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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ SUR LES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DES RESOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 27 avril 1999

• 1535

[Traduction]

Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Je crois que nous allons commencer sachant que de très nombreuses séances de comité se tiennent cet après-midi et que nos collègues se joindront à nous dès qu'ils le pourront. Je crois qu'il y a suffisamment de membres présents pour que nous puissions commencer.

Avant d'accueillir officiellement Judith Maxwell des Réseaux canadiens de recherche en politique publique, j'aimerais dire quelques mots au sujet d'une de ses collègues que certains d'entre nous connaissaient, Suzanne Peters. Notre sous-comité a pris naissance à une séance du Comité plénier du développement des ressources humaines qui a eu lieu le 14 juin l'an dernier. C'était une séance marathon de quatre heures sur la mesure portant sur la maturité pour l'apprentissage et la mobilisation communautaire à l'égard de cette mesure. Nous avons demandé à Suzanne Peters, qui dirigeait le réseau familial des Réseaux canadiens de recherche en politique publique de résumer les témoignages d'une trentaine de personnes à la fin de la séance, et elle a fait un travail extraordinaire. Je l'ai revue à titre personnel plus tôt cette année pour comparer nos notes et discuter de la façon dont nous pourrions collaborer.

Comme tous ceux ici présents qui s'intéressent aux enjeux politiques le savent probablement, Suzanne est décédée récemment de façon tragique. Je tenais à souligner tout ce que nous lui devons, car c'est elle qui a ouvert la voie qui a mené à la création de ce sous-comité. Elle a apporté une énorme contribution au sujet qui nous tient à coeur, l'avenir des enfants canadiens. Je tenais à ce que ses collègues sachent à quel point sa contribution nous a été précieuse et à quel point elle nous manque.

J'ai maintenant la tâche agréable de présenter Judith Maxwell, qui est une amie de longue date—je n'emploie plus l'expression «vieille amie»—et qui, comme bien des personnes sensées, vient de la Nouvelle-Écosse. Certains d'entre vous se rappellent que Judith a dirigé une institution qui a été charcutée par une administration précédente. Mais elle a démontré tout son savoir-faire en matière de politique et a créé cette organisation unique, ce réseau dont elle voudra peut-être toucher quelques mots à l'intention de ceux qui ne le connaissent pas, avant de nous entretenir du travail de son organisation à l'égard des enfants.

Je vous souhaite la bienvenue à toutes deux et je vous invite à faire quelques remarques liminaires.

Mme Judith Maxwell (présidente, Réseaux canadiens de recherche en politique publique): Merci, monsieur le président, et merci beaucoup d'avoir rendu hommage à Suzanne Peters, que tous ses collègues aimaient beaucoup. Le projet dont je voudrais vous parler aujourd'hui a été inspiré en grande partie par Suzanne et fait partie de l'héritage qu'elle nous a laissé, au RCRPP.

Je vous présente ma collègue, Elisabeth Richard, directrice des affaires institutionnelles et publiques aux Réseaux canadiens de recherche en politique publique.

Les RCRPP constituent un organisme de charité à but non lucratif dont la mission est de trouver des informations et de mener le débat public sur les enjeux sociaux et économiques qui importent aux Canadiens. Notre objectif est de faire du Canada une société plus juste, plus prospère et plus compatissante. Nous avons organisé trois réseaux, sur la famille, le travail et la santé. Nous fonctionnons comme un groupe de réflexion dont les membres ont des liens avec les décideurs et les chercheurs de bien des institutions à l'échelle du pays.

Aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'un projet qui a été conçu par Suzanne Peters, «L'Agencement optimal des politiques axées sur les enfants»,

[Français]

«Agencement optimal des politiques axées sur les enfants». Ce programme a été en grande partie mis en oeuvre et financé par des fondations privées, dont

[Traduction]

la Fondation Laidlaw, la Fondation Lawson, la Atkinson Charitable Foundation et la Fondation de Hospital for Sick Children.

Les trois provinces et deux ministères fédéraux y ont également participé de façon très active.

• 1540

Ce projet insiste beaucoup sur la recherche en matière de politique publique. Nous tablons sur les fondements de la recherche empirique et théorique effectuée par d'autres, telle que l'Institut canadien de recherches avancées, ainsi que sur l'étude longitudinale sur les enfants et les jeunes qui a été financée par DRHC.

Vous avez sous les yeux le document d'information qui résume les principales constatations de notre programme de recherche jusqu'à présent. Je ne lirai pas ce document mot pour mot. Je ferai quelques remarques liminaires sur le projet en général, puis je serai ravie de répondre à vos questions sur l'une ou l'autre des idées énoncées dans le document.

Le projet comprend cinq grands éléments. Tout d'abord, en 1997, Suzanne Peters a mené des consultations exhaustives auprès des Canadiens sur leurs valeurs et leurs préférences en matière de politiques qui rendraient leur collectivité idéale pour le développement sain de leurs enfants; un document de travail traitant de ces constatations est en voie d'élaboration. Cela devait nous permettre de comprendre ce dont les Canadiens ont besoin.

La deuxième étape de notre recherche a été de commander deux grandes études comparatives sur les politiques, les valeurs et les résultats. Ces deux études ont été publiées et nous en avons apporté des exemplaires. La première a été menée par Shelley Phipps et la deuxième, par Kathy O'Hara. Les conclusions de tous ces travaux sont résumées dans le document qui vous a été distribué.

Troisièmement, on a commencé à comparer les politiques, les valeurs et les résultats des différentes provinces, et ces travaux sont encore en cours.

Quatrièmement, nous voulons insister sur le recensement des conséquences positives pour les enfants, afin que les Canadiens adoptent une vision plus positive de ce qu'ils souhaitent pour les enfants. Nous ne devrions pas mesurer nos progrès en fonction de la réduction du taux de suicide ou du nombre de grossesses chez des adolescentes, mais plutôt en fonction des principaux indicateurs du développement sain des enfants.

Le cinquième élément est une analyse des régimes de responsabilité et de régie à l'égard des politiques touchant les enfants qui existent dans six provinces; ces travaux aussi sont toujours en cours.

Lorsque ces travaux seront terminés, ce qui ne saurait tarder, nous entendons rédiger un rapport de synthèse qui inclura des directives d'action ou un cadre de stratégiques qui, je l'espère, contribuera au débat politique ici au Canada.

D'après les travaux qui ont été effectués jusqu'à présent, nous avons pu constater que les études évaluant les interventions en matière de politique visant les enfants et les familles ne nous aident pas lorsque vient le temps d'élaborer la politique gouvernementale. C'est attribuable en partie au fait que les études sont surtout américaines et mettent l'accent sur les conditions sociales et économiques des États-Unis et sur les enfants et les familles très désavantagés, qu'on trouve aussi au Canada, bien sûr, surtout chez les Autochtones. Mais ces études ne traitent pas des grandes questions de politique gouvernementale pour les familles et les enfants. De plus, ces études ne ciblent qu'une intervention à la fois. L'une portera sur le programme Bon départ dans une ville, l'autre sur la maturité pour l'apprentissage, et une autre encore sur les interventions en matière de santé.

Il ressort des rapports sur le ELNEJ que les facteurs qui influent sur le développement des enfants sont complexes. Nous avons constaté que des enfants pauvres s'épanouissent et que des enfants riches ont des problèmes. Nous savons que le revenu est important, mais nous savons aussi que les rapports parents-enfants et un attachement profond sont essentiels et qu'ils peuvent compenser bien des désavantages ou des épreuves auxquels des enfants doivent faire face pour différentes raisons.

• 1545

Nous commençons aussi à recueillir des preuves selon lesquelles la collectivité aussi compte, qu'une famille vivant dans une collectivité unie dispensant de bons services publics, offrant toute une gamme de services, des garderies aux écoles en passant par les services de loisirs et les parcs, sera mieux en mesure d'assurer un bon développement aux enfants que la même famille se trouvant dans les mêmes circonstances qui vivrait dans une localité n'ayant pas cette infrastructure. L'importance de la collectivité est ressortie très clairement des consultations que nous avons menées auprès des Canadiens en 1997 sur leurs valeurs et leurs préférences.

