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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ SUR LES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DES RESOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 20 avril 1999

• 1539

[Traduction]

Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Bienvenue à tous. Ce comité fonctionne, à l'instar de nombreux autres, à l'heure normale parlementaire, ce qui signifie qu'on ne sait pas trop à quel moment les gens vont se présenter. Mais nous avons suffisamment de participants. C'est un peu clairsemé par endroits, mais nous sommes assez nombreux pour amorcer nos discussions. Nous n'avons jamais le compte exact. Nous ne sommes jamais là tous en même temps.

Je souhaite la bienvenue à nos deux invités.

En simple guise de rappel et pour les situer dans le contexte, ce comité s'attache dans un premier temps à essayer de comprendre la situation des enfants au Canada et les lacunes en matière d'information. Le comité s'interroge ensuite sur l'efficacité des programmes. Je crois que c'est là-dessus que portait la question de Libbye Davies à la toute première réunion que nous avons tenue et d'autres y ont fait écho.

• 1540

Nous avons donc reçu les idées énoncées par divers témoins que vous connaissez probablement. Notre objectif de juin consiste à présenter au mois de juin un rapport qui nous permettra de mieux comprendre les résultats, de déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas tant en ce qui concerne les programmes déjà en place, comme le régime national de prestations pour enfants, que tout programme que nous pourrions envisager dans quelque domaine que ce soit, qu'il s'agisse de services ou de revenu.

Aujourd'hui donc, pour nous attacher à l'aspect revenu de l'équation, à ce que je comprends, parce qu'il s'agit d'un comité à la fine pointe, par opposition au sous-comité du Comité des finances, qui suit derrière, nous accueillons M. Horner qui vient d'abord nous voir.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Je crois que c'est jeudi que vous adresserez au Sous-comité des finances, si je ne m'abuse?

M. Keith Horner (chef principal, Politique sociale de l'impôt, Division de l'impôt des particuliers, ministère des Finances): Je suis désolé, je ne suis pas sûr...

Le président: Il s'agit du sous-comité du Comité des finances qui étudie l'équité fiscale des familles ou que sais-je encore. J'ai cru comprendre que vous alliez y comparaître également à un certain moment.

M. Richard Shillington (témoignage à titre personnel): Il s'agit de moi.

Le président: Oh! C'est vous.

Richard comparaît devant le comité.

Vous y comparaîtrez sans doute, Keith.

M. Keith Horner: Le sous-ministre adjoint de qui je relève y fera demain un exposé PowerPoint.

Le président: Oh! C'est demain. D'accord. De toute façon, nous avons déjà dépassé le tournant ici.

Je souhaite la bienvenue à Keith Horner du ministère des Finances, qui est le chef principal de la Politique sociale de l'impôt à la Division de l'impôt des particuliers. Je souhaite aussi la bienvenue à Richard Shillington, qui étudie depuis longtemps les statistiques sur le revenu et les programmes sociaux au Canada et qui a une mémoire exceptionnelle en ce qui concerne qui a dit quoi depuis 1983.

Bienvenue à tous les deux.

Comme nous avons joint Richard en premier pour lui demander de comparaître, nous pourrions peut-être lui demander de commencer. Nous pourrions ensuite passer ensuite la parole à M. Horner qui pourrait faire des observations. Nous pourrions ensuite passer sans plus tarder aux questions.

M. Richard Shillington: Nous n'avons pas beaucoup parlé de temps. Est-ce que 20 minutes, ce serait trop pour commencer?

Le président: Je crois.

M. Richard Shillington: Que pensez-vous de 10 minutes?

Le président: Oui, 10 minutes.

M. Richard Shillington: Je vais donc parler deux fois plus vite.

Le président: Les interprètes s'attachent à leur...

M. Richard Shillington: Je blague.

Le président: Ils semblent exceptionnellement inquiets. Ce n'est pas bon signe.

Des voix: Oh, oh!

M. Richard Shillington: Je sais que je ne peux être aussi intéressant que les témoins que vous avez entendus à la réunion de la semaine dernière. J'ai lu la transcription de ce qui a été dit et c'était intéressant.

Je vais parler, comme l'a dit M. Godfrey, de revenus et d'impôts. Je ne vais pas m'attarder beaucoup aux services. Je ne m'y connais pas beaucoup en ce qui concerne les services offerts pour les enfants ni ne suis au courant de ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas. Je crois comprendre que le rapport de Fraser Mustard a été remis au premier ministre de l'Ontario.

Le président: À 10 heures ce matin.

M. Richard Shillington: Il y aura donc davantage de discussions, plus d'eau au moulin, en ce qui a trait aux services.

Je vais m'attacher surtout au régime de prestations pour enfants et du régime d'imposition pour les familles avec enfants. S'il y a quelque chose que je cherche, c'est un retour du balancier. En effet, ce qui m'inquiète au sujet du régime de prestations pour enfants et du régime d'imposition, c'est qu'ils sont déséquilibrés.

Je remercie le greffier et le personnel du comité d'avoir fait traduire mon aide-mémoire. Il ne s'agit pas d'un mémoire, mais de simples notes. M. Godfrey les a déjà vues parce que j'ai déjà présenté un exposé très similaire.

La deuxième page de ces notes, celle qui s'intitule «Ce que le gouvernement a déclaré à Genève à propos du Canada», consiste tout simplement en des citations tirées d'un exposé de DRHC devant l'ONU à Genève. Je les ai placées là parce qu'elles sont très choquantes.

La deuxième citation se lit:

    M. ...... a déclaré que des progrès ont été accomplis en ce qui concerne les femmes âgées grâce à l'instauration de divers programmes destinés à compléter les retraites.

Je ne suis pas certain du pays dont il parle, mais il dit qu'il s'agit du Canada.

Dans une autre citation, on lit que les provinces ont ouvert de nouveaux services de garde ou ont augmenté le financement qui leur était alloué. Je n'ai pas vu beaucoup construire avec du béton pour de nouveaux services de garde dans ce pays, mais peut-être pense-t-il à une installation en particulier lorsqu'il dit cela.

Et la dernière citation convient assurément à la discussion d'aujourd'hui:

    Une nouvelle prestation fiscale pour enfants accroîtrait l'autonomie économique des familles à faible revenu.

Il y a, j'en suis convaincu, des cas où cela se confirme. Généralement parlant, je ne suis pas sûr que la prestation fiscale pour enfants a accru énormément l'autonomie économique des chefs de famille monoparentale, des Autochtones qui vivent dans les réserves ou des familles avec des adultes handicapés.

• 1545

Je vais passer à la quatrième page de mon exposé qui a pour titre: «Historique du Régime de prestations pour enfants». Je m'intéresse à cette question de politique depuis 1984, lorsque j'ai quitté le gouvernement fédéral et je suis devenu libre de dire ce que j'en pensais.

Depuis 1984, nous avons éliminé l'universalité et l'équité horizontale—le principe voulant que les familles avec enfants doivent payer moins d'impôt que les familles sans enfants, même si leur revenu est de 80 000 $, 100 000 $, 120 000 $ ou 200 000 $. Dans le budget de 1985, il était proposé de cesser d'indexer la sécurité de la vieillesse et les allocations familiales et vous savez tous que la sécurité de la vieillesse l'a emporté. Elle a été complètement indexée tandis que les allocations familiales, le crédit fiscal pour enfants et le système fiscal en général ont été désindexés.

Nous savons tous que la progression par tranches et l'érosion de l'assistance ont accru l'impôt de toutes les familles. Les impôts des familles avec enfants sont maintenant plus élevés que ceux des familles sans enfants et ce, parce qu'en sus de toutes les hausses d'impôt attribuables à la progression par tranche, la prestation fiscale pour enfants a été désindexée. Et les impôts des familles à revenu unique ont augmenté encore plus que ceux des familles à deux revenus en raison de la progression par tranches.

Nous savons aussi que la valeur de la prestation pour enfants a diminué pour presque toutes les familles avec enfants—les familles pauvres, à moins qu'il s'agisse de travailleurs économiquement faibles, les familles qui reçoivent des prestations d'aide sociale, les familles à revenu modeste dont les gains sont de 20 000 $, 30 000 $ ou 40 000 $, les familles à revenu moyen dont les gains sont de 60 000 $, 70 000 $ ou 80 000 $ et les familles à revenu plus élevé.

Dans tous les documents publics où sont décrits tous ces changements apportés au cours des 15 dernières années, il y est dit qu'on enlève aux riches pour augmenter l'appui accordé aux pauvres en donnant l'impression que la situation des riches se détériore et que celle des pauvres s'améliore. La plupart des pauvres ne sont pas en meilleure position et tous les autres ont perdu du terrain.

J'ai offert à deux ou trois reprises, dans des occasions comme celle-ci, de payer le repas dans un restaurant de son choix à Ottawa à quiconque parvient à mettre la main sur un document du gouvernement fédéral qui reconnaît que les familles à revenu modeste et les familles pauvres n'ont pas amélioré leur sort depuis les changements qui ont été apportés en 1984, parce que je ne crois pas qu'il en existe. Ainsi, l'observateur ordinaire a l'impression qu'on a enlevé aux riches pour aider les pauvres.

La page suivante est intitulée «Objectifs du régime de prestations pour enfants par rapport à la prestation fiscale pour enfants». Le «régime de prestations pour enfants» est une expression qui nous permet de décrire la relation qui existe entre le gouvernement et les familles en matière d'impôt et de transfert. Il y a 15 ans, ce régime incluait l'allocation familiale, le crédit d'impôt pour enfants et la déduction d'impôt pour enfants. Aujourd'hui, il s'agit uniquement du crédit d'impôt pour enfants.

Dans la colonne gauche de ce tableau se trouvent les principes sous-jacents au régime de prestations pour enfants. C'est un programme anti-pauvreté. Je ne crois pas que quiconque puisse s'opposer au soutien des familles dans le cadre d'un programme anti-pauvreté. La reconnaissance du rôle des parents est un autre principe. Le stimulant des dépenses de consommation est peut-être une idée démodée aujourd'hui, une idée keynésienne. L'équité horizontale est le dernier principe qui reconnaît que le fait d'avoir des enfants influe sur la capacité à payer.

Les objectifs de la prestation fiscale pour enfants se trouvent dans la colonne de droite. Il s'agit tout d'abord d'aider à prévenir et à réduire l'ampleur de la pauvreté—non pas le taux de la pauvreté, comme on nous l'a dit fréquemment, mais l'ampleur de la pauvreté. Parmi les autres objectifs, citons la promotion d'une participation permanente à la population active et la réduction des chevauchements et du double emploi.

Il y a donc une différence assez importante entre les objectifs de la prestation fiscale pour enfants et ceux du régime de prestations pour enfants. Nous avons perdu l'objectif de l'équité horizontale.

J'ai participé à des réunions de ce que l'on appelle le groupe de référence sur le régime de prestations pour enfants, groupe consultatif de représentants DRHC et de parties intéressées, et j'y ai parlé des objectifs de la prestation fiscale pour enfants. J'ai déclaré qu'en vertu de ces objectifs, nous pourrions prendre l'argent des familles qui ne sont pas pauvres pour le verser aux familles qui sont pauvres de manière à promouvoir ces objectifs. Où trouver l'équilibre? Quel doit être le niveau du soutien accordé aux familles à revenu modeste et à revenu moyen? On m'a dit assez directement que ce n'était pas l'un des objectifs de la prestation fiscale pour enfants.

