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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ SUR LES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DES RESOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 31 mai 2000

• 1533

[Traduction]

Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Soyez les bienvenus à cette réunion sur le rôle parental. Cela s'inscrit dans le cadre d'une étude plus vaste qu'a entrepris le Sous-comité sur les enfants et jeunes à risque. J'aimerais pendant quelques instants vous rappeler brièvement l'objet de cette étude.

Cette année, le sous-comité examine deux des éléments qui étaient mentionnés dans le discours du Trône de l'automne dernier. En fait, il y avait en tout sept éléments distincts, mais nous nous concentrons sur deux d'entre eux où nous pensons pouvoir apporter une contribution utile, car, semble-t-il, le gouvernement n'a pas poussé très loin sa réflexion sur ces deux points.

L'un d'entre eux ne nous concerne pas, ou du moins peut-être indirectement. Ces deux éléments sont très clairs.

Nos travaux ont porté sur toute la question de l'équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle, la façon dont les familles réussissent à atteindre ce juste équilibre et la façon dont nous aidons les entreprises, et les Canadiens en général, à le faire. C'est donc directement en rapport avec l'objet de notre discussion d'aujourd'hui, soit le rôle parental.

L'autre est la question de la place qu'occupe la collectivité pour aider les familles avec enfants. Comment les mesures prises au niveau communautaire peuvent-elles améliorer les résultats?

Vous vous souvenez sans doute que le premier ministre—plutôt la gouverneure générale en son nom—a déclaré que le gouvernement du Canada comptait collaborer avec les provinces pour mettre sur pied, d'ici à décembre 2000, un plan national d'action sur la stratégie du développement de la petite enfance au niveau communautaire. Tout cela bien sûr dépendra du consensus qui existera entre les provinces et le gouvernement fédéral. Ces derniers devront s'entendre sur les principes, les objectifs, les résultats et les critères financiers au cours d'une période de cinq ans.

• 1535

Notre sous-comité doit donc, entre autres choses, essayer de comprendre ce que cela représentera sur le plan pratique pour les parents et les familles.

Voilà les deux thèmes dont nous comptons discuter avec vous. Nous sommes ravis de votre présence. Nous nous excusons... Je ne sais pas si vous avez entendu parler de tous les problèmes que nous avons eus hier?

Savent-ils seulement ce qu'ils ont manqué?

La greffière du comité: Il vaut mieux qu'ils ne le sachent pas.

Le président: Non, ils ne le savent pas.

Vous n'avez pas idée de ce que vous avez failli subir, mais je dirai simplement qu'en vertu du Règlement archaïque de la Chambre, lorsqu'on est un sous-comité du comité principal, ce dernier a le droit de prendre votre place. Le comité principal étudiait un rapport important et était sur le point de nous imposer sa suprématie, si je puis m'exprimer ainsi, de sorte que nous aurions pu être obligés de nous réunir à l7 heures, ou Dieu seul sait à quelle heure.

Quoi qu'il en soit, le comité a terminé l'étude de son rapport, nous avons pu respecter notre horaire, et vous ne savez même pas ce que nous étions sur le point de vous demander.

J'aimerais tout d'abord accueillir un invité. Je tiens à signaler publiquement le rôle que notre collègue Eric Lowther, de l'Alliance, a joué dans tout cela. Je tiens à remercier Mark Genuis d'être venu d'aussi loin, ce qui représente un énorme sacrifice. Et je remercie aussi Eric d'avoir proposé de l'inviter.

Nous sommes très impatients d'entendre vos remarques car nous avons lu les journaux, et nous avons entendu parler de cette nouvelle méta-analyse, ou d'une mise à jour de celle-ci, je suppose, de sorte que nous voulons entendre directement vos commentaires à ce sujet.

Soyez le bienvenu, monsieur Genuis.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Alliance canadienne): Avant d'aller plus loin, j'ai un rappel au Règlement, monsieur le président.

Le président: Je vous écoute.

M. Eric Lowther: Et je présente mes excuses à M. Genuis.

C'est en rapport avec la convocation de la réunion d'aujourd'hui—je ne sais pas si j'aurai l'occasion d'en reparler avant que nous ne levions la séance—mon bureau a été informé à la toute dernière minute que le comité allait tenir cette séance et entendre le témoignage de M. Genuis. Je demande simplement qu'à l'avenir, on nous donne un préavis un peu plus long à ce sujet, et je constate qu'il n'y a que deux députés présents.

Le président: Nous espérons que les autres vont se joindre à nous.

M. Eric Lowther: Je veux simplement exprimer une préoccupation...

Le président: Bien entendu.

M. Eric Lowther: ...au sujet de la procédure. Je comprends que le sous-comité a plus de problèmes que le comité principal, mais surtout lorsqu'on approche de la fin de la session, nos emplois du temps sont très chargés et ce genre de réunions organisées à la dernière minute, à mon sens, limitent l'efficacité de notre dialogue avec les témoins. En outre, il est très difficile de s'organiser pour assister à ces réunions. J'ai dû réorganiser mon emploi du temps d'aujourd'hui lorsque j'ai appris ce que nous devions faire. J'ai l'air de me lamenter, mais j'espère que vous allez en prendre note et que cela ne se reproduira plus.

Le président: Permettez-moi de répéter ce que j'ai dit. Il serait utile de demander à l'attaché de recherche de nous rappeler comment nous avons fait pour élaborer notre plan de travail. Je ne connais pas la situation pour l'absence de préavis, mais nous avons dû surmonter certains problèmes.

Voulez-vous nous expliquer quand nous avons élaboré la stratégie globale?

Mme Julie Mackenzie (attachée de recherche du comité): Bien sûr. Si vous vous en souvenez, c'est lors d'une réunion pour discuter des travaux futurs qu'il a été proposé de tenir la séance d'aujourd'hui.

Le président: Quand était-ce?

Mme Julie Mackenzie: La première semaine d'avril, sauf erreur.

Le président: Savions-nous à l'époque quel serait le témoin?

Mme Julie Mackenzie: C'était le calendrier proposé. C'était soit la semaine précédente... je pense que nous avions déjà été déplacés à une reprise par le comité permanent, de sorte que toutes les réunions ont été repoussées d'une semaine. La séance d'aujourd'hui était prévue pour la semaine dernière, au départ.

Mais depuis le début mai, il était prévu de tenir cette réunion le 31 mai. Ce qui a compliqué les choses, c'est le calendrier du comité principal, car nous n'étions pas certains de pouvoir terminer l'examen du rapport du comité principal avant 18 heures hier. C'est pourquoi la convocation officielle n'a été envoyée que ce matin.

M. Eric Lowther: Quand avons-nous su que M. Genuis allait comparaître aujourd'hui?

Le président: Nous avons retenu votre suggestion, en fait.

M. Eric Lowther: Oui, mais quand avons-nous reçu confirmation pour cette semaine?

Mme Julie Mackenzie: Je ne sais pas quand l'avis officiel a été envoyé. C'est envoyé au bureau de la greffière.

Le président: Le problème, c'est que nous avions convenu d'essayer d'inviter ces témoins. Nous sommes donc partis du principe que nous les inviterions à comparaître. Je comprends ce que vous voulez dire, car il y a eu de toute évidence un manque de communication. Il faudra peut-être à l'avenir distribuer aux membres du comité, à titre officieux, une liste de...

M. Eric Lowther: Un calendrier de travail serait une excellente idée.

Le président: En effet. Nous avions le calendrier de travail qui datait d'avril, mais si vous pouviez me faire savoir entre nous... Êtes-vous d'accord?

Mme Julie Mackenzie: Très bien.

Le président: Cela sera-t-il utile?

• 1540

M. Eric Lowther: Il ne suffit pas de l'annoncer au comité, il faudrait véritablement nous faire parvenir un tableau, ou un document quelconque.

Le président: Très bien.

Nous sommes d'accord sur ce point. Je regrette qu'il y ait eu un manque de communication, étant donné surtout que ce témoin est votre invité. De toute façon, nous vous souhaitons la bienvenue. Soit dit en passant, nous accueillons également Mme St-Jacques du Parti conservateur.

[Français]

Nous l'accueillons toujours avec plaisir.

Docteur Genuis.

M. Mark Genuis (directeur exécutif, Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille): Je vous remercie de m'avoir invité à présenter l'information empirique de la Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille.

Pour moi, le sujet d'aujourd'hui est la garde parentale et non parentale des enfants d'âge préscolaire.

[Traduction]

Dans la lettre, on m'a demandé de traiter de façon générale de deux sujets, en dix minutes. Il me faut en général 20 minutes pour présenter un sujet, de sorte que ce sera pour moi un véritable défi aujourd'hui. L'un des sujets est l'état de la famille et l'autre, comme l'a signalé le président, la question dont on parle dans les journaux, soit une mise à jour d'une méta-analyse sur les questions de la garde d'enfants parentale et non parentale à l'échelle internationale et l'incidence sur le développement des enfants.

Je voudrais dire d'entrée de jeu que l'information et le concept que nous présentons, ainsi que les recommandations que nous formulons, visent les objectifs suivants, et je pense qu'il est essentiel de bien comprendre dès le début. Tout d'abord, il y a le respect et la dignité de l'enfant essentiellement et le développement de l'enfant; le respect et la dignité des parents; le respect et la dignité de la famille en général et en tant que cellule, et le développement sociétal.

Nous espérons offrir un maximum d'options aux parents et familles de la société canadienne et nous aspirons au plus grand bien pour les enfants du Canada, à leur développement dans de bonnes conditions et en bonne santé.

Étant donné les objectifs mentionnés ci-dessus, je vais parler dans un instant de l'état de la famille. Le Canada a une longue tradition de cellules familiales fortes. Dans toutes les régions du pays, elle a contribué à la force et à la grandeur phénoménale de notre nation. Malheureusement, toutefois, au cours des 40 dernières années, nous avons été témoins de changements importants.

Grâce à des études faites en collaboration avec Statistique Canada, nous allons vous présenter quelques données. Pour les enfants de 10 à 14 ans, soit avant l'adolescence, nous avons assisté depuis 1955 à une augmentation de 1 367 p. 100 des suicides parmi ce groupe. Il ne s'agit pas d'idées ou de tentatives de suicide, mais bien d'une augmentation du nombre réel de décès d'enfants préadolescents au Canada.

Pour ce qui est du taux de suicides parmi les adolescents, nous venons au troisième rang des pays industrialisés. Il faut savoir que, dans notre pays, il y a tous les ans 4,6 à 5 divorces pour 10 mariages. Cela concerne les gens qui se marient entre 20 et 49 ans. Nous avons choisi ce groupe d'âge car ce sont les personnes qui ont et élèvent des enfants principalement au cours de leur vie.

J'ai également eu une entrevue il y a quelques mois avec la ministre de la Condition féminine, qui m'a répété à deux reprises qu'il y a bien des familles au Canada qui vivent dans des conditions qu'elles n'ont pas choisies ou qui aimeraient vivre autrement. Elle a soutenu qu'il existe de nombreuses familles au Canada dont les deux conjoints travaillent et qui ont des enfants d'âge préscolaire, qui préféreraient être des familles à revenu unique si leur situation économique le leur permettait.

Lorsqu'on examine l'état de la famille, on constate certains problèmes assez graves. Il va sans dire qu'il y a au Canada un grand nombre de familles solides et de familles remarquables. Il existe bon nombre de familles récentes ou anciennes qui font un énorme apport à notre société. Toutefois, il se pose de plus en plus de problèmes qui, selon mon avis de psychologue ou de scientifique, représentent une pathologie croissante au sein de la famille et auxquels nous devons porter attention. Si nous devons prendre ces problèmes au sérieux, c'est parce que nous en constatons maintenant les effets sur la société.

Cela va au-delà de l'anticipation des rapports existant au sein de la famille; cela touche au fait que les gens ont désormais une influence sur la société qui les entoure et qu'ils ne mènent pas la vie qu'ils auraient choisi de vivre s'il leur était donné de le faire. Il y a donc des ruptures au niveau du couple et au niveau personnel, ce qui accroît les problèmes au sein de la société.

Dans la zone de libre-échange nord-américaine, par exemple, en raison surtout des tensions familiales, on dépense actuellement plus de 60 milliards de dollars en congé annuel pour raison de stress. Cela comprend uniquement trois semaines ou plus de congé pour stress. Cela n'inclut pas les congés à court terme, ni le recyclage, ne le manque à gagner en productivité, etc.

• 1545

Là encore, pour être bien clair sans trop insister sur ce point, je répète que certains de ces problèmes ne font que s'accroître. Ils méritent, à mon avis, une très sérieuse attention de notre part.

Quant à la question de la garde des enfants et à la méta- analyse que je vais présenter, je le ferai en posant deux questions. Tout d'abord, quelles sont les options, en matière de garde des enfants, qui sont dans l'intérêt supérieur absolu de l'enfant, des enfants du Canada? J'insiste là-dessus car, en tant que parents et que société, nous sommes responsables des intérêts des enfants. Notre objectif primordial doit être leur développement dans des conditions les plus positives et les plus saines possibles car c'est notre responsabilité première.

Nous pouvons parler de nombreuses autres questions en rapport avec la commodité, la tension, l'activité, l'absence de choix, et ainsi de suite. Nous devons nous concentrer principalement sur ce qui offre la meilleure possibilité de développement positif et sain des enfants qui, une fois adultes, feront une contribution positive et très utile à notre société. C'est, à mon avis, l'objectif qui est de loin le plus important pour un gouvernement, une société et les familles de notre pays.

C'est donc la première question que nous posons. Quelles sont les options, en matière de garde des enfants, qui servent l'intérêt supérieur des enfants du Canada?

En second lieu, bien sûr, que doit faire notre société pour créer un système qui soit compatible avec cette option et permette aux parents de faire les choix qui servent l'intérêt supérieur de leurs enfants? Je pense que nous ne sommes pas en mesure de dire aux gens comment vivre leur vie. Nous ne sommes pas en mesure d'essayer de diriger leur vie, mais nous pourrions peut-être, lorsque nous aurons compris quelles sont les meilleurs options pour les enfants et pour leur bon développement, essayer de mettre ces options à la disposition des familles pour leur permettre de faire un choix dans la mesure du possible.

