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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ SUR LES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DES RESOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 13 avril 1999

• 1535

[Traduction]

Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous. Je vous présente mes excuses pour la petitesse de la pièce, surtout à vous qui n'avez pas une place très confortable à l'arrière. Cela ne dépend pas de nous; d'autres s'occupent de l'attribution des pièces. Veuillez nous en excuser.

J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins du Caledon Institute et du Conseil national du bien-être social.

Je rappelle à tous que notre mandat est de mener une étude en vue de cerner ce que nous savons ou ce que nous ignorons de la situation des enfants au Canada. Nous avons abordé certaines idées avancées par des gens tels que Tom Kent et Don Lenihan et traitant des enjeux relatifs aux enfants.

Nous avons aujourd'hui la chance d'accueillir deux organisations importantes. La première, le Caledon Institute, a été étroitement associée aux mesures prises récemment par le gouvernement, telles que la prestation nationale pour enfants. L'autre groupe, le Conseil national du bien-être social, vient de rendre public—je crois qu'il a été rendu public officiellement hier—un rapport tout à fait d'actualité, qui est

[Français]

dans les deux langues officielles. J'espère, madame Gagnon, que vous en aurez un exemplaire.

[Traduction]

On en parle dans le Globe and Mail d'aujourd'hui dans un article où l'on rappelle aussi que les libéraux avaient promis en 1993 de mettre sur pied un réseau national de garderies.

Le témoignage de nos invités est donc tout à fait à propos, et nous leur souhaitons la bienvenue.

De plus en plus, nous aimerions mettre l'accent sur la façon de déterminer l'efficacité de nos programmes. C'est une des questions qui ont été soulevées à notre première réunion. Comment mesurer cette efficacité? Qu'apprendrons-nous en évaluant les programmes qui existent, et comment même évaluer ces programmes?

Voilà donc le contexte de nos travaux. Je suivrai l'ordre alphabétique autant pour chaque témoin que pour chaque organisation. Battle vient avant Brun; alors je demanderai à Ken Battle de faire quelques remarques liminaires. Je céderai ensuite la parole au Conseil national du bien-être social. Puis il y aura une période de questions.

M. Ken Battle (directeur, Caledon Institute of Social Policy): Merci de m'avoir invité, monsieur le président.

Je crois devoir signaler d'emblée que notre institut a travaillé assez étroitement avec le gouvernement à la réforme des prestations pour enfants qui est actuellement en cours. Auparavant et pendant cette collaboration, j'ai été conseiller en matière de politique des ministres Young et Pettigrew et j'ai aussi dispensé des conseils au ministre Martin.

J'aimerais faire brièvement quelques remarques, mais, auparavant, j'aimerais attirer l'attention du comité sur certains documents qui ont été rédigés sur la réforme des prestations pour enfants, car ils énoncent nos vues en détail. Si vous ne l'avez pas encore lu, je vous recommande un rapport que j'ai rédigé avec Michael Mendelson et qui nous avait été commandé par les gouvernements de la Colombie-Britannique et fédéral. Il s'intitule Child Benefit Reform in Canada: an evaluative framework and future directions. Déjà, à l'époque—ce rapport a été rendu public en 1997—nous avions tenté d'explorer les critères d'évaluation et d'élaboration...

• 1540

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Il semble y avoir un problème technique parce qu'on ne vous entend presque pas.

[Traduction]

M. Ken Battle: Voulez-vous que je parle plus bas?

Le président: Cela n'a rien à voir avec vous.

M. Ken Battle: Je mentionne ce rapport simplement parce que c'est une réflexion sur la façon dont pourrait se faire la réforme des prestations pour enfants, outre ce que les gouvernements provinciaux et fédéraux se sont engagés à faire. Il m'apparaît aussi très important parce qu'il permet de comprendre ce qui a poussé le Caledon Institute à adopter cette position.

Notre conception d'une prestation pour enfants va bien au-delà de ce qui va simplement, et, nous l'espérons, dans peu de temps, remplacer les prestations d'aide sociale pour les enfants. Dans ce rapport, nous décrivons une prestation pour enfants élargie qui augmenterait substantiellement les prestations destinées aux enfants et le revenu disponible des familles à faible revenu avec enfants, ainsi que les prestations versées aux familles à revenu moyen. Je vous l'indique en passant.

Monsieur le président, vous avez fait allusion aux difficultés qu'on connaît lorsqu'on tente de recenser les mesures sociales les plus efficaces. Dans ce rapport, nous nous demandons comment l'on peut planifier et évaluer le progrès de la réforme des prestations pour enfants d'une façon réaliste, mais sans pour autant faire des concessions. Je souligne l'une de nos recommandations, car elle m'apparaît très importante, et c'est celle selon laquelle on doit combiner les analyses quantitatives et les analyses qualitatives, et les entretiens avec les prestataires. C'est ce que nous avons fait pour l'élaboration de ce rapport. Nous avons rencontré un groupe de familles de petits salariés de la Colombie-Britannique qui sont prestataires de la nouvelle allocation familiale de la Colombie-Britannique. On peut en apprendre beaucoup sur l'évaluation et l'élaboration des politiques en parlant simplement à ceux qui sont visés par ces politiques.

Tout récemment, samedi matin en fait, j'ai présenté une allocution devant l'Association canadienne d'études fiscales. Je vous recommande aussi ce texte, car j'y aborde la conception des prestations pour enfants comme mécanisme d'intégration du transfert fiscal.

J'aimerais maintenant faire quelques remarques d'ordre général sur les prestations pour enfants. Je n'entrerai pas dans les détails; je les lirai rapidement.

Premièrement, j'estime que la réforme des prestations pour enfants est mal comprise. Les gens ne savent pas de quoi il s'agit, et c'est attribuable autant au gouvernement qu'aux critiques et aux médias. Les gens ne savent pas ce que cela veut dire. Ils ne comprennent pas les grandes conséquences de la réforme, ni son incidence sur la réforme de l'aide sociale et de la sécurité du revenu en général.

Deuxièmement, et c'est une chose que je dois répéter chaque fois que j'en parle, personne ne prétend que la prestation nationale pour enfants—du moins moi je ne le prétends pas—ou toute réforme des prestations pour enfants est la solution miracle à la pauvreté des enfants. Pour reprendre les termes que j'ai employés lorsque j'étais au conseil national il y a quelques années, les enfants sont pauvres parce que leurs parents sont pauvres; les parents sont pauvres pour toutes sortes de raisons, autant sociales qu'économiques, dont les causes sont profondément ancrées dans notre société. Il faut le répéter encore et encore, car c'est très important. Manifestement, il nous faut adopter une approche plus large en matière de pauvreté des familles, une approche préventive et curative, qui mette à contribution la politique monétaire et la politique budgétaire tout autant que la sécurité du revenu, les services sociaux et les soins de santé. Je ne saurais trop insister là-dessus.

Par ailleurs, comme je l'ai dit, nous n'en sommes qu'à la première étape de la réforme des prestations pour enfants. Nous venons à peine d'établir les fondements du système. Si les gouvernements s'arrêtent une fois qu'ils auront érigé ces assises—ce qui signifierait une prestation pour enfants maximale d'environ 2 500 $ par année—la réforme serait mort-née, pour employer une analogie plutôt horrible, ce que je préférerais ne pas faire.

• 1545

J'insiste donc pour dire qu'il incombe au gouvernement fédéral de continuer à investir des sommes substantielles dans la prestation nationale pour enfants. Nous nous sommes donné les 10 premières années du prochain siècle pour ce faire, et il nous en coûtera encore beaucoup d'argent.

Une désindexation partielle de la prestation fiscale canadienne pour enfants, et même des prestations provinciales liées aux revenus et aux gains—soit l'aide sociale, qui n'est pas indexée—restent le talon d'Achille de la prestation pour enfants. C'est un problème sérieux qu'il faudra régler. Je préférerais que cela se fasse dans les meilleurs délais, et l'on avance ici divers arguments sur ce que l'on devrait faire d'abord en fonction des coûts. Mais comme vous le savez, à mesure que nous augmentons les prestations pour enfants, la désindexation partielle non seulement des prestations pour enfants, mais aussi du crédit remboursable pour TPS et du régime de l'impôt sur le revenu en général, gruge ces augmentations des prestations pour enfants.

Enfin, peut-être pourrais-je vous montrer rapidement quelques graphiques qui illustrent mes remarques. Je suis désolé, monsieur le président, j'aurais dû les distribuer avant.

J'en profite pour faire une dernière observation. Il est vrai que les prestations pour enfants nettes dont disposent les familles prestataires de l'aide sociale n'augmenteront pas à cette étape-ci, car la plupart des provinces compensent l'augmentation des prestations pour enfants fédérales par une réduction de leurs prestations d'aide sociale pour enfants.

Il m'apparaît important, cependant... et l'on peut débattre de la sagesse, politique ou autre, de ce choix. À mon avis, c'était surtout une question de coût. Mais je ferais valoir que les familles prestataires de l'aide sociale s'en tirent mieux, même si elles n'obtiennent pas davantage en prestations nettes pour enfants, dans la mesure où elles obtiennent davantage d'Ottawa et moins de la province. Je serais ravi de vous en dire plus long à ce sujet. J'estime qu'il est préférable pour ces familles de recevoir des prestations dans le cadre d'un programme lié au revenu qui est politiquement sûr, du moins pour l'instant, plutôt que dans le cadre d'un programme d'aide sociale fondé sur les besoins, qui entraîne l'opprobre et qui est hautement vulnérable aux attaques des politiciens provinciaux.

Je termine rapidement, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, avec quelques graphiques. J'ai actualisé certains des travaux que nous avions faits avant l'augmentation secondaire de la prestation fiscale canadienne pour enfants qui a été annoncée dans le budget fédéral de 1999.

La figure 1 montre les prestations en espèces qui ont été versées aux familles à faible revenu au fil des ans. Je souligne que cela n'inclut pas l'exemption fiscale pour enfants ni le crédit d'impôt non remboursable. Nous avons examiné toutes les prestations en espèces qu'auraient reçues les familles à faible revenu au fil des ans. La nature de ces prestations a changé avec le temps, mais je n'entrerai pas dans les détails.

On voit qu'il y a eu une augmentation assez importante des prestations pour enfants à long terme.

La figure 2, par contre, montre l'autre côté de la médaille: les familles à faible revenu ont vu leurs prestations fédérales pour enfants augmenter au détriment des familles à revenu moyen et élevé. Les lignes grises, les lignes du bas, montrent la répartition des prestations après 1984, lorsque l'ancien système d'allocations familiales universelles était encore en vigueur, ainsi que le crédit d'impôt remboursable pour enfants et l'exemption fiscale pour enfants. Le système était alors universel et non ciblé et très irrationnel.

