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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 avril 2000

• 1534

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Collègues, je vais maintenant ouvrir la séance. Je suis heureux de constater que ce marteau fait son effet et ramène l'ordre.

Chers collègues, notre comité se réunit pour examiner le rôle des Nations Unies dans la défense des droits des enfants dans les conflits armés. Le gouvernement canadien a sollicité l'opinion de jeunes qui ont vécu dans des zones de guerre et qui sont maintenant au Canada et leur a demandé de quoi avaient besoin les enfants lorsque survient un conflit armé. Le gouvernement espère ainsi déterminer quelles sont les priorités de ces enfants.

• 1535

Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui notre ministre des Affaires étrangères, l'honorable Lloyd Axworthy; l'honorable Maria Minna, ministre chargée de la Coopération internationale et enfin, Son Excellence Olara Otunnu, représentant spécial des Nations Unies et secrétaire général adjoint pour la question des enfants et les conflits armés. Si vous lisez sa biographie, vous verrez qu'il a été ministre des Affaires étrangères de l'Ouganda. Je peux vous assurer, après avoir déjeuner avec Son Excellence, qu'il connaît extraordinairement bien l'Afrique et toutes les questions dont il est responsable aux Nations Unies. Monsieur, c'est un grand plaisir de vous recevoir dans notre comité.

Au nom du comité, je tiens également à souhaiter la bienvenue à deux représentants de l'organisme War Child Canada, qui tente de mieux faire connaître ces problèmes. Le ministre parlera de cela dans sa déclaration d'ouverture. Nous avons également parmi nous Hannady Mobarek, de Somalie. Hannady, nous vous remercions infiniment d'être venue aujourd'hui. Nous avons également Salah Mohamed, qui est du Soudan, et qui peut nous parler, non seulement des problèmes que nous examinons ici, mais également de son expérience personnelle et directe. Nous sommes donc particulièrement heureux de vous recevoir aujourd'hui.

Monsieur le ministre, je vais m'arrêter ici et vous présenter, après quoi vous pourrez commencer la séance.

L'honorable Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères): Merci beaucoup, monsieur le président. Pour commencer, je tiens à remercier les membres du comité qui ont organisé cette séance spéciale qui va nous permettre d'entendre l'opinion de ces personnes particulièrement bien informées.

J'aimerais dire également que nous pourrons trouver une autre date pour étudier le Budget principal, le sujet dont nous devions traiter aujourd'hui. Nous trouverons un moment qui convient à tout le monde.

J'aimerais également présenter d'avance mes excuses, car un engagement imprévu va me forcer à partir à 16 h 30. Cela dit, Mme Minna et nos trois invités resteront pour terminer la séance. C'est un de ces incidents qui survient dans la vie d'un ministre des Affaires étrangères, et je vous demande d'être indulgents.

Je suis heureux de cette occasion de discuter, en compagnie de ma collègue, Mme Minna, des activités du Canada en ce qui concerne les enfants touchés par la guerre. D'autre part, notre invité spécial, Son Excellence Olara Otunnu, a une réputation mondiale, et il a fait énormément pour mieux faire connaître ce problème. Enfin, nous avons ces deux jeunes gens qui devraient pouvoir nous faire profiter de leur expérience personnelle.

Comme vous l'avez dit dans votre introduction, monsieur le président, les souffrances des enfants qui sont touchés par la guerre sont une des tragédies les plus affreuses de notre époque. Nous avons tous vu les photographies, nous les regardons avec horreur et avec choc, des enfants dont les membres ont été coupés, des enfants à la figure remplie de crainte et de désespoir, des enfants noyés dans l'horreur et l'impuissance de la guerre. Nous avons tous entendu les statistiques, ce sont des millions et des millions d'enfants qui sont marqués irrémédiablement par la brutalité émotive, physique et psychologique de la guerre et des conflits. Ce sont des enfants qui ont perdu leurs parents, leur maison, leurs écoles, des enfants qui ne peuvent plus jouer. D'autres ont été enrôlés dans des factions de combat, sont devenus des soldats, des esclaves sexuels ou des porteurs d'eau. Ils ont assisté à des actes inhumains contre des gens qu'ils aimaient, ils portent avec eux des souvenirs et des cauchemars qui les poursuivront toute leur vie durant. On peut véritablement dire que, pour un enfant, les effets de la guerre sont éternels.

J'ai déjà parlé devant votre comité des efforts que nous faisons pour adapter notre politique étrangère et privilégier avant tout la sécurité des êtres humains. Quand on parle de sécurité des êtres humains, on devrait parler avant toute chose de celle des enfants. Le Canada a été très actif dans de nombreux domaines, il a contribué à des modifications du Droit international, il a aidé les victimes et encouragé l'action sur la scène internationale.

[Français]

En janvier, après des efforts considérables de la part du Canada et d'autres pays, on s'est finalement entendu sur un protocole à la Convention relative aux droits de l'enfant. Ce document traite directement de la participation des enfants, et particulièrement des enfants-soldats, aux conflits armés.

Le ministre de la Défense nationale a déposé un projet de loi qui hausse à 18 ans l'âge minimum pour le déploiement de militaires canadiens dans des théâtres d'hostilités, faisant ainsi du Canada un chef de file dans ce domaine.

[Traduction]

Ces efforts pour aider ces jeunes victimes de guerre sont un élément important des initiatives d'édification de la paix du Canada, qu'il s'agisse de petits projets axés sur la thérapie par l'art, ou encore de désarmement, de démobilisation et de réadaptation des enfants soldats au Sierra Leone.

• 1540

Le Canada continue également à croire que les Nations Unies et ses organismes ont un rôle crucial à jouer lorsqu'il s'agit de protéger les enfants touchés par un conflit. Dans ce domaine, notre invité distingué, M. Otunnu, a été d'une aide précieuse. En effet, il a joué un rôle crucial, sensibilisant à la fois les Nations Unies et le reste du monde à la gravité de ces problèmes, et c'est avec plaisir que nous fournissons à son bureau les ressources nécessaires à ce travail important.

Depuis l'année dernière, le Canada siège au Conseil de sécurité des Nations Unies, et dès le début, nous avons réclamé de meilleures protections pour tous les civils, y compris les enfants, et nos efforts commencent à porter fruit. Après la décision sans précédent du Conseil d'établir une mission au Sierra Leone, le secrétaire général a annoncé le mois dernier qu'à partir de maintenant, toutes les missions de soutien de la paix auraient un conseiller en matière de protection des enfants. Dans ce domaine, le Canada a l'intention de continuer à montrer l'exemple.

Cette année, le Canada a un programme très rempli car il va tenter de cristalliser l'attention et l'action pour améliorer la vie des enfants touchés dans le monde entier. Un peu plus tard ce mois-ci, je dois coprésider une conférence sur les enfants touchés par la guerre en Afrique occidentale. Mon coprésident sera le ministre des Affaires étrangères du Ghana, Victor Gbeho. Cette conférence a pour but d'amorcer des initiatives régionales en matière de protection des enfants. Les gouvernements d'Afrique occidentale, les ONG, des jeunes et des donneurs vont se réunir pour rédiger un plan d'action dans l'espoir de changer les choses dans cette région qui est certainement une des plus touchées.

Nous allons continuer à privilégier les enfants dans nos efforts de consolidation de la paix et nous avons également l'intention de consacrer à ce problème une bonne partie des 10 millions de dollars supplémentaires que nous avons prévus dans le budget de cette année pour les initiatives de sécurité de l'être humain.

Nous pensons que la jeunesse canadienne devrait également contribuer à la solution de ces problèmes qui touchent des gens de leur âge dans d'autres pays. Pour cette raison, en septembre prochain, mon ministère organise un forum national pour les jeunes. Des jeunes de tout le pays vont se rencontrer en personne et cybernétiquement, ce qui leur permettra de donner leurs opinions sur ce problème crucial.

Après cela, à la mi-septembre, le Canada sera l'hôte d'une conférence internationale sur les enfants touchés par la guerre, et ce sera l'occasion de discuter d'un grand nombre de ces initiatives. Cette conférence aura lieu à Winnipeg. Nous allons également continuer sur la lancée de ce qui avait été commencé en 1996 par la communauté mondiale; à l'époque Graça Machel avait présenté pour la première son étude très novatrice sur les effets des conflits armés sur les enfants. Dans le même esprit que la campagne sur les mines de terre, cette conférence permettra de rassembler des gouvernements, des organismes internationaux et des représentants de la société civile pour défendre une cause commune et forger un plan d'action mondial, à la fois complet et concret.

[Français]

Dans le discours du Trône de cette année, le gouvernement s'est engagé à améliorer le sort des enfants dans le monde, y compris le sort des enfants touchés par la guerre. Nous donnons maintenant suite à cet engagement.

[Traduction]

Avant de donner la parole à notre invité, permettez-moi de demander à ma collègue, la ministre chargée de la Coopération internationale, de développer un peu plus le rôle du gouvernement. Maria.

L'honorable Maria Minna (ministre de la Coopération internationale): Merci, Lloyd.

Pour commencer, je tiens à souhaiter la bienvenue à M. Otunnu et à nos autres invités.

Je me contenterai de quelques observations car je préfère entendre ce que notre invité va nous dire. Je dirais simplement que, comme vous le savez, l'ACDI a été très active dans ce domaine ces derniers temps. Immédiatement après la fin du conflit au Sierra Leone, nous sommes intervenus pour aider les enfants soldats et les enfants. C'est un domaine où nous continuons à oeuvrer.

Je suis particulièrement fière de pouvoir participer, avec Lloyd, à la conférence de l'automne. Je ne pourrai pas assister à celle du Ghana, car je dois assister à deux autres conférences en Afrique, une sur l'éducation, et une autre sur le recul de la malaria. Toutefois, un de nos collègues assistera à la conférence du Ghana, avec le ministre, qui dirigera la délégation.

L'ACDI s'intéresse très activement aux enfants touchés par la guerre. Le pire n'est pas de savoir quelles mesures prendre pour les aider pendant ou après un conflit mais de trouver les moyens de prévenir les conflits, particulièrement entre États, pour éviter pareille tragédie.

