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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 1er mai 2001

• 1313

[Traduction]

Le vice-président (M. John McCallum (Markham, Lib.)): Bienvenue à tout le monde.

Étant donné que nous avons tout au plus une heure, cinq témoins à entendre et sept députés qui veulent poser des questions, nous allons devoir agir un peu à la façon dont certains avocats décrivent le projet de loi, c'est-à-dire de manière draconienne et même anti-canadienne.

Ainsi, par souci d'équité, je vais limiter les exposés et les questions à cinq minutes. Sinon, nous n'aurons pas assez de temps pour tout le monde et je vous invite même à viser moins de cinq minutes.

Je suis désolé de devoir être aussi strict, mais notre conférence vidéo va se terminer dans une heure et si je n'agissais pas ainsi, tout le monde n'aurait pas la chance de prendre la parole.

Est-ce que nous accueillons bien cinq groupes de témoins à Edmonton?

Une voix: Oui, il y en a cinq ici.

Le vice-président (M. John McCallum): Avant de commencer, veuillez décliner vos noms, le nom de votre organisation et votre qualité pour que nous sachions à qui nous avons à faire.

Je voudrais commencer par l'Association des ingénieurs, des géoscientifiques et des géophysiciens de l'Alberta. Est-ce que M. Neil Windsor est là?

M. Al Schuld (registraire adjoint, Association des ingénieurs, des géoscientifiques et des géophysiciens de l'Alberta): Bonjour. Mon patron, Neil Windsor, regrette de ne pouvoir être ici. Je suis le registraire adjoint de l'Association. Je me propose de passer tout de suite à notre exposé, si cela vous convient.

Le vice-président (M. John McCallum): Je vous en prie, allez-y.

M. Al Schuld: Est-ce que nous devons commencer par nous présenter ici?

• 1315

Le vice-président (M. John McCallum): Oui, ce serait une bonne façon de commencer. Après cela, nous nous présenterons nous-mêmes.

Mme Wendy Danson (présidente sortante, Association du Barreau canadien du nord de l'Alberta): Bonjour, je m'appelle Wendy Danson. Je suis avocate au cabinet McQuaig Desrochers à Edmonton et je suis spécialisée en immigration. Je parlerai aussi au nom de l'Association du Barreau canadien du nord de l'Alberta.

M. Valdemar Larsen (directeur exécutif, Alberta Centre for International Education): Bonjour. Je m'appelle Val Larsen. Je suis directeur exécutif du Alberta Centre for International Education.

Mme Alice Colak (présidente, Alberta Association of Immigrant-Serving Agencies): Je m'appelle Alice Colak et je suis présidente de la Alberta Association of Immigrant-Serving Agencies.

M. Roy Beyer (président, Coalition de l'action pour la famille au Canada): Je m'appelle Roy Beyer et je suis président de la Coalition de l'action pour la famille au Canada.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci.

Je m'appelle John McCallum. Je suis député de Markham et vice-président de ce comité. Mes collègues vont se présenter eux-mêmes.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, AC): Je m'appelle Inky Mark et je suis porte-parole en chef de l'opposition et également vice-président de ce comité.

Mme Lynne Yelich (Blackstrap, AC): Je m'appelle Lynne Yelich et je suis députée de Blackstrap en Saskatchewan.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Bonjour. Je m'appelle Madeleine Dalphond-Guiral. Je suis députée de Laval-Centre et membre du Bloc québécois.

[Traduction]

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Bonjour, je m'appelle John Herron. Je suis porte-parole en matière d'immigration pour le Parti conservateur et je représente la circonscription de Fundy—Royal au Nouveau-Brunswick.

Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Bonjour. Je m'appelle Anita Neville et je suis députée libérale de Winnipeg South Centre.

[Français]

Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Bonjour. Je m'appelle Yolande Thibeault. Je suis députée de Saint-Lambert, au Québec, et membre du Parti libéral.

[Traduction]

Le vice-président (M. John McCallum): Merci. J'ai oublié de vous indiquer que je suis aussi libéral.

À l'intention des éventuels retardataires, je précise que nous allons nous en tenir strictement à la règle des cinq minutes.

Je vais à présent inviter l'Association des ingénieurs de l'Alberta à nous faire son exposé. Merci.

M. Al Schuld: Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de prendre la parole devant votre comité à propos de ce que nous estimons être une mesure législative très importante. Comme je le disais, je m'appelle Al Schuld et je suis registraire adjoint de l'AIGGA.

En Alberta, nous administrons la Loi régissant les professions d'ingénieur, de géoscientifique et de géophysicien. En vertu de cette loi, nous avons accrédité 35 000 spécialistes dans ces trois professions. Nous sommes convaincus que ces professions ont une véritable incidence sur la vie et sur le bien-être économique des albertains.

Votre comité a déjà entendu le témoignage de l'organisme national représentant la profession d'ingénieur au Canada, je veux parler du CCIP, de même que de la coalition d'organismes de réglementation connexes dont le CCIP fait partie. Nous sommes bien sûr tout à fait d'accord avec les recommandations que le CCIP vous a adressées et nous n'entendons pas les reprendre aujourd'hui. Nous nous proposons plutôt de vous exposer ce que nous considérons comme étant la situation unique de notre organisme provincial d'octroi de licence.

Nous sommes tout à fait d'accord avec l'accréditation des géoscientifiques et des géophysiciens au Canada, puisque c'est ce que nous faisons depuis 1960. La majorité des provinces ont d'ailleurs décidé, sur le tard, de nous emboîter le pas. Elles sont en train de mettre en oeuvre un régime de réglementation semblable au nôtre pour ces professions, régime qui est en vigueur dans le cas des ingénieurs depuis plusieurs années. Tout cela a découlé de l'affaire Bre-X et du rapport du groupe de travail sur les normes d'exploitation minière de la Bourse et de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, qui recommandait qu'une personne qualifiée signe les documents relatifs à la mise en vente d'actions et aux perspectives du marché.

L'AIGGA travaille en étroite collaboration avec le Conseil canadien des géoscientifiques professionnels et je suis aussi secrétaire du Conseil canadien des normes géoscientifiques. Nous nous intéressons donc à toutes les professions que le Conseil canadien des ingénieurs professionnels offre aux géoscientifiques étrangers immigrants effectifs ou potentiels, et nous participons à l'évolution de ce projet de loi.

Pour en revenir à l'Alberta, nous manquons depuis quelque temps déjà de spécialistes dans les nombreux domaines que nous représentons. Les deux universités de la province ne produisent pas suffisamment d'ingénieurs ni de géoscientifiques diplômés pour répondre à la demande dans ces professions.

• 1320

Nous comblons ce déficit en puisant dans deux bassins. D'abord, les autres provinces au Canada et les ingénieurs et les géoscientifiques qui sont formés à l'étranger et qui représentent plus 15 à 20 p. 100 des membres que bous recrutons chaque année. C'est ainsi que nous accréditons près de 1 500 à 2 000 nouveaux membres chaque année.

La situation économique en Alberta est telle que les employeurs nous demandent régulièrement d'approuver l'engagement de candidats immigrants possédant les compétences qu'ils recherchent. Les employeurs recrutent non seulement au Canada, mais aussi à l'étranger. Ainsi, ils s'en remettent aux évaluations de notre association relativement aux qualifications de ceux qu'ils veulent embaucher.

Nous effectuons donc un certain travail de consultation puisque nous fournissons des renseignements, des conseils et des orientations aux employeurs et aux immigrants potentiels qui viennent en Alberta pour répondre à une offre d'emploi ou qui font partie d'autres catégories d'immigrants.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les services d'évaluation de la province, appelés Services d'évaluation des qualifications internationales. J'ai été conseiller auprès de ce groupe, parce que nous possédons une vaste expérience de l'évaluation des ingénieurs formés à l'étranger.

Je tiens à souligner certains aspects soulevés précédemment par le CCIP, de concert avec les autres autorités de délivrance des licences au Canada. En notre qualité d'organisme chargé de l'autorisation d'exercer, nous estimons être les mieux placés pour fournir des conseils justes, appropriés et précis aux ingénieurs immigrants relativement à la reconnaissance de leurs titres de compétence au Canada.

Nous avons le privilège de travailler fréquemment avec les organismes qui servent les immigrants en Alberta, à qui nous fournissons des conseils et des renseignements sur les débouchés d'emploi, immédiats et potentiels pour les ingénieurs et les géoscientifiques immigrants désireux d'être accrédités par notre organisation. Nous croyons que l'admissibilité à l'immigration devrait être fondée sur l'admissibilité dans un corps professionnel d'ingénieurs et de géologues, selon les accréditations accordées par les autorités de délivrance de licences au Canada.

Nous croyons que, dans l'intérêt du public, la loi devrait contenir une mention directe aux autorités provinciales de délivrance des licences professionnelles, qu'elle devrait reconnaître le rôle important que nous jouons dans l'approbation des titres de compétence des ingénieurs et des géoscientifiques immigrants.

Merci de nous avoir donné l'occasion de vous faire cet exposé.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup. Excusez-moi encore une fois d'avoir dû limiter votre temps de parole.

J'invite maintenant la Coalition de l'action pour la famille au Canada à nous faire sa présentation.

Une voix: Le représentant vient juste de quitter la pièce.

Le président: Bien, nous allons passer à l'Association du Barreau canadien du nord de l'Alberta.

Mme Wendy Danson: Merci beaucoup, monsieur, et merci aux membres du comité.

Cinq minutes, ce n'est même pas assez pour me permettre d'effleurer ce que j'aurais eu à vous dire, et je vais donc vous donner simplement une idée de ma perception de l'immigration, soit en ce qui concerne les gens d'affaires. Je fais venir au Canada des immigrants, certains à titre temporaire et d'autres à titre permanent, mais tous espèrent et comptent bien demeurer ici pour le restant de leurs jours.

Par nécessité, la Loi sur l'immigration a pour objet de permettre la venue chez nous d'immigrants qui demeureront ici et, d'un autre côté, de montrer la porte de sortie à ceux qui sont reconnus coupables d'infraction à notre droit pénal ou autres. Nous avons donc à faire à deux choses bien différentes: d'une part inviter des gens à venir au Canada, à y amener leurs familles et à s'installer pour y vivre le restant de leurs jours et planifier l'avenir de leurs enfants et, d'autre part, rejeter les criminels. La loi doit traiter des deux aspects, même si ce sont deux points de vue bien différents. Cependant, dans le projet de loi C-11, les choses sont confuses. Nous traitons maintenant les résidents permanents comme s'ils étaient tous des criminels. Pourtant, tel n'est pas le cas, et seule une petite minorité se trouve dans cette situation. La nouvelle loi met dans un même sac tous les résidents permanents et les considère comme des étrangers.

• 1325

Par exemple, les personnes ayant été condamnées à six mois ou plus pour la commission d'un acte criminel sont interdites de territoire. Elles peuvent en appeler de cette décision si elles sont déjà résidentes permanentes, à condition qu'elles n'aient pas été condamnées à plus de deux années d'emprisonnement.

Prenez le cas d'un de mes clients qui va à l'étranger en voyage d'affaire et qui a été condamné à sept mois de détention pour avoir conduit un véhicule en état d'ébriété ou avoir conduit son véhicule de façon criminelle, sans pour autant que cela relève du pénal. Une personne dans une telle situation est frappée d'interdiction de territoire et elle comme ne peut même pas rentrer au Canada, elle est privée de ses droits d'appel.

Je crains que la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et son ministère ne vous aient amené à croire que tous les résidents permanents auront le droit de faire appel à condition que leur infraction ne donne pas lieu à plus de deux années d'incarcération. Tel n'est pas le cas, parce que le projet de loi stipule que les personnes dans une telle situation sont interdites de territoire dès qu'elles sont condamnées à plus de six mois de détention. Je ne peux vous donner que ce petit exemple étant donné le peu de temps dont je dispose.

Je voulais également vous dire que le projet de loi C-11 s'en remet énormément au règlement pour des choses qui, jusqu'ici, n'étaient pas couvertes par le règlement. Des dispositions qu'on retrouve maintenant dans le règlement étaient avant couvertes dans la loi. Résultat: le Parlement n'aura pas la possibilité d'examiner le règlement qui sera mis en oeuvre en vertu de la loi et le ministère ainsi que les agents de l'Immigration auront toute l'autorité voulue en vertu de la loi et pourront prendre des décisions fondamentales qui n'auront pas été vérifiées par le Parlement. Cela nous préoccupe également beaucoup.

Je ne sais pas où j'en suis question temps. Tout ce que je voulais vous dire, sans rentrer plus dans le détail, c'est que nous sommes en train de faire la confusion entre les personnes qu'il ne faut pas hésiter à évincer et celles qui veulent vraiment passer leur vie au Canada.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup, madame Danson. Vous venez juste de dépasser la marque des quatre minutes.

Vous venez de soulever des points très intéressants sur lesquels, j'en suis sûr, nous reviendrons lors des questions.

Soit dit en passant, je dois vous dire que personne autour de cette table n'apprécie l'emploi du mot «étrangers» pour décrire les résidents permanents.

Cependant vous avez soulevé bien d'autres problèmes et nous y reviendrons.

Est-ce que le représentant de la Coalition de l'action pour la famille au Canada est de retour?

M. Roy Beyer: Oui.

Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité. Nous nous réjouissons de pouvoir comparaître devant vous pour vous faire part de la position de la Coalition de l'action pour la famille au Canada.

Nous sommes surtout préoccupés par la promotion et de la défense de la famille dont il est question au paragraphe 12(2), que je vous lis:

    La sélection des étrangers de la catégorie «regroupement familial» se fait en fonction de la relation qu'ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d'époux, de conjoint de fait, d'enfants ou de père ou mère ou à titre d'autres membres de la famille prévus par règlement.

Cette définition très élargie des membres de la famille pouvant parrainer l'immigrant nous inquiète et je me repose de vous résumer notre position à cet égard. À l'instar de ce que vient de dire le témoin précédent, nous aussi entretenons des réserves vis-à-vis du processus proposé, plus particulièrement en ce qui concerne les pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre et au ministère par voie de règlement. Cela ne pourra que porter tort à la tenue d'un véritable débat parlementaire et à la participation à la formulation de la politique sur l'immigration, que nous jugeons importants.

L'actuelle politique en matière d'immigration a déjà conféré au Canada sa réputation de pays passoire où il est possible de faire des demandes frauduleuses ou bidons. Nous ne pensons pas qu'il soit raisonnable, pour essayer de régler certains problèmes, d'en créer d'autres. Nous estimons que ce paragraphe, en particulier, va créer de nombreuses échappatoires et donner aux gens la possibilité de déposer des demandes bidons.

Passons maintenant très rapidement au fond du projet de loi. Tout d'abord, le fait qu'il ne soit pas juridiquement nécessaire que le demandeur soit marié est la porte ouverte à d'éventuels abus du système. Autrement dit, on acceptera des demandes de conjoints de fait ou de partenaire de même sexe. Ce faisant, n'importe qui pourra prétendre être le conjoint de quelqu'un. Vous allez vous retrouver avec toutes sortes de gens qui vont essayer de frauder le système en prétendant être conjoints. Je me rends bien compte que le projet de loi traite de ces questions dans une certaine mesure, mais il nous apparaît très évident que les dispositions proposées vont accroître le risque d'abus de système en élargissant considérablement la définition de membre de la famille.

• 1330

Deuxièmement, l'élargissement de la définition de conjoint pour inclure les époux de fait et sans doute aussi les couples de même sexe va retarder la réunification des époux légitimes, ce que nous estimons plus grave encore. On peut imaginer que le système sera débordé à cause de demandes de toutes sortes, dont beaucoup risquent d'être frauduleuses et de compliquer l'enquête sur les revendicateurs. Les couples mariés, mais séparés parce qu'un des conjoints aura immigré au Canada avant l'autre, vont constater que l'immigration de leur époux et leur réunification sera retardée d'autant parce qu'il y aura plus de dossiers à traiter. C'est ce à quoi il faut s'attendre quand on augmente le nombre de personnes admissibles à l'immigration. Nous estimons qu'il s'agit-là d'une attaque contre la famille, parce que ces autres types de lien n'ont rien à voir avec le mariage et que rien, sur le plan juridique, ne nous permet de les considérer comme tel.

Troisièmement, on peut se demander s'il est raisonnable de considérer que les relations de fait ou les relations entre personnes de même sexe correspondent au mariage et s'il en va du meilleur intérêt de la société canadienne d'avaliser ou de promouvoir ce genre de relations. Si ces personnes veulent vraiment s'engager l'une envers l'autre pour la vie, est-ce vraiment beaucoup exiger, dans le cas des couples de fait, qu'elles soient mariées? Nous ne le pensons pas. Dans la majorité des sociétés, il s'agit-là d'une exigence courante.

En édulcorant cette définition, nous allons considérablement rallonger la liste des gens qui vont réclamer ce genre de statut. Quant à nous, nous estimons raisonnable, pour protéger notre société, d'imposer une exigence juridique minimale, à savoir que les couples devront être légalement mariés pour faire une demande en vertu de cette catégorie.

Je suppose que ma prochaine remarque va soulever une certaine controverse politique, mais je me dois d'indiquer, en ce qui concerne les couples de même sexe qui ne sont pas directement mentionnés dans cette loi, mais à qui le projet de loi C-33...

Le vice-président (M. John McCallum): Excusez-moi, monsieur Beyer.

M. Roy Beyer: ... va s'appliquer, nous allons nous opposer à l'idée que des couples de même sexe puissent être traités de la même façon que des couples mariés en vertu de la politique canadienne sur l'immigration. Je tiens à souligner que je ne m'en prends pas ici aux homosexuels qui immigrent au Canada à titre individuel et qui peuvent apporter une contribution très utile à notre pays.

Le vice-président (M. John McCallum): Excusez-moi, monsieur Beyer. Est-ce que vous m'entendez?

M. Roy Beyer: Je parle des couples de même sexe qui seraient traités sur le même pied que les couples mariés. Sur un plan culturel et sur un plan religieux, on s'entend généralement dans le monde sur la définition à donner au mariage et sur l'importance qu'il revêt pour la société et nous croyons que l'application de principes répandus et reconnus un peu partout...

Le vice-président (M. John McCallum): Est-ce que vous m'entendez? Excusez-moi, mais votre temps est écoulé. Je vous donne 15 secondes pour conclure.

M. Roy Beyer: Excusez-moi, je ne savais pas que mon temps était écoulé.

Il est établi que le mariage a contribué de façon unique au bien-être et à la stabilité de la société et nous sommes d'avis que la définition traditionnelle de la situation familiale est celle qui servira au mieux les intérêts des Canadiens.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup pour votre exposé.

Nous allons maintenant entendre Valdemar Larsen de l'Alberta Centre for International Education.

M. Valdemar Larsen: Dans mon exposé, je me propose de faire ressortir le fait qu'il faut favoriser l'industrie du savoir en recrutant des étudiants internationaux et en les incitant à venir au Canada.

Je dois dire, avant tout, que cette technologie qui nous permet de vous accueillir dans notre province, est très intéressante. Nous l'utilisons d'ailleurs pour promouvoir la province et encourager le tourisme. Je vous signale au passage qu'il fait très beau ici, que le ciel est bleu et qu'il fait environ 17 degrés. J'espère que la météo vous est également favorable.

• 1335

Pour ce qui est des autres bonnes nouvelles concernant l'Alberta, je dois dire que la province est sur le point d'entrer dans une importante période de croissance et de prospérité. Dans son discours sur le budget de mardi dernier, le gouvernement a indiqué que l'Alberta continuerait de connaître une solide croissance au cours de la prochaine décennie, sur la base d'une progression du PIB qui a dépassé 6 p. 100 l'année dernière. Je pense que nous avons été les premiers au Canada sur ce plan. Et ce n'est pas uniquement grâce au pétrole et au gaz. Nous sommes aussi très forts du côté de la haute technologie et de l'industrie du savoir. Au cours des dix dernières années, le secteur pétrolier est passé de 35 p. 100 du PIB à 21 p. 100, ce qui prouve que nous avons considérablement diversifié nos activités en Alberta et que nous nous tournons de plus en plus vers les domaines du savoir.

