Passer au contenu
Début du contenu

INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 21 avril 1999

• 1534

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinons un document intitulé Pour un Canada innovateur: cadre d'action.

Je suis très heureuse d'accueillir cet après-midi quatre témoins qui sont ici pour discuter de la recherche en biotechnologie. Pour la gouverne des membres du comité, j'aimerais dire que nous entendrons cet après-midi deux groupes de témoins, l'un de 15 h 30 à 16 h 30, et le deuxième de 16 h 30 à 17 h 30. Je tiens à avertir les députés qu'il risque d'y avoir un vote à tout moment, auquel cas il nous faudra partir et revenir.

• 1535

Je suis très heureuse de souhaiter la bienvenue à M. Barry McLennan, président de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé; à M. Paul Hough, vice-président de BIOTECanada; au Dr Tom Hudson, professeur adjoint, départements de la médecine et de la génétique humaine, université McGill; et au Dr Jim Friesen, professeur et président du Banting and Best department of medical research, faculté de médecine, Université de Toronto.

Nous allons commencer par entendre les témoins. M. McLennan va-t-il ouvrir le bal?

Dr Barry D. McLennan (président, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Merci, madame la présidente.

La CRBS est très heureuse de la possibilité qui lui a été donnée de présenter au comité ici réuni un mémoire sur l'importance de la biotechnologie pour le Canada. Des copies de notre mémoire, dans les deux langues officielles, sont à la disposition des députés.

La biotechnologie est très rapidement en train de s'imposer comme l'un des plus importants champs de la technologie du siècle et l'on s'attend même à ce qu'elle ait une forte incidence sur notre vie de tous les jours pendant les décennies à venir. Le Canada a le potentiel de devenir un leader mondial dans cette révolution biotechnologique.

La biotechnologie figure au nombre de ce que l'on appelle les technologies stratégiques. Elle touche de nombreux secteurs économiques, y compris les soins de santé et l'agriculture. Il est intéressant de constater qu'en chiffres absolus, le Canada se classe au deuxième rang dans le monde, après seulement les États-Unis, pour ce qui est du nombre d'entreprises qui utilisent la biotechnologie.

Le récent rapport de BIOTECanada—et je suis certain que M. Hough vous en parlera plus en détail—confirme que le secteur des soins de santé domine l'activité pour ce qui est de tous les aspects de la biotechnologie, occupant 46 p. 100 des sociétés, 87 p. 100 de l'investissement en R-D, et plus de deux tiers des emplois.

Le budget fédéral de février dernier a lancé le Canada dans une courageuse et tout à fait nouvelle initiative visant l'établissement d'un réseau virtuel de centres de recherche, les Instituts canadiens de recherche en santé (ICRS). Il convient de féliciter le gouvernement du Canada d'avoir lancé cette initiative. Comme l'a déclaré le ministre Rock le 17 février:

    Chacun de ces investissements rapportera des dividendes à long terme, dans la qualité de vie des Canadiens et Canadiennes.

Un grand nombre des questions auxquelles se trouvent confrontés les chercheurs oeuvrant dans le domaine de la recherche biomédicale, clinique et en santé se rapportent au secteur de la biotechnologie. J'aimerais vous parler brièvement de certaines d'entre elles.

La première question est celle de l'investissement en R-D. L'investissement étranger direct a toujours joué et continuera de jouer un rôle important dans le développement économique du Canada. En 1996, le rapport du Conference Board du Canada a révélé que le classement du Canada en matière d'investissement direct étranger était passé du troisième au sixième rang entre 1988 et 1994.

Deux facteurs critiques interviennent lorsqu'il s'agit d'attirer au Canada un investissement international en biotechnologie: premièrement, l'établissement et le maintien d'un régime de réglementation compétitif; deuxièmement, l'existence d'un bassin de chercheurs biomédicaux qualifiés disponibles pour faire de la recherche au Canada. Un changement est intervenu ici. Ce qui est important dans ce secteur ce sont la disponibilité et la compétence des ressources humaines plutôt que les coûts traditionnels du capital et de la production. C'est un tout nouveau contexte.

Pour créer un environnement favorable à la biotechnologie au Canada, la CRBS recommande: premièrement, l'établissement d'un organisme distinct de la Direction générale de la protection de la santé et qui serait chargée d'entreprendre les examens en vue de l'homologation des produits biotechnologiques; deuxièmement, que la Loi sur les brevets soit réexaminée en vue de son harmonisation avec les lois en matière de propriété intellectuelle de nos concurrents internationaux et qu'on introduise des mécanismes de rétablissement de durée de brevet semblables à ceux qu'utilisent nos concurrents de l'Union européenne, des États-Unis et du Japon.

Pour veiller à ce qu'il y ait un cadre de chercheurs qualifiés dans ce pays, il nous faut transformer l'exode des cerveaux en gain de cerveaux. Je pense que la création des ICRS, telle qu'annoncée par le gouvernement en février, nous aidera à réaliser cet objectif.

Je suis secoué à l'idée de savoir que la fuite des cerveaux coûte chaque année à ce pays environ 560 millions de dollars. Si nous pouvions renverser ce phénomène, cela suffirait pour payer chaque année l'intégralité des coûts des ICRS. C'est absolument incroyable.

Je suis confiant que la création des ICRS aidera à renverser l'exode des cerveaux. Il nous faut cependant faire plus que cela. Il nous faut veiller à ce que soient formés dans ce pays et à ce qu'y restent un nombre suffisant de chercheurs biomédicaux.

La question suivante est la commercialisation de notre biotechnologie. Comme vous le savez, le Canada est un gros consommateur de biotechnologie médicale. Par conséquent, il nous faut, là où cela est approprié, commercialiser les produits de la recherche en santé et les proposer sur le marché.

• 1540

Dans le budget, le ministre Martin a annoncé une augmentation du financement de Partenariat technologique Canada (PTC). Je pense qu'il était question de 150 millions de dollars sur les trois prochaines années. Il a souligné ceci, et je cite:

    Cet investissement aidera à maintenir le Canada à la fine pointe de l'innovation technologique.

Partenariat technologique Canada, ou PTC, a bien sûr été conçu en vue d'appuyer les technologies habilitantes. Au cours des trois dernières années, le PTC a appuyé 70 projets, et c'est là une bonne nouvelle. Cependant, seuls deux d'entre eux sont dans le domaine de la biotechnologie, et étant donné que c'est ce secteur qui domine aujourd'hui, il est important que cette situation soit redressée.

Cela m'amène à ma recommandation suivante, soit que le PTC réaligne sa gamme d'activités pour englober des projets biotechnologiques. Il nous faut bouger rapidement sur ce front afin de saisir notre juste part du marché mondial. La biotechnologie ne devrait plus être considérée comme étant une industrie qui n'a pas atteint sa maturité.

La dernière question est celle de l'augmentation de la productivité. En octobre dernier, la Mise à jour économique et financière a identifié l'amélioration de la croissance de la productivité comme étant le principal défi pour le Canada. L'innovation est le moteur de la productivité, et l'un des plus importants atouts que nous ayons au Canada pour appuyer l'innovation est notre investissement public dans la recherche.

Les deux derniers budgets fédéraux ont engagé gaiement le Canada sur la voie de la relance, sur la voie du rétablissement d'un niveau de financement compétitif, à l'échelle internationale, de la recherche biomédicale, clinique et en santé. Ce financement doit être maintenu.

L'amélioration de la productivité est fonction de la recherche. L'investissement dans la recherche en matière de santé, y compris la biotechnologie, est doublement payant. Premièrement, l'on obtient une productivité accrue dans les industries de la santé; deuxièmement, et c'est le plus important, l'on réduit les pertes de productivité du fait que les travailleurs canadiens seront en meilleure santé. Leur santé s'améliorera grâce à la recherche en santé, ce qui réduira le fardeau économique de la maladie.

En conclusion, il nous faut préparer le terrain pour que le Canada devienne un leader mondial en biotechnologie. La CRBS a relevé plusieurs questions qui doivent être examinées, et je les soumets respectueusement à l'attention du comité de l'industrie.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur McLennan.

Nous allons maintenant entendre M. Hough.

Dr Paul T. Hough (vice-président, BIOTECanada): Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis ravi d'être ici. Je m'appelle Paul Hough. Je suis vice-président de BIOTECanada.

J'aimerais faire aussi brièvement que possible trois choses. J'aimerais vous donner un très court synopsis de ce qu'est BIOTECanada, après quoi je vous présenterai notre récent rapport, qui est en fait sorti hier, portant sur le secteur de la biotechnologie au Canada, et je conclurai avec quelques commentaires au sujet de la base de recherche sur laquelle s'appuie notre secteur biotechnologique.

Premièrement, BIOTECanada est une association représentant l'industrie de la biotechnologie et la communauté de recherche. J'ai apporté pour chacun d'entre vous une fiche de renseignements d'une page, dont la distribution a, je l'espère, été faite.

Les membres de BIOTECanada sont principalement des entreprises de biotechnologie actives dans les domaines des soins de santé, de l'agriculture, et de l'environnement, et l'on y compte également des associations régionales, plusieurs universités, des entreprises qui travaillent avec le secteur de la biotechnologie et des sociétés professionnelles.

Notre objectif est de nous exprimer d'une seule voix en vue de favoriser l'établissement d'un environnement qui satisfasse les besoins de l'industrie de la biotechnologie et de la communauté de recherche, tant au Canada qu'à l'étranger. Je pourrai aborder cela de façon plus détaillée lors de la période des questions, si vous le voulez.

Un autre document qui a été distribué est le résumé exécutif du rapport de situation de notre industrie. Reconnaissant que la biotechnologie est une industrie extrêmement importante dans notre pays, nous avons jugé utile de faire ressortir ce fait, car même si nous nous le savons, ce n'est pas tout le monde qui est au courant.

En 1998, donc, BIOTECanada a coordonné une étude d'envergure devant déboucher sur un rapport exhaustif décrivant l'industrie canadienne de la biotechnologie. Ce rapport a été réalisé de concert avec Statistique Canada, qui s'est chargé du sondage proprement dit; Industrie Canada, qui a fourni beaucoup d'aide pour identifier les personnes et valider l'encodage des données; Ernst & Young, le cabinet qui avait produit les rapports précédents sur la biotechnologie au Canada; KPMG, une société semblable; Contact Canada, une société productrice de rapports annuels et de répertoires d'organisations; et quelques autres groupes qui ont fourni une aide financière considérable. Tous ont siégé au comité d'édition qui s'est occupé de la production du rapport.

La collaboration a été très efficace, avec une excellente interaction parmi ces groupes. Notre objectif était en fait de caractériser l'industrie d'une façon quelque peu différente de ce qui avait été fait dans le rapport précédent. Nous voulions déterminer l'activité directement liée à la biotechnologie dans chaque entreprise. Nous avons donc cherché à identifier auprès de chaque répondant le niveau d'emplois, d'investissement en R-D, etc., qui étaient selon lui liés à la biotechnologie.

• 1545

Le résumé que vous avez devant vous contient plusieurs tableaux et graphiques, mais j'aimerais faire ressortir quelques-uns des points dont traite notre rapport.

Comme l'a dit M. McLennan, le Canada se classe deuxième dans le monde après les États-Unis pour le nombre de compagnies de biotechnologie qui s'y trouvent, ce sans rajustement en fonction de la population. Nous avons dénombré 282 sociétés à la fin de l'année 1997; le total est sans doute aujourd'hui plus près de 300. J'aimerais souligner que cela n'inclut pas un grand nombre de nouveaux entrants qui ne font que se lancer et de groupes embryonnaires créés par des universités et d'autres établissements de recherche.

Un tout petit peu moins de 10 000 personnes sont directement employées dans l'industrie de la biotechnologie, l'Ontario et le Québec comptant pour environ les deux tiers de ce nombre, mais il y a une activité importante un petit peu partout au pays, et particulièrement en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, en Alberta et en Nouvelle-Écosse. Plus de 70 p. 100 de l'industrie sont de petites entreprises—définies comme ayant entre un et 50 employés—et nombre d'entre elles se consacrent principalement à des activités de R-D; elles n'ont pas encore de produits sur le marché.

Les revenus totaux des compagnies de biotechnologie se sont chiffrés à 1,1 milliard de dollars dans la seule année 1997, et ces entreprises ont consacré de 600 millions de dollars à des activités de R-D. Il faut ajouter à cela les 400 millions de dollars qu'y ont consacré les différents paliers de gouvernement. Cependant, cinq sociétés dans ce pays comptent pour près de 60 p. 100 des ventes en biotechnologie, et 50 sociétés se partagent le gros du gâteau.

Il est un petit peu simpliste de parler de l'industrie de la biotechnologie, étant donné que les technologies connexes sont essentielles pour plusieurs secteurs. Comme l'a souligné M. McLennan, c'est le domaine des soins de santé qui affiche le plus d'activité, sur les plans entreprises, ressources humaines et investissement en R-D. Cependant, l'agriculture, l'environnement, la transformation alimentaire, l'aquaculture, la bioinformatique et la génomique—dont on va entendre parler dans quelques instants—sont autant de domaines qui connaissent une forte activité biotechnologique. Cela fait ressortir que la biotechnologie est un outil utilisé dans une vaste gamme de secteurs et qu'elle constitue donc une technologie habilitante.

Le rapport traite également dans le détail de l'orientation des compagnies de biotechnologie sur le plan affaires. La plupart s'intéressent à la mise au point de nouveaux produits—faisant la R-D, menant les essais cliniques, obtenant les approbations réglementaires—et ce n'est pas là un processus à court terme.

Le financement à partir d'une variété de sources est une grosse préoccupation, étant donné que toutes ces activités exigent des ressources considérables. L'établissement d'alliances—alliances en R-D, alliances d'affaires et alliances avec des sociétés, des universités et des instituts—est une réalité importante du secteur de la biotechnologie.

Les ressources humaines, et pas seulement techniques, mais également financières et autres, sont elles aussi une préoccupation très réelle, surtout dans le cas de sociétés plus petites. Notre rapport fait par exemple ressortir que près de 1 900 postes sont classés comme vacants—soit près de 20 p. 100 des emplois.

