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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ SUR LES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DES RESOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mars 1999

• 1533

[Traduction]

Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Mesdames et messieurs, je pense que nous allons déclarer la séance ouverte, à condition que—et dans l'espoir et dans l'attente—que d'autres collègues viennent se joindre à nous après s'être acquittés d'autres fonctions.

J'espère que vous ne verrez pas d'inconvénient à ce qu'ils se joignent à nous en cours de route.

Pour ce qui est des membres du comité, j'espère que certains d'entre vous pourront rester jusqu'à la fin de l'audition des témoins pour discuter très brièvement d'une question budgétaire. Il s'agit de voter à l'égard d'une motion qui nous permettra de convoquer des témoins de l'extérieur d'Ottawa.

[Français]

J'espère bien qu'à la fin de la réunion, madame, nous pourrons discuter du budget pour faire venir des témoins, du Québec ou d'ailleurs.

[Traduction]

Je vous souhaite la bienvenue comme premiers témoins que nous entendons dans le cadre de notre étude. Je crois que vous savez pourquoi nous sommes ici. Nous essayons de vous amener à nous situer—je suppose que ce serait la meilleure façon de le dire—par rapport à la situation des enfants canadiens d'aujourd'hui. Cela nous permettra d'orienter notre propre travail alors que nous nous lançons dans une étude qui s'attachera particulièrement, je crois, aux jeunes enfants ainsi qu'aux questions de résultats, de différents niveaux de compétence, le gouvernement fédéral par rapport aux gouvernements provinciaux, et à ce que nous pouvons faire collectivement dans un laps de temps assez court pour faire certaines suggestions en matière de politique.

Je crois qu'il serait approprié de commencer par Wayne Smith le directeur de la Division des enquêtes spéciales.

• 1535

Je vous souhaite la bienvenue ainsi qu'à votre collègue Mme Michaud. Pourquoi ne pas vous présenter tout d'abord ? Nous passerons ensuite aux autres.

M. Wayne Smith (directeur, Division des enquêtes spéciales, Statistique Canada): On nous a demandé de vous parler cet après- midi de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes. Il s'agit d'une enquête qu'a effectuée Statistique Canada au nom de Développement des ressources humaines Canada.

J'ai demandé à Sylvie Michaud, directrice adjointe à la Division des enquêtes spéciales et gestionnaire de projets pour l'enquête, de faire un bref exposé. Je lui cède la parole.

[Français]

Mme Sylvie Michaud (directrice adjointe et gérante, Division des enquêtes spéciales, Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, Statistique Canada): Monsieur le président, les membres du comité devraient avoir reçu une copie des acétates. Préférez-vous que je présente les acétates ou si les copies vous suffisent?

Le président: Nous allons distribuer les documents. Est-ce que vous en avez tous des copies?

Mme Sylvie Michaud: Dans le cadre de l'initiative «Grandir ensemble», une initiative fédérale, l'Enquête nationale longitudinale sur les enfants et les jeunes a été le résultat d'un partenariat entre Développement des ressources humaines Canada et Statistique Canada.

Comme son nom l'indique, l'Enquête nationale longitudinale sur les enfants et les jeunes cherche à mesurer le développement des enfants dans le temps. Elle a débuté en novembre 1994 et s'est poursuivie jusqu'en mars 1995.

Un échantillon d'enfants âgés entre 0 et 11 ans a été sélectionné en 1994-1995, Depuis, de l'information a été recueillie à tous les deux ans. Nous sommes présentement sur le terrain et faisons la collecte d'une troisième vague d'information.

Les objectifs de l'enquête sont de déterminer la prévalence de différents facteurs ou différentes caractéristiques biologiques, sociales et économiques, de déterminer la prévalence de facteurs de risque pour les jeunes et les adolescents, de mesurer l'impact de ces facteurs sur le développement des enfants et de donner de l'information aux différents comités politiques, aux programmes officiels, aux chercheurs et au public canadien en général.

Un cadre conceptuel a été proposé pour étudier le développement de l'enfant. L'étude du développement de l'enfant est un processus complexe. Dans ce cadre conceptuel, on a essayé de distinguer différents domaines d'intérêt. On essaie donc de mesurer le contexte dans lequel se fait le développement de l'enfant. On cherche à obtenir de l'enfant de l'information sur lui-même, sur les structures potentielles d'opportunités, sur les ressources et sur les transitions prévues et non prévues qui se passent dans la vie d'un enfant. On essaie par la suite de mesurer l'impact de ces différents facteurs et leurs résultantes sur les enfants.

Pour ce faire, l'Enquête nationale longitudinale sur les enfants et les jeunes recueille de l'information à la maison, auprès des parents qui vivent avec l'enfant. Elle recueille aussi de l'information sur le marché du travail, sur le revenu, sur la démographie, sur la santé, sur le fonctionnement de la famille et sur le quartier. De l'information nous est aussi fournie par le parent sur le tempérament de l'enfant, sur son comportement, sur les besoins en termes de garderie, ainsi que sur les relations avec les amis et les parents.

On obtient aussi de l'information de la part de l'école. On communique donc avec le professeur et le principal de l'école pour essayer d'obtenir de l'information sur les performances académiques des enfants, sur leur comportement à l'école et sur les pratiques scolaires. De plus, de l'information nous est fournie par le directeur d'école sur les ressources, les problèmes potentiels de discipline et le genre d'environnement dans lequel évolue cette école.

Au sujet de l'enfant, on obtient finalement différents renseignements des résultats de tests et des mesures de performance, par exemple sur son vocabulaire, par le biais de l'EVIP ou du PPVT, qui est une mesure de vocabulaire réceptif. On a aussi des tests de calcul mathématique et de compréhension au niveau de la lecture.

• 1540

À partir de l'âge de 10 ans, on obtient de l'information de la part des adolescents. Ceux-ci nous donnent de l'information sur leur santé et leurs habitudes. Par exemple, ils nous disent s'ils ont commencé à fumer ou à prendre de l'alcool. Ils nous donnent aussi des renseignements sur l'école, sur leur estime de soi et sur différents autres sujets.

[Traduction]

Jusqu'à maintenant nous avons publié la première année complète des données recueillies. Nous avons publié en octobre 1998 une partie du deuxième cycle des données recueillies dans le cadre d'une conférence organisée par Développement des ressources humaines Canada et intitulée «Investir dans nos enfants».

Je vais vous en donner simplement un bref aperçu. La recherche n'en est qu'à ses premiers balbutiements. Il nous reste encore beaucoup d'information à aller chercher.

Dans l'ensemble, les enfants canadiens semblent bien se porter, du moins en ce qui a trait à leur santé. Comme en 1994, nous avons confirmé que la plupart des parents rapportent que leurs enfants sont en excellente ou en très bonne santé dans 87 p. 100 des cas. Seulement 3 p. 100 des enfants ont dû redoubler une année.

Certains des résultats dont il avait été fait état en 1994 semble se confirmer en 1996.

Les enfants tant de familles à faible revenu que de familles monoparentales sont aussi plus sujets aux problèmes relationnels—avec les parents, avec les amis ou les instituteurs—ou aux problèmes de comportement. Par exemple, en 1994, les enfants de familles à faible revenu étaient deux fois plus susceptibles que les autres enfants d'avoir des problèmes de relations. Les données indiquaient également que les enfants de familles monoparentales étaient deux fois exposés à présenter un problème de comportement que les autres enfants.

En 1994, on a constaté que les pratiques parentales aident à expliquer l'ensemble des relations sociales de l'enfant et expliquent certains facteurs à risque. L'analyse longitudinale laisse entendre qu'une tendance semblable existe. Les pratiques parentales semblent être associées aux problèmes de comportement ou semblent constituer un facteur important.

Il ne s'agit là que de tendances en 1996. L'enquête longitudinale essaie de mesurer sa transition, son changement, son mouvement et ce qui explique ces changements.

Si vous jetez un coup d'oeil au premier graphique, en 1994 nous avons constaté que les enfants de familles monoparentales sont les plus à risque d'appartenir au quartile de revenus plus faibles par opposition aux enfants de familles biparentales.

Sur ces enfants du quartile de revenus le plus bas en 1994, qui sort de ce groupe en 1996? Qui semble être en mesure de se sortir du groupe le plus défavorisé?

Si vous jetez un coup d'oeil au deuxième graphique, vous constaterez que dans l'ensemble ce sont les enfants des familles monoparentales qui sont les moins susceptibles de ne plus appartenir au plus bas quartile. Seulement 15 p. 100 des enfants de familles monoparentales, en 1994 et 1996, ont en fait échappé “a ce quartile des revenus les moins élevés après rajustement pour la taille des familles.

En 1996, deux groupes ont semblé connaître le même succès. Le premier était celui des familles biparentales—et d'autres études de Statistique Canada ont laissé entendre que cela était lié à un changement des conditions du marché du travail pour certaines d'entre elles—et le deuxième était celui des familles où un parent s'est marié ou avait un conjoint. Les deux facteurs semblent avoir eu le même effet. Cependant, même si le fait de se marier peut aider certaines familles à sortir du groupe le plus défavorisé, cela ne règle pas encore tous les problèmes familiaux.

Nous avons aussi essayé de nous attacher à la santé. Comme je l'ai dit tout à l'heure, 87 p. 100 des parents en 1994 ont dit que leurs enfants étaient en bonne santé. Les enfants qui n'étaient pas en très bonne santé, tant en 1994 qu'en 1996, représentaient moins de 5 p. 100 de l'ensemble. Cependant, encore une fois, les enfants qui se trouvent dans le quartile des revenus moins élevés, tant en 1994 qu'en 1996, risquaient deux fois plus de ne pas être en excellente ou en très bonne santé.

C'est ce que rapportent les parents. Il ne s'agit pas d'une mesure physique.

Jetons un coup d'oeil aux problèmes de comportement et au redoublement d'une année. Entre 1994 et 1996, seulement 3 p. 100 des enfants de l'échantillon ont redoublé une année. Cependant, tant en 1994 qu'en 1996, le taux de redoublement d'une classe a été trois fois plus élevé pour les enfants appartenant constamment au quartile de revenus plus faibles par rapport à ceux qui ne s'y trouvaient pas pour les deux années de référence.

• 1545

Cela dit, il est important de savoir que même parmi ces enfants du plus bas quartile, pour les deux années de référence, 6 p. 100 seulement ont redoublé une année. C'est la raison pour laquelle on a dit au départ que, dans l'ensemble, les enfants semblaient bien s'en tirer à l'égard de certains de ces facteurs.

Nous avons examiné les problèmes comportementaux des enfants que nous avons définis comme ceux qui se classent dans la partie supérieure d'une série d'index: l'hyperactivité, les troubles émotionnels, les troubles de conduite, les agressions physiques, les agressions indirectes et les méfaits contre la propriété.

En 1996, nous avions estimé que 20 p. 100 des enfants avaient un problème de comportement peu importe le revenu de la famille. La moitié de ces enfants avaient déjà un problème comportement en 1994, un problème donc qui tombe dans une de ces six catégories.

Il y avait deux fois plus d'enfants aux prises avec des problèmes de comportement persistants dans les familles à revenus plus faibles.

D'après les conclusions d'autres études déjà publiées, les enfants qui présentent des problèmes de comportement risquent d'en avoir plus d'un. Par conséquent, même si les chiffres ne sont pas élevés dans l'ensemble et que la majorité des enfants semblent bien s'en tirer, nous nous sommes penchés sur la proportion d'enfants où il semblait y avoir un peu plus de problèmes.

En ce qui concerne les problèmes de comportement, tant qu'en 1994 qu'en 1996, nous ne sommes efforcés d'étudier l'impact de différents facteurs: la composition de la famille, le revenu et le style d'approche parentale.

Le style d'approche parentale n'est pas jugement sur la façon dont les parents s'occupent de leurs enfants. Les styles d'approche parentale ont fait l'objet d'une série de questions qui ont été posées aux parents. Il s'agit d'une façon de signaler une relation difficile entre le parent et l'enfant.

Nous avons examiné les personnes qui sont aux deux extrémités du barème. Une fois de plus, il ne s'agit pas de porter un jugement; c'est davantage la relation qui est ardue. Ce que l'on semble constater c'est que, lorsque la relation entre le parent et l'enfant était la plus hostile, tant en 1994 qu'en 1996, l'enfant était cinq fois plus susceptible de présenter des problèmes de comportement persistants—une fois de plus des problèmes de comportement en 1994 et en 1996—que l'enfant qui ne se trouvait pas à cette extrémité du barème, où les relations entre les parents et les enfants n'étaient peut-être pas aussi tendues.

