'Internet, où il n'y a plus de vie privée et où plus rien n'est... Je suis entièrement d'accord avec vous.

• 1135

Ainsi, je ne pense pas qu'il soit raisonnable de se demander si l'on parviendra à régler le problème en contrôlant la presse ou en suggérant d'imposer certaines limites à son action, parce que je ne crois pas que cela corresponde à la culture actuelle. Il faudrait imposer des restrictions insensées sur la presse. Cela me rappelle un peu ce qui s'est passé dans le cas de l'AMI: les documents qui étaient censés être secrets et demeurer à Bruxelles se sont retrouvés dans les mains de tout le monde dès le lendemain.

Voilà ce qui semble être le monde dans lequel nous vivons maintenant. La seule chose que nous puissions faire, je pense, serait d'instaurer notre propre culture au sein de notre groupe en partant du principe que l'intégrité du système exige un compromis. Le résultat serait préférable pour le gouvernement et pour l'opposition parce qu'en vertu de ce processus, l'opposition aurait la possibilité d'influer sur la teneur des rapports et que le gouvernement pourrait obtenir un consensus en Chambre.

Cependant, nous devons d'abord être convaincus de cela pour que les choses fonctionnent. Que faire si l'on découvrait le responsable d'une fuite? L'interdire de comité? Comment s'y prendre? Selon moi, les présidents devront se montrer davantage sensibilisés à ce problème et essayer d'organiser des réunions en fonction de cela. Voilà une première chose.

Par ailleurs, vous avez affirmé que la plupart des fuites sont le fait du parti gouvernemental. Eh bien, je ne sais où vous allez chercher vos statistiques. Pour en revenir au comité des affaires étrangères, auquel vous siégiez, et au rapport sur le nucléaire, ce n'était certainement pas de l'intérêt du gouvernement de laisser filtrer l'information sur ce qui se passait, parce que c'est lui qui s'est fait sermonner pour les problèmes de l'époque. Je dirais donc que c'était de l'intérêt de quelqu'un d'autre.

Quoi qu'il en soi, si l'on commence à pointer du doigt, nous allons passer toute la journée ici.

Le président: Chuck, très brièvement.

M. Chuck Strahl: Très brièvement. Du point de vue des partis de l'opposition—parce que c'est le seul que je puisse exprimer—le gouvernement semble avoir la main haute sur une impressionnante batterie d'outils de communication. Par exemple, quand un comité dépose son rapport, il le fait bien évidemment en Chambre. Il ne fait pas forcément les grands titres, mais c'est tout de même un événement. Puis le gouvernement peut réagir au rapport, ce qui constitue un autre événement. C'est pour lui un autre événement de communication, pas pour l'opposition; seul le gouvernement en profite. Puis chaque ministre peut proposer un texte de loi ce qui, une fois de plus, constitue un événement pour le parti au pouvoir. Par la suite, les ministres annoncent les initiatives envisagées, ce qui est encore un autre événement.

Pour en revenir au rapport sur le nucléaire, par exemple, le Parti réformiste... je ne sais pas, mais je crois que tout le monde s'est fait tirer dessus pour ce rapport. Quoi qu'il en soit, pendant plusieurs jours, la presse a proposé un marché à notre porte-parole des Affaires étrangères: «Nous vous garantissons deux articles en première page si vous coulez un rapport». Les choses ont commencé ainsi et nous avons dit qu'il n'en était pas question. Finalement, les journalistes ont écrit leurs articles—je me demande s'ils ont bien raison de faire cela—annonçant l'intention du gouvernement, autrement dit les orientations du rapport. Qu'en était-il du Parti réformiste à ce moment-là? Eh bien, il était silencieux.

Ainsi, du point de vue de l'opposition, je me dois de préciser que si l'on ne joue pas selon... Je ne veux pas rejeter tout le blâme sur le gouvernement, mais quand des informations font l'objet de fuites, nous n'avons pas intérêt à aller claironner qu'un autre rapport à fait l'objet de fuite, et nous nous taisons, nous jouons les bons garçons et les bonnes filles, parce que nous risquerions autrement de nous faire vilipender. Cependant, dès l'instant qu'on a dépassé le stade où 38 p. 100 des rapports de fond ont été coulés dans la presse, nous n'avons plus rien à perdre à nous mêler de la partie, parce qu'au moins nous pouvons y mettre notre grain de sel.

Le président: Monsieur Graham, brièvement.

M. Bill Graham: J'ai l'impression que vous êtes en train de décrire un problème sur lequel nous nous entendons tous. Personnellement, je ne pense pas que la solution consiste à couler davantage l'information dans la presse. Je ne pense pas que ce soit la solution parce qu'en fin de compte, nous nous priverions ainsi de la possibilité de tenir de véritables discussions sur le sujet et de trouver une solution de fond. Donc, je ne crois pas que la solution consiste à pratiquer davantage de fuites.

Encore une fois, et sachez que je n'aime pas prendre pour exemple le rapport le plus récent à la rédaction duquel j'ai participé, parce que tout le monde est différent, mais je dois dire que, dans ce cas d'espèce, vous avez raison d'affirmer que le public s'y intéressait beaucoup. Le député que je suis n'aime pas qu'on sous-entende que la fuite de renseignements est un mode de fonctionnement pour le comité, parce que ce n'est pas vrai. Le comité avait simplement à se pencher sur le dossier dont il était saisi, ce qui est une situation entièrement différente de celle décrite. C'est de là qu'est venu le malentendu.

Le président: Chers collègues, nous referons un tour de table si nécessaire, mais je veux passer aux autres, parce que j'ai une longue liste.

Je vais donner la parole à Stéphane Bergeron, puis à John Solomon, à moi-même, à Joe Fontana, à Roy Bailey, à Derek Lee, à John Richardson et, enfin, à Lynn Myers.

• 1140

[Français]

Monsieur Bergeron.

M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, je suis d'accord avec M. Strahl lorsqu'il dit que nous nous engageons sur une pente un peu inquiétante. On voit ce qu'on peut lire actuellement à pleines pages dans les journaux par rapport au budget qui sera dévoilé cet après-midi en Chambre. Reportons-nous quelques années en arrière. Je suis sûr que Don Mazankowski ou Michael Wilson auraient perdu leur poste pour des fuites semblables. Pourtant, cela semble être devenu une norme tout à fait acceptable pour tout le monde.

Ce qui m'apparaît plus inquiétant encore, monsieur le président, c'est que cette règle établie par rapport aux fuites portant sur les rapports n'était pas accompagnée de sanctions, comme je le disais la semaine dernière. Conséquemment, les partis ou les individus en sont venus à considérer qu'ils avaient avantage à dévoiler le contenu d'un rapport, puisqu'il n'y avait aucun désavantage à le faire. Conséquemment, la pratique s'est amplifiée à un point tel qu'on envisage maintenant de changer la règle de façon à ce qu'elle s'adapte à cette réalité nouvelle.

Une telle tendance pourrait sembler contenir implicitement une invitation à violer les règles et à le faire assez fréquemment pour qu'en bout de ligne les règles soient changées pour s'adapter aux nouvelles réalités.

Bien sûr, la rencontre que nous avons eue la semaine dernière a été très intéressante parce qu'elle était la première de cette série d'études et que déjà des positions bien campées y ont été dégagées. Parmi ces positions bien campées, il y a la proposition, tout à fait légitime, de faire preuve d'une plus grande transparence en ne tenant plus de rencontres à huis clos. Conséquemment, nous n'aurions plus à affronter ce problème de fuites. C'est une façon de voir les choses qui a son mérite.

Mais il n'en demeure pas moins, et il faut l'admettre d'entrée de jeu, qu'il y aura malgré tout des comités et des rapports pour lesquels nous devrons obligatoirement et de façon incontournable tenir des séances à huis clos. Que ce soit des comités portant sur la sécurité nationale ou sur des questions budgétaires, nous devrons dans ces cas-là, quoi qu'il arrive, maintenir le huis-clos.

Alors, allons-nous maintenir la pratique laxiste actuelle qui donne lieu à cette tendance malsaine? Je crois que non.

J'ajoute à cela que je suis tout à fait d'accord avec M. Graham. Nous assistons, lorsque nous avons des rencontres à huis clos entre différentes formations politiques, à ce qu'on appelle en très mauvais français du give and take. On se trouve dans une situation où on se dit prêt à céder un peu de terrain sur telle question si l'autre en cède un peu sur telle autre. Si tout cela devait se faire au vu et au su de tous, chacun resterait campé sur ses positions et il n'y aurait plus jamais moyen d'arriver à un consensus.

De toute façon, il faut en venir à la conclusion que nous devrons tenir un certain nombre de séances à huis clos. Que fait-on à partir de là? Est-ce qu'on s'en tient à la pratique actuelle qui encourage, semble-t-il, ces infractions multipliées ou devons-nous resserrer les règles de façon à pouvoir faire face à cette nouvelle réalité pour les comités qui voudront ou qui, par la force des choses, devront tenir des séances à huis clos?

