Passer au contenu
Début du contenu

INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 mars 1999

• 0907

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Conformément à un ordre de renvoi de la Chambre daté du mardi 3 novembre 1998, nous étudions le projet de loi C-54, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.

Je suis très heureuse d'accueillir nos témoins d'aujourd'hui. Nous entendons six groupes ce matin. Malheureusement, l'Ontario Association of Medical Laboratories n'a pu être représentée ce matin, en raison d'une crise. Cependant, nous avons parmi nous ce matin M. Richard Speers, de l'Association dentaire canadienne; M. Michael McBane, de la Coalition canadienne de la santé; Mme Noëlle-Dominique Willems, de l'Association canadienne des pharmaciens; le docteur John Millar, vice-président de l'Institut canadien d'information sur la santé; le docteur Susan Hutchison, de l'Association médicale canadienne; et Gilbert Sharpe, directeur des services juridiques du ministère de la Santé de l'Ontario.

Si vous ne les avez pas déjà en main, vous devriez chacun recevoir un mémoire de chacune de ces organisations. Je propose à chacune de faire une déclaration liminaire de cinq à sept minutes, ensuite de quoi nous passerons aux questions.

Nous commencerons avec M. Speers, si cela vous convient.

Dr Richard Speers (président, Comité d'éthique, Association dentaire canadienne): Merci, madame la présidente, et bonjour. L'Association dentaire canadienne est heureuse de l'invitation à intervenir sur ce projet de loi.

Je me nomme Dick Speers. Je suis dentiste praticien à Toronto et je préside actuellement le comité d'éthique de l'Association dentaire canadienne. J'ai représenté l'ADC au sein du comité de mise en oeuvre de l'Association canadienne de normalisation et j'ai été invité à intervenir devant le groupe de travail MacKay sur le secteur financier.

• 0910

Les dentistes s'intéressent au projet de loi C-54 parce qu'ils recueillent des quantités importantes de renseignements personnels. Nous le faisons au terme d'un accord de protection et de confidentialité déontologique et juridique et nous craignons que les renseignements dont nous avons besoin pour assurer des soins sûrs et efficaces ne nous soient plus transmis si nous ne pouvons garantir un bon degré de protection. À notre avis, le projet de loi C-54, du fait qu'il s'en remet au code de la CSA, n'assure pas une protection suffisante des renseignements relatifs à la santé.

On a beaucoup écrit sur les renseignements médicaux, à commencer avec la Commission Krever de 1980, qui s'est penchée sur l'accès illégal et non autorisé. Elle s'est prononcée pour le droit d'un patient de contrôler l'usage des renseignements le concernant. Cela a été renforcé en 1997 par le Comité permanent des droits de la personne dans son rapport «La vie privée: Où se situe la frontière?». Ce comité a également indiqué qu'un ingrédient essentiel du contrôle par le patient de sa vie privée réside dans la faculté du patient de consentir ou non à la communication de son dossier. Il a estimé également que la propriété légitime des renseignements appartient à la personne concernée.

Nous estimons que ce principe a été énoncé en 1992 par la Cour suprême dans la cause McInerney c. MacDonald, où elle a statué en substance que l'information médicale appartient au patient. La cour a également statué que cette propriété et cette maîtrise de l'information persistent après la divulgation.

En Ontario, lorsque le projet de loi 26, la loi-cadre, a été déposé en 1995, il y a eu un tollé parce que le ministre de la Santé demandait le pouvoir de recueillir, de transmettre et de divulguer des renseignements médicaux.

L'ADC a siégé au comité de mise en oeuvre de la CSA et nous pensions que nous aurions—en suivant à la lettre le code de la CSA—un véritable code de protection de la vie privée. Nous nous sommes trompés. Notre expérience montre que la mise en pratique du code de la CSA a transformé celui-ci en un code d'accès. Notre opinion est que si nous appliquons le code de la CSA tel quel, la vie privée en pâtira.

Nous avons annexé à notre mémoire des formulaires de consentement actuellement employés pour obtenir l'accès aux renseignements médicaux par les compagnies d'assurance-vie et maladie comme exemple de cette dérive. C'est à nos yeux une preuve et une démonstration de la manière dont le code a été pris au pied de la lettre et son esprit trahi, ouvrant dans la pratique les dossiers médicaux à qui veut les voir. Nous avions milité à l'époque de la rédaction du code de la CSA en faveur d'un critère de consentement éclairé comme condition de la divulgation de renseignements médicaux. Manifestement, nous avons perdu, et ces renseignements sont maintenant recueillis à l'insu du patient.

Nous considérons que très peu de gens connaissent l'ampleur des renseignements les concernant recueillis par divers organismes. Nous nous étions élevés contre le fait que le consentement n'est pas assorti d'une limite de temps; dans la pratique, le consentement subsiste même une fois que la personne a retiré sa demande d'assurance.

Si vous examinez les formulaires de consentement que nous avons ici, ils exigent la divulgation de tout renseignement personnel, et pas seulement ceux de nature médicale. Il pourrait s'agir de votre orientation sexuelle, de votre affiliation religieuse et politique, sans parler de votre déclaration d'impôt. J'estime que très peu de Canadiens accepteraient de communiquer ces renseignements à leur gouvernement, et encore moins voudraient que leur propre mère y ait accès.

Une compagnie a pris sur elle de donner accès au dossier médical à quiconque remplit une fonction d'assurance au sein de la compagnie. Ainsi, en prenant la clause de limitation du code de la CSA, elle a virtuellement disséminé des renseignements illimités à un nombre illimité d'employés.

Nous sommes d'avis que les formulaires de consentement que vous avez devant vous représentent un instrument par lequel des tierces parties peuvent obtenir l'accès immédiat, en ligne et en temps réel aux renseignements médicaux pendant une durée indéterminée. Ces exemples sont la preuve que le code-modèle de protection de la vie privée de la CSA, sur lequel le projet de loi C-54 est fondé, ne suffit pas à protéger les renseignements médicaux.

En tant qu'association professionnelle, l'Association dentaire canadienne a élaboré des lignes directrices sur la protection des renseignements personnels pour ses membres. C'est un code déontologique que nous avons rédigé qui a préséance sur les lois. Comme vous le savez, les exigences déontologiques sont de portée beaucoup plus grande que les lois. Dans ce document, nous définissons le patient comme le propriétaire de ses renseignements personnels et nous avons également élaboré un formulaire standard de consentement tel que le patient voit quels renseignements nous allons transmettre et peut, à ce stade, retirer le consentement.

• 0915

Nous considérons que l'utilisation secondaire et commerciale des renseignements médicaux revêt une importance tellement monumentale pour la vie privée et la dignité de l'individu qu'elle mérite des dispositions spéciales dans le projet de loi C-54. Nous proposons des amendements à cet effet.

Nous connaissons également l'importance de ce projet de loi sur le plan du commerce et de l'échange d'information. Nous avons conscience de l'engagement envers l'Union européenne, mais nous ne pensons pas que ce texte a été rédigé en tenant compte des enjeux médicaux.

Nous avons demandé que les renseignements médicaux soient définis comme étant la propriété du patient. Nous estimons qu'il devrait y avoir un protocole de consentement éclairé à la divulgation et qu'il devrait exister des limites véritables à la collecte, à la durée de la collecte et à l'utilisation administrative des renseignements médicaux.

Nous pensons qu'il faudrait établir des limites de temps raisonnables et nous préconisons également la suppression du plafond des dommages-intérêts punitifs prévus dans le projet de loi C-54. Je pense que ce montant est tellement faible qu'il peut être considéré comme un simple coût d'exploitation.

Une autre lacune qu'il faudrait rectifier réside dans le fait que rien n'empêche une banque rachetant une société d'assurance-vie d'avoir accès au dossier médical des assurés. Il faut s'attendre à ce que, dans les cinq à dix prochaines années, les banques à charte acquièrent des sociétés d'assurance-vie et maladie. Si elles prennent le contrôle des bases de données et les relient à leurs bases de données financières, la masse de renseignements qu'elles posséderont sur chacun d'entre nous sera écrasante.

J'aimerais conclure sur une note très personnelle. Nous ne parlons pas ici de points obscurs, nous parlons du dossier médical de chaque personne présente dans cette salle. Vous pouvez vous dire que vous n'avez rien à cacher, mais vous n'aimeriez néanmoins pas que j'aille farfouiller dans vos tiroirs et vos papiers, et c'est en substance ce qui va se passer avec les dossiers médicaux.

Si vous vous êtes jamais demandé quel usage peut être fait des renseignements médicaux, je vous suggère de passer devant le rayon des journaux à la caisse de Loblaws et de lire les titres des tabloïdes. Voilà quel mauvais usage peut être fait des renseignements médicaux. S'agissant de journaux canadiens, nous pouvons nous demander, rhétoriquement, est-ce que Frank est au courant?

Je vous remercie de votre attention.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Speers.

Je vais donner la parole à M. Michael McBane, de la Coalition canadienne de la santé.

M. Michael McBane (coordonnateur, Coalition canadienne de la santé): Merci, madame la présidente.

Nous saluons l'initiative que le gouvernement prend avec ce projet de loi et remercions le comité de nous avoir invités à participer à ce panel d'organisations de la santé.

Nous souscrivons pleinement au but de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, à savoir donner aux Canadiens le droit au respect de leur vie privée en protégeant les renseignements personnels.

Je dois préciser pour commencer que nous n'avons pas examiné de près le code de la CSA et sommes préoccupés par l'accès excessif aux renseignements médicaux qu'il semble accorder, selon le témoignage de l'Association dentaire. Nous allons donc traiter de quelques autres principes. Nous partageons ces préoccupations concernant l'accès indu aux dossiers médicaux.

À l'évidence, le projet de loi a un champ d'application plus large que le seul secteur de la santé, mais il a un impact direct sur l'activité sanitaire commerciale, et ce à juste titre. Les industries de la santé ne doivent pas être exonérées des règles de protection de la vie privée énoncées dans le projet de loi C-54.

Les craintes concernant l'usage abusif de l'information sanitaire sont bien fondées. Il n'y a pas de protection juridique. Le Canada est, en fait, le seul pays du monde industrialisé à ne pas avoir de code d'éthique ayant force de loi en matière de recherche sanitaire ou de code de protection de la vie privée ayant force de loi en matière de recherche sanitaire—le seul pays développé. Le commissaire à la protection de la vie privée l'a signalé lors du Forum national sur la santé. Nous saluons donc ce premier pas vers le droit à la vie privée.

Nous rejetons l'argument selon lequel les fournisseurs de services et produits sanitaires à but lucratif et d'autres se livrant à des activités commerciales, telles que la vente de renseignements sanitaires, devraient être exemptés de cette loi. Les membres du comité doivent se méfier de cet argument, particulièrement lorsqu'il est développé par les ministères de la Santé et autres organisations sanitaires à financement public.

Pour dire les choses simplement, maintenant qu'elle a reçu le droit à l'investissement par l'Accord de libre-échange nord-américain, l'industrie de la santé est mal placée aujourd'hui pour réclamer l'exonération des règles de protection de la vie privée applicable aux activités commerciales telles que prévues dans le projet de loi C-54. Si cette industrie est de nature suffisamment commerciale pour obtenir des droits de libre commerce dans ces traités internationaux, elle est suffisamment commerciale pour être couverte par cette législation. S'il est un domaine où la confidentialité est impérative, c'est bien celui des dossiers médicaux. La protection dans ce cas doit être plus forte, et certainement pas moindre, que dans tous les autres domaines commerciaux.

• 0920

Comme je l'ai dit, il n'y a actuellement aucune protection en droit canadien contre la divulgation abusive de renseignements médicaux. Ces derniers sont jugés extrêmement précieux par beaucoup d'entreprises commerciales et suscitent l'intérêt des employeurs, détectives privés, services de police, courtiers en information, directeurs de campagnes politiques et beaucoup d'autres.

Comme le témoin précédent l'a signalé, le croisement de banques de données médicales avec les bases de données de banques et de sociétés d'assurance engendre de nouvelles possibilités de comportement extrêmement néfaste et abusif. Un exemple concret est le cas du banquier du Maryland qui a croisé une liste de patients atteints du cancer et une liste de débiteurs de sa banque et exigé le remboursement immédiat de tous ces prêts. Ce cas est cité dans le New England Journal of Medicine du 23 novembre 1995. Ce sont là des cas tirés de la vie réelle. C'est une technologie réelle. C'est une activité commerciale réelle.

Les gouvernements fédéral et provinciaux dépensent des centaines de millions de dollars pour faciliter l'établissement de banques de données médicales sous contrôle privé et à but lucratif. Des partenariats stratégiques sont formés avec des sociétés d'envergure mondiale pour gérer les dossiers médicaux et établir des liaisons avec l'autoroute de l'information médicale. Les gouvernements ont-ils réfléchi aux implications stratégiques de l'introduction de grosses sociétés, souvent américaines, dans le système d'assurance-maladie? Les responsables de la politique sanitaire ont-ils réfléchi aux répercussions sur la qualité des soins lorsque des lignes directrices de pratique médicale dictées par ordinateur sont substituées au jugement professionnel, au savoir et au désintéressement des soignants? Rien encore n'indique que les gouvernements ont l'intention d'établir des garde-fous adéquats dans l'intérêt des patients à l'égard des renseignements médicaux qui circulent aujourd'hui au-delà des frontières entre fournisseurs de services et un nombre croissant de sociétés ayant de gros intérêts financiers.

Au Manitoba, l'exemple le plus inquiétant est le contrat passé avec la filiale de la Banque Royale SmartHealth, en vue de la création de dossiers médicaux électroniques sur les patients. Le Manitoba ne possède aucune protection juridique empêchant la vente de l'information sanitaire publique. Récemment, une part de 51 p. 100 de SmartHealth a été vendue à EDS Canada Limited, une multinationale basée au Texas. J'aimerais savoir qui possède les données lorsqu'elles sont gérées à l'étranger, sans qu'il y ait de protection quant à l'usage de cette information de santé publique.

Le dirigeant de SmartHealth a été nommé-et c'est une question que nous aimerions poser au gouvernement—au conseil consultatif sur l'infostructure sanitaire du ministère de la Santé. Les partenariats entre secteurs public et privé dans ce domaine signifient-ils que l'on ignore dorénavant les conflits d'intérêts ou que l'on ne cherche plus à les éviter? Ce n'est pas que cette technologie ne revêt pas un intérêt potentiel dans le secteur de la santé; la question est plutôt de savoir pourquoi on ne la développe pas dans le secteur public dans l'intérêt public de la santé, au lieu de la confier au secteur privé.

Une autre activité commerciale extrêmement inquiétante est la pratique systématique d'IMS Canada, une filiale d'une société multinationale géante, qui achète des données sur les clients et les médecins auprès de 4 000 pharmacies canadiennes et qui suit quotidiennement, en ligne et en temps réel, les prescriptions de 1 200 médecins canadiens. Les clients de cette société ne sont pas les ministères de la Santé, ce sont les 70 membres de l'Association canadienne de l'industrie du médicament.

La présidente: Monsieur McBane, pourrais-je vous demander de résumer en une soixante de secondes?

M. Michael McBane: D'accord.

Je fais remarquer que l'ACIP, les pharmacies, IMS, ne sont pas des organisations caritatives ni des instituts éducatifs. Ce sont des entreprises commerciales ayant l'obligation fiduciaire de maximiser les profits pour les actionnaires.

Le projet de loi C-54 représente un pas important vers la protection de la confidentialité des renseignements personnels. De toute évidence, d'autres mesures sont nécessaires pour protéger la recherche sanitaire contre l'exploitation commerciale. Comme je l'ai indiqué, nous sommes le seul pays développé sans code ayant force de loi. On est forcé de se demander ce qu'attend Santé Canada. Il faut une protection législative plus poussée dans le domaine de l'accès et de l'intégrité de la recherche sanitaire.

• 0925

Nous proposons des amendements spécifiques. Le premier que nous préconisons est la suppression du plafond des dommages-intérêts punitifs, car ce plafond est si bas que la sanction peut devenir un coût d'exploitation.

La deuxième recommandation est de prévoir comme sanction l'interdiction pour la société contrevenante de commercer dans le domaine électronique pendant un minimum de deux ans. Les sanctions financières ne sont pas dissuasives. La réprobation publique n'est pas non plus suffisamment dissuasive, car ces sociétés n'ont pas besoin d'une image de marque.

Enfin, nous pensons qu'il faudrait prévoir des peines de prison à l'article 28. Vous trouverez une recommandation dans le document.

Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur McBane. Nous avons tous vos recommandations et votre mémoire sous les yeux.

Je donne maintenant la parole à l'Association des pharmaciens du Canada, représentée par Mme Noëlle-Dominique Willems.

Mme Noëlle-Dominique Willems (directrice, Affaires gouvernementales et publiques, Association des pharmaciens du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente. Membres du comité, merci de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui sur cet important projet de loi C-54.

[Français]

Bien que notre présentation soit en anglais, je me ferai un plaisir de répondre aux questions en français s'il y en a.

[Traduction]

L'Association des pharmaciens du Canada est l'organisation bénévole nationale qui représente 10 000 pharmaciens dans tout le pays, soit environ la moitié du nombre total de pharmaciens. Pour vous donner une idée du volume des transactions que nous effectuons chaque jour, les pharmaciens du Canada reçoivent des renseignements personnels sur les patients relativement à 190 millions d'ordonnances chaque année. Ils recueillent aussi souvent des renseignements sur les médicaments sans ordonnance que prennent leurs patients. Bien qu'en dehors du milieu hospitalier les diagnostics leur soient rarement communiqués, ils peuvent habituellement les déduire à partir des médicaments prescrits.

Indépendamment des règles et obligations déontologiques et morales qui protègent la vie privée et la confidentialité, les pharmaciens sont astreints à d'autres forces qui font de la préservation de la vie privée et de la confidentialité un ingrédient essentiel de leur pratique. S'ils ne garantissaient pas cela, ils feraient vite faillite car les rumeurs courent vite.

J'aimerais m'attarder quelque peu sur les types de transactions électroniques que les pharmaciens effectuent quotidiennement. Comme vous le savez, dans tout le Canada, la norme relative aux demandes de remboursement de l'Association des pharmaciens du Canada autorise le traitement des demandes. Cet effort majeur de l'Association, avec la participation de quatre groupes clés d'intervenants—les gouvernementaux provinciaux, les pharmaciens, les vendeurs de logiciels de pharmacie et les assureurs privés—est à la base du traitement des demandes de remboursement présentées à tous les régimes d'assurance privés et provinciaux, à l'exception de la Saskatchewan à ce stade.

Nous travaillons actuellement à l'élaboration d'une norme étendue qui permettra d'y intégrer le HL7, de telle manière qu'elle deviendra applicable à d'autres fournisseurs de soins de santé.

Sur la base de leurs dix années d'expérience de l'échange électronique d'information, les pharmaciens sont heureux de présenter les remarques et recommandations suivantes sur le projet de loi. Bien que la plupart des Canadiens n'aient pas conscience de la mesure dans laquelle ils participent à l'échange d'information électronique, ils apprécient grandement les avantages que cela leur apporte. Qu'ils soient couverts par le régime d'assurance- médicaments provincial ou un régime privé, la plupart des transactions avec les payeurs se font aujourd'hui en ligne et en temps réel. De nombreux logiciels ont également une capacité intégrée de suivi des médicaments, et vous trouverez une explication détaillée de ces transactions dans le texte de notre mémoire.

Dans les années à venir, nous nous attendons à ce que les ordonnances soient transmises électroniquement des cabinets des médecins aux pharmacies choisies par le patient. Cela constituera un échange électronique de renseignements médicaux dans le but de répondre aux besoins des patients. Le projet de loi n'établit pas clairement si cet échange sera considéré comme commercial ou non.

L'APC est fortement partisane de l'amélioration du partage des renseignements sur les patients individuels, sous réserve de mesures appropriées pour garantir la confidentialité et la sécurité. Toutefois, nous sommes préoccupés par le fait que l'activité commerciale ne soit pas définie dans le projet de loi, même avec les amendements récemment proposés concernant le caractère commercial. Et nous reprenons à notre compte l'avis exprimé par M. Bruce Phillips, le Commissaire à la protection de la vie privée, dans son mémoire. Il y signale: «Le projet de loi ne définit pas «l'activité commerciale», ce qui engendre la confusion quant à la portée du projet de loi. Par exemple, est-ce que les dossiers établis par un médecin seront assujettis à la loi?» Nous ne le pensons pas.

Les pharmaciens sont dans une situation particulière dans le domaine de la santé. Nous sommes à la fois des fournisseurs de soins et des commerçants. Mais notre intervention sanitaire, soit la fourniture des médicaments nécessaires, bien qu'elle ne soit pas couverte par la Loi canadienne sur la santé, excepté en milieu hospitalier, relève des lois provinciales en la matière. La fourniture de médicaments et les services professionnels qui accompagnent cet acte pourraient être considérés comme faisant partie du domaine commercial, bien qu'il soit facile de voir que sans la fourniture de médicaments, l'intervention médicale est incomplète.

• 0930

L'Association canadienne des pharmaciens du Canada considère que l'échange électronique d'informations fait partie de l'échange nécessaire aux fins thérapeutiques et s'opposerait par conséquent à ce que cet échange d'informations soit traité par la loi comme une activité commerciale. Si une telle transaction devait être considérée comme commerciale, alors toutes les demandes de remboursement des médecins, dentistes et autres professionnels de la santé adressées aux assurances provinciales et privées devraient également être assujetties à cette loi. Il en résulterait directement un alourdissement du fardeau de tous.

Au lieu de cela, on a pris coutume de considérer que le fait pour le patient de remettre sa carte d'assurance-maladie représente un consentement implicite à la transmission des renseignements au gouvernement aux fins de la prise en charge des frais. La même chose devrait s'appliquer à la couverture des médicaments par des régimes d'assurance-maladie d'employeurs ou publics.

Il faut songer également aux problèmes que poserait l'impossibilité de transférer les dossiers des patients d'une province à une autre. Cet aspect a été évoqué par un certain nombre de nos homologues au niveau provincial, qui ont vu à maintes reprises les problèmes que peuvent soulever des transactions simples, sans situation d'urgence.

Une autre préoccupation de l'Association est de savoir où exactement s'insère le projet de loi C-54 dans la floraison d'initiatives sur la protection des renseignements personnels. Nous aimerions savoir où s'insère cette loi dans le projet d'infostructure sanitaire de Santé Canada et de l'Institut canadien d'information sur la santé, qui travaillent à l'élargissement de la norme CSA aux renseignements médicaux.

Comme maintes autres organisations ayant comparu devant le comité, nous estimons que la protection de la vie privée devrait faire l'objet d'une loi spécifique, comme beaucoup de provinces l'ont déjà admis, et ne pas être englobée dans le transfert électronique d'informations.

On s'interroge également sur l'application de cette loi à des provinces telles que le Québec, qui ont déjà une législation stricte en matière de vie privée. Je pense que vous avez déjà entendu cette semaine les arguments relatifs à la constitutionnalité et je ne m'attarderai donc pas sur cet aspect.

L'un des grands principes sur lesquels repose l'initiative de l'infostructure sanitaire est la nécessité d'harmoniser l'accès aux données médicales à travers le Canada. C'est là l'une des façons d'assurer le respect du principe de la transférabilité de la loi canadienne sur la santé. L'Association des pharmaciens du Canada craint que, sauf exclusion explicite des renseignements médicaux du champ d'application du projet de loi C-54, les règles empêcheront la construction du réseau, avec tous les effets négatifs qui en résulteront pour les dispositions sur la transférabilité de la Loi canadienne sur la santé et sur la santé des Canadiens.

Depuis les origines de la profession, le code de déontologie des pharmaciens leur fait obligation d'assurer la confidentialité des renseignements sur les patients. Nous continuons à le faire et sommes résolus à trouver les meilleurs moyens pour cela. Cependant, nous estimons que le projet de loi C-54 n'est pas l'instrument idéal pour régler cette question vaste et complexe.

Pour conclure, l'Association canadienne des pharmaciens du Canada invite le comité à faire appel à Santé Canada et au ministère de la Justice pour rédiger une législation de protection de la vie privée qui établisse les niveaux de protection auxquels les Canadiens ont droit. Si le comité recommande au Parlement l'adoption de ce projet de loi, nous recommandons instamment qu'il retranche de son champ d'application la transmission des données relatives à la santé.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, madame Willems.

Je vais maintenant donner la parole au docteur John Millar, vice-président de l'Institut canadien d'information sur la santé.

Dr John S. Millar (vice-président, Institut canadien d'information sur la santé): Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité.

J'aimerais commencer par vous dire, brièvement, quelques mots au sujet de ce qu'est l'Institut canadien d'information sur la santé. Il a été créé vers la fin de l'année 1993 avec, pour mandat, de poursuivre le travail effectué grâce aux banques de données préexistantes qui avaient été abritées au sein du gouvernement. L'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) est un organisme sans but lucratif non gouvernemental, créé par le gouvernement en tant qu'organisme indépendant responsable de traiter les données en matière de soins de santé de façon à fournir aux gouvernements provinciaux, aux établissements de soins de santé ainsi qu'au public des renseignements sur la façon dont le système de soins de santé s'acquitte de ses fonctions et sur les dépenses consacrées à la santé dans tout le pays.

Les principales bases de données que renferme l'Institut sont celles de l'utilisation des hôpitaux, des dépenses en matière de soins de santé et des ressources humaines occupées par les soins de santé, et il s'y trouve également des registres sur le remplacement d'organes et sur les traumatismes. Nous nous occupons par ailleurs d'obtenir des données auprès d'autres sources et de les mettre à la disposition des provinces et des autorités de santé régionales.

• 0935

L'organisation exploite ces bases de données depuis quatre ans et avant cela, pendant plus de 30 ans, elle a chaque année traité des millions, littéralement, de dossiers de santé personnels sans la moindre atteinte à la confidentialité, en dépit du fait qu'il n'existait pas de loi nationale à cet égard. La raison à cela est que nous nous sommes conformés aux lois provinciales, d'un bout à l'autre du pays, et en avons encouragé l'utilisation. Nous sommes néanmoins tout à fait favorables à l'initiative du gouvernement fédéral d'entreprendre de créer une loi nationale et y applaudissons.

Nous avons examiné le projet de loi et il existe selon nous cinq questions qui, si elles étaient réglées, amélioreraient, je pense, ce qui est prévu ici.

La première question a déjà été mentionnée par ma collègue ici: il s'agit de la question de l'activité commerciale et de sa définition. Nous estimons que cela est mal défini. En fait, nous sommes préoccupés par la question de savoir si notre organisation sera incluse dans le projet de loi et il n'est pas clair si nous serions considérés comme une organisation commerciale ou non. Même si nous l'étions, nous pourrions être exemptés.