Cela dit, dans les familles où l'approche parentale n'était pas inefficace—et c'est l'expression consacrée—je veux insister sur ce qui suit: les enfants des familles monoparentales risquaient toujours deux fois plus de présenter des problèmes de comportement persistants que ceux qui vivent avec deux parents.

Voilà qui semble laisser entendre que cette interaction est importante, ce qui ne signifie pas pour autant que le revenu ou le type de famille ne l'est pas.

Ce n'est qu'un bref aperçu. La recherche se poursuit. Nous n'avons pas encore rendu publiques toutes les données. Vers la fin d'avril, nous espérons diffuser de l'information sur l'adolescence, sur ce que les enfants âgés de 10 à 13 ans nous ont signalé, de même que d'autres résultats sur ce qui se passe à l'école—les résultats des examens, plus les résultats de l'enquête menée auprès des enseignants et des directeurs.

Je vous remercie.

Le président: C'est moi qui vous remercie.

Avec la permission du comité, il serait peut-être utile d'entendre tous les exposés avant de poser des questions, de sorte que nous puissions voir les interactions. Cela vous convient-il?

Je propose donc que nous cédions la parole à Katherine Scott, du Conseil canadien de développement social.

Je soupçonne que vous allez nous parler de «Progrès des enfants au Canada», mais j'aimerais beaucoup que, dans votre exposé, vous mettiez en valeur les similitudes, les différences et les nuances entre les documents que vous avez devant vous et ce que nous venons d'entendre.

Mme Katherine Scott (cadre supérieure de recherche et de politiques, Conseil canadien de développement social): Avec plaisir.

Je commencerai par vous remercier de nous avoir invités à témoigner.

Le Conseil canadien de développement social mène depuis plusieurs années maintenant un important projet de recherche intitulé «Progrès des enfants au Canada». J'ai fourni des exemplaires du rapport au comité. Le projet s'inspire de l'initiative de l'ONU appelée «Le progrès des nations».

Il a été mis en branle, il y a quelques années, parce qu'on a constaté que, bien que le Canada excelle à dire de bonnes choses de ses jeunes et de ses enfants, il en sait en réalité très peu à leur sujet. Il manque certes de données publiques. C'est pourquoi il importait pour un organisme comme le nôtre de produire de la recherche crédible sur les enfants et les jeunes, de vraiment les suivre pour nous faire une meilleure idée de ce que nous pouvons faire pour eux.

• 1550

Cela étant dit, «Progrès des enfants du Canada» est un rapport que nous produisons chaque année sur le bien-être des enfants, des jeunes et des familles. Il se veut une source d'information accessible et crédible publiée sous forme de magazine et mise à la disposition des familles, des collectivités, des organismes de services et des gouvernements. Nous avons certes pour objectif d'en faire la diffusion la plus générale possible.

Le magazine a pour thème central les influences qui forment nos enfants et nos jeunes et il suit l'évolution, d'année en année, d'une série d'indicateurs des résultats relatifs aux enfants et aux jeunes.

Comme je l'ai déjà dit, notre but premier consiste à renseigner le grand public sur le bien-être des enfants au Canada. Il existe aussi un besoin, créneau que nous occupons, de fournir de l'information, par exemple celle qui est réunie par Statistique Canada dans le cadre de son enquête nationale longitudinale, et de rendre facilement accessible ce genre de données qui, bien souvent, n'est jamais publié. Cette information ne se rend pas jusqu'aux membres de la collectivité, aux parents, à ceux qui auraient peut- être tout intérêt à utiliser ces données ou à les connaître. Par conséquent, à cet égard, nous nous voyons certes comme des intermédiaires importants.

Dans l'ensemble, bien entendu, notre but est d'inciter les instances nationales, provinciales et municipales à faire mieux pour nos enfants, car les recherches menées pendant trois ou quatre années révèlent qu'il y a beaucoup à faire en vue d'améliorer les perspectives d'avenir des enfants au Canada.

Sylvie a abordé plusieurs points soulevés dans l'enquête nationale longitudinale.

Notre projet se fonde sur des recherches pas mal complètes sur une foule d'indicateurs relatifs aux enfants, aux jeunes et aux familles. En fait, c'est un modèle à trois paliers. Les indicateurs ont été choisis sur l'avis de comités d'experts—le plus récent étant notre comité consultatif sur les jeunes—et ils sont mesurés dans le temps, en utilisant 1994 comme année de référence.

Il importe de prendre note que notre modèle puise à même diverses sources. L'enquête nationale longitudinale a été une source d'importance névralgique pour nous, mais nous utilisons aussi d'autres enquêtes menées par Statistique Canada—l'Enquête nationale sur la santé de la population, tout ce qui est produit sur les jeunes, des enquêtes individuelles sur le tabagisme, et ainsi de suite—qu'il nous semble intéressant de faire connaître au grand public canadien.

Nous nous concentrons sur cinq grands domaines. De bien des façons, notre rapport a pour modèle l'Enquête nationale longitudinale dont parlait Sylvie. Pour ce qui est du milieu de vie, des facteurs de développement des enfants, nous tenons compte de la sécurité économique des familles, de l'aide aux familles, de la structure de la famille, de ce qui se passe en son sein. Nous tenons compte aussi de la sécurité matérielle, qui inclut tout, des blessures et accidents à la sécurité du milieu de vie naturel des enfants, à la sécurité des terrains de jeu et ainsi de suite.

Nous voyons aussi quelles sont les ressources communautaires. Ce facteur a beaucoup d'importance, selon moi, car il a une grande influence sur le développement des enfants. L'éducation, les services de santé, le logement, questions dont nous n'entendons pas suffisamment parler actuellement, les loisirs et la culture—toutes ces choses sont essentielles. Il faut que les enfants y aient accès pour s'épanouir pleinement.

Dernier point, nous tenons compte de ce qu'on appelle le dynamisme du milieu. En fait, il s'agit de savoir à quel point le milieu communautaire est efficace. C'est un domaine très méconnu—j'y reviendrai plus tard—mais la recherche fait vraiment ressortir que les enfants en santé grandissent dans des familles dont les relations sont saines et qui sont intégrées à un milieu sain. Qu'en savons-nous et à quel point le Canada réussit-il sur ce point? À quel point les collectivités canadiennes sont-elles saines? Nous avons donc essayé d'évaluer ce facteur.

Côté résultats, nous avons tenu compte de certains des plus courants. Il y a bien sûr l'état de santé et quelque chose que nous appelons l'«engagement social». Il s'agit essentiellement des relations, de celles qu'entretiennent les enfants au sein de leurs familles, avec leurs pairs et en société. Par exemple, nous suivons l'évolution de la statistique relative à la criminalité chez les jeunes parce que, de toute évidence, les jeunes délinquants n'ont pas de très bonnes relations avec la société.

Nous nous arrêtons aussi à l'apprentissage, ce qui inclut les études et les autres formes d'apprentissage—par exemple, la musique.

Dernier groupe, nous nous penchons sur la participation à la vie active, parce que l'intégration au marché du travail intéresse manifestement les Canadiens. C'est un important indicateur pour les jeunes. Il est particulièrement important actuellement, étant donné les résultats de notre recherche récente.

Nous nous penchons sur cinq groupes: les enfants en bas âge, soit de 0 à 3 ans, les enfants d'âge scolaire, dont l'âge varie de 4 à 9 ans, les jeunes adolescents âgés de 10 à 14 ans, les adolescents plus âgés qui ont entre 15 et 19 ans et, enfin, les jeunes adultes de 20 à 25 ans. Nous avons pris la très ferme décision d'inclure les jeunes adultes de 20 à 25 ans parce que nous sommes convaincus que la période de transition à l'âge adulte s'allonge à bien des égards, certes depuis quelques décennies. Le passage à l'indépendance totale et à tout le reste s'effectue plus tard.

• 1555

En fait, il existe plusieurs théories intéressantes et on effectue beaucoup de travaux à ce sujet. Cependant, je soupçonne que cela déborde un peu du cadre de votre étude. Je ne m'y arrêterai donc pas.

Je crois savoir que vous avez reçu un exemplaire des faits saillants du dernier rapport que nous avons publié. Je vous renvoie donc à ce document qui décrit le nombre de tendances que nous mesurons depuis 1994, des tendances centrales au sujet desquelles votre comité a reçu de l'information.

Notre organisme continue d'être très vivement préoccupé par les résultats concernant les enfants issus de familles à faible revenu et leurs possibilités de développement. C'est une constante qui revient dans toutes les recherches.

Nous aimerions aussi vous décrire certains des autres...

Le président: Excusez-moi, mais j'aimerais simplement signaler aux membres du comité qu'ils trouveront, à la fin de leurs notes d'information, une annexe qui fait état des faits saillants.

Elle a probablement été tirée de votre site Web.

Mme Katherine Scott: Oui.

Le président: Cela pourrait être utile aux membres.

Je m'excuse de vous avoir interrompue.

Mme Katherine Scott: Les faits saillants sont en réalité utiles pour repérer, comme je l'ai dit tout à l'heure, certaines des tendances que nous avons remarquées durant la période allant de 1994 à 1995-1996.

La sécurité économique demeure une préoccupation particulière. En dépit de la relance économique survenue durant cette période, les enfants, particulièrement ceux de jeunes familles, continuent d'éprouver des difficultés. J'estime qu'il y a un groupe très important d'enfants qui sont laissés pour compte dans cette relance économique, un groupe qu'il ne faut pas perdre de vue.

Un autre thème de recherche qui revient constamment est la... L'expression «situation lamentable» est trop forte. La «situation» des enfants de familles monoparentales où à un seul parent soutien de famille est qu'ils ne jouissent pas des mêmes possibilités de développement que les enfants qui grandissent au sein de familles biparentales. La recherche est très claire à cet égard.

Cette situation est due à une foule de raisons. Bon nombre d'entre elles sont liées au revenu, mais quand une famille vit isolée et qu'elle ne dispose pas des mêmes réseaux d'entraide et de soutien social, elle n'a pas ce dont ont besoin les enfants pour bien se développer. Il faut en prendre acte.

Pour être honnête, je crois qu'il importe de se souvenir que les mères seules font un travail absolument formidable, très souvent dans des circonstances très stressantes. Il ne sert à rien de polariser le débat ou de mettre en opposition la famille monoparentale et la famille biparentale.

Un des autres thèmes qui revient souvent, sur le plan de la sécurité matérielle, et qui est de plus en plus préoccupant, c'est l'environnement, l'impact qu'ont l'environnement et la pollution sur les enfants. Il s'agit-là d'un tout nouveau domaine de recherche dans lequel l'Institut canadien de la santé infantile a assumé le rôle de chef de file.

Cette question est susceptible d'intéresser les membres du comité, certes en ce qui concerne les enfants élevés dans des quartiers malsains. Il n'y a pas que la seule violence qui soit préoccupante. D'autres phénomènes auxquelles on ne pense habituellement pas le sont aussi, comme le genre d'aliments que mangent les enfants ou l'état des terrains de jeu.

Cela nous amène à la préoccupation globale qu'est l'épuisement des ressources communautaires, résultat d'années de compressions, essentiellement au niveau gouvernemental, à tous les ordres de gouvernement; je ne crois pas que quiconque s'en tire indemne.

Les ressources de nos collectivités s'épuisent dans la mesure où le secteur du bénévolat a tenté de prendre la relève, mais qu'il n'est pas en mesure de faire ce que faisaient les gouvernements, par exemple les bibliothèques, les programmes d'activités sportives et tout le reste. Il s'agit-là d'une vive préoccupation.

Voilà donc certaines des tendances que nous avons relevées au fil des ans.

J'aimerais terminer mon exposé en répondant à une question qui nous est souvent posée: après avoir mené toute cette recherche durant tout ce temps, où sont les lacunes?

Je crois savoir que c'est ce qui vous intéresse particulièrement aujourd'hui.

Selon plusieurs facteurs—et Karen vous en dira certes davantage à ce sujet—les lacunes se classent en trois groupes, pour nous. Dans le premier groupe, on trouve des groupes d'enfants et de jeunes à risque au sujet desquels nous ignorons à peu près tout, entre autres au sujet des enfants et des jeunes pris en charge. Il s'agit-là d'un groupe extrêmement désavantagé, et nous le connaissons très peu en réalité.

Le président: Parlez-vous d'enfants placés en familles d'accueil?

Mme Katherine Scott: Je parle d'enfants et de jeunes pris en charge par l'État. Ils pourraient être placés en familles d'accueil, dans des foyers de groupe ou dans divers établissements où l'État agit comme parent. Ce sont typiquement des enfants dont les cas sont signalés à l'Aide à l'enfance. Les enfants habitent peut-être, en fait, chez leurs parents, mais ils sont suivis par des travailleurs sociaux.