Au cours des 25 dernières années nous avons vu se transformer de fond en comble la vie familiale. Plus de 60 p. 100 des familles biparentales comptent maintenant deux salaires et le pourcentage des familles monoparentales a pratiquement doublé. Toutefois, l'environnement politique ne s'est pas adapté à cette nouvelle réalité des enfants et des familles et les pressions exercées sur les familles ont augmenté de façon exponentielle. Il en résulte un accroissement des risques posés à la santé des enfants et probablement des parents également. Nos travaux ne sont pas encore suffisamment avancés pour que je puisse vous présenter un long essai sur ce que nous devrions faire pour corriger cette situation. J'espère toutefois que le résumé des constatations ainsi que notre discussion d'aujourd'hui vous aideront à orienter vos travaux et que notre rapport final, lorsqu'il paraîtra, vous aidera à façonner le débat public à venir.

Merci, monsieur le président. J'envisage avec plaisir de participer à la discussion.

Le président: Merci beaucoup de cet exposé. Comme vous l'avez dit, la documentation que vous nous avez fournie donne une petite idée d'un bon nombre des diverses questions auxquelles vous avez brièvement fait allusion.

Commençons tout de suite.

[Français]

Madame Gagnon, aimeriez-vous poser des questions maintenant ou si vous préférez attendre?

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Je vais poser une première question. Vous avez dit qu'un meilleur filet de sécurité sociale, un filet universel, contribuerait à la réduction de la pauvreté. Le gouvernement a entre ses mains un pouvoir face à certaines politiques sociales telles que l'assurance-emploi et le Transfert social canadien qu'il remet aux provinces afin qu'elles appliquent certaines mesures sociales à l'intention des citoyens. Quelle est votre analyse de cette façon de fonctionner? Qu'arrive-t-il aux mesures que les provinces ont mises en oeuvre pour contrer la pauvreté ou à vos recommandations lorsque le gouvernement effectue des réductions budgétaires? Ne constatez-vous pas qu'il y a une contradiction au niveau des actions du gouvernement fédéral depuis une dizaine d'années, qu'il soit dirigé par les conservateurs ou les libéraux, lesquels ont fait à peu près la même chose? Nous faisons face à une pauvreté qui s'est aggravée au fil des ans. Je viens de la province de Québec et je sais à quel point il est difficile de mettre en oeuvre de vraies mesures qui pourront aider la population en général et les plus démunis.

[Traduction]

Mme Judith Maxwell: Sans le moindre doute, les difficultés économiques engendrées tant par le marché que par les compressions des dépenses gouvernementales ont aggravé la situation des enfants et des familles. Nous avons constaté une augmentation remarquable de la pauvreté, qui témoigne de ces deux pressions, à savoir l'augmentation de l'inégalité et les coupes sombres dans le filet de sécurité.

Je crois que le plus grand problème auquel nous sommes confrontés est de trouver le moyen d'adapter le filet de sécurité aux besoins des enfants et des familles. Ce que nous apprennent les renseignements que je vous ai présentés, tout d'abord, c'est que la meilleure source de revenu pour une famille, c'est le travail. Autrement dit, le meilleur filet de sécurité sociale, c'est le fait d'avoir un emploi. Mais il y a des situations où il est impossible de trouver un emploi et il faut s'assurer que le filet de sécurité sociale fonctionne bien.

• 1550

Je pense que le travail de comparaisons internationales que nous avons effectué est une très bonne source d'information. Parmi les pays pour lesquels nous avons des mesures—et il n'y en a pas beaucoup—nous constatons que les résultats les plus positifs sont obtenus pour les enfants de pays tels que la Norvège et les Pays- Bas. Or la Norvège et les Pays-Bas ont des principes très différents quant aux politiques de soutien des enfants et les familles.

Les Pays-Bas ont ce que l'on peut appeler le modèle du soutien unique de famille. Autrement dit, ils appuient les familles à salaire unique. C'est le modèle qu'ils préfèrent. Par conséquent, si les femmes vont travailler, on les encourage fortement à travailler à temps partiel. Le pourcentage des femmes travaillant à temps plein est assez bas. Toutefois, les Pays-Bas ont adopté beaucoup de politiques centrées sur l'enfant, financées dans une certaine mesure par l'État mais également par les employeurs. Le système de garde des enfants est relativement bien développé, mais il est financé au moyen d'une taxe prélevée à la source et son financement est donc fonction du marché du travail.

La Norvège a adopté des principes de politique publique très différents, qui se fondent sur l'égalité des sexes. Elle essaie de s'assurer que les hommes et les femmes partagent également les responsabilités tant au foyer qu'au travail. Elle a un train de mesures de soutien extraordinairement souples qui appuient celui des deux parents souhaitent rester à domicile ou travailler à temps partiel et ainsi de suite. C'est un système de soutien très solidement structuré.

Cela dit, dans ces deux pays, la pierre angulaire du soutien au revenu est une allocation familiale universelle. Je crois qu'une des marques distinctives des pays d'Europe qui ont des politiques très élaborées de soutien des enfants et des familles, c'est qu'ils n'essaient pas de cibler leur objectif de façon ultra précise, comme le fait le Canada. Par conséquent, ces pays ne risquent pas de se trouver dans la situation où une famille glisse à travers les mailles du filet de sécurité sociale parce qu'elle ne répond pas exactement aux critères de tel ou tel programme ou parce qu'elle a atteint le seuil d'environ 25 000 $ au-delà duquel un dollar de revenu supplémentaire doit lui être entièrement retiré, ce qui signifie qu'elle est en difficulté à cause de la façon dont nous avons voulu contenir les coûts du programme.

Nous espérons qu'à l'avenir il y aura plus de ressources disponibles pour ce type de programme.

Je ne pense pas que le soutien au revenu soit la seule composante de l'agencement optimal des politiques. Toutefois, il est important que nous examinions certains des modèles que proposent d'autres pays. Ces modèles sont plus centrés sur les enfants et offrent des systèmes de soutien assez généralisé pour les enfants sans essayer d'orienter le programme de façons qui peuvent mener à des inégalités.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: J'aimerais obtenir certaines précisions. Lorsqu'un des conjoints ou une mère chef de famille monoparentale ne travaille pas, il doit quand même être protégé par un système de sécurité du revenu.

Mme Judith Maxwell: Il est étonnant de constater qu'en Norvège, 16 p. 100 des familles monoparentales sont sous le seuil de pauvreté, tandis qu'ici, au Canada, ce taux dépasse 60 p. 100. Dans ce pays, on ne pénalise pas les femmes qui se sont retrouvées seules. Elles peuvent bénéficier de programmes qui leur assurent un revenu, et l'État leur garantit qu'elles recevront une contribution financière de la part du père.

Mme Christiane Gagnon: Comment y mesure-t-on le seuil de pauvreté? S'il est inférieur, est-ce parce qu'on ne tient pas compte des mêmes critères? Il existe plusieurs façons de mesurer le seuil de pauvreté. Est-ce que leur analyse est similaire à celle qu'on fait ici au Canada?

• 1555

Mme Judith Maxwell: Il est difficile d'établir des comparaisons en raison de l'existence de nombreux services et avantages qui ne sont peut-être pas d'ordre monétaire. Je conviens qu'il existe probablement différentes mesures pour évaluer la pauvreté. On peut toutefois affirmer qu'en général, les familles monoparentales vivant en Europe sont mieux protégées que celles qui vivent au Canada.

Mme Christiane Gagnon: Avez-vous une analyse comparative des actions prises par les différentes provinces canadiennes au niveau d'un filet de sécurité sociale? Par exemple, le Québec a adopté une politique familiale et des politiques en matière d'aide à la petite enfance, bien qu'il lui soit difficile de les maintenir faute d'argent. Lorsque le fédéral sabre les budgets, on en ressent les répercussions au provincial. Il est difficile de bonifier un programme qu'on a instauré lorsqu'on reçoit des sommes d'argent inférieures à celles auxquelles on s'attendait.