Les dispositions transfrontalières du projet de loi devraient inclure tout ce qui concerne les transactions à l'intérieur de l'Ontario, par exemple, et à moins que nous ne soyons identifiés comme étant une organisation commerciale, nous pourrions être exemptés du projet de loi, ce qui ne serait à notre avis pas une bonne chose.

La deuxième question est celle de la définition de «renseignements personnels». L'expression «renseignements personnels» n'est pas définie dans le projet de loi. Vous trouverez que le terme est très soigneusement défini dans divers textes de loi provinciaux, et ceci m'amène au troisième point, qui est le suivant: à moins que ne soit très bien défini ce qu'englobent les «renseignements personnels», l'on ne sait pas ce qui doit être retiré d'un dossier médical personnel pour le rendre anonyme et, partant, communicable. Nous vous exhortons donc d'inclure dans le projet de loi la définition de «renseignements personnels», et nous vous recommanderions d'examiner, par exemple, la loi de la Colombie-Britannique en matière de protection de la vie privée qui, nous le pensons, offre à cet égard une définition qui est très bonne et pratique.

Le quatrième point est la question de la divulgation de renseignements obtenus sans consentement, à des fins de recherche érudite. Le projet de loi mentionne que de tels renseignements peuvent être divulgués à des fins de recherche érudite. Nous interprétons «recherche érudite» comme étant une recherche universitaire, bien que cela ne soit pas explicité dans le texte du projet de loi. Si ces renseignements ne peuvent être divulgués qu'à des fins de recherche universitaire, cela entravera sérieusement notre capacité de compiler, de divulguer et d'utiliser ces renseignements, car une part importante des renseignements que nous utilisons servent des fins de recherche à l'extérieur des universités, avec des institutions de type non universitaire.

La cinquième question, qui est selon moi la plus épineuse pour nous, est celle des conditions dans lesquelles les renseignements personnels obtenus sans le consentement de l'intéressé peuvent nous être remis et être divulgués par nous. Le problème est que la plupart des dossiers d'hôpital, ce qui représente le gros de notre activité à l'heure actuelle, sont en ce moment recueillis sans consentement. Le projet de loi impose des restrictions onéreuses et, à notre avis, appropriées, en vertu desquelles ces renseignements pourraient être recueillis et divulgués.

En ce qui concerne la cueillette de renseignements, le projet de loi dit que ces renseignements peuvent être recueillis à des fins de recherche érudite, s'il peut s'ensuivre un bien individuel démontrable ou si l'on ne peut pas obtenir le consentement en temps opportun, auquel cas le commissaire à la protection de la vie privée doit en être averti. Ce sont là quatre conditions très strictes en matière de collecte, et nous pensons qu'elles sont appropriées et en encourageons l'adoption. Cependant, ce que je tiens à dire c'est que les bases de données qui existent à l'heure actuelle ne satisferont pas ces conditions. De la même façon, en ce qui concerne, encore une fois, l'utilisation des données, il faut que celles-ci soient destinées à des fins de recherche et il faut qu'il soit établi que le consentement ne peut pas être obtenu en temps opportun.

Pour nous, le problème est que si cela devait être adopté dès la semaine prochaine, par exemple, nous n'aurions peut-être plus accès aux bases de données existantes. Il n'est pas suffisamment clair dans le projet de loi que nous pourrons continuer de recueillir indirectement ces renseignements sur les patients auprès des hôpitaux. Par conséquent, les sources de données sur lesquelles nous comptons pour rendre compte au gouvernement ainsi qu'au public du rendement du système de soins de santé ne seraient plus à notre portée, ce qui compromettrait sérieusement notre capacité de fonctionner.

• 0940

Partant, nous croyons que ce qu'il nous faut manifestement pour le plus long terme ce sont des conditions, à l'échelle du pays, en vertu desquelles lorsqu'un patient entre dans un hôpital, il y a en place un processus de consentement et l'on explique au patient que des renseignements le concernant pourront être transmis à autrui ou bien qu'il y aura un encodage systématique de ces données de telle sorte qu'on ne puisse pas les retracer à la personne concernée.

En attendant que de telles conditions soient établies, nous recommandons l'adoption de notre proposition, qui nous permettrait de continuer de travailler comme nous l'avons fait jusqu'ici. Cela nous permettra en gros de continuer d'obtenir ces renseignements auprès des ministères provinciaux de la santé ainsi que directement auprès des hôpitaux, lorsque les lois provinciales nous y autorisent, de sorte que nous puissions continuer de faire notre travail en attendant la mise en place à l'échelle du pays de conditions plus appropriées.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, docteur Millar.

Je vais maintenant donner la parole à l'Association médicale canadienne, ici représentée par le docteur Susan Hutchinson.

Dre Susan Hutchinson (présidente, Forum de l'AMC sur l'économique de pratique générale et familiale, Association médicale canadienne): Merci beaucoup, madame la présidente, et merci aux membres du comité de nous autoriser à prendre la parole ici aujourd'hui.

L'Association médicale canadienne (AMC) est heureuse d'avoir été invitée à comparaître devant le Comité permanent de l'industrie dans le cadre de son étude du projet C-54, Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Ma collègue, maître Carole Lucock, conseillère juridique principale et directrice des services juridiques de l'Association médicale canadienne, m'accompagne aujourd'hui. J'exerce comme médecin de famille et j'ai également travaillé à l'élaboration du code de protection des renseignements personnels sur la santé de l'AMC.

Les médecins prennent très au sérieux la vie privée de leurs patients. C'est la pierre angulaire de la relation spéciale qui existe entre leurs patients et eux. Reconnaissant l'importance de la vie privée, l'AMC a adopté un code de protection des renseignements personnels sur la santé. Notre intervention devant le comité aujourd'hui découle de cette importance et de notre préoccupation, qui est d'assurer que l'on protège comme il se doit le caractère confidentiel des renseignements personnels des patients.

L'AMC est d'avis que nos patients s'attendent aux normes rigoureuses de protection des renseignements personnels que nous avons établies dans notre code et ne méritent rien de moins. Nos recherches, nos sondages et dix groupes de réflexion organisés d'un bout à l'autre du Canada ont révélé de graves préoccupations au sujet de la protection des renseignements personnels causées par la technologie de l'information. Ils révèlent aussi un appui général en faveur des principes établis dans notre code.

Je veux vous faire part de quelques points saillants de certains sondages que le groupe Angus Reid a réalisés pour le compte de l'AMC. Quatre-vingts pour cent des répondants sont persuadés que les médecins gardent confidentiels leurs renseignements personnels. Treize pour cent des patients signalent ne pas avoir divulgué certains renseignements à leurs médecins parce qu'ils craignaient que les renseignements en question soient communiqués à des tiers. En majorité, les Canadiens ne veulent pas que leurs renseignements personnels sur la santé servent à des fins de recherche sans leur consentement, même lorsqu'on a éliminé les identificateurs personnels de ces renseignements.

Comme le projet de loi C-54, notre code s'inspire de la norme minimale établie par le code de l'Association canadienne de normalisation. Nous sommes toutefois allés plus loin et nous avons produit notre code avec la contribution des médecins.

Les détails de notre critique sur le projet de loi C-54 sont énoncés dans le mémoire que nous vous avons présenté et nous ne les reprendrons pas ici.

Nous croyons savoir que l'on a fait croire au comité que le projet de loi C-54 ne s'appliquerait pas aux renseignements personnels sur la santé. Nous sommes toutefois d'avis que l'envergure énoncée est suffisamment large pour inclure les renseignements personnels sur la santé dans certains contextes. Permettez-moi d'être plus précise. L'article 4 du projet de loi énonce l'application prévue. Comme vous le savez, il y a trois catégories. La première est celle des renseignements recueillis, utilisés et divulgués dans le contexte d'activités commerciales. Il faut se poser la question suivante: qu'est-ce qui constitue une activité commerciale et quelles en sont les conséquences sur les renseignements personnels sur la santé qui deviennent du domaine commercial? Ces dispositions ne sont pas assez claires. Comme l'éventail de la prestation aux Canadiens des produits et services de soins de santé des domaines public et privé est vaste, il n'y a pas de ligne de démarcation claire.

Ce manque de clarté peut inciter à tirer certaines conclusions, dont les suivantes. Des renseignements personnels sur la santé pourraient être recueillis, utilisés et divulgués dans le contexte d'activités commerciales, ce qui les assujettirait aux dispositions du projet de loi. Lorsque des renseignements personnels sur la santé deviennent du domaine commercial, à des fins d'assurance, par exemple, ou sont recueillis dans un contexte commercial comme dans un foyer de soins privé, ils deviennent des renseignements commerciaux assujettis au projet de loi C-54, ce qui transforme les renseignements personnels sur la santé en denrée.

Enfin, si l'on considère que tous les renseignements personnels sur la santé échappent à la portée du projet de loi C-54, on peut alors invoquer une défense légitime dans les cas de non-conformité prévus par le projet de loi C-54, ce qui protège les renseignements personnels sur la santé encore moins que d'autres renseignements. Aucune de ces conséquences n'est souhaitable.

• 0945

L'alinéa 4(1)b) du projet de loi s'applique à la collecte, à la diffusion et à la divulgation de renseignements entre provinces ou pays. Il est clair que cet article ne comporte aucune restriction et qu'il s'appliquerait donc aux renseignements personnels sur la santé. Compte tenu des initiatives lancées par le gouvernement fédéral pour relier les renseignements personnels sur la santé d'un bout à l'autre du pays, l'application de cet article signifierait que le projet de loi C-54 régirait la protection accordée aux renseignements personnels sur la santé.

La dernière catégorie est celle des renseignements recueillis au sujet de certains employés, et qui peuvent inclure aussi des renseignements personnels sur leur santé. L'AMC demande au comité d'étudier très attentivement ce qu'il fait à l'égard des renseignements personnels sur la santé et, au lieu d'essayer d'éviter le fait que le projet de loi C-54 s'appliquera au moins à certains renseignements personnels sur la santé, d'agir proactivement et d'ajouter les mesures de protection appropriées afin que les renseignements sur la santé soient couverts par le projet de loi C-54.

L'AMC recommande qu'on modifie le projet de loi C-54 pour y intégrer des dispositions précises ayant trait aux renseignements personnels sur la santé, que ces dispositions s'inspirent du code de protection des renseignements personnels sur la santé adopté par l'AMC et que les règles proposées au sujet des mesures législatives sur la santé fassent l'objet de l'examen législatif dont il est question dans le code de l'AMC et soient formulées en fonction de ce processus.

Les médecins d'un bout à l'autre du Canada sont à l'écoute des préoccupations que soulève chez leurs patients la question de la protection des renseignements personnels sur la santé. Nous vous exhortons à faire de même. Merci de nous avoir donné l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui.

La présidente: Merci beaucoup, docteur Hutchinson.

Nous allons maintenant passer au ministère de la Santé de l'Ontario. Nous accueillons parmi nous M. Gilbert Sharpe, directeur des services juridiques.

M. Gilbert Sharpe (directeur, Direction des services juridiques, ministère de la Santé de l'Ontario): Merci, madame la présidente. M'accompagnent aujourd'hui des collègues de l'Ontario, Juta Auksi et Halyna Perun, qui pourront peut-être aider avec les questions suite à notre exposé.

Nous sommes tous des patients du système de soins de santé, et nous prisons tous le respect de notre vie privée, tout particulièrement en ce qui concerne notre santé. Le ministère de la Santé de l'Ontario ne conteste pas la nécessité de l'imposition de normes très élevées en matière de protection et de sécurité, mais il est préoccupé par les mécanismes et les moyens nécessaires à l'assurance d'une telle protection. Nous ne nous attendons pas à entrer aujourd'hui dans des discussions à caractère constitutionnel. Nous trouvons que ces aspects sont importants, mais nous allons nous cantonner aux questions de gestion de reddition de comptes cliniques qui s'appliquent tout particulièrement au gouvernement de l'Ontario, et qui valent sans doute également, je l'imagine, pour d'autres gouvernements.

J'ai pensé qu'il serait peut-être utile dans les quelques minutes dont nous disposons, de parcourir avec vous notre mémoire—dont je suppose que tout le monde a copie—et d'en faire ressortir les points saillants. Notre mémoire porte sur l'effet négatif qu'aurait le projet de loi sur des activités clés du système de soins de santé qu'administre l'Ontario. On y parle de la façon dont le projet de loi ontarien en matière de protection des renseignements personnels sur la santé traiterait mieux des préoccupations relativement à la cueillette, à l'utilisation et à la divulgation de renseignements personnels sur la santé. On y fait ressortir la confusion et l'incertitude que créerait l'actuel projet de loi.

Le secteur des soins de santé n'a pas été consulté sur les conséquences du projet de loi. Il commence tout juste à comprendre les conséquences énormes qu'aurait ce projet de loi sur la santé et les soins de santé. À notre avis, le projet de loi aurait un impact négatif sur de nombreuses activités critiques du système de soins de santé et il n'a pas été élaboré en tenant compte du système de soins de santé.

Le ministère de la Santé craint sérieusement que le projet de loi ne débouche sur un système de soins de santé inefficace et inefficient. Il serait impossible de réaliser les objectifs de Santé Canada et des ministères provinciaux de la santé et de réaliser le potentiel de l'autoroute de l'information sur la santé pour améliorer les soins de santé offerts aux Canadiens.

Dans son budget de février 1999, le gouvernement fédéral a annoncé un plan visant à rendre des milliards de dollars aux provinces pour que celles-ci s'attaquent aux préoccupations immédiates en matière de soins de santé et construisent un meilleur système de soins de santé. Or, en même temps, un autre bras du gouvernement est en train d'aller de l'avant avec un projet de loi qui entraverait la prestation des soins de santé, la planification et la gestion du système de soins de santé ainsi que la recherche. Le ministère de la Santé demande instamment que le projet de loi soit modifié de façon à éviter de nuire au système de soins de santé de l'Ontario. L'amendement envisagé exempterait clairement le système de soins de santé de la portée du projet de loi, nous permettant de nous doter de nos propres textes de loi.

• 0950

Nous donnons plusieurs exemples dans notre mémoire. Il y en a un à la page 3 que portent souvent à notre attention des personnes du troisième âge. Un homme âgé vivant dans la communauté souffre de plusieurs problèmes de santé et consulte de nombreux médecins. Il prend une variété de médicaments et fait remplir ses ordonnances à la pharmacie la plus pratique pour lui. En l'absence d'une capacité d'assurer rapidement le lien entre ces médecins et ces pharmaciens, le risque de surcharge en matière d'ordonnances et d'effets secondaires néfastes des médicaments pris est élevé.

Dans de tels cas, c'est un processus lent et presque impossible que d'obtenir des consentements valables pour déterminer qui signe pour les enfants et les adultes qui ne sont mentalement pas capables de comprendre, répond aux refus de signer les formulaires de consentement pour les services requis ou suit les consentements donnés au fur et à mesure que le patient circule dans le système. L'on ne sait même pas qui serait responsable d'obtenir les différents consentements dans ces circonstances: les pharmaciens, les médecins, les laboratoires, les hôpitaux ou autre.

Il y a de nombreuses difficultés qui seraient encore aggravées par le projet de loi, étant donné surtout que celui-ci ne comporte même pas de dispositions portant sur la façon de traiter de cas d'incapacité dans de telles circonstances.

La gestion du système de soins de santé est une autre question critique. Nous sommes tous préoccupés par l'amélioration de la reddition de comptes au public. Il y a une vaste gamme de renseignements qui doivent être recueillis en vue de déterminer les besoins en matière de santé changeants ou non satisfaits de la population, afin de régler les problèmes de lacunes ou de duplications de services en matière de gestion d'utilisation, d'élaboration de lignes directrices et de gestion de la qualité, ce afin de veiller à ce que les ressources disponibles soient utilisées à bon escient et de façon rentable.

Il y a un autre exemple en haut de la page 5. Dans le domaine de la santé publique, les systèmes d'information permettent de contrôler la progression de milliers de femmes, sur plusieurs années, à l'intérieur du processus de dépistage du cancer du sein, depuis l'examen initial au suivi en cas d'anormalité et, pour certaines, jusqu'au traitement. Les renseignements compilés grâce à de tels programmes peuvent servir à déterminer quels tests de dépistage et quels traitements sont les plus efficaces et où il convient le mieux d'investir les ressources de lutte contre le cancer.

Pour pouvoir gérer de façon efficiente le système de soins de santé, il nous faut être en mesure de prouver que les fonds dépensés se traduisent en des produits livrables concrets qui bénéficient à la population. Nous voulons avoir l'assurance que les récents transferts de deniers publics fédéraux aux provinces résulteront en des améliorations manifestes du système. Avec le projet de loi, il n'est pas clair que cela sera possible. En fait, l'on pourrait même arguer que l'atteinte de ces objectifs sera entravée par la reddition de comptes.

À la page 6, nous parlons de fraude et d'abus des ressources consacrés à la santé. Voici quelques exemples d'abus: rendre visite à plusieurs médecins en quête d'un médicament particulier; tests répétés pour le même problème; non-résidents utilisant des cartes de santé empruntées, volées, achetées ou contrefaites; facturation non appropriée. Les abus et la fraude au sein du système de soins de santé et les montants d'argent gaspillés sont évidents.

Le projet de loi C-54 ne permettrait pas la cueillette, l'utilisation ou la communication de renseignements personnels sans consentement, en vue de la détection et de la prévention de la fraude. Cela va à l'encontre d'autres lois sur la protection de renseignements personnels, et je songe ici aux textes de loi fédéraux et provinciaux sur la protection de la vie privée. Les consultations tenues relativement à notre propre loi en matière de renseignements sur la santé ont fait ressortir qu'il faut aux prestateurs de soins de santé une autorisation plus claire à divulguer à ces fins.

Le projet de loi C-54 est contraire au code CSA, qu'englobe le projet de loi, avec quelques changements très importants. Le projet de loi exige que les notes incluses dans le code soient ignorées; or, ce sont précisément ces notes qui assurent la souplesse qui fait défaut dans le projet de loi lui-même, pour ce qui est de la reddition de comptes, de la pratique clinique et de la fraude.

À la page 7, nous parlons de notre propre législation et du fait que nous ayons vécu depuis 1996 deux rondes de consultations approfondies. Les principales parties prenantes, notamment groupes de prestateurs de soins de santé, de nombreux groupes de consommateurs et notre propre commissaire à la protection de la vie privée en Ontario, ont appuyé les exceptions en matière d'obtention de consentement dans l'intérêt des objectifs que j'ai décrits plus tôt. Or, à l'échelle du pays et dans les provinces, les gens sont très peu au courant de l'application du projet de loi C-54 aux soins de santé. Santé et Bien-être Canada, lorsque nous avons discuté du projet de loi avec lui, a semblé donner un message différent de celui d'Industrie Canada, et je reviendrai là-dessus dans un instant, dans ma conclusion.

À la page 8, nous soulignons que d'autres provinces, notamment le Manitoba, l'Alberta et la Saskatchewan, ainsi que d'autres pays, comme par exemple la Nouvelle-Zélande et l'Australie, ont adopté une approche semblable à celle de l'Ontario dans l'établissement de règles précises dans le cadre du système de soins de santé en matière de renseignements spécialisés sur la santé, avec des exemptions quant à la nécessité d'obtenir le consentement de l'intéressé qui vont bien au-delà de ce qui est prévu dans le projet de loi C-54.

• 0955

En fait, le commissaire à la protection des renseignements personnels et de la vie privée en Ontario et des groupes comme l'Ontario Medical Association sont de très fermes défenseurs des dispositions que nous avons prévues. Les fonctionnaires fédéraux ont dit avoir des préoccupations quant au nombre de divulgations différentes prévues dans l'ébauche de notre texte de loi et douter que le projet de loi C-54 débouche sur des dispositions semblables à celles que nous voulons promouvoir à l'avenir en vue de protéger les renseignements sur la santé dans notre province.

Enfin, madame la présidente, à la page 9, nous résumons la confusion qui a été créée avec le projet de loi et des observations faites par des fonctionnaires fédéraux. Industrie Canada a dit que le projet de loi C-54 ne s'appliquerait pas aux médecins. D'autres professionnels de la santé, par exemple les pharmaciens, les dentistes et les infirmières, n'ont pas été mentionnés comme étant exclus; or, le même régime de réglementation professionnelle provinciale s'applique à eux et ils jouent un rôle important dans la prestation des soins de santé.

Industrie Canada a dit que le projet de loi ne s'appliquerait pas aux hôpitaux. Un hôpital, qui est financé par les deniers publics et est une entité non commerciale, pourrait envoyer une demande de tests en laboratoire à un laboratoire commercial privé et, dans certains cas, ces tests seraient payés à même les fonds publics. Les résultats de tels tests seraient-ils assujettis aux dispositions du projet de loi pendant qu'ils sont en possession du laboratoire ou de l'hôpital? L'on retrouve dans certains hôpitaux des laboratoires, cliniques ou pharmacies commerciaux. Quelles règles régissent alors les dossiers des patients?

Un spécialiste de la chirurgie esthétique enlève un carcinome basocellulaire de la joue d'un patient. Il s'agit là d'une procédure qui est couverte par notre régime d'assurance maladie. Il enlève en même temps un grain de beauté, ce qui constitue une opération à caractère purement esthétique qui n'est donc pas couverte par le régime d'assurance-maladie. Le projet de loi ferait-il une distinction entre les services payés à même les fonds publics et les autres?

Le projet de loi s'appliquerait-il aux organismes de planification tels l'ICIS? Industrie Canada a dit que ce serait le cas, mais Santé Canada a affirmé le contraire.

Voilà quelques exemples seulement de la confusion qui nous préoccupe relativement au projet de loi. Cette confusion et ce manque d'uniformité dans le traitement à donner aux renseignements sur la santé vont à l'encontre des efforts visant à intégrer le système de soins de santé.

Enfin, à la page 10, nous soulignons qu'il est difficile de voir comment les recommandations du rapport et du comité consultatif sur l'infostructure de santé et les rapports et le programme de l'ICIS déposé auprès de Santé Canada et tout juste diffusé pourraient être mis en application si certains ou tous les renseignements personnels en matière de santé sont assujettis aux règles du projet de loi portant sur le consentement, à l'exclusion d'autres moyens de protéger les renseignements personnels. Les dossiers électroniques et la télémédecine ainsi que d'autres initiatives seraient eux aussi entravés dès leur émergence.

L'effet du projet de loi sur le système de santé serait de créer des obstacles, alors que l'objet des initiatives relativement à l'autoroute de l'information-santé est de supprimer les obstacles. Les règles du projet de loi, une fois en place, entraveraient les efforts de collaboration visant l'harmonisation des lois en matière de renseignements sur la santé qui ont déjà été lancés par les gouvernements et les ministères de la Santé fédéraux, provinciaux et territoriaux. Bien que mal adapté au système de soins de santé, le projet de loi deviendrait en fait une norme. Il entraverait les efforts de collaboration visant l'harmonisation des lois, ce à une époque où nous nous efforçons tous d'avancer dans le sens de l'intégration et d'une meilleure reddition de comptes.

En conclusion, madame la présidente, le ministère de la Santé de l'Ontario recommande que le paragraphe 4(2) du projet de loi C-54 soit modifié afin que la partie 1 du projet de loi ne s'applique pas aux organisations en ce qui concerne le respect de renseignements personnels portant sur la santé d'une personne ou la prestation de soins de santé à une personne, et que l'organisation collecte, utilise, ou communique à des fins de soins de santé, y compris la gestion du système de santé.

Le ministère apprécie l'occasion qui lui a été ici donnée de se prononcer sur le projet de loi C-54 et exhorte le comité à étudier sérieusement ses recommandations.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Sharpe.

Nous allons maintenant passer aux questions, et ce sera Mme Meredith qui commencera.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci, madame la présidente.

Ayant entendu toutes vos présentations, il m'apparaît clairement qu'il y a ici un problème. Ma question à vous tous—et elle s'adresse tout particulièrement à vous, monsieur Sharpe—est la suivante: des amendements au projet de loi C-54 régleraient-ils vos préoccupations ou bien faudrait-il prévoir une exclusion des prestateurs de soins de santé, qu'il s'agisse d'hôpitaux commerciaux ou publics, et la rédaction d'un nouveau texte de loi qui s'appliquerait tout particulièrement à ce secteur? Pourriez-vous tous vous prononcer là-dessus? Des amendements au projet de loi protégeraient-ils la vie privée du patient, tout en prévoyant la collecte des données qui sont importantes pour la recherche érudite ou pour les ministères de la Santé de partout au pays, ce afin de veiller à ce que le système soit efficient?

La présidente: Adressez-vous votre question à tous les témoins?

Mme Val Meredith: À eux tous, oui, mais commençons par M. Sharpe.

La présidente: Nous allons donc commencer avec M. Sharpe.

• 1000

M. Gilbert Sharpe: Merci, madame la présidente.

Nous ne pensons pas qu'il soit possible de le faire. Cependant, nous serions prêts à entamer des pourparlers, en prévision d'une exemption spécifique ou si nous avions davantage de temps pour une concertation, avec nos collègues des autres provinces, les organisations sanitaires provinciales, les groupements de consommateurs intéressés au domaine de la santé, les commissaires à la protection de la vie privée provinciaux. Mais cette possibilité n'existe pas, puisque je crois savoir que le comité va entamer l'étude article par article la semaine prochaine.

Comme je l'ai dit, nous avons passé plusieurs années à rédiger une législation spécifique qui apporte l'équilibre nécessaire et protège ces renseignements, et cette protection est impérative. Les buts de ce projet de loi sont d'importance critique. Nous ne le contestons pas du tout. Notre souci est que les dispositions soient taillées sur mesure.

Très brièvement, au début des années 80, madame la présidente, j'ai travaillé avec le ministère de la Justice fédéral à la rédaction de dispositions sur les maladies mentales pour le Code criminel. J'ai sillonné le pays et constaté à quel point il est utile de créer des lois spécifiques conçues pour régler un problème spécifique, et ce sans faire obstacle au flux nécessaire d'informations, sachant que les renseignements psychiatriques sont peut-être les données médicales les plus délicates dans certaines circonstances et qui peuvent causer le plus de dégâts si elles sont divulguées indûment. En ayant eu le temps de consulter nos partenaires et collègues provinciaux et fédéraux dans un esprit de collaboration, je crois que nous avons su façonner des règles spécifiques appropriées en droit pénal. Nous ne pensons pas avoir eu cette occasion en l'occurrence, ni ne pensons que ce projet de loi peut être modifié pour répondre aux besoins du système.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Sharpe.

J'aimerais vous inviter tous à être brefs. Je vous prie d'excuser certains membres du comité qui sont nouveaux, mais nous avons des tours de questions de cinq minutes. Si vous posez une question aux six témoins, cela va probablement accaparer la plus grande partie de votre tour.

Docteur Hutchinson.

Dre Susan Hutchinson: Oui, merci, madame la présidente.