• 1600

Avec un peu de chance, vous entendrez parler du Réseau national des jeunes pris en charge. En fait, je vous conseillerais vivement d'inviter à témoigner un porte-parole de ce groupe qui est composé de jeunes très éloquents.

Donc, ce groupe particulier d'enfants et de jeunes est très méconnu. Pourtant, c'est le groupe qui a le plus de difficultés à partir du bon pied dans la vie—les enfants battus, par exemple. Si vous vous demandez sur quel groupe insister particulièrement, voilà un groupe au sujet duquel nous en savons très peu.

Je vais me borner à vous énumérer le reste de la liste: les enfants autochtones, les enfants et les jeunes ayant une incapacité, les enfants immigrants, un nouveau thème issu de l'enquête nationale longitudinale, et les enfants de la rue.

Je crois que ces cinq groupes particuliers sont très à risque. Cela fait partie des règles du jeu jusqu'à un certain point. Ce sont des groupes très petits au sujet desquels il est très difficile de faire de la recherche.

Même si Sylvie vous dit que l'enquête nationale longitudinale porte sur des enfants autochtones, ce ne sont pas des enfants habitant dans les réserves. Ce sont des enfants questionnés au hasard, dans les centres urbains. Ces données ne sont donc pas forcément représentatives. Leur nombre est si faible qu'il est impossible d'être vraiment définitif à leur égard, même si l'enquête porte sur 23 000 enfants. C'est un échantillon phénoménal, mais nous en savons toujours trop peu au sujet de ces groupes d'enfants à risque particulièrement élevé. Il faut en savoir davantage au sujet de l'expérience qu'ils vivent, de leur sort et des meilleures pratiques, des meilleures politiques gouvernementales qu'il faudrait adopter.

Deuxième thème, nous connaissons très bien les facteurs d'influence sur le développement. Par exemple, nous savons que le résultat constant des études de ce qui permet aux enfants d'avoir un bon départ dans la vie est le niveau de revenu. Nous connaissons certains des facteurs—dans le jargon, les facteurs «protecteurs»—qui favorisent les enfants. De saines relations avec des adultes qui ont une présence marquée dans leur vie sont extrêmement importantes pour éduquer les enfants, même dans les pires circonstances.

Par contre, nous ne connaissons pas bien la dynamique de ces facteurs, nous ignorons pourquoi le faible revenu est constamment associé à des résultats négatifs et son interaction avec le rôle parental. Nous pouvons supposer au départ que les parents de familles à faible revenu disposent de moins de ressources et qu'ils sont peut-être plus stressés, qu'ils renvoient peut-être une image négative, mais nous n'en sommes pas vraiment encore au point où nous pouvons affirmer catégoriquement que nous connaissons bien ces relations qui mettent les enfants à risque.

Enfin, au cours des deux derniers mois, le conseil a mené une enquête pour Santé Canada afin de savoir où se trouvaient les lacunes dans la recherche. Il a questionné 25 sommités du développement de l'enfance au Canada.

Résultat, nous n'en savons pas beaucoup, en réalité, au sujet de ce qui aide les enfants. Il faut passer—et je parle ici en tant que clinicienne—d'une connaissance des facteurs de risque et des facteurs protecteurs à une connaissance de ce que les gouvernements, les groupes communautaires et nous comme parents pouvons faire pour nos enfants.

À ce niveau, il n'existe pas beaucoup de bonnes études d'évaluation. Les études contrôlées qui illustrent ce que ce programme particulier, CAPC, qui est excellent sont très techniques... Les résultats sont cependant très variables. Certains sont vraiment bons, d'autres, moins.

Nous ne disposons pas réellement de bonnes données d'évaluation de ces programmes. C'est vrai partout au pays pour diverses initiatives; souvent, le peu qui se fait est dû à une bonne dose de volonté et à beaucoup de présence d'esprit.

C'est donc une chose qu'il faudrait vraiment étudier davantage afin d'avoir une meilleure idée de ce que nous pouvons faire à ce sujet. C'est quelque peu embarrassant à admettre, mais cela n'en demeure pas moins vrai.

Voilà qui met fin à mon exposé.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Avant de commencer,

[Français]

si c'est possible, j'aimerais qu'on en termine avec la santé.

[Traduction]

Les exposés étaient fort bien structurés, et je crois que nous pouvons dégager des points communs.

Je demanderais maintenant à Sandra Schwartz et à Karen Kidder de l'Institut canadien de la santé infantile de nous dire comment l'organisme s'y prend pour évaluer la situation des enfants au Canada—les similitudes et les différences.

Mme Karen Kidder (coordinatrice de projets et de recherches, Institut canadien de la santé infantile): D'accord.

Tout d'abord, je vous remercie de m'avoir invitée. Ma collègue, Sandra Schwartz, prendra la parole après moi.

Le livre auquel je travaille s'intitule The Health of Canada's Children: A CICH Profile. C'est notre troisième édition. Il porte sur toute une gamme d'indicateurs de santé. Il met en réalité l'accent sur l'état de santé des enfants plutôt que sur bon nombre d'autres indicateurs du développement dont il a été question aujourd'hui.

• 1605

Il s'arrête entre autres à la mortalité, à la morbidité, à l'hospitalisation, aux principales causes de maladie, ainsi qu'à la santé mentale et à des préoccupations d'ordre émotif et psychologique. Nous commençons aussi à nous intéresser à un autre domaine auquel je reviendrai à la fin, soit le concept des indicateurs de bien-être, au sujet desquels il existe très peu de données.

En 1993 et en 1994, des experts de l'Institut canadien de la santé infantile ont évalué presque toutes les données connues sur la santé des enfants au Canada. Celles qu'on a jugées fiables ont ensuite été publiées dans la deuxième édition. En 1998 et en 1999, nous passons à nouveau en revue les données connues en prévision de la troisième édition.

Nous sommes ici aujourd'hui pour vous signaler les limites que nous avons repérées et les nouvelles orientations que nous prenons à la suite de ces consultations. Nous mettrons l'accent sur des questions pour lesquelles il existe peu de données statistiques représentatives et, par la même occasion, nous affirmons notre engagement de même que le vôtre, espérons-nous, à faire connaître les préoccupations qui ne sont pas bien énoncées ailleurs. Je ferai rapport de la santé et du bien-être des enfants et des jeunes ayant une incapacité, et Sandra vous parlera des contaminants de l'environnement et de la santé infantile.

L'incapacité n'est pas une réalité physique simple. C'est en fait un phénomène de conception sociale issu d'une interaction complexe entre les conditions de vie matérielles et les handicaps physiques, les facteurs sociaux, culturels et économiques et le cadre bâti. Pour fournir aux enfants et aux jeunes ayant une incapacité de même qu'à leur famille les aides appropriées, il nous faut des données représentatives qui nous permettront de comprendre leurs expériences dans un contexte holistique. Il nous faut donc plus que de simples chiffres ou taux.

Il existe très peu de sources de données statistiques sur la santé et le bien-être de ces enfants. L'enquête sur la santé et les limitations d'activités de 1991 nous fournit certaines données. Le résumé de cette documentation, présentée dans la deuxième édition de The Health of Canada's Children demeure l'une des très rares ressources disponibles sur le sujet.

Elle a fait ressortir des questions comme le nombre, faible mais croissant, d'enfants ayant un handicap profond qui vivaient à la maison en 1991—les obstacles à la participation aux activités de loisirs, le manque de transport spécialisé, le manque de possibilités de relève pour les parents qui prennent soin d'enfants et de jeunes ayant une incapacité, et la perturbation des régimes de travail des parents.

Aussi précieuses qu'aient été les données fournies par l'enquête sur la santé et les limitations d'activités, il reste de nombreuses questions sans réponse. Certains trous dans les données posent des défis très réels aux chercheurs et à ceux qui élaborent des programmes et des politiques et qui cherchent à comprendre les besoins de cette population.

Parce qu'il existe une pénurie de nouvelles données, nous sommes obligés d'utiliser des données désuètes et des données très limitées sur les tendances. La troisième édition de The Health of Canada's Children fera état de moins de nouvelles données statistiques nationales et provinciales sur les enfants et les jeunes ayant une incapacité que la deuxième édition. Malheureusement, nous en savons moins aujourd'hui que nous en savions en 1994. Cette situation déplorable témoigne du fait que les enfants n'étaient tout simplement pas au programme, en termes de surveillance et de suivi.

Si nous souhaitons soutenir les enfants et les jeunes ayant une incapacité de même que leurs familles, il nous faut des données fiables, précises et courantes relatives à l'impact d'une invalidité fonctionnelle sur la vie de tous les jours. Cela signifie qu'il nous faut faire le suivi des interactions entre le système de santé et le système des services sociaux. Cela signifie qu'il faut réunir de l'information sur une gamme beaucoup plus vaste de questions. Il faut préciser que l'incapacité se traduit par des vies plus complexes et plus multidimensionnelles, pas moins. Enfin, cela signifie qu'il faut reconnaître la longévité accrue des enfants et des jeunes ayant une incapacité et qu'il faut réunir des données sur les succès et les échecs des efforts déployés en vue de les aider à mesure qu'ils grandissent.

Nos experts ont toujours insisté sur l'importance de tenir compte des facteurs contextuels—par exemple, le lieu de résidence—qui ont un impact sur les résultats. Il nous faut des données constantes sur ce genre de questions.

D'après les experts nationaux que nous avons consultés, nous avons besoin de renseignements précis et représentatifs à l'échelle nationale sur le nombre d'enfants et de jeunes ayant une incapacité qui exigent des soins de santé et des services sociaux, sur le nombre de visites à l'hôpital que font les familles, sur le nombre total de contacts en matière de santé, sur la durée de la période d'attente pour obtenir les services de santé et les services sociaux, et sur le besoin d'avoir accès à un service de dépannage.

J'aimerais souligner ici que les enfants, plus que tout autre groupe de la population, font partie de familles. Il nous faut donc reconnaître et estimer à sa juste valeur la contribution faite par ces familles.

Bien que la plupart de ces renseignements ne soient pas disponibles pour l'instant, il y a lieu de s'inquiéter. Par exemple, en Alberta, on s'est attaché à compter le nombre de fois que les familles ayant des enfants souffrant d'un handicap physique grave ou d'une invalidité fonctionnelle grave se rendaient dans des hôpitaux ou des établissements de santé. Les responsables de la santé en Alberta ont indiqué que les familles visitaient ces établissement en moyenne 12 fois par semaine. Imaginez ce que cela représente pour la famille. Imaginez aussi ce que cela représente pour les pourvoyeurs de soins, qui ont besoin de services de relève et de soutien.

• 1610

Il ne faut pas croire que ces problèmes touchent uniquement les enfants et les jeunes souffrant d'un handicap grave, et leurs familles. Malheureusement, nous n'avons tout simplement pas les données dont nous avons besoin pour mesurer l'incidence des différentes incapacités sur les enfants, les jeunes et leurs familles. Toutefois, nous savons que le suivi des visites effectuées auprès des services de santé et sociaux et l'analyse des lacunes que présentent ces services nous permettrons de faire en sorte que des politiques adéquates soient mises en place.

Par ailleurs, d'après nos experts, il nous faut absolument recueillir de l'information sur un grand nombre de questions, comme l'incidence qu'a le fait d'avoir des enfants et des jeunes ayant une incapacité sur: le fonctionnement de la famille; la structure familiale; l'emploi et le régime de travail des parents; le revenu familial; l'accès à des services de garde; la participation à la vie familiale, scolaire et communautaire; l'accès à de véritables activités de loisir, et non pas des activités qui constituent tout simplement une autre forme de service de garde; le risque de violence et d'exploitation; les contacts avec les services d'aide à l'enfance; la sexualité des jeunes; la qualité et la fréquence des rapports avec les pairs; l'équilibre émotionnel et psychologique par rapport aux groupes témoins de pairs; et l'autonomie.

Je tiens à dire que nous n'avons pas de données, pour l'instant, qui pourraient nous aider à résoudre ces problèmes à l'échelle nationale.

Quand on jette un coup d'oeil sur cette liste, on comprend facilement quels sont les défis auxquels sont confrontés les enfants et les jeunes ayant une incapacité, ainsi que les membres de leurs familles. Nous savons que de nombreuses familles s'attaquent à ces problèmes avec une force et une ingéniosité remarquables. Toutefois, nous devrions également tenir compte des défis que nous devons relever, en tant que société compatissante, pour faire en sorte que des services de soutien adéquats soient offerts.

Enfin, nous devons nous intéresser aux questions de justice sociale qui, d'une certaine façon, constituent pour nous notre plus grand défi. Combien de situations déplorables sont en fait attribuables à des injustices sociales qui pourraient être corrigées si nous avions la volonté de nous y attaquer?