Quelle est la meilleure option pour les enfants? Comme l'a dit notre président, il y a eu récemment un assez grand battage dans les médias autour d'une étude à laquelle a participé la Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille. Voici ce que nous avons fait. C'est l'objet d'une méta-analyse. Nous savons tous ce qu'est un examen de la documentation. Nous prenons un certain nombre d'études, nous les examinons et nous écrivons un article à ce sujet. Nous pouvons parler d'études en particulier.

Depuis longtemps déjà, nous faisons ce que nous appelons des méta-analyses qui représentent le palier suivant de la rigueur scientifique. Cela permet de faire disparaître des éléments subjectifs, tout bien intentionnés soient-ils, qui sont propres à toute étude et à tout examen de la documentation disponible. Nous prenons toutes les recherches publiées du monde dans un domaine donné et nous nous assurons de tenir compte des recherches qui répondent à un critère minimum de rigueur. Il faut donc au départ que nous ayons de la matière valable. Nous appliquons certains calculs de normalisation précis et ensuite, nous analysons à nouveau les résultats de ces travaux dans le cadre d'une vaste étude.

Là encore, cela permet de supprimer les éléments subjectifs. On peut ainsi examiner un beaucoup plus grand nombre de sujets tout en respectant d'importants critères de rigueur, car ces études sont déjà publiées et répondent déjà à des normes précises. Si l'on pense à la vérité objective, ce genre d'analyse est beaucoup plus objective et beaucoup plus rigoureuse que toute autre étude ou groupe d'études qui existent.

Dans le cadre de cette méta-analyse, qui est, sauf erreur, la cinquième du genre à être effectuée dans ce domaine, que constatons-nous? Nous constatons que les parents ne sont pas faciles à remplacer. Nous constatons que la garde parentale, dans la plupart des cas, est la structure la plus saine pour l'épanouissement d'un enfant au cours de ses années d'âge préscolaire. Nous constatons que les parents, même s'ils font des erreurs, offrent dans l'ensemble un milieu beaucoup plus sain pour les enfants. Ils ont de meilleurs résultats que la garde non parentale a dans l'ensemble.

Il ne faut pas en déduire que tous les enfants élevés dans des garderies connaissent d'énormes problèmes. Ce n'est pas vrai. Nous constatons que les enfants d'âge préscolaire qui passent 25 heures par semaine ou plus sous la garde de personnes autres que leurs parents connaissent beaucoup plus de difficultés que les autres enfants, et ce dans quatre domaines précis importants de développement. L'un d'entre eux, le plus important à mes yeux, est le lien qu'un enfant forme avec son ou ses parents. Nous constatons que ces enfants développement généralement des liens beaucoup plus forts. Si je dis que les liens sont l'élément le plus important, c'est parce que le lien qu'un enfant forme, cet attachement, a une énorme influence sur son développement émotif et comportemental lorsqu'il grandit.

Parmi les autres secteurs que nous étudiés, mentionnons le développement comportemental, le développement cognitif et le développement socio-émotionnel.

Dans ce domaine précis d'étude, c'est bien, c'est formidable, les parents sont peut-être extraordinaires, mais il faut s'interroger sur la question de la qualité des garderies. Nous avons parlé de normes, nous avons parlé de qualité. Tout le monde étudie la qualité de nos jours, et bien des gens ont essayé d'aller plus loin. La question ne se limite pas à la garde parentale ou non parentale; il s'agit d'évaluer la qualité de la garde non parentale.

• 1550

Lorsque nous étudions toutes les recherches effectuées dans le monde entier et que nous les analysons de manière objective, je dois vous dire à regret que les conclusions sont toujours exactement les mêmes: notre définition actuelle d'une garderie de qualité supérieure, malgré nos efforts pour en créer, n'offre aucun avantage supplémentaire pour le développement de ces enfants, par comparaison à ceux qui sont élevés par leurs parents. C'est une constatation très troublante pour nous tous dans la société contemporaine, mais c'est aussi la réalité, telle que la voient aujourd'hui les meilleurs scientifiques.

C'est pourquoi je tiens à vous dire que la garde parentale est une option qu'il faut prendre très sérieux et qu'il faut prévoir dans la gamme d'options possibles lorsque le gouvernement examine sa politique. Il existe diverses façons de le faire, et je serais heureux d'en traiter plus tard, si cela vous intéresse. L'essentiel de tout cela, si nous nous demandons quelle est la meilleure option pour les enfants de notre pays, si nous choisissons entre le développement des enfants ou des entreprises, nous devons affirmer que les enfants passent avant les services de garderie non parentale.

Si nous voulons investir dans les enfants, nous devons investir dans la possibilité pour les parents de choisir de s'occuper directement à plein temps de leurs enfants, de sorte qu'ils seront séparés de ces derniers pendant moins de 20 à 25 heures par semaine de façon régulière pendant les années d'âge préscolaire. Bien sûr, c'est le choix de la famille. Nous vivons dans un pays libre. Je soutiens toutefois que cela doit faire partie des possibilités auxquelles le gouvernement accorde la plus haute priorité pour les familles canadiennes si les enfants représentent vraiment notre plus grande ressource. C'est ce que nous disent les données.

J'ai terminé. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Merci d'avoir été si... [Note de la rédaction: difficultés techniques]

Je vais maintenant donner la parole à Carol Crill Russell de la Invest in Kids Foundation, tout simplement parce que sa fondation—et je pense qu'elle est aussi directrice de la recherche—a publié tout dernièrement un travail de recherche important sur le rôle parental. Il existe des éléments communs entre les deux, quoiqu'aucun chevauchement. J'invite donc Carol Crill Russell à nous présenter son exposé.

Mme Carol Crill Russell (vice-présidente, Recherche et programmes, Fondation Investir dans l'enfance): Je vais présenter les résultats d'un sondage national que nous avons effectué il y a un an en janvier. Des copies papier des acétates se trouvent dans la documentation qui vous a été remise. Je vais parler très vite car vous avez sous les yeux des copies papier des conclusions de notre sondage.

Nous avons effectué un sondage auprès des parents canadiens ayant au moins un enfant de moins de six ans. Le sondage a été réalisé auprès 1 645 ménages qui comprenaient 245 mères monoparentales, 700 pères et 700 mères, autant anglophones que francophones, de tous les groupes de revenu et de toutes les régions du pays. Nous voulions déterminer ce que les parents ayant de jeunes savent vraiment du rôle parental, dans quelle mesure ils se sentent à même de bien prendre soin de leurs enfants et ils estiment recevoir de l'aide pour assumer ce rôle.

Sur l'ensemble des parents, 92 p. 100 se sont dits d'accord avec la déclaration suivante: «Le fait d'être parent est pour moi la chose la plus importante de ma vie», ce qui prouve clairement que les parents attachent beaucoup d'importance à leur rôle. Nous voulions toutefois déterminer leur niveau de connaissances au sujet du développement des enfants, et nous avons donc créé un petit test de connaissances sur cette question. Nous avons constaté que leurs connaissances relatives au développement de l'enfant sont nombreuses, mais superficielles.

Les parents savent que les bébés apprennent dès leur naissance; 85 p. 100 avaient la certitude que c'était vrai. Voilà pour l'étendue des connaissances. Mais pour le reste, nous constatons que les parents ne savent pas quels sont les critères essentiels d'un développement sain.

Lorsque nous posons des questions comme: «Vrai ou faux? La proximité émotionnelle des parents face à leur bébé peut influer fortement sur le développement intellectuel de l'enfant», il n'y a plus que 50 p. 100 des parents qui répondent que c'est vrai avec certitude.

«Si l'on ne stimule pas assez un bébé—en lui faisant la lecture, en jouant avec lui, en le touchant ou en le prenant—son cerveau se développe moins que celui d'un bébé qui reçoit ce genre de stimulations.» Là encore, il n'y a plus que 50 p. 100 environ de parents qui ont la certitude que c'est vrai.

«Les expériences vécues par un enfant avant l'âge de trois ans influeront beaucoup sur son apprentissage scolaire.» Dans ce cas, il n'y a plus qu'un tiers des parents qui sont certains que c'est vrai.

«Les bébés naissent tous avec un certain degré d'intelligence que les parents, par leur interaction, ne peuvent accroître ou diminuer.» Seulement 30 p. 100 des parents étaient certains que c'est faux.

• 1555

Et les pourcentages continuent de diminuer. Je ne vais pas vous les mentionner tous, car nous n'avons pas assez de temps, mais vous verrez que les résultats tombent à même moins de 10 p. 100 lorsqu'on pose la question suivante: «Le développement intellectuel est la première caractéristique d'un enfant d'âge scolaire.» C'est faux, et pourtant, seulement 8 p. 100 des parents en étaient certains.

Nous avons donc constaté que la plupart des parents sont certains que les bébés commencent à apprendre dès leur naissance, mais qu'environ la moitié d'entre eux seulement sont certains que la stimulation et l'attention qu'ils leur donnent influent sur l'épanouissement et l'apprentissage des bébés et des jeunes enfants, tant sur le plan social, qu'émotif et intellectuel, et que très peu de parents sont certains au sujet du développement du cerveau et de son rapport avec la santé mentale ou le développement intellectuel de leurs jeunes enfants.

Même si les parents sont conscients de l'importance de leur rôle, ils ne savent pas vraiment quoi faire. Les parents estiment qu'ils ont le plus de connaissances au sujet de l'aspect du développement sur lequel ils ont le moins d'influence, soit le développement physique.

Lorsque nous avons demandé aux parents: «Quel aspect du développement connaissez-vous le moins: physique, émotif, social, ou intellectuel?», environ un tiers des parents ont répondu qu'ils avaient le moins de connaissances au sujet du développement émotif, ou social ou intellectuel. Mais quand nous leur avons demandé: «Où croyez-vous avoir le plus d'influence?», là encore nous avons constaté que c'était dans les domaines qu'ils connaissaient le moins.

Nous constatons donc que les parents ne sont pas certains des signes à observer pour savoir si le développement d'un enfant est sain et à peu près normal pour son âge; leur degré de connaissances au sujet du développement physique est faible, et encore plus bas pour ce qui est du développement socio-affectif, et les parents croient qu'ils ont le plus d'influence sur le développement émotif, alors que c'est celui au sujet duquel ils ont le moins de connaissances.

En outre, nous constatons que malgré les apparences, bien des parents ne sont pas sûrs ou ont un sentiment d'insécurité. Nous avons demandé aux parents de dire dans quelle mesure ils approuvent ce genre d'affirmations: «J'ai du mal à comprendre les sentiments et les besoins de mon enfant.» Un parent sur trois s'est dit dans ce cas. «Je n'ai pas confiance dans mes compétences parentales»: un sur deux, dans ce cas. «Je ne sais pas quoi faire dans les situations difficiles face à mon enfant»: un sur deux.

Et après la naissance de leur premier enfant, les parents éprouvaient encore plus ce sentiment d'insécurité. «J'avais peur de ne pas agir de la bonne façon»: deux sur trois. «Je ne savais souvent pas quoi faire»: deux sur trois. «J'avais peur de ne pas être un bon parent.»: trois sur quatre.

Toutefois, les parents sont avides de connaissances. Lorsque nous leur avons demandé si, d'après eux, «il y a toujours moyen d'accroître les compétences parentales»: 90 p. 100 se sont dits généralement d'accord. «Avant la naissance de notre premier enfant, je me suis préparé à être parent en faisant des lectures, en demandant conseil, etc.»: 70 p. 100 se sont dits généralement d'accord. «Je voulais en savoir plus au sujet du développement du cerveau et de la façon dont les enfants apprennent»: 65 p. 100 des parents se sont dits généralement d'accord avec cette phrase.

Même si les parents prétendent savoir comment vérifier si leur enfant se développe normalement, au fond, ils ne sont pas sûrs de leurs compétences ni des sentiments et des besoins de leur enfant, ni de la façon de gérer les situations difficiles. Les parents éprouvent un sentiment d'insécurité surtout à la naissance de leur premier enfant, mais ils veulent savoir comment améliorer leurs compétences parentales.

En outre, les parents ne se sentent pas appuyés dans leurs responsabilités parentales. Quand nous leur avons posé la question: «Quand je suis devenu parent, j'ai trouvé que je recevais assez de soutien émotionnel»: 50 p. 100 seulement des parents ont répondu oui. «Quand je suis devenu parent, j'ai trouvé que je recevais assez de soutien pratique»: encore une fois 50 p. 100 seulement des parents ont dit oui. Ce qui est encore plus troublant c'est la réponse à la question: «Je pense que le Canada attache de l'importance à ses jeunes enfants», car seulement 40 p. 100 des parents étaient d'accord. Seulement 40 p. 100 des parents pensent que le Canada attache de l'importance à ses jeunes enfants.

En résumé, dans la pratique, les parents semblent manquer des connaissances de base sur le développement des enfants; les parents croient qu'ils ont le plus d'influence sur le développement émotif de l'enfant, domaine où ils ont le moins de connaissances, malgré les apparences, les parents manquent d'assurance et éprouvent un sentiment d'insécurité face à leur rôle; les parents ne se sentent généralement pas appuyés à la naissance de leur premier enfant; et seulement 40 p. 100 des parents qui ont au moins un enfant de moins de six ans pensent que le Canada attache de l'importance à ses jeunes enfants.

Il faut donc créer un climat favorable au développement sain des enfants. Les parents ne peuvent y arriver seuls. Nous devons travailler ensemble pour atteindre cet objectif. Il nous faut combler les lacunes des connaissances et des compétences des parents. Nous pensons que l'accroissement des connaissances et des compétences augmentera le degré de confiance dans la pratique.

Je vais faire un bref résumé. Il faut donner aux parents beaucoup plus de soutien. Au Canada, les parents de jeunes enfants estiment qu'on n'attribue pas d'importance au rôle qu'ils remplissent et qu'ils ont besoin de plus de soutien que ce n'est le cas actuellement.

Le président: Eh bien! Voilà encore un exposé extrêmement efficace et je vous en remercie.

Nous semblons être en plein paradoxe ici. Une étude révèle que les parents semblent faire du bon travail alors qu'une autre étude signale que les parents ne sont pas convaincus de cela.