Le seul nuage qui assombrit l'horizon tient à la question de savoir si nous aurons la main-d'oeuvre voulue. M. Schuld vous a déjà parlé de la question des travailleurs formés à l'étranger. Je crois que la même chose se reproduit dans tous les secteurs industriels et en particulier dans la haute technologie et dans les industries du savoir.

Le Conference Board du Canada prévoit que nous allons manquer de près d'un million de travailleurs qualifiés d'ici 2020, ce qui est tout à fait conforme à la situation que nous connaissons en Alberta.

Les problèmes que nous éprouvons sur le chapitre des ressources humaines sont de trois ordres. Nous connaissons une croissance rapide dans plusieurs secteurs industriels, notre main-d'oeuvre est vieillissante et nous perdons des effectifs à cause d'un phénomène d'émigration, plus exactement de la fuite des cerveaux. Pour prendre le cas de mon secteur, celui de l'enseignement et de la formation, par exemple, il faut savoir que le ministère de l'Éducation envisage une augmentation de 25 0000 étudiants à qui nous devrons trouver des places avant 2005.

Tout cela va se produire au moment où une bonne partie de notre effectif va prendre sa retraite. Un tiers de nos enseignants de l'éducation de base vont prendre leur retraite dans les dix prochaines années, ainsi que 40 p. 100 des instructeurs de collège. La moitié du corps enseignant universitaire, proportion affolante, va prendre sa retraite au cours des dix prochaines années. Voilà des énormes défis que nous allons devoir relever sur les plans du renouvellement des effectifs et de la relève.

Ces problèmes sont exacerbés par le phénomène d'émigration à partir de l'Alberta, surtout dans les domaines de la haute technologie et de la recherche de pointe. Selon Statistique Canada, près de 12 p. 100 des titulaires de doctorat vont terminer leurs études aux États-Unis. Nous perdons sept fois plus de candidats au doctorat et de diplômés d'université en Alberta que nous n'en accueillons. Cette situation nous préoccupe beaucoup.

Encore une fois, pour vous rappeler la nature de notre problème, sachez que nous allons connaître une croissance exceptionnelle, mais qu'elle risque d'être limitée par notre capacité de produire des travailleurs qualifiés. Il y a 100 ans, nous avons dû relever exactement le même défi et je pense que nous devrions adopter à peu près la même solution qu'à l'époque. Il y a 100 ans, notre défi était la conquête de l'Ouest et l'essor agricole. La solution, bien sûr, a été celle de l'immigration. Par le biais de notre politique en matière d'immigration, nous avons favorisé l'arrivée d'agriculteurs des quatre coins du monde, surtout d'Europe de l'Est.

Le vice-président (M. John McCallum): Excusez-moi, monsieur Larsen, mais votre temps est écoulé. Il vous reste dix secondes pour conclure.

M. Valdemar Larsen: Même si je suis d'accord avec les commentaires de M. Schuld, je tiens à souligner qu'une des meilleures façons de résoudre notre problème sur le plan des ressources humaines consiste à attirer davantage de travailleurs qualifiés en Alberta, ce que nous pourrions faire en recrutant des étudiants internationaux. Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'ont déclaré nos organisations soeurs, c'est-à-dire l'AUCC et le Bureau canadien de l'éducation internationale, lors de leur récent témoignage devant vous, à savoir qu'il faut profondément modifier la Loi sur l'immigration pour permettre l'application de cette solution.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci, monsieur Larsen. Je suis désolé de ne pouvoir être à Edmonton aujourd'hui, surtout qu'il pleut ici à Winnipeg et qu'il est toujours mieux de se rencontrer en personne. Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour votre exposé.

Je dois vous préciser que nous avons entendu plusieurs exposés qui vont dans le même sens que le vôtre. Est-ce parce que j'ai passé la plupart de mes années actives dans l'enseignement, mais il se trouve que je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit.

Nous allons maintenant passer à l'Alberta Association of Immigrant-Serving Agencies, représentée par Mme Colak.

• 1340

Mme Alice Colak: Merci.

L'Alberta Association of Immigrant-Serving Agencies est un organisme cadre qui est en fait un réseau provincial de 17 organisations communautaires offrant des services d'aide à l'établissement, d'emploi, de formation linguistique et de services communautaires dans huit collectivités albertaines. Nos membres servent 14 000 immigrants et réfugiés par an et plus de 3 000 bénévoles dispensent des services de soutien et effectuent plus de 150 000 heures de travail. Notre acronyme est AAISA.

Nous nous réjouissons de pouvoir réagir à certaines questions et préoccupations touchant à la nouvelle loi. Les commentaires et les remarques que je vais vous faire nous viennent des gens qui travaillent en première ligne, de ceux qui offrent les services, si bien que je vais me consacrer entièrement aux dispositions qui ont trait à notre travail.

Je tiens à vous dire, d'entrée de jeu, que nos membres prennent acte du travail exhaustif d'analyse, d'étude et d'examen réalisé par différentes organisations nationales et internationales, mais qu'ils tiennent à souligner tout particulièrement le travail effectué par le Conseil canadien pour les réfugiés. Nos membres appuient les principales positions énoncées dans le mémoire du Conseil.

Côté positif, nous nous réjouissons de l'initiative entreprise par le gouvernement fédéral qui est de réviser une mesure éculée, vieille de 25 ans, afin de mieux traduire nos obligations internationales et nos engagements nationaux envers les réfugiés. Nous avons trouvé encourageants le désir et l'ouverture exprimés par le gouvernement de consulter les différents intervenants, les collectivités et les citoyens pour obtenir leur avis et leurs recommandations.

Cela dit, nous avons quelques remarques à faire et préoccupations à exprimer. Dans l'ensemble, nous estimons que ce projet de loi pourrait être plus favorable aux immigrants, qu'il pourrait tenir compte de l'importance de l'immigration, dans le passé, aujourd'hui et dans l'avenir et il pourrait prendre acte de ce qu'a été et de ce que sera la contribution des immigrants à notre nation et à notre société. Il nous apparaît que ce projet de loi insiste, peut-être même trop, sur l'application de la loi et sur la criminalité.

Pour ce qui est de la réunification des familles, nous constatons avec plaisir que le projet de loi hausse l'âge des enfants dépendants de 19 à 22 ans. Cependant, de nombreuses communautés culturelles nous disent que même cet âge est trop bas et qu'il faudrait peut-être viser 25 ans pour tenir compte des sensibilités culturelles.

Nous sommes par ailleurs heureux du fait que la durée du parrainage soit ramenée de 10 à trois ans.

À l'instar de nombreux autres groupes et associations communautaires, nous croyons que l'expression «étrangers» n'est pas appropriée pour décrire les résidents permanents et qu'il faudrait la remplacer. On pourrait peut-être reprendre le terme actuel de «résidents permanents». De plus, nous ne pensons pas qu'il n'y a pas lieu d'exiger des résidents permanents qu'ils renouvellent leur statut.

Pour ce qui est de la protection des réfugiés, l'Association est d'accord avec la subdivision du projet de loi en deux parties, l'une traitant de l'immigration et l'autre des réfugiés. Nous sommes également tout à fait d'accord avec l'insistance placée sur la protection des réfugiés, plutôt que sur leur capacité de s'installer au Canada. Nous nous réjouissons de trouver des dispositions permettant d'interjeter appel sur le bien-fondé des cas, problème auquel notre secteur est confronté depuis longtemps. Nous pensons que les personnes à qui l'on accorde un statut de réfugié devraient automatiquement recevoir celui d'immigrant reçu.

Comme il s'agit-là d'une loi-cadre, beaucoup de choses devront être définies dans le règlement. Comme cette législation aura une grande incidence sur la vie d'un grand nombre d'immigrants et de Canadiens, nous estimons que tant le règlement que la loi devraient faire l'objet d'un examen complet et d'une consultation plus large.

Encore une fois, merci de nous avoir donné l'occasion de vous présenter ce mémoire. Merci.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.

Merci à tous nos témoins et encore une fois excusez-moi d'avoir dû vous limiter dans le temps.

• 1345

Avant de passer aux questions, je vais faire un certain nombre de précisions. Aujourd'hui et hier, nous avons proposé des amendements qui pourraient nous permettre d'aller dans le sens des voeux exprimés par les avocats. Premièrement, comme je le disais plus tôt, personne ici n'apprécie qu'on qualifie les résidents permanents d'étrangers. Deuxièmement, nous pourrions recommander de limiter les droits d'examen qui sont actuellement proposés dans le projet de loi. Troisièmement, nous avons proposé de nous en tenir à l'intention du projet de loi, mais peut-être de diverger quant à l'interprétation à y donner en ce sens qu'aucun agent de l'immigration ne devrait disposer du pouvoir unilatéral de déporter des résidents permanents. Enfin, il faudrait clarifier les pouvoirs de réglementation de sorte que ce qui constitue des principes de base ou des principes fondamentaux de la politique se retrouve dans la loi et pas dans le règlement. Voilà ce qu'ont donné nos conversations d'hier et d'aujourd'hui. J'ai pensé utile de vous en faire part.

Cela fait, je cède la parole à Inky Mark, qui va ouvrir le bal.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président et merci aux témoins d'avoir comparu devant par caméra interposée. Il est regrettable que nous n'ayons pu les rencontrer en personne. Nous aurions peut-être pu rencontrer les gens de l'Alberta et de la Saskatchewan à mi-chemin, c'est-à-dire à la frontière entre les deux provinces.

Dans le témoignage des Canadiens que nous avons entendus ces derniers jours et dans le courant du dernier mois, notre comité a pris connaissance d'un grand nombre de préoccupations. Il est intéressant de remarquer que, ce matin, un de nos témoins a indiqué, à propos de la catégorie «regroupement familial» que ceux qui ne sont pas admis en qualité de membres de la famille font leur demande à titre de réfugiés. Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il est absolument important, dans le cadre du processus d'immigration, de favoriser la réunification des familles, surtout que nous sommes tous des produits de l'immigration. Un autre témoin a indiqué que le coparrainage pourrait permettre d'alléger une partie de ces pressions. Ma question s'adresse à chacun de vous. Comment pourrait-on faciliter la réunification des familles dans ce projet de loi?

Un témoin: Je vais commencer par vous répondre du point de vue juridique.

Mon amie, Mme Colak, vous a dit qu'une solution consisterait à hausser l'âge auquel un enfant peut être considéré comme un membre de la famille. Je suis d'accord avec elle. Je constate souvent, chez les néo-Canadiens et les résidents permanents, que les enfants vivent avec leurs parents, même s'ils ont plus de 25 ans et qu'ils sont mariés. C'est surtout le cas des néo-Canadiens parce que les enfants nés au Canada, eux, s'en vont de la maison dès qu'ils ont 18 ou 19 ans. Nous constatons que, chez les familles d'immigrants, donc de cultures étrangères, les gens ont beaucoup plus tendance à vivre autour de la famille élargie. Voilà une façon de régler le problème.

Le vice-président (M. John McCallum): Nous avons un autre commentaire ici.

Un témoin: Comme nous l'avons dit, nous craignons qu'en élargissant autant la définition à donner aux membres de la famille admissibles, vous ne fassiez que compliquer les choses. Je pense qu'il existe un consensus historique, culturel et religieux à propos de ce qu'il faut entendre par lien familial, si bien que lorsque vous envisagez d'assimiler d'autres relations au mariage, même si vous êtes animé de bonnes intentions, vous vous trouvez à ouvrir la porte à des revendications frauduleuses qui peuvent retarder le traitement des dossiers de personnes pouvant légitimement prétendre appartenir à cette catégorie, c'est-à-dire de celles qui ont de véritables liens de mariage ou de filiation.

Le vice-président (M. John McCallum): Alice, voulez-vous réagir?

Mme Alice Colak: D'après les contacts que j'ai quotidiennement avec de nombreuses communautés culturelles, je peux vous dire que les familles n'acceptent pas l'idée que des frères et des soeurs ne sont pas considérés comme des membres de la famille immédiate. C'est là, un aspect qui est source d'épreuves et de déchirements chez beaucoup de familles d'immigrants.

• 1350

Un député: J'ai une brève question à poser à Wendy Danson. Vous avez dit que, dans votre pratique d'avocate spécialisée en immigration, vous vous intéressez particulièrement aux gens d'affaire qui immigrent. Avez-vous des remarques à faire à propos des gens appartenant à cette catégorie? Pouvez-vous nous dire comment les choses fonctionnent, s'il y a des problèmes, ce que le projet de loi règle ou ne règle pas?

Mme Wendy Danson: Je vais essayer de vous répondre. J'ai surtout travaillé au contact d'entrepreneurs, autrement dit de gens qui viennent ici pour investir dans une entreprise, engager des Canadiens et gérer directement leur affaire. Tout ce qui concerne ces personnes se trouve en fait dans le règlement et il n'y a rien dans la loi actuelle. La même chose se reproduit avec le projet de loi C-11. On n'y dit rien à propos des gens d'affaires et, comme tout se retrouvera dans le règlement, il sera toujours possible de changer les règles du jeu par simple décret. Ces dispositions ne seront pas soumises au Parlement et c'est cela qui m'inquiète.

Le ministère a consulté l'Association canadienne du Barreau qui lui a fait part de ses réactions. Malheureusement, les catégories dont je parle ne se retrouvent pas dans la loi et elles ne disposent donc d'aucune protection à ce titre.

Le vice-président (M. John McCallum): Madeleine.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je vais d'abord faire un certain nombre de commentaires et je poserai ensuite certaines questions.

Pendant leurs présentations, les témoins ont exprimé à plusieurs reprises une espèce d'insatisfaction et d'inquiétude parce que, disent-ils, la loi donne l'impression d'accorder davantage d'importance au bannissement de la criminalité qu'à l'accueil des gens de bonne foi. Mme Danson a dit plus d'une fois qu'elle considérait que les résidants permanents étaient, à la limite, traités comme des criminels.

Quant à M. Beyer, je voudrais simplement lui souligner le fait que la Charte canadienne des droits et libertés, dont tout le monde est si fier au Canada, reconnaît l'interdiction basée sur le sexe. Déterminer qu'une relation est légitime ou qu'elle ne l'est pas, c'est un bien gros programme.

J'ai deux questions. La première s'adresse à M. Schuld.

Vous avez parlé du manque de spécialistes, notamment en ingénierie et en sciences connexes. La reconnaissance des compétences par rapport aux professions est, bien sûr, la prérogative des ordres professionnels. Est-ce qu'à votre connaissance, il y a déjà des discussions qui se tiennent pour favoriser une reconnaissance plus rapide des compétences des gens qui viennent d'ailleurs?

Ma dernière question s'adresse à Mme Colak. Vous avez dit, si j'ai bien compris, que les résidants permanents devaient faire renouveler leur statut. Si c'est bien ce que vous avez dit, est-ce que vous avez une suggestion de temps raisonnable?

• 1355

[Traduction]

M. Al Schuld: Pour ce qui est de votre première question, celle de la reconnaissance des titres de compétence des ingénieurs et des autres spécialistes, je vous répondrai par l'affirmative. Nous avons entrepris plusieurs initiatives destinées à rationaliser le processus de demande de reconnaissance afin de permettre un meilleur accès aux examens.

Notre association, l'AIGGA, fait passer des examens de pratique professionnelle que doit réussir tout candidat à la reconnaissance professionnelle. Nous tenons ce genre d'examen plusieurs fois par an partout au Canada et nous essayons d'en promouvoir l'accès ainsi que le caractère commun.

Notre association soeur de l'Ontario offre à toutes les autres associations du pays un service d'examen technique par écrit, qui peut être exigé dans le cas de certains ingénieurs immigrants, mais elle travaille surtout à la promotion d'examens équitables, accessibles et de qualité permettant de véritablement évaluer jusqu'à quel point les ingénieurs immigrants seront en mesure de travailler au Canada.

Je crois que vous aviez une deuxième question, qui s'adressait à...

Mme Alice Colak: Je veux faire une rapide précision. J'ai dit qu'il n'y a pas lieu de leur demander de renouveler leur statut. Excusez-moi.

M. Roy Beyer: J'aimerais également répondre à la députée.

Le vice-président (M. John McCallum): Allez-y, si vous voulez faire une autre remarque.

M. Roy Beyer: Je suis au fait de ce que dit la constitution à propos de la discrimination et je tiens à rappeler que nous ne faisons pas de discrimination à l'endroit des homosexuels. Nous sommes contre le fait qu'on puisse traiter sur un pied d'égalité le mariage et les relations de fait ou les couples homosexuels, c'est-à-dire les partenaires de même sexe.

La décision Egan de la Cour suprême du Canada ne donne pas au Parlement le droit d'étendre à d'autres types d'union des avantages qui s'appliquent uniquement au mariage, et c'est exactement la politique que nous soutenons. Vous pourriez très bien adopter une telle position sans pour autant aller à l'encontre de la constitution.

Le vice-président (M. John McCallum): La dernière personne à poser des questions sera John Herron, du Parti progressiste-conservateur.

M. John Herron: J'adresse ma question au représentant de l'Association du Barreau canadien. La contribution de l'ABC lors de nos audiences, pas uniquement à Ottawa mais pendant notre tournée, a été extrêmement constructive.

Seriez-vous disposé à réitérer les préoccupations exprimées vis-à-vis du droit d'appel. Pourriez-vous nous faire part de vos préoccupations à cet égard?

Mme Wendy Danson: Oui. Merci.

Tout d'abord, permettez-moi de vous dire que j'ai été très heureuse d'entendre M. McCallum nous annoncer que vous aviez déjà réglé quatre questions, dans le sens de ce que recommandait l'ABC.

Je vais me contenter de traiter du premier point, parce qu'il est important de changer la terminologie et de parler de résident permanent plutôt que d'étranger, mais il faudra aussi modifier les droits et les attributions associés à ce terme. Je vous félicite d'envisager ce changement pour revenir aux attributions juridiques de l'expression «résident permanent» plutôt que de l'expression «étranger».

Pour répondre à votre question, monsieur Herron, je vais vous parler du droit d'appel d'un demandeur qui se trouve à l'étranger et qui veut immigrer au Canada après que sa demande a été refusée une première fois.

Pour l'instant, cette personne peut faire une demande d'examen judiciaire auprès de la Cour fédérale du Canada, pour que la décision rendue par l'agent des visas soit revue et éventuellement rejetée si elle est jugée inéquitable ou erronée en droit ou dans les faits.

En vertu du projet de loi C-11, ce demandeur à l'étranger devrait faire une demande de congé d'examen judiciaire à la Cour fédérale. Il s'agit d'une demande d'autorisation qui correspond en tous points à une audition pour demande d'examen judiciaire. Ces demandes sont rarement accordées. Elles sont difficiles à obtenir. J'ai l'impression que l'immigrant de bonne foi qui réside à l'étranger n'aura plus d'autres recours indépendants pour faire examiner sa demande en cas de rejet par le bureau des visas.

• 1400

Ce qui me préoccupe surtout, c'est qu'actuellement les avocats d'admission à l'intérieur représentent entièrement les immigrants, mais ce ne sera plus la même chose pour les demandeurs à l'étranger. Ils n'auront pas le même accès aux avocats et ne bénéficieront pas des mêmes droits à une protection que s'ils étaient au Canada. Ainsi, personne ne s'occupera de ce qui se passe à l'étranger, sauf le ministère, et nous ne pensons pas qu'il est en mesure de faire correctement le travail.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci, John.