Nous expliquons la situation qui prévaut au Québec, tandis que les parlementaires des autres provinces nous livrent leur vision de ce qui se passe chez eux. On ne regarde peut-être pas assez ce qui se passe au Québec.

Mme Judith Maxwell: Nous sommes en train de faire une étude comparative des politiques qui ont été mises en oeuvre dans six provinces, y compris le Québec. Cette étude comprendra un bilan des politiques concernant la sécurité de revenu, le travail et la famille, et la protection des enfants. On sait déjà qu'on relèvera de nombreuses différences. Cette étude n'est pas terminée, et je n'en ai pas encore reçu le sommaire. Si les membres de votre comité sont intéressés à recevoir un exemplaire de cette étude, je pourrai leur en faire parvenir copie dès que l'étude sera terminée.

Le président: À quelle date sera-t-elle terminée?

Mme Judith Maxwell: Au mois de juin.

Le président: Très bien.

Libby Davies.

[Traduction]

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci. Je n'ai malheureusement pas eu la possibilité d'examiner tout cela. Par conséquent, pendant que vous parliez, j'essayais d'examiner ces tableaux le plus rapidement possible. Il y a toutefois quelques constatations qui m'ont sauté aux yeux.

Tout d'abord, lorsque vous parlez des interventions utiles et que vous examinez les modèles potentiels de politique familiale, je trouve frappant que vous disiez que la source la plus efficace de revenu est un emploi, et de loin. Je suis tout à fait d'accord: un bon revenu d'emploi, il n'y a rien de tel. Le problème, en partie, c'est qu'il y a tant de femmes qui se retrouvent dans des emplois vraiment moches, très mal rémunérés, à temps partiel, etc. Vous connaissez la liste des caractéristiques.

Au sein de ce sous-comité, nous avons beaucoup débattu des mesures de soutien social, et notamment de la prestation fiscale pour enfants. Bien sûr, il s'agit d'une prestation ciblée qui vise l'enfant en particulier; elle n'est pas universelle. Nous avons eu toutes sortes de discussions sur ce que certains d'entre nous considèrent être ces carences les plus graves.

Je trouve donc intéressant qu'il y ait un modèle qui nous présente la hiérarchie des divers types d'interventions selon leurs effets positifs, d'après vos recherches et vos constatations. Pourtant, il semble que le gouvernement fédéral veut nous pousser dans le sens qui est probablement le moins souhaitable. Je me demande si vous pouvez nous donner votre opinion là-dessus. Selon vous, s'agit-il d'une décision consciente qui résulte d'une modification de l'orientation de la politique gouvernementale au Canada? Comment pouvons-nous commencer à renverser cette tendance? Voilà pour ma première question.

Deuxièmement, passons aux modèles potentiels de politique familiale. Lorsqu'on examine le modèle de l'égalité des sexes, modèle centré sur l'enfant, il y a un grand débat qui se fait au sujet des familles à revenu unique, des familles à deux revenus et du régime d'impôts sur le revenu. Je pense que nous devrions avoir un régime progressif d'impôts sur le revenu. Toutefois, comment traiter tout le monde équitablement tout en permettant aux femmes de disposer de choix multiples tant au foyer qu'au travail, afin que le modèle soit vraiment centré sur l'enfant? Pensez-vous qu'il faille régler cela au moyen du régime d'impôts sur le revenu? Dans l'affirmative, quelles sont vos idées pour que ce type d'option soit examiné plus à fond?

Mme Judith Maxwell: Permettez-moi de répondre d'abord à votre première question. Si je vous présente ici la hiérarchie de quatre sources différentes de revenu, de la meilleure à la moins bonne, la pire de toutes est l'aide sociale. Ce serait la cinquième, s'il y avait plus de place sur le tableau. Ce que nous voyons donc se produire au Canada maintenant, c'est qu'on cesse de faire dépendre les enfants de l'aide sociale. Selon moi, c'est une chose très positive, et cela se fait en donnant aux familles plus de choix et plus de stabilité.

• 1600

Permettez-moi de poursuivre. S'il faut faire les choses graduellement, il me semble logique, tout d'abord, de cesser de faire dépendre les enfants de l'aide sociale, de leur donner une prestation qu'ils reçoivent quelle que soit la situation de la famille, à condition qu'elle soit encore pauvre, afin que l'argent soit lié à l'enfant si les parents décident d'aller travailler ou de modifier leur situation.

Mais ce dont je rêve—et permettez-moi de rêver pour quelques instants—c'est de faire un jour de cette prestation pour enfants une prestation beaucoup plus généreuse qu'actuellement. J'aimerais que nous n'ayons pas cette difficulté que nous avons eue au début, lorsqu'on est passé de l'aide sociale à la prestation nationale pour enfants, ce que beaucoup de citoyens ont trouvé difficile à comprendre puisqu'ils auraient manifestement préféré que la prestation pour enfants vienne s'ajouter à l'aide sociale plutôt que la remplacer.

Il me semble que l'on pourrait s'orienter de plus en plus dans la voie menant à une prestation universelle, même si on la verse injustement aux familles les plus riches, mais qui serait de plus en plus accessible. On aurait ainsi davantage l'impression d'avancer. Se libérer de l'assistance sociale, c'est le premier échelon à gravir, puis ensuite on peut progresser.

Mme Libby Davies: On semble plutôt descendre l'échelle, plutôt que de la monter.

Mme Judith Maxwell: On a descendu bien des échelons à la fin des années 70, quand on a commencé à modifier l'allocation familiale, si je me souviens bien, et qu'on a perdu des exemptions pour enfants. On remonte bien loin dans l'histoire. Nous avons rendu le système de plus en plus pingre pendant une vingtaine d'années, et il me semble que nous commençons au moins à amorcer un virage, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire.

Pour ce qui est de votre seconde question concernant la fiscalité, sachez d'abord que je ne suis pas une fiscaliste. Néanmoins, il me semble qu'il nous faut faire porter le débat sur la politique gouvernementale non pas sur une rivalité qui n'a pas de raison d'être entre les familles à un seul ou à deux revenus, mais il nous faut plutôt examiner la façon dont nous traitons les familles qui ont des enfants par rapport à celles qui n'en ont pas. Le système ne reconnaît plus, alors qu'il le faisait à une certaine époque, ce qu'il eu cela coûté d'élever une famille. Il existe de nombreuses évaluations du coût de l'éducation des enfants. Il y a une semaine, a paru dans L'Actualité, un article à ce propos. Nous avons une autre évaluation faite par l'Institut Caledon, selon laquelle il coûte très cher d'élever un enfant. Bien qu'on ait des enfants par choix, il faut aussi reconnaître qu'il en découle un avantage pour la société du fait que les gens font cet effort extraordinaire de mettre un enfant au monde et de le conduire à l'âge adulte. Je préférerais donc que le débat porte sur ce point quand il est question des aspects fiscaux.

La présidente: Carolyn Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci.

Les modèles suggérés pour la politique familiale ont retenu mon attention parce que je crains que certains de ces modèles ne soient inspirés par la restructuration sociale. Le gouvernement préfère un certain mode de vie et par conséquent on introduit des encouragements pour inciter les mères à rester à la maison parce qu'on a décidé que cela valait mieux.

J'ai toujours tendance à préférer les approches centrées sur l'enfant, sur ce qui est effectivement bon pour les enfants, et je m'intéresse aussi à la question du choix. Dans le cadre de mon travail, j'ai vu beaucoup de familles décider de retourner sur le marché du travail, mais c'était en raison de la réaction communautaire, pour pouvoir vivre dans un meilleur milieu doté de plus de ressources, ou pour avoir une cour arrière plutôt qu'un simple balcon. Si la mère voulait retourner au travail, c'était surtout dans l'intérêt de l'enfant. Et je pense qu'on a perdu cet aspect de vue dans les récents débats.

