Passer au contenu
Début du contenu

INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 10 mars 1999

• 1531

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à un ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 3 novembre 1998, le comité examine le projet de loi C-54, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information ou des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.

Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui quatre groupes différents de témoins: l'Association canadienne de télévision par câble, Enlogix Inc., l'Association canadienne des journaux et la Writers' Union of Canada. Chacun de ces différents groupes a une déclaration liminaire qui, espérons-le, ne durera pas plus de cinq minutes, et ensuite, nous passerons aux questions.

Sur ce, nous allons commencer par l'Association canadienne de télévision par câble. Je crois que M. Boyd va lire la déclaration.

M. Harris D. Boyd (vice-président, Affaires de l'industrie, Association canadienne de télévision par câble): Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à comparaître cet après-midi.

Je m'appelle Harris Boyd et je suis le vice-président des affaires corporatives de l'Association canadienne de télévision par câble, qu'on appelle aussi l'ACTC. J'ai à mes côtés aujourd'hui le président et chef de direction de la Fondation des normes de télévision par câble, Gerry Lavallée. La fondation est un organisme indépendant qui veille à l'autoréglementation de l'industrie, en assurant le respect de ses diverses normes et en donnant suite aux préoccupations et aux plaintes des abonnés de la câblodistribution. L'ACTC représente 86 entreprises de câblodistribution desservant 7,5 millions de foyers, qui sont dispersés dans toutes les régions du pays et où vivent près de 20 millions de Canadiens et Canadiennes.

L'industrie de la câblodistribution appuie le projet de loi C-54 et reconnaît qu'il faut assurer la protection des renseignements personnels. À notre avis, ce projet offre une solution responsable et pondérée, propre à protéger les intérêts du consommateur sans imposer une charge excessive à l'entreprise.

Nous avons collaboré directement à la formulation du code type sur la protection des renseignements personnels établi par l'Association canadienne de normalisation et avons, par la suite, arrêté nous-mêmes un code sectoriel à l'intention de nos membres. Nous sommes très heureux de constater que les principes énoncés dans le code type ont été intégrés au projet de loi.

Nous avons aussi participé activement aux consultations qui ont précédé le dépôt du projet de loi, en commentant le document de travail publié par Industrie Canada. La câblodistribution est une industrie de réglementation fédérale et sera automatiquement assujettie à la nouvelle loi. Les entreprises de câblodistribution détiennent en fait très peu de renseignements personnels sur leurs abonnés. Le nom, l'adresse, le type de service choisi et les antécédents de crédit de l'abonné sont d'ordinaire les seules données requises pour assurer et facturer le service de câblodistribution.

Or, les normes de service à la clientèle en vigueur dans l'industrie, administrées par l'organisation dirigée par mon collègue, M. Lavallée, exigent déjà que ces renseignements soient tenus confidentiels et prévoient que l'abonné doit avoir accès à tout renseignement que l'entreprise de câblodistribution détient à son sujet. Le Conseil des normes de télévision par câble existe depuis dix ans et il a reçu très peu de plaintes d'abonnés de la câblodistribution concernant la protection des renseignements personnels. Pour tout dire, en dix ans, il a eu à se pencher sur 40 plaintes seulement, et chacune de celles-ci a été réglée par l'entreprise en cause.

Le conseil administre pour l'industrie un ensemble de normes détaillées sur le service à la clientèle et il a su sensibiliser les câblodistributeurs et leurs abonnés à sa raison d'être et au recours qu'il offre. Nous espérons donc que les abonnés continueront de considérer ce mécanisme d'autoréglementation et de règlement des plaintes comme leur première voie de recours.

• 1535

La nouvelle loi proposée et le bureau du Commissaire à la protection de la vie privée, dont cette loi élargit le mandat, devraient être perçus comme ajoutant à la protection déjà assurée, surtout à l'égard d'industries qui ne sont pas déjà pourvues d'un mécanisme officiel sous ce rapport. «Nous croyons toutefois qu'il faut éviter de modifier ce qui fonctionne bien.» À notre avis, le Commissaire à la protection de la vie privée devrait remplir une fonction complémentaire de celle de notre propre organisme d'autoréglementation et ne devrait intervenir que si le Conseil des normes de télévision par câble s'avère incapable de résoudre une question.

Nous osons en outre espérer que la conciliation et la médiation auront toujours préséance comme mode de règlement des différends soumis au commissaire. D'après notre expérience, il est presque toujours possible de résoudre les plaintes de cette façon. De plus, avant que le commissaire n'ordonne la vérification des pratiques d'une entreprise, celle-ci devrait, dans une mesure raisonnable, avoir la possibilité de lui exposer les faits et de lui expliquer les mesures qu'elle a prises pour observer les dispositions de la loi. Si le commissaire n'est pas satisfait des explications qui lui sont fournies, il serait alors entièrement justifié de procéder à une vérification.

Un autre aspect du projet de loi C-54 avait beaucoup d'importance pour l'industrie de la câblodistribution. Il s'agit de l'exemption prévue à l'égard de la collecte, de l'utilisation ou de la communication de renseignements à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires. Les câblodistributeurs exploitent en effet quelque 230 canaux communautaires d'un bout à l'autre du pays. Il est essentiel que ces canaux puissent créer des émissions et diffuser de l'information sur les collectivités qu'ils desservent, sans être entravés par l'obligation d'obtenir le consentement des intéressés. L'expression de l'opinion publique et l'expression artistique dans le cadre de la programmation de la télévision communautaire sont déjà assujetties aux normes de l'industrie de la câblodistribution. Ces normes obligent le canal communautaire à veiller à une présentation équilibrée, objective et équitable de toute question d'importance particulière pour la collectivité, en s'assurant de refléter des points de vue divergents.

L'industrie de la câblodistribution tient également à s'assurer de pouvoir continuer à offrir de nouveaux services de toutes sortes à sa clientèle. La flexibilité proposée à l'égard du consentement et la possibilité d'utiliser les données d'identification de base, disponibles publiquement, devraient permettre la commercialisation des nouveaux services à mesure qu'ils sortiront sur le marché. Nous sommes tout à fait d'accord avec cette approche.

L'un des nouveaux services que l'industrie de la câblodistribution offre aujourd'hui à sa clientèle est l'accès Internet à grande vitesse par l'intermédiaire de ses réseaux. En règle générale, le rôle de l'entreprise de câblodistribution qui assure ce service consiste à fournir le matériel nécessaire, à gérer le réseau et à veiller à sa sécurité. L'accès Internet par câble met le monde entier à la portée de ses utilisateurs.

À titre de simple fournisseur de ce support d'information, l'entreprise de câblodistribution ne devrait pas, d'après nous, être tenue responsable du contenu ni de l'emploi subséquent des renseignements transmis et reçus par l'intermédiaire de ces réseaux, que ceux-ci concernent ou non ses clients ou des tierces parties. Nous sommes toutefois disposés à prévenir nos abonnés des risques inhérents à l'utilisation d'Internet et, plus particulièrement, à la communication de renseignements personnels par son intermédiaire, du point de vue de la protection de la vie privée.

Pour ce qui est de l'information et de la sensibilisation du consommateur en général, l'industrie de la câblodistribution appuie fermement le nouveau mandat d'information du public confié au Commissaire à la protection de la vie privée à l'article 24 du projet de loi. Elle est tout à fait disposée à faire sa part pour s'assurer que sa clientèle est au courant de la nouvelle loi et des droits que celle-ci reconnaît aux consommateurs.

Nous comptons en fait préparer un document type que nos membres pourront distribuer à leurs clients. Les grandes entreprises aux activités commerciales plus variées adopteront probablement cette publication pour refléter la gamme de leurs activités. Ce document informera l'abonné des genres de renseignements que l'entreprise de câblodistribution tient à son sujet, ainsi que de leurs principaux usages et de la façon d'y avoir accès. Il lui expliquera aussi clairement comment il peut faire retirer son nom des listes des services de commercialisation s'il ne veut pas recevoir certains genres d'information.

Parallèlement, nous continuerons d'encourager nos abonnés à faire appel au Conseil des normes de télévision par câble quand ils ont une plainte à formuler, car ce recours a amplement fait ses preuves au fil des années.

Nous souhaitons travailler en étroite collaboration avec le bureau du Commissaire à la protection de la vie privée à la mise en oeuvre de toutes ces mesures, afin de nous assurer de respecter non seulement la lettre, mais aussi l'esprit de la nouvelle loi.

Bref, nous estimons que les auteurs du projet de loi ont fait du bon travail. L'utilisation d'un mécanisme déclenché par les plaintes et s'appuyant sur l'éducation du public nous semble la meilleure façon de garantir la protection du consommateur sans écraser l'entreprise.

Merci de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Boyd.

Je vais maintenant donner la parole au groupe Enlogix Inc.. C'est M. Smith qui se chargera de l'exposé.

M. Arnold D. Smith (directeur, Développement stratégique, Enlogix Inc.): Nous remercions le comité de nous permettre d'être ici aujourd'hui. Je m'appelle Arnold Smith et je suis directeur du développement stratégique chez Enlogix Inc., une filiale de la Westcoast Energy. Je suis accompagné aujourd'hui de Stephen Acker, du cabinet d'avocats Johnston and Buchan, qui est notre conseiller juridique externe.

Les députés recevront des copies d'un mémoire que nous avons présenté au comité en novembre dernier. Ces derniers mois, le comité a entendu un grand nombre de témoins et nous avons essayé tant bien que mal de suivre ces discussions à distance. Sans reprendre intégralement les observations que nous avons formulées dans notre mémoire initial, nous aimerions revenir brièvement sur certains points et ajouter quelques observations sur certains sujets de préoccupation soulevés au cours des derniers mois et des dernières semaines devant le comité. Je pense que nous sommes probablement la seule organisation intervenant auprès des services publics à comparaître devant vous et, à ce titre, nous pouvons ajouter une perspective unique à vos délibérations.

• 1540

Notre point de vue est assurément celui d'une entreprise commerciale présente dans plusieurs provinces et appelée à étendre ses activités à l'ensemble du pays. Nous gérons des renseignements relatifs à la clientèle au nom de services publics, de municipalités et de fournisseurs de services énergétiques, d'où notre grand intérêt à l'égard de ce projet de loi et de ses conséquences. Nous reconnaissons également que nous y serons assujettis d'office dès qu'il entrera en vigueur.

La création d'Enlogix s'inscrit dans le cadre d'une stratégie adoptée par la Westcoast Energy pour gérer l'information reliée à l'énergie et la technologie connexe. Selon nous, l'exercice d'un leadership dans le domaine de la gestion de l'information exige que l'on prenne au sérieux les préoccupations en matière de protection des renseignements personnels et que l'on adapte notre façon de faire des affaires en fonction de ces considérations. Plusieurs raisons nous incitent à penser de cette façon et nous estimons que le projet de loi C-54 nous fournit un cadre de référence clair à l'intérieur duquel il est possible d'y parvenir.