La biotechnologie est véritablement une activité fondée sur la science. Comme l'a dit M. McLennan, les soins de santé comptent pour 87 p. 100 de l'investissement en R-D consenti par l'industrie. Les technologies fondées sur l'ADN sont, et de loin, les plus importantes, surtout si l'on songe aux produits qui sont en train d'être mis au point. Au sein de cette catégorie, l'élaboration de biosenseurs, l'utilisation de thérapie génique et la bioinformatique et la génomique sont les domaines pour lesquels on envisage une progression très rapide, ce encore du point de vue de l'industrie.

Quelles sont donc certaines des conclusions de notre rapport? La recherche canadienne dans les sciences de la vie au cours des dernières décennies—et il faut attendre longtemps pour que ce travail arrive au stade où il peut être appliqué—a jeté les bases pour le gros de l'activité canadienne en biotechnologie. Les chercheurs canadiens sont par ailleurs reconnus partout dans le monde comme étant parmi les meilleurs. Il suffit de voir à quelle vitesse nos chercheurs postdoctoraux sont arrachés par d'autres pays.

La base de recherche dans les universités doit être davantage renforcée. Les universités jouent un rôle important, non seulement dans le cadre des alliances en R-D, mais également en offrant des compétences très spécialisées que les entreprises ne peuvent pas maintenir à l'interne. À notre avis, les meilleures sources de soutien pour la base de recherche sont les organismes existants: les organes d'octroi de crédits à la recherche, la Fondation canadienne pour l'innovation et les instituts canadiens de recherche en santé envisagés.

• 1550

Il est également très important de savoir que le régime de réglementation dans ce pays a un fort impact sur le secteur de la biotechnologie. À notre avis, il est extrêmement important de renforcer la base scientifique au sein de tous les organismes de réglementation. Si vous avez vu les journaux ce matin, cela coïncide avec ce qu'a dit le vérificateur général relativement aux ressources humaines de ces organismes.

En conclusion, j'aimerais dire tout simplement que la biotechnologie est ici. Elle est très importante dans ce pays, et l'on s'attend à ce qu'elle connaisse une croissance annuelle d'environ 10 p. 100 au cours des prochaines années. Il s'agit d'une industrie fondée sur la science et c'est pourquoi je suis heureux d'être ici pour appuyer l'idée d'une augmentation du soutien à la recherche.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Hough.

Je vais maintenant donner la parole au Dr Hudson et au Dr Friesen.

Dr Thomas J. Hudson (membre de l'exécutif, Groupe de travail de Génome Canada; directeur, Centre génomique de Montréal, Université McGill; directeur adjoint, Centre de recherche génomique, Whitehead Institute/Massachusetts Institute of Technology): J'aimerais remercier le comité d'avoir invité Génome Canada à comparaître devant lui.

Représentant le conseil d'administration de Génome Canada, j'ai dans le document qui a été distribué, une liste de personnes—des gens du gouvernement, du milieu universitaire et de l'industrie.

J'aimerais vous montrer de quelle façon l'industrie canadienne peut bénéficier de la révolution dans le domaine génomique. Nous n'avons pas au Canada un important programme de recherche génomique. Bien que tout le monde semble nous appuyer, la création d'un véritable programme de ce genre pose un certain nombre de défis, mais la création d'un tel programme aurait des conséquences appréciables.

Qu'est-ce que la génomique? Le terme «génome» a été créé à partir des mots «gène» et «chromosome». Gènes et chromosomes vivent à l'intérieur des cellules. C'est la base de données du corps humain, la base de données qui crée les cellules, qui crée les corps et qui donne naissance aux organismes. Elle contient également des renseignements sur les gènes de maladie chez les humains, les plantes, etc.

Un génome est donc un jeu complet de renseignements ADN à l'intérieur d'un organisme, et chaque organisme, des bactéries aux humains, a son propre génome, son propre jeu de gènes. Dans le cas de l'humain, environ 100 000 gènes construisent les cellules humaines.

La génomique joue un rôle important dans notre compréhension des processus fondamentaux de la vie, et nous avons vu cela dans la génétique humaine. Le nombre de nouveaux gènes découverts au cours des cinq dernières années est phénoménal, et ces découvertes ont été rendues possibles grâce aux outils élaborés pour les chromosomes humains.

La génomique a révolutionné toutes les sciences biologiques. La génomique est également en train de venir un gros secteur dans l'industrie. L'on constate surtout cela aux États-Unis, et l'on prévoit la même chose pour le Canada.

Bien que la génomique ait jusqu'ici été principalement appliquée aux humains et que la technologie ait été axée sur l'étude des génomes humains, cela a donné lieu à des applications du côté des plantes, de la science forestière et de la science bactérienne. Elle a des applications dans le contexte de quantité de processus différents.

La génomique peut bénéficier au Canada de bien des façons. Elle peut augmenter la productivité. Par exemple, elle permet d'identifier les cultures qui poussent plus rapidement ou qui sont plus résistantes aux pesticides, ainsi que des espèces de poissons ou des essences forestières qui résistent mieux ou qui vivent mieux dans certains climats. Voilà le genre de choses que la génomique peut offrir.

Les Canadiens sont déjà très forts en génomique. Ce talent dans le domaine de la génomique a fait ses preuves dans le cas des plantes, par exemple, avec les travaux qui ont été faits sur le canola. La connaissance biologique fondamentale, que les Canadiens peuvent très bien transmettre, pourrait faire de la génomique un secteur de forte croissance au Canada. Si nous ne développons pas la génomique au Canada, ce sera fait ailleurs, et les licences, les droits et tout le reste appartiendront aux multinationales et à d'autres pays.

Nous nous sommes réunis en tant que groupe pour essayer de déterminer ce qui fait défaut au Canada, car nous faisons du bon travail scientifique. Nous avons un grand nombre de conseils de recherche qui versent de l'argent pour la science. Ce qui manque, ce sont ce que l'on appelle des centres génomiques—d'importants groupes de chercheurs travaillant ensemble, bénéficiant d'un financement leur permettant de faire des travaux en science génomique axés sur différentes applications. Il nous faut réunir ingénieurs, mathématiciens, informaticiens et biologistes pour avoir cette masse critique de personnes capables de s'occuper de ces données. Il est beaucoup plus efficient de réunir des équipes scientifiques, tout particulièrement dans le domaine de la génomique, que d'avoir des petits groupes qui font de la recherche scientifique de type artisanal.

• 1555

Nous avons l'appui des conseils d'octroi de crédits, des instituts de recherche en santé et d'autres organisations, car le sentiment est qu'en créant des centres génomiques—en créant la base technologique—l'on va améliorer le travail scientifique effectué dans nos laboratoires et universités.

Les centres génomiques sont également critiques dans le véritable lancement des entreprises dans ce domaine au Canada. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu'une petite entreprise d'un million de dollars se lance et construise sa propre unité de séquençage, sa propre unité de génotypage, et qu'elle acquière de l'expérience en protéomique, car ce sont là des technologies très coûteuses. Il est beaucoup plus efficient de créer des centres avec des masses de compétences et de donner aux universités, aux chercheurs et à l'industrie accès à ces technologies.

En créant des centres génomiques, l'on pourrait avoir un impact sur la croissance de nombreux secteurs de l'industrie. Certaines multinationales, comme Novartis et Monsanto, seront peut-être davantage intéressées à venir au Canada et à faire de la R-D phyto-génomique si elles ont accès à ces technologies. Nous aimerions attirer au Canada certaines des grosses multinationales.

Il existe de très petites sociétés génomiques essentielles, comme Algène. Une douzaine environ, ou peut-être plus, se sont lancées au Canada, et elles doivent avoir accès aux technologies génomiques.

Les sociétés de capital-risque comme GeneChem, BioCapital, CMDF, MDS et ainsi de suite veulent toutes investir, et certains fonds ont jusqu'à 100 millions de dollars destinés à ces sociétés génomiques, mais à l'heure actuelle, le gros de cet argent est en train d'être investi dans des compagnies de génomique aux États-Unis, car nous n'avons pas donné le coup d'envoi; nous n'avons pas encore créé au Canada un environnement propice.

Les secteurs qui peuvent être aidés par la recherche génomique recouvrent la quasi-totalité des aspects de la vie. L'agriculture et le secteur agroalimentaire, la pêche, l'exploitation forestière et le secteur des soins de santé sont tous des secteurs scientifiques et des secteurs industriels qui peuvent en bénéficier.

Qu'est-ce qu'un centre génomique? Un centre génomique, en tant que centre de technologie de pointe, aurait des technologies pour le séquençage à grand balayage et de millions de bases d'ADN.

En ce qui concerne la génomique fonctionnelle, même si nous comprenons ce qu'est l'ADN, pour comprendre le fonctionnement de 100 000 gènes, il nous faut de nouvelles technologies.

Le génotypage fait la corrélation entre un état maladif et l'ADN. Il s'agit donc là d'un autre genre de technologie d'analyse de l'ADN.

Une cellule regroupe 100 000 protéines, qui ont entre elles diverses interactions. L'étude de ces interactions s'appelle la protéomique.

En ce qui concerne la bioinformatique, nous créons des quantités massives de données, et pour les traiter, il nous faut créer dans ce pays de nouvelles capacités.

Si tout le monde est en faveur de la génomique, pourquoi les choses ne bougent-elles pas? Nous pensons que l'une des barrières est la fragmentation des sources de financement. Si les chercheurs dans les universités veulent commencer à faire de la recherche en génomique, ils doivent faire une demande à un endroit pour l'infrastructure, à un autre endroit pour le personnel, à un autre endroit pour le salaire des chercheurs et à encore un autre endroit pour les programmes. Cela entrave le lancement d'initiatives d'envergure.

D'autre part, la génomique ne s'inscrit pas seulement dans le secteur de la santé ou dans celui de l'agriculture. Elle recouvre différents domaines. Le financement des initiatives scientifiques au Canada se fait de telle sorte qu'on finance tout simplement du travail de génie, ou du travail en biologique, ou du travail en médecine. Encore une fois, donc, l'on ne crée pas l'environnement qu'il faut pour de grandes initiatives qui traversent les frontières.

Le Dr Friesen va poursuivre.

La présidente: Merci.

Docteur Friesen.

Dr Jim Friesen (professeur et président, Banting and Best Department of Medical Research, faculté de médecine, Université de Toronto): Merci beaucoup de l'occasion qui m'est ici donnée de vous soumettre certaines vues sur la génomique.

• 1600

Mon collègue a dit que la biotechnologie est la technologie habilitante de cette dernière partie du siècle. Je suis certain que c'est une paraphrase. Mais j'irais plus loin encore. Je dirais que la génomique est le nouveau véhicule pour la biotechnologie.

Le Dr Hudson vous a expliqué ce qu'est la génomique, ce qu'elle englobe ainsi que son importance. J'aimerais poursuivre et souligner que le Canada, d'une certaine façon par chance, est extrêmement bien placé pour tirer profit de la révolution en génomique.

Il n'y a aucun doute, d'après ce qu'a dit le Dr Hudson, que l'étude de la génomique est le véhicule, et il nous faut être au volant de ce véhicule. D'ailleurs, nous sommes déjà tout près de la banquette avant.

Je me souviens que dans ma jeunesse, il y a eu une autre révolution biologique, celle de l'ADN recombinante, il y a environ 25 ans. Nous avons traîné très loin en arrière dans le cadre de cette révolution. Nous avons fini par rattraper notre retard, mais il nous a fallu 10 ou 15 ans.

Dans ce cas-ci, avec la révolution en génomique, nous sommes bien placés, du fait de notre solide base en génétique que nous ont assurée des gens comme le Dr Hudson. Nous avons une très solide base pour la science des protéines. Nous avons également aujourd'hui au pays une très bonne base en phytologie. Nous faisons de la solide recherche médicale. Nous avons une base technologique. Nous avons l'une des meilleures compagnies au monde oeuvrant dans le domaine de l'élaboration et de la vente en masse de spectromètres, l'un des nouveaux instruments clés dans ce domaine. Et nous avons quelques petites compagnies émergentes qui possèdent en fait des technologies de calibre mondial qui s'appliquent directement à la génomique fonctionnelle dont parlait le Dr Hudson.

J'aimerais également vous donner une idée des attentes et de l'excitation qui animent à l'heure actuelle les milieux de recherche biologique au Canada. Je n'ai en fait jamais encore vu cela dans ce pays, qui est sans doute un petit peu conservateur dans ses opinions. Où que j'aille, d'un océan à l'autre, il y a un niveau phénoménal d'excitation quant au potentiel de cette nouvelle discipline scientifique mais, plus important encore, quant au fait que nous soyons dans ce pays—si nous pouvons avoir les bonnes ressources, le bon soutien et la bonne organisation, dont le Dr Hudson a parlé—bien placés pour avoir un réel impact dans ce domaine.

Nous ne sommes bien sûr pas seuls au monde. Les gens dans d'autres pays ont reconnu que la génomique est importante. Nous avons comparé, à compter de 1997—mais nous n'avons aucune raison de croire qu'au cours des deux dernières années cela ait changé à notre avantage—les montants relatifs par tête d'habitant dépensés par nos principaux concurrents en pays développés. Comme vous pouvez le voir, le Canada n'est pas très haut sur la liste. Il est plus bas sur la liste, voisin, peut-être, du Brésil, qui ne figure pas ici, mais qui est un petit peu en avance sur nous dans ce diagramme circulaire.

Nous pouvons faire mieux que cela, et nos antécédents scientifiques indiquent que nous devrions faire mieux. Bien sûr, malheureusement, dans cette vie, tout est souvent une question d'argent. L'exode des cerveaux et le gain de cerveaux ont été évoqués tout à l'heure par mon collègue, et cela arrive certainement. Nous savons que certains de nos éléments les plus doués vont aux États-Unis pour être formés et qu'ils ne reviennent pas.

