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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 17 février 2000

• 0908

[Traduction]

Le président (M. Joe Fontana (London-Nord-Centre, Lib.)): Bonjour, chers collègues.

Conformément à l'article 110 et au paragraphe 111(4) du Règlement, nous nous réunissons ce matin pour examiner la nomination par décret du conseil de M. Peter Showler, C.P. 1999 à 2018—je ne sais pas ce que cela veut dire—et conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, étudier le rapport sur le rendement de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour la période se terminant le 31 mars 1999.

M. Showler étant ici, nous pouvons probablement faire les deux.

Monsieur Showler, monsieur Palmer et madame Senécal, bienvenue.

Bon anniversaire aussi, monsieur Showler, si je ne me trompe. J'espère que nous en tiendrons compte dans les questions que nous vous poserons mais il n'y a aucune garantie ici. Vous êtes là pour le meilleur ou pour le pire.

Des voix: Oh, oh!

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): De toutes façons, ce sera mémorable.

Le président: Certainement, d'une façon ou d'une autre, comme dit Léon.

• 0910

Nous allons vous écouter. Nous avons reçu votre discours. Il sera intégré à nos délibérations. Nous demandons en général aux témoins d'essayer de simplement résumer parce que nous préférerions que vous ne dépassiez pas 10 minutes pour que nous ayons le temps de vous poser pas mal de questions.

Encore une fois, bienvenue, et félicitations pour votre nomination.

M. Peter Showler (président, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Merci beaucoup. C'est en effet mon anniversaire et j'espère que vous serez gentils avec moi. Évidemment, nous avons aussi des choses à faire aujourd'hui.

Tout d'abord, je voudrais vous présenter Mme Senécal, directrice exécutive de la Commission et Philip Palmer, avocat général principal de la Commission. Ils sont l'un et l'autre ici avec moi aujourd'hui.

Pour ce qui est de ma nomination, vous avez déjà reçu ma notice biographique si bien que vous savez un peu où j'en suis. Je ne vais certainement pas vous relire cela. Je vous dirai toutefois seulement que lorsque je suis arrivé à la Commission il y a six ans, à titre de commissaire à la section du statut de réfugié, je m'intéressais beaucoup aux questions de recherche, à d'autres éléments de cette commission et ne me suis pas limité aux séances. Je me suis surtout consacré à la gestion des cas et à l'efficacité de la Commission.

Pendant des années, j'ai été dans la salle d'audience à Ottawa. Après quoi, je suis devenu directeur du comité du personnel. Je me suis avant tout préoccupé des questions de formation professionnelle à la fois des membres et des agents chargés des revendications du statut de réfugié.

J'ai dit à tous les membres et à tout le personnel de la Commission depuis que j'ai assumé la présidence, que je me considérais comme un président sorti du rang parce que la salle d'audience est vraiment le rang pour la Commission. C'est là que nous prenons nos décisions, c'est là que nous entendons les témoignages et c'est là que nous en arrivons à nos conclusions. C'est donc dans cet état d'esprit que je considère mon rôle de président.

Avant de parler de notre rapport sur le rendement de façon générale, vous verrez dans le discours que vous avez sous les yeux que je voulais signaler quatre grandes réalités de la vie d'un commissaire dans la salle d'audience.

M. Fontana m'a dit ce matin que plusieurs membres du comité en sont membres depuis longtemps si bien que vous savez comment fonctionne la Commission. J'en suis convaincu. Mais on parle souvent des travaux de la Commission sous l'angle du nombre de réclamations réglées et de décisions précises rendues par mois, ou par année, soit 25 000, ou de délais, 9,3 mois, ou encore du nombre de cas étudiés par semaine par la division des appels. J'aimerais nous ramener à ce qui se passe quotidiennement à la salle d'audience. Je vous parlerai de la section du statut de réfugié parce que c'est celle que je connais le mieux.

Chaque jour, dans la salle d'audience, le commissaire se trouve en face d'un revendicateur qui a une histoire assez horrible à raconter. Il s'agit souvent de viol, meurtre, pillage, mort, menaces de mort, brutalités vis-à-vis de leurs parents proches, de leurs voisins ou des membres de leurs tribus. C'est souvent une histoire très bouleversante.

Bien entendu, le travail du commissaire est de déterminer si l'histoire est vraie ou non. En entendant l'histoire, il n'est pas toujours forcé d'entendre les détails précis de la torture. Ce qu'il faut, c'est d'une certaine façon entrer dans l'intimité de l'histoire pour entendre les détails précis de la vie de cette personne. Un type de relation en découle.

La deuxième réalité du commissaire—et celle-ci est agréable—c'est de pouvoir, à la fin de l'audience, dans certains cas, dire «Oui, vous êtes en sécurité, vous êtes protégé, ce pays vous offre l'asile».

Ce n'est d'ailleurs pas simplement agréable, c'est un privilège. Tous les commissaires en sont parfaitement conscients. On entend non seulement des gens parler de leur misère et de leurs souffrances mais on apprend aussi à les respecter. Beaucoup de réfugiés ont un sens extraordinaire de la dignité personnelle et font preuve d'énormément de courage. C'est ainsi qu'ils ont réussi à survivre et à venir au Canada. C'est souvent donc une expérience très agréable et je le signale parce que pour beaucoup de commissaires, c'est ce qui leur permet de continuer.

Je vais vous donner un exemple, certains commissaires viennent de revenir de cinq semaines d'audiences à Prince George pour entendre les revendications de réfugiés chinois. Si vous avez suivi les statistiques à ce sujet, vous savez qu'il y a eu jusqu'ici quatre décisions positives et plus de 150 décisions négatives. Sans vouloir préjuger de l'avenir, on s'attend évidemment à ce que la grande majorité des autres soient aussi négatives.

Le problème est qu'il est difficile de dire non tous les jours. Ces commissaires ont fait leur devoir. Les statistiques le prouvent.

• 0915

Quand on entend ces histoires jour après jour, toutefois, même si l'on décide qu'elles sont fausses, c'est souvent très difficile parce que la troisième réalité est que vous dites souvent non aux réfugiés, que vous estimez qu'ils ne sont pas des réfugiés et qu'ainsi les revendications sont frauduleuses. Or, souvent ce n'est pas le cas. Ils ont souvent fui la misère et l'oppression mais c'est une question de pauvreté. Ils ont souvent menti quant à leur situation ou l'ont exagérée. Donc, même si certains éléments de la revendication sont très difficiles à entendre, à la fin, on la rejette.

Évidemment, il y a aussi les cas où les revendicateurs non seulement fabriquent de toutes pièces leur histoire et viennent de pays où il y a beaucoup d'oppression et appartiennent à la classe de gens qui ont bénéficié de cette oppression. Nous savons qu'il y en a beaucoup. C'est la raison pour laquelle ils ont l'argent et les moyens de venir ici.

Enfin, dans les cas les pires, vous entendez quelques fois des revendicateurs vous raconter une histoire et vous finissez par conclure qu'ils ne sont pas les persécutés mais les persécuteurs. La raison pour laquelle ils témoignent si bien et décrivent la torture dans tous ses détails est qu'ils étaient là, en effet, mais de l'autre côté. Bien que dans la plupart des cas ce soit très difficile à prouver, on peut certainement tirer cette conclusion.

La dernière réalité que je veux mentionner est la difficulté de distinguer entre le vrai et le faux revendicateur. Dans la majorité des cas, il y a des extrêmes de part et d'autre qui sont tout à fait évidents, même dans les documents fournis, on en arrivera certainement à une décision positive. Il y a aussi des situations où l'on est assez certain que la décision sera négative parce qu'ils n'ont pas d'arguments. La grande majorité des cas, toutefois, se situe au milieu, dans la zone grise.

Le rôle du commissaire est d'écouter attentivement tout cela, d'y réfléchir et, en définitive, de tirer une conclusion. Habituellement, ces conclusions sont fondées sur la crédibilité.

Je voulais simplement vous signaler ces réalités de la salle d'audience parce que c'est ce à quoi sont confrontés les commissaires non pas une fois, ni deux fois, mais plutôt six ou sept fois par semaine. Cela peut être lassant, très exigeant.

Si je dis cela, ce n'est pas pour que l'on soit moins exigeant vis-à-vis de la Commission car nous savons que l'autre considération est que tout cela prend trop de temps. Les décisions doivent être prises plus rapidement qu'elles ne le sont. Cela préoccupe beaucoup les Canadiens et le Parlement et nous en sommes très conscients.

Nous avons essayé de prendre un certain nombre d'initiatives ces dernières années pour améliorer notre rentabilité, pour améliorer notre gestion de cas. Je les ai indiquées dans mon texte, du moins pour les principales.

Tout d'abord le processus accéléré. Nous savons qu'il nous faut trouver les cas soi-disant faciles pour prendre une décision rapide. Nous avons toujours du mal à savoir comment y parvenir mais là où nous avons sensiblement amélioré les choses, c'est que lorsque nous avons découvert les cas faciles, nous avançons beaucoup plus rapidement qu'avant.

Le gestion de cas est quelque chose de très important pour nous. Nous essayons de trouver de meilleures façons non seulement de découvrir ces cas mais également de faire avancer les dossiers plus rapidement. J'y reviendra tout à l'heure.

La priorité de traitement est devenue quelque chose d'important. Nous avons un mandat et une entente avec le ministère de l'Immigration pour traiter en priorité la revendication des personnes détenues et des mineurs. De même que les cas découlant de nouveaux phénomènes comme de grands afflux à Toronto de revendicateurs de certains pays comme le Chili ou le Tibet. L'exemple le plus connu est évidemment celui des revendicateurs chinois arrivés par bateau sur la côte Ouest.

Bien que les défis aient été nombreux, je dois vous dire que nous avons aussi remporté beaucoup de victoires. Nous en sommes aujourd'hui à la dernière audience à Prince George. Sur près de 500 revendications qui ont été renvoyées à la Commission en juillet, août et septembre, à l'exception de 10, qui, du fait de complexité, seront entendues à Vancouver, elles ont toutes été entendues. Nous avons encore certaines décisions à rédiger mais les revendications ont toutes été entendues.

En réalité, la Commission a donc fait ce qu'elle a dit qu'elle ferait—à savoir de traiter la grande majorité de ses revendications en six mois. À l'exception de ces 10 revendications qui restent en suspens la dernière est prévue pour le 27 mars. Nous avions dit que nous terminerions d'ici à la fin mars et c'est bien ce que nous entendons faire. Je crois que c'est le meilleur exemple que nous puissions donner jusqu'ici de la priorité donnée au traitement de certains cas.

• 0920

Je suppose évidemment que vous aurez d'autres questions à nous poser sur les revendications de ces réfugiés de la mer chinois.

J'ai fait rapidement allusion dans mon document à d'autres domaines et je n'entrerai pas dans les détails parce que vous allez me poser des questions. Il y a les motifs donnés de vive voix, les cas types et un mode alternatif de règlement des conflits à la section d'appel. Nous pourrons parler de beaucoup d'autres initiatives que nous avons prises.

Il me faut toutefois passer à d'autres nouvelles. Nous avons fait de grands progrès, et vous noterez à la page 5 de mon document les domaines dans lesquels nous avons effectivement réalisé des progrès. Le plus gros est certainement dans le délai de traitement. Dans le rapport initial, nous en étions à 13,2 mois. En 1998-1999, qui fait l'objet de notre rapport, c'était passé à 11,9 mois. À la fin de décembre 1999, c'était tombé à 9,3 mois. C'est donc une nette amélioration. Il y a d'autres domaines dans lesquels la situation s'est également améliorée qu'il s'agisse du traitement des cas plus anciens ou du traitement des désistements.

Malheureusement, nous éprouverons de la difficulté à maintenir ce rythme, car cette année, le nombre de dossiers a augmenté de 25 p. 100 et ce essentiellement au cours des six derniers mois de l'année, soit depuis juin. L'augmentation la plus marquée est survenue au troisième trimestre, c'est-à-dire entre octobre et décembre.

Nous sommes maintenant aux prises avec l'idée qu'au début de l'année, nous espérions réduire le nombre de revendicateurs en instance d'environ 23 000 à 18 000. Pour nous, c'est un genre de chiffre magique, parce que cela représente en fait l'arriéré. Cela fait, nous pourrons vraiment réduire le temps de traitement des dossiers, parce que nous n'aurons plus que de nouveaux dossiers. Nous n'aurions pas à traiter les dossiers qui sont déjà en instance depuis deux, trois ou quatre mois. Avec l'augmentation de ces dossiers à cause de l'augmentation des revendications, cela signifie que de plus en plus de dossiers restent en instance et nous commençons à en payer le prix parce que le temps de traitement des cas augmente.

Cela nous préoccupe énormément. Je vous ai donné quelques idées sur la façon dont nous avons l'intention de faire face à la situation, parce qu'il ne faut pas faire du sur-place. Il nous faut redoubler nos efforts et encore et faire mieux que maintenant.