Les bâtons du milieu représentent l'avènement de la prestation fiscale pour enfants, en 1993, qui fusionnait les trois grands programmes fédéraux en un seul régime lié au revenu. Essentiellement, on voulait réduire les coûts. On voit par la distribution que les familles à revenu moyen et élevé ont alors commencé à financer la lutte contre le déficit. Il n'y a pas eu d'augmentation particulièrement importante à cette extrémité.

Les bâtons noirs, les plus hauts, représentent la prestation fiscale canadienne pour enfants telle qu'elle sera en l'an 2000, après la deuxième étape. On voit deux choses. Premièrement, il y a eu une augmentation non négligeable à cette extrémité, peut-être pas aussi importante qu'on l'aurait souhaité, mais c'est néanmoins une amélioration. La décision qui a été prise dans le dernier budget, qui constitue un important petit pas en avant, selon laquelle on redonnera des prestations aux familles qui ne sont pas pauvres, figure aussi ici.

• 1550

La figure 3 nous donne une figure d'ensemble. Nous pouvons voir les modifications qui ont été apportées aux prestations pour enfants en pourcentage des revenus; cela devrait nous aider à comparer. Comme vous pouvez le voir, ces changements représentent une augmentation assez considérable pour les familles à faible revenu. Nous ne parlons pas de petites sommes, car, comme vous le savez, les prestations pour enfants comptent beaucoup pour les familles à faible revenu. Malheureusement, les pertes qu'ont subies les familles autres que les familles pauvres ont touché surtout les familles à revenu moyen-inférieur; 60 000 $ représentent un revenu moyen, et ce sont les familles qui ont un revenu de 45 000 $ qui ont subi la plus grande perte au fil des ans.

Enfin, la figure 4 montre simplement pourquoi nous avons encore beaucoup de pain sur la planche en matière de prestations pour enfants, surtout en ce qui concerne les familles pauvres, même pas les familles à revenu moyen-inférieur. Ici, à partir du seuil de faible revenu après impôt, j'ai comparé le revenu disponible de trois familles différentes, l'une gagnant 15 000 $, la deuxième gagnant 20 000 $ et la troisième 25 000 $, en Ontario, sous le régime de la prestation fiscale pour enfants de 1993 et sous le nouveau régime de la prestation fiscale canadienne pour enfants de l'an 2000.

Comme vous pouvez le constater, la nouvelle prestation fiscale pour enfants a réduit l'écart entre les familles pauvres et les autres dans une certaine mesure, mais il existe encore un écart considérable entre le revenu disponible des familles à faible revenu, surtout les petits salariés, et le seuil de faible revenu après impôt, ce qui nous indique tout simplement qu'il y a encore beaucoup à faire. Par ailleurs, nous pouvons conclure que nous ne pouvons compter uniquement sur les prestations pour enfants pour combler l'écart de la pauvreté. Nous devons aussi examiner la sécurité du revenu et les programmes de soutien aux familles des services sociaux, tels que les garderies.

Je termine là-dessus, monsieur le président.

Le président: C'est un très bon début.

Il y a une armada ici. Il y a foule. Qui prendra la parole? C'est un visage familier; vous pourrez peut-être même poser des questions si vous savez vous y prendre. Je souhaite la bienvenue à John Murphy, qui était parlementaire à la dernière législature et qui a depuis accédé à des fonctions plus importantes.

M. John Murphy (président, Conseil national du bien-être social): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir que de revoir des amis et collègues.

Nous, du Conseil national du bien-être social, sommes heureux de l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant votre sous- comité avant que les préparatifs du prochain budget fédéral ne soient trop avancés. Nous espérons, comme vous, que le budget de l'an 2000 sera un budget pour les enfants. Nous espérons que notre groupe et d'autres organismes qui s'intéressent aux politiques sociales pourront discuter en détail, au fil de l'année, de mesures possibles pour ce budget. Nous espérons aussi que les membres du sous-comité éviteront, pour le moment, d'arrêter leur choix sur des idées précises et garderont l'esprit ouvert à toute une série de possibilités, ce qui sera le cas, j'en suis convaincu.

Nous aimerions aborder deux ou trois choses. Comme vous le savez, nous venons de rendre public un nouveau rapport, et Armand vous en touchera quelques mots. Pour ma part, j'aimerais vous parler de la prestation fiscale pour enfants. Une des grandes questions qui demeurent sans réponse est celle de savoir si le gouvernement fédéral devrait engager des fonds supplémentaires pour bonifier cette prestation après 2000. Une des options évidentes consisterait à faire un autre versement de 850 millions de dollars par an en soutien fédéral additionnel. Nous savons certainement gré au gouvernement fédéral de ce qu'il a accompli avec les deux premiers versements; toutefois, ce qui est notamment en cause, c'est de savoir combien d'argent frais pourrait vraisemblablement être offert aux familles ayant des enfants au cours des prochaines années. Si des contraintes monétaires sont nécessaires, nous préférerions que l'on renonce à une nouvelle hausse de la prestation fiscale canadienne pour enfants et que l'on affecte l'argent ainsi économisé à d'autres programmes pour les enfants.

Vous connaissez sans doute notre rapport précédent sur ce sujet. L'aspect de la prestation fiscale pour enfants qui nous préoccupe le plus, c'est le fait qu'elle soit discriminatoire envers les familles vivant de l'aide sociale, notamment les familles monoparentales dont le chef est une femme, et nous avançons de bons arguments à ce sujet dans notre rapport. Nous accepterions que des fonds supplémentaires soient affectés à la prestation fiscale canadienne pour enfants seulement—et j'insiste sur le mot «seulement»—si l'on cessait d'enlever les prestations aux familles vivant de l'aide sociale. Cela m'apparaît des plus importants, et c'est même la thèse principale de notre rapport.

• 1555

Nous avons hâte d'en discuter avec vous tous. Je cède maintenant la parole à Armand, qui vous présentera notre nouveau rapport, Les enfants du préscolaire: des promesses à tenir. Je cède donc la parole à Armand, puis nous pourrons poursuivre la discussion.

Merci.

[Français]

M. Armand Brun (vice-président, Conseil national du bien-être social): Monsieur le président, la pierre angulaire de ce rapport, ce sont les services de garde.

En vous demandant de ne pas avoir d'idées préconçues sur le contenu du prochain budget, nous pensions aussi à la garde des enfants. Dans certains milieux, les services de garde d'enfants ont mauvaise presse, ce qui est extrêmement regrettable, à notre avis. Nous croyons que la lutte contre la pauvreté passe nécessairement par un régime national de services de garde.

Hier nous avons publié un rapport intitulé Les enfants du préscolaire: des promesses à tenir qui fait le point sur la condition infantile au Canada et sur les programmes en leur faveur d'un bout à l'autre du pays. Nous y soulignons que les taux de pauvreté chez les enfants augmentent, que les mères participent davantage à la population active et que de nombreux enfants sont élevés dans des familles monoparentales dirigées par des mères qui n'arrivent pas à faire assez d'argent pour éviter que leurs enfants ne vivent dans la pauvreté. Nous recommandons tout un éventail de politiques qui pourraient être intégrées dans une politique familiale nationale digne de ce nom. Mais ce rapport met surtout l'accent sur un programme, à savoir un service de garde des enfants.

Beaucoup de programmes sociaux sont axés sur l'aide à la famille; les services de garde en sont cependant la cheville ouvrière. On a maintes fois constaté que ces services sont l'ingrédient indispensable de la participation des parents, en particulier des mères, au marché du travail. Des services de garde qui sont abordables, accessibles et de qualité peuvent devenir le pivot de beaucoup d'autres services et mesures de soutien à la famille.

Toutefois, en l'absence d'un bon régime de services de garde, beaucoup de familles ne peuvent tout simplement pas participer au marché du travail. Or, lorsque les parents ne réussissent pas à trouver un emploi, d'autres services de soutien à la famille doivent venir à la rescousse pour essayer de réparer les dommages causés par la pauvreté.

Bien sûr, la garde des enfants ne peut occuper tout le champ. Le soutien des familles est une question complexe à laquelle il n'y a pas de solution unique. Une politique nationale de la famille devrait réunir les politiques du travail, les congés de maternité et parentaux, les mesures de soutien du revenu et d'équité en matière d'emploi, l'équité salariale et l'éducation. Mais son noyau est un programme de services de garde qui assure à la petite enfance une éducation de grande qualité pendant les heures où les parents travaillent.

Les services de garde sont l'élément essentiel d'une politique familiale qui fait toujours défaut. Seul un programme national de services de garde peut garantir que les enfants et les familles auront accès à des garderies partout au pays. Et seul le gouvernement fédéral a les moyens financiers pour faire en sorte que ce programme soit accessible afin que tous les enfants puissent avoir un bon départ dans la vie.

À notre avis, le gouvernement ne devrait pas engager sa politique familiale sur la voie des programmes d'intervention. Nous savons que cette recommandation a fait sourciller certains milieux, mais nous croyons que les programmes fédéraux qui offrent des services directs ne font que rendre plus complexe encore le labyrinthe actuel de programmes et de politiques fragmentaires relevant des gouvernements fédéral et provinciaux. Au lieu de consacrer du temps et de l'argent à de bons programmes efficaces pour les enfants, on les utilise à gérer des problèmes de compétences entre les deux ordres de gouvernement.

Les ressources du gouvernement fédéral seraient mieux exploitées si elles servaient à offrir de l'argent et des normes de qualité de base pour un programme national de services de garde qui donnerait aux provinces et aux territoires la latitude de créer des programmes adaptés à leurs besoins particuliers. S'il existait un programme national de services de garde, les provinces et les territoires auraient des fonds avec lesquels ils pourraient soutenir d'autres initiatives en faveur des familles. Les parents, de leur côté, disposeraient d'un service grâce auquel ils pourraient terminer leurs études et trouver du travail, et la petite enfance bénéficierait d'une éducation de grande qualité.

• 1600

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Monsieur Murphy.

M. John Murphy: J'ai fait l'oubli impardonnable de ne pas vous présenter notre président... ou plutôt le directeur du conseil. C'est moi le président.

Le président: Ne le laissez pas prendre votre place.

M. John Murphy: Certainement pas.

Voici Joanne Roulston, notre attachée de recherche principale et l'auteure de cet excellent rapport.

Le président: Très bien. C'est un très bon début, et je suis certain que les membres du comité ont des questions à vous poser.

[Français]

Madame Gagnon, vous avez des questions? Il y a un peu de confusion de tous les côtés, mais il y a vraiment une atmosphère non partisane.

Mme Christiane Gagnon: Je pensais que j'avais eu une promotion.

Le président: Vous êtes toujours la bienvenue, madame.

Mme Christiane Gagnon: J'aimerais poser des questions à M. Murphy et à M. Brun sur la politique familiale.