Ce que je sais également, cependant—et cela est très encourageant—est qu'au cours des derniers mois, avec l'excitation et le potentiel qui s'annoncent, la nouvelle est en train de se propager. Tout juste la semaine dernière, par exemple, nous avons eu un visiteur de Cold Spring Harbor dans l'État de New York, de l'un des plus gros laboratoires biologiques aux États-Unis—c'est un type qui est originaire du Canada et qui est installé là-bas depuis huit ans. Il est venu pour donner une conférence. Il a commencé à discuter avec nous et je l'ai invité à revenir et lui ai demandé si cela l'intéresserait de se joindre à la faculté à l'Université de Toronto. Il vient y faire un deuxième tour, à cause de ce qu'il entrevoit comme potentiel pour le Canada dans ce domaine.

Si donc nous jouons bien notre jeu et dépensons un petit peu d'argent là où cela compte vraiment, nous pourrons reverser la fuite des cerveaux, ce que nous aimerions tous voir.

Comment devrions-nous dépenser cet argent? Le Dr Hudson vous en a déjà expliqué le principe. L'idée est de créer une série de centres génomiques. Il a expliqué que la solution n'était pas d'avoir des laboratoires de recherche artisanaux.

• 1605

La raison pour laquelle certains des pays auxquels nous livrons concurrence réussissent si bien est qu'ils ont en fait déjà fait ce pas. Ils ont reconnu qu'avec des technologies aussi complexes, la seule chose qui fonctionne réellement est d'avoir des installations solides centrales dotées du personnel adéquat, qui serviront d'aimant pour les chercheurs, pour la formation d'étudiants, pour la formation de techniciens et, surtout, pour l'interaction avec le secteur privé. D'autre part, comme l'a dit le Dr Hudson, le secteur privé ne peut pas—surtout si l'on parle d'une petite société biotechnologie—espérer se monter autour de cette technologie très coûteuse et très complexe, mais il peut s'attendre à y participer selon une formule de frais d'utilisation ou autre.

Aux États-Unis, l'on constate qu'une part importante de l'activité est centrée autour des très grosses sociétés pharmaceutiques. Nous n'avons pas vraiment d'équivalent direct de cela dans ce pays, mais nous pouvons néanmoins fournir à notre secteur privé le genre d'installations dont il a besoin dans ce domaine.

D'autre part, cela fournira un endroit où les gestionnaires pourront acquérir les compétences dont ils auront besoin pour créer de nouvelles entreprises.

Je vais conclure là-dessus. Nous sommes bien placés. La chance nous a mis là. Une bonne gestion, une bonne planification et un certain nombre de ressources nous maintiendront dans cette position. J'espère qu'au fil du temps et avec la sagesse de groupes comme celui-ci, nous pourrons bénéficier d'un soutien approprié.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, docteur Friesen. Nous allons maintenant passer aux questions.

Monsieur Anders, êtes-vous prêt à commencer?

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Oui.

Je m'excuse de ne pas avoir été là pour toute la présentation, mais si j'ai bien compris ce que vous avez dit, vous aimeriez voir davantage d'argent mis là-dedans.

Je comprends la valeur de ce genre d'industrie. J'aimerais cependant soulever un certain nombre d'autres préoccupations, car il y a d'autres choses qui ont une incidence là-dessus, en dehors du financement gouvernemental.

Vous avez mentionné la perspective canadienne conservatrice, si vous voulez, à l'égard de certaines de ces choses.

Une voix: Avec un «c» minuscule.

M. Rob Anders: Oui, «conservatrice» avec un «c» minuscule, car je ne voulais aucunement être partisan. Si vous préférez, j'emploierai le terme «restrictive».

Si je me souviens bien, la première transplantation d'un rein s'est faite à Montréal, en 1956. C'est bien cela, n'est-ce pas? Je parle de la transplantation d'organes.

Je ne voudrais mettre personne sur la sellette. Si je soulève cela—et vous me corrigerai si j'ai tort—c'est que le Canada menait au début avec les transplantations d'organes, mais il s'est fait dépasser. Nous avions une avance par rapport à des pays comme la France et l'Italie, et même les États-Unis, pour certaines choses. Mais à cause de cette situation restrictive que nous avons au Canada avec les délais pour la publication de journaux... D'après ce que j'ai compris, nous sommes en retard. Nous ne permettons pas à ces choses de se faire aussi rapidement que dans le cas de certaines revues médicales aux États-Unis, par exemple, et dans d'autres pays également. Nous perdons donc notre marge.

Même si nous avons d'excellentes installations de recherche, et même si le gouvernement engloutit une tonne d'argent dans ces choses, à cause de l'establishment médical et de certains autres facteurs, en dehors du financement gouvernemental, bien que l'on puisse être ici aujourd'hui et parler d'une augmentation du financement en provenance du gouvernement, ces autres pressions continueront de pousser ces chercheurs à aller aux États-Unis, en France ou en Italie, s'il y a des programmes dans ces pays.

J'ai une question à ce sujet. Je connais des gens qui ont fait leurs études avec moi à l'Université de Calgary et qui sont brillants en matière de recherche génétique. Ils travaillent à l'heure actuelle pour Amgen aux États-Unis, parce que les possibilités pour eux de poursuivre leur carrière ici au Canada n'existaient pas.

J'aimerais que vous en discutiez. Vous demandez du financement au gouvernement, et j'aimerais savoir si cela produira pour nous un bénéfice net étant donné certaines de ces autres choses qui interviennent. Je sais que vous allez me répondre par l'affirmative, mais je me pose de sérieuses questions.

J'ai une question au sujet des centres génomiques. Que voulez-vous que nous fassions, afin que vous puissiez parvenir à vos fins? Est-ce une simple question de financement, ou bien y a-t-il d'autres choses que nous pourrions faire en plus pour vous aider à atteindre votre objectif?

Dr Jim Friesen: Je pourrais peut-être répondre à la première question et, pour la deuxième, faire appel au Dr Hudson, qui a plus d'expérience à cet égard.

Vous avez tout à fait raison. Je pourrais vous citer encore plus d'exemples de cas au cours des 15 dernières années où un avantage qu'on avait dans ce pays sur le plan recherche est passé chez notre voisin du sud ou de l'autre côté de l'Atlantique parce que nous n'avions pas la capacité de l'exploiter.

Je suis absolument d'accord avec vous également lorsque vous dites qu'il y a plus de raisons à cela qu'une simple question de niveau de financement, et nous pourrions vraisemblablement en discuter. L'une des principales raisons est qu'il n'y a pas eu une bonne interface ou une bonne relation entre ce que j'appellerais la recherche fondamentale, que celle-ci soit faite en milieu hospitalier ou universitaire, et ce que j'appellerais l'exploitation de cela par le secteur privé.

• 1610

Dans notre système, c'est le secteur privé qui repère une bonne idée et qui l'exploite, car il y voit le moyen de faire un bon profit. C'est très bien. C'est ainsi que les choses devraient être. Mais cela exige un lien entre les deux, et nous n'avons pas eu cela. Au cours des cinq à huit dernières années, il y a eu une croissance considérable à cet égard, avec des choses comme le Fonds de découvertes médicales canadiennes et d'autres fonds d'investissement des travailleurs. Il y a de façon générale une nouvelle prise de conscience, de la part et des milieux d'investissement, et, surtout, des universitaires, que cela doit arriver.

Ce n'est pas parfait. Nous avions beaucoup de rattrapage à faire, car nous n'avions pas un gros groupe d'importantes boîtes pharmaceutiques qui, à certains égards, en tout cas dans le secteur de la santé, était le principal moteur attirant le secteur universitaire.

Les choses changent. J'ai siégé au Comité consultatif national de la biotechnologie pendant environ 15 ans. J'ai en fait compté parmi les auteurs du rapport final, qui est sorti il y a environ un an. Ce que j'ai vu pendant ces 15 années a été une marée de changements d'attitude et de disponibilité ainsi que de fécondation croisée entre différents groupes.

Vous avez donc raison. Je dirai que cela va arriver, mais je pense que...

La présidente: Monsieur Friesen, pardonnez-moi de vous interrompre, mais nous avons au comité une politique. J'aurais dû l'expliquer au début. Chaque intervenant dispose de cinq minutes pour ses questions et réponses. Nous en sommes déjà à cinq minutes et l'explication n'est pas terminée. D'après ce que j'ai compris, le Dr Hudson va répondre brièvement.

Dr Thomas Hudson: J'aimerais commencer par répondre à la première question.

La présidente: Attendez un instant. M. Friesen vient-il de répondre à la deuxième question?

Dr Jim Friesen: Je tentais de répondre à la première.

La présidente: Docteur Hudson, je vais vous demander de donner une très brève réponse à la deuxième question. Vous êtes ici en tant que groupe, alors...

Dr Thomas Hudson: Merci.

Il y avait en fait trois questions. La deuxième question portait sur le financement que nous aimerions avoir. Avec le mémoire au Cabinet, avec l'enquête-entreprise, nous avons, lors du dernier budget, demandé 500 millions de dollars sur cinq ans.

Nous sommes en ce moment même en train de revoir comment les centres génomiques seraient répartis dans le pays, et le mois prochain, je compte vous envoyer notre rapport final. Nous envisageons entre cinq et 15 centres génomiques au Canada, chacun nécessitant peut-être 10 millions de dollars en infrastructure et 5 millions de dollars par an pour l'exploitation. Quant aux chiffres finaux, je vous les fournirai dans un rapport.

La troisième question portait sur ce vous pourriez faire pour nous aider. J'ose espérer qu'en tant que comité de l'industrie, vous conviendrez qu'il est important de créer une industrie de la génomique au Canada et qu'il existe à cet égard un énorme potentiel de croissance. J'ose également espérer que cette prise de conscience pourrait se traduire, lorsqu'on parle argent, par une contribution gouvernementale.

La présidente: Merci. Il me va falloir passer à quelqu'un d'autre.

Je demanderai aux membres de poser une question à la fois. Je n'autoriserai que cela. Je vous arrêterai si vous commencez à poser une deuxième question, car nous avons ici trois groupes différents qui réunissent une masse de compétences.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'aurais en effet plusieurs questions poser, mais je vais peut-être commencer avec vous, docteur Friesen. Lorsque vous avez mentionné la personne qui est revenue des États-Unis, qui a vu ce qui se faisait au Canada et qui a été très impressionnée, cela m'a fait penser à une suggestion de M. Howard Alper, de l'Université d'Ottawa. Je pense qu'il parle de circulation plutôt que d'exode de cerveaux.

Il a récemment suggéré que nous ayons un programme «Redécouvrons le Canada», visant les chercheurs qui sont partis à l'étranger. Je voulais tout simplement vous demander ce que vous pensez de l'idée d'avoir un programme gouvernemental genre «Redécouvrons le Canada» qui serait adressé à ces personnes. Pensez-vous qu'un tel programme serait efficace?

Dr Jim Friesen: C'est une idée intéressante. Personne ne me l'avait encore jamais suggérée. Quelque chose du genre serait très bien, car il y a à l'heure actuelle au Canada un foisonnement d'activités dans les domaines liés à la génomique. Bien franchement, les gens ne s'y attendent pas, et ils sont très surpris lorsqu'ils viennent ici. Il serait peut-être en effet opportun de faire de petites mises au point.

M. Ian Murray: Donc, dans le cas particulier de la génomique, ce serait l'excitation provoquée par la chose plutôt que l'aspect financier qui amènerait les gens à vouloir revenir au Canada, n'est-ce pas?

Le Dr Hudson aimerait également dire quelque chose.

Dr Jim Friesen: Oui, allez-y.

• 1615

Dr Thomas Hudson: Évidemment, je n'ai pas l'habitude de ces réunions. Je suis chercheur.

J'ai obtenu ma formation scientifique aux États-Unis, au MIT. Je suis directeur adjoint du MIT Center for Genome Research, et j'ai un groupe qui a cerné la moitié des marqueurs de la carte chromosomique humaine. Je travaille avec des ingénieurs, des biochimistes, des informaticiens, etc., dans le cadre d'un groupe. Je me promène beaucoup depuis trois ans: les lundis et mardis je suis à Boston, et le reste de la semaine je suis à McGill.

L'environnement est totalement différent. Aux États-Unis, je faisais partie d'un groupe qui avait réussi à obtenir une subvention de 50 millions de dollars. Il n'y avait qu'un seul formulaire de demande, qui a été envoyé au gouvernement. Nous avons obtenu l'argent pour l'immeuble, les espaces, les travaux de rénovation, le matériel et le personnel, pendant cinq ans. Nous venons tout juste de réussir à obtenir du gouvernement une subvention de 384 millions de dollars. Pourquoi? Parce que la génomique est importante. À Boston, j'ai vu des entreprises prendre de l'ampleur—Millennium, etc. Mon patron a créé sa propre boîte. J'ai vu un très grand nombre de boîtes démarrer et s'agrandir. Il y a énormément de croissance dans le domaine de la génomique.

Je suis revenu au Canada comme enquêteur, et cinq semaines après mon arrivée au pays, le programme génomique canadien, qui existait depuis quatre ans, a été abandonné, le financement scientifique ayant été coupé. Ce programme a disparu au moment le plus critique.

Je parcoure donc le pays en essayant de susciter de l'intérêt pour la génomique. J'ai vu des gens du secteur agricole. Je suis allé à Saskatoon, etc. Je vois de la croissance. Le CFI vient tout juste de nous verser une subvention de 10 millions de dollars au Canada pour du matériel, mais non pas pour du personnel. Pour faire fonctionner le centre, il nous faudrait préparer des formulaires de demande de subvention de 70 000 $ chacune. Je passerais mon temps à les gratter. Pour obtenir l'argent nécessaire à l'exploitation d'un centre, il nous faudrait en gros demander de petits montants d'argent un petit peu partout. Ce n'est tout simplement pas la même culture qu'aux États-Unis.

Y a-t-il aux États-Unis des chercheurs canadiens qui sont des experts en génomique? Eh bien, il y a deux autres directeurs adjoints ou chefs de groupe chez MIT qui sont Canadiens. L'Université de Washington, qui compte le plus gros centre de séquençage, a dans son équipe deux Canadiens. Si vous allez à Stanford et à tous ces autres endroits, vous y trouverez de nombreux chercheurs canadiens qui ont été formés aux États-Unis. Je suis en fait l'un des rares à être revenus au Canada. Pourquoi? Parce qu'il n'y avait pas de possibilités. Il n'y avait tout simplement pas de débouchés. Les universités manquent d'argent. Il n'y a pas de possibilités de construire de gros centres. Alors ils ne reviennent pas.