Judy.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Bonjour. Je m'appelle Judy Wasylycia-Leis et je suis porte-parole du NPD en matière d'immigration et de citoyenneté. Je vais reprendre à mon compte les remarques qui viennent d'être faites à propos de la difficulté de communiquer à distance. Je déteste cela tout autant que vous, mais je vous remercie pour votre patience.

Je vais me faire l'écho de ma collègue du Bloc québécois, Madeleine Dalphond-Guiral, qui s'inquiétait des généralisations de M. Beyer sur les avantages accordés aux couples de même sexe. Beaucoup, je pense, se sont énormément battus pour obtenir cette petite mesure. Il y a lieu de craindre qu'elle n'aille pas assez loin, mais nous ne voulons certainement pas revenir en arrière pour changer les définitions dans ce projet de loi.

Ma question va surtout porter sur ce qu'il faut faire afin d'attirer davantage d'immigrants. Alors, je m'adresse à Alice et à Al, et à tous les autres autour de la table... Dites-moi comment nous pourrions devenir plus concurrentiels sur le plan de l'immigration. Si nous ne faisons pas preuve de souplesse et si nous ne renforçons pas les dispositions relativement à la reconnaissance des titres de compétences étrangers, serons-nous véritablement concurrentiels, surtout quand on voit ce que font les autres pays qui accueillent des médecins formés à l'étranger?

Mon autre question touche à la famille. Des Manitobains, ce matin, nous ont fait deux recommandations sur la façon d'accroître les niveaux d'immigration au Canada en favorisant la réunification des familles. Ils nous ont notamment invités à modifier la définition de «dépendant» pour y inclure tout célibataire, sans égard à l'âge. J'aimerais bien entendre votre réaction à propos de ces suggestions.

On nous a aussi recommandé de modifier l'article 13, pour permettre le parrainage de n'importe quel parent ou ami, à condition que le parrain s'engage à assurer le soutien de la personne en question. Ma tournure n'est pas très raffinée, mais vous aurez sans doute compris le sens de la recommandation.

Comment réagissez-vous à ces deux propositions de modification. Pensez-vous que cela puisse poser problème et estimez-vous que notre comité devrait les appuyer?

Mme Alice Colak: S'agissant d'attirer plus d'immigrants au Canada, la question des compétences professionnelles est très compliquée et complexe, parce qu'il faut composer avec les associations et les organismes professionnels de même qu'avec les gouvernements provinciaux et fédéral. Je pense que des efforts ont été déployés à cet égard à l'échelon local, dans le cadre de certains projets, mais il reste encore beaucoup à faire dans l'ensemble.

Je pense que, pour attirer davantage d'immigrants, le soutien de la communauté est essentiel et qu'il faudra appuyer les communautés pour qu'elles soient en mesure d'offrir de tels services, je veux parler des communautés culturelles, des services sociaux et des groupes ou organisations communautaires, sans but lucratif, qui favorisent l'installation des immigrants. J'estime qu'il est important de reconnaître ce genre de travail dans les grandes et dans les petites villes. Nous pensons que les immigrants ne devraient pas uniquement se retrouver à Toronto, à Vancouver ou à Montréal, mais aussi dans les petits centres. Avant que cela se produise, il faut que les petits centres en question disposent des infrastructures d'accueil, qu'ils aient des réseaux de soutien pour accueillir et aider les nouveaux venus à s'installer et à s'adapter à leur nouvelle vie.

Le vice-président (M. John McCallum): Val a une remarque à faire.

• 1405

M. Valdemar Larsen: Je veux parler de la façon de s'y prendre pour attirer de nouveaux Canadiens qualifiés. Je soutiens, évidemment, qu'une de nos sources à cet égard est constituée par les étudiants internationaux. Le défi, en ce qui me concerne, va consister à faciliter le processus de recrutement de ces étudiants et à les inciter à venir au Canada.

Il leur en coûte cher de venir étudier au Canada. Ils contribuent de façon non négligeable à notre économie. En fait, je dirais qu'ils sont très intéressants sur le plan financier.

Récemment, nous leur avons causé beaucoup de problèmes. Comme nous sommes sur un marché très concurrentiel, ces gens-là vont ailleurs et nous les perdons. À court terme, nous perdons l'apport économique qu'ils représentent et, à long terme, nous perdons la possibilité d'en voir quelques-uns s'installer au Canada. Il est évident qu'ils ne s'installeront jamais chez nous s'ils considèrent que le Canada ne leur est pas favorable.

Alors, comment faciliter l'arrivée de ces gens-là? Eh bien, je crois que nous devons rationaliser très sérieusement le processus de demande d'inscription. C'est un des processus les plus longs et les plus byzantins qui soit pour reprendre un mot de notre président. Nos règlements sur l'immigration compliquent les choses, surtout par rapport à ceux qui sont en vigueur dans des pays concurrents, comme les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie. Des études le prouvent.

Il nous faut faire en sorte que les étudiants puissent plus facilement modifier leur statut quand ils sont au Canada afin de pouvoir réclamer la résidence permanente. Nous devons élargir leurs possibilités d'emplois à l'extérieur de nos campus et, bien sûr, nous devons nous montrer plus souples et accueillir leurs familles.

Nous devons améliorer la transparence et la cohérence du règlement d'application. Bien sûr, cette préoccupation se trouve renforcée par le fait que le règlement occupe une grande place dans le cas du projet de loi C-11.

Mme Wendy Danson: J'aimerais aussi répondre à la question de Mme Wasylycia-Leis, parce que je ne veux surtout pas que vous pensiez que les Albertains partagent le point de vue de M. Beyer. Loin s'en faut! En fait, je travaille moi-même pas mal dans le domaine de l'immigration avec des couples de même sexe et je peux vous dire qu'ils sont parmi les personnes les plus compétentes que le Canada puisse souhaiter accueillir. Ces gens font des demandes d'immigration et, en changeant la définition de conjoint, je pense que nous serons en mesure d'attirer les personnes compétentes que nous recherchons.

Pour attirer plus d'immigrants au Canada, outre le fait de hausser l'âge des enfants dont j'ai parlé plus tôt, je crois que nous devrions favoriser la venue des enfants mariés. Pour l'instant, ils sont exclus. Comme je le disais, il arrive souvent que des enfants âgés vivent encore au sein d'une unité familiale élargie. Or, ces gens-là ne peuvent pas immigrer au titre du regroupement familial parce qu'ils sont mariés de leur côté. J'ai constaté, pour ma part, que les enfants se marient jeunes parce qu'ils ne veulent pas laisser leur compagne ou leur compagnon derrière eux. Ils ne veulent pas accompagner leur père et leur mère et laisser l'être cher derrière. Or, à cause de cette disposition, nous passons à côté d'immigrants de valeur.

Le vice-président (M. John McCallum): Y a-t-il d'autres commentaires?

M. Roy Beyer: Selon moi, il n'est pas nécessaire d'élargir la définition de membre de la famille pour attirer des gens qualifiés.

Nous ne nous objectons pas au fait d'accueillir des gens qualifiés, quelle que soit leur orientation sexuelle. J'insiste bien sur le fait que c'est l'élargissement de la définition pour inclure les relations de fait ainsi que les partenaires de même sexe, qui nous chatouille à cause des revendications frauduleuses que cela pourrait occasionner. À moins que le comité n'ait une solution pour régler ce problème, nous continuerons d'estimer que nos préoccupations à cet égard sont légitimes.

Pour ce qui est de la question du parrainage de n'importe quel parent ou d'un ami, nous pensons que cette définition serait bonne, à condition que la personne s'engage à prendre l'immigrant à sa charge. En revanche, comment le ministère de l'Immigration va-t-il veiller à l'application de cette disposition?

Les statistiques nous indiquent que les relations de fait sont beaucoup plus instables que le mariage, et les personnes qui parrainent de tels couples doivent donc s'attendre à ce que ceux-ci éclatent à un moment donné. Ce serait faire fausse route que de s'engager dans cette voie.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci.

Yolande.

[Français]

Mme Yolande Thibeault: Bonjour à vous tous. Je m'appelle Yolande Thibeault. J'aimerais adresser une question à Mme Colak.

• 1410

Dans votre présentation, vous avez exprimé le voeu qu'un réfugié reçoive immédiatement le statut de résidant permanent en arrivant chez nous. Nous avons entendu ce commentaire à plusieurs reprises. Je voudrais savoir comment vous répondriez à ceux qui prétendent déjà que certains réfugiés se présentent ici pour court-circuiter le système, peut-être même au détriment de vrais immigrants, diront-ils, qui sont moins au courant des lois de l'immigration canadienne.

Je pense que vous n'avez pas très bien compris ma question. Il y a des gens qui prétendent qu'il y a des réfugiés qui se servent du système de réfugiés plutôt que de se servir de la loi pour venir ici comme immigrants. Vous dites maintenant qu'un réfugié devrait arriver chez nous et recevoir immédiatement le statut de résidant permanent. Comment justifieriez-vous alors ce geste à l'égard de l'immigrant qui attend plusieurs mois, et parfois plusieurs années, avant de venir chez nous?

[Traduction]

Mme Alice Colak: Je me dois d'apporter un éclaircissement ici. Ce que je voulais dire, c'est que les personnes à qui on a accordé le statut de réfugié ou de demandeur d'asile politique devraient automatiquement recevoir le statut d'immigrant reçu, plutôt que de devoir passer par la résidence permanente, dont l'obtention peut prendre du temps. Ainsi, tout se ferait au moment de l'obtention du statut de réfugié. Je suis désolée si vous m'avez mal comprise, je crois que j'aurais dû être plus claire.

Mme Yolande Thibeault: C'est effectivement le même genre de commentaire que nous avons entendu avant. Merci beaucoup.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci. Merci chers collègues pour la brièveté de vos interventions. Ce faisant, j'ai assez de temps pour faire deux ou trois courtes remarques et pour donner le dernier mot à Inky.

Je suis entièrement d'accord avec M. Larsen sur le fait que nous sommes en concurrence avec bien d'autres pays et que ce projet de loi nous permet de réaliser certains progrès. Toutefois, il nous faut aller encore plus loin. Ma collègue, Anita Neville et moi-même, étions récemment en Asie à l'occasion d'un voyage portant sur l'immigration. J'ai été surpris de voir le nombre de publicités que Singapour fait passer à la télévision chinoise, pour vanter les lieux et attirer les travailleurs. Nous avons donc à faire à une rude concurrence.

Deuxièmement, et ma remarque s'adresse à l'Association canadienne du Barreau, sachez que personne ici n'aime l'utilisation du terme «étranger» pour définir un résident permanent, et cela n'est pas simplement symbolique. Il est possible que le projet de loi donne l'impression qu'un agent de l'immigration pourra, dans certaines circonstances, déporter un résident permanent, mais nous proposons de le modifier pour que la personne visée par une telle disposition bénéficie d'un arbitrage indépendant, ce que la loi ne semble actuellement pas prévoir.

Enfin, nous aimons tous ici l'idée que les frères et les soeurs puissent faire partie du voyage, mais on m'a convaincu que si nous ouvrions complètement le robinet, notre système serait débordé dans la catégorie des immigrants économiques, parce que dans certains pays il y a encore des familles très nombreuses. Nous avons donc le choix entre contrôler ce genre d'immigration ou opter pour un système à l'américaine qui consiste à maintenir une liste d'attente de 20 ans. Il y a donc place pour accueillir davantage de frères et de soeurs comme nous le faisons actuellement, mais je ne crois pas qu'il soit envisageable d'ouvrir la porte à tous les frères et soeurs.

Inky, c'est à vous.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

Quelqu'un, ce matin, a fait une observation très intéressante à propos de l'article 190 que je vais vous lire. Il est très court. Il concerne la mise en oeuvre de la loi. J'aimerais que Wendy et Alice répondent à la question que je poserai ensuite.

    La présente loi s'applique, dès l'entrée en vigueur du présent article, aux demandes et procédures présentées ou instruites, ainsi qu'aux autres questions soulevées, dans le cadre de l'ancienne loi avant son entrée en vigueur et pour lesquelles aucune décision n'a été prise.

Seriez-vous d'accord avec une période de transition, d'un an par exemple, pour permettre l'application de cette loi. Si l'on n'opte pas pour une période de transition, quelle incidence la mise en oeuvre de cette loi aurait-elle sur les cas en suspens?

• 1415

Mme Wendy Danson: Je vais commencer. J'ai deux remarques à vous faire à cet égard.

Il est essentiel d'appliquer une période de transition, surtout parce que nous dépendons maintenant beaucoup d'un règlement qui n'a pas encore été présenté. Il faudra du temps pour savoir comment le règlement et la loi vont opérer de pair, et le ministère, mais aussi les avocats et les demandeurs auront besoin de temps pour s'ajuster.

Nous sommes bien sûr tout à fait d'accord avec l'adoption d'une période de transition et je pense qu'une année suffirait. Dans tous les cas, ce serait un bon départ.

Deuxièmement, il se trouve que le passage que vous venez de citer est précisément l'un des rares que j'ai jauni dans mon exemplaire du projet de loi. Beaucoup d'entre nous pensent que l'actuelle loi sur l'immigration confère davantage de droits aux immigrants que le projet de loi C-11. Nous estimons qu'il ne faudrait pas abandonner les droits actuellement garantis dans la loi, à l'occasion de l'adoption du projet de loi. Il existe plusieurs façons légales de faire en sorte que ces droits soient maintenus avant que la nouvelle loi n'entre en vigueur. C'est ce que nous vous recommandons de faire.

Mme Alice Colak: Je suis tout à fait d'accord avec ce que Wendy vient de dire.

Le vice-président (M. John McCallum): Eh bien, nous terminons donc sur une note harmonieuse. Nous sommes d'accord avec tout... ou presque.

Je tiens à remercier tout le monde pour sa participation dans des conditions moins qu'idéales. Nous allons maintenant interrompre la communication pour nous brancher sur la Saskatchewan.

Je tiens à vous dire que j'ai été très impressionné par la diversité et le sérieux de vos exposés. Vous avez su retenir l'intérêt des députés, à en juger d'après les questions qu'ils vous ont posées.

Au nom du comité, permettez-moi de vous remercier d'avoir participé à ces audiences. Merci et au revoir.

• 1418




• 1439

Le vice-président (M. John McCallum): Bonjour. M'entendez-vous à Regina?

Des voix: Oui.

Le vice-président (M. John McCallum): Je m'appelle John McCallum. Je vous souhaite la bienvenue à cette audience. Je suis désolé de ne pas être parmi vous. Nous venons juste de tenir une autre réunion par vidéoconférence avec Edmonton et ce n'est jamais la même chose que lorsqu'on rencontre les gens en personne. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvions faire mieux et je suis ravi de pouvoir vous joindre de la sorte.

• 1440

Comme nous n'avons que peu de temps, j'invite les témoins à limiter leurs exposés à cinq minutes et mes collègues à limiter leurs questions et réponses à cinq minutes également. Si nous y parvenons, tout le monde aura la chance de s'exprimer.

Nous allons commencer. Je vous invite à décliner le nom de votre organisation et vos noms pour que nous sachions exactement à qui nous avons à faire. Avant de commencer, il serait peut-être bien que vous vous présentiez brièvement à l'occasion d'un tour de table. Nous ferons la même chose ensuite de notre côté, après quoi nous pourrons commencer à entendre les témoins.

M. Keith Vallanda (Saskatchewan Anti-Racism Network): Je m'appelle Keith Vallanda et je représente le Saskatchewan Anti-Racism Network.

Mme Fiona Bishop (Saskatchewan Anti-Racism Network): Je m'appelle Fiona Bishop et je représente aussi le Saskatchewan Anti-Racism Network.

Mme Christine Lwanga (membre, Committee on Anti-Racism in Education and the Employment Sector; commissaire, Commission des droits de la personne de la Saskatchewan): Je m'appelle Christine Lwanga et je suis inscrite sous le nom du Comité de lutte contre le racisme dans l'enseignement et dans le secteur de l'emploi, mais je vais aussi m'exprimer en tant que commissaire des droits de la personne de la Saskatchewan.

Mme Lisa Cormode (Comité des réfugiés du Anglican Diocese of Saskatoon): Je m'appelle Lisa Cormode et je vais parler au nom du Comité des réfugiés du Diocèse anglican de Saskatoon.

Mme Helen Smith-McIntyre (Saskatoon Refugee Coalition): Je m'appelle Helen Smith-McIntyre et je représente la Saskatoon Refugee Coalition.

M. Amit Chakma (vice-président, Research and International Liaison Office, Université de Regina): Je m'appelle Amit Chakma et je représente l'Université de Regina.

Le vice-président (M. John McCallum): Parfait, j'ai bien vos cinq noms. Je vous invite donc à vous en tenir strictement à cinq minutes chacun. Veuillez m'en excuser, mais si nous ne le faisons pas, nous manquerons de temps.

Les noms que vous venez de nous donner ne correspondent pas exactement avec la liste que j'ai si bien que je vais vous demander, quand vous prendrez la parole, de vous présenter de nouveau et de nous dire à quelle organisation vous appartenez. Nous allons commencer par Helen Smith-McIntyre de la Saskatoon Refugee Coalition.

Mme Helen Smith-McIntyre: Excusez-moi, nous voulions changer l'ordre. Le représentant de l'Université de Regina voudrait passer en premier parce qu'il doit partir plus tôt. Est-ce que ça vous va?

Le vice-président (M. John McCallum): Ça me va très bien.

Donc, monsieur Amit Chakma, de l'Université de Regina, vous avez la parole.

M. Amit Chakma: Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité.

J'ai demandé à comparaître devant votre comité pour une raison sans doute différente de celle des autres groupes. Je suis ici pour insister sur le fait qu'il faut reconnaître l'importance des étudiants internationaux dans ce projet de loi sur l'immigration.

Comme les autres universités au Canada, l'Université de Regina essaie d'internationaliser son campus en adoptant une perspective nationale et internationale dans ses trois missions fondamentales, soit l'enseignement, la recherche et les services. Le recrutement d'étudiants internationaux contribue à la réalisation de cet objectif.

Notre université a été un pionnier dans le domaine de l'internationalisation depuis ses tout débuts. Nous sommes en effet la première université canadienne à avoir instauré les relations officielles avec une université chinoise. D'ailleurs, nous avons noué des relations officieuses avec la Chine bien avant que nos deux pays n'aient établi de relations diplomatiques.

Nous sommes aussi la seule université du monde avec qui le Congrès national populaire chinois ait noué des relations officielles. Nous offrons la possibilité au personnel du Congrès populaire de venir faire des études à Regina et de découvrir le système démocratique parlementaire canadien. Lors de la dernière mission de l'Équipe Canada, nous avons mis sur pied un programme de formation en politique gouvernementale, à l'intention des cadres supérieurs chinois.

Nous avons été les premiers à mettre sur pied des programmes d'enseignement avec des universités chinoises et thaïlandaises, programmes grâce auxquels les étudiants internationaux ont pu terminer les deux premières années d'université chez eux avant de venir finir leurs études à Regina.

Ces partenariats novateurs contribuent non seulement à la diversification de l'enseignement et de la vie culturelle sur notre campus, mais favorisent au développement économique et social de nos deux pays.

Les étudiants internationaux contribuent à plus d'un titre au Canada et à nos universités. Ils jouent un rôle déterminant dans la réalisation de nos objectifs d'internationalisation. Ils rapportent d'intéressants avantages économiques aux universités canadiennes et aux collectivités. Ainsi, les plus de 400 étudiants internationaux que nous avons à l'Université de Regina, génèrent 8 millions d'activité économique pour la ville.