Pour essayer d'accélérer les choses, nous allons d'abord intervenir au niveau de la gestion des dossiers d'une façon beaucoup plus agressive. À l'heure actuelle, nous mettons en oeuvre un nouveau système de gestion des cas à Toronto et à Montréal. Ils sont d'une conception légèrement différente, mais les deux visent la même chose: grâce à ces systèmes, on tente de découvrir le plus tôt possible les dossiers faciles à régler afin d'accélérer leur étude et même les dossiers à rejeter afin de les traiter plus rapidement. Nous avons donc beaucoup fait sur ce plan-là.

Je mentionne dans le mémoire qu'à mon avis il nous faut améliorer les compétences de nos commissaires. Je suis tout à fait disposé à vous faire part des initiatives de formation et de quelques changements dans la procédure de nomination et de renomination des commissaires. Ce sera tout particulièrement prioritaire si nous finissons par adopter le système d'un seul commissaire. Vous avez entendu la ministre parler de confier la tâche à un seul commissaire. Elle a déclaré publiquement qu'elle aimerait adopter cette voie.

Dans le régime actuel, nous pouvons avoir recours à un seul commissaire que si l'avocat y consent. Nous avons augmenté ce genre d'audience considérablement et 40 p. 100 des dossiers sont maintenant examinés par un seul commissaire. Nous avons donc cherché des façons de le faire.

L'examen par un seul commissaire est une façon beaucoup plus productive et efficace de trancher. Par ailleurs, s'il y a modification à la loi, ce qui entraînerait l'examen d'environ 90 p. 100 des dossiers par un seul commissaire, il nous faudra certainement améliorer la compétence des commissaires et trouver une façon de mieux appuyer nos décisionnaires.

Dans le mémoire, je mentionne brièvement la question des recours internes. La ministre nous a demandé de la conseiller sur cette question, ce que nous avons fait. Nous lui avons certainement dit que si l'on adopte la méthode d'un seul commissaire, ce qui pourrait susciter des préoccupations sur le plan de l'uniformité et de la qualité de la prise de décisions, une façon de contourner la difficulté, c'est de mettre en place un mécanisme de recours interne. Nous avons proposé des façons de le faire sans accroître le temps de traitement de la revendication, ce qui est un facteur très important. Je serais très heureux de répondre à des questions sur ce sujet.

Nous avons certainement fait savoir à la ministre que le processus de prise de décisions serait beaucoup plus efficace si la décision était prise par un seul commissaire et que la Commission mettait en place un processus de recours interne.

• 0925

Voilà les points principaux du mémoire, le fil principal. Je pense que des défis énormes nous attendent, surtout si le nombre des demandes augmente, et je peux vous dire que nous ne prévoyons pas que cela s'arrêtera bientôt. Le nombre accru de demandes provient de pays prévisibles, de pays traditionnels et se retrouve partout au Canada, pas dans un seul bureau en particulier.

Nous sommes très conscients du défi et nous voulons trouver toutes les façons possibles d'être plus productifs. Si nous estimons avoir essayé tous les moyens à notre disposition pour devenir plus productifs, sans succès à cause de l'augmentation de la charge de travail, il faudra évidemment, à un moment donné, revenir au Parlement pour demander plus de ressources. Pour l'instant, ce n'est pas la première solution qui nous vient à l'esprit.

Je serais très heureux de répondre à vos questions. Merci.

Le président: Merci, monsieur Showler.

Vous voyez, vous êtes déjà sur la bonne lancée le jour de votre anniversaire. Je vous ai accordé quinze minutes et demie. En général, je suis beaucoup plus sévère avec les témoins.

M. Peter Showler: Je m'excuse. J'avais dit que je prendrais cinq minutes.

Le président: Ça ne fait rien.

Vous savez certainement, j'en suis persuadé, que parce que les représentants de la CISR ont comparu ici au moins quelques fois, le comité a décidé d'entreprendre une étude du processus de détermination du statut de réfugié dans le cas des migrants clandestins. Vous constaterez peut-être que certaines des questions, sur ce que vous pensez et d'autres questions semblables... nous entendons nos derniers témoins et sommes sur le point de présenter un rapport au Parlement et à la ministre. Le moment de votre comparution, non seulement à cause de votre nomination et de votre performance, mais aussi à cause de l'étude que nous faisons, me porte à croire que nous aurons une réunion des plus productives. Je tiens à remercier Phil et Mme Senécal de leur présence ici aussi.

Monsieur Benoit, vous avez dix minutes.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.

Bonjour à tous. Je suis très heureux de vous voir ici.

Votre tâche est importante. Dans votre exposé ici ce matin, vous avez souligné à quel point la tâche est difficile parce que vous traitez avec des personnes réelles qui sont parfois dans des situations presque incroyables. Ce sont des situations incroyables pour la plupart des Canadiens assurément, car la plupart d'entre nous n'avons jamais vécu le genre de choses que vous et vos commissaires doivent entendre quotidiennement. Je ne saurais trop répéter à quel point ce que vous faites est important.

Je tiens également à dire que j'ai l'impression qu'il y a eu des améliorations à la Commission ces cinq dernières années, d'après ce que j'ai entendu. Je pense que vous êtes sur la bonne voie mais qu'il vous sera difficile de maintenir le rythme et faire face aux situations que vous risquez de rencontrer.

Nous sommes probablement nombreux à avoir vu le documentaire hier soir sur le Sierra Leone. À voir ce genre de choses, on comprend qu'il faut des pays de par le monde, y compris le Canada, pour offrir refuge. Évidemment, vous êtes confrontés à ce genre de situation tous les jours.

Il y a également les immigrants chinois qui sont venus, à compter de juillet. Vous avez dit à quel point il était difficile de traiter avec des gens qui sont ici pour améliorer leur sort mais qui ne sont pas admissibles au statut de réfugié. Je comprends la difficulté de ce genre de décisions et à quel point votre travail est important.

J'ai souvent déclaré que si j'étais dans une situation semblable à celle des migrants chinois, je ferais probablement la même chose. Je présume que je tenterais moi aussi d'améliorer ma situation.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): On vous renverrait.

M. Leon Benoit: Ce qu'il faut toutefois, c'est trouver un équilibre entre la sécurité des Canadiens et différents types de coûts pour le Canada. Voilà la tâche difficile que vous avez, je m'en rends bien compte.

J'aimerais simplement commencer par vous demander si vous pouviez obtenir que le gouvernement modifie deux choses pour vous faciliter la tâche, lesquelles choisiriez-vous?

Le président: Voulez-vous vraiment dire «faciliter?»

M. Leon Benoit: Faciliter ou accélérer.

M. Peter Showler: Je vais répondre parce que j'y ai déjà réfléchi et la ministre en a parlé.

Évidemment, c'est au Parlement d'apporter les changements qu'il juge opportuns, mais à mon avis, en ce qui concerne le système... nous avons donné ce conseil uniquement à la ministre; évidemment, il y a d'autres considérations. C'est un modèle théorique.

Si vous avez un système de prise de décisions par un seul commissaire, accompagné d'un mécanisme de recours interne, c'est beaucoup plus efficace. Lorsque je parle d'efficacité, on parle souvent de vite et juste, et parfois les gens pensent que cela signifie que parfois c'est vite et parfois c'est juste. Mais je pense qu'un tel système serait en fait vite et juste.

• 0930

Un commissaire unique pourrait de nombreuses façons, en supposant un traitement préalable beaucoup plus tôt et avec renvoi immédiat à la Commission ou consolidation de la prise de décisions—ce que la ministre a recommandé—s'avérer une solution beaucoup plus efficace. Il est extrêmement compliqué sur le plan de l'horaire d'avoir deux commissaires. C'est très difficile à comprendre. Lorsqu'un commissaire siège avec quelqu'un d'autre, on se retrouve très rapidement dans l'impossibilité d'avoir des horaires. La Commission aurait ce problème depuis des années.

Donc si les décisions sont prises par un seul commissaire et qu'en même temps vous avez un processus de recours interne—c'est-à-dire un appel par écrit...

M. Leon Benoit: Comment envisagez-vous le fonctionnement du processus de recours interne? Prévoyez-vous que le nombre d'affaires portées en appel devant la Cour fédérale demeure aussi élevé ou pensez-vous que grâce à un recours interne, la majorité des affaires seraient rejetées?

M. Peter Showler: Dans le modèle théorique, nous conseillons un appel sur dossier pour des questions de fait et de droit. Il s'agirait d'un appel normal fondé sur les fait et la loi. L'appel ne porterait que sur les éléments de preuve déjà entendus. Le comité d'examen, le comité d'appel n'entendrait aucun témoignage direct. En effet, si on entendait des témoins, cela ajouterait beaucoup trop de temps à l'étude de l'appel.

On pourrait juger du bien-fondé de l'affaire. On serait en mesure de le faire d'une façon beaucoup plus ciblée que la Cour fédérale et évidement, la norme est très élevée puisqu'il ne s'agit pas d'un recours judiciaire mais bien d'un appel intégral. À mon avis, c'est possible. Le comité d'examen serait composé de commissaires qui ont au moins cinq ans d'expérience à la Section du statut de réfugié. Il s'agirait donc de commissaires expérimentés qui seraient aussi spécialistes du pays de l'immigrant. Je ne saurais trop souligner à quel point un spécialiste du pays fait la différence, surtout au niveau de l'examen. Je pense qu'un tel système pourrait fonctionner.

Quant à s'adresser à la Cour fédérale, les liens juridiques n'ont jamais fonctionné au pays en ce sens qu'on ne peut jamais vraiment exclure totalement la révision judiciaire. C'est toutefois mon plus grand espoir que si nous avions un vrai système d'appel... Et je dois dire qu'il est recommandé ou suggéré que dans les 30 jours après la décision sur l'appel, si l'appel est rejeté, la personne devienne expulsable. Et il faudrait donc s'adresser à la Cour fédérale pour obtenir un sursis. À mon avis, la Cour fédérale s'en remettrait tout à fait à l'expertise des commissaires et de la division des appels, dans la grande majorité des cas. Évidemment, c'est pure conjecture de ma part.

M. Leon Benoit: Cela me semble tout à fait raisonnable. C'est quelque chose que j'ai demandé tout comme mes collègues avant moi. Ça semble une façon pratique d'accélérer le processus et de le rendre plus performant.

C'était la première...

M. Peter Showler: Si vous le permettez, j'aimerais vous mettre au courant d'autre chose. S'il y a une division des appels, on pourrait avoir des décisions qui établissent un précédent, ce qui permet de choisir des questions particulières.

À l'heure actuelle, la Commission est saisie de questions qui n'ont jamais été réglées. La Cour fédérale, comme tribunal de première instance, ne donne pas le genre de jurisprudence que nous aimerions avoir. Si nous pouvions définir les décisions qui établissent des précédents et confier ces cas à des groupes de trois commissaires de la division des appels, je pense que nous aurions un régime beaucoup plus cohérent de jurisprudence à l'intention de nos décideurs. Il faudrait deux ou trois ans, mais le résultat permettrait d'avoir des décisions plus rapides et plus justes en début de procédure.

M. Leon Benoit: Bien, venons-en aux chiffres, quitte à changer l'ordre de mes questions.

Le temps de traitement a diminué dans presque tous les cas, mais de toute évidence, le nombre des désistements et des retraits augmente, ce qui fausse un peu les apparences. Généralement, les dossiers abandonnés ou retirés font gagner du temps, et si on les inclut dans la moyenne, le résultat final s'améliore, mais en fait, ce sont des situations qui n'ont pas été traitées. Les personnes concernées sont vraisemblablement toujours au Canada et bien qu'elles n'aient pas été acceptées en tant que réfugiés, elles vivent ici et ont obtenu toutes sortes d'avantages accordés aux réfugiés.

Quel est l'effet réel des désistements sur les chiffres et que proposez-vous pour faire apparaître ces chiffres par rapport à l'ensemble des dossiers? Vous savez que notre taux officiel d'acceptation était d'environ 44 p. 100 l'année dernière, comme l'indiquent les statistiques. En réalité, près de 80 p. 100...

M. Peter Showler: Je dois admettre que nous en sommes maintenant à 48 p. 100.

M. Leon Benoit: En réalité, près de 80 p. 100 de ces gens-là sont autorisés à rester. Autrement dit, ils ne sont peut-être pas autorisés à rester, on leur demande peut-être de partir, mais en réalité, il y a de bonnes chances pour qu'ils soient encore au Canada. Rien n'indique qu'ils partent. Nous avons donc un taux réel d'acceptation de près de 80 p. 100, ce qui est extrêmement élevé.

• 0935

Qu'avez-vous à dire sur la différence entre le taux officiel d'acceptation et le pourcentage réel de ceux qui sont autorisés à rester? Que pouvez-vous faire à ce sujet?

M. Peter Showler: Nous ne pouvons rien y faire à la Commission. Bien franchement, ce n'est pas à nous de nous en occuper. Lorsque des revendications nous sont déférées, nous essayons de rendre nos décisions le plus vite possible. Nous repérons les désistements sans tarder et nous les déclarons comme tels et dès lors, les personnes concernées deviennent des illégaux, mais par la suite, leur sort ne relève plus de nous. Nous n'en sommes plus responsables. Que puis-je vous dire d'autre à cet égard?