Pour résoudre cette contradiction—et c'est un peu pour planter le décor—j'invite Kerry McCuaig à nous parler.

Des voix: Oh, oh!

• 1600

Mme Kerry McCuaig (directrice administrative, Better Child Care Education): Pour répondre à la question qu'on me posait dans la lettre, je me suis reportée à l'étude longitudinale nationale sur les enfants. Un des chiffres les plus éloquents signale que les enfants qui s'en tirent le moins bien sont des enfants de mères dépressives.

Nous voulons distinguer entre l'enfant et la famille mais c'est peine perdue car nous ne pouvons pas empêcher que le bien- être de l'enfant soit lié très extrêmement étroitement au bien-être des parents, en particulier celui de la mère. En faisant des choix pour les enfants, il faut tenir compte de la façon dont la politique des pouvoirs publics influe sur les autres membres de la famille, particulièrement la mère, si notre véritable objectif est d'obtenir des résultats pour les enfants.

Je vais aborder la question du point de vue d'une politique gouvernementale qui ratisse plus large, et me placer dans une perspective communautaire. Considérant les besoins des enfants, on se rend compte que les pouvoirs publics doivent adopter une gamme variée de mesures. Il y a tout d'abord le revenu. Il est très difficile d'être bon parent si l'on nÂa pas assez d'argent pour élever ses enfants.

Le Canada se distingue peu glorieusement à cet égard.

La principale cause de la pauvreté des enfants était autrefois le chômage de leurs parents. La pauvreté des enfants est essentiellement dû actuellement aux faibles salaires et à l'insécurité d'emploi. Cela est particulièrement révélateur car un fossé se creuse au sein de la population sur le plan du revenu, mais aussi sur le plan de l'âge, car, de plus en plus, les jeunes familles se trouvent dans la catégorie des faibles revenus et des emplois précaires.

Nous sommes un des rares pays industrialisés à ne pas avoir une prestation universelle pour enfants.

Notre taux de pauvreté infantile est très élevé.

Notre régime fiscal ne fait pas de distinction générale entre les familles qui ont des enfants à charge et celles qui n'en ont pas.

Ces éléments nous amènent à conclure que le Canada doit se doter de politiques favorisant la création d'emplois stables, politiques assorties d'un soutien du revenu et d'un soutien fiscal qui reconnaissent le coût que représente une famille. Il est infiniment plus difficile d'élever des enfants, des enfants sains, quand on ne peut pas compter sur un logement convenable.

Les familles ont aussi besoin de temps. Les parents ont besoin de passer du temps avec leurs enfants. Dans tout le train de mesures de soutien aux familles, le congé parental et de maternité est important. Dans le dernier budget, on trouve une mesure positive à cet égard, mais elle pourrait être encore plus souple, pour permettre aux mères de retourner au travail à temps partiel. L'admissibilité devrait être telle que la majorité des nouvelles mères et des nouveaux parents qui n'ont pas accès à l'assurance- emploi devraient avoir droit à ce congé. Le niveau des prestations doit être assez élevé pour que les parents puissent se permettre de prendre un congé.

En outre, les politiques en milieu de travail devraient reconnaître les besoins particuliers des parents qui ont de jeunes enfants. Le Québec est la seule province qui ait légiféré le congé familial, et ailleurs le secteur privé n'a pas comblé ce vide législatif.

La plupart des employeurs n'offrent pas de conditions spéciales aux parents et ceux qui le font... Voilà une chose intéressante. On peut trouver la liste des sociétés qui peuvent se vanter d'avoir des politiques conviviales pour la famille mais quand on s'adresse aux responsables des ressources humaines dans ces sociétés, on découvre que les politiques ne sont pas utilisées, et que le mot d'ordre est tel que si on y a recours, on est taxé de mauvais travailleur. C'est plus particulièrement vrai dans le cas des pères.

Voici un exemple: Ontario Hydro est une grande société qui a eu...

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Une ancienne grande société.

Mme Kerry McCuaig: Bien, c'était une grande société qui a offert le congé parental. Les pères pouvaient prendre jusqu'à quatre semaines de congé. En 15 ans, 4 pères se sont prévalus de ce congé.

Les politiques conviviales à l'égard de la famille que personne n'utilise ne servent à rien.

Sur le plan de la politique gouvernementale, les familles ont besoin de services adaptés à l'âge.

Je voudrais maintenant parler des garderies comme soutien aux familles. À l'exception des données que M. Genuis nous a présentées, je dirais qu'il existe de nombreuses et vastes études sur la question. Soit dit en passant, la plupart de ces études sont nord-américaines, et je pense qu'il faut le signaler.

• 1605

Un de mes collègues, Peter Moss, qui est le président de la Commission européenne pour les garderies signale qu'il est intéressant de constater que 95 p. 100 de la recherche en la matière dans les pays développés est faite par des nord-Américains, essentiellement des Américains. La recherche n'intéresse pas beaucoup les Européens. Les Européens agissent. Les pays qui n'agissent pas ont tendance à étudier la question. C'est une distinction intéressante.

Les garderies, malgré leurs détracteurs, semblent être une question qui se pose en permanence. On en parle plus ou moins selon le cas quand il s'agit de politique officielle, mais la question demeure parce que... Je ne sais pas si vous avez vu le cercle de ma collègue Martha Friendly mais elle place les services de garderie au centre de la politique publique. Ils sont au centre car ils répondent simultanément à un grand nombre de facteurs, et pour les familles, ils constituent la réponse à la pauvreté. Certaines études révèlent qu'une des principales entraves à la participation des parents à la main-d'oeuvre active, ou à des programmes de formation, provient du fait qu'ils sont incapables de trouver des garderies abordables et convenables.

D'autres études montrent que les mères seules qui veulent se joindre à la population active en sont empêchées en l'absence de garderies. Ce n'est pas qu'elles ne peuvent pas trouver une garderie, car il y a bien des organismes qui peuvent les aider à cet égard, mais elles ne peuvent pas trouver d'endroits où elles n'ont pas d'hésitation à laisser leurs enfants. Ces mères ont tendance à ne pas terminer leur programme de formation ou à quitter leur emploi parce qu'elles ne trouvent pas de garderies convenables.

Les garderies sont également un aspect important de l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale. On présume qu'étant donné qu'il y a si peu de garderies homologuées, la majorité des enfants restent avec des parents ou des gardiennes. En fait, la majorité des familles qui travaillent s'occupent seules de leurs enfants: 40 p. 100 de tout le gardiennage est accompli par les deux parents qui travaillent à tour de rôle. Cela signifie que la mère travaille le jour et le père, l'après-midi ou le soir.

Lors de nos entrevues avec les parents, nous avons constaté que dans ces situations, il y avait des couples qui pouvaient passer une seule journée par mois ensemble en famille. En effet, chaque parent devait s'occuper seul des enfants à tour de rôle et ils communiquaient grâce à des mots épinglés sur la porte. C'est comme ça que les choses se passaient. Je pense que nous sommes tous concernés par le stress que subissent les familles. Peut-on imaginer un stress plus intense? Si vous faites cela pendant cinq ou six ans alors que vous élevez une famille, au bout du compte vous avez en face de vous un partenaire d'une journée par mois, et vous vous demandez si vous le connaissez encore. Cela est révélateur du stress imposé aux familles par l'inaction des pouvoirs publics en matière de politique.

Mais il y a aussi l'entourage des familles, c'est-à-dire la collectivité. On oublie souvent que les garderies offrent la possibilité d'apprécier la diversité. Nous vivons dans une société de plus en plus diversifiée, et cela devient important. On peut ainsi faire justice aux enfants qui ont des besoins spéciaux. On a aussi la possibilité de repérer et d'intégrer les enfants qui ont des besoins spéciaux, ce qui est extrêmement important si l'on veut soulager le stress des familles.

Nous savons que ces programmes peuvent être rentables, mais si vous vous reportez à l'étude Cleveland-Krashinsky, vous constaterez qu'ils ne sont rentables que s'ils sont menés d'une certaine façon. Il faut tout d'abord qu'ils soient de grande qualité et ensuite, il faut qu'ils soutiennent les parents, dans leur rôle de parents et dans leur capacité de travailler.

Je voudrais consacrer 30 secondes à la façon dont ces services venant de la collectivité peuvent être organisés afin de réaliser trois objectifs simultanément: le développement de l'enfant, le soutien aux parents dans leur travail et dans leurs études, et le soutien aux parents dans leur rôle de parents, pour que tous ces parents qui ne sont pas très sûrs d'eux, comme le signale l'étude de Carol, puissent se tourner vers un centre communautaire, un centre pour enfants, et obtenir de l'information.

• 1610

D'après notre enquête, pour bien des parents, ce sont les garderies qui constituent la seule source d'information. Nous savons qu'il y a d'autres professionnels qui entrent en contact avec les parents, le pédiatre, etc., mais tout d'abord, c'est compter sur une source très coûteuse de renseignements; il faut aussi ajouter que les pédiatres ne sont pas des experts du développement de l'enfant. Ils sont experts en matière de santé et de questions cliniques.

Avant de vous quitter, je voudrais signaler quelque chose. Nous pouvons être inquiets, et nous devons être inquiets de l'état des familles canadiennes, mais nous n'avons pas à aller très loin pour trouver des pays qui ont des approches différentes concernant les besoins de la famille. Par exemple, de façon générale en Europe, il y a deux approches. Il y a l'approche natale, car le système de valeurs adopté préconise que les mères de jeunes enfants restent à la maison pour s'occuper d'eux, et dans ces conditions, la politique gouvernementale est à l'avenant. Les Européens versent d'énormes allocations familiales qui remplacent les gains de la mère.

D'autre part, il y a des pays où l'on pratique une politique pro-travail, comme dans les pays scandinaves, qui encourage les femmes à faire partie de la population active. Là, on offre des congés parentaux et de maternité généreux et on légifère des politiques du travail reconnaissant que les parents sont aussi des travailleurs.

Je voudrais ajouter que peu importe que la politique soit pro- natale ou pro-travail, les deux systèmes de valeurs n'hésitent pas à offrir une éducation préscolaire aux jeunes enfants. Dans les deux cas, on reconnaît que c'est important, et le débat est clos.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Quelle succession d'excellents exposés.

Tout d'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue à Peter Adams. Il est président de, si j'ose dire, le comité mère. C'est peut-être le comité père...

M. Peter Adams: Le comité parent.

Le président: C'est cela. Nous le remercions d'avoir fait preuve de tant d'efficacité dans la préparation du rapport. Nous sommes impatients qu'il soit diffusé demain. Nous avons pu faire notre travail et on n'a jamais senti les menaces qui pesaient sur nous.

Bienvenue, Peter.

Eric.

M. Eric Lowther: Merci.

J'ai écouté les trois exposés et j'ai essayé de voir le trait commun entre eux, et je pense l'avoir trouvé. Mark Genuis nous a rappelé l'importance du rôle des parents surtout pour la création de liens. Mme Russell nous a dit que les parents veulent faire de leur mieux et qu'ils cherchent à se faire aider sérieusement.

Dans le cas de Mme McCuaig, les choses se sont un peu embrouillées dans mon esprit car elle préconise un soutien du revenu et des formes d'aide à caractère fiscal pour que les parents puissent passer plus de temps avec leurs enfants étant donné que le lien avec les parents est important. Elle ajoute cependant que 40 p. 100 des parents s'occupent eux-mêmes de leurs enfants. Ils travaillent donc des plages différentes car ils accordent une priorité aux soins de leurs enfants. Mais vous avez parlé du cercle, les services de garderies étant au centre de ce cercle. Jusque-là, je pensais que les parents devaient être au centre.

Pour le bien de l'enfant, je pense que deux tiers à trois quarts des arguments présentés allaient dans le sens d'un lien très vigoureux entre parents et enfants. Je me souviens de l'étude longitudinale—je fais une petite digression—madame McCuaig, qui révèle que le revenu est l'élément central. Cette étude...

Mme Kerry McCuaig: Excusez-moi. À ce propos, j'ai dit que la dépression chez les mères était reliée aux résultats les plus désolants pour les enfants.

M. Eric Lowther: C'est vrai. Mais vous avez ajouté que le revenu était l'un des principaux facteurs ayant une incidence sur le rôle parental.

Mme Kerry McCuaig: Sur le bien-être de l'enfant.

M. Eric Lowther: D'accord.

• 1615

Je me souviens de l'étude longitudinale et elle révèle quand on s'y attarde, que certaines des familles les plus pauvres obtenaient les meilleurs résultats avec leurs enfants, sans que cela soit universel, c'était en tout cas fréquent. En consultant les données—et je pense qu'on l'a signalé—ce n'était pas tant l'argent qui comptait mais la qualité des soins donnés par les parents, ce qui avait une incidence marquée sur les résultats, mesurés sur le plan d'une bonne socialisation, je suppose.

Je voudrais que ce groupe d'experts—et je le dis avec le plus grand respect parce que je pense que vous êtes tous experts, beaucoup plus que moi—me parle de l'importance du lien créé avec les parents, étant donné que nous avons discuté de mille autres choses, nous avons un peu perdu cette notion de vue.

Nous voulons venir en aide aux parents, nous voulons des garderies, nous voulons des soins de qualité, nous voulons ceci et cela, mais il me semble qu'au bout du compte, ce qui nous importe avant tout c'est de servir l'intérêt supérieur des enfants. Si ce lien parental vigoureux est primordial, et je crois qu'on l'a dit très éloquemment ici aujourd'hui, n'est-ce pas de ce côté-là que la politique gouvernementale devrait offrir des incitatifs et peut- être faire oeuvre éducative?

À cet égard, je me demande quelle idéologie nous voulons transmettre aux parents? Quand j'étais jeune, c'est le Dr Spock qui était le gourou et tout le monde lisait ses livres. Tous les parents essayaient de suivre ses enseignements et voilà que le Dr Spock est revenu sur ses théories, reconnaissant qu'il a fait une erreur et personne ne l'écoute plus.

Le président: Vous avez autour de la table quantité de spécimens d'erreur.