• 1445

Plus important encore, le fait d'attirer chez nous des étudiants internationaux permet de répondre aux intérêts commerciaux et diplomatiques à long terme du Canada. Malheureusement, monsieur le président, le Canada est en train de passer à la remorque des autres pays parce qu'il n'a pas de stratégies de recrutement international cohérentes et que nos politiques et nos pratiques en matière d'immigration ne sont pas compétitives. La politique canadienne de l'immigration ne reconnaît pas l'importance que revêtent les étudiants internationaux et, ce faisant, certaines de nos missions de CIC à l'étranger ne semblent pas accorder toute la priorité voulue au traitement des demandes de visa pour étudiants. Les procédures sont tout simplement trop longues. L'année dernière, par exemple, 40 étudiants qui désiraient venir à Regina ont dû attendre plus de huit mois pour recevoir leurs visas d'étudiant à Beijing. Il faut que cela change, sinon nous ne serons plus concurrentiels avec d'autres pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni.

Nous appuyons chaudement la position de l'Association des universités et collèges du Canada et demandons au comité d'envisager d'apporter les changements suivants au projet de loi C-11:

—La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés devrait reconnaître le fait que les étudiants internationaux contribuent de façon non négligeable à la réalisation des objectifs du Canada dans les domaines de l'enseignement, de l'action sociale et du développement économique. La loi devrait en outre faire en sorte que le recrutement d'étudiants internationaux soit un objectif majeur pour Citoyenneté et Immigration Canada.

—Dans le passé, le taux d'acceptation des visas d'étudiants inscrits dans des universités canadiennes était élevé. Fort de ce constat, CIC devrait modifier l'actuelle formule de visa unique pour les étudiants et adopter un système établissant des différences par sous-secteur d'enseignement.

—Enfin, les projets pilotes d'accélération des visites médicales par le CIC devraient devenir la norme dans les missions canadiennes qui sont implantées sur des marchés cibles pour le recrutement des étudiants, par exemple en Chine et en Inde, avant de devenir la norme pour l'ensemble de nos missions à l'étranger.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup, monsieur Chakma, pour cette excellente présentation par ailleurs concise.

J'ai négligé de demander un tour de table ici, mais je crois que nous allons réserver les présentations pour la période des questions.

Qui veut passer ensuite? Est-ce la Saskatoon Refugee Coalition ou quelqu'un d'autre?

Mme Christine Lwanga: Je m'appelle Christine Lwanga.

Le vice-président (M. John McCallum): Et quelle organisation représentez-vous?

Mme Christine Lwanga: Je représente le Comité de lutte contre le racisme dans l'enseignement et le secteur de l'emploi, mais je vais aussi parler au nom de la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan. Mon exposé va porter sur la nécessité de prendre en compte les droits de la personne dans le projet de loi C-11.

Tout d'abord, je tiens à souligner que le projet de loi C-11, au paragraphe (3), plus précisément à l'alinéa 3(3)d), traite effectivement des droits de la personne. On peut y lire que le projet de loi a pour objet de faire en sorte que toute personne demandant à être admise au Canada soit sujette à des politiques et procédures normales, conformes à la Charte canadienne des droits et libertés. Je crois même qu'il va plus loin en stipulant que cela s'entend des principes de liberté et de non-discrimination. Je reconnais qu'il s'agit-là d'une inclusion très importante dans la loi, mais je veux tout de même soulever certaines préoccupations que je juge importantes.

Tout d'abord, il convient que le projet de loi se situe dans le contexte de l'immigration, le Canada étant un pays d'immigrants, sans compter que, dans le passé, il est arrivé que les politiques canadiennes d'immigration aillent à l'encontre des droits de la personne. À la commission des droits de la personne, nous avons un vidéo portant sur la violation des droits humains, notamment à cause des dispositions de la Loi sur l'immigration.

• 1450

Nous savons que, par le passé, le Canada a déjà exclu certaines communautés qu'il n'a pas voulu accueillir. Par exemple, nous savons qu'à une époque les Sikhs ont été refusés et que les Juifs n'ont pas pu, au même titre que les autres, entrer au Canada. Nous savons, par ailleurs, que des personnes d'ascendance africaine ont fait l'objet de discrimination, en Saskatchewan mais aussi ailleurs au Canada. Elles sont traitées de façon inéquitable, encore aujourd'hui, bien que nous disposions d'une loi et d'une charte des droits visant à protéger leurs droits à l'égalité. J'estime donc qu'il est très important de replacer le projet de loi C-11 dans le contexte historique de l'immigration au Canada.

En plus des autres facteurs qu'il convient de mentionner pour, justement, replacer ce projet de loi dans le contexte historique de l'immigration au Canada, il ne faut pas oublier les peuples autochtones. Dans l'article sur les droits de la personne, il est question de la nécessité de reconnaître le Canada en tant que pays bilingue, de reconnaître que le français et l'anglais sont les deux langues officielles. Mais il faut aussi situer cet article dans le contexte historique du Canada dont les Autochtones font partie. À l'heure où nous faisons la promotion du Canada en tant que pays d'immigration, nous devons tout autant promouvoir les droits à l'égalité des peuples autochtones.

Je tenais à mentionner cela parce qu'en Saskatchewan nous avons un grand nombre d'Autochtones. Je serais très mal à l'aise de promouvoir l'immigration et d'essayer de parvenir à une assise démographique viable en Saskatchewan, sans promouvoir dans le même souffle les droits à l'égalité de nos peuples autochtones.

Je pense qu'il faut situer ce projet de loi dans le contexte global du monde dans lequel nous évoluons. D'après ce que j'ai lu, j'ai l'impression que les rédacteurs sont partis du principe que le Canada est protégé par une bulle. On y parle de nos besoins d'immigration, mais on ne tient pas compte des pressions démographiques qui règnent ailleurs dans le monde. Il nous faut donc nous situer plus généralement par rapport à ces pressions démographiques globales. Nous devons reconnaître les besoins de la population du Canada mais, en même temps, il nous faut tenir compte des pressions démographiques qui règnent ailleurs dans le monde.

Mon autre préoccupation concerne donc l'article 3, c'est-à-dire l'objet de la loi et sa mise en oeuvre, et surtout les alinéas 3(1)h) et 3(1)i). Comme le projet de loi ne se situe pas dans un contexte historique plus large et ne tient pas compte des autres aspects importants pour l'immigration, il se préoccupe surtout de la criminalité des immigrants.

Par exemple, nous n'avons pas reconnu l'importance de l'immigration dans ce pays ni la contribution des immigrants...

Le vice-président (M. John McCallum): Excusez-moi. Je suis désolé de devoir vous interrompre, mais nous ne disposons que d'un temps limité et votre temps est écoulé. Pouvez-vous conclure en 15 secondes ou à peu près?

Mme Christine Lwanga: Je vais essayer de vous résumer mes préoccupations en vous lisant mes recommandations.

D'abord, je recommande que le projet de loi soit replacé dans le contexte historique de l'immigration au Canada, et qu'il reconnaisse la place des peuples autochtones. Il importe que ce projet de loi reconnaisse les violations qui ont été commises dans le passé sur le chapitre des droits de la personne dans le domaine de l'immigration et qu'il veille à ce que de telles violations ne se répètent pas dans l'avenir. Je recommande donc essentiellement d'inscrire un préambule dans ce projet de loi.

Je voulais vous dire aussi que, s'agissant de la notion d'égalité, il nous faut reconnaître que celle-ci ne se ramène pas uniquement à une égalité de traitement. Pourtant, c'est ainsi qu'on considère souvent l'égalité, mais j'aimerais qu'on précise dans la définition qu'il s'agit en fait d'équité, c'est-à-dire d'égalité de considération plutôt que d'égalité de traitement.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup pour votre exposé. Je regrette de devoir être aussi strict sur le temps de parole, mais si je ne le fais pas tout le monde n'aura pas la possibilité de s'exprimer.

Qui veut parler ensuite?

• 1455

Mme Fiona Bishop: Nous. Je m'appelle Fiona Bishop du Saskatchewan Anti-Racism Network.

Je commencerai par dire qu'en tant que loi-cadre, le projet de loi C-11 laisse beaucoup trop de place au règlement. Nous craignons qu'il soit par trop facile de modifier les règles sous l'effet des pressions politiques ou du lobbying de la part du public, changement qui pourrait ne pas être dans le meilleur intérêt des récents immigrants. Nous croyons qu'il faudrait préciser les règles dans la loi plutôt que de s'en remettre au règlement.

Nous croyons que beaucoup trop de pouvoirs discrétionnaires ont été donnés aux agents de l'immigration. Nous soulignons dans notre mémoire, que vous devez avoir en main—je ne vais d'ailleurs pas vous le lire—le genre de formation qu'il faudrait offrir aux agents de l'immigration. Comme ils seront investis d'une énorme responsabilité, il est important qu'ils reçoivent la formation voulue pour avoir une idée du genre de politique de l'immigration fondamentalement raciste que nous avons eue dans ce pays jusqu'ici. Nous espérons que ce projet de loi fera l'objet de certains progrès à cet égard. Il faudrait, dans le cadre de la formation qui leur sera offerte, les exposer à une analyse sous l'angle de la lutte contre le racisme et de la sexospécificité, pour qu'ils sachent ce que veut dire racisme institutionnel et systémique, qu'ils connaissent les normes internationales en matière de droits de la personne et qu'ils s'acquittent de leurs fonctions de façon juste et équitable.

Nous n'insisterons jamais assez sur cet aspect. Il est très important que les gens qui seront appelés à prendre ce genre de décision comprennent bien tous ses aspects.

Par ailleurs, je tiens à dire à quel point il importe que ce projet de loi soit conforme aux normes internationales en matière de droits de la personne. Les traités de l'ONU que le Canada a signés, notamment celui sur la torture et celui sur les droits de l'enfant, doivent être respectés au point que nous puissions résister à l'examen international le plus poussé. Il faudra soumettre ce projet de loi à l'aval de ces organisations, avant d'y apporter une touche finale.

Autre chose. Je ne suis pas forcément l'ordre dans lequel tous ces points sont abordés dans mon mémoire. On ne devrait pas contingenter le nombre d'immigrants et de réfugiés au Canada. Les pouvoirs de détention ne devraient pas être élargis. Voilà un autre aspect qui nous préoccupe.

Nous sommes également inquiets de voir la progression du trafic d'êtres humains. Il est très important de protéger les victimes. Il faut couvrir cet aspect un peu mieux dans le projet de loi.

Il faut aussi préciser reprendre dans le projet de loi les propositions formulées plus tôt à propos de la réunification des familles. Nous pensons que cet aspect a été occulté ou, du moins, nous ne l'avons pas trouvé. Il faut absolument inclure cela.

S'agissant des membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, il faut préciser qu'ils sont investis d'une énorme responsabilité si bien qu'il faudrait adopter des normes claires, ouvertes et responsables relativement à la nomination de ces personnes. Il faut disposer d'un processus transparent, échappant au phénomène des nominations politiques. Nous recommandons de le soumettre, par exemple, à l'examen du Conseil canadien pour les réfugiés et d'autres organisations comme le Congrès du travail du Canada, qui devraient aussi avoir leur mot à dire dans le choix des membres. D'ailleurs, on pourrait aller jusqu'à réserver des sièges pour que ces groupes soient représentés à la Commission, parce qu'ils ont une excellente fiche de route dans ce domaine et qu'il faut les écouter.

Le vice-président (M. John McCallum): Excusez-moi. Excusez-moi de vous interrompre, mais il vous reste 20 secondes. Je vous en prie.

Mme Fiona Bishop: Parfait.

Le procédures d'appel pour les demandeurs du statut de réfugié sont une bonne chose, mais il faut les élargir à d'autres domaines.

• 1500

La séparation entre immigration et protection des réfugiés est une bonne chose, de même que les définitions connexes, mais il faudrait en dire davantage sur le droit des réfugiés de se prévaloir des programmes de réinstallation.

Nous tenions simplement à signaler qu'il s'agit d'une loi-cadre et qu'il faudrait mettre plus de choses dans le projet de loi lui-même que dans le règlement, pour qu'on ne change pas trop souvent de fusil d'épaule, au gré des décideurs.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup pour cet exposé que j'ai apprécié.

Qui veut intervenir ensuite?

Mme Helen Smith-McIntyre: Je veux bien. Je m'appelle Helen Smith-McIntyre et je représente la Saskatoon Refugee Coalition.

Je remercie les membres du comité permanent de m'avoir donné la possibilité de venir lui présenter mon point de vue. Je suis heureuse d'être ici, même si c'est par vidéoconférence.

Ce que je veux vous dire aujourd'hui, c'est qu'il faut assurer la sécurité, la protection et le respect des réfugiés. Je vais vous parler davantage de ces principes que des détails de la loi. Je vous invite à lire notre mémoire et, après cela, à décider du genre de modifications particulières qu'il conviendra d'apporter à la loi pour refléter les principes que je vais vous mentionner.

La Saskatoon Refugee Coalition se consacre surtout à l'assistance des réfugiés en quête de sécurité. Nous sommes au courant des persécutions, des tortures, des détentions arbitraires, des enlèvements et des exécutions extrajudiciaires qui prennent place dans le monde. Ces événements se produisent à chaque instant en un point ou en un autre de la planète.

La Refugee Coalition est là pour aider les victimes de telles exactions. Nous savons que seul un petit nombre de réfugiés dans le monde choisiraient de venir au Canada ou auraient les moyens de le faire. La Refugee Coalition prêche ardemment en faveur d'un processus d'évaluation et d'intégration qui soit respectueux de la situation et de la sécurité de ceux et de celles qui décident de venir au Canada et qui y parviennent.

Les réfugiés dont nous nous sommes occupés ont enrichi la vie des membres de la coalition. Nous voulons que le plus grand nombre possible de réfugiés, en provenance de partout dans le monde, puissent être acceptés chez nous. Nous sommes intimement convaincus que notre pays, le Canada, est investi d'une responsabilité majeure: celle d'assurer la protection des gens qui fuient la persécution. Nous voulons être fiers de notre pays et, pour cela, il faut que le Canada se dote de politiques et de processus véritablement humanitaires. Notre pays doit appliquer les valeurs de la Convention de Genève, de la Convention sur la torture, de la Convention des droits de l'enfance ainsi que de tous les autres documents internationaux que le Canada a ratifiés.

Nous prenons très au sérieux les responsabilités que nous assumons envers les réfugiés. Nous ne voulons pas être responsables du retour de quelqu'un dans un pays où il sera de nouveau confronté à la torture, à la détention arbitraire, à l'enlèvement ou à une exécution. Nous ne voulons même pas avoir l'impression d'avoir contribué d'une façon ou d'une autre à traumatiser de nouveau ceux qui ont été soumis à des chocs électriques, qui ont été battus, violés, menacés de mort ou qui ont subi d'autres atrocités.

Vous aussi, à l'occasion de l'examen de cette mesure législative, êtes appelés à assumer le même niveau de responsabilité pour veiller à ce que cette loi protège effectivement les réfugiés. Nous sommes investis de la même responsabilité: faire en sorte que cette loi ne permette pas le renvoi de certaines personnes dans des pays où elles seront de nouveau persécutées. Nous sommes investis de la responsabilité de faire en sorte que cette loi garantisse l'application de processus humains à des gens qui ont déjà été brutalisés et ont déjà souffert d'atrocités.

• 1505

Dans notre mémoire, nous nous disons très attristés par le libellé du projet de loi et par l'attitude qui s'en dégage, de même que par la couverture médiatique dont le projet de loi a fait l'objet. On devine davantage, dans la partie traitant des réfugiés, la volonté de repousser les criminels et les revendicateurs fraudeurs que la volonté de protéger les réfugiés. On en tire donc l'impression que les réfugiés sont des exploiteurs du système et que nous devons protéger nos frontières à tout prix. Le terme «étranger» est aliénant et il crée une classe à part.

Je tiens à faire deux remarques à ce propos. D'abord, le libellé de la loi et l'attitude qui s'en dégage colorent la perception que nos concitoyens ont des réfugiés. Deuxièmement, de telles attitudes ne reflètent pas la réalité. Statistiquement, seuls quelques demandeurs du statut de réfugié peuvent être considérés comme des exploiteurs du système, des terroristes ou des criminels. La très vaste majorité d'entre eux qui acceptent de venir résider au Canada sont des gens sincères, honnêtes et travailleurs qui cherchent simplement un lieu sûr où poursuivre leur vie.

Depuis plusieurs années, le milieu des ONG réclame que les procédures relatives aux réfugiés soient axées sur l'identification des demandeurs. Nous estimons, depuis toujours, que c'est à cela que doivent servir les procédures, car elles permettraient alors d'éliminer les soi-disant exploiteurs du système. Les procédures où l'on part du principe que tout demandeur est un exploiteur portent tort aux réfugiés et, par exemple, plutôt que d'avoir à prouver qu'elle est effectivement réfugiée, la personne doit prouver qu'elle n'est pas criminelle.

Le vice-président (M. John McCallum): Excusez-moi, je suis désolé de vous interrompre. Je vous ai laissé parler pendant près de six minutes. Je sais qu'il s'agit-là de questions de vie ou de mort, mais j'aimerais que vous concluiez maintenant.

Mme Helen Smith-McIntyre: J'arrivais au paragraphe de conclusion.

Nous avons conclu notre analyse de la loi par une question: comment pourrait-on modifier ou améliorer cet article pour que les réfugiés trouvent, chez nous, un havre de paix et soient traités avec respect? Voilà une question que vous devriez vous poser à propos de toutes les autres parties de ce projet de loi.

Merci.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.

Je ne devrais peut-être pas m'excuser après chaque exposé mais, vous savez, nous sommes vraiment limités par le temps. Voilà pourquoi je me dois de faire respecter le chronomètre beaucoup plus sérieusement qu'à l'habitude.

Qui va prendre la parole ensuite?

Mme Lisa Cormode: Je m'appelle Lisa Cormode et je représente le Comité des réfugiés du Diocèse anglican de Saskatoon, parce que Klaus Gruber n'a pas pu venir ce matin. Il m'a appelée d'Ottawa à ce sujet hier. Je suis professeure adjointe à l'Université de la Saskatchewan et je suis aussi assistante de recherche au projet Métropolis.

Je vais commencer par vous mettre en contexte. La question des réfugiés est très importante à Saskatoon, parce que ces gens-là représentent maintenant une partie importante des immigrants arrivant dans la province. Le Diocèse anglican de Saskatoon a conclu un accord de partenariat avec CIC. Comme nous cherchons à favoriser le parrainage privé, nous recrutons activement des parrains qui répondent à ce critère. En outre, nous les formons, nous les préparons et nous les soutenons. Le diocèse est membre de la Coalition des réfugiés de Saskatoon ainsi que du Conseil canadien pour les réfugiés.

Je tiens à souligner l'importance des efforts déployés par des groupes comme les nôtres, parce que ces dernières années le gouvernement a eu de la difficulté à atteindre ses objectifs relativement aux réfugiés. Le niveau de parrainage par des privés a reculé et n'est plus maintenant que de 2 500 réfugiés par an. C'est tout à fait insuffisant étant donné la taille du Canada, notre niveau de richesse et les circonstances.

Je vais souligner très rapidement certains des obstacles que nous avons rencontrés sur notre route pour stimuler le parrainage privé des réfugiés: d'abord, les médias présentent les réfugiés comme des criminels dangereux ou des resquilleurs. Deuxièmement, il arrive souvent que des parrains potentiels soient découragés par le genre de décisions excessives et quelque peu arbitraires prises outremers, des décisions qui occasionnent des délais d'attente atteignant souvent deux ans si ce n'est plus. Troisièmement, il règne une certaine confusion dans la différence entre réfugié et immigrant.

• 1510

Nous entretenons plusieurs préoccupations à propos du projet de loi C-11 et je me propose aujourd'hui de les commenter rapidement. Je passerai ensuite à une autre question, celle de l'immigration des travailleurs religieux, dont il n'a pas encore été question à votre comité, si je ne m'abuse.