• 1605

Voyons un peu ce qui se passe en Norvège et aux Pays-Bas. J'aimerais bien savoir pourquoi, selon le modèle du soutien de famille on accorde que 16 semaines de congé de maternité. Cela rime à quoi? On ne veut pas que les gens fassent cela; on veut qu'ils quittent leur emploi et restent à la maison, alors que s'il n'y avait pas de discrimination on donnerait un choix, et dans un modèle plus axé sur l'enfant, on accorderait des congés de maternité beaucoup plus généreux.

Mme Judith Maxwell: Oui, je pense que c'est la grande distinction à faire.

Cependant, je ne dirais pas que les modèles que nous avons proposés relèvent de la restructuration sociale. Je pense qu'on peut constater qu'ils sont profondément enracinés dans la philosophie politique et dans les valeurs sociales auxquelles on tient dans ce pays.

Kathy O'Hara a mené la recherche et a examiné la situation dans huit différents pays. Elle a constaté que dans tous ces pays on était vraiment très ambivalent face à la question de savoir si les mères devaient travailler ou non. Il semble que la question des avantages et des inconvénients de la présence des mères sur le marché du travail plutôt qu'à la maison soit épineuse dans tous les pays industrialisés que nous avons examinés, mais malgré cette ambivalence, certains pays ont décidé d'aller de l'avant et de se donner une orientation qui semble généralement acceptée dans le pays en question.

Dans les pays où l'État est fortement interventionniste, les politiques sont très généreuses à l'égard des enfants et des familles. Dans d'autres pays, notamment en Amérique du Nord, mais aussi dans une certaine mesure au Royaume-Uni, où l'on a beaucoup moins le sentiment que l'État devrait intervenir dans ce domaine, cette ambivalence fait qu'il n'y a pas de politiques ou alors des politiques fortement ciblées. Il existe donc un ensemble complexe de facteurs qui donnent des résultats très différents.

Mme Carolyn Bennett: Les féministes de la troisième vague ne sont pas fières de ma génération. Elles pensent au fond que nous sommes idiotes d'avoir travaillé autant.

Si l'on rêve en technicolor, encore une fois, et parce que les horaires des garderies sont des horaires à temps plein et tout le reste, est-ce qu'il y a moyen de créer une approche plus souple, où il serait plus facile pour les femmes de travailler à temps partiel, surtout quand on a de très jeunes enfants?

Mme Judith Maxwell: En Allemagne, qui a sans doute le modèle de soutien de famille le plus solide de tous les pays sur lesquels nous nous sommes penchés, quand on tient compte du régime fiscal, de la façon dont les prestations comme les prestations de maternité et tout le reste sont structurés, et quand on tient compte des services sociaux et de tout le reste, on peut voir qu'il y a une philosophie cohérente de part et d'autre. On a toujours eu un système de soutien très solide pour les travailleurs à temps partiel selon le modèle du soutien de famille.

Même quand on pense à la Norvège, où en fait beaucoup de femmes travaillent à temps plein, s'il existe un aspect de restructuration sociale, c'est la pression exercée pour inciter les hommes à assumer davantage de responsabilités au foyer. On a là-bas ce qu'on appelle du temps de travail flexible, où l'on utilise un relevé de temps. Ainsi, par exemple—j'ai oublié quelle était la limite, mais supposons qu'on ait droit à un an de congé payé, que l'un ou l'autre parent peut prendre. On peut le prendre pour travailler 20 p. 100 du temps et le répartir sur une période de cinq ans, mais on obtient toujours l'équivalent d'un an, ou on peut travailler 20 p. 100 la première année puis passer à 40 p. 100 et à 50 p. 100 à mesure que l'enfant vieillit. C'est donc un système tout à fait souple et on peut l'utiliser comme on l'entend. L'un ou l'autre parent peut en profiter. Ainsi, l'un peut rester à la maison un an et l'autre l'année d'après, et la famille obtient une allocation de temps. Je veux dire par là que l'allocation est accordée en fonction de l'enfant.

Mme Carolyn Bennett: Parmi mes patients j'ai connu des couples où la mère avait pris les six premiers mois et le père les six autres. Cela serait acceptable dans un système comme celui-là. Ils auraient leur année de congé.

Voici mon autre question. Devrait-il y avoir un plan distinct pour les parents qui ont des enfants ayant un handicap?

• 1610

Mme Judith Maxwell: Je ne suis pas une spécialiste de ces questions, mais il me semble que si nous croyons vraiment en ce principe...

Il y a bien longtemps nous avons libéré les personnes âgées de l'assistance sociale en leur accordant un supplément de revenu garanti, et plus récemment nous avons fait en sorte que les enfants ne relèvent pas de l'assistance sociale. La prochaine étape, serait vraisemblablement de faire en sorte que les personnes handicapées ne dépendent plus de l'assistance sociale, auquel cas on aurait l'équivalent d'une prestation nationale pour enfant qui viserait des personnes handicapées. Encore là, elle serait neutre quant au choix que la famille fait relativement à sa participation ou non au marché du travail. Il me semble que l'on peut appliquer ces principes à une grande variété de groupes clés de la société à l'égard desquels nous estimons avoir une responsabilité politique.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le président: J'aurais deux ou trois questions à poser. D'abord, avez-vous terminé votre étude des valeurs auxquelles les familles canadiennes tiennent, ou êtes-vous encore en train de la réaliser?

Mme Judith Maxwell: Nous avons terminé. Le document de consultation est en cours de production.

Le président: Sans préjuger de la publication ni de tout le reste, qu'en diriez-vous? Quand on pense à ces différents modèles du soutien de famille, aux modèles non discriminatoires à l'égard des femmes, et aux modèles relatifs au choix, quelles sont les perspectives pour le Canada à l'heure actuelle? Je suppose que c'est le choix qui l'emportera, mais comme je suis bien Canadien, je ne fais pas de pari.

Mme Judith Maxwell: Cet ouvrage contient un message retentissant, soit que les gens se débattent vraiment pour concilier le travail et la vie de famille, et que c'est là qu'ils veulent vraiment qu'on les aide. Quel que soit le niveau de revenu, c'est une préoccupation. Les gens sont à bout, et c'est à cause du manque de temps, à cause de l'accès à des services de garde sur lesquels on puisse vraiment compter, et puis il faut équilibrer les aspects économiques et sociaux, si je peux dire.

Il se dégage un consensus très net eu égard à ce dont les familles ont besoin—c'est au haut de la deuxième page. C'est là que nous avons constaté une très grande cohérence parmi les différents groupes eu égard à la conception d'un agencement optimal des politiques pour le développement satisfaisant de l'enfant.

Deux questions suscitaient de grandes divergences d'opinions. D'une part, la question de savoir s'il devrait y avoir ou non un soutien du revenu pour les mères ou les parents qui décident de rester à la maison. L'opinion semble divisée moitié-moitié. Il y a à ce propos une véritable polarisation au Canada.

Une autre question préoccupe vraiment les gens, soit qu'ils croient fermement que ceux qui ont un revenu insuffisant devraient bénéficier d'un soutien du revenu, qu'il devrait y avoir un système de dernier recours, mais on craint d'encourager la dépendance. C'est une tendance qu'on a constatée dans les débats publics. Les gens s'interrogent encore là-dessus. Ils reconnaissent que nous avons une responsabilité collective, l'obligation de rendre accessible un soutien du revenu, mais il doit en quelque sorte être limité de manière a vraiment incité les gens à renoncer à ce soutien du revenu dès que possible. Cela donne lieu à ce que j'appelle des contradictions fondamentales dans la façon dont nous nous envisageons ces questions, parce que nous pensons qu'un parent seul devrait travailler et nous pensons qu'un parent seul devrait aussi être avec ses enfants, et nous pensons qu'il devrait le faire simultanément.

Le président: On parle du même parent.

Mme Judith Maxwell: C'est un de ces cas où l'on n'a pas suffisamment réfléchi à cette contradiction fondamentale, et on n'en est pas arrivé à une conclusion plus réfléchie. On n'a pas vraiment débattu la question, et c'est pourquoi je pense qu'il existe ces contradictions qui hantent les décideurs, parce qu'il est difficile de savoir quelle voie il faut prendre.