Vous dites que la politique en vue d'aider les familles les plus démunies ou celles qui vivent de l'aide sociale devrait surtout viser les garderies et le soutien aux familles. Bien que le gouvernement tente de trouver des solutions pour freiner l'accroissement de la pauvreté, nous savons tous que lorsqu'il sabre dans le Transfert social canadien, c'est l'aide sociale qui est tout de suite attaquée et ce sont les familles qui se retrouvent avec des revenus mensuels moindres.

Vous proposez de nouvelles mesures pour accroître l'aide. Je crois qu'il ne faut pas chercher des programmes qui n'existent pas, mais plutôt se pencher sur les voies existantes et ramener l'argent dans les provinces puisque ce sont elles qui offrent ces services. Par exemple, on sait que le Québec a fait beaucoup en instituant sa politique des services de garde à 5 $ par jour. Mais au niveau de l'aide sociale, on constate que les quelque 500 $ qu'on accorde aux prestataires ne sont pas suffisants pour vivre. Je sais que vous cernez toute la problématique, mais on se rend compte que quand on sabre comme on l'a fait au cours des dernières années, la pauvreté nous tombe en pleine face. Il y a longtemps qu'on gruge et on n'a pas vu cette espèce d'éléphant arriver. En 1989, la Chambre des communes adoptait une résolution dans laquelle elle s'engageait à faire en sorte qu'il y ait moins de pauvres. Pourtant, il y a aujourd'hui, au Canada, 500 000 enfants pauvres de plus qu'à ce moment-là.

Le Québec devance peut-être certaines autres provinces au chapitre de l'aide à la famille. J'aimerais savoir si vos propositions tiennent compte du fait que certaines provinces n'en font pas autant que d'autres. C'est une question à laquelle je suis très sensibilisée.

M. Armand Brun: Le problème de l'accroissement de la pauvreté a sûrement été causé par les coupures et les efforts du gouvernement, au cours des cinq ou six dernières années, en vue d'équilibrer son budget. On a peut-être réalisé des économies là où l'on n'aurait pas dû, sur le dos les plus démunis et des plus pauvres. Il faut maintenant corriger cette situation.

Nos études ont démontré que les plus démunis, les plus pauvres, étaient les mères monoparentales et que pour remédier à cette situation, il nous fallait amener ces personnes sur le marché du travail et les aider en offrant des services de garde afin de leur permettre de terminer leurs études ou d'entrer sur le marché du travail.

Deuxièmement, nos études nous ont permis de constater que lorsque les deux parents travaillent, les familles risquent moins d'être pauvres. C'est là un autre argument en faveur des services de garde. Il faut donner la possibilité aux deux parents qui le souhaitent d'aller chercher des revenus.

Troisièmement, on constate que, dans la société moderne, il est trop tard pour commencer l'éducation d'un enfant en garderie à cinq ans. En France et en Suède, on donne aux enfants une éducation de base et on leur inculque des aptitudes sociales dès leur très jeune âge. C'est pour cette raison que nous jugeons qu'il est important d'établir des normes.

• 1605

Nous n'affirmons toutefois pas que le gouvernement fédéral devrait gérer tous les programmes qu'ont assumés les provinces. Nous croyons au contraire que les provinces devraient gérer leurs programmes, tout en respectant certaines normes. Nous devrions, par exemple, établir des normes au niveau de la nutrition afin de nous assurer que les enfants qui fréquentent une garderie ne boivent pas de l'eau colorée alors que ceux d'une autre province boivent du jus d'orange. Il faut éliminer tout risque d'abus et s'assurer qu'on ne coupe pas les coins là où on ne devrait pas le faire.

Cette étude est un commencement qui nous permet de lancer la discussion.

Mme Christiane Gagnon: J'aimerais revenir sur les normes et plus particulièrement celles qui régissent l'aide sociale. Le gouvernement a beau fixer des normes, mais si cinq ans plus tard, il décide de sabrer dans les transferts aux provinces, ces dernières n'auront plus le moyen d'assurer le service et seront incapables de satisfaire aux attentes qu'on a crées chez ceux qui croient maintenant qu'ils peuvent compter sur cette aide.

C'est là que se situe le problème auquel font face les provinces, parce qu'elles répondent justement à la demande et aux besoins. Il est assez rare que des groupes des autres provinces viennent manifester après le dépôt d'un budget du Parlement canadien et parler de leurs conditions de vie. Les conditions de vie sont un sujet dont on parle dans les provinces, et le mécontentement, ce sont les provinces qui en écopent. On ne porte pas atteinte à la popularité du gouvernement fédéral qui, par la suite, s'en lave les mains et ne se montre presque pas responsable de cela.

On sait jusqu'à quel point les derniers budgets ont créé des situations difficiles. Lorsque nous retournons dans nos comtés, dans nos provinces respectives, par exemple au Québec, nous essayons de faire comprendre à nos commettants que le Québec a déjà mis sur pied toutes les infrastructures nécessaires, mais qu'on l'empêche souvent d'être plus proactif dans toutes sortes de domaines sociaux.

M. Armand Brun: C'est justement ce que nous affirmions. À la quatrième recommandation de notre rapport, nous revendiquons que les gouvernements ne sabrent plus arbitrairement dans les programmes sociaux et qu'au contraire, ils les améliorent.

Il faut faire nos devoirs et n'établir que des programmes que nous serons en mesure de maintenir et d'améliorer. Il faudra prévoir les sommes nécessaires à cette fin dans les budgets subséquents. Il faut éviter d'aller trop haut et trop vite et plutôt commencer à bâtir une base solide et assurer un progrès continu.

Le président: Madame Davies.

[Traduction]

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup d'être là.

Pour commencer, j'aimerais donner suite à une chose qu'a dite M. Battle. Je crois que vous avez dit que personne ne prétend que la prestation fiscale pour enfants est la panacée. Je suis heureuse de vous entendre dire que ce n'est pas cela qui réglera le grave problème de la pauvreté croissante.

Malheureusement, des représentants du gouvernement, eux, ont dit que c'était la panacée. C'est tout ce qu'ils nous disent. Je me souviens que M. Pettigrew, lors d'une comparution devant notre comité—pas ce sous-comité-ci, mais le comité plénier—il y a environ un an, a déclaré que la prestation fiscale pour enfants était la plus importante mesure sociale depuis les années 60. Cela m'a inquiétée, et je me suis dit que si c'est là tout ce que nous avons pu accomplir en matière de politique sociale depuis les années 60, la situation est grave.

L'une des questions qui nous dérangent, le NPD et moi, c'est que la prestation fiscale pour enfants n'a pas été appliquée aux plus pauvres, c'est-à-dire aux personnes qui vivent de l'aide sociale. Les statistiques du Conseil national du bien-être social montrent que, d'une façon générale, 36 p. 100 seulement de toutes les familles pauvres qui ont des enfants peuvent en fait obtenir la somme supplémentaire versée par le gouvernement fédéral. Cela nous amène à nous interroger sérieusement au sujet de l'argent qui est récupéré. Cela nous amène également à tout ce débat sur l'union sociale. Comment peut-on s'assurer que l'argent récupéré est bel et bien versé dans des programmes dont bénéficieront les enfants de familles à faible revenu, que cet argent n'est pas versé à des programmes que l'on a décidé d'abolir et que l'on ne se retrouve pas, en fin de compte, avec une perte nette? Il est toujours important de faire un bilan et de voir, après avoir pris en compte tous ces programmes, si le résultat est une perte ou un gain net.

• 1610

Il est très important à mon avis de voir comment on peut s'assurer que l'argent récupéré est bel et bien utilisé au profit des familles qui sont visées publiquement par ces mesures. D'après ce que je puis constater, il n'existe pas de mécanisme de responsabilité permettant de s'en assurer. Je me demande si le Caledon Institute ou le Conseil national du bien-être social ont des propositions que nous pourrions transmettre quant à la façon de régler ce problème.

J'aurai ensuite une question à poser sur les garderies.

Le président: Nous allons commencer par Ken Battle.

M. Ken Battle: Vous posez plusieurs questions importantes. Permettez-moi de répondre d'abord à la dernière question.

Pour ce qui est de savoir ce qui se fait avec les fonds qui sont transférés d'un endroit à l'autre, comme vous l'avez dit, le gouvernement fédéral et les provinces se sont engagés à appliquer un processus d'évaluation relativement transparent. Nous n'en avons pas encore vu les résultats, mais à mon avis il sera important que toutes les parties en cause—les partis d'opposition, les groupes sociaux, les médias, etc.—étudient en profondeur les rapports qui seront produits et publiés sur ce qui se fait dans le régime de prestation pour enfants. Par exemple, on peut se demander où va l'argent, à quoi sert l'argent réinvesti, ce qui existait auparavant, ce qui existe maintenant, etc. Pour ma part, j'appuie fortement l'application d'un processus d'évaluation transparent et très ouvert.

Au risque de me répéter, l'allégation voulant que le régime de prestation nationale pour enfants exerce une discrimination contre les familles vivant de l'aide sociale n'est rien d'autre que de la foutaise. Permettez-moi de vous l'expliquer de façon aussi simple que possible.

Le président: Je crois que nous aurons une discussion intéressante.

M. Ken Battle: Je vais vous expliquer pourquoi. Je n'ai pas besoin de me faire dire que les familles vivant de l'aide sociale n'ont pas des revenus suffisants. J'ai travaillé toute ma vie au Caledon Institute et, auparavant, au Conseil national du bien-être social à essayer de trouver divers moyens d'améliorer les revenus des familles pauvres, y compris celles qui sont prestataires de l'aide sociale.

Dans le régime qu'on est en train de remplacer, les familles prestataires de l'aide sociale reçoivent des prestations pour enfants deux fois supérieures à celles des autres familles à faible revenu—une double prestation pour enfants. Nous voulons nous assurer que toutes les familles à faible revenu, qu'elles reçoivent de l'aide sociale, un revenu d'emploi, de l'assurance-emploi ou, comme c'est souvent le cas, des revenus provenant de plusieurs de ces sources—puisque les catégories «pauvre vivant de l'aide sociale» et «travailleur à faible revenu» sont artificielles en raison de la dynamique même de la pauvreté—reçoivent la même somme dans un premier temps et davantage plus tard. C'est la raison pour laquelle on veut augmenter le niveau.

Le régime actuel exerce une discrimination contre les familles à faible revenu qui ne reçoivent pas d'aide sociale. Ceux qui réussissent à obtenir un emploi et à placer leurs enfants en garderie renoncent à des milliers de dollars en avantages financiers et à Dieu sait combien de milliers de dollars en avantages non financiers. Ce que l'on vise, c'est fournir des avantages financiers et non financiers pour enfants qui permettent d'égaliser les revenus des familles pauvres. Je déplore toutefois que cette mesure s'applique sur plusieurs années pour des raisons de coût.