Premièrement, nous croyons que la déréglementation des services publics crée en quelque sorte un vide d'information. Ainsi, un grand nombre de nouveaux intervenants ont rapidement envahi un marché qui, jusque-là, était la chasse gardée des services publics réglementés. Ces nouveaux venus doivent avoir accès à toutes sortes de données et d'information jusque-là recueillies et gérées par les services publics. Or, comme il fallait s'y attendre, la plupart des systèmes d'information des services publics ne sont pas conçus en fonction de ce genre de demande, et les services publics ne sont pas non plus en mesure de fournir des services de gestion de l'information à d'autres entreprises.

C'est là où Enlogix intervient et situe son champ d'activité en devenant le «dépositaire» neutre, qui gérera l'information, parfois constituée de renseignements personnels au sens de la définition, au nom d'un grand nombre d'intervenants. À cette fin, il est essentiel que nous ayons la confiance de tous nos clients et, en bout de ligne, de leur clientèle à eux, en l'occurrence les consommateurs canadiens d'énergie. Nous croyons que le projet de loi C-54 offre un cadre réaliste à l'intérieur duquel nous pouvons gagner cette confiance.

Deuxièmement, les services publics ont toujours recueilli et géré les renseignements personnels dans le cours normal de leurs activités visant à offrir un service essentiel à leur clientèle. Il n'y a jamais eu de règles officielles pour régir les autres fins auxquelles peuvent servir les renseignements personnels. Mais avec la déréglementation, il se crée une concurrence farouche entre les intervenants, alors qu'il n'y en avait pas auparavant. Les nouveaux concurrents se multiplient; ils offrent des services à des consommateurs dont les attentes sont fondées sur un rapport de confiance établi depuis de nombreuses années. Cela crée de réelles possibilités de mauvaise utilisation des renseignements personnels ou peut à tout le moins donner l'impression qu'il y a abus, étant donné que chaque intervenant, qu'il soit ancien ou nouveau, cherche à obtenir de l'information sur les consommateurs pour jouir d'un avantage concurrentiel.

Avec le projet de loi C-54 comme référence, Enlogix sera en mesure d'amener ses clients, qu'il s'agisse de services publics ou non, à protéger les renseignements personnels. Nous sommes un seul intervenant, mais en gérant l'information pour le compte de plusieurs entreprises évoluant sur le marché des services publics, nous pouvons en aider d'autres à appliquer les principes du projet de loi C-54 de façon uniforme.

Enfin, bon nombre de consommateurs commencent à peine à comprendre la déréglementation des services publics et, à plus forte raison, à s'en préoccuper. Les consommateurs devront maintenant choisir entre plusieurs options difficiles à comprendre et pour bon nombre d'entre eux, cette situation pourra être ressentie comme une ingérence dans leur vie privée. Encore une fois, en se servant du projet de loi C-54 comme cadre de référence, nous serons peut-être en mesure d'accélérer ce processus d'apprentissage chez nos clients et leur propre clientèle et de leur donner une idée plus précise de ce qui est et n'est pas permis en matière d'utilisation des renseignements personnels.

Nous croyons, comme bien d'autres témoins, que dans l'ensemble, le projet de loi C-54 est un bon projet de loi. Ses points forts—notamment sa souplesse et sa capacité de concilier les intérêts concurrents—compensent largement ses faiblesses. Nous espérons vivement qu'il sera adopté, de préférence avec quelques améliorations. Dans cette perspective, nous avons passé en revue les amendements récemment déposés et nous les appuyons. Ils semblent réussir à resserrer et à préciser certaines dispositions tout en conservant l'équilibre général du projet de loi.

À titre d'entreprise ayant des visées nationales, Enlogix est très favorable à l'objectif du projet de loi visant à créer un régime de protection des renseignements personnels plus ou moins uniforme à l'échelle fédérale et provinciale. Étant donné les retombées économiques nationales du commerce électronique et le fait que la protection des renseignements personnels semble être une condition préalable à l'obtention de la confiance des consommateurs, ce qui est particulièrement important pour Enlogix, comme je l'ai déjà dit, les provinces et le gouvernement fédéral devraient avoir plus de raisons qu'il n'en faut pour élaborer un régime juridique pratique et axé sur la coopération. Ce projet de loi est un bon départ et il est à espérer que les provinces qui n'ont pas de législation semblable à l'heure actuelle réagiront de façon constructive.

Nous sommes d'accord avec le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada lorsqu'il affirme que l'application de pouvoirs semblables à ceux d'un ombudsman, notamment le pouvoir de formuler des recommandations publiques, est pertinente et utile dans ce contexte. Pour pouvoir bien s'acquitter de ses fonctions en vertu du projet de loi, notamment de l'importante fonction qui consiste à éduquer le public, le commissaire a évidemment besoin de ressources suffisantes.

À cet égard, nous croyons qu'en raison de son champ de compétence accru, le bureau du commissaire doit avoir une meilleure connaissance du fonctionnement du secteur privé que celle qu'il en a à l'heure actuelle. Nous avons d'ailleurs formulé quelques propositions à ce sujet dans le mémoire que nous avons déposé antérieurement.

• 1545

Nous avons aussi présenté une proposition concernant les pouvoirs de vérification du commissaire, que certains témoins ont qualifié d'outil essentiel aux fins de l'application.

Nous avons également fait quelques autres suggestions dans notre mémoire, mais pour ne pas prendre trop de temps, nous allons nous en tenir là. Il va de soi que nous ferons de notre mieux pour répondre à vos questions.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Smith.

Je vais maintenant donner la parole au représentant de l'Association canadienne des journaux.

Monsieur Charlebois, je vous prie.

[Français]

M. Marc-André Charlebois (président-directeur général, Association canadienne des journaux): Madame la présidente, membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous pour présenter nos commentaires au sujet du projet de loi C-54.

Je m'appelle Marc-André Charlebois et je suis président-directeur général de l'Association canadienne des journaux. J'ai à mes côtés M. Blair Mackenzie et M. Neil Reynolds.

M. Mackenzie est vice-président et conseiller juridique de Southam Inc. Il est aussi membre du conseil de gestion de notre association et président du comité des dossiers juridiques. M. Reynolds est quant à lui rédacteur en chef du quotidien The Ottawa Citizen.

L'Association canadienne des journaux représente 102 quotidiens canadiens de langues française et anglaise. Le but de l'association est d'assurer une presse libre, capable de satisfaire les besoins de ses lecteurs.

Monsieur Mackenzie.

[Traduction]

M. Blair Mackenzie (vice-président et conseiller juridique, Southam Inc.): Madame la présidente, nous sommes ici pour aborder une seule question. Le projet de loi C-54 renferme une exemption afin d'assurer la liberté d'expression et nous vous exhortons à la conserver. Il nous apparaît clairement, à la lecture des témoignages qui vous ont été présentés, qu'un certain nombre de députés s'inquiètent de l'inclusion d'une exemption journalistique dans le projet de loi. Cela soulève des questions très importantes et dans le bref délai qui nous est imparti, nous allons essayer d'y répondre. Si nous ne réussissons pas à calmer vos appréhensions au cours de notre exposé, nous espérons pouvoir les étudier plus avant avec vous au cours de la période de questions.

Cet après-midi, je voudrais avancer trois arguments très simples. Premièrement, l'exemption découle directement de la Charte des droits. Deuxièmement, elle ne donne aux médias ni nouveaux droits ni nouvelles excuses ou défenses. Troisièmement, l'exemption est conforme à la démarche adoptée par le Québec et d'autres autorités législatives concernées.

Dans une perspective commerciale, nos membres comprennent la raison d'être du projet de loi C-54. D'ailleurs, je pourrais vous en parler plus longuement au cours de la période de questions. Le projet de loi en viendra vraisemblablement à s'appliquer intégralement à nos activités commerciales. Nous n'y voyons aucune objection. Cependant, nos salles de rédaction ne pourraient fonctionner convenablement sous l'égide du projet de loi C-54. Cela n'est pas étonnant car les règles prévues dans la mesure législative n'ont jamais été conçues pour s'appliquer à des fonctions rédactionnelles. On a du mal à imaginer comment la presse pourrait faire des reportages convenables sur l'affaire Bre-X si la seule information qu'elle pouvait publier au sujet de David Walsh était celle que lui-même ou ses avocats voulaient bien lui permettre de publier. La même chose vaut pour un reportage concernant Garth Drabinsky dans l'affaire Cineplex.

Ces exemples ne font qu'effleurer le problème. Neil Reynolds est ici pour vous aider si vous souhaiter explorer plus à fond ces questions.

Il n'est pas facile de trouver un juste équilibre entre le droit à la vie privée et le droit à l'information des Canadiens. Mais les tribunaux et les assemblées législatives canadiennes ont soigneusement élaboré des solutions à ces problèmes compliqués au fil des années et dans de nombreux contextes différents. Parmi les résultats de cette quête d'un équilibre, citons la Loi sur les jeunes contrevenants, les restrictions applicables à la transcription des délibérations des tribunaux, les mesures législatives provinciales relatives au respect de la confidentialité des renseignements personnels et les lois de nature générale qui assurent la protection de la vie privée et sanctionnent les atteintes à la confidentialité. Ces efforts ont débouché sur un équilibre pondéré entre les divers intérêts. On réussit ainsi à protéger la vie privée et en même temps à donner à la presse la marge de manoeuvre dont elle a besoin pour faire son travail. D'ailleurs, cet équilibre est dicté par la charte; il est protégé par la charte et l'exemption prévue dans le projet de loi C-54 en est la conséquence.

Le projet de loi n'accorde aucun nouveau droit aux médias, pas plus qu'il ne leur confère de nouvelles excuses ou défenses. Les lois sur la diffamation, la protection des renseignements personnels et de la vie privée qui, à l'heure actuelle, empêchent les médias de publier des informations inopportunes, vont s'appliquer tout aussi rigoureusement qu'aujourd'hui au lendemain de l'adoption du projet de loi C-54. D'ailleurs, les rédacteurs de la mesure législative le reconnaissent.

Qui plus est, le projet de loi C-54 ne modifie pas le respect de la profession pour la vie privée. Notre énoncé de principes et l'autoréglementation exercée par les conseils de presse provinciaux demeurent des outils puissants qui permettent de protéger la vie privée.

Le Québec, seule province canadienne à avoir adopté jusqu'à maintenant une loi en matière de protection des renseignements personnels, y a inclus une exemption journalistique. Il nous apparaît important que le projet de loi C-54 s'harmonise avec la loi du Québec.

• 1550

Le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande sont les seuls autres pays dotés d'un système juridique analogue au nôtre qui ont adopté des lois protégeant les renseignements personnels. Eux aussi y ont intégré une exemption journalistique.

La conférence sur l'uniformisation des lois du Canada, dont l'ébauche de projet de loi a servi de modèle pour le projet de loi C-54, prévoyait une telle exemption. Comme vous pouvez le constater, le groupe de travail sur le commerce électronique est arrivé à la même conclusion et les trois commissaires à la protection de la vie privée provinciaux qui ont comparu devant le comité ont appuyé l'exemption.