• 1615

Le président: Que faut-il faire? Cela signifie-t-il que toute la population doit réfléchir pour mieux comprendre ces choses? Je suis sûr que nous n'en serions que de meilleurs citoyens.

Il existe ce troisième modèle, le modèle du choix, qui on peut le présumer coûtera pas mal d'argent. On n'est pas Norvégien; on n'est pas Hollandais. Existe-t-il un beau pays neutre où l'on applique ce troisième modèle?

Mme Judith Maxwell: En France on applique le modèle du choix. On est très centré sur l'enfant. Le modèle de l'égalité des sexes, peut-être de façon fortuite, est aussi très centré sur l'enfant. Les parents peuvent faire leur propre choix, mais c'est l'intérêt supérieur de l'enfant qui semble être l'élément déterminant.

Le président: Ce à quoi je veux en venir c'est que si le comité se rendait en France... non.

Mme Maria Minna (Beaches—East-York, Lib.): Pas la moindre chance, monsieur le président.

Mme Judith Maxwell: Peut-être pourriez-vous vous contenter d'aller au Québec.

Le président: Bien sûr.

Si le gouvernement opte pour le principe d'un budget de l'enfant pour le prochain millénaire, l'état de vos travaux vous permettrait-il de donner des indices susceptibles d'éclairer les choix à faire? Votre calendrier pourrait-il être utile à ce processus, s'il était adopté?

Mme Judith Maxwell: Oui, nous sommes déjà en train d'y mettre la dernière main et de créer les cadres nécessaires. Nous participerons à des discussions avec l'équipe de recherche et les décideurs communautaires pour avoir leur avis, à mesure que nous tirons ces conclusions. Nous espérons pouvoir publier quelque chose à l'automne.

Le président: Monsieur Jackson.

[Français]

et par la suite Mme Gagnon.

[Traduction]

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je n'aurai qu'une brève question, car je sais que Christine veut poursuivre. Au Canada, nous disons tirer notre force de la diversité, mais le problème c'est de savoir comment rejoindre tout le monde? Nous avons le modèle du Québec et celui de l'Ontario. Avez-vous quelques idées, quand vous réfléchissez au pays avec vos six éléments de comparaison, sur la façon dont nous allons réaliser cela de façon efficace, afin de vraiment rejoindre tout le monde?

Mme Judith Maxwell: On est en train de tirer les premières conclusions des comparaisons provinciales. Entre autres choses, nous avons comparé les résultats de l'ELNEJ par province. On constate de très grands écarts en ce qui a trait aux résultats pour les enfants d'une province à l'autre. Ce qui nous permet de dégager deux grands messages.

D'abord, il ressort qu'il devrait sans doute y avoir une plus grande diversité dans les politiques provinciales étant donné qu'elles portent sur des situations assez différentes. Il y a la situation socio-démographique des enfants dans les familles, ainsi que l'idéologie politique de la région qui entrent en ligne de compte. Comme vous le savez, il y a d'assez grandes différences d'une région à l'autre, quant à la façon dont on conçoit les mesures de soutien destinées aux enfants et aux familles.

L'autre question vraiment fondamentale que nous examinons toujours, c'est cette idée que tout enfant qui naît est Canadien, et qu'en quelque sorte nous devons nous assurer que chacun de ces enfants a la possibilité de réaliser son plein potentiel. Nous parlons d'égalité des chances et de cette idée qu'un enfant né à Terre-Neuve et un enfant né en Saskatchewan devraient avoir les mêmes chances dans la vie.

Nous avons maintenant un modèle, qui est la prestation nationale pour enfants, où nous établissons un seuil de revenu qui vise tous les enfants pauvres.

Mme Libby Davies: Non pas ceux qui dépendent de l'assistance sociale.

Mme Judith Maxwell: L'effet de substitution, je le reconnais, est un grave problème. Toutefois les provinces ont toute latitude pour investir et réinvestir d'une façon qui respecte leurs priorités. Comme je vous le disais, les priorités seront dictées en partie par l'idéologie politique et en partie par ce que l'on considère être les besoins des populations données. Par conséquent, comment trouver la quadrature du cercle?

• 1620

Je ne pense pas qu'il y ait de grands moyens de donner des garanties ou de trouver la quadrature du cercle à court terme. Cependant si, grâce à l'union sociale, il existe un véritable engagement à surveiller les résultats véritables pour les enfants, des mécanismes de reddition des comptes seront en place qui devraient nous permettre d'en apprendre plus d'un endroit à l'autre—de mieux comprendre ce qui fonctionne à un endroit et de voir si on peut appliquer cette solution ailleurs. Nous aurions ainsi de meilleures possibilités d'en arriver à une convergence à long terme.

M. Ovid Jackson: J'allais justement parler de «convergence», C'est donc peut-être déjà en cours et l'union sociale pourrait être une occasion d'harmonisation.

Mme Judith Maxwell: Mais cela dépend en grande partie de la solidité qu'aura le cadre de l'union sociale. Dans nos comparaisons interprovinciales, nous pouvons voir que certaines provinces commencent à utiliser les fiches de rendement comme mécanismes de reddition de comptes. Étant donné que l'ELNEJ est une base de données nationale, il leur est possible d'utiliser des mesures qui sont en fait assez comparables. Il y a donc lieu d'être optimiste, mais je ne veux pas sous-estimer la longueur du chemin à parcourir pour pouvoir disposer d'un mécanisme de reddition de comptes qui fonctionne vraiment, et d'une véritable convergence en matière politique.

M. Ovid Jackson: Merci.

Le président: Je sais que M. Lowther doit nous quitter sous peu. Il a une brève question à poser, il me semble.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je regardais à la dernière page de ce document-ci. Il y est dit que 72 p. 100 des femmes qui ont des enfants âgés de moins de 16 ans travaillent à plein temps, soit une proportion élevée si on la compare aux normes internationales. J'ai vu quantité de données statistiques qui contredisent cette affirmation. D'où vient cette statistique?

Mme Judith Maxwell: Cela vient de Statistique Canada. Je pourrais vous donner une source plus précise après la réunion.

M. Eric Lowther: Parfait. Je vous remercie.

Le président: Madame Minna.

Mme Maria Minna: Nous parlons d'apporter des changements aux programmes destinés aux enfants. Nous examinons une stratégie nationale concernant l'enfance. On parle d'un document qui est censé être publié prochainement conjointement par le gouvernement fédéral et les provinces, j'imagine.

Puisqu'on parle beaucoup de l'étalonnage des résultats, je dirais que ce que je crains le plus, c'est que nous options pour la solution de facilité, le chemin le plus court, ce que nous avons déjà fait jusqu'à présent dans une certaine mesure, lorsque l'étalonnage devient une fin en soit. À ce moment-là, que faire? Si vous utilisez les mauvais étalons et s'ils ne sont pas suffisamment adaptables, vous risquez non seulement de courir à l'échec, mais également de stigmatiser certains jeunes et certaines familles et de créer ainsi toute une nouvelle problématique.

Avant même de penser à mettre au point un étalon, ne devrions-nous pas commencer par élaborer un cadre des valeurs et les politiques fondamentales que nous souhaitons—un genre de plan—pour le dossier de l'enfance, qui soit peut-être centré sur l'enfant, quel que soit le modèle ou le système de valeurs qu'on veuille adopter—afin de le mettre en oeuvre? Ensuite seulement passerait-on à un mécanisme de contrôle ou de mesure qui nous permettrait de voir si le plan fonctionne ou non et de quelle façon il est mis à exécution.

Voilà donc mes questions. Je crains que nous ne procédions à rebours étant donné qu'on semble actuellement beaucoup discuter de la question des étalons sans accorder beaucoup d'attention à l'autre élément du problème.

Mme Judith Maxwell: Je suis parfaitement d'accord avec vous au sujet de l'importance de ce qu'on mesure et auquel il faut accoler des valeurs explicites. Ensuite, il faut déterminer, si c'est cela l'important, ce que nous devons mesurer afin de voir si nous faisons des progrès dans ce que nous jugeons important. Il est vraiment important à cet égard de ne pas mettre la charrue avant les boeufs. C'est précisément pourquoi nous avons commencé par définir les référents d'un bon développement de l'enfant à partir de cinq composantes différentes: le bien-être physique, la préparation à l'apprentissage, l'attachement solide, l'engagement social et la prise de risques mesurés.