J'ai présenté la première proposition de prestation intégrée pour enfants en 1990, au comité du Sénat. Je l'ai présentée de nouveau en 1995. Il s'agissait d'un régime de prestations pour enfants qui devait avoir des effets en profondeur. Les sommes versées auraient été suffisantes pour éliminer les prestations d'aide sociale. Le régime aurait été mis en oeuvre rapidement, dans une période de deux ans, et il aurait accru les prestations pour enfants dans toutes les familles à faible revenu. La proposition a été rejetée pour des raisons politiques. Il y avait d'abord la question des coûts, mais aussi le problème de la dynamique entre les ordres fédéral et provincial de gouvernement. Il faut donc situer la chose dans sa juste perspective.

C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Si j'ai bien compris, le conseil propose que, dans le prochain budget, ce soi- disant budget des enfants, l'argent qui serait versé à la prestation pour enfants soit plutôt investi dans les garderies. J'estime que c'est de la folie pure. C'est la pire proposition que le Conseil national du bien-être social ait jamais faite à un gouvernement.

Le président: D'accord. Mark, qu'en pensez-vous?

M. Steve Kerstetter (directeur, Conseil national du bien-être social): Monsieur le président, les membres du comité se rendent compte sans doute que les positions du Caledon Institute et du conseil sont aux antipodes à ce sujet.

Le président: Pourquoi croyez-vous que nous vous ayons invités ensemble?

M. Steve Kerstetter: C'est une opposition qui remonte à un certain nombre d'années, et il ne semble pas qu'il y ait de terrain d'entente, du moins d'après ce que Ken et moi avons constaté.

• 1615

Permettez-moi de revenir aux questions de Mme Davies, à commencer par la dernière, c'est-à-dire s'il est possible de retracer l'argent récupéré qui est réinvesti par les gouvernements provinciaux et territoriaux et s'il est possible de déterminer s'il s'agit d'argent frais ou d'argent qui remplace des investissements éliminés ou comble les lacunes causées par des compressions budgétaires provinciales ou territoriales.

Les membres du conseil ont étudié cette question de façon approfondie et ont conclu qu'il n'est pas possible de déterminer de façon définitive à quoi a servi tout cet argent. Il y a trop de programmes, de politiques, de changements et de mesures dans le domaine social pour déterminer de façon absolue s'il s'agit d'argent frais qui a été réinvesti dans un programme particulier. On peut certes se fonder sur des documents, mais il est trop facile de s'en détourner.

Pour ce qui est de l'équité, je ne voudrais pas en venir aux poings avec Ken, mais je ne comprends pas son argument. Il me semble qu'on évoque cette question de l'équité de façon trompeuse et malhonnête.

Cette question comporte en fait deux aspects. Au départ—et ce, avant que John et Armand fassent partie du conseil—les membres du conseil ont entrepris de discuter de la politique de la famille et du bien-être social sous un angle large. Les membres du conseil se sont rendu compte de façon presque instinctive qu'on ne saurait diviser la famille en ses diverses composantes.

Qu'il s'agisse d'une prestation intégrée pour enfants ou d'une prestation unifiée, nous nous sommes toujours opposés à l'argument voulant qu'une telle mesure permettrait de retirer les enfants du régime de l'aide sociale. Certains disaient qu'en octroyant une prestation pour enfants fédérale ou provinciale équivalente au montant de l'aide sociale que recevrait une famille au titre des enfants, les enfants se retrouveraient retirés du régime de l'aide sociale. Nos membres estimaient que le calcul était faux. On ne peut séparer les enfants du reste de la famille. Peu importe que l'on augmente la prestation ou qu'on lui donne un autre nom, si les parents reçoivent encore de l'aide sociale, c'est toute la famille qui en reçoit.

Supposons que ce soit le gouvernement fédéral qui verse les prestations à la famille. Si ces prestations sont protégées, rien n'empêche la prestation d'aide sociale de demeurer sans protection, et la famille se retrouvera dans la même situation. Il faut donc tenir compte de l'ensemble du revenu de la famille et considérer, si l'on veut que la politique sociale soit logique, que la famille est une unité indivisible. Je ne crois pas que ce soit l'optique adoptée par les partisans d'une prestation intégrée pour enfants ou de la prestation fiscale pour enfants du Canada.

Ce que je trouve révoltant et incompréhensible, c'est que les programmes du bien-être social se fondent sur le besoin; c'est en fonction du besoin que l'on détermine si une famille a droit à l'aide sociale. Pour cela, on examine le revenu disponible et ce à quoi on peut raisonnablement s'attendre d'une famille. Si on estime que la famille est dans le besoin, on lui verse des prestations, et ces prestations s'appliquent à l'ensemble de la famille. Les prestations ne sont pas versées seulement aux enfants ou aux parents, mais à toute la famille. Si l'on verse ces prestations, c'est que la famille répond à un ensemble de critères quant à ses actifs et à ses revenus et que l'on estime qu'elle est dans le besoin.

Je ne vois pas pourquoi on voudrait étendre ce principe et dire que si une famille est dans le besoin et que les enfants reçoivent 3 000 $ en aide sociale en fonction de ces critères, une famille qui n'est pas dans le besoin devrait également recevoir 3 000 $. Je ne comprends pas la logique de cet argument. Si un enfant d'une famille prestataire de l'aide sociale reçoit des prestations par le truchement de l'aide sociale, c'est que la famille est dans le besoin. En quoi cela concerne-t-il l'équité? Je ne comprends pas cet argument.

Je n'en dirai pas davantage.

Mme Libby Davies: J'ai une brève question à poser dans la même veine. Dans vos remarques, vous avez parlé de politique nationale de la famille et vous faites remarquer que la mesure la plus importante que nous pourrions prendre, ce serait d'avoir un programme national de garderies. Nous pourrons peut-être discuter plus tard pour savoir si c'est une bonne idée, mais j'aimerais comprendre ce que vous dites lorsque vous parlez d'intervention et de programme direct.

Dites-vous que le gouvernement fédéral n'aurait pas à s'occuper de la prestation de programmes s'il existait une politique nationale de la famille ou une politique nationale de garderies? Est-ce en fait ce que vous envisagez? On m'a dit que vous proposez un modèle semblable à celui du Québec. Il serait utile que vous nous en disiez davantage au sujet de cette solution inadéquate et de son application, compte tenu de l'état des relations fédérales-provinciales, etc.

• 1620

Mme Joanne Roulston (recherchiste principale et conseillère en politique, Conseil national du bien-être social): Le moyen le plus efficace d'offrir ces services aux familles est de remettre l'argent aux provinces et aux territoires. Nous pensons que les provinces et les territoires sont les mieux en mesure de décider comment administrer ces programmes. Il serait plus efficace que l'administration ne relève que d'un seul ordre de gouvernement.

Nous voudrions donc que ces nouveaux fonds concentrés servent à un programme national de garderies unique. Les provinces pourraient s'occuper de la prestation et l'adapter, un peu comme le Québec l'a fait, mais elles pourraient également choisir d'autres régimes. Il existe différents moyens d'offrir des garderies de grande qualité qui comportent un élément éducatif préscolaire. Ces garderies pourraient constituer une extension des écoles, une extension des programmes de ressources familiales et des garderies, ou d'autres combinaisons. Le Québec a choisi un régime de centres de la petite enfance qui combine les garderies et la garde en milieu familial. Toutes ces solutions nous semblent légitimes, mais nous croyons que le gouvernement fédéral n'a pas à dire aux provinces et aux territoires quelle est la solution la mieux adaptée à leurs besoins.

Mme Libby Davies: Si nous adoptions une telle solution, vous préconiseriez, je suppose, que soient établis des objectifs, des principes et des normes afin d'éviter cette situation terrible qui fait qu'il existe d'excellents programmes à certains endroits, mais qu'à d'autres, tout est dans la forme et rien dans le fond. Préconiseriez-vous cela également?

Mme Joanne Roulston: Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait collaborer avec les provinces et établir des normes nationales fondamentales, entre autres le nombre de préposés par enfant, le nombre d'enfants par groupe, ainsi que les normes en matière de santé et de sécurité.

Le président: Nous passons maintenant à Carolyn Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je vais inverser ma question. Pour revenir à la question de Libby, si nous avions un programme national de garderies, un programme familial ou un programme d'intervention auprès des enfants, quels que soient nos objectifs... Je participais la semaine dernière à une réunion publique sur l'union sociale, avec M. Dion. Martha Friendly y assistait également. Elle a dit qu'il fallait cesser de parler et commencer à mettre des mesures en oeuvre. Ce n'est qu'à cette étape que nous pourrons savoir si l'union sociale fonctionne.

Dans votre document, vous ne parlez pas de l'union sociale. J'aurais cru qu'à la dernière étape du processus d'union sociale, tout le monde profiterait de ce processus pour défendre ses intérêts, qu'il s'agisse de mon Sous-comité des personnes handicapées, des sans-abri ou d'un programme national d'intervention auprès des enfants.

Il faut que les secteurs s'entendent sur les objectifs, sur tous les aspects concrets qui doivent se trouver dans l'union sociale, car il faut bien davantage que juste des normes de sécurité. Il faut voir ce qui en est de la pénétration. Qu'en est-il des listes d'attente? Les prix sont-ils abordables? Existe- t-il un accès? Où en est chaque province dans ce domaine? Si le programme du Québec est le meilleur, ce programme devient une norme nationale non officielle dans cette course à l'excellence dont on parle.

J'aimerais savoir comment, à votre avis, l'union sociale s'intègre dans tout cela. Comment peut-on s'assurer que le Conseil national du bien-être social est en mesure de faire valoir ses arguments dans cette structure adoptée par le gouvernement? Comment peut-on en arriver à des accords sectoriels, entre autres, et comment pouvez-vous nous aider à réaliser notre espoir pour le prochain budget?

Comment l'union sociale influe-t-elle sur votre travail? Pourriez-vous nous aider à établir certains objectifs quant à ce que nous visons, pour ce qui est des moyens de mesurer les résultats qui nous permettront de savoir si nous obtenons de bons résultats dans le domaine de l'accès, des garderies et de l'intervention familiale?

Votre document ne contient également rien sur les services accessibles aux enfants de familles qui ne parlent pas l'anglais ou dont la mère reste au foyer, sur le genre d'interventions dont on a besoin, compte tenu de ces choses de la vie canadienne. Il y a aussi des bonnes d'enfants qui ne sont pas particulièrement stimulantes. Comment peut-on s'assurer d'offrir de bons services aux enfants?

Le président: Les résultats et l'union sociale—qui veut répondre?

• 1625

Mme Joanne Roulston: Je peux essayer de répondre—vous me direz si j'ai répondu à tout.