Dernier point. Le principe qui est en jeu ici ne concerne pas la propriété des médias ou de leurs propriétaires corporatifs. Le droit des médias de rapporter les nouvelles du jour découle du droit de chaque Canadien d'examiner les questions qui l'intéressent et de s'exprimer à ce sujet. Que cela se fasse par des discours improvisés du haut d'une caisse à savon, par la distribution de tracs ou au moyen d'une grande entreprise médiatique importe peu. Ce droit est en péril chaque fois qu'une mesure de protection de la vie privée ne fait pas place à la liberté d'expression. Voilà pourquoi le projet de loi renferme cette exemption et pourquoi d'autres assemblées législatives ont jugé bon de faire la même chose.

Nous répondrons volontiers à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mackenzie.

Je vais maintenant donner la parole à Mme Mary Soderstrom, de la Writers' Union of Canada.

Mme Mary Soderstrom (membre du conseil national, Writers' Union of Canada): Merci de nous avoir invités à comparaître. Je m'appelle Mary Soderstrom et je suis membre du conseil national de la Writers' Union of Canada.

Je me proposais d'apporter une pile de livres qu'il aurait été impossible d'écrire si certaines exemptions prévues dans le projet de loi C-54 étaient supprimées. Cependant, comme j'ai pris l'autobus pour venir de Montréal, je n'ai pu en apporter que quelques-uns. Je représente la Writers' Union cette année en tant qu'écrivain. Même si bon nombre de nos membres rédigent des articles pour les journaux, réalisent des films et s'adonnent à de nombreuses autres activités, la Writers' Union of Canada est un organisme représentant 1 200 auteurs de livres. Essentiellement, nous représentons des auteurs de langue anglaise. Cependant,

[Français]

Michel Tremblay, Marie-Claire Blais et Élisabeth Vonarburg sont également des membres de notre association.

[Traduction]

Notre association compte également des centaines d'écrivains moins connus qui divertissent et informent les Canadiens.

En tant qu'écrivains, nous sommes préoccupés par deux aspects du projet de loi C-54. D'une part, les règlements régissant la collecte de renseignements personnels par des «organisations», au sens du projet de loi. D'autre part, les dispositions sur la conservation des renseignements personnels immédiatement après leur usage.

Renseignements personnels: présent. Comme mes collègues de l'Association des journaux l'ont dit avec beaucoup d'éloquence, la Charte des droits revêt une importance primordiale dans notre société. Elle est importante non seulement pour les journaux, mais pour tout le monde. Chose certaine, elle importe aux écrivains.

En janvier 1999, le conseil national de la Writers' Union of Canada a adopté une résolution qui appuie le projet de loi mais insiste pour que les exceptions soient maintenues. Sans ces exceptions, il aurait été impossible pour Rod McQueen et Peter C. Newman d'écrire et de faire publier leurs best-sellers de l'heure, The Eatons: The Rise and Fall of Canada's Royal Family et Titans: How The New Canadian Establishment Seized Power, que Quill and Quire a déclaré être deux des cinq meilleurs essais de 1998.

Cependant, le libellé actuel n'englobe pas les oeuvres d'érudition. Un grand nombre d'ouvrages rédigés par nos membres et par d'autres écrivains n'auraient pu être écrits n'eût été une exemption applicable aux oeuvres d'érudition. J'ai ici

[Français]

L'évolution des politiques sociales au Québec, 1940-1960, écrit par le sociologue Yves Vaillancourt. Il aurait été impossible d'écrire ce livre si nous n'avions pas eu une exemption.

[Traduction]

À cela, j'ajouterais l'exemple d'une oeuvre récente de Linda Freeman intitulée: An Ambiguous Champion: Canada and South Africa in the Trudeau and Mulroney Years.

Par conséquent, nous proposons que l'exception soit modifiée en supprimant les mots «et à aucune autre fin» et en élargissant les fins comme suit: «à des fins artistiques, journalistiques, littéraires, savantes, d'art dramatique ou autres fins semblables.»

• 1555

Si vous retenez cette suggestion, il y aura d'autres changements mineurs à apporter à la formulation du projet de loi pour en assurer la cohérence, mais je n'entrerai pas dans ces détails.

Le principe selon lequel les personnes concernées doivent être informées et donner leur consentement, qui est mentionné à l'annexe 1, pose aussi plusieurs problèmes. Nous craignons que cette disposition bloque l'accès à bon nombre de renseignements actuellement disponibles, particulièrement en raison de la définition étendue de «renseignements personnels» qui se trouve maintenant dans le projet de loi.

Renseignements personnels: passé. Les écrivains n'écrivent pas seulement sur le présent et le passé récent. Nombre d'entre eux vont beaucoup plus loin dans le passé, découvrant des renseignements et jetant de la lumière sur des événements qui se sont produits il y a longtemps. Certains de leurs livres sont des essais. L'ouvrage de Pierre Berton, The Last Spike, en est un bel exemple. D'autres sont des romans bien documentés, comme le nouveau roman acclamé de Margaret Atwood, Alias Grace, qui relate un meurtre survenu il y a 150 ans. Un autre exemple est l'ouvrage de Merilyn Simonds, The Convict Lover, qui se passe au début du siècle mais qui révèle ce que l'on pourrait considérer comme des renseignements personnels très délicats.

Dans chaque cas, l'historien ou l'écrivain de romans historiques s'appuie sur des documents conservés intentionnellement ou par hasard: journaux, lettres, livres comptables, communications internes de sociétés. Parfois, les documents utilisés sont assurément à caractère délicat. Comme les historiens et les archivistes, nous craignons que le délai de protection des renseignements personnels prévu à l'alinéa 7(3)h) ne soit inutilement long. À notre avis, la période de protection devrait être de 100 ans après la constitution du document ou de 20 ans après le décès de la personne, en retenant le délai le plus court.

La plupart des écrivains conviendront qu'il est extrêmement important de protéger la vie privée des personnes vivantes. La facilité avec laquelle quiconque peut découvrir les détails personnels de la situation financière d'une personne en utilisant son numéro d'assurance sociale est alarmante. Nous approuvons donc la visée fondamentale du projet de loi C-54, qui est de protéger la vie privée de tous les citoyens.

Mais permettez-mois de citer le poète anglais du XVIIe siècle Andrew Marvell. Son poème intitulé To His Coy Mistress commence ainsi:

    La tombe est un endroit agréable et privé, mais les rencontres y sont, je crois, assez rares.

À un certain moment, nos descendants voudront savoir ce que nous pensions et faisions mais puisque nous serons morts, cela nous importera peu. Si, comme il est suggéré à l'annexe 1 du projet de loi C-54, tous les renseignements personnels visés par la loi sont détruits après leur utilisation, la possibilité qu'un futur écrivain puisse fidèlement reconstituer notre société devient très faible.

Par conséquent, nous recommandons que l'article 4.5.3 de l'annexe 1 soit modifié par l'adjonction de la phrase suivante à la fin du paragraphe:

    L'utilisation et la communication de renseignements personnels à des fins historiques, statistiques, littéraires ou savantes ne sont pas réputées incompatibles avec la fin pour laquelle ils ont été recueillis.

Je vous remercie beaucoup. Je répondrai maintenant volontiers à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup, madame Soderstrom.

Nous allons maintenant passer aux questions. Si une question ne vous est pas adressée mais que vous souhaitiez intervenir, veuillez me le signaler.

Nous allons commencer par M. Dubé.

[Français]

Êtes-vous prêt?

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je croyais que M. Pankiw passerait avant moi.

[Traduction]

La présidente: M. Pankiw n'a pas de questions pour l'instant.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je passe mon tour pour le moment. Je n'ai pas eu le temps de préparer mes questions.

[Traduction]

La présidente: Ça va. Je commencerai par M. Murray.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.

Ma question s'adresse à M. Mackenzie de l'Association canadienne des journaux. Étant donné que vous avez lu la transcription des témoignages précédents, vous savez sans doute que je suis l'un de ceux qui ont contesté l'inclusion de cette exemption dans le projet de loi. Je tiens à vous donner l'assurance que ce n'est pas moi qui souhaite supprimer la liberté de presse. Cela dit, monsieur Mackenzie, vous souhaitez essentiellement que nous maintenions le statu quo pour ce qui est de notre traitement de la presse. Or, il me semble que c'est la presse qui a changé depuis quelques années et que la titillation du public est maintenant un phénomène beaucoup plus courant qu'il y a 10 ou 15 ans, même dans les journaux ordinaires.

Lors de sa comparution, le Commissaire à la protection de la vie privée a utilisé l'expression «presse scatologique». Dans les médias grand courant, on recrute maintenant des journalistes de la presse scatologique. Ma véritable préoccupation est la suivante: comment définir le journalisme? Si quelqu'un veut créer un site Web sur l'Internet et se prétendre journaliste, cette personne est-elle journaliste? Vous avez sans doute un code de déontologie à l'intention des membres de votre association, mais comment pouvez-vous régir d'autres personnes qui voudraient bénéficier de cette immunité en se prétendant journalistes?

• 1600

M. Blair Mackenzie: Madame la présidente, la question comporte plusieurs volets. D'une part, elle porte sur la définition du journalisme et, d'autre part, sur l'allégation selon laquelle la presse aurait évolué dans une certaine direction, ce qui relève davantage de la compétence de mon collègue Neil Reynolds que de la mienne.

Nous définissons le journalisme comme il a toujours été défini, c'est-à-dire la collecte, la rédaction et la présentation des nouvelles. Si vous consultez les définitions qu'en donnait le dictionnaire il y a très très longtemps, c'est à peu près ce que vous trouverez. Dès les années 1750, on trouve l'inscription «journal» définie ainsi:

    un compte rendu d'événements ou de transactions publics rédigé au moment où ils se produisent, sans analyse historique, un journal quotidien ou une autre publication, et par extension une publication périodique,

et ainsi de suite.

Cette définition remonte au XVIe ou au début du XVIIe siècle et c'est une conception du journalisme qui a survécu à l'avènement de la radio et de la télévision. Je n'ai pas de boule de cristal qui me permette de savoir si elle survivra à l'apparition de l'Internet. Mais une définition et un concept du journalisme qui nous accompagnent de façon satisfaisante depuis aussi longtemps devraient, à mon avis, survivre encore longtemps.

Je pense que la démarche européenne est la bonne car on emploie tout simplement le terme «journalisme» sans tenter de le définir. Si vous me permettez d'ajouter quelque chose à ce sujet, lorsqu'on se penche sur ce qu'ont fait les autres pays, on constate qu'ils ont emprunté la même voie. Ils ont essentiellement adopté le terme «journalisme». À ma connaissance, le seul pays qui est allé plus loin—à tout le moins, parmi ceux que j'ai examinés—et qui a essayé d'en donner une définition est la Nouvelle-Zélande, et sa définition n'ajoute rien à ce que je viens de dire.

Neil?

La présidente: Monsieur Reynolds, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Neil Reynolds (rédacteur en chef, The Ottawa Citizen): À la question de savoir ce qu'est le journalisme... En fait, le concept de la nouvelle change avec le temps. Tout change. Il n'y a rien de statique. Dans ce contexte, la définition que je préfère est le mot célèbre de Lord Northcliffe: «La nouvelle, c'est ce que quelqu'un veut étouffer. Tout le reste n'est que publicité.»

Des voix: Oh, oh.