Je dirai quelques mots en conclusion quand M. Otunnu aura terminé. Je vais donc m'arrêter ici.

Le président: Merci, madame la ministre.

Votre Excellence, vous pourriez peut-être dire quelques mots au comité.

Son Excellence M. Olara Otunnu (représentant du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés): Monsieur le président, je me sens honoré d'être parmi vous cet après-midi.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, distingués membres du comité permanent, je suis venu aujourd'hui rendre hommage au Canada du leadership qu'il a assumé dans la lutte pour la protection des enfants touchés par la guerre, du Kosovo au Sierra Leone, en passant par le Rwanda, le Timor- Oriental, la République démocratique du Congo, du projet de protocole facultatif en vue de l'élaboration d'une nouvelle norme relative au recrutement et au déploiement de jeunes personnes dans les forces armées, au Conseil de sécurité et aux diverses initiatives régionales. Je suis venu car je tiens à exprimer, au nom des Nations Unies et de tous ceux qui, partout dans le monde, se sont donnés pour mission de protéger les enfants, notre très sincère reconnaissance pour la contribution incroyablement importante du Canada—non seulement par l'entremise du gouvernement fédéral, du comité permanent, du ministre des Affaires étrangères, M. Axworthy, du ministre du Développement, Mme Minna, mais aussi par l'action des jeunes Canadiens qui sont fortement mobilisés, et les ONG.

• 1545

Je suis aussi venu vous demander votre aide pour que nous puissions, ensemble, approfondir et élargir la portée de ces efforts.

Nous voilà à l'orée d'un nouveau millénaire et pourtant, nous sommes toujours témoins d'horreurs innommables commises contre des enfants dans le contexte de conflits armés. Il n'y a pas de catégories d'enfants ou de personnes qui soient aussi vulnérables que ne le sont les enfants pris dans le feu croisé des belligérants.

Les horreurs commises contre les enfants revêtent diverses formes: enfants tués; enfants devenus orphelins, enfants estropiés, enfants déracinés de leurs foyers, enfants violés et agressés sexuellement; enfants privés de leurs droits à l'éducation et à la santé; enfants exploités et transformés en soldats; et beaucoup d'enfants marqués pour toujours par les cicatrices et les traumatismes émotionnels.

Les civils et les non-combattants ont le droit d'être protégés mais les enfants plus que tout autres doivent être protégés en priorité. Pourquoi? Parce que le enfants sont tout particulièrement innocents et vulnérables. Par ailleurs, les enfants sont l'espoir et l'avenir de la société. Quand on les détruit, dans le cadre des nombreux conflits dont nous sommes témoins, c'est une société tout entière que l'on détruit.

Pour vous donner une idée de l'ampleur du problème, au cours de la dernière décennie, on calcule que plus de deux millions d'enfants ont trouvé la mort dans le cadre d'une guerre, plus d'un million sont devenus orphelins, environ 8 millions ont été grièvement, ou de façon permanente, blessés ou handicapés, et plus de 10 millions subiront toute leur vie les séquelles de traumatismes psychologiques graves.

Ce qui plus est, pendant que je vous parle cet après-midi, et pas uniquement au cours de la dernière décennie, dans environ 50 pays, les enfants souffrent aujourd'hui des effets et des conséquences des conflits. Aujourd'hui, la guerre a déplacé plus de 20 millions d'enfants, à l'intérieur ou à l'extérieur de leurs pays. Quelque 300 000 jeunes de moins de 18 ans sont actuellement exploités comme jeunes soldats et nous calculons que, tous les mois, les mines terrestres estropient au-dessus de 800 enfants.

L'ampleur de l'horreur que je vous décris est étourdissante et ses excès n'ont plus rien d'exceptionnel; ils sont répandus dans le monde entier. Avec ce triste bilan en toile de fond, nous calculons aujourd'hui que près de 90 p. 100 de toutes les victimes des conflits en cours sont des civils et dans la plupart des cas, des femmes et des enfants. Cela se compare au 5 p. 100 pendant la Première Guerre mondiale et à, peut-être, 45 p. 100 pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est le monde à l'envers.

Nous pourrions mettre fin aux horreurs en série que je viens de décrire si nous prenions de concert des mesures musclées au niveau tant national qu'international.

Aujourd'hui, j'aimerais vous parler des initiatives lancées et menées par mon bureau dont la mission s'exerce au profit des enfants touchés par les conflits.

• 1550

Dans un premier temps, nous avons inauguré l'ère de l'application des normes internationales. Je crois fermement que le moment est venu pour la communauté internationale de lancer l'ère de l'application des normes internationales en ce qui a trait à la protection des populations civiles, et tout particulièrement les femmes et les enfants.

Depuis 50 ans, les nations du monde ont élaboré un ensemble réellement impressionnant de textes relatifs aux droits de la personne et aux droits humanitaires internationaux, mais ces instruments se sont avérés peu efficaces dans la protection des femmes et des enfants. Nous devons donc délibérément consacrer nos énergies non plus au projet juridique de l'élaboration de normes mais bien au projet politique qu'impliquent leur application et leur respect sur le terrain.

Dans un deuxième temps, il faut prendre des initiatives concrètes là où la guerre fait rage. Nous devons prendre des initiatives concrètes pour prévenir ou atténuer la souffrance des enfants pris dans les feux croisés d'un conflit qui dure.

Lors de mes récentes visites dans divers pays, du Sri Lanka au Burundi, du Soudan à la Colombie, du Sierra Leone à la RDC, les parties aux conflits, tant l'État que les groupes d'insurgés, se sont engagés à prendre certaines mesures afin de mieux protéger les enfants: permettre l'accès aux populations en détresse; ne pas gêner la distribution d'aide humanitaire; respecter les cesser-le- feu humanitaires pour permettre la vaccination: ne pas attaquer les écoles ou les hôpitaux; ne pas utiliser de mines terrestres; et ne pas recruter des enfants comme soldats. Toutefois, la communauté internationale doit maintenant exiger sans fléchir le respect de ces engagements et les belligérants doivent tenir leurs engagements. Voilà pourquoi il est crucial que les principaux intervenants—gouvernements, Conseil de sécurité, organisations régionales, organes de la société civile—renforcent ces engagements en utilisant leurs propres moyens de communication et leur influence, afin que la protection des droits des enfants deviennent l'enjeu prioritaire des programmes d'après-conflit.

Je dirais que, mis à part l'impératif du rétablissement de la sécurité et de la consolidation de la paix, le défi le plus intimidant qu'ait à relever un pays après la guerre est celui qu'il est convenu d'appeler la crise des jeunes, les conditions désespérées des jeunes et des adolescents. Dans un grand nombre de ces pays, les chances de rétablissement dépendent donc largement de la resocialisation de ces jeunes et des efforts faits pour qu'ils retrouvent l'espoir.

Voilà pourquoi le gouvernement du Canada, mon bureau et d'autres intervenants font de si gros efforts pour que les principaux acteurs sociaux responsables de la cicatrisation et de la reconstruction après-conflit accordent la priorité aux droits et à la protection des enfants et en fassent le principal critère de l'attribution de ressources et de l'élaboration de politiques.

Nous tentons aussi d'intégrer aux opérations de maintien de la paix de l'ONU des mécanismes de protection des enfants.

Je défends l'idée que la protection des droits des enfants devienne l'une des priorités de toutes les opérations de maintien de la paix sous l'égide des Nations Unies partout où les enfants sont durement touchés par les conflits.

À cette fin, j'ai proposé l'intégration systématique de trois éléments: d'abord, que la protection et la réinsertion sociale des enfants soient mentionnées explicitement dans l'énoncé de mission des opérations de maintient de la paix; ensuite, afin de promouvoir le respect de ce volet du mandat des missions de maintien de la paix, des défenseurs des droits des enfants, qu'on appelle maintenant des conseillers en protection de l'enfance, soient toujours rattachés à de telles opérations; et enfin, qu'une formation adaptée soit donnée de façon plus systématique à tout le personnel, tant civil que militaire, des opérations de maintien de la paix afin qu'il soit en mesure de protéger les droits des femmes et des enfants en particulier.

Nous nous employons aussi à favoriser l'acquisition au niveau local des compétences voulues pour protéger les enfants et défendre leurs droits.

• 1555

À mon avis, il est indispensable que nous aidions les autorités locales à acquérir les compétences nécessaires pour protéger les enfants victimes de la guerre et défendre leurs droits. À cet égard, j'ai déjà préconisé le lancement de certaines initiatives dans les pays touchés par des conflits: la création d'une commission nationale pour les enfants, comme on le propose au Sierra Leone, la formation d'un groupe de sages et d'hommes d'États qui agiraient comme ombudsmen, comme cela se fait au Liberia; et la formation d'un caucus parlementaire, comme au Sierra Leone.

Mains tendues aux enfants touchés par la guerre: une grande partie de mon travail de promotion consiste à mobiliser un mouvement international pour exercer des pressions sociales et politiques en faveur de la protection des enfants. Je crois que les enfants et les adolescents doivent faire partie de ce mouvement en tant que porte-parole, en tant que participants, et qu'il faut leur donner la possibilité de s'exprimer eux-mêmes. C'est pourquoi j'ai proposé plusieurs projets dont je fais la promotion:

- Le projet Voice-of-Children, qui consiste à établir dans des pays touchés par la guerre des stations de radio consacrées principalement aux intérêts des enfants.

- Le réseau Children-to-Children, qui vise à relier des enfants qui vivent dans des pays en paix, comme le Canada, et des enfants qui vivent dans des pays frappés par la guerre au moyen de liaisons directes d'école à école ou de quartier à quartier. Je suis très heureux de constater que les jeunes du Canada sont très mobilisés par ce projet.

- Le projet Local Heroes. À chaque fois que je suis allé dans des pays ravagés par un conflit, j'ai été frappé de constater les choses extraordinaires qu'accomplissent des gens généralement qualifiés de «simples citoyens» au niveau local et au niveau de la collectivité, et ces personnes sont souvent des femmes et des enfants. Il faut donner plus de publicité à ces exemples et souligner le rôle de ces personnes sur le terrain.