On nous dit que la prestation fiscale pour enfants est un programme anti-pauvreté. À la page 6, je fais quelques observations pour évaluer le régime de prestations pour enfants en tant que programme anti-pauvreté.

Qui est laissé pour compte? Les assistés sociaux. Si les prestations pour enfants étaient complètement indexées par rapport à l'inflation, les familles d'assistés sociaux ne recevraient pas moins que ce qu'elles recevaient dans le passé. La prestation pour enfants n'est toutefois pas indexée par rapport à l'inflation et en fait, le pouvoir d'achat des familles d'assistés sociaux diminue. Les Nations Unies, comme vous le savez, ont souligné le fait que nous n'englobions pas les assistés sociaux dans le régime de prestations pour enfants.

• 1550

Dans leur vaste majorité, les familles monoparentales n'obtiennent pas d'augmentation du soutien dont elles bénéficient par l'entremise du régime de prestations pour enfants. Ceux qui dépendent de l'assurance-chômage, n'ont pas d'augmentation de soutien non plus, ni non plus ceux qui ne peuvent pas travailler en raison d'invalidité ou parce qu'ils n'ont pas accès à des services de garderie.

Les Autochtones dans les réserves illustrent de façon particulièrement intéressante les secteurs où nous récupérons les prestations pour enfants. Je dis que c'est intéressant, car dans cette ville d'Ottawa, où dans le passé nous avons demandé une augmentation du soutien accordé aux familles à faible revenu, le gouvernement a répondu: «Eh bien, comment pouvons-nous empêcher les provinces de se servir dans l'assistance sociale? Comment pouvons-nous empêcher les provinces de récupérer ces sommes?»

C'est une question intéressante qu'il vaut la peine de débattre, mais on ne la pose pas dans le cas des Autochtones dans les réserves. Nous avons récupéré la prestation pour enfants dans les réserves sous prétexte, j'imagine, que l'assistance sociale est tout simplement trop généreuse et que c'est la raison pour laquelle le nombre de personnes dans les réserves qui ne travaillent pas est plus élevé. C'est un concept assez étrange à mon avis.

En tant que programme anti-pauvreté, le régime de prestations pour enfants n'offre aucune augmentation de soutien et en fait, continue depuis 15 ans à éroder le soutien accordé aux familles dont le revenu se situe entre 25 000 $ et 45 000 $. Ce ne sont pas des familles riches.

L'approche gouvernementale à propos du mur érigé entre travailleurs économiquement faibles et assistés sociaux et de la prestation fiscale pour enfants est la suivante: «Augmentons le soutien uniquement pour les travailleurs économiquement faibles jusqu'à ce qu'il soit à peu près égal au soutien des assistés sociaux après quoi, augmentons-les tous les deux, étape par étape.» Il pourrait également avoir dit: «Augmentons le soutien accordé aux deux types de familles, mais accordons plus de soutien aux travailleurs économiquement faibles qu'aux assistés sociaux.» Le résultat serait le même, sans toutefois qu'il ait été nécessaire de récupérer le soutien accordé aux assistés sociaux.

L'approche proposée, soit d'égaliser le soutien accordé aux travailleurs économiquement faibles et aux assistés sociaux sur une période de quatre ou cinq ans, puis d'accroître le soutien pour les deux, me préoccupe parce qu'on pourrait bien ne jamais en arriver à la deuxième étape, si la volonté politique disparaît, qu'un nouveau gouvernement prend le pouvoir, et ainsi de suite.

Ce que nous disons aux familles qui reçoivent des prestations d'aide sociale, dans les faits, c'est: «Attendez que nous ayons égalisé le soutien, puis vous recevrez une augmentation». Naturellement, les enfants de ces familles auront vieilli d'ici là. Nous leur faisons courir un risque tout à fait inutile parce que, si nous projetons en fin de compte d'accroître le soutien qui est accordé aux assistés sociaux, nous pouvons simplement le faire en maintenant le soutien qui leur est offert et en augmentant celui des travailleurs économiquement faibles. On aura alors réussi à faire tomber le mur érigé entre les deux groupes sans dire aux Canadiens que les familles qui reçoivent des prestations d'aide sociale sont moins méritantes, une autre raison pour laquelle je m'oppose à cette approche.

Le budget de 1999 comportait, je suppose, des mesures en faveur de toutes les familles du Canada—réduction d'impôt, augmentation de la prestation pour enfants ou augmentation du seuil de revenu ouvrant droit à la prestation pour enfants—, sauf des familles touchant des prestations d'aide sociale. Presque chaque autre catégorie de famille du Canada a vu revenu disponible augmenter dans ce budget, sauf, comme je le disais, les familles touchant de l'aide sociale.

Le soutien fédéral prend la forme d'une prestation pour enfants qui n'est pas indexée à l'inflation. L'an dernier, un projet de loi d'initiative parlementaire a été déposé en vue de l'indexer. Le projet de loi a été adopté, mais, si j'ai bien compris, il est sans effet. Quelqu'un pourra peut-être me l'expliquer plus tard.

[Français]

Le président: Il faut quand même en reconnaître les auteurs, ceux qui ont exercé des pressions pour qu'on agisse en ce sens.

Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): On va continuer à exercer des pressions en ce sens si on le peut.

[Traduction]

M. Richard Shillington: Je vous cite une phrase du budget:

    L'objectif est d'assurer que les enfants de ce pays soient toujours dans une meilleure situation lorsque leurs parents se joignent à la population active.

Voilà un commentaire intéressant. Je n'ai pas le temps de l'approfondir, mais je ne suis pas convaincu que des mesures fiscales ou la prestation fiscale pour enfants permettront de faire en sorte que le sort des enfants s'améliore quand leurs parents travaillent. Il faut beaucoup plus que cela pour améliorer la situation.

Vous pourriez peut-être faire en sorte que la famille se trouve dans une meilleure situation financière. Mais je ne suis pas convaincu que l'on puisse affirmer avec certitude que la situation d'un enfant s'améliore quand sa mère chef de famille monoparentale se lève aux petites heures du matin, le laisse à la garderie pour la journée, fait cuire des hamburgers pendant huit heures, puis revient à la maison exténuée. On a tendance à dire: «Eh bien, au moins, ils ne vivent plus aux crochets de l'État».

Le dernier budget qui a augmenté le soutien accordé par l'intermédiaire de la prestation fiscale pour enfants, y compris pour les familles touchant des prestations d'aide sociale, date de mai 1985. Depuis lors, toutes les augmentations de la prestation pour enfants ont visé le supplément de revenu familial ou la nouvelle prestation fiscale pour enfants, qui ont été conçus de manière à exclure les familles vivant de l'aide sociale.

• 1555

Je suis maintenant à la page 10, là où il est question des prestations pour enfants en tant que mesures d'équité fiscale pour les parents. Il y avait, dans le budget de 1997, une brochure intitulée «Équité fiscale», dans laquelle on trouve plusieurs perles. J'ai mis certaines d'entre elles en valeur sur la page 10, par exemple: «l'imposition doit refléter la capacité de payer», «le régime fiscal doit reconnaître les facteurs particuliers qui affectent la capacité d'acquitter les impôts» et «la prestation fiscale pour enfants permet de reconnaître que les dépenses qu'il faut engager pour élever des enfants réduisent la capacité des familles à revenu modeste et moyen de payer des impôts».

On prévoit donc l'équité fiscale pour les familles à revenu modeste et moyen ayant des enfants, mais pas pour les familles à revenu élevé. En fait, l'équité fiscale prend fin actuellement dès que le revenu atteint 70 000 $. Il me semble qu'un principe comme celui de l'équité fiscale devrait s'appliquer également aux familles à revenu élevé qui ont des enfants. Pouvez-vous vous imaginer la situation si, lorsqu'une personne est arrêtée, nous faisions en sorte qu'elle ait droit à un procès équitable, à condition d'avoir un revenu moyen ou modeste? Le principe de l'équité fiscale ne devrait pas être lié au revenu.

La case au bas de la page est un extrait d'une lettre à la rédaction rédigée par Stanley Hartt, qui fut pendant un certain temps sous-ministre des Finances. Il a écrit cette lettre en 1994, quand les limites de déductibilité des REER ont été relevées. Sa lettre faisait suite à un éditorial paru dans le Globe and Mail pour expliquer que le relèvement des seuils n'était pas destiné à avantager les travailleurs à revenu élevé. L'augmentation avait peut-être cet effet, mais ce n'était pas le résultat recherché. En fait, les seuils étaient relevés par souci d'équité fiscale.

Donc, en pleine récession, alors que le déficit atteignait un sommet inégalé, le gouvernement a trouvé les fonds nécessaires pour relever les seuils de déductibilité des REER afin de garantir l'équité fiscale à certains qui ne risquaient pas d'être pauvres.

Si vous lisez la lettre à la rédaction, il est très clair qu'il faudrait accorder l'équité fiscale aux contribuables à revenu élevé. En fait, je suis d'accord. Il faudrait vraiment qu'il y ait équité fiscale. Cependant, si le principe d'équité fiscale a suffisamment d'importance pour augmenter les limites de déductibilité des REER, pourquoi le même principe ne justifierait-il pas une déduction fiscale ou un crédit pour les familles ayant des enfants?

Je vais simplement faire quelques observations au sujet de la déduction pour frais de garde d'enfants. La plupart des progressistes réclament que la déduction soit transformée en crédit—je suis un de ceux qui, en dépit du fait qu'il se qualifie de progressiste, est opposé à cette idée. Les frais de garde d'enfants sont des frais liés à un emploi, de sorte qu'il faut pouvoir les déduire. Transformer ces frais en déduction n'est pas une mesure régressive, car, si le revenu rendu possible par la garde d'enfants est taxé à un taux de 50 p. 100, il serait normal selon moi que l'on puisse aussi déduire 50 p. 100 des frais de garde d'enfants. C'est tout ce que je dirai à ce sujet.

À la dernière page, je soutiens essentiellement qu'un régime d'imposition et de transfert pour les familles ne devrait pas être simplement un programme de lutte à la pauvreté. Il faudrait qu'il offre un véritable soutien aux gagne-petit. Il faudrait qu'il offre un niveau de soutien raisonnable et une reconnaissance fiscale pour les familles à revenu moyen et modeste. Il faudrait aussi qu'il offre un niveau de reconnaissance fiscale raisonnable aux familles à revenu élevé. La grille au bas de la page est très compliquée, mais j'y laisse entendre, essentiellement, qu'il faudrait agir sur les trois fronts à la fois.

J'ai lu le témoignage donné la semaine dernière par le Conseil national du Bien-être et par Ken Battle. J'ai remarqué que l'un prônait la lutte à la pauvreté avant toute chose alors que l'autre préconisait d'agir sur le plan des frais de garde, à l'exclusion de toute autre chose. Je ne crois pas qu'il faille choisir entre les deux. Les familles ont besoin de toutes ces mesures. Il nous faut des services, de l'assurance-médicaments, de l'assurance dentaire, de l'assurance-maladie, l'éducation de la prime enfance et, parfois, des clubs de petits déjeuners. Nous avons besoin d'un régime fiscal équitable et nous avons besoin de soutien du revenu.