Le président: À moins que vous ne demandiez à être doté de votre propre corps de police.

M. Peter Showler: La plupart des tribunaux n'en ont pas, mais dans certains pays dont nous entendons parler, ils en ont.

M. Leon Benoit: Ils ont des enquêteurs qui peuvent suivre un dossier...?

M. Peter Showler: Non, j'ironise. Je voulais parler des atteintes aux droits de la personne.

M. Leon Benoit: Ah, je vois.

M. Peter Showler: Ces tribunaux ont souvent leur propre corps de police.

M. Leon Benoit: Oui, c'est vrai.

Pour en revenir à ma question initiale, j'aimerais connaître les conséquences de la prise en compte des retraits et des désistements dans le calcul du total. J'aimerais avoir une idée de l'amélioration réelle des délais de traitement.

M. Peter Showler: Même en ce qui concerne les désistements, nous donnons un chiffre combiné. Je connais des cas où le désistement s'est produit après une audition. Les personnes ont été interrogées minutieusement et l'affaire n'est pas terminée, elle est ajournée car les requérants ne se sont pas présentés à la deuxième audition. On considère qu'il y a désistement. Et je dois dire qu'en tant que membre de la Commission, j'en suis assez mécontent. J'estime que ce cas équivaut en réalité à une décision négative. J'ai fait mon travail, j'ai procédé à un interrogatoire serré et soudain, pressentant l'issue de la procédure, les intéressés réussissent à se retirer in extremis. On peut donc dire qu'il y a un nombre important de désistements qui n'interviennent pas en début de procédure.

On vient de me remettre un document sur un point que je tenais à vérifier. En réalité, le taux combiné des retraits et des désistements est resté constant, autour de 22 ou 23 p. 100. Et cela dure depuis plusieurs années; le taux n'augmente pas.

M. Leon Benoit: Lorsque je vous ai demandé de me citer deux mesures qui permettraient d'accélérer la procédure et de la rendre plus efficace, vous n'avez pas parlé d'une révision en profondeur de l'arrêt Singh et des décisions ultérieures qui, dans le contexte de la Charte, rendent la tâche très difficile au ministère et à la CISR. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il me semble qu'on peut bien modifier la loi, comme le gouvernement propose de le faire, et modifier le régime au ministère ou à la Commission—vous pouvez effectivement apporter certains changements—mais à bien des égards, vous êtes liés par l'arrêt Singh et les décisions ultérieures.

Je ne suis pas certain que les gouvernements—le gouvernement conservateur, puis le gouvernement libéral—aient interprété l'arrêt Singh comme il était censé l'être au départ. J'aimerais vous interroger sur les conséquences de cette interprétation et de l'utilité, pour la Commission, de régler ce problème.

M. Peter Showler: La loi qui régit notre travail est évidemment fondée sur la décision Singh, et nous n'avons guère de latitude à cet égard. S'il y a des changements à apporter, c'est au Parlement de s'en occuper, et non à nous.

Cependant, pour vous donner un exemple de la créativité dont nous pouvons faire preuve, l'arrêt Singh précise que tout requérant doit obtenir une audition avant que la décision ne soit rendue, car il y va de sa vie, de sa liberté et de sa sécurité. Dans notre processus accéléré, il n'y a pas d'audition. Il y a une entrevue avec un agent de la Commission, mais seulement dans le cas où la décision est positive. Nous avons donc essayé de faire preuve de créativité en disant qu'en cas de décision positive, dans la mesure où nous sommes certains de devoir rendre une décision positive, il est vrai que le requérant peut dire qu'il n'a pas eu d'audition, mais comme il a obtenu une décision positive, il n'ira pas s'en plaindre. Voilà donc comment nous faisons preuve de créativité tout en respectant l'arrêt Singh.

La loi est très claire: si nous ne sommes pas convaincus de devoir rendre une décision positive, nous devons ordonner une audience. Le message essentiel de l'arrêt Singh, c'est que ceux qui craignent pour leur vie ou leur liberté ne doivent pas être expulsés du Canada avant d'avoir eu la possibilité d'exposer directement leur cas devant l'autorité décisionnaire. C'est l'essentiel de l'arrêt Singh, et c'est ainsi que la Commission travaille.

Nous pouvons essayer d'accélérer les choses et de faire preuve d'imagination. Lorsque nous recevons 60 demandes identiques, nous pouvons traiter deux cas modèles pour préciser un tas d'éléments concernant le pays d'origine, et ensuite, les autres cas seront traités très rapidement.

• 0940

Voilà comment nous essayons de faire preuve d'imagination dans le contexte de l'arrêt Singh. Mais en définitive, si nous sommes obligés de dire à quelqu'un que nous ne le croyons pas et qu'il va devoir retourner dans son pays, même s'il craint d'y être torturé, tué ou même blessé, nous devons lui donner l'occasion d'exposer directement son cas. C'est l'essence même de l'arrêt Singh.

Le président: Monsieur Limoges.

M. Rick Limoges (Windsor—St. Clair, Lib.): Merci, monsieur le président.

Vous avez dit tout à l'heure que le nombre de nouveaux arrivants avait récemment augmenté de 25 p. 100. Savez-vous pourquoi? On nous dit que les États-Unis, par exemple, n'en acceptent pas autant. Est-ce pour cela qu'il y en a plus ici, ou est-ce simplement parce qu'ils trouvent d'autres façons d'arriver?

M. Peter Showler: Non, nous ne pensons pas que ce soit à cause des États-Unis, car nous avons considéré aussi d'autres pays.

Mais je peux vous parler un peu du nombre de nouveaux arrivants. Tout d'abord, comme je l'ai dit, l'augmentation concerne l'ensemble du pays, car nous avons tout d'abord vérifié si le phénomène était localisé dans une région, et il ne l'est pas.

Deuxièmement, nous vérifions l'origine des nouveaux arrivants. Ils viennent du Pakistan, du Sri Lanka. La plupart des pays d'origine sont des pays d'où nous recevons depuis des années un volume important de réfugiés.

Cela nous indique qu'il s'agit donc d'une augmentation généralisée, mais nous remarquons aussi des augmentations importantes dans d'autres pays, en particulier au Royaume-Uni, où l'augmentation est encore bien plus forte; elle est d'environ 38 p. 100. La Suède a elle aussi connu de fortes augmentations, comme certains pays d'Europe, mais pas l'Allemagne, ni les États-Unis.

Il y a donc eu certains écarts, mais de façon générale, l'augmentation est présente dans plusieurs autres cas. Pourquoi y a-t-il augmentation? Sans doute notamment—n'oubliez pas que d'après le HCR, il y a actuellement 21 millions de personnes qui relèvent de ce que l'on considère comme le statut de réfugié au sens de la Convention, ou qui peuvent revendiquer ce statut. C'est beaucoup de monde. Nous n'en recevons qu'une petite partie, même si cette partie augmente. En fait, le monde diminue avec la mondialisation. Chaque jour, il y a de plus en plus... Ce n'est pas simplement à cause des transports, ce sont aussi les communications.

M. Rick Limoges: Autrement dit, il va falloir s'en accommoder.

M. Peter Showler: Nous n'avons pas trouvé de facteur particulier qui nous permettrait d'envisager une stabilisation ou une diminution. Nous ne pouvons pas en trouver s'il n'y en a pas.

M. Rick Limoges: Vous avez dit également qu'il faudrait peut-être apporter des changements au mode de nomination et à la formation des nouveaux membres. J'aimerais que vous nous donniez quelques précisions. Nous avons entendu d'autres témoins qui pensent, par exemple, que les candidats devraient au moins être avocats, qu'ils devraient avoir de l'expérience, etc. D'autres pensent que l'expérience est plus importante que les diplômes. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Peter Showler: Certainement.

Tout d'abord—et je ne suis pas certain que ce point soit parfaitement compris—depuis l'instauration du comité consultatif de la ministre, les candidats sont soumis à un processus de sélection, dont vous connaissez sans doute les exigences essentielles: ils doivent avoir un diplôme universitaire ou une expérience équivalente de cinq ans. Nous allons sans doute demander à la ministre de revenir sur ces exigences et, éventuellement, d'en ajouter d'autres. Par exemple, les membres de la Commission doivent très souvent se servir d'un ordinateur et peut-être faudrait-il exiger une formation en informatique ou dans d'autres domaines.

Pour l'essentiel, il y a d'abord un test écrit; les chiffres de 1998 nous apprennent que 60 p. 100 des requérants ont été éliminés à l'issue de ce test. D'habitude, c'est de l'ordre de 40 p. 100, mais là, 60 p. 100 des cas soumis à la procédure du comité consultatif de la ministre ont été éliminés avant même d'être présentés au comité. Celui-ci a fait des entrevues, et en a encore éliminé environ 30 p. 100. Sur un total de 700 demandes initiales, on n'a retenu qu'environ 150 candidatures, dont un tiers, soit 56 candidats, ont été nommés à la Commission.

Voilà pour la procédure actuelle. Je crois qu'on peut faire mieux. Il est certainement possible d'imposer une sélection plus rigoureuse au départ, et d'étendre la compétence et les aptitudes exigées des candidats éventuels.

L'autre élément d'élimination me préoccupe, et nous avons demandé à la ministre d'envisager de le modifier; elle est prête à le faire. Il s'agit de procéder à des nominations à court terme, de deux ans pour commencer, avec un programme de formation très intensif, un programme d'évaluation plus rigoureux, qui est déjà en place, puis des nominations à long terme.

En ce qui concerne le programme de deux ans, nous envisageons... Nous avons toujours obtenu d'assez bons résultats avec la formation initiale. C'était un programme de trois semaines. Par rapport aux autres tribunaux administratifs, c'est une formation de première qualité. Nous pensons qu'elle est indispensable à cause des aptitudes nécessaires, des exigences et du travail. Nous aimerions poursuivre cette formation, mais par la suite, la plupart des membres ne reçoivent qu'une formation d'ordre général. On a prévu un système de formation par un mentor, mais il n'a pas été entièrement mis en place. Nous allons l'organiser et nous aurons un système de formation adapté, de façon que le membre de la Commission qui éprouvera des problèmes dans un aspect du travail pendant ces deux premières années pourra cerner rapidement ces problèmes et les résoudre par la formation. Nous sommes convaincus qu'il faut les résoudre par la formation.

• 0945

Ce qu'il va falloir faire ensuite, ce sont des évaluations, et nos évaluateurs—ce seront ceux que nous appelons nos coordonnateurs—n'ont pas été formés à l'évaluation jusqu'à maintenant. On leur a demandé d'évaluer les membres de la Commission, alors qu'eux-mêmes n'ont pas été formés pour le faire. Le cours est déjà prévu pour le début d'avril.

Nous allons donc avoir une formation approfondie. Nous allons viser l'uniformité à l'échelle du pays et nous dirons à nos évaluateurs que leur évaluation doit être directe, claire et rigoureuse. La ministre est tout à fait prête à considérer que dans le cas où la Commission ne donne pas une recommandation formelle au bout de la période de deux ans, la nomination ne soit pas reconduite.

Voilà comment nous pensons pouvoir améliorer la formation et le niveau général d'aptitude des membres de la Commission.

M. Rick Limoges: Vous avez dit que nous en sommes actuellement à un taux d'approbation de 48 p. 100, et qu'il y a environ 22 p. 100 de retraits ou de désistements. Est-ce qu'il s'agit-là de chiffres comparables? Est-ce qu'on peut les additionner et en déduire que 30 p. 100 des cas ne relève d'aucune de ces catégories?

M. Peter Showler: C'est juste.

M. Rick Limoges: M. Benoit disait tout à l'heure que 80 p. 100 des requérants restaient au Canada; est-ce effectivement le cas? Est-ce que nous ne réussissons à expulser que 20 p. 100 de l'ensemble des requérants, les autres restant ici, et est-ce que vous avez une idée de ce qu'il advient de ces 20 p. 100? Est-ce qu'ils retournent volontairement chez eux? Est-qu'ils vont dans un autre pays?

M. Peter Showler: Je ne sais pas.

Le chiffre concret que l'on cite constamment dans le monde des réfugiés n'est pas 80 p. 100; c'est généralement 65 p. 100, mais pour ce qui est des expulsions, elles ne relèvent pas de notre secteur. Ce n'est pas notre travail. C'est le travail du ministère de l'Immigration. Vous savez qu'elles posent certaines difficultés. Il ne s'agit pas simplement de donner un billet d'avion aux personnes expulsées et de leur dire au revoir. Il faudrait que le ministère vous donne la réponse, car ce sujet ne relève pas de notre domaine de connaissance.

M. Rick Limoges: Vous vous occupez donc des requérants, et s'ils ne se présentent pas ou s'ils renoncent leurs démarches, vous passez à la suite, car...