La longévité est une autre question qui mérite notre attention. Comme la tendance veut que les personnes souffrant d'un handicap vivent de plus en plus longtemps, nous devons absolument recueillir des données précises et détaillées sur les taux de survie des enfants et des jeunes souffrant d'un handicap sévère et sur les possibilités nouvelles qui s'offrent à eux. Les médecins praticiens sont conscients de ces changements, mais ils ont besoin de données concrètes pour pouvoir fournir des services nouveaux ou différents.

Nous savons très peu de choses au sujet des soins qui sont offerts entre la petite enfance et l'âge adulte, ou au sujet des obstacles à l'éducation, à l'emploi ou à l'autonomie auxquels font face les jeunes handicapés. Si nous voulons venir à bout de ces problèmes, nous devons identifier dès le départ les besoins à long terme des enfants et des jeunes ayant une incapacité. Le fait d'offrir des services de soutien dès l'âge préscolaire nous permet d'adopter une approche systématique à l'égard des questions de longévité.

Les besoins en informations sur les enfants et les jeunes handicapés et leurs familles, besoins qui ont été cernés alors que nous préparions la troisième édition de l'ouvrage intitulé The Health of Canada's Children, sont énormes. Nous pouvons pallier ce manque d'information au moyen de sondages représentatifs qui permettent de mesurer l'incidence des handicaps sur les enfants, les jeunes et leurs familles.

L'enquête sur la santé et les limitations d'activités peut permettre de combler bon nombre de ces besoins, mais pas dans sa forme actuelle. Il faut en élargir la portée et la mener plus souvent.

Par exemple, cette enquête n'est pas complète puisqu'elle ne fournit pas de données précises sur les besoins ou les expériences de vie des enfants souffrant d'un handicap grave et de leurs familles. L'étude longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, de même que l'enquête nationale sur la santé de la population permettent de recueillir des renseignements sur les enfants et les jeunes ayant une incapacité, sauf qu'elles ne portent pas sur les handicaps et n'abordent pas les questions complexes des effets qu'ont ces handicaps sur les personnes.

Pour terminer, nous en savons moins aujourd'hui qu'en 1994. À défaut de données, nous ne pouvons espérer construire un monde juste où tout le monde à sa place. La collecte de ces données devrait constituer une priorité pour tous.

Je tiens à souligner que, même si ces enfants et ces jeunes ne représentent qu'un petit pourcentage de la population canadienne, leur nombre n'est pas négligeable puisqu'il s'élève dans les centaines de milliers.

Le président: Avant de donner la parole à votre collègue, j'aimerais noter la présence, au sein du comité, de Mme Carolyn Bennett, qui préside un autre sous-comité, un des nombreux sous- comités du HRPD. Comme nous partageons les services du même attaché de recherche, j'ai l'impression vous allez beaucoup entendre parler de Mme Bennett dans un autre contexte, avec certains des mêmes joueurs.

Mme Karen Kidder: Nous attendons cela avec impatience.

Le président: Cela démontre à quel point nous formons un groupe homogène, que nous partageons des objectifs communs.

Mme Karen Kidder: Je vais maintenant céder la parole à Sandra.

Mme Sandra Schwartz (directrice, Programmes environnementaux, Institut canadien de la santé infantile): Comme j'ai une voix qui porte, je ne sais pas si vous aurez vraiment besoin d'écouteurs. On m'a dit que, si j'étais actrice, je n'aurais aucune difficulté à me faire entendre dans une grande salle de théâtre.

• 1615

Comme je m'occupe des programmes environnementaux, mon rôle aujourd'hui consistera à vous exposer les vues de l'Institut sur les liens qui existent entre les questions environnementales et la santé des enfants.

Il est vrai qu'il existe d'innombrables lacunes dans le domaine de la recherche et de la collecte de données, mais je n'insisterai pas trop là-dessus. Je vais vous parler des données que nous avons recueillies sur les liens qui existent entre l'exposition ambiante et les handicaps, les problèmes de comportement, les crises d'asthme, ainsi de suite. Je vais également vous parler des problèmes nouveaux auxquels nous sommes confrontés, et vous expliquer pourquoi nous devons adopter des politiques plus prudentes dans ce domaine.

Nous pourrions, par exemple, créer un bureau de la protection de la santé des enfants contre l'environnement, ou un commissariat à la santé des enfants, ou encore des centres d'excellence, dont un qui se chargerait d'analyser les effets de l'environnement sur les enfants.

Il existe de nombreux facteurs qui déterminent si un enfant naît en santé, et s'il le sera jusqu'à l'âge adulte. Ces facteurs sont interdépendants et parmi ceux-ci, l'environnement se classe dans les plus importants. Du fait de leur croissance rapide et de leur immaturité physiologique et métabolique, le foetus et l'enfant risquent souvent d'être exposés aux substances toxiques qui se trouvent dans l'environnement.

Bien que les effets des contaminants environnementaux sur la santé humaine aient fait l'objet de nombreuses études dans le monde, peu de rapports au Canada portent sur la vulnérabilité particulière des enfants.

Il faut retenir plusieurs des principaux facteurs déterminants de la santé lorsque nous étudions l'effet des contaminants sur la santé des enfants. Souvent, les résultats importants sont considérés comme ayant une cause unique alors qu'ils devraient être considérés comme le fruit de multiples causes.

Or, les recherches deviennent plus compliquées quand il y a de multiples causes en jeu—elles sont plus simples quand la cause est unique. Toutefois, nous devons commencer à nous concentrer sur ces causes multiples.

Les effets de la pauvreté sur la santé des enfants ne constituent qu'un exemple de milieu composé de facteurs sociaux et physiques comme la piètre qualité du logement, la pollution, la malnutrition, le stress, une éducation et des ressources matérielles inadéquates, le manque de confiance en soi, ainsi de suite. Souvent, ces facteurs surviennent en même temps. Pratiquement tous les indicateurs de santé montrent un lien avec la pauvreté—par exemple, la mortalité infantile, les principales causes de décès, les motifs d'hospitalisation et les comportements liés à la santé.

La pauvreté accroît le risque d'exposition des adultes et des enfants aux contaminants environnementaux. Comme nous le savons, ce sont les pauvres qui vivent près ou en aval des sources de pollution, aux alentours de milieux de travail pollués et dans des logements non sécuritaires et parfois même toxiques. Citons par exemple le secteur South Riverdale, un quartier de Toronto où il existe de fortes concentrations de plomb, aussi bien dans le sol que dans les logements.

Depuis 1997, l'Institut mène une étude qualitative à l'échelle nationale afin d'identifier un échantillon d'activités en cours par des groupes voués à la défense de l'environnement et de la santé et qui visent à protéger les enfants des risques environnementaux. Nous avons obtenu un taux de réponse de 43 p. 100, ce qui est très bon. Comme il s'agissait d'une enquête nationale, plusieurs régions y ont participé.

Souvent, la perception des répondants n'était pas conforme aux recherches scientifiques. Par exemple, de nombreuses substances comme le benzène et le radon—le radon que l'on trouve dans les foyers est une substance radioactive—qui ont été identifiées dans les études scientifiques comme présentant un risque élevé pour la santé humaine, n'ont pas été perçues comme menaçantes par bon nombre de répondants.

De plus, 64 p. 100 des répondants ont indiqué que les maladies respiratoires constituent le plus grave problème de santé lié à l'environnement pour les enfants et les jeunes d'aujourd'hui.

Bien que des recherches scientifiques viennent appuyer cette thèse, d'autres états comme des malformations congénitales, des troubles endocriniens—c'est-à-dire tout produit chimique qui peut agir sur le système hormonal, la glande thyroïde et autres systèmes—des anomalies neurologiques ou liées au comportement recueillaient tous un taux de réponse inférieur à 5 p. 100 en tant que problème grave de santé.

Par ailleurs, la qualité de l'air extérieur était perçue comme une menace plus grave que la qualité de l'air intérieur, même si des études ont prouvé que la pollution peut être plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur.

Les résultats de l'étude révèlent, de toute évidence, un manque important de connaissances sur les contaminants et les répercussions de l'exposition à ces substances sur la santé. Les perceptions populaires et les résultats des recherches ne sont pas compatibles, ce qui montre clairement le besoin de renseignements, d'une éducation améliorée du public et des recherches plus poussées sur la santé des enfants et l'environnement. Le partage de renseignements et des idées de programmes entre les groupes peut accroître le niveau de connaissances et la collaboration, et réduire les doubles emplois à l'échelle locale et nationale.

• 1620

De plus en plus de preuves montrent la vaste gamme de problèmes de santé qui peuvent être imputés à l'exposition de l'environnement ou exacerbés par ceux-ci. Permettez-moi de vous en décrire quelques-uns.

D'abord, les décès liés à l'asthme ont augmenté au cours de la dernière décennie. L'asthme est maintenant la première cause d'hospitalisation d'enfants dans bon nombre de pays.

Statistique Canada a publié récemment un rapport qui indique que les crises d'asthme ont quadruplé. Cette hausse ne peut pas être uniquement attribuée au fait qu'un plus grand nombre de médecins notent qu'un enfant a l'asthme ou un mal asthmatique. Elle ne peut pas être uniquement attribuée au fait que les médecins...

Le président: Déclarent un plus grand nombre de cas.

Mme Sandra Schwartz: C'est exact. Merci.

En fait, il faudrait peut-être intensifier les recherches sur les facteurs environnementaux puisque les contaminants intérieurs auxquels sont exposés les enfants pourraient très bien provoquer des crises d'asthme.

Les enfants exposés à la fumée de tabac à la maison comptent, chaque année, davantage de jours d'activité réduite, de confinement au lit et d'absences à l'école que les autres enfants. Bon nombre d'enfants vivent à quelques kilomètres d'un dépotoir de déchets toxiques. Mentionnons, par exemple, les mares de goudron de Sydney, qui se trouvent au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse.

De nombreux enfants sont exposés à des niveaux d'ozone troposphérique plus élevés que la moyenne, parce qu'ils vivent près de couloirs de circulation et d'échangeurs à haute densité.

La pollution de l'eau peut toucher directement les enfants quand ils boivent l'eau des rivières et des lacs, ou qu'ils s'y baignent, indirectement, quand ils mangent du poisson contaminé.

Les enfants exposés in utero, ou à la suite de la naissance, à des pesticides, des polluants organiques rémanents, des métaux lourds et à d'autres substances chimiques peuvent souffrir de troubles endocriniens, d'arrêt de croissance, d'inhibition du système immunitaire, de troubles mentaux et d'autres neurologiques du comportement ou de croissance.

Je note qu'ils n'ont pas tenu compte, dans l'étude longitudinale nationale, de l'environnement physique lorsqu'ils ont analysé certains facteurs.

Bien que l'exposition à certains risques environnementaux ait diminué du fait du resserrement des normes en matière de santé et d'environnement, comme l'élimination du plomb dans l'essence, les enfants sont toujours exposés aux produits chimiques toxiques contenus dans l'air, dans l'eau et dans les aliments parce que les politiques actuelles ne jugent pas que les enfants constituent une population particulièrement vulnérable. Les normes actuelles sont conçues pour protéger les adultes, non les enfants, et ne font pas état des nouvelles données sur les contaminants environnementaux et la santé des enfants.

En mai 1997, lors du sommet de l'environnement, les dirigeants des pays du G7 et la Russie—le «huitième» pays—ont adopté une déclaration sur la santé environnementale et les enfants, qui prévoit un cadre pour les efforts nationaux, bilatéraux et internationaux visant à améliorer la protection de la santé des enfants par rapport aux menaces environnementales. À titre de signataire de la déclaration, le Canada s'est engagé à donner la priorité aux questions environnementales liées à la santé des enfants: soit le plomb, l'eau potable, la qualité de l'air, la fumée de tabac ambiante, les substances qui provoquent des changements hormonaux et climatiques.

De plus, les dirigeants se sont entendus pour mettre en place des politiques nationales qui reconnaissent la vulnérabilité des bébés et des enfants aux contaminants environnementaux, et pour promouvoir la recherche dans ce domaine.

Malheureusement, les dirigeants canadiens n'ont pas fait grand chose pour respecter ces engagements. Par conséquent, le Canada est en retard par rapport aux autres pays, comme les États-Unis, dans l'adoption de politiques de protection des enfants.

Bien qu'il existe de nombreuses études bien documentées sur les risques apparents, les scientifiques et les gouvernements ne s'entendent pas sur les effets destructeurs pour la santé que peut entraîner une exposition aux substances chimiques toxiques dans l'environnement. Dans bien des cas, comme pour les troubles endocriniens causés par les substances chimiques, on constate un manque de données concluantes sur les humains et le rapport de causalité directe.