Si nous n'avons pas la volonté politique de faire tout cela—car je ne crois pas que nous n'en ayons pas les moyens—, agissons sur tous les fronts à la fois, mais dans une moindre mesure, plutôt que d'opter pour l'un ou pour l'autre.

J'aurais probablement intérêt à terminer mon exposé ici.

Le président: C'est un bon point de départ, et je meurs d'impatience d'entendre ce qu'a à dire M. Horner.

M. Keith Horner: Monsieur le président, merci.

Je ne suis pas sûr qu'il conviendrait de seulement faire ressortir certaines observations. Je le ferai jusqu'à un certain point, mais je sauterai certains points dont j'avais pris note et j'essaierai de parler d'un ou deux points qu'a fait valoir Richard, en passant.

• 1600

J'aimerais tout d'abord vous dire qui je suis. J'ai travaillé à Santé et Bien-être Canada pendant dix ans, durant les années 70, et depuis lors je travaille aux Finances. J'ai participé directement à la mise au point de la prestation fiscale pour enfants en 1992—chapitre où j'ai joué un rôle central—et, plus récemment, je travaille avec des collègues du Développement des ressources humaines et des membres de groupes de travail des provinces et des territoires à l'élaboration du régime national de prestations pour enfants. C'est en cette qualité que je suis ici.

Il serait utile, je crois, de remonter aux origines de la prestation fiscale pour enfants, par exemple, et même au-delà pour bien situer l'aide accordée aux différentes catégories de familles à faible revenu.

Depuis longtemps, on s'indigne du fait que le régime de transfert d'impôt est moins généreux à l'égard des familles à faible revenu ayant un emploi rémunéré qu'à l'égard des familles touchant des prestations d'aide sociale. Par exemple, des documents ont été rédigés à ce sujet à Santé et Bien-être durant les années 70. Durant cette même décennie, une évaluation fédérale-provinciale de la sécurité sociale a porté sur le même sujet.

L'enjeu fondamental, c'est que, alors que l'aide sociale de base offerte à un adulte pourrait être d'un niveau analogue à un faible revenu, ce sont les mêmes qui jouissent des avantages et les mêmes qui paient les impôts et assument les coûts. Le prestataire d'aide sociale aura droit à une allocation pour chaque enfant, en vertu du régime d'assistance sociale. L'assisté social ne paie pas d'impôt sur l'aide qu'il reçoit et il a droit à d'autres avantages, par exemple à une couverture étendue (soins dentaires, assurance-médicaments).

Par contre, le parent unique ou le couple à faible revenu qui fait partie de la population active touche une rémunération qui ne tient pas compte de ses responsabilités en tant que parent. Son salaire est imposable. Il cotise à l'assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada ou encore au régime de pension du Québec. Il assume des frais de garde d'enfants et d'autres frais liés à l'emploi. Il est probablement obligé de payer de sa poche la plupart des soins de santé qui ne sont pas assurés par l'État.

Par conséquent, quand on réunit tous ces facteurs, le régime ne lui est pas favorable. Souvent, c'est ce travailleur qui est vraiment le plus pauvre des pauvres. On est conscient de la situation depuis les années 70.

Passons maintenant à 1992, lorsqu'a été introduite la prestation fiscale pour enfants. Par cette prestation, on souhaitait mettre en place un supplément au revenu gagné fédéral. C'était du moins la volonté au départ. Parallèlement, l'idée de regrouper différentes prestations pour enfants—allocation familiale, crédit pour enfants à charge, crédit d'impôt pour enfants remboursable et récupération des allocations familiales—et de les rationaliser semblait bonne. D'où la prestation fiscale pour enfants, une prestation liée au revenu familial et comportant un supplément au revenu gagné offert aux familles à faible revenu qui participent à la population active.

Je mentionnerai simplement que l'idée d'offrir un supplément au revenu gagné avait déjà fait son chemin au Québec, dans le cadre du programme APPORT. Le gouvernement fédéral n'était donc pas le premier à l'offrir au Canada.

Une fois la prestation fiscale pour enfants introduite, j'ai eu l'impression, d'après les articles parus dans les journaux et ce qui a suivi, que cette idée avait été fort bien accueillie, sauf par Richard Shillington qui se préoccupait d'équité horizontale pour les familles à revenu élevé, préoccupation que j'avoue partager avec lui jusque dans une certaine mesure.

Cependant, il y eut aussi des critiques. Par exemple, les provinces se sont plaintes qu'Ottawa n'était pas vraiment le gouvernement le plus en mesure d'offrir des suppléments au revenu d'emploi. Selon elles, elles étaient mieux placées pour le faire, parce qu'elles rencontraient des clients tout au long de l'année, de sorte que la prestation serait mieux adaptée aux besoins, qu'elle aiderait davantage ceux dont les revenus et les situations d'emploi changent dans l'année. De plus, les provinces n'ont pas à s'en remettre à la déclaration annuelle de revenu pour obtenir les renseignements dont elles ont besoin.

• 1605

À ce moment-là, les provinces proposaient aussi—par exemple, l'Ontario avec son régime de revenu pour enfants—de mieux intégrer les avantages et de niveler les règles du jeu, d'offrir plus de prestations en dehors du cadre de l'assistance sociale à un plus grand nombre de familles ayant des enfants. Cette proposition a également été reprise par le ministre Axworthy, à l'époque, dans la proposition issue de l'examen de la sécurité sociale.

Une autre force qui a contribué au changement a été l'introduction du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux qui a éliminé un élément qui incitait les provinces à privilégier l'assistance sociale comme moyen d'aider les familles. En effet, elles recevaient des fonds dont le coût était partagé par Ottawa. Elles étaient donc encouragées à recourir à l'aide sociale, même si elles savaient que ce n'était pas le meilleur moyen d'aider les enfants.

Voilà donc les véritables éléments qui ont donné naissance à la prestation nationale pour enfants. Comme chacun d'entre nous ici le sait, je crois, cette idée a fait surface dans une déclaration des premiers ministres selon laquelle ils souhaitaient faire de la pauvreté chez les enfants une priorité commune.

Sous le leadership des ministres responsables des services sociaux, y compris du ministre du Développement des ressources humaines et de ses homologues provinciaux et territoriaux, trois objectifs ont été fixés pour la prestation nationale pour enfants: aider à prévenir la pauvreté chez les enfants et à en réduire la gravité, promouvoir la participation au marché du travail en faisant en sorte que la situation des familles qui travaillent est meilleure et, enfin, réduire les chevauchements et dédoublements en harmonisant les objectifs et les avantages des programmes et en en simplifiant l'administration.

Dans le cadre de ce régime, le gouvernement fédéral accroît les prestations ciblant les familles à faible revenu offertes sous le régime de la prestation fiscale pour enfants du Canada, et les provinces ajustent les taux d'assistance sociale en conséquence et réinvestissent les fonds dans des programmes visant les familles à faible revenu.

Le programme a connu jusqu'ici deux phases. Une mesure de transition est entrée en vigueur en 1997, mais la première phase a eu lieu en juillet 1998, quand on a considérablement augmenté le supplément au revenu faible de la prestation pour enfants du Canada, un supplément qui est maintenant versé à toutes les familles à faible revenu de manière à leur offrir des prestations égales, qu'elles soient sur l'aide sociale ou qu'elles aient un revenu d'emploi.

Cette phase fut suivie d'une série de programmes de réinvestissement des provinces. Dans le dernier budget, le gouvernement fédéral a annoncé une deuxième série d'augmentation de la prestation fiscale pour enfants, ce qui portera les prestations maximales à 1 975 $ pour le premier enfant et à 1 775 $ pour les autres. Des rajustements et réinvestissements provinciaux suivront au printemps.

Avant de terminer, j'aimerais vous parler un peu des nouvelles initiatives. Tout d'abord, le régime national de prestations pour enfants est, je l'avoue, complexe, puisqu'il engage deux ordres de gouvernement et des changements aux programmes interliés. C'est pourquoi un de ces éléments clés est la présentation d'un rapport public sur les mesures prises et les résultats obtenus.

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux sont en train d'étudier un premier rapport d'étape qui devrait être rendu public plus tard, ce printemps-ci. Il est trop tôt pour qu'un pareil rapport donne une idée du succès du programme, qui vient en fait tout juste de commencer. Cependant, le rapport d'étape fournit certaines données de départ qui pourront servir à faire d'autres évaluations afin de savoir vraiment ce qui s'est passé dans le cadre de ces programmes, en termes tant de mesures gouvernementales que de résultats.

• 1610

Le président: Puis-je vous demander, à titre purement indicatif, si vous avez une idée de la date à laquelle ce document sera rendu public? Pouvez-vous nous en donner une idée approximative?

M. Keith Horner: Les ministres responsables des services sociaux se réunissent en mai. Tout dépendra, je suppose, s'ils jugent être prêts à le rendre public ou s'ils souhaitent y travailler davantage. La décision appartient en réalité aux ministres.

Le président: Savez-vous à quelle date aura lieu cette réunion?

M. Keith Horner: Le 15 mai.

Le président: Je vous remercie.

Une voix: Pas avant?

M. Keith Horner: Non.

On est aussi conscients—des réunions ont eu lieu avec différents groupes—qu'il ne suffira pas de simplement publier des mesures statistiques de ce qui se passe avec les prestations pour enfants et les données de Statistiques Canada sur les écarts de pauvreté et d'autres choses du genre. Il faudra faire des études d'évaluation. Il faut pouvoir isoler les effets de ces programmes des effets du cycle économique et d'autres facteurs.

En tant qu'expert de la politique fiscale, j'estime devoir mentionner un autre point. Il n'y a pas eu d'autre déclaration annonçant la phase trois ou quoi que ce soit, bien que des groupes comme l'institut Caledon ait demandé que les prestations soient portées à 2 500 $, si ce n'est plus.

Si d'autres augmentations de la prestation sont décrétées, il faudra savoir quel effet elles ont sur les taux marginaux d'imposition lorsque le supplément aura été graduellement éliminé. Ces taux sont déjà très élevés. On court donc le risque de faire ce qu'a décrit Ken lorsqu'il a parlé de déplacer plutôt que de faire tomber le mur. Cela laisse entendre que, lorsque cette prestation sera davantage élargie, il faudra probablement également élargir la fourchette au sein de laquelle le supplément est éliminé et ajuster probablement, aussi, le régime fiscal pour éviter, par exemple, que le revenu de familles gagnant entre 20 000 et 30 000 $ par année ne soit imposé à des taux marginaux très élevés.

J'aimerais terminer en soulevant un autre point directement lié à une bonne partie de ce qu'a dit Richard concernant le fait que les familles d'assistés sociaux n'en ont pas profité et ont vu leurs prestations diminuer, plutôt qu'augmenter.

On a effectué une étude—la seule, à ma connaissance, aussi poussée—des cas d'assistés sociaux en Colombie-Britannique entre 1980 et 1992. On a considéré les périodes pendant lesquelles les gens bénéficient de l'aide sociale de même que la permanence de cette aide pour différents groupes de bénéficiaires.