Qu'avez-vous à nous proposer, monsieur Graham, ou quelles mesures avez-vous en tête pour resserrer les règles? Devrait-on prévoir une procédure d'enquête? Qui devrait conduire cette procédure d'enquête? Est-ce que ce devrait être le comité atteint ou le comité lui-même victime de fuites? Est-ce que ce ne devrait pas plutôt être ce comité normalement chargé d'étudier les questions d'atteinte au privilège en Chambre puisque, bien sûr, lorsqu'une fuite a lieu dans un comité, c'est une atteinte au privilège de l'ensemble des parlementaires et de la Chambre dans son entièreté?

J'aimerais connaître votre opinion là-dessus, monsieur Graham.

M. Bill Graham: Merci, monsieur Bergeron.

Je suis tout à fait d'accord avec vous: nous sommes dans une sorte de cercle vicieux actuellement. Parce qu'il y a des fuites, il faut ab andonner le système qui provoque les fuites et qui procure tous ces avantages dont nous avons parlé. Par ailleurs, il faut absolument tenir certaines rencontres à huis clos. Donc, il faut chercher une solution.

Cependant, dès qu'on parle de solution... Vous avez demandé quelle solution le Comité de liaison propose et quel est son point de vue, c'est-à-dire celui des autres présidents de comité. On en a discuté sans trouver vraiment de solution. En effet, si on veut sanctionner une fuite, il faut d'abord déterminer qui en est le responsable.

• 1145

Est-ce que chaque fois qu'il y a une fuite, nous allons tenir une sorte de procès judiciaire mené par le Président de la Chambre pour identifier le responsable? Est-il même possible d'identifier le responsable? Ces fuites se font assez souvent par hasard, alors que d'autres sont délibérées. Je dis qu'elles se font par hasard en ce sens que, bien qu'elles soient délibérées, dès qu'un grand nombre de rapports sont en production, il devient inévitable qu'il se produise une fuite.

Donc, il me semble qu'il ne s'agit pas de chercher un moyen d'identifier les responsables et de discipliner les gens, parce que c'est impraticable. Le problème s'est posé dans votre propre caucus. M. Fontana le sait. On parle toujours des fuites du caucus, lequel devrait être en principe complètement privé, mais de temps à autre, il y a des gens qui parlent à la presse. Il faut absolument essayer d'arrêter cela. Mais cela s'arrête par l'établissement d'un sens de la collégialité parmi les membres, ceux-ci reconnaissant que l'intérêt général passe avant l'intérêt particulier, dans un cas particulier. C'est la seule solution que pourrais proposer.

M. Stéphane Bergeron: C'est un magnifique principe, monsieur Graham, mais il existe déjà et, en dépit de son existence, nous assistons à une nouvelle tendance très malsaine, nous en convenons. Peut-être cette tendance existe-t-elle parce que nous avons une règle qui n'est pas accompagnée de sanctions.

La conséquence en est que lorsqu'un député ou une formation politique trouve son avantage dans une fuite, sachant pertinemment que de toute façon on n'en retracera pas la source et que, même si on en retrace la source, il n'y aura aucune sanction possible, l'un ou l'autre voit bien que la colonne des avantages est plus longue que la colonne des désavantages. En résultat, la tendance s'amplifie.

M. Bill Graham: Oui, mais il existe une sanction. Les responsables des fuites finissent par être connus et perdent leur crédibilité auprès de leurs collègues au sein des comités. C'est ce qui se produit chez nous actuellement. C'est très dommageable parce qu'à un moment donné, les autres membres du comité déclarent qu'ils ne veulent plus travailler avec des irresponsables.

J'imagine, par exemple, que si je demandais aux membres de mon comité, la prochaine fois, s'il y en a parmi eux qui ne veulent pas s'engager à ce qu'il ne se produise pas de fuites, je pourrais proposer que les membres du comité qui veulent vraiment travailler ensemble puissent le faire en parallèle. On tiendrait des réunions formelles du comité et celui-ci perdrait complètement la possibilité de travailler ensemble.

Donc, il y a une sanction. La sanction, c'est qu'à la fin, on perd toute crédibilité vis-à-vis de ses collègues et auprès du public canadien, qui se dit que rien de sérieux ne se fait dans ces lieux.

[Traduction]

Le président: Monsieur Solomon, moi-même, Joe Fontana, Roy Bailey, Derek Lee, John Richardson et Lynn Myers.

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NDP): Merci, monsieur le président.

J'ai apprécié vos remarques, monsieur Graham. Si je vous ai bien compris, vous suggérez que nous fassions preuve d'un peu plus de discipline et que nous comprenions mieux les répercussions de ces fuites.

S'agissant des fuites, je veux aborder deux problèmes. D'abord, les fuites concernant le budget orchestrées par le ministre des Finances, fuites concernant donc une politique gouvernementale, peuvent profiter à certains, d'une façon ou d'une autre. Il est ici tellement important de protéger l'intégrité du système que, comme nous l'avons souvent vu au Canada, quand le budget d'un ministre des Finances est coulé dans la presse, celui-ci n'a d'autres solutions que de démissionner. C'est ce qui se passe dans les provinces et au niveau fédéral. J'ai hâte de découvrir ce que le budget contient, parce que si l'on y retrouve ce qui a été dit dans les journaux, alors le ministre des Finances ne pourra faire autrement que de démissionner.

Dans le cas des comités, c'est un peu différent parce que nous formulons des recommandations en matière de politique gouvernementale et sur la façon dont elles devraient être articulées, modifiées ou formulées pour répondre aux préoccupations sur lesquelles les comités se penchent. Donc, ce n'est pas aussi tranché, ce n'est pas aussi clair et net que ce qui se passe dans le cas de la politique budgétaire du gouvernement.

Je puiserai un exemple de ce que j'ai vécu au sous-comité qui avait été chargé d'étudier les sports au Canada. Ce fut une expérience fort intéressante parce que dès le deuxième jour de notre séance à huis clos, le rapport entier se retrouvait dans les journaux, qui n'ont d'ailleurs pas exposé la version de mon parti.

• 1150

J'ai alors été contacté par des journalistes qui voulaient savoir quelle était ma position au sujet du rapport. Je leur ai dit qu'il était confidentiel tant qu'il ne serait pas déposer. Ils m'ont rétorqué: «Tous les autres ont donné leur opinion sur cette question, alors dites-nous ce que vous en pensez». Je me suis contenté de déclarer: «Peu importe que les autres aient réagi, personnellement je vais attendre la publication du rapport pour le faire. Mais sachez que si c'est dans le rapport, c'est que c'est ma position».

Comment réagir à cela, monsieur Graham, quand il s'agit d'un rapport de comité? Pensez-vous qu'il soit raisonnable de couler des informations dans la presse pour mousser la parution prochaine d'un rapport, si vous voyez ce que je veux dire? Que faire quand des journalistes obtiennent certaines informations auprès des témoins pendant les audiences? Y a-t-il un type de fuite qui ne soit pas acceptable? Seriez-vous d'accord avec le modèle australien qui consiste à imposer de lourdes peines en cas de fuite d'un rapport?

M. Bill Graham: Eh bien, monsieur Solomon, je vais commencer par vous donner ma position en tant que président du comité de liaison représentant l'ensemble des présidents de comité. Personnellement, je ne pense pas que mes homologues disposent du pouvoir voulu pour régler ce genre de problème. Je ne suis pas certain qu'il faille donner au président des comités le pouvoir de contrôler les fuites pour en arriver à un système qui fonctionnerait mieux. Du moins, je n'envisage pas un tel rôle pour l'instant.

Il faudrait alors, comme vous le proposiez, adopter le modèle australien selon lequel le président de la Chambre devrait en quelque sorte imposer une discipline judiciaire aux députés.

M. John Solomon: Seriez-vous d'accord avec le modèle plus sévère...

M. Bill Graham: Je ne connais pas suffisamment bien le modèle australien, mais je suis d'accord pour m'y intéresser de plus près. Je dirais que la situation est suffisamment grave pour mériter qu'on examine sérieusement une façon de la régler. M. Bergeron estime que si l'on n'impose pas de sanctions, on ne pourra jamais empêcher les gens de couler l'information. Comme il l'a indiqué, mon idée de sanction morale est peut-être fort belle, elle est peut-être un noble principe, mais elle est tellement vague qu'elle ne s'appliquera pas dans la chaleur des débats partisans du moment. Voilà le problème qui se pose.

Je n'ai pas de véritable solution à vous proposer, parce que je n'ai pas eu l'occasion d'examiner de près le modèle australien et de savoir jusqu'où il va. Personnellement, je dirais qu'il faut se montrer très prudent dans la façon de l'aborder.