La position de l'AMC est que cette loi va couvrir l'information médicale et qu'il n'y a pas de délimitation claire entre information médicale et information commerciale. Nous estimons donc que le projet de loi doit être amendé de façon à y insérer des dispositions spécifiques pour protéger l'information médicale.

La présidente: Docteur Millar, aviez-vous quelque chose à ajouter?

Dr John Millar: En réponse à votre question, nous sommes tout à fait en faveur de l'esprit du projet de loi, soit la protection des renseignements personnels. Mais tant que des mécanismes ne sont pas en place au point de collecte afin que les patients sachent que des renseignements les concernant pourront être transmis ou tant qu'il n'y aura pas un codage routinier des données de façon à modifier les identificateurs personnels et empêcher l'identification des patients, le flux d'information sera gravement obstrué en la forme actuelle du texte. Cela a déjà été souligné.

Pour ce qui concerne notre travail, soit la collecte de données hospitalières, nous pensons que nos besoins seraient satisfaits si l'amendement que nous proposons était apporté. Cela nous permettrait de continuer à travailler comme nous le faisons, une manière qui est conforme à la législation provinciale existante.

Donc, la réponse est oui, c'est possible. Avec un amendement, notre travail pourrait se poursuivre.

La présidente: Madame Willems.

Mme Noëlle-Dominique Willems: Merci.

Il y a un dicton français qui dit «Qui trop embrasse, mal étreint».

Le projet de loi veut en faire trop, et je conviens qu'il faudrait le scinder. L'information sanitaire devrait faire l'objet d'une loi spécifique de protection de la vie privée, pour s'assurer de réellement toucher la cible que l'on vise.

La présidente: Monsieur McBane.

M. Michael McBane: Nous sommes en faveur de l'adoption du projet de loi avec quelques améliorations. De toute évidence, il faut aussi une législation dans le domaine de la santé, mais ce n'est pas l'un ou l'autre, il faut les deux.

La présidente: Monsieur Speers, avez-vous quelque chose à ajouter?

Dr Richard Speers: Nous sommes en faveur d'amendements, simplement pour qu'il y ait une loi de protection de la vie privée et empêcher la création d'un paradis de l'information dans une autre province.

La présidente: Avez-vous une autre question, madame Meredith? Ce sera votre dernière.

Mme Val Meredith: Je vais m'abstenir, merci.

La présidente: Monsieur Keyes.

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente. Je vais aller droit au but, car le temps nous manque.

Je m'adresse à nos témoins. Pouvez-vous imaginer ce que ce serait si le gouvernement répondait très spécifiquement à chaque requête de chaque organisation qui comparaît sur ce projet de loi? Le projet de loi finirait par être aussi épais que cette salle est haute. Nous sommes donc obligés de nous en remettre à quelques normes pour essayer d'établir un cadre général, en quelque sorte, applicable à tout le monde. Comme le secrétaire parlementaire, M. Lastewka, l'a dit, ce projet de loi touchera chaque citoyen et chaque organisation.

• 1005

Je ressens un peu de frustration et je vais commencer avec M. Speers.

Monsieur Speers, vous avez dit dans votre déclaration que le projet de loi ne satisfait pas aux besoins critiques en matière de santé. Pourtant, si ce projet était adopté, le code de la CSA prendrait force de loi, avec ses principes fondamentaux qui recouvrent la responsabilité, la détermination des fins de la collecte, le consentement, la limitation de la collecte, la limitation de l'utilisation et de la communication. Pourquoi dites-vous qu'il n'assure pas la protection voulue?

Dr Richard Speers: Nous estimons que les formulaires de consentement que nous vous avons remis, qui sont actuellement en usage, montrent que l'esprit du code CSA a été détourné. Le consentement actuel autorise un envahissement total.

M. Stan Keyes: Le problème réside dans vos formulaires, pas dans le projet de loi.

Dr Richard Speers: Je pense qu'il faut une formule de consentement plus restrictive. C'est au niveau de l'instrument de consentement qu'intervient la violation. Il n'y a aucun organe de supervision pour contrôler cela.

M. Stan Keyes: Très bien, permettez-moi de revenir un peu en arrière. Au début des années 1990, la CSA a rassemblé des représentants du secteur public, des industries, des transports, des télécommunications, de l'informatique, de l'assurance, de la santé et des banques, mais vous dites que les prestateurs de soins de santé n'ont pas été consultés.

Dr Richard Speers: L'Association médicale canadienne ne siégeait pas au comité d'élaboration, et l'Association dentaire canadienne était le seul représentant du secteur de la santé après l'élaboration du code. Nous siégions au comité de mise en oeuvre. L'intérêt de l'échange de l'information l'a emporté sur la protection de l'information.

M. Stan Keyes: Ah bon? Nous avons fait une large publicité à la norme CSA en 1994, avons lancé des invitations à des organisations comme la vôtre et publié le projet de code dans la Gazette du Canada. Étiez-vous au courant?

Dr Richard Speers: J'étais à la table une partie du temps et on m'est tombé dessus lorsque j'ai tenté d'établir une procédure de consentement éclairé.

M. Stan Keyes: Qui vous est tombé dessus?

Dr Richard Speers: Principalement les représentants de l'industrie de la santé. Si vous regardez le document, l'information est un...

M. Stan Keyes: L'industrie de la santé? Qu'entendez-vous par là?

Dr Richard Speers: L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Donc, si vous regardez...

M. Stan Keyes: Oh, je vois, les compagnies d'assurances vous ont froissé.

Dr Richard Speers: Ce n'est pas que j'ai été froissé, mais elles ont obtenu que les renseignements soient recueillis au su du patient, ce qui nous paraît insuffisant, car le patient ne sait pas...

M. Stan Keyes: Indépendamment de cela, monsieur Speers, avez-vous présenté un mémoire ou fait des interventions?

Dr Richard Speers: Oui. Je suis intervenu auprès du commissaire à la protection de la vie privée fédéral et d'Industrie Canada. J'ai...

M. Stan Keyes: Mais, en 1994, lorsque nous avons publié dans la Gazette et expressément invité votre organisation à s'exprimer, avez-vous répondu à...

Dr Richard Speers: Oui. J'ai dans mes dossiers des documents adressés à Helen McDonald, d'Industrie Canada, entre autres. Si ces documents n'ont pas été publiés dans la Gazette, c'est parce que j'ignore la procédure.

M. Stan Keyes: Les normes, apparemment, ont été soumises pour avis public après cette étape. Avez-vous soumis des avis également à ce stade?

Dr Richard Speers: Oui.

M. Stan Keyes: Eh bien, on me donne des renseignements contradictoires et il va falloir que je détermine exactement...

Dr Richard Speers: J'ai toute la documentation pour confirmer mes dires.

M. Stan Keyes: Je ne vois toujours pas clairement le problème de votre formulaire. Si le code CSA impose à l'organisation de préciser pour quelles fins les renseignements sont recueillis et d'obtenir le consentement éclairé de l'intéressé en vue de la collecte, de l'utilisation ou de la divulgation, etc., pourquoi y a-t-il un problème?

Dr Richard Speers: Nous disons que la quantité de renseignements demandés est vague et qu'il n'y a virtuellement aucune limite à la collecte. Les formulaires de consentement le prouvent. Nous estimons que le patient, avant de consentir, devrait savoir quels renseignements sont demandés, quels renseignements sont recueillis et devrait avoir le droit de retirer le consentement avant communication. Cela peut entraîner l'annulation d'une demande, mais il peut y avoir dans le dossier médical des renseignements si importants pour le patient qu'il ne veut pas qu'ils soient transmis.

• 1010

M. Stan Keyes: Mais les principes disent aussi que les renseignements personnels ne peuvent être utilisés ou divulgués à des fins autres que celles pour lesquelles ils sont recueillis, sauf avec le consentement de l'intéressé.

Dr Richard Speers: Mais rien que la collecte de cette information par une tierce partie peut nuire au patient.

M. Stan Keyes: Par une tierce partie?

Dr Richard Speers: J'entends la collecte d'information par une compagnie d'assurance ou un employeur. Il y a eu des cas...

M. Stan Keyes: Je veux que vous vous en teniez au rôle du personnel médical, pas celui des assurances. Tenons-nous-en au sujet.

Dr Richard Speers: La compagnie d'assurance recueille des renseignements médicaux. La divulgation de ces derniers à une tierce partie, à une compagnie d'assurance, peut être préjudiciable pour le patient.

M. Stan Keyes: Quand peut-on divulguer à une tierce partie sans le consentement de l'intéressé?

Dr Richard Speers: Dans le domaine de l'information sanitaire, un employeur a exigé d'une compagnie d'assurance qu'elle lui remette les formulaires de remboursement de médicaments. L'employeur affirmait être propriétaire des formulaires indiquant la consommation de médicaments de ses employés. Il se trouve que c'était une commission scolaire catholique qui voulait savoir si ses employés prenaient des contraceptifs oraux. Elle estimait que ce serait un motif de licenciement, puisque ses enseignants devaient être des catholiques pratiquants.

M. Stan Keyes: Mais est-ce que le code de la CSA n'interdirait pas cela?

Dr Richard Speers: Nous n'en sommes pas sûrs.

M. Stan Keyes: Dernière question, rapidement...

La présidente: C'était votre dernière question, monsieur Keyes.

M. Stan Keyes: Je la poserai au deuxième tour.

La présidente: D'accord. Merci, monsieur Keyes.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je sais que la plupart des témoins ont voulu éviter la question constitutionnelle. Ce n'est peut-être pas votre spécialité, mais il reste que la gestion de la santé est clairement de juridiction provinciale en vertu de la Constitution. On a une loi au Québec, la Loi 68, qui existe depuis cinq ans et qui porte sur les renseignements personnels. Au Bloc québécois, nous nous défendons beaucoup là-dessus.

Avant de poser une question sur votre interprétation à ce sujet, j'aimerais demander aux représentants des quatre associations, soit l'Association dentaire canadienne, la Coalition canadienne de la santé, l'Association des pharmaciens du Canada et l'Association médicale canadienne, s'ils ont eu le temps de consulter à ce sujet leurs membres qui sont au Québec. Vous pourriez répondre à tour de rôle, en commençant par l'Association dentaire canadienne.

[Traduction]

La présidente: Avez-vous dit l'Association dentaire, ou vouliez-vous dire la Coalition de la santé? À qui demandez-vous de répondre? Vous avez dit l'Association dentaire.

[Français]

M. Antoine Dubé: On peut commencer par l'Association dentaire canadienne, parce qu'il y a quatre associations canadiennes ici.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Speers.

Dr Richard Speers: J'ai un peu chaud.

J'ai personnellement examiné la loi québécoise. Nous n'avons pas pris l'avis du gouvernement du Québec, pas plus que celui de l'Ontario. Nous avons considéré qu'il s'agissait là d'une initiative de la CSA et du gouvernement fédéral.

J'espère que cela répond à votre question.

[Français]

M. Michael McBane: La Coalition canadienne de la santé est obligée de regarder les lois fédérales. Il y a des pouvoirs fédéraux définis par la Constitution, surtout pour ce qui est des questions interprovinciales. C'est donc clair qu'il y a là un rôle fédéral. Évidemment, il y a aussi des lois provinciales. La santé est un domaine dans lequel il y a des implications et des engagements de la part des deux niveaux de gouvernement. Donc, ce n'est pas l'un ou l'autre.

M. Antoine Dubé: Je voudrais préciser ma question parce que le témoin n'y a pas répondu. Est-ce que vous avez des membres qui sont du Québec?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Dubé, vous leur avez posé une question à chacun, vous allez donc devoir les laisser répondre tous avant d'en poser une autre.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je ne l'ai pas changée; je la précise.

M. Michael McBane: Nous avons des membres dans chaque province, dont le Québec.

[Traduction]

La présidente: Voulez-vous clarifier votre question, monsieur Dubé?

[Français]

M. Antoine Dubé: Non, c'est que M. McBane anticipait déjà ma deuxième question. Je voulais savoir si chacune des associations avait consulté ses membres du Québec avant de faire connaître sa position.

La présidente: Madame Willems.

Mme Noëlle-Dominique Willems: Merci, monsieur Dubé, pour votre question.

Nous ne sommes pas une fédération, mais nous avons des membres au Québec. Notre mémoire a été approuvé par le conseil d'administration et donc également par nos membres du Québec.

• 1015

[Traduction]

La présidente: Docteur Millar, avez-vous quelque chose à ajouter, ou bien la question s'adresse-t-elle au docteur Hutchinson?

Mme Carole Lucock (avocate principale, directrice des Services juridiques, Association médicale canadienne): En réponse à la première partie de votre question, nous n'avons consulté ni le gouvernement du Québec ni aucun autre gouvernement provincial avant d'adopter notre position.

En réponse à la deuxième partie de votre question, l'AMC est structurée en sections, et chaque province ou territoire a la sienne. Par exemple, au Québec, c'est l'AMQ. Toutes sont représentées à notre conseil d'administration et toutes auront lu notre mémoire et notre code. Mais nous tendons à avoir une structure fédérale-provinciale, si bien que la politique provinciale est traitée au niveau provincial et la politique fédérale au niveau national, encore que cela ne fonctionne pas toujours parfaitement.

La présidente: Dernière question, monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je la poserai au représentant du ministère de la Santé de l'Ontario, M. Sharpe.

J'ai bien vu les difficultés d'application que vous anticipiez pour le projet de loi C-54 avec, si j'ai bien compris, l'existence en Ontario d'une loi spécifique sur les renseignements personnels relatifs à la santé. Je présume que vous avez mené des consultations auprès d'autres ministères du gouvernement ontarien. Dans une perspective plus large, est-ce que le gouvernement de l'Ontario a également vu des difficultés d'application dans d'autres secteurs?

[Traduction]

M. Gilbert Sharpe: Je ne suis pas sûr d'avoir compris la question. Parlez-vous de l'application du projet de loi à d'autres organes du gouvernement ontarien?

[Français]

M. Antoine Dubé: Oui.

[Traduction]

M. Gilbert Sharpe: Je n'en ai pas directement connaissance. Nous avons examiné le projet de loi dans le contexte du partage constitutionnel des pouvoirs entre les provinces et le gouvernement fédéral en matière de commerce. Nous pensions que les pouvoirs relatifs au commerce intraprovincial et la compétence provinciale évidente en matière de santé faisait de cela un ressort provincial et non fédéral. Cependant, puisque je représente ici le ministère de la Santé, nous n'avons pas examiné les répercussions du projet de loi sur d'autres types d'activité commerciale dans la province.

La présidente: Merci.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Mes questions s'adressent à M. Sharpe.

Quand la loi sur la protection des renseignements médicaux personnels ontarienne entrera-t-elle en vigueur?

M. Gilbert Sharpe: Nous pensons qu'elle sera déposée dans le courant de l'année. Ce ne sera plus ensuite qu'une question d'adoption par l'assemblée législative, tout comme ce projet de loi.

M. Walt Lastewka: Est-il exact que ce projet est en cours d'élaboration depuis la fin des années 1980?

M. Gilbert Sharpe: Non, depuis 1996. Il y a un débat sur les problèmes de confidentialité depuis les années 1980. Auparavant, d'importantes dispositions ont été ajoutées en 1978 à notre Loi sur la santé mentale. D'autres dispositions ont été insérées dans diverses lois touchant la santé tout au long des années 1980 et au début des années 1990, par des gouvernements successifs. Mais une approche gouvernementale intégrée de la protection des renseignements médicaux a été proposée d'abord sous forme de Livre blanc, puis d'avant-projet de loi, à partir de 1996.

M. Walt Lastewka: Oui, mais elle est tout de même en préparation depuis les années 1980, sous une forme ou une autre.

M. Gilbert Sharpe: Non. Comme je l'ai dit, nous avons apporté des modifications ponctuelles portant sur divers éléments tels que les dossiers psychiatriques.

M. Walt Lastewka: Je vais passer à un autre sujet. Lorsque votre projet de loi sera déposé, il contiendra quantité d'exemptions. Est-ce exact?

M. Gilbert Sharpe: Il y aura un certain nombre d'exemptions de l'obligation de demander le consentement. C'est exact.

M. Walt Lastewka: Plus d'une vingtaine?

M. Gilbert Sharpe: Je crois.

M. Walt Lastewka: Vous avez mentionné tout à l'heure le commissaire à la protection de la vie privée de l'Ontario, qui a également comparu ici et a fait un excellent travail. Lui-même, ou d'autres commissaires provinciaux qui ont répondu à notre invitation, ont dit très clairement trois choses. Premièrement, le projet de loi est une excellente première étape; deuxièmement, les provinces devraient adopter une législation comparable; et troisièmement, les exemptions devraient être en nombre très limité, car on court le risque d'en avoir trop. Êtes-vous d'accord?

• 1020

M. Gilbert Sharpe: Je ne suis pas informé des avis formulés par les commissaires à la protection de la vie privée provinciaux. Traitaient-ils spécifiquement des renseignements médicaux?

M. Walt Lastewka: Je peux citer l'intervention du commissaire ontarien, si vous voulez. Lorsqu'il a comparu ici, la plus grande partie du temps était consacrée à la vie privée, et non aux documents électroniques. Il était question de protection des renseignements personnels partout où ils sont recueillis. Cela couvrait donc tout.

M. Gilbert Sharpe: Je suis d'accord, sauf qu'Ann Cavoukian et son bureau ont passé en revue chacune des exemptions de notre projet de loi sur la protection des renseignements médicaux personnels et les ont approuvées. Je ne sais pas quelles étaient ses recommandations ici sur le sujet général de la protection de la vie privée, protection à laquelle nous souscrivons tous très fortement. Notre seule réserve concerne les renseignements médicaux, vu les préoccupations exprimées ces dernières années dans nos consultations avec tous les intervenants du secteur de la santé—consommateurs et fournisseurs. Ces préoccupations sont reflétées dans notre projet de loi, et insuffisamment dans le projet de loi C-54, lequel n'est pas spécifiquement conçu pour le secteur de la santé.

M. Walt Lastewka: À la page 3 de votre rapport, vous écrivez

    Que la fourniture des soins par ces personnes constitue ou non une «activité commerciale» importe peu lorsqu'il s'agit d'établir la continuité des soins pour le patient.

Qu'en est-il de la vie privée?

Mme Halyna N. Perun (avocate, Direction des services juridiques, ministère de la Santé de l'Ontario): Il s'agit là surtout de l'application différentielle de la loi, par exemple, aux laboratoires privés par opposition aux laboratoires publics. Nous ne savons pas dans quelle mesure cette loi s'appliquerait aux laboratoires privés qui effectuent le même travail que les laboratoires publics.

C'est cet aspect que visait ce passage. Le ministère accorde une grande importance à la protection de la vie privée et c'est pourquoi il propose sa propre loi en matière de renseignements médicaux.

La présidente: Dernière question, monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: J'aimerais revenir sur l'absence de consultation. Je crois savoir que les membres de votre comité de la santé ont travaillé là-dessus depuis le mois de décembre, après le dépôt du projet de loi en octobre, et ont rencontré les ministères... je crois que le ministère de la Santé était en janvier. Est-ce exact?

Mme Halyna Perun: Oui.

M. Walt Lastewka: N'avez-vous pas eu des réunions avec Santé Canada?

Mme Halyna Perun: Oui, nous avons eu une réunion officieuse avec Industrie et Santé Canada fin janvier, pour discuter du fonctionnement de notre propre législation. Nous avons mentionné la concertation en général pour que vous sachiez qu'il n'y a pas eu de consultation des associations et des gouvernements avant le dépôt du projet de loi sous sa forme actuelle.

M. Walt Lastewka: N'y a-t-il pas eu des discussions en 1994? Je ne veux pas revenir sur ce qu'a dit M. Keyes, mais il avait raison.

La présidente: C'est tout, monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: D'accord, je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Jones, s'il vous plaît.

M. Jim Jones (Markham, PC): Merci.

Vous tous, dans vos mémoires, avez mis en lumière d'importants problèmes dans le projet de loi C-54, sur le plan de la prestation des soins de santé. L'impact potentiel sur le secteur de la santé semble réellement être la face cachée de cette législation. J'aimerais vous demander à tous si vous avez été adéquatement consultés par le gouvernement fédéral sur ce projet de loi.

La présidente: Adressez-vous la question à chacun, monsieur Jones?

M. Jim Jones: Oui.

La présidente: Monsieur Speers, nous allons peut-être commencer par vous.

Dr Richard Speers: J'ai représenté l'ADC sur cette question pendant plusieurs années. Nous avons été très bien renseignés et appuyés par le personnel d'Industrie Canada. Je pense que le niveau d'information et de concertation était très bon. Nous avons perdu le fil aux alentours du dépôt du projet de loi, et c'est pourquoi nous comparaissons tardivement.

• 1025

Dans l'ensemble, il s'agit là d'une mesure incroyablement complexe. Le projet de loi essaie d'établir un équilibre incroyablement délicat, et nous respectons cela. Mais néanmoins, cela ne suffit pas, à notre sens, et nous avons été inquiets dès que le code de la CSA a été publié.

La présidente: Monsieur McBane.

M. Michael McBane: Je dois dire que la Coalition de la santé a été mieux informée par Industrie Canada sur ce sujet que nous le sommes habituellement par Santé Canada sur d'autres sujets.

La présidente: Madame Willems.

Mme Noëlle-Dominique Willems: Pour nous, c'est exactement le contraire. Industrie Canada ne nous a appelés que lorsque nous avons exigé de comparaître.

La présidente: Docteur Millar.

Dr John Millar: Nous avons reçu un questionnaire auquel nous avons répondu. Nous avons pris position de cette façon. Cela est-il adéquat ou non? Je laisse à d'autres le soin de juger.

La présidente: Docteur Hutchinson.

Dre Susan Hutchinson: La position de l'AMC est que nous ne l'avons pas été, mais j'aimerais demander à Carole Lucock de préciser.

Mme Carole Lucock: Si la question porte sur les relations avec les fonctionnaires du ministère de l'Industrie, ils ont été très coopératifs. S'il s'agit de savoir si cette comparution aujourd'hui suffit à présenter les avis du secteur de la santé sur cette question, je dois dire que d'avoir sept personnes assises avec très peu de temps ou de possibilité de nous exprimer signifie que nous avons été insuffisamment consultés. Ce n'est pas seulement nous—nous sommes au moins à cette table—mais si vous écoutez M. Speers, rien qu'avec ses préoccupations sur les compagnies d'assurance... Je crois que le secteur de l'assurance a disposé de nettement plus de temps devant ce comité que notre secteur. Il s'agit donc de savoir ce que vous entendez par consultation.

La présidente: Monsieur Sharpe.

Mme Halyna Perun: Je me fais l'écho de ce qu'a dit Mme Lucock sur le personnel d'Industrie Canada, qui s'est montré très coopératif. Nous avons eu quantité de discussions avec lui lors de la publication du projet de loi. Mais je dois dire que lorsque le personnel ministériel a assisté à des réunions provinciales en mars pour expliquer le projet de loi, il a donné l'assurance aux représentants provinciaux qu'il ne s'appliquerait qu'aux services bancaires, aux échanges interprovinciaux et aux communications. Donc, rien n'indiquait qu'il s'appliquerait aussi au secteur de la santé, et nous avons été pris par surprise lorsque le projet de loi a été déposé.

La présidente: Monsieur Jones, avez-vous une dernière question?

M. Jim Jones: Dans leur mémoire, tant le ministère de la Santé que, dans une certaine mesure, l'Association médicale canadienne, doutent fortement que les recommandations finales du Conseil consultatif sur l'infostructure sanitaire et du rapport de l'Institut canadien d'information sur la santé remis à Santé Canada et publié en 1999, puissent être exécutées. J'aimerais demander à M. Sharpe et à Mme Lucock de nous en expliquer les raisons, et demander aux autres groupes s'ils partagent cet avis.

Mme Halyna Perun: Nos préoccupations concernant les initiatives de Santé Canada est que celles-ci soulignent bien l'impératif d'une prestation de soins intégrée et d'une meilleure utilisation des données sanitaires aux fins de la planification et de la gestion du système de santé, et qu'elles poussent dans le sens d'une harmonisation des législations provinciales afin de ne pas entraver ces objectifs tout en élaborant des règles rationnelles pour protéger la confidentialité des renseignements médicaux. Donc, du point de vue de ces initiatives, nous estimons que le projet de loi C-54 érigerait des barrières du fait que les règles relatives à la collecte, à l'utilisation et à la divulgation négligent les impératifs de la prestation de soins ou de la planification et de la gestion du système de santé, et je songe en particulier à l'article 7 du projet de loi C-54.

La présidente: Madame Lucock.

Mme Carole Lucock: L'AMC n'a certainement pas eu l'occasion de se prononcer officiellement sur le rapport du Conseil consultatif, mais cela dit, l'objectif de celui-ci est d'établir au Canada une base de données sanitaires nationale, c'est-à-dire provinciale et fédérale, ce qui suppose manifestement le transfert d'informations entre provinces.

• 1030

Or, si vous regardez le paragraphe 4(2) du projet du loi, vous verrez—et c'est ce que nous avons fait ressortir tant dans notre déclaration que dans notre mémoire—qu'il n'y a pas de limite relative au commerce. Il est question strictement d'information passant d'une province dans une autre. Donc, l'initiative visant à établir une base de données relativement complète et les conclusions de ce rapport traitant spécifiquement de la protection des renseignements personnels sont en contradiction avec le libellé actuel du projet de loi.

La présidente: Merci.

Docteur Millar.

Dr John Millar: La question était de savoir si le projet de loi, dans son libellé actuel, entraverait la mise en oeuvre de la carte routière pour les renseignements sur la santé, et la réponse est oui. Cette carte routière est une entreprise énorme. Elle s'appuie largement sur le traitement de données détenues par les hôpitaux, mais également sur le développement plus poussé d'identificateurs personnels et de systèmes d'information à caractère personnel. À l'heure actuelle, une partie de cette carte routière est protégée par Statistique Canada en vertu de la Loi sur la statistique. Mais ce n'est pas toute la carte routière qui l'est; certains de ses éléments qui sont à l'extérieur relèveraient du projet de loi. Comme je l'ai souligné dans mon exposé, sans amendement, le projet de loi entraverait sérieusement la mise en oeuvre de la carte routière.

La présidente: Madame Willems.

Mme Noëlle-Dominique Willems: Oui, nous avons mentionné dans notre mémoire que nous pensons que si un tel projet de loi est appliqué à l'infostructure cela pourrait résulter en un certain nombre de problèmes en ce qui concerne la santé des Canadiens.

La présidente: Monsieur McBane, auriez-vous un commentaire à faire?

M. Michael McBane: Oui. Je suis en vérité quelque peu surpris d'entendre le ministère de la santé de l'Ontario plaider en faveur de l'industrie pharmaceutique. Le ministère de la Santé de la Colombie-Britannique a interdit la pratique de la vente de renseignements à des médecins par des pharmacies. Pourquoi? Parce qu'ils relèvent du domaine de la politique et des soins en matière de santé. Ils ne sont pas actifs dans le secteur de la vente de produits pharmaceutiques. Et ils ont leurs propres lobbyistes. Ils n'ont pas besoin de ministères de la Santé qui défendent les droits des intervenants dans le domaine de la vente commerciale des médicaments.