Après avoir été chef adjoint ou autre, voire même directeur, au bout de quatre ou cinq ans, les gens s'adressent à d'autres entreprises ou à d'autres universités aux États-Unis, et s'y installent.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Murray.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): J'ai plusieurs questions à poser. La première porte sur l'exode des cerveaux. Vous dites qu'on a perdu jusqu'à 30 p. 100 des chercheurs en biotechnologie. Est-ce qu'on constate un phénomène semblable partout au Canada? C'est peut-être différent au Québec étant donné que les chercheurs sont francophones. Est-ce que le pourcentage d'exode est le même au Québec ou s'il y a là une rétention plus grande?

[Traduction]

Dr Barry McLennan: Je pourrai peut-être répondre à votre question.

Nous avons récemment fait un sondage auprès des milieux de recherche biomédicale, clinique et en santé au Canada. Nous avons demandé aux gens de nous fournir des données sur une période de cinq ans, soit de 1993 à 1998. Nous leur avons dit: «Donnez-nous de vrais noms, de vraies personnes qui ont quitté le Canada, et d'autres qui sont revenues». La simple vérité est que nous perdons cinq chercheurs chevronnés pour chaque chercheur qui revient. Comme je l'ai dit, notre sondage a porté sur tout le secteur de la recherche biomédicale et inclurait certainement certains des chercheurs en génomique que mon collègue a mentionnés.

La raison pour laquelle ils partent est intéressante. Ce n'est pas qu'une question de salaire. D'ailleurs, ce motif est arrivé en dernière place derrière toutes les autres réponses à la question «Pourquoi êtes-vous parti»? Cela a à voir avec l'environnement de la recherche, dont on a parlé plus tôt. Donnez-leur les outils nécessaires pour faire le travail et ils resteront au Canada; ils reviendront au Canada.

En ce qui concerne l'investissement au Canada, il nous faut, bien sûr, maintenir un environnement de recherche qui attire non seulement des personnes, mais également des entreprises. Les lois en matière de fiscalité doivent être plus justes et les règles équitables. Toutes ces choses doivent être réunies pour assurer au Canada un environnement qui attirera et retiendra non seulement des personnes, mais également des entreprises.

Le groupe de génomique aimerait beaucoup avoir un institut de génomique, et j'applaudis à cette idée. Je pense que ce serait formidable. Il se trouve que j'enseigne la génomique en biochimie. Il s'agit d'un secteur très important que nous devrions développer dans ce pays. Mais j'ose espérer qu'une partie du problème pourra être réglée par l'intermédiaire des ICRS, qui sont en train d'être établis.

• 1620

Il se trouve que je siège au comité de régie par intérim. Nous allons faire les choses assez rapidement. Notre projet ne sera peut-être pas aussi ambitieux, et la génomique devrait peut-être être financée séparément—je ne voudrais pas que l'on se lance dans une discussion là-dessus ici—mais je pense que la cause de la génomique a été très bien défendue et que cela pourrait servir d'illustration pour de nombreux autres cas qui se posent pour les Canadiens.

Merci.

La présidente: Monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé: Vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question, qui portait sur le pourcentage au Québec, mais peu importe.

Dans le rapport de BIOTECanada, il y a un graphique sur le nombre d'emplois par région. Étant du Québec, je me réjouis car je constate que selon les projections, le Québec sera en avance d'ici 2001. Comment expliquez-vous cette situation?

[Traduction]

Dr Paul Hough: Cela est tout à fait juste. Ce graphique donne les réponses des entreprises quant à leur situation actuelle et celle qu'elles prévoient pour l'an 2001.

Il y a beaucoup d'activité au Québec. Il y a beaucoup de petites entreprises. En fait, la répartition des entreprises au Québec est très intéressante. Elles voient tout simplement les avantages et les possibilités dans tous les domaines de la biotechnologie, y compris la génomique, mais pas exclusivement, et elles prédisent que la croissance au Québec sera considérable.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je ne suis pas un expert dans ce domaine. Vous parlez de génomique. Dans la région de Québec, on parle parfois de génétique. Est-ce qu'on parle de la même chose ou si c'est un dérivé? Pouvez-vous me donner des explications?

Dr Thomas Hudson: La génomique est une science. La génétique, c'est ce que nos parents nous transmettent. On hérite d'un trait ou d'une maladie. La génétique, c'est la transmission des parents à l'enfant. La génomique est l'information qui se trouve dans la base de données du génome. Dans chaque cellule, il y a des chromosomes et des gènes. La génomique est l'information qu'il y a dans les chromosomes et les gènes.

La génétique a recours à la génomique. L'information qui est dans la base de données est utile en génétique humaine. Elle est aussi intéressante en génétique des plantes, en génétique des poissons et ainsi de suite. Je dirais que la génomique est un outil pour les études de génétique.

Au Québec, on est très fort en génétique. Il y a une grande culture en recherche en génétique et il y a donc beaucoup de soutien au développement de la génomique, parce que cela aidera les chercheurs québécois, qui ont accès à de bonnes familles et à un bon système de santé, à avoir accès aux technologies de pointe en séquençage, en génotypage et en micropuces d'ADN.

Les chercheurs de la communauté génétique québécoise aimeraient utiliser la génomique pour se tenir à la fine pointe de la recherche.

La présidente: Merci.

[Traduction]

Madame Jennings, je vous prie.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci beaucoup pour vos présentations. Vous avez abordé plusieurs sujets, mais j'ai une seule question.

Dans leurs présentations, tous les témoins, sauf peut-être le Dr Hudson, ont mentionné le cadre réglementaire, le cadre législatif et le cadre fiscal, qui pourraient aider ou ne pas aider, tant au niveau de l'industrie de la recherche et de l'industrie biotechnologique qu'au niveau de la génomique.

J'aimerais que vous nous expliquiez comment notre cadre réglementaire aide votre industrie. Quand je parle de l'industrie, je parle aussi bien de la recherche que de la création de produits et de services basés sur la recherche, sur les innovations qui ont été faites, qui créent un genre d'industrie dans chacun de ces domaines. Comment le cadre réglementaire peut-il favoriser ou empêcher le développement? C'est au niveau des règlements, au niveau de nos lois ainsi qu'au niveau de notre système fiscal.

• 1625

[Traduction]

La présidente: Monsieur McLennan.

Dr Barry McLennan: Merci.

Vous posez une très bonne question. Permettez-moi d'utiliser un exemple tiré de l'industrie pharmaceutique. Je ne possède pas d'actions d'une quelconque société pharmaceutique, mais je pense comprendre l'industrie.

Lorsqu'une entreprise dont le siège est en Suisse se pose les questions suivantes: «Devrions-nous faire de la recherche au Canada? Devrions-nous investir au Canada?», elle se pose en même temps un certain nombre d'autres questions.

Y a-t-il là-bas le bon environnement? Y a-t-il un bassin de chercheurs capables de faire le travail? Y a-t-il au Canada un avantage concurrentiel du fait des taux d'imposition? Les cadres réglementaires sont-ils égaux? En d'autres termes, s'il faut 800 jours—je choisis un nombre au hasard—pour obtenir l'homologation d'un médicament en vue de sa commercialisation au Canada, et s'il faut simplement 500 jours en Europe et 300 jours aux États-Unis, vous pouvez deviner où la boîte va investir son argent.

C'est cela que j'entends par environnement de recherche, ce qui englobe les aspects réglementation, etc., c'est-à-dire le régime fiscal, la protection des brevets, et ainsi de suite. Il nous faut être compétitif en tant que pays. Toutes ces choses doivent être réunies. Ce n'est là qu'un seul exemple.

Souvent, la CRBS reçoit des lettres d'entreprises qui demandent des renseignements sur le genre de ressources que nous avons au Canada pour faire un certain type de recherche. En d'autres termes, elles ne veulent pas investir au Canada si nous n'avons pas en place les chercheurs et les laboratoires pour faire le travail. Et pourquoi le feraient-elles?

Tous ces éléments réunis ensemble doivent créer un environnement qui attirera l'investissement étranger au Canada, et je pense que la même chose vaut pour tous les autres secteurs. Pour concurrencer les Européens, les Américains et les Japonais, il nous faut offrir un environnement qui amènera de l'argent ici.

Permettez que je revienne un instant sur le cas de l'industrie pharmaceutique. Nous sommes un petit joueur sur la scène mondiale. Nous sommes un joueur important, mais nous sommes petits. Nous ne comptons que pour 4 p. 100 de l'activité totale. Les entreprises aiment néanmoins investir au Canada, car elles aiment notre environnement. Elles savent que nos chercheurs sont compétents. La preuve tragique en est que lorsque nous perdons des chercheurs à d'autres pays, ils n'ont aucun mal à se trouver du travail. D'autres pays savent que nous avons des gens de talent. Il nous faut les utiliser ici.

C'est en partie le fait de réunir ensemble les éléments de l'environnement voulu qui attire l'investissement.

La présidente: Monsieur Hough, avez-vous quelque chose à ajouter?

Dr Paul Hough: Oui, madame la présidente, si vous permettez.

Deux points sont très importants.

Premièrement, il est extrêmement important d'avoir un environnement réglementaire très solide et efficace, y compris des organismes de réglementation, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, ces organismes sont la source, si vous voulez, qui offre au public l'assurance que tout ce qui arrive sur le marché est non seulement sans risque mais également efficace. Cela ne peut être fait que par le biais d'un organisme indépendant. Cet organisme indépendant doit posséder les compétences voulues, non seulement d'un point de vue scientifique, comme vient de l'expliquer M. McLennan, mais également d'un point de vue temps.

Dans le cas de toute société, qu'elle oeuvre dans le domaine pharmaceutique ou dans un autre domaine des sciences de la vie, il faut beaucoup de temps pour mettre au point ces produits. Vous aurez peut-être une protection de brevet pour certains aspects de ce que vous faites, mais cela fait démarrer le compteur bien avant que vous n'ayez la véritable capacité de gagner de l'argent sur le marché. Le temps, c'est définitivement de l'argent, et le processus de réglementation est donc extrêmement important à cet égard.

L'autre aspect est que la compétence attire la compétence. L'on parle beaucoup de partenariat comme s'il n'y en avait pas. Or, il y en a. Il y en a beaucoup. Notre sondage a révélé que le plus grand nombre d'alliances se forgent avec les universités. Les entreprises cherchent la compétence là où elle se trouve, et c'est là qu'elles s'implanteront.

Avec l'optimisme renouvelé dont a parlé le Dr Friesen, grâce aux récentes augmentations, bien que modestes, du financement, ce que l'on voit, c'est un renouveau dans le secteur de la recherche. Si nous pouvons bâtir là-dessus, nous attirerons plus de gens, plus d'entreprises et plus d'activité.

Il a été question plus tôt d'une certaine réticence. En fait, je dirais que l'on s'en sort. C'est un petit peu dépassé comme caractérisation. L'on n'arrive pas au deuxième rang pour le nombre d'entreprises oeuvrant dans ce secteur en restant sur la banquette arrière et en se disant qu'on ne pourra pas y arriver. Presque toutes ces entreprises proviennent du secteur de la recherche.

Il est certain que les chercheurs s'efforcent de porter plus loin leurs idées, qu'ils le fassent seuls ou conjointement avec d'autres. Cela arrive de bien des façons, mais cela arrive, et sans grand tapage.

• 1630

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.

En tant que présidente, je me trouve ici confrontée à un petit dilemme. J'ai sur ma liste les noms de cinq intervenants, et il nous reste peut-être encore dix minutes avant de devoir passer à la suite. Nous n'avons cette salle que jusqu'à 17 h 30 et nous devons accueillir un autre groupe de témoins. Je vais donc proposer que chaque personne dont le nom figure sur ma liste et qui est désireuse de poser une question n'en pose qu'une, et ce sans long préambule. Qu'en dites-vous? Êtes-vous d'accord pour qu'on s'y essaye?

Une voix: Avec dissidence.

La présidente: Avec dissidence? C'est très bien.

Monsieur Anders.

M. Rob Anders: Je suis en train de décider de la question que je vais poser. Très bien, je suis prêt. Il y a trois questions que je pourrais poser, mais je me limiterai à une seule.

Vous avez parlé d'un processus d'homologation qui retarde les choses, et d'un délai de 500 jours par opposition à 800 jours. En tant que député, que pouvons-nous faire pour accélérer ce processus? Je sais qu'il y a la matière grise, le processus d'approbation, la protection des brevets et les lois fiscales. Que pouvons-nous faire pour vous aider avec le processus d'approbation? Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire?

La présidente: Monsieur McLennan.

Dr Barry McLennan: Merci.

Il y a plusieurs années, nous avions proposé la création d'un organisme distinct chargé de s'occuper de cela. La Direction générale de la protection de la santé n'a ni le personnel ni les ressources nécessaires pour faire ce travail. Il y a de bons arguments, que je ne vais pas aborder ici, plaidant en faveur de la création d'une entité distincte. Personnellement, j'estime que c'est là la meilleure solution.

Dr Paul Hough: Madame la présidente, puis-je moi aussi donner une réponse?

L'une des choses qui pourraient être faites serait de pousser Santé Canada à adopter une politique légèrement différente. Tous les organismes de réglementation des différents pays font payer le processus d'approbation, et cela est approprié. Cependant, la politique au Canada voulait que Santé Canada retire à la Direction générale de la protection de la santé une part importante de son budget, y compris le programme de produits thérapeutiques, et lui dise d'aller chercher cet argent au moyen de la récupération des coûts.

La FDA aux États-Unis, qui est l'organisme de réglementation américain, fonctionne lui aussi selon un système de récupération des coûts, mais l'argent ainsi ramassé vient s'ajouter à son budget de base et a servi à recruter 300 évaluateurs et examinateurs supplémentaires. Voilà l'une des principales raisons pour lesquelles la FDA a pu améliorer de façon si marquée son délai d'évaluation. Et c'est pourquoi au Canada, même si l'on a amélioré ce délai, si vous regardez les chiffres pour les dernières années, vous verrez que la période normale a atteint un plateau, et que ce plateau est supérieur à celui d'autres pays.

La présidente: Merci beaucoup.