M. John Solomon: Monsieur Graham, seriez-vous d'accord avec le principe d'un code d'éthique devant régir les membres des comités, code partant du principe que si nous avons des droits nous avons aussi des responsabilités incontournables. Si les membres des comités étaient régis par un code d'éthique—qu'ils comprendraient et accepteraient d'appliquer—penseriez-vous que nous serions moins en butte à des fuites ou encore que les comités tout entier, plutôt que les présidents seuls, auraient davantage de contrôle sur le coulage des rapports?

M. Bill Graham: Un code d'éthique serait utile. Par exemple, il m'aurait été utile quand j'ai été élu à la Chambre, parce que je ne comprenais pas la nature du fonctionnement du système. Chaque institution obéit à ses propres traditions et modus operandi, qui évoluent dans le temps au rythme des changements de gens et de politiques. Un tel code d'éthique serait très utile parce qu'il permettrait à bien des gens de comprendre ce qui se passe.

Cependant, il faudrait qu'il soit bien rédigé. Il ne s'agirait pas, à proprement parler, d'un code d'éthique, mais il serait bien d'avoir une sorte de code fixant l'entente survenue entre les cinq partis actuels, lesquels reconnaîtraient l'importance de ces principes et se diraient disposer à y souscrire. Je serais tout à fait favorable à cela.

M. John Solomon: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, John.

Chers collègues, il ne m'arrive pas souvent de m'inscrire pour avoir la parole et j'espère que cela ne vous dérange pas. Je veux parler des présidents et des comités et j'espère que mon intervention aura un lien direct avec le dossier dont nous sommes saisis. Je vais donner l'exemple en étant bref.

Bill, tout à l'heure, on a indiqué que nous avons produit quelque chose comme 55 ou 56 rapports cette année, mais qu'aucun d'eux n'a fait l'objet de fuites car, même si notre travail est très important, ils n'intéressaient personne.

[Français]

M. Bill Graham: On s'en fout complètement.

[Traduction]

Le président: Bill, avez-vous entendu parler d'institutions importantes où aucune règle ne régit le huis clos? Par exemple, dans ma circonscription, le conseil communal, le conseil municipal, le conseil de comté et le conseil scolaire pratiquent tous le huis clos pour diverses raisons—pour des raisons personnelles, pour produire des rapports dans certains cas et ainsi de suite. Avez-vous entendu parler d'institutions au Canada qui ne pratiqueraient pas le huis clos?

• 1155

M. Bill Graham: Non, je n'ai entendu parler d'aucune institution au Canada ne pratiquant pas le huis clos occasionnellement, pour les raisons que vous avez mentionnées. Il y a toujours une raison...

Le président: Donc, on peut dire qu'à l'échelle locale les conseils de ce genre ont pu éprouver le même genre de problèmes que ceux auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, et j'en sais quelque chose parce que j'ai siégé à certains d'entre eux.

M. Bill Graham: Effectivement.

Le président: Comme vous le savez, il existe à la Chambre un ordre permanent, l'article 14 du Règlement intitulé «Avis aux étrangers» stipulant que la Chambre peut décréter le huis clos. Pour autant que je sache, ce règlement n'a pas été invoqué depuis des décennies, peut-être même depuis la Seconde guerre mondiale. Au Parlement, les dispositions du huis clos sont appliquées à l'échelon des comités et, dans les faits, la Chambre ne peut le faire. J'ai cependant constaté que le Sénat américain avait déclaré le huis clos l'autre jour, mais cela est également très rare là-bas.

M. Bill Graham: J'ai remarqué que les sénateurs avaient décrété le huis clos pour lire leur discours, ce qui ne les a pas empêchés de faire des déclarations à la presse par la suite.

Le président: Là-bas aussi il y a eu des fuites.

Pourriez-vous nous parler un peu des réunions tenues à huis clos sous l'angle du contrôle exercé par le gouvernement. Imaginons, par exemple, le cas suivant: un comité produit à huis clos un rapport—qu'on peut imaginer comme étant minoritaire pour l'instant et sans doute même pendant longtemps encore. Si l'on supprimait le huis clos, après les auditions, on pourrait imaginer que chacun s'en irait de son côté: le gouvernement pour produire son propre rapport, les partis de l'opposition, s'ils le désirent, pour produire les leurs, après quoi tout le monde se réunirait pour voter. N'est-ce pas ainsi que les rapports seraient produits dans ces conditions?

M. Bill Graham: Eh bien, c'est précisément ce qui m'inquiète, monsieur le président, je craindrais que nous ne passions à côté de l'occasion de nous réunir pour discuter de ce qui nous intéresse de façon franche et ouverte, dans un cadre où tout le monde peut échanger et où, j'ajouterai, on se montre prêt à faire des compromis. Le gouvernement et l'opposition ont été disposés à bouger, parce que nous avons fait des compromis, normalement dans le genre de conditions dont nous parlons. Si nous supprimons le huis clos, nous risquerions, comme vous le dites, de nous retrouver dans une situation où tout le monde, le gouvernement en premier, camperait sur ses positions. Je ne dis pas que personne ne céderait jamais, mais les chances d'un consensus seraient d'autant réduites et nous n'aurions jamais de rapports unanimes.

M. Strahl semble affirmer que tout le système est plutôt favorable au gouvernement. C'est peut-être vrai dans une certaine mesure, mais c'est la nature du jeu politique auquel nous participons, à savoir que dans une démocratie parlementaire c'est le gouvernement qui contrôle la Chambre des communes. Nous ne sommes pas une démocratie de type congressionnel, nous sommes une démocratie parlementaire et nous devons admettre que telle est la nature du milieu dans lequel nous évoluons. Cela étant, le gouvernement bénéficie de ce genre d'avantage et les choses demeureront ainsi tant que l'on n'apportera pas de changement constitutionnel.

Cela ne revient pas à dire que dans certains cas—et cela se produit tout le temps dans mon comité, comme pourront en témoigner vos collègues ainsi que M. Turp—où l'opposition négocie. On nous dit: «Pour obtenir ceci, êtes-vous prêts à renoncer à cela?» Il arrive souvent que le parti gouvernemental accepte. Je ne puis parler pour les autres comités, mais à mon comité, il règne d'excellentes relations de travail entre les députés. Cependant, ce mode de fonctionnement est attribuable au fait que nous avons confiance les uns dans les autres, que personne ne va poignarder son voisin dès qu'il tournera le dos. Si nous perdons cette confiance, nos bonnes relations de travail disparaîtront en bloc, ainsi que tous les avantages qui les accompagnent.

Le président: Je donne à présent la parole à Joe Fontana, qui sera suivi de Roy Bailey, de Derek Lee et de John Richardson.

M. Joe Fontana (London North Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je trouve que le témoignage de Bill est capital.

Il est illusoire, quant à moi, de penser que sur la scène politique—surtout en présence de cinq partis politiques—nous puissions jamais parvenir à un consentement unanime. Je n'ai pas de statistiques devant moi, mais je ne crois pas que beaucoup de rapports soient le produit d'une vision partagée par tous les partis politiques. Si jamais cela arrive, ce doit être très rare. Le cas échéant, je suis sûr que de la fumée blanche s'échappe de la Tour de la paix et que les Canadiens et les Canadiennes se disent que quelque chose se passe à la Chambre des communes parce que les cinq partis politiques... Je suis donc d'accord avec vous, ce ne peut être qu'une exception. Plus les rapports sont confidentiels et plus ils revêtent d'importance sur le plan politique. Ils sont politiquement importants pour tout le monde.

Bill, ne seriez-vous pas d'accord—et je crois que nous en avons d'ailleurs déjà parlé la semaine dernière—pour que tout soit public. En fait, si l'on regarde ce qui se passe dans les audiences des comités aujourd'hui, force est de constater que le gros du travail se fait en public jusqu'à ce que nous arrivions au stade de la négociation d'une position unanime. En fin de compte, le mieux pour cette institution et pour la population canadienne serait de voir comment leurs partis politiques fonctionnent ensemble. Dans certains cas, comme vous le savez, on peut s'entendre à 99 p. 100 sur la teneur d'un rapport. Quand il y a des différences, c'est parce que nous réclamons le droit de ne pas être d'accord et nous tenons alors des débats. Je ne crains rien dans le fait que le public perçoive les différences d'approche entre les cinq partis politiques.

• 1200

Bill, estimez-vous que la règle devrait préciser que tout doit être public à l'exception des questions de sécurité nationale pour le pays, du budget—ce qui est l'évidence même—de nos accords de sécurité, du SCRS, des affaires étrangères et, comme vous l'avez indiqué dans votre témoignage, des situations où le témoin déclare ne pas vouloir comparaître en public parce qu'il veut communiquer des renseignements confidentiels et qu'il préfère le huis clos? Dans tous ces cas on pourrait effectivement appliquer le huis clos. Dès lors, la règle ne devrait-elle pas préciser que toutes les réunions doivent être publiques—sauf dans des cas précis déterminés d'après des critères très stricts de confidentialité—étant donné que nous sommes une institution politique où la différence a sa place et qu'il n'y a dès lors rien de mal à ce que la population constate ce genre de différence?