La politique en matière de santé doit être protégée des entreprises commerciales. Il est vrai que le projet de loi aura un plus gros impact que ce que d'aucuns avaient prévu au départ, mais tout ce que cela signifie c'est qu'il est plus important que nous ne l'avons pensé au début, et qu'on en a plus besoin que ce que pensent certains.

Quant à la question de savoir s'il y a un barrage bloquant l'autoroute de l'information, vous pouvez en être certains. Cette autoroute n'ira nulle part tant que l'on aura pas réglé la question de la protection de la vie privée et celle de l'intégrité de la recherche en matière de santé. Santé Canada n'a rien eu à dire là-dessus jusqu'ici. Nous félicitons donc le comité pour le leadership qu'il a assuré dans cette initiative qui constitue un bon départ.

La présidente: Merci.

Monsieur Speers, auriez-vous des observations à faire?

Dr Richard Speers: J'aimerais faire quelques courtes remarques.

Bizarrement, je me suis lancé dans la dentisterie parce que je pensais que j'y serais à l'abri de la politique. Or, j'y suis enfoncé jusqu'aux oreilles.

Je pense que les gens à Industrie Canada et à l'Association canadienne de normalisation ont réussi à beaucoup rapprocher des intérêts terriblement concurrentiels, les miens ainsi que ceux des compagnies d'assurance et des banques. L'on pourrait comparer cela à une réaction de fusion nucléaire, mais le dernier petit bout de chemin à parcourir va demander des efforts considérables. Je pense que le personnel du ministère et celui de la CSA devraient être félicités de nous avoir menés si loin. Je ne pense pas que cela aurait pu être réalisé par le biais de négociations interprovinciales, mais je trouve que le fait que cela soit passé par la CSA et par la porte arrière a ouvert la voie au processus.

Je suis peut-être naïf sur le plan politique, mais je trouve que du très bon travail a été fait par des gens extrêmement dévoués et du côté du gouvernement et de celui du secteur privé. Je pense que nous sommes très proches.

La présidente: Merci, monsieur Speers.

J'aimerais tout simplement tirer au clair le processus entourant le projet de loi pour le comité et pour les personnes qui comparaissent aujourd'hui devant nous, et dont certains n'ont jamais comparu avant devant le comité de l'industrie, au cas où il y ait de la confusion ou que certains aient le sentiment de ne pas s'être fait accorder leur juste part de temps.

Nous nous sommes rencontrés pour la première fois en décembre. Le projet de loi a été déposé pour la première fois à la Chambre en octobre. Il y a eu de nombreux rapports dans la presse pendant les mois d'octobre, novembre et décembre. Nous nous sommes rencontrés avec des renseignements... le but étant que le comité et le public connaissent les deux côtés de l'histoire. Nous avons rencontré le commissaire fédéral à la protection de la vie privée ainsi que les commissaires provinciaux, y compris celui de l'Ontario, avant notre congé de Noël. Le Parlement n'a pas siégé pendant le mois de janvier. Nous avons reçu des lettres, des mémoires et des demandes de témoins. Nous avons organisé nos audiences sur trois semaines en février, en fonction de ce que nous avions devant nous en janvier. Nous nous sommes de nouveau arrêtés pour une semaine à la fin du mois de janvier. Encore une fois, nous avons organisé notre calendrier d'audiences en fonction des mémoires et des renseignements que nous avions en mains.

Vous l'ignorez peut-être, mais je sais que la greffière a demandé aux témoins d'envoyer leurs mémoires à l'avance. Nous avons reçu les mémoires de certaines organisations à l'avance, mais malheureusement, en ce qui concerne le groupe de témoins qui comparaît devant nous aujourd'hui, nous n'avons reçu que certains de vos mémoires hier et le reste aujourd'hui. Par contre, en ce qui concerne l'industrie des assurances, nous avions reçu son mémoire plus d'un mois avant sa comparution.

• 1035

Nous avons reçu certains mémoires avant même d'inscrire dans notre calendrier les rencontres avec certaines organisations, et nous avons reçu de nombreux commentaires et lettres. Nous avons à la table aujourd'hui deux témoins qui, il y a dix jours, n'avaient même pas encore demandé à nous rencontrer, mais nous les avons inclus dans le groupe représentant le secteur de la santé afin de veiller à ce qu'il y ait une bonne participation et une bonne masse de renseignements.

L'objet de cette rencontre est d'entendre vos préoccupations, et il ne s'agit pas pour nous de tout simplement vous écouter puis de balayer tout cela. Nous voulons entendre vos préoccupations et les examiner. C'est là notre intention. Il est malheureux que les ministères provinciaux, lorsqu'ils rencontrent les ministères fédéraux... Il y a tout au long de l'année de nombreuses rondes de discussions avec le ministre fédéral de l'industrie, et je suis certaine que cette question a été abordée à la table. Je me ferai un plaisir de vous fournir davantage d'explications là-dessus, mais je suis certaine que cela a été soulevé et que le ministre de l'Ontario était à la table avec le ministre fédéral et savait qu'on discutait de cette question. Tout le monde était au courant de la conférence de l'OCDE tenue en octobre à Ottawa.

Nous allons maintenant passer à l'intervenant suivant, en la personne de M. Shepherd.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci beaucoup.

Je vais commencer par faire un commentaire, après quoi j'aborderai ma véritable question.

Il me semble que l'une des choses que nous tentons de régler est cette définition de «activité commerciale». En bout de ligne, si j'utilise l'exemple des médecins, ils sont en affaires; il s'agit de gens d'affaires qui travaillent pour un gain pécuniaire. Je ne sais pas, mais peut-être que toute cette question nous échappe quelque part et qu'il serait impossible de séparer les deux choses.

La question que j'aimerais vous poser, monsieur Sharpe, est la suivante: votre approche semble être qu'il y a un choix entre le respect de la vie privée et un système de soins de santé efficient, et je ne sais pas si j'accepte cet argument. En effet, pourquoi ne pourrait-on pas avoir les deux? Pourquoi ne pourrait-on pas avoir une bonne loi sur la protection de la vie privée et un bon système de soins de santé? Vous donnez l'exemple d'un homme âgé qui se fait donner des ordonnances dans un village en l'absence de différents... vous pouvez lui enfoncer une aiguille, alors pourquoi ne pouvez-vous pas lui demander son consentement?

M. Gilbert Sharpe: Tout l'objet de notre présentation était de dire qu'il nous faut des règles qui traitent de la question de la protection de la vie privée dans le contexte des renseignements sur les soins de santé, ce que n'offre pas le projet de loi C-54. Notre documentation comporte plusieurs pages expliquant la protection améliorée de la vie privée qui est proposée dans le projet de loi ontarien mais qui ne figure pas dans le projet de loi C-54. La difficulté est que lorsque vous traitez avec des personnes dont la capacité mentale est discutable, la question d'un consentement éclairé n'est pas du tout claire. Et si l'on devait établir dans le projet de loi C-54 des règles claires traitant de telles circonstances, créant un régime de processus décisionnel de rechange, et prévoyant le transfert de renseignements, en toute sécurité, entre professionnels des soins de santé, par exemple pharmaciens et médecins, qui se communiquent sans cesse des renseignements, cela permettrait également aux gens d'éviter des interactions néfastes entre médicaments. Cela serait suffisant, mais ce n'est pas ce qui s'est passé dans le cas du projet de loi C-54.

Le gros problème en bout de ligne semble être que dans de nombreux cas le projet de loi ne tient pas compte des questions liées à la continuité des soins et à la nécessité du partage de renseignements entre professionnels des soins de santé qui font partie de l'équipe soignante des patients. Nous ne parlons pas de divulgation de renseignements à des compagnies d'assurance ou à des employeurs. Nous parlons ici de personnes qui font partie de l'équipe et qui ont besoin de renseignements dans l'intérêt du maintien de l'uniformité de la fin visée, pour utiliser les termes qui figurent dans certaines de nos lois en matière de protection de la vie privée, ce de façon à être en mesure de soigner un patient et d'éviter qu'il ne souffre par inadvertance des suites d'interactions néfastes entre médicaments. C'est là la logique qui sous-tend cela.

M. Alex Shepherd: Je comprends ce que vous dites au sujet de personnes frappées d'incapacité, mais vous poursuivez avec une définition plus large des relations entre les prestateurs de soins de santé et tout le reste. Si j'ai une carte OHIP, pourquoi ne pouvez-vous pas me demander si je consens à la communication de renseignements envisagée? Pourquoi ne pouvez-vous pas faire cela?

M. Gilbert Sharpe: Dans la majorité des cas, nous demanderions un consentement éclairé. C'est là la prémisse du projet de loi et la prémisse du projet de loi C-54. Il s'agit de circonstances dans lesquelles des exceptions sont nécessaires pour, par exemple, des soins permanents et la reddition de comptes dans le système où... À titre d'exemple, dans notre mémoire nous parlons de cinq projets pilotes de soins primaires qui ont été entrepris en Ontario avec des bénévoles inscrits. Il n'existe à l'heure actuelle aucune loi qui permettrait la communication des renseignements entre fournisseurs de services à l'intérieur de ce réseau très intégré de pharmaciens, de laboratoires, de médecins, d'hôpitaux et ainsi de suite, de sorte qu'à l'heure actuelle, dans le cadre de ces projets pilotes, il nous faut le consentement de chaque personne. Ceux qui s'efforcent d'administrer les programmes me disent que c'est devenu un cauchemar de savoir qui obtient le consentement auprès de qui, qui pour les enfants, qui pour les adultes frappés d'incapacité, et quelles sont les lois en matière de tutelle qui s'appliquent.

• 1040

Cela ne milite pas contre la nécessité d'obtenir le consentement éclairé de la personne lorsque cela est possible, mais ce qui compte, ici encore, c'est que l'on parle de communication de renseignements au sein de l'équipe soignante elle-même. Ce serait analogue à une situation dans laquelle on serait à l'hôpital pour obtenir des soins et l'on serait en train de se demander si différents médecins de l'hôpital doivent obtenir le consentement de l'intéressé pour pouvoir se parler entre eux. À notre avis, cela est très différent de la communication de renseignements au monde extérieur, situation dans laquelle la protection de la vie privée est primordiale. C'est cette préoccupation qui a entravé l'exécution efficiente de nos projets pilotes.

Si le projet de loi C-54 était adopté, la situation serait encore aggravée. Mais nous tentons dans le cadre de nos propres lois d'inscrire le plus rapidement possible la capacité, avec l'entière compréhension et l'entière connaissance des personnes faisant partie du réseau des soins primaires, d'autoriser la communication de renseignements selon les besoins, ce de façon à assurer les soins sans créer d'entraves bureaucratiques et logistiques cauchemardesques telles que cela nuirait aux soins donnés. Ce sont là nos préoccupations.

M. Alex Shepherd: Pour en revenir à mon observation originale, y aurait-il moyen de déterminer où s'arrête une activité commerciale et où commencent les soins de santé? Pense-t-on pouvoir élaborer une définition, et donc une modification à la loi, de façon à couvrir cela? Auriez-vous une suggestion quant à la façon de procéder?

Mme Halyna Perun: Il s'agit certainement là d'une chose à laquelle nous aimerions travailler relativement à ces amendements: l'élaboration d'une disposition qui nous permettrait d'écarter de la portée de cette loi le secteur et les organismes de soins de santé de telle sorte que l'on puisse élaborer des lois provinciales qui s'occupent des besoins de la province.

Je voulais souligner qu'en ce qui concerne la question du consentement, ce que fait la loi sur la protection des renseignements personnels sur la santé, en ce qui concerne les soins de santé et la planification et la gestion, c'est permettre des utilisations autorisées, mais dans un contexte tel que les récipiendaires des renseignements ne peuvent s'en servir qu'aux fins explicitées. Si vous allez divulguer les renseignements pour, mettons, des fins commerciales, l'actuel libellé de la loi est tel que cela exigerait le consentement éclairé de la personne, et il y a des règles explicitant ce qu'est un consentement éclairé, chose qui n'est pas précisée dans le projet de loi C-54. Cela fait donc défaut dans le projet de loi.

En ce qui concerne la recherche, le projet de loi prévoit la possibilité de divulguer à des fins de recherche, mais ce que ferait notre loi en plus ce serait d'établir des limites applicables aux chercheurs. Si des renseignements vont être remis à des chercheurs, il faut que soient en place de solides règles en matière de confidentialité qui garantissent que des renseignements ne seront pas communiqués de telle sorte qu'on puisse en déduire l'identité des intéressés.

Nous sommes en train d'examiner cette situation. Nous demandons quelles limites nous pourrions imposer au mouvement de renseignements sur la santé, limites qui seraient adaptées au système de santé mais qui permettraient néanmoins des utilisations légitimes autorisées. Si donc nous prenons cette approche et travaillons à écarter de la portée du projet de loi C-54 ce qui doit en être écarté compte tenu des questions de soins de santé qui se posent, alors ce sera peut-être chose possible. Mais il faudra voir comment la législation ontarienne en matière de renseignements sur la santé traite de la question ainsi que ce qu'a fait le Manitoba en ce sens et ce qu'envisagent l'Alberta et la Saskatchewan.

La présidente: Merci, madame Perun.

Docteur Hutchinson.

Dre Susan Hutchinson: Si j'ai bien compris votre question, vous aimeriez savoir s'il y aurait moyen de diviser les renseignements qui sont du domaine commercial, et la position de l'AMC est que cela ne peut pas se faire.

Vous avez raison, les médecins exercent dans un contexte commercial, mais le caractère privé des renseignements sur les patients est le pénultième principe qui régisse ce que nous faisons. Il est impératif que nous sauvegardions ce principe. La relation thérapeutique entre un patient et son médecin souffrirait beaucoup si ce principe n'était pas maintenu. J'estime qu'il est très important. Le projet de loi C-54 est important. Il n'y a pas moyen de soustraire les renseignements sur la santé à l'application du projet de loi. En conséquence, ce dernier doit être modifié pour comprendre des dispositions garantissant que la vie privée des patients ne sera pas sacrifiée dans l'intérêt de la convenance ou de l'accès à l'information.

• 1045

La présidente: Très bien.

Madame Lucock.

Mme Carole Lucock: J'aimerais faire quelques petites remarques. Je trouve qu'il est incroyablement important que le comité s'efforce de voir si l'on peut honnêtement écarter le domaine commercial du domaine des soins de santé, et j'estime pour ma part que c'est une chose relativement difficile à faire.

La deuxième chose à laquelle il faut réfléchir est la suivante: si vous pouviez faire cela, s'il était clair que vous puissiez avoir un secteur des soins de santé et un secteur commercial, fourniriez-vous aux gens une exemption à l'application de votre projet de loi qui serait indésirable? Si aujourd'hui quelqu'un prétendait que l'on est actif dans le domaine de l'échange de renseignements sur la santé, que cela ne relève pas du domaine commercial et que, partant, votre projet de loi ne s'applique pas, est-ce là le genre de résultat que le comité aimerait favoriser?

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Shepherd.

M. Michael McBane: Puis-je faire une observation?

La présidente: Monsieur McBane, il me faut vraiment passer à quelqu'un d'autre. Excusez-moi.

Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Permettez-moi de poursuivre cette discussion. Je pense que c'est sans doute le noeud de l'affaire.

Je trouve que la question la plus intéressante qui ait été soulevée ce matin est celle de savoir où se situe Santé Canada et où se trouve une approche exhaustive à l'échelle du gouvernement sur cette question critique qu'est celle des énormes changements que l'on voit relativement aux renseignements et à la technologie en matière de santé? Permettez-moi donc de demander à Mike McBane... et je sais que vous étiez prêt à bondir au sujet du dernier point soulevé relativement à cette question. Vous avez dit qu'en l'absence d'autre chose, c'est ce que nous avons de mieux et qu'il nous faut donc l'appuyer car cela garantit certains droits en matière de protection de renseignements personnels, et il n'y a pas plus personnel que les renseignements sur la santé. Vous dites donc que l'on a à adopter cela en guise de première étape.

Je suppose que vous vous opposeriez farouchement à la position du gouvernement de l'Ontario en matière d'exemptions. J'aimerais connaître vos commentaires là-dessus. J'aimerais également savoir ce que vous pensez de l'amendement recommandé par l'AMC, et qui, si j'ai bien compris, vise à garantir que le respect de la vie privée l'emporte sur les intérêts commerciaux.

M. Michael McBane: Oui, j'aurais voulu ajouter quelque chose au sujet de l'aspect commercial.

Il est assez ironique que le ministère de la Santé de l'Ontario argue ce matin en faveur d'une exclusion pour les soins de santé commerciaux, alors même qu'il commercialise certains soins à domicile et communautaires. S'il était préoccupé par l'intégrité du système de soins de santé, alors il appuierait le respect de la vie privée. Il est l'enchérisseur et le porte-parole pour les intérêts commerciaux, et il est assez ironique mais plutôt encourageant de voir le ministère de l'Industrie protéger le consommateur. Il est difficile de savoir qui pense quoi. Il est incroyablement ironique que le système soit offert aux enchères. Nous ne connaissons pas les ramifications de la commercialisation, mais nous savons qu'il nous faut de la protection—en un sens, davantage encore—s'il risque d'être pris par une enchère privée.

Comment osez-vous dire que l'on va exclure cela? Vous n'avez jamais argué que vous allez l'exclure des accords de libre-échange. C'est scandaleux, mais ce que vous faites est évident.

La présidente: Monsieur McBane, pourriez-vous vous en tenir aux questions de Mme Wasylycia-Leis?

M. Michael McBane: En ce qui concerne la protection et la commercialisation, nous appuyons ce renforcement et nous avons bien sûr besoin de lois spécifiques de Santé Canada. Nous avons quelques réserves quant au code de l'AMC en matière de protection des patients par rapport aux médecins, mais c'est là une toute autre question.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Mike, vous avez soulevé un certain nombre de préoccupations relativement à certains changements qui s'opèrent dans les provinces, et ceux survenus au Manitoba n'en sont pas les moindres. Je peux vous dire que dans ma province l'on est très préoccupé par le fait que le gouvernement provincial ait cédé la responsabilité en matière de collecte et de divulgation de renseignements sur la santé à la Banque Royale qui, à son tour, a vendu 51 p. 100 de cette société à une entreprise de données électroniques du Texas. L'on aborde peut-être ici une question qui est du ressort des provinces, mais j'aimerais bien entendre quelques réactions là-dessus.

Vous avez également—et j'ignorais cela—mentionné le fait que le directeur de SmartHealth siège maintenant au Conseil consultatif sur l'infostructure sanitaire du ministre fédéral de la Santé. Que cela nous dit-il sur ce qu'envisage de faire l'actuel gouvernement, ou en tout cas le ministre de la Santé, relativement à toute cette question de renseignements sur la santé?

M. Michael McBane: Très brièvement, l'on constate chez Santé Canada une tendance très troublante. Dans différents services du ministère, les gens ont identifié l'industrie comme étant leur client, et cela nous inquiète qu'ils aient identifié les banques, les compagnies d'assurance et les compagnies pharmaceutiques comme étant leurs clients. On nous a également rapporté qu'ils oeuvrent à de la publicité directe auprès du consommateur pour les médicaments, ce qui aurait un impact épouvantable sur la politique en matière de santé. Si vous servez votre industrie en tant que client, il y a lieu de se demander sérieusement pourquoi Santé Canada ne protège pas l'intégrité des renseignements en matière de santé et l'intégralité de la recherche sur la santé avant de se lancer dans de quelconques partenariats.

• 1050

En ce qui concerne les lois provinciales et le sentiment que les lois provinciales en matière de protection de la vie privée présentent de très grosses faiblesses, Dieu merci, nous avons un gouvernement fédéral. C'est tout ce que je peux dire. Parfois, il nous faut un gouvernement fédéral qui intervienne lorsqu'il y a des trous. Il vous faut pouvoir vous reporter à un accord s'il y a quelque chose qui ne se fait pas réparer à l'échelle provinciale. Par ailleurs, que faire des questions transfrontalières? Elles sont fédérales. Bien sûr, la Constitution établit également des pouvoirs en matière de commerce, alors il est évident qu'il s'agit là d'un important intérêt fédéral. Lorsqu'il y a des trous au niveau provincial, cela me fait plaisir de voir que le projet de loi rehaussera les normes provinciales.

La présidente: Merci.

Dernière question, madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.

Tous les membres du panel ont évoqué la question de la nécessité que le gouvernement mette en place une politique à plus large assise. Le forum national sur la santé avait très clairement recommandé un système de renseignements sur la santé qui soit d'envergure nationale et qui rende compte au public. Je sais que nous ne disposons pas de suffisamment de temps pour que chacun des témoins réponde, mais si au moins quelques-uns d'entre eux pouvaient nous dire ce que cela signifie...

La présidente: Il vous faudra adresser votre question à l'un ou l'autre des témoins. C'est votre dernière question, alors je ne peux pas vous autoriser à la poser aux six témoins que nous avons devant nous.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Très bien. Dans ce cas, j'adresse ma question à l'ICIS. Que cela signifie-t-il, et que doit-on faire pour promouvoir cette idée?

Dr John Millar: Cela me ramène au commentaire que j'ai fait tout à l'heure au sujet de la carte routière, qui a en fait été conçue pour appuyer les structures de reddition de comptes à l'échelle du pays. Il s'agit notamment d'améliorer le mouvement d'information au sujet de la fréquentation hospitalière, de la consommation de produits pharmaceutiques et, en bout de ligne, de tous les aspects du système de soins de santé, en plus de pouvoir déterminer si le tout fonctionne de telle sorte que les gens s'en portent mieux. C'est là l'objet de cette structure de reddition de comptes. Comme je l'ai déjà dit, l'actuel libellé du projet de loi sera une entrave à la mise en oeuvre de cette carte routière, et c'est pourquoi nous pensons qu'il faut le modifier.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.

La présidente: Madame Jennings, je vous prie.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Monsieur McBane, j'ai beaucoup apprécié ce que vous avez dit au sujet des compétences fédérales et provinciales dans le domaine du commerce et dans celui de la santé.

Monsieur Sharpe, j'aimerais que vous imaginiez que je suis une étudiante en première année de droit. Mon premier cours en est un de droit constitutionnel. Vous êtes mon professeur et vous essayez de m'expliquer dans quels domaines il peut y avoir chevauchement entre les juridictions fédérale et provinciale.

[Traduction]

M. Gilbert Sharpe: Cela fait un moment depuis que j'ai enseigné à l'école de droit ici à Ottawa, et le droit constitutionnel n'était pas ma spécialité. Je vais néanmoins faire de mon mieux.

En ce qui concerne mon interprétation de la division des pouvoirs juridictionnels—et ceci intéressera mon collègue qui semble outré par le fait que notre mémoire appuie des mesures de protection des renseignements sur la santé qui sont de beaucoup supérieures à ce qui est prévu dans le projet de loi C-54—nous arguons tout simplement qu'il s'agit d'une question devant être réglementée par les provinces. Il est critique que des consultations soient menées auprès de tous les groupes avec lesquels nous avons discuté, y compris l'ensemble des organisations de consommateurs. Cependant...

Mme Marlene Jennings: Monsieur Sharpe, pourriez-vous être précis?

M. Gilbert Sharpe: Oui.

En ce qui concerne la question du partage constitutionnel, les soins de santé, la prestation des soins de santé et les produits dérivés de la prestation des soins de santé relèvent clairement de la compétence des provinces. Comptent parmi les principaux produits dérivés: la façon dont l'argent consacré à la prestation des soins de santé est géré; l'incidence de cas de fraude amenant du gaspillage d'argent; la façon dont les dossiers sont conservés et gérés; la façon dont les renseignements sont communiqués pour établir la preuve que les services de soins de santé concernés ont bel et bien été fournis et ainsi de suite.

[Français]

Mme Marlene Jennings: À l'intérieur de la même province?

[Traduction]

M. Gilbert Sharpe: Oui, c'est exact, à l'intérieur du territoire d'une seule et même province. Le projet de loi que nous sommes en train d'élaborer a été conçu en Ontario dans le but de réglementer le respect du caractère privé des renseignements sur la santé et leur divulgation ainsi que les questions d'abus, de reddition de comptes, d'efficience, de bons soins et de bons traitements.

[Français]

Mme Marlene Jennings: À l'intérieur de la province de l'Ontario. Alors, en tant que professeur de droit constitutionnel, expliquez-moi qui a juridiction dès que cette information traverse les frontières provinciales ou la frontière canadienne.

• 1055

[Traduction]

M. Gilbert Sharpe: Parce que cela correspond à des renseignements provinciaux sur la santé, encore une fois, l'on peut arguer qu'il y a un besoin. Cela est couvert dans notre projet de loi, ce dans le but de veiller à ce que l'on ne puisse pas communiquer de renseignements à une autre juridiction à moins que celle-ci n'ait des mécanismes de protection semblables aux nôtres.

Il y a également un rôle pour le gouvernement fédéral. Je crois fermement que c'est à ce niveau-là que l'on envisage une collaboration entre les paliers de gouvernement fédéral et provincial, par l'intermédiaire de Santé et Bien-être.

Madame la présidente, je m'excuse si j'ai donné l'impression qu'il n'y avait pas consultation au sujet du projet de loi C-54 avec les provinces, car il y en a eu. L'un de nos ministères a rencontré le vôtre, mais c'était celui de la Consommation et du Commerce, car il s'agissait de discussions sur le commerce. Au ministère de la Santé, ce n'est que tout récemment que nous y avons vu un projet de loi lié à la santé. C'était là le problème, et c'était là notre préoccupation. Alors oui, il y a eu une très bonne collaboration entre l'industrie et les ministères provinciaux, mais pas entre Santé et Bien-être et notre ministère de la Santé. C'était là notre préoccupation.

La présidente: Si cela ne vous ennuie pas, monsieur Sharpe, le ministère s'appelle Santé Canada. C'est son nom depuis 1993.

M. Gilbert Sharpe: Oui, Santé Canada...

La présidente: Ce n'est plus le ministère de la Santé et du Bien-être. Je voulais tout simplement vous mettre à jour.

M. Gilbert Sharpe: Très bien. Toutes mes excuses.

Quoi qu'il en soit, le problème est que le projet de loi C-54 s'applique au sein de la province...

[Français]

Mme Marlene Jennings: Monsieur Sharpe, est-ce que je peux vous interrompre?

Vous dites que la santé est de compétence provinciale à l'intérieur des frontières d'une province, mais que dès que l'information est utilisée dans une activité commerciale ou est transmise au-delà des frontières provinciales, elle devient de compétence fédérale. Est-ce bien ce que vous dites?