Merci beaucoup, monsieur Anders.

Monsieur Keyes, s'il vous plaît.

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci, messieurs, de vos présentations.

Afin de ne pas brosser un tableau trop noir de domaine de la recherche et de la biotechnologie pour ceux qui nous suivent peut-être à la télévision...

La présidente: Pas de préambule.

M. Stan Keyes: ...je ne pense pas qu'il y ait de doute dans ce pays que le Canada est un leader en matière de soins de santé. La recherche fondamentale et le travail dans le domaine de la biotechnologie me sont familiers à cause de mes contacts avec les laboratoires, professeurs et étudiants au McMaster University Medical Centre dans ma circonscription de Hamilton-Ouest.

Je suis encouragé par vos remarques. Avec ce que le ministre des Finances, M. Paul Martin, a fait relativement aux ICRS, nous allons dans la bonne direction, en rétablissement le financement aux niveaux d'avant 1993. Le Dr Friesen est en train de dire oui de la tête, et je suis heureux de voir cela.

Dr Jim Friesen: Je fais signe de la tête.

M. Stan Keyes: Nous allons donc dans la bonne direction.

J'ai quelques petites questions auxquelles vous pourrez sans doute répondre pour nous. Depuis combien de temps sommes-nous actifs dans le secteur de la biotechnologie, comparativement aux États-Unis?

Dr Paul Hough: J'imagine que tout dépend du moment où vous avez fait démarrer le compteur. La biotechnologie existe depuis environ 2000 ans, mais l'industrie biotechnologique moderne est active depuis 15 ans sans doute. Le Canada a toujours été là; tout simplement, l'activité a été à un niveau inférieur.

M. Stan Keyes: Ils ont un sens de l'humour. Les médecins ont un sens de l'humour.

On parle d'environ 10 000 personnes travaillant dans 300 entreprises et affichant des ventes annuelles de près de 1 milliard de dollars. Quelle part de l'argent investi dans ces entreprises qui emploient 10 000 personnes et qui affichent des ventes de 1 milliard de dollars...

M. Rob Anders: S'il a droit à une deuxième question, alors moi aussi j'ai droit à une deuxième question.

M. Stan Keyes: Vous en avez eu deux. Je n'en ai pas encore posé. Vous avez eu deux tours.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Il a droit à cinq minutes.

La présidente: Non, monsieur Lastewka, j'ai changé les choses pour le deuxième tour.

M. Rob Anders: La règle était...

M. Stan Keyes: Monsieur Anders, vous avez eu deux tours.

La présidente: Un petit peu d'ordre, s'il vous plaît.

Monsieur Keyes.

• 1635

M. Stan Keyes: Pour en revenir à la question, je me demande, lorsqu'on parle d'investissement dans des sociétés qui rapportent un milliard de dollars par an, quelle part de cet argent est imputable à l'investissement fait par le gouvernement dans ses entreprises qui produisent ce milliard de dollars, et ne devrait-on pas jouer davantage un rôle de partenariat avec le secteur privé? Cette possibilité nous est ouverte.

La présidente: Merci, monsieur Keyes.

Monsieur McLennan.

Dr Barry McLennan: Le groupe de l'ACIM—c'est-à-dire l'Association canadienne de l'industrie du médicament, ce regroupement d'entreprises—dépense à l'heure actuelle environ 824 millions de dollars par an au Canada. Près du quart de cet argent est consacré à la R-D. Je n'ai pas fait la corrélation avec les ventes, mais ces sociétés respectent très certainement les règles générales énoncées dans le projet de loi C-91, etc. S'il existe un ratio semblable pour d'autres entreprises, alors j'aimerais les voir dépenser plus d'argent au Canada, c'est-à-dire une proportion plus élevée, dans la R-D.

Je vais donner rapidement un petit exemple au sujet de la question du délai. L'un de nos collègues a mentionné qu'il était allé à Saskatoon. Nous y avons créé un centre de biotechnologie agricole, qui est très rapidement devenu un centre de classe mondiale. Pourquoi ne l'avons-nous pas fait plus tôt? En partie, à cause de la science elle-même. Il s'agit d'une science très récente, et cette technologie, la génomique dont on parle, vient de la science. Il s'agit d'une science formidable avec un potentiel formidable.

À Saskatoon, en Saskatchewan, la biotechnologie agricole a donc pris son envol. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. Il a fallu un investissement du gouvernement 15 ans plus tôt pour que les choses se lancent. Je suis convaincu que nous pourrions faire la même chose dans d'autres secteurs. Cela est évident—mais nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. C'est cela qu'a voulu dire mon collègue.

La présidente: Merci, monsieur McLennan.

Monsieur Hough.

Dr Paul Hough: En demandant aux entreprises combien d'argent elles consacrent à la R-D dans le domaine de la biotechnologie, nous avons appris qu'en 1997, elles y ont investi 585 millions de dollars. Il s'agit là de fonds exclusivement privés.

De nombreuses sociétés investissent 50 p. 100 à 60 p. 100 de leurs revenus ou de leurs ressources dans la R-D, et certaines y mettent 100 p. 100. L'argent du gouvernement vient s'ajouter au montant, ou en tout cas au pourcentage. Nous estimons que le total, en provenance de toutes sortes de sources différentes, se chiffre à entre 300 millions et 400 millions de dollars. Mais l'argent dont je parlais provient exclusivement du secteur privé. Aujourd'hui, on prévoit davantage d'investissement pour les années à venir, et un grand nombre de ces activités s'appuient déjà sur des partenariats.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Hough.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé: Dans un esprit de collaboration, je vais céder mon droit de parole à quelqu'un qui n'a pas encore posé de questions.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Dubé.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

J'ai déjà eu une réponse partielle à ma question. Je pense que M. Hough ou M. Hudson tentait d'y répondre. Elle portait sur le processus décisionnel lorsque nos chercheurs quittent le Canada. L'on parle toujours des salaires et ainsi de suite, mais mon expérience a été que ces chercheurs—et j'en ai un dans ma famille—et c'est pourquoi je pose la question—prennent bien des fois leurs décisions en fonction de la disponibilité de laboratoires adéquats et de fonds suffisants pour faire des tests exhaustifs qui ne sont pas interrompus prématurément. Ils se lancent dans un projet de recherche, et tout d'un coup on leur demande d'écourter le programme et ainsi de suite.

C'est là le message que je reçois: l'importance de l'existence de laboratoires et de fonds adéquats pour mener à bien les projets. Auriez-vous quelque chose à dire là-dessus?

La présidente: Docteur Hudson.

Dr Thomas Hudson: Si vous avez dans votre famille un universitaire, quelqu'un qui demande des subventions, vous devez savoir qu'ils sont sans cesse à la recherche d'argent.

Nous avons des objectifs ambitieux. Les objectifs d'un chercheur canadien sont tout aussi ambitieux que ceux d'un chercheur américain, mais lorsque vous demandez de l'argent, étant donné que vous savez que les fonds sont plus limités, vous avez tendance à sous-estimer le coût véritable du produit. Vous obtenez la subvention et vous constatez qu'elle a été réduite de 30 p. 100, ce parce qu'on a voulu accorder un maximum de bourses. Le montant véritable d'argent qui vous viendra sous forme de bourse, si vous réussissez—si vous vous classez parmi les premiers 20 p. 100 des demandeurs—sera toujours de 20 à 30 p. 100 inférieur à ce que vous aviez demandé.

Un grand nombre de jeunes chercheurs doivent lutter pour décrocher leurs premières bourses. Pendant les deux ou trois premières années, ils sont appuyés par l'université et ils se lassent à cause de la difficulté. C'est la difficulté lorsqu'on veut se lancer... L'herbe est toujours plus verte de l'autre côté, alors ils décident d'aller aux États-Unis.

La présidente: Merci.

Merci, monsieur Lastewka.

Le dernier sera M. Shepherd.

• 1640

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci.

Ma question s'adresse principalement à M. Hough.

J'essaie de comprendre l'industrie. Vous avez dit que 50 sociétés comptent pour 100 p. 100 des ventes et que cinq d'entre elles réalisent 60 p. 100 des ventes. Lorsque je regarde votre liste de membres, je vois des noms comme Eli Lilly, Glaxo, Upjohn, Monsanto et Merck Frosst. Est-ce typique de votre industrie que ces sociétés soient principalement étrangères?

Dr Paul Hough: Non, je ne le pense pas. Notre organisation, BIOTECanada, comprend un certain nombre de grosses entreprises. Cependant, la plupart des sociétés de biotechnologie dans ce pays sont petites.

M. Alex Shepherd: Vous avez déclaré que cinq sociétés comptent pour 60 p. 100 des ventes. Qu'il y ait cinq gros joueurs m'indique que les choses sont déséquilibrées.

Dr Paul Hough: Il y a cinq gros joueurs. C'est sans doute le cas. Je ne peux pas vous dire combien d'entreprises il y a, car la nature de l'enquête est telle que c'est Statistique Canada qui détient le droit d'auteur. Tout ce que nous savons c'est que cinq sociétés d'un type ou d'un autre comptent pour 60 p. 100 des ventes. C'est ce que nous disent les données.

M. Alex Shepherd: Celles-ci seraient-elles vraisemblablement sous contrôle étranger?

Dr Paul Hough: Vraisemblablement, mais je ne peux pas vous le confirmer, car je n'ai pas accès aux noms de ces sociétés.

La présidente: Merci, monsieur Shepherd.

J'essaie de maintenir un petit peu d'ordre ici, et j'apprécierais que mes collègues à ma droite coopèrent ne serait-ce qu'un petit peu.

Je tiens à remercier les témoins d'être venus ici. Je vous présente mes excuses. Nous aurions manifestement pu discuter pendant longtemps encore. Nous devons accueillir un deuxième groupe de témoins et nous n'avons cette salle que jusqu'à 17 h 30, et il est encore possible qu'il y ait un vote.

Je remercie donc tous nos témoins d'avoir été des nôtres. J'apprécie les mémoires et la discussion que ceux-ci ont suscitée. Vu le déroulement de la discussion, je prévois que vous recevrez ultérieurement des questions en provenance des bureaux des députés.

Je vais demander que le changement de témoins se fasse d'une façon ordonnée. Je ne vais pas interrompre la séance, car nous n'en avons pas le temps. Toutes les personnes désireuses de discuter sont invitées à sortir de la salle.

Je souhaite donc la bienvenue devant nous cet après-midi aux deux témoins suivants. La deuxième question à l'ordre du jour est la recherche sur l'Arctique. Nous recevons Mme Bonni Hrycyk, directrice de l'Étude du plateau continental polaire, Ressources naturelles Canada; et M. Peter Johnson, président de l'Association universitaire canadienne d'études nordiques, et vice-président de la Commission canadienne des affaires polaires.

Nous sommes très heureux de vous accueillir parmi nous. Je crois comprendre que c'est Mme Hrycyk qui va commencer.

Mme Bonni Hrycyk (directrice, Étude du plateau continental polaire, Ressources naturelles Canada): Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître devant vous aujourd'hui.

Pour la communauté de chercheurs oeuvrant dans le domaine de la science dans le nord du Canada et ceux d'entre nous qui appuyons leur travail, les dernières années ont été très difficiles. De notre point de vue, en tant que principal organisme de soutien logistique du Canada dans l'Arctique, l'Étude du plateau continental polaire (EPCP) continue d'appuyer chaque année environ 150 projets de recherche dans le Grand Nord.

De façon générale, il y a eu au cours de la dernière décennie un recul dans le nombre de projets de recherche entrepris par les gouvernements fédéral et territoriaux ainsi que par les universités canadiennes relativement au Grand Nord canadien. Cela s'est traduit en termes réels par une diminution de la recherche sur, par exemple, l'incidence du changement climatique dans notre région polaire—effets sur le pergélisol et le dégel et les problèmes que cela posera pour l'infrastructure, notamment les pipelines et les édifices. Déjà, la côte à Tuktoyaktuk a vécu une érosion telle que certains bâtiments de la localité ont dû être déplacés vers l'intérieur des terres.

• 1645

La recherche sur les ressources non renouvelables se poursuit elle aussi. Un important projet mixte fédéral-universitaire de cartographie portant sur le sud de l'île de Baffin, lancé au milieu des années 1990, a déclenché une ruée de jalonnements de claims miniers par des sociétés de prospection. Mais, encore une fois, ce genre de recherche a ralenti pour ne donner lieu qu'à un ou deux gros projets par an. Deux importantes mines de plomb et de zinc dans l'Arctique, soit Polaris et Nanisivik, vont sans doute fermer d'ici cinq ou dix ans. L'industrie cherche d'autres dépôts viables à exploiter dans le Nord, et les mines sont bien sûr une importante source d'emplois et de richesse.

Des évaluations des ressources renouvelables menées par les comités de cogestion des concessions minières dans le Nord en partenariat avec des chercheurs fédéraux, continuent de se faire chaque année, mais celles-ci ne suivent pas le rythme de l'augmentation des besoins des nouveaux gouvernements dans le Nord. Ce travail est pourtant critique pour aider les localités du Nord et les décisionnaires gouvernementaux de tous les paliers à élaborer des plans éclairés pour des secteurs économiques locaux de chasse et de pêche qui soient durables.

La recherche au sujet des contaminants dans la chaîne alimentaire et de leurs conséquences sur la santé des résidents du Nord qui consomment des produits alimentaires provenant de leur milieu a ralenti. Les études hydrographiques visant à identifier de bons ports d'entrée pour desservir les localités du Nord et de bonnes voies maritimes pour la Garde côtière et les navires de ravitaillement et de transport des mines du Nord aux marchés ont reculé. Une grande partie des eaux du Nord n'ont jamais fait l'objet de levés détaillés. Les plans à long terme de réalisation de ces levés ont été interrompus l'an dernier.

L'Étude du plateau continental polaire verse chaque année en moyenne un million de dollars à l'appui de programmes universitaires canadiens. L'un de nos principaux critères d'admissibilité est que des étudiants participent aux programmes universitaires sur le terrain. Au cours de la dernière décennie, j'ai vu des étudiants de premier cycle terminer leurs études de deuxième et troisième cycles et obtenir leur permanence comme professeur. Ils sont à leur tour en train de former la génération suivante de chercheurs spécialisés dans l'étude du Grand Nord. Ils ne sont cependant pas nombreux et un petit nombre d'étudiants sont formés chaque année.