Je suis entièrement d'accord avec vous. Il ne sert à rien de s'en prendre aux médias parce qu'ils obtiennent de toute façon tout ce qu'ils veulent. C'est leur travail. Quant à punir celui ou celle qui aurait coulé une information appartenant essentiellement au domaine public dans la plupart des cas, nous ne pourrions pas faire grand chose sans nous attaquer...

On a dit que 38 p. 100 des rapports avaient été coulés dans la presse. Un grand nombre d'entre eux ont été produits par le comité de George. Je ne sais pas pourquoi les pêcheries étaient si importantes à l'époque. Peut-être était-ce parce que le président était tellement extravagant, captivant... Que sais-je encore?

M. Chuck Strahl: Qui dit fuite dit eau et qui dit eau dit pêche.

M. Joe Fontana: Encore une fois, cela revient à dire que moins nous essaierons de travailler en privée, à l'exception de quelques cas très limités obéissant à des critères stricts, moins nous aurons à nous soucier des fuites, à nous interroger sur qui a l'avantage politique et à nous demander ce qu'il faudrait faire en cas de coulage. N'est-ce pas l'approche que nous devrions adopter?

Le président: Je ne voudrais pas que le président du comité de liaison pense que les membres de notre comité ignorent systématiquement leur président, Joe.

M. Joe Fontana: Bien sûr, ce n'est pas comme au comité de liaison.

Le président: C'est vrai. Parfait, poursuivons.

Bill Graham.

M. Bill Graham: Vous savez, parfois nous échangerions bien notre présidence contre un cheval...

Je suis entièrement d'accord avec vous Joe, le consentement unanime est rare. Il est même possible que mon comité, le Comité des affaires étrangères, soit l'un des rares où l'on réalise l'unanimité parce que nous ne sommes pas appelés à traiter de dossiers litigieux, comme celui du poisson dans le cas de M. Baker, qui soulèvent peut-être plus d'émotions que ce dont nous parlons aux Affaires étrangères.

Je n'ai jamais eu de problème avec la règle de fonctionnement. Je pense que la plupart des présidents seraient d'accord avec une règle stipulant que tout doit être public à l'exception des questions relevant clairement de la sécurité nationale. Comme vous le disiez, celles-ci seraient traitées à huis clos au moment de la rédaction du rapport moyennant certaines réserves. À ce stade, j'ai l'impression que nous devrions pouvoir nous rassembler et nous entendre sur le fait que le travail doit se faire à huis clos.

Cela nous ramène peut-être à la partie du problème évoqué par M. Strahl au sujet des témoins. Mais encore une fois, je me permets d'émettre une mise en garde. Une certaine confiance doit régner pour que le système de comité fonctionne, ce qui dépend de la présidence. Quand un témoin demande à comparaître à huis clos, j'en fais toujours part à mon comité parce que nous votons sur ces questions étant donné que nous essayons de fonctionner de façon consensuelle. Eh bien, si un ambassadeur étranger, par exemple, demande à comparaître à huis clos et que le comité rejette la formule, nous passons à côté de son témoignage. Il y a un choix à faire: soit l'on accepte le huis clos, soit l'on n'entend pas le témoin.

Ainsi, les comités devront toujours avoir la possibilité, dans certains cas, de refuser la publicité pouvant entourer leurs audiences ou la tenue d'une audience publique pour obtenir l'information qu'ils ne peuvent pas avoir autrement. Les membres des comités doivent pouvoir se prononcer librement à ce sujet. Cet aspect touche à l'information.

Comme je le disais, notre comité a adopté la règle que vous avez proposée, c'est-à-dire que toutes nos audiences doivent être publiques sauf dans les rares occasions où tout le monde s'entend sur le fait que le huis clos est nécessaire. Quand ils se prononcent contre le huis clos, nos membres doivent être conscients qu'ils n'auront pas la possibilité de prendre connaissance de certaines informations, parce qu'on ne les leur aurait communiquer qu'en privé.

Le président: Chers collègues, nous allons un peu accéléré le pas. J'ai sur ma liste les noms de Roy Bailey, de Derek Lee, de John Richardson, de Lynn Myers, de Madeleine Dalphond-Guiral, de George Baker puis de Chuck, une nouvelle fois.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci à vous, monsieur Graham pour vos remarques.

• 1205

Pour bien vous montrer l'importance de tout cela, il y a un an environ j'ai fait une déclaration avant le budget—mais je ne me rappelle même pas le nom du journaliste—pour affirmer que tôt ou tard nous devrions parler du salaire de nos militaires qu'on avait beaucoup négligés, mais j'ai précisé que je ne savais pas comment cela pourrait bien se retrouver dans le budget. Eh bien, ce matin, le journaliste en question m'a retéléphoné pour me dire que mon voeu venait d'être exaucé. Quand je lui ai demandé son nom, il m'a répondu que tout cela se trouvait en première page du Toronto Sun, où l'on pouvait lire qu'on avait réservé 500 millions de dollars au titre de la masse salariale des militaires.

M. Joe Fontana: Dites-moi Roy, vous avez une sacré influence.

M. Roy Bailey: Pas du tout. Je ne siège même pas à ce comité. J'ai même été pris un peu au dépourvu, parce que je ne me rappelais absolument pas avoir fait cette déclaration, mais surtout j'ai été surpris par le fait que cette information ait pu être coulée.

Je vais répondre à ce que vous avez dit tout à l'heure, Peter. J'ai moi-même siégé à de nombreux conseils qui pratiquent le huis clos. Certains étaient plus petits que nos comités, mais d'autres étaient aussi importants. Le secret du huis clos était quasiment garanti car dans ce genre de comité, les risques de fuite étaient presque nuls étant donné qu'on aurait pu attraper le coupable plus rapidement qu'ici à Ottawa.

Tout faux pas dans certaines de ces organisations, à l'échelon provincial comme à l'échelon local, était purement et simplement puni par l'interdiction de siéger de nouveau au conseil des ces organisations. En fait, M. Graham, les conseils de la santé de la Saskatchewan sont appelés à traiter de dossiers très délicats, comme j'imagine d'ailleurs, tous les autres partout au Canada actuellement. Les conseils en Saskatchewan sont en partie élus, en partie nommés. Chaque nouveau membre doit signer une déclaration accordant au conseil le droit de le poursuivre s'il venait à divulguer des renseignements confidentiels.

Je ne recommande pas d'aller aussi loin que de faire un sondage, mais qu'est-ce que le public canadien pense à présent de tout ce problème de fuite? Les gens me disent que tout cela est voulu. Ils croient que c'est délibéré. Ils me disent que c'est une façon pour le gouvernement et pour les autres d'attirer l'attention de la presse. Dès qu'ils sentent la pression, les politiques veulent aller tâter l'eau du bout des pieds pour voir dans quelle mesure ce qu'ils veulent proposer sera accepté.

On dirait également que la presse aime beaucoup cela; c'est un âge d'or pour elle. Le journalisme est un milieu très compétitif et il faut toujours avoir un temps d'avance sur les copains. Malheureusement, on se trouve ainsi à détruire l'intégrité que les comités sont censés protéger. Je sais qu'on parle de nouvelle culture, mais nous devrions peut-être revenir à l'ancienne culture. Si l'on continue ainsi, nous allons complètement détruire ce qui fait la réalité d'un comité et la raison pour laquelle, historiquement, on a adopté ce mode de fonctionnement. Il n'y aura plus aucune raison de siéger parce que chacun deviendra une source d'informations pouvant faire l'objet d'un argumentaire dans la presse.

Il nous faut régler ce problème. On ne peut continuer à ce rythme, parce que, sinon, nous allons non seulement détruire le système de comité, mais aussi toute la procédure parlementaire. Ce n'est certainement pas ce que nous voulons faire au Canada parce que Dieu sait que nos compatriotes ne nous tiennent déjà pas en très haute estime.

C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur Graham.

M. Bill Graham: Je suis entièrement d'accord avec cela. Je suis tout à fait d'accord avec le député. C'est exactement ce qui se passe. Malheureusement, il est comme moi. Hormis l'exemple de la Saskatchewan, dont nous pourrions nous inspirer, il est difficile de savoir quel mécanisme adopter.