• 1625

Nous ne disons pas que ce soit les seuls éléments qui importent, mais simplement que nous les avons bien pondérés en compagnie d'un groupe d'experts et nous les soumettons ainsi aux gens qui décideront s'ils les aiment ou non et s'ils veulent éventuellement les modifier d'une façon ou d'une autre. Mais les valeurs doivent passer avant tout, après quoi seulement on peut effectuer les mesures, vous avez absolument raison. Ensuite, même au moment des mesures, on peut simplement conclure si on fait des progrès ou si on prend du retard par rapport à l'objectif recherché. Mais pour comprendre pourquoi on fait des progrès ou on prend du retard, il faut creuser plus loin et comprendre la réalité telle qu'elle est grâce à des travaux d'évaluation ou encore des contacts directs avec les enfants et leurs familles, et en procédant de manière à pouvoir effectivement comprendre.

C'est peut-être le cadre de référence politique qui fera toute la différence, ou encore la situation économique, ou ce que nous appelons le capital social, la qualité de la collectivité dans laquelle les gens vivent, cela pourrait être une foule de choses différentes. Et même la mesure proprement dite vous dit simplement les questions qu'il faut poser, mais non pas les réponses. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas ainsi que nous avons procédé jusqu'à présent, et les gens qui défendent les politiques ont plutôt tendance à dire tout va bien, nous dépensons autant d'argent. Mais ce n'est pas ainsi que l'on peut juger s'il y a progrès.

Le président: C'est un modèle de résultats.

Mme Judith Maxwell: Il s'agit donc d'une transition importante avant de passer à la mesure des résultats. C'est également une transition difficile et elle va devoir être utilisée avec beaucoup de respect par tous les intervenants si nous voulons vraiment que les choses soient différentes pour les enfants.

Mme Maria Minna: Je vous remercie.

Le président: Christiane.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Il y a un an, j'ai commencé une recherche afin de savoir quelles sommes d'argent on investissait pour aider les enfants et les personnes démunies. Je me suis heurtée à un mur et il a été très difficile d'obtenir des chiffres et de savoir ce que faisaient les ministères à ce chapitre. On a l'impression qu'il n'y a aucune coordination et que chaque ministère établit de son côté les programmes qu'il juge nécessaires ou avantageux pour le ministre qui détient certaines responsabilités dans ce domaine.

À partir de ces constatations, j'ai pensé à la nomination d'un commissaire à la pauvreté. Il pourrait faire un cheminement beaucoup plus poussé au niveau de l'aide qu'on accorde aux familles les plus démunies et aux enfants pauvres, ainsi qu'analyser les répercussions à long terme plutôt qu'à court terme de toutes les mesures qu'on a prises. En politique, nous ne sommes ici qu'à court terme. Un gouvernement peut avoir le désir de bien faire des choses, mais on ne sait jamais quand il devra céder le pouvoir. Ce commissaire à la pauvreté pourrait relever du vérificateur général et être imputable à tous les parlementaires, y compris ceux de l'opposition.

Il arrive souvent que l'opposition soit plus ou moins d'accord sur des programmes parce qu'elle entend le son de cloche du milieu. Nous devons penser à une formule beaucoup plus efficace parce que jusqu'ici, on a dépensé beaucoup d'argent inutilement. Je me demande même si notre comité saura trouver de bonnes solutions puisque je crois qu'il faudrait faire une étude beaucoup plus poussée et examiner aussi ce qui se passe dans les provinces. Lorsque les provinces ont déjà établi des structures et mis en place des mesures d'aide, le rôle du fédéral devrait consister à aider les provinces à satisfaire aux besoins de la population.

Vous avez parlé de l'union sociale. Il me semble que c'est une mauvaise entente pour le Québec parce qu'elle permettra justement au gouvernement fédéral de décider, après trois mois de discussions, quels programmes il souhaite mettre en oeuvre. Nous savons tous ce qui est arrivé dans le cas des bourses du millénaire: on n'a jamais voulu écouter le Québec, qui avait déjà établi sa propre structure de prêts et bourses.

Si l'union sociale a pour but de faire fi de ce qui se passe au Québec, je ne pense pas qu'elle s'avérera utile pour examiner ce qui se passe dans les provinces. Il faut respecter les compétences des provinces, ainsi que les programmes et structures qu'elles ont créées.

• 1630

Peu importe les décisions du comité, si nous ne respectons pas les compétences du gouvernement fédéral et celles des provinces, ce sont les plus démunis qui vont en souffrir.

[Traduction]

Mme Judith Maxwell: Je suis d'accord lorsque vous dites qu'il n'y a pas suffisamment d'information cohérente qui permette de faire des comparaisons d'une province à l'autre. Le fait qu'un organisme de réflexion sans but lucratif comme le RCRPP doive aller solliciter des fonds pour arriver à composer ce qui est somme toute un répertoire relativement simple des programmes que je vous décrivais... Nous n'avons pu le faire que pour six provinces, parce qu'il aurait fallu deux fois plus de travail pour prendre en compte les quatre autres ainsi que les territoires, et nous n'avions pas les ressources pour le faire.

Certes, ce que nous avons fait sera tout à fait actualisé à l'été 1999, mais il faudra également l'actualiser chaque année si nous voulons que ce soit véritablement utile pour vous autres parlementaires, pour les chercheurs et les décideurs politiques. Étant donné que nous sommes au Canada tellement décentralisés, nous répugnons toutefois beaucoup à donner à une commission, à une tierce partie, voire à un secrétariat des premiers ministres, un mandat permettant de compiler ces données et d'en faire quelque chose qui serve le bien public et qui puisse être utilisé par toutes les parties intéressées dans le domaine en question. Je pense que nous nous faisons un croc-en-jambe lorsque nous insistons sur un mode de conduite des affaires publiques qui ne permet pas l'échange de l'information essentielle à un bon débat sur la politique publique.

Étant donné que nous avons effectué, il y a quelques années, une petite étude de faisabilité à ce sujet, je peux vous assurer que le genre d'information dont vous parlez est extrêmement en demande auprès des organismes communautaires, des organismes de défense sociale, des représentants des gouvernements provinciaux et fédéraux. Mais nous ne nous mobilisons pas pour autant. Pour être honnête avec vous, nous pourrions faire une étude de faisabilité, mais c'est le gouvernement qui possède l'information, et si le gouvernement n'accepte pas la paternité du problème et ne fait pas quelque chose à ce sujet, il ne se passera rien et nous allons continuer à devoir nous débrouiller avec une information insuffisante jusqu'au moment où le gouvernement décidera d'y prendre fait et cause.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Notre sous-comité étudie la question des enfants et des jeunes à risque, tandis que le Comité des finances étudie la fiscalité des familles. Il me semble que nous travaillons tous en vase clos, bien que les objets de nos études soient interreliés. Certains groupes et familles viennent témoigner devant le Comité des finances et présentent certains renseignements, tandis que nous entendons d'autres témoins nous parler de fiscalité, de la prestation fiscale pour enfants et des autres mesures relatives à la sécurité du revenu. Je crois qu'il n'y a pas assez d'interrelation entre les deux comités. Je constate que les députés doivent partir et qu'on risque de manquer de temps pour réussir à prendre les bonnes décisions et à exercer l'influence souhaitée.

Nous sommes peut-être davantage intéressés par l'aspect des sciences sociales et l'impact des mesures sur la société, tandis que c'est la fiscalité qui retient leur attention. Je crois toutefois que nous devrions pouvoir nous influencer de part et d'autre et partager l'information que nous avons recueillie. Au Québec, un groupe se prépare à déposer un projet de loi-cadre sur la pauvreté et a entrepris des démarches auprès du ministre des Finances afin de lui expliquer ce qui se passe. Si on n'établit pas ce lien entre la réalité quotidienne et les finances, on va rester face à des voeux pieux.