Tout d'abord, nous tenons à signaler notre accord avec le contenu du mémoire du Conseil canadien pour les réfugiés. Nous entretenons les mêmes inquiétudes vis-à-vis de l'urgence avec laquelle on semble vouloir adopter ce projet de loi. Il semble qu'il n'y a pas eu assez de consultations et que de nombreuses personnes ainsi que de nombreuses ONG, qui veulent faire part de leur opinion, ont beaucoup de difficulté à se faire entendre.

Passons donc aux questions qui nous préoccupent le plus. Le Canada est un vaste pays dont les régions différentes vivent des expériences différentes en matière d'immigration. J'estime qu'il est particulièrement important que ces points de vue régionaux soient entendus.

Nous sommes, comme bien d'autres, inquiets de voir qu'on insiste désormais moins sur la loi et plus sur le règlement qui peut être changé sans que le Parlement n'ait à intervenir. Nous sommes préoccupés par les différences de traitement, dans le processus de traitement des revendications, entre ce qui se fait à l'étranger et ce qui se fait au Canada.

Nous sommes également préoccupés par la procédure appliquée par la CISR. À l'heure actuelle, le personnel de la Commission s'occupe de certaines régions géographiques. Les gens de Calgary ou de Montréal servent certaines collectivités. Nous pensons qu'il serait plus efficace de regrouper le personnel par domaine de spécialité, par exemple la persécution sexuelle, les agressions sexuelles ou des régions ou des pays particuliers. Le personnel pourrait ensuite entendre les causes suivant ces classifications.

Vous devez vous rendre à une évidence: ces questions-là sont affaire de vie ou de mort. Il est très important que les revendications des réfugiés soient entendues par des gens compétents, plutôt que par des personnes nommées pour leurs relations politiques avec des ministres ou avec le parti au pouvoir.

Pour ce qui est de l'analyse des dossiers à l'étranger, nous tenons à exprimer nos réserves au sujet de l'insistance beaucoup trop grande que l'on place sur la capacité des immigrants de réussir leur établissement au Canada. Selon nous, il faut beaucoup plus chercher à leur apporter une protection qu'à exiger d'eux une telle capacité.

Nous appuyons l'élargissement des dispositions relatives à la réunification des familles. Nous aurions souhaité vous voir aller au-delà du modèle de la famille nucléaire canadienne pour englober les cousins germains, par exemple, comme le fait l'Australie.

Nous croyons aussi qu'il est très important que les réfugiés puissent devenir des résidents permanents le plus vite possible.

En résumé, nous estimons essentiel que le projet de loi C-11 se conforme aux conventions internationales sur les droits de la personne et à nos obligations associés à la Convention des Nations Unies sur les réfugiés. Nous ne sommes pas persuadés que tel soit le cas.

Pour passer très rapidement à la question des travailleurs religieux immigrants, il se trouve que l'actuelle Loi sur l'immigration renferme des dispositions particulières permettant aux membres du clergé, aux travailleurs des églises et aux travailleurs d'organismes caritatifs et religieux d'entrer au Canada. On ne retrouve pas une telle disposition dans le projet de loi C-11 ni dans le règlement en découlant. Selon nous, il s'agit-là...

Le vice-président (M. John McCallum): Excusez-moi, je suis désolé de devoir vous interrompre, mais vous avez plus que dépassé le temps qui vous était alloué. Pourriez-vous essayer de conclure tout de suite votre intervention? Merci.

Mme Lisa Cormode: Je conclurai simplement en disant que le projet de loi C-11 et le règlement en découlant devraient traiter spécifiquement du cas des membres du clergé et des employés d'organisations religieuses. Nous devons prévoir les dispositions législatives concernant particulièrement l'immigration de ces gens-là et nous devons établir des lignes directrices très claires quant à ce qui constitue un travail religieux et des fonctions religieuses admissibles.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.

Nous avons deux autres groupes à entendre, l'un de 14 h 30 à 15 h 30 et l'autre de 15 h 30 à 16 h 30. Il y aura un certain recoupement, ce qui est parfait. Je me demande si nous devons passer tout de suite à la série des questions. Combien d'autres groupes présents dans la salle nous reste-t-il à entendre?

Une voix: Aucun. Le prochain groupe arrive à 14 h 30.

Le vice-président (M. John McCallum): Tout le monde a donc fait son exposé pour cette série?

Une voix: Non, il y en a un autre.

Le vice-président (M. John McCallum): Parfait, nous allons passer aux questions.

Je tiens à me présenter tout d'abord, parce que les autres députés le feront à leur tour. Je m'appelle John McCallum et je suis député libéral de Markham.

Je tiens brièvement à formuler quelques remarques que nous avons faites lors de nos audiences plus tôt aujourd'hui et hier à Vancouver. Je vais répondre à certaines de vos préoccupations mais pas à toutes.

• 1515

Tout d'abord, aucun des membres de notre comité n'apprécie l'expression «étranger» pour décrire un résident permanent.

Deuxièmement, nous avons recommandé de modifier le projet de loi pour que les questions les plus importantes, celles touchant à la politique et aux principes, soient couvertes dans la loi plutôt que dans le règlement.

Troisièmement, s'agissant des pouvoirs discrétionnaires des agents de l'immigration, nous avons formulé plusieurs amendements qui viseront à limiter ces pouvoirs, tant en ce qui concerne le droit de déporter des résidents permanents que d'examiner leur situation. Ces pouvoirs seront limités et aucun résident permanent ne pourra être déporté sur la seule décision d'un agent de l'immigration.

Voilà donc les aspects dont vous n'avez sûrement pas entendu parler parce que nous en avons discuté hier en comité et ce matin. Je crois toutefois que ces décisions répondent à certains des points que vous avez soulevés.

Je vais maintenant céder la parole à M. Inky Mark qui va entamer la série de questions.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Inky Mark. Je suis député allianciste, porte-parole en chef de l'opposition pour ce comité et également vice-président du comité. Je vais en fait céder la parole à ma collègue de la Saskatchewan qui va vous poser une question.

Mme Lynne Yelich: Merci et bienvenue au comité. Je m'appelle Lynne Yelich et je représente la circonscription de Blackstrap.

Comme John vous l'a indiqué que nous avons déjà entendu de la bouche de témoins qui vous ont précédés ce que vous avez déclaré ce matin, et je ne reviendrai pas sur ces aspects.

Je voudrais que nous parlions un peu de la Saskatchewan qui a une population très diversifiée et qui accueille des immigrants et des réfugiés venant du monde entier. Comme nous avons une économie essentiellement agricole, j'aimerais que vous nous disiez dans quelle mesure les réfugiés et les immigrants parviennent à s'intégrer à notre société? Comment pourrait-on améliorer cette loi pour insister sur le soutien à l'établissement et l'intégration en Saskatchewan. Qu'avez-vous à suggérer sur ce plan? Quelqu'un a parlé de régionalisme. Avez-vous une proposition particulière à faire?

M. Keith Vallanda: Je m'appelle Keith Vallanda et je suis du Saskatchewan Anti-Racism Network. Je suis moi-même immigrant au Canada.

L'un des problèmes auxquels nous nous heurtons sur le plan de l'immigration est celui de l'accréditation, c'est-à-dire de la reconnaissance des études et de l'expérience professionnelle. Des gens comme moi essaient de trouver un travail après leur arrivée, mais ils se font dire qu'ils n'ont pas assez d'expérience canadienne, même s'ils ont travaillé 20 ans dans un domaine donné. C'est une forme de discrimination.

Il nous faut trouver une façon de faire correspondre les accréditations, pour donner la possibilité aux gens de trouver un emploi raisonnable. Ensuite, comme citoyens productifs, ils pourront devenir des contribuables et ainsi de suite. C'est un véritable problème, parce qu'il n'existe pas de normes provinciales et qu'il n'y a pas non plus de normes nationales. Pour bien des immigrants et des réfugiés auprès de qui j'ai travaillé au fil des ans, l'accréditation est une source de problèmes constants.

Mme Lynne Yelich: C'est exactement ce qu'on nous a signalé ce matin et c'est certainement un aspect sur lequel nous allons nous pencher.

Le vice-président (M. John McCallum): D'autres remarques, Lynne?

Mme Lynne Yelich: Oui, j'aimerais entendre une autre remarque.

Mme Christine Lwanga: Je vais ajouter quelque chose à ce qui vient d'être dit.

Il arrive bien souvent que ce soit les membres de minorités visibles qui ont de la difficulté à se faire accréditer. Pour en revenir à ce que je disais plus tôt, il est très important que les agents de l'immigration soient sensibilisés aux inéquités historiques de ce pays.

Il arrive très souvent que les gens doivent se battre pour faire reconnaître leurs titres de compétence et qu'ils ne parviennent pas à obtenir un travail dans leur domaine. Je connais des gens, au Canada, qui ont une maîtrise mais qui sont gardiens de stationnements, parce qu'ils ne peuvent pas trouver d'autres emplois. La plupart du temps, ce sont les membres de minorités visibles ou des personnes qui ne parlent pas couramment l'anglais ni le français qui se retrouvent dans ce genre de situation. Ce n'est pas un phénomène nouveau, c'est un phénomène historique. Il est donc très important que vous en teniez compte.

• 1520

Il est aussi très important que vous reconnaissiez le contexte historique des inégalités. Sinon, nous continuerons d'exclure certains membres de la collectivité et allons les déshumaniser. On pourra toujours continuer d'accueillir des gens dans ce pays mais sans leur permettre de participer en tant que citoyens de plein titre.

Un témoin: Je veux ajouter deux choses. D'abord, il faut accélérer le traitement des demandes à l'étranger pour encourager le parrainage par des particuliers.

Comme vous le savez, nous nous sommes demandés en Saskatchewan si nous devions encourager le parrainage des réfugiés par des collectivités rurales, à la fois pour répondre à l'intérêt soutenu exprimé par ces collectivités et pour corriger le déclin de la population rurale.

En pratique, nous avons des difficultés à offrir des services aux réfugiés dans les régions rurales. Dans certains cas, cela tient à la mentalité des employés de CIC. Il est possible, à l'échelon national, que ces employés ne soient pas au courant de ce qui peut se faire dans les collectivités rurales des prairies.

Un témoin: J'ai autre chose à ajouter. Si je me rappelle bien, vous avez d'abord posé une question au sujet des travailleurs agricoles, n'est-ce pas? Peut-être qu'en votre qualité de député de la Saskatchewan, vous pourriez faire pression sur le gouvernement provincial pour qu'il inclue les travailleurs agricoles dans les normes de travail. Il nous est difficile de promouvoir la venue d'étrangers au Canada pour travailler dans le secteur agricole quand ce secteur n'est même pas visé par les normes fondamentales du travail et de la syndicalisation. Ces travailleurs ont pourtant besoin de ce genre de protection.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.

Je vous rappelle que nous sommes tout à fait d'accord avec la nécessité de tenir compte des sensibilités régionales. C'est d'ailleurs pour cela que nous étions à Vancouver hier, que nous nous sommes entretenus avec des gens du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta aujourd'hui et que, demain, nous serons à Toronto avant d'aller à Montréal puis à Halifax. Je suis certain que nous en saurons beaucoup plus quand nous reviendrons à Ottawa.

Je passe maintenant la parole à Anita Neville.

Mme Anita Neville: Bonjour. Je m'appelle Anita Neville et je suis députée libérale de Winnipeg South Centre. Je suis heureuse que vous ayez pu vous joindre à nous aujourd'hui, même si c'est par téléconférence. Je me réjouis en effet de la possibilité de pouvoir vous entendre.

Vous avez presque tous parlé d'un thème dont il a été question plus tôt ce matin, c'est-à-dire la nature du projet de loi. L'un de vous, je crois, a dit que cette mesure insiste davantage sur la question de la criminalité des immigrants que sur l'apport positif que ces gens-là représentent pour le Canada.

Christine, vous avez parlé de l'importance du contexte historique de l'immigration dans ce pays, de même que de la nécessité de reconnaître les Premières nations dans le projet de loi.

Quelqu'un d'autre pourrait-il réagir à ce sujet et nous faire des recommandations sur la façon de modifier le projet de loi?

Je m'adresse aussi à M. Chakma, de l'Université de Regina. Vous nous avez fait part d'un certain nombre de difficultés relativement au traitement des visas d'étudiants, surtout à partir de la Chine. Vous avez aussi parlé d'un programme pilote portant sur le traitement accéléré des dossiers médicaux. J'espère que vous avez obtenu des résultats positifs avec les étudiants qui fréquentent votre université.

Je vous pose cette question parce que M. McCallum et moi-même étions en Corée, récemment, où les gens de CIC ont pu émettre près de 12 000 visas d'étudiants en l'espace de deux ou trois jours. Cet excellent résultat est en partie attribuable au fait que les dossiers médicaux ont été déposés en même temps que les demandes. J'aimerais donc que vous nous parliez un peu plus de votre expérience du côté des visas étudiants et de l'assouplissement des conditions réservées aux étudiants internationaux.

M. Amit Chakma: L'expérience est mitigée sur ce plan. Nous veillons à sélectionner des étudiants de haut calibre pour notre université. Pour cela, nous avons établi des liens avec des universités de renom en Chine, qui s'occupent du recrutement pour nous.

• 1525

Quant à nous, il suffit aux agents de l'immigration en poste à Beijing d'examiner les dossiers préparés d'avance. Les risques qu'un criminel se glisse dans le lot, compte tenu des modalités en place, est très mince. Malheureusement, tous les dossiers font l'objet du même examen minutieux et il est vrai que le problème des transfuges de la mer chinois complique les choses.

Au début de nos campagnes de recrutement, les services de l'immigration nous garantissent que le traitement des demandes de visa ne nécessitera que deux ou trois mois. Nous engageons donc les procédures et nous nous attendons à ce que les étudiants nous arrivent en septembre, ce qui n'est pas le cas parce qu'il y a toujours des retards. Ils obtiennent tout de même leurs visas—ce qui est fort bien—mais huit mois plus tard, ce qui complique les choses du côté du programme d'enseignement et il est alors très difficile pour ces étudiants de prendre le train en marche.

Tous ceux qui participent à ce processus sont aussi très frustrés parce que nous essayons de réserver des espaces en résidence pour ces étudiants, et que nous ne savons jamais quand ils vont arriver. C'est vrai, ils finissent toujours par obtenir leurs visas, mais les délais d'obtention sont absolument inacceptables.

Le vice-président (M. John McCallum): Anita, avez-vous d'autres questions à poser?

Mme Anita Neville: J'aimerais entendre ce que d'autres ont à dire. L'un d'entre vous, je crois, a dit que la loi insiste davantage sur l'aspect criminalité des immigrants que sur les côtés positifs. Quelle proposition concrète pourriez-vous faire pour corriger cette situation?

Le vice-président (M. John McCallum): Nous aurons le temps d'entendre une remarque à ce sujet.

Un témoin: Je fais partie de ceux qui ont soulevé cette réserve à propos des réfugiés et pas nécessairement à propos des immigrants, mais je pense qu'il s'agit-là d'une même réalité.

Nous sommes frustrés parce que nous ne savons pas pourquoi nous n'entendons jamais parler du grand nombre de réfugiés qui parviennent à s'établir sans problème au Canada et qui y travaillent si fort. Pourquoi la loi ne reconnaît-elle pas ce que sont les réfugiés, le genre de traumatisme qu'ils ont connu et leur besoin de sécurité? Pourquoi la loi se concentre-t-elle sur une petite minorité de gens qui font problème, sur les quelques-uns qui s'écartent de la norme? Il est frustrant de ne pas savoir pourquoi on a adopté une telle orientation dans la loi. Sur quelles statistiques, sur quelles attitudes et sur quels préjugés s'est-on fondé pour en arriver là?

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à Madeleine Dalphond-Guiral.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Bonjour. Je vais vous répéter mon nom. Je m'appelle Madeleine Dalphond-Guiral. Je suis députée de Laval-Centre et je représente le Bloc québécois.

La grande majorité de vos préoccupations ont été exprimées par bon nombre de témoins. Je voudrais poser deux questions. La première s'adresse à Mme Chakma. Vous avez parlé d'établir une stratégie efficace pour attirer un nombre intéressant d'étudiants internationaux. Pensez-vous qu'un projet de loi comme le projet de loi C-11, en plus de faciliter l'émission de visas d'étudiants et de leur permettre d'occuper un emploi temporaire le temps qu'ils sont aux études, doive élaborer une telle stratégie? Une fois que ces paramètres sont dans la loi, n'appartient-il pas plutôt aux établissements d'enseignement collégial et universitaire de faire montre d'imagination? Voilà ma première question.

Ma deuxième question s'adresse à Mme Smith-McIntyre. Dans votre mémoire, vous avez fait allusion à l'importance de bien sélectionner les commissaires qui, finalement, jugent les demandes qui leur sont soumises. J'aimerais que vous me mentionniez, si cela vous est possible, un certain nombre de critères qui, pour vous, sont essentiels.

• 1530

[Traduction]

M. Amit Chakma: Je vous remercie pour votre question.

Vous avez tout à fait raison. Les universités canadiennes doivent se montrer novatrices et entreprenantes et, selon moi, c'est ce qu'elles font déjà. Lors de la dernière mission de l'Équipe Canada, les universités canadiennes ont conclu plus de 30 ententes avec la Chine, et je pourrais vous donner bien d'autres exemples du genre.

Dans cette loi, il faudrait adopter certaines des orientations suggérées par mes voisins: plutôt que de se concentrer sur la criminologie, la loi devrait s'attarder au côté positif de l'immigration. Il faut aussi envisager le bon côté des choses.

Cette loi devrait signaler clairement à CIC et aux agents de CIC que le recrutement d'étudiants internationaux est une priorité pour le Canada et qu'ils doivent faire tout en leur pouvoir pour s'y conformer. Quand ce signal aura été envoyé, nous pourrons nous acquitter de notre travail mais, pour l'instant, malgré tous nos efforts et malgré tous les messages positifs que nous adressent le gouvernement et le premier ministre, force est de constater que le processus est ralenti par la bureaucratie. À bien des égards, les fonctionnaires corrompent la volonté politique du gouvernement actuel en appliquant des manoeuvres dilatoires et en ne collaborant pas avec les universités.

Nous en sommes au point où, même lorsqu'un président d'université se rend en Chine, il lui est très difficile pour ne pas dire impossible d'obtenir une rencontre avec les responsables de l'immigration à ce sujet, ce qui est très frustrant. Ce problème est presque entièrement attribuable à une certaine attitude. La seule façon de le résoudre serait d'adopter une loi qui indiquerait très clairement que le recrutement d'étudiants étrangers est une priorité nationale.

Mme Fiona Bishop: Vous avez sollicité nos remarques à propos des membres de la Commission. Nous en parlons dans le mémoire du Saskachewan Anti-Racism Network et proposons qu'une partie des membres de la Commission viennent du milieu. Le Conseil canadien pour les réfugiés pourrait être invité à recommander des noms de personnes ayant les qualifications et l'expérience voulues dans ces domaines.

Par ailleurs, une partie des membres de la Commission pourraient venir du monde syndical pour s'assurer que les droits des travailleurs sont protégés et qu'on accorde la considération voulue au dossier des militants syndicaux ayant fui un pays où ils étaient persécutés pour leurs activités syndicales. Le Congrès du travail du Canada pourrait aussi recommander des noms de personnes pour siéger à la Commission dans ce domaine.

Vous devez donc mettre à contribution les organisations qui travaillent dans ce domaine, qui le connaissent et qui ont une expérience précise sur ce plan, et réserver des places à la Commission pour des représentants de ces groupes.

Mme Helen Smith-McIntyre: Même si l'on maintenait certaines nominations par décret, il faudrait absolument veiller à ne pas faire de nomination politique. J'aimerais que toutes les personnes nommées aient une expérience de la question des réfugiés et comprennent les réalités des pays d'où viennent ces réfugiés, qu'elles reçoivent une formation sur les réalités interculturelles et qu'elles comprennent les problèmes associés à la race, aux traumatismes de la persécution et au problème des femmes. Voilà ce que je demanderais.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.