M. Peter Showler: Nous essayons de prononcer le désistement au début de la procédure. Dès qu'il y a désistement, nous en informons le Bureau de l'immigration. Ce que nous faisons en réalité, c'est que nous transmettons à l'immigration la responsabilité du dossier. Cela fait partie de notre travail. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas concernés. Depuis les origines de la Commission, les cas de désistement ont traîné pendant des années dans le système de gestion des dossiers. Désormais, nous veillons très attentivement à les déceler le plus tôt possible, à faire en sorte que les personnes concernées soient déclarées illégales au Canada et qu'elles puissent faire l'objet d'une expulsion.

Le président: Une dernière question.

M. Rick Limoges: Vous avez aussi parlé de la jurisprudence de la Division d'appel, que l'on peut invoquer en début de procédure. Est-ce que vous pourriez nous donner des précisions? Que représente cet instrument actuellement, et comment pensez-vous qu'il puisse évoluer à l'avenir?

M. Peter Showler: C'est un instrument actuellement dans la mesure où nous pouvons invoquer la jurisprudence de la Cour suprême. Il fut un temps où le contrôle judiciaire était confié à la Division d'appel de la Cour fédérale, qui a rendu une jurisprudence très cohérente, mais compte tenu du nombre de cas soumis à la Division de premier instance—et je crois que cela tient à la nature de cette division, que je ne veux nullement critiquer—celle-ci rend des décisions axées sur les faits. Ces décisions peuvent être cassées ou non. On obtient donc une jurisprudence très variée.

Je vous citerai l'exemple du Sri Lanka, qui est en proie à la guerre civile depuis 15 ans. Un problème considérable se pose dans ce pays. Si un jeune tamoul se rend dans la capitale Colombo, est-ce qu'il y est en sécurité? C'est ce qu'on appelle la possibilité de refuge intérieur. C'est une vaste question. Elle a donné lieu à une succession de décisions dans un sens ou dans l'autre aussi bien à la Commission qu'à la Division de premier instance de la Cour fédérale. En réalité, c'est très clairement un problème, qui fait intervenir des faits concernant le pays en cause, et bien sûr, des questions de droit.

Voilà le genre de cas que nous voulons soumettre à la justice à raison de deux ou trois dossiers à la fois. Nous voudrions soumettre les questions qui se posent à nous à la division d'appel, où un conseil formé de trois juges rendrait une décision précise et irrévocable. Cette formule serait d'une efficacité extraordinaire, lorsqu'on sait que parfois à l'audience, au lieu de consacrer une demi-heure à une question, on en débattre pendant deux ou trois heures et il peut même y avoir un ajournement lorsque la question n'est pas claire. En définitive, la possibilité de tirer ces questions au clair va grandement contribuer à notre efficacité.

• 0950

Le président: Merci.

Monsieur Bigras.

[Français]

M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Je remercie nos invités de leur présence. Je tiens à m'excuser de mon retard d'une vingtaine de minutes.

Ma question portera naturellement sur votre direction de Montréal. Vous avez peut-être abordé ce sujet avant mon arrivée. Vous savez probablement que tout changement de mécanisme ou de procédure devrait tenir compte de trois critères fondamentaux: la rapidité, l'efficacité et l'équité dans le traitement. Je suis convaincu que nous convenons tous de ce caractère fondamental.

Le nouveau mécanisme de convocation et de mise au rôle des avocats qu'on a mis en vigueur à la direction de Montréal a été remis en question par l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration. J'ai été interpellé le 18 janvier et je sais que vous avez aussi été interpellés. Parmi les différentes problématiques que soulevait l'association, on retrouvait entre autres celle des dates à l'intérieur de petites fenêtres de disponibilité. Je voudrais connaître les mesures vous avez prises afin de régulariser la situation.

M. Peter Showler: Nous nous sommes fixés comme principal objectif, à Montréal, de compléter le traitement des cas dans un délai de six mois et nous avons adopté à cette fin de nouvelles mesures de gestion des cas. Quelques avocats ainsi que l'AQAADI ont soulevé des objections face à ces nouvelles mesures parce qu'elles exercent un contrôle sur leur horaire et parce que les avocats qui ont quelque 400 ou 450 dossiers sont incapables de fournir une réponse dans un tel délai et d'accepter qu'on contrôle leur rôle. On porte atteinte à l'indépendance des revendicateurs de choisir leur avocat. Nous avons jugé important de défendre ce principe fondamental selon lequel le traitement des dossiers doit être complété dans un délai de six mois et nous avons cru comprendre qu'il s'agissait d'une question très importante pour le Parlement et pour les Canadiens.

Je suis très heureux de vous dire que l'AQAADI et les gérants du tribunal se sont rencontrés hier et en sont venus à une entente temporaire. Les avocats se rencontraient hier soir. Je ne sais pas encore s'ils ont ratifié l'entente, mais je suis porté à croire qu'ils l'ont fait.

Nous effectuerons des changements mineurs à la mise au rôle au cours des trois prochains mois, pendant que se poursuivront des négociations entre les deux associations en vue d'en venir à une entente qui saura les satisfaire de part et d'autre. Nous continuons de défendre le principe fondamental selon lequel nous devons avoir un système pour gérer le rôle et compléter le traitement des dossiers en moins de six mois.

M. Bernard Bigras: D'accord. Est-ce que vous rejetez certaines allégations selon lesquelles la commission aurait donné instruction à certains de ses employés de ne pas recommander un avocat plutôt qu'un autre parce qu'elle voit certains avocats de façon défavorable?

Est-ce que vous êtes prêt à vous engager aujourd'hui à ce que tout changement de processus soit dorénavant mis en oeuvre en consultation avec les intervenants, dont les avocats eux-mêmes, qui sont des intervenants assez importants dans tout le processus d'analyse, afin de vous assurer que tout se fasse conformément à nos trois objectifs, soit la rapidité, oui, mais aussi l'équité et l'efficacité?

• 0955

M. Peter Showler: J'admets que la consultation est très importante. Au cours des trois prochains mois, nous mènerons une telle consultation et nous saurons trouver des solutions satisfaisantes pour les deux parties. Nous reconnaissons, bien sûr, que les avocats sont des partenaires très importants et qu'ils contribuent au bon fonctionnement du système.

Ce sont quelques avocats qui ont porté cette accusation selon laquelle des employés auraient dit que la commission préférait ne pas faire affaire avec quelques avocats. Il ne s'agit là que d'une accusation qui, à mon avis, n'est pas fondée.

[Traduction]

Le président: Rob Anders.

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Si vous me le permettez, j'aimerais revenir sur ce taux d'acceptation officiel de 48 p. 100 et sur ceux qui restent ensuite au Canada.

Je sais bien que vous n'êtes pas nécessairement équipés—ou que ce n'est pas votre travail, comme vous l'avez dit—pour expulser ceux qui ne sont pas officiellement acceptés et qui, cependant, réussissent à rester ici. Pourriez-vous me donner une idée...

J'aimerais pouvoir parler franchement de cette question sans craindre d'adresser des critiques au ministère. Je sais que c'est ce qui vous préoccupe lorsque vous comparaissez devant un comité comme le nôtre et vous n'aimez pas vous aventurer sur ce terrain, mais pourriez-vous nous dire comment on pourrait améliorer l'efficacité du processus d'expulsion? Vous pourriez peut-être comparer notre système à des formules étrangères plus efficaces.

Je suis en train de réfléchir à haute voix, mais dans la mesure où l'Australie a une procédure de détention, je suppose que les services australiens sont sans doute plus efficaces en ce qui concerne l'expulsion de ceux qui ne sont pas acceptés officiellement et qui refusent de quitter le pays.

Pouvez-vous nous dire comment on pourrait harmoniser le système de façon à éviter que 48 p. 100, 65 p. 100 ou 80 p. 100, en tout cas un nombre croissant de personnes qui ne devraient pas être ici, puissent y rester.

M. Peter Showler: Pour vous répondre brièvement, je ne peux pas vous le dire, car cela ne relève pas de mon domaine.

Je peux vous dire cependant qu'il est très difficile de se renseigner sur les taux d'expulsion au niveau international pour faire des comparaisons. On sait en général que de nombreux pays autres que le Canada ont des problèmes en ce qui concerne leurs taux d'expulsion. Les gouvernements hésitent à révéler leurs taux d'expulsion car ils préfèrent que leurs citoyens n'en soient pas informés. Mais je peux vous dire que de façon générale, c'est un problème.

Je ne peux parler que de l'assistance que peut fournir la Commission. J'ai donné l'exemple des avis de désistement en début de procédure. Si nous remarquons des cas hautement problématiques ou si nous constatons un manque de crédibilité, si une exclusion est prononcée dans le cas d'un individu qui s'est rendu coupable ou complice d'atteinte aux droits de la personne, nous voulons obtenir l'information très rapidement, lui accorder la priorité et veiller à ce qu'elle soit transmise avec tout son contenu. Je me place donc davantage du point de vue de ce que nous pouvons faire pour venir en aide aux autres services.

M. Rob Anders: En ce qui concerne la procédure de détention appliquée, par exemple, aux migrants chinois arrivés par bateau, je suppose que si nous avions une procédure de détention semblable à celle que les Australiens envisagent ou ont déjà mise en oeuvre, nous aurions là une méthode plus efficace pour retrouver et expulser ceux qui ne sont pas acceptés officiellement. Ma conclusion est-elle juste?

M. Peter Showler: S'ils restent en détention jusqu'au bout, votre conclusion est juste, et il serait certainement beaucoup plus facile de les expulser, si l'expulsion s'impose.

M. Rob Anders: Évidemment, lorsqu'une personne ne se présente pas à une entrevue, qu'elle abandonne son dossier, qu'elle disparaît ou qu'elle est déclarée disparue parce qu'elle a choisi de ne plus se présenter, on ne peut pas la retrouver, parce que personne ne sait où elle est. C'est bien cela?

M. Peter Showler: Oui.

M. Rob Anders: Ces gens-là ne sont pas placés en détention. Ils circulent en toute liberté. S'ils choisissent de ne pas se présenter à une entrevue, vous n'y pouvez rien, ni vous ni personne.

• 1000

Mais disons, par exemple, que l'individu se présente et que vous décidez qu'il ne devrait pas être accepté. Est-ce qu'il peut ressortir librement, sachant que sa demande n'a pas été acceptée, tout en restant libre d'aller où il veut? N'a-t-il pas des fonctionnaires de l'immigration qui peuvent intervenir et donner suite à votre décision?

M. Peter Showler: Non. S'il y avait une décision...

Le président: Il n'est pas coupable de quoi que ce soit.

M. Rob Anders: Il risque de prendre la fuite.

M. Peter Showler: Si une décision de mise en détention s'impose, elle sera prise par le service d'immigration. S'il n'y a pas de détention, que la personne se présente ici à Ottawa dans la salle d'audition, qu'à l'issue de l'audition, nous rendons une décision verbale après avoir conclu qu'il ne s'agit pas d'un réfugié, la personne pourra effectivement quitter la salle. La détention ne pourrait être décidée que par un agent d'immigration.

Si la personne est déjà en détention, comme c'est le cas pour la majorité des requérants chinois qui se trouvent actuellement à Prince George, c'est notre section d'arbitrage, c'est-à-dire nos arbitres, qui décident si elle doit être libérée ou non. Cette décision ne dépend pas de l'acceptation ou du refus. L'arbitre considère si la personne risque de prendre la fuite, autrement dit si elle va accepter son expulsion ou si elle risque de disparaître. C'est en fonction de cela qu'on décide s'il y a lieu de prolonger la détention.

Le président: Monsieur Price.

M. Peter Showler: Puis-je compléter ma réponse? En ce qui concerne l'Australie et sa procédure de détention et d'expulsion sans délai, on remarque avec intérêt que d'après nos chiffres, le traitement des demandes en Australie dure 19 mois. Une question me vient immédiatement à l'esprit: si les requérants sont placés en détention et qu'ils sont donc beaucoup plus accessibles pendant la durée du traitement, pourquoi est-ce que celui-ci dure 19 mois?

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. Il est très important, pour nous, de rencontrer le nouveau chef de la CISR puisque nous sommes appelés à travailler ensemble indirectement pendant un certain temps.

Au début de la séance, j'ai trouvé votre exposé très intéressant, en particulier lorsque vous avez évoqué le stress auquel les membres de la Commission sont soumis. Vous êtes sur le terrain depuis un certain temps, et vous pouvez en parler directement. Vous en avez fait l'expérience. J'aimerais savoir comment vous avez réagi et quelle proportion du taux de roulement parmi les membres de la Commission peut être attribuée à un facteur de stress. Comment est-ce qu'on le mesure?

M. Peter Showler: De nombreux membres de la Commission estiment qu'ils sont effectivement soumis à un stress, mais la plupart souhaitent que leur mandat soit reconduit.

Le président: C'est beaucoup plus stressant.

M. Peter Showler: Il semble que la perte de revenu soit encore plus stressante.

La plupart des membres de la Commission adorent leur travail, même s'il est très difficile. Je dis, par exemple, que lorsqu'on rend toujours des décisions négatives, c'est comme si l'on travaillait dans une salle d'urgence. C'est un travail horrible et difficile, mais on le fait parce qu'on sauve des vies. Quelqu'un qui aurait l'impression de n'entendre que des requérants voués à la mort, et qui ne devrait rendre que des décisions négatives ne tarderait pas à envisager de changer d'emploi. Mais il est certain que le stress pose un problème, et que la Commission ne s'en est pas vraiment préoccupée. Nous allons devoir envisager une formation en gestion du stress pour nos membres, car ils n'en reçoivent pas actuellement, et leur efficacité pourrait s'en trouver améliorée.