En raison de ce manque de données, il est difficile pour les organismes gouvernementaux de faire face au problème, parce qu'on semble croire que les réactions doivent être fondées sur des preuves scientifiques directes et incontestables que les intérêts commerciaux ne peuvent réfuter. La plupart des études n'utilisaient pas une approche multidisciplinaire et, par conséquent, passaient à côté de la complexité de l'association exposition-maladie. Il est souvent très difficile d'associer, du point de vue de la causalité, les problèmes de santé qui peuvent découler de multiples expositions à bas niveau, surtout si ces problèmes surviennent après de longues périodes de latence et ne possèdent pas de caractéristiques qui les identifieraient clairement comme étant causés par des facteurs environnementaux.

Toutefois, le manque de certitude scientifique ou de preuve absolue d'association ne justifient pas l'inaction. Toute la population pourrait être à risque.

La législation en matière de santé et d'environnement doit donc être élaborée à partir du principe de précaution. Cette notion a été adoptée lors de la conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, qui s'est tenue à Rio de Janeiro, en 1992, et a déjà été mise en oeuvre dans certains systèmes de réglementation en Europe et aux États-Unis.

• 1625

Elle nous dit que nous devons adopter une attitude de prévention devant l'incertitude, en faisant preuve de prudence. Elle s'inspire du principe appliqué dans le milieu médical selon lequel il faut éviter le danger.

Le président: Avez-vous presque...

Mme Sandra Schwartz: J'ai presque terminé. On m'a dit que j'avais cinq minutes, mais comme tout le monde a parlé plus longtemps, j'en profite pour faire la même chose.

Le président: La loi de Gresham.

Des voix: Oh, oh.

Mme Sandra Schwartz: D'accord. Je n'en dirai pas plus sur le principe de précaution. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poser.

La protection des enfants canadiens contre les risques environnementaux impose un engagement politique solide et une législation semblable à celle de plusieurs déclarations provenant des États-Unis dans les dernières années. Afin de protéger les enfants contre les menaces environnementales, nous avons besoin de stratégies semblables de protection axées sur les enfants au sein des structures bureaucratiques canadiennes.

La création d'un bureau de la protection de la santé de l'enfant contre l'environnement, calqué sur celui créé par l'Agence américaine de protection de l'environnement, et d'un commissaire à la santé des enfants favoriserait la promotion du principe de précaution en reconnaissant les connaissances dont nous disposons actuellement et en identifiant les lacunes qui existent dans les données sur les contaminants environnementaux et la santé des enfants; en veillant à ce que les données scientifiques actuelles sont grandement diffusées; en faisant la promotion de la recherche et de l'élaboration de politiques; et en identifiant les possibilités de collaboration avec d'autres organismes.

Pour terminer, pendant que nous essayons de déterminer dans quelle mesure les contaminants chimiques contribuent aux tendances et aux conceptions sociales, nous constatons, par exemple, une augmentation de l'infertilité, des troubles d'apprentissage, de l'asthme et des cancers, et les répercussions directes et indirectes des industries du transport, de l'énergie et de l'agriculture, pour ne nommer que celles-là, sur la santé humaine et les changements à l'échelle planétaire. Il est important de se rappeler une chose. Les scientifiques continuent de découvrir des effets importants, souvent permanents, causés par des doses étonnamment basses. Afin de protéger la santé et le bien-être des enfants, il faut prendre des mesures pour élaborer des objectifs environnementaux par le biais d'une loi, malgré l'incertitude actuelle et le besoin d'une recherche plus approfondie sur la santé et l'environnement.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. C'était un véritable tour d'horizon.

La seule chose que je voudrais dire à mes collègues, qui sont déjà si disciplinés, c'est que, avant que quelqu'un d'autre ne parte—j'espère que Jackson va revenir—nous ne pouvons nous permettre de perdre un autre membre du comité avant la tenue du vote sur le budget. Nous allons devoir interrompre la réunion si quelqu'un d'autre part. Autrement, il y aura au moins un témoin qui ne pourra se joindre à nous la semaine prochaine.

Cela dit,

[Français]

madame Gagnon, la parole est à vous.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci. J'ai vu qu'il y avait beaucoup de recommandations. Huit ateliers ont suivi ces recommandations, et je constate qu'on insiste beaucoup afin qu'il y ait des actions concrètes dans les provinces.

Je voudrais demander, par exemple, si le but de cette étude longitudinale est de formuler des recommandations aux gouvernements provinciaux ou seulement de faire état de la situation sur le bien-être des enfants au Canada. Vous vous penchez sur la structure familiale, l'éducation des enfants et les suivis. Je formulerai une critique plus générale sur ce qu'on pourrait peut-être faire pour aider les familles. Les indices socioéconomiques pourraient servir à aider celles à faible ou à moyen revenu.

On a vu toutes les coupures survenues dans le Transfert social canadien, dans l'assurance-emploi, dans la non-indexation des prestations fiscales pour enfants et dans le logement social. C'est au niveau des mesures sociales que le gouvernement a coupé. Ayant fait cela, il nous propose maintenant un petit programme à côté qui, finalement, vient jusqu'à un certain point détruire le soutien que pourraient donner les provinces.

Je suis un peu inquiète car je me demande comment ces recommandations seront formulées. Je sais qu'il se fait des choses dans les provinces, bien que ce soit peut-être inégal d'une province à l'autre. Je reviendrai plus tard sur certains enjeux plus précis de votre étude.

J'aimerais donc savoir ce que vous en pensez de façon générale. Comment allez-vous présenter ces recommandations? Est-ce qu'elles seront faites de manière à ce que le gouvernement du Canada remette au pas les provinces?

M. Wayne Smith: De fait, le rôle de Statistique Canada n'est pas du tout de présenter au gouvernement des recommandations d'orientation politique. Nous menons l'enquête afin de mesurer et de mieux comprendre les enjeux et les relations. Nous fournissons cette information aux ministères qui ont une vocation politique dans ces domaines, et ce sont eux qui décideront quelles actions devront en découler.

• 1630

Nous fournissons ces mêmes renseignements aussi bien aux provinces qu'au gouvernement fédéral et à certains groupes qui font des études, dont le Conseil canadien de développement social. Les décisions politiques découlent finalement de ce processus, et il n'appartient pas à Statistique Canada de formuler des recommandations.

Mme Christiane Gagnon: Vous pouvez donc faire réfléchir un ministre en lui livrant l'état de la situation. Quand il y a des enfants pauvres, c'est parce qu'il y a des parents pauvres. S'il en est ainsi, c'est peut-être parce que les mesures sociales diminuent et qu'on a de la difficulté à donner aux parents le soutien et le suivi nécessaires afin que leurs enfants se sentent plus en sécurité dans un environnement plus sain et qu'ils puissent mieux manger, et à faire en sorte que les parents n'aient plus à s'inquiéter de courir pour essayer d'obtenir des prestations d'assurance-emploi lorsqu'ils perdent leur emploi. On sait qu'à peine 36 p. 100 des chômeurs peuvent toucher ces prestations. Qui en souffre? C'est toute la famille, y compris les enfants. Il y a éclatement de la famille et il y a des divorces. On sait que les conséquences sont très graves.

J'aimerais en venir à une question plus précise et vous demander de nous parler davantage de la mesure spécifique que vous utilisez pour mesurer certains facteurs. Je sais que d'autres études ont été faites sur l'impact des facteurs socioéconomiques sur les enfants. Dans ma circonscription, on a fait une telle étude dans un secteur défavorisé qui ne donne peut-être pas les mêmes résultats. Par exemple, vous dites qu'il est peut-être plus difficile pour une famille monoparentale de donner un soutien à son enfant et que ce dernier risque de moins bien réussir à l'école. L'étude faite dans mon comté indique plutôt que le type de famille, qu'elle soit monoparentale, biparentale ou recomposée, n'a pas d'importance, mais que c'est le soutien et le suivi qu'on donne aux enfants qui comptent. Elle indique que le type de famille ou le fait qu'on soit dans un secteur défavorisé a moins d'importance que le suivi, le soutien, la présence et l'encouragement qu'on donne à l'enfant. Vous insistiez tout à l'heure sur l'importance du type de famille. Je voudrais savoir sur quel indice vous avez basé vos mesures.

Mme Sylvie Michaud: J'aimerais d'abord indiquer que je ne vous ai donné qu'un aperçu très général et, de fait, à un niveau très macro. Il est possible qu'on puisse observer des différences à un niveau micro, au niveau de la communauté. Notre dernière acétate portait sur l'impact du rôle parental sur les problèmes de comportement et démontrait que la relation parent-enfant a plus d'importance, finalement, que le type de famille, qu'elle soit monoparentale ou biparentale.

L'impact des parents est un peu différent si on regarde le contexte scolaire ou les différentes mesures. En avril devrait être lancé un livre de Douglas J. Wilms, qu'on édite présentement, au sujet des populations vulnérables et des enfants vulnérables. On y étudie de façon beaucoup plus détaillée tous ces facteurs. Ce livre a été financé par le ministre du Développement des ressources humaines.

Notre rôle consistait à recueillir un peu d'information en vue de stimuler la recherche. Mais, comme l'a mentionné Wayne, notre rôle s'est limité à fournir des données exploratoires. Je crois que d'autres sources seraient probablement plus appropriées.

Mme Christiane Gagnon: Votre échantillonnage portait sur des enfants de 0 à 11 ans?

Mme Sylvie Michaud: Oui, et il remonte à 1994.

Mme Christiane Gagnon: De façon proportionnelle, comment avez-vous étalé votre échantillonnage d'un bout à l'autre du Canada?

Mme Sylvie Michaud: À l'origine, nous voulions obtenir des estimations provinciales pour tous les enfants de 0 à 1 ans, ainsi que des données nationales pour différentes cohortes, dont un peu plus d'échantillons pour les enfants de 0 à 1 an, puisque nous reconnaissions que nous n'avions pas beaucoup d'information sur le développement des très jeunes enfants.

Mme Christiane Gagnon: Vous n'avez pas fait de distinction entre les provinces?

Mme Sylvie Michaud: Pas par groupe d'âge.

Le président: Ce sera l'objet de recherches à venir.

Madame Libby Davies.

[Traduction]

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci.

D'abord, je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer. J'ai beaucoup de questions à vous poser. J'aurais aimé qu'on ait plus de temps pour discuter.

J'étais en train de jeter un coup d'oeil sur le rapport qu'a publié l'an dernier le CCDS, où il dit qu'on a passé une autre année à discuter des enfants. Ce que vous dites là est très juste, alors espérons que le travail du comité aboutira à des mesures concrètes.

• 1635

Je voudrais reprendre là où Sandra s'est arrêtée et vous parler d'environnement. Je représente, entre autres, Vancouver-Est, qui est situé du côté est du centre-ville. Pendant le week-end, je suis passée prendre un de mes électeurs au coin de Main et Hastings et nous sommes allés à Vancouver-Ouest, dans une petite église appelée St. Francis In the Wood, la seule église ouverte 24 heures sur 24 dans le lower mainland.

Si je vous dis cela, c'est parce que j'avais l'impression de me trouver dans un autre pays, loin de Main et Hastings, où l'on se plaint probablement du bruit, de la pollution atmosphérique, du stress de la grande ville, où les gens vivent dans des hôtels, où les enfants vivent dans des maisons de chambre. Nous nous sommes rendus dans un joli quartier de Vancouver-Ouest, où il y a des cèdres et de l'air pur—c'est à proximité de l'océan—de jolies maisons, des rues tranquilles. La personne qui m'accompagnait a grandement apprécié le fait de pouvoir s'éloigner de tout ce stress pendant quelques heures. Donc il est vrai que l'environnement a un impact sur les enfants et les familles.

J'ai quelques questions à poser. Pour donner suite à ce qu'a dit Mme Gagnon, je pense que l'étude longitudinale est très importante en ce sens qu'il s'agit d'une étude à long terme qui vise à mesurer le bien-être des enfants. Mais il y a autre chose qui m'intéresse—je pense que vous en avez tous parlé—et c'est l'incidence des politiques d'intérêt public sur les enfants. Qui se charge de cette tâche?

Pendant des dizaines d'années, nous avons eu des programmes d'allocations familiales et de logements sociaux. Nous aurions pu construire 75 000 unités d'habitations si nous avions poursuivi nos efforts au même rythme qu'en 1993. Je sais ce que ça veut dire pour une famille de vivre dans un logement social plutôt que dans un logement insalubre—je sais aussi quel impact peuvent avoir les changements à l'assurance-chômage.

Ce qui m'intéresse particulièrement, puisque nous envisageons de mettre sur pied un programme national à l'intention des enfants tout en essayant de déterminer à qui ce programme s'appliquera—tous les enfants ou seulement certains d'entre eux—c'est l'impact qu'ont les politiques gouvernementales et les changements notés à ce chapitre.