Je suppose qu'il y a des gens qui attendent à l'extérieur de la pièce pour le prochain groupe de témoins. Vous pourriez leur dire que nous sommes un peu en retard mais que nous devrions en avoir terminé d'ici 15 minutes.

Merci. Je passe maintenant la parole à John Herron.

M. John Herron: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je m'appelle John Herron et je suis député de Fundy—Royal, au Nouveau-Brunswick. Je suis porte-parole du Parti progressiste-conservateur en matière d'immigration.

Je vais essayer de mobiliser votre appui sur deux aspects que nous allons explorer quand nous passerons à l'étude du projet de loi article par article. À l'analyse de ce que rapportent les médias sur ce projet de loi, nous avons constaté que nous ne sommes pas en train de dire à la société que l'immigration est nécessaire du point de vue économique ni que la loi va refléter nos valeurs nationales.

• 1535

Je vais vous mentionner deux éléments que le Parti progressiste-conservateur juge draconiens. Tous deux concernent la question des appels. Il y a d'abord le fait qu'en cas de problème exceptionnel et d'accusation de crime—peu importe que la personne vive au Canada ou pas—les résidents permanents ne pourront pas en appeler d'une ordonnance de déportation. La suppression de cette procédure normale nous paraît tout à fait anti-canadienne.

Il y a un deuxième aspect qui nous pose problème: à propos de l'article 25 de l'actuel projet de loi, si je ne m'abuse, l'Association canadienne du Barreau a souligné que le ministre «peut» entendre les appels pour des raisons humanitaires tandis que, selon les règles contenues dans la loi actuelle, il y est contraint.

Y a-t-il accord quant à l'orientation à prendre relativement à ces deux aspects?

Merci, monsieur le président.

Mme Helen Smith-McIntyre: Je serais tout à fait favorable au fait de permettre aux résidents permanents accusés d'infraction au pénal de faire appel d'une ordonnance de déportation.

Il arrive souvent que les réfugiés aient connu, pendant plusieurs années, des situations très perturbantes, chaotiques. Cela explique peut-être en partie la raison pour laquelle certains ont des démêlés avec la justice. Le traumatisme et les perturbations qu'ils ont vécus auparavant les ont amenés à développer des réflexes de survie qui ne sont pas forcément conformes aux dispositions du code pénal ni à la culture canadienne. Le fait que des réfugiés aient ainsi des problèmes avec la loi est peut-être attribuable à l'échec de notre processus d'intégration.

M. Keith Vallanda: Un résident permanent, c'est un résident permanent, mais on le prive de ce statut dès qu'il a le malheur de se livrer à des activités criminelles.

Il faut envisager cette question de front. Pour moi, c'est une forme de discrimination. Je suis tout à fait que vous remettiez en question cet article de la loi.

Mme Fiona Bishop: Nous sommes convaincus de la nécessité de permettre à tout le monde de faire appel.

Cela soulève plusieurs inquiétudes relativement au statut de résident permanent. Voilà que, d'un seul coup, on leur offre une protection moindre que celle dont ils disposent actuellement. C'est inquiétant.

M. John Herron: Je suis sensible au problème soulevé par un des membres du Comité du diocèse anglican sur la question du traitement des demandes à l'étranger. Cette personne estime qu'il nous faut déployer une plus grande énergie et une plus grande capacité pour approuver les demandes à l'étranger. Pour l'instant, la procédure revient presque à dire qu'il ne faut pas suivre les canaux appropriés depuis l'étranger, mais à essayer de rentrer illégalement au pays parce que notre système est encombré. Nous ne faisons pas notre travail à l'étranger.

Le vice-président (M. John McCallum): Je crains que nous n'ayons pas assez de temps pour demander d'autres réactions à ce sujet.

Je donne la parole à Judy.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Bonjour. Je m'appelle Judy Wasylycia-Leis, et je suis députée NPD. Je vais vous poser une question générale sur ce qui se cache derrière ce projet de loi.

Vous avez tous parlé des travers très graves que présentent plusieurs volets du projet de loi, surtout dans la partie consacrée aux réfugiés.

Un peu tout le monde au Canada s'entend sur le fait que ce projet de loi semble être davantage axé sur l'application et sur la protection des Canadiens, afin de maintenir les soi-disant indésirables hors du pays. Je voudrais savoir d'où cela vient, parce que je n'ai pas l'impression que cette vision des choses reflète ce qui se passe au Manitoba et j'aimerais savoir ce qu'il en retourne en Saskatchewan.

Certains ont l'impression que nous sommes à l'écoute du lobby anti-immigration. Certains ont l'impression qu'on est en train d'essayer de leur faire avaler la pilule d'un contingentement annuel de l'immigration sous le couvert d'un verbiage apparemment dur envers les immigrants. Beaucoup de Canadiens ont l'impression que cette approche favorise la xénophobie et le racisme, contrairement à l'intention de la loi.

• 1540

J'aimerais simplement savoir quel est le sentiment en Saskatchewan. Ma question s'adresse à vous tous ou du moins à ceux à qui le président voudra bien donner la parole. Y a-t-il un mouvement de ressac? Y a-t-il des attitudes qui devraient nous inquiéter? Une province comme la vôtre aurait-elle de la difficulté à accueillir davantage d'immigrants et de réfugiés?

M. Keith Vallanda: La population de la Saskatchewan est limitée et les temps sont durs pour accueillir davantage d'immigrants ou de réfugiés, surtout dans nos régions rurales. J'ai l'impression, à la lecture de ce projet de loi, qu'on semble vouloir accorder davantage la priorité à des nouveaux venus en mesure de nous faire profiter de leurs compétences professionnelles ou encore à des gens d'affaires. Ainsi, ce projet de loi s'adresse peut-être davantage aux gens de cette dernière catégorie. Il insiste moins sur les obligations internationales du Canada et sur notre obligation d'accueillir plus de réfugiés aux termes de nos engagements sur le plan des droits de la personne et autres. C'est là, je pense, que se situe la faiblesse de ce projet de loi dans son ensemble.

Deuxièmement, comme nous l'avons souligné dans notre mémoire, la loi est tellement large qu'elle s'en trouve affaiblie. Elle s'en remet au règlement pour ce qui est du processus décisionnel quotidien, ce qui revient à confier davantage de pouvoirs dans les mains des fonctionnaires et, dès lors, à ouvrir la porte aux abus. Ces gens-là pourront prendre des décisions à leur gré, sans pour autant avoir reçu la formation nécessaire, sans pour autant comprendre les situations politiques et géopolitiques des pays dans lesquels ils sont en poste.

Cela nous préoccupe. D'un côté, le projet de loi est progressiste et, d'un autre, il est particulièrement régressif. Pour attirer des gens dans des provinces comme la Saskatchewan, nous devrons pouvoir démontrer aux immigrants et aux réfugiés que ces provinces sont conviviales.

Mme Christine Lwanga: J'ai quelque chose à ajouter à cet égard. Dans l'objet de la loi, il est spécifiquement fait mention de la protection du Canada contre les criminels ainsi que des questions de sécurité. On trouve cela dans la partie traitant des réfugiés, mais aussi dans la partie générale portant sur l'immigration. Personnellement, je trouve bizarre et même absurde de retrouver cette mention parmi les objectifs de la politique sur l'immigration, surtout quand cette même politique ne parle pas de la contribution de l'immigration à ce pays.

Il est connu que le Canada est un pays d'immigration, que tout le monde ici a été immigrant à un moment ou à un autre et a contribué à cette société. On ne trouve dans la loi aucun préambule parlant de la contribution des immigrants et pourtant, dans l'objet de la loi, on dit qu'il faut protéger le Canada contre d'éventuels criminels. Je soutiens qu'il faut absolument adopter un préambule dans ce projet de loi où il sera fait mention de la contribution des immigrants et où l'on parlera aussi de la question des criminels. En revanche, il ne devrait plus être question de ce dernier aspect ailleurs dans la loi.

Comme nous allons devoir vivre au XXIe siècle avec cette mesure législative, nous devons veiller à ne pas recréer les problèmes du passé. D'un autre côté, nous voulons récupérer les avantages de l'immigration. Il faudrait, si possible, éviter d'associer les immigrants à des criminels dans les objectifs de la loi. Après tout, les immigrants contribuent à la vie du pays et peu sont des criminels. On risque de se priver de ce genre de contribution positive.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.

Je crains que nous soyons vraiment en retard. Je vais permettre à Yolande Thibeault de poser sa question, après quoi nous entendrons la députée de la Saskatchewan, Lynne Yelich, qui mettra un terme à cette série en posant une question brève.

[Français]

Mme Yolande Thibeault: Merci, monsieur le président. Je serai très brève.

Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Yolande Thibeault et je suis députée libérale de Saint-Lambert. J'aimerais poser une question à Mme Bishop du Saskatchewan Anti-Racism Network

Madame Bishop, j'ai devant moi un mémoire que votre groupe a présenté en août 2000 au Comité permanent. Dans ce mémoire, à la recommandation 4, vous suggérez de mettre sur pied un organisme autonome de supervision qui couvrirait les activités de Citoyenneté et Immigration Canada.

• 1545

Je me demande de quoi il s'agit. Parlez-vous d'un organisme dont la fonction se rapprocherait, par exemple, de celle de protecteur du citoyen? Ou voulez-vous parler d'un autre genre d'organisme? Il faudrait savoir de qui il pourrait relever, parce qu'il me semble, à première vue, qu'il s'agit là du rôle du Parlement du Canada.

Merci, madame.

[Traduction]

Mme Fiona Bishop: Eh bien, ça ressemblerait à un ombudsman qui relèverait directement du Parlement. Je crois qu'il est très important, compte tenu de tous les problèmes qui ont été soulevés aujourd'hui, que l'on soumette les décisions rendues à un examen attentif.

Je me réjouis d'entendre qu'on ne donnera peut-être pas tous les pouvoirs aux agents de l'immigration, ce qui n'empêche que des erreurs peuvent encore se produire. Il est très important de pouvoir compter sur un organisme indépendant du gouvernement, qui effectuerait ce genre d'évaluation et qui déciderait si le processus fonctionne correctement. Il devra être à l'abri du favoritisme politique. Il devra s'agir d'un organisme indépendant composé de membres dûment compétents, ayant l'expérience voulue, comme ceux du Congrès du travail du Canada ou du Conseil canadien pour les réfugiés, ainsi que tout autre organisme oeuvrant dans ce domaine. On s'assurera ainsi que tout sera bien fait.

Mme Christine Lwanga: Nous avons aussi entendu parler de dossiers égarés dans les pays étrangers, de dossiers de personnes qui voulaient immigrer ici ou qui avaient fait une demande de réfugié. Le bureau dont il vient d'être question devrait pouvoir se charger de ces problèmes. Pour l'instant, il est impossible de faire un suivi des demandes ayant été égarées ou n'ayant pas été correctement traitées.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.

Je demande maintenant à Lynne Yelich de poser brièvement une dernière question.

Mme Lynne Yelich: En fait, je me limiterai à un commentaire.

Je ne sais pas de quoi Judy voulait parler quand elle a déclaré que nous donnons l'impression que la Saskatchewan est xénophobe—c'est bien le terme qu'elle a employé—parce que dans l'exposé du Manitoba que nous venons d'entendre, il est dit:

    D'après un sondage que nous avons confié à un Angus Reid pour le compte de la conférence Pioneers 2000, il ressort que le Manitoba et la Saskatchewan forment la région la plus progressiste et la plus tolérante en Amérique du Nord. Nous considérons que les immigrants sont un brin essentiel du tissu national, et les résidents des prairies reconnaissent l'importante contribution culturelle et économique des immigrants à la vie nationale.

Ainsi, la position de mes amis de la Saskatchewan est consignée au procès-verbal.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'en appelle au règlement. Je pense que mon homologue a peut-être mal compris ce que j'ai indiqué. Je voulais avoir une idée de la position philosophique des gens de la Saskatchewan sur le plan de l'immigration, parce que j'ai l'impression qu'elle n'est pas différente de celle qu'on nous a exprimée ce matin. Je voulais simplement avoir confirmation auprès des gens de la Saskatchewan qu'ils affichent la même tolérance envers l'immigration et qu'ils apprécient tout autant notre diversité qu'au Manitoba.

Le vice-président (M. John McCallum): Très bien. Je vous remercie toutes les deux.

Nous allons nous arrêter ici. Je tiens à remercier tout le monde d'être venu dans des conditions qui ne sont pas idéales, pour participer à une rencontre plutôt impersonnelle. Comme je le disais plus tôt, il s'agit-là de problèmes importants qui sont parfois une question de vie ou de mort. Nous avons pris bonne note de ce que vous nous avez dit et je vous remercie beaucoup pour vos témoignages.

Nous allons maintenant accueillir un deuxième groupe de la Saskatchewan. J'invite les témoins à s'installer pour que nous passions tout de suite à leurs déclarations.

• 1550

Le vice-président (M. John McCallum): Mesdames et messieurs, nous allons faire une pause de deux minutes pour vous permettre de vous installer, pendant que nous allons nous servir du café ou nous détendre un peu, après quoi nous reviendrons.

• 1551




• 1555

Le vice-président (M. John McCallum): Bonjours tout le monde.

Est-ce que vous m'entendez en Saskatchewan?

Une voix: Oui.

Le vice-président (M. John McCallum): Je suis en train d'essayer de rassembler notre équipe ici et je crois que nous avons le quorum.

Bienvenue. Je suis désolé de ce retard et aussi des conditions plutôt froides dans lesquelles nous allons tenir cette réunion à cause de ce système de téléconférence. Je suis cependant ravi de vous savoir là. Vous pourriez peut-être commencer par vous présenter en déclinant chacun votre nom et le nom de l'organisation que vous représentez, après quoi nous ferons la même chose ici.

M. Gordon Barnes (représentant, Regina Refugee Coalition): Je m'appelle Gordon Barnes et je représente la Regina Coalition for Refugees.

Mme Kripa Sekhar (Saskatchewan Action Committee on the Status of Women): Je m'appelle Kripa Sekhar et je suis la porte-parole du Saskatchewan Action Committee on the Status of Women. Je représente aussi la Saskatchewan Coalition Against Racism. Erica n'a pas pu venir parce qu'elle a été convoquée pour témoigner en cour.

Mme Bula Ghosh (présidente, Immigrant, Refugee and Visible Minority Women of Saskatchewan): Je m'appelle Bula Ghosh et je représente les femmes immigrantes, réfugiées et membres de minorité visible de la Saskatchewan.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup. Afin de gagner du temps, nous nous présenterons au fur et à mesure que nous poserons nos questions, après vos exposés.

D'après ma liste, nous devrions commencer par le Saskatchewan Action Committee on the Status of Women. Est-ce que vous êtes prête, madame?

Mme Kripa Sekhar: Nous allons commencer.

Je m'appelle Kripa Sekhar et je représente le Saskatchewan Action Committee on the Status of Women. Je tiens à remercier John McCallum ainsi que le comité qu'il préside de nous avoir donné la possibilité de venir lui exposer notre point de vue.

Le Saskatchewan Action Committee on the Status of Women est la plus importante organisation provinciale de défense de l'égalité des femmes. Nous représentons tout un éventail de groupes de femmes: handicapées, autochtones, lesbiennes, de couleur, agricultrices... des femmes de tous âges. Nous parlons au nom de 66 groupes qui représentent plusieurs centaines de femmes. Nos bénévoles et nos membres se consacrent à l'égalité des femmes à tous les niveaux.

Dans notre travail, nous nous efforçons de tenir compte de toutes les races, de toutes les classes et des deux sexes. Nous sommes un organisme à vocations multiples assurant de façon active la promotion de la situation de la femme, notamment en sensibilisant la population, en bâtissant des réseaux, en dégageant les problèmes sur le plan politique et les aspects qui sont source de préoccupation, en signalant à l'attention du gouvernement et des institutions les problèmes que nous rencontrons, en apportant un soutien continu aux femmes, par le biais d'un système de renvoi et d'intervention, en favorisant activement le changement pour améliorer la situation de la femme et en produisant deux numéros annuels de notre organe d'information, Network Magazine.

Mais je représente aussi la Saskatchewan Coalition Against Racism, qui a beaucoup travaillé dans le domaine de la lutte contre le racisme, surtout auprès des immigrants et des réfugiés ainsi que des communautés autochtones.

La SACSW travaille en étroite collaboration avec des organisations comme la Refugee Coalition, l'Immigrant, Refugee and Visibility Minority Women of Saskatchewan, la Saskatchewan Coalition against Racism et d'autres. Nous avons fait une promotion active des droits des immigrants et des réfugiés et sommes intervenus au besoin. Nous appuyons la position du Conseil canadien pour les réfugiés, de l'Association du Barreau canadien, d'Amnistie internationale et d'autres.

La SACSW s'inquiète de la précipitation avec laquelle se sont déroulées ces auditions. Je tiens à vous dire que je suis très préoccupée par ce processus. Nous ne sommes pas d'accord avec l'adoption de quelque loi que ce soit sans qu'il y ait d'abord une consultation pleine et équitable, surtout quand il existe de nombreux problèmes autour de la question des droits de la personne, comme c'est le cas avec le projet de loi C-11.

Nous craignons que ce projet de loi soit adopté sans consultation appropriée parce que nous ne serons pas mis au courant du règlement de mise en oeuvre.

Nous sommes aussi alarmés par la criminalisation des immigrants et des réfugiés. Ce faisant, nous envoyons le mauvais message aux Canadiens. Nous ternissons l'image des immigrants et des réfugiés, considérés comme des éléments qui contribuent à la richesse de notre société, en perpétuant le mythe selon lequel le Canada est un havre pour les criminels. Cela ne fait qu'alimenter le mouvement de ressac contre les immigrants et les réfugiés.

• 1600

On dit rarement que les immigrants et les réfugiés paient pour venir au Canada. Immigrer coûte cher. Il faut payer 975 $, et ces droits ont peut-être augmenté. Cela introduit un niveau systémique d'inégalité qu'il faut supprimer.

Nous sommes aussi préoccupés par les pouvoirs confiés aux agents de l'immigration dans ce projet de loi. Les pouvoirs dont ils sont investis risquent d'être mal exploités et l'on pourrait assister à des bavures. On risque de cibler les personnes de couleur, les femmes et les handicapés. Les gens de couleur continuent d'être la principale cible des mesures de détention et de déportation. Nous sommes préoccupés de voir que de tels pouvoirs d'application de la loi sont confiés aux agents de l'immigration, qu'il soit question d'interdiction, de détention ou de déportation.

La SACSW recommande que le projet de loi intègre le libellé des dispositions de protection des droits de la personne et des traités internationaux en matière d'immigration ainsi que des autres pactes et traités des Nations Unies. Il convient de reconnaître que le système de l'immigration et des réfugiés au Canada a un préjugé contre les personnes de couleur, que ce soit voulu ou pas. Nous recommandons que la définition de réfugié soit élargie dans le contexte des droits de la personne, ce qui signifie que vous devrez tenir compte de l'absence de logement, du manque d'accès à l'eau, etc., autant de problèmes grandissants dans les pays pauvres. Nous devons renforcer la loi dans le contexte de la mondialisation et tenir compte des déficits humains au Canada tout en reconnaissant que les résidents des pays pauvres sont contraints de trouver d'autres modalités de vie, pour les raisons que je viens de mentionner.

Nous voulons aussi que les mariages contraints soient pris en compte dans la loi. Nous recommandons que, sur le plan de la réunification des familles, le Canada se dote d'un projet de loi tenant compte du fait que nous sommes un pays multiculturel, multiethnique et multireligieux, ou du moins qui prétend l'être.