[Traduction]

M. Gilbert Sharpe: Non, je pense que...

[Français]

Mme Marlene Jennings: Parfait, parfait. Vous avez dit non. C'est très bien.

[Traduction]

M. Gilbert Sharpe: Très bien, pas forcément est la réponse.

Une voix: Oh! Oh!

M. Gilbert Sharpe: Je suis avocat.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Par conséquent c'est peut-être oui, peut-être non. C'est cela, votre réponse?

[Traduction]

M. Gilbert Sharpe: Oui.

[Français]

Mme Marlene Jennings: J'imagine que cela dépend des circonstances.

[Traduction]

M. Gilbert Sharpe: Je pense en effet que cela dépend des circonstances, oui.

[Français]

Mme Marlene Jennings: J'ai une autre question à vous poser, mais mon temps est limité, comme la présidente l'a expliqué à maintes reprises.

Si je ne me trompe pas, un seul des témoins que nous avons devant nous aujourd'hui demande que la santé soit exemptée de cette loi. Aucun des autres témoins ne le demande. Je m'excuse, mais on me dit qu'il y en a deux. Les autres ne demandent pas d'exemption, mais ils demandent toutefois que l'on peaufine certaines dispositions de la loi.

Monsieur Sharpe, je reviens à vous, mais Mme Willems peut répondre également. L'alinéa 27(2)d) traite de l'exemption d'un organisme, d'une catégorie d'organismes, d'une activité ou d'une catégorie d'activités lorsqu'une loi provinciale est substantiellement similaire. Ou bien vous n'avez pas lu cette disposition, ou bien vous trouvez qu'elle n'est pas suffisante pour vous rassurer. J'aimerais que vous m'expliquiez en quoi cette disposition ne répond pas à vos besoins.

Monsieur Sharpe, vous parlez de l'harmonisation. Je crois que, par cette disposition, la loi permet l'harmonisation.

[Traduction]

M. Gilbert Sharpe: C'est un excellent point, et je vous suis reconnaissant de l'avoir soulevé.

La difficulté réside dans l'emploi de l'expression «essentiellement similaire». Les bureaucrates fédéraux nous ont dit informellement, et cela est également exposé dans certains documents qui sont disponibles, qu'étant donné le nombre d'exemptions qui leur faut donner, il y a peu de chances qu'on nous en accorde une. Le problème est qu'au fur et à mesure que nous élaborons des lois dans la province par le biais de ce processus de consultation lancé en 1996, si nous élaborons des lois qui s'appliquent à l'intérieur de la province, à l'intérieur du territoire qui est de notre ressort, dans l'espoir qu'au bout de trois ans nous puissions obtenir une exemption... Si on ne nous accorde pas cette exemption, alors il y a confusion entre le secteur de santé commercial et le secteur de santé non commercial. Cela ne tient pas debout, car la santé, c'est la santé. Les dossiers et les renseignements en matière de santé devraient relever d'un seul instrument, d'un seul texte de loi.

• 1100

Ceci engendrerait davantage de confusion et d'inquiétude. Voilà nos craintes, car on nous a déjà dit que nos exemptions—que nous avons soigneusement élaborées de concert avec notre commissaire à la protection de la vie privée et maintes organisations de soignants et de consommateurs—ne répondraient pas au critère «essentiellement similaires».

Mme Marlene Jennings: Sur le plan commercial.

La présidente: Je pense que vous souhaitiez que Mme Willems réponde également.

Vouliez-vous répondre? Non?

D'accord, allez-y, madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: Sur le plan commercial.

M. Gilbert Sharpe: C'est une activité commerciale, mais nous ne voulons pas distinguer entre l'information médicale commerciale et non commerciale...

Une voix: Oh, et pourquoi cela?

M. Gilbert Sharpe: ... fournie aux soignants. Du point de vue des patients, toutes ces données sont pertinentes et importantes.

[Français]

La présidente: Madame Willems.

Mme Noëlle-Dominique Willems: Nous avons lu les exemptions.

Étant donné que la santé est un sujet d'importance primordiale pour les Canadiens et que la protection des renseignements privés est aussi d'importance primordiale, nous pensons qu'on ne peut pas faire entrer ces exemptions par la porte arrière et qu'une loi comme celle-ci n'est pas l'instrument idéal pour le faire.

Nous pensons que la protection des renseignements doit relever d'une seule loi qui n'aurait rien à voir avec les renseignements commerciaux, la santé ou le reste.

C'est pour cela que, même s'il y a des exemptions, nous croyons que ce n'est pas la bonne façon de procéder.

[Traduction]

La présidente: D'accord, merci beaucoup, madame Jennings.

Nous commençons déjà à dépasser le temps alloué. Si nos témoins le veulent bien, j'aimerais faire un deuxième tour, qui nous prendra probablement une demi-heure. Si les témoins peuvent rester, nous allons poursuivre. Est-ce que ça va?

Madame Meredith.

Mme Val Meredith: Merci, madame la présidente. Je suis ravie d'avoir un deuxième tour.

J'aimerais que l'on m'éclaire. Je crois savoir que le Québec possède une législation protégeant la confidentialité des renseignements médicaux, n'est-ce pas? L'Ontario a un projet de loi imminent. Est-ce que d'autres provinces se penchent également sur la question et ont-elles une législation similaire à ce que l'Ontario va mettre en place et que le Québec possède déjà?

Mme Halyna Perun: Le Manitoba a déjà une loi. Sa Loi sur la protection des renseignements médicaux personnels est déjà en vigueur. L'Alberta et la Saskatchewan sont à l'étape finale. L'Alberta a introduit un avant-projet pour avis, et la Saskatchewan a élaboré deux avant-projets pour avis et se prépare à l'introduction.

Mme Val Meredith: Donc, le gouvernement de la Colombie-Britannique et les provinces Atlantiques sont sans doute les seules à ne pas déjà avoir en préparation quelque chose qui se substituerait à ce projet de loi?

Mme Halyna Perun: Nous ne savons pas précisément si elles avancent aussi rapidement que les autres provinces, mais toutes les provinces participent à l'harmonisation de la législation en matière de renseignements médicaux actuellement en cours entre Santé Canada et les provinces et territoires.

La présidente: Docteur Millar, souhaitiez-vous répondre?

Dr John Millar: La Colombie-Britannique a en place une législation de protection de la vie privée qui s'applique à nos opérations.

Mme Halyna Perun: La Colombie-Britannique a une législation régissant la fonction publique qui couvre aussi les hôpitaux et autres soignants. Elle n'a pas une loi spécifique sur l'information médicale, mais sa législation pour le secteur public est de portée un peu plus large que celle de l'Ontario.

Mme Val Meredith: On peut donc dire que les provinces travaillent à tout le moins avec Santé Canada pour établir ce que cette loi cherche à faire, et qu'il y a un partenariat ou une collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral pour tenter de régler le problème que vous êtes venus soulever aujourd'hui. Il s'agit donc de savoir si c'est une meilleure façon de procéder. Vaut-il mieux laisser Santé Canada poursuivre ce processus ou bien cette loi peut-elle au moins régler quelques aspects du problème à court terme, en attendant que Santé Canada, en collaboration avec les provinces, élabore une législation provinciale susceptible de régler ce problème?

• 1105

La présidente: À qui adressez-vous la question, madame Meredith?

Mme Val Meredith: Encore une fois, je pense qu'ils devraient tous avoir la possibilité de répondre, particulièrement les organisations nationales. J'aimerais également entendre l'avis du gouvernement ontarien, de M. Millar et de Mme Willems.

La présidente: Je leur demanderai à tous de répondre brièvement, en commençant avec M. Sharpe.

M. Gilbert Sharpe: Oui, très brièvement je sais. Désolé, madame la présidente, je sais que j'ai du mal.

Je pense qu'il est possible de continuer à travailler avec Santé Canada. Nous avons eu des discussions avec Santé Canada il y a quelques années en vue de l'inscription de cela à l'ordre du jour de la conférence sur l'uniformisation des lois. Il s'agit d'un regroupement des Commissions de réforme du droit provinciales, territoriales et fédérale en vue d'uniformiser les lois provinciales. Nous l'avons déjà fait dans le domaine des greffes d'organes et de la santé mentale. Il y a d'autres exemples, et je pense que la législation sur les renseignements médicaux et la protection de la vie privée en est un. Nous devons travailler avec Santé Canada et il n'y a pas à choisir entre une législation fédérale et une législation provinciale, il faut une législation complémentaire sur la protection des renseignements médicaux.

Je pense qu'il y a un rôle légitime pour le ministère de la Santé fédéral, dans des domaines tels que la recherche à l'échelle nationale, les subventions fédérales de recherche, ce genre de choses. Il pourrait y avoir quelques domaines complémentaires où les provinces vont légiférer tout en imbriquant notre protection de la vie privée et notre législation de gestion avec la législation fédérale en matière de santé et de bien-être social. Je serais ravi de participer à cette initiative.

Mme Val Meredith: Mais n'est-ce pas déjà en train?

La présidente: Non, madame Meredith, vous ne pouvez poser une question à chacun, puis les interrompre.

Madame Lucock.

Mme Carole Lucock: Il importe certainement que l'information médicale jouisse de la même protection dans tout le pays, avec une très forte protection de la vie privée des patients. C'est ce que nous pensons, et nous croyons que nos patients pensent de même.

Il y a certes eu des lois au niveau provincial, mais nous estimons qu'elles ne protègent pas suffisamment la vie privée des patients, et c'est pourquoi nous avons des réserves. En outre, ces lois ne sont pas identiques. Il y a tout un ensemble disparate d'initiatives à travers le pays. Pensez que tout le monde va se retrouver avec exactement la même législation, au niveau provincial et fédéral... Ce n'est pas exclu et ce serait très souhaitable, mais nous ne sommes pas certains qu'il en sera ainsi.

La présidente: Docteur Millar.

Dr John Millar: Il me semble que la question était de savoir s'il y a une autre façon de s'y prendre au lieu de procéder avec ce projet de loi, et je pense que la réponse est non. Ceci est la bonne façon de procéder. Il faut adopter ce projet de loi à cause du caractère disparate des lois provinciales et parce que cet ensemble disparate ne couvre pas les transmissions interprovinciales de données, etc. Ma réponse est donc que ce projet de loi doit être adopté.

La présidente: Madame Willems.

Mme Noëlle-Dominique Willems: Il faut l'adopter, à condition que l'information commerciale soit très clairement définie. Comme nous l'avons dit, il n'y a pas réellement de distinction à ce stade entre l'information médicale et l'information commerciale, et le comité doit y remédier impérativement.

Notre mémoire et nos quatre recommandations disent qu'il faut un effort concerté d'Industrie Canada, du ministère de la Justice et de Santé Canada pour mettre au point un instrument approprié de protection de la vie privée.

La présidente: Monsieur McBane.

M. Michael McBane: Nous sommes fortement partisans de l'adoption du projet de loi avec des améliorations. Évidemment, nous encourageons également Santé Canada à introduire une législation pour distinguer entre la recherche dans l'intérêt public et les activités commerciales, mais ce n'est pas réellement votre travail.

La présidente: Merci.

Monsieur Speers, avez-vous des commentaires?

Dr Richard Speers: Je me sens ici comme le dernier des lobbyistes pour le tabac.

Nous sommes partisans d'une initiative fédérale, simplement pour empêcher la création d'un paradis des données. Nous avons suffisamment de documentation et nous aimerions que la loi consacre le principe que le patient possède et contrôle l'information. Pour citer l'un des rapports du commissaire à la protection de la vie privée, ne laissez pas les dossiers médicaux devenir un sport-spectacle.

La présidente: Merci.

Membres, ceci ne va réellement fonctionner que si nous posons des questions brèves et obtenons des réponses brèves. Dans ce contexte, nous allons passer à M. Keyes.

M. Stan Keyes: Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis ravi d'avoir une deuxième occasion, car je veux en terminer avec M. Speers.

Des voix: Oh, oh!

M. Stan Keyes: Rectifiez si je me trompe, monsieur Speers, mais vous m'avez donné l'impression que votre doléance ici ne porte pas nécessairement sur le projet de loi C-54, mais sur les compagnies d'assurance et leurs formulaires.

Dr Richard Speers: Nous avons utilisé les compagnies d'assurance à titre d'exemple.

M. Stan Keyes: Y en a-t-il d'autres?

Dr Richard Speers: C'est celui que nous connaissons le mieux. Je pourrais utiliser peut-être aussi Revenu Canada, mais le code CSA ne s'applique pas à lui.

M. Stan Keyes: Je dois souscrire à la position de M. Speers, madame la présidente, en ce sens que dans l'état actuel des choses, nous avons un vide tel que M. Speers et les dentistes du Canada se heurtent aux compagnies d'assurance. Mais maintenant, avec ce projet de loi, j'imagine que M. Speers va sauter de joie et applaudir, parce que dorénavant il pourra saisir de sa doléance une tierce partie, le commissaire à la protection de la vie privée. S'il a un problème, dorénavant une tierce partie va s'en charger. N'est-ce pas?

• 1110

Dr Richard Speers: À condition que le prochain commissaire à la protection de la vie privée ne vienne pas du milieu des assurances ou des banques ou des services financiers...

La présidente: Monsieur Speers, il vous intéressera peut-être de savoir que le commissaire est notre prochain témoin et qu'il est dans la salle. J'ai pensé qu'il serait bon que vous le sachiez.

M. Stan Keyes: Il est n'est ni banquier ni assureur.

Dr Richard Speers: En ce moment, nous avons un Commissariat à la protection de la vie privée très fort et indépendant, mais cela pourrait changer selon les aléas de la vie politique.

M. Stan Keyes: D'accord, j'accepte la réserve. Mais, indépendamment de cela, n'est-ce pas là réellement pour vous l'occasion? C'est une occasion pour vous. C'est là la tierce partie qui pourrait régler le problème.

Dr Richard Speers: C'est très possible.

M. Stan Keyes: D'accord. Bien.

Revenons à M. Sharpe. Vous savez quoi, monsieur Sharpe? J'ai quelques problèmes avec ce que vous nous dites aujourd'hui. Je ne suis pas avocat. Beaucoup de gens me félicitent de ne pas l'être. La présidente est avocate.

Vous dites dans votre mémoire que le gouvernement fédéral, avec son projet de loi C-54, fera obstacle à la prestation, la planification et la gestion des soins de santé et de la recherche. Vous allez loin. Pourtant, l'alinéa 27(2)(d) dit que si la législation d'une province, essentiellement similaire à la partie 1, s'applique à une organisation, une catégorie d'organisations, à une activité ou catégorie d'activités, etc., elles sont exemptées. Par conséquent, la loi provinciale aura préséance.

Vous dites ensuite que cela pose un problème—et rectifiez si je me trompe—parce que la législation provinciale comporte un certain nombre d'exemptions qui ne se retrouvent pas dans la loi fédérale, le projet de loi C-54.

Vous dites que la santé est la santé, mais est-ce que certains d'entre nous n'ont pas des raisons de considérer qu'il y a un petit côté commercial au travail des médecins et que c'est là le reproche que nous faisons aux exemptions de la législation provinciale? Est-ce que le projet de loi C-54 n'est pas plus strict, contrairement à ce que vous pensez, car vous croyez que la législation provinciale est plus rigoureuse? Est-ce que la législation fédérale n'est pas beaucoup plus rigoureuse parce qu'elle ne comporte pas certaines exemptions pour l'AMC et les médecins, vu qu'en fait les médecins ont quantité de possibilités commerciales exemptées chez vous qui ne le seraient pas aux termes de ce projet de loi?

M. Gilbert Sharpe: Tout dépend de ce que vous considérez comme rigoureux. Le fait d'avoir moins d'exemptions signifie qu'il y aura moins de possibilités de partager l'information. Certains applaudiront à cela et diront, très bien, rallions les autres à cela; c'est le principe du projet de loi C-54. Cependant, les soignants en Ontario, les médecins et autres, disent que cela va nuire à la capacité de soigner les gens. Ce que nous avons donc essayé de faire, c'est d'élaborer une législation au niveau provincial qui assure la continuité des services et le partage des services grâce aux systèmes intelligents assortis de mécanismes de reddition de comptes.

M. Stan Keyes: Voyons cela d'un peu plus près.

La présidente: Monsieur Keyes, est-ce là votre dernière question?

M. Stan Keyes: Oui.

Voyons cela d'un peu plus près et ensuite je me tairai et laisserai M. Sharpe répondre.

Par exemple, est-ce que les membres de l'AMC, les médecins, transmettent des renseignements sur les patients à d'autres organisations ou reçoivent en échange des services en nature?

M. Gilbert Sharpe: Je ne peux réellement répondre à cela.

M. Stan Keyes: Oh, je pense que vous pouvez. D'accord, alors demandons à un médecin...

M. Gilbert Sharpe: Laissez-moi finir, si vous voulez bien.

J'ai certainement connaissance du rôle des ordres provinciaux de médecins et chirurgiens et je sais qu'un médecin qui divulgue ce genre d'information et se livre à ce genre d'activité commet une faute professionnelle.

M. Stan Keyes: Mais il n'est pas besoin d'aller aussi loin que cela. Un cabinet de médecin fait son travail et partage des renseignements avec les compagnies pharmaceutiques. Ces dernières font leurs enquêtes et leur travail et ont besoin de ces renseignements, qui proviennent des cabinets des médecins, n'est-ce pas?

• 1115

M. Gilbert Sharpe: S'il s'agit de renseignements sur des patients identifiables sans leur consentement, ce médecin pourrait perdre sa licence. C'est une infraction très grave, et l'ordre des médecins...

M. Stan Keyes: Vous me dites que si une compagnie pharmaceutique, dans le cadre de son travail d'enquête, etc., place un ordinateur dans le cabinet du médecin pour accumuler les données dont elle a besoin—et qu'il y a des services en nature, tels que des échantillons donnés au cabinet—cette compagnie pharmaceutique n'a pas accès aux renseignements sur le patient?

M. Gilbert Sharpe: La réponse est que si elle a accès au dossier médical du patient sans son consentement, alors c'est une infraction qui relève de l'ordre des médecins et qui sera très durement sanctionnée. Ce n'est pas un comportement licite. Les dossiers des malades sont confidentiels et ils ne doivent pas être divulgués.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Keyes.

[Français]

Monsieur Dubé, est-ce que vous avez d'autres questions?

M. Antoine Dubé: Oui.

Je vais laisser le champ constitutionnel. Deux aspects du projet de loi semblent inquiéter certains témoins.

Il y a tout d'abord le fait que les normes sont placées en annexe. J'imagine que vous avez lu les normes en question. Je ne les ai pas comptées, mais je pense qu'il y en a une dizaine. Comme elles sont rédigées au conditionnel, on y dit que l'on «pourrait» faire ceci ou cela, et certains ont dit que ce n'était pas très sévère, que ce serait plutôt des recommandations.

Même les représentants du Barreau canadien nous ont dit hier qu'il faudrait que les dispositions qui sont de nature obligatoire ne soient pas placées en annexe mais figurent plutôt dans le corps de la loi.

Les représentants du Barreau canadien, ainsi que d'autres témoins, nous ont signalé une autre disposition qui est vraiment inhabituelle, soit le fait que l'annexe, qui comprend les normes, peut être amendée par le gouverneur en conseil. Il faut savoir que «gouverneur en conseil» signifie que c'est le Conseil des ministres qui y verra et que, par conséquent, ce ne sera pas nécessairement soumis à la Chambre.

On a dit également que cela dépendrait du commissaire. Mais que se passerait-il si on avait un nouveau ministre de l'Industrie qui était très en faveur de l'industrie ou de la commercialisation et qui décidait d'aller dans un sens ou dans l'autre?

Je constate que M. McBane est très soucieux de la protection des renseignements personnels. Je peux le comprendre car je partage ces valeurs. Mais il faut se demander si ces deux points sont inquiétants.

On ne sait pas ce qui se passera après la prochaine élection. Même si l'on suppose que l'actuel ministre est très bon dans son domaine, un nouveau ministre pourra décider, seul, de changer cela, tant dans un sens que dans l'autre. Est-ce que ces aspects du projet de loi ne vous inquiètent pas?

[Traduction]

La présidente: Madame Lucock, souhaitiez-vous intervenir?

Mme Carole Lucock: Mon commentaire serait de dire, en gros, que nous sommes dans une certaine mesure d'accord avec vous là-dessus. Nous avons déclaré que nous pensons qu'il s'agit d'un premier pas. Nous ne pensons pas que les normes qui sont présentement prévues dans le projet de loi C-54, dans la mesure où elles s'appliqueraient aux renseignements sur la santé, soient suffisamment exigeantes. C'est en gros sur cela que repose ce que nous tentions d'expliquer au comité.

La présidente: Monsieur McBane.

M. Michael McBane: Je pense que ce sont là de bons points. Je ne sais trop pourquoi cela figure à l'annexe, mais si c'est de ce fait plus faible et plus exposé aux changements politiques, alors il faudrait manifestement insérer cela ailleurs pour le renforcer.

Bien évidemment, nous sommes également très préoccupés par le fait que les sanctions ne soient pas assez sévères et que les abus puissent être énormes. Si un sénateur peut aller en prison pour une affaire de fraude, théoriquement, un cadre d'une multinationale qui fouille systématiquement pour des renseignements médicaux devrait être mis en prison. Nous aimerions donc voir des sanctions plus sévères et, plus important encore, nous aimerions que le commissaire à la protection de la vie privée dispose des ressources nécessaires.

[Français]

Il faut donner l'argent et le personnel mais aussi définir le mandat pour faire ce travail. C'est donc un autre aspect très important. Il y a les droits, mais il faut pouvoir les appliquer.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Speers.

Dr Richard Speers: Je pense que M. Dubé présente de merveilleux arguments pour un gouvernement minoritaire, mais nonobstant cela, l'ancien ministre de la Santé de l'Ontario a tenté de faire adopter à la hâte le projet de loi omnibus. Et le tollé du public et le fort éloquent commissaire à la protection des renseignements et de la vie privée se sont occupés de la façon dont les projets de loi peuvent être soumis au fer à repasser à la Chambre.

• 1120

Je comprends donc très bien ce que vous voulez dire, mais ce qu'il y a de merveilleux dans ce pays c'est que nous pouvons être d'avis contraire et nous pouvons joindre des gens comme vous, alors il y a tout lieu d'espérer que le système nous protégera contre cela.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Dubé.

Madame Barnes.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je souhaite présenter mes excuses aux témoins. J'avais un conflit d'horaire un petit peu plus tôt, mais cela fait un moment que je me prépare pour votre comparution, et je suis très heureuse que vous soyez des nôtres.

Pour votre gouverne, j'aimerais souligner, dans le cadre de notre discussion d'aujourd'hui, que le livre blanc de consultation sur le projet de loi a été rendu public en janvier 1998 et, comme l'a dit le représentant de l'Ontario, la conférence sur les lois uniformes avait inscrit cette question à son ordre du jour l'été dernier, et je sais que le gouvernement de l'Ontario était représenté à cette réunion.

Plus de 100 groupes ont répondu dans le cadre de la consultation, et consulter, ce n'est pas prendre le téléphone et appeler les gens à tour de rôle. Il y a en place un système, et je sais que les fonctionnaires du ministère de l'Industrie ont parcouru le pays l'été dernier pour tenir des réunions ouvertes au sujet du projet de loi. Cela étant dit, je suis préoccupée par l'exploitation commerciale de données en matière de santé. Par exemple, si j'ai bien compris, l'ICIS possède environ 14 bases de données en matière de santé. Est-ce bien cela?

Dr John Millar: Nous en avons un grand nombre, mais je ne saurais vous donner le chiffre exact.

Mme Sue Barnes: Et vendez-vous certaines d'entre elles à des entreprises commerciales, à des intervenants commerciaux...?

Dr John Millar: Non.

Mme Sue Barnes: Jamais?

Dr John Millar: Non.

Mme Sue Barnes: Arrive-t-il que certains des renseignements en votre possession...? Vous l'avez déjà déclaré aujourd'hui, alors je me contenterai de répéter que ces renseignements traversent des frontières...

Dr John Millar: Absolument.

Mme Sue Barnes: ... au moins à l'intérieur du pays, et potentiellement ailleurs.

Dr John Millar: À l'intérieur du pays.

Mme Sue Barnes: Mais les personnes qui obtiennent ces renseignements pourraient alors les utiliser d'une autre façon qui échappe à votre contrôle, pour les transmettre de l'autre côté d'autres frontières?

Dr John Millar: Pas avec des éléments d'identification. Non.

Mme Sue Barnes: Mais cela peut arriver, en l'absence d'éléments d'identification?

Dr John Millar: Bien sûr, s'il s'agit de données globales. Mais pas dans le cas de données sur une personne identifiée.

Mme Sue Barnes: Merci.

Admettons que je suis une patiente qui a un cancer ou un problème cardiaque et que je soupçonne que la raison pour laquelle je n'ai pas eu certaines promotions dans ma carrière est que certains renseignements me concernant se sont retrouvés dans le dossier de mon employeur. Et peut-être qu'après m'être fait refuser quelques promotions je décide que je n'ai plus à en attendre chez mon employeur et que je vais chercher un poste ailleurs. J'y découvre alors qu'il m'est impossible d'obtenir un emploi ailleurs, peut-être parce que quelqu'un a par inadvertance révélé quelque chose au sujet de mon état de santé, ce quelque chose figurant dans mon dossier au service du personnel.

À l'heure actuelle, au Canada—et j'adresse cette question à M. McBane—à qui puis-je m'adresser pour obtenir de l'aide?

M. Michael McBane: Je trouve que c'est une bonne question et la plupart des Canadiens ne savent pas à quel point ils sont vulnérables aux abus pouvant être commis par les industries de la santé. Je me trompe peut-être, mais je devine que l'ICIS vend des renseignements à des compagnies d'assurance. D'ailleurs, vous n'obtenez rien de l'ICIS à moins de payer. Pour y avoir accès, il faut payer.

Dr John Millar: Cela est faux, madame.

M. Michael McBane: Et ceux qui ont de l'argent, ce sont les industries.

Mme Sue Barnes: Pour l'instant, cela ne m'intéresse pas, les allégations. Je suis madame tout le monde, et j'ai du talent. J'ai 40 ans, j'ai une famille à nourrir, et tout d'un coup j'apprends que je suis bloquée dans ma carrière car des renseignements dans mon dossier au service du personnel dont je pensais qu'ils allaient être protégés ont maintenant une incidence sur ma capacité de gagner ma vie.

La présidente: Madame Willems.

Mme Noëlle-Dominique Willems: Ce qu'il vous faut savoir, par exemple, relativement au cas que vous soulevez, est qu'il existe des lois et des règles très strictes régissant la communication de ce genre de renseignements, d'informations—et je vais prendre cela comme exemple, puisque c'est celui que je connais le mieux—à une compagnie d'assurance. Votre employeur n'a pas accès à ces données. Par conséquent, si vous soupçonnez votre pharmacien ou votre médecin d'avoir été bavard, il vous faut recourir à leurs collèges respectifs.