J'aimerais savoir si, à votre avis, nous devrions adopter des politiques plus vastes, que ce soit dans le domaine du logement, du soutien du revenu, de l'éducation préscolaire ou de l'environnement, qui sont plus ou moins des déterminants de la santé. Que vous fassiez partie de la classe moyenne ou des gagne- petit, que vous soyez ou non d'accord avec l'idée que la prestation fiscale pour enfants vous donne droit à telle et telle aide, sauf que si vous êtes un assisté social, vous n'y avez pas droit—des politiques plus ciblées.

Je pense qu'il y a eu un virage majeur, et nous devons nous demander si nous sommes sur la bonne voie et si ce changement de politique entraîne des effets qui sont maintenant en train de se manifester dans l'étude longitudinale ou autres initiatives entreprises par le biais des ONG.

Je ne sais pas si cette question est trop vaste, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le président: Qui veut essayer de répondre?

Katherine?

Mme Katherine Scott: En fait, vous voulez savoir si les données que nous avons nous permettent de mesurer l'incidence des politiques gouvernementales actuelles sur les enfants.

Il y a plusieurs groupes qui se chargent de recueillir des données et qui n'hésitent pas à dire ce qu'ils pensent des initiatives gouvernementales actuelles ou passées. Ils dénoncent depuis très longtemps le ciblage accru qui caractérise les programmes de sécurité du revenu et autres initiatives de ce genre, de même que les conséquences que cela entraîne—mentionnons, par exemple, les changements apportés à l'assurance-emploi.

Personnellement, je ne comprends pourquoi on n'a pas dénoncé davantage le régime d'assurance-emploi et les changements apportés aux conditions d'admissibilité.

Le président: Vous devriez assister aux réunions du comité principal.

Mme Katherine Scott: Oui. Mais il faut poursuivre les efforts en ce sens.

Il y a à l'échelle nationale un groupe d'ONG, la Children's Alliance, qui se penche sur certaines de ces questions et qui fait part de ses idées concernant les éléments que devrait englober un programme destiné aux enfants, les façons d'améliorer la qualité de vie des enfants.

Vous soulevez un autre point intéressant. Cela fait dix ans que nous ciblons certains groupes—ou peut-être même 20 ans. Nous le faisions au début des années 80, non seulement dans le cadre des programmes de sécurité du revenu, mais aussi des programmes destinés aux enfants. Il y a des groupes qui s'intéressent de près aux enfants à risque, c'est-à-dire les enfants pauvres. L'objectif visé par Campagne 2000 est très clair.

• 1640

Par exemple, le nombre d'enquêtes menées sur les décès d'enfants en bas âge en Ontario et ailleurs—Vancouver et autres villes—a permis d'attirer l'attention sur les enfants placés en milieu de garde.

Donc, nous ne savons pas trop si nous devons nous concentrer sur ces groupes à haut risque, et c'est là qu'il faut intensifier nos recherches—nous savons très peu de chose à leur sujet—ou si nous devons adopter une approche axée sur la santé de la population. C'est une question que vous devrez trancher. Le nom que porte votre comité laisse entendre que vous vous intéressez au sort des enfants à risque. Or, ces mots, pour nous, ont un sens très précis, puisqu'ils évoquent les enfants de la rue.

De manière générale, je pense qu'il faut trouver une solution axée sur la santé de la population, mettre sur pied des programmes de sécurité du revenu, comprendre que les enfants vivent en famille et qu'ils sont aussi touchés par les coupures à l'assurance-emploi que leurs parents, ou encore regarder du côté des programmes de soins de santé, reconnaître que le public a perdu confiance à l'égard du régime. Ce sont là des mesures d'envergure qui auront un impact différent, mais important, ce qui n'est pas le cas du programme «des bébés en santé» qui a été lancé, au coût de 10 millions de dollars, dans une petite localité de Scarborough où il y a... des mesures de ce genre. Je ne dis pas que ces initiatives ne sont pas importantes, mais c'est un facteur dont vous devez tenir compte.

Le président: Je vois que le temps file. Nous reviendrons peut-être là-dessus. Je vais donner la parole à M. Jackson, qui a une question à poser, et ensuite à Mme Bennett.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Monsieur le président, le ministère du Développement des ressources humaines nous dit que 80 p. 100 des enfants vont assez bien, malgré tout ce qui se passe. Nous savons, par expérience, que les enfants peuvent réaliser des choses importantes même s'ils viennent d'un milieu défavorisé, même s'ils n'ont pas reçu une bonne éducation. S'ils ont une personne importante dans leur vie, s'ils réussissent dans certains domaines, ou si quelqu'un s'intéresse à eux, ils arrivent parfois à sortir de ce cercle vicieux. Je ne sais pas si quelqu'un a quelque chose à dire là-dessus.

L'étude que vous avez effectuée m'intéresse, parce qu'il s'agit d'une étude longitudinale qui porte sur les enfants. Nous allons mesurer leur développement, parce que nous voulons essayer de corriger le système. Nous ne sommes pas ici pour nous plaindre de ce qui a été fait dans le passé—du moins, je n'ai pas l'intention de le faire. Nous devons trouver des solutions, s'il y a des problèmes. Nous ne pouvons pas, toutefois, investir aveuglement dans cela.

Les parents ne subissent pas un examen pour savoir s'ils sont aptes à élever des enfants. Nous avons des familles dysfonctionnelles. J'ai enseigné au secondaire. J'en sais quelque chose. Je les appelais au milieu de la journée, ils étaient en état d'ébriété et me disaient, «Pourquoi diable m'avez-vous appelé? Occupez-vous vous-même de l'enfant.» Voilà ce qu'ils me disaient. Nous n'avons pas de kibboutz où nous pouvons amener les enfants. Nous devons donc trouver des solutions aux problèmes qui existent. Le logement en est une, le revenu en est une autre. Il y a d'autres mesures que nous pouvons prendre.

J'aimerais savoir comment vous avez préparé ce questionnaire. Certaines questions sont intéressantes. Par exemple, vous posez des questions sur le vandalisme, sur la façon d'établir qu'un enfant est une brute, sur l'usage qu'ils ont fait des armes à feu. Il y en a d'autres qui sont bizarres. Je ne sais pas qui pourrait me fournir une réponse.

Le président: Voulez-vous essayer?

Mme Sylvie Michaud: Le ministère du Développement des ressources humaines a mis sur pied un comité consultatif d'experts qui nous a fait des suggestions. Nous utilisons souvent des questions qui ont déjà été utilisés dans d'autres études, des questions qui nous ont été recommandées, comme celles qui nous ont été proposées dans ce cas-ci. Les experts venaient de secteurs différents et ce sont eux qui nous ont proposé les questions. Nous les avons mises à l'essai et ensuite modifiées dans le cadre de l'enquête. Je peux vous fournir une liste des experts qui nous ont conseillés dans divers domaines. Tout cela est documenté.

M. Ovid Jackson: Les enfants ont un style d'apprentissage bien à eux, et parfois nous pensons savoir... quand le déclic se fait, certaines choses se produisent. Il y a peut-être des résultats qui sont prévisibles. Est-ce que ces données sont utiles? Bien entendu, l'étude en est encore à ses débuts. Vous ne faites que commencer. Dans quelle mesure sont-elles utiles? Est-il possible de tenir compte des certaines des suggestions qui ont été faites dans le but d'éviter que l'enfant ne soit étiqueté?

Il y a un cercle vicieux qui se crée quand un enfant pauvre arrive dans une salle de classe dirigée par un enseignant qui appartient à la classe moyenne. D'abord, l'enfant est peut-être doué, mais il est grossier et il a de mauvaises habitudes. L'enseignant va peut-être le repousser et lui dire, «Eh bien, va jouer dans le bac à sable.» Enfin, l'enfant est tenu à l'écart des autres. Il finit par abandonner l'école, fonde sa propre famille, et tombe dans un cercle vicieux. Donc, il n'est pas toujours bon de les étiqueter.

• 1645

Que fait-on de ces données?

Mme Sylvie Michaud: Comme l'étude n'en est qu'à ses débuts, il est difficile de dire exactement quels en seront les résultats. Mais tous les experts semblent dire que nous devons analyser les incidences sur plusieurs années. Ce que nous avons constaté jusqu'ici, du moins en deux ans, c'est que certains des effets semblent être de longue durée. Il y a une évolution, mais nous ne pouvons pas encore l'expliquer.

Nous saurons plus tard, après le fait, dans quelle mesure l'étude aura été utile. Nous commençons à nous pencher sur le rôle que joue la communauté, parce que celle-ci semble avoir un impact. Mais nous devons peut-être attendre avant de nous prononcer. Nous espérons être sur la bonne voie, grâce à l'aide que nous apportent les experts.

Le président: Puis-je clarifier une chose? Je présume qu'aucune des données ne permet d'identifier un type d'enfant particulier.

Mme Sylvie Michaud: Non.

Le président: Donc, votre étude ne vise pas à étiqueter les enfants. L'école le fait peut-être déjà.

Mme Sylvie Michaud: Oui, vous avez tout à fait raison.

M. Ovid Jackson: J'aimerais faire un commentaire. Il y avait une école—je ne me souviens plus où, quelque part à Toronto—où les enfants affichaient d'excellents résultats scolaires en raison du rôle joué par la communauté. Les parents jouaient un rôle actif au sein de la communauté, et les résultats scolaires des enfants étaient élevés, ainsi de suite. Il y avait une autre école dans le même secteur qui était fréquentée par des enfants dont les résultats scolaires étaient moins bons. Ils ont essayé d'amalgamer les enfants. Ils ont pris les enfants plus faibles, les ont transportés en autobus à l'autre école, ont fait la même chose avec les élèves plus forts, et tous ont vu leurs résultats dégringoler. N'essayez pas de faire la même chose.

Le président: Si l'un d'entre vous a l'intention de faire cela, je vous le déconseille.

Nous allons maintenant passer à Mme Bennett.

M. Wayne Smith: J'aimerais faire un commentaire. Vous avez dit au début quelque chose de très important. Nous avons publié les premiers résultats de l'étude, et une de nos principales constatations, c'est que les enfants canadiens, qu'ils soient pauvres ou non, qu'ils viennent ou non d'une famille monoparentale, se tirent très bien d'affaire.

M. Ovid Jackson: Ils pourraient faire encore mieux.

M. Wayne Smith: C'est la conclusion fondamentale qui se dégage de l'étude. Mais il y a des enfants à risque et nous devons nous en occuper. De manière générale, l'étude montre que les enfants vont bien, qu'ils se développent normalement.

Le président: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): D'abord, j'aimerais attirer l'attention de Mme Gagnon sur le dernier tableau de l'étude longitudinale. Il porte sur le rôle parental, et reflète peut-être ce que les chercheurs dans son domaine ont dit... Je voudrais savoir pourquoi vous n'avez pas inclus dans ce tableau le style efficace d'un parent.

Mme Sylvie Michaud: C'était un oubli.

Mme Carolyn Bennett: Parce qu'il faudrait conclure... C'est une bonne chose que le style inefficace ne soit pas... j'insisterais là-dessus, et je dirais que nous n'avons pas trouvé un seul parent dont le rôle est inefficace. C'est une bonne chose. J'ajouterais un petit astérisque et une note en bas de page si j'étais à votre place.

Je vais garder mes questions sur les enfants handicapés pour une autre fois. Toutefois, je tiens à dire que nous sommes nombreux à espérer que le budget de l'an prochain sera consacré aux enfants, et peut-être même à l'environnement. En dehors de ce comité, nous sommes nombreux, sous la direction de John, à exercer des pressions pour qu'on adopte un budget, à l'occasion du nouveau millénaire, qui soit consacré à ces questions. Toute aide de votre part nous sera utile.

J'ai quelques réserves au sujet de l'énoncé utilisé dans l'étude longitudinale. En tant que médecin de famille, j'ai passé 20 ans de ma vie à expliquer aux gens que l'étiquetage a des effets négatifs. Nous ne disons pas à nos collègues qu'ils sont intolérants; nous leur demandons d'être plus ouverts.

L'énoncé touchant les enfants qui fréquentent le jardin d'enfants utilise le mot «cruel». Voilà un mot qui sert à étiqueter un enfant. Je suppose que ce qui m'inquiétait, c'est qu'on donne à cet énoncé le sens de «qui a affiché un comportement cruel» ou quelque chose du genre... Je trouve inquiétant qu'on dise d'un enfant qu'il est cruel alors qu'il fréquente encore le jardin d'enfants.