Mme Judith Maxwell: Oui, d'accord.

[Traduction]

Le président: Je suis tout à fait d'accord, surtout avec ce que vient de dire Mme Gagnon, c'est-à-dire que lorsque nous avons deux sous-comités qui étudient le dossier de l'enfance, je me suis dit, comme les agents de recherche d'ailleurs, que nous devrions effectivement travailler en beaucoup plus étroite collaboration, partager nos listes de témoins, voire organiser une réunion conjointe pour voir où nous sommes arrivés afin de ne pas... Ils vont probablement vous inviter également. Ce genre de cohérence, nous devrions commencer par la concrétiser ici.

• 1635

Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet avant que je ne donne la parole à Mme Davies? Allez-y donc.

Mme Carolyn Bennett: Il s'agissait du secrétariat. En fait, je me demande si l'union sociale peut porter fruit s'il n'y a pas un secrétariat qui s'occupe précisément du genre de chose qui vous mobilise? Et si cette union sociale veut informer régulièrement la population sur ce que nous faisons dans ces dossiers, et si nous voulons faire disparaître cette attitude paternaliste qui fait que nous vérifions si les provinces font bien les choses étant donné que tout cela est considéré comme bien autre chose qu'un simple mécanisme de rapport à la population sur les progrès accomplis par tous les paliers de gouvernement, comment cela pourrait-il fonctionner sans secrétariat, sans politique ou sans système de mesure adapté à ce que nous mesurons et à la façon dont nous le mesurons et qui nous permet d'avoir la garantie que les choses sont mesurées partout de la même façon?

Je pense que vous avez été extrêmement utiles au processus de d'union sociale mais, pendant cette phase suivante, ne devrions- nous pas, en tant que parlementaires, insister pour qu'il y ait un secrétariat un peu plus officiel? Nous n'avons que trois ans pour prouver que cela peut fonctionner, que pouvons-nous donc faire pour que cette union sociale robuste que vous espérez soit effectivement présente?

Mme Judith Maxwell: Je pense qu'au bout du compte, si nous voulons vraiment un engagement ferme à l'endroit d'une cogestion de cette interdépendance en matière de politique sociale, il faudra effectivement des secrétariats, un appareil un peu plus complet.

Mme Carolyn Bennett: Pour en revenir à ce que disait Christiane au sujet d'une charge de commissaire à la pauvreté, il faudrait effectivement un secrétariat qui s'occupe des questions de pauvreté, de l'enfance et de la santé, et on finirait par...

Mme Judith Maxwell: Oui, mais dès qu'on commence à multiplier tous ces éléments, beaucoup de gens s'insurgent à l'idée que vous créez ainsi un nouvel ordre de gouvernement, ce qui arrête automatiquement toute l'entreprise. Je pense qu'il doit s'agir d'un processus évolutif étant donné que l'officialisation excessive de tout ceci, c'est-à-dire la création d'un nouvel ordre de gouvernement, suscite beaucoup d'opposition.

Je pense qu'à court terme, on pourrait procéder de deux manières. Tout d'abord, il pourrait y avoir un groupe de travail composé de fonctionnaires au service d'un conseil ministériel. Ces gens pourraient, du moins je l'espère, être libérés de leurs tâches quotidiennes afin de pouvoir s'y consacrer de façon plus intensive. Une autre possibilité qui s'offre toujours dans l'accord-cadre est l'intervention d'une tierce partie qui aurait pour mandat de commencer à faire bouger les choses.

Cela étant, comme le dossier de l'enfance nous préoccupe, nous en ferions probablement l'un des tous premiers éléments susceptibles de bénéficier de ce genre de traitement. Je pense que les premiers ministres, ou encore le conseil ministériel, dotés de préférence d'un mandat des premiers ministres, vont devoir effectuer des choix quant aux secteurs dans lesquels ils vont investir, quant au secteur qui va prendre la tête. Cette innovation doit survenir, me semble-t-il, au niveau sectoriel.

S'agirait-il de la santé, s'agirait-il de l'enfance, s'agirait-il...

Mme Carolyn Bennett: Des handicaps.

Mme Judith Maxwell: ... des handicapés? Il y a plusieurs candidats possibles et, étant donné la fragilité de la structure, il y a probablement aussi un nombre limité de dossiers qui pourraient être ainsi pris en compte à court terme. Tout cela doit donc être considéré pour l'instant comme autant d'éléments constitutifs. Il vous faudra donc, j'imagine, faire un choix judicieux, étant donné que vous voudrez avoir une assise solide qui vous permettra de passer à l'étape suivante.

Mme Carolyn Bennett: Obtenez-vous un concours financier du gouvernement fédéral?

Mme Judith Maxwell: Oui, un concours important.

Mme Carolyn Bennett: Vous en faudrait-il davantage?

Mme Judith Maxwell: Il nous en faut toujours davantage.

Le président: Pensez-vous que les impôts soient trop élevés? Peu importe.

Madame Davies.

Mme Libby Davies: Merci, je voulais revenir à quelque chose que vous avez dite un peu plus tôt, en l'occurrence cette contradiction atroce que nous constatons lorsque nous disons d'une part que nous voulons valoriser le choix des parents qui préfèrent rester à la maison pour élever leurs enfants, alors que la politique gouvernementale semble aller en sens contraire et contraindre les gens à travailler alors même qu'ils préféraient peut-être avoir d'autres choix.

Mais pour en revenir à la prestation fiscale pour enfants, pour moi il s'agit d'une horrible contradiction, d'un piège auquel tout le monde se laisse prendre. Vous avez dit vous-même que l'objectif était ici de faire échapper les enfants à l'assistance publique. D'accord? Et dans la hiérarchie des choses, effectivement, cela conduirait à quelque chose de mieux. Mais il me semble que ce que nous entendons beaucoup de nos jours, c'est que lorsqu'on est pauvre et assisté social, on est montré du doigt, un peu comme si on avait une tare. Nous devons vous donner quelque chose qui vous incite à réintégrer le monde du travail, ne serait- ce qu'en occupant un emploi au salaire minimum. En fait, ce que nous allons faire, c'est subventionner le marché. Mais si vous restez à la maison et si votre conjoint travaille et gagne bien sa vie, à ce moment-là vous devriez pouvoir choisir et peut-être faudrait-il pour cela changer le système fiscal. Ce que je veux dire par là c'est que les contradictions sont vraiment horribles.

• 1640

Mme Judith Maxwell: Je suis d'accord.

Mme Libby Davies: Ainsi donc, si nous voulons offrir un véritable choix, et égaliser les chances pour tous, comme vous le dites si bien, ce qui est excellent d'ailleurs, cela veut dire que pour un pauvre, pour quelqu'un qui élève seul ses enfants, c'est à peu près à coup sûr l'assistance sociale—si vous êtes riche, vous n'avez pas autant de mal à effectuer ce genre de choix—comment donc créer cet environnement propice face à des choses comme la prestation fiscale pour enfants, dont le message, sans cesse répété, est que si vous êtes pauvre, c'est vous le problème? Nous devons trouver le moyen de vous encourager à vous en sortir et donc de vous offrir un emploi au salaire minimum. Je ne pense pas que nous ayons vraiment fait face à cette réalité. Nous n'avons pas encore discuté du programme à adopter, mais la réalité est là, elle nous saute aux yeux. Comment offrir cet environnement, en particulier aux parents célibataires à faible revenu, si nous voulons leur donner ce genre de choix? Car il est évident que ces gens devraient également avoir le choix.

Mme Judith Maxwell: Écoutez, je dois vous dire d'abord que, j'en conviens avec vous, ces contradictions existent et elles semblent profondément enracinées dans la mentalité canadienne, étant donné que dans tous les groupes cibles et dans tous les groupes de discussion communautaires que nous avons organisés, c'est une question qui revient sans cesse. C'est quelque chose qui est au centre du débat. Et la véritable question est... en fait, il y en a deux.