M. Neil Reynolds: Il y a énormément de publicité dans le journalisme. Nous écrivons tous des reportages positifs. Nous écrivons des reportages à partir de communiqués. Mais ce qui est absolument fondamental, c'est le droit de publier un reportage qu'une personne puissante voudra étouffer. Cela ne changera pas, peu importe la façon dont le médium change. C'est une caractéristique qui est présente depuis la naissance du journalisme et qui, à mon avis, demeurera. C'est cette quête indépendante de la vérité que seul un écrivain peut parfois réaliser.

M. Ian Murray: Permettez-moi une observation. Il est question d'un projet de loi qui porte sur le commerce électronique. Si nous sommes saisis de ce projet de loi, c'est que le monde a changé et qu'il est possible de diffuser de l'information plus largement, plus rapidement et plus anonymement que jamais auparavant.

Je reviens donc à ma question: essentiellement, cette exemption protégerait n'importe qui, l'authentique journaliste professionnel ou la personne qui veut simplement s'amuser et publier un petit bulletin de nouvelles quelconque sur l'Internet et dire n'importe quoi sur n'importe qui. Évidemment, vous me répliquerez que la Loi sur la diffamation protégera les gens victimes de diffamation. En réalité, vous avez beaucoup plus de chance de gagner et de faire faillite que d'avoir réellement satisfaction dans un cas de diffamation. Ce n'est pas moi qui le dit; c'est ce que m'ont dit des avocats. Je reviens encore une fois à mon argument: qui est journaliste? N'importe qui peut se dire journaliste. Est-ce que cela fait de cette personne un journaliste?

La présidente: Monsieur Mackenzie.

M. Blair Mackenzie: Merci. J'aimerais offrir une réponse à deux niveaux. Premièrement, je pense qu'il est plutôt injuste de s'attacher uniquement au journalisme car, vous en conviendrez, l'exemption proposée ne vise pas uniquement le journalisme. Aux fins journalistiques s'ajoutent les fins artistiques et littéraires, et vous avez entendu l'opinion selon laquelle cela ne couvre pas tous les volets de la liberté d'expression que l'on souhaitait couvrir grâce à cette disposition. Voilà pourquoi je pense que c'est une erreur que de se demander uniquement «qui est journaliste?», comme si cela allait permettre de savoir qui tirera parti d'une telle exemption. Le fait de parler de fins journalistiques, littéraires et artistiques, comme on l'a signalé, découle directement de la démarche amorcée en Europe, là où, dans une grande mesure, le phénomène a commencé.

• 1605

La seule autre explication que je peux offrir est tout à fait hypothétique. Il y a bien des siècles de cela, l'Angleterre et d'autres pays étaient aux prises avec le même problème. En effet, n'importe qui pouvait aller chez un imprimeur et lui demander d'imprimer un tissu de calomnies. Les auteurs pouvaient détruire des réputations, disparaître à la faveur de la nuit sans jamais être retrouvés. La réaction législative ou, à tout le moins juridique, a été de tenir l'imprimeur responsable. Toute une gamme de lois ont ensuite découlé de cela, donnant aux imprimeurs le droit de ne pas publier certaines publicités précisément en raison des risques qu'ils courraient s'ils le faisaient. C'est peut-être une orientation à laquelle vous voudrez réfléchir.

Ce n'est pas une proposition que je fais cet après-midi, pas du tout. Je signale simplement que ce n'est pas la première fois que les législateurs ont à s'attaquer aux problèmes causés par des personnes qui détruisent la réputation d'autrui par des moyens de diffusion. D'habitude, la solution consiste à trouver une tierce personne et à réclamer son intervention.

M. Ian Murray: Je n'avais pas l'intention de m'en prendre aux journalistes. J'engloberais les autres catégories également, car quelqu'un peut prétendre faire une oeuvre littéraire ou artistique aussi bien que prétendre être journaliste. C'est une question intéressante et j'estime qu'il n'y a pas de réponse facile. Pour votre gouverne, sachez que je pencherais en faveur de la liberté de la presse, mais que toute cette question me préoccupe vivement.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Murray.

[Français]

Monsieur Dubé, vous avez la parole.

M. Antoine Dubé: Merci. J'ai bien aimé les exposés de tous les témoins et j'aimerais leur poser deux questions.

Certains témoins qui vous ont précédés ont dit qu'il y avait deux aspects dans cette loi. Ils souhaitaient que les deux aspects soient traités de façons différentes et distinctes. Il s'agit, bien sûr, de toute la question du commerce électronique qui évolue beaucoup. On connaît maintenant un certain nombre de choses à cet égard, bien que cela puisse aller encore plus loin. Il y a également la question de la transmission des renseignements personnels, peut-être par des moyens non électroniques.

J'aimerais savoir de chacun de vos groupes, et on le voit par les questions sur les médias, s'il n'aurait pas été souhaitable que ces deux aspects soient traités par des lois différentes. C'est ma première question.

En deuxième lieu, je demanderais à ceux qui ont pris connaissance de la loi québécoise sur les renseignements personnels de porter un jugement sur celle-ci et sur son application. Considèrent-ils que c'est une bonne loi? Est-elle adéquate? Est-ce que le gouvernement fédéral aurait pu s'en inspirer? Est-ce qu'il y a des problèmes possibles de dédoublement entre ces deux lois pour les entreprises ou vos membres qui sont au Québec?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Dubé, posez-vous cette question aux quatre témoins?

[Français]

M. Antoine Dubé: À ceux qui veulent y répondre. Je ne les oblige pas à le faire.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Mackenzie, voulez-vous commencer?

M. Blair Mackenzie: Pardonnez-moi de vous répondre en anglais.

Pour ce qui est des dédoublements entre la législation québécoise et ce projet de loi-ci, comme nous sommes venus ici seulement pour vous entretenir de cette question précise de l'exemption journalistique, je ne saurais me prononcer là-dessus. Il est évident que la loi fédérale proposée sera cohérente en ce sens qu'elle vise, tout comme la loi québécoise, à créer une exemption spécifique pour le journalisme. C'est à peu près tout ce que je peux dire là-dessus.

Quant à votre première question, à savoir s'il est souhaitable d'établir deux approches différentes ou deux régimes juridiques différents pour le traitement de l'information—si j'ai bien compris votre question, il s'agissait de la séparation, autrement dit de la diffusion de renseignements personnels pour des raisons autres que commerciales, mais je ne sais pas si j'ai vraiment bien saisi votre question... Encore là, je ne saurais vous donner de réponse détaillée, puisque nous sommes venus vous parler seulement de cette question précise.

Je dirai simplement que de notre point de vue, les tribunaux et les législateurs au Canada ont, en réalité, déjà établi une structure bien pensée et très détaillée quant à la façon dont l'information peut être utilisée à des fins journalistiques, c'est-à-dire non pas à des fins commerciales, mais plutôt dans le but d'informer le public. C'est précisément cet équilibre que nous demandons au comité de conserver. Nous disons que c'est un équilibre judicieux, qu'il a résisté à l'épreuve du temps et qu'il mérite de ne pas être troublé. C'est tout ce que je peux dire là-dessus, compte tenu de l'étroitesse de notre position sur le projet de loi.

La présidente: Merci, monsieur Mackenzie.

Madame Soderstrom, avez-vous quelque chose à ajouter?

• 1610

[Français]

Mme Mary Soderstrom: Oui. Je sais qu'actuellement, nous nous penchons sur la question de la législation québécoise. Je sais que quelques chercheurs et d'autres personnes ont des critiques à formuler face aux lois québécoises.

La semaine prochaine, il y a aura un colloque sur les problèmes que la décision québécoise pose aux archivistes, aux historiens et aux écrivains qui travaillent dans le domaine des romans historiques ainsi que dans d'autres domaines.

Je ne peux donc pas préciser en ce moment nos critiques eu égard à ces lois, mais il y en a qui ont été formulées.

[Traduction]

La présidente: Merci. Monsieur Boyd.

[Français]

M. Harris Boyd: J'ai quelques commentaires. Deux des quatre plus gros câblodistributeurs du Canada sont au Québec. Nous vivons depuis cinq ans avec la loi québécoise. Nous voyons ces cinq années d'expérience comme un avantage. Nous trouvons que la Commission d'accès à l'information du Québec travaille de très près avec nos membres afin de les aider à respecter la loi. L'approche que nous proposons à nos abonnés pour respecter la loi fédérale est la même que celle adoptée au Québec, c'est-à-dire de fournir de l'information aux abonnés, de les aider à comprendre la loi et de nous aviser s'ils pensent que nous avons certains renseignements sur lesquels ils ne sont pas d'accord ou s'ils veulent enlever leur nom de certaines listes. Ce que nous avons essayé a bien fonctionné au Québec et je pense que cela va beaucoup nous aider dans le reste du Canada.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Boyd.

Monsieur Smith, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Arnold Smith: Absolument. Comme nous comptons avoir des activités dans l'ensemble du pays avant très longtemps, nous examinons le secteur des services municipaux au Canada d'un océan à l'autre. Nous avons examiné les deux projets de loi, c'est-à-dire le projet de loi C-54 et la loi 68 du Québec, et nous croyons que les deux sont différents. Nous ne prévoyons pas de problème pour ce qui est de respecter l'un ou l'autre ou les deux.

Nous espérons seulement que le Québec continuera de faire appliquer sa loi et de l'améliorer avec le temps et nous comptons que l'on en fera autant pour le projet de loi C-54. Nous appuyons les deux mesures qui nous semblent nécessaires et nous ne voyons pas pourquoi ces deux lois ne pourraient pas être administrées de façon complémentaire. Je répète que de notre point de vue, la principale tâche est d'obtenir des neuf autres provinces qu'elles légifèrent dans le même sens.

Quant à votre première question sur la possibilité de lois distinctes pour le commerce électronique et les renseignements personnels, dans notre cas et dans notre secteur, les renseignements personnels et le commerce électronique sont inextricablement liés. D'après nous, il serait hautement inefficace de vouloir traiter les deux séparément. Si nous devions faire un choix, nous préférerions que les deux soient traités dans la même loi.

[Français]

La présidente: Merci, monsieur Dubé.

[Traduction]

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.

Ma première question s'adresse à Enlogix. Je voudrais comprendre quel genre d'information vous recueillez actuellement. Sur la consommation, par exemple, faites-vous cela pour identifier les gens et le faites-vous moyennant un paiement forfaitaire? Aujourd'hui, quand vous recueillez ces renseignements, comment obtenez-vous le consentement?

La présidente: Monsieur Smith.

M. Arnold Smith: Merci.

Traditionnellement, dans le secteur des services publics, on n'obtient pas le consentement explicite ni même implicite pour recueillir les données du compteur. Historiquement, la lecture du compteur a toujours été perçue comme une opération que l'entreprise doit effectuer pour assurer un service essentiel. Cela résume assez bien la situation actuelle.

Nous sommes en quelque sorte à l'avant-garde du changement, car habituellement, la déréglementation s'accompagne de la lecture à distance des compteurs. Au lieu d'envoyer quelqu'un lire les compteurs, on installe un dispositif qui permet de lire le compteur à distance beaucoup plus fréquemment.