Pourtant, ce projet de loi est relativement étroit dans sa définition de la famille. On y a retenu une définition très anglo-canadienne. On ne considère plus les enfants comme tels dès qu'ils ont 19 ans. C'est ridicule. Le Canada se dit une nation favorable à la famille, même s'il sépare les familles pour plusieurs raisons, à cause des règles de réunification et de la déportation. Il faut avoir de l'argent pour faire venir un membre de la famille de l'étranger et celui-ci doit, lui-même, être en bonne santé. Il doit se situer dans une certaine fourchette d'âge et on préfère qu'il ait de l'argent pour l'investir au Canada. Voilà des obstacles de taille, surtout pour ceux et celles qui viennent des pays pauvres.

Nous exhortons votre comité à trouver une façon grâce à laquelle le projet de loi nous permettra de créer une société saine que nous disons être...

Le vice-président (M. John McCallum): Excusez-moi, je suis désolé de vous interrompre. Comme je le disais plus tôt, à cause de contraintes de temps, je me dois de faire respecter le chronomètre et je vais maintenant vous inviter à conclure en 30 secondes.

Mme Kripa Sekhar: Très bien, je vais le faire en 30 secondes.

Il faut donc des immigrants et des réfugiés en bonne santé qui aient de l'argent... Cela introduit un préjugé systémique, dont nous pourrions prouver l'existence en demandant les documents qui nous permettraient de déterminer le nombre de personnes à qui l'on a refusé l'entrée, de savoir qui a refusé cette entrée, pour quelle raison et de quel pays il s'agit. Nous avons souvent demandé la mise sur pied d'un groupe de travail qui serait chargé d'effectuer une vérification ou le recours à un organisme indépendant qui contrôlerait Citoyenneté et Immigration Canada dans les divers aspects que je viens de mentionner. Nous serions tout à fait d'accord avec cette solution.

Merci beaucoup. J'ai sans doute dépassé le temps qui m'était alloué.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup pour votre exposé. J'ai oublié de vous parler de cette contrainte de temps, mais je l'avais indiqué à l'autre groupe. Quoi qu'il en soit, pouvez-vous limiter vos remarques liminaires à cinq minutes?

Qui vient ensuite, Mme Ghosh ou M. Barnes?

M. Gordon Barnes: Merci. Je m'appelle Gordon Barnes. Je suis honoré de pouvoir prendre la parole au nom de la Regina Coalition for Refugees, qui est une coalition bénévole d'organisations de droits de la personne, d'Églises et autres ayant en commun la défense des intérêts des réfugiés.

Je dois d'abord vous préciser que j'ai travaillé pendant plusieurs années au sein d'Amnistie internationale à Regina et que, récemment, j'ai été président du Comité consultatif communautaire de Citoyenneté et Immigration Canada pour Regina. Ce comité consultatif a eu la possibilité de discuter du projet de loi C-11, grâce à l'assistance du directeur local de CIC, ce dont nous lui sommes très reconnaissants. Je tiens à préciser que je vais parler au nom de la Regina Coalition for Refugees.

• 1605

Avant de commencer, je tiens à exhorter le comité et tous les députés à examiner très sérieusement l'esprit, les répercussions et les réalités de ce projet de loi. Une mesure législative de ce genre représente exactement qui nous sommes et ce que nous voulons être en tant que Canadiens et en tant que pays.

Dans nos échanges avec les gens de notre collectivité—qu'il s'agisse d'étudiants, de travailleurs dans les communautés de la foie, de travailleurs dans l'industrie ou de gens d'affaires—nous croisons régulièrement des gens qui sont très généreux et qui appuient une politique susceptible de permettre à davantage de réfugiés de venir au Canada, de même qu'une politique qui ne fasse pas courir de risque aux demandeurs du statut de réfugié.

Nous avons soigneusement étudié le projet de loi de même que les mémoires très complets et très bien préparés du Conseil canadien pour les réfugiés ainsi que de la section canadienne d'Amnistie internationale, et nous en sommes venus à la conclusion que le projet de loi C-11 va instaurer un régime qui risque de porter atteinte aux droits légitimes des réfugiés et de mettre les demandeurs en danger.

Cela étant posé, nous exhortons les membres du comité à examiner de très près cette mesure législative, à interroger leur conscience et à réfléchir sur la vision qu'ils entretiennent pour le Canada, afin que tout le monde puisse être fier de la dernière mouture de ce projet de loi sur l'immigration.

Nous partageons les préoccupations de ceux et de celles qui estiment que ce projet de loi ne nous permet pas de respecter nos obligations internationales en matière de droits de la personne. Nous partageons les mêmes inquiétudes pour ce qui est du pouvoir accru de détention confié aux agents de l'immigration et de l'existence d'un article qui traite du système de détermination du statut de réfugié.

D'autres sont venus exprimer leur inquiétude à propos du paragraphe 110(3) du projet de loi qui permet à la section d'appel de n'entendre que les appels portant sur des questions de droit ou de fait et uniquement sur la base d'un examen documentaire du registre des procédures. Nous partageons les mêmes inquiétudes.

Nous sommes aussi préoccupés par le fait que les tribunaux administratifs seront composés d'un seul membre plutôt que deux. Cela risque de réduire les chances des demandeurs et de rendre encore plus déterminantes les décisions individuelles prises par le seul membre du tribunal.

Nous faisons nôtres les remarques formulées par d'autres au sujet de l'importance du processus de nomination des membres des tribunaux.

Il convient de remettre les pendules à l'heure de ceux qui se disent préoccupés par le fait que certains réfugiés voyagent sans posséder les documents exigés. La réalité, c'est que ces gens-là fuient des atrocités, la torture et autres traitements atroces, et qu'on ne peut pas s'attendre à ce qu'ils aient la présence d'esprit de s'occuper de leurs papiers, à un moment où leur sécurité et la sécurité de leurs familles, de même que leur vie sont en jeu.

Je tiens également à profiter de cette occasion pour soulever une préoccupation que nous entretenons au sein de ma collectivité relativement aux difficultés véritables auxquelles se heurtent les réfugiés venant de pays comme l'Afrique ou l'Asie, où il n'y a que très peu d'agents d'immigration au Canada. Même notre situation géographique fait courir des risques aux réfugiés, et nous estimons que c'est là notre problème fondamental sur le plan des droits de la personne qu'il convient de régler.

Nous croyons que, en règle générale, les Canadiennes et les Canadiens sont d'accord avec les efforts déployés par le gouvernement du Canada pour offrir un refuge aux personnes qui ont été prises dans l'horrible conflit de l'ex-Yougoslavie. Toutes les collectivités au Canada, et très certainement la nôtre, ont été favorables à leur accueil. Mais il y a lieu de se demander si la réponse des Canadiens a été la même dans le cas d'autres réfugiés qui ont subi les affres d'autres conflits comme au Burundi, au Rwanda, au Soudan ou en Sierra Leone? Malheureusement, ce n'est pas le cas.

Nous exhortons en outre les membres de votre comité à soutenir les efforts qui sont déployés dans vos collectivités afin que les Canadiens comprennent le sort des réfugiés et les raisons pour lesquelles il arrive que des gens se retrouvent en difficulté. Ceux et celles qui ont été victimes de torture, de déplacement ou qui ont vu les membres de leurs familles tués ou blessés, ont besoin d'un milieu compatissant et compréhensif. Il faut leur épargner les facéties de ceux qui, voulant faire les intéressants en public, les victimisent davantage. Malheureusement, les réfugiés peuvent être désorientés à cause des conditions effroyables qu'ils fuient dans leur pays. Il peut leur arriver d'avoir des démêlés avec la justice dans notre pays, mais nous devons leur offrir un milieu sain et compatissant, plutôt que de les plonger dans une situation où les choses empireront au point que certains seront renvoyés dans leur pays d'origine pour être de nouveau confrontés aux risques de torture et d'exécution.

Nous tenons aussi à attirer votre attention sur la question de la réunification des familles. Sur ce plan, nous invitons les membres de votre comité à ne pas oublier que la notion de famille qu'entretiennent d'autres cultures peut ne pas être la même que la nôtre. Il ne faut pas non plus oublier que les membres de la famille qui restent derrière sont exposés. Ce sont là autant de préoccupations que nous entendons en permanence, à notre niveau; la définition de membre de la famille...

Le vice-président (M. John McCallum): Excusez-moi, monsieur Barnes, mais votre temps est écoulé. Pourriez-vous conclure rapidement?

• 1610

M. Gordon Barnes: Merci.

J'exhorte les membres de votre comité à sonder leur coeur et à réfléchir sur le genre d'héritage législatif qu'ils veulent laisser. Nous espérons que vous voudrez passer à l'histoire pour avoir instauré un milieu législatif compatissant qui protégera les demandeurs de statut de réfugié, qu'ils entament les procédures à l'extérieur de nos frontières ou qu'ils le fassent à partir de chez nous, au Canada.

Merci.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup pour votre exposé.

Madame Bula Ghosh.

Mme Bula Ghosh: Je tiens à remercier l'honorable John McCallum et le comité parlementaire de nous donner l'occasion de comparaître devant vous.

L'Immigrant, Refugee and Visible Minority Women of Saskatchewan est un organisme provincial constitué de quatre chapitres et de deux organismes affiliés. Notre organisation, que nous appelons couramment IRVM, a été fondée en 1983.

L'IRVM s'est fixé pour mission de favoriser l'égalité des êtres humains et d'éliminer le sexisme, le racisme et toute autre forme de discrimination, outre que nous voulons favoriser la compréhension interculturelle. Notre objectif consiste à coordonner les services associés à l'ajustement, à l'établissement et à l'intégration des nouveaux arrivants dans la société canadienne, en plus de nos activités de recherche, de communication et de défense des intérêts publics. Notre organisation s'efforce, par-dessus tout, de fournir une tribune aux immigrantes, aux réfugiées et aux femmes de minorités visibles afin qu'elles puissent exprimer leurs besoins et leurs préoccupations ainsi que les besoins de leurs familles. C'est donc en tenant compte du point de vue des femmes et de leurs familles que nous allons vous soumettre respectueusement nos remarques sur le projet de loi C-11.

Premièrement, nous tenons à féliciter le gouvernement fédéral pour les efforts qu'il déploie en vue de régler certaines des préoccupations qui ont été exprimées dans le passé à propos de la Loi sur l'immigration. L'IRVM tient surtout à féliciter Immigration Canada pour ce qui semble être des efforts très sincères en vue de faire participer au processus de consultation les principales parties concernées par les normes sur l'immigration et le statut de réfugié.

Deuxièmement, nous tenons à apporter notre appui au Conseil canadien pour les réfugiés, à l'Association du Barreau canadien et aux autres organisations qui ont exprimé certaines préoccupations dans leurs exposés. Nous aussi sommes attristés par le portrait négatif que l'on dresse des immigrants et des réfugiés, à cause d'expressions comme «pour protéger les Canadiens». Ce pays a été fondé par des immigrants. Le sous-entendu selon lequel les nouveaux immigrants seraient plus susceptibles que ceux qui les ont précédés d'être des criminels, est sans fondement et il dénature l'attitude des Canadiens.

Nous sommes d'accord avec l'Association du Barreau canadien à propos du risque de traitement inéquitable que pourraient engendrer les changements apportés aux pouvoirs délégués et aux procédures d'appel. Les pouvoirs donnés au ministre de nommer des personnes et l'élimination d'une procédure transparente peuvent nous laisser craindre des abus dans l'avenir.

Nous comprenons les risques que courent les réfugiés à cause d'un manque de compréhension des réalités, problème qui a été soulevé par le Conseil canadien pour les réfugiés. Mais pour être criminel dans bien des pays, il suffit de s'opposer au régime politique en place.

Selon le projet de loi C-11, ceux qui seront considérés comme criminels ne pourront entrer au Canada, même si, par définition, les réfugiés sont souvent des criminels politiques parce qu'ils se seront opposés à des régimes politiques totalitaires.

Nous sommes généralement d'accord avec les préoccupations exprimées par d'autres organisations, à savoir qu'on s'en remet beaucoup trop à un règlement bureaucratique. Nous sommes d'accord avec la nécessité d'améliorer la clarté et la transparence de cette législation. Peut-être pourrions-nous commencer par mieux définir ce qu'on entend par «criminel»?

Quoi qu'il en soit, nous avons pour mandat de parler plus particulièrement des problèmes auxquels se heurtent les femmes et leurs familles. Ce faisant, je vais maintenant vous entretenir des aspects suivants: l'incapacité du Canada de régler le problème de la victimisation des femmes parrainées pour venir au Canada dans des rôles d'épouses et de soignantes; les obstacles financiers qui s'opposent à la citoyenneté et à la réunification des familles; le risque de discrimination sur la base d'un handicap; et le risque de dérive criminelle par les immigrants et les réfugiés qui veulent aider des amis et des parents.

Nous tenons à attirer votre attention sur les obligations du Canada vis-à-vis de la convention des droits de l'homme de l'ONU. Nous estimons que le projet de loi C-11 va considérablement entraver la capacité du Canada de s'acquitter de ses obligations en vertu de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, de la Convention sur les réfugiés et de la Convention sur les droits de l'enfant.

S'agissant de la victimisation par les parrains, en vertu de la loi actuelle, quand des femmes sont parrainées pour venir au Canada en qualité d'épouses ou de femmes de ménage, elles sont inexorablement liées à leurs parrains, quelle que soit la façon dont ceux-ci les traitent. La perte du parrainage peut entraîner la déportation de ces femmes. Une femme peut donc rester dans un mariage violent et abusif à cause de la menace de déportation. D'ailleurs, il n'existe aucune disposition permettant d'empêcher un bourreau de femme de parrainer une étrangère.

Les femmes parrainées pour remplir le rôle de bonnes d'enfants ou de soignantes d'une personne handicapée ou âgée, se trouvent dans la même situation. Nombre d'entre elles doivent travailler de longues heures et assumer des responsabilités 24 heures durant sans bénéficier d'un seul jour de congé, tout cela pour un salaire horaire nettement inférieur au salaire minimum. Rien dans le projet de loi C-11 ne permet de régler ce problème.

En permettant la déportation des femmes dans des situations où elles sont sujettes à des violences à cause du mécanisme de parrainage, le projet de loi C-11 ne nous permet pas de nous acquitter des dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes.

Nous recommandons donc que les dispositions relatives au retrait du parrainage s'accompagnent d'une clause nonobstant pour protéger les femmes contre les menaces de déportation, advenant le retrait du parrainage en cas de violence par le parrain.

• 1615

S'agissant des obstacles financiers à l'accès à la citoyenneté, nous sommes tout à fait d'accord avec le principe de la réunification des familles. Cependant, nous reconnaissons que ces obstacles ne sont peut-être pas évidents pour ceux qui ne côtoient pas quotidiennement les immigrants et les réfugiés. La plupart des réfugiés viennent ici sous l'égide d'Immigration Canada. Cela étant, ils peuvent continuer à bénéficier de l'aide sociale ou doivent faire de menus travaux rapportant peu, pendant un certain temps, à cause d'obstacles linguistiques et du fait que le Canada ne reconnaît pas l'expérience professionnelle ni les titres de formation étrangers.

Tout cela agit de façon négative sur la situation financière des immigrants et des réfugiés. Une personne peut résider de façon permanente au Canada sans avoir de statut permanent. Les personnes se retrouvant dans cette situation ne peuvent pas parrainer d'autres membres de la famille. Ce faisant, la réunification avec les familles apparaît impossible.

Ce sont les immigrantes arrivées au Canada depuis 1984 qui sont les plus pauvres. Le coût de la citoyenneté leur impose un fardeau énorme. Nous recommandons de réduire les droits associés à l'obtention de la citoyenneté.

Nous avons déjà porté toutes ces remarques à l'attention du ministre dans le passé, mais nous ne voyons aucune disposition corrective dans le projet de loi C-11. Nombre de femmes qui viennent au Canada ont des enfants. Ce faisant, nous sommes préoccupés par le traitement potentiel réservé aux familles ayant des enfants handicapés. En vertu de la loi, il est possible de refuser le statut d'immigrant à des familles si elles ont un enfant handicapé.

Cela constitue une discrimination à l'endroit des handicapés. La guerre laisse de nombreux enfants innocents handicapés, et leurs familles sont peut-être celles qui ont le plus besoin de protection.

Le vice-président (M. John McCallum): Excusez-moi. Je suis désolé de vous interrompre, mais je crois que votre temps est écoulé. Je vous invite à conclure rapidement après quoi nous passerons aux questions.

Mme Bula Ghosh: Bien sûr.

Le handicap en tant que critère de sélection n'est pas acceptable. Il faut supprimer toute allusion au handicap des enfants en tant que critère de sélection.

Nous sommes préoccupés par ce qui pourrait arriver aux familles voulant se regrouper en essayant d'aider des amis ou des parents à venir au Canada, parce que le projet de loi C-11 ferme la porte à toute autre possibilité que la voie légale. Pour les immigrants légaux, le fait de favoriser l'immigration illégale risque de les placer en situation de criminalité.

En conclusion, nous estimons que le processus de consultation est intéressant et nous sommes heureux d'avoir pu y contribuer. Nous applaudissons aux efforts déployés pour essayer de régler la situation et pour améliorer en même temps le degré de sensibilisation des Canadiens envers les véritables réfugiés et les immigrants légaux. Nous recommandons que la dernière mouture de ce projet de loi prenne acte de l'engagement du Canada envers les traités de l'ONU sur les droits de la personne. Nous sommes convaincus qu'il y a encore place à l'amélioration dans les dispositions concernant les femmes, leurs enfants et leurs familles.

Merci.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.

[Français]

Nous allons maintenant passer à la période de questions, en commençant par M. Inky Mark.

[Traduction]

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Inky Mark et je suis député allianciste de la circonscription Dauphin—Swan River, au Manitoba. Je suis aussi vice-président de ce comité permanent.

Permettez-moi de vous remercier d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous.

Le comité permanent a publié un rapport en juin dernier dont le titre, Protection des réfugiés et sécurité des frontières: trouver un juste milieu, devrait être le principal objectif de cette mesure législative. On nous a dit à maintes reprises que nous ne devons pas criminaliser les réfugiés ni les nouveaux immigrants. Tout le monde est très bien. Malheureusement, il y a toujours les pommes pourries qui retiennent l'attention des médias, mais il existe des dispositions extérieures à la loi qui pourraient permettre de corriger ceux qui ont des comportements répréhensibles.

Étant donné le peu de temps qui m'est imparti, j'aimerais que chacun de vous réponde à cette seule question: si le ministre vous demandait ce que vous voulez changer dans le projet de loi, que lui répondriez-vous?

M. Gordon Barnes: Je pense que je commencerais par lui demander d'inclure dans le projet de loi l'obligation de respecter les traités internationaux en matière de droits de la personne dont le Canada est signataire. Le projet de loi représente un pas dans cette direction, mais à l'analyse des mémoires qui vous ont été remis, vous pourrez constater que ce n'est pas suffisant.

C'est sans doute le changement le plus fondamental auquel je vous inviterais à réfléchir.

Mme Kripa Sekhar: J'irai un peu plus loin en disant qu'il faut réécrire le projet de loi pour adopter un ton davantage conforme aux droits de la personne afin de respecter pleinement les traités et pactes de l'ONU, surtout les traités concernant les immigrants et les travailleurs.

• 1620

D'ailleurs, il y aurait lieu d'incorporer dans la loi un système qui nous permettrait d'assurer l'équité au plein sens du terme, qui tiendrait compte du fait que, pour l'instant, notre Loi sur l'immigration est raciste, sexiste et discriminatoire à l'endroit des personnes handicapées. S'il était possible de réécrire ce projet de loi pour veiller à ce que tous les membres de la société—riches, pauvres, valides et handicapés—puissent pleinement participer, c'est ce que nous aimerions y retrouver. Cependant, avant d'aller plus loin, j'estime qu'il y a lieu de tenir plus de consultations.