Nous avons estimé que le financement versé aux provinces et aux territoires devrait dépendre du nombre de places fournies, afin de régler les problèmes d'accès. Nous croyons également que les familles qui vivent en deçà du seuil de la pauvreté ne devraient pas payer de frais de garderie.

Nous avons recommandé un régime qui comporte au moins trois options dans le domaine des garderies: des garderies qui offrent des services pendant les heures de travail des parents lorsque ceux-ci travaillent à plein temps, des garderies ouvertes la moitié de la journée, et des garderies qui offriraient trois heures par jour, par exemple, un très bon programme préscolaire.

Cela peut résoudre certaines de vos questions, dont celle des bonnes d'enfants qui ne sont pas suffisamment stimulantes. Cela se fait déjà dans bon nombre de bons programmes de ressources familiales, mais la solution du programme préscolaire de trois heures par jour s'applique également aux enfants dont un parent reste avec lui au foyer.

Nous avons également proposé que le gouvernement fédéral paie 55 p. 100 des coûts des garderies, au lieu de 50 p. 100, dans un tel régime, afin d'encourager les provinces à y participer.

Pour ce qui est de savoir comment on peut amener les provinces et les territoires à négocier avec le gouvernement fédéral, nous ne sommes pas des experts des relations fédérales-provinciales, mais nous estimons qu'il est essentiel et fondamental de voir à ce que les enfants se développent bien durant leurs premières années. En outre, il est démontré qu'il est très rentable d'investir beaucoup dans un régime préscolaire de grande qualité et de ramener les parents sur le marché du travail. Nous estimons que tout cela est si logique que c'est en fait un excellent critère pour déterminer si l'union sociale fonctionne. Ce qu'il faut, c'est amener le gouvernement fédéral et les provinces à s'entendre, et dans le cas d'un tel régime, cela ne devrait pas être bien difficile.

Mme Carolyn Bennett: La discussion de cet après-midi me trouble un peu. Je pense que nous n'avons pas encore réfléchi à la raison pour laquelle les familles ont besoin d'argent. Je crains toujours que si nous nous occupons seulement de la question du revenu, à Toronto, où les gens consacrent 50 p. 100 de leurs revenus au logement, peu importe ce que nous faisons, ou pour ce qui est de la sécurité alimentaire et ce genre de choses, quand des gens ne peuvent pas travailler à moins d'avoir des services de garde... Honnêtement, les gens ne peuvent pas se sortir de l'aide sociale si cela signifie qu'ils perdront leur assurance- médicaments, surtout s'ils ont des enfants qui ont des maladies chroniques, ou ce genre de choses. Je pense que l'Australie a trouvé une solution pour éviter le piège de l'aide sociale: on accorde un an de médicaments gratuits à ceux qui laissent l'aide sociale.

Quand je regarde le tableau sur l'écart entre les pauvres, et ce genre de choses, je ne vois pas ce qui nous aiderait à planifier ce qui serait bon pour les enfants si nous ne donnons pas en fait aux femmes mères de familles monoparentales qui doivent travailler ou qui doivent rester à la maison parce que leur enfant est trop jeune... Je ne sais pas à quel problème doit s'attaquer le comité pour nous assurer qu'elles auront les moyens d'acheter des habits de neige, parce qu'il leur restera suffisamment d'argent une fois payé le loyer. Comment planifier cela?

Je comprends ce que disait M. Battle au sujet de la figure 2, lorsqu'il disait que le système universel était irrationnel. Je crois que ces petites colonnes grises isolées, tout au bout, sont inquiétantes, mais il y a des gens qui croient que l'universalité marche. On fait des adultes, et ces gens font ensuite d'autres choses. Je pense que c'est pourquoi je suis allée à l'université. Ma mère a mis de l'argent de côté, avant même la création des régimes enregistrés d'épargne-études. Cet argent a été déposé dans un compte pour moi.

Je crains qu'on ne se concentre trop sur des détails. Je veux une vue d'ensemble. Il est évident qu'on a décidé d'en finir avec le piège de l'aide sociale, mais comment? Sa création était-elle délibérée. Savions-nous que les provinces feraient de la récupération?

Le président: Ken Battle, puis Libby.

M. Ken Battle: Vous avez soulevé beaucoup de bonnes questions. Je vais essayer de répondre à quelques-unes, puisque ce sont des questions que tout le monde se pose.

Il n'y a pas à choisir entre le revenu et les services; il faut les deux. S'il faut encore choisir deux choses, puisqu'il faut choisir, je mettrais l'argent dans les prestations pour enfants et dans les services de garde. S'il faut choisir les deux choses les plus importantes à mon avis, ce sont celles-là.

Le président: Youppi! On y est arrivé.

• 1630

M. Ken Battle: Mais je ne veux pas qu'on choisisse l'une aux dépens de l'autre; c'est à cela que je m'oppose.

Pour ce qui est de l'argent, si une forte somme était retirée du programme de prestations fédérales pour enfants sur plusieurs années... Cela remonte au gouvernement Mulroney.

Je vais vous donner des chiffres: le gouvernement fédéral dépensera 7 milliards de dollars pour la prestation fiscale pour enfants lorsque la nouvelle augmentation sera mise en oeuvre. C'est une augmentation de 40 p. 100 par rapport aux 5 milliards de dollars, ce qui n'est pas mauvais. En 1984, nous dépensions 7,9 milliards en allocations familiales. Nous essayons donc simplement de revenir aux budgets de cette époque.

Je pense qu'il incombe au gouvernement fédéral de consacrer des sommes substantielles à la politique familiale, si l'on veut.

Permettez-moi de vous parler d'un autre élément qui me préoccupe au sujet de l'élaboration d'une prestation nationale pour enfants, dans un sens plus général. Il ne se rapporte pas au revenu, mais aux mesures prises par les provinces.

Dans le cadre de l'accord politique... et j'insiste là-dessus: il s'agit d'un accord politique. Il s'agit de l'union sociale. C'est ainsi que l'on pense, de nos jours, au sujet du bon fonctionnement de l'union sociale. Il s'agit d'un accord politique. Ce n'est pas un programme à frais partagés, ni le RAPC. Je pense que cette époque est révolue, et qu'elle ne reviendra pas de mon vivant. Il ne s'agit plus du fédéralisme du bâton ou de la carotte. C'est dépassé. La plupart des provinces sont maintenant des partenaires égaux du gouvernement fédéral, tant pour les budgets que pour le pouvoir.

Une de mes craintes, c'est que lorsqu'on aura augmenté suffisamment le programme de prestations fédérales pour enfants, de manière à remplacer plus ou moins la partie de l'aide sociale des allocations familiales, et qu'on ira plus loin encore, les provinces ne recevront plus ce qu'on appelle des réinvestissements. Une fois que les provinces—sauf les deux qui ont des taux d'aide sociale très faibles—auront réinvesti leurs économies, elles ne recevront plus d'argent du gouvernement fédéral, et à ce moment-là la prestation nationale pour enfants sera chose du passé.

Je ne pense pas qu'on doive y mettre un terme. Je pense que le gouvernement fédéral doit mettre de l'argent sur la table et déclarer qu'il s'agit d'un fonds de développement pour les enfants, ou quelque chose comme cela. Il s'agirait d'une source de financement continu pour les provinces, qui pourraient créer des programmes et des services pour les familles à faible revenu qui ont des enfants. Je pense qu'au point de vue politique, c'est un bon point de départ, puisque les provinces auront des intentions différentes au sujet de leur politique familiale.

Vous avez dit vous-même qu'une part très importante du piège de l'aide sociale, c'est le manque de prestations supplémentaires pour soins de santé pour les familles de travailleurs à faible revenu. Avec la prestation nationale pour enfants, bon nombre de provinces vont justement offrir cela. C'est une sorte de revenu; c'est un service, un service de santé. C'est le genre de chose qu'il faut faire pour améliorer les conditions de vie des familles à faible revenu.

Une dernière chose. Nous savons au moins une chose, et les données psychologiques et tout le reste sur nos politiques sociales nous le prouvent bien, c'est que l'aide sociale est le pire programme social que nous ayons au Canada. Nous le savons. C'est lamentable, terrible. Cela ne marche pas. Ce programme nuit aux gens. Il aide certaines personnes, qui sans lui seraient dans la misère, mais il nuit à beaucoup d'autres.

Je veux supprimer l'aide sociale. L'une des façons de le faire, si nous pouvions commencer avec la prestation pour enfants... Si près de la moitié des enfants pauvres ont des parents aptes au travail, je ne crois pas qu'ils devraient vivre de l'aide sociale, pas plus que les personnes handicapées. Ils devraient recevoir des prestations de programmes de sécurité du revenu d'un type différent, amélioré, qui seraient supérieurs, par exemple, à l'assurance-emploi... la pire chose qui soit arrivée au cours des récentes années, c'est le massacre de l'assurance-emploi.

Je pense qu'il faut envisager une réforme à long terme, une restructuration complète non seulement des programmes de sécurité du revenu, mais aussi des régimes relatifs à la main-d'oeuvre et à la création d'emplois. Il faut penser au-delà de l'aide sociale.

On ne peut pas réparer le programme d'aide sociale. Ce programme ne peut pas servir de programme de supplément de revenu, et nous ne pouvons donc pas l'offrir aux travailleurs à faible revenu. Cela ne marche pas, pour toutes sortes de raisons. Il faut plutôt éliminer l'aide sociale.

• 1635

Quand Steve dit qu'à ses yeux l'aide sociale est un système organique, et que les enfants reçoivent une prestation parce qu'on estime qu'ils ont des besoins, nous dites-vous que les enfants des familles de travailleurs pauvres, qui ont parfois un revenu encore inférieur, ne sont pas dans le besoin, ne méritent pas notre aide? On ne devrait pas parler uniquement des besoins. L'aide sociale est un système qui stigmatise, qui surveille, qui crée une dépendance. Honnêtement, il faudra peut-être une génération, mais il faut essayer de réduire la taille du régime d'aide sociale pour qu'il redevienne le programme d'urgence, le dernier recours, le programme résiduel qu'il a toujours prétendu être et qu'il n'est pas. Il a grossi au point de devenir un programme de première ligne. Un Canadien sur dix reçoit des prestations d'aide sociale.

M. Steve Kerstetter: Puis-je vous dire que j'approuve cette dernière déclaration de mon ancien patron?

M. Ken Battle: Pourquoi avez-vous oublié cette relation, Steve?

Des voix: Oh, oh!

M. Steve Kerstetter: C'est que vous ne signez plus mon chèque de paie.

Je suis persuadé que nos membres seraient à 100 p. 100 en faveur d'un système d'aide sociale qui serait réellement un programme résiduel, de dernier recours, avec beaucoup moins de bénéficiaires, etc.