M. Roy Bailey: Alors, c'est tout ou rien?

M. Bill Graham: Nous pouvons toujours essayer de convaincre les députés à propos des aspects sur lesquels vous et moi sommes d'accord, mais à part cela, j'estime que tout est question d'information publique. Si les partis parvenaient à convaincre leurs députés—si M. Fontana et tous les gens de son groupe étaient prêts à annoncer en caucus que nous tentons de mettre un peu d'ordre dans tout cela, il est possible qu'une telle intervention nous aide. Peut-être que votre idée de code d'éthique—code sur lequel tous les partis s'entendraient—est un pas dans la bonne direction, ne serait-ce que pour rappeler aux députés l'importance de la question. J'ai l'impression que nous avons oublié ce à côté de quoi nous passons, parce que nous marquons des points au quotidien. Je vois mon nom dans les journaux, et c'est très bien. Cependant, nous perdons de vue tout ce à quoi nous devons renoncer pour des résultats immédiats.

Le président: Derek Lee, John Richardson, Lynn Myers.

• 1210

M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.): Je veux faire un appel au règlement, monsieur le président. M. Lee est, à ma connaissance, peut-être le seul expert du système parlementaire britannique en ce qui concerne le pouvoir des comités et leur fonctionnement en matière de confidentialité des rapports. Il est d'ailleurs sur le point de publier un ouvrage sur le sujet. Je crois qu'il ne lui reste plus qu'à préparer son index...

Le président: Dites-moi, George, votre appel au règlement est plutôt long.

M. Joe Fontana: Alors ça, j'adore! Il est en train de nous annoncer en primeur la publication d'un livre.

M. George Baker: Nous ne voulons certainement pas le faire venir ici pour nous dévoiler le contenu de son livre, mais croyez-moi, c'est le seul ouvrage du genre à traiter actuellement de ce qui se passe dans un comité, de ce que sont les pouvoirs d'un comité et de son fonctionnement en matière de contrôle des rapports et ainsi de suite. Je recommande qu'on l'invite comme témoin lors d'une prochaine rencontre, pour que nous puissions lui poser quelques questions.

Le président: Bien, c'est la fin de votre appel au règlement.

Chers collègues, je veux revenir sur une chose que j'ai mentionnée au début et pour laquelle je ne pense pas que nous ayons à recourir à un comité directeur. J'ai, sur ma liste, le nom de Derek au même titre que tous les autres. Or, je vous concède qu'il a une position très spéciale. Il est parmi nous à simple titre de député, mais si vous le voulez, je serai très heureux de lui demander de venir nous dire ce qu'il pense de toute cette question. Alors, si les membres du comité sont d'accord, nous pourrions l'entendre comme témoin.

Derek, excusez-moi de vous imposer cela. Sachez que nous apprécions votre présence mais dans la situation actuelle, vous êtes un simple député rendant visite au comité.

M. Derek Lee: Merci, monsieur le président. Cela ressemblait un peu à un publi-reportage et je n'ai rien contre.

Le président: Votre attaché de presse a fait du bon travail.

M. Derek Lee: Merci, monsieur Baker.

Avant de poser mes deux ou trois questions, monsieur Graham, j'aimerais que nous fassions la différence entre le budget et les fuites relatives au budget, d'une part, et les rapports de comité et le coulage d'informations les concernant, d'autre part. D'abord, la préparation d'un budget n'est pas un exercice parlementaire, c'est un exercice qui concerne le gouvernement. La présentation du budget, par contre, est bien un événement parlementaire. La préparation d'un rapport de comité n'est pas un exercice gouvernemental, c'est un exercice parlementaire. Il en va de même pour son dépôt au Parlement, qui est un événement parlementaire. Ainsi, pour ce qui est des fuites du budget, et bien que l'on puisse tenir à protéger l'événement parlementaire ainsi que le processus qui s'y rattache par respect pour le Parlement—et je suppose que le greffier de la Chambre vous en a parlé—nous voulons surtout et avant tout protéger l'événement parlementaire que constitue le discours sur le budget.

Au Parlement, nous n'avons pas vraiment notre mot à dire dans l'exercice gouvernemental de préparation du budget. Je dirais que c'est comme tout autre livre blanc ou rapport du gouvernement. J'invite donc le comité à s'intéresser davantage à la question des rapports de comité qu'à celle du budget, qui encore une fois est un exercice gouvernemental, même si l'événement parlementaire qui le clôt est important.

En votre qualité de président, monsieur Graham, seriez-vous d'accord avec la nécessité—et je pense que nous allons nous entendre à ce propos—de protéger le principe du huis clos, que ce principe soit appliqué fréquemment ou pas, parce que nous en avons besoin dans notre travail de parlementaires?

M. Bill Graham: C'est vrai, nous en avons besoin à l'occasion.

M. Derek Lee: Ainsi, en votre qualité de président de comité, seriez-vous prêt, si votre comité le jugeait nécessaire, à adopter un mécanisme ou un système de protection du huis clos? Ne pensez-vous pas qu'il serait utile—au début, en cours de délibérations, à la fin des délibérations ou au stade de la préparation d'un rapport—de pouvoir décréter le huis clos sur la décision du comité plénier?

M. Bill Graham: Je ne suis pas certain de bien comprendre.

M. Derek Lee: Pour l'instant, il existe un mécanisme et des procédures régissant le huis clos. Cela est précisé dans le Règlement et le huis clos peut s'appliquer dans tous les cas, parce que c'est ce que dit le Règlement ou du moins la tradition. Mais cela ne revient pas à dire que tous les membres du comité sont au courant, au début de la réunion. Certains peuvent se retrouver dans un huis clos sans s'y attendre. D'où ma question: ne pensez-vous pas qu'il serait intéressant, vous qui êtes président, que les membres de votre comité puissent adopter un mécanisme de huis clos, de façon ouverte, au début de la rencontre, au début du processus?

• 1215

M. Bill Graham: Certes, je pense que ce serait utile. Bien sûr, nous ne devons pas oublier le petit panneau qui indique «À huis clos» à l'entrée de la pièce. En général, il est là, on ne peut pas le rater... Mais vous avez raison, la présidence devrait porter cela à l'attention des membres.

Cependant, je crois que vous entreriez alors dans les complications. De toute évidence, il y a des cas où certains membres du comité voudraient siéger à huis clos et d'autres pas. C'est à ce stade que les fuites deviennent plus délicates. Ceux qui ne veulent pas siéger à huis clos sont naturellement plus enclins à parler de ce qui se passe en dehors du comité, sans respect pour le caractère privé des débats, surtout s'ils ont l'impression qu'en tenant le huis clos on passe outre leurs droits alors que, logiquement, ce ne devrait pas être le cas.

Eh bien, personnellement, je dirais que les présidents et les membres des comités doivent se montrer très prudent dans l'application du huis clos, comme l'a suggéré M. Fontana. Il faut retenir une grande règle: la décision se prend en public et il faut donc se ranger publiquement à l'opinion des députés désirant passer au huis clos. Cela, je crois, est très important. Si tout le monde n'adhère pas au principe du huis clos, il y en aura toujours qui penseront avoir été pris au piège, qui auront l'impression que le comité passe au huis clos pour essayer de les empêcher de discuter ouvertement de la question, qui seront tentés de se rebiffer et d'empêcher que les choses fonctionnent normalement.

M. Derek Lee: Il s'est produit un problème de fuite à votre comité des affaires étrangères au sujet d'un rapport, dont vous nous avez d'ailleurs parlé. N'aurait-il pas été mieux pour la Chambre que tout votre comité dispose des pouvoirs nécessaires pour examiner la question avant qu'elle ne soit soulevée en Chambre? N'auriez-vous pas dû, en comité, essayé de déterminer l'origine de la fuite afin d'en faire rapport à la Chambre par la suite, sous la forme d'une question de privilège?

Les députés se rendent bien compte qu'il y a atteinte au privilège à cause de la fuite; ils se lèvent en Chambre pour dénoncer cette violation, mais la Chambre ne sait pas ce qu'elle doit faire. La plupart du temps, le président de la Chambre renvoie la question à votre comité, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Cependant, lui-même ne sait pas ce qu'il doit faire et tout est à repenser chaque fois qu'un tel problème se produit.

On peut supposer que tous les comités sont effectivement préoccupés par le problème du huis clos et de la violation des privilèges. Ne pensez-vous pas qu'il serait plus utile de confirmer à l'ensemble des comités tous les pouvoirs qu'ils ont actuellement pour qu'ils enquêtent eux-mêmes sur les fuites? Si les gens sont vraiment préoccupés par ce problème, pourquoi les comités ne s'en occuperaient-ils pas directement? Pourquoi n'appelleraient-ils pas des témoins en se servant de leurs pouvoirs, et pourquoi ne déposeraient-ils par un rapport en Chambre contenant des recommandations. Soit, ils trouveraient le responsable de la fuite, soit, ils feraient chou blanc. Si toute cette question est suffisamment importante pour qu'on s'en plaigne, pourquoi ne serait-elle pas assez importante pour que les comités fassent eux-mêmes leur travail?