M. David Price: C'est à cela que je voulais en venir.

Je vais passer tout de suite à une autre question. Vous allez probablement être durement éprouvé au cours des prochains mois. La ministre a déclaré vouloir augmenter le nombre d'immigrants au Canada. On parle de 300 000 par rapport aux 180 000 à l'heure actuelle. Comment allez-vous composer avec la situation?

M. Peter Showler: Vous voulez parler du nombre d'immigrants?

M. David Price: Le nombre de réfugiés augmentera proportionnellement.

M. Peter Showler: Je crois qu'elle voulait parler—si je ne m'abuse, et vous connaissez certainement mieux la question que moi—de l'énorme augmentation de la demande des immigrants indépendants à l'étranger, ce dont elle n'était pas satisfaite. Je me fie en cela aux commentaires relevés dans la presse. C'est à ce chapitre qu'il y aurait des augmentations beaucoup plus considérables. Mais, cela n'aura aucune répercussion directe sur la détermination du statut de réfugié au Canada. Il n'y aura pas vraiment pas de lien entre les deux.

M. David Price: Selon vous, donc, il n'aurait pas là une augmentation?

M. Peter Showler: Non, je ne crois pas que cela entraînerait quelque augmentation que ce soit du nombre des cas à traiter.

Philip, souhaitez-vous faire une observation à ce sujet?

M. Philip Palmer (avocat général, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): On pourrait peut-être constater un effet en aval quelques d'années plus tard, alors qu'un nombre important de réfugiés réétablis au Canada souhaiteraient parrainer des membres de leur famille ou des personnes à charge résidant à de l'étranger. Un tel phénomène se refléterait peut-être dans le nombre d'appels relatifs à de refus de projets de parrainage à la Section d'appel, mais non pas à la Section du statut de réfugié.

• 1005

M. David Price: Vous avez parlé des spécialistes des pays des immigrants et cet aspect m'a fort intéressé. Comment abordez-vous la question? Appliquez-vous certains critères aux personnes que vous recrutez ou proposez comme un membre de la Commission? Accordez-vous une certaine priorité aux personnes qui sont spécialistes d'un pays et qui ont peut-être des compétences linguistiques en conséquence?

M. Peter Showler: Les compétences linguistiques sont au nombre des facteurs que nous évaluons. La gamme des compétences professionnelles utiles est toutefois fort vaste. Les antécédents de nos membres sont passablement divers. Il se peut par exemple qu'un anthropologue ou un très compétent recherchiste soit tout aussi valable comme membre de la Commission qu'une personne ayant une formation juridique.

La connaissance du pays n'est pas un critère lorsque nous évaluons les compétences d'une façon générale. Nous en tenons compte une fois que les membres font partie de la Commission. Cela est d'autant plus vrai dans les grands centres comme Toronto et Montréal, étant donné que nos membres y sont concentrés. Il y a normalement suffisamment de membres à ces endroits pour que des équipes soient formées. Ces équipes sont spécialisées par région géographique. Par exemple, nous aurions une équipe se spécialisant dans les dossiers liés au Bangladesh, à l'Inde et au Pakistan.

Il ne suffit pourtant pas de connaître simplement la géographie du pays. Il faut être au courant de certains détails et de certaines violations des droits de la personne. Comme je l'ai déjà expliqué, il y a tellement de dossiers où la crédibilité est l'aspect crucial. Nous devons très bien comprendre le contexte de telle ou telle situation. Si quelqu'un nous parle par exemple d'une grève qui a lieu à Jaffna en 1994 en déclarant que des centaines de personnes y ont participé, nous devons savoir si tel était le cas ou si seulement deux ou trois personnes ont été arrêtées. Nous n'avons pas le temps de tout vérifier dans les documents pour chaque dossier.

Le président: Merci, monsieur Price.

Madame Folco.

[Français]

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Moi aussi, je voudrais vous souhaiter la bienvenue et vous souhaiter, à vous personnellement et à la Commission de l'immigration, un avenir très heureux.

J'ai plusieurs questions à vous poser. La première porte sur le manque d'homogénéité des résultats dans les différentes villes du Canada. Comme vous le savez tous, j'ai déjà été membre de la commission avant d'être élue députée. Je crois que les membres de ce comité sont aussi au courant du fait que lorsqu'on regarde un certain nombre de cas venant d'un pays, par exemple d'Israël, on constate qu'il y a un écart flagrant entre les taux d'acceptation à Montréal, à Toronto, et même aussi à Vancouver.

Quand j'ai posé des questions à votre prédécesseur, on m'a expliqué que les commissaires étaient indépendants dans les décisions qu'ils prenaient, ce qui est tout à fait correct. Cependant, il me semble qu'il pourrait y avoir une homogénéité dans l'étude des cas et dans les critères qui peuvent à mener un commissaire à dire oui ou non, ainsi qu'une homogénéité au niveau de l'information accessible aux commissaires.

Est-ce que vous voudriez apporter quelques commentaires là-dessus?

M. Peter Showler: C'est une excellente question. Puisque vous êtes une ancienne commissaire, vous comprenez très bien qu'il y a des problèmes à ce niveau. Je soulignerai d'abord qu'il faut surveiller de près l'écart des données et que notre politique prévoit que lorsqu'on constate pendant deux trimestres une différence de l'ordre de 30 p. 100 entre nos régions à l'égard d'un seul pays, nous devons rédiger un rapport dans lequel nous tentons d'en identifier les causes.

Nous avons établi un réseau national de spécialistes en géographie, qui participent à une audioconférence une fois par mois afin de discuter de tels problèmes. Je ne crois toutefois pas que cette solution soit suffisante. Il s'agit d'un problème que doit résoudre la commission.

• 1010

Nous avons nommé un avocat au bureau de M. Frecker, à qui nous avons confié la tâche de trouver des solutions. Nous devons essayer de comprendre les raisons de ces écarts. Il peut parfois s'agir de différences au niveau du profil des revendicateurs. Par exemple, sur la côte ouest, le taux d'acceptation des demandes émanant de revendicateurs chinois qui viennent principalement de la région de Fujian est très faible, tandis qu'à Toronto, les revendicateurs chinois du Tibet présentent un profil complètement différent et on obtient des résultats différents.

On doit tenir compte de la preuve documentaire dans les deux régions et déterminer si elle est la même ou si elle est différente. Il arrive parfois que des preuves très, très pertinentes soient employées dans une région, mais pas dans l'autre. Si cela ne semble pas être la solution, on doit examiner d'autres motifs et se demander si on a analysé la situation dans les deux cas sous la même lumière. Par exemple, on pourrait se demander si dans une région, c'est une question de fuite interne alors que dans l'autre région, c'est une question de changement de circonstances.

Nous pouvons également examiner la question de la formation des commissaires, ainsi que le principe de leur indépendance.

Nous devons d'abord faire un examen très rigoureux afin de cerner les différences et ensuite faire une analyse afin de déterminer si elles se fondent sur une base rationnelle.

Le président: Madame Folco.

Mme Raymonde Folco: J'aimerais poser une autre question, si j'en ai le temps, monsieur le président.

À la page 36 de la version anglaise et à la page 37 de la version française du Rapport sur le rendement de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour la période se terminant le 31 mars 1999, sous la rubrique «Secteurs d'activité, Détermination du statut de réfugié», on constate que les dépenses réelles en 1998-1999 représentent 47,8 p. 100 de l'enveloppe budgétaire, tandis que sous la rubrique «Gestion et services généraux», les dépenses réelles pour la même période comptabilisent 28,3 p. 100. Ce tableau semble indiquer—dites-le moi si je me trompe—que 47 ¢ par dollar sont dépensés pour les services des commissaires et du personnel qui prennent les décisions, tandis que 28 ¢ par dollar sont dépensés pour la gestion. Cela me semble être un rapport extrêmement élevé. Plutôt que de dépenser davantage pour engager plus de commissaires qui prendraient des décisions et qui pourraient traiter les dossiers très rapidement, on affecte une somme très élevée aux dépenses liées à la gestion et aux services généraux.

Est-ce que vous pourriez m'expliquer ce rapport qui me semble très très élevé entre les deux?

M. Peter Showler: J'ai une excellente réponse...

Mme Raymonde Folco: Oui.

M. Peter Showler: ...que vous donnera la directrice exécutive.

Des voix: Ah, ah!

Mme Nicole Senécal (directrice exécutive, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Merci, madame Folco.

[Traduction]

Le président: Madame Senécal, puis-je demander une précision à Mme Folco? Je ne suis pas convaincu que, dans le document qu'elle parcourt, il s'agit de pourcentages. Je crois bien qu'il est question de millions de dollars.

Mme Nicole Senécal: Non, il s'agit de millions de dollars.

Le président: J'aimerais être bien certain de comprendre, à la page 36 ou 37...

Mme Raymonde Folco: Nous avons conclu que...

Le président: Je veux préciser tout simplement qu'il ne s'agit pas de pourcentages mais plutôt de millions de dollars. Je veux m'assurer que nous parlons tous de la même chose.

Mme Raymonde Folco: D'accord.

Le président: En effet, croyez-le ou non, il y a des gens qui nous écoute à la radio. C'est pourquoi je dois, de temps à autre, leur faire savoir, tout d'abord, que j'assume la présidence et, en deuxième lieu, signaler qui sont les interlocuteurs et ainsi de suite.

[Français]

Mme Raymonde Folco: Monsieur le président, vous avez tout à fait raison. Cependant, le rapport reste le même et ma question reste la même: pourquoi dépense-t-on tant de dollars pour la gestion et si peu de dollars pour les salaires des commissaires?

Mme Nicole Senécal: Madame Folco, c'est une excellente question, et je suis ravie de pouvoir y répondre.

D'abord, je dois dire, monsieur le président, que je suis ravie que vous ayez précisé que ce sont bien des millions de dollars, et non pas des pourcentages.

• 1015

Deuxièmement, si vous croyez que la rubrique «Gestion et services généraux» représente les frais d'exploitation ou ce qu'on appelle couramment les frais généraux, je dois vous dire que cela n'est pas le cas. Nous déterminons l'allocation de nos enveloppes budgétaires selon une méthode comptable qui comprend des secteurs d'activité, ou business lines en anglais.

Prenons l'exemple du greffe, que ce soit celui établi à Montréal, à Toronto ou ailleurs au pays, qui travaille pour les trois sections et dont l'enveloppe budgétaire n'est pas consignée au secteur d'activité «Détermination du réfugié», mais plutôt au secteur «Gestion et services généraux», tout simplement parce que ce serait un chiffre comptable absolument impossible à gérer si on essayait de prendre une portion d'une année-personne. Un autre exemple de ce genre de dépenses est la boîte des politiques à Ottawa qui, comme vous le savez, madame, puisque vous avez été commissaire, englobe tous les services de recherche. Lorsqu'un commissaire demande une question précise, par exemple s'il y a eu une grève au Sri Lanka à un certain moment, ce service centralisé, dont l'enveloppe budgétaire relève du secteur «Gestion et services généraux» fait la recherche nécessaire, bien que le service soit de fait rendu au commissaire.

Bien que cette somme de 28,3 millions de dollars relève de ma compétence, je puis vous assurer, madame, que je ne dépense pas 28 millions de dollars par année pour mon service à moi. On ne s'entend pas toujours, dans le monde de la comptabilité du secteur public, sur la définition des frais généraux. Je dirais qu'en général, ils représentent les fonds consacrés à la boîte des communications, à la boîte de l'administration et à la boîte des ressources humaines. Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle, les dépenses de mon service s'élèvent à entre 12 et 14 millions de dollars. Bien que ce ne soit pas un chiffre très sophistiqué, je puis vous assurer qu'il est beaucoup plus bas que les chiffres contenus dans le rapport n'en donnent l'impression. Ces dépenses ne représentent qu'environ 15 p. 100 du total.

Le président: Merci, madame Folco.

[Traduction]

Monsieur Benoit, du Parti réformiste.

M. Leon Benoit: Merci encore, monsieur le président.

Monsieur Showler, je n'ai pas eu l'occasion auparavant de donner suite à votre réponse concernant la note que vous a remise votre directrice, Mme Senécal. Je vous demandais quelles étaient les répercussions de l'augmentation des retraits et des abandons sur la durée des traitements des désistements et, par conséquent, sur les coûts par dossier.

On m'a répondu qu'il n'y avait pas eu augmentation du taux de désistements et de retraits de dossiers. Pourtant, selon les chiffres qui proviennent de la CISR, il y a eu entre 1991 et 1998 une augmentation de 500 p. 100 du taux de retraits et de désistements, comparativement...

M. Peter Showler: Quels sont les taux dont vous parlez?

M. Leon Benoit: Il s'agit d'un document de la CISR portant sur la détermination du statut de réfugié allant de 1989 à 1998.