Le Caledon Institute a produit quelques rapports sur le piège de l'aide sociale, il y a quelques années, dont les auteurs étaient Ken et Sherri Torjman. J'en recommande la lecture à tous ceux qui s'intéressent aux politiques d'aide sociale, puisque ce sont des documents très bien écrits, très sensés.

Pour les besoins du compte rendu, ceux d'entre vous qui connaissent le travail du Conseil national du bien-être social savent que depuis de nombreuses années nous luttons constamment pour une politique d'aide sociale plus rationnelle et pour des améliorations aux politiques, ainsi que pour atténuer les effets du piège de l'aide sociale, pour retirer les personnes handicapées d'un programme accordé en fonction des besoins, un programme d'aide sociale.

Nous avons demandé aux gouvernements provinciaux et territoriaux d'accorder des prestations de soins de santé supplémentaires et d'avoir des exemptions plus raisonnables par rapport aux revenus, et aussi de faire tout ce que Ken demandait lorsqu'il était au conseil, et que nous continuons de demander depuis son départ.

Malheureusement, beaucoup de gouvernements provinciaux n'ont pas accédé à ces demandes. Quelques gouvernements l'ont fait toutefois. Par exemple, l'ancien gouvernement de l'Ontario, sous les libéraux et les néo-démocrates, avait le programme PISTE, montrant qu'il était vraiment sur la bonne piste—sans jeu de mots—pour atténuer les pires effets du piège de l'aide sociale et pour faciliter le retour au travail de ceux qui quittent l'aide sociale pour se trouver un travail rémunéré. Mais le programme PISTE a connu des difficultés dans les années qui ont suivi, à cause des compressions budgétaires.

Je n'ai pas vu beaucoup d'autres gouvernements emboîter le pas pour fournir des soins dentaires, des médicaments prescrits et des soins de santé non assurés à toutes les familles à faible revenu, plutôt qu'uniquement aux familles vivant de l'aide sociale. Cela ne s'est pas produit. Si vous dites que l'aide sociale est un échec, c'en est un parce que les gouvernements provinciaux et territoriaux ont échoué, parce qu'ils n'ont pas fait ce qu'ils auraient pu faire pour avoir un vrai bon programme. Pour le conseil, je dirais que c'est notre principal regret.

Comme Ken, nous préférerions que le système soit beaucoup plus petit, beaucoup moins intrusif qu'il ne l'est actuellement, et nous déplorons qu'il y ait actuellement au Canada autant de prestataires de l'aide sociale. C'est sans doute ce que je dirai de plus triste aujourd'hui: malheureusement, aussi mauvais que soit le régime d'aide sociale, son inexistence serait pire encore, parce que sans lui les prestataires de l'aide sociale crèveraient de faim.

Le président: Je sais que Bonnie Brown et Mme Gagnon veulent poser des questions, mais moi aussi. Je suis dans une position délicate, puisque je vais devoir aller voter, dans un autre comité, dans environ 10 minutes. Je vais donc maintenant poser ma question—il doit bien y avoir de bons côtés à ce poste de président—puis je demanderai à l'un de mes collègues de me remplacer, en faisant bien attention de ne pas m'éterniser.

En passant, je pense que nous voyons une manifestation du syndrome de Stockholm, puisque si on vous garde ici suffisamment longtemps, on finira par réconcilier tout le monde.

Je suis ravi d'entendre, aussi, qu'on se fait rouler en choisissant entre le revenu et les services. Tout le monde en conviendra.

J'ai une question qui s'adresse à vous deux. Mais je veux d'abord parler à Ken Battle, l'architecte, en fait.

Je crois qu'il nous faut reconnaître l'extraordinaire travail que vous avez fait en proposant une idée de politique et en en faisant la promotion; c'est à mon avis un grand progrès. Nous devons nous concentrer sur ce qui marche et sur la façon pour nous de savoir évaluer les résultats. Ce qui est encourageant pour certains d'entre nous, du moins potentiellement, c'est que le document sur l'union sociale parle précisément de résultats et de reddition de comptes. Sur papier, cela semble déjà une très bonne idée.

• 1640

Avec la nouvelle prestation pour enfants, on présumait qu'en éliminant les mâchoires du piège de l'aide sociale les prestataires reviendraient au travail. On devrait peut-être poser cette question au ministère chargé de l'évaluation, mais j'aimerais savoir si nous avons un indice, vague, anecdotique ou autre, que nous avons atteint ce résultat. C'est ma première question. Ces programmes font-ils ce que nous espérions?

Pour des raisons politiques, il s'agit peut-être du fédéralisme souple qui nous permet de conclure des accords—nous avons créé cette stratégie de réinvestissement. Pour ce que nous faisons nous-mêmes, nous pouvons poser la question et espérer une réponse. Mais pour la stratégie de réinvestissement, l'accord cadre est si vague qu'on peut en faire ce qu'on veut. Comment évaluer si on a réussi d'une façon ou d'une autre, alors que d'après le document les provinces en ont fait toutes sortes de choses? Si nous avions une deuxième ou une troisième étape—mais comme vous le dites, il n'y a plus d'argent pour une deuxième ou une troisième étape—comment resserrer les mécanismes de réévaluation afin de pouvoir mesurer les résultats de ce que les provinces prétendent faire, par rapport à ce qui se passe vraiment?

Malheureusement, nous n'avons pas encore pu lire votre rapport. Mais je pense qu'il serait bon pour le Conseil national du bien-être social de se concentrer sur cette question des résultats, de manière que nous sachions que les gouvernements peuvent être tenus responsables de ce qu'ils disent. Autrement, ils vont continuer à changer de politiques s'il n'y a pas de balises pour s'assurer de leur honnêteté. Il ne s'agit pas simplement de revenu, par exemple, mais aussi du développement des enfants dans les garderies, et de tout le reste.

Commençons par Ken.

M. Ken Battle: Je vais répondre très rapidement, parce que vous avez posé des questions très complexes.

Je n'ai pas beaucoup d'attentes au sujet de la prestation nationale pour enfants, et je vais vous expliquer pourquoi. Je serais très prudent au sujet de l'idée que la prestation nationale pour enfants pourrait être évaluée en fonction de l'évolution du nombre de prestataires de l'aide sociale, simplement d'un point de vue méthodologique, et aussi du point de vue des politiques sociales. Le problème, c'est que l'ampleur de la pauvreté évolue. Autrement dit, les changements dans le revenu moyen des familles à faible revenu est à mon avis une mesure très importante. Il y a aussi d'autres raisons, dont Steve et moi-même pouvons vous parler, y compris les inquiétantes tentatives de redéfinition des seuils de la pauvreté. C'est une autre question sur laquelle devrait se pencher le comité.

Mais peu importe la façon dont on mesure les revenus faibles, il faut s'attendre à ce que les améliorations aux programmes de sécurité du revenu, qui ne seront pas de surface, mais qui seront substantielles, sur plusieurs années, auront une incidence sur la qualité de vie des familles à faible revenu. C'est une chose qu'on peut et qu'on doit mesurer. Mon collègue, Michael Mendelson, a fait des analyses préliminaires, mais vraiment préliminaires, à ce sujet, de la prestation pour la famille en Colombie-Britannique. Certaines provinces sont bien mieux placées que d'autres pour évaluer cela. Je sais qu'en Ontario on a d'excellentes données sur les prestataires de l'aide sociale, qui permettent de faire des modélisations.

Quand on étudie les facteurs influençant le nombre de prestataires, il y a nécessairement les prestations de sécurité du revenu, la disponibilité des services de garde, les prestations supplémentaires de soins de santé, etc., et le problème, c'est que tout peut être bouleversé par les conditions locales du marché du travail, puisque l'emploi est un élément important de la notion de piège de l'aide sociale. Je crois donc qu'il faut examiner de près l'ensemble des facteurs pouvant influencer le nombre de prestataires.

Je reviens à mon propos initial, au sujet de la nécessité de recherches qualitatives. La décision d'essayer de travailler ou de continuer à vivre de l'aide sociale est prise en fonction de facteurs très complexes. On ne peut les connaître qu'en posant des questions aux gens. Il faut aller au-delà des analyses statistiques et parler aux prestataires de l'aide sociale et aux travailleurs à faible revenu pour savoir quels facteurs les touchent vraiment. Je pense que ce genre de choses sont cruciales pour l'évaluation.

Steve, je vous cède la parole.

M. Steve Kerstetter: Ce qui inquiète notamment le conseil, par rapport à un certain nombre de programmes gouvernementaux, c'est le manque d'information détaillée. Lorsque nous avons préparé notre rapport, le deuxième ou le cinquième je ne sais plus trop, concernant les prestations familiales, intitulé: Les prestations familiales: les enfants restent encore sur leur faim, l'automne dernier, nous avons publié les premières estimations. Il s'agit de données approximatives, et nous serions les premiers à le reconnaître, au sujet du nombre de personnes qui seraient des bénéficiaires nets de la prestation fiscale canadienne pour enfants, et nous avons évalué que 36 p. 100 de l'ensemble des familles pauvres ayant des enfants conserveraient l'augmentation des prestations fédérales.

• 1645

Cela dit, nous devons malheureusement constater que le gouvernement fédéral et notre ministère n'ont pas encore fourni d'estimation des répercussions de la prestation fiscale canadienne pour enfants, et je pourrais en dire autant d'un certain nombre de programmes gouvernementaux au sujet desquels il existe tout simplement très peu d'information valable.

Le président: Permettez-moi de bien saisir cette question importante. Il s'agit d'un énoncé concernant le comportement, n'est-ce pas?

M. Ken Battle: En effet.

Le président: Si on encourage les gens, si on leur donne l'occasion, si on fournit la passerelle...

M. Ken Battle: Si on supprime les obstacles.

Le président: Ou si on supprime les obstacles, en effet.

M. Ken Battle: Il est davantage question de supprimer des obstacles.

Le président: D'accord. Si on fait cela, les gens se comporteront d'une certaine façon, n'est-ce pas? Il s'agit bien de l'hypothèse qui sous-tend ce changement. J'aimerais donc savoir comment on peut faire la preuve... En partie, elle sera d'ordre qualitatif, par le truchement de groupes de réflexion...

M. Ken Battle: La chose ne risque malheureusement pas de se produire, monsieur Godfrey. C'est justement à quoi je voulais en venir.

Le président: Cela ne peut arriver?

M. Ken Battle: Non, non. Je ne suis pas convaincu que les recherches qualitatives que j'ai à l'esprit et qui impliquent des études longitudinales, passablement coûteuses, il faut le dire... Nous devons suivre des groupes de familles à travers le temps pour déterminer quels effets ont sur eux la prestation pour enfants et d'autres mesures. Le Caledon Institute étudie présentement, en Ontario, les répercussions des modifications apportées à la politique sociale par le gouvernement Harris. Nous nous penchons sur 40 familles. C'est tout ce que nous avons pu nous permettre. Nous les suivons durant trois ou quatre ans, en observant les changements sur le plan de l'éducation, de la santé, des services sociaux, de la fiscalité, etc. Voilà le genre d'étude qu'il convient de faire. Il ne s'agit pas tout simplement de consulter un groupe de réflexion de temps à autre. Nous devons nous efforcer d'approfondir suffisamment la question.