Mme Sue Barnes: Merci.

Si j'ai bien compris, aujourd'hui, beaucoup de gens sont en train de me dire qu'il y a un projet de loi et qu'il y a des lois existantes. Je vais prendre l'exemple du Manitoba qu'a soulevé mon collègue. La Loi du Manitoba ne couvre pas le secteur privé, les compagnies pharmaceutiques, les cliniques de médecine sportive ou les compagnies d'assurance.

J'aimerais en fait faire une déclaration. D'après ce que j'ai compris, en Ontario, on est en train de se vanter à l'heure actuelle au sujet de la protection de la vie privée en matière de santé mentale. Je peux vous dire que dans une vie antérieure, j'ai eu l'occasion, à cause d'un rôle spécial que j'ai eu à jouer, d'examiner les dossiers médicaux de patients soignés pour des problèmes de santé mentale, et dans ces dossiers médicaux, j'ai trouvé des exemples de ouïe-dire. En fait, j'ai trouvé des coupures de presse dans des dossiers médicaux.

• 1125

Par conséquent, en dépit du fait que le projet de loi soit très bien intentionné, je crains qu'il y ait dans le système un risque d'abus considérable. C'est pourquoi il faut établir un seuil à l'échelle du pays. J'inviterai chaque province et territoire du pays à commencer par adopter des lois plus strictes en matière de protection de la vie privée.

Mais en attendant, je peux vous dire que le processus qui passe par une conférence sur des lois uniformes demande des années et des années, et personne à cette table ne dira le contraire. Je peux vous dire qu'en attendant que d'autres provinces et juridictions s'organisent et commencent à progresser, le gouvernement fédéral a, je pense, de bonnes raisons d'agir. L'un quelconque d'entre vous pourrait-il, la conscience tranquille, dire au comité que nous devrions aujourd'hui retirer au gouvernement fédéral son outil en matière de pouvoir commercial légitime? Je songe à des tonnes d'exemples. Par exemple, nous allons voir...

Je pense que je me suis fait comprendre. Merci.

La présidente: Docteur Hutchinson, souhaitez-vous répondre.

Dre Susan Hutchinson: Oui, merci.

Je pense que l'AMC comprend et reconnaît vos préoccupations en matière de renseignements sur la santé. Nous croyons que le projet de loi C-54 est approprié et qu'il englobera les renseignements sur la santé, et, partant, qu'il pourra être modifié pour veiller à ce que ces renseignements sur la santé soient protégés à l'échelle et fédérale et internationale. Le projet de loi est important. Il est approprié. Il offre la possibilité de protéger les renseignements sur les patients, et cela nous est essentiel, en tant que Canadiens.

La présidente: Merci.

Monsieur Speers, et je vous demanderais d'être bref.

Dr Richard Speers: Je serai très bref.

Je pense que le scénario que vous avez décrit correspond tout à fait à ce que nous disons en tant qu'organisation depuis des années déjà. Dans le scénario que vous venez d'esquisser, vous avez perdu et le contrôle et la propriété de vos propres données, et c'est précisément à ce problème que nous nous attaquons. Cela me fait peur lorsque les gens partagent mon point de vue, mais je pense que nous sommes sur la même longueur d'onde.

Mme Sue Barnes: Même des politiciens pensent...

La présidente: Excusez-moi, mais il me faut contrôler le déroulement des opérations. Je m'excuse auprès des membres du comité qui attendent toujours de poser des questions, mais je ne pourrai autoriser qu'une question par député. J'ai sur ma liste M. Jones, M. Shepherd et Mme Wasylycia-Leis. Une question chacun, je vous prie.

M. Jim Jones: Il s'agit d'une question que j'ai déjà posée. De nombreux témoins ont affirmé que les pouvoirs d'examen et de vérification du commissaire à la protection de la vie privée, énoncés aux paragraphes 12(1) et 18(1), sont excessifs. Ils ont cité tout particulièrement les pouvoirs de perquisition ou de saisie du commissaire et qui sont énoncés dans ces articles. Êtes-vous comme beaucoup d'avis que le commissaire devrait être tenu d'obtenir une ordonnance de la cour avant d'exercer ses pouvoirs de perquisition et de saisie?

La présidente: Madame Lucock.

Mme Carole Lucock: Notre exposé n'avait pas pour objet d'être aussi précis, alors je ne saurais répondre tout de suite à cette question.

Dr Richard Speers: Nous n'appuierions aucune mesure qui violerait la Charte canadienne des droits et libertés.

La présidente: Très bien. Merci, monsieur Jones.

Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd: J'aimerais tout simplement demander un éclaircissement à l'AMC. Je n'ai pas très bien compris ce que vous disiez tout à l'heure, en ce sens que vous semblez appuyer le concept d'une exclusion. Vous n'appuyez pas... Très bien, vous voulez donc être couverts par ce projet de loi, n'est-ce pas?

Vous avez exprimé vos préoccupations quant au respect du caractère privé des dossiers médicaux se trouvant dans les bureaux de médecins, etc., et avez déclaré que vos normes sont de loin supérieures à celles prévues dans le projet de loi. Cela ne vous préoccupe donc pas, n'est-ce pas?

Mme Carole Lucock: Si le projet de loi n'est pas modifié, nous craignons que, dans son libellé actuel, il n'accorde pas une protection suffisante aux renseignements sur la santé. C'est ce que nous pensons. Tout comme vous, donc, nous avons utilisé comme modèle l'Association canadienne de normalisation. Vous voudrez peut-être en discuter avec le commissaire fédéral à la protection de la vie privée, et d'après ce que j'ai compris, vous allez justement le rencontrer. Il a appelé notre code le serment d'Hippocrate de l'ère de l'information. Nous n'avons donc pas travaillé isolément des autres parties prenantes, et nous avons travaillé très étroitement avec le commissaire à la protection de la vie privée.

Nous pensons que ce que nous avons élaboré protège très bien la vie privée des patients et le caractère confidentiel des renseignements les concernant. Nous ne pensons pas que le projet de loi aille en ce moment assez loin en ce sens, mais il pourrait être modifié pour protéger comme il se doit la vie privée des patients.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.)): Thank you.

Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci beaucoup.

J'aimerais tout simplement enchaîner avec une question découlant de ce qu'a mentionné Sue Barnes relativement à l'ICIS, et il s'agit d'une question importante car l'ICIS ne cesse d'être mentionné relativement au système de Santé Canada en ce qui concerne l'inforoute sur la santé.

• 1130

Nous avons entendu diverses opinions ici ce matin. Mike, de la Coalition, a dit qu'il y a un problème en matière de véritable reddition de comptes au public et il a également parlé de l'absence de liens avec un quelconque intérêt commercial. Vous semblez dire le contraire, John. J'aimerais que chacun de vous me dise si vous pensez que ceci est un véhicule approprié pour les systèmes d'information sur la santé.

La présidente: Docteur Millar.

Dr John Millar: Que demandez-vous exactement?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Ce dont nous avons parlé précédemment c'est de la nécessité pour un système de santé d'être administré par un organisme devant rendre des comptes au public. La question de Sue Barnes vise à savoir si l'ICIS pourrait être cet organisme. Étant donné qu'on ne cesse de mentionner votre organisation relativement à Santé Canada, il nous faut en avoir le coeur net. Je vous demande de réagir à ce qu'a laissé entendre Mike McBane.

Dr John Millar: Je vous remercie de poser cette question et de m'offrir l'occasion de tirer les choses au clair. L'institut a été créé par le gouvernement en tant qu'organe indépendant. Il rend compte à la conférence fédérale-provinciale- territoriale de sous-ministres de la Santé et a été identifiée par eux comme étant la conduite par laquelle la carte routière sera administrée.

Elle sera administrée en tant qu'initiative conjointe des instituts, de Statistique Canada et de Santé Canada. Les trois principales agences y sont identifiées. Elle fonctionnera probablement en vertu d'un protocole d'entente qui tirera au clair les différents rôles de ces trois organismes. La structure de reddition de comptes est telle que les données en matière de dépenses d'utilisation des services de soins de santé, de main-d'oeuvre et autres arrivant à l'organisation seront normalisées et rendues disponibles sous forme de rapports qui constitueront les mécanismes de reddition de comptes.

Il n'existe absolument aucune entreprise commerciale en ce sens que nos données ne sont pas communiquées contre de l'argent ou à une quelconque autre fin à des entités commerciales telles des compagnies d'assurance, des sociétés pharmaceutiques ou autres. Les données sont de temps en temps communiquées à Statistique Canada et à des organismes de recherche reconnus en tant que tels dans ce pays. Cela se fait parfois selon une formule de remboursement de coûts, car il y a des coûts de traitement, mais le but n'est pas de réaliser un profit. Il s'agit de rentrer dans nos frais mais pas du tout de réaliser un quelconque profit.

La présidente: Merci beaucoup, docteur Millar.

Madame Jennings, une question, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Ma question, à laquelle on peut répondre par oui ou non, est la suivante: jugez-vous qu'un amendement apporté au projet de loi pour assurer la primauté de cette loi dans le domaine de la protection des renseignements personnels serait une amélioration, si on ne prévoyait que deux cas d'exception: soit dans le cas où la protection accordée par une autre loi serait plus grande, que les normes de protection seraient meilleures, soit dans le cas où l'autre loi contiendrait une clause nonobstant?

Je suis Québécoise de naissance et d'éducation. Monsieur Sharpe, je me demande depuis quand le gouvernement de l'Ontario est devenu un gouvernement sécessionniste. C'est tout.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Speers.

Dr Richard Speers: Excusez-moi. Je n'ai pas très bien suivi lorsque vous avez parlé de l'aspect gouvernement sécessionniste.

La présidente: Monsieur Sharpe, la première partie de la question.

Dr Richard Speers: Un simple amendement suffira pour régler les questions en matière de santé. Je ne pense pas pouvoir répondre mieux que cela.

La présidente: Très bien. Merci.

Monsieur McBane, auriez-vous des observations à faire au sujet de sa première question?

M. Michael McBane: Non.

La présidente: Madame Willems.

[Français]

Mme Noëlle-Dominique Willems: Je reviens à ma réponse originale, soit qu'il ne faut pas essayer de détourner ce projet de loi pour en faire ce qu'il n'est pas. Donc, il vaudrait mieux travailler sur quelque chose qui emporterait l'adhésion du domaine de la santé et du domaine de la justice pour en faire un instrument valable pour tous les Canadiens.

[Traduction]

La présidente: Docteur Millar.

Dr John Millar: Nous pensons que ce projet de loi pourrait fonctionner avec un amendement. La réponse, donc, est oui, mais pas avec le libellé que vous avez utilisé, car si le projet de loi était modifié pour correspondre à la même rigueur, cela entraverait le mouvement d'information dans le contexte actuel. Nos activités mériteraient une certaine considération.

• 1135

La présidente: Docteur Hutchinson.

Dre Susan Hutchinson: Non. Je pense qu'avec ces conditions, nous ne pourrions pas garantir le respect des normes élevées en matière de protection de la vie privée que méritent les Canadiens.

Mme Carole Lucock: Pour ajouter quelque chose, je pense que M. Speers a vraiment mis dans le mille: c'est plus complexe qu'une simple réponse par oui ou par non.

La présidente: Très bien. Monsieur Sharpe.

M. Gilbert Sharpe: Nous aimerions voir des lois en matière de santé, et non pas en matière de commerce, qui traitent des soins de santé... et que les gouvernements fédéral et provinciaux travaillent ensemble. L'Ontario appuie un fédéralisme coopératif avec les provinces. C'est ce que nous voulons. Nous ne pensons pas qu'un projet de loi en matière de commerce, avec ou sans exceptions, fera l'affaire.

La présidente: Merci. J'aimerais remercier nos témoins d'avoir été des nôtres. Le comité va faire une pause de cinq minutes. Nous avons prévu un déjeuner de travail. Une pause de cinq minutes, donc, et nous accueillerons alors un autre témoin à la table.

• 1136




• 1144

La présidente: Nous allons reprendre la séance.

Je veux d'abord présenter nos excuses au commissaire à la protection de la vie privée pour le retard que nous avons pris avec notre premier groupe de témoins ce matin et le remercier de sa compréhension et de sa patience. Nous lui souhaitons la bienvenue. Nous avons apprécié vos avis et vos réponses à nos lettres et questions et votre participation tout au long de cette étude.

Donc, monsieur Phillips, nous sommes heureux de vous avoir parmi nous et sommes impatients de vous entendre.

• 1145

M. Bruce Phillips (commissaire à la protection de la vie privée du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente. Nulle excuse n'est nécessaire. Quel prisonnier s'est jamais plaint d'une diminution du temps passé sur le chevalet de torture? Mais je suis heureux que vous nous ayez accordé un peu de temps supplémentaire ce matin, car j'ai l'impression que cette discussion pourrait être assez longue.

Je n'ai pas rédigé une longue déclaration pour ce matin. Mes vues générales sur la question sont bien connues et j'en ai déjà fait part au comité. Cependant, je dois dire qu'ayant passé en revue les avis de tous les témoins, je suis très heureux de constater—puisque nous avons annoncé nos couleurs très vite sur ce projet de loi, pour y souscrire—qu'aucun des témoins ayant comparu devant le comité ne s'est opposé au principe et à l'esprit du projet de loi. Il y a eu quantité de propositions d'amendements, certaines que nous acceptons et d'autres non.

J'aimerais passer en revue quelques-uns des éléments dont nous aimerions que le comité les revoie d'un peu plus près. J'en ai énuméré quelques-uns dans une lettre que je vous ai adressée, madame Whelan, et qui a maintenant été distribuée à vos collègues. Le premier figure à l'article 2, à savoir la définition de l'«activité commerciale».

Ayant écouté certains de ces autres témoins—et je regrette maintenant de ne pas avoir été présent pendant toute la réunion de ce matin—leurs avis justifient notre préoccupation concernant l'activité commerciale et l'absence d'une définition plus précise. Je sais que le ministère a tenté d'améliorer cela, mais il n'a guère fait que dire la même chose en des termes différents.

La définition de l'activité commerciale influe sur des aspects tels que les renseignements médicaux. Dans nos propres conseils, nous avons tenté de discerner quelle partie de tout l'éventail des renseignements relatifs à la santé est couverte par ce projet de loi, et il subsiste quelques doutes dans nos esprits.

Je pense que la définition de l'«activité commerciale» devrait être élargie de façon à y englober les associations professionnelles et organisations sans but lucratif dès lors que leur travail donne lieu à une contrepartie. Par exemple, lorsqu'une organisation caritative achète une liste de donateurs potentiels, s'agit-il là d'une activité commerciale, oui ou non? Lorsqu'un avocat rédige un testament contre honoraires, est-ce là une transaction commerciale? Nous-mêmes n'en sommes pas entièrement certains et nous aimerions que ces choses soient éclaircies. Je pense que cela faciliterait beaucoup les choses dans un domaine comme celui de l'information médicale, par exemple.

Je suis reconnaissant aux rédacteurs du projet de loi d'avoir modifié la définition de «renseignements personnels». Elle a été nettement améliorée. Auparavant, elle couvrait uniquement les renseignements personnels consignés sous quelque forme. Ce qualificatif a maintenant été supprimé. Le renseignement personnel devient tout ce qui concerne un individu identifiable, si bien que cette loi couvrira des aspects tels que les caméras de surveillance, les caméras dans les toilettes, ce genre de choses. C'est une nette amélioration.

À l'article 3, on a inséré dans le projet de loi la notion de personne raisonnable. Nous avons eu beaucoup de discussions là-dessus. Qu'est-ce qu'une personne raisonnable? Une définition proposée par un membre de mon personnel est le critère de Clapham Junction. Est-ce que cela dit quelque chose à quelqu'un ici? En Grande-Bretagne, apparemment, il y a une jurisprudence voulant qu'une personne raisonnable soit une personne que l'on rencontre ordinairement dans le bus de Clapham Junction. Je ne sais pas ce que nous l'appellerions, le critère de la rue Sparks peut-être. Mais nous ne sommes pas certains qu'il serait aussi clair qu'il le faudrait.

L'alinéa 7(1)(d) doit être revu, à mon avis. Un amendement à l'alinéa 7(1)(d) autorise la collecte de renseignements publiquement disponibles et spécifiés dans les règlements d'application. Ce qui est publiquement disponible et ne l'est pas peut être un sujet de litiges interminables. Je pense qu'il faut préciser le sens de ces termes.

• 1150

Par exemple, prenons un registre public, un rôle d'imposition municipal. Est-il publiquement disponible en ce sens que tout un chacun y a accès? On peut aller au bureau d'imposition pour le consulter. Mais est-ce qu'une société de publicité par correspondance devrait pouvoir acheter toute la base de données afin de pouvoir vous envoyer des annonces publicitaires, ou bien pour la croiser avec d'autres bases de données et établir ainsi un meilleur profil de votre revenu sur la base du prix de votre maison et du quartier que vous habitez, etc. et s'en servir à des fins de marketing? Je ne pense pas. Ce n'est pas là le but.

Il faut donc ajouter un critère d'utilisation relativement à ces registres publics. Je ne pense pas que le projet de loi soit assez clair à cet égard.

À l'alinéa 7(3)f), la divulgation pour la recherche, il y a un amendement qui représente une amélioration, mais je pense qu'il faudrait limiter le type d'utilisation et de divulgation aux fins d'études mentionné au paragraphe 7(3) aux études qui peuvent raisonnablement être menées au moyen de données anonymes. Quantité de recherches scientifiques et académiques n'ont pas besoin du nom des personnes pour tirer des conclusions. Cela éviterait toute divulgation ultérieure de renseignements sous une forme permettant d'identifier des individus.

Ce qui manque ici est la notion de finalité. Si j'obtiens des renseignements pour un projet de recherche et que je les ai obtenus selon certaines conditions garantissant la confidentialité, je devrais être empêché de transmettre ultérieurement ces renseignements à une autre partie.

Parlons des droits prévus au paragraphe 8(5). Mon commissariat a toujours eu pour position, et je pense qu'elle est partagée par tous nos homologues provinciaux, que nul ne devrait avoir à payer pour faire respecter son droit à la vie privée et la Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale ne prévoit pas de frais. Nous ne percevons aucun droit pour aucune plainte, aucune demande, aucun contact avec un client ou plaignant. J'admets, cependant, que les entreprises sont dans une situation différente et qu'elles peuvent encourir certains frais pour s'acquitter de leurs obligations en vertu de la loi. Il se peut qu'elles encourent des frais de personnel pour fouiller dans les archives et rechercher les renseignements.

Mais où prévoit-on ici une limite raisonnable au montant de ces droits? Certes, l'annexe dit que l'accès doit être donné à un coût minime, mais le mot «minime» n'est pas défini. Je ne sais pas si l'on peut encore y remédier à ce stade, car cela exigerait probablement aussi la modification de l'annexe. J'appelle simplement votre attention sur ce que j'estime être une lacune. Si des commissaires successifs constatent que des droits excessifs sont exigés comme barrière à l'accès, votre comité devrait en être saisi immédiatement, et ce pourrait être une question que vous voudrez poser lorsque les commissaires futurs comparaîtront sur l'application de cette loi.

L'article 14 traite des audiences de la Cour. À cet égard, je veux dire d'emblée que nous considérons les pourvois en justice comme un tout dernier recours. L'essence de ce projet de loi réside dans le rôle d'arbitrage en matière d'application et de supervision. C'est ce que j'ai réclamé. Le ministère de l'Industrie, après longue réflexion, a convenu que la méthode de l'arbitrage représente la façon le plus simple et la plus efficace de traiter les plaintes. Notre expérience avec une administration plutôt retorse montre que nous pouvons régler la plupart des contentieux sans jamais devoir aller en cour. Je pense avoir indiqué lors de ma comparution antérieure que nous avons dû nous pourvoir en justice moins d'une douzaine de fois depuis la création du commissariat.

Mais nous devons avoir ce droit, et nous devons avoir le droit de saisir la justice non seulement au nom d'un plaignant mais aussi au nom du commissaire lui-même lorsqu'il pense avoir besoin d'une décision de justice à l'égard de quelque problème systémique posé par une procédure de gestion de l'information.

• 1155

L'amendement que le ministère a introduit à cet égard semble régler le problème, mais la procédure est lourde. Le texte initial semblait dire que le commissaire ne pouvait pas saisir le tribunal sans un plaignant. Dans le nouveau texte, le commissaire doit déposer sa propre plainte, puis, au titre de sa propre plainte, il peut aller en cour. En d'autres termes, il doit faire enquête, se faire rapport à lui-même et au commissariat, puis demander à la Cour l'autorisation de se pourvoir. Je trouve que c'est un peu lourd.

J'aimerais passer quelques instants sur l'article 24, le mandat éducatif. Je suis ravi de voir que le comité et presque tous les témoins aient reconnu l'importance énorme de cette mesure. Un certain nombre de témoins ont dit qu'à long terme la meilleure protection pour la vie privée est un public informé qui sait ce qu'il fait lorsqu'il transmet des renseignements personnels à des entreprises, des administrations et des gouvernements. C'est un point de vue qui me paraît tellement évident qu'il se passe de commentaire.

Mais le degré de sensibilisation actuel du grand public est lamentable. Il faut réellement y consacrer beaucoup de temps et d'attention. Nous ne nous faisons pas d'illusion, cela va coûter de l'argent. L'éducation publique exige des sous. On ne peut rien faire sans argent. Je vous en prie, inscrivez dans votre rapport une recommandation au ministère concerné de donner au commissaire des ressources adéquates à cette fin.

Enfin, et je mentionne cela uniquement en passant car le problème me paraît en voie de solution, j'étais très préoccupé par l'article 25 du projet de loi initial, qui conférait au ministre de l'Industrie, sous réserve de l'accord du Cabinet, le pouvoir de déléguer les fonctions du commissaire fédéral à un commissaire provincial ou un fonctionnaire provincial ayant des fonctions similaires. J'ai objecté à cela. J'estimais que cela sapait gravement l'indépendance du commissaire et l'exposerait à des pressions inappropriées, de la part du pouvoir politique ou du secteur privé. Les rédacteurs s'emploient à rectifier cela.

Voilà pour ce qui est des dispositions du projet de loi dont je voulais spécifiquement traiter. Je serais ravi de répondre à vos questions. Merci de votre attention.

La présidente: Merci.

Madame Meredith, avez-vous des questions?

Mme Val Meredith: Oui. Vous avez manifestement été consulté et je suppose que le gouvernement a réagi à vos avis. Pensez-vous que les changements qui ont été apportés suffisent à satisfaire vos intérêts en tant que commissaire à la protection de la vie privée, ou bien faudrait-il encore masser le texte, en quelque sorte, pour lever des préoccupations que vous éprouvez encore?

M. Bruce Phillips: Si vous me demandez quelle est notre principale préoccupation résiduelle à l'égard de ce projet de loi, il s'agit de sa portée, en général. Je pense que l'on pourrait y remédier en améliorant la définition de l'activité commerciale. Nous ne savons pas dans quelle mesure les organisations sans but lucratif y sont assujetties, de même que les associations professionnelles. Certaines de ces préoccupations ont été exprimées ce matin par les autres témoins, surtout pour le domaine qui les intéresse, le renseignement médical.

J'aimerais faire une observation tangentielle à ce sujet. N'oublions pas, qu'il s'agisse de renseignements médicaux ou de tout autre type d'information, que nous parlons là de renseignements personnels. J'ai été très heureux de voir que les organisations comme l'AMC s'opposent à toute exclusion générale de l'information médicale. Ce qui nous occupe ici, c'est le renseignement personnel exploité dans le monde commercial. Nous aimerions être sûrs que le monde commercial englobe les organisations sans but lucratif se livrant à des activités commerciales en rapport avec les renseignements personnels, de même que les associations professionnelles.

Je pense, sous réserve de ce que mes collègues peuvent avoir à dire sur le sujet, que cela me satisferait à peu près s'agissant de la portée du projet de loi. Mais c'est certainement un point qu'il faut éclaircir.

• 1200

Si le comité ne le fait pas, un commissaire devra le faire ultérieurement en tentant de statuer sur une plainte face à cette ambiguïté, ce qui pourrait compliquer la vie et entraîner de longs procès. Essayons d'éviter cela, si nous le pouvons.

Mme Val Meredith: Vous dites que dans le passé vous n'avez pas eu à saisir la justice, que vous avez pu trouver des solutions sans faire de procès. Pensez-vous que cette loi sera suffisamment stricte pour permettre de sanctionner la divulgation inappropriée de renseignements sans saisir le tribunal?

M. Bruce Phillips: Dans une affaire de ce genre, la plume est plus forte que l'épée. Cela a été le sujet d'une discussion antérieure sur les pouvoirs du commissaire. D'aucuns, lors de la rédaction du projet de loi, nous dit-on, estimaient que le commissaire n'a pas des pouvoirs suffisants et qu'il devrait avoir le droit d'émettre des ordonnances et de fonctionner à la manière d'un juge. Je fonctionne à la manière d'un médiateur. Je ne peux rien ordonner à personne. Néanmoins, au cours de nos huit ou neuf années d'existence, nous avons réglé des milliers de cas. Il arrive qu'il faille sanctionner—absolument. Nous avons obtenu quantité de règlements à la porte du tribunal, en quelque sorte, avec des bureaucrates qui ne croyaient pas que nous irions jusqu'au bout. Mais ils ont hissé le drapeau blanc lorsque nous les avons traînés jusqu'à la porte du tribunal.

La plupart du temps, la bonne approche des problèmes de vie privée est un processus d'éducation, de discussion et d'examen du système de gestion de l'information en cause, pour déterminer où sont les failles et comment régler le problème, tant pour l'intéressé que pour la faille systémique à l'origine de la plainte.

Je pense que le règlement à l'amiable est préférable pour parvenir à ces fins, celles que l'on attend d'un médiateur. Oui, nous devons nous mettre à la place du plaignant et, lorsqu'il y a doute, il faut pencher en faveur de la protection de la vie privée. Mais nous sommes des gens raisonnables. Nous avons tous pris le bus pour Clapham Junction, je suppose, et nous essayons de trouver un juste équilibre.

Je n'aime pas la perspective de me battre avec des sociétés qui ont les poches profondes et quantité d'avocats pour tout contester, alors qu'une négociation simple produirait probablement un résultat meilleur, plus rapide, plus efficace et plus durable. Comme je l'ai dit précédemment, il est facile pour une société de dire: «Nous n'aimons pas votre décision; nous allons interjeter appel et laisser l'affaire s'enliser devant les tribunaux pendant des années», pour finir par écoper d'une amende de 5 000 $ qui représente à peine 30 minutes de frais de timbre pour l'une de ces méga-sociétés.