On a constaté que les chefs de familles monoparentales semblaient recevoir cette aide de façon plus continue, comme on pourrait s'y attendre de quelqu'un dont les responsabilités rendent le marché du travail moins attrayant, ayant autre chose d'important à faire que d'occuper un emploi rémunéré. Mais même à cela, moins de 50 p. 100 des bénéficiaires de l'aide sociale en retiraient pendant moins de six mois. Seul un tiers en recevait pendant aussi longtemps qu'un an.

Il s'ensuit qu'il est plutôt simple de parler de deux catégories de familles à faible revenu, mais le va-et-vient au niveau de l'aide sociale est énorme. Même si la prestation nationale pour enfants n'accorde dans l'immédiat aucune augmentation directe du soutien du revenu aux bénéficiaires de l'aide sociale, elle leur offre de meilleures options.

Ken Battle a dit qu'il serait vraiment important, et je suis tout à fait d'accord avec lui, d'effectuer des études basées sur des groupes de réflexion et de parler aux personnes directement concernées plutôt que de s'en remettre aux seules analyses des économétriciens.

• 1615

Je n'ai qu'une preuve scientifique, mais elle ne vaut absolument rien sur le plan statistique. Quelqu'un de ma famille est travailleur social de cas pour l'aide sociale en Colombie-Britannique. Cette province est légèrement en avance pour ce qui est de la prestation nationale pour enfants, étant donné qu'en 1996 elle a remplacé ses allocations familiales par la prime à la famille, la combinant avec la prestation fiscale pour enfants du Canada.

Cette personne de ma famille, cette travailleuse sociale de cas, m'a dit avoir été étonnée et fascinée d'entendre ses clients lui dire quelles meilleures possibilités s'offraient à eux étant donné l'introduction de la prime à la famille de la Colombie-Britannique. Ils lui ont dit pouvoir maintenant envisager de prendre un emploi, et que cela en vaudrait la peine. C'est un cas.

J'en resterai là.

Le président: Merci beaucoup. C'est très utile et ajoute beaucoup de valeur à ce qu'a dit Richard.

Sans hésiter et sans perdre de temps, je vais passer directement à Eric Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

Tout cela est fort intéressant et je suis sûr qu'il y a beaucoup de questions. Je vais donc y aller directement.

J'ai besoin qu'on m'éclaire un peu. J'ai quelques courtes questions pour M. Horner ou M. Shillington, mais probablement pour M. Horner, étant donné le poste qu'il occupe.

Les gens qui reçoivent également la prestation fiscale pour enfants payent-ils des impôts?

M. Keith Horner: La prestation fiscale pour enfants du Canada est accordée à environ 80 p. 100 des familles avec enfants.

M. Eric Lowther: Ces gens paient-ils des impôts?

M. Keith Horner: Pas tous, mais la majorité d'entre eux en paient.

M. Eric Lowther: S'il s'agit de familles à faible revenu et s'ils doivent compléter leur revenu avec la prestation fiscale pour enfants, pourquoi leur enlevons-nous aussi de l'argent? Pourquoi ne pas déduire la différence et leur donner ce dont ils ont besoin? Pourquoi ne pas leur laisser l'argent qu'ils font et leur en donner plus, pour effectivement en arriver au dollar net?

M. Keith Horner: C'est une question intéressante. On en revient à l'idée de disposer de régimes de transfert d'impôt totalement intégrés où l'on ne commence à verser de l'impôt que lorsqu'on ne reçoit absolument aucune prestation. Dans un système simple, ce serait idéal.

En fait, nous avons toujours versé des allocations familiales aux personnes qui paient de l'impôt. Nous ne les avons jamais déduites de l'impôt net. C'est la même chose avec la sécurité de la vieillesse.

Il y a également un autre facteur: cela permet de verser les prestations chaque mois, à la mère. On ne connaît pas à l'avance l'impôt à payer. On le découvre à la fin de l'année. Il peut être très variable. Il dépend des revenus des deux conjoints, s'ils vivent en couple. Cela permet de verser les prestations de façon régulière, sans se préoccuper de ce qui arrive au moment des impôts.

C'est probablement moins pratique. Votre suggestion semble très sensée, mais on se heurterait probablement à beaucoup de difficultés d'ordre pratique si l'on voulait l'appliquer.

M. Eric Lowther: Très bien, je vois où vous voulez en venir.

En même temps, cependant, de la façon dont je comprends la prestation fiscale pour enfants, celle-ci est déterminée l'année d'après. Je travaille cette année-ci. À la fin de l'année, je remplis ma déclaration d'impôt, ce qui détermine ce que sera ma prestation fiscale pour enfants.

Il me semble me rappeler que quand je remplissais mes déclarations d'impôt il y a des années, je pouvais faire la déduction à la source. Si je savais ce que je gagnais et quelles allaient être mes déductions, quand je recevais un chèque ce mois-là, selon le nombre de mes personnes à charge, je pouvais ne payer aucun impôt directement à la source. J'aurais disposé de cet argent pour aider ma famille à ce moment-là.

Tandis qu'avec la prestation fiscale pour enfants, je dois travailler pendant un an, payer de l'impôt, puis, au moment où je remplis ma déclaration d'impôt, cela détermine si je recevrai une prestation, l'année d'après—pas le mois où j'en ai besoin, mais un an après. Toute ma situation peut avoir changé d'ici là.

• 1620

Je ne comprends toujours pas pourquoi nous faisons payer de l'impôt à des gens dont nous savons qu'ils ont des dépenses élevées parce qu'ils élèvent des enfants, sont à faible revenu et tout le reste, pour leur dire un an plus tard: «Oh, vous avez eu une année difficile. Cette année nous allons vous accorder la prestation fiscale pour enfants. Vous n'en avez peut-être pas besoin maintenant, mais comme vous avez eu une mauvaise année l'année dernière, nous allons vous le donner maintenant.»

Il me semble que nous devrions revenir à un système où les déductions se font à la source pour que les gens puissent profiter de l'argent qu'ils gagnent sans avoir à le redonner à Revenu Canada.

M. Keith Horner: J'ai deux commentaires. Premièrement, à titre de précision, la prestation commence dès que l'enfant naît. Vous n'avez pas à attendre un an plus tard. Elle dépend de vos gains de l'année précédente, vous avez raison de le dire, mais il n'y a pas de retard. Cette prestation est offerte.

M. Eric Lowther: Mais la prestation d'aujourd'hui est déterminée d'après le revenu de l'année précédente.

M. Keith Horner: C'est vrai.

L'autre point important, c'est qu'elle est calculée d'après le revenu combiné d'un couple, ce qui rend un mécanisme où vous dépendez de retenues à la source impossible à appliquer.

Le président: Avez-vous un commentaire, monsieur Shillington?

M. Richard Shillington: Un autre argument qui milite en faveur de l'envoi d'un chèque, c'est que lorsque la déduction est faite à la source, le contribuable obtient la déduction à la source. À partir de 1947—je n'étais pas né—, le vieux chèque d'allocations familiales était envoyé aux mères qui devaient dépenser l'argent. Pour bien des femmes, c'est le seul chèque qu'elles recevaient en leur nom. La prestation pour enfants est envoyée aux mères, si c'est le choix indiqué.

M. Eric Lowther: Donnons-nous l'argent aux mères parce que nous ne faisons pas confiance aux pères? Est-ce à cela que cela revient? Ou envoyons-nous plutôt l'argent à la famille qui essaie d'élever des enfants, qui gagne collectivement l'argent, pour l'utiliser à sa guise.

M. Keith Horner: Ce qu'il faut retenir, c'est le fait que c'est basé sur deux revenus, parce que nous avons envisagé à un moment donné la possibilité de faire les retenues à la source.

M. Richard Shillington: Mais certaines personnes pourraient vous opposer que vous ne voulez pas reconnaître qu'il y a partage au sein de la famille et qu'il s'agit donc d'un chèque à son nom à elle qu'elle reçoit pour le dépenser à sa guise. Je dis «à elle» parce qu'il va en majorité lui être envoyé.

Il y a une autre question administrative dont certains membres du comité ne sont peut-être pas au courant—et j'ai appelé M. Godfrey à ce sujet il y a environ un mois—c'est que si vous découvrez que vous aviez droit à la prestation pour enfants au cours des quatre ou cinq dernières années et que vous en faites la demande, Revenu Canada vous remettra 11 mois de paiements rétroactifs. Seulement 11 mois. L'Ontario aurait découvert que des dizaines de milliers de personnes auraient été admissibles à la prestation pour enfants pendant des années et ne l'ont jamais su, soit parce qu'elles ne remplissent pas de déclaration d'impôt, ou en raison de barrières linguistiques ou Dieu sait quoi. Dans sa «générosité», Revenu Canada a déclaré qu'il remontera 11 mois en arrière pour la prestation pour enfants.

Je peux remplir rétroactivement, je crois, mes déclarations d'impôt des quatre dernières années. Est-ce vrai? Vous devriez savoir cela. Je peux retourner quatre ans en arrière et découvrir que j'étais admissible à recevoir l'équivalent pour personne mariée ou l'équivalent pour quelque chose que je n'avais pas réclamé. Je peux revenir quatre ans en arrière pour cela. Dans le cas des familles admissibles à la prestation pour enfants, nous remontons 11 mois en arrière.

M. Eric Lowther: Ai-je le temps de poser une autre question?

Le président: Allez-y rapidement.

M. Eric Lowther: J'ai une question pour vous, Richard. Vous dites à la page 12, dans votre petit tableau, qu'un crédit d'impôt non remboursable aux fins de l'équité fiscale serait avantageux pour tous les contribuables.

M. Richard Shillington: Oui.

M. Eric Lowther: Comment un crédit d'impôt non remboursable serait-il avantageux pour un contribuable si l'un des conjoints détermine qu'il va rester à la maison pour élever les enfants, et qu'ils n'ont aucune dépense, justifiée par des reçus, pour la garde d'enfants?

M. Richard Shillington: Non, il ne s'agit pas de garde d'enfants. Je parle de rétablir un crédit d'impôt non remboursable parce que vous élevez des enfants, que vous ayez ou non des dépenses au titre de la garde d'enfants.

M. Eric Lowther: Donc, il s'agit d'une déduction de base pour...

M. Richard Shillington: C'est ce qu'ils ont éliminé en 1992. Une fois par année, on avait l'habitude d'écrire la date de naissance de tous ses enfants, et leur âge. Qu'on ait ou non des reçus pour frais de garde, c'est parce qu'on élève un enfant.

Permettez-moi également de vous rappeler qu'il fut un temps où, si vous aviez un enfant de plus de 17 ans qui poursuivait des études postsecondaires, vous obteniez une déduction pour enfants pour cela. Elle valait le double de la déduction qui existait pour un enfant de moins de 18 ans. Cela a été éliminé en 1985 ou en 1986. Quiconque a un enfant de plus de 18 ans qui poursuit des études postsecondaires a des dépenses auxquelles il ne peut certes pas échapper.