La lutte contre le recrutement et l'exploitation dans des conflits: comme l'a dit tout à l'heure le ministre, l'une des pratiques les plus horribles liées à la guerre de nos jours est l'exploitation des enfants pour accomplir des actes de violence. Après plusieurs années de négociations, les pays se sont entendus pour relever l'âge minimum de recrutement et de participation de jeunes personnes à des conflits, Je suis très heureux que le Canada ait contribué très activement à l'obtention de ce résultat, et grâce à cet accord, nous pouvons maintenant changer les choses sur le terrain et entraver cette exploitation des enfants.

En contribuant à faire examiner cette question par le Conseil de sécurité, le Canada a pu obtenir l'an dernier l'adoption de la résolution 1261, consacrée entièrement à la protection des enfants touchés par des conflits. Armé de cette résolution, je vous demande votre collaboration pour deux tâches. D'une part, il faut encourager le Conseil de sécurité à appliquer les dispositions de cette résolution à des cas particuliers. Le Canada se fait le fer de lance de cette initiative au sein du Conseil de sécurité. D'autre part, il faut utiliser cette résolution comme outil de propagande contre les belligérants du monde entier.

En conclusion, monsieur le président, je voudrais souligner trois points.

D'une part, je voudrais souligner l'importance de l'interdépendance, qui joue en notre faveur. Nous nous demandons parfois comment nous pourrons réussir à faire prendre au sérieux par les belligérants ces demandes de protection. Eh bien, nous vivons dans un monde étroitement interdépendant. Pour pouvoir poursuivre leurs efforts de guerre, les belligérants ont besoin de la coopération de la collectivité qui leur fournit des armes; ils ont besoin de son appui pour acheter, souvent de manière illicite, du bois d'oeuvre et des produits miniers; pour obtenir des devises et se faire une bonne publicité dans leurs journaux. Nous devons nous servir de ces leviers pour exercer une influence positive sur ces belligérants.

Le deuxième risque, c'est celui de la complaisance. Si j'ai une crainte, c'est bien celle de voir la communauté internationale, bombardée de ce genre d'images, à en arriver à trouver normal un phénomène qui est une insulte à tous les normes acceptables dans nos sociétés. Il ne faut pas que cela arrive. Nous devons créer un climat politique et social qui rendra parfaitement inacceptable les abus et les brutalités dont sont victimes les enfants.

• 1600

Enfin, mon rôle est un rôle de promotion. Il consiste à réunir des individus, à proposer des idées, à collaborer avec les intervenants et les gouvernements pour atteindre certains de ces objectifs. Je suis du fond du coeur convaincu que nous pouvons les atteindre si nous y mettons notre volonté, si nous investissons suffisamment, si nous collaborons pour cela.

Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie infiniment, Excellence.

Mademoiselle Mobarek.

Mlle Hannady Mobarek (porte-parole, War Child Canada): Je m'appelle Hannady Mobarek. Je viens de Somalie. J'ai quitté la Somalie à l'âge de sept ans avec ma grand-mère. J'ai dû fuir au Yémen, ce qui a été très pénible pour ma grand-mère et pour moi. J'ai perdu mes parents et mes frères.

Quand je suis arrivée au Yémen, j'ai eu beaucoup de difficulté à aller à l'école ou à faire quoi que ce soit. Je n'ai jamais eu de papiers. J'ai toujours été obligée de me cacher. Les voisins m'ont toujours aidée pour ma scolarité, parce que le père était enseignant dans une école publique. C'était très difficile pour moi car à chaque fois que j'allais dans une école, je me faisais insulter à cause de la couleur de ma peau. Les gens du Yémen du Nord ont une couleur de peau plus claire. J'aurais eu beaucoup de mal à rester longtemps dans ce pays.

Il y avait aussi la guerre au Yémen, entre le Nord et le Sud. Les femmes sont maltraitées au Yémen, on se fait insulter dans la rue... surtout quand on sait que vous êtes Somalienne. À chaque fois que je devais aller au marché ou que j'étais dans la rue... Ils embarquaient les enfants dans des autobus pour les emmener à la guerre, même s'ils avaient moins de 18 ans. Ils violaient des femmes, même des enfants.

Je suis restée là jusqu'en 1998, et je suis venue au Canada à ce moment-là. Je suis vraiment heureuse d'y être. Je suis très triste de ce qui s'est passé, et je compatis avec tous ceux qui ont connu les mêmes choses que moi. Je remercie le Canada de m'aider et d'aider tous les enfants touchés par la guerre. Je suis vraiment heureuse que le Canada fasse quelque chose pour aider tous ces enfants victimes de la guerre... et contribue au maintien de la paix.

Le 14 février, il y a eu une conférence à l'intention des jeunes au sujet des enfants victimes de la guerre. On nous a invités à donner notre opinion, et cela a été très intéressant. J'espère que toutes ces conférences déboucheront sur quelque chose de concret, que ce ne sera pas juste des paroles ou des entrevues et des films, mais qu'un pays viendra vraiment nous aider tous.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, mademoiselle Mobarek.

Monsieur Mohamed.

M. Salah Mohamed (porte-parole, War Child Canada): Je m'appelle Salah Mohamed, je viens du Soudan. Mon père était un chef politique du gouvernement démocratique. Le gouvernement a été renversé et le régime qui a suivi a ruiné pays. Ils s'en sont pris à nous à cause de la situation de mon père dans le gouvernement précédent et ils nous ont forcés à quitter le pays. Nous sommes allés au Koweit pendant cinq ans, puis en Arabie saoudite pendant 10 ans.

Mon père a été tué dans un accident. Par la suite, nous avons découvert que ce n'était pas un accident, mais qu'on avait en fait camouflé son assassinat en accident. Le tribunal ne nous a pas aidés. L'ambassade ne s'est même pas occupée de nous et n'a fait aucun appel téléphonique. Le gouvernement saoudien ne nous a même pas autorisés à faire venir un avocat. Le tribunal a rendu sa décision sans entendre de témoins ni examiner de preuves.

On a supprimé notre permis de résidence en Arabie saoudite et nous avons dû repartir au Soudan. Nous y sommes retournés et de nouveau il y a eu les agressions, les arrestations, la prison. On nous a pris nos terres et nos maisons, tout, simplement parce que nous n'étions pas du même bord que le gouvernement.

• 1605

Nous nous sommes enfuis de nouveau après avoir pris des noms d'emprunt; nous avons pris le dernier nom sur le passeport pour pouvoir arriver à l'aéroport du Caire. Nous sommes restés deux ans au Caire où nous avons été protégés en tant que réfugiés. Mais comme c'est tout près du Soudan, notre pays, cette protection n'était pas suffisante.

Finalement, nous sommes venus au Canada. Je suis heureux d'avoir trouvé ici plus d'appuis que n'importe où ailleurs dans le monde. Merci.

Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier profondément tous les deux pour ces témoignages personnels. Je sais qu'il est extrêmement pénible de revivre ces moments douloureux de votre existence.

Je tiens à signaler aux membres du comité que vous oeuvrez tous deux activement au sein de l'organisme War Child Canada à sensibiliser les Canadiens à ce grave problème et à aider les enfants qui se trouvent dans la même situation où vous vous êtes trouvés il y a un certain nombre d'années. Nous vous sommes reconnaissants non seulement de ce que vous faites dans notre pays mais aussi du rôle que vous jouez dans la mise en oeuvre du programme parrainé par Son Excellence. Vous oeuvrez concrètement à faire en sorte qu'on aide les jeunes qui se trouvent dans cette déplorable situation et à établir quelle peut être la contribution des Canadiens dans ce domaine.

Je vous remercie beaucoup d'avoir bien voulu comparaître devant le comité pour nous exposer vos vues sur le problème.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Chers collègues, le ministre doit partir dans 25 minutes. Comme vous êtes nombreux à vouloir lui poser des questions, je propose d'accorder sept minutes à chaque intervenant. La ministre Minna restera avec nous après le départ du ministre et il nous restera une demi-heure pour poursuivre la discussion. Ceux qui veulent poser une question directement au ministre des Affaires étrangères devraient le faire tout de suite. Après son départ, nous devrons adresser nos questions à quelqu'un d'autre. Posez vos questions à qui bon vous semble, mais je vous demande de ne pas dépasser sept minutes.

Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à Son Excellence en lui disant jambo en swahili puisque je sais qu'il vient de l'Ouganda. Le témoignage de nos deux autres invités m'a beaucoup ému. Je suis heureux que vous ayez trouvé la paix et la sécurité au Canada.

Vos témoignages montrent clairement qu'on ne s'est pas suffisamment intéressé jusqu'ici à la protection des enfants lors des conflits armés. On se préoccupe maintenant davantage de la question depuis qu'on sait qu'on fait appel aux enfants lors des guerres.

Je me réjouis, Votre Excellence, du fait que les Nations Unies vous ait nommé comme leur représentant spécial pour la protection des enfants dans les conflits armés. Vous avez déjà proposé d'excellentes idées pour venir en aide aux enfants. Or, Votre Excellence, il importe que ces idées deviennent une réalité. Je suis sûr que le Canada peut contribuer à leur réalisation.

Force est de constater que ceux qui participent à des conflits armés n'attachent pas beaucoup d'importance à la règle de droit. Si c'était le cas, ils n'auraient pas fait la guerre. Ceux qui exploitent les enfants dans les conflits armés bafouent la règle de droit. Le simple fait qu'ils exploitent des enfants montre bien qu'ils n'ont aucun respect pour les principes fondamentaux sur lesquels repose la société. Dans ce genre de conflit, personne ne respecte la règle de droit.

Je me demande si votre organisation ne peut pas proposer des mesures plus rigoureuses pour protéger les enfants. Je pense à la création d'un organisme comme le Tribunal pénal international. Comme vous le savez, depuis la guerre en Bosnie, le viol est considéré comme un crime de guerre. Comment votre organisation pourrait-elle faire en sorte de montrer clairement aux belligérants que la communauté internationale ne tolérera pas qu'ils exploitent les enfants?

• 1610

Ma seconde question porte sur les droits des enfants à proprement parler. J'aimerais que vous nous décriviez ces droits.