Mais le commissaire, une fois convaincu, après un examen poussé, qu'il ne pourra faire bouger la société, peut faire une annonce publique. «La société X ne respecte pas la vie privée de ses clients». Une déclaration publique comme celle-ci a beaucoup plus d'effet qu'une procédure judiciaire longue et tortueuse avec tribunaux, juges, ordonnances—toute cette panoplie.

Il y a au Canada des commissions ayant un pouvoir d'ordonnance—c'est le cas de la plupart des commissions provinciales—et un certain nombre d'entre elles se voient opposer de nombreux appels. Je pense que nous voulons éviter cela. Nous voulons une situation où nous pouvons aller dans une entreprise et dire: «Parlez-nous de ce que vous faites. Comment fonctionnez-vous? Sous quelle forme avez-vous besoin de l'information? Comment pouvons-nous vous aider à travailler de manière à respecter cette loi?» Voilà notre méthode. Cela a toujours été celle de ce bureau depuis mon arrivée. J'en ai hérité. J'ai un personnel qui souscrit totalement à cette notion. Elle est bien meilleure.

Désolé d'avoir été si long, mais je ne soulignerai jamais assez l'importance de cette différence.

Mme Val Meredith: J'ai une dernière question. Je sais que nous parlons ici du volet commercial, mais pensez-vous que les renseignements personnels sont réellement protégés contre la plus grosse société—le gouvernement? Je songe en premier lieu à Revenu Canada, une grosse société qui utilise souvent, à des fins commerciales, des renseignements privés. Est-ce que cette loi s'applique au fisc?

• 1205

M. Bruce Phillips: Le gouvernement fédéral est couvert par la Loi sur la protection des renseignements personnels existante, et je dois dire qu'elle érige des garanties substantielles.

Je dirais également que cette loi comporte des exemptions permettant au ministère de faire des choses qui mériteraient un examen très serré. C'est particulièrement le cas des accords de partage de l'information entre et à l'intérieur du ministère et avec d'autres entités gouvernementales, etc.

Vous avez ouvert là un très large sujet et je vais essayer de n'en parler que très brièvement. La loi actuelle doit également être actualisée et modernisée, cela ne fait aucun doute. Il n'y a pas eu de modifications substantielles depuis qu'elle a été promulguée il y a 15 ans.

Le Comité de la justice de la Chambre des communes a fait un examen très approfondi de cette loi en 1987 et formulé quantité de suggestions raisonnables. Malheureusement, le gouvernement de l'époque n'en a suivi aucune. J'aimerais que l'on y remédie.

La réponse à votre question est donc oui, la loi offre une protection substantielle, mais insuffisante.

La présidente: Je vous remercie. Merci beaucoup, madame Meredith.

Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: L'Association du Barreau canadien a comparu hier et, en réponse à une question, elle a exprimé une préoccupation, puis s'est rétractée et a dit qu'elle devrait y réfléchir avant de se prononcer.

La question posée était de savoir si les pouvoirs d'enquête—c'est-à-dire les pouvoirs de perquisition et de saisie sans mandat—donnés au commissaire par les alinéas 12(1)d) et 12(1)f) étaient excessifs et s'il ne faudrait pas imposer au commissaire d'obtenir un mandat. Les représentants du Barreau ont répondu initialement oui, puis se sont rétractés et ont dit qu'ils devraient y réfléchir avant de prendre une position ferme. J'aimerais entendre votre avis à ce sujet.

La deuxième question, que l'Association du Barreau canadien a soulevée elle-même, est le fait que le commissaire a pouvoir de faire enquête sur une plainte concernant la non-observation d'une recommandation de l'annexe—autrement dit, une prescription conditionnelle et non impérative. L'ABC estimait que le commissaire ne devrait pas avoir le pouvoir d'enquêter sur les prescriptions conditionnelles, seulement sur les prescriptions impératives. J'aimerais également connaître votre avis là-dessus.

M. Bruce Phillips: Pour ce qui est de la première question, madame Jennings, je suis heureux que l'ABC ait décidé de réfléchir plus avant sur la saisie et perquisition, car si elle s'opposait à ces pouvoirs, à mon avis minimes... ce sont les mêmes que ceux prévus dans la Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale. Ce sont également les mêmes que ceux confiés à un certain nombre d'autres organismes réglementaires fédéraux. Certains doivent avoir un mandat, d'autres non.

Je suis en train de regarder une liste, car nous avions prévu cette question. Par exemple, le Conseil canadien des relations de travail a les mêmes pouvoirs, de même que le CRTC. Le Commissaire aux langues officielles a exactement les mêmes pouvoirs. Donc, si on ne veut pas nous les donner, il faudra les enlever à tous ces autres.

Le fait est, sur le plan pratique, qu'en 15 années de fonctionnement, il n'y a jamais eu une contestation invoquant la Charte des pouvoirs conférés au commissaire par la Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale existante. Franchement, si je devais demander un mandat chaque fois que je demande à un membre de mon personnel d'aller examiner un bout de papier en rapport avec une plainte, cela érigerait des obstacles juridiques qui, à mon avis, loin de protéger les droits d'une personne, viseraient à l'en priver. Voilà donc ma réponse à cela.

• 1210

En ce qui concerne les prescriptions conditionnelles et impératives, c'est intéressant. Le projet de loi établit déjà une distinction, en quelque sorte, puisque le commissaire ne peut saisir la cour qu'au sujet de prescriptions impératives, mais ne l'empêche pas de formuler des observations sur tout aspect lié à l'annexe, et je pense que cela devrait rester inchangé car on établit ainsi différents degrés de problèmes, si vous voulez.

Lorsque j'ai eu connaissance du code CSA il y a quelques années, je ne l'aimais pas réellement, mais je vois aujourd'hui qu'il comporte une certaine élégance, car il cherche à différencier. Il me permet de dire à une société que le code—et c'est votre code—dit: «Monsieur société, vous devriez faire telle chose», et m'en tenir là. Mais si le même problème revient constamment et que l'annexe dit clairement qu'une société devrait faire cette chose, le commissaire pourrait à ce stade prendre d'autres mesures. Cela me paraît donc une distinction utile.

Mme Marlene Jennings: Merci de vos réponses aux deux questions. J'apprécie réellement votre réponse concernant les pouvoirs d'enquête. Je ne savais pas que tant d'organes administratifs ou quasi judiciaires disposaient de ces pouvoirs au niveau fédéral, mais je savais que c'était le cas d'un nombre important de ces organes au Québec.

Mon autre question concerne la primauté de cette loi. En l'état actuel des choses, même si les amendements que vous demandez sont apportés, une loi fédérale ultérieure pourrait porter sur un aspect de la vie privée dans le ressort fédéral et les normes pourraient être inférieures à ce qui est prévu ici.

J'aimerais donc—et si vous ne pouvez répondre tout de suite, réfléchissez-y et donnez-nous la réponse ultérieurement—que vous proposiez une petite modification de la Constitution qui érigerait la protection des renseignements personnels en droit constitutionnel. Pensez-vous que les renseignements personnels seraient mieux protégés dans le domaine de compétence fédérale s'il y avait une clause expresse de primauté de cette loi disant qu'elle a préséance sur toute autre à moins que les garanties apportées par la nouvelle loi soient supérieures ou qu'il y ait une clause dérogatoire. C'est là un point soulevé par les groupes de consommateurs tout au début.

M. Bruce Phillips: Je vais vous donner une réponse partielle car j'aimerais réfléchir à l'ensemble de votre question avant de me prononcer. Mais je penche pour un oui. J'aimerais voir quelque chose dans le projet de loi garantissant que tout un tas d'autres lois ne viendront pas l'amoindrir. C'est un problème avec la Loi sur la protection des renseignements personnels actuelle—elle est assujettie à toute autre loi du Parlement et il y a quantité de préséances. De nos jours, les bureaucrates ont souvent recours à ce procédé pour contourner la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je n'aime pas cela, et vous ne devriez pas apprécier non plus, très franchement. Nous faisons de notre mieux pour détecter ces artifices au fur et à mesure, mais parfois ils nous échappent. Cette idée mérite donc d'être explorée.

Pour ce qui est d'une modification constitutionnelle, oui, absolument. Il est regrettable que la Charte ne fasse pas mention expressément de la vie privée quelque part, à l'article 7 ou à l'article 8. Je ne veux pas ennuyer le comité, qui est certainement au courant de cela, mais les ébauches initiales de la Charte avaient cela. Cela a été abandonné au cours des marchandages avec les provinces et diverses parties intéressées. S'il y avait une telle mention, ce serait un fondement pour tout ce concept, et chaque projet de loi soumis au Parlement devrait subir également l'épreuve de la constitutionnalité du point de vue de la vie privée.

• 1215

Dans le contexte actuel, si lorsque vous entreprenez tous de modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels existante, vous y insérer l'exigence que chaque loi soit accompagnée d'une déclaration sur l'impact sur la vie privée, préparée par le ministère de la Justice, et également examinée par le bureau du commissaire à la protection de la vie privée, cela fera beaucoup pour rattraper les choses.

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé: Bonjour, monsieur. Vous connaissez sans doute la Loi 68 qui existe au Québec et qui fonctionne de la façon suivante: lorsque les gens ne sont pas satisfaits d'une décision du commissaire, ils peuvent avoir recours à un tribunal administratif. Si je vous ai bien compris, vous ne semblez pas tellement en faveur, et avec raison, du recours aux tribunaux habituels. Que penseriez-vous d'une disposition qui autoriserait le recours à un tribunal administratif plutôt qu'à la cour, comme le propose le projet de loi?

[Traduction]

M. Bruce Phillips: Eh bien, je ne vais pas dire que le système québécois est meilleur ou pire que celui qui existe ici. Je dirais simplement que quiconque n'aime pas l'une de mes conclusions, en tout cas en ce qui concerne les affaires d'accès, même si ce n'est pas le cas de toutes les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, a recours à la cour fédérale. Je pense que la cour fédérale est un aussi bon tribunal que quiconque puisse espérer. Personnellement, je ne vois pas beaucoup l'intérêt d'insérer dans ce processus encore une autre couche ou un autre niveau de règlement de plaintes. La simplicité du système existant est l'une de ses principales vertus.

Je rédige une décision. Je dis au plaignant: je regrette, mais je ne suis pas de votre avis et vous ne pouvez pas avoir accès à ce que vous demandez car l'exemption est tout à fait dans les règles et si vous n'êtes pas content, vous pouvez faire appel à la cour fédérale. Je ne connais aucune solution qui soit plus simple, plus efficace ou plus directe que celle-là.

Si nous avions un tribunal coincé entre moi-même et la cour fédérale, il nous faudrait nommer encore un autre niveau de bureaucratie avec cinq ou six membres d'un tribunal, avec leurs adjoints ainsi que leur personnel d'enquête. Je pense à des secteurs du système fédéral où cette approche existe à l'heure actuelle, et je défendrai la mienne contre la leur n'importe quel jour de la semaine. Ils accusent des arriérés énormes. Cela demande des années d'obtenir dans le cadre de tout le processus une quelconque décision. Dans notre système, c'est simple et rapide ou en tout cas aussi rapide que la cour le permette, ce qui n'est pas toujours si rapide que cela.

[Français]

M. Antoine Dubé: D'un tout autre point de vue, le projet de loi C-54 devrait forcément vous ajouter du travail, à vous et à vos employés. Cependant, à l'examen, on constate que votre budget pour 1999-2000 ne comporte pas de réelle augmentation. Croyez-vous que si le projet de loi C-54 était adopté, il vous faudrait, pour cette année et les années suivantes, une augmentation considérable de votre budget? Vous êtes-vous penché sur la question? Si oui, à combien chiffrez-vous le coût supplémentaire?

[Traduction]

M. Bruce Phillips: Nous avons certainement beaucoup réfléchi à cela, monsieur Dubé. Oui, il y aura des ressources supplémentaires. Tout le monde convient que si la charge de travail augmente sensiblement du côté règlement de plaintes, cela exigera des ressources supplémentaires. Le mandat en matière d'éducation—la nécessité de parler de toute cette question au public—absorbera, certes, des ressources supplémentaires. Nous avons eu des discussions avec le ministère de l'Industrie. Nous en menons avec le Conseil du Trésor. Je suis raisonnablement confiant que des ressources adéquates seront mises à notre disposition.

Si tel n'est pas le cas, j'ai le droit, en tant que serviteur du Parlement, de demander au Président de la Chambre l'autorisation de comparaître devant le comité ici réuni et de lui dire: mesdames et messieurs les députés, le gouvernement vous laisse tomber, car il n'a pas donné à votre serviteur suffisamment d'argent pour faire son travail. Cela ne me préoccupe pas outre mesure pour l'instant. Cela m'aiderait si le comité soulignait dans son rapport à la Chambre la nécessité de veiller à ce que le commissaire dispose de ressources adéquates. C'est là un petit coup de pouce qui ne saurait que nous aider.

• 1220

[Français]

La présidente: Ce sera votre dernière question, s'il vous plaît, monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: Dans le litige qui vous a opposé au ministère du Développement des ressources humaines concernant le couplage de ses données avec celles des douanes, vous auriez déclaré à un moment donné—je n'ai pas la citation précise—que les bureaucrates vous avaient en quelque sorte envoyé paître, que vous ne vous étiez pas senti tellement écouté. Vous en avez un peu parlé tout à l'heure. Ne craignez-vous pas qu'avec les nouveaux mandats qui vont vous être confiés en vertu du projet de loi C-54, il pourrait se produire la même chose, étant donné le nombre de conditionnels portant sur les normes qu'on trouve notamment dans l'annexe?

[Traduction]

M. Bruce Phillips: Eh bien, monsieur Dubé, tout ce que je peux dire à ce sujet, c'est que, oui, je trouve que les gens de ces deux ministères avec lesquels nous traitions de cette question ne prêtaient pas suffisamment attention aux points que nous avions soulevés, et en bout de ligne, ils nous ont obligés à recourir au tribunal, et ils ont perdu. Voilà donc quel a été le résultat final de cela.

Nous n'avions jamais eu à aller jusque-là. Je pense qu'une approche un peu plus arrangeante aurait réglé le problème et nous aurions chacun économisé beaucoup de temps et de soucis. C'est cela que j'ai voulu dire, et je ne pense pas avoir davantage à dire à ce sujet.

La présidente: Merci.

Merci, monsieur Dubé.

Monsieur Shepherd, je vous prie.

M. Alex Shepherd: Merci.

Pour en revenir à vos droits en matière de perquisition et de saisie, je ne suis pas impressionné par le fait qu'il y ait beaucoup d'organismes gouvernementaux qui aient ce pouvoir car je trouve qu'il constitue en lui-même un empiétement sur la vie privée des gens. Étant donné que vous n'exigeriez vraisemblablement de mandat que dans le cas où la personne refuserait de vous remettre les renseignements que vous désirez, cela constitue-t-il vraiment une entrave pour vous, dans de tels cas, d'obtenir un mandat?

M. Bruce Phillips: Je ne suis pas un expert en matière d'obtention de mandats, monsieur Shepherd. Je n'ai jamais eu à en obtenir un. Je ne peux donc réellement pas vous donner une réponse éclairée à votre question.

Je pense que le genre de renseignements dont nous traitons s'inscrirait vraiment dans la catégorie de renseignements qui mériteraient ce genre de traitement dur, mais...

M. Alex Shepherd: Eh bien, à mon sens, le droit de fouille et de saisie est un traitement dur. Vous avez le droit de fouiller et de saisir sans qu'il y ait le moindre recours à un mécanisme de surveillance. Et voici que vous me dites maintenant que vous n'en avez jamais besoin. Les gens s'exécutent naturellement.

Que se passe-t-il si vous vous présentez à mon entreprise et que vous voulez mes dossiers? Je vous dis, non, obtenez un mandat; je pense que ce n'est pas justifié. Vous répliquez: je n'ai pas besoin d'un mandat; je vais tout simplement me présenter et obtenir vos dossiers de toute façon. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit là d'un empiétement sur ma vie privée? Ne devriez-vous pas être le commissaire à la protection de la vie privée de tous, et pas juste des plaignants?

M. Bruce Phillips: Ce qui m'intéresse, c'est la protection des renseignements personnels. Si je me présente à votre bureau et que vous avez en votre possession une importante quantité de dossiers personnels, le fait que vous soyez un agent de la société ne constitue pas un renseignement personnel conformément à la définition donnée dans la loi. Par conséquent, à parler strictement, non, ce ne serait pas un empiétement sur votre vie privée.

M. Alex Shepherd: D'accord. Si l'on suit cet exemple jusqu'à sa conclusion, vous me demandez de vous fournir volontairement ces renseignements et je refuse. Il vous faut alors obtenir un mandat. Vous me dites que cela n'arrive de toute façon pas très souvent. Pourquoi alors...

M. Bruce Phillips: Monsieur Shepherd, selon mon interprétation du projet de loi, si vous refusiez et que vous m'empêchiez de faire mon travail, j'aurais d'autres recours, et vous auriez certainement l'occasion à cette étape-là de présenter votre point de vue.

M. Alex Shepherd: Mais vous ne pensez pas qu'en tant que commissaire à la protection de la vie privée vous devriez être tenu d'obtenir un mandat?

M. Bruce Phillips: Je ne pense pas que ce soit nécessaire.

M. Alex Shepherd: Très bien. Je vais maintenant passer à autre chose.

Nous avons eu une longue discussion hier sur toute cette question d'activité commerciale, et je me demande si la réponse n'est pas l'inverse de ceci. Les gens n'arrêtent pas de dire que nous devrions définir «activité commerciale». Pourquoi devons-nous utiliser l'expression «activité commerciale»?

• 1225

M. Bruce Phillips: C'est parce que ce dont nous traitons ici se sont des renseignements personnels saisis dans le cadre d'activités commerciales.

M. Alex Shepherd: Mais c'est justement là-dessus que la profession médicale s'est étendue. Il semble qu'elle veuille que cela s'applique à elle...

M. Bruce Phillips: Oui.

M. Alex Shepherd: ... et pas tout simplement aux activités commerciales.

M. Bruce Phillips: D'après mon interprétation des propos de certains des témoins, ils craignaient que les renseignements personnels intervenant dans leur sphère d'activité ne soient pas couverts par le projet de loi, et ils aimeraient justement que ces renseignements soient couverts par le projet de loi.

M. Alex Shepherd: D'accord. Et comment réglerait-on ce problème?

M. Bruce Phillips: Je pense qu'on le réglerait en changeant la définition d' «activité commerciale», afin de veiller...

M. Alex Shepherd: La définition serait donc en fait plus large qu'elle ne l'est à l'heure actuelle.

M. Bruce Phillips: C'est exact.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Shepherd.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Merci, madame la présidente.

Bruce, je demeure préoccupé par la discussion qui a eu lieu relativement aux dispositions en matière de fouille et de saisie, ainsi que par le fait qu'un si grand nombre de ministères aient cette capacité.

J'aimerais vous parler d'une affaire. Il s'agit de l'affaire Hunter c. Southam Inc. La Cour suprême du Canada avait jugé que les dispositions en matière de perquisition et de saisie de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions étaient anticonstitutionnelles. L'une des principales raisons données par la Cour suprême était qu'une personne à laquelle sont confiées des fonctions d'enquête et de poursuite n'est pas en mesure d'agir de façon judiciaire et de fournir des autorisations d'entreprendre des perquisitions et des saisies.

Bruce, ne s'agit-il pas là d'un problème relativement aux articles 12 et 18? Ne demandez-vous pas à être juge, procureur et policier?

M. Bruce Phillips: Monsieur Jones, je pense que vous avez vous-même répondu en partie à la question.

Je ne poursuis personne. Je n'ai aucun pouvoir d'exécution. Je n'ai aucun pouvoir en matière de maintien de l'ordre. Je me présente et je demande à voir certains renseignements que la loi dit qu'on doit me fournir, afin que je puisse voir les renseignements se rapportant à la plainte dont je suis saisi.

Je regarde les renseignements. Je décide du bien-fondé de la plainte. J'en avise le plaignant et la société concernée, à qui je donne mon opinion. Ils peuvent la contester s'ils le veulent. S'ils estiment que j'ai outrepassé mes pouvoirs, ils peuvent recourir aux tribunaux. Ajouter à cette exigence que je dois, dans chaque cas...

Permettez-moi de formuler les choses ainsi. S'il me fallait faire cela dans le cadre du système existant, il me faudrait obtenir chaque année 2 000 mandats. Notre boîte est un bureau de plaintes et non pas un service de police. S'il me fallait aller voir un juge pour obtenir 2 000 mandats par an, je pense que cela compliquerait inutilement ce qui est censé être un mécanisme simple et non contradictoire de règlement de différends.

Je comprends ce que vous dites, monsieur Shepherd, mais si une société ou une personne estime que d'une façon ou d'une autre ce pouvoir empiète sur ses droits en vertu des articles 7 et 8 de la Charte, elle est parfaitement libre de contester cela devant un tribunal. Je serais bien sûr lié par la décision du tribunal. Mais cela ne s'est jamais encore produit au cours de ces 15 années. Aucun ministère du gouvernement—et ils ont tous beaucoup d'avocats, beaucoup plus que vous et moi ne pourrions jamais gérer—n'a jamais laissé entendre que ce pouvoir va à l'encontre de la Charte des droits. Je pense que vous ajoutez à cette question un élément inutile.

Pourquoi des sociétés, surtout, par exemple du genre de prime abord plus susceptible d'être visé par le projet de loi, qui ont contribué, soit de leur propre chef soit par l'intermédiaire de leurs associations provinciales, à l'élaboration du code CSA, qu'elles ont toutes proclamé comme étant une très bonne approche, se rebifferaient-elles maintenant pour dire qu'elles pensent qu'il va trop loin? J'ai du mal avec cela.

L'un des avantages de l'approche prise par le ministère de l'Industrie dans l'élaboration de ce projet de loi est que l'élément original de base dont il est né n'est pas sorti de la tête des bureaucrates, mais bien de celle du milieu des affaires canadien. En gros, donc, tout ce que nous faisons ici c'est prendre leur code et dire, d'accord, vous avez tous construit ce code ensemble. C'est un assez bon code. Il vous faut maintenant vivre avec. C'est tout. Nous ne nous présentons pas au bureau des gens en bottes à l'écuyère, ceinturon en cuir et chemise brune, vous pouvez en être certains. Nous nous y présentons et disons: nous avons reçu une plainte de Joe Smith qui prétend que vous avez les mauvais renseignements sur lui; que ceux-ci ne sont pas justes. Et nous demandons à les voir.

• 1230

Ai-je besoin de 2 000 mandats pour cela?

La présidente: C'est M. Jones qui est en train de poser les questions à l'heure actuelle, et non pas M. Shepherd.

M. Bruce Phillips: Oui. Je m'excuse.

La présidente: Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Il va y avoir des situations... vous donnez l'impression que c'est vraiment trivial. Peut-être qu'un grand nombre de ces situations sont triviales, comme vous venez de l'indiquer, mais il va y avoir d'autres situations dans lesquelles vous allez soupçonner une personne d'avoir porté atteinte à la vie privée de quelqu'un. Lorsque vous vous présentez sur les lieux, si l'on refuse ce que vous demandez, si vous avez des soupçons, ne serait-il pas plus approprié que vous ayez un mandat de perquisition en bonne et due forme, ce qui vous permettrait d'entreprendre tout de suite une fouille des lieux? Avec le projet de loi, n'êtes-vous pas en train d'assumer des responsabilités supplémentaires par rapport à ce que vous avez à l'heure actuelle?

M. Bruce Phillips: Non, monsieur. Monsieur Jones, le projet de loi ne confère au bureau du commissaire à la protection de la vie privée aucun nouveau pouvoir qui vienne s'ajouter à ceux qu'il exerce déjà en ce qui concerne les dossiers du secteur public.

M. Jim Jones: Il serait donc juste de dire qu'une fois le projet de loi adopté, votre budget demeurera le même et que vous n'aurez pas besoin de plus de personnes pour faire plus, car vous n'aurez assumé aucune responsabilité supplémentaire par rapport à celles que vous avez aujourd'hui...

M. Bruce Phillips: Eh bien, dans le cas de toute plainte...

M. Jim Jones: ... et vous n'envisagez pas une charge de travail supérieure?

M. Bruce Phillips: Oui, monsieur Jones, bien sûr que si. C'est une organisation dont le travail est motivé par des plaintes. Le volume de travail est déterminé par le nombre de plaintes qui nous arrivent par la poste ou par courrier électronique. J'imagine donc qu'étant donné que puisque le projet de loi va étendre la portée du bureau du commissaire à la protection de la vie privée au-delà des dossiers du gouvernement fédéral pour englober ceux du secteur commercial, il y aura sensiblement plus de plaintes. Cela exigera un plus grand nombre d'enquêteurs, ce qui coûtera davantage d'argent, absolument. Le projet de loi prévoit également un mandat éducation en vertu duquel le commissaire devra mener des activités de sensibilisation du public. Cela va demander de l'argent et quelques employés de plus.

Pour revenir à la question antérieure de M. Dubé, il demandait si nous avions une estimation du genre de ressources supplémentaires dont nous aurions besoin. Tout ce que je peux vous dire c'est que le mieux que nous puissions faire à l'heure actuelle c'est essayer de deviner, mais j'imagine qu'on verra peut-être au bout d'un certain temps une augmentation de l'ordre de 40 à 50 p. 100 de nos dépenses, en grande partie à cause du nombre de plaintes supplémentaires.

Ce que l'on fait ici c'est étendre les droits dont jouissent tous les Canadiens pour ce qui est des dossiers sur eux détenus par le gouvernement du Canada aux dossiers qu'a sur eux le secteur privé. Le coeur du projet de loi est qu'il établit des droits à la protection de la vie privée pour l'ensemble de la communauté canadienne. Vous et moi ressentons depuis longtemps l'absence de ces droits. Le monde des affaires peut prendre votre nom et tous les renseignements sur vous qu'elle peut obtenir, monsieur Jones, et s'en servir comme bon lui semble. Peu importe que cela vous aide ou vous nuise, car vous n'avez rien à dire. C'est ce que vise à corriger le projet de loi. Il tente de corriger la situation de la façon la plus simple et la moins contradictoire possible, mais il s'agit d'accorder à chacun dans ce pays la possibilité de se plaindre s'il est mécontent de la façon dont le secteur privé traite les renseignements qu'il a sur lui.

Le premier endroit où se plaindre c'est auprès de la société elle-même. Le projet de loi établit très clairement que le premier palier de règlement d'une plainte c'est l'entreprise, ce qui est normal. Ce n'est que lorsque le problème ne peut pas être réglé à ce niveau-là que les gens sont invités à s'adresser au bureau du commissaire à la protection de la vie privée.

M. Jim Jones: La question que je me pose est celle de savoir si la seule chose qui vous amène à intervenir c'est la réception d'une plainte.

M. Bruce Phillips: Non, monsieur. Je peux examiner des systèmes moi-même et si j'estime qu'il convient d'examiner quelque chose, je peux déposer ma propre plainte.