M. Bill Graham: Vous avez soulevé deux questions ici. Quand j'ai invoqué une question de privilège en Chambre à ce propos, j'ai dit au président de l'époque—j'ai d'ailleurs la transcription ici—que j'intervenais à la demande de tous les membres de mon comité. Nous en avions parlé en comité et M. Strahl se le rappellera sûrement. J'ai alors déclaré que c'était sans espoir. Nous avions voulu préparer un rapport, mais cela n'avait pas fonctionné; c'était tellement fou. Tout le monde était d'accord, c'était fou.

Vous pouvez toujours estimer que le comité avait les pouvoirs nécessaires pour aller au fond des choses, mais il faut se rappeler que dans cette situation, tout le monde accusait tout le monde en disant: «Ce n'est pas moi qui l'ai fait, c'est quelqu'un d'autre». Les autres répondaient: «Qu'est-ce que vous sous-entendez? Je n'avais aucun intérêt à le faire. C'est quelqu'un d'autre qui l'a fait».

M. Derek Lee: Mais qui d'autre alors, si cela ne venait pas du comité?

M. Bill Graham: En comité, nous avons tenu un débat pour savoir qui était responsable, mais nous ne sommes pas arrivés à aller au fond des choses. Ainsi, nous nous sommes entendus sur le fait que cet incident était regrettable et j'ai été autorisé par les membres du comité à me lever en Chambre en vertu d'une question de privilège. Encore une fois, ce n'était pas une question de fait personnel, mais une question de privilège soulevée au nom de tous les membres du comité.

Le président: Merci, Bill.

Merci, Derek. Je dirais que vous avez abordé la question sous un angle fort intéressant. On s'entend sur le fait que vous devriez être appelé en tant que témoin, mais je me dois d'être juste envers mes collègues.

M. Derek Lee: Je vous comprends.

Le président: Bon, l'affaire se présente un peu différemment. Les partis sont d'accord pour vous inviter et nous devons en savoir gré à votre attaché de presse.

Si cela vous convient, Derek, nous verrons ensemble quand vous serez convoqué, mais ce sera certainement le jeudi de la reprise des travaux. Quoi qu'il en soit, je vous rafraîchirai la mémoire personnellement.

Excusez-moi, Bill.

M. Bill Graham: Pourrais-je ajouter une chose?

Le président: Si c'est court.

M. Bill Graham: Ce sera très court.

M. Lee pourrait-il nous expliquer les pouvoirs dont disposent les comités en la matière? Comme d'autres députés vont enchaîner leurs interventions, j'aimerais obtenir ma réponse tout de suite.

Le président: Eh bien, il faudra qu'elle soit brève.

• 1220

M. Derek Lee: Monsieur le président, en vertu du règlement, le comité dispose déjà des pleins pouvoirs nécessaires pour convoquer un témoin, réclamer des documents et des dossiers. Il est tout à fait conforme au mandat d'un comité que celui qui s'occupe lui-même de ses procédures et les applique. En revanche, dès qu'une réprimande ou un rappel à l'ordre s'impose, c'est la Chambre qui doit s'en occuper parce qu'elle peut appliquer, pour cela, toute une batterie de sanctions, de contraintes, de remontrances, de suspensions, d'expulsions et d'emprisonnements et qu'elle a le pouvoir d'exiger des rapports.

Le président: Autrement dit, on peut les condamner aux galères.

M. Derek Lee: Certains considèrent que la prison est une idée un peu ringarde, mais les Australiens y ont eu recours il y a deux ans quand ils ont condamné à la prison un témoin pour violation.

Le président: Parfait.

Comme je le disais, l'angle sous lequel vous abordez la question est très différente, Bill, et nous allons nous quitter sur cela. Cependant, vous devez savoir que ce comité, le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, dispose en théorie de plus de pouvoirs que cela.

M. Joe Fontana: Nous avons tous un fouet.

Le président: C'est exact, nous avons un fouet. C'est vrai.

Nous allons maintenant entendre dans l'ordre, John Richardson, Lynn Myers, Madeleine Dalphond-Guiral, George Baker et Chuck Strahl.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai hâte d'entendre l'exposé de Derek sur les pouvoirs des comités, car cela va beaucoup nous éclairer.

Il y a environ 1999 ans de cela, il y a déjà eu un comité très puissant que dirigeait un homme qui a perdu la vie à cause d'une fuite. Un certain Judas Iscariot a en effet révélé aux Romains où se trouvait Jésus-Christ et ses apôtres. Eh bien, si ce groupe très uni, hautement spirituel, n'est pas parvenu à tenir tout le monde sous la bride, c'est que le problème est général.

M. Bill Graham: Certes, mais qui a obtenu les trente pièces d'argent?

M. John Richardson: Je ne le sais pas. D'ailleurs, je n'ai pas à vous répondre à ce sujet.

M. Bill Graham: Et ici, qui retire les pièces d'argent?

M. John Richardson: Ce serait certainement très bien, Bill, si l'intérêt était composé.

Quoi qu'il en soit, je vais m'arrêter là, parce qu'il sera certainement mieux d'entendre ce que Derek a à nous dire que de pinailler pour l'instant sur des détails.

M. Chuck Strahl: Billy Graham est la personne toute choisie vers qui il convient de se tourner si la question est religieuse.

M. John Richardson: Bill Graham est l'homme de la situation.

Le président: Nous allons entendre Lynn Myers puis Madeleine.

Mme Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tenais à dire que j'ai trouvé vos arguments très solides ce matin. Personnellement, j'estime que le huis clos est nécessaire. Je ne crois pas qu'on puisse remettre ce principe en doute. Je rejette d'emblée l'idée qu'on tienne toujours des réunions publiques. Je ne pense pas que cela fasse partie de la donne.

À l'instar de M. Bailey, j'ai moi aussi une expérience de la scène municipale. En fait, j'ai vingt ans d'expérience dans ce milieu. Dans ma municipalité, la sanction imposée en cas de fuite est le renvoi pur et simple du comité ou du conseil où l'on siège. C'est peut-être extrême, mais j'aimerais savoir ce que M. Lee aura à dire quant au genre de pouvoir dont les comités disposent.

Monsieur le président, je voulais vous parler de ce qui se passe au comité des comptes publics, qui est présidé par un membre de l'opposition, M. Williams, et dont je suis la vice-présidente. Eh bien, nous déclarons le huis clos dès que nous passons à l'étude des rapports à l'étape d'ébauche. Très honnêtement, je dirais que les choses fonctionnent très bien. À l'exception d'une seule fois peut-être, je ne me rappelle pas avoir vu un rapport minoritaire. En fait, nous essayons de faire l'unanimité entre tous les partis et de dégager un consensus pour rédiger nos rapports, ce qui fait de nous un exemple de la façon dont le système peut fonctionner. Selon moi, il fonctionne très bien.

J'ai une brève question à poser à M. Graham. Il a été question d'imposer des sanctions aux médias. Je ne suis pas certaine qu'on puisse le faire. D'ailleurs, nous ne voudrons peut-être même pas le faire, car pour ce genre de question, ce n'est peut-être pas avisé. Quoi qu'il en soit, ce comité devrait-il envisager cette formule ou celle-ci est-elle tellement tirée par les cheveux qu'il ne vaut même pas la peine de s'y arrêter?

M. Bill Graham: Eh bien, comme les médias sont présents, je suggérerais que nous déclarions le huis clos pour en parler.

Des voix: Ah, ah!

M. Bill Graham: Mike a le dos assez large pour encaisser les coups de fouet.

Au début, j'ai essayé de dire qu'il ne servirait à rien de sanctionner les médias dans le monde dans lequel nous vivons. Je crois que nous devons nous attaquer à ce problème à la source, pas au niveau des récipiendaires.

Comme je le disais, il est difficile de faire des généralités. Permettez-moi de revenir sur ce que M. Lee a dit. J'ai l'impression que la situation est totalement différente selon qu'il s'agit d'un problème de fuite touchant à la sécurité nationale—susceptible d'avoir des conséquences graves pour une personne ou pour la nation—ou d'un problème de fuite intervenant dans le cadre de comités normaux, problème auquel les présidents seront confrontés. Le hic est d'essayer de faire fonctionner le comité pour qu'il serve au mieux les intérêts de tous. Ces deux situations sont très différentes l'une de l'autre. Mais en général, je répondrais par la négative. Il peut y avoir de très rares cas justifiant un écart par rapport à cette règle.

Reste à savoir comment nous allons appliquer les sanctions et j'ai hâte d'entendre ce que M. Lee va nous dire à ce sujet. Il serait intéressant de savoir si les comités peuvent se permettre de prendre le temps nécessaire pour se pencher sur ce genre de problème. En ce qui concerne notre comité, nous sommes tellement occupés que si l'on décrétait qu'il faut réserver deux semaines pour savoir qui a coulé le dernier rapport, tout le monde dirait que c'est de l'histoire ancienne et qu'il faut passer à autre chose. Donc, il sera peut-être difficile d'inciter les comités à s'occuper de ce genre de problème.