M. Eric Lowther: Nous devons être prudents quant à... Je pense que les parents sont avides d'informations mais ils sont également méfiants des idéologies qu'on leur présente et ils se demandent si elles leur conviennent. On peut peut-être offrir toutes sortes de bons conseils, qui me conviennent à moi, mais tout un groupe de parents pourraient ne pas être d'accord du tout. Les parents voudront peut-être faire leurs propres choix.

Excusez-moi, si je me suis appesanti mais, malgré tout, je vous serais reconnaissant de me répondre.

Le président: Qui veut commencer? Chacun aura l'occasion de s'exprimer.

Mme Carol Crill Russell: Je vais commencer.

Je reprends la comparaison que vous avez faite avec le Dr Spock. Quand nous étions enfants, on donnait automatiquement de l'aspirine aux enfants qui avaient de la fièvre mais maintenant nous savons que chez les jeunes enfants, cette thérapie est associée avec la possibilité du syndrome de Reye. Ainsi, les jeunes enfants qui ont de la fièvre ne prennent plus d'aspirine mais du Tempra ou du Tylénol. Les choses évoluent.

M. Éric Lowther: Je ne veux pas continuer indûment à propos du Dr Spock. Je voudrais que l'on parle davantage de l'importance des liens affectifs entre parents et enfants, dans le développement d'enfant.

Mme Carol Crill Russell: Mais vous vous demandiez quelles idéologies allaient être transmises et je vous répondais que nous adhérons aux meilleures connaissances du moment et les parents font leur choix. Il y aura toujours des discussions et des variantes mais nous devons toujours nous en tenir aux meilleures connaissances qui conviennent à un enfant ou à des parents en particulier.

Le fait que les choses changent ne devrait pas nous empêcher de transmettre ce que nous savons aux parents. Je pense que les parents sont avides de connaissances si bien que quelles que soient celles que nous possédons, nous devrions le mettre à leur disposition sous toutes les formes possibles.

J'aimerais parler des diverses façons de procéder, à part strictement des programmes et du soutien. Il existe des programmes de garderie et des centres de ressources familiales qui constituent une façon de transmettre l'information. Il y a quelques semaines, on inaugurait une ligne d'aide nationale pour les parents, que nous appuyons car la formule permet à ces derniers d'obtenir des renseignements en s'adressant à un conseiller ou en consultant une bibliothèque de messages et d'informations. Nous avons entendu dire que la société Radio-Canada allait donner de l'expansion à sa programmation pour enfants, et bien des parents se renseignent ainsi. Il y a donc diverses façons de faire circuler l'information, sans obligatoirement passer par des programmes communautaires.

M. Mark Genuis: Permettez-moi d'ajouter quelque chose car je pense que ce qu'a dit Mme Russell est formulé de façon éloquente et va droit au but, à bien des égards.

• 1620

Tout d'abord, elle a tout à fait raison de signaler qu'avec le temps les choses changent et c'est une des raisons majeures de faire des études, de la recherche, de ne pas agir à l'emporte-pièce car nous allons forcément faire des erreurs. Cela ne veut pas dire qu'il faut refuser d'agir. Il est crucial de prendre les mesures appropriées, en se fondant sur les meilleures connaissances de l'heure, en permanence. Je pense que certains exemples qu'elle a cités sont tout à fait révélateurs.

Pour ce qui est maintenant des liens affectifs avec les parents, c'est un aspect qui n'a cessé d'être étudié depuis 1944 par l'Institut Tavistock en Angleterre, et cette notion est désormais passablement respectée par les professionnels de la psychologie de la psychiatrie. On relie des troubles sur ce plan aux troubles de la continuité du sommeil, etc. Ce lien est de façon générale reconnu par les universitaires comme une des variables clés du développement—à savoir un élément fautif qui a une influence importante sur le développement des enfants du point de vue émotif comme comportemental.

M. Éric Lowther: Que se passe-t-il quand ce lien n'existe pas?

M. Mark Genuis: Quand nous comparons des sujets qui ont des liens affectifs vigoureux à des sujets qui n'en ont pas, nous retenons les cas les plus graves afin de pouvoir identifier le mieux possible les différences entre les groupes. Je tiens à dire ceci en guise d'introduction car ce que je vais ajouter pourrait être très provoquant sans cela.

Nous pensons que l'absence de liens affectifs est un des déterminants dans les cas d'échec scolaire, de comportement difficile, de troubles déficitaires de l'attention, de délinquance, de troubles de l'alimentation chez les jeunes enfants, et dans le cas de diverses pathologies. Nous venons de terminer de nouvelles études qui sont sous presse actuellement, et qui relient le suicide à des liens affectifs fragiles.

Il y a donc certaines vulnérabilités, et sans dire que chaque enfant qui souffre d'insécurité sera exposé à ce genre de problèmes, et que chaque enfant qui a des liens affectifs vigoureux y échappera, les tendances sont néanmoins clairement marquées.

Dans le cas des enfants qui n'ont pas de liens affectifs vigoureux, il nous appartient de déterminer quel parcours ils auront—et s'ils sont vulnérables, à quel point. C'est extrêmement complexe, comme le réseau d'autoroutes de Toronto. C'est très complexe et cela dépend de certaines décisions au fil des ans, et des expériences vécues.

Voilà pourquoi quand nous nous tournons vers les éléments clé, l'un d'entre eux nous ramène à la vigueur des liens affectifs entre un enfant et ses parents.

Mme McCuaig a dit tout à l'heure que le temps consacré aux enfants était vraiment important. C'est un point capital car c'est à ces occasions-là que les parents peuvent faire leur apprentissage, faire des erreurs, redresser ces erreurs et créer des rapports plus solides avec leurs enfants, avoir sur eux une influence positive.

Le président: Madame McCuaig.

Mme Kerry McCuaig: Tout d'abord, le rôle parental est primordial. Je ne pense pas que qui que ce soit ici dise le contraire mais encore une fois, puisqu'on ne peut pas séparer le bien-être d'un enfant du bien-être de ses parents, sa mère en particulier, il faut donc se préoccuper de l'environnement dans lequel les parents élèvent leurs enfants.

Les garderies ne sont pas un substitut au rôle parental. Les garderies sont un complément au rôle parental mais et elles ne le remplacent pas. Il faut que les parents passent du temps avec leurs enfants. Personne ne préconise que les mères quittent la salle d'accouchement pour retourner au travail, n'est-ce pas?

M. Eric Lowther: Il y en a qui le préconisent, peut-être pas dans cette pièce, mais cela existe.

Mme Kerry McCuaig: Je pense qu'il faudrait que vous me disiez qui.

Dans mon domaine, nous avons envisagé une politique globale de garderies et selon nous, elle doit comporter trois éléments: Premièrement, le congé parental, avec un congé de maternité et des vacances raisonnables—qu'y a-t-il de si spécial dans un congé d'été de deux semaines—un congé légal pour que les parents puissent être parents, des horaires et un milieu de travail qui permettent aux parents d'être parents, des services aux parents...

On peut dire que les parents choisissent de s'occuper eux- mêmes de leurs enfants et c'est pourquoi ils travaillent à tour de rôle. Peut-être que pour la plupart des parents c'est la seule solution possible. Peut-être que ces parents-là seraient de meilleurs parents s'ils pouvaient être ensemble dans la même pièce avec leurs enfants. Le travail doit-il être organisé pour que les parents...?

Les parents que nous avons interviewés nous ont dit qu'il y avait des réunions de famille dont étaient absents très souvent des membres majeurs de la famille parce que, il y a les ventes du lendemain de Noël, et il faut que les quincailleries soient ouvertes 24 heures par jour... Ce genre de chose.

• 1625

Donc, si nous choisissons de vivre ainsi, ne pourrait-on pas avoir des politiques de travail qui permettraient d'accorder une préférence, quant aux horaires, aux parents qui ont de jeunes enfants, ces derniers n'étant très jeunes que pendant peu de temps?

Si nous sommes convaincus que le rôle parental est important—et moi j'en suis convaincue—il nous faut surmonter cette difficulté. Très souvent on me dit à l'emporte-pièce, que les garderies conviennent parfaitement bien aux familles pauvres, aux mères seules. Si le rôle des parents est si important, il est d'autant plus important pour les mères seules d'avoir la possibilité d'être parent à plein temps. Il devient aussi important que les parents de familles à faible revenu aient la chance d'être parents à plein temps. Pour cela il faut une politique gouvernementale adaptée, avec injection d'argent pour la maternité, permettant aux parents de prendre un congé, et d'allier le travail et un congé.

M. Eric Lowther: Madame McCuaig, je pense avoir mal compris ce que vous avez dit dans votre exposé. Vous avez dit que les soins donnés aux enfants devaient être au centre du cercle et j'ai cru que vous parliez des garderies ou toute autre chose que les soins prodigués par les parents. Maintenant que j'ai entendu votre explication, je ne pense pas que c'était ce que vous vouliez dire.

Mme Kerry McCuaig: Je dis que les soins prodigués aux enfants doivent au centre de la politique gouvernementale car cela permet de résoudre simultanément un certain nombre de questions.

M. Eric Lowther: Et cela comprend les incitatifs pour permettre aux parents de s'occuper davantage de leurs enfants...

Mme Kerry McCuaig: Absolument.

M. Eric Lowther: Très bien, c'est un bon éclaircissement. Il y a donc une certaine vision commune parmi les membres de ce groupe. Merci.

[Français]

Le président: Madame Gagnon, avez-vous une question à poser?

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): J'ai l'impression, madame McCuaig, qu'on a étudié ensemble, qu'on est allées à la même école.

Vous avez tenu quelques propos sur l'accompagnement des parents et sur la responsabilité des gouvernements à cet égard. Dans certains des dossiers dont vous avez parlé tout à l'heure, on aborde le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Il faut voir les responsabilités des gouvernements et plus particulièrement celles du gouvernement fédéral. Quarante pour cent des gens pensent que le gouvernement fédéral n'accorde pas assez d'importance aux enfants.

Je fais une tournée dans tous les comtés. J'en ai visité une trentaine au Québec. En ce qui concerne le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, on est très conscients au Québec que le gouvernement provincial est responsable de l'éducation et de développer une politique de la famille, et on sait très bien que les transferts sociaux du gouvernement fédéral ne sont plus adéquats. Si les provinces ne font pas leur travail, c'est une chose. À ce moment-là, il appartient au gouvernement fédéral d'user de tactiques pour leur faire comprendre qu'il est temps d'investir. Cependant, lorsque je regarde du côté du gouvernement du Québec, je vois à quel point il est pénalisé en matière de développement social. La politique de la famille constitue un des objectifs du gouvernement du Québec.

Dans le congé parental, il faut une certaine souplesse. Vous en avez parlé. Voyons de quelle façon on aborde le congé parental au fédéral. On double le temps, mais avec 55 p. 100 du salaire. Il faut regarder la réalité. Si on veut bien accompagner les enfants, il faut arrêter de stresser les parents, parce qu'un enfant n'est pas bien dans un milieu où les parents sont stressés.

• 1630

La précarité de l'emploi est aussi un facteur déterminant dans la qualité de vie que les parents peuvent offrir à leurs enfants.

Quant à la pauvreté, on n'en parle pas, mais on accompagne de moins en moins les familles en réduisant le filet de sécurité sociale offert par le biais de l'assurance-emploi. Où les parents se retrouvent-ils? Ils se retrouvent à l'aide sociale. La ministère du Développement des ressources humaines a complètement abandonné certaines communautés, qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts faute de travail ou parce que la situation de l'emploi est précaire.

Regardons la fiscalité. Qu'est-ce qu'on a fait dans le dernier budget? J'ai énuméré des postes de revenu de 20 000 $. Pour un célibataire, cela représente 2 $ de moins par mois à payer en impôts en l'an 2000. En 2004, cette personne ne paiera que 80 $ de moins en impôts. Dans le cas d'une famille avec deux enfants qui compte sur deux revenus de 30 000 $, ce qui n'est pas beaucoup, cela représente 21 $ de moins à payer en impôts.

Donc, quand on y regarde de près, on voit que les personnes à faible revenu sont aussi très vulnérables. C'est bien beau de parler des enfants et du développement de l'habileté parentale, mais il faut aussi voir comment les familles peuvent arriver à s'en sortir. J'ai présenté un travail de 70 pages sur la pauvreté. J'ai noté, lors de ma tournée, que les parents étaient de plus en plus désespérés. Ils n'arrivent plus à joindre les deux bouts. Vous pouvez imaginer la situation quand un enfant veut, par exemple, participer à une activité parascolaire et que le parent n'en a pas les moyens et qu'il faut économiser le pain et le beurre. Je vous dis qu'on est en train de passer à côté d'une société où on peut donner un mieux-être aux parents et aux enfants.

Il ne faut pas nier que le bien-être de l'enfant passe par le bien-être des parents. Vous l'avez mentionné tout à l'heure. Il y a six mesures pour lesquelles le gouvernement fédéral ne fait plus son travail. Tout ce qu'il cherche à faire, c'est à trouver un programme qui va mettre un diachylon sur un bobo, mais finalement, il n'arrivera pas à régler le problème. Il faut commencer à réinvestir des montants énormes d'argent, des milliards de dollars. Je parle de six années de déficit social. À cause de ces six années de déficit social, c'est peut-être toute la prochaine génération qui paiera les pots cassés.

Donc, je me dis qu'il faut commencer à réinvestir et à redonner aux provinces des sommes d'argent pour l'éducation. Autrement, il faudrait que le gouvernement fédéral gère une montagne de mesures et de structures qui existent déjà dans les provinces sous forme de CLSC, de garderies, etc. Le gouvernement fédéral ne peut pas faire ce travail. S'il veut le faire, qu'il devienne une province. Mais les provinces ont besoin d'argent pour la formation et l'embauche d'un plus grand nombre d'éducateurs, de psychopédagogues et de gens qualifiés qui pourraient donner des services aux enfants.

Il est vrai que cela existe, et c'est le constat que j'ai fait. Je fais ma tournée afin de sensibiliser les groupes communautaires et la population à ce manque à gagner et à ses effets sur la vie quotidienne des gens. Je suis tout à fait d'accord avec vous, madame McCuaig: on devrait développer et intégrer le congé parental et une politique de la famille. Mais ce sont les provinces qui doivent le faire, avec le soutien financier du gouvernement fédéral. Sinon, on va passer à côté.