• 1625

Si l'on appliquait les mêmes règles d'équité fiscale que nous utilisons pour défendre les REER, cela signifierait qu'il devrait y avoir une reconnaissance fiscale pour un enfant, quel que soit son âge, qui dépend réellement de vous, si vous devez engager des dépenses non discrétionnaires pour lui.

M. Eric Lowther: Merci pour cette précision; je vous en sais gré.

Le président: Je trouve fascinant que vous soyez maintenant du côté de l'institut C.D. Howe.

[Français]

Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur Horner, vous disiez qu'il y avait trois raisons pour lesquelles le gouvernement avait décidé d'émettre une nouvelle prestation canadienne fiscale pour enfants. Il cherchait surtout à contribuer à enrayer la pauvreté, à faire en sorte qu'un plus grand nombre de personnes puissent intégrer le marché du travail et à réduire les chevauchements.

J'aimerais vous faire part d'une première constatation. Le gouvernement s'est aussi servi de la nouvelle prestation fiscale pour enfants pour poursuivre son objectif de visibilité. Vous savez très bien que le montant des chèques a été haussé au Québec et diminué d'autant par le gouvernement du Québec afin qu'il puisse répondre à des besoins essentiels qui sont définis selon les familles et le revenu. Je crois donc que vous devriez ajouter cet objectif.

Vous disiez que la nouvelle prestation fiscale pour enfants n'avait pas aidé les gens qui vivaient de l'aide sociale. À mon bureau, de nombreuses personnes sont venues me dire qu'à la suite de la mise en oeuvre de cette nouvelle prestation fiscale pour enfants, elles recevaient moins d'argent et que cette nouvelle politique n'était pas avantageuse pour elles. J'aimerais que vous m'expliquiez clairement cette situation parce que ces personnes ont fait des démarches auprès des fonctionnaires du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec, qui leur ont dit que ça ne se pouvait pas. Je sais que tel est le cas dans nos comtés; Mme St-Jacques me fait signe que oui et plusieurs autres députés m'ont dit la même chose. J'essaie de trouver une réponse parce qu'il est difficile de répondre que ce n'est pas possible à des personnes qui ont déjà peu d'argent et qui sont très conscientes que leur chèque a été réduit de 50 $ ou 100 $ par mois.

[Traduction]

M. Keith Horner: Je crois connaître la réponse, mais je ne suis pas sûr à 100 p. 100.

Le gouvernement du Québec a appliqué l'allocation familiale unifiée par étape. Cela a commencé en septembre 1997, avant la pleine introduction de la prestation fiscale pour enfants du Canada. Quand il a mis cette prestation en application, le Québec s'est éloigné d'un système où les prestations par enfant variaient beaucoup entre les grandes et les petites familles. On y a intégré une structure d'incitatifs, comportant des prestations supplémentaires pour les grandes familles, compte tenu de l'objectif original pro-nataliste.

En adoptant la nouvelle prestation en 1997, il est passé à une prestation qui accordait un maximum de 2 600 $ pour un premier enfant et 2 400 $ pour les autres. Il y avait certaines prestations de transition de sorte que le changement ne s'est pas fait tout d'un coup, mais ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu dans une certaine mesure redistribution. Les grandes familles qui recevaient des prestations beaucoup plus élevées que la moyenne en ont peut-être reçu moins par la suite, alors que les petites familles ont obtenu substantiellement plus de prestations que ce qu'elles recevaient auparavant.

Mais ce n'est pas un changement dû à la prestation fiscale pour enfants du Canada. C'est un changement qui est survenu uniquement dans la structure de la prestation du Québec.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Vous disiez que la nouvelle prestation fiscale pour enfants avait également pour but de réduire les chevauchements. Si le Québec avait déjà une allocation familiale, pourquoi n'aurait-il pas été plus facile d'émettre un chèque global et d'augmenter cette allocation familiale? À ce moment-là, les fonctionnaires n'auraient pas été tenus de faire autant d'ajustements aux montants en fonction de la nouvelle prestation fiscale pour enfants. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous quand vous dites qu'on a éliminé un peu les chevauchements.

Dans le fond, le but est le même, et je me permets de vous ramener à l'objectif non avoué d'une recherche de visibilité.

• 1630

[Traduction]

M. Keith Horner: Les opinions varient sur des sujets comme celui-ci, mais lorsque les premiers ministres ont discuté et que les ministres des Services sociaux ont au départ envisagé l'idée de la prestation nationale pour enfants, voici sur quoi ils s'étaient entendus. Ce que le gouvernement fédéral peut faire très bien, c'est administrer Revenu Canada et fournir des chèques à un grand nombre de personnes très rapidement, à temps. Il ne s'en tire pas si bien pour ce qui est des services et d'évaluer en quoi la situation d'une personne à un moment donné diffère de sa situation le mois précédent.

Restructurer les prestations de sorte que le gouvernement fédéral fournisse un programme de prestations qui soit le même dans tout le pays, auquel les provinces peuvent ajouter des prestations supplémentaires comme la prime à la famille de la Colombie-Britannique ou la prestation du Québec ou ce que la Saskatchewan a fait, permet à la province de tailler le système à la mesure de ses besoins de façon plutôt simple tout en fournissant une base uniforme dans tout le pays et un vaste appui du fédéral. Voilà l'idée générale qui sous-tend la prestation.

[Français]

Le président: Une dernière question.

Mme Christiane Gagnon: Vous nous avez dit que vous aviez en main des statistiques, mais que vous n'étiez pas en mesure d'évaluer l'efficacité du programme ou d'en faire un suivi constant. En 1996, le vérificateur général abondait en ce sens et constatait qu'on était incapable de s'assurer que les données sur les naissances et les décès étaient exactes et qu'on ne savait pas avec certitude combien de gens devraient avoir accès aux prestations, compte tenu de toutes les variables qui concernent l'accessibilité à ces prestations. Dans le même rapport, il semblait dire, bien que cela ne fasse pas partie de son mandat, que pour arriver à faire des études, Revenu Canada ou le ministère des Finances...

M. Keith Horner: Il s'agit de Revenu Canada.

Mme Christiane Gagnon: Merci. Il disait donc que Revenu Canada faisait face à un défi de taille. Quand on regarde l'ensemble des mesures que prend le gouvernement pour enrayer la pauvreté, on constate qu'il a mis sur pied une quarantaine de programmes indépendants, dont la prestation fiscale pour enfants et la TPS, qui sont les deux principaux programmes, mais qu'il ne dispose pas de moyens efficaces pour analyser leur impact et en faire le suivi. J'ai proposé qu'on crée un poste de commissaire à la pauvreté. Cette personne recueillerait tous ces renseignements, y compris les témoignages des gens qui viennent comparaître devant nous. Ce commissaire serait un peu à l'écart du gouvernement et ne serait pas assis aux côtés du ministre. Il pourrait donner aux parlementaires l'heure juste sur toute cette question. Nous qui sommes sensibles à la pauvreté souhaitons qu'on offre la meilleure aide possible. Quant à savoir si cette aide prendra la forme que M. Shillington souhaite, eh bien, on verra. Il faut prendre du recul, faire des études beaucoup plus approfondies et pointues, et se doter d'un commissaire qui n'aura pas les mains liées à un ministère. À ce moment-là, on pourrait faire les études que nous réclamons. On sait bien de quelle façon on répond aux questions que nous posons en Chambre; les réponses sont assez souvent frustrantes.

Nous sommes sur le terrain et nous entendons souvent dire qu'il y a un manque d'argent. Même les travailleurs qui gagnent plus de 30 000 $ ou 40 000 $ et qui ont deux ou trois enfants ne sont pas de gros salariés. Les gens ont de moins en moins d'argent et ils ont de la difficulté à joindre les deux bouts.

Vous avez fait allusion aux statistiques sur le taux de pauvreté. Si on perd cinq points lorsqu'on met en oeuvre une autre mesure, est-ce que cela veut dire qu'il y aura moins d'enfants et moins de familles pauvres? Non, ce n'est pas vrai. Cela ne veut pas dire non plus que le gouvernement réinjecte de l'argent lorsqu'il constate que les statistiques baissent. Je suis un petit peu sceptique face à la volonté du gouvernement d'investir plus d'argent et de mettre en oeuvre des programmes en vue de faire des ajustements. En tout cas, c'est mon point de vue.

Le président: Était-ce un commentaire ou une question?

Mme Christiane Gagnon: Bien qu'on essaie de trouver une solution, je ne suis pas sûre que le comité va y arriver. La réflexion que vous nous avez apportée est très utile. Mais, même à cela, il ne sera pas facile de trouver une solution et je crains qu'on en fera ce qu'on voudra bien par la suite. Il n'est pas facile d'arriver à dégager les grandes lignes du problème. Cela nous éclaire un peu, mais rien de plus. Bien que ce ne soit pas une critique, je dois vous dire que vous ne connaissez pas toutes les réponses non plus.

Vous venez de dire qu'il va y avoir un nouveau programme. Quel sera-t-il? Quarante nouveaux programmes visant à aider les enfants existent déjà. Dois-je conclure que ceux qui sont en place n'atteignent pas leurs objectifs? Il est nécessaire de mettre en oeuvre un programme pour palier un manque, mais si les familles avaient assez d'argent, si leurs revenus étaient meilleurs et si elles payaient moins d'impôts, nous aurions déjà trouvé une partie de la solution. Il faut beaucoup de temps pour administrer tous ces programmes, et je ne crois pas que nous soyons en mesure de les analyser tous.

• 1635

[Traduction]

Le président: Monsieur Horner, vous pourriez peut-être réserver la réponse, étant donné que nous avons d'autres personnes qui veulent poser des questions. Je vais passer, si vous me le permettez, à Mme Davies.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci, monsieur le président.

Nous avons discuté à quelques reprises de la prestation fiscale pour enfants au comité principal, et nous en parlons ici. J'ai toujours l'impression que nous ne faisons que gratter la surface, sans aller au-delà des belles paroles et de l'information donnée lors des séances de relations publiques.

Je tiens à vous remercier, Richard, de nous avoir exposé ce qu'était le système de prestations pour enfants et certains de ses objectifs par rapport à la prestation fiscale pour enfants, parce que cela montre vraiment comment la politique gouvernementale commence à déraper. À moins de suivre ces choses de très près, on ne peut pas voir à quel point elles ont radicalement changé.

Ce que nous devons savoir, c'est que plus nous étudions la prestation fiscale pour enfants comme instrument de la politique gouvernementale, plus nous constatons qu'elle est extrêmement discriminatoire. Même votre liste de ceux qui en sont exclus est très révélatrice. Il me semble exister de plus en plus de preuves qui démontrent qu'elle crée des problèmes. Même le vérificateur général, dans son rapport d'aujourd'hui, parle de manque de transparence, de manque de responsabilité et du fait qu'il n'y a pas de cibles. Ce sont des questions très graves que nous n'aurons même pas le temps d'aborder.

J'ai deux questions, une pour chacun de vous.

Quand on dit que la prestation fiscale pour enfants a pour but de promouvoir une participation permanente à la population active, on suppose, au départ, que ces emplois existent quelque part. Disons qu'il y en a. Ce sont généralement des emplois très peu rémunérés, ce qui explique pourquoi nous avons un problème et pourquoi nous avons des petits salariés. Je me demande seulement, pour ce qui est de la politique gouvernementale...