Ceux d'entre nous qui appuyons la recherche dans le Nord—et la recherche qui est à l'heure actuelle faite ne serait en grande partie pas réalisée en l'absence des systèmes de soutien aujourd'hui en place—travaillons ensemble pour assurer la meilleure utilisation possible de nos ressources collectives. L'Étude du plateau continental polaire et la Garde côtière canadienne, par exemple, ont bien réussi à coordonner leurs services respectifs pour limiter les coûts, et nous venons en aide aux chercheurs dans le cadre de régimes de collaboration étroite. Nous travaillons également aux côtés des instituts de recherche du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest en vue de coordonner le soutien aux chercheurs partout dans l'Arctique.

L'ÉPCP et le ministère de la Défense collaborent étroitement en vue du nettoyage des vieux chantiers abandonnés. Nous travaillons également très étroitement avec les stations météorologiques d'Environnement Canada dans le Grand Nord en vue d'assurer un bon partage des ressources et des services.

Même avec ces mesures de réduction des coûts et la coordination de la prestation de services logistiques entre groupes de recherche gouvernementaux et universitaires, il nous faut chaque année récupérer en moyenne entre 45 p. 100 et 50 p. 100 de nos coûts auprès d'usagers gouvernementaux.

L'intérêt et la nécessité de travaux de recherche sur le Nord au Canada et ailleurs dans le monde ne cessent d'augmenter. Le Canada oeuvre présentement à l'élaboration d'une politique étrangère pour le Nord. Les trois territoires du Nord sont en train de préparer des stratégies de développement économique. Les gouvernements du Nord doivent s'appuyer sur la science pour prendre des décisions éclairées.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, les dernières années ont été plutôt difficiles. Nous avons commencé à prendre un virage. L'ÉPCP s'est vue cette année accorder des fonds supplémentaires pour l'aider à augmenter son soutien au programme de recherche de l'Arctique. De nombreux défis restent cependant encore à relever.

La communauté de recherche du Nord et les organismes de soutien logistique qui appuient leur travail ont la même préoccupation, soit qu'en tant que communauté, nous ne sommes peut-être pas en mesure de prendre en mains aussi efficacement ou aussi exhaustivement que nous le souhaiterions le besoin d'aujourd'hui et les défis de demain.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame Hrycyk.

Je vais maintenant donner la parole à M. Johnson. Allez-y, je vous prie.

Dr Peter Johnson (président, Association universitaire canadienne d'études nordiques; vice-président, Commission canadienne des affaires polaires): Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous cet après-midi.

La communauté universitaire canadienne estime qu'il y a aujourd'hui une crise dans le domaine de la recherche sur l'Arctique. Cela est assez évident si vous tenez compte du nombre de chapeaux que je porte à l'heure actuelle.

• 1650

En plus d'être professeur au département de géographie de l'Université d'Ottawa et président de l'Association universitaire canadienne d'études nordiques, qui représente 33 universités et collèges, je suis vice-président de la Commission canadienne des affaires polaires, poste auquel j'ai été nommé par les commissaires il y a quelques mois. Je suis également membre du Conseil intérimaire pour l'Université de l'Arctique, et membre canadien du Conseil du comité international des sciences de l'Arctique. Cela est assez typique de la situation des rares chercheurs spécialisés dans la recherche sur l'Arctique qui résistent encore.

On me demande souvent pourquoi nous devons faire de la recherche sur l'Arctique. Il y a de nombreuses raisons à cela. Certaines sont directement liées à la technologie et à l'industrie, par exemple le maintien de notre leadership en matière de technologie des régions froides, d'établissement de capacités et de maintien de la durabilité de l'exploitation des ressources de l'Arctique, dont Bonnie a parlé il y a quelques instants. Cette recherche est également l'un des piliers de l'éducation dans le Nord, débouchant sur des possibilités d'emplois et d'entrepreneurship dans nos territoires, ce qui est une question de grande importance avec l'avènement de la dévolution. Il est également important pour nous de contribuer aux grands dossiers de recherche dans le monde. À l'heure actuelle, nous accusons du retard à cet égard par rapport aux autres pays de la région circumpolaire.

Un message qui est très clairement ressorti ces dernières semaines, dans le cadre du processus de consultation que j'ai mené, est que la recherche fondamentale sur l'Arctique est absolument essentielle pour appuyer la gestion durable des ressources par nos collectivités du Nord.

Sur le plan international, au cours des 18 à 24 derniers mois, depuis que je suis devenu président de l'Association universitaire canadienne d'études nordiques, chaque fois que j'ai participé à une conférence internationale ou discuté avec des collègues ayant assisté à des rencontres internationales, on nous a sans cesse posé les questions suivantes. Pourquoi existe-t-il dans le domaine de la science de l'Arctique ces trous, qui semblent coïncider avec la frontière canadienne? Qu'est-il advenu de la surveillance par le Canada? Lorsque nous avons une organisation logistique, en l'occurrence l'Étude du plateau continental polaire (ÉTCP), qui est reconnue partout dans le monde comme étant un merveilleux exemple d'organisation logistique de l'Arctique, pourquoi réduit-on sans cesse le soutien à cette organisation oeuvrant à l'appui de la science, ce qui a été fait jusqu'à la semaine dernière?

L'on constate également des tendances troublantes: une augmentation du financement étranger de la recherche au Canada ainsi que le financement par des pays étrangers de travaux de recherche canadiens au Canada, et la nécessité que certains travaux de recherche gouvernementaux soient financés par le Japon, l'Allemagne et les États-Unis.

Certains de ces travaux de recherche fondamentale portant sur la durabilité, le changement climatique et les changements socio-culturels sont importants pour la communauté internationale, à cause de notre participation au Conseil de l'Arctique, à cause des initiatives prises par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en vue de l'élaboration d'une politique étrangère pour le monde, ainsi qu'à cause de questions de souveraineté dans l'Arctique. La veille de la déclaration du Nunavut, j'ai été frappé par le fait que l'un des officiers de haut rang de nos forces armées ait répété une nouvelle fois que notre souveraineté dans l'Arctique est maintenue grâce à seulement 20 vols de surveillance par an au-dessus du Grand Nord.

Si l'on regarde ce qui se passe dans d'autres pays de la région circumpolaire et dans des pays qui s'intéressent à l'Arctique, l'on voit qu'ils consacrent d'importants investissements à la recherche sur l'Arctique. À l'heure actuelle, les États-Unis investissent beaucoup dans la logistique et dans des fonds scientifiques. La Norvège investit beaucoup dans son nouveau centre sur l'environnement polaire. Et, exception faite de la Russie, des exemples existent dans tous les autres pays de la région circumpolaire et dans de nombreux autres pays d'Europe.

Sur la scène internationale, il y a eu un déclin du côté de la recherche sur l'Arctique. Cela est particulièrement évident du côté des sciences physiques et de la vie. Des messages très clairs ont été envoyés ces deux derniers jours. En fait, le groupe de travail du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie et du Conseil de recherche en sciences humaines a été formé et chargé de soumettre à ces deux organismes des recommandations relativement au financement de la recherche scientifique sur le Nord.

• 1655

Bonni a déjà invoqué la réduction dans les programmes de recherche scientifique sur le Nord du gouvernement fédéral. Il me faudrait souligner que le rapport du vérificateur général, dont on a beaucoup parlé à la radio ce matin et qui est accessible sur le Web, fait état d'un besoin urgent de chercheurs dans la fonction publique et dit que le pays est en train de perdre et des chercheurs jeunes et des chercheurs chevronnés. Je pense que la prédiction est que le gouvernement devra embaucher 3 000 nouveaux chercheurs au cours des cinq prochaines années.

La question qui se pose ici est la suivante: d'où vont-ils provenir, ces chercheurs? Pour ce qui est de la recherche sur l'Arctique, on a besoin d'universités pour former ces chercheurs; or, l'on constate un recul de la capacité des universités d'assurer cette formation.

L'un des gros problèmes est qu'il y a un vaste bassin de chercheurs spécialisés dans l'étude de l'Arctique qui approchent de la retraite. Au cours des cinq à dix prochaines années, il y aura un départ massif à la retraite de chercheurs universitaires spécialisés dans l'étude de l'Arctique, et les universités ne se sont pas engagées à assurer la relève dans les disciplines concernées.

Quelles solutions pouvons-nous proposer? Il nous faut surtout un engagement du gouvernement à l'égard de la recherche sur l'Arctique. Il nous faut également l'équivalent du United States Arctic Research and Policy Act, qui a poussé les États-Unis à élaborer des politiques. Il existe plusieurs organismes d'élaboration de politiques, par exemple la United States Arctic Research Commission, l'Interagency Arctic Research Policy Committee et d'autres organismes du genre, qui sont principalement responsables de l'élaboration de politiques en matière de recherche sur l'Arctique.

Il nous faut également continuer d'augmenter notre soutien à l'organisme de soutien logistique du Canada dans l'Arctique qu'est l'Étude du plateau continental polaire. Il nous faut développer notre capacité dans le Nord, sur les plans tant infrastructure que possibilités de formation. Nous n'avons pas d'université dans les territoires. La seule université dans ce pays qui ait dans sa charte un mandat en matière de recherche sur le Nord est l'University of Northern British Columbia, mais quatre ou cinq autres universités ont un assez bon programme d'études sur le Grand Nord.

Il nous faut convaincre les organismes de financement d'avoir des programmes de financement spécifiques pour l'Arctique. À l'heure actuelle, il n'y a rien dans les programmes de ces organismes qui vise particulièrement les écosystèmes du Nord ou autre chose du genre. Le fait que nous ayons ce groupe de travail conjoint du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie et du Conseil de recherche en sciences humaines est néanmoins un signe très positif.

Il nous faut une coordination efficace des activités gouvernementales de recherche et de surveillance. Je suis heureux de dire que le Comité de science et de technologie du Nord, le comité des SMA, est de plus en plus actif sur ce plan, et c'est là encore un autre signe positif.

Il nous faut non seulement adhérer à un grand nombre de programmes scientifiques internationaux ou ententes internationales, mais également faire en sorte que le Canada s'engage à participer à part égale à ces activités.

Deux dernières choses. Il nous faut faire appel aux compétences de la Commission canadienne des affaires polaires revitalisée, et appuyer d'autres organisations également. Je ne parle pas ici de soutien financier, mais de soutien sous forme de recommandations politiques et ainsi de suite de la part d'autres organisations, comme par exemple l'Association universitaire canadienne d'études nordiques.

La présidente: Merci, monsieur Johnson. Nous allons maintenant passer aux questions.

Allez-y, je vous prie, monsieur Anders.

M. Rob Anders: J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée que le Canada soit un terrain d'entraînement pour opérations militaires par temps froid. Nous avons d'énormes superficies dans l'Arctique—d'après la documentation, 40 p. 100 de notre masse terrestre—et pour les pays qui n'ont pas accès à ce genre de chose, ce pourrait être utile. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Deuxièmement, comme question corollaire, une augmentation de la présence des troupes de l'OTAN dans l'Arctique pourrait-elle bénéficier à la science et à d'autres initiatives connexes dans l'Arctique?

La présidente: Monsieur Johnson.

Dr Peter Johnson: Je ne sais pas si je suis suffisamment au courant sur le plan politique pour pouvoir répondre à cette question. Personnellement, d'un point de vue environnemental, je ne voudrais pas voir une augmentation de la présence militaire dans la région Arctique canadienne.

• 1700

La présidente: Madame Hrycyk, auriez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Bonni Hrycyk: Non. Je pense que la meilleure personne pour répondre à cette question serait le ministre de la Défense nationale.

La présidente: Monsieur Anders, cela vous va-t-il? Très bien.

Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd: J'aimerais poser quelques questions au sujet d'une expérience personnelle que j'ai vécue. Je me suis un jour retrouvé à Churchill. Je sais que cette localité n'est pas dans le Grand Nord, mais il y a là une école de formation. J'ai atterri dans cette école et j'ai discuté avec un administrateur qui s'y trouvait.

Vous avez parlé d'une politique scientifique. J'ignore si nous avons une politique spécifique pour le Nord dans quelque domaine que ce soit.

Comment les Canadiens peuvent-ils occuper leur espace? On nous dit que nous avons un pays dans lequel 80 p. 100 d'entre nous habitons des régions urbaines à un jet de pierre de la frontière américaine. Alors comment transformer cette vision du Nord...

Toutes mes préoccupations sont liées à la même question. Vous ne parvenez pas à obtenir le financement nécessaire pour la science. Nous ne parvenons même pas à intéresser les gens à visiter le Nord, à s'y promener. Or, on peut attirer ici les Japonais, qui font des expéditions dans le Nord. Nous savons que les gens en Norvège utilisent leur espace beaucoup plus efficacement que nous.

Churchill possède des choses formidables, et l'on pense tout de suite à l'ours polaire. Il s'y trouve également un vieux fort tout délabré. Il ne semble pas qu'il y ait d'argent pour le retaper et pour s'occuper d'une partie de notre histoire naturelle qui s'y trouve.

La question est donc plus vaste que celle des sciences. Comment faire pour que les Canadiens connaissent mieux leur pays? Peut-être que c'est un rôle pour le gouvernement. Comment faire pour encourager les gens à visiter le Grand Nord et pour intégrer cette région dans l'existence du pays.

Dr Peter Johnson: Je ne suis pas convaincu que le gouvernement soit seul responsable d'essayer d'encourager les gens à visiter le Grand Nord. L'un des problèmes est que la perception du Canada en tant que pays de l'Arctique ne s'appuie pas véritablement sur une connaissance de l'Arctique et de ses réalités. Cela s'appuie sur une impression de nature vierge dans l'Arctique, mais non pas sur l'Arctique en tant que terre ancestrale pour toutes sortes de peuples indigènes qui comptent sur la terre pour se nourrir et pour gagner leur vie.

Les gens sont de plus en plus nombreux à se rendre en touriste dans l'Arctique. Cependant, je dirais qu'il est beaucoup moins coûteux pour quelqu'un venu d'Allemagne ou du Japon de visiter l'Arctique canadien que pour les Canadiens.