M. Olara Otunnu: Je conviens avec vous que les parties à un conflit armé n'adhèrent pas nécessairement à la règle de droit et aux normes sociales, mais elles attachent de plus en plus d'importance aux valeurs auxquelles croit la communauté internationale. Je n'ai jamais vu une partie à un conflit armé, qu'il s'agisse de l'État ou d'un mouvement de rébellion, qui ait simplement fait fi des préoccupations de la communauté internationale en ce qui touche le respect des normes, et ce n'est pas nécessairement parce que les parties à un conflit armé croient à ces normes, mais parce qu'elles sont sensibles à l'opinion publique internationale. Nous devons tirer parti de ce fait.

Nous commençons par sensibiliser les gens au problème et nous passerons ensuite peut-être à l'adoption d'une norme en ce qui touche, par exemple, le recrutement des jeunes dans les forces armées. Nous ne pouvons cependant pas nous en tenir à l'adoption d'une norme ou d'une convention complexe.

Nous devons ensuite chercher par quel moyen politique nous pouvons exercer des pressions à l'échelle internationale pour amener ceux qui bafouent les normes à les respecter. Les pressions politiques ont un sens pour les parties à un conflit armé puisqu'elles sont avant tout des mouvements politiques. Ces pressions politiques doivent évidemment venir du Conseil de sécurité des Nations Unies et des principaux membres de la communauté internationale. Le gouvernement du Canada a joué un rôle très actif dans ce domaine.

Comme vous le savez, un rapport sur la situation en Angola vient de paraître. C'est un très bon exemple de la façon dont on peut exercer des pressions politiques sur les parties à un conflit armé. L'Union européenne, l'OSCE en Europe et les divers intervenants ont décidé d'unir leurs forces pour créer un mouvement social et politique en faveur de la protection des enfants.

L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, j'aimerais brièvement intervenir parce qu'on a mentionné le Tribunal pénal international. Comme vous le savez, le Canada a présidé la réunion à Rome qui a abouti à la création du tribunal. Grâce aux habiles efforts de nos diplomates et des ONG, la convention créant le tribunal comporte des dispositions claires sur la façon de protéger les innocents, y compris les enfants, et comporte des sanctions claires contre ceux qui ne respectent pas les normes à cet égard.

À mon avis, le Tribunal pénal international constitue l'une des premières institutions internationales de ce nouveau millénaire devant lesquelles ceux qui bafouent les normes internationales devront rendre des comptes. En outre, le tribunal a un effet dissuasif parce qu'il a mis fin à l'impunité dont pouvaient se réclamer ceux qui commettaient des atrocités. Ces gens savent maintenant qu'ils auront à payer pour leurs actes.

Comme vous le savez, le projet de loi C-19 vient de franchir l'étape de la deuxième lecture. J'espère qu'il franchira rapidement l'étape de la seconde lecture pour qu'il puisse être renvoyé devant un comité. J'espère que votre propre parti appuiera ce projet de loi qui vise à protéger les enfants en établissant non seulement une norme, mais un mécanisme qui permettrait de punir ceux qui persécutent les enfants.

Le président: Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): J'aimerais vous souhaiter la bienvenue, monsieur Otunnu. C'est vraiment un grand honneur pour nous que de vous accueillir à ce comité. Je voudrais également saluer M. Axworthy, Mme Minna et les deux représentants. Vos témoignages à titre de victimes de ce genre de guerre sont très touchants.

Mme Machel avait brossé, en novembre 1996, un tableau assez troublant des abominations dont étaient victimes les enfants dans les régions où sévissent des conflits. Monsieur Otunnu, vous étiez alors convaincu que le défi le plus important et le plus urgent était de traduire des normes et des engagements en des mesures pouvant avoir des répercussions concrètes sur le sort des enfants.

Lors de vos nombreuses interventions depuis 1996, avez-vous vu se manifester à l'échelle internationale cette volonté de mettre en place des mesures concrètes? Est-ce qu'on sent actuellement sur le terrain cette volonté-là?

• 1615

[Traduction]

M. Olara Otunnu: Depuis la parution du rapport Machel qui décrivait des atrocités, des gouvernements, des organismes des Nations Unies, mon bureau et des ONG ont mis en oeuvre diverses initiatives. Oui, certains progrès ont été réalisés et certaines mesures concrètes ont été prises.

Le ministre vient de donner en exemple la création d'un tribunal international auquel ceux qui commettent des atrocités seront tenus de rendre des comptes. Il s'agit d'une idée révolutionnaire. La création d'un tel tribunal constitue un véritable progrès puisque sa création aurait été impensable il n'y a que cinq ou dix ans compte tenu de la jurisprudence internationale. La convention créant ce tribunal protège les enfants et les femmes et interdit leur recrutement et leur utilisation lors des combats.

On peut aussi donner en exemple le protocole facultatif. Ce protocole a donné lieu à six ans de débats acrimonieux et polarisés. Pendant longtemps, nous ne croyions pas pouvoir parvenir à un consensus. Grâce aux efforts d'intervenants convaincus comme le Canada, il a été possible d'en arriver à un consensus en janvier dernier à Genève.

Le Conseil de sécurité, la plaque tournante du système de paix et de sécurité des Nations Unies, s'est toujours intéressé à la paix et à la sécurité, mais il s'est surtout attaché dans le passé aux enjeux politiques et aux aspects militaires de la sécurité. En raison de l'intervention récente de Mme Machel et du leadership exercé par un certain nombre de pays dont le Canada, cette question a été soulevée au Conseil de sécurité de façon régulière de telle sorte que la résolution dont j'ai déjà parlé a pu être adoptée.

Je me suis rendu dernièrement dans divers pays qui se sont engagés volontairement à respecter cette résolution. C'est un progrès. Le défi consiste maintenant pour nous à trouver une façon de surveiller la mise en oeuvre de cette résolution et à presser les parties à ce protocole à respecter les engagements qu'ils ont pris.

Il y a des pays qui respectent à l'occasion leurs engagements. Ainsi, le gouvernement de la Colombie s'était engagé à libérer de l'armée tous les jeunes de moins de 18 ans et à la fin de l'an dernier, il a respecté cet engagement.

L'une des parties au conflit qui sévit au Congo, le DRH, s'est engagée à cesser les combats pendant une certaine période pour permettre que les enfants puissent être inoculés contre la polio et les combats ont effectivement cessé pendant un certain temps. L'UNICEF et l'OMS ont donc pu inoculer les enfants du Congo contre cette maladie. On peut donc donner certains exemples comme preuve des progrès qui ont été réalisés.

Au sein du Commonwealth, le Canada a joué un rôle très important pour la première fois à Durban où l'on a discuté de cette question. L'OSCE à Istanbul s'est également prononcée sur la question. L'Union européenne, pour sa part, met l'accent sur cette question dans le cadre de ses programmes d'intervention sur le terrain. Il faut faire encore davantage, mais la situation est encourageante.

L'hon. Lloyd Axworthy: Permettez-moi d'ajouter quelque chose.

L'une des raisons pour lesquelles nous collaborons avec le Ghana et la CEDEAO, l'organisme qui regroupe les pays de l'Afrique de l'Ouest, à organiser la tenue de cette réunion est que nous voulons proposer un plan d'action concret qui imposerait un moratoire sur l'utilisation des enfants et sur la vente et le transfert d'armes légères qui sont distribuées aux enfants.

Je ne peux pas prévoir l'issue de la conférence ou de la réunion, mais nous espérons que si les 15 pays de l'Afrique de l'Est acceptent de participer à celle-ci, on pourra mettre en place un système dans la région. Il faudrait évidemment prévoir les mesures d'appui nécessaires.

Voilà un exemple qui montre bien, comme l'a dit M. Otunnu, que nos efforts peuvent porter fruit.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue à nos distingués invités. Je tiens en particulier à souhaiter la bienvenue à Mlle Mobarek et à M. Mohamed. Vous êtes à l'honneur aujourd'hui. Vous êtes les spécialistes de cette question. Nous sommes simplement là pour vous offrir notre aide.

Pour la gouverne de nos téléspectateurs, j'aimerais que vous nous décriviez brièvement votre organisation. Peut-être pourriez- vous vous adresser directement aux jeunes pour que votre exemple les inspire.

J'aimerais aussi savoir si vous connaissez d'autres jeunes du Soudan ou de la Somalie qui ont souffert ce que vous avez souffert? Nous n'avons pas entendu d'autres témoignages de jeunes, mais je sais qu'il y a beaucoup de souffrances dans ces pays.

• 1620

Parlons maintenant du projet de loi C-19 que le ministre a mentionné. Comment pensez-vous que le projet de loi C-19 peut aider les enfants du Soudan et de la Somalie? Peut-on espérer qu'il les aide? Quelles améliorations faudrait-il apporter au projet de loi C-19 le cas échéant?

Le président: Je suppose que n'adressez pas cette question à M. Mohamed et à Mlle Mobarek.

M. Sarkis Assadourian: Oui.

Le président: Dans ce cas, vous devriez sans doute leur expliquer la teneur du projet de loi C-19. Leurs connaissances sont vastes, mais ils n'ont peut-être pas vu le projet de loi.

L'hon. Maria Minna: Monsieur le président, comme le député a demandé à nos invités de nous parler de leur programme et de nous expliquer ce qu'ils font pour les jeunes Canadiens, peut-être qu'ils devraient d'abord répondre à cette partie de la question. Ils pourront peut-être ensuite parler du projet de loi C-19.

Le président: Comme M. Assadourian l'a souligné, je suis sûr que les Canadiens aimeraient en savoir davantage sur le programme.

Pourriez-vous donc nous décrire le programme War Child Canada et ce qu'il fait pour aider les enfants du monde?

Qui aimerait commencer?

Mlle Hannady Mobarek: Nous essayons de sensibiliser les enfants et les jeunes Canadiens à la guerre et à tout ce qui entoure la guerre.

Je veux que les Canadiens accueillent les enfants provenant de régions ravagées par la guerre s'ils viennent s'installer au Canada. Il importe vraiment de bien les accueillir et de savoir ce qu'ils ont vécu.

Le président: On me dit que vous êtes en communication par radio avec des enfants dans des régions où il y a des conflits armés.