Tout d'abord, du point de vue de la politique officielle, faut-il aller à contre-courant et se contenter de choisir d'aller dans telle ou telle direction, ou s'agit-il d'un genre d'obligation? En second lieu, à quel genre de réflexion ou de délibération la population doit se livrer avant d'arriver à comprendre le caractère punitif de cette attitude et à quel point cela est déplacé si vraiment c'est la santé de l'enfant qui nous intéresse au premier chef, comme cela devrait à juste titre être le cas selon vous et moi?

Pour ce qui est de la prestation fiscale pour enfants, il faut dire, me semble-t-il, qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction étant donné que la mère l'aura toujours, quel que soit son choix. Il faut espérer qu'on pourra l'améliorer au fil des années.

Cela mis à part, nous avons effectué en Colombie-Britannique une petite étude pour tenter de déterminer comment 25 familles arrivaient à composer avec les exigences combinées du milieu du travail et du milieu familial. À peu près la moitié des familles bénéficiaient de mesures de soutien du revenu et le tiers environ étaient des familles monoparentales. Fait assez intéressant, plusieurs de ces familles monoparentales étaient florissantes, tout en bénéficiant de mesures de soutien du revenu. Et l'assurance d'un revenu stable était justement l'un des aspect qui expliquait cette situation. En Colombie-Britannique, à l'époque de l'étude notamment, peu de pressions incitaient la mère à aller travailler. Les enfants étaient d'âge préscolaire. Également, la situation des familles était florissante en raison du fait que les grands-parents participaient pleinement à la vie des enfants. Si on avait besoin de se déplacer, on pouvait compter sur un chauffeur. On avait également accès à des services de garde d'enfants. La famille bénéficiait de toutes sortes de mesures de soutien très concrètes. Le soutien du revenu était essentiel pour la mère, mais le soutien de la famille élargi l'était tout autant.

• 1645

On pourrait surmonter les contradictions que vous avez si bien décrites en mettant l'accent sur certains types de soutien communautaire ou de services d'aide qui sont essentiels à l'épanouissement des familles, même si on n'arrivait pas à sortir de l'impasse politique. Il pourrait être plus facile pour la mère d'aller travailler si toute une série de mesures de soutien étaient en place.

Le président: Les angoisses et les perturbations viennent peut-être en grande partie du fait que nous ne savons pas faire la distinction entre la politique d'emploi et la politique sociale. Et ce qui sème encore davantage la confusion c'est que, sur le plan de la politique sociale—comme vous l'avez dit—le revenu gagné est celui qui est le plus valorisé. Nous attachons donc une très grande valeur à l'emploi et à la nature des sources de revenu. Nous n'avons pas vraiment réussi à concilier les deux.

Dans le cadre du débat sur la productivité, nous pouvons constater la possibilité d'une conciliation étant donné que la qualité de vie d'une population se reflète sur sa productivité en longue période. Cependant, à court terme, alors que les choix semblent plus tranchés, voilà à mon avis qui prête à confusion. Il semble que la politique de l'emploi l'emporte sur la politique sociale, comme l'a signalé Libby. Voilà le commentaire que suscite chez moi vos observations.

Pour en revenir à ce que disait Christiane, ce qui caractérise la question sur le plan structurel—et je vous renvoie à l'excellent livre qui est là à côté de vous—c'est qu'il s'agit d'un problème typique de la fin du XXe siècle, comme les sans-abri ou le réchauffement planétaire. Pour ce qui est de la dimension horizontale du problème au sein de l'appareil gouvernemental—j'ai en main une recherche d'où il ressort que 16 ministères administrent 35 programmes qui ont trait aux enfants. Il s'agit par ailleurs d'un problème où les distinctions en honneur au siècle passé, sur le plan constitutionnel—et ici je ne me hasarderai pas à dire à Mme Gagnon si cela est avantageux ou non, mais j'ai ma petite idée là-dessus... Donc, il s'agit également d'un problème qui établit clairement des distinctions claires entre ce que la province est censée faire, ce que le fédéral est censé faire, et peut-être aussi ce que les collectivités et les parents sont censés faire. Et tout cela ne correspond pas du tout à la nature du problème qui, de par sa structure même, implique une intervention intégrée et concertée.

Si nous voulons faire de la question des enfants une question strictement d'ordre provincial, cela ne fonctionne pas, puisque cela devient trop compliqué. L'ensemble des facteurs explicatifs et mobilisateurs ont des dimensions horizontales aussi bien que verticales, si vous me permettez de l'expliquer de cette façon.

Ainsi, dans le cadre de votre travail—et je pense que vous êtes bien placée comme tierce partie indépendante—comment arrivez- vous à formuler une théorie unifiée qui intègre aussi bien les dimensions horizontales que verticales et qui vous permet, en dépit de la complexité de la situation, de formuler des indicateurs, des résultats souhaitables et des schèmes de responsabilisation? Et je vous prie de me le dire en 30 secondes environ!

Mme Judith Maxwell: Permettez-moi de vous dire comment cela peut se faire à petite échelle. Pour le projet dont je vous ai parlé, les travaux ont bénéficié en bonne partie de l'aide et des conseils d'un comité consultatif qui englobe l'aspect horizontal aussi bien que vertical, composé de représentants allant de la collectivité au gouvernement fédéral, issu de toute une série de disciplines et d'institutions—des chercheurs du monde universitaire, des défenseurs des droits sociaux, des fonctionnaires des gouvernement fédéral et provinciaux, etc.

À petite échelle, on peut réunir dans une même salle des gens qui représentent toute une gamme d'intérêts, qui sont tous soucieux du bien-être des enfants et des familles, et il peut en résulter un dialogue très constructif. Nous sommes également en train de rédiger un document qui s'intitule «Governance and Accountability for Child and Family Policies».

Le président: Quand prévoyez-vous qu'il sera prêt?

Mme Judith Maxwell: Je ne pense pas qu'il sera publié avant le mois de juillet, mais nous aurons un document de travail à vous soumettre avant cette date.

On y voit bien l'opposition entre les dimensions verticale et horizontale, de même que les efforts déployés à chaque palier de compétence pour composer avec cette réalité. Certaines provinces ont maintenant intégré en un seul ministère tous les services à l'enfance de leurs divers ministères. D'autres ont créé des mécanismes de coordination. Elles ont créé des conseils consultatifs qui ont une perspective d'ensemble et qui peuvent donner des conseils à l'assemblée législative ou à un ministre.

• 1650

On cherche véritablement à trouver des solutions. Les modèles de gestion publique foisonnent. Je ne sais pas où tout cela va nous mener, mais nous aurons peut-être quelques propositions à formuler lorsque nous aurons terminé le document en préparation actuellement.

Donc,—en 30 secondes—la question est tout à fait d'actualité. Nous nous efforcerons de l'aborder dans notre rapport final, sans oublier la dimension fédérale-provinciale.

Le président: Voilà qui me semble fort utile. Votre exposé nous a donné beaucoup de matière et de commentaires très utiles à toutes les étapes.

Maintenant, je demande aux membres du comité de me permettre de leur signaler qu'ils ont sous les yeux un document préparé par les recherchistes. Je leur demanderais d'en prendre connaissance et d'y réfléchir. Le document fait le point, en fin de compte, sur nos activités antérieures et sur nos orientations possibles. Si vous avez des commentaires, veuillez me les transmettre ou les transmettre aux recherchistes d'ici la semaine prochaine. Nous pourrons prévoir un peu de temps après l'audition de nos témoins la semaine prochaine pour en parler.

Mme Libby Davies: Il me semble préférable pour nous d'en discuter. Je veux dire que nous pourrions transmettre tous des commentaires...

Le président: Oh, non. Nous allons en parler, avec votre indulgence, à la fin de notre séance sur l'Ontario et le Québec la semaine prochaine. M. Fraser Mustard va comparaître et

[Français]

deux témoins du Québec, qui sont...

Mme Sandra Harder (attachée de recherche auprès du comité): Jocelyne Tougas et Daniel Tremblay.

Le président: Mme Gagnon nous a recommandé d'entendre ces deux témoins.

[Traduction]

Donc, je vous remercie beaucoup et à la prochaine. Nous allons rester en contact.

[Français]

La séance est levée.