Je vous citerai un exemple pour illustrer le problème du coût. C'est la même chose pour ce que cela coûte aux chercheurs de se rendre dans l'Arctique. Il y a quelques semaines, nous avons eu une réunion à Inuvik portant sur cette stratégie de science et de technologie dans le Nord. Deux personnes sont venues de Goose Bay. Il leur en a coûté à chacun 6 000 $ pour se rendre en avion de Goose Bay à Inuvik. Si vous voulez que les Canadiens se rendent dans l'Arctique canadien pour visiter les localités du Nord et avoir des interactions avec les gens qui vivent là-haut, il faut faire quelque chose du côté du barème des tarifs aériens.

Bonni et moi-même partons demain pour assister à une réunion en Norvège. Je peux me rendre dans le nord de la Norvège pour moins cher que si j'allais à Whitehorse.

La présidente: Monsieur Shepherd, ce sera votre dernière question.

M. Alex Shepherd: Vous avez dit que votre préoccupation initiale était que vous ne vouliez pas que les gens aillent dans le Nord. J'imagine que c'est là la réaction d'un chercheur spécialisé en sciences naturelles: vous ne voulez pas que des humains aillent là-haut bouleverser la faune et la flore, etc. Mais, en réalité, il faut qu'il y ait une certaine fusion à ce niveau-là.

Je sais que l'ours polaire est présent là-bas. Le Kenya et d'autres pays ont réussi à intervenir à ce niveau-là. À moins que les Canadiens ne s'intéressent au Nord, il sera difficile pour les politiciens de trouver de nouveaux crédits pour appuyer votre recherche. Ce sera difficile si les gens n'ont aucune expérience du Grand Nord.

• 1705

Dr Peter Johnson: Je n'ai pas dit que je ne voulais pas que davantage de gens vivent l'expérience de l'Arctique. J'ai dit que je ne voulais pas qu'on utilise l'Arctique comme terrain d'entraînement militaire. Cela ne me pose aucun problème que davantage de gens vivent l'Arctique d'un point de vue touristique et éducatif.

La présidente: Merci.

Merci, monsieur Shepherd.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé: À Québec, il y a un mois ou un mois et demi, ou peut-être même quelques mois, il y a eu un colloque international sur les études nordiques qui a été largement médiatisé et qui a suscité mon intérêt. Étant un ancien de l'Université du Québec à Trois-Rivières, je sais qu'il y avait un doyen des sciences de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui s'intéressait beaucoup à la création d'un centre d'études nordiques.

Dans votre mémoire, j'ai lu une chose qui m'a frappé. Il y a des pays étrangers qui viennent financer des recherches ici. Je m'intéresse à cet aspect. Est-ce qu'ils financent des universités ou s'ils font eux-mêmes la recherche dans le Nord? Quel genre de recherche font-ils? Pourquoi est-ce intéressant pour eux? Parlez-m'en davantage parce que cela a aiguisé ma curiosité.

[Traduction]

Dr Peter Johnson: Il y a plusieurs raisons pour lesquelles des gens d'universités étrangères et de gouvernements étrangers viennent ici et font de la recherche dans l'Arctique.

Tout d'abord, la partie canadienne de l'Arctique est un élément critique de tous les systèmes de l'océan Arctique. L'on pense aujourd'hui que le système de l'océan Arctique exerce un contrôle important sur tout le système océanique mondial, qui joue à son tour un rôle important dans le changement climatique. Il y a donc beaucoup d'intérêt de ce point de vue là.

Une autre raison est la suivante. On me l'a rapportée, mais je ne saurais vous dire qui c'était. C'est un chercheur étranger, qui a dit qu'il y a diverses questions de recherche auxquelles il faut trouver des réponses dans l'Arctique canadien—que ce soit la durabilité, les contaminants ou le changement climatique—et que si le Canada ne va pas y répondre, alors d'autres viendront d'ailleurs le faire. C'est là une autre raison pour laquelle les gens viennent.

En fait, un certain nombre de propositions d'envergure n'ont pas abouti à cause des objections de ces autres pays à l'investissement d'argent dans des programmes canadiens. L'une des plus grosses expéditions cette année dans l'Arctique canadien a été menée par des Suédois. La proposition originale était qu'un navire suédois vienne dans l'Arctique canadien, et il y avait plusieurs places à bord pour des chercheurs canadiens. Il y a environ trois jours, j'ai reçu un appel d'un de ces chercheurs, qui avait obtenu tout le financement du côté suédois pour assurer sa place à bord, recueillir des renseignements et prélever des échantillons, mais qui a dit qu'il n'y avait pas de fonds au Canada pour l'analyse de ces derniers. Ce chercheur était donc en train de me supplier, demandant «Où puis-je trouver de l'argent pour faire quelque chose avec ces échantillons?»

Je pense que Bonni pourrait vous parler un petit peu plus de cela, car c'est en fait la Garde côtière canadienne qui va maintenant fournir le navire.

C'est bien cela, n'est-ce pas?

Mme Bonni Hrycyk: Oui, c'est le Louis S. St. Laurent.

J'ajouterais tout simplement que les projets que nous voyons passer par notre système sont le fruit de différents types de partenariat. Certains des projets sont principalement canadiens dans leur contenu, avec un ou deux partenaires étrangers, et ces derniers apportent bien sûr du financement, alors il s'agit véritablement d'un effort conjoint. Dans d'autres cas, il peut s'agir de programmes de recherche principalement étrangers, mais les participants s'appuient sur les compétences canadiennes et certains Canadiens y jouent un rôle. Là encore, les coûts sont partagés et il y a une meilleure représentation des différentes disciplines de recherche scientifique. D'autres initiatives sont le fait de groupes de recherche exclusivement étrangers qui viennent ici réaliser des projets.

[Français]

La présidente: Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: Je m'adresse à M. Johnson. L'éducation étant de compétence provinciale, une partie du travail des professeurs et des chercheurs est financée par les provinces, mais il y a aussi des budgets qui viennent du gouvernement fédéral. Vous dénoncez le fait qu'il y a eu des coupures. Quel organisme visez-vous particulièrement?

• 1710

[Traduction]

Dr Peter Johnson: La réduction générale des programmes universitaires a débouché sur ce qu'on appelle la rationalisation des activités de toutes les universités, à quelques exceptions près, l'université Laval en étant une. Il n'y a jamais eu un large bassin d'experts de la recherche sur le Grand Nord, et les compétences ont par le passé été réparties dans les universités. C'est une cible de premier choix. Si des postes vont être coupés ou des remplacements effectués, c'est le secteur de la recherche sur l'Arctique qui souffrira en premier.

La situation est également décourageante pour les chercheurs eux-mêmes sur le plan cheminement de carrière dans une université. Si vous travaillez dans le nord de l'Île d'Ellesmere, il y a de fortes chances que vous perdiez quelques journées dans votre saison de recherche, voire toute votre saison de recherche, à cause de problèmes climatiques ou logistiques. Or, vous êtes malgré tout tenu de satisfaire toutes les exigences habituelles pour obtenir votre permanence et des promotions. D'un point de vue carrière, donc, c'est un choix très difficile pour un jeune professeur d'université que de décider d'aller travailler dans l'Arctique.

J'ai aujourd'hui la chance d'être dans une situation telle que je peux consacrer mon temps à du travail davantage du côté politique, si vous voulez. Mais de nombreux jeunes chercheurs spécialisés dans l'étude de l'Arctique se surmènent ne serait-ce que pour satisfaire les exigences nécessaires à la poursuite de leur carrière.

La présidente: Merci.

[Français]

Merci, Monsieur Dubé.

[Traduction]

Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: Merci de vos présentations.

Je suis quelque peu préoccupée par certaines des déclarations que vous avez faites, monsieur Johnson, relativement au déclin du financement pour l'Étude du plateau continental polaire.

J'aimerais donc vous poser quelques questions là-dessus, madame Hrycyk, étant donné que vous en êtes directrice. Quel a été le financement il y a cinq ans, et quel est-il aujourd'hui?

Mme Bonni Hrycyk: Il était de 6,4 millions de dollars. À l'heure actuelle, avec le nouveau financement que nous venons de recevoir, le total est de 4,2 millions de dollars.

Mme Marlene Jennings: On est donc en train de le rétablir, ce financement.

Mme Bonni Hrycyk: Oui, en partie.

Mme Marlene Jennings: Il approche du niveau d'il y a cinq ans.

Mme Bonni Hrycyk: Moins deux millions de dollars.

Mme Marlene Jennings: Oh, c'est 4,2 millions de dollars maintenant. Je comprends.

Quel personnel aviez-vous il y a cinq ans et combien d'employés avez-vous aujourd'hui, et à quoi vous attendez-vous, vu que le financement a été en partie rétabli?

Mme Bonni Hrycyk: Nous sommes en train de rebâtir l'équipe. Pour utiliser le jargon habituel, nous avons aujourd'hui 24 équivalents temps plein. Nous en utilisons environ 11.

Mme Marlene Jennings: Et avec ce rétablissement partiel de votre financement, quels équivalent temps plein prévoyez-vous pour l'avenir?

Mme Bonni Hrycyk: Cela est vraiment difficile à prédire. Nous nous efforçons à l'heure actuelle de rebâtir un noyau de compétences et de veiller à ce que cela se maintienne à l'avenir. Nous sommes là pour servir la communauté. Si la communauté devient plus active dans l'Arctique, il nous faudra bien sûr plus de ressources humaines pour l'aider—15 ou 16 équivalents temps plein dans un avenir prévisible.

Mme Marlene Jennings: Minimum.

Mme Bonni Hrycyk: Oui, minimum.

Mme Marlene Jennings: Et ce tout simplement pour satisfaire les besoins que vous avez à l'heure actuelle.

Mme Bonni Hrycyk: Eh bien, nous sommes en mesure de faire cela. Il est vrai que nos moyens sont plutôt maigres sur le terrain à l'heure actuelle, mais nous sommes en mesure de satisfaire les exigences qui nous sont imposées chaque année.

Mme Marlene Jennings: Acceptez-vous la prémisse de M. Johnson voulant que l'une des raisons pour lesquelles il y a eu une chute dans la demande est la réduction des services et du nombre d'employés disponibles?

Mme Bonni Hrycyk: Nous avons souvent parlé de cela. C'est un peu comme l'histoire de la poule et de l'oeuf. J'ignore ce qui arrive en premier. Il est certain que c'est nous qui secouons l'arbre. Nous sommes là pour servir la communauté scientifique. Notre capacité de le faire est bien sûr limitée, pas tant sur le plan humain, bien que ce soit un facteur, mais parce que nous assurons un soutien logistique en partie gratuitement—surtout aux groupes universitaires, mais également dans le cadre de formules de partage des coûts avec le gouvernement. Cela a certainement un effet.

• 1715

Mme Marlene Jennings: Êtes-vous favorable à certaines solutions que M. Johnson a proposées pour le compte de l'organisation qu'il représente, par exemple l'engagement du gouvernement à adopter une loi sur la recherche sur l'Arctique, comme celle qui existe déjà aux États-Unis; le soutien de l'élaboration de politiques en faisant appel aux associations qui existent déjà; et le soutien à votre organisation afin qu'elle puisse être semi-autonome ou fonctionner à distance avec son propre financement et, je suppose, avec un mandat lui permettant d'établir des partenariats dont le produit pourrait alors être réinvesti, etc.? Êtes-vous favorable à ce genre de choses? Je trouve cela vraiment intéressant, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Bonnie Hrycyk: J'aime la recommandation au sujet de l'augmentation des ressources pour l'Étude du plateau continental polaire. Cela est tout particulièrement intéressant.

En ce qui concerne les questions de politique, encore une fois, je pense qu'il vaut mieux laisser le ministre de la Couronne se prononcer là-dessus. Je ne peux vraiment rien vous dire de plus à ce sujet.

Mme Marlene Jennings: Vous êtes une bonne fonctionnaire, n'est-ce pas?

Mme Bonnie Hrycyk: Nous avons eu beaucoup de discussions sur le meilleur chemin à suivre. Il se déroule quantité de discussions dans toute la communauté ainsi qu'avec le gouvernement et les universités.

Nous vivons une période intéressante. Je vais me limiter à dire cela.

Mme Marlene Jennings: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.

Monsieur Anders, s'il vous plaît.

M. Rob Anders: J'aurais deux questions à poser, si cela vous convient.

Je sais qu'il a été fait mention des sciences spatiales. Y a-t-il un avantage particulier dans l'Arctique sur le plan environnement, clarté de l'atmosphère ou autre, je ne sais pas. Je vous pose la question. Je plaide l'ignorance dans ce domaine. L'Arctique présente-t-il des avantages particuliers pour ce genre de choses?

Deuxièmement, quelle part, s'il y en a, de vos travaux de recherche dans votre secteur est-elle financée par le privé, et s'il y a des sources privées, lesquelles sont-elles? De quelle nature sont-elles?

Dr Peter Johnson: Je vais répondre à votre deuxième question en premier. Il y a un accès très limité à des fonds privés. Il y a toujours eu un problème de jumelage du financement industriel avec certaines des définitions antérieures des programmes aux conseils d'octroi de fonds, bien que ces définitions aient été modifiées et qu'il existe aujourd'hui davantage de possibilités de fonds de jumelage ou de fonds résultant du règlement de revendications territoriales et de dévolution de pouvoir.

En ce qui concerne la première question, l'Arctique est particulièrement important d'un point de vue atmosphérique en ce qu'il est un puits d'accumulation pour nombre des contaminants provenant du reste du monde. Ce sont en fait les températures froides dans l'atmosphère arctique qui permettent à ces matériaux d'être précipités comme ils le sont dans l'Arctique et de s'accumuler dans le système de vie marine et dans le système de vie terrestre.

M. Rob Anders: Vous avez dit qu'il y avait peu de financement privé. De quel genre de travaux de recherche s'agit-il et qui y participe? Je sais que vous avez dit qu'il n'y en avait pas beaucoup, mais je serais curieux de savoir de quoi il s'agit précisément.