M. Peter Showler: Les indicateurs nationaux figurent-ils au haut du document?

M. Leon Benoit: Non. Il ne s'agit pas du document que vous m'avez fourni, mais d'un autre document. Il s'agit de l'annexe 5 d'un document intitulé «Les revendications du statut de réfugié au Canada, 1980-1998» qui provient de la Commission.

Le président: Monsieur Benoit, je m'excuse. Je vais préciser.

M. Benoit nous a déjà signifié qu'il dispose d'un document. Il me semble un peu injuste de citer un document que les témoins n'ont pas en main.

M. Leon Benoit: Il provient de la CISR. Ils connaissent certainement ces chiffres.

Le président: Mais vous n'êtes pas en mesure de nous dire de quel document il s'agit. Je vous prie de prendre le temps voulu pour le faire, puisque je vois nos témoins fouiller dans des chemises. Vous pourriez peut-être reformuler la question.

Je pense que vous allez pouvoir répondre à partir de documents dont vous disposez ou encore, M. Benoit aura peut-être l'obligeance de nous faire connaître l'ensemble des documents.

M. Leon Benoit: C'est justement ce que je faisais. Je me ferai un plaisir de faire circuler le document. D'ailleurs, je suis convaincu que vous l'avez tous reçu.

Selon le tableau de la Commission, le nombre de demandes s'élevait, par exemple, à 29 000 en 1991. Le nombre de désistements et de retraits se chiffrait à 1 394, soit environ 5 p. 100—4,8 p. 100. Pour 1998, le nombre des revendications est passé à 24 000 et il y a eu 6 200 désistements ou retraits, soit un taux de 26 p. 100. Le taux de désistements et de retraits a donc augmenté de 500 p. 100.

• 1020

Or, comme je le signalais en posant ma question, cela aura une incidence sur le délai de traitement. D'après mes calculs sommaires, le délai de traitement cité dans vos documents pour le 31 décembre 1999 est de 9,3 mois et, compte tenu de ma correction, il serait en réalité de 11,3 mois, ce qui constitue un changement minime par rapport à 1998-1999.

De plus, vous signalez dans votre document que le coût par dossier à baissé de 112 $ par rapport à l'année précédente. Or, compte tenu de cette correction, le coût aura augmenté en réalité. Donc, je voulais tout simplement...

M. Peter Showler: Eh bien, je crois que nous allons devoir nous pencher là-dessus.

Tout d'abord, monsieur, je n'ai pas du tout eu l'intention de vous induire en erreur.

M. Leon Benoit: Je le sais fort bien.

M. Peter Showler: Nous nous fions normalement à nos indicateurs nationaux clés. Notre statisticien est ici et il pourra peut-être me venir en aide, mais je puis certainement vous dire que nos chiffres... Nous devrons prendre connaissance de votre document. D'après nos chiffres, le taux de désistements en 1998-1999 a été, par exemple, de 16 p. 100. Pour l'année précédente, il était de 16 p. 100 et, en 1996-1997, il était de 19 p. 100. Pour les trimestres écoulés depuis ce moment-là, selon le tableau, les chiffres sont les suivants: 17 p. 100, 17 p. 100, 17 p. 100, 15 p. 100, 14 p. 100 et 16 p. 100. Ainsi donc...

M. Leon Benoit: Vous traiter les désistements et les retraits comme un pourcentage des revendications pour l'année?

M. Peter Showler: De toutes les revendications. Ici vous voyez le pourcentage des revendications. Là, il s'agit seulement des désistements. Pour le retrait c'est 7 p. 100, et puis, par période: 7 p. 100, 7 p. 100, 7 p. 100, 7 p. 100, 8 p. 100, 7 p. 100.

Le président: Monsieur Showler, dans l'intérêt de ceux d'entre nous qui ne sont malheureusement pas tout proche... Je ne sais pas quel document vous citez et je ne sais pas non plus quel est celui dont parle M. Benoit. Veuillez nous dire, je vous en prie, d'où vous tirez vos chiffres. S'agit-il du rapport sur le rendement de la CISR?

M. Peter Showler: Nous allons l'extraire de notre document bleu.

M. Leon Benoit: Nous allons vous en fournir un exemplaire de manière à ce que vous puissiez en prendre connaissance. Il provient de vous, de la CISR.

Le président: Un instant. Je croyais avoir la parole.

Je m'efforce tout simplement d'obtenir des précisions au sujet des documents et des chiffres. Il n'est que juste que tout ceux qui sont à l'écoute sachent de quoi nous parlons.

M. Peter Showler: Je ne me reporte simplement au rapport de l'an passé, monsieur Fontana, étant donné que les chiffres ont été mis à jour depuis lors.

Le président: D'accord.

M. Peter Showler: Je puis cependant vous dire que, dans ce document...

Mme Nicole Senécal: Les désistements n'y figurent pas.

M. Peter Showler: Il ne contient pas le taux de désistement?

Le président: Monsieur Showler, je vous propose de répondre à la question de M. Benoit et puis, si vous avez des renseignements additionnels vous pourriez peut-être les transmettre à la greffière pour que nous puissions en prendre connaissance plus tard.

M. Peter Showler: Certainement. Je m'engage à vous fournir ces renseignements. Je crois savoir que tout document déposé devant le comité doit être bilingue. J'ai ici la version anglaise. Nous avons également la version française, très certainement, et nous allons la fournir au comité.

Le président: Excellent. Merci.

M. Leon Benoit: Mais il s'agit d'un document de la CISR, comme vous pouvez le constater, c'est bien clair. Je me demande pourquoi...

M. Peter Showler: Parlez-vous de 1998?

M. Leon Benoit: En effet, comparativement à 1991, par exemple. Nous avons calculé les pourcentages.

M. Peter Showler: Je vois ici, en haut des chiffres, les rubriques «désistement, retrait, et autres».

M. Leon Benoit: En effet.

M. Peter Showler: J'ignore tout à fait à quoi correspond la rubrique «autres».

Savez-vous à quoi se rapporte la rubrique «autres»?

M. Leon Benoit: Le chiffre est petit, de toute manière.

M. Donald Smiley (agent préposé aux normes, à l'analyse et au suivi, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Il s'agit d'un petit nombre de...

Le président: Excusez-moi. Pour témoigner, vous devez vous approcher d'un micro.

Pour résoudre le problème, étant donné qu'on vous a remis un document dont vous n'avez pas pu prendre connaissance, maintenant que vous savez de quoi il s'agit, je me demande si vous pouvez nous répondre. Au lieu de travailler à tâtons, il serait peut-être préférable, puisqu'il vous a donné un document, de répondre à sa question un peu plus tard, par écrit—à moins que vous n'ayez une réponse à nous fournir dès maintenant.

M. Peter Showler: Je puis certainement vous dire que les chiffres que vous nous avez présentés sont certainement en contradiction avec ceux de l'autre document. Je vais m'efforcer de les comparer et je vais vous fournir un rapport écrit pour tirer cela au clair.

M. Leon Benoit: Je vous en suis très reconnaissant.

Le président: C'est très bien. Merci.

M. Leon Benoit: D'accord, j'aimerais maintenant passer à la question suivante. Je voulais tout d'abord vous signaler ce que je considérais être une contradiction.

Je crois vous avoir entendu dire que la nombre des revendications avait augmenté de 25 p. 100 cette année par rapport à l'an dernier.

M. Peter Showler: C'est exact. L'année dont nous parlons est habituellement l'année financière, qui prend fin le 31 mars. Mais c'est certainement au cours de la dernière partie de l'année que l'augmentation a eu lieu, au cours des deux derniers trimestres.

M. Leon Benoit: Une augmentation de 25 p. 100, c'est fort bien. Je ne cherche pas à vous piéger, mais j'aimerais vous demander quelle est, selon vous, l'explication d'une telle augmentation.

M. Peter Showler: J'ai déjà tenté de répondre à cette question. En réalité, nous ne le savons pas. L'explication ne saute pas aux yeux. Ce n'est pas à cause de l'arrivée d'un grand nombre de réfugiés d'une même provenance. Ce n'est pas non plus parce qu'un grand nombre de personnes nous sont arrivées d'un certain endroit à cause de la levée des restrictions s'appliquant aux visas.

• 1025

M. Leon Benoit: Me permettriez-vous de vous proposer une explication?

Le président: Vous devrez le faire plus tard, Leon. Je vais maintenant passer à M. Telegdi.

M. Leon Benoit: Joe, vous êtes cruel.

Le président: Au contraire, je vous ai accordé huit minutes. Je suis très généreux aujourd'hui, étant donné que c'est l'anniversaire de Peter.

M. Peter Showler: Je me ferai un plaisir de m'entretenir avec vous tout à l'heure, puisque je suis impatient de connaître l'explication que vous proposez.

M. Leon Benoit: D'accord. Je crois que j'aurais une autre occasion.

Le président: Monsieur Telegdi, je vous en prie.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Showler, votre document m'a beaucoup plus. Il m'a d'autant plus impressionné que vous y faites valoir très clairement que vous avez des décisions très difficiles à prendre. Ceux qui agissent dans le cadre du système judiciaire peuvent compter sur des ressources beaucoup plus considérables. Mais, à part cela, la peine de mort n'existe pas au Canada. Dans votre cas, si vous vous trompez, cela pourrait entraîner la mort de quelqu'un. Je crois que nous sommes donc tous très contents de constater que vous mettez l'accent sur la qualité du processus de prise de décisions.

Vous faisiez plutôt des comparaisons avec d'autres pays. Pour ma part, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec des représentants des services d'immigration britanniques lors d'un voyage récent en Inde j'ai demandé à mon interlocuteur combien il y avait de demandeurs d'asile et combien de gens finissaient par quitter le pays. Sur environ 70 000 demandeurs d'asile, m'a-t-il dit—et je suppose que ces chiffres dataient d'un certain nombre d'années—à peu près 1 000 finissent par quitter le pays. Cet exemple m'a incité à m'interroger sur la valeur des comparaisons internationales.

Pour votre part, dans quelle mesure pouvez-vous fournir au comité des comparaisons concernant les réfugiés—au sujet des auditions, des démarches réussies? Vous avez parlé d'un délai de traitement de dossier de 19 mois en moyenne dans le cas de l'Australie. Il nous serait utile de situer un tel chiffre dans son contexte.

M. Peter Showler: Je me ferais un plaisir de fournir ce genre de renseignement au comité... Nous venons de préparer un tableau. Tout d'abord, sachant qu'il s'agit d'une difficulté qui vous confronte depuis un certain temps, j'espère que tous les membres du comité comprennent que deux grands problèmes nous guettent en matière de comparaisons internationales.

Tout d'abord, il nous arrive souvent de comparer des pommes et des oranges. Dans plusieurs pays, on prend tout d'abord une décision d'ordre administratif, et un ou deux paliers d'appel sont prévus par la suite. Or, on fournit parfois des chiffres pour la première étape, sans en fournir pour la deuxième ou la troisième. Il faut donc s'efforcer d'aller au-delà des apparences pour comptabiliser le nombre total de décisions.

En réalité, c'est la protection accordée qui nous intéresse. Quel pourcentage de personnes sont protégées dans chaque pays? Nous venons de préparer le tableau que voici. Encore une fois, je dois vous dire qu'il est en anglais seulement. La version française est en voie de préparation. Nous allons certainement en fournir un exemplaire à tous les membres du comité.

Nous nous sommes notamment inquiétés du fait que le ministère de l'Immigration vous a fourni un tableau qui mettait l'accent sur des comparaisons portant sur des aspects de la politique et donnait certains chiffres. Ces chiffres n'étaient pas nécessairement inexacts, mais ils étaient incomplets.

Nous nous sommes efforcés d'obtenir auprès du HCR et de certains organismes européens des chiffres qui, selon nous, reflètent de façon beaucoup plus exacte le nombre de décisions concernant le degré de protection et les taux de détermination. Dans ce cas également, je m'engage à fournir l'information au comité.

Le président: Monsieur Bryden.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): La revendication de statut de réfugié de l'une des migrantes chinoises a été acceptée pour motif de persécution en raison des mesures de régulation des naissances qui s'appliquent dans son pays d'origine. J'aimerais connaître la justification de la décision. J'aimerais savoir si c'était une première décision du genre, si elle a été faite par une personne, et si elle crée un précédent à des décisions ultérieures dans des cas pareils.

• 1030

M. Peter Showler: Je me ferais un plaisir de vous répondre.

Tout d'abord, ce n'est certainement pas la première fois que la Commission se penche sur la politique chinoise qui consiste à limiter les naissances à un enfant par couple. Nous étudions des revendications fondées sur son existence depuis de nombreuses années. Plusieurs des dossiers en question se sont d'ailleurs rendus jusqu'à la Cour fédéral d'appel—je pense à cet égard aux arrêts Chan et Cheung.