M. Jim Jones: Vous pouvez lancer votre propre démarche de fouille et de saisie?

M. Bruce Phillips: Je ne parlerais pas de fouille et de saisie. Vous pouvez utiliser cette expression, mais...

M. Jim Jones: Mais ce que je dis c'est que si c'est très sérieux...

M. Bruce Phillips: Oui, je suis sérieux, monsieur Jones.

• 1235

M. Jim Jones: ... et vous voulez être certain que l'affaire ne sera pas dévoilée, si vous voulez obtenir les bons documents légaux, etc., pour obtenir tous ces éléments, que vous consacrez tout votre temps à essayer de...

M. Bruce Phillips: Permettez-moi de vous donner un exemple... et il s'agit de choses sérieuses. Ces choses sont déjà arrivées.

Une personne qui traite avec un agent d'assurance sort de l'immeuble, décide de passer par en arrière pour aller retrouver sa voiture et voit une grosse benne remplie de dossiers d'assurance—c'est hypothétique—, y jette un coup d'oeil et se dit: il y a toutes sortes de renseignements ici au sujet de tout un tas de personnes, y compris moi-même. Il y a un problème systémique. Cette personne communiquera sans doute en tout premier lieu avec l'entreprise, pour lui dire, écoutez, vous avez jeté tous ces dossiers là-bas derrière.

La personne appellera peut-être également le bureau du commissaire à la protection de la vie privée. Nous pourrions nous présenter à l'entreprise et dire: voyons le genre de choses que cette personne a trouvées à la poubelle. Il nous semble qu'il s'agit de renseignements personnels, et qu'en tant que tels ils seraient couverts par le projet de loi. Vous avez un problème ici. Voyons si l'on ne peut pas tirer les choses au clair pour que cela ne se reproduise pas. Voilà le genre de travail que nous faisons chaque jour de la semaine; nous nous occupons régulièrement de ce genre de problème de gestion de l'information. L'exemple que je viens de vous donner est extrêmement simple, mais voilà le genre de choses que nous faisons.

Êtes-vous en train de me dire qu'avant que je ne me présente à l'entreprise il faudrait que j'aie à obtenir un mandat qui me permette d'aller examiner ces documents? C'est là le problème que je vois. Nous tentons ici de résoudre des problèmes. Nous ne sommes pas des policiers. Nous ne faisons pas de descentes, en jouant aux hommes forts. Je suis convaincu que 999,9 fois sur 1 000 l'entreprise concernée dirait tout simplement: bien sûr, voici de quoi il s'agit, monsieur Phillips. Voici nos dossiers et voici ce que...

Cela arrive tout le temps, et j'ai de la difficulté à m'imaginer des circonstances dans lesquelles l'entreprise se braquerait et dirait qu'on ne peut pas consulter le dossier personnel de tel ou tel employé, alors que son propre code, auquel elle a souscrit, stipule que chaque employé doit avoir accès à son dossier. Il faudrait qu'elle... Je ne vois tout simplement pas de circonstances dans lesquelles vos craintes en matière de fouilles et de saisies se réaliseraient. Il se pourrait qu'il y ait des occasions, mais...

Je ne sais pas si je peux faire mieux que cela.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jones.

Monsieur Bellemare, je vous prie.

M. Eugène Bellemare: Monsieur Phillips, j'apprécie beaucoup votre objectif qui est de donner aux Canadiens le droit au respect du caractère privé de leurs renseignements personnels.

Mon adjoint est en train de vous remettre une copie d'un document qui nous a été fourni par le dernier groupe. Il s'agit d'une compagnie d'assurance, et chacun de nous, à un moment ou à un autre, prend une assurance-vie, et cela nous intéressait davantage, vous et moi, lorsque nous étions plus jeunes, monsieur Phillips.

Vous vous souviendrez sans doute—même si nous sommes très bien qualifiés pour lire—que la lecture d'un document en provenance d'une compagnie d'assurance est un processus plutôt long, qu'il vous faut de bonnes lunettes ou une bonne vue et qu'il vous faut également un dictionnaire spécialisé, car même si le texte est rédigé dans votre langue maternelle, l'anglais, ou dans la mienne, le français, vous vous demandez toujours ce que l'auteur a voulu dire.

Et, bien sûr, si vous allez prendre une assurance-vie, vous allez la prendre avant de mourir, et vous ne savez jamais quand vous allez mourir. Alors vous signez. Et ici, dans ce document, il y a une contradiction. Tout à fait en bas, le document semble garantir que tous les renseignements figurant sur le formulaire que vous avez rempli resteront confidentiels et que vous pouvez non pas reposer en paix, mais vous sentir à l'aise.

Cependant, si vous lisez ce qui est écrit en petits caractères, à votre deuxième lecture du document, cette fois-ci quelqu'un qui a peut-être l'habitude de ce genre de choses, peut-être même un vendeur d'assurance-vie de niveau 11e année, vous dit de regarder ce que vous avez signé: j'autorise toute personne ou organisation qui détient des renseignements personnels à mon sujet... J'autorise Sun Life, par exemple, à lui fournir ces renseignements et à les communiquer. La société peut obtenir des renseignements auprès de quiconque vous connaît et, en retour, peut communiquer à d'autres des renseignements sur vous.

• 1240

Pensez-vous que ce soit approprié et que l'on puisse parler dans un tel cas de respect du caractère confidentiel de renseignements? Tenons-nous-en au contexte du commerce électronique... vous savez qu'il se fait des transactions par ordinateur, par Internet, et que des assurances sont négociées de cette façon. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus. Notamment, j'aimerais savoir comment l'on doit faire pour protéger les Canadiens contre ce genre de trafic?

M. Bruce Phillips: Eh bien, je viens tout juste de parcourir rapidement en diagonale cette renonciation à la protection de renseignements personnels, et c'est ainsi que je désigne ce genre de formulaires. Il y en a un très grand nombre dans le monde commercial. Quiconque a jamais signé une demande de carte de crédit, par exemple, a, si vous regardez ce qui est écrit au dos en petits caractères, autorisé la compagnie émettrice de la carte de crédit à faire ce qu'elle veut des renseignements obtenus dans le cadre de l'examen de la demande et par la suite.

Ici, il se trouve qu'il s'agit d'une compagnie d'assurance. En gros, vous me dites qu'elle peut obtenir des renseignements à votre sujet n'importe où. D'après mon interprétation du texte, ceci leur accorde également des droits de divulgation plutôt étendus. C'est une illustration parfaite des raisons pour lesquelles le commissaire à la protection de la vie privée à Ottawa ou ailleurs au pays et la société dans son ensemble devraient porter davantage attention à cette question. Monsieur ou madame tout-le-monde regarde le document et se dit qu'il lui faut sans doute le signer, sans jamais poser les questions qu'il faudrait.

Il nous faut dans ce pays un corps politique qui soit mieux renseigné au sujet de la façon dont le secteur privé fonctionne dans le domaine du traitement de renseignements. Les gens ne seraient pas aussi prêts à signer de renonciation complète et perpétuelle de leurs droits en matière de protection de renseignements personnels s'ils savaient ce qu'ils faisaient et s'ils comprenaient suffisamment les pratiques des entreprises et le fonctionnement de ces renonciations pour convaincre les entreprises qu'il est dans l'intérêt de leurs relations avec leurs clients de se montrer plus respectueux envers eux.

Il se trouve renfermé ici dans ce genre de pratique toute une question concernant non seulement ce que dit la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais également l'attitude du public et l'attitude des entreprises elles-mêmes et la façon dont les deux peuvent mieux s'entendre. Le projet de loi vise à régler ce genre de problème en confiant au commissaire à la protection de la vie privée l'obligation de mieux renseigner le public au sujet de ces questions. Chacun de nous a, à un moment ou à un autre dans sa vie, signé des renonciations du genre. Il s'agit de veiller à ce que la société avec laquelle on fait affaire obtienne suffisamment de renseignements au sujet de ses clients pour pouvoir juger du bien-fondé de la transaction envisagée.

Une compagnie d'assurance, et c'est de ce cas-là que l'on discute ici, devrait à mon avis avoir le droit d'obtenir suffisamment de renseignements pour pouvoir prendre une décision censée, réfléchie et prudente quant à l'assurabilité du demandeur. Elle devrait avoir le droit d'obtenir suffisamment de renseignements pour être convaincue que le demandeur n'est pas partie à une activité frauduleuse, etc. Mais ces genres de choses peuvent être définies. Elles peuvent être définies sur le formulaire de telle sorte que l'utilisation des renseignements qui y est explicitée ne reviendra pas tout simplement à une déclaration par le client que l'entreprise peut obtenir tous les renseignements qu'elle veut au sujet du demandeur et en faire ce qu'elle veut, ce qui est l'un des problèmes que l'on a vus aujourd'hui. Vous n'allez pas faire cela dans un projet de loi, monsieur. Ce n'est pas possible. Il y a tout simplement trop de formulaires, trop d'entreprises. Cela exige beaucoup d'éducation.

M. Eugène Bellemare: Donnez-moi une chance ici. Je comprends lorsque vous dites que l'on ne peut pas faire cela dans le projet de loi, mais ne pourrait-on pas inclure dans le projet de loi un article disant que l'on ne peut pas balayer les droits des gens avec une simple signature, que si vous écrivez bien et que vous écrivez des choses telles que les gens ne comprennent pas et signent, ce ne sera pas acceptable?

• 1245

M. Bruce Phillips: Vous avez soulevé ici une question de droit. Je ne pense pas que vous puissiez faire cela sans que l'intéressé puisse recourir aux tribunaux. Je ne pense pas que vous puissiez soumettre aux gens quelque chose qui leur retire en gros leurs droits. Vous vous engageriez alors dans une activité qui ne serait pas très bien vue en droit, et ces gens-là ont des droits. Mais ne nous aventurons pas dans cet aspect du problème. Mettons en place un système, monsieur Bellemare, à l'intérieur duquel les entreprises ne s'adonneront pas à des pratiques telles qu'elles demanderont beaucoup plus de renseignements qu'elles n'en ont véritablement besoin.

M. Eugène Bellemare: Comment faisons-nous cela en tant que législateurs?

M. Bruce Phillips: Eh bien, ce projet de loi est une solution partielle. Si quelqu'un n'aime pas tel formulaire, il peut à tout le moins se plaindre et me dire: «J'essaie de traiter avec cette compagnie d'assurance, mais elle me demande beaucoup trop de renseignements». Au moins, je pourrais aller les voir et dire: «Combien de renseignements demandez-vous? Puis-je voir l'un de vos formulaires?», et leur dire: «Avez-vous réellement besoin de tout cela? Discutons-en. De quels renseignements avez-vous réellement besoin et dans quelle mesure votre curiosité est-elle déplacée? Essayons d'affiner un peu votre formulaire».

Nous l'avons fait avec les ministères. Nous avons examiné leurs formulaires et décrété: «Ceci va trop loin. Pouvez-vous vous dispenser de ceci et de cela?» Parfois la réponse était oui, parfois non. Cela fait partie de la fonction d'un commissaire à la protection de la vie privée.

M. Eugène Bellemare: Accepterez-vous une plainte venant de moi?

M. Bruce Phillips: Eh bien, je n'ai pas ce pouvoir aujourd'hui.

La présidente: Pas encore.

Madame Wasylycia-Leis, avez-vous des questions?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui. Désolée si je retourne sur un terrain que vous avez déjà couvert, mais j'aimerais revenir à ce dont nous discutions ce matin, l'information médicale.

Je pense qu'il y avait clairement un consensus dans la salle sur le fait que le renseignement personnel englobe le renseignement médical. J'aimerais simplement vérifier que vous pensez de même et, dans l'affirmative, comment pouvons-nous assurer...? Il y a eu tellement de changements, tellement de progrès technologiques dans tout ce domaine. Est-ce que ce projet de loi fait une différence s'agissant de renseignements médicaux?

M. Bruce Phillips: Permettez-moi de réitérer quelque chose que j'ai dit au début. Je n'aime vraiment pas parler d'information médicale et d'information sur la conduite automobile et toute autre sorte d'information, il n'y a que des renseignements personnels. Certains renseignements médicaux sont personnels et d'autres non. Dans la mesure où des renseignements sont personnels, je tiens à ce qu'ils soient couverts par la loi.

Ne cédez pas à la tentation de distinguer entre différentes catégories d'information—l'information médicale, l'information fiscale, etc. Nous parlons ici de renseignements relatifs à des êtres humains identifiables. C'est cela un renseignement personnel. Qu'il s'agisse de renseignements médicaux ou fiscaux ou matrimoniaux ou éducationnels, peu importe. Est-il personnel? Renvoie-t-il à un être humain identifiable? Si oui, il devrait être couvert par cette loi.

Pue importe que le renseignement soit produit et acheminé dans le monde commercial par une visite à une société d'assurance, à une société hypothécaire ou à votre magasin de chaussures. Peu m'importe. Une fois que vous vous engagez sur ce chemin et essayez d'établir différentes administrations et différents niveaux de protection pour différentes catégories de renseignements personnels, vous sombrez dans un marécage dont vous ne parviendrez jamais à vous extraire.

Tout renseignement qui est personnel a droit au même niveau de protection. Ce que vous voulez garder confidentiel peut être totalement différent de ce que M. Jones, par exemple, veut protéger. Je ne peux décider cela pour vous. Nul ne le peut. Vous seul devez être habilité à décider ce que le monde sait de vous. Vous devriez avoir le droit de contrôler l'utilisation des renseignements qui vous concernent, qu'il s'agisse de santé ou de tout autre type de renseignement. N'oubliez pas, c'est du renseignement personnel.

Vous me demandez dans quelle mesure ce projet de loi couvre les renseignements médicaux personnels. Pour autant que je puisse voir, il couvre une partie des renseignements personnels engendrés dans le domaine de la santé, mettons les choses ainsi, mais nous ne sommes pas certains qu'il les couvre tous. Nous pensons qu'il le devrait.

• 1250

Désolé si j'ai l'air un peu obtus. Dans mes remarques liminaires, j'ai soulevé la question des organisations sans but lucratif, des associations professionnelles. J'ai posé la question: Est-ce qu'un examen médical, par exemple, est une transaction commerciale? Eh bien, pas réellement, me direz-vous, mais vous devez tout de même payer pour cela. C'est un service contre honoraires si vous y réfléchissez bien, qui génère pas mal de renseignements personnels.

À mon avis, il ne devrait exister absolument aucune ambiguïté à ce sujet. Ces renseignements personnels devraient être protégés par la loi. Ils sont, dans une certaine mesure, protégés actuellement par le code propre de l'AMC, dont nous avons dit du bien en d'autres occasions, car ce code insiste beaucoup sur la préservation de la relation médecin-patient et ne permet pas la divulgation du dossier du patient sans consentement éclairé exprès. Si vous voulez utiliser le terme «information médicale» s'agissant de protéger le droit à la vie privée dans le domaine de la santé, voilà le noeud du problème: que fait-on pour garantir que la relation médecin-patient reste sacro-sainte.

Nous n'en sommes pas sûrs, très franchement, comme je l'ai dit. La définition de l'activité commerciale, à notre sens, n'est pas suffisamment claire et précise pour donner une certitude. Je pense qu'il faut y remédier.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Vous recommandez donc de remédier à cela dans ce projet de loi? L'autre suggestion faite ce matin était que Santé Canada commence à s'attaquer à certaines de ces questions et mette en place un cadre avant de mettre en marche toute cette nouvelle autoroute de l'information médicale. Mais vous pensez que nous pouvons commencer ici et clarifier plus avant le projet de loi C-54?

M. Bruce Phillips: Eh bien, il me semble que le projet de loi C-54 est le bon endroit pour faire cela.

Mme Judy Wasylycia-Leis: D'accord.

M. Bruce Phillips: Ceci est le texte de loi qui détermine jusqu'où le droit juridique à la vie privée s'étend dans la sphère commerciale, et c'est donc le lieu où il convient de le faire.

Lorsque je regarde le projet de loi, son intention me paraît claire. Je pense simplement que la définition n'est pas suffisamment précise, c'est tout. Je pense que le projet de loi a l'intention de couvrir la catégorie de renseignements personnels dont vous parlez, mais je ne suis pas sûr qu'il le fasse effectivement.

Mme Judy Wasylycia-Leis: C'est compliqué par le fait que dans notre système de santé nous n'avons même pas d'approche uniforme à travers le pays pour assurer à toute personne l'accès à son propre dossier médical. Nous partons avec déjà ce handicap qui empêche les gens de faire des choix et d'exiger l'application de la loi.

M. Bruce Phillips: Si la portée de cette loi est suffisamment claire, ce problème sera réglé, car le code CSA donne expressément le droit de voir son dossier, sous réserve de quelques exceptions très limitées. Il y a donc là un problème, et j'espère que le comité pourra y remédier.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Lastewka, pour terminer.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

Monsieur Phillips, je suis désolé de ne pas avoir été là pour votre exposé liminaire, mais je crois savoir que vous avez parlé de l'information du public quant aux enjeux de la protection de la vie privée. Vous savez probablement que j'ai posé à chaque association ayant comparu la même question, proposant une campagne concertée au lieu de messages contradictoires. Pourriez-vous nous donner un aperçu rapide de la manière dont vous vous y prendriez pour faire passer ce message aux Canadiens, informer les Canadiens de la Loi sur la protection des renseignements personnels?

M. Bruce Phillips: Eh bien, uniquement dans les grandes lignes, car une réponse plus détaillée dépendra des ressources que l'on me donnera pour faire ce travail.

Je vois un programme d'éducation publique mettant en jeu les écoles, les bibliothèques, particulièrement les écoles, les universités, et surtout le secteur privé. Je suppose que le commissaire demandera, par exemple—c'est juste une idée récemment lancée—à établir un conseil consultatif, bénévole je l'espère, de parties intéressées du monde des affaires pour discuter de cette question et voir comment le secteur privé pourrait promouvoir cette cause. Il y a littéralement un nombre infini de façons d'informer le public.

• 1255

Avant d'aller beaucoup plus loin, j'ai l'intention de demander des conseils professionnels quant à l'éventail des programmes d'éducation du public, pour me faire une idée plus précise une fois que je saurais quelles ressources seront mises à notre disposition.

Le comité doit bien comprendre une chose au sujet de la vie privée—cette expression totalement inadéquate pour décrire la nature du problème: ce sera une préoccupation continue de cette législature et de nombreuses législatures à venir.

Nous vivons dans un milieu qui change à une vitesse absolument effarante. Il continuera à nous poser de nouveaux problèmes car des technologies nouvelles vont sans cesse apparaître, de même que de nouvelles façons de les exploiter.

À long terme, la seule façon de résoudre le problème sera d'avoir une génération qui grandit en étant accoutumée à cette technologie et capable d'en discerner tant les avantages que les dangers, tout comme nous aujourd'hui pouvons voir le danger de la conduite imprudente d'une automobile.

Mais vous, députés, êtes les vrais pionniers à cet égard car vous adoptez une loi, je l'espère, qui met en place les premières pierres de l'édifice, en disant que tout un chacun dans ce pays a le droit d'exercer un degré raisonnable de contrôle sur ses renseignements personnels. Une fois posé ce merveilleux principe implicite, qui est l'esprit animant ce texte, nous pouvons faire beaucoup.

Des comités, des législatures et des commissaires ultérieurs reviendront dire qu'il faut apporter des améliorations, qu'il faut changer et renforcer cette loi. Seule l'expérience nous dira comment.

Ce projet de loi comporte quantité de petites failles et nous ne savons pas quels résultats il va donner, mais l'intention des auteurs est très claire et hautement louable.

Je n'ai pas coutume de comparaître devant des comités et de lancer des fleurs au gouvernement, mais je le fais ici sans réserve. Il s'est efforcé très fort, face à tous les problèmes associés à la complexité d'un monde commercial soumis à deux juridictions, la fédérale et la provinciale, de trouver une formule qui va asseoir le droit fondamental à la vie privée, dans tout le pays. Dieu en soit loué.

Nous pourrions discuter de toutes ces questions constitutionnelles que les membres ont soulevées. Ce sont des questions valides. Certaines restent sans réponse. Seule l'expérience nous montrera la voie.

J'en ai entendu une bonne ce matin. Puis-je vous en faire part, madame la présidente, bien que nous manquions de temps et que je ne veuille pas vous retarder?

La présidente: Oui.

M. Bruce Phillips: Je reprends mon habitude de pérorer. Mais c'est la dernière occasion que j'ai. Je tiens réellement à ce que vous compreniez tous quelle est la situation. Nous vivons dans une jungle informationnelle. C'est un véritable zoo, et vous et moi n'avons pas de droits. Nous n'avons pas le droit de savoir de ce que l'on fait des renseignements sur notre personne et je peux vous dire que cela cause des préjudices très concrets. Ce n'est pas seulement l'irritation que l'on peut ressentir devant une avalanche de courrier publicitaire. Cela, ce n'est que la pointe d'un énorme iceberg.

Laissez-moi juste vous donner un exemple de ce que l'indifférence peut entraîner. Aux États-Unis, il y a peu, une petite société très futée a acheté le registre des permis de conduire de trois États. Ces registres contiennent beaucoup de renseignements. Devinez qui finançait? Le service secret américain, qui voulait par un moyen détourné amasser une énorme masse de renseignements personnels sur des millions de citoyens américains, sans le leur dire. Une loi sur la protection de la vie privée décente n'autorise pas ce genre de chose.

• 1300

Je pourrais passer des heures à vous compter de pires anecdotes. Nous n'en avons pas le temps, mais je peux vous dire qu'il faut absolument adopter ce texte.

La présidente: Ce sera votre dernière question, monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: L'une des choses que j'ai remarquées au cours de ces audiences est que certaines sociétés et associations brandissent déjà le spectre du coût de cette mesure, disant qu'elle va coûter cher aux entreprises.

J'ai déjà entendu ce matin, ce qui m'a beaucoup surpris et déçu, que ce projet de loi visant à protéger la vie privée des gens sera inefficient et va entraver la prestation des soins de santé dans la province. J'ai ensuite lu dans ce mémoire, ce qui a été un choc pour moi:

    Que ces personnes se livrent à une «activité commerciale» en fournissant les soins importe peu s'agissant d'assurer la continuité des soins au patient.

M. Bruce Phillips: Ma seule réponse à cela est que l'Institut canadien d'information sur la santé est favorable à cette loi, et c'est l'organe auquel le conseil consultatif du ministre a confié la tâche d'élaborer un meilleur système de partage et de dissémination de l'information médicale au sein du système de santé canadien.

L'AMC y est favorable, l'Institut canadien y est favorable et je n'ai entendu personne venir ici pour demander l'abandon du projet de loi. Je vous ai donné mon avis sur l'élément information médicale. Il y a là des problèmes, que nous pourrions longuement disséquer. Certaines provinces ont déjà promulgué des lois en vue de la gestion de l'information médicale auxquelles, très franchement, je ne pourrais souscrire car elles ne contiennent pas les garanties nécessaires en matière de consentement.

Au moins le ministre de l'Industrie fédéral, dans ce projet, lorsqu'il décidera dans trois ans—quatre ans en fait, il se trouve—de céder le pouvoir constitutionnel fédéral aux provinces pourra se pencher sur ces lois et dire: votre méthode de gestion de cette information laisse à désirer. Elle n'établit pas une norme raisonnable pour ce pays et les commissaires à la protection de la vie privée ne l'aiment pas, alors allez-y, égalez au moins la norme fédérale.

À mon sens, c'est un outil très important, très puissant. Mais nous ne savons pas, à l'heure d'aujourd'hui, quelle sorte de complications cela peut engendrer, mais à tout le moins il y a dans ce projet de loi l'effort de régler ces problèmes, et tout ce que nous pouvons faire c'est essayer.

Il faut bien commencer quelque part. Nous ne pouvons tolérer qu'une partie du pays ait une bonne protection de la vie privée et rien dans une autre, car alors on verra les entreprises qui se moquent des droits des gens—et je ne pense pas qu'elles soient nombreuses, mais il y en a—s'installer dans cette province de façon à pouvoir continuer à piétiner votre droit de contrôler les renseignements qui vous concernent.

Le projet de loi ouvre la perspective d'enrayer ce genre de comportement et améliore grandement les normes de respect de la vie privée dans tout le pays.

M. Walt Lastewka: Nous avons touché avec ce projet de loi un nerf chez ceux qui vendent des listes et des renseignements sans demander le consentement des intéressés. Ensuite il y en a qui ne vendent pas, mais échangent et troquent des renseignements personnels.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lastewka.

Avant que vous partiez, monsieur Phillips, j'ai besoin de clarifier une chose. Plusieurs organisations ont proposé des amendements ou ont dit qu'elles ont leur propre code et aimeraient être régies par leur propre code sous le régime de cette loi. Puisque vous serez l'administrateur, le responsable de l'application de cette loi, cela est-il seulement envisageable?

M. Bruce Phillips: Je pense que c'est une bonne chose, madame la présidente, que des entreprises aient leur propre code, mais il serait extraordinairement difficile pour le commissaire d'administrer toute une série de codes ayant différents niveaux de protection de la vie privée. Je n'aimerais pas placer un commissaire dans cette situation.

• 1305

Ce qui est magnifique dans cette approche c'est qu'elle établit un terrain de jeu égal. Il y a des pays en Europe où des professions ont été invitées à rédiger leur propre code et à le soumettre à un commissaire national qui l'examine et, s'il répond à la norme nationale, l'accepte ou le rejette. S'il l'accepte, le code prend force de loi.

J'ai eu des entretiens avec des responsables qui travaillent là-dessus en Europe. Il apparaît que l'élaboration de tous ces codes est une tâche extraordinairement longue. Cela fait des années que cela dure et il n'y a toujours pas de normes nationales acceptées. Je ne pense pas que ce soit une bonne méthode.

Beaucoup de gens ont dit que cette loi n'est pas assez rigoureuse. Elle établit au moins quelque chose d'uniforme, il y a là un mécanisme pour l'appliquer à l'échelle du pays, il y a un bon mécanisme de plainte qui n'est pas trop lourd pour les entreprises—il y a tous les ingrédients de base pour un bon système de protection de la vie privée.

La présidente: Merci. Je tiens à vous remercier de vous être joints à nous aujourd'hui. Nous avons apprécié votre aide tout au long des audiences. Nous avons encore des témoins à entendre cet après-midi, et si vous avez des remarques ultérieures, ou s'il surgit quelque chose de nouveau cet après-midi, nous serions reconnaissants de vos avis. Nous espérons que le comité pourra régler les problèmes encore en suspens et renvoyer ce projet de loi à la Chambre très prochainement.

M. Bruce Phillips: J'ai réellement apprécié votre invitation et je présente mes excuses aux membres du comité car parfois je m'enflamme un peu, mais je crois profondément dans cette mesure et je suis ravi de voir qu'elle est enfin prise.

La présidente: Merci, monsieur Phillips. Vous n'avez pas à vous excuser.

La séance est levée.