• 1650

Il y a aussi la question de la vie privée qui me préoccupe. Si on veut utiliser un énoncé qui sert à mesurer la capacité d'apprentissage des enfants, il faut espérer que, à un moment donné, le système scolaire va se servir de cet outil pour décider des mesures qu'il convient de prendre. Qu'on utilise un bulletin sur la santé ou un bulletin scolaire, ce bulletin est inutile si l'enfant n'est pas prêt à rattraper son retard scolaire. Vous devez donc poser la question suivante: que faire si l'enfant n'est pas prêt à apprendre? Qu'allons-nous faire s'il ne réussit pas ce test? J'aurais tendance à penser que les gens feraient des photocopies de l'énoncé, qu'ils le verseraient au dossier de l'enfant, qu'ils suivraient ses progrès, s'il y avait des enseignants prêts à faire leurs propres recherches là-dessus.

Bien qu'il n'y ait pas de noms sur ce questionnaire, ne devrions-nous pas le modifier? Ne devrions-nous pas encore faire appel à ces experts? S'ils sont toujours convaincus qu'il est normal d'étiqueter des enfants, nous pourrions peut-être en consulter d'autres. Tout cela me rend mal à l'aise. J'espère que nous allons finir par trouver un énoncé qui pourrait être utilisé et de façon générale et dans cette étude longitudinale, qui est très importante.

Mme Sylvie Michaud: Ma réponse sera double. Tout d'abord, cela fait partie d'une échelle qui, comme telle, ne serait jamais rendue publique. Il s'agit d'une série d'indicateurs qui, ensemble, vous donnent une idée. C'est ce pointage qui figure dans le fichier de microdonnées. On n'utiliserait jamais les questions posées comme tel.

Quant à la deuxième question—savoir comment nous nous en servons pour faire des inscriptions dans un dossier par exemple, en avril, un projet spécial se déroulera à York-Nord. Tous les enfants qui relèvent de cette commission scolaire répondront à un questionnaire, puis nous confronterons certains résultats de cette enquête avec ceux que nous avons déjà. Avec un peu de chance, ce genre de projet communautaire pourrait s'avérer une source vraiment utile à l'école pour évaluer la réceptivité des élèves à l'apprentissage.

Ce que tente de fournir l'enquête nationale longitudinale, c'est plus d'informations, d'établir des relations générales plutôt que particulières, par exemple. Il n'est pas question d'essayer d'étiqueter un enfant, de le juger désavantagé ou avantagé, mais bien de comprendre la relation de causalité. On peut espérer que d'autres initiatives, comme le projet de York-Nord, vous aideront peut-être à évaluer la réceptivité de l'élève à apprendre et les décisions à prendre en matière d'orientation.

Mme Carolyn Bennett: Comme l'a dit mon collègue, M. Jackson, qu'arrive-t-il si quelqu'un vous demande si vous avez déjà tiré sur quelqu'un ou obligé une autre personne à avoir des rapports sexuels avec vous? Manifestement, le respect de la vie privée est une préoccupation importante, mais il faut aussi tenir compte du bien public. Nous avons tous passé beaucoup de temps à souhaiter n'avoir pas posé certaines questions. Que faisons-nous des réponses?

Mme Sylvie Michaud: L'information n'a pas été rendue publique, mais elle figure dans le questionnaire rempli par la personne. Nous fournissons des chiffres, des taux, mais, en vue de protéger le caractère confidentiel de ces données, cela ne va pas plus loin. Ainsi, l'information ne serait pas communiquée au ministère de la Justice. Nous voulons encourager les gens à répondre. Si vous voulez avoir les nombres et l'information sur le taux réel de prévalence, vous ne pouvez pas dire que vous allez communiquer cette information à d'autres. Nous recueillons ces renseignements en vue de pouvoir calculer les taux et de réunir de l'information, mais elle ne serait pas transmise ailleurs.

Mme Carolyn Bennett: J'espère qu'à cette question, vous n'obtenez pas non plus un nombre élevé.

Mme Sylvie Michaud: Non.

Mme Carolyn Bennett: En fin de compte, finissez-vous par laisser tomber la question quand vous obtenez une sorte de...

Quoi qu'il en soit, j'ai une autre question, côté environnement. Y a-t-il d'autres juridictions où les gens sont obligés de prouver l'innocuité d'un produit plutôt que d'obliger le gouvernement à en prouver la nocivité?

Mme Sandra Schwartz: Oui.

Mme Carolyn Bennett: Comment provoque-t-on un changement de modèle de sorte que, avant de sortir un produit ou de le mettre sur le marché, il faut prouver qu'il est sans danger?

Mme Sandra Schwartz: Par exemple, en matière d'innocuité des aliments ou des produits pharmaceutiques, la qualité se révèle à l'usage. Le gouvernement exige que les compagnies pharmaceutiques fournissent des renseignements toxicologiques, les résultats des tests de cancérogénicité et tout le reste avant d'autoriser la sortie du produit.

• 1655

Les règlements relatifs aux aliments et aux produits pharmaceutiques sont beaucoup plus rigoureux que ceux qui s'appliquent aux produits chimiques. Il existe une nouvelle loi, à Santé Canada, dans laquelle tout nouveau produit chimique qui est mis en marché—je ne me souviens pas du titre de la loi, mais ça ressemble à la loi sur les nouveaux produits chimiques—doit être accompagné de certaines de ces données également. Le fabricant de produits chimiques aurait à prouver hors de tout doute que son produit est sans danger pour les êtres humains.

La difficulté, c'est que nombre des tests sont effectués sur des hommes adultes et en santé. On fera des essais sur un animal comme le rat afin de voir si le produit est cancérigène. On utilise un rat en santé, un rat adulte. On n'effectue pas d'essais sur les enfants. Ce qu'on fait, c'est qu'on utilise un coefficient à partir duquel on extrapole l'effet sur les enfants.

Si vous n'effectuez pas de test précis sur le foetus pour en connaître l'exposition dans l'utérus, si vous vous contentez d'utiliser ces coefficients, les évaluations de risque effectuées ne protègent tout simplement pas assez les enfants.

Mme Carolyn Bennett: Toutefois, pour faire retirer un produit du marché, c'est au gouvernement d'agir. Il faut qu'il prouve que le produit est nocif.

Mme Sandra Schwartz: Malheureusement, vous avez raison. C'est là le problème. Il y a actuellement 70 000 produits chimiques sur le marché et 1 000 autres s'ajoutent chaque année. Nous n'en connaissons que 2 à 5 p. 100 peut-être des effets. Cela fait peur. Je crois donc effectivement qu'il faut changer le modèle de manière à le rapprocher de ce qui est utilisé pour les produits pharmaceutiques et faire en sorte que l'industrie prouve l'innocuité d'un produit chimique.

Mme Carolyn Bennett: Y a-t-il quoi que ce soit dans notre réglementation commerciale, particulièrement en ce qui concerne des produits que nous avons bannis ici, comme le DDT, qui empêche que des produits importés n'en contiennent?

Mme Sandra Schwartz: À moins de faire erreur, je dirais que la réglementation le prévoit dans une certaine mesure sur le plan du transport. Vous avez mentionné le DDT. On continue d'en fabriquer aux États-Unis. Il n'y est pas utilisé, mais on l'utilise au Mexique. Nous relevons actuellement des concentrations de DDT dans le lait maternel de femmes de la région des Grands Lacs. On en trouve aussi au sein de la population inuit. Or, le DDT n'a jamais été utilisé dans le Nord. Donc, de toute évidence, le produit est transporté dans l'air. L'air, l'eau et les aliments contiennent encore de ces contaminants, mais il existe des règlements qui interdisent la présence de DDT dans les produits.

Le président: J'aimerais vous interrompre afin de vous donner une petite idée de ce qui nous attend.

Le comité est censé siéger pendant une heure et demie environ. Les membres assis de ce côté-ci de la table doivent tout laisser tomber à 17 h 30 pour aller voter. Certains d'entre vous ont peut-être aussi des enfants à aller chercher pendant que nous réfléchissons aux facteurs de risque. Toutefois, je sais que certains membres aimeraient poursuivre le débat. Il y a aussi un point à l'ordre du jour que j'aimerais régler. Je ne voudrais pas donner l'impression que nous agissons à la légère, mais il y a deux postes budgétaires au sujet desquels j'aimerais avoir votre consentement, après quoi nous pourrons reprendre cet échange fascinant.

Le premier poste concerne un montant de 250 $ inscrit dans le budget provisoire pour permettre à un témoin, Tom Kent, de comparaître la semaine prochaine. L'autre est un budget qui nous permettrait de poursuivre nos travaux jusqu'à la fin de juin, de faire imprimer un rapport et de faire venir des témoins d'un peu partout au pays, jusqu'à concurrence de 20 000 $. La raison pour laquelle je vous dis cela maintenant, c'est que, si nous ne présentons pas ces demandes d'autorisation budgétaire demain au comité principal, il nous faudra attendre la prochaine série de demandes, ce qui nous retardera dans nos travaux.

Mme Libby Davies: Avez-vous un document faisant état de ces postes budgétaires?

Le président: Certainement. Je peux le faire circuler, si vous souhaitez l'examiner et vous prononcer un peu plus tard.

Mme Libby Davies: Pouvons-nous l'examiner pendant quelques instants?

Le président: Oui.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Monsieur le président, ne serait-il pas plus efficace de nous accorder encore 10 minutes pour questionner les témoins, après quoi nous pourrions mettre les motions aux voix?

Le président: Oui, je suis tout à fait d'accord. Je craignais que certains députés doivent nous quitter à 17 heures pile. Est-ce que vous pouvez tous rester jusqu'à ce que nous ayons pu voter?

Mme Christiane Gagnon: Oui, il n'y a pas de problème.

• 1700

[Traduction]

Le président: Monsieur Jackson, cela vous convient-il? Pouvez-vous rester dix minutes encore?

M. Ovid Jackson: Oui, nous pouvons rester dix minutes.

Le président: D'accord. Désolé de vous embêter avec ces tracasseries administratives, mais il fallait y voir, sans quoi nous ne pourrons pas continuer l'étude; nous allons devoir cesser nos travaux.

Madame Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: J'aimerais revenir sur un constat que vous avez fait lorsque vous avez énoncé les points importants de 1994 qui ont été renforcés en 1996. Vous dites qu'en général, les enfants canadiens vont bien et que, dans le fond, on s'en sort très bien. Par contre, certains chiffres nous disent autre chose. On nous dit qu'il y a une augmentation de la pauvreté chez les enfants; on évalue qu'il y a presque 800 millions de plus d'enfants pauvres depuis... C'est justement pour cette raison qu'on a décidé de créer un comité qui étudierait cette croissance de la pauvreté, ainsi que la situation des enfants pauvres et des jeunes à risque.

Je me demande comment vous êtes arrivés à faire un tel constat. Cela m'amène à vous demander sur quoi vous vous basez pour mesurer la pauvreté et pour dire qu'on s'en sort bien. On sait très bien que tous ne s'entendent pas au sujet de la mesure qui détermine qu'une famille est pauvre. Est-ce qu'on se fie au panier de provisions ou au seuil de faible revenu pour dire qu'on s'en sort bien? Les statistiques ne reflètent peut-être pas le tableau complet de la situation, comme c'est le cas lorsqu'on établit le taux de chômage et qu'on ne tient compte que des personnes qui sont à la recherche d'emploi, plutôt que de tous ceux qui n'ont pas d'emploi et qui sont inactifs.

Mme Sylvie Michaud: Vous avez posé une bonne question. Lorsque nous affirmions que les enfants allaient bien, nous nous basions sur des indicateurs généraux et non pas sur des indicateurs spécifiques. Nous n'avons pas établi de mesures de pauvreté, car Statistique Canada ne publie pas de chiffres officiels sur la pauvreté. Nous avons plutôt examiné les variantes selon les plus faibles quartiles de revenu afin de voir qui ce en ressortait. Lorsqu'on dit que les choses vont bien, notre affirmation dépend effectivement des mesures qu'on a utilisées. Nous nous sommes fiés à l'état de santé que décrivait le parent, au nombre d'échecs scolaires, au nombre de parents qui nous disaient ne pas avoir reçu d'appels de l'école au sujet de problèmes de comportement de leur enfant et à d'autres facteurs de ce genre. Nous sommes conscients que cette mesure est limitée. Nous ne cherchions qu'à donner un aperçu général de la situation. Nous avons repris les statistiques générales compilées en 1994 et cherché à savoir si, de façon générale, la situation avait beaucoup changé de 1994 à 1996. La plupart des indicateurs qu'on a pu comparer révélaient que la situation semblait stable. Nous n'avons toutefois pas repris tous les éléments de l'étude en 1996.