Nous avons cette prestation. On pourrait dire qu'elle correspond à une subvention pour les employeurs. Pourquoi n'aurions-nous pas de stratégies disant qu'il devrait y avoir un salaire minimum plus élevé, par exemple—des salaires permettant de vivre? Cela est relié à une stratégie d'emploi pour ce qui est d'essayer de s'assurer qu'il existe du travail à temps plein, de qualité. Cela me préoccupe vraiment, parce qu'il y a une contradiction. Nous accordons beaucoup d'argent à ce qui en fait est une subvention. Vous aimeriez peut-être commenter ce que je viens de dire.

Mon autre question s'adresse à M. Horner. Il y a également de grands problèmes liés à l'équité fiscale et je pense que cela est ressorti quelque peu aujourd'hui en ce sens que cette prestation ajoute à la longue liste des iniquités du régime fiscal lui-même. Je voudrais que M. Horner me dise comment le gouvernement peut justifier d'imposer les avantages sociaux différemment d'autres avantages fiscaux? Ainsi, les gains en capital sont assujettis à un taux d'imposition réduit, mais les transferts sociaux sont imposés à un taux plus élevé. Il y a toutes sortes d'iniquités de ce genre.

Comment justifier cela? Comment les responsables du ministère qui sont partie à ces décisions de politiques justifient-ils cela alors qu'ils doivent essayer de promouvoir un régime fiscal fondé sur l'équité? Pourquoi ne pas dire qu'un dollar est un dollar et examiner les taux d'imposition en fonction de la justice et de l'équité, au lieu de dire: «S'il s'agit d'un gain en capital, nous allons vous donner une chance, mais s'il s'agit d'un avantage social quelconque, il vous sera retiré intégralement?»

Le président: Monsieur Shillington.

M. Richard Shillington: Il y a plusieurs questions.

Le but de la prestation pour enfants était de s'assurer, dans la mesure du possible, que les gens étaient en meilleure posture financière en travaillant plutôt qu'en touchant des prestations d'aide sociale. Je répète que notre objectif devrait être de créer le meilleur environnement possible pour élever les enfants. Ce n'est pas nécessairement la même chose.

Le gouvernement a essayé de faire en sorte que les familles les plus démunies prestataires de l'aide sociale deviennent des familles de travailleurs économiquement faibles. Il y a des cas où des familles s'en tirent mieux financièrement en touchant l'aide sociale qu'en travaillant, et nous devrions sans doute corriger cela.

• 1640

Mais si l'on examine les études, comme l'étude longitudinale nationale des enfants et des jeunes, c'est clair. Je défie quiconque de trouver une étude qui montre, de façon générale, que les enfants vivant de l'aide sociale s'en tirent mieux que les enfants des familles de travailleurs économiquement faibles. Dans l'ensemble, les enfants de familles vivant de l'aide sociale réussissent moins bien que les enfants des familles de pauvres ayant le même revenu. Par conséquent, si l'on veut un programme qui transforme les plus démunis en travailleurs à faible revenu, si l'on veut les aider...

On souhaite améliorer les perspectives d'emploi des parents parce qu'on croit que c'est la meilleure chose pour les enfants. Ça, c'est la première chose et la deuxième, c'est qu'effectivement, la prestation pour enfants peut réussir à améliorer leur sort. Cela pourrait faire partie d'un programme très valable mais en soi, ce n'est pas tout ce qu'on en a dit.

Au lieu de donner ces prestations et ensuite de les retirer aux familles vivant de l'aide sociale, pourquoi ne pas tout simplement accorder aux familles de travailleurs économiquement faibles tous les avantages connexes—les soins dentaires, les soins optiques, le régime de médicaments—que nous offrons aux familles vivant de l'aide sociale? Pourquoi ne pas avoir simplement fait cela? Qu'est-ce qui serait arrivé si le gouvernement avait dit: «Nous allons partager le coût si vous faites cela?» Pourquoi donner d'une main pour reprendre de l'autre?

Cela aurait été une excellente idée. Cela aurait été une initiative très visible. Tout membre d'une famille touchant l'aide sociale qui aurait accepté un emploi aurait su que sa famille aurait pu continuer de bénéficier du régime de médicaments, du plan dentaire, etc. Mais nous avons plutôt décidé de faire autrement.

Le président: N'est-ce pas essentiellement ce que l'on fait maintenant au Nouveau-Brunswick?

Mme Libby Davies: Et également en Colombie-Britannique. Je crois qu'on a commencé à faire cela.

Le président: Oui, et en Colombie-Britannique.

M. Richard Shillington: Je ne sais pas.

M. Keith Horner: L'un des programmes de réinvestissement de la Colombie-Britannique et de l'Alberta prévoit le versement des prestations afférentes au régime de santé. Le Nouveau-Brunswick n'a pas modifié son taux d'aide sociale, de sorte que la dynamique est différente dans cette province, mais c'est certainement l'un des programmes possibles, de même que les services de garde et d'autres crédits pour enfant.

M. Richard Shillington: Puis-je ajouter un bref commentaire?

J'ai lu dans la transcription une question qui a été posée la semaine dernière et qui est revenue sur le tapis encore aujourd'hui: Comment savoir si l'une ou l'autre de ces initiatives va donner des résultats? En fait, une expérience sociale est présentement en cours. La différence entre cette approche axée sur l'aide sociale et les autres approches, c'est la prémisse selon laquelle en augmentant les incitatifs financiers...

Des quatre provinces maritimes, deux ont adhéré et deux ont exercé un droit de retrait, n'est-ce pas? Par conséquent, si le gouvernement a raison et que cette approche aura pour effet de soustraire les gens à l'aide sociale et de les intégrer à la population active—et vous avez raison, ce seront des travailleurs économiquement faibles—on devrait pouvoir constater l'effet de cette initiative à l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse, mais non à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick.

Le président: Y a-t-il des indices précoces?

M. Richard Shillington: Je n'ai pas examiné cela. Personne ne me paie pour le faire. Dès que quelqu'un sera disposé à m'offrir un contrat dont le libellé comptera plus d'une virgule, j'examinerai cela.

Le président: J'entends les représentants du ministère des Finances dire qu'ils sont prêts à relever le défi. Non.

Des voix: Oh, oh!

Le président: À propos du ministère des Finances, monsieur Horner, vous êtes autorisé à commenter ce qui vient d'être dit, en plus de répondre à la question de Mme Davies au sujet de l'équité fiscale.

M. Keith Horner: Pour ce qui est de la question que vous avez posée à Richard, je voulais revenir sur le terme «promouvoir» pendant un instant.

Au début de mon intervention, j'ai dit qu'on pouvait faire valoir que le système que nous avions, qui privilégiait l'aide sociale comme moyen de venir en aide aux familles à faible revenu et qui leur conférait des avantages connexes, a fait en sorte qu'il est très peu attrayant de quitter l'aide sociale.

En fait, nous visons un choix plus neutre. Nous ne disons pas que si vous avez trois enfants et que vous pouvez à juste titre vous en occuper, vous devriez aller sur le marché du travail. Nous disons que vous devriez avoir un choix raisonnable. Le système ne devrait pas être contre cela de façon aussi marquée, au point de priver quelqu'un de la possibilité d'acquérir une expérience professionnelle, etc.

Pour ce qui est de l'équité fiscale, Richard a mentionné le fait qu'en 1993, lorsque nous avons abandonné un système plus ou moins universel de prestations pour enfants sans égard au revenu, un choix important a été fait. Nous avons sacrifié un certain pourcentage d'équité horizontale pour les familles à revenu élevé afin d'avoir davantage de ressources pour financer le supplément du revenu gagné, et ainsi de suite. C'était à l'époque où la situation financière était plutôt mauvaise.

La question des prestations versées aux familles à revenu moyen intéressera certainement l'autre comité qui étudie l'équité fiscale. D'ailleurs, je pense que notre ministre a demandé à ce comité de lui fournir des idées sur la façon dont le gouvernement pourrait s'y prendre pour mieux appuyer les familles, tous niveaux de revenus confondus.

• 1645

Pour ce qui est de la réimposition et des différents taux selon les revenus, ce n'est pas la même chose de dire: «Voici le taux d'imposition applicable à votre revenu et voici un avantage social, mais je vais destiner l'avantage social aux personnes à faible revenu.» Ce n'est pas véritablement un impôt sur le revenu. Il y a un impôt marginal sur le revenu, mais c'est autre chose que de conférer aux contribuables en général un avantage social financé par les impôts, par opposition au fait d'imposer un revenu.

Dans le cas des gains en capital, si l'on consulte la stricte définition de revenu, on n'impose pas le volet inflation du revenu car cette partie du rendement sur un investissement fait en sorte maintenir le contribuable au niveau où il était auparavant. On peut considérer pour les trois quarts l'inclusion des gains en capital comme une façon ponctuelle d'imposer le revenu véritable.

Le président: Je vais permettre à M. Shillington de donner une réponse brève et précise avant de passer à Mme St-Jacques.

Mme Libby Davies: Je ne suis pas fiscaliste, mais ce que vous venez de dire a déclenché un système d'alarme chez moi. Si vous pouvez justifier cela... En fait, nous avons le crédit d'impôt pour enfants, qui est désindexé, et les contribuables perdent rapidement du terrain. Je ne vois pas du tout comment vous pouvez défendre cela.

Le président: Je sais que le temps nous presse. Il faut faire preuve d'équité entre les intervenants ici aussi, et c'est ce que j'essaie de maintenir dans la salle.

Monsieur Shillington.

M. Richard Shillington: Keith a absolument raison. Un régime fiscal équitable n'imposerait pas la partie du gain en capital qui est une illusion, qui correspond l'inflation. Il n'imposerait pas non plus la partie du revenu d'investissement, la partie de l'intérêt bancaire ou la partie des hausses salariales qui constitue une illusion.

Le régime exempte l'illusion liée aux gains en capitaux mais impose toutes les autres illusions.

M. Keith Horner: Non, c'est différent. La comparaison avec l'intérêt bancaire est valable. La comparaison avec les hausses salariales ne l'est pas. Dans un cas, vous parlez d'un mouvement de revenu d'une année à l'autre, ce qui ne se produit pas dans le cas des salaires. C'est toute une différence.

Le président: Je décèle un certain scepticisme dans la salle, mais je remarque aussi que Mme St-Jacques et Mme Minna ont attendu patiemment.

[Français]

Madame St-Jacques.

Mme Diane St-Jacques: Ma première question s'adresse à M. Shillington. Vous savez que cela fait déjà plus d'un an que ma motion concernant l'indexation de la prestation nationale pour enfants a été acceptée et adoptée à la Chambre des communes. J'ai rencontré le ministre du Développement des ressources humaines à deux reprises et j'ai également rencontré le ministre des Finances à ce sujet-là. Ils m'ont répondu que les hausses qu'ils avaient apportées à la prestation avaient été compensées par les pertes encourues par rapport à l'indexation. J'aimerais entendre vos commentaires sur la réponse qu'on m'a donnée.

[Traduction]

Le président: Monsieur Shillington devrait pouvoir répondre à cette question.