• 1615

Maintenant, ces données sont-elles recueillies de manière à pouvoir établir la quantité d'électricité utilisée par chaque personne? Non, et je ne prévois pas que ce sera le cas. Essentiellement, les données du compteur serviront à établir comment l'énergie est consommée dans un endroit donné, que ce soit une maison ou un immeuble d'appartements, dans le but d'utiliser l'énergie de façon plus efficiente et non pas pour établir des renseignements de nature personnelle.

M. Walt Lastewka: Merci.

Ma question suivante s'adresse à l'Association des journaux. Vous avez dit compter un peu plus de 100 membres. Avez-vous un code d'éthique que chaque journal membre de l'association s'engage à respecter?

M. Blair Mackenzie: Absolument. Nous avons adopté un code d'éthique à l'Association des journaux canadiens. Je pense que cela a fait l'objet de tout un échange de correspondance. Ensuite, chaque groupe de journaux possède ses propres règles, qui peuvent être encore plus rigoureuses que celles énoncées dans le code.

Vous voudrez peut-être en dire un mot, Neil. J'ignore dans quelle direction, selon quelle définition ou à quel niveau de détail vous voulez aborder la question.

M. Walt Lastewka: Je comprends l'exemption. Je veux comprendre comment l'industrie se régit elle-même volontairement. J'entends beaucoup parler d'autoréglementation, etc. Je voudrais comprendre comment l'industrie des journaux se réglemente. Étant donné ce privilège de l'exemption, comment l'industrie se régit-elle et comment fait-on des vérifications pour s'assurer que les règles sont bien appliquées?

La présidente: Monsieur Reynolds.

M. Neil Reynolds: Je peux répondre au nom de l'Ottawa Citizen qui, je crois, est probablement représentatif des journaux plus importants. Nous avons des documents officiels, des codes de pratique que tous les gestionnaires de la rédaction doivent obligatoirement étudier. Vous voulez parler spécifiquement de la rédaction, n'est-ce pas?

M. Walt Lastewka: De n'importe quel service.

M. Neil Reynolds: Je voudrais dire tout d'abord que dans tous les journaux où j'ai travaillé, il y a une barrière absolue entre les services commerciaux et la rédaction. Personne n'a accès au moindre renseignement de part et d'autre de cette barrière.

Par exemple, si le journal publie une annonce personnelle qui semble étrange ou intéressante, il est impossible pour quelqu'un de la rédaction de savoir qui a acheté cette annonce. Ça ne se fait pas. On ne pose même pas la question. Et si quelqu'un posait la question, il n'aurait pas de réponse. C'est traditionnel. C'est un exemple classique de ce mur infranchissable entre les services commerciaux et la rédaction.

Du côté de la rédaction, nous avons évidemment nos propres politiques officielles écrites sur de nombreux aspects de notre comportement, y compris le respect de la vie privée. Au Citizen, nous avons un directeur délégué de la rédaction qui assume la responsabilité spécifique des plaintes ou des problèmes qui peuvent surgir. Nous avons pour politique de régler ces questions rapidement. Si, pour quelque raison, une personne se plaint de la façon dont le Citizen a traité une question, il y a d'abord, au premier niveau, le conseil de presse, en l'occurrence le Conseil de presse de l'Ontario.

J'ai siégé pendant six ans au Conseil de presse de l'Ontario. Je sais très bien comment il fonctionne. Il peut se pencher sur à peu près n'importe quelle question s'il estime qu'il y a eu manque d'objectivité ou d'autres manquements plus graves. Je peux vous dire, pour avoir été témoin des activités du conseil pendant de nombreuses années, que le conseil de presse lui-même prend très au sérieux les plaintes relatives au manque d'objectivité. Il tranche la question.

Pour être membre du conseil de presse, un journal doit notamment en publier intégralement les décisions. Donc, si un journal refuse de présenter ses excuses à quelqu'un, il sait bien que quelques semaines plus tard, quelqu'un pourra l'obliger à dire «Je m'excuse». Même à ce niveau de plainte assez mineur, nous prenons l'affaire très au sérieux.

• 1620

Nous faisons un suivi des plaintes de tous genres. Nous vivons à une époque de pratique de gestion, etc., de sorte qu'on sait combien de plaintes par 1 000 exemplaires sont déposées et dans quelle catégorie elles se classent, et on fait un suivi chaque mois dans les rapports mensuels. C'est une entreprise commerciale que nous dirigeons. Il est dans notre propre intérêt de veiller à ce qu'il y ait le moins de plaintes possible et de traiter équitablement et rapidement les plaintes qui sont déposées.

La présidente: Dernière question, je vous prie, monsieur Lastewka.

M. Blair Mackenzie: Puis-je dire quelque chose?

M. Walt Lastewka: Allez-y, monsieur Mackenzie.

M. Blair Mackenzie: Je voulais seulement ajouter, à titre d'exemple, que le Conseil de presse de l'Ontario a notamment le mandat d'obliger les journaux à respecter la norme suivante:

    les lecteurs peuvent demander des comptes aux journaux de l'Ontario en cas de conduite injustifiée, par exemple le fait d'empiéter sur la vie privée sans raison valable,

et c'est l'une des normes très précises que le conseil applique.

En Colombie-Britannique, la norme est celle-ci:

    Il n'est pas acceptable de publier des documents ou de mener une enquête sur la vie privée d'une personne sans avoir obtenu son consentement, à moins que ce ne soit dans l'intérêt public, au point de l'emporter sur le droit à la vie privée.

Ce sont les normes écrites que l'on applique pour trancher en cas de litige.

M. Walt Lastewka: Je comprends. Je comprends le mandat et je comprends que ces organismes appliquent ce mandat. Ce qui me préoccupe, c'est la vérification qui permet de s'assurer que les gens assument leur mandat.

Je reviendrai là-dessus plus tard, monsieur Reynolds, mais puisque nous parlons de prendre des décisions et d'adopter des mesures correctrices, je voudrais vous interroger sur la possibilité qu'un journal publie quelque chose par erreur—sans l'avoir voulu, par une simple erreur—et que cette erreur fasse les manchettes ou suscite tout un débat. Par la suite, je lis la rectification à ce sujet à la page 39. Je sais que certains journaux ont maintenant décrété que toutes les rectifications seront publiées à la page 2 ou à la page 3. Comme vous avez beaucoup d'expérience, je vous pose la question: pourquoi la rectification n'obtient-elle pas le même espace que l'erreur?

Une voix: Oh, oh.

M. Neil Reynolds: En général, la plupart des journaux publient maintenant les rectificatifs en un endroit déterminé, la plupart à la page 2. Évidemment, la page 2 vient bien avant la page 37 dans un journal. Les journaux sont parfois un peu en désordre quand on les lit. La page 2 est l'endroit choisi pour publier les rectificatifs et les excuses, sauf dans des cas inhabituels. Il n'est pas rare qu'un journal publie à un endroit précis en conformité d'une entente juridique. Si les avocats négocient une entente à l'amiable entre les deux parties, le rectificatif peut être publié en un endroit précis au lieu de la page 2.

M. Walt Lastewka: Je comprends cela du point de vue légal, quand on s'entend sur certaines choses. J'essaie d'éviter d'entrer dans les subtilités juridiques. Je veux m'en tenir strictement à la question de la vie privée. Si c'est une question qui met en cause la vie privée—et peut-être que cela devrait figurer dans la loi ou le règlement—si l'on a imprimé par erreur un renseignement qui met en cause la vie privée et si l'on apporte ensuite un rectificatif, il faut que celui-ci occupe le même espace que l'erreur originale. Qu'avez-vous à dire là-dessus?

M. Neil Reynolds: Je n'ai rien de précis à dire là-dessus. La plupart des lecteurs savent où se trouvent les rectificatifs. Certains aiment à les lire. Pour ma part, j'aime bien les lire—dans d'autres journaux.

Des voix: Oh, oh.

M. Neil Reynolds: On va directement à la page 2 et l'on peut lire quelles erreurs ils ont commis ce jour-là, vous comprenez?

Je ne m'en tiens pas à un principe quelconque quant à l'endroit où les excuses doivent être publiées.

La présidente: Monsieur Mackenzie, vous vouliez ajouter quelque chose—brièvement, je vous prie.

M. Blair Mackenzie: Chose certaine, à ma connaissance, aucun de nos journaux n'a l'habitude d'enterrer les rectificatifs ou de les publier à des endroits bizarres. Pour autant que je sache, les seuls rectificatifs publiés à des endroits inhabituels l'ont été à la demande de la personne qui avait signalé la chose à notre attention.

La présidente: Merci, monsieur Mackenzie et monsieur Lastewka.

Monsieur Jones, avez-vous des questions?

M. Jim Jones (Markham, PC): Oui.

Dans le mémoire de l'ACTC, vous dites avoir participé à l'élaboration du code type, mais vous ajoutez avoir par la suite mis au point votre propre code sectoriel destiné à être appliqué par vos membres. Quelle est la différence?

M. Harris Boyd: Essentiellement, on a pris le code type de la CSA et on l'a rendu directement applicable à nos compagnies pour ce qui concerne les types de services que nous dispensons et de renseignements que nous possédons.

• 1625

On y a intégré tous les principes du code qui figurent dans l'annexe du projet de loi. Essentiellement, on a essayé de faciliter sa mise en oeuvre pour nos compagnies, en disant par exemple «dans une compagnie de télévision par câble, il faut faire ceci ou cela». Je dois dire que nous n'avons pas mis en vigueur ce code sectoriel parce que le projet de loi nous a pris de vitesse. Au lieu de présenter un tel code sectoriel à nos clients, nous avons décidé d'attendre et de voir quels changements seraient apportés dans ce processus—au lieu d'être obligé de tout refaire. Nous ne l'avons donc pas mis en application, mais nous sommes prêts. Bien sûr, c'est la raison pour laquelle nous sommes contents de voir toute cette question réapparaître ici. Nous avons déjà déblayé le terrain.

M. Jim Jones: Bon, merci.

Hier, nous avons entendu des représentants des grandes compagnies de télécommunications qui s'inquiètent de l'étendue du pouvoir conféré au Commissaire fédéral à la protection de la vie privée. Ils se sont notamment dit préoccupés par le paragraphe 18(1) du projet de loi, qui permet au Commissaire à la protection de la vie privée de faire une vérification d'une compagnie si le commissaire—et il est le seul à en décider—croit qu'il y a eu violation des pratiques recommandées. À votre avis, cette disposition est-elle inutilement intrusive? Votre organisation appuierait-elle un amendement tendant à supprimer au paragraphe 18(1) toute allusion aux pratiques commerciales recommandées?

M. Harris Boyd: Posez-vous cette question aux représentants de la télévision par câble?

M. Jim Jones: Oui.

M. Harris Boyd: Pour le moment, nous n'avons pas vraiment d'objection à la façon dont cette disposition est formulée. Nos normes visent essentiellement nos pratiques commerciales en termes de qualité du service, de facturation et d'avis aux clients, ce qui va évidemment beaucoup plus loin que la protection des renseignements personnels, mais nos normes traitent très spécifiquement de nos pratiques en matière de respect de la vie privée. Nous préciserons tout cela davantage quand viendra le temps de mettre en application cette loi et notre propre code. À première vue—je ne peux pas dire que j'ai examiné la question dans tous ses détails—nous ne voyons pas de problème pour nos compagnies.