Mme Christiane Gagnon: Vous êtes en quelque sorte des guides et vous savez que le ministre du Développement des ressources humaines va se fier à vos chiffres. Puisqu'il s'agit d'une propension naturelle chez lui, il reprendra vos chiffres et nous rappellera en Chambre que la situation n'est pas si grave. Cela lui permettra de fermer les yeux sur certains de ses comportements face à ces dossiers.

Ces résultats très généraux ne me satisfont pas. Ils nous présentent une fausse réalité. Si je me présentais dans certaines régions ou certains secteurs de mon comté et que je livrais les constats de cette étude qui affirme qu'en général, les enfants s'en sortent bien, on me demanderait où vous avez bien pu faire cette étude. Vous donnez en quelque sorte une mauvaise impression de la situation. Vous faussez le portrait de ce qui se passe réellement.

Même si certaines familles réussissent à bien s'en sortir malgré de minces revenus, nous sommes tous inquiets, que ce soit de la perte de notre emploi ou de notre capacité à joindre les deux bouts et à subvenir à nos besoins. Il y a vraiment une telle crainte dans la société Même moi je me demande si, lorsque je serai à la retraite, je serai capable de subvenir à mes besoins s'il m'arrive des pépins. S'il y a une personne qui ne devrait pas se poser cette question, c'est bien moi, mais je me la pose. Je me dis que bien des gens qui gagnent encore moins doivent se poser quotidiennement cette question et craindre de ne plus avoir rien, de perdre leurs biens, de ne pas avoir assez d'argent pour se procurer des denrées, de voir leurs enfants malades et d'être incapables d'obtenir un soutien.

Madame nous disait qu'elle n'avait pas assez de données sur la santé. Puisqu'une personne qui m'est proche a souffert d'une maladie dégénérative, j'ai été confrontée à ces inquiétudes. J'ai dû l'aider à payer ses médicaments parce qu'aucune assurance ne les couvrait et qu'elle ne touchait aucun salaire lorsqu'elle ne pouvait se présenter au travail.

• 1705

Ce sont tous des facteurs qui contribuent à notre inquiétude. On ne sait pas si le système ou le gouvernement saura faire preuve d'assez de justice et d'équité sociale et s'il n'arrêtera pas de sabrer dans les transferts sociaux. Ne serait-ce que sur ce point, cette réponse ne me satisfait pas. Je crois qu'on se met un petit peu la tête dans le sable en disant que, oui, tout va bien. Je connais bien le ministre et je crains qu'il reprenne vos affirmations.

Le président: Monsieur Smith, vous pourriez peut-être nous donner une brève réponse.

M. Wayne Smith: J'aimerais simplement préciser que les données que nous avons présentées aujourd'hui sont des résultats obtenus au niveau national. Il va sans dire que si nous avions étudié certains coins d'une province ou certains couches de la société, nous aurions obtenu des résultats différents. Notre échantillonnage nous permettra peut-être jusqu'à un certain point de faire une étude plus précise, mais nous ne pourrons pas la pousser bien loin parce que l'échantillonnage est plutôt mince. Cela dit, nous pourrions certainement trouver des groupes qui vivent une situation différente. Cependant, notre enquête décrit l'évolution qui a eu cours et nous permet de voir les impacts qu'ont entraînés les changements de politiques d'un gouvernement.

Je continue de maintenir que cette enquête est très valable, bien qu'elle ne décrive pas de façon précise la situation qui prévaut dans un comté particulier.

Mme Sylvie Michaud: J'aimerais ajouter que Développement des ressources humaines Canada travaille présentement en vue d'établir de meilleurs indicateurs, comme il l'a fait en vue de définir le taux de chômage. On peut ne pas être d'accord sur la façon dont on calcule la proportion de la population active qui est non employée, mais ce ministère continue de travailler en vue de développer des mesures qui pourraient utilisées de façon plus régulière et nous donner une certaine assurance que le concept est bien défini et qu'on mesure les facteurs avec exactitude. Ainsi, ceux qui formulent les politiques publiques seront mieux en mesure de prendre les bonnes décisions puisqu'ils pourront se fier à un meilleur indicateur.

[Traduction]

Le président: Je crois qu'il reste assez de temps pour une question avant de lever la séance.

Madame Davies.

Mme Libby Davies: Une des questions abordées, en termes de mesures utilisées... Il y a parfois lieu de s'arrêter et de se demander à quel point nous avons réalisé des progrès quand, semble-t-il, nous sommes toujours incapables de définir ce qu'est la pauvreté. Nous utilisons le seuil de faible revenu depuis je ne sais combien de temps—c'est ce dont je me suis toujours servi—et voilà que, tout à coup, il n'est plus pertinent et que nous allons utiliser une autre mesure. La façon la plus facile de redéfinir la pauvreté est d'en changer simplement la définition.

Il me semble que toute la question de la pauvreté a une très grande influence sur le bien-être des enfants, sur la santé des collectivités et tout le reste. On ne peut y échapper. À Statistique Canada, vous dites que vous ne mesurez pas officiellement la pauvreté. Comment se fait-il alors, selon vous, qu'il en est question dans le cadre d'une importante enquête nationale sur les enfants? Il faut certainement examiner la condition des parents. Il n'y a pas d'enfants sans parents; ils font partie d'une cellule familiale. On ne peut donc pas la cacher et prétendre qu'elle n'existe pas. Elle existe bel et bien. C'est une réalité. Comment vous en sortez-vous?

Le président: Je demanderais aux agents de Statistique Canada de répondre plutôt rapidement, après quoi nous laisserons Mme Katherine Scott avoir le dernier mot.

M. Wayne Smith: L'élément clé, c'est que la pauvreté est un concept normatif. Ce n'est pas quelque chose qui se mesure, parce qu'il faut d'abord la définir. Nous avons besoin de critères objectifs que nous pouvons appliquer. Statistique Canada a clairement dit que, s'il existait un consensus social ou un consensus politique en ce qui concerne la définition de la pauvreté et la façon de la mesurer, nous serions alors heureux d'appliquer la définition et de produire ces mesures. Nous avons utilisé et nous continuerons d'utiliser le seuil de faible revenu, c'est-à-dire le SFR, comme mesure de la pauvreté. Nous ne l'avons pas utilisé dans le cadre de cette enquête parce qu'elle mettait l'accent ailleurs, et nous n'avons pas mesuré le revenu avec le degré de précision nécessaire pour vraiment produire un seuil de faible revenu.

C'est quelque chose que nous examinons pour les cycles futurs. Ces seuils de faible revenu demeurent des mesures que nous pouvons utiliser pour repérer les familles à faible revenu. Ces familles sont-elles pauvres? Tout dépend de votre point de vue politique. Essentiellement, il faut revenir à nos élus et leur demander de nous aider à définir la pauvreté en termes opérationnels.

Le président: Avec l'aide, naturellement, de nos amis des ONG qui sont les derniers à prendre la parole.

Mme Katherine Scott: Voilà une question qui me tient vraiment à coeur alors que je me prépare à produire la quatrième édition de Données de base sur la pauvreté au Canada. Je croyais que le SFR était...

Mme Sylvie Michaud: Non, nous avons le SFR. L'enquête ne se fonde pas sur le SFR, mais nous continuons, entre autres, à le calculer.

Mme Katherine Scott: Et à produire l'enquête nationale longitudinale.

Mme Sylvie Michaud: Oui.

Mme Katherine Scott: Ce que j'aimerais vraiment dire à ce sujet, c'est que les seuils de pauvreté sont une question très chaude actuellement. Il existe certes un débat politique à leur sujet. Statistique Canada a produit des SFR pendant 20 ans. Ces seuils sont relatifs. Toutes les mesures de la pauvreté sont relatives. Ne vous laissez pas convaincre du contraire. La mesure rendue publique par l'institut Fraser est tout aussi relative, dans la mesure où il prend des décisions normatives au sujet de ce qui entre dans le panier de provisions. C'est un débat très politique.

• 1710

Le seuil de faible revenu est sans doute une meilleure mesure de l'inégalité, peut-être, ce qui est tout aussi important. Nous perdons notre temps à deviser des moyens de mesurer la pauvreté alors que des enfants sont en difficulté. Je suis absolument consternée de voir que nous ne nous concentrons pas sur ce que—le genre de mesures utilisées n'a pas d'importance. On peut examiner la condition des familles, ce que nous faisons. Nous examinons le seuil de faible revenu qui, en réalité—ce qui est intéressant—, est en parallèle avec ce que les gens du sondage Gallup—si vous demandez aux gens ce qu'ils estiment être le revenu d'une famille de quatre, à partir de quel revenu on est pauvre, il est remarquable de constater, année après année, qu'ils nous répondent par un montant qui, tout à fait par hasard, se situe aux alentours du seuil de faible revenu.

Nous utilisons comme seuil une famille de quatre ayant un revenu de 20 000 $. Qu'est-ce que cela représente? Peu importe comment on attaque cette question, l'enfant qui grandit dans une famille ayant un pareil revenu est plus susceptible d'éprouver certaines difficultés.

Le fait qu'il y ait un débat au sujet des seuils de pauvreté actuellement—la nouvelle prestation fiscale pour enfants en est un exemple intéressant. On examine de nouvelles mesures qui permettraient d'évaluer l'à-propos ou l'efficacité de ce programme particulier. Ce n'est certes pas une mauvaise chose d'envisager une autre approche au panier de provisions. Toutefois, à nouveau, ne faisons-nous vraiment que continuer à faire tourner la roue—je m'empêtre toujours dans mes métaphores. Il faut arrêter de tourner en rond, reconnaître que la pauvreté des enfants au Canada pose problème et y voir.

Le président: Voilà justement la note sur laquelle j'aimerais que nous nous quittions.

Je tiens à vous remercier. De toute évidence, nous aimerions passer le reste de la soirée avec vous, mais d'autres devoirs nous appellent, malheureusement.

J'aimerais simplement souligner deux points qui ont été mis en évidence. D'une part, qu'il s'agisse d'environnement, d'incapacité ou d'enfants en général, le milieu où ils vivent a une importance cruciale. D'autre part, qu'il soit question de milieu social et de la complexité des multiples facteurs et de leurs relations avec les résultats ou avec le milieu matériel, il existe un problème commun. Chaque fois que l'on ajoute un facteur, il devient plus difficile de voir quel sont les liens de causalité. On obtient des liens étranges, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faudrait pas persister à vouloir les comprendre de manière à nous faire une idée de qu'est-ce qui égale quoi, avec l'aide de nos amis de Statistique Canada.

Je vous remercie beaucoup d'avoir lancé le débat.

Nos amis sont sur le point d'entendre la cloche sonner. Pourrais-je demander que l'on...

Mme Libby Davies: C'est au sujet de la motion?

Le président: Oui, concernant...

Mme Libby Davies: J'ai une question.

Le président: Allez-y—à quel moment avons-nous eu cette proposition?

Mme Libby Davies: Je suis simplement curieuse. Vous dites que nous allons dépenser 250 $ pour entendre des gens venus de l'extérieur d'ici à la fin mars, mais ensuite que ce montant grimpe à 20 000 $? Comment l'expliquez-vous?

Le président: Deux mille des 20 000 $ ont été mis de côté pour la production du rapport comme tel, le rapport que nous voudrons peut-être publier. On prévoit jusqu'à 20 000 $ pour le faire. Puis, si théoriquement—nous ne pouvons pas le savoir parce que nous souhaitons faire comparaître des témoins d'un peu partout au pays—nous invitons 15 témoins à raison de 1 200 $ par témoin, par exemple, cela fait 18 000 $. Nous ne dépenserions pas forcément tous les fonds, mais il faut se réserver une certaine marge de manoeuvre.

Mme Libby Davies: Si j'ai bien compris, il faut que le comité en soit saisi demain.

Le président: C'est juste. Tous ont-ils bien compris?

Mme Libby Davies: Faut-il présenter une motion?

Le président: Je crois qu'un simple accord suffit.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Qu'est-ce qu'on vient d'adopter?

Le président: Nous n'avons pas encore adopté cette proposition. Nous ne dépenserons pas nécessairement 20 000 $ d'ici juin, mais nous devons être conscients que la rédaction d'un rapport représente une dépense de 2 000 $ et que si nous convoquons 15 témoins dont les frais de déplacement et, dans certains cas, d'hébergement s'élèvent en moyenne à 1 200 $ chacun, nous dépenserons 18 000 $. Je ne sais pas si nous dépenserons autant, mais notre sous-comité doit présenter son budget au comité permanent demain. Êtes-vous d'accord?

[Traduction]

Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

• 1715

[Français]

Mme Christiane Gagnon: En moyenne, combien les comités déboursent-ils pour les déplacements des témoins?

La greffière du comité: On utilise la moyenne, qui est de l'ordre de 1 200 $ par témoin.

Le président: Merci.

[Traduction]

Je vous remercie beaucoup. La séance est levée.