Mlle Hannady Mobarek: Non. Le 14 février dernier, nous avons commencé à parler avec des enfants de différentes écoles. Nous travaillions dans notre école. Nous n'avons pas établi de contacts avec les enfants par radio ou par télévision.

Le président: Pensez-vous que ce serait un programme utile? Je sais que MuchMusic essaie de vous aider à entrer en contact avec ces enfants. Lorsque vous viviez dans vos pays d'origine, auriez- vous aimé pouvoir parler avec quelqu'un au Canada? Pensez-vous que ce genre d'initiative favoriserait la compréhension entre les êtres?

Mlle Hannady Mobarek: Certainement. Si quelqu'un veut nous poser des questions, comme quels jours voulez-vous de l'aide ou si quelqu'un veut faire paraître un article sur le sujet, ce serait utile.

M. Sarkis Assadourian: Monsieur le président, la ministre assise à côté de vous devrait pouvoir vous aider. J'espère que vous lui présenterez une demande de subvention.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Permettez-moi de formuler votre seconde question de façon un peu plus générale. Si les auteurs des crimes dont vous avez été victime lorsque vous étiez jeune avaient pu être jugés par un tribunal international et non pas par un tribunal national, pensez-vous que cela vous aurait réconfortée? Pensez-vous que cela aurait amélioré la situation dans laquelle vous vous trouviez?

Voici ce que cherche à savoir M. Assadourian étant donné que vous avez déjà été victime de ce genre de crimes. Pensez-vous que le fait de savoir que ces personnes pouvaient être jugées par un tribunal international vous aurait réconfortée?

Mlle Hannady Mobarek: Si les États-Unis ou le Canada pouvait amener tous les pays de l'Afrique à convenir de ne pas enrôler de force des jeunes de moins de 18 ans dans l'armée, ce serait préférable parce qu'à l'heure actuelle ces pays ne craignent aucunes représailles. Si la Somalie, par exemple, veut participer à des missions de maintien de la paix, on devrait la forcer à se conformer aux règles prévues dans les accords auxquels elle est partie.

Le président: C'est ce que nous espérons tous. Nous espérons que les pays respecteront les engagements qu'ils ont pris.

Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur le ministre?

L'hon. Lloyd Axworthy: J'aimerais renchérir sur ce qu'a dit Mlle Mobarek. Comme vous le savez, le ministre Eggleton a présenté un projet de loi au Sénat dont sera éventuellement saisie la Chambre des communes. Je confirme que le Canada s'engage à ne pas faire participer des jeunes de moins de 18 ans à des conflits armés. M. Otunnu a dit qu'il existe maintenant un consensus international sur cette question auquel sont partie les États-Unis.

Le fait que la principale puissance militaire au monde ait signé cet accord constitue une véritable percée. Nous pouvons partir de ce point de départ pour proposer diverses initiatives. Dans le cadre des réunions qui auront lieu en Afrique de l'Ouest, l'un des objectifs du plan d'action serait de faire en sorte que les 15 pays africains s'engagent eux aussi à ne pas faire participer des enfants de moins de 18 ans à des conflits armés.

• 1625

Voilà donc ce sur quoi nous faisons reposer notre action. Voilà pourquoi les institutions internationales sont importantes parce qu'elles peuvent jouer un rôle de catalyseur dans diverses régions ou divers pays.

Le président: Madame Minna, vous vouliez dire quelque chose.

L'hon. Maria Minna: Oui, j'ai deux choses à dire.

Premièrement, il ne faut pas perdre de vue, quand on discute du sort des enfants que l'on force à devenir soldats, que les filles et les garçons ont une expérience différente de la guerre. Les garçons peuvent être enlevés et embrigadés pour devenir soldats, tandis que souvent, les filles deviennent plutôt esclaves sexuelles ou cuisinières, et subissent des mauvais traitements. Les filles ont donc une expérience complètement différente.

Il est important de se rappeler que quand on parle d'enfants dont la vie est perturbée par la guerre, il ne s'agit pas seulement des enfants soldats; il y a aussi tout le reste, dont personne n'aime parler parce que c'est très violent, épouvantable, etc. Il ne faut l'oublier et il faut tenir compte des deux dans cette équation.

Mon deuxième point est que notre invitée, Mlle Mobarek, voudrait nous poser une question. J'ai pensé que nous devrions le lui permettre, puisqu'elle...

Le président: Très bien.

Mlle Hannady Mobarek: Les pays qui fournissent des troupes pour le maintien de la paix ne sont pas censés bombarder d'autres pays en Afrique. C'est pourtant arrivé au Soudan. J'ignore si ce sont les États-Unis ou le Canada, mais je crois que c'était les États-Unis. Les Américains ont bombardé une usine où les Soudanais fabriquaient des médicaments pour les pauvres. Après l'avoir bombardée, ils n'ont absolument rien fait. Ils se sont contentés de dire que c'était une erreur.

Je crois que les États-Unis ont tout un attirail technologique et qu'ils auraient dû savoir si cet endroit servait à fabriquer des bombes ou des fusils. On y fabriquait des médicaments. Et après l'avoir bombardé, ils n'ont même pas réparé leur erreur. Je crois qu'à titre de pays de maintien de la paix, s'ils commettent une erreur à l'avenir, que ce soit un bombardement ou n'importe quoi d'autre, ils devraient réparer.

L'hon. Maria Minna: Merci.

Le président: C'était le bombardement au Soudan qui a eu lieu après les raids prétendument menés par...

M. Ted McWhinney (Vancouver-Quadra, Lib.): [Note de la rédaction: Difficultés techniques]... une usine où l'on fabriquait prétendument un agent chimique.

Le président: Puis-je avoir le privilège de...

M. Deepak Obhrai: Elle parle du bombardement de l'école.

Le président: Non, non. C'était plutôt quand les États-Unis ont bombardé le Soudan en représailles, à la suite de l'attentat à la bombe à leur ambassade en Afrique Orientale.

L'hon. Maria Minna: C'est bien cela.

Le président: Pourrais-je considérer cela comme une déclaration plutôt qu'une question? Si vous posez une question à ce groupe-ci, composé de 15 politiciens, ils n'en finiront jamais de parler.

L'hon. Maria Minna: Je pense que c'était une déclaration, monsieur le président.

Le président: C'était une très bonne déclaration.

Mlle Hannady Mobarek: Le Canada est l'un des pays qui s'occupe de la sauvegarde de la paix et je me demandais s'il existe une règle spéciale voulant qu'ils doivent réparer après avoir commis une telle erreur. Je voulais seulement savoir.

Le président: Je pense que vous avez tout à fait raison. Je ne veux pas parler au nom du ministre, mais notre comité examinera bientôt cette question d'une cour pénale internationale. Nous espérons qu'une cour pénale internationale, dans l'éventualité ou elle était créée, tiendrait n'importe quel pays, que ce soit les États-Unis, l'Union soviétique, le Canada ou tout autre pays, responsables des actes qui sont contraires au droit international et qui engagent une responsabilité criminelle. Je pense que le fait de bombarder une installation civile où travaillaient des personnes innocentes et sans armes est un acte qui se rapproche beaucoup de la juridiction d'une telle cour.

C'est peut-être bien la raison pour laquelle certains pays ne veulent pas qu'une telle cour soit créée. Ils craignent que leurs actes soient condamnés par la cour. Mais je crois...

M. Ted McWhinney: Ils ne s'excusent pas. Ils n'offrent aucune compensation.

Le président: Non. Mais c'est pourquoi nous allons assurément... pardon, vous voulez poser une autre question?

Mlle Hannady Mobarek: Oui.

Il y a beaucoup de compagnies pétrolières au Soudan. Quand elles ont construit leurs installations au Soudan, elles ont aidé le gouvernement soudanais, de façon indirecte, à trouver de l'argent pour acheter des armes et déclencher la guerre. Pour un pays qui s'occupe de maintien de la paix, je trouve que ce n'est pas bien. C'est mon opinion et je voudrais savoir ce que vous répondez à cela. Si vous savez que les dirigeants utilisent l'argent pour acheter des armes, pourquoi les aidez-vous à établir une compagnie pétrolière dans leur pays?

Le président: Je pourrais peut-être demander au ministre de répondre, car il a dû se pencher régulièrement sur cette question dernièrement.

L'hon. Lloyd Axworthy: Je vais me faire un plaisir de répondre à cette question, car je crois que c'est la bonne question. C'est une question dure. Et le plus important, c'est la réponse qu'on y donne.

• 1630

Il n'y a aucun doute que le conflit qui se déroule au Soudan entre les diverses parties sème la misère et la désolation et il se passe des choses épouvantables, mettant en cause non seulement les enfants mais aussi l'ensemble de la population civile. La guerre dure depuis 40 ans. Ce que nous voulons, c'est y mettre fin. Le seul moyen de stopper les mauvais traitements, c'est de mettre fin au conflit. Tous les efforts visant à fournir une aide humanitaire, ce que fait l'ACDI en fournissant de la nourriture et des médicaments, se poursuivront tant que le conflit ne sera pas terminé.

Quand nous avons fait enquête sur les activités d'une compagnie canadienne nommée Talisman, qui faisait partie d'un consortium, nous avons estimé que le plus important était de voir, dès le départ, si nous pouvions intervenir dans ce processus de paix, de ne ménager aucun effort pour identifier les abus qui étaient commis et les rendre publics; d'essayer d'amener la communauté internationale à intervenir dans le cadre du processus de paix de l'autorité intergouvernementale pour le développement, grâce aux bons offices de l'ONU; d'avoir une présence canadienne plus solide sur place afin que notre présence, nos démarches soient connus; et d'exiger de la compagnie canadienne un nouveau code d'éthique ou de nouvelles normes de comportement visant à limiter l'étendue de ses activités et de garantir qu'elles ne contribuent pas au conflit ou aux abus. Ces initiatives sont maintenant en cours et je vous assure qu'on en fait un suivi serré et quotidien pour veiller à ce que le résultat soit satisfaisant.

Telle était la conclusion des enquêtes menées par les deux ambassadeurs que j'ai dépêchés sur place—la sénatrice Wilson et M. Harker—, qu'il était indéniable que les civils étaient durement touchés par le conflit. Tous deux ont recommandé que la stratégie la plus efficace que le Canada pouvait adopter à ce moment-là était de déployer activement des efforts pour tenter de changer la situation, et c'est ce que nous allons tenter de faire.