• 1225

Quoi qu'il en soit, telle est la problématique et je ne pense pas qu'il convienne d'envisager de sanctionner les médias.

Le président: Merci.

Madeleine Dalphond-Guiral, puis George Baker.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Je pense que tout le monde autour de cette table admettra avec moi que la réputation des parlementaires, dans l'ensemble de la population, n'est certainement pas très enviable. Je me demande donc si moi, en tant que parlementaire, je me perçois comme professionnelle et comme professionnelle de quel niveau. Au fond, c'est peut-être la question qu'il faut se poser.

Si on faisait une enquête vraiment bien faite, comportant un certain nombre de questions pour savoir quels éléments, selon l'opinion des gens, démontrent un manque de professionnalisme, il m'apparaît clairement que le coulage de renseignements considérés comme confidentiels entrerait en ligne de compte.

Je pense que nous avons effectivement un examen de conscience à faire. Un certain nombre de réflexions ont été émises. Ainsi, John Solomon a parlé d'une espèce de code d'éthique. De son côté, monsieur le député du Parti réformiste a fait allusion à ce qui se passait au niveau municipal.

Quand on devient député, on signe un engagement. N'y aurait-il pas lieu que, dans cet engagement, il soit clairement écrit qu'on s'engage à respecter la confidentialité chaque fois qu'elle est de règle?

J'ai un souvenir récent. Je me suis retrouvée, dans l'ancienne législature, à siéger à la Régie. Là, on prête serment quant à la confidentialité de ce qui est débattu. Par la suite, dans la nouvelle législature, j'ai dû remplacer M. Bergeron. M. Marleau m'a dit qu'il n'avait pas besoin de m'assermenter puisque je l'avais déjà été. Cela montre que lorsque je me suis engagée sur mon honneur, comme n'importe qui d'autre, à respecter la confidentialité, c'était un engagement majeur. Donc, il y a peut-être une piste de ce côté.

Je suis sûre qu'on a tous, l'un ou l'autre, siégé à un comité dont une partie du rapport ou le rapport entier a fait l'objet de coulage. Cela m'est arrivé il y a très peu de temps, l'automne dernier, au Comité mixte sur la garde des enfants. Je reconnais avoir reçu des appels de journalistes qui mettaient vraiment beaucoup de pression. On me demandait mon opinion. Ma réponse était bien claire: un rapport de comité est confidentiel tant qu'il n'a pas été déposé en Chambre et vous aurez beau appeler 40 fois, je vous ferai toujours la même réponse. Dieu sait qu'au Comité mixte sur la garde des enfants, ce qui est paru dans les journaux ne provenait pas d'un quelconque député d'arrière-ban ou de l'opposition.

Il y a aussi cet aspect. C'est un peu dérangeant par rapport à la confiance qu'on doit développer entre nous, parlementaires. Je veux dire que cela a aussi une influence sur cette confiance.

Cela tient peut-être de la pensée magique mais, étant donné que je ne suis pas trop vieille, je crois qu'on peut encore, en réfléchissant bien et en échangeant nos réflexions, faire avancer un peu la question.

M. Bill Graham: Madame, je partage entièrement votre point de vue. Je crois que la suggestion de M. Solomon sur un code d'éthique ou un code de déontologie... Je crois que la différence entre un code d'éthique et un code de déontologie réside dans la question des sanctions, n'est-ce pas? Alors, peut-être devrait-on parler de code d'éthique plutôt que de code de déontologie.

Mais je crois qu'il faut qu'on essaie de rappeler à nos membres l'avantage de la confiance qui existait dans le passé. En perdant cette confiance, on perd la capacité d'accomplir un certain travail.

Je dirais que je partage entièrement votre point de vue, qu'il s'agit d'un travail professionnel. Au cours du processus, nous perdons le respect que le public canadien nous porte. Nous qui sommes là, qui faisons un travail sérieux, nous n'acceptons pas toujours un bénéfice immédiat au détriment du bénéfice à long terme, qui est le bien-être de la population dans son ensemble. Je suis tout à fait d'accord sur votre point de vue.

Le président: Avez-vous terminé, madame?

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui, ça va.

• 1230

Le président: D'accord.

[Traduction]

Notre chargé de recherche, qui nous fournit des notes d'information, nous a transmis certains renseignements sur le serment de confidentialité que doivent signer les membres du Conseil de l'économie interne, ainsi que certaines remarques sur le serment que doivent prononcer les nouveaux députés.

George Baker.

M. George Baker: Monsieur le président, il y a 25 ans un comité de la Chambre a été chargé d'étudier ces règles. Il était composé de Stanley Knowles, du NPD, de Walter Baker, du Parti Conservateur et de l'assistant de M. Réal Caouette qui, à l'époque, appartenait au Parti du crédit social à Québec. Personnellement, je représentais les Libéraux. Nous nous sommes rendus à Londres, à Westminster pour étudier la chose.

Nous avons notamment recommandé de reprendre le règlement du Parlement britannique. Nous avions recommandé—pas moi personnellement, mais ça se trouvait à la fin de nos recommandations qui étaient unanimes—que le règlement sur les fuites se lise exactement de la même façon que les règlements adoptés en vertu de l'ancien système parlementaire britannique—par l'Australie, par la Nouvelle-Zélande, par la Norvège et par les autres—et précise qu'il s'applique «aux cas de divulgation et de publication».

Eh bien, quand on regarde ce qui se passe dans ces pays aujourd'hui, on se rend compte que tous ceux qu'on a accusés en vertu de ce règlement sont des journalistes. Il y a eu, en Angleterre ou en Australie, la cause du Sun, qui a été remportée par la bibliothèque du Parlement, la cause du Daily Telegraph, les causes concernant les télécommunications en 1973, 1983 puis 1993. Eh bien, les rédacteurs en chef et les journalistes de ces journaux ont été accusés et ceux qui ont été reconnus coupables d'outrage ont été automatiquement condamnés à verser une amende, de 5 000 à 10 000 $ pour les journalistes et de 25 000 à 50 000 $ pour le journal.

Ainsi, si nous comptons suivre les conseils du greffier de la Chambre, qui a comparu devant le comité lors de notre dernière réunion, et que nous adoptions un règlement semblable à celui en vigueur dans d'autres systèmes parlementaires, nous devrons absolument reprendre les deux mots que je viens de mentionner, «divulgation» et «publication» de renseignements, et nous ne devrons pas en laisser un de côté.

Compte tenu de ce que vous avez dit il y a un instant à M. Myers, vous ne seriez pas d'accord pour que l'on sanctionne les médias ou les journalistes. Suggérez-vous que notre règlement stipule simplement qu'il est illégal de divulguer des renseignements émanant d'un comité et qu'on taise la question de la publication?

M. Bill Graham: Ce n'est pas ce que je dis, ce serait trop simpliste. Cependant, vous serez certainement d'accord avec moi si je dis qu'il faudra se montrer extrêmement prudent dans le choix des circonstances où nous appliquerions ce genre de sanctions, étant donné qu'elles équivaudraient à des sanctions criminelles appliquées par le Parlement. C'est une chose que de menacer ou même, en fin de compte, d'essayer de poursuivre des journalistes ou des rédacteurs en chef pour avoir publié des renseignements délicats susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale, comme ceux que traitent les membres du comité sur le SCRS—la presse prétextant que l'information doit circuler pour permettre à la démocratie de fonctionner—et c'est autre chose que de couler des renseignements concernant le comité des pêches pour essayer de faire savoir ce qui ne fonctionne pas ou ce que certains fonctionnaires ont dit ou fait. Ces deux cas de figure sont tellement différents l'un de l'autre qu'il nous faudrait concevoir des règles établissant ce genre de distinguo, advenant que nous options pour cette formule.

• 1235

Je serais heureux de collaborer avec les députés à ce propos, mais je ne pense pas que quiconque ici affirme que les deux situations que je viens d'évoquer sont semblables. Par ailleurs, je pense que nous serions la risée de tous si nous cherchions à couvrir le second cas de figure en recourant à l'attirail de guerre envisagé pour le premier. Nous allons donc devoir imaginer des solutions appropriées à chaque circonstance, comme ce doit être le cas quand on a affaire au droit criminel.

M. George Baker: Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.

Les partis de l'opposition sont unis à propos d'une chose, la chose terrible qui s'est produite, je veux parler de toutes ces fuites et chaque parti l'opposition à la Chambre des communes dit qu'il faut faire quelque chose pour que cela cesse. Face à cette belle unanimité, pourriez-vous recommander, comme le greffier de la Chambre l'a fait, l'adoption d'un règlement visant à réduire ce genre de problème?