Certaines familles qui ne sont pas en mesure de trouver du travail—autre variable d'importance cruciale—seront mieux en mesure de le faire, selon moi, du fait qu'elles ne risqueront pas de perdre autant en abandonnant l'aide sociale. D'autres familles choisiront, comme elles le font à l'heure actuelle, de continuer de bénéficier de l'aide sociale. Pour certaines familles, la prestation d'aide sociale est tout simplement un salaire qui leur est versé en reconnaissance de leur capacité de s'occuper de leurs enfants à la maison. Ils prennent leur décision de façon très réfléchie. Depuis des années j'entends des mères seules dire qu'elles ont sacrifié leur propre bien-être, leur revenu, enfin tout, pour pouvoir s'occuper de leur enfant à la maison et qu'elles considèrent la prestation de bien-être social comme un salaire versé par l'État. Les gens vont pouvoir continuer de faire ce genre de choix.

Mme Libby Davies: Le fait qu'il y ait autant de contradictions m'horripile au plus haut point. D'une part, nous utilisons certaines expressions et nous parlons de dépendance, et je dirais même que nous blâmons les assistés sociaux en disant...

M. Ken Battle: Tout à fait. Je suis entièrement d'accord avec vous. J'évite de parler de «dépendance»; je déteste ce terme.

Mme Libby Davies: Oui, mais cette façon de voir est tellement omniprésente...

M. Ken Battle: En effet, je suis d'accord.

Mme Libby Davies: ... et nous parlons du monde des assistés sociaux en nous demandant comment faire pour motiver ces gens, pour les inciter à faire quelque chose. Il semble pourtant que nous n'arrivons pas à accepter que l'économie de marché dont nous parlons en est une d'emplois à temps partiel mal rémunérés qui ne permettraient à peu près à personne de survivre. Ainsi, pour moi, le débat est faussé au départ, puisque l'on suppose que c'est la faute de l'assisté social, que cette personne n'a tout simplement pas ce qu'il faut pour se débrouiller par elle-même...

L'autre contradiction a justement rapport aux choix dont vous avez parlé, notamment pour ce qui concerne les femmes, par exemple celles qui disent qu'elles ont à élever leurs enfants. Voilà une justification que nous acceptons volontiers ailleurs dans la société. Cependant, l'assistée sociale qui l'invoque se voit pénalisée. Il y a donc des contradictions époustouflantes.

Le président: J'aimerais vous entendre répondre. Malheureusement, il s'est agi d'une intervention passionnée plutôt que d'une question. Mais ce que nous visons, et j'en suis fort conscient...

Mme Libby Davies: On cherche à casser du sucre sur le dos des pauvres.

Le président: Je vais maintenant céder la parole à Bonnie Brown, qui, j'en suis convaincu, abordera des sujets que nous pourrons approfondir.

Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.): Il sera assez simple de répondre aux quelques questions que je souhaite poser. Dans vos graphiques, Ken, s'agit-il de dollars? Autrement dit, en 1946...

M. Ken Battle: Il s'agit de dollars constants. Ils ont été corrigés pour tenir compte de l'évolution de la valeur du dollar, en effet.

Mme Bonnie Brown: Ils ont été corrigés de telle sorte que le 4 000 $ à la fin...

M. Ken Battle: Est en valeur réelle, en effet.

Mme Bonnie Brown: ... représente 4 000 $ en valeur réelle.

M. Ken Battle: Oui.

Mme Bonnie Brown: Et le 1 000 $ de 1946, soit juste au-dessus, représente 1 000 $ en dollars de 1946.

M. Ken Battle: En dollars d'aujourd'hui. À l'époque, il pouvait s'agir de quelques centaines de dollars. Ils valaient...

Mme Bonnie Brown: D'accord, je me posais la question.

• 1650

M. Ken Battle: La chose a son importance. Et je vous signale par ailleurs que chaque fois que vous verrez un graphique du ministère des Finances, il ne sera pas libellé en dollars constants, mais en dollars courants.

Mme Bonnie Brown: D'accord, merci.

Monsieur le président, vous me voyez quelque peu décontenancée aujourd'hui parce que des hommes et des femmes politiques comme nous, passent la plupart de leur temps à combattre pour que les pauvres, et plus particulièrement les enfants, en aient davantage, participent à une réunion où les porte-parole de deux des principaux groupes de réflexion en la matière semblent être en opposition à divers égards. L'un des groupes semble balayer du revers de la main certaines des thèses proposées dans le nouveau rapport de l'autre groupe. Voilà qui m'inquiète au plus haut point, étant donné que les forces qui...

M. Ken Battle: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Puis-je donner des précisions?

Le président: Oui.

M. Ken Battle: Je ne parlais pas du tout du rapport portant sur la garde des enfants. Je ne l'ai d'ailleurs jamais vu. Ce que je balayais du revers de la main, c'est la prétention selon laquelle la prestation nationale pour enfants est discriminatoire à l'endroit des familles prestataires du bien-être social.

Mme Bonnie Brown: Eh bien, je viens tout juste de prendre la peine de lire le document, et on y dit bien que la prestation nationale pour enfants est discriminatoire à l'égard des familles vivant de l'aide sociale. Je viens tout juste de le lire.

M. Ken Battle: Oh, je m'excuse, je pensais que vous vouliez parler...

Mme Bonnie Brown: Je l'ai lu tout juste avant votre intervention.

Voilà des propos passablement explosifs en effet, en ce sens que la partie adverse, c'est-à-dire des personnes qui ne sont pas ici aujourd'hui, mais qui sont probablement en train de témoigner devant le Comité des finances en implorant ses membres de réduire les impôts et la taille du gouvernement—habituellement par les bons offices du Conseil canadien des chefs d'entreprises, si toutefois cette appellation est la bonne—affiche généralement une belle unanimité. Et leurs messages, ils ne les diffusent pas seulement à des réunions de comités, mais ils les claironnent aussi pour que tous les Canadiens puissent les entendre, étant donné qu'ils sont les propriétaires des grands médias canadiens et qu'ils disposent d'avantages que ceux qui sont dans notre camp n'ont pas.

Il me semble donc que nous devons tirer tout cela au clair, de manière à être nous aussi unanimes lorsque nous solliciterons le ministre des Finances et lorsque nous formulerons nos propositions en vue du prochain discours du Trône et du prochain budget.

Je me dois de demander à M. Battle, qui est l'un des architectes de la prestation canadienne pour enfants et qui connaît bien le piège du bien-être social, cet affreux système qui assure pourtant à bien des gens le gîte et le couvert, s'il veut réellement que tous les parents travaillent. C'est en effet l'esprit dans lequel la prestation nationale pour enfants semble avoir été conçue, selon moi. Est-il vraiment préférable, par exemple, que la mère seule d'enfants d'âge préscolaire participe à la population active, vraisemblablement en occupant un emploi mal rémunéré? Avez-vous effectivement un parti pris à cet égard, et vous semble-t-il donc convenable qu'un tel parti pris soit intégré au régime de prestation nationale pour enfants?

M. Ken Battle: Non. Vous savez, en matière de politique sociale, l'un des problèmes... a rapport au fait que, dans le vif du sujet, on peut avoir tendance à faire des suppositions au sujet de ce que pensent les intervenants. J'aurais tendance à répondre qu'il vous suffirait de lire ce que j'ai écrit pour savoir à quelle enseigne je loge.

Je serais pratiquement la dernière personne au monde à soutenir que nous voulons pousser... ou même que la prestation nationale pour enfants a suffisamment d'ampleur pour pousser les assistés sociaux vers la population active. Selon moi, l'ensemble des réformes en matière de prestations destinées aux enfants n'auront jamais assez d'ampleur pour propulser les assistés sociaux dans la population active. Par contre, nous ne voulons pas pénaliser les gens qui passent du bien-être social au monde du travail. Or, le régime actuel pénalise les parents qui le font. Ces derniers perdent des milliers de dollars en prestations, et cela me semble inacceptable. Nous voulons un changement à cet égard.

Pour ma part—c'est-à-dire que je ne parle pas ici au nom du gouvernement—je ne vois pas la prestation pour enfants comme un moyen d'inciter ou d'obliger les assistés sociaux à participer à la population active. J'estime que les gens doivent avoir un choix, et je crois qu'ils vont continuer à l'exercer. Même si choisir la population active ne voulait pas dire renoncer à des milliers de dollars en prestations pour enfants pour l'assisté social, certaines personnes feraient leur choix sans tenir compte de cet aspect. Je pense donc que la possibilité de choisir doit être maintenue.

• 1655

Cependant, le bien-être social n'est pas la seule position de repli. Je tentais de soutenir plus tôt que, à mon avis, des mesures comme la prestation pour enfants peuvent nous permettre de gagner du terrain.

D'ailleurs, il faut dire que notre désaccord concerne les moyens, et non pas les fins. Je pense que Steve et moi serions d'accord là-dessus.

Nous devons chercher des moyens de remplacer le régime de bien-être social de manière à déboucher sur un régime de soutien du revenu qui ait un visage plus humain et qui assure mieux la dignité de ceux qui y participent. À l'heure actuelle, puisqu'il repose sur une justification fondée sur les besoins—ce qui comporte d'ailleurs certains avantages sur le plan de la souplesse au niveau individuel, etc.—le régime a évolué de telle sorte qu'il est devenu très punitif et très dégradant.

Ainsi, pour répondre rapidement à votre question, je ne suis pas en train de dire, du fait que j'appuie la réforme en matière de prestations pour enfants, que j'estime que tous les parents doivent occuper des emplois inintéressants. Ce n'est pas ce que je pense.

Mme Bonnie Brown: Puis-je ajouter quelque chose? Le président nous quitte. Je pourrai donc parler autant que je le souhaite.