M. Richard Shillington: L'année dernière, lorsque le comité s'est réuni, un haut fonctionnaire de DRHC était présent. Un membre du comité lui a demandé s'il était vrai que le total des dépenses consacrées à la prestation pour enfants était inférieur à celui de 1984, après rajustement pour l'inflation. Le haut fonctionnaire a dit qu'il l'ignorait et qu'il vérifierait.

Il ne fait aucun doute que même avec le deuxième 850 millions, le total des dépenses consacrées aux familles avec enfant par l'entremise de ces programmes est inférieur à ce qu'il était en 1984, et assurément inférieur à qu'il était en 1993. Il est exact que les 850 millions de dollars investis représentent davantage que l'indexation pour un an, mais cela ramène au mieux le total des dépenses au niveau de 1993.

Il demeure que la grande majorité des familles avec enfants, y compris un grand nombre qui ne sont pas riches, reçoivent moins maintenant. Les 850 millions ont été strictement versés aux familles à faible revenu. Dans les faits, vous avez prélevé de l'argent auprès de toute une gamme de familles avec enfants pour le donner aux familles à faible revenu avec enfants. Par conséquent, lorsqu'il affirme que les 850 millions compensent pour l'indexation, c'est vrai pour les petits salariés, aux dépens des autres familles à revenu faible et modeste.

[Français]

Mme Diane St-Jacques: Mais qu'arrivera-t-il après ces 850 millions de dollars? Il n'y aura plus rien. En tout cas, on n'a encore rien annoncé. Si on n'indexe pas la prestation, les familles vont continuer à perdre de l'argent.

[Traduction]

Le président: Monsieur Horner.

M. Keith Horner: Je signale qu'il y a dans le budget un autre changement à la prestation pour enfants qui a pour effet de hausser les prestations de 92 $ pour les familles avec un enfant et de 184 $ celles de familles ayant deux enfants ou plus, avec une fourchette de revenu de 26 $ à 70 000 $, seuil à partir duquel la prestation diminue graduellement. Cela représente une certaine compensation pour l'inflation antérieure et marque une amélioration du sort des familles à revenu moyen.

• 1650

M. Richard Shillington: Et cette augmentation de 180 $ est effacée par l'inflation en moins de deux ans.

[Français]

Mme Diane St-Jacques: J'aimerais poser une deuxième question à M. Horner. Notre parti a créé un comité sur la pauvreté qui rencontre, dans les différentes provinces, des gens qui vivent dans la pauvreté ou des personnes qui travaillent auprès d'eux. À plusieurs reprises, on nous a dit qu'il pourrait s'avérer intéressant d'envisager la possibilité d'offrir un revenu annuel garanti et d'éliminer tous les autres programmes. Cela nous permettrait d'éliminer différents programmes qui ne semblent pas fonctionner et qui n'ont pas réussi à régler le problème de la pauvreté. J'aimerais savoir si vous vous êtes déjà penché sur cette question-là et si vous savez quelle incidence un tel programme de revenu annuel garanti pourrait avoir sur la pauvreté.

[Traduction]

M. Keith Horner: C'est une question très vaste.

Premièrement, le revenu annuel garanti est la structure de l'aide que fournit le gouvernement—et les gouvernements provinciaux, avec leur supplément—aux personnes âgées, par le biais de la sécurité de vieillesse et du supplément de revenu garanti. Il y a également là les éléments d'un revenu annuel garanti.

Un revenu annuel garanti intégral supposerait la transformation de l'aide sociale en crédit remboursable, par exemple. Nous ne sommes assurément pas allés aussi loin, mais il y a des éléments de l'approche relative au revenu annuel garanti en ce qui a trait à la prestation fiscale pour enfants en ce sens que c'est une prestation fondée strictement sur le revenu familial, et non sur l'actif, et qu'elle est versée aux divers types de familles à faible revenu. À commencer par un groupe précis de personnes—les familles avec enfants—, de qui on se soucie le plus.

Il y a donc, à certains égards, une partie de cette idée de revenu annuel garanti, mais pas tout à fait.

Le président: Madame Minna.

Mme Maria Minna (Beaches—Est York, Lib.): Merci.

J'essaie de rassembler les pièces du puzzle. Je veux interroger d'abord M. Shillington et ensuite, M. Horner pour avoir une idée d'ensemble. Je sais ce qui se passe à l'heure actuelle. Je peux le constater. Mais j'essaie de comprendre ce qui s'est passé avant pour pouvoir déterminer notre orientation future.

Le régime système de prestations pour enfants est-il né dans la foulée de la suppression de l'allocation familiale ainsi que de la déduction pour enfants dans la formule de déclaration d'impôt sur le revenu et ailleurs?

M. Richard Shillington: L'actuelle prestation fiscale pour enfants a été créée à la suite du budget de 1992, lorsqu'on a réuni en un seul programme l'allocation familiale, le crédit d'impôt pour enfants et le crédit d'impôt pour enfants non remboursable.

Mme Maria Minna: Tout cela a été supprimé et c'est cette prestation qui est maintenant en vigueur. Que voulez-vous dire lorsque vous affirmez que le régime de prestations pour enfants est différent de la prestation fiscale pour enfants? N'est-ce pas essentiellement la même chose?

M. Richard Shillington: Maintenant, c'est effectivement la même chose. Maintenant, la prestation fiscale pour enfants est le programme par lequel le gouvernement fédéral sert les enfants. Le régime de prestations pour enfants est un terme qui englobait auparavant trois volets, l'allocation familiale, le crédit d'impôt pour enfants et l'exemption d'impôt pour enfants.

Mme Maria Minna: D'accord. C'est l'ancien système. C'est ce que j'essayais de comprendre.

M. Richard Shillington: Ces trois volets visaient des objectifs différents. Il y avait une mesure antipauvreté, une mesure de soutien et une mesure fiscale. Ensuite, ces mesures ont été intégrées en un seul programme, qui est devenu strictement un programme antipauvreté.

Mme Maria Minna: D'accord. J'essayais simplement de comprendre parce qu'à l'occasion nous avons employé le terme régime de prestations pour enfants pour parler du système actuel. Les gens ont tendance à utiliser indifféremment les deux expressions.

M. Richard Shillington: Oui.

Mme Maria Minna: Il est difficile de savoir ce dont on parle. C'était simplement une précision. Cela m'aide à comprendre.

Monsieur Horner, vous avez participé à ce changement. J'essaie de comprendre pourquoi le gouvernement de l'époque a fait cela. Pourquoi a-t-il jugé bon de supprimer le programme des allocations familiales, qui était universel et dont les prestations étaient de toute façon récupérées aux échelons supérieurs ainsi que l'exemption d'impôt pour enfants et toute autre mesure qui existait à l'époque? Pour quelle raison a-t-il agi ainsi à ce moment-là?

• 1655

Je crois savoir que ce système fonctionnait plutôt bien. Peut-être n'était-ce pas le cas, mais on aurait pu envisager une restructuration au lieu de... J'essaie de comprendre quels motifs l'ont poussé à agir ainsi à l'époque et quelle orientation il souhaitait prendre. J'essaie de voir si, en fait, nous avons abouti là où il le souhaitait.

M. Keith Horner: C'était à une époque de fortes restrictions budgétaires. Le gouvernement était mû par le désir de faire davantage pour les familles à faible revenu, d'instaurer un supplément au revenu de travail, et il n'y avait pas d'autres ressources. On a donc décider d'opter pour une restriction qui allait réduire les prestations versées aux familles à revenu élevé.

Mme Maria Minna: Pourquoi la prestation n'a-t-elle pas été indexée à l'inflation, comme les autres...?

M. Keith Horner: Ce n'était pas une prestation indexée à l'époque. La grande majorité des paramètres fiscaux sont indexés en fonction de l'IPC moins trois, et aucun changement n'a été apporté à cet égard.

Mme Maria Minna: J'ai parlé à beaucoup de monde ainsi qu'au ministre au sujet de la nouvelle prestation fiscale pour enfants. J'essaie de comprendre pourquoi nous avons accepté qu'au niveau provincial, on récupère la prestation auprès des bénéficiaires d'aide sociale. Je ne suis pas en faveur de cela. J'étais très en colère lorsque cela s'est produit, et je continue d'essayer de mettre un terme à cette mesure ou, à tout le moins, d'améliorer l'ensemble du régime.

Le problème, lorsqu'on accepte un tel système, c'est qu'on ne sait jamais ce que les provinces feront par la suite. En Ontario, les autorités provinciales ont réduit les prestations d'aide sociale de 21 p. 100. Ces prestations ne permettent pas aux résidents de la grande région métropolitaine de Toronto de payer leur loyer ou de se nourrir, de sorte qu'ils doivent frapper aux portes des banques d'alimentation. Certains d'entre eux vivent dans des centres pour itinérants car il n'y a pas de logements à prix abordables. C'est un cercle vicieux. J'essaie de comprendre pourquoi le gouvernement a agi ainsi? Pourquoi avons-nous accepté que les provinces...?

Il faut que quelqu'un me réponde. C'est peut-être question politique, mais...

Le président: Je suis d'accord.

Mme Maria Minna: Parfois, des conseils sont donnés et parfois il y a une discussion.

D'un point de vue analytique, y avait-il une raison de permettre et d'accepter cette récupération? Je sais que l'argent est censé être utilisé à des fins de réinvestissement, mais avons-nous essayé, d'une façon quelconque, d'imposer aux provinces un revenu minimum pour toutes les familles?

M. Shillington a peut-être fait des recherches. Le problème, à mon avis, c'est que chaque province agit à sa guise. J'aimerais que règne une certaine uniformité dans le pays pour ce qui est des mesures destinées aux enfants.

M. Keith Horner: Pour ce qui est du réinvestissement, il existe un cadre de réinvestissement. L'argent doit être versé aux familles à faible revenu avec enfants. Il doit servir à financer des programmes qui font la promotion des objectifs visés par le Régime national de prestations pour enfants. Dans le cas de l'Ontario, une bonne partie de l'argent a servi à financer un supplément de crédit pour frais de garde pour les familles à faible revenu.

Pour ce qui est des rajustements à l'aide sociale, le gouvernement a essentiellement essayé d'offrir des prestations pour enfants, non plus par le biais de l'aide sociale, mais d'un programme prévoyant que le bénéficiaire peut les conserver s'il passe de l'aide sociale à la population active ou l'inverse. Les prestations demeurent les mêmes. En outre, cela encourage les provinces à instaurer d'autres programmes, comme des subventions aux garderies et des prestations d'assurance-maladie complémentaires. Ces programmes sont ouverts à une vaste gamme de familles à faible revenu avec enfants et non seulement aux familles qui touchent l'aide sociale. Ces programmes sont plus efficaces et offrent un meilleur soutien. De cette façon, on ne risque pas que les gens soient enchaînés à l'aide sociale parce qu'ils craignent de perdre leurs prestations d'assurance-maladie, par exemple.

Le président: Avez-vous un commentaire à ce sujet, monsieur Shillington?

M. Richard Shillington: Vous voulez savoir si l'on peut forcer les provinces à satisfaire aux besoins essentiels. On le pouvait jusqu'en 1995. Aux termes du Régime d'assistance publique du Canada, les provinces étaient tenues de satisfaire à certains besoins. Vous hochez la tête; vous savez déjà cela.