Permettez-moi de vous dire que la Commission a pris à cet égard des décisions aussi bien favorables que défavorables. Il ne s'agit pas simplement du fait que, en raison de cette politique visant l'enfant unique, une personne risque d'être persécutée puisqu'il lui est interdit d'avoir un deuxième enfant. Nous avons pu constater dans plusieurs cas qu'il y avait chirurgie-invasive obligatoire, ce qui veut dire essentiellement qu'on les obligeait à subir une hystérectomie. Il s'agissait pour certains revendicateurs de situations extrêmement pénibles. D'autres nous disaient tout simplement qu'ils souhaiteraient peut-être avoir un autre enfant et qu'ils s'inquiétaient donc de leur sort pour l'avenir.

Nous savons que certaines politiques extrêmement draconiennes ont été imposées en Chine. Cependant, on a pu constater une variation très considérablement pour ce qui est de leur mise en application. Ainsi, les décisions de la Commission dans ces domaines ont été partagées. La décision rendue à Vancouver, abstraction faite des constatations relatives à la crédibilité, correspond très certainement, sur le plan théorique du moins, aux décisions antérieures de la Commission.

J'aimerais demander à monsieur Palmer s'il souhaite ajouter quelque chose à cet égard.

M. Philip Palmer: Non, il n'y a vraiment rien à ajouter. Certaines décisions ont été favorables, d'autres ont été défavorables. Elles sont prises au cas par cas, selon les faits, et dépendent notamment de la région d'origine du revendicateur, des éléments de preuve concernant la mise en application des politiques et son degré de sévérité.

M. John Bryden: Étant donné que ce genre de décision touche la politique de notre pays, s'agit-il d'une question qui outrepasse le de la Commission? N'y a-t-il pas lieu de la soumettre à une autorité supérieure? S'agit-il d'une question qui devrait, par exemple, intéresser le Parlement sur le plan législatif? Il est question en effet d'une politique d'enfant unique qui vise environ un milliard de personnes. J'ai réagi à la nouvelle en me disant que la décision pourrait s'appliquer à un très grand nombre de personnes. Je me demande donc tout simplement s'il n'y a pas lieu de soumettre la question à une autorité supérieure à celle de la Commission.

M. Philip Palmer: Une autorité supérieure s'est bel et bien penché sur la question. En effet, selon un arrêt de la Cour suprême du Canada, le recours à la chirurgie-invasive pour assurer la mise en application de cette politique constitue très clairement une atteinte grave aux droits de la personne, à ses droits fondamentaux et à son intégrité. Par conséquent, dans des circonstances où il existe des possibilités réelles—et tout l'art réside évidemment dans la capacité de déterminer quelles sont véritablement les conséquences auxquelles s'exposent vraisemblablement la personne—alors, selon la jurisprudence de la Cour suprême, il se peut bien que l'on constate qu'il s'agit d'un cas de persécution, ayant donc trait à un réfugié au sens de la Convention.

Dans d'autres cas, par exemple, on assure l'application de la politique de l'enfant unique par des amendes, des sanctions administratives, le retrait de certains privilèges et avantages. En pareils cas, l'action de l'État ne peut, en règle générale, être assimilée à de la persécution.

Ce n'est donc pas la politique en tant que telle qui est contestée. La politique de l'enfant unique, selon nous, ne va pas essentiellement à l'encontre du respect des droits de la personne. C'est la méthode d'application retenue qui est parfois contestable.

M. John Bryden: Je vous remercie de cette précision.

Puis-je me permettre une autre question, monsieur le président.

Le président: Je vous prie de faire vite, aussi bien pour la question que pour la réponse.

M. John Bryden: M. Anders a soulevé une question qui m'a semblé être intéressante. Quelle serait l'incidence sur les réfugiés authentiques d'une politique de détention et de renvoi rapide des revendicateurs déboutés? Cela risquerait-il d'avoir un effet néfaste sur les revendicateurs authentiques comparaissant devant la Commission?

M. Peter Showler: Ce serait évidemment le cas pour certains d'entre eux. Certains revendicateurs authentiques ont été torturés. Beaucoup d'autres ne l'ont pas été. Certains ont été victimes d'oppression depuis des générations. Ils proviennent de groupes qui ont longtemps été brutalisés et traités comme la lie de la société. Le fait de mettre en détention des réfugiés authentiques pour une certaine période risque de donner lieu à divers problèmes. Prenons par exemple le cas d'une personne qui provient d'un État totalitaire et oppresseur et qui, au lieu de trouver au Canada la sécurité qu'elle recherche, se voit mettre en prison dès le départ. Voilà qui poserait problème.

Le président: Monsieur Bigras.

M. John Bryden: Monsieur le président, cela n'a rien à voir à ma question.

Le président: Il a répondu à votre question.

M. John Bryden: Il a répondu, mais pas à ma question.

Le président: Oui, il y a répondu. J'ai entendu votre question.

M. John Bryden: Il a mal compris.

• 1035

[Français]

Le président: Monsieur Bigras.

M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président.

L'avantage d'avoir un nouveau président, c'est qu'on peut lui demander son évaluation de notre système d'immigration actuel et sa vision d'avenir. Ma question s'inscrit dans cet ordre d'idées.

J'aimerais connaître les répercussions du délai d'attente sur notre système d'immigration au Canada. Les derniers chiffres, qui remontent à la fin décembre, nous indiquent qu'au bureau de Montréal seul, 7 000 demandes d'asile sont en attente. Il s'agit du tiers des demandes au Canada. Vous nous avez dit vouloir réduire le délai d'attente de 10 à six mois. Selon votre analyse, est-ce que les délais d'attente actuels ne font pas en sorte que certains revendicateurs présentent de nouvelles demandes en invoquant des raisons humanitaires, par exemple la réunification familiale, contribuant ainsi à l'alourdissement du système d'immigration au Canada? Je ne fais pas ici allusion aux cas qui sont acceptés en vertu de la convention sur les réfugiés.

Je voudrais savoir si avez dû faire un constat et une analyse de l'impact du délai de la commission à traiter les demandes, ainsi que de son impact sur notre système d'immigration au Canada.

M. Peter Showler: Il est très difficile de répondre à une telle question. Nous savons qu'il y a des délais à cause du tribunal et qu'on invoque dans certains cas ces délais pour faire venir d'autres personnes ici. Ces délais ont également des répercussions sur les autres systèmes et, surtout, au niveau des gouvernements provinciaux. Il est possible qu'un grand nombre d'autres demandes soient présentées et que les revendicateurs trouvent de l'appui pendant qu'ils sont ici.

Nous n'avons pas fait une analyse, bien que nous soyons conscients que ce problème existe. Selon nous, la solution consiste à trouver des façons de rendre les décisions beaucoup plus rapidement. C'est tout ce que je peux dire.

M. Bernard Bigras: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Bigras.

[Traduction]

David Price—une seule question, je vous prie.

M. David Price: M. Bigras vous a interrogé sur l'évaluation par la GRC des antécédents des personnes dont vous étudier les dossiers. Or, lorsque les représentants de la GRC ont comparu devant nous, ils nous ont déclaré qu'il manquait de ressources humaines et financières. J'imagine bien que cela est de nature à ralentir votre démarche. Une question me vient donc à l'esprit. En effet, que pourrions-nous faire, selon vous, pour faire avancer un peu les choses?

M. Peter Showler: Vous me voyez ravi d'avoir l'occasion de demander de l'aide aux autres pour une fois. Nous aurions en effet besoin d'aide sous diverses formes. Par exemple, en matière de preuve médico-légale, il arrive souvent que le dossier repose essentiellement sur l'authenticité des documents dont nous disposons. L'apport du laboratoire médico-légal de la GRC nous est extrêmement utile, mais il nous a souvent fallu attendre jusqu'à six semaines, et parfois des mois, avant de pouvoir prendre de décision. Nous pouvons évidemment inciter les membres de la Commission à s'interroger sur le caractère déterminant de la preuve médico-légale. Cependant, si l'aspect déterminant réside justement dans cette preuve, nous n'avons pas d'autre solution que d'attendre.

Il y a un autre aspect à considérer et il est très problématique. Il s'agit de l'examen sécuritaire. À l'heure actuelle, comme vous le savez, notre politique—fondée vraisemblablement sur l'insuffisance des ressources—consiste à imposer un examen sécuritaire assez succinct au départ et, par la suite, un examen sécuritaire beaucoup plus poussé lorsque la personne arrive chez nous et est soumise à notre processus. Évidemment, il serait très utile au tribunal d'avoir davantage de renseignements sur la sécurité dès le départ, surtout lorsque la possibilité d'exclusion est envisagée.

Le président: Merci, monsieur Price.

Raymonde Folco—une seule question, je vous en prie.

[Français]

Mme Raymonde Folco: Ma question s'inscrit dans la foulée celle qu'a posée mon collègue Bigras tout à l'heure au sujet de la relation de temps entre l'acceptation du réfugié selon la convention, le risque de renvoi et les motifs humanitaires.

• 1040

Lors de la session dernière, ce comité avait recommandé à la ministre que ces trois niveaux de décision soient concentrés en un seul moment, pour éviter qu'une personne à qui on refuse le statut de réfugié ait à subir un délai avant qu'on prenne une décision quant au risque du renvoi et un autre long délai dans un troisième moment, au niveau des motifs humanitaires.

Est-ce que vous pourriez nous dire où vous en êtes à la commission? Est-ce que la commission a pris une décision à cet égard? Où en êtes-vous quant à la possibilité que le même commissaire rende une décision aux trois niveaux au même moment?

M. Peter Showler: Excusez-moi, monsieur Bigras, si j'avais mal compris votre question tout à l'heure.

La ministre a déjà annoncé qu'elle était en faveur d'une consolidation, et il va sans dire que nous avions reconnu qu'il s'agissait d'une bonne idée. Nous nous sommes préparés et nous sommes capables de rendre une décision sur toutes les questions liées au risque et au danger. La question des motifs humanitaires est toutefois différente puisqu'on ne peut se baser que sur les connaissances qu'on a ici, au Canada. Ce n'est pas une question à laquelle nous sommes capables de répondre. Quant aux questions de risque et de danger, nous pouvons rendre des décisions simultanément devant le tribunal.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bryden, à vous. Je vous prie de poser votre question rapidement. Ensuite ce sera le tour de M. Benoit et de M. Anders. J'aurai peut-être moi-même l'occasion d'en poser une, si je suis chanceux.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Je vais essayer à nouveau.

M. Peter Showler: Excusez-moi, j'ai peut-être mal compris votre question.

M. John Bryden: Cela ne fait rien.

M. Anders a évoqué ce qui est arrivé lorsqu'un revendicateur n'a pas gain de cause, lorsqu'il s'adresse à la Commission et que la Commission tranche. Vous nous avez dit qu'il était libre de s'en aller et que commençait alors une procédure de renvoi. J'avais demandé ce qui se passait si, en entendant le jugement rendu contre lui, le revendicateur était immédiatement mis en détention rapidement dans son pays d'origine? Quelle incidence cela aurait-il sur les véritables réfugiés et sur le système en général? Cela aurait-il un impact négatif?

M. Peter Showler: Là encore, ce ne serait pas si grave que cela, je l'ai déjà dit, mais il est évident que la majorité des revendicateurs légitimes sont extrêmement effrayés lorsqu'ils se présentent devant la Commission. Ils ne comprennent pas le système. Si, en plus de tout le reste, il y avait cette menace de mise en détention, ce serait effectivement une menace. Mais si, dans toute sa sagesse, le Parlement venait à juger que le système serait ainsi plus efficace, je ne me prononcerais pas à ce sujet parce que de toute évidence, c'est au Parlement et au seul Parlement qu'il appartient de décider.

Le président: Monsieur Benoit, puis monsieur Anders. Une question par personne, s'il vous plaît.

M. Leon Benoit: Je vous remercie, monsieur le président.

Dans ma première intervention, je vous avais demandé pourquoi à votre avis le nombre de revendicateurs du statut de réfugié avait augmenté de 25 p. 100. À mon avis, c'est probablement parce que le Canada est perçu comme un pays au coeur tendre. Vous venez de nous parler de la politique de l'enfant unique, et vous nous avez dit que vous n'acceptiez pas les revendicateurs uniquement en fonction de cette politique, mais que vous teniez compte de ce qui, à votre avis, est la façon très dure avec laquelle la Chine traite ceux qui enfreignent cette politique.

Mais en acceptant les revendications en fonction de ce critère, cela n'équivaut-il pas à dire, avec insistance même, que le Canada est effectivement un pays au coeur tendre? Si vous arrivez au Canada, vous ne serez peut-être pas officiellement accepté—même si c'est très possible étant donné précisément la politique en question et certaines conséquences possibles pour vous si vous ne la respectez pas—mais 80 p. 100 des revendicateurs, voire probablement plus encore si on exploite toutes les ficelles, sont admis. Vous laissez entendre en d'autres termes que le Canada a effectivement le coeur tendre. En ajoutant à tout cela la politique de l'enfant unique, ne va-t-on pas encourager davantage de gens à venir et à prétendre que, comme ils ont plus d'un seul enfant, ils risquent des conséquences graves?