Cela ne veut pas dire que nous ne dénonçons pas publiquement les bombardements abusifs. Et je crois certes, tout comme vous, que nous devons examiner très soigneusement la question de savoir si les nouveaux revenus pétroliers contribuent à aggraver la guerre.

Nous avons demandé au FMI, qui est le principal soutien financier du Soudan, de déterminer si cet argent est transférable ou pas. Nous essayons d'obtenir une réponse du FMI là-dessus. Nous envisageons aussi de mettre en place un réseau de surveillance dans la région pour tirer des conclusions de ce genre et attirer l'attention de la communauté internationale.

Je voudrais dire, en terminant, que ce n'est pas facile. Il y a beaucoup d'intérêts, de forces et de pays qui ne veulent pas que la question du Soudan soit portée à l'attention internationale. Ces forces tentent de résister à toute discussion active et ouverte et, comme le savent les membres du comité, au Canada, nous ne pouvons pas imposer de sanctions à moins d'obtenir l'accord de la communauté internationale.

Aux termes de notre Loi sur les mesures économiques spéciales, il faut pour cela un jugement international ou une décision de droit, ce qui n'existe pas en l'occurrence. L'une des raisons est que l'on a déployé beaucoup d'efforts en certains milieux pour que le Soudan ne soit pas à l'ordre du jour et je peux vous dire qu'il n'est pas facile de remettre la question à l'ordre du jour.

Néanmoins, je peux dire à Mlle Mobarek que nous sommes très inquiets, très préoccupés et que nous ne ménagerons aucun effort, que nous utiliserons toutes nos énergies pour tenter de résoudre le conflit et pour tenter d'assurer une meilleure protection à la population de ce pays.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je constate qu'il est maintenant 16 h 30 et je vous remercie donc beaucoup d'être venu.

L'hon. Lloyd Axworthy: C'était mon chant du cygne, monsieur le président.

Le président: Je suis sûr que nous nous reverrons bientôt et que nous entendrons de nouveau votre doux chant. Merci beaucoup d'être venu.

Monsieur Grewal.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne): Merci monsieur le président.

Je me joins à mes collègues pour souhaiter la bienvenue à nos invités et témoins devant le comité, son excellence M. Otunnu, Mlle Mobarek, M. Mohamed et, bien sûr, nos propres ministres.

La question des droits des enfants en cas de conflit armé est très importante parce que ce problème est la cause profonde bien des maux, par exemple la pauvreté, l'analphabétisme, la malnutrition, les maladies, le chômage, l'effondrement du PIB et des échanges commerciaux. Il y a un effet domino.

• 1635

Au Canada, bien de gens, d'après ce que j'ai observé, ne connaissent pas bien la situation des conflits armés en Afrique, simplement parce que tout ce que nous en savons, nous l'avons appris à la télévision et dans des documentaires télévisés.

J'ai vécu au Libéria, pays de l'Afrique Occidentale, pendant huit ans. J'ai été professeur d'université au Libéria, où j'enseignais l'administration des affaires et j'avais donc des contacts étroits avec les jeunes de ce pays. C'était l'une des meilleures universités du pays et elle était fréquentée par des étudiants venus de tous les autres pays d'Afrique de l'Ouest. J'ai deux fils qui sont nés là-bas et qui ont maintenant 17 ans et 14 ans.

J'ai eu l'occasion de visiter tous les pays d'Afrique Occidentale où je me suis rendu pour affaires. Je suis allé dans presque tous les 16 pays membres de la CEDEAO. J'ai quitté le Libéria au milieu de la guerre civile parce que tous les étrangers ont été évacués de ce pays.

À ce moment-là, la communauté internationale aurait pu jouer un certain rôle, mais j'ai été témoin de l'abandon de ce pays par tous les organismes internationaux, à quelques rares exceptions près. Quand le pays était dans le besoin, ses amis se faisaient rares. Même l'ambassade des États-Unis a été fermée temporairement.

Ce pays a été fondé par des esclaves qui n'avaient nulle part où aller quand Abraham Lincoln, en 1847, a aboli l'esclavage dans le monde. On a donc donné à ces esclaves apatrides un pays que l'on a appelé terre de liberté. C'est ainsi que le Libéria a été créé. La devise du pays était le dollar US parce que les États-Unis considéraient que c'était une colonie. Même les États-Unis ont abandonné ce pays au milieu de la guerre civile.

J'ai vu des enfants de 8 à 10 ans armés de fusils AK-47. Ils allaient pieds nus et ne portaient pas de vêtements. Leurs familles n'arrivaient pas à joindre les deux bouts et ils mangeaient rarement deux fois par jour. Mais ils avaient des AK-47 et d'autres armes meurtrières. Ils tuaient des gens et coupaient même les mains de leurs victimes.

Je suis allé souvent au Sierra Leone et je peux vous dire que le documentaire que j'ai vu l'autre jour au réseau CBC était épouvantable. Bien des gens ne pourraient même pas supporter de voir ce documentaire. Mon adjoint, au bureau, a éteint le téléviseur parce qu'il ne pouvait plus le supporter.

Cela dit, je crois que le Canada peut jouer un rôle important. J'ai trois questions à poser à la ministre et il est regrettable que le ministre des Affaires étrangères ait dû nous quitter pour aller à une réunion importante.

Premièrement, le ministre a parlé de sanctions. Je n'irai pas aussi loin et je n'aborderai pas les sanctions. La ministre de la Coopération internationale examine-t-elle le rôle du Canada pour ce qui est d'établir un lien entre notre aide à l'étranger et les pays où les droits des enfants ne sont pas protégés? Comment va-t-elle utiliser notre aide à l'étranger comme levier, pour empêcher que des jeunes et des enfants de 8 ans, 10 ans et 14 ans participent à de conflits armés?

Deuxièmement, comment parvient-on à infiltrer des armes et même à les faire entrer à profusion dans des pays où la pauvreté confine à la misère? Que fait la communauté internationale? Au lieu de leur envoyer de la nourriture, des médicaments et des outils pédagogiques... Comment diable les armes parviennent-elles dans ces pays? Elles ne sont pas fabriquées sur place. Que fait le Canada pour empêcher les fusils et autres armes meurtrières d'entrer dans ces pays?

Troisièmement, la cause profonde des conflits dans les États d'Afrique de l'Ouest, et en particulier dans d'autres pays d'Afrique, ce sont les conflits tribaux. Il y a ségrégation; les gens ne sont pas intégrés. La prévention, c'est mieux que la guérison. La clé du succès, c'est d'empêcher les conflits armés, d'intégrer les collectivités et de leur donner de l'éducation. Que fait la ministre ou que prévoit-elle faire? Comment peut-elle mettre à profit le rôle du Canada et le rôle de la communauté internationale pour prévenir ces conflits, afin que les gens soient intégrés et vivent en paix dans ces pays, au lieu de vivre dans une situation de conflit et d'insurrection armés?

Le président: Madame la ministre, n'hésitez pas à répondre aux questions, mais trois autres personnes veulent aussi vous en poser. M. Grewal a pris six des sept minutes qu'il avait pour poser ses questions.

L'hon. Maria Minna: Je vais essayer d'être brève.

M. Gurmant Grewal: Mais c'était de la compassion, monsieur le président.

Le président: Je veux bien, mais j'essaie de voir à ce que tout le monde ait sa chance.

• 1640

L'hon. Maria Minna: Je comprends, monsieur le président. Je vais être aussi brève que possible dans mes réponses.

Tout d'abord, en ce qui concerne l'aide étrangère comme moyen de pression, l'ACDI a beaucoup de programmes dans le monde où nous faisons ce que nous appelons le règlement des conflits, souvent avant qu'ils n'éclatent. Le programme d'élimination lui-même aidera sans doute à éviter les conflits. Honnêtement, la pauvreté conduit souvent à des conflits et il faut avoir les deux. Voilà donc deux exemples. Il y en a beaucoup d'autres dans diverses parties du monde où nous avons des programmes de règlement des conflits sur le terrain; deux sont dans des organisations non gouvernementales dans des régions différentes.

En Sierra Leone, même si le conflit est terminé, ce n'est pas une garantie que c'est fini. Nous avons été le premier pays sur place à nous occuper de la démilitarisation des jeunes et des soldats et à offrir de l'aide psychologique, des services de règlement de conflit et de tous les autres moyens nécessaires à la prévention de la guerre.

En ce qui concerne les pays pauvres qui achètent des armes et l'usage de moyens de pression, je demande toujours aux dirigeants d'un pays auquel j'envisage de donner de l'aide, de me montrer combien il y a d'argent dans leur budget—combien d'argent ils consacrent aux armes et combien d'argent ils affectent aux programmes sociaux, à l'éducation et à l'aide aux autres pays. Il s'agit des pays avec lesquels nous avons des accords et des programmes bilatéraux. Ce sont évidemment des pays qui ne sont pas en situation de conflit.

Là où il y a déjà un conflit, comme en Soudan ou en Angola, il s'agit d'essayer de résoudre le conflit. Là, nous travaillons avec la société civile. Nous prêtons main forte aux ONG sur le terrain, c'est-à-dire les ONG du pays. Nous avons organisé ici une table ronde d'ONG angolaise qui essaient d'amener leurs compatriotes antagonistes à trouver une solution. C'est donc dire que nous travaillons avec la population sur le terrain, ce qui vient s'ajouter à l'aide que nous offrons.

Cela vaut aussi pour les conflits tribaux et leur prévention. Nous travaillons avec les gens pour essayer de résoudre les conflits tout en collaborant au développement car plus l'éducation et le développement se font tôt, plus il est possible de prévenir ces conflits dans une certaine mesure.

M. Gurmant Grewal: Ai-je un droit de réplique?

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine (Etobicoke— Lakeshore, Lib)): Je ne crois pas.

M. Gurmant Grewal: M'accordez-vous dix secondes, madame la présidente?

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Vous avez dix secondes pour faire une observation, pas...

M. Gurmant Grewal: Seulement une réplique. Peut-on interrompre l'aide étrangère qui va aux pays où les droits de l'homme sont bafoués, en particulier ceux des enfants?