Je me demande si vous avez vous-même réfléchi—à moins que nous ne posions la question à Derek, puisque j'imagine qu'il sera appelé à s'y pencher plus en détail—au genre de législation d'accompagnement qui serait nécessaire pour éventuellement pouvoir imposer certaines amendes et ainsi de suite... J'aimerais savoir en fait si, selon vous, cela pourrait être une solution à notre problème étant donné que les partis de l'opposition réclament une intervention à ce sujet—et j'imagine que ce qu'ils proposent est conforme avec ce que recommande le greffier, c'est-à-dire l'adoption d'un règlement interdisant toute fuite?

M. Bill Graham: Je ne peux répondre à cette question. Il faudrait que je l'analyse plus en détail. C'est certainement un aspect auquel le comité devrait examiner de près, parce que le problème est suffisamment grave pour mériter qu'on s'y intéresse. Je serais plus qu'heureux, à votre demande, de soumettre cela au comité de liaison et de demander aux autres présidents ce qu'ils en pensent.

Personnellement, j'ai beaucoup appris ici, en m'entretenant de cette question avec vous. Je repars avec beaucoup d'informations. J'en sais beaucoup plus qu'avant de me présenter ici et j'aimerais emporter une partie de tout cela avec moi. Cependant, j'aimerais surtout entendre ce que M. Lee va nous dire, parce que de toute évidence il a beaucoup plus d'expérience directe que moi dans la question des pouvoirs des comités à un point tel que nul autre que lui, je pense, n'y a réfléchi aussi sérieusement.

M. George Baker: C'est vrai.

M. Bill Graham: Vous avez une grande expérience de président de comité. Personnellement, je suis président de comité depuis près de quatre ans. Je n'ai jamais vraiment réfléchi au genre de pouvoirs dont nous sommes investis. J'essaie plutôt de travailler de façon consensuelle, ce qui semble être la meilleure pour...

M. George Baker: Et vous y parvenez très bien, monsieur le président.

Le président: George, commençons par entendre ce que Derek a à nous dire. Deuxièmement, jeudi, nous parlerons des médias et je pourrai vous faire avancer d'un cran sur ma liste d'orateurs.

Troisièmement, Bill, vous êtes toujours le bienvenu à nos réunions, mais je recommanderais que nous informions les autres présidents de comité de façon plus officielle sur la tenue de nos audiences. Je sais qu'ils savent, mais il est toujours possible qu'un ou deux d'entre eux... Quoi qu'il en soit, ils seront toujours les bienvenus. Vous aussi, vous êtes toujours le bienvenu.

Chuck Strahl.

M. Chuck Strahl: Loin de moi l'idée...

[Note de la rédaction: difficultés techniques]

...dans tout ce processus, mais pour résumer ma pensée, je dirais que nous devons revenir sur cette idée de culture qui a changé. La culture, même si M. Lee a dit que les événements parlementaires sont différents de... bref, sont différents du reste...

M. Derek Lee: De l'exercice parlementaire.

M. Chuck Strahl: C'est cela, de l'exercice parlementaire. Et bien, malgré cela, je pense que les événements parlementaires et l'exercice du pouvoir sont deux composantes qui donnent naissance à la culture.

Tout à l'heure, on a mentionné que le comité des comptes publics n'avait jamais souffert de ces problèmes, parce que dans la culture de ce comité, les dossiers traités sont sacro-saints et que tout cela semble encore bien fonctionner. D'un autre côté, en ce qui concerne l'opposition—je ne parle pas pour tous les membres de l'opposition, mais uniquement en mon nom—je dois préciser que les rapports unanimes ne sont plus ce qu'ils étaient. Jadis, un rapport unanime remis au gouvernement était un document qui avait du poids, qui pouvait tout influencer, des textes de loi au budget.

Récemment, j'ai constaté qu'un rapport unanime du comité des pêches pouvait, non seulement être ignoré de tous mais qu'il pouvait même donner lieu à des réactions violentes remontant jusqu'au niveau du président du comité. Le comité sur la télédiffusion des audiences des comités a produit un rapport unanime et voilà qu'on s'est blackbouler parce que quelqu'un à la fonction publique n'était pas d'accord. Nous étions pourtant tous d'accord, tout le monde ici était d'accord, mais ça ne s'est pas produit parce que quelqu'un, quelque part, a dit «il n'en est pas question». Il y a eu également consentement unanime à propos du rapport Sortir l'industrie minière du trou, produit par le comité des ressources naturelles. Il y a eu consentement unanime sur toutes les recommandations qu'il contenait. Il s'est retrouvé sur le bureau du ministre et aucune des 14 recommandations qu'il contenait n'a été retenue.

Je dirais donc que l'efficacité des rapports unanimes est également sur le déclin. Voilà pourquoi, selon moi, sauf si l'on fait quelque chose—et je vais mettre un peu cela sur le dos du gouvernement—pour produire des rapports unanimes de façon plus sérieuse, monsieur le président, les députés d'arrière banc qui siègent à ces comités vont commencer à se demander s'il vaut la peine pour eux de travailler aussi fort à la production d'un rapport unanime sur les débats télévisés, par exemple, quand le gouvernement le rejette.

• 1240

Ainsi, quand le comité de liaison, dans le cadre de ses entretiens—mais je n'ai jamais assisté à une de vos réunions...

M. Bill Graham: Estimez-vous chanceux.

M. Chuck Strahl: Eh bien, je vous encouragerais à parler de la nouvelle culture qui règne ici.

Selon moi, nous baignons dans cette nouvelle culture et, comme je le disais, je ne vois pas comment nous allons parvenir à faire rentrer le génie dans la bouteille, parce que tout le monde, tous partis confondus, estime qu'il ne sert à rien de travailler aux comités. Certains pourront même juger que le mieux est de couler l'information dans les médias, parce que de toute façon le gouvernement ne tient compte d'aucune recommandation des comités.

Le président: Monsieur Graham.

M. Bill Graham: Très rapidement, je crois que nous avons affaire à deux choses, la première étant une remarque à caractère plutôt philosophique, mais cependant importante, formulée par M. Lee, sur la distinction à faire entre le travail du Parlement et le travail du gouvernement.

Quand les gens me disent que je suis membre du gouvernement, j'ai tendance à leur répondre que tel n'est pas le cas, que je suis membre du Parlement, autrement dit député. À la façon dont j'interprète notre système de démocratie parlementaire britannique, les membres du gouvernement sont les ministres et les secrétaires parlementaires. J'estime donc avoir la liberté et la responsabilité, en qualité de député, de travailler en collégialité avec les autres députés. À l'évidence, on a toujours affaire à des intérêts partisans et je tiens moi-même à faire progresser le programme du gouvernement; mais en comité, je pense qu'il arrive très souvent que...

Je vais vous donner un exemple. Députés du côté gouvernemental et du côté de l'opposition ont unanimement recommandé au gouvernement de dédommager les anciens combattants de Hong Kong. Il a fallu beaucoup de temps pour que cette recommandation aboutisse, mais le gouvernement a finalement accepté d'agir dans ce sens et j'ai été très heureux d'entendre le ministre déclarer qu'il allait dédommager ces personnes. Nous aurons fait grandement avancer notre cause en discutant avec les représentants du ministère et avec les deux ministres concernés, parce que nous avons pu leur rappeler constamment que tous les partis étaient d'accord avec la recommandation que nous venions de formuler.

Je trouve qu'on perd parfois de vue... on perd l'occasion d'exercer ce genre de pression. Je n'irai pas vous raconter que je n'ai jamais été déçu par certaines recommandations du comité, car je ne serais pas sincère. Je pense par exemple à un cas de disparition de rapport qui m'a beaucoup déçu. Mais d'un autre côté, nous avons connu certains succès et je ne veux certainement pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

Le président: Bill, au nom de nos collègues et de toutes les personnes présentes ici, je tiens à vous dire que cette discussion nous aura été très utile et nous espérons qu'elle l'aura été également pour vous. Ce serait bien que vous puissiez communiquer une partie de ce qui s'est dit ici à votre comité de liaison et que vous nous fassiez part de vos réactions.

Comme je le disais, nous allons officiellement inviter tous les présidents de comité à nos réunions, en marge des avis réguliers qui leur parviennent, et je tiens à répéter que vous serez le bienvenu. Nous apprécierons beaucoup votre présence. Merci beaucoup.

Chers collègues, nous tiendrons notre prochaine réunion le jeudi 18 février 1999, sur le même thème, en compagnie de Doug Fisher et de Jules Richer, président de la Tribune de la presse.

Puis, mardi, après la pause, nous devrions accueillir Joseph Maingot et, si nous pouvons nous organiser, nous entendrons Derek Lee le jeudi de la reprise.

Merci beaucoup. Nous nous réunirons de nouveau dans la salle 112-N à la fin de la semaine.

La séance est levée.