M. Jim Jones: Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-54 exige un examen obligatoire après cinq ans. Estimez-vous que c'est un délai suffisant pour procéder périodiquement à l'examen de cette mesure? Le gouvernement fédéral devrait-il être tenu, aux termes du projet de loi C-54, de consulter officiellement les provinces afin qu'à l'avenir, les normes fédérales et provinciales en matière de respect de la vie privée soient harmonisées?

M. Harris Boyd: Je crois assurément que l'harmonisation fédérale-provinciale est très importante et je pense qu'il devrait y avoir consultation. Pour ce qui est de l'examen après cinq ans, je trouve que c'est un délai raisonnable, étant donné que la mesure s'appliquera seulement dans un an aux compagnies sous réglementation fédérale et dans trois ans dans le cas des provinces qui n'adoptent pas de loi semblable. Cinq ans n'est donc pas un délai tellement long après la mise en application généralisée. Je pense qu'il est important de faire cet examen à ce moment-là, mais les gens directement visés, autant les consommateurs que les entreprises, devraient alors être consultés.

La présidente: Quelqu'un d'autre veut-il ajouter quelque chose?

Monsieur Smith.

M. Arnold Smith: Premièrement, je suis d'accord avec les deux points énoncés par M. Boyd. Il reste à voir combien de travail il faudra finalement pour assurer l'harmonisation de la législation fédérale et provinciale.

Deuxièmement, un délai de cinq ans me semble raisonnable au point où nous en sommes aujourd'hui, mais j'ai personnellement le sentiment que nous devrions être prêts à faire des modifications au fur et à mesure, selon les changements qui surviendront.

M. Jim Jones: D'accord.

Les paragraphes 12(1) et 18(1) permettent au Commissaire à la protection de la vie privée d'entrer dans les locaux d'une organisation et d'obtenir copie de documents sans avoir obtenu d'autorisation préalable. Ces dispositions sont incompatibles avec les précédents établis aux termes de lois comme la Loi sur la concurrence, qui exige d'obtenir la permission du tribunal avant de recueillir des renseignements. Votre organisation appuie-t-elle un amendement à ces paragraphes en vue d'exiger que le Commissaire à la protection de la vie privée obtienne une autorisation judiciaire avant d'exercer ses pouvoirs de perquisition et de saisie?

M. Harris Boyd: Voulez-vous répondre à cela en premier, monsieur Mackenzie?

Des voix: Oh, oh.

La présidente: Monsieur Mackenzie?

M. Blair Mackenzie: Il n'y a qu'une seule réponse à cela: c'est effrayant.

La présidente: Qu'est-ce qui est effrayant?

M. Blair Mackenzie: La perspective de pouvoir exécuter une perquisition sans aucune autorisation préalable, surtout dans le contexte d'une salle de rédaction.

La présidente: Bien. Monsieur Smith.

M. Arnold Smith: De notre point de vue, nous appuyons les pouvoirs que l'on propose de conférer au commissaire en matière de vérification. Nous croyons que ces pouvoirs sont des outils importants de l'arsenal, mais nous signalons dans notre mémoire que le projet de loi semble permettre de procéder à une vérification après une seule plainte. Nous espérons que, dans les faits, les pouvoirs de vérification seront utilisés logiquement, pour éliminer les pommes pourries.

• 1630

Nous sommes particulièrement sensibles au fait que le processus de vérification pourrait être relativement public. Dans la mesure où il est absolument essentiel pour nous que nos clients et leurs clients nous fassent confiance dans un marché qui change rapidement, une vérification faite de façon cavalière ou arbitraire pourrait être beaucoup plus dommageable si elle était menée en public. Elle pourrait nous causer de graves torts. Le processus nous inquiète un peu.

M. Harris Boyd: Nous sommes d'avis qu'il est assez peu probable qu'on assiste à des perquisitions et à des saisies. C'est du moins ce que nous espérons. Comme Blair l'a dit, il est un peu effrayant de songer que l'on pourrait procéder sans préavis à une perquisition sans autorisation préalable. Comme nous le disons dans notre mémoire, nous espérons bien que l'on ne tentera jamais de mettre cette mesure à l'essai dans nos compagnies. Nous espérons qu'il y aura toujours possibilité pour une compagnie de répondre à une plainte, que l'on procédera par médiation et qu'une perquisition sera absolument un outil de dernier recours. Mais je pense que nous devons probablement nous rendre compte que, dans bien des cas peut-être, il faut disposer d'un pouvoir de dernier recours.

De notre point de vue, nous espérons que cela ne s'appliquera jamais à nous, mais il y aura sans doute des circonstances où il faudra s'assurer d'avoir accès à des renseignements. Peut-être que le fait de donner un préavis empêcherait cela.

M. Jim Jones: Merci.

La présidente: Merci. Madame Soderstrom.

Mme Mary Soderstrom: Je souscris à la réaction immédiate de M. Mackenzie, à l'idée que l'on pourrait faire l'objet d'une perquisition sans préavis légal. Je pense que c'est absolument contraire aux valeurs fondamentales de notre société que de faire une perquisition sans mandat.

La présidente: Monsieur Acker, voulez-vous commenter, vous aussi?

M. Stephen B. Acker (avocat, Enlogix Inc.): Oui. En tant qu'avocat, je ne suis pas particulièrement troublé par cette question.

Je pense qu'il y a eu hier une discussion au sujet de la différence entre le contexte criminel et le contexte civil. Je sais que le code civil renferme des dispositions qui n'ont pas encore été intégrées à la Loi sur la concurrence. Je pense qu'il est très improbable que le Commissaire à la protection de la vie privée vienne enfoncer des portes à la recherche de documents.

Des voix: Oh, oh.

Une voix: On ne sait jamais!

Une voix: Voilà Bruce qui arrive!

M. Stephen Acker: Il dispose de pouvoirs très semblables aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels, laquelle s'applique bien sûr uniquement à l'administration publique.

Je soupçonne que si le commissaire veut obtenir des documents aux termes de ce projet de loi, il commencera par les demander et s'il veut venir nous rendre visite, il enverra une lettre précisant qu'il viendra à tel jour et à telle heure. Si l'organisation veut contester cette visite, elle peut s'adresser aux tribunaux et chercher à se soustraire à la perquisition. Je ne trouve pas que cette disposition du projet de loi soit très préoccupante.

La présidente: Merci, monsieur Acker. Monsieur Bellemare.

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Merci, madame la présidente. Je vais poser des questions savantes et j'espère qu'elles ne me joueront pas des tours.

Je voudrais revenir à la question du commerce électronique. Nous discutons de ce projet de loi et la discussion s'oriente vers le respect de la vie privée. Il faut remettre cela dans le contexte du commerce électronique.

Dans le commerce électronique, ce qui me préoccupe, c'est la mauvaise utilisation de données, l'utilisation par les commerçants électroniques de techniques de télémarketing et même de ventes sous pression—je pense que vous comprenez ce que je veux dire—pour s'«attaquer», et je pèse mes mots, aux vieillards, aux gens crédules, aux jeunes, etc., au moyen de l'Internet. Quelle est votre opinion là-dessus? Je serai plus précis dans mes prochaines questions.

La présidente: Posez-vous vos questions à n'importe lequel des témoins?

M. Eugène Bellemare: Oui, à n'importe lequel. Dans la télévision par câble, on dispose de l'Internet et l'on peut faire beaucoup de choses sur Internet et...

La présidente: Monsieur Boyd, avez-vous des commentaires?

M. Harris Boyd: Évidemment, nous ne recommandons pas que l'on s'attaque aux gens sur l'Internet. La question est de savoir comment contrôler ces techniques de pression. À l'heure actuelle, nous offrons aux consommateurs un service très rapide. Ils ont accès à notre réseau. Si l'on nous signalait quelque activité illégale, notre seul recours serait de leur couper le service. Nous ne contrôlons pas leurs transactions et nous n'avons donc aucune idée de ce que les gens se disent.

M. Eugène Bellemare: Bon. Je vais revenir à la charge en étant un peu plus précis. Quand on fait des affaires sur Internet, il y a d'une part la personne publique, d'autre part, la personne privée, et la personne qui fait du commerce, que ce soit un commerçant ou non. C'est ce que l'on appelle le commerce électronique.

• 1635

On ne visualise pas nécessairement l'acheteur. L'interaction se fait souvent en aveugle. Je dis «souvent», parce qu'il existe maintenant des gadgets qui permettent aux interlocuteurs de se voir. Mais pour la catégorie des gens dont je parle, vous pourriez violer la vie privée d'une famille en passant par un enfant qui est un petit génie en informatique et qui peut donner toutes sortes de renseignements.

La Loi sur la protection de la vie privée, sauf pour la réserve exprimée par M. Mackenzie en ce qui a trait à la Loi sur les jeunes contrevenants... Je constate que vous avez accepté que la Loi sur les jeunes contrevenants soit du domaine public, mais que ce ne soit pas du ressort du journalisme. Vous l'avez accepté.

M. Blair Mackenzie: Oui.

M. Eugène Bellemare: Bon. Mais en passant par l'Internet, même si ce n'est pas du commerce électronique, même s'il n'y a pas de vente commerciale, il suffit que quelqu'un soit curieux, un enfant par exemple... Vous pouvez vraiment en savoir beaucoup lorsque vous vous adressez à un enfant ou à une personne âgée ou à une personne très crédule ou... Vous pourriez probablement nous donner une foule d'autres exemples et nous montrer comment vous pouvez tirer des gens beaucoup de données personnelles et vous en servir pour en extraire des renseignements. Est-ce une utilisation à mauvais escient des renseignements personnels?

La présidente: Monsieur Mackenzie?

M. Blair Mackenzie: Je ne peux vraiment rien dire là-dessus, parce que l'Association canadienne des journaux ne fait pas de commerce électronique. Le seul but de notre témoignage de cet après-midi est de traiter de l'exemption à des fins journalistiques. Nos membres connaissent tous le projet de loi...

M. Eugène Bellemare: Un instant...

M. Blair Mackenzie: ...et aucun d'entre eux ne l'a contesté.

M. Jim Jones: Vous faites du commerce électronique.

M. Blair Mackenzie: Non, pas l'Association canadienne des journaux, et c'est à ce titre que je suis ici.

M. Eugène Bellemare: D'accord.

M. Blair Mackenzie: Je ne veux nullement esquiver la question, mais le fait est que je ne peux pas y répondre. Ce n'est tout simplement pas la question qui nous amène ici cet après-midi.

La présidente: Monsieur Boyd.

M. Harris Boyd: Je vais faire une brève observation. Nous avons dit dans notre mémoire que nous sommes disposés à aider à renseigner le public sur les dangers de l'Internet. Je trouve qu'il y a lieu de renseigner le public à ce sujet.

M. Eugène Bellemare: Un instant.

Non, madame la présidente, je vous en prie.

La présidente: Y a-t-il un problème, monsieur Bellemare?

M. Eugène Bellemare: Mais renseigner le public, madame la présidente... sortons les violons et ces gens-là vont nous danser la claquette.