L'hon. Maria Minna: La difficulté ici, pour être honnête avec vous, c'est que cela reviendrait à punir les enfants à cause des actions du gouvernement ou de la population. On parle ici de situations où il y a un conflit. J'aurais du mal à punir des enfants, des femmes et des civils en refusant de l'aide à des gens déjà victimes d'un conflit, pour essayer d'imposer un règlement.

Si les belligérants se souciaient vraiment des populations, ils ne seraient pas en guerre. Je ne veux pas que la population civile soit prise en otage.

Mon rôle est bien différent de celui des diplomates. Très souvent, je dois faire face aux réalités de la survie sur le terrain.

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Merci, madame la ministre.

Monsieur Patry.

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Ça va, si vous voulez répondre.

L'hon. Maria Minna: Pardonnez-moi. Notre invitée, qui a été très discrète, aimerait poser une question, si la présidente le veut bien.

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): D'accord.

M. Salah Mohamed: Je m'adresse à la ministre de la Coopération internationale et des Nations Unies. À quoi sert cette longue liste noire de pays qui utilisent leurs enfants comme soldats alors qu'il n'y a aucune sanction? Au lieu de les punir, on commerce avec eux. À quoi sert la liste noire?

L'hon. Maria Minna: Je suis tout à fait d'accord vous. Cela fait partie de ce que nous voulons faire avec le tribunal pénal international. Nous voulons punir ceux qui exploitent les enfants et les traduire devant un tribunal international pour qu'ils répondent de leurs crimes dans ce domaine.

• 1645

Pour ma part, à titre de ministre responsable de l'aide, j'ai deux choix lorsque je traite avec un pays comme l'Angola, où une guerre fait rage. Je peux fermer les yeux, punir le pays et dire que parce qu'il ne met pas fin au conflit et continue d'acheter des armes, je vais cesser d'apporter de l'aide.

L'assistance que je donne ne va pas au gouvernement. Elle va directement à ceux qui souffrent: les enfants, les parents, les fillettes dans les camps de réfugiés, le plus loin possible à l'intérieur. Nous ne donnons jamais l'argent au gouvernement.

M. Salah Mohamed: Qu'en est-il du commerce international qui se fait parfois avec les pays de la liste noire?

L'hon. Maria Minna: Je ne crois pas que quiconque commerce avec l'Angola, le Soudan, le Burundi ou l'Érythrée actuellement. Je ne pense pas que nous ayons des arrangements commerciaux avec ces pays.

M. Salah Mohamed: Même pas pour le pétrole?

Le président: Au Soudan, vous pensez aux investissements pétroliers de la société Talisman.

L'hon. Maria Minna: Oui, c'est juste. C'est une entreprise aux deux tiers canadienne.

Le président: C'est ce que la position...

L'hon. Maria Minna: C'est une entreprise canadienne et c'est ce que le ministre des Affaires étrangères a essayé de corriger, c'est vrai.

Le président: Il nous reste 15 minutes et trois personnes figurent encore sur ma liste. Je vais donner la parole à M. Otunnu, parce qu'il est notre invité et qu'il veut ajouter quelque chose. Je vais ensuite la donner à M. Patry, M. Rocheleau et Mme Augustine.

M. Olara Otunnu: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais ajouter brièvement une ou deux choses à propos de la prévention, pour éviter que les choses ne dégénèrent en catastrophe semblable à ce que nous avons vu.

Il y a quatre facteurs sur lesquels j'aimerais insister, en plus de ce que nous avons entendu. Il y a d'abord la répartition des sources de développement dans les pays. Une répartition foncièrement inégale a tendance à susciter des conflits.

Deuxièmement, il y a des dirigeants politiques dans certains pays qui tentent de manipuler la diversité naturelle de leur société non pas pour favoriser la cohésion et l'appartenance commune mais pour diviser de manière à conserver ou acquérir le pouvoir. C'est quelque chose qu'il ne faut pas négliger: comment parvenir à l'unité nationale dans la diversité, comme vous le faites ici au Canada.

Troisièmement, lorsque la véritable pratique démocratique est contrariée pendant des années—comme on l'a vu à de multiples reprises—, tôt ou tard quelque chose flanche et un conflit surgit.

Le quatrième facteur est la corruption. La corruption a acquis sa dynamique propre et est devenue la plaie de nombreuses élites politiques dans beaucoup de pays. En guise de mesure préventive, il faut que la communauté internationale trouve des moyens vigoureux et nets de lutter contre ces problèmes.

La dernière chose dont je parlerai, c'est le rôle des normes traditionnelles, qui n'ont pas été évoquées jusqu'ici. Il ne fait pas de doute que les normes les plus importantes à appliquer sont les normes internationales parce qu'elles sont universellement acceptées. Mais dans beaucoup de ces sociétés, les personnes âgées ne reconnaissent plus ce qui se passe. C'est le monde à l'envers. Surtout en ce qui concerne la protection à accorder aux femmes et aux enfants, notamment en temps de guerre. Je pense qu'il faut travailler avec les enseignants, les aînés, les groupes religieux pour redonner de la vigueur et de la force aux valeurs traditionnelles axées sur la protection et le respect des droits des femmes et des enfants.

Le président: Merci beaucoup.

Docteur Patry.

[Français]

M. Bernard Patry: Merci beaucoup.

[Traduction]

J'aimerais vous poser deux questions, monsieur Otunnu.

Il semble y avoir corrélation directe entre l'accumulation et la prolifération incontrôlées des armes légères et le pourcentage d'enfants touchés par la guerre. En 1998, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1209 destinée à restreindre les transferts d'armes. D'après l'agenda des Nations Unies, il se tiendra en juin et juillet 2001 une conférence concernant le trafic illicite des armes légères sous tous ses aspects. Y participez-vous directement? Que faisons-nous actuellement pour nous assurer que cette conférence sera un succès?

Ma deuxième question, toujours dans la même veine, est de savoir ce que vous pensez de l'efficacité du moratoire de Mali signé à Bamako il y a deux ans. Est-il trop tôt pour tirer des conclusions?

• 1650

M. Olara Otunnu: Merci beaucoup, monsieur le député.

En ce qui concerne les armes légères, il est certain qu'il y a une corrélation entre la pléthore d'armes légères et l'augmentation dramatique du nombre de victimes civiles, en particulier les femmes et les enfants. C'est très clair, et c'est une question qui nous préoccupe beaucoup.

Deuxièmement, il est également vrai qu'il y a corrélation entre la pléthore d'armes et le recours grandissant aux enfants comme soldats. Ces armes n'exigent habituellement pas beaucoup d'aptitudes techniques ou même physiques; il est donc très facile de les donner à des enfants, qui s'en serviront de manière irresponsable. C'est en partie une des raisons pour lesquelles certaines des pires atrocités que nous avons vues en situation de conflit sont commises par des enfants envoyés pour cela. Souvent, ils sont aussi drogués, pour qu'ils se servent de ces armes sans se soucier des conséquences de leurs actes. Je vous dirai donc que oui, mon bureau se préoccupe beaucoup de cette question et participe de très près dans les préparatifs à la conférence qui se tiendra en 2001.

En ce qui concerne le moratoire au Mali, qui concerne le problème des armes dans un certain nombre de pays là-bas, c'est un exemple particulièrement bon que nous cherchons à reproduire ailleurs. Il y a des projets que nous appelons initiatives de proximité, c'est-à-dire qu'il y a des activités transfrontières qui ont un effet négatif sur les enfants en situation de guerre. Les mouvements d'armes en sont une. L'enlèvement et l'utilisation d'enfants comme soldats par delà les frontières en est une autre. Il y a évidemment aussi les personnes déplacées et celles qui s'enfuient de chez elles et le problème de la réunification. L'utilisation des mines terrestres en zone frontalière en est une autre, tout comme l'utilisation des femmes comme prostituées, une autre forme d'exploitation des femmes en situation de guerre. Ce sont autant de questions sur lesquelles nous nous penchons à l'échelle infrarégionale et le moratoire de Mali en est un très bon exemple.

Enfin, grâce à la conférence que le ministre organise à Accra, nous espérons inciter les parties signataires du moratoire à observer et à respecter le moratoire dans la pratique et peut-être à l'étendre à d'autres questions qui ne faisaient pas partie de l'accord initial.

M. Bernard Patry: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Ma question s'adresse à M. Otunnu. Nous avons en main des documents du ministère de la Défense du Canada et du Sénat canadien qui traitent de la défense des droits des enfants dans les conflits armés. On y fait allusion à un protocole facultatif que renfermerait la Convention relative aux droits de l'enfant. Je voudrais savoir si c'est un concept canadien ou un concept qui émane de l'ONU. Ce protocole facultatif vise le problème des enfants touchés par la guerre, en particulier celui des enfants-soldats.

Si c'est le vocabulaire qu'utilise l'ONU, ne cherche-t-on pas à donner bonne conscience aux pays parce qu'on sous-entend qu'on est libre de signer ledit protocole facultatif? Est-ce que ce n'est pas donner bonne conscience aux pays qui refusent de signer? Ne leur ouvre-t-on pas une porte? Le cas échéant, a-t-on prévu des sanctions, des pressions internationales ou une liste noire semblable à celle à laquelle on a fait allusion tout à l'heure, comme ce fut le cas dans le secteur privé à l'égard des entreprises qui ont fait travailler des enfants dans des conditions infectes qui sont mieux connues aujourd'hui? Au moins, on sait qui elles sont aujourd'hui. Est-ce qu'il y a un prix à payer? Lorsqu'on emploie le mot «facultatif», j'en déduis qu'un pays est libre de signer ou non le protocole.

[Traduction]

M. Olara Otunnu: Merci beaucoup.

Oui, c'est aujourd'hui le terme universellement employé. Le protocole facultatif viendrait s'ajouter à l'instrument principal, la Convention relative aux droits de l'enfant. À l'heure actuelle, l'âge de la participation et du recrutement est fixé à 15 ans. On voudrait élever cet âge. Le projet est arrivé à son terme en janvier—l'étape de la rédaction en tout cas—lorsque l'on s'est entendu sur l'âge de 18 ans pour le déploiement et de 18 ans également pour le recrutement obligatoire. Le minimum est de 16 ans pour le recrutement volontaire et de 18 ans pour tous les groupes d'insurrection, à la fois pour le recrutement et la participation. Il y a donc une nouvelle règle.