En 1995, le gouvernement fédéral a cédé volontairement son droit d'obliger les provinces à satisfaire aux besoins essentiels comme condition de partage des coûts. C'est vrai, nous avions ce droit auparavant mais maintenant, nous ne l'avons plus.

Pour ce qui est du réinvestissement, je ne sais pas ce que cela signifie lorsque... Si l'Ontario a—je ne sais pas quel est le chiffre—100 millions qu'il doit réinvestir, nous n'avons aucun moyen de nous assurer que c'est de l'argent neuf. L'Ontario peut prélever un milliard de dollars de l'aide sociale et ensuite réinvestir 100 millions en disant que c'est son réinvestissement.

• 1700

L'Ontario peut aller chercher 37 $—ou était-ce 35 $?—par mois dans la poche de femmes enceintes bénéficiaires de l'aide sociale. Cela n'est pas calculé. Cela n'a aucune incidence... Tant et autant longtemps que le gouvernement peut créer un nouveau programme et l'affubler d'une petite étiquette en disant que c'est son réinvestissement, il a rempli ses obligations, pour ce que j'en sais. À part cela, il peut faire tout ce qu'il veut, réduire les taux, sabrer dans les programmes, cela n'a aucun rapport avec son réinvestissement.

Je n'étais pas là, mais c'est ce que je crois comprendre à titre d'observateur de l'extérieur.

Le président: Je vois que nous perdons des joueurs et je sais qu'il y aura des votes sous peu. À titre de président, j'aimerais poser trois questions pour essayer de relier certaines choses ensemble.

Deux questions découlent du nouveau rapport de Shelley Phipps, des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, dans lequel elle fait une comparaison internationale et énonce deux généralisations sur le plan des politiques.

Premièrement, dans le contexte des efforts pour lutter contre la pauvreté des enfants, qu'attendez-vous pour donner de l'argent en espèces? En fait, c'est tout le débat des versements en espèces par rapport aux transferts fiscaux. Mme Phipps est fermement convaincue que les versements en espèces l'emportent sur le plan de l'efficacité. C'est une observation qu'elle fait. J'aimerais que vous la commentiez.

M. Keith Horner: Puis-je avoir une précision? Parle-t-on de réduction fiscale ou d'appui non financier?

Le président: Je parle des mérites des prestations en espèces par rapport aux réductions d'impôt. Voilà la meilleure façon de présenter les choses. Autrement dit, il semblerait que les prestations en espèces soient plus susceptibles de favoriser l'atteinte des objectifs de politique.

Mme Phipps aborde aussi une question plus vaste. Elle évoque le cas de la Norvège. Selon elle, dans les pays qui ont abandonné le ciblage au profit de l'universalité, à un coût certain, c'est toute la population qui en profite, comme on peut s'y attendre, mais c'est aussi la meilleure façon de lutter contre la pauvreté les groupes à risque, le travail mal rémunéré, et l'ensemble de... Tout le monde en profite. À l'inverse de ce qui se produit avec le ciblage, c'est toute la société qui est mieux lotie.

Ma dernière question porte sur les résultats. C'est ça l'enjeu: l'efficacité. D'ailleurs, le vérificateur général en parle dans son rapport au chapitre 6. Comment pourrons-nous savoir, et dans combien de temps, si tant est que nous la sachions jamais, si les stratégies provinciales de réinvestissement aux termes du régime de prestations fiscales pour enfants fonctionnent? Même en tenant compte de la brève expérience de deux provinces atlantiques contre deux autres, combien de temps faudra-t-il avant que nous puissions porter un jugement sur ce secteur en particulier, en dépit du cycle d'affaires et des particularités locales?

Je suis désolé, j'ai posé trois questions, mais c'est comme ça. La première portait sur les versements en espèces par rapport aux transferts d'impôt. Avez-vous des commentaires?

M. Richard Shillington: Si l'objectif visé est la lutte anti-pauvreté, les versements en espèces vont toujours donner de meilleurs résultats que les mesures fiscales parce que les personnes à faible revenu ne paient pas d'impôt ou très peu. Par conséquent, si votre unique objectif est de mettre en oeuvre un programme antipauvreté, les versements en espèces seront préférables à une intervention fiscale.

Permettez-moi de passer maintenant à la deuxième question au sujet de l'universalité.

Le président: Oui, par opposition au ciblage.

M. Richard Shillington: On se retrouve à l'occasion dans ce genre de situation perverse. Je me souviens qu'au milieu des années 80, l'institut C.D. Howe et le Conseil des chefs d'entreprise réclamaient l'élimination de l'universalité. Leurs porte-parole voulaient que le gouvernement réduise les prestations versées aux personnes à revenu élevé pour les donner aux pauvres. Quant aux groupes «anti-pauvreté» ils disaient: «Non, non, continuez de donner de l'argent aux riches», ce qui semble totalement pervers. Pourquoi les groupes de lutte contre la pauvreté auraient-ils voulu qu'il en soit ainsi? En partie, parce qu'ils souhaitaient que cette prestation puisse bénéficier aux enfants et ne pas être uniquement une mesure antipauvreté. On craignait également que si les familles à revenu élevé ne touchaient pas de prestations pour enfants, il n'y aurait pas d'appui politique pour le programme.

Quinze ans plus tard, on nous a répété à maintes reprises qu'on allait prélever de l'argent auprès des riches pour le donner aux pauvres. Nous ne l'avons pas donné aux pauvres. Nous avons prélevé de l'argent auprès des riches et maintenant, nous prenons dans la poche de la classe moyenne. À l'heure actuelle, nous avons divisé les pauvres en deux catégories, ceux qui le sont et ceux qui le sont moins et nous prélevons de l'argent auprès de certains d'entre eux pour le donner aux autres. C'est pousser le ciblage au-delà du bon sens.

• 1705

J'ignore dans quelle mesure cela relève de la culture. Je ne suis pas sûr que l'universalité permette de défendre le programme, mais je sais que compte tenu de ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, les résultats n'ont pas été ceux que nous attendions.

Le président: Et au sujet des résultats, combien de temps faudra-t-il pour savoir?

M. Richard Shillington: Vous ne le saurez jamais. C'est un peu comme le débat à savoir si le libre-échange est avantageux pour le Canada. Demandez à un groupe d'économistes, réputés et autres, et vous verrez que...

Le monde ne va pas cesser de tourner. Premièrement, on ne sait même pas quel gouvernement réinvestit vraiment et quel gouvernement ne réinvestit pas car nous n'avons pas fait le calcul de leurs dépenses de base. Si l'on voulait vraiment savoir si l'Ontario réinvestit ou non, il faudrait savoir combien d'argent la province consacrait aux familles avec enfants auparavant et combien elle y consacre maintenant.

Le président: Est-il possible de le savoir?

M. Richard Shillington: Sans doute approximativement. Les comptes publics sont là. Ce n'est pas simple car toutes les provinces tiennent leurs comptes publics différemment. Mais on ne sait même, pour chaque province, quelles étaient les sommes dépensées auparavant, et encore moins si elles dépensent davantage maintenant. Les autorités provinciales le prétendent, mais je n'en suis pas du tout convaincu.

Par conséquent, si on n'est même pas en mesure de savoir si les provinces réinvestissent leurs dépenses, comment voulez-vous savoir quelle en est l'incidence?

Le président: Très juste.

Monsieur Horner, avez-vous quelque chose à dire sur l'un ou l'autre de ces trois sujets?

M. Keith Horner: Pour ce qui est des versements en espèces par rapport aux réductions d'impôt, il me semble évident que même si la prestation fiscale pour enfants est une mesure fiscale, c'est tout de même un chèque qui est remis tous les mois aux mères. Par conséquent, je ne vois pas vraiment le problème. Essentiellement, c'est une prestation en espèces.

Des décisions difficiles ont été prises au sujet de la création de la prestation pour enfants en 1993. Avec un peu de chance, si la conjoncture économique continue d'être positive, nous allons entrer dans une ère nouvelle et je conviens qu'une prestation plus large est une meilleure prestation, si on peut se le permettre. C'est certainement l'objectif que d'étendre les prestations.

Pour ce qui est des résultats, il va de soi que l'examen public dans chaque province et à l'échelle du pays est un volet important. C'est partiellement une question politique. Il faut qu'individuellement, les politiques honorent leurs propres promesses.

[Français]

Le président: Une dernière question, madame Gagnon?

Mme Christiane Gagnon: Oui, je vous remercie. J'aimerais que vous nous parliez davantage du programme à l'intention des enfants que vous mettrez sur pied et précisiez dans quel secteur il s'inscrit. Ce n'est pas vous qui en avez parlé? J'ai mal entendu?

M. Keith Horner: Oui, je le pense.

Mme Christiane Gagnon: Je croyais que vous en aviez parlé lors de votre exposé.

[Traduction]

M. Keith Horner: J'ai participé à la création de la prestation fiscale pour enfants en 1992, au ministère des Finances.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: D'accord.

Juste une dernière chose. J'ai déposé un projet de loi sur la création d'un poste de commissaire à la pauvreté. Ce commissaire pourrait répondre à toutes les questions qu'on se pose, par exemple quelles sommes donnait-on auparavant, quelles sommes accordons-nous maintenant, et quels sont les effets de différents programmes ayant pour but d'enrayer la pauvreté. J'ai recueilli au Parlement 100 signatures de gens qui cherchent justement ces réponses qui sont si difficiles à trouver et qui veulent connaître un peu l'impact des mesures. J'ai demandé aux attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement de faire une étude sur ces 40 programmes qui sont déjà en place, et ils ont été incapables de me dire combien d'argent le gouvernement y investissait et si ces programmes étaient valables ou non. On est devant un éléphant blanc qu'on appelle la pauvreté, laquelle augmente sans cesse. On a de moins en moins d'argent. Même les familles qui gagnent 40 000 $ n'ont pas tellement d'argent. On est coincé face à cette problématique. À elles seules, les statistiques ne sauront pas nous aider à trouver la meilleure solution possible.

[Traduction]

M. Keith Horner: Je vais essayer de répondre.

Il est sans doute plus difficile d'essayer d'étudier l'incidence d'un programme particulier, surtout s'il est restreint. D'entrée de jeu, on peut commencer par la question suivante: Quelle semble être la situation des familles? Cela ne pourra sans doute pas se faire en un an. Il faudra peut-être attendre quelques années après la mise en oeuvre de ce changement au titre des prestations. À ce moment-là, on pourra avoir une vue d'ensemble et s'informer auprès des familles elles-mêmes.

• 1710

Il faut donc essayer de façon générale d'étudier les résultats, en commençant par les principaux indicateurs pour aller vers les plus petits.

Le président: Nous avons pris beaucoup de votre temps. Nous vous remercions tous les deux d'avoir accepté de comparaître. Le fait d'avoir deux perspectives différentes a suscité une discussion animée et fructueuse. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie beaucoup. Nous allons probablement vous soumettre d'autres questions à un moment donné, mais d'ici là

[Français]

merci et au revoir.

[Traduction]

La séance est levée.