Je n'ai pas vraiment de question parce que je suis d'accord sur ce qu'on a dit. Mais en même temps, je pense qu'il faut donner un peu d'oxygène aux familles, soit par le biais de la fiscalité, soit par des congés parentaux. Les congés parentaux et la Prestation nationale pour enfant constituent un bon pas dans la bonne direction. C'est très bien. Par ailleurs, quand on dit aux provinces qu'elles peuvent prendre cela et développer quelque chose d'autre en parallèle, on ne fait que des mécontents. Il faudrait de l'argent pour les garderies et pour des allocations à la famille. Il faudrait que ce soit divisé. Il faudrait qu'il y ait des fonds différents et que ce soient les provinces qui mettent en place ce genre de mesures. Quant aux provinces qui ne le font pas, qu'on leur offre de les aider à mettre sur pied de telles mesures. Mais quand c'est déjà là, il s'agit seulement de bonifier ce qui existe et de vérifier si les objectifs sont atteints.

[Traduction]

Le président: Il y aurait bien des choses à dire. Je voudrais seulement poser une question à Carol Cril Russell sur un sujet que Mme Gagnon a mentionné, je crois, au début de ses observations.

Je me demande si, pour votre enquête sur le rôle parental, vous disposiez d'un échantillon suffisamment vaste pour faire une distinction entre les réactions, tout d'abord des parents du Québec, par exemple... Autrement dit, pouviez-vous faire une ventilation par région? Deuxièmement—et c'est également en rapport avec ce qu'a dit Mme Gagnon—pourriez-vous faire une ventilation socio-économique? Autrement dit, avez-vous des données permettant de dire que le niveau de confiance des gens dépendait dans une certaine mesure de leur revenu? Et tout ce que vous pourriez ajouter pour répondre à Mme Gagnon...

• 1635

Mme Carol Crill Russell: Oui, ces rapports subsidiaires sont en préparation.

Le président: Pourriez-vous nous fournir les résultats concernant le Québec qui indiqueraient...?

Mme Carol Crill Russell: Je n'ai rien sur le Québec pour le moment.

Je peux seulement vous parler des différences entre les mères et les pères. C'est très intéressant. On pourrait s'attendre à une différence importante dans les connaissances que les mères et les pères possèdent sur le développement de l'enfant et dans leur degré de confiance, mais d'après nos constations préliminaires, la différence est minime. Il est presque effrayant de voir à quel point les mères et les pères sont semblables. Ces mères et ces pères ne font pas partie du même ménage. Nous ne parlons donc pas de maris et femmes ou de conjoints de fait. Il s'agit de 700 pères et de 700 mères de ménages différents.

C'est la seule chose dont je peux vous parler aujourd'hui. Les autres études sont encore en préparation, les chercheurs y travaillent...

Le président: Quand seront-elles prêtes?

Mme Carol Crill Russell: Sans doute au milieu de l'automne.

Le président: Kerry McCuaig, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Kerry McCuaig: Je suis d'accord pour dire que notre gouvernement fédéral a négligé les enfants, et aussi pour féliciter le gouvernement du Québec. Il est très agréable, lorsqu'on travaille dans le domaine de la politique familiale, de pouvoir citer au moins un exemple canadien de politique répondant aux besoins des familles. Je pense que le gouvernement du Québec a fait preuve d'intelligence, dirais-je, faute d'un meilleur mot, en proposant un train de mesures qui comprenait à la fois une augmentation des prestations de maternité et parentales, des services de garderie et une amélioration du soutien au revenu.

Madame Gagnon, je tiens à dire qu'en tant que Québécoise, vous avez un gouvernement national qui répond à ces besoins au nom des Québécois. Je suis une Canadienne anglaise et je voudrais que mon gouvernement national, à Ottawa, réponde aux besoins des familles canadiennes. En tant que Canadienne anglaise, je pense que le bien- être de nos enfants revêt une importance nationale et exige une participation et une solution nationales.

Comme je viens de l'Ontario, j'ai sans doute moins confiance dans la capacité des provinces à répondre aux besoins des enfants.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Il est vrai que le gouvernement du Québec fait plus que bien d'autres provinces en matière de politique de la famille, mais encore là, la politique des garderies à 5 $ fait aussi des mécontents, parce que présentement, quand on ne réclame plus le plafond des frais de garderie remboursables, le gouvernement fédéral garde de 50 à 60 millions de dollars dans ses coffres. Le Québec fait un effort financier avec sa politique de garderies. L'argent qu'il investit sort de ses coffres, mais le fédéral, au lieu de rembourser le Québec ou les familles qui ne réclament pas ce plafond, fait en sorte que l'effort supplémentaire de la province est pénalisé.

Au lieu de bonifier cette politique de garderies, au lieu de remercier et de mieux accompagner les familles qui ne sont pas heureuses parce qu'elle ne peuvent pas profiter des garderies à 5 $, on les pénalise. Il y a des gens qui vont dans d'autres réseaux de garderies et d'autres qui sont carrément trop pauvres. Ils ne travaillent pas et reçoivent de l'aide sociale et ils sont aussi pénalisés parce qu'ils ont la Prestation nationale pour enfant, dont une partie est transférée. Cette année, ils ont décidé de laisser cet argent dans les poches des familles.

Donc, la politique des garderies à 5 $ fait des mécontents. Elle n'est pas parfaite, mais c'est mieux que ce qui existe dans d'autres provinces. Toutefois, il faudrait que le gouvernement fédéral s'ouvre et soit conscient de cet effort. Il pourrait retourner cet argent au gouvernement du Québec, qui pourrait à son tour bonifier sa politique de garderies et laisser la Prestation nationale pour enfant. C'est peut-être une avenue à suivre. Je ne dis pas que c'est celle qu'il faut suivre, mais il faudrait voir comment on pourrait mieux accompagner les familles. Je trouve qu'il est urgent qu'on réagisse. Même si vous trouvez que c'est mieux que ce que fait le gouvernement de l'Ontario, nous avons aussi des critiques sur les transferts de fonds des PME aux garderies.

[Traduction]

Le président: Je sais que vous voudriez répondre à cela. Je dirais seulement... Pouvez-vous attendre? Mme Davies doit partir...

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Je dois partir.

Le président: Pouvez-vous répondre brièvement? Désolé, je ne veux pas vous couper la parole. C'est simplement parce que j'essaie de tenir compte des divers besoins et que je pourrais revenir à vous.

• 1640

M. Mark Genuis: Je peux être bref et, si cela vous intéresse, nous pourrons revenir sur cette question si je dis quelque chose qui peut vous être utile.

J'ai l'impression que nos objectifs sont très semblables. Nous voulons respecter la famille et assurer sa dignité, étant entendu que le bon développement de l'enfant dépend surtout du rôle parental ce qui soulève, je crois, quelques questions. Le véritable défi semble être de trouver la meilleure façon de permettre aux parents de jouer leur rôle et il est certain que les gouvernements provinciaux et fédéral ont des responsabilités.

Une ou deux choses très rapidement. La première concerne les suggestions du Québec. J'ajouterais que des professeurs de l'Université du Québec ont fait une analyse économique de la situation dans la province et ils ont constaté qu'avec le nouveau système, la situation économique des familles québécoises était moins bonne que par le passé, même avec un système imparfait. Cela pose donc des défis très intéressants. Une des choses qu'ils ont recommandée—et cela nous ramène à une partie de l'exposé de Mme McCuaig—est une prestation universelle pour toutes les familles québécoises.

Un programme de garderies à grande échelle ne semble pas apporter le soutien requis. Comme certains pays scandinaves en ont déjà fait l'expérience, cela n'aide pas les familles que le programme devait aider au départ.

Si j'ai bien compris Mme Gagnon, elle semble vouloir qu'on soutienne chaque famille de la façon qui répond le mieux à ses besoins, étant donné que les parents aiment leurs enfants plus que n'importe qui d'autre. Nous savons qu'ils font un excellent travail, un travail meilleur que n'importe qui, et que la situation de chaque famille est particulière. Alors comment l'aider le mieux?

L'un des systèmes qu'il faudrait examiner selon nous... Lorsqu'on examine les sondages, on constate que de nombreuses familles disent que, si leur situation économique était légèrement plus solide, elles pourraient faire des choix quant aux solutions les meilleures pour leurs enfants.

Nous suggérons que le gouvernement fédéral et les provinces collaborent à un programme national qui accordera aux familles des avantages fiscaux sous une forme remboursable, car c'est ce qui permet vraiment d'aider les pauvres. C'est ce qui permet vraiment de consolider leur situation économique. C'est ce qui leur permet de faire des choix et de vouloir améliorer leur sort.

Si vous pouvez accorder des crédits d'impôt remboursables suffisamment importants aux familles, de concert avec les provinces, il est possible de le faire aux deux niveaux. Les familles recevront le maximum, directement dans leurs poches, et pourront faire les choix qui leur conviendront le mieux. Les études confirmeront, je crois, qu'elles méritent cette dignité et ce respect, et je vais donc m'arrêter là.

Le président: Merci beaucoup.

Libby Davies.

Mme Libby Davies: Merci. Je suis désolée, mais je dois partir à 17 heures.

Le président: Nous devons tous aller voter. La sonnerie va retentir à 17 h 30 pour le vote de 18 heures. Les témoins peuvent- ils rester au-delà de 17 heures. Est-ce possible? Avez-vous un avion à prendre, un autobus ou un autre moyen de transport? Certains pourront peut-être rester. C'est bien.

Mme Libby Davies: Je dois malheureusement aller remplacer un de mes collègues à 17 heures au Comité des affaires étrangères si bien que je dois me sauver, mais je tenais à remercier les témoins d'être venus.

Je crois important de ne pas oublier que ce comité est un sous-comité qui a été constitué pour examiner les questions concernant les enfants et leur bien-être.

D'après ce que j'ai entendu, ici et ailleurs, je m'étonne de voir que ce conflit persiste. J'espérais que nous n'en étions plus à choisir entre les parents ou la garderie, c'est-à-dire tout l'un ou tout l'autre. J'ai eu l'impression que certaines de vos observations dataient d'une autre époque. J'espérais que la société canadienne en était arrivée au point où elle reconnaissait que les garderies n'enlevaient pas les enfants à leurs parents, que l'État n'essayait pas d'intervenir, mais qu'il s'agissait plutôt d'aider les parents.

Cela vient peut-être des débats que nous avons eus il y a des années, lorsque les services de garderie étaient davantage considérés comme une stratégie de main-d'oeuvre—je crois que Kerry en a parlé à propos des pays scandinaves—mais d'après tout ce que j'ai lu, tout ce que j'ai entendu, les parents à qui j'ai parlé, c'est de plus en plus un moyen de soutenir les familles, et il ne faudrait pas avoir à choisir entre les parents qui sont une bonne chose et les garderies qui sont une mauvaise chose.

Mark, certaines de vos observations m'ont paru à côté de la réalité. Tous ceux à qui j'en ai parlé ont dépassé ce stade. Il s'agit plutôt de voir comment soutenir les familles. Telle est la question sur laquelle je désire centrer mon attention. Comme l'a dit ma collègue, Mme Gagnon, nous avons connu sept ans de déficit social. Que devrait faire le gouvernement fédéral? Telle est la question que je vous pose.

• 1645

Il s'agit d'un champ très compliqué de l'union sociale. Je viens de la Colombie-Britannique et notre gouvernement provincial est en train de prendre des initiatives pour faciliter l'accès aux services de garderie. Mais sans une présence fédérale quelconque, c'est très difficile. Vous avez également des endroits comme l'Ontario où on semble reculer.

Quoi qu'il en soit, les résultats de votre sondage m'ont paru étonnants. Il est très encourageant de voir les renseignements que fournissent les parents.

Que devrait faire le gouvernement fédéral pour mettre en place un programme accessible, quelle que soit la région du pays où vous résidez, afin que les parents aient le choix et obtiennent des services abordables et de haute qualité tenant compte des enfants? C'est ce dont nous avons parlé ici. Comment pouvons-nous avancer sur ce plan dans le cadre de l'union sociale? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Mark Genuis: Je comprends ce que vous dites. Vous espérez que nous pourrons progresser. Je ne doute pas un instant de votre désir d'assurer le bien-être des enfants et de soutenir les familles et les parents de la façon qui répond le mieux à leurs besoins.

Mais je parlerai surtout en fonction de l'avenir. Si je dis cela, c'est parce que lorsque nous étudions les enfants et les familles du monde entier, de même que les répercussions des divers modes de vie et des diverses décisions, nous constatons que ces dernières ont des répercussions sur le développement de ces personnes, que nous le voulions ou non. Nous aurons beau dire qu'un modèle devrait fonctionner et va donc fonctionner, nous pouvons constater qu'il ne donne pas les résultats escomptés. Voilà pourquoi on étudie les choses.

Je voudrais clarifier certaines de mes observations. Je n'ai jamais dit que les garderies étaient mauvaises ou que chaque enfant qui va à la garderie va en revenir avec trois yeux ou un autre problème. Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit que les études qui ont porté sur des dizaines de milliers d'enfants dans le monde entier, pendant quatre décennies, ont démontré que les enfants qui sont gardés 20 à 25 heures ou plus par semaine par d'autres personnes que leurs parents courent certains risques dans des domaines très importants. C'est la réalité. Personne ne dit que les garderies représentent la fin de la famille ou que ces enfants vont mourir ou subir ce genre de conséquence.

Le fait est que, comme l'a dit Mme McCuaig, le rôle parental est d'une importance primordiale. Si nous voulons un système qui soutient la famille et les parents, nous n'allons pas concevoir un système qui séparera les enfants de leurs parents pendant de longues périodes et régulièrement car ce n'est pas ce que veulent les familles. Cela permet de bâtir une industrie, mais cela démantèle les familles. Cela fait courir des risques aux enfants. Ce serait l'erreur de l'avenir, en raison des réalités et des renseignements que nous possédons.

Je ne vois pas d'objection à prévoir un soutien adéquat pour les familles, des mesures qui seront abordables, qui apporteront aux parents une certaine dignité et qui leur offriront des possibilités et des choix répondant à leurs besoins. Tout cela est très sage et je suis entièrement d'accord avec vous. Je verrais probablement...