• 1655

Deuxièmement, vous avez raison, cela s'appelle bien un protocole facultatif, ce qui donne l'impression que l'adhésion est tout à fait volontaire, ce qui est vrai jusqu'à un certain point. Mais en fait lorsque les pays signent et ratifient, le statut sera le même que leur obligation vis-à-vis de la convention. Même pour ceci, que l'on appelle un protocole facultatif, une fois que vous le signez et le ratifiez, les obligations sont les mêmes.

Cela m'amène à l'autre point, dans le cas de la convention et du protocole facultatif ou de tout autre instrument international, comment veillons-nous à son respect? Comment allons-nous de la lettre à la pratique et à l'esprit? Cela nous ramène à la question de faire de ces instruments un projet politique. Cela signifie créer une opinion internationale et des pressions et un mouvement qui voient d'un mauvais oeil ceux qui enfreignent ce qu'ils ont signé et ratifié, et la honte est le prix politique à payer. Ce pays dans la pratique prendra soin de le respecter parce qu'il y aura des conséquences s'il ne le fait pas.

Ce n'est pas un projet strictement juridique. Ce n'est pas un projet de nature législative; cela relève du politique et du social. Nous devons fonctionner aux deux niveaux, le niveau juridique mais aussi au niveau politique et social.

Enfin, vous m'avez posé une question à propos des autres acteurs, les acteurs non étatiques, et le monde des affaires. Les acteurs non étatiques sont devenus des acteurs politiques très importants sur le plan international. C'est pourquoi M. Jonas Savimbi est très mécontent à la suite du rapport qui concerne le contournement des sanctions par l'UNITA. C'est parce qu'il dépend lui aussi de la communauté internationale. C'est également le cas du monde des affaires, et c'est pourquoi nous devrions je crois demander au monde des affaires d'assumer ses responsabilités sociales et morales. Nous devons également nous occuper des acteurs non étatiques, comme les groupes insurrectionnels, parce quÂeux aussi sont sensibles à l'opinion publique politique. Nous devons les traiter comme des acteurs politiques que la communauté internationale peut influencer.

M. Yves Rocheleau: Merci, monsieur Otunnu.

Le président: Madame Augustine.

Mme Jean Augustine: Merci, monsieur le président.

Le président: Ce sera le dernier témoin parce que nous devons partir après 17 heures.

Mme Jean Augustine: Je tiens à vous souhaiter la bienvenue et à vous dire combien nous sommes heureux d'avoir pu vous entendre. Votre texte mérite d'être relu, je crois. Je sais que je vais le parcourir attentivement. Je tiens à vous féliciter et à vous encourager dans le travail que vous entreprenez.

Je tiens aussi à dire aux deux jeunes personnes qui sont devant nous que j'admire non seulement votre courage, mais aussi votre force: vous êtes un exemple pour nos jeunes. Poursuivez votre tâche. Je dis à tous les bénévoles et à ceux qui vous accompagnent: «Continuez de sensibiliser la population et les jeunes du Canada.» Je vous félicite et je vous demande de poursuivre votre travail car il est important.

Votre Excellence, pourriez-vous nous parler davantage des conseillers à la protection des enfants? Quels sont leurs pouvoirs, comment les trouve-t-on et quel genre de protection ou de conseils précis donnent-ils? À qui donnent-ils ces conseils et comment ces conseils vont-ils servir?

M. Olara Otunnu: Merci beaucoup. Il s'agit d'une nouvelle institution. C'est une nouvelle pratique que nous avons proposée dans le cadre des efforts pour intégrer la protection des enfants plus fermement dans le programme de paix et de sécurité des Nations Unies. Les conseillers viendront des agences qui ont le genre d'expertise et d'expérience en protection de l'enfance... Il s'agira donc de l'UNICEF, du Haut Commissariat pour les réfugiés, d'organismes bilatéraux comme l'ACDI qui travaille déjà dans ce domaine, ainsi que l'Aide à l'enfance.

Ils seront détachés. Ils feront partie du mécanisme des opérations de maintien de la paix et relèveront donc du département des opérations de la paix de l'ONU. Ils deviendront des employés de l'opération de maintien de la paix. Mais ils sont stationnés dans la structure centrale de l'opération de maintien de la paix sur le terrain, non pas de façon sectorielle mais plutôt centrale pour s'assurer que la question de la protection de l'enfance soit une question centrale, politique, faisant partie du mandat général de l'opération. Leur rôle sera de conseiller le chef de l'opération et de s'assurer qu'il accorde de l'attention à la protection des enfants, d'assurer la coordination avec tous les autres acteurs—avec l'UNICEF, les autres agences de l'ONU, les ONG qui travaillent dans ce domaine—et de transmettre leurs préoccupations au chef de la mission. Ils doivent s'assurer que lorsque des ressources sont allouées, lorsqu'une politique est établie et lorsque les priorités sont fixées, la protection des enfants est bien au coeur des préoccupations et n'est pas négligée.

• 1700

Autrement dit, ils ont pour tâche de s'assurer que cette question soit présente dans toute l'opération de maintien de la paix, qu'il s'agisse d'une priorité politique et de faire rapport au département des opérations de maintien de la paix et, par son intermédiaire, à tous ceux d'entre nous qui s'intéressent à la question. Cela permettra aussi au Conseil de sécurité d'obtenir de l'information plus régulière et plus fiable sur ce qui se passe dans ce dossier, en particulier là où il y a des opérations de maintien de la paix.

Un conseiller à la protection de l'enfance vient de se rendre en Sierra Leone; deux sont en chemin pour la République démocratique du Congo; cinq sont censés aller dans la République du Congo, et nous discutons également du cas du Kosovo et du Timor- Oriental.

Mme Jean Augustine: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Otunnu.

Madame la ministre, je crois que vous avez un texte de clôture que vous aimeriez lire. C'est là-dessus que nous allons lever la séance. Merci.

L'hon. Maria Minna: Merci, monsieur le président.

Premièrement, je tiens à vous remercier de nous avoir reçus aujourd'hui. Je tiens à remercier M. Otunnu de son exposé très éclairant. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir partagé avec nous la connaissance que vous avez acquise par vos voyages dans les régions déchirées par la guerre. Je pense que c'est très important.

Il est essentiel de faire connaître la situation des enfants touchés par la guerre aussi bien à la population qu'à ses élus, monsieur le président. Cela nous aidera à mobiliser les appuis nécessaires pour continuer à oeuvrer au nom des enfants qui vivent dans des situations de conflit armé.

Je voudrais en outre remercier Mlle Mobarek et M. Mohamed, qui étaient ici avec nous, parce qu'il est important d'entendre leurs points de vue. À l'ACDI, nous sommes convaincus que les enfants et les jeunes ont un rôle actif à jouer dans la découverte de solutions aux situations qui les touchent directement, et comme la guerre et les efforts de reconstruction les touchent différemment des adultes, il est essentiel pour nous de prévoir notre travail en fonction de l'information qu'ils sont les seuls à pouvoir nous fournir. Nous vous remercions donc d'être venus aujourd'hui.

Les enfants occupent une place spéciale dans les programmes de coopération au développement. Nous reconnaissons qu'ils ont des droits en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et nous reconnaissons que des initiatives particulières doivent être prises pour veiller à ce que ces droits soient respectés.

[Français]

Le programme de coopération internationale peut jouer un rôle important en vue de faire respecter les droits des enfants. De nombreux programmes de l'ACDI s'inscrivent directement dans le respect de ces droits fondamentaux.

[Traduction]

Les enfants ne sont pas que des victimes, monsieur le président. Il est essentiel de travailler avec tous les membres de la communauté internationale pour que les enfants n'aient pas à subir les horreurs de la guerre et puissent ainsi devenir une force positive et puissante de changement dans leurs sociétés comme messagers de la paix. De fait, l'ACDI appuie les initiatives auprès d'enfants comme bâtisseurs de la paix. L'ACDI accorde du prix au travail de M. Otunnu et de son bureau et nous sommes en faveur d'appuyer financièrement son bureau par l'intermédiaire du Fonds de consolidation de la paix de l'ACDI, encore une fois dans le but de favoriser le processus de consolidation de la paix. C'est avec plaisir que nous collaborerons avec M. Otunnu et son bureau en vue de la conférence internationale sur les enfants touchés par la guerre qui se tiendra au mois de septembre et dont je serai l'hôte avec mon collègue M. Lloyd Axworthy. Nous espérons que vous pourrez vous joindre à nous.

Monsieur le président, cette conférence rassemblera des ministres, des hauts fonctionnaires, des ONG, des praticiens spécialisés qui travaillent sur le terrain, des témoins et des enfants du Canada et des pays touchés par la guerre. Elle fera suite à la conférence sur les enfants qui se tient actuellement au Ghana et ouvrira la voie à celle qui se tiendra à l'ONU l'an prochain. Comme Mlle Mobarek l'a dit tout à l'heure, l'objectif de la conférence n'est pas pour nous de parlementer mais de trouver de véritables solutions et de faire participer tous les intervenants pour faire en sorte qu'à l'avenir les enfants soient effectivement protégés des horreurs de la guerre et des conflits internes.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, madame la ministre, de ces propos de clôture.

Encore une fois, au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier, monsieur, d'être venu et de nous avoir fait part de votre expérience internationale et de votre expérience personnelle face à ce terrible problème.

Je tiens à remercier sincèrement Salah et Hannady d'être venus pour nous faire part de leurs expériences personnelles. Votre témoignage a laissé sa marque sur les membres du comité et croyez bien que nous ferons tout en notre pouvoir pour essayer d'améliorer les conditions de vie des enfants dans les zones touchées par la guerre et pour travailler avec la communauté internationale pour mettre un terme à cette terrible tragédie humaine. Merci beaucoup.

• 1705

La séance est levée jusqu'à demain après-midi, 15 heures, lorsque le ministre Pettigrew viendra au comité discuter du budget des dépenses.