Je parle des abus possibles. Comment nous, en tant que législateurs, pouvons-nous légiférer de manière à protéger les personnes innocentes contre les violations de leur vie privée dont ils pourraient être victimes parce qu'ils sont vieux, ou crédules, ou qu'ils ne savent pas bien s'exprimer, ou parce qu'ils sont victimes d'une escroquerie, qu'ils ont affaire à des escrocs? C'est vous qui êtes le véhicule de tout cela. Vous le permettez parce que cela vous rapporte... pourvu que ce ne soit pas illégal. Quant à nous, notre tâche est de faire des lois et nous disons, oublions pour un instant l'éducation du public, parlez-nous des aspects juridiques.

M. Harris Boyd: Il me semble que la législation sur la fraude continuera de s'appliquer. Il n'y a pas tellement de différence entre une escroquerie qui se fait par Internet, par la sollicitation porte-à-porte ou par téléphone. Il y a une foule de moyens de tirer des renseignements des gens et de s'en servir par la suite, quand on a affaire à des gens «crédules», comme vous dites. Il est évident qu'il y a des filous à l'oeuvre partout.

Je ne rejetterais pas aussi cavalièrement l'éducation du public. Sauf votre respect, en tant que législateurs, vous pouvez protéger les gens contre eux-mêmes jusqu'à un certain point, mais pas plus. Les gens doivent au moins savoir que le fait de donner certains renseignements, comme le numéro de leur carte de crédit, est tout aussi dangereux au téléphone que sur Internet et que le fait de laisser un enfant naviguer librement sur Internet peut aussi entraîner beaucoup de problèmes pour une famille. Pour aider à empêcher cela, je dirais que nous avons tous un rôle à jouer en termes d'éducation du public.

M. Eugène Bellemare: Je voudrais revenir aux gens des médias et à la différence entre une personne publique et une personne privée. Maintenant, comme exemple d'une personnalité publique, vous avez nommé M. Walsh de Bre-X; lui et sa bande nous ont tous escroqués de belle manière. C'est maintenant une personnalité publique, tout comme les politiciens le sont.

• 1640

Mais les membres de la famille des personnalités publiques sont-ils des cibles légitimes, dans ce débat sur la vie privée que nous avons aujourd'hui, que ce soit les enfants ou l'épouse, qu'il s'agisse de savoir la marque de crème glacée qu'ils achètent ou le modèle de voiture qu'ils conduisent? Vous pouvez vendre cette information à d'autres fournisseurs qui vont ensuite les harceler indéfiniment jusqu'à ce qu'ils achètent quelque chose. Ou bien des journalistes vont ridiculiser un simple citoyen parce qu'il mange la mauvaise marque de crème glacée, ce qui a été découvert grâce au commerce électronique.

Que pensez-vous de tout cela, de la différence entre l'information publique et l'information privée que vous recueillez?

La présidente: Monsieur Mackenzie.

M. Blair Mackenzie: Sauf votre respect, je dois dire que je ne suis pas tout à fait sûr de bien comprendre la question, mais dans la mesure où il s'agit de savoir si les règles proposées dans le projet de loi devraient traiter différemment la vie privée des gens qui, en raison d'événements qui ont déjà eu lieu, sont devenus des personnalités publiques et la vie privée des gens dont la vie n'est pas du domaine public, je réponds à cela que je ne vois absolument aucune raison, aucune justification qui permettrait d'établir une distinction de ce genre.

Du point de vue de la nouvelle, une personne peut fort bien se retrouver dans l'actualité pour une bonne raison sans avoir attiré l'attention des journalistes antérieurement. Les questions qui sont portées à l'attention de Neil et dont il doit s'occuper vont bien au-delà des gens qui peuvent avoir été la cible des journalistes dans le passé. Je ne suis pas sûr d'avoir compris votre question. Je réponds peut-être à côté.

Neil, j'ignore si vous voulez ajouter quelque chose ou bien si vous avez compris dans la question quelque chose qui m'a échappé.

La présidente: Monsieur Reynolds.

M. Neil Reynolds: Si j'ai bien compris la question, vous avez demandé si nous exploitons les renseignements électroniques d'une manière quelconque pour harceler les gens.

Non.

Peut-être que quelque chose m'a échappé. Évidemment, nous...

M. Eugène Bellemare: Dans le contexte du commerce électronique?

M. Neil Reynolds: À mon avis, les services de rédaction... Je n'ai aucune expérience du commerce électronique comme outil de journalisme. Nous utilisons le Web. Nous utilisons le médium électronique, tout ce qui est disponible. Mais le commerce électronique, le fait d'acheter et de vendre des biens, cela ne fait pas partie de notre expérience dans le journalisme. Cela ne nous aide pas. Nous n'achetons rien et nous ne vendons rien; nous nous contentons de parler.

M. Eugène Bellemare: Mais vous faites partie d'un groupe de conseils d'administration de la rue Bay qui pourrait contrôler votre information et obtenir des renseignements que l'on pourrait ensuite utiliser à mauvais escient ou même dont on pourrait «mésuser».

M. Neil Reynolds: Je ne vois pas dans quel contexte cela pourrait influer sur un article d'actualité dans un journal.

M. Eugène Bellemare: Eh bien, pas un article d'actualité...

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bellemare.

M. Eugène Bellemare: ...mais l'accès à des renseignements privés.

Madame Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, madame la présidente, et merci beaucoup aux témoins pour leurs présentations.

Je vais commencer en déclarant que je suis d'accord sur l'exemption. Je prends bonne note des commentaires que vous avez formulés pour que soit faite une vérification plus poussée pour voir si, effectivement, l'article et l'exemption doivent être élargis pour couvrir la situation que vous avez mentionnée.

J'ai une question à poser et chacun d'entre vous pourra y répondre. Certains d'entre vous représentent des associations d'employeurs et d'autres, comme les représentants de l'Association canadienne des journaux, couvrent des événements. Vous avez parlé de Bre-X. Parfois ce sont des employés qui, dans l'exercice de leurs responsabilités ou en accomplissant leurs tâches, constatent que leur employeur est en train de commettre des infractions, parfois des infractions criminelles, parfois des infractions pénales. Dans cette loi, les infractions sont d'ordre pénal et non pas criminel.

À cause de l'environnement au sein d'une compagnie donnée, une employée ne croit pas qu'elle peut dénoncer cette pratique de façon sécuritaire et en parler à un niveau plus haut de la compagnie. Dans l'hypothèse où la loi serait en vigueur, où l'exemption que vous souhaitez serait en place et où d'autres modifications proposées par d'autres groupes d'intérêt auraient été incluses, pensez-vous que cette loi devrait comporter ce qu'on appelle une protection de type whistle blower?

• 1645

C'est une situation qu'on voit déjà aux États-Unis au niveau fédéral. On la voit également au niveau de certains États. On voit également un mouvement ici, au Canada, visant à préciser la protection dont jouirait un employé qui dénoncerait une situation lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction ou une violation est commise non pas de façon ponctuelle, mais de façon systématique, que cela est presque devenu une politique de la compagnie.

Croyez-vous qu'il devrait y avoir une telle protection au sein de cette loi? C'est ma première question.

[Traduction]

La présidente: Madame Jennings, nous allons d'abord entendre la réponse à cette question, avant de passer à la suivante.

[Français]

Mme Marlene Jennings: C'est parfait.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Boyd.

[Français]

M. Harris Boyd: Selon nous, ce projet de loi est orienté vers le consommateur et non vers les employés. S'il y avait une infraction, ce serait au consommateur de déposer une plainte et d'inciter les employés à aller contre leur employeur et contre leur compagnie. Je suis d'accord que cela met beaucoup de pression sur les employés. Peut-être que, dans certaines situation, ils pourraient perdre leur emploi à cause de cela.

Je ne sais pas si la solution serait d'avoir une disposition précise à cet égard. Je ne connais pas le mot en français, mais vous avez utilisé le terme whistle blowing. Est-ce la meilleure réponse à cette situation ou est-ce que la réponse réside plutôt dans un système plus ouvert où les consommateurs seraient mieux au courant de leurs droits, du type d'information que nous avons et de la façon dont elle est utilisée? Cela dépend du type d'infraction dont vous parlez.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Smith, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Arnold Smith: Certainement. Brièvement, nous espérons que dans notre cas, nos propres normes et directives internes donneraient à un employé toute liberté de porter plainte, étant donné que l'organisation n'a pas commis l'infraction. Ce serait probablement des personnes ou des groupes au sein de l'organisation qui commettraient l'infraction. Nous souscrivons assurément à la protection des dénonciateurs, parce que nous reconnaissons que certaines entreprises n'ont tout simplement pas de très bonnes règles internes.

La présidente: Monsieur Mackenzie, voulez-vous ajouter quelque chose à cela?

M. Blair Mackenzie: Nous n'aurions certainement aucune objection à inclure la protection des dénonciateurs dans le projet de loi. En fait, je crois que la question a été soulevée au cours de nos précédentes discussions avec des membres du groupe de travail. Cette mesure est conforme, par exemple, à la jurisprudence établie par nos tribunaux en ce qui a trait à la divulgation des renseignements personnels. Nos juges comprennent certainement le besoin de protéger les gens qui divulguent des renseignements pour des raisons valables d'intérêt public et, à mon avis, c'est une question qu'il convient tout à fait d'aborder au comité.

La présidente: Madame Soderstrom, avez-vous des commentaires?

[Français]

Mme Mary Soderstrom: Je suis complètement d'accord.

La présidente: Merci. Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: Ma deuxième question est subsidiaire à vos réponses. On vient de mentionner le terme whistle blowing. Dans le projet de loi, il y a un article qui parle des pouvoirs du commissaire et du rapport du commissaire. Je crois qu'il s'agit de l'article 13. On parle de plaintes et du pouvoir du commissaire de déterminer, à la suite de son enquête, si une plainte est frivole, vexatoire, futile et le reste.

Si jamais on avait une disposition de type whistle blowing, seriez-vous d'accord pour qu'une protection soit accordée à un employé qui a des motifs raisonnables de croire que sa compagnie a commis une infraction à cette loi, en reconnaissant toutefois que cette protection ne serait pas accordée dans les cas où le commissaire conclurait que la plainte est frivole ou vexatoire?

Si je pose cette question, c'est que j'ai été commissaire ajointe à la déontologie policière au Québec pendant de nombreuses années. J'ai déjà vu—pas fréquemment toutefois—des plaintes comportant des allégations sérieuses mais qui étaient frivoles et parfois même vexatoires.

• 1650

Dans ces cas-là, les policiers n'avaient malheureusement pas de recours pour poursuivre la personne pour les dommages causés à leur réputation et peut-être même à celle de leur famille.

Pensez-vous qu'il serait raisonnable d'exclure cette protection dans les cas où les plaintes seraient jugées frivoles et vexatoires?

M. Harris Boyd: Oui. Je trouve qu'il serait très raisonnable d'avoir une telle exclusion.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Smith.

M. Arnold Smith: Je suis d'accord.

La présidente: Monsieur Mackenzie.