Mme Libby Davies: Vous appuyez donc la mise en place de politiques qui favoriseraient l'ouverture de garderies agréées dans les diverses villes du pays.

M. Mark Genuis: C'est une excellente question. Parlons du coût de ces garderies agréées. Qui délivrerait les permis? D'après les recherches qui ont été faites et les renseignements que nous avons, nous constatons que tous les critères que préconisent de nombreux activistes ne donnent pas les résultats que souhaitent bien des gens. Même Cleveland et Krashinsky ont reconnu que, si nous le pouvions, nous devrions établir un système qui permettrait aux parents de prendre soin de leurs enfants à plein temps au lieu de placer leurs enfants dans une garderie à plein temps. Mais ils ne croient pas que ce soit possible avec le régime d'imposition que nous avons actuellement au Canada et c'est pourquoi ils ont dû faire cette étude. C'est ce qu'ils ont dit à la télévision nationale.

Vous devez donc réaliser que, si nous recherchons le bien des enfants, lorsqu'on parle d'établir un système offrant des garderies... Bien entendu, nous aurons toujours besoin de garderies. Personne ne demande qu'elles soient éliminées. Mais il faut que les parents puissent choisir la façon dont ils veulent s'occuper de leurs enfants. Leur désir doit être respecté. Ils sont suffisamment intelligents pour prendre ce genre de décisions.

Je vais vous donner un autre exemple. Des chercheurs du Québec ont notamment fait valoir, par exemple, qu'un parent pourrait souhaiter faire garder ses enfants dans une garderie de son milieu culturel pendant quelques heures par semaine. Que fait-on des parents qui veulent que leurs enfants fréquentent une garderie d'une certaine confession religieuse afin qu'ils en apprennent plus sur cette religion? Si vous avez des garderies agréées par le gouvernement, cela pose un sérieux problème. Si notre objectif est la diversité, l'équité et l'intégration, de nombreux parents pourraient choisir d'aller dans une direction très différente.

• 1650

La question du moment et celle de l'égalité sont d'une grande importance dans ce débat. Voilà pourquoi les parents doivent avoir ce choix, parce qu'ils sont les premiers responsables du développement de leurs enfants et qu'il faudrait les soutenir directement sur ce plan.

Le président: Comme Mme Davies doit partir bientôt, je pense qu'elle voudra peut-être entendre Kerry McCuaig.

Mme Libby Davies: Oui, Kerry ou Carol.

Mme Kerry McCuaig: Nous savons maintenant qu'avec les garderies, tous les enfants ne vont pas se retrouver avec un troisième oeil au milieu du front, mais que les familles vont être détruites.

Permettez-moi de répondre à votre question, Libby. Que doit faire le gouvernement fédéral? Le gouvernement fédéral doit aller davantage au devant des problèmes et s'entendre avec les provinces pour mettre en place un programme pour le développement de l'enfant. Il aurait fallu le faire depuis longtemps. Il en est question depuis la Commission royale sur les femmes, et même avant. Quel genre d'entente faudrait-il conclure? Pourquoi comptons-nous sur le fédéral et les provinces? C'est parce qu'ils ont la responsabilité constitutionnelle et les moyens financiers. Les collectivités ne les ont pas. Je trouve énervant d'entendre les gens parler de ce que devraient faire les collectivités. Ces dernières font des choses lorsqu'elles en ont les moyens, mais les niveaux de gouvernement qui peuvent leur en donner les moyens sont le gouvernement fédéral et les provinces.

La famille est importante. Les enfants sont importants. Cela revêt donc une importance nationale, mais cela ne veut pas dire que la responsabilité incombe automatiquement au gouvernement fédéral. Cela veut dire que les provinces et le gouvernement fédéral doivent travailler ensemble pour trouver une formule qui aidera les familles à assurer le développement de leurs enfants, qui leur fournira le soutien parental dont elles ont besoin et également de l'aide pour aller sur le marché du travail.

Nous disons que les parents ont besoin d'être avec leurs enfants. Pensons-y. Si les mères et les pères étaient avec leurs enfants...

Mme Libby Davies: Personne ne travaillerait.

Mme Kerry McCuaig: ...oui, personne ne travaillerait. Soyons réalistes. Si vous voulez une politique publique pour résoudre le problème, soyez réalistes.

Je souhaiterais qu'un jour chaque femme en âge d'avoir des enfants puisse se dire: «J'en ai assez, je vais rester à la maison». Nous verrions alors comment cela marcherait.

Les parents ont besoin d'une aide. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont la responsabilité de la leur donner. L'échéance qu'ils se sont fixés tombe en décembre 2000. Nous espérons qu'ils auront quelque chose à présenter à ce moment-là.

Le président: C'est bien?

Mme Libby Davies: À moins que Carol ne veuille dire quelque chose.

Le président: Voulez-vous intervenir?

Mme Carol Crill Russell: Oui. Je voudrais seulement dire que, si mes deux collègues ici présents peuvent reconnaître que nous avons besoin d'une série de mesures de soutien suffisamment souples pour la famille... Je me demande si nous allons pouvoir formuler des recommandations qui obtiendront l'appui unanime du Parlement, ne parlons même pas du Canada.

Je dis cela en raison des dernières statistiques que j'ai présentées et selon lesquelles 40 p. 100 des parents estiment que le Canada valorise les jeunes enfants. Lorsque je présente ces statistiques à des fournisseurs de services, ils me disent souvent que c'est à cause des récentes compressions dans les programmes gouvernementaux. Mais lorsque je les présente aux parents, ils disent être d'accord avec cette opinion.

Je m'étonne que ce pourcentage soit si élevé, car lorsque j'amène mes jeunes enfants au cinéma ou au restaurant ou si j'essaie de prendre l'autobus avec eux, je me sens forcée de faire en sorte que mes enfants restent silencieux et obéissants en tout temps et j'ai l'impression qu'ils ne sont nulle part les bienvenus. Derrière tout cela, je crois que les Canadiens de toutes les régions ont l'impression qu'on n'apprécie pas vraiment les familles avec des jeunes enfants. Il faut commencer par s'attaquer à ce problème si nous voulons amener le public et le Parlement à se rallier derrière le genre de propositions dont nous parlons.

C'est une des raisons pour lesquelles la fondation Investir dans l'enfance a consacré tellement d'efforts, en Ontario, à une campagne de sensibilisation du public sur l'importance des premières années de la vie. Bien des gens ne comprennent sans doute pas l'importance de ces années. Certains en ont une compréhension superficielle, mais sans vraiment saisir les répercussions à long terme des premières années de développement.

• 1655

Nous cherchons peut-être à hâter les choses pour obtenir cet ensemble de mesures de soutien souples, mais c'est ce que nous essayons de faire depuis 10 ans, sans grand succès. Nous avons réalisé des progrès ici et là, mais je me demande si nous mettons vraiment l'accent sur la bonne question ou si nous ne devrions pas plutôt faire comprendre aux gens l'importance des premières années.

Mme Libby Davies: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Adams.

M. Peter Adams: Merci, monsieur le président.

Encore une fois, je m'excuse d'être arrivé légèrement en retard, Mark, et d'avoir raté une petite partie de votre exposé.

J'ai beaucoup apprécié la discussion. C'est un sujet très passionnant. C'est passionnant sur le plan scientifique et intellectuel. C'est un domaine crucial de la politique publique, et cela pour nous tous. En ce qui concerne notre comité, vous constaterez sans doute, dans le rapport que nous déposerons demain, que nous nous préoccupons vivement de cette capacité du gouvernement fédéral à apporter des changements sociaux et à prendre des mesures sociales. Vous verrez cela demain.

Il y a là beaucoup de choses nouvelles pour moi, je dois l'avouer. Mais je pourrais peut-être vous poser une question.

Il y a deux sociétés préindustrielles. Il y a la société de la longue maison qui existe depuis des temps immémoriaux. Personne ne peut se souvenir d'avoir vécu ailleurs. Les enfants élevés dans cette longue maison ont établi des liens solides assez diversifiés. Ils apprennent dans le cadre de relations très étendues de même que par l'observation, une observation très soutenue, dans cette société ouverte où ils vivent. Cette société est entièrement acceptée par les enfants, par les parents, par les grands-parents, par les arrière-grands-parents.

Il y a une autre société préindustrielle où les gens vivent dans des petites familles, très isolées, très contrôlées. Ils ne connaissent pas beaucoup d'autres gens. Ils en rencontrent seulement à l'occasion. Ils fonctionnent... et personne ne peut se souvenir d'une autre façon de vivre. Les gens ont vécu ainsi pendant des générations.

Imaginons que les gens de la longue maison doivent, pour une raison ou pour une autre, aller s'établir dans un autre milieu. Ils sont dispersés du jour au lendemain et doivent apprendre à vivre, à élever leurs enfants, etc. C'est une direction.

Imaginons maintenant l'autre direction. Vous avez quelque part une longue maison vide et des familles qui doivent aller s'y installer. Elles doivent apprendre à fonctionner dans leur nouveau milieu.

Je dirais que la période que nous traversons se compare au deuxième de ces exemples. Ce qui s'est passé c'est qu'avant il y avait des familles qui étaient isolées à divers niveaux. Les gens pouvaient lire, mais il n'y avait pas de radio ou de télévision. Les gens vivaient peut-être en ville, mais cela ne changeait pas beaucoup leur situation. Ils vivaient dans cet environnement très contrôlé et ils ont dû déménager dans cet autre endroit où les enfants apprennent d'une façon qu'on n'aurait jamais imaginé, où les relations sont différentes de ce qu'elles étaient dans la cellule familiale. Les gens se retrouvent dans la longue maison où ils balayent le plancher et font d'autres choses différemment de ce qu'ils faisaient avant.

Ne pensez-vous pas, du point de vue intellectuel comme du point de vue politique, que certaines des angoisses supplémentaires qu'éprouvent actuellement les parents—et je parle d'«angoisse supplémentaire» car une certaine angoisse est très naturelle pour des parents...?

Mark, si les garderies ne remplacent pas les liens parentaux, cela ne viendrait-il pas, en partie, du fait que nous sommes en pleine période de transition? Nous passons de la cellule familiale à la longue maison. On se souvient de cette époque révolue et les enfants ont l'impression que leurs parents sont plus incertains qu'ils ne le seraient autrement. Les parents ont le sentiment que leurs propres parents, les grands-parents, les admirateurs du Dr Spock ne sont pas compétents. Il y a donc un manque de confiance.

Ces 40 années de recherche ne représentent-elles pas une période de changement et ne peut-on pas dire que dans 20 ou 30 ans les choses auront encore changé et la confiance sera rétablie? Le rôle des parents ne sera jamais simple, mais il sera plus simple et les différences entre les groupes dont vous parlez disparaîtront, parce que toutes les générations auront accepté la nouvelle réalité.

• 1700

Le président: Nous espérons que la sonnerie est un appel au quorum et non pas un appel à voter. Nous n'allons pas en tenir compte.

M. Peter Adams: Nous allons nous informer.

Le président: Oui, nous allons nous informer.

M. Mark Genuis: Premièrement, je ne veux pas parler en son nom, mais M. Lowther pourrait répondre à cela qu'il est encore un peu trop jeune pour être de la génération des grands-parents. Mais je le laisserai le dire lui-même.

Vous décrivez une hypothèse. Je commencerais par suggérer qu'étant donné les diverses cultures, auprès desquelles des données ont été recueillies—et 95 p. 100 des recherches n'ont pas été faites aux États-Unis, comme on l'a déjà dit—on pourrait faire valoir que ce n'est pas le cas et que cela ne dépend pas seulement du milieu général.

Vous formulez une hypothèse et si nous voulons faire une expérience sociale pendant trois ou quatre générations afin de la tester et pour voir si c'est la réalité, c'est une décision que la société devra prendre. Mais compte tenu des données, je dirais que ce serait un risque phénoménal compte tenu de ce que nous savons aujourd'hui.

C'est à la société de prendre cette décision. De déterminer si elle veut s'infliger cette grande expérience sociale. D'après l'information dont je dispose, j'estime que ce ne serait pas une bonne idée, mais c'est une décision qui reste à prendre.

Le président: Je veux intervenir pour dire aux membres du comité qui entendent ces bruits qu'il s'agit d'une sonnerie de 30 minutes. Un seul coup signifie que l'on a 30 minutes...

Ah! Cela a cessé de sonner. Je rétracte ce que j'ai dit; je n'ai aucune idée de ce qui se passe.

Des voix: Oh, ohh!

Le président: Cela fait partie de notre folklore, et va vous intéresser. Un coup signifie que nous avons entre 30 et 15 minutes; deux coups, qu'il nous reste entre 15 et 5 minutes; lorsque cela sonne trois coups, dépêchez-vous, parce qu'il vous reste cinq minutes.

Mais quand c'est le silence, tout baigne dans l'huile.

Monsieur Adams.

M. Peter Adams: Carol, qu'en pensez-vous?

Mme Carol Crill Russell: J'ai du mal à être aussi optimiste que vous à ce moment-ci. Je ne suis pas certaine que dans 10 ou 20 ans d'ici nous serons en meilleure situation qu'aujourd'hui. Cela me semble très optimiste.

Vu le peu de confiance, de connaissances et d'appuis des parents, je ne vois pas trop comment leurs enfants pourront faire des progrès sans aide supplémentaire.

M. Peter Adams: Je ne voulais pas dire sans aide supplémentaire, mais d'accord, merci.

Kerry.

Mme Kerry McCuaig: Vous venez de décrire une révolution économique qui a évidemment des répercussions sur nos structures sociales, en particulier les familles.

Ma mère venait d'une famille de deux enfants, moi de quatre; j'en ai deux et ils nous disent de ne pas m'attendre à devenir grand-mère de si tôt. Voilà le genre de changements qu'a connus la famille en une seule génération. C'est donc fluide.