M. Peter Showler: Je pense qu'il y a deux réponses à cette question. En premier lieu—et c'est la raison pour laquelle nous avons étudié tous ces chiffres—en 1998, le Danemark affichait un pourcentage d'acceptation de 54.5 p. 100, la Suède de 49,8 p. 100, la Norvège de 39,4 p. 100, la Suisse de 36,8 p. 100 et le Royaume-Uni de 38 p. 100. Dans le cas des États-Unis, le pourcentage est bas. Il y a d'autres pays également pour lesquels ces pourcentages sont bas. Mais je dirais que c'est un mythe...

M. Leon Benoit: Les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont les pays qui ressemblent le plus au Canada dans ce domaine, et dans ces trois pays, les taux d'acceptation sont plus bas encore.

M. Peter Showler: Si on regarde les choses uniquement sous l'angle de cette perception que nous donnons d'avoir le coeur tendre, oui, c'est une chose. Mais dans l'autre moitié des cas, c'est-à-dire sous l'angle de l'ouverture et de l'équité, je dirais que le Canada est l'une des nations les plus protectrices, si vous me passez l'expression, lorsqu'on songe non seulement à la Commission, mais aussi à la loi en général et à la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour suprême.

En revanche, monsieur, il faut que je vous dise que j'ai très souvent entendu les gens dire que le Canada était un bon pays pour le respect des droits de la personne. Lorsqu'un réfugié légitime voit cela un peu comme une terre de refuge, moi qui suis Canadien je n'en ai aucune honte. C'est quelque chose dont on peut être fier. Non pas qu'on veille ouvrir les portes aux faux réfugiés, mais je ne pense pas que le Canada doive avoir honte d'être considéré comme un pays où la sécurité de la personne est respectée.

• 1045

Le président: Monsieur Anders, une dernière question.

M. Rob Anders: Merci beaucoup, monsieur le président.

En fait, ma question a un rapport avec celle que j'essayais de poser il y a quelques instants et sur laquelle M. Bryden avait enchaîné. Si un réfugié légitime parvient à être accepté en suivant le processus, c'est fort bien. Mais s'il n'est pas accepté, je ne vois pas en quoi le fait de le mettre immédiatement en détention afin qu'il puisse être renvoyé chez lui pas parce que ce n'est pas un réfugié légitime pourrait avoir une influence sur les réfugiés légitimes puisque précisément le cas en question n'est pas un cas légitime.

M. Peter Showler: Eh bien, ma réponse était de la pure conjecture. Je dois vous dire qu'il y a des gens qui peuvent être des réfugiés légitimes, et peut-être le savent-ils, mais ils ne sont pas convaincus que nous le savons nous. Ils ne débordent pas vraiment d'enthousiasme à l'idée de devoir se manifester, loin de là.

Je ne me prononce absolument pas sur la question de savoir s'il faudrait mettre en place un régime comme celui-là. On m'a posé la question et j'y ai répondu essentiellement à partir de ce que je sais et de mes constatations en traitant avec des réfugiés légitimes. Mais quant à se prononcer sur la mise en place ou non d'un tel régime, c'est un rôle qui revient clairement au Parlement.

Le président: Merci, monsieur Anders.

Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur Showler, j'aimerais peut-être moi aussi vous poser quelques questions, mais très rapidement parce que nous allons devoir quitter les lieux dans environ cinq minutes. Je voudrais donc vous poser une ou deux questions complémentaires suite à celles auxquelles vous avez déjà répondu.

Depuis un ou deux mois, vous avez enregistré une augmentation du nombre de revendicateurs et ce sera sans nul doute encore le cas pendant les deux prochains trimestres. Si le comité et la ministre venaient à décider, comme vous l'avez évoqué vous aussi, d'améliorer le processus, cela pourrait-il au minimum...? Nous voudrions ramener le délai de 9,3 mois à six mois. Je pense que, tout le monde l'a dit, y compris la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, six mois environ devraient constituer la nouvelle référence. Seriez-vous capable de le faire ou auriez-vous besoin de moyens supplémentaires? Je m'interroge au sujet d'un plan d'opération. Je pense qu'on vous a déjà posé la question. D'abord, comment améliorer le processus. Ensuite, il y aurait sans doute les moyens nécessaires pour que nous puissions arriver à ce seuil de référence. Faudrait-il une combinaison des deux ou serait-il possible d'améliorer l'efficience du système actuel et, dans l'affirmative, pourriez-vous en arriver à respecter cette barre de six mois sans avoir besoin de moyens supplémentaires?

M. Peter Showler: Je pense que nous allons nous en rapprocher beaucoup plus si nous réussissons à mettre en place le genre de régime dont nous parlons. Notre réussite dépendra de ce très gros facteur externe. Vous savez, une augmentation de 25 p. 100 est un très gros morceau. Nous ne parlons pas d'une petite augmentation. Si la tendance plafonne, je vous dirais en réponse à votre question qu'à mon avis, nous pourrions y arriver sans avoir besoin de ressources supplémentaires à condition d'avoir un plein effectif. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas, de sorte qu'il faut commencer par l'avoir. Mais si nous parvenons à arriver au plein effectif, je pense que ce serait possible. Si par ailleurs la tendance se poursuit à la hausse, il nous faudra à un moment donné des moyens supplémentaires.

Le président: D'après les témoignages que nous avons déjà entendus en ce qui concerne le système de détermination du statut de réfugié et même le comité, nous devons absolument faire en sorte que le public fasse confiance au système. Par conséquent, comme l'a dit la ministre de façon imagée, nous voulons pouvoir faire en sorte d'ouvrir la porte aux réfugiés légitimes tout en prenant bien soin de ne pas ouvrir la porte arrière—celle qu'utilisent les immigrants clandestins, les passeurs et, de toute évidence aussi, les arnaqueurs de tout crin—afin précisément que la population continue à faire confiance à la grande porte.

D'après votre expérience et d'après ce que vous venez tout juste de nous dire—quatre cas sur 200 pour lesquels vous avez rendu une décision dans les cas des Chinois—je ne suis pas convaincu que cela soit effectivement perçu comme la marque d'un pays au coeur tendre. Au contraire, cela semble donner l'impression que nous faisons notre boulot en montrant que nous n'avons pas du tout le coeur tendre pour les gens qui arrivent chez nous clandestinement avec l'aide de passeurs.

D'après votre expérience dans le cas de ces Chinois qui sont arrivés clandestinement par bateau, dans le cas des passeurs, que feriez-vous pour gagner effectivement la confiance du public? Nous avons entendu le délégué des Nations Unies nous dire que ces gens utilisent tous les moyens possibles pour prendre pied au Canada, notamment en monnayant les services de passeurs et d'arnaqueurs, et qu'ils sont prêts à payer des fortunes ou se mettre à la merci de ces passeurs pendant 10 ou 15 ans, hypothéquant en quelque sorte leur existence. Les gens qui veulent désespérément fuir certains pays sont prêts à tout. Que faire à votre avis, notamment dans le cas de ces passeurs? D'après ce que vous avez vous-même vécu, pouvez-vous affirmer que ces gens profitent de ces soi-disant réfugiés qui essaient d'entrer au Canada? Que devrions-nous faire pour nous attaquer au problème des passeurs?

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M. Peter Showler: C'est une simple question de mise en application, mais à laquelle il m'est difficile de répondre. Je vous dirais que les passeurs...

Le président: Mais d'après votre expérience, est-ce effectivement cela que vous entendez dire?

M. Peter Showler: En effet. Bien entendu, les passeurs intéressent deux clientèles différentes. D'une part, il y a les véritables réfugiés auxquels ils viennent en aide parce que bien souvent, ces réfugiés ne parviennent pas à obtenir les documents nécessaires pour sortir de leur pays, et ils ne parviennent pas non plus à obtenir un visa pour venir dans des pays comme le nôtre. Ils viennent donc en aide aux véritables réfugiés en même temps qu'ils établissent tous les faux papiers nécessaires pour les réfugiés clandestins. Ce sont ceux-là les passeurs. Sur la côte Ouest, le problème est différent en ce sens qu'il s'agit vraiment de gens qui font du trafic humain. La ministre en a d'ailleurs parlé. C'est quelque chose qui est pire encore parce que c'est ni plus ni moins une forme moderne d'esclavage. Le problème est donc beaucoup plus aigu.

Le président: Pour finir, pour ce qui est de ce pourcentage effectif comme on l'appelle, si nous n'approuvons que 43 p. 100 des revendicateurs parce que nous ne pouvons pas expulser tous ceux que nous n'estimons pas être des réfugiés, M. Benoit a laissé entendre que ce pourcentage pourrait aller jusqu'à 80 p. 100. Vous avez vous-même dit que si on ajoutait à ces 43 p. 100 tous ceux que nous ne déportions pas, ce chiffre pourrait être de 65 p. 100. Ici encore, ces gens comprennent-ils à tort en écoutant cela que peu importe qu'on soit ou non accepté comme réfugié, les risques de renvoi sont tellement faibles qu'à toutes fins pratiques, une fois arrivé au Canada on peut y rester.

Je ne suis pas convaincu que ce soit le genre de message que nous voulons faire entendre. À mon avis, l'approbation de la revendication doit être un billet d'entrée; si elle n'est pas approuvée, s'il y a ordonnance d'expulsion, cela veut dire qu'à un moment donné, n'importe quand, vous risquez d'être renvoyé. Il n'y a donc aucune véritable certitude.

Je pense que nous essayons de balayer cette fausse notion selon laquelle il y a un pourcentage effectif de chance de rester au Canada, ce pourcentage étant essentiellement le pourcentage d'approbation, plus les chances de passer au travers des mailles. Si nous nous comparons à d'autres pays, je pense que nous obtenons d'assez bons résultats, mais je me demande si vous ne pourriez pas encore nous éclairer davantage. À l'évidence, vous ne tenez pas compte de cela dans vos statistiques, à moins que je ne me trompe, vous ne tenez pas compte du fait que vous acceptez 43 p. 100 des revendications et que nous ne renvoyons pas assez rapidement et assez souvent, de sorte que vous considérez cela comme s'il s'agissait d'un pourcentage effectif de réfugiés admis au Canada.

M. Peter Showler: Non, nous n'en tenons pas compte. Je dois vous dire que cela affecte d'ailleurs le moral de mes collègues. Lorsqu'on a travaillé d'arrache-pied, lorsqu'on en est arrivé à une décision très difficile du genre de celles dont je vous ai parlé, entendre dire que la personne en question est toujours au Canada deux ans plus tard n'est pas vraiment le genre de chose que la Commission aime beaucoup et c'est donc pour nous quelque chose de très difficile. J'ai entendu parler de certains cas où des collègues avaient rendu une décision tout à fait plausible, un arrêté d'interdiction par exemple, et avaient vu deux ans plus tard la personne en question se promener en ville. Du point de vue de la Commission, nous essayons donc de faire notre travail du mieux que possible. Mais après cela, ce n'est plus de notre ressort, même si nous serions assurément ravis...

Le président: Mais la population et, croyez-le ou non, les politiciens, sont 100 p. 100 d'accord avec vous à ce sujet pour ce qui est de la confiance du public.

Messieurs Showler et Palmer, madame Senécal, je voudrais vous remercier tous les trois d'avoir bien voulu répondre à nos questions. Peter, je ne pense pas que nous ayons été trop durs pour vous...

M. Peter Showler: Vous avez été très bienveillants et je vous en remercie.

Le président: Si j'avais su, nous vous aurions commandé un gâteau.

Un mot encore si vous voulez bien. Je dirais qu'étant donné votre expérience au sein de la CISR, vous avez réussi à mettre un visage humain sur une problématique qui, à mon avis, est extrêmement humaine elle aussi. Traiter tous ces dossiers est une chose, mais je pense que vous avez réussi, dans ce que vous nous avez dit jusqu'à présent aujourd'hui, à mettre un visage humain sur ce que vivent tous ces gens qui, manifestement, veulent venir s'installer dans ce beau pays qui est le nôtre, sur ce par quoi ils passent. Hier, notre comité essayait de voir s'il ne lui serait pas possible d'entendre d'autres témoins, et nous nous demandions s'il ne nous serait pas possible d'entendre certains de ceux et celles qui travaillent en première ligne, voire certains des réfugiés afin d'apprendre de leur bouche ce qu'ils ont dû vivre et subir.

J'ignore si la chose serait possible et si des réfugiés accepteraient parce que de toute évidence il y a là aussi une question de protection de la vie privée. Nous y travaillons; mais je dois toutefois vous dire, monsieur Showler, qu'étant donné l'expérience que vous avez de la question—vous avez probablement tout vu et tout entendu—vous avez réussi à mettre un visage humain sur un dossier qui est pour nous extrêmement difficile. Je voudrais en mon nom personnel vous en remercier, vous remercier de nous avoir fait découvrir un peu le sentiment profond de ces gens qui veulent venir au Canada, qui veulent échapper aux atrocités qui ont cours dans leur pays. Merci beaucoup donc.

Merci à tous.

Il se peut que nous nous remettions en contact avec vous au moment de la rédaction de notre rapport final. Il se pourrait également que nous voudrions vous reconvoquer, Peter. Merci.

La séance est levée. Le comité reprendra le mercredi 23 février à 9 heures.