Dr Peter Johnson: Permettez-moi d'utiliser un exemple. En vertu du règlement de la revendication territoriale des Inuvialuits, il y a du financement pour la recherche. Ils sont chargés de faire de la recherche de type surveillance pour des espèces fauniques qui sont des ressources. Et ils aimeraient entrer en partenariat avec d'autres dans le cadre de projets de recherche fondamentale sur l'écosystème, ce dans le but de mieux comprendre l'écosystème afin de mieux gérer leurs recherches.

Mais il y a eu très peu de financement par l'industrie, en tout cas ces derniers temps. Nous avons vécu une période au cours de laquelle on a eu accès à un certain financement de la part du secteur pétrolier et du secteur minier, mais dans le Grand Nord, la disponibilité de fonds est très limitée.

M. Rob Anders: Vous avez parlé d'espèces «ressources». Parlez-vous du caribou, ou bien le caribou est-il trop loin dans le sud? À quoi songez-vous exactement?

Dr Peter Johnson: Le caribou, les baleines, le boeuf musqué et les phoques sont considérés comme étant des espèces-ressources dans l'Arctique.

M. Rob Anders: Très bien. Merci.

La présidente: Merci, monsieur Anders.

Monsieur Murray, qui sera suivi de M. Lastewka.

M. Ian Murray: Merci, madame la présidente.

Monsieur Johnson, votre mémoire s'intitule «La recherche sur l'Arctique en crise». Dans notre domaine, on nous parle presque toujours de crise. Peut-être que c'est un problème dans la recherche sur l'Arctique, mais cela ne me semble pas être forcément une situation de crise, à moins que vous ne soyez un chercheur à la recherche de financement pour vos recherches.

• 1720

Je ne voudrais pas être totalement injuste ici, mais j'aimerais vous demander qui sont vos champions. S'il s'agit vraiment d'une situation de crise, il doit y avoir des gens, à l'extérieur des milieux de recherche, qui disent que c'est très grave et qu'il faut faire quelque chose. Qui, à part des collègues chercheurs, est en train de se battre pour vous?

Dr Peter Johnson: Principalement, les collectivités du Nord et les représentants des territoires, qui considèrent que la recherche est absolument nécessaire, surtout celle axée sur les priorités locales en matière de recherche et sur les programmes de recherche publiés par les instituts de recherche.

Nos autres champions, du côté de la recherche que je qualifierais de recherche d'importance nationale ou internationale, sont des membres de gouvernement d'autres pays de la région circumpolaire—pas forcément des chercheurs, bien qu'il y ait des chercheurs d'autres pays qui soient des champions de notre cause, mais également les gouvernements de ces pays eux-mêmes.

M. Ian Murray: Vous avez mentionné le financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie pour les chercheurs. La contribution du CRSNG en tant que pourcentage de son budget total a-t-elle augmenté ou diminué au cours des dernières années en ce qui concerne la recherche sur l'Arctique?

Ce à quoi je veux en venir, c'est ceci. Encore une fois, je ne veux pas être tout à fait hostile ici, mais est-ce que les politiciens sont ceux qui sont en train de décider que moins d'argent devrait être consacré à cela? Ou bien les chercheurs qui s'occupent des examens par les pairs de demandes de financement sont-ils en train d'examiner le cas de la recherche sur l'Arctique et de décider que les ressources devraient être consacrées à un autre domaine scientifique?

Dr Peter Johnson: Il a été très difficile de récupérer ces renseignements financiers dans les bases de données, car pendant de nombreuses années il n'y a pas eu de catégorie «recherches sur le Nord» proprement dite. Il a donc fallu éplucher les bases de données en passant en revue presque toutes les demandes de financement pour voir s'il s'agissait de travaux portant sur le Grand Nord. Dans certains cas, c'était évident, le nom du lieu figurant dans le titre, et ainsi de suite, mais dans d'autres cas, ce n'était pas évident du tout.

La tendance générale est allée dans le sens d'une diminution des fonds accordés par les organismes de financement à des travaux de recherche sur le Grand Nord.

M. Ian Murray: Très bien.

Si j'en ai le temps, j'aimerais poser une très petite question à Mme Hrycyk.

Vous avez parlé des défis. Qui les définit? Encore une fois, est-ce la communauté scientifique qui définit le défi à relever? Ou bien des sociétés minières viennent-elles vous voir pour vous parler d'un problème qui les intéresse? Ou bien est-ce une combinaison de tout cela?

Mme Bonni Hrycyk: En fait, c'est un peu tout cela.

Les nouveaux gouvernements dans le Nord ont besoin de renseignements en vue de l'établissement de leurs propres systèmes de gouvernement et de la prise de leurs propres décisions. Cela ne vaut pas uniquement pour le Nunavut; il y a également le nouveau territoire dans l'Ouest. Comment ces gouvernements peuvent-ils prendre des décisions éclairées en vue de l'élaboration de saines politiques économiques, environnementales et sociales pour l'avenir? C'est là un domaine clé qui impose de nouvelles exigences à toute la communauté scientifique de l'Arctique.

Différents ministères fédéraux se sont eux aussi chargés d'entreprendre quantité de nouvelles recherches concernant le Nord ou basées dans le Nord.

Le contexte à l'intérieur de la communauté de recherche dans le Nord est donc en train de porter fruit. Il est en train de changer très rapidement, et des pressions, comme l'a mentionné Peter, sont en train d'être exercées à l'échelle internationale partout autour du bassin circumpolaire, par le biais du Conseil de l'Arctique, ainsi que par les gouvernements du Nord dans les collectivités du Nord.

M. Ian Murray: En résumé, il me semble que ce projet a démarré en 1958, alors il a vraisemblablement résulté de la vision pour le Nord du premier ministre Diefenbaker. C'est là une hypothèse. Je ne sais si vous êtes de mon avis.

Mme Bonni Hrycyk: Oui, c'est le cas.

M. Ian Murray: Ah bon. Très bien. C'est donc peut-être que les Canadiens embrassent à nouveau cette vision du Nord. Peut-être que le Nunavut aidera.

Je vous souhaite bonne chance dans votre quête de ressources supplémentaires.

Mme Bonni Hrycyk: Merci.

M. Ian Murray: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Murray.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

J'aimerais commencer par remercier les témoins d'être venus nous rencontrer. Je vais poser des questions qui s'inscrivent dans le même ordre d'idées que celles posées par M. Murray et par d'autres, car j'ai l'impression que les Canadiens ne sont pas très nombreux à être renseignés sur le Nord. Ils ne sont même pas au courant des travaux de recherche et ils ne savent pas quels avantages ceux-ci procurent au Canada.

Lorsque j'ai lu votre rapport, je n'y ai pas vu beaucoup d'exemples que je pourrais utiliser pour convaincre les Canadiens des aspects positifs de la réalisation de travaux de recherche dans le Grand Nord. J'aimerais savoir pourquoi c'est le cas. Pourquoi les Canadiens ne sont-ils pas un petit mieux renseignés au sujet de la recherche sur l'Arctique? A-t-on tout simplement tenu pour acquis que l'argent arrive tout seul, et maintenant qu'il n'y a tout d'un coup plus d'argent l'on se demande ce qui se passe?

• 1725

Mme Bonni Hrycyk: C'est un problème auquel la communauté scientifique s'efforce vraiment de réagir. Le Nord est si loin de la vie quotidienne de la plupart des gens.

Il y a énormément d'intérêts publics à l'égard du Grand Nord. Lorsque vous parlez aux gens de l'Arctique et de la recherche sur l'Arctique, ils sont extrêmement intéressés, et les documentaires à la télévision et les articles de presse sur l'Arctique suscitent énormément de feedback positif.

Peter pourrait vous parler un peu plus de cela, mais je sais que la Commission polaire et que l'Étude du plateau continental polaire s'efforcent de consacrer plus d'énergie à la communication et à l'explication des avantages de la recherche. La technologie du Web va également nous aider à transmettre le message aux écoles et à utiliser la télééducation partout dans le Nord.

Il y a eu une autre question tout à l'heure au sujet de la façon de rehausser le profil de la recherche sur le Grand Nord. Nous sommes très sensibles au fait qu'il nous faille faire davantage de travail dans ce domaine.

Dr Peter Johnson: Historiquement, les chercheurs ont été de très mauvais communicateurs, et je pense que nous sommes en train d'apprendre à être de meilleurs communicateurs.

En ce qui concerne les chercheurs spécialisés dans le Nord, nous sommes en train d'apprendre à être de bien meilleurs communicateurs et à faire passer notre message, car il nous faut maintenant communiquer avec les collectivités locales. Il nous faut discuter de nos programmes de recherche avec elles. Il nous faut également rapporter les résultats de nos travaux à ces collectivités. Nous sommes donc en train d'apprendre à faire cela.

Les observations qu'a faites Bonni au sujet de la Commission polaire sont tout à fait justes. L'un de nos objectifs pour les trois prochaines années est en fait de veiller à ce que nous communiquions au sujet de la science polaire avec le gouvernement et le Parlement, mais également avec le public canadien. Nous espérons donc que nous nous retrouverons au milieu, en train d'assurer l'échange d'informations entre le public et le gouvernement et les parlementaires.

M. Walt Lastewka: Lorsque j'ai lu votre rapport, la première question qui m'est venue à l'esprit était la suivante. Vous avez parlé du fait que la recherche dans le Nord débouche sur des possibilités. Combien de nouveaux entrepreneurs se sont lancés au cours des cinq dernières années, et combien de nouveaux emplois ont été créés par suite de travaux de recherche dans le Grand Nord?

Dr Peter Johnson: Je ne suis pas certain de pouvoir vous donner des statistiques là-dessus. Je connais un certain nombre de petites entreprises qui se sont lancées dans le Nord, dans les Territoires du Nord-Ouest et dans le Nunavut. Bon nombre d'entre elles ont vu le jour par suite de la dévolution.

Il y a également eu un assez bon développement de technologies pour régions froides, technologies qui ont en fait été commercialisées partout dans le monde, car nous sommes un important fournisseur de matériel à l'Antarctique. Bonni pourrait sans doute vous en dire plus au sujet de la nature de ces entreprises, mais elles sont toutes relativement petites.

Celles qui ont démarré dans le Nord et qui ne s'appuient pas sur la haute technologie connaissent de gros problèmes en matière de liens physiques—liens maritimes et liens aériens—lorsqu'elles veulent faire affaire à l'extérieur de la région circumpolaire.

La présidente: Merci.

Merci, monsieur Lastewka.

J'aurai une dernière question à vous poser avant qu'on ne vous laisse partir. Pourriez-vous nous donner une idée ou des détails sur la façon dont le Canada se compare à d'autres pays de la région circumpolaire sur le plan recherches sur l'Arctique. Pourriez-vous nous donner des idées ou des précisions là-dessus, monsieur Johnson?

Dr Peter Johnson: J'essaie d'éviter d'utiliser les États-Unis comme exemple.

La présidente: Non, allez-y, utilisez les États-Unis comme exemple.

Dr Peter Johnson: Permettez-moi de commencer avec la Scandinavie ou les pays nordiques.

Le gouvernement finlandais a pris un engagement d'envergure à l'égard de programmes établis par l'Université de Laponie, y compris le centre arctique. Il a accueilli le secrétariat de l'Association des universités circumpolaires. Il a récemment versé au centre de l'Arctique de l'aide en espèces et en nature d'une valeur de 300 000 $ canadiens pour deux ans, en vue d'appuyer le bureau des communications de l'Université de l'Arctique. Il oeuvre activement à l'obtention de fonds auprès de l'Union européenne en vue d'appuyer la recherche sur l'Arctique.

• 1730

Les Norvégiens ont consolidé le gros de leurs travaux de recherche polaire au nouveau centre sur l'environnement polaire à Tromso et ils ont, au cours des cinq dernières années, beaucoup investi dans l'infrastructure et la recherche scientifiques dans l'Arctique.

Si vous comparez cela avec la situation aux États-Unis, par suite de l'adoption de l'Arctic Research and Policy Act, la National Science Foundation a aujourd'hui, sous l'égide de l'Office of Polar Programs, quatre programmes d'envergure visant l'Arctique: le programme des sciences naturelles dans l'Arctique (Arctic natural sciences program), le programme des sciences sociales dans l'Arctique (Arctic social sciences program), le programme de la science des systèmes dans l'Arctique (Arctic system sciences program) et le programme de l'organisation matérielle dans l'Arctique (Arctic logistics program). Tous ces programmes sont très bien dotés. Au cours des trois dernières années, l'augmentation du financement pour l'Arctique s'est chiffrée, je pense, à quelque 18 millions de dollars US. L'an dernier, l'augmentation a été de 20 millions de dollars, et cet argent était principalement destiné au volet recherche matérielle pour l'Arctique.

La présidente: Mais en tant que comité qui s'intéresse à la recherche fondamentale, qu'est-ce que cela nous donne et qu'est-ce qui en découle?

La question de M. Anders et celle de M. Murray sont intéressantes. J'ai eu la possibilité extraordinaire de visiter l'Étude du plateau continental polaire à Resolute, et j'ai constaté que la vieille base militaire qui logeait une part importante de la population de cette localité n'est plus là. Il y a donc des difficultés, car l'Étude du plateau continental polaire bénéficiait de l'existence de ce groupe, qui n'est plus là.

Quant aux observations de M. Murray au sujet de la vision pour le Nord, plusieurs localités ont en fait été déplacées et installées dans le Grand Nord, et nous avons en un sens tout simplement planté les gens là-bas. Il nous faut déterminer où la recherche va nous mener, dans l'intérêt de leur propre viabilité.

À mon avis, il existe des possibilités énormes, mais malheureusement, nous n'avons pas réussi à amener des Canadiens là-bas. Avec le satellite, avec le Nunavut et avec la nouvelle énergie qui arrive dans ce territoire, j'espère que les Canadiens seront nombreux à entrevoir les perspectives d'investissement dans le Nord.

Nous avons rétabli d'autres budgets de recherche à leur niveau d'il y a cinq ans, mais cela n'a pas été fait dans le cas de ce budget-ci. J'espère que le comité ici réuni s'y penchera.

J'aimerais vous remercier tous les deux d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. La séance a été très intéressante, et nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez accordé. Merci beaucoup.

La séance est levée.