La différence—et cela revient peut-être à ce que disait Libby tout à l'heure—c'est que nous avons maintenant une famille moderne. Ce n'est plus la longue maison. Nous n'avons plus ces familles étendues où la mère était à côté, où il y avait des soeurs; ce n'est pas non plus la ferme où ma mère a grandi, où il y avait toujours quelqu'un pour s'occuper de l'enfant. Nous vivons dans ce que vous avez appelé la deuxième société préindustrielle. Cela me rappelle mon immeuble; vous savez comment sont la plupart des immeubles à appartements, comment sont la plupart des familles.

Je dirais qu'en période de changements, nous sommes dans l'insécurité mais, cela dit, il faut faire de la recherche car nous avons des exemples et nous avons de l'information. Nous pouvons assister les familles pendant cette transition ou nous pouvons les abandonner à elles-mêmes, comme nous l'avons toujours fait, je tiens à le préciser. Nous pouvons les laisser à elles-mêmes et advienne que pourra.

Comme Carol, je pense que les résultats de... Ce n'est pas quelque chose que j'appuierais.

M. Peter Adams: Il me semble que tous les scientifiques, même les alchimistes, ont toujours affirmé être impartiaux, au moins depuis les tout débuts de la science. Mais pour moi, c'est impossible. Il n'y a pas de science impartiale.

• 1705

Vous avez parlé de rigueur statistique dans vos tests. Mais il y a quand même des questions. D'où venaient les données? Quelles questions ont été posées? Il n'y a pas que la question elle-même, mais qui l'a posée? Le répondant venait-il de boire une tasse de café? Je pense à ce genre de choses.

J'ai déjà lu une étude qui disait que 89 p. 100 des articles publiés en un an par le New England Journal of Medicine ne se tenaient pas du point de vue statistique.

M. Mark Genuis: Oui.

M. Peter Adams: Et c'est surtout pour la médecine physique. C'était impossible à contrôler.

Dans cette méta-recherche...

M. Mark Genuis: Méta-analyse.

M. Peter Adams: ...pardon, méta-analyse... donnez-moi un exemple de la façon dont vous faites face au problème.

M. Mark Genuis: Volontiers. Ce que vous avez dit va au coeur du travail.

Vous avez tout à fait raison de dire qu'en sciences sociales en particulier nous avons beaucoup de difficultés dans le domaine du développement des éléments, de la fiabilité et de la validité, de l'échantillonnage, etc... de grosses difficultés. C'est pourquoi j'ai dit au début qu'il faut absolument éviter de tirer des conclusions à partir de telle ou telle étude, car celle-ci sera foncièrement biaisée. Il faut se garder en particulier de tirer des conclusions à partir d'une analyse documentaire, car quelle que soit la valeur des intentions ou de l'effort de l'analyste, celle- ci sera toujours foncièrement biaisée. Celui qui regroupe une série d'études sera forcément biaisé parce qu'il choisira certaines études en particulier et il les présentera d'une certaine façon.

C'est pourquoi les scientifiques du monde entier, dans quantité de domaines, ont de plus en plus recours à la méta-analyse et c'est pourquoi, précisément pour la raison que vous avez évoquée, on l'utilise largement dans le domaine des sciences physiques et médicales. L'idée est de prendre tout ce qui a été fait, tous les travaux publiés, et de les rassembler. On inclut les éléments standardisés...

De fait, Diana Baumrind, chercheuse américaine éminente, prépare actuellement une communication en se servant de nos travaux, et j'en suis ravi, à propos de la standardisation des méthodes d'inclusion. Par exemple, on ne veut pas utiliser une étude faite uniquement sur trois sujets, parce que cela ne se défend pas du point de vue statistique. Il faut donc un minimum de rigueur pour inclure certaines études: elles doivent avoir été publiées, respecter des standards minimums, etc. Il y a ensuite des méthodes standardisées d'évaluer chacune d'elles et de préparer la méta-analyse.

Il n'y a pas de solution idéale. Je le dis sans ambages. Mais pour ce qui est de ce que nous pouvons faire de mieux actuellement, on a vigoureusement soutenu, à juste titre, que la méta-analyse est la façon la plus objective et la...

M. Peter Adams: Mais Mark, comment est-ce que cela se fait? L'agrégation...

M. Mark Genuis: Comment cela se fait? Bon...

M. Peter Adams: Non, non. Un instant. L'agrégation est l'une des techniques les plus dangereuses...

M. Mark Genuis: Ce n'est pas de l'agrégation.

M. Peter Adams: ...en l'occurrence.

M. Mark Genuis: Vous avez raison.

M. Peter Adams: Quand je dis que 89 p. 100 des études ne sont pas valides, et que vous prenez les 11 p. 100 qui restent...

M. Mark Genuis: Vous êtes cuit.

M. Peter Adams: ...puis vous les ajoutez aux 11 p. 100 correspondants dans d'autres revues, cela ne les renforce pas. À moins que vous puissiez me montrer comment vous procédez, ça ne les renforce pas. Si cela se trouve, cela les affaiblit si vous tirez des généralisations à partir de ces 11 p. 100.

M. Mark Genuis: Une autre chose que les gens essaient de faire est de combiner les données tirées de diverses études; cela aboutit à des affirmations tout à fait fallacieuses. Cela affaiblit tout; vous avez parfaitement raison.

M. Peter Adams: Il ne s'agit donc pas de combiner des données.

M. Mark Genuis: Non, il ne s'agit pas de combiner des données. Il s'agit de standardiser les résultats. Et chaque étude...

M. Peter Adams: Mais comment faites-vous cette standardisation?

M. Mark Genuis: Vous créez... Je vais vous donner une copie de l'analyse qui est ici.

M. Peter Adams: Donnez-moi seulement un exemple.

M. Mark Genuis: Il y a deux façons de faire.

M. Peter Adams: Disons que vous en avez une en Inde et une autre ici.

M. Mark Genuis: D'accord, une étude réalisée en Inde et une autre au Canada.

M. Peter Adams: Une étude de...

Une voix: Parité.

M. Peter Adams: De parité.

M. Mark Genuis: Peu importe—l'apparence d'une cravate et l'influence des cravates sur le daltonisme des hommes. Vous pourriez simplement demander, d'abord, l'étude a-t-elle été publiée? Puis, a-t-elle la rigueur minimum? Dans l'affirmative, nous prenons les résultats que nous examinons...

M. Peter Adams: Où est-ce que ça a été publié? Dans des revues à comité de lecture anonyme?

M. Mark Genuis: Oui. Elle n'est acceptable à notre avis que si elle est publiée dans une revue à évaluation confraternelle.

Le président: D'accord. D'après les standards...

M. Mark Genuis: Un autre facteur déterminant, c'est qu'il y a eu une étude publiée dans Developmental Psychology. Il s'agissait d'une méta-analyse de l'influence de l'agression sexuelle sur les enfants; les chercheurs affirmaient qu'il n'y avait pas de conséquence grave, qu'elles étaient même très positives dans certains cas, en particulier pour les garçons. Si vous examinez les études qu'on y retrouvait, on s'aperçoit que près de la moitié d'entre elles n'avaient pas été publiées. C'est pourquoi il est essentiel d'examiner la rigueur de l'analyse. C'est pourquoi les études doivent avoir été examinées et comporter un minimum de rigueur.

• 1710

On peut ensuite produire deux chiffres. Vous prenez les résultats. Chaque étude devient un point de données et le résultat en question... En général, vous essayez de dégager, si possible, un seul résultat par étude. Vous prenez ensuite ce résultat et selon les chiffres précis qui ont été utilisés, vous en faites la conversion pour déterminer l'ampleur de l'effet ou une corrélation.

M. Peter Adams: L'ampleur de quoi?

M. Mark Genuis: Une corrélation.

M. Peter Adams: Je sais ce qu'est une corrélation. C'est la première expression que vous avez utilisée.

M. Mark Genuis: L'ampleur de l'effet.

M. Peter Adams: Qu'est-ce que ça signifie?

M. Mark Genuis: Ça ressemble assez à une corrélation. Ce n'est qu'une autre façon de faire des calculs et de la standardisation. La façon la plus répandue de le faire est à l'aide de corrélations.

M. Peter Adams: S'agit-il de corrélations multiples ou de corrélations factorielles multiples?

M. Mark Genuis: Non. Vous prenez un résultat et vous calculez un r. L'ouvrage de référence en la matière a été rédigé par un dénommé Rosenthal, de Harvard. Il a écrit un livre magnifique sur le développement et l'utilisation du r comme statistique de préférence. Vous prenez chaque résultat utilisé et vous le convertissez en r et lorsque vous avez chaque point de données, vous pouvez reprendre l'analyse à l'aide de différentes méthodes analytiques. C'est une façon de faire. C'est votre mesure standard.

Puis vous tenez compte des problèmes dont nous avons parlé: la qualité, la durée des soins, la structure familiale et l'âge de l'enfant. Ce sont autant de facteurs médiateurs. Il y a ensuite plusieurs façons différentes de faire l'analyse pour voir si ces facteurs ont...

M. Peter Adams: Beaucoup des choses que vous avez mentionnées à propos de la qualité sont subjectives. Ce ne sont pas des éléments quantitatifs.

M. Mark Genuis: Non. Les gens travaillent très dur et ils sont examinés. La seule façon de les inclure c'est s'ils sont examinés quantitativement.

M. Peter Adams: Je le comprends, mais pouvez-vous examiner correctement et quantitativement des éléments qualitatifs tirés d'études provenant de pays tout à fait différents? J'ai beaucoup de mal à l'imaginer.

M. Mark Genuis: C'est un argument valable. Je pense que cela dépend de la rigueur de vos méthodes. Cela dépend du genre de questionnaires que vous élaborez. Cela dépend si vos questionnaires sont standardisés et s'ils sont fiables.

M. Peter Adams: Mais vous ne le savez pas. Vous...

M. Mark Genuis: Bien sûr que si. Si vous êtes un chercheur responsable, vous testez cela. Vous faites une étude initiale et vous testez les propriétés statistiques de votre mesure avant de publier une étude basée sur elle, enfin je l'espère.

M. Peter Adams: Je ne suis pas convaincu...

M. Mark Genuis: C'est un des mécanismes importants de présentation des études: quelle est la rigueur de vos questionnaires et de vos méthodes? Sinon, vous n'avez rien.

Le président: Comme M. Adams, je viens aussi du monde de la recherche et j'imagine que pour la méta-analyse, les mêmes règles s'appliquent. Cela signifie qu'au bout du compte, la validité de la méta-analyse dépend de la qualité de l'évaluation confraternelle et de la question de savoir si elle est publiée dans une revue scientifique crédible soumise à cette évaluation.

Je voudrais savoir si votre méta-analyse a franchi ces obstacles.

M. Mark Genuis: Je peux vous donner deux réponses. Tout d'abord, elle a été acceptée et présentée à plusieurs conférences. Elle figure dans un ouvrage publié par les éditions universitaires Ashgate en Angleterre, et une méta-analyse complète est actuellement à l'étude dans un journal de psychiatrie. Je pourrais vous dire dans quelques mois si elle est acceptée ou non.

Le président: Mais si j'étais chercheur universitaire...

M. Peter Adams: [Note de la rédaction: Inaudible]

Le président: Oui, c'est cela, car si je disais que quelque chose...

M. Mark Genuis: Vous pourriez dire qu'elle a été proposée à la publication, et nous pourrions ensuite parler des quatre autres méta-analyses réalisées par d'autres chercheurs et qui ont produit exactement les mêmes résultats.

M. Eric Lowther: John, vous vous interrogez sur la légitimité de la méta-analyse. Il me semble qu'en recherche sociologique, nous devons nous efforcer de nous débarrasser de tout préjugé.

M. Peter Adams: Comprenez-moi bien; je...

M. Eric Lowther: Il faut accepter ce principe.

Le président: La seule façon de se débarrasser de ces préjugés dans toute démarche scientifique... Si on s'en remet à la nature ou aux sciences...

M. Mark Genuis: Bien sûr.

M. Eric Lowther: On ne peut pas tout publier.

Le président: Non, mais il faut une révision par les pairs, c'est-à-dire des gens qui atteignent une certaine norme. Que ce soit le New England Journal of Medicine ou Good Housekeeping, il faut une révision par les pairs, et l'acceptation par une publication d'excellente réputation.

M. Eric Lowther: Oui.

Le président: C'est la règle du jeu. Et c'est d'ailleurs la pierre angulaire de la méta-analyse.

M. Mark Genuis: C'est exact.

Le président: C'est la norme qui s'applique à tous les documents. On peut donc supposer que la même norme...

Je vais d'ailleurs demander leur avis aux deux autres chercheurs.

Carol.

• 1715

Mme Carol Grill Russell: Nous n'avons envoyé notre étude à aucun journal. Peut-être le ferons-nous à l'avenir, mais nos thèses ne vont pas au-delà de ce que nous avons présenté aujourd'hui.

Le président: En ce qui concerne la validation de la recherche... Le point important, c'est qu'il existe à ce sujet des théories concurrentes fort intéressantes et qu'il faut savoir dans quelle mesure elles ont été validées par des autorités indépendantes. Vous avez été tout à fait honnête en ce qui concerne la vôtre.

Mme Carol Crill Russell: Oui.

Le président: Vous aussi.

M. Mark Genuis: Absolument.

Le président: Kerry.

Mme Kerry McCuaig: Je vais laisser à vos attachés de recherche un exemplaire des normes de rédaction des rapports de méta-analyse, dont a parlé M. Genuis. C'est un document de Robert Rosenthal, de l'université Harvard. Je vous le laisserai à la fin de la séance.

Tout d'abord, je tiens à affirmer que je ne suis pas experte dans ce domaine, mais des questions de logique me viennent à l'esprit, par exemple: alors que les conclusions de la recherche indiquent que des soins de bonne qualité pour les enfants sont souhaitables d'un point de vue social et psychologique, comment se fait-il qu'une méta-analyse en vienne à une conclusion contraire?

J'aimerais aussi poser une autre question de logique. D'après le rapport, il semble qu'un certain nombre d'études non incluses dans le document permettraient d'en contester les conclusions.

D'après l'article publié, il semblerait que 70 p. 100 des études n'ont pas tenu compte du ratio enfant-enseignant, que 50 p. 100 d'entre elles n'ont pas tenu compte de la formation du personnel et que dans tous les autres secteurs où il était question de qualité, ce soit pourtant les deux facteurs essentiels dont on tienne compte. Il nous semble donc difficile d'en conclure que la qualité des soins n'a pas d'importance lorsque 70 p. 100 de vos études n'en tiennent pas compte.