M. Blair Mackenzie: Je serais d'accord sur cette orientation. Votre réflexion est manifestement beaucoup plus avancée que la mienne à ce sujet, quant au fonctionnement de tout cela du point de vue de la rédaction des lois. Je me sentirais beaucoup plus à l'aise si j'avais un instant pour réfléchir à la question et vous répondre à tête reposée, mais de façon générale, je crois que vous avez raison.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Je vous invite à réfléchir et à envoyer vos commentaires par écrit à la greffière de notre comité. Merci beaucoup.

M. Blair Mackenzie: D'accord.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.

Monsieur Lastewka, vous pouvez poser une autre question.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

Je voudrais me tourner vers l'avenir. M. Reynolds a dit que la nouvelle, c'est ce que tout le monde veut supprimer, et que tout le reste est de la publicité.

Je pense que je vous cite textuellement.

Il nous semble maintenant évident, après avoir entendu les représentants de diverses organisations, que les Canadiens sont vraiment ignorants dans le dossier de l'atteinte à la vie privée. Je crois que c'est M. Boyd ou M. Smith qui a dit que les gens doivent se prendre en main et faire attention aux renseignements qu'ils donnent ou refusent de donner.

Mais une fois que ce projet de loi aura été approuvé et aura reçu la sanction royale, la communication, le fait de donner aux Canadiens les renseignements pertinents, sera absolument primordiale, et il faudra aussi s'assurer que cette information n'est pas formulée d'une manière dans un journal et d'une manière différente dans un autre journal ou interprétée de façons diverses, que ce soit à la télévision ou dans les médias écrits. Je vous demande de nous conseiller sur la façon dont nous, comme associations... Je comprends pourquoi vous avez dit que vous n'êtes venu ici que pour protéger ce point précis. Je voudrais que vous alliez plus loin.

Comment pouvons-nous aider le commissaire à mieux renseigner les Canadiens sur une question très importante—et nous reconnaissons tous qu'il faut les renseigner de la bonne façon—sans susciter une foule de conflits? Est-ce que l'Association des journaux, les radiodiffuseurs et le commissaire pourraient joindre leurs forces pour le plus grand bien des Canadiens, afin de veiller à ce que les Canadiens comprennent bien l'intention du législateur dans ce projet de loi? Je voudrais vos commentaires à ce sujet.

La présidente: Monsieur Boyd.

M. Harris Boyd: C'est une excellente suggestion. Évidemment, nos clients sont aussi les clients de Bell et d'Hydro Ontario et d'une foule d'autres entreprises différentes et si tous ces gens-là, même avec les meilleures intentions du monde, s'efforcent chacun de leur côté d'expliquer la même chose aux mêmes clients, tout sera assez embrouillé. En ce qui concerne les associations nationales surtout, je trouve qu'elles peuvent jouer un rôle idéal à cet égard: travailler de concert avec le Commissaire à la protection de la vie privée pour essayer d'élaborer une approche cohérente pour expliquer cette nouvelle loi—une fois qu'elle sera devenue loi—à nos clients et à tous les Canadiens.

Évidemment, nous avons de nombreux instruments à notre disposition. Nous communiquons presque chaque mois avec nos clients et il serait bon d'avoir autre chose qu'une facture à leur envoyer de temps à autre. De plus, nous avons des canaux communautaires et d'autres mécanismes à notre disposition. Nous sommes tout à fait ouverts à cette approche. En fin de compte, personne ne gagne s'il y a confusion et je souscris donc à votre proposition.

La présidente: Monsieur Smith.

M. Arnold Smith: Nous y souscrivons nous aussi. Nous sommes particulièrement sensibles au besoin de renseigner le public et, de façon générale, de gérer la possibilité de messages conflictuels dans notre industrie, qui est déjà très embrouillée actuellement car elle est au beau milieu d'un exercice de déréglementation et de réorganisation à l'échelle du secteur.

De plus, comme M. Boyd vient de le dire, nos clients sont également des clients du téléphone, du câble, etc.

• 1655

J'aurais quelque chose à ajouter à la suggestion de chercher à éviter de transmettre des messages conflictuels au public une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale. Quand je regarde les messages actuellement transmis par diverses compagnies qui ont mis en place des processus inspirés du code type de la CSA, je constate qu'ils se ressemblent passablement, de sorte que ce code type représente peut-être un outil valable et nous pourrions peut-être y puiser certains libellés que nous aurions en commun.

La présidente: Monsieur Mackenzie.

M. Blair Mackenzie: L'Association canadienne des journaux est dans une situation assez particulière. Elle peut assurément jouer un rôle de catalyseur dans des domaines comme celui-ci, en veillant à ce que ses membres connaissent la position du gouvernement et comprennent bien la loi qui a été adoptée. Mais l'Association canadienne des journaux, compte tenu de sa structure et de son fonctionnement, n'est absolument pas en mesure d'ordonner aux salles de rédaction de publier des articles présentant une histoire sous un certain angle. Ce n'est pas notre rôle. Les membres de l'association ne voudraient pas en entendre parler, même si l'on pouvait leur dire comment ils devraient présenter un certain fait d'actualité.

S'il est vrai que l'association peut jouer un rôle de catalyseur, peut transmettre l'information et peut dissiper les malentendus, je ne pense pas que l'on puisse compter sur elle pour inciter chacun des journaux membres à présenter les choses selon le même point de vue.

M. Walt Lastewka: Je vous ai entendu dire tout à l'heure que vous ne vouliez pas que les annonceurs soient en conflit avec le reportage. J'entends cela d'ici. J'entends déjà les journaux—je m'adresse à vous, monsieur Mackenzie—dire «que le gouvernement paie» pour publier cette information. J'envisage les choses du point de vue suivant: c'est une question très importante pour tous et chacun des Canadiens. Nous voulons les informer sur cette question le plus tôt possible, pour le plus grand bien du pays. Quel rôle votre organisation jouera-t-elle pour veiller à ce qu'ils soient informés?

La présidente: Monsieur Mackenzie.

M. Blair Mackenzie: Cette question va bien au-delà de mon mandat, mais je pense que vous avez droit à une réponse. Je pense que c'est une question dont nous devrons discuter ultérieurement. Je crois toutefois avoir correctement énoncé à votre intention la position que l'association doit prendre, à savoir que nous ne sommes pas en mesure de dire aux salles de rédaction de nos journaux membres comment ils doivent présenter un fait donné. Mais nous pouvons servir de facilitateur et nous comptons jouer ce rôle.

M. Walt Lastewka: Je vous demande de le faire. Oui, on pourrait dépenser beaucoup d'argent en publicité... Je crains que les annonceurs n'entrent en conflit avec l'information des Canadiens. J'aime bien ce que M. Reynolds a dit et je vais donc le citer. Je trouve qu'il est très important d'expliquer ce projet de loi en long et en large—de concert avec le commissaire—pour le plus grand bien des Canadiens.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lastewka.

Nous avons donné de nombreuses tâches au commissaire aujourd'hui. Je suis contente qu'il soit ici pour entendre ce qu'il doit faire.

Des voix: Oh, oh.

La présidente: Cela dit, je voudrais poser deux questions, brièvement, j'espère.

Monsieur Boyd et monsieur Smith, vous faites tous les deux affaire avec un grand nombre de clients, dont vous avez les noms sur une liste, avec d'autres renseignements. À l'heure actuelle, est-ce que vous vendez ces renseignements?

M. Harris Boyd: Non, nous ne le faisons pas.

La présidente: Par conséquent, le projet de loi C-54 n'aurait pas vraiment d'incidence sur un transfert quelconque.

M. Harris Boyd: Non. Nous ne vendons pas ces renseignements à des tierces parties.

La présidente: Monsieur Smith, vendez-vous ces renseignements à des tiers?

M. Arnold Smith: Non. La réponse à votre question tient en un mot: non. Je souris parce que, traditionnellement, les entreprises d'électricité ne sont pas des utilisateurs terriblement efficaces des renseignements sur leurs clients...

Des voix: Oh, oh.

M. Arnold Smith: ...de sorte que nous sommes beaucoup moins menaçants qu'on pourrait le croire.

La présidente: D'accord.

Monsieur Boyd, achetez-vous des renseignements?

M. Harris Boyd: Vous demandez si nous les achetons de nos clients ou de quelqu'un d'autre?

La présidente: Achetez-vous des listes de noms d'autres personnes?

M. Harris Boyd: Non. Je ne peux pas imaginer un seul cas où nous le ferions. En fait, comme nos services sont si répandus, nous possédons déjà la presque totalité de la clientèle du pays.

La présidente: Oui, sauf que ma maison n'est pas desservie par le câble, de sorte que vous n'avez pas mon nom.

M. Harris Boyd: Vous ne l'avez pas?

Des voix: Oh, oh.

La présidente: Et voilà pour vous.

M. Harris Boyd: Nous allons y travailler. Évidemment, nous pouvons vous retracer assez facilement en consultant l'annuaire téléphonique.

La présidente: Vous pouvez toujours venir me rendre visite, mais il n'y a pas de ligne de câble devant ma maison, de sorte qu'il m'est impossible de m'abonner au câble.

• 1700

Cela dit, je voulais revenir rapidement sur certaines observations qui ont été faites tout à l'heure. Comme nous le savons tous, certains politiciens sont plus blindés que d'autres. Quant à moi, mon nom fait les manchettes depuis que je suis née, de sorte que je peux dire que je suis peut-être légèrement mieux armée que d'autres, mais mon armure ne sera probablement jamais assez épaisse.

Monsieur Mackenzie, vous avez dit que vous croyez en la liberté journalistique, et j'y crois aussi, et qu'il faut qu'il y ait liberté de la presse, il faut que l'information soit disponible. Pourtant, je constate que ma propre vie privée—et je parle en tant que simple citoyen et en tant que politicien—est protégée par le droit de perquisition conféré au commissaire. D'après ce qu'a dit M. Acker, si vous avez un bon avocat, croyez-vous avoir vraiment un problème?

M. Blair Mackenzie: Oui, j'en ai un, dans le contexte de la salle de rédaction. En toute déférence, je ne suis pas certain que M. Acker a tenu compte du contexte d'une salle de rédaction. Il est évident que nous trouverions difficile à accepter que l'on puisse perquisitionner facilement.

La Cour suprême du Canada s'est longuement penchée sur cette question. Je me ferai un plaisir de vous faire parvenir les décisions pertinentes si vous le souhaitez, mais je dois dire qu'elle voit également la question d'un très mauvais oeil, parce que les juges croient très fermement que l'intégrité du processus journalistique exige le moins d'ingérence possible dans le fonctionnement des salles de rédaction du pays.

La présidente: Monsieur Reynolds, avez-vous quelque chose à ajouter? Non?

D'accord. Je tiens à vous remercier tous d'être venus aujourd'hui. Je vous suis reconnaissante de vos commentaires. Nous recevrons avec plaisir tout document écrit si vous avez d'autres suggestions à nous faire.

Comme certains d'entre vous l'ont fait remarquer, des amendements ont déjà été proposés et vous pouvez en prendre connaissance. Il pourrait y avoir encore d'autres changements. Nous les faisons parvenir à tous les témoins, comme la greffière vient de me le dire, de sorte que vous en avez peut-être déjà reçu copie. Sinon, la greffière peut vous les envoyer par courrier électronique—disons par commerce électronique.

Des voix: Oh, oh.

La présidente: La séance est levée.