Je crois être en mesure de vous comprendre, étant donné que j'ai suivi votre travail de près au fil des années. Cependant, je crois que le régime amélioré dont vous parlez, un régime où tous les pauvres, qu'il s'agisse de travailleurs à faible revenu ou d'assistés sociaux, auront davantage d'occasions, auront accès à des mesures d'aide plus considérables qui leur permettront de vivre dans la dignité, est une sorte d'idéal. Évidemment, il faut se donner un idéal pour pouvoir s'en approcher, mais, compte tenu du climat politique que nous connaissons aujourd'hui et de l'influence de ceux qui souhaitent voir baisser les impôts, compte tenu de l'existence de gouvernements comme ceux de Ralph Klein et de Mike Harris, avec qui je dois composer à titre de citoyenne de l'Ontario, n'estimez-vous pas dangereux de dire que le régime de bien-être social est le pire des systèmes? Certaines personnes aiment bien vous l'entendre dire, étant donné que cela correspond à ce qu'ils croient eux-mêmes, et ils ne manqueront pas d'acquiescer en disant que le bien-être social est effectivement le pire des systèmes et que personne n'a le goût d'en sortir. Par conséquent, ils se verront justifiés de le réduire à sa plus simple expression, de supprimer les lunettes, le passage d'autobus, etc., pour obliger les assistés sociaux à lâcher prise et à retourner sur les bancs d'école.

M. Ken Battle: Je comprends votre point de vue.

Mme Bonnie Brown: D'après moi, vous réfléchissez en fonction d'un monde idéal. Pour notre part, nous devons composer avec la réalité de tous les jours, mais il y a des gens qui tentent de nous faire revenir en arrière, à une époque antérieure à celle de la crise des années 30.

M. Ken Battle: Je suis d'accord. En effet, il faut peser ses mots. Je dois le faire lorsque je prends la parole devant le comité. Mais, avec ou sans prestation nationale pour enfants, le gouvernement Harris aurait agi comme il l'a fait. En effet, deux ans avant l'entrée en vigueur de la prestation nationale pour enfants, il a réduit de 21,6 p. 100 en décembre 1995 les prestations de bien-être social pour tous les bénéficiaires, sauf les personnes handicapées.

À mon avis, la prestation nationale pour enfants ne peut pas plus empêcher les compressions imposées au régime de bien-être social dans son ensemble qu'en être la cause. Nous devons y résister, quoi qu'il arrive. Nous devons combattre sans relâche. Selon moi, la vision dont nous parlons aujourd'hui ne relève nullement du rêve. Elle peut être concrétisée. C'est ce que nous avons fait dans le cas du supplément de revenu garanti pour les personnes du troisième âge. Tout ce qu'il faut, c'est de l'argent. Et ce n'est pas par naïveté que je le dis. En effet, je le répète: tout ce qu'il faut, c'est de l'argent. Nous sommes d'ailleurs en mesure d'en mettre davantage sur la table. Nous dépensons davantage en déductions fiscales pour les REER que pour les régimes de prestations pour enfants, même dans le cas d'un régime bonifié. L'argent est déjà là. Il va tout simplement aux mauvaises personnes.

Mme Bonnie Brown: J'aurais une question de plus à poser aux deux groupes. Nous sommes dans un nouveau climat en matière de relations fédérales-provinciales. Les intéressés doivent dialoguer et prendre des décisions, et la notion de normes nationales imposées unilatéralement par le gouvernement fédéral n'existe plus depuis belle lurette. Nous n'aurons des normes nationales que dans la mesure où les ministres des Affaires sociales s'entendront et réussiront à convaincre leur premier ministre d'être d'accord. Mais si nous prenions la prestation nationale pour enfants comme exemple, étant donné qu'il s'agit vraisemblablement d'un programme précurseur, pouvez-vous dire que vous êtes satisfaits, compte tenu de ce que vous savez au sujet des résultats des stratégies de réinvestissement des diverses provinces? N'assistons-nous pas à la mise en oeuvre de programmes qui reflètent les valeurs des divers gouvernements? Autrement dit, nous pourrions être satisfaits de ce que font Roy Romanow et son ministre et estimer que la Saskatchewan a fait un excellent travail en réinvestissant 4,1 millions de dollars directement en soins de garde d'enfants de bonne qualité. Comme nous le savons, ce n'est pas ce qui s'est produit partout. Et puis nous pourrions nous pencher sur la formule Harris, à savoir, je crois, le fait de verser de l'argent à des parents pour qu'ils puissent payer la madame d'en face qui vient garder leurs enfants.

• 1700

Ainsi, si nous affectons des sommes d'argent supplémentaires aux régimes d'aide à l'enfance tout en donnant une certaine latitude aux provinces sur le plan des modalités d'application et de leur administration—en effet, comme l'a dit Joanne plus tôt, elles sont les mieux placées pour assurer l'administration—comment pouvons-nous avoir la certitude de bien exercer notre responsabilité, qui est de faire en sorte que tous les enfants du Canada bénéficient de chances de réussite à peu près égales?

M. Ken Battle: Vous me permettrez de répondre assez brièvement, étant donné que je dois aller chercher ma fille à la garderie.

Pour ce qui est du réinvestissement, je vous répondrai que, malheureusement, nous, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, n'avons aucun moyen d'imposer nos volontés aux provinces. Nous devons contrôler les résultats et les évaluer. Je crois que les divers groupes d'intérêts doivent obliger les gouvernements provinciaux à rendre des comptes. Cependant, pour ce qui est de la capacité d'agir d'Ottawa, compte tenu des conditions de l'entente, elle est bien mince.

Sur le plan des normes nationales, celle qui est la plus fermement établie en matière de politique sociale au Canada, c'est la norme du programme fédéral de sécurité du revenu. Au moins là il s'agit d'une norme nationale. Nous versons un montant à toutes les personnes âgées du Canada, quel que soit leur lieu de résidence. Nous leur garantissons un certain revenu minimum. Il en va de même, me semble-t-il, pour la prestation fiscale canadienne pour enfants. En effet, par le truchement du régime de sécurité du revenu, qui constitue, selon les conditions de l'union sociale, le point d'appui le plus solide dont a disposé le gouvernement fédéral par le passé, nous pouvons, même de façon imparfaite, améliorer les normes nationales—tout au moins par le biais du régime de sécurité du revenu.

Je m'excuse, je dois partir. Merci beaucoup.

M. Steve Kerstetter: Madame la présidente, il est dommage que Ken doive partir, mais il est intéressant qu'il soulève la question de la sécurité du revenu en parlant des prestations versées aux personnes âgées, étant donné qu'il n'existe aucun accord fédéral- provincial permettant aux gouvernements provinciaux de récupérer les prestations versées par le gouvernement fédéral aux personnes du troisième âge. Nous, les membres du conseil, ne voyons pas du tout pourquoi les provinces ou les territoires devraient pouvoir récupérer les prestations fédérales destinées aux enfants.

Pour le compte rendu, au cas où il y aurait malentendu dans l'esprit des membres du comité, notre groupe a été le premier à féliciter le gouvernement fédéral d'avoir engagé 850 millions de dollars dans la première étape et 850 millions de dollars par année dans l'étape deux des prestations pour enfants. John et Armand ont dit au ministre en privé, en public et en entrevue que nous sommes ravis que M. Martin ait pu trouver des fonds additionnels, surtout à une époque où l'argent reste rare et avant que le budget fédéral ne soit équilibré. Nous sommes tout à fait ravis qu'on ait pu trouver des fonds additionnels pour les enfants.

La meilleure façon de supprimer nos objections à la structure actuelle de la prestation nationale pour enfants, c'est de supprimer les mesures de récupération. Il n'en coûterait rien au gouvernement fédéral de déclarer qu'il n'autorisera plus la récupération des prestations fédérales pour enfants. Le système resterait tel qu'il est à l'heure actuelle, sauf que les gouvernements territoriaux ou provinciaux ne pourraient plus récupérer ces prestations. Il n'en coûterait rien au gouvernement fédéral, et cela satisferait les membres de notre conseil, qui réclament une plus grande justice et une plus grande sensibilité dans les nouvelles initiatives fédérales.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: La province de Québec offre des services de garde à 5 $ par jour et les contribuables québécois ne déboursent pas une somme assez élevée pour pouvoir réclamer les crédits d'impôt remboursables. Comment les provinces qui se sont dotées d'une politique familiale plus intégrée pourront-elles récupérer les crédits inutilisés? Certains députés ont proposé que le fédéral hausse le crédit remboursable pour les frais de garde à 7 000 $.

• 1705

Est-ce qu'on pourrait prévoir accorder une compensation aux provinces qui auraient intégré une politique de garde telle que celle que vous avez proposée? Il y aurait une situation inéquitable si, d'une part, une province faisait ses devoirs et se dotait d'une politique de services de garde faisant en sorte qu'une famille paie moins cher et ait droit à un crédit d'impôt moins élevé, et que, d'autre part, le gouvernement canadien décidait de porter les crédits remboursables pour les frais de garde de 5 000 $ à 7 000 $. Cette politique ferait en sorte que les résidants du Québec sortiraient perdants et qu'on ne pourrait pas bonifier le programme de services de garde et l'offrir aux enfants de deux ou trois ans.

[Traduction]

M. Steve Kerstetter: Le rapport du conseil dit essentiellement que les crédits d'impôt, tels que la déduction fiscale pour frais de garde prévue dans la déclaration de revenus, deviendraient des programmes secondaires à long terme. La vision du conseil en matière de garderies est tout à fait conforme à celle du gouvernement du Québec, en ce sens qu'on met l'accent sur le programme plutôt que sur le régime fiscal. Le système a de vastes assises et est très abordable, et il est financé dans une certaine mesure par les frais versés par les parents, mais surtout par les gouvernements.

Le rapport que nous avons rendu public hier décrit le cadre d'un système semblable—un programme, et non pas un régime fiscal. Cela s'apparente à ce qui a déjà été fait au Québec. Les détails varieraient d'une province à l'autre, selon la façon dont on estime qu'on pourra le mieux combler les besoins des citoyens. Une partie des coûts serait assumée par les parents, et le reste par le gouvernement.

Nous soulignons aussi dans le rapport que les frais que devraient payer les parents seraient établis en fonction de la capacité de payer; les familles pauvres ne paieraient rien, alors que les familles mieux nanties pourraient payer jusqu'à 50 p. 100 du coût réel. Cela diffère un peu du système québécois, où les frais sont de 5 $ par jour, mais le principe est essentiellement le même. La caractéristique la plus importante, c'est que nous ne préconisons pas de mesures fiscales. Nous préférons l'établissement d'un programme.

Mme Joanne Roulston: Au sujet de la déduction fiscale pour frais de garde, nous estimons plus précisément qu'elle devrait être transformée en crédit d'impôt et n'être offerte qu'aux parents dont les enfants ne sont pas de la catégorie des 2 à 5 ans. Ce crédit viserait donc les parents d'enfants de moins de 2 ans, et de 6 à 16 ans, par exemple, qui ont un handicap qui fait qu'ils ne peuvent aller dans une garderie ordinaire.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): Merci à tous d'être venus témoigner. J'espère que vous nous aiderez dans nos discussions sur l'établissement d'une union sociale et sur tous ses enjeux, surtout la mobilité et la participation des citoyens. Nous serons heureux de vous entendre haut et fort lorsque les Canadiens seront consultés sur leurs priorités sociales.

Merci. La séance est levée.