On y affirme également que les bébés sont déprimés lorsque leurs mères les quittent à la garderie. S'ils y passent plus de 25 heures par semaine—cela fait plus de cinq heures par jour—je me demande comment le bébé peut savoir, au moment où on le laisse à la garderie, s'il va y rester pendant cinq heures ou pendant huit heures. Voilà le genre de questions de logique que je me pose en tant que parent.

Mais j'insiste, je ne suis pas experte en la matière.

M. Mark Genuis: Je serais heureux de répondre très brièvement à ces questions.

Le président: Puis-je ajouter quelque chose?

M. Mark Genuis: Bien sûr.

Le président: Vous savez, je viens tout juste de recevoir copie d'un document que vous avez envoyé, et je n'ai pas pu le lire. C'est un article paru dans le National Post et peut-être l'ai-je mal interprété ou simplifié à l'extrême, mais il me semble, à première vue, qu'on y mélange deux sortes d'arguments. La première présente un ensemble de statistiques sur ce qui marche ou ne marche pas. L'autre présente le point de vue psychologique du développement individuel de l'enfant, c'est-à-dire ce qu'il faut faire en matière de développement pour obtenir les meilleurs résultats. Cet article était très limité et je n'ai pas obtenu la réponse à cette question.

Mais lorsqu'on dit que les petits sont anxieux quand on les sépare de leur mère—je n'ai même pas pu savoir quelle était la réponse appropriée par rapport à l'âge de l'enfant. J'imagine qu'un bébé est un peu inquiet lorsque maman s'en va pendant un certain temps, et papa aussi, j'espère. Mais à mesure qu'il grandit—et je me prononce en tant que père d'un enfant de six ans—l'enfant prend conscience des autres et découvre de nouvelles situations. Et je suppose que lorsqu'il atteint l'âge des études secondaires, les séparations ne l'inquiètent plus.

Il doit y avoir une certaine continuité... L'enfant sait d'abord que ses parents vont revenir. Au bout d'un certain temps—et l'article ne l'indique pas clairement—l'enfant doit normalement s'y attendre, ou sinon, on peut le qualifier de «collant».

• 1720

M. Mark Genuis: Si je peux répondre très brièvement, tout d'abord si tout le monde dit que c'est bon, comment se fait-il que la méta-analyse dise le contraire...c'est exactement pour cela qu'on fait des méta-analyses. On peut avoir une pile d'études qui disent que c'est bon, et une autre pile d'études qui disent que ce n'est pas bon. La recherche en sciences sociales est célèbre de ce point de vue. Montrez-moi un chercheur et je vous montrerai une opinion. Chacun peut vous montrer les études qui lui plaisent. Et c'est précisément pour cela qu'on fait une méta-analyse. Voilà ce que nous avons trouvé. Lorsqu'on réunit toutes les études et qu'on les normalise, on constate les risques dont nous avons parlé.

La deuxième question concernait les critères d'inclusion. Je vais répéter très brièvement qu'il faut des critères spécifiques d'inclusion. Certaines études qui étaient non conformes à ces critères n'ont pas été incluses. On n'a retenu que les études conformes aux critères. Encore une fois, cette étude est allée jusqu'en 1995 car les travaux s'arrêtaient à cette date.

Troisièmement, 70 p. 100 des études ne tenaient pas compte des importantes questions de qualité. Les études ne tiennent pas toutes compte de tout; il faut prendre toute l'information publiée dans un domaine particulier et la présenter telle quelle. À partir de l'information disponible, on peut dire que selon les définitions, la qualité entourant le service de garderie et tout le reste n'a pas d'effet important.

Si vous voulez considérer que l'étude n'est pas convaincante, c'est votre droit, mais vous ne pouvez pas dire que ces questions de qualité ont un effet important, car rien ne le prouve. On peut pencher dans un sens ou dans l'autre, à mon avis, c'est parfaitement normal, mais ce qui ne l'est pas, c'est de dire que la qualité est déterminante, car aucune information ne peut corroborer une telle affirmation.

La quatrième question concernait le sentiment de déprime lorsque la maman s'en va. Je ne me souviens plus de la question, donc je passe à la suite.

La cinquième question concernait les 20 ou 25 heures par semaine. L'argument des 25 heures apparaît dans l'étude Blsky- Rovine de 1988 qui a été corroborée par la suite par l'étude NICHD, où 17 chercheurs renommés au plan national et international ont remis en question le test Ainsworth sur l'attachement. Les résultats—les opinions sont partagées—Clarke-Stewart et Jay Blsky, qui ne sont jamais d'accord sur quoi que ce soit, ont fini par constater, comme cela est indiqué dans l'introduction de leur tout premier document, qu'ils étaient d'accord pour considérer qu'environ 20 heures par semaine...

Ces chercheurs ont retenu une durée de 25 heures par semaine dans cette étude car ils tenaient à ce qu'elle soit un peu plus critique, un peu plus rigoureuse. Mais il est important de dire que la durée médiane de séparation pour ces jeunes enfants est d'environ 37 heures.

Il semble que lorsque la durée du séjour quotidien en garderie est irrégulière... À mon avis, il faudrait faire une autre étude en relevant les résultats pour 20 heures, 25 heures, 30 heures, 35 heures, etc., pour déterminer si on voit apparaître un gradient. Ce travail n'a pas été fait, il faudrait le faire, à mon avis.

Finalement, qu'est-ce qu'un enfant normal? Quelles sont les réponses à fournir en fonction de l'âge, etc.? C'est notamment pour cela que depuis toujours, l'école ou la maternelle commence vers cinq ans. Selon les théories successives concernant le développement psychologique, c'est vers cet âge que les enfants sont capables de comprendre et de concevoir ce que nous appelons les modèles de représentation internes de leurs parents pendant des périodes prolongées. Avant cet âge, le modèle n'est pas assez durable. Il y a certainement un gradient. C'est notamment pour cela que dans les études, on tient compte des différences entre les enfants, selon qu'ils sont d'âge scolaire ou préscolaire, selon qu'ils ont fréquenté une garderie ou une gardienne avant l'âge de trois ans ou après, etc.

Le gouvernement parle d'un an de congé de maternité et de paternité. Est-ce qu'un an constitue une durée critique? Ne serait- ce pas plutôt deux ans? On peut en débattre à l'infini. Il semble jusqu'à présent que la durée critique soit certainement supérieure à un an.

Voilà ce qu'on peut dire en 30 secondes ou moins.

Le président: Très bien.

[Français]

Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: Je comprends tout l'enjeu de la discussion. Je peux comprendre que finalement, on parlait de garderies et que le lien parental constitue un objectif à atteindre. Il faut que le lien parental soit continu. Pour ma part, je ne peux pas voir ce lien dans la société dans laquelle on vit, où les deux parents travaillent. De toute façon, il sera coupé par le travail. Tout à l'heure, on disait qu'à l'époque où les familles comptaient 12 enfants, le père allait travailler en forêt ou avait une occupation de commis voyageur. L'enfant ne voyait pas plus son père, mais il voyait sa mère.

• 1725

Donc, les garderies sont faites pour appuyer les femmes qui ont voulu aller sur le marché du travail, soit par nécessité, soit pour mieux se développer et avoir accès au marché de l'emploi.

Je sais que le choix des parents qui décident d'aller travailler et de laisser leurs enfants en bas âge à la garderie n'est pas toujours facile, mais je pense qu'il faut offrir ce service. Il faut offrir ce soutien aux familles.

Souvent aussi, les enfants apprennent à se faire des amis dans les garderies. Aujourd'hui, les familles ne comptent qu'un ou deux enfants; rares sont celles qui en comptent trois ou quatre. Quand un enfant est isolé dans son coin, il est bon qu'il apprenne à jouer avec des amis. C'est un enjeu de notre société d'aujourd'hui. Je me demande s'il est réaliste de croire qu'on va pouvoir offrir la possibilité que le lien parent-enfant soit plus continu dans une société où un cinquième de la population est pauvre, où l'emploi est rare et où les gens à faible revenu ont de la difficulté à joindre les deux bouts.

Je pense qu'il faut aller au-delà des coupures avec la famille quand on parle de services de garderies. Il y a d'autres causes à cela. Il y a d'autres facteurs que le fait que l'enfant soit éloigné d'un parent pendant les six heures que ce dernier passe au travail. On doit aussi prendre en considération la façon dont l'enfant revient dans la famille. Il faut tenir compte de la qualité des liens que l'enfant développe avec sa mère ou avec son père après la garderie. Si, par exemple, les parents ont de sérieux problèmes financiers ou des problèmes de violence ou d'alcoolisme, cela aura beaucoup de conséquences sur le lien qu'ils développeront avec leur enfant. Cela ne tient pas seulement au fait que l'enfant est dans une garderie.

Dans le cas des garderies en milieu familial, la mère et le père qui sont obligés de travailler sont eux aussi éloignés de leur enfant. Ce dernier sera bien dans son milieu, mais s'il est tout seul avec une gardienne... On a déjà vu des cas où les parents avaient de sérieux doutes quant à la qualité des soins prodigués à leur enfant. On a vu des gardiennes qui ne motivaient pas les enfants, qui ne leur faisaient pas faire de jeux éducatifs. Dans pareil cas, l'enfant était laissé à lui-même et parfois, ça allait au-delà de cela. On le giflait ou même on le malmenait et la gardienne n'en prenait pas soin. Je ne dis pas que ce comportement est répandu, mais il faut voir à offrir des soins de qualité en garderie.

Il faut aussi des réseaux stables pour les enfants. Il y a une question de stabilité. Je constate que dans les services de garde offerts par des gens qui se déplacent, qui vont à la maison, bien souvent, le service de garde n'est pas continu, ce qui fait que l'enfant, sur une période de deux ou trois ans, peut changer de gardienne six ou sept fois. Il y a de quoi bousculer un enfant dans sa continuité. S'il y a un service de garde stable avec des intervenants de qualité qui stimulent l'enfant et que l'enfant revient dans une famille et y reçoit l'amour de ses deux parents et une certaine stabilité émotive, cela a un impact sur ce que vous appelez la qualité du lien qui doit exister entre les parents et l'enfant.

Je ne vois pas comment on pourra offrir à la communauté la possibilité qu'un parent reste à la maison pendant cinq ans et ne travaille que 20 heures par semaine afin d'avoir ce lien avec son enfant de façon continue. C'est son équilibre qui est en jeu. J'ai un peu de difficulté à croire qu'on va être capables d'offrir cela.

[Traduction]

Le président: Ce sera notre dernière question. Nous pourrons avoir un dernier commentaire.

Monsieur Genuis.

M. Mark Genuis: Très bien, et merci de vos commentaires. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur la grande majorité de vos affirmations.

Comme vous l'avez dit, dans les situations où les deux parents doivent travailler, comment ces relations peuvent-elles être maintenues?

C'est exactement ce dont nous parlons. Au début de mon exposé, j'ai dit que notre propos n'est pas de montrer aux gens comment ils doivent vivre leur vie. Nous n'avons pas à leur dire qu'il faut faire telle chose plutôt que telle autre. Les parents ont besoin d'être traités avec dignité et respect pour être en mesure de faire des choix essentiels, et le système devrait être conçu de façon à leur laisser la plus grande liberté de choix en fonction de leur propre situation et de leurs préférences personnelles.

Si les parents estiment que leur propre cheminement leur impose de travailler à plein temps après avoir eu des enfants, c'est leur choix. J'estime que personne ici n'a le droit de les juger ou de les condamner. C'est leur choix.

Ce que je veux dire, c'est que pour les parents qui estiment qu'il est préférable, pour leur propre épanouissement personnel, de rester en permanence avec leurs enfants, il faut aussi respecter ce choix et s'efforcer de le leur permettre.

• 1730

Tout le reste de l'information sur les garderies indique que les parents ont un rôle essentiel à jouer et qu'il faut de ce point de vue les traiter avec dignité et respect. Ils doivent avoir le droit de choisir. Je ne prétends nullement, pas plus que mes collègues, que nous puissions apprendre aux gens comment ils doivent mener leur vie, mais il faut s'efforcer de leur offrir toute une gamme de possibilités.

Vous avez raison, la question de la socialisation est difficile. En vérité, la socialisation est meilleure lorsque les parents sont eux-mêmes bien insérés dans la société; l'enfant a par la suite de meilleurs rapports avec ses pairs lorsqu'il atteint un certain niveau de compréhension.

Je vois que la lampe clignote. Je vais m'arrêter ici. N'hésitez-pas à m'appeler par la suite pour...

Le président: Il nous reste 15 minutes...en fait, moins que cela.

Écoutez Kerry et Carol avant de partir.

Mme Kerry McCuaig: Actuellement, on n'aide pas les parents à choisir. On ne les aide pas lorsqu'ils choisissent de rester chez eux. On n'aide pas la mère qui choisit de travailler.

Pour que les parents aient véritablement le choix, il faudrait des mesures concrètes, il faudrait une politique intégrée de la famille qui devrait comprendre, à mon avis, des mesures de soutien du revenu, des congés parentaux et des services de garderie communautaires. Ces éléments font actuellement défaut. C'est pourtant ce qui était promis dans le budget, et nous espérons que les pouvoirs publics feront preuve de détermination et qu'une entente sera en place d'ici décembre 2000.

Le président: Madame Russell.

Mme Carol Crill Russell: Encore une fois, je considère qu'on ne peut pas mettre en place une ligne ininterrompue de mesures de soutien à la famille sans prendre en compte la volonté du public, et je pense que c'est ce qui fait défaut actuellement. Je pense que la société a encore bien du chemin à faire avant de prendre conscience de la valeur des familles qui élèvent de jeunes enfants, et ce n'est qu'alors qu'on pourra mettre plus facilement en place les mesures nécessaires.

Le président: Je pense que tout le monde est d'accord et sur cette note, je tiens à vous remercier de votre présence, que nous avons beaucoup appréciée. Vous nous avez apporté une aide précieuse.

La séance est levée.