Mme Bula Ghosh: Mes amis viennent de vous parler du respect de la Convention sur les droits de l'Homme, ce que nous voulons également, mais j'aimerais aller un peu plus loin pour vous dire qu'un grand nombre de lois et de règlements sont en fait source de discrimination contre les femmes. Les dispositions juridiques dont je parle sont également visées par la convention sur les droits de l'homme et j'aimerais bien que vous apportiez des changements sur ce plan aussi.

J'ai cela à coeur. Comme les femmes sont généralement celles qui soignent les autres membres de la famille, je pense que si l'on veille à respecter leurs droits, nous nous occuperons des autres membres de la famille du même coup.

Voilà donc le changement que je suggérerais. Tout à fait.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.

Il vous reste un peu de temps. Voulez-vous l'utiliser? Non?

Anita.

Mme Anita Neville: Bonjour. Je m'appelle Anita Neville et je suis députée de Winnipeg South Centre. J'ai été très heureuse d'entendre vos exposés aujourd'hui.

Je suis tout à fait consciente du peu de temps dont nous disposons, nous avons eu une longue journée et, malheureusement, celle-ci touche presque à sa fin.

Je vais simplement vous mentionner trois changements que j'ai proposés hier et aujourd'hui et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Par ailleurs, j'aimerais que vous me promettiez de réexaminer le projet de loi en tenant compte des aspects que vous-mêmes et d'autres avez soulevés aujourd'hui à propos de la situation de la femme.

À l'article 3, qui décrit les objectifs du projet de loi, j'ai indiqué hier que nous recommanderions l'inclusion des mots «et multiculturel» après les mots «dans le respect de son caractère fédéral et bilingue». Je suis bien consciente que cela ne revient pas à réécrire le projet de loi, comme vous le réclamez, mais comme je le disais, je suis prête à faire modifier le libellé de ce passage.

J'aimerais également savoir ce que vous pensez de l'article 42 du projet de loi qui traite du système de détermination du statut de réfugié. Après les mots «sauf pour le résident permanent», les mots «ou une personne protégée», si bien que l'article se lirait ainsi:

    Emportent, sauf pour le résident permanent ou une personne protégée, interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale les faits suivants:

Je crois que cela préciserait l'intention de la politique de ne pas appliquer ces dispositions à un réfugié.

L'autre modification que je voudrais proposer concerne l'article 26. Celui-ci établit les règles d'accès à un examen pour des raisons humanitaires et je crois qu'il constitue l'une des importantes protections du système. Je propose donc de supprimer les mots «le cas d'attributions déléguées au titre du paragraphe 6(2), à l'article 25», si bien que l'alinéa 26c) se lirait ainsi:

    les cas dans lesquels il peut être tenu compte de tout ou partie des circonstances visées à l'article 24;

Ce faisant, nous supprimerions le pouvoir de limiter l'accès, par voie de règlement, aux procédures de révision pour raison humanitaire.

Qu'avez-vous à dire à cela?

Mme Kripa Sekhar: Pourriez-vous revenir sur le dernier passage que vous avez lu? Je ne vous ai pas entendu.

Mme Anita Neville: Excusez-moi. M'entendez-vous maintenant?

Mme Kripa Sekhar: Oui.

Mme Anita Neville: Il s'agit de l'article 26. L'avez-vous devant vous?

Mme Kripa Sekhar: Oui.

• 1625

Mme Anita Neville: Je propose de supprimer les mots «dans le cas d'attributions déléguées au titre du paragraphe 6(2), à l'article 25», si bien que l'article se lirait comme suit:

    les cas dans lesquels il peut être tenu compte de tout ou partie des circonstances visées à l'article 24;

Comme je le disais, je crois que cela supprimerait le risque que l'accès à la procédure soit limité par voie de règlement.

Mme Kripa Sekhar: Cela pourrait effectivement aider en partie, mais je crois—et je suis certaine de ne pas être la seule à le penser—que le problème tient en fait à la façon dont le projet de loi est conçu. C'est le règlement, je pense, qui va donner les pouvoirs découlant du projet de loi dont vous êtes saisi. Il y aura un mécanisme qui permettra la mise en oeuvre du projet de loi.

Je me demande si ce que vous proposez va nous permettre de régler ce problème, d'apporter un certain équilibre.

Mme Anita Neville: Permettez-moi d'intervenir. M. Fontana, le président du comité, nous a indiqué que le règlement serait examiné par le comité en même temps que la mise en oeuvre du projet de loi.

Cependant, hier ou aujourd'hui, je ne me rappelle plus quand exactement, M. McCallum a parlé du pouvoir d'adopter des règlements prévus à l'article 5. Il a modifié cet article pour qu'il se lise ainsi:

    Le Gouverneur en conseil peut, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, prendre les règlements d'application de la présente loi.

Par cette modification, le corps de phrase «et ceux qu'il juge nécessaires à la réalisation de son objet» est retiré.

L'intention visée est de faire en sorte que tout ce qui touche aux droits fondamentaux, aux libertés, aux principes de base et aux politiques énoncées dans la loi ne puisse pas être modifié par voie de règlement. Voilà un changement qui devrait certainement calmer vos inquiétudes et celles qu'ont exprimées les témoins qui vous ont précédée.

Le vice-président (M. John McCallum): Eh bien si c'est cela, nous allons passer à autre chose.

Mme Kripa Sekhar: C'est très bien en ce qui concerne l'article 5, mais puis-je attirer votre attention sur un autre article?

Le vice-président (M. John McCallum): Allez-y.

Mme Kripa Sekhar: Ce que vous recommandez, c'est que le règlement soit encadré, que votre comité soit chargé de l'examiner et qu'il tombe donc sous le coup de la loi. Est-ce que je me trompe?

Le vice-président (M. John McCallum): Je vais intervenir à ce sujet parce que cette recommandation vient de moi.

Je ne suis pas certain que le comité reverra le règlement dans son entier. Je ne pense pas que tel sera le cas. Je ne pense pas que c'est ainsi que le système fonctionne. Je suis nouveau à la Chambre et je ne suis pas très certain de la manière dont les choses vont fonctionner.

Quoi qu'il en soit, par le biais de cet amendement, je voulais veiller à ce que les éléments qui sont au coeur même de nos valeurs, de nos politiques ou de nos principes, se retrouvent dans la loi plutôt que dans le règlement. Ce faisant, nous limitons la portée du règlement pour nous assurer qu'il n'ira pas à l'encontre de l'esprit de la loi pour en regard de l'énoncé fondamental des valeurs et des principes.

Mme Kripa Sekhar: Il n'y aura donc pas de contradiction entre ce qui se trouve dans la loi et ce qui sera appliqué par voie de règlement? Je n'ai rien contre cela, mais je vois un problème dans le projet de loi, dans la façon dont il est rédigé. Il faudrait en modifier le libellé pour l'aligner sur les dispositions relatives aux droits de la personne, pour bien définir ce qu'il faut entendre par discrimination et qu'on retrouve dans toutes les conventions et pactes dont j'ai parlé.

Monsieur McCallum, la personne qui vous a précédé a parlé de la situation des femmes. Moi, j'estime qu'il faut également tenir compte des dimensions classe et race. Je ne pense pas que l'on puisse séparer ces éléments.

• 1630

Mais avant de modifier le projet de loi pour l'encadrer dans le contexte de l'égalité—peu importe ce qu'on fera du règlement—comment allons-nous nous assurer que cette loi ne sera pas détournée?

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup. Je pense que par déférence envers mes collègues d'en face, je me dois d'écourter cette discussion pour donner la parole à Madeleine Dalphond-Guiral.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Bonne fin d'après-midi. Je me permets de vous remercier d'être avec nous en dépit des frustrations inhérentes au système de vidéoconférence. Ma question s'adresse à Mme Sekhar.

Dans votre exposé, vous avez souligné une des valeurs les plus importantes qui doivent sous-tendre toute loi: la nécessaire équité à l'endroit des citoyens. À un moment donné, vous avez fait allusion aux coûts liés à l'obtention de la résidence permanente qui peuvent, pour certaines femmes en particulier, devenir onéreux.

J'ai eu l'occasion, lors de témoignages précédents, de suggérer quelque chose qui peut-être pourrait permettre une amélioration de cette situation. Si la Loi de l'impôt sur le revenu autorisait des déductions d'impôt égales au montant versé pour l'obtention de la résidence permanente, croyez-vous que ce serait un peu moins inéquitable? Croyez-vous que cela pourrait améliorer un peu la situation économique des nouveaux citoyens?

[Traduction]

Mme Kripa Sekhar: J'aimerais que quelqu'un d'autre vous réponde en premier, et je le ferai ensuite. J'ai vraiment envie d'entendre ce que les autres ont à dire à ce sujet et je répondrai par la suite.

Mme Bula Ghosh: Il arrive que les femmes n'aient pas de revenu, si bien qu'un crédit ou une réduction d'impôt ne pourra pas les aider. Il leur faut payer d'abord et on peut se demander où elles vont aller chercher l'argent? C'est cela qui m'inquiète, mais moi aussi j'aimerais entendre la réaction des autres.

M. Gordon Barnes: J'aimerais inviter les membres du comité à venir en Saskatchewan, à Moose Jaw. Moose Jaw est une des pages les plus tristes de l'histoire du Canada parce qu'on y a fait travailler des Chinois dans des tunnels, dans d'horribles conditions. Ils sont venus pour nous aider à construire le transcanadien mais, pour pouvoir rester au Canada et s'y installer, ils devaient payer une capitation. Ces tunnels sont maintenant une attraction touristique, on peut les visiter et se faire une idée de ce qu'ont pu vivre les immigrants chinois. La plupart des Canadiens qui viennent visiter ce site de Moose Jaw en repartent révoltés.

Cela étant, j'espère que nous n'imposerons aucun droit pour ne pas compliquer davantage l'établissement de ceux qui veulent venir vivre au Canada. Il n'est pas besoin de faire de tout cela un enjeu financier. Pourquoi devrions-nous aggraver le fardeau de ceux qui viennent d'ailleurs pour s'installer ici, pour soutenir leurs proches et éventuellement parrainer d'autres membres de la famille? Je ne comprends pas. Je crois que les Canadiennes et les Canadiens sont généreux et il n'est pas nécessaire de compliquer financièrement la venue d'immigrants et de réfugiés.

Je dois également vous signaler que pour l'instant les réfugiés bénéficient d'un prêt de déplacement pour pouvoir venir au Canada, prêt qu'ils doivent rembourser à un taux d'intérêt élevé. Les gens doivent savoir tout cela et j'espère que la loi sera corrigée sur ce plan, dans l'avenir.

Mme Kripa Sekhar: Je pense qu'il faudrait éliminer la taxe d'établissement ou du moins la remplacer par une taxe d'un montant raisonnable. Il faut tenir compte du niveau de revenu. Les immigrantes et les réfugiées ainsi que les femmes de couleur, même si elles sont qualifiées, se heurtent à des problèmes d'emploi et se retrouvent souvent parmi les gagne-petit. Ce faisant, le fait de modifier les choses sur le plan de l'impôt sur le revenu ne devrait pas, quant à moi, régler le problème. Je sais que vous êtes animée de bonnes intentions, madame, mais je ne vois malheureusement pas comment cela va pouvoir fonctionner dans le cas des femmes que nous représentons.

• 1635

D'un autre côté, je conçois qu'il s'agit-là d'un investissement. Je conçois que les familles que l'on réunit forment un noyau plus riche qui investira dans un meilleur Canada, qui favorisera la croissance et l'enrichissement de la collectivité. Dans ce contexte, j'y vois l'occasion pour le Canada et les Canadiens de régler le problème de déficit humain auquel nous sommes confrontés. Ce serait une façon de voir les choses.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.

Nous avons considérablement dépassé le temps qui nous est alloué. Je vais inviter les prochaines personnes qui vont poser des questions et ceux qui vont y répondre à être le plus concis possible.

John Herron veut-il prendre la parole?

M. John Herron: Non, ça va pour l'instant, monsieur le président.

Le vice-président (M. John McCallum): Judy.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Judy Wasylycia-Leis, députée NPD à ce comité. Je tiens à remercier tous nos témoins, mais surtout Mme Sekhar et Mme Ghosh pour leur analyse du projet de loi sous l'angle de la sexospécificité. Leur témoignage s'inscrit en complément de ce que nous avons entendu plus tôt aujourd'hui du Conseil canadien pour les réfugiés. Toutes ces personnes nous ont fait une déclaration très importante, à savoir que le projet de loi, dans plusieurs de ses parties, a un effet négatif sur la femme.

La question à laquelle nous devons répondre, nous les membres du comité, est de savoir si nous sommes prêts à appuyer une loi qui se trouve à intégrer en droit des politiques ou des programmes discriminatoires qui ont un effet négatif sur les femmes? J'apprécie donc la contribution des témoins à cet égard.

Je vais poser une question connexe à celle-ci. Nous n'avons pas beaucoup parlé, lors des audiences de ce comité, du programme concernant les aides familiaux résidants, bien qu'il en soit beaucoup question pour les groupes de femmes. Il s'agit d'un programme que la ministre n'entend pas modifier. De nombreux groupes m'ont dit qu'il était particulièrement discriminatoire, parce qu'il revient à traiter les femmes comme des citoyennes de deuxième classe et à perpétuer les conditions défavorables imposées aux femmes, que nous voudrions éliminer au Canada.

Je me demande donc, en plus de tous ce que vous pourriez ajouter à votre analyse de sexospécificité, si vous avez des remarques à faire à propos du programme concernant les aides familiaux résidants.

Mme Kripa Sekhar: Il est un aspect que nous avons toujours soutenu, en plus de tous les autres dont nous aimerions parler à propos de ce projet de loi, mais dont nous ne pouvons pas traiter par manque de temps: ce programme favorise la discrimination des femmes qui viennent ici et qui s'occupent de familles canadiennes pour que les femmes et les autres membres des familles d'accueil puissent aller travailler pendant que ces aides familiales s'occupent de toutes sortes de menus travaux à la maison.

Nous avons recommandé que ces personnes soient accueillies en qualité d'immigrants à part entière et qu'on leur confère les droits afférents à ce statut dès le début. Si elles contribuent à la vie de la société dès le début et qu'elles ont un travail pour commencer, pourquoi ferions-nous de la discrimination et leur imposerions-nous un délai d'attente avant qu'elles puissent parrainer d'autres membres de leurs familles? Cela nous indique que le système de regroupement des familles au Canada laisse à désirer. Il y aurait lieu de joindre le geste à la parole quand nous prétendons être un pays favorable à la famille.

Mme Bula Ghosh: Certaines personnes viennent au Canada dans le cadre d'un programme de parrainage, pour travailler ici. Tout ne fonctionne pas toujours comme prévu. Si nous ne leur donnons pas le statut d'immigrant reçu tout de suite, ces personnes auront des choix limités par la suite. Elles se retrouvent en situation de porte-à-faux qu'elles tolèrent uniquement parce qu'elles veulent rester au Canada. Nous ne sommes pas justes dans ces programmes et nous ne sommes pas justes envers les gens qui viennent ici offrir un service essentiel. Ces personnes sont dépouillées de tout droit, parce qu'elles n'ont pas le statut d'immigrant reçu, même si elles sont employées au Canada.

• 1640

Je tiens à vous rappeler que la plupart de ces personnes sont des femmes et notamment des femmes de couleur, des noires. Il faut savoir cela pour être conscient de la discrimination que nous exerçons.

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup. Nous avons peut-être épuisé les questions et les commentaires.

M. John Herron: Je voudrais faire un rappel au Règlement, mais je vais attendre que tous les témoins en aient terminé.

Mme Lynne Yelich: Bonjour. Je m'appelle Lynne Yelich de Blackstrap. Est-ce que Gordon Barnes, l'auteur, de l'Université de Saskatchewan est là? Très bien.

Je vais vous demander une chose. Nous avons souvent entendu parler de l'insistance que le projet de loi place sur la criminalité. La ministre, qui est libérale et qui veut d'un projet de loi sur l'immigration très libéral, nous dit qu'il faut nous montrer durs à cause des abus du système. Pensez-vous qu'il y ait des gens qui abusent du système au point où l'on doive aller aussi loin dans ce projet de loi? J'aimerais que vous me répondiez le plus vite possible, chacun de vous. Pensez-vous qu'il y a des abus? On dit aussi que les agents de l'immigration sont draconiens, ou qu'ils vont l'être. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.

M. Gordon Barnes: J'ai essayé d'aborder cet aspect dans ma présentation, en ce sens que des personnes qui viennent ici en qualité de réfugiés se retrouvent malheureusement parfois dans des situations difficiles, ce qui traduit leur vécu avant d'arriver au Canada. Ce faisant, on ne peut pas vraiment dire qu'elles exploitent le système. Il arrive, malheureusement, que des gens, des Canadiens et des nouveaux arrivants, enfreignent la loi. Je ne pense pas qu'on puisse parler d'abus du système. J'espère que nous allons cesser de blâmer ces gens-là pour créer un milieu où l'on soutiendra plutôt que d'enfoncer les Canadiens et les autres qui ont des démêlés avec la justice; j'espère que nous allons arrêter de traiter ainsi des gens qui, à cause de leur passé, peuvent avoir de la difficulté à s'établir au Canada.

Mme Lynne Yelich: Je tiens à faire une remarque pour mémoire. Moi aussi, j'ai vu des immigrants qui me disent: «Il y a des gens qui rentrent ici par la petite porte. Nous, nous avons dû nous mettre au bout de la ligne et suivre toute la procédure». Je me rappelle notamment cet ancien résident d'Islamabad que j'ai aidé très fort pour faire venir sa famille. Je suis triste d'ailleurs que nous ayons échoué. Ce monsieur est venu me voir pour me dire: «Dans le sud de la Saskatchewan, je sais qu'il y a des gens qui sont venus ici sans problème, en contournant la loi. Pourtant, ils ont été admis à Saskatoon». C'est peut-être à cause de cela que la ministre doit aller aussi loin. C'est du moins ce que je suppose et je voulais que cela soit consigné au procès-verbal.

Mme Kripa Sekhar: Je voudrais vous répondre. Je connais une mère de famille, ici en Saskatchewan—et c'est juste un exemple que je vous donne—qui, après neuf ans est encore considérée comme visiteur, même si son mari est résident. Après sa séparation, on lui a dit de rentrer chez elle, mais que ses enfants resteraient ici parce que son mari avait obtenu la garde conjointe. Neuf ans après, elle n'a toujours pas le statut d'immigrant reçu. Je doute des motifs qui animent les gens de l'immigration quand ils l'envoient subir des tests psychologiques. Pourquoi font-ils cela? Qu'est-ce qui se cache derrière tout cela? Une femme dans sa situation est forcément déprimée. Va-t-on se servir de l'excuse de sa dépression pour la déporter et l'empêcher d'être auprès de ses enfants qui sont âgés de quatre, six et dix ans?

Cela donne sérieusement à réfléchir. C'est de cela dont il est question quand on parle de la nature des abus possibles et de la nature de ce projet de loi. Il confie des pouvoirs extraordinaires aux autorités de l'immigration et aux agents de l'immigration.

Je pense qu'il faut absolument envisager ce projet de loi sous l'angle des droits de la personne. Prenons, par exemple, le cas de celui ou de celle qui aura enfreint la loi, pour une raison ou pour une autre—dans le cas des jeunes, il s'agira peut-être de la pression des camarades ou d'autres choses. Il faut raisonner au cas par cas. Vous ne pouvez pas simplement vous appuyer sur une loi radicale pour régler tous ces cas. C'est totalement inacceptable. Cela va à l'encontre de tous les textes que nous avons ratifiés dans le cadre de l'ONU.

• 1645

Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.

Je vais maintenant remercier nos témoins. Comme je le disais plus tôt, il est toujours mieux de se rencontrer en personne, mais merci tout de même de vous être joints à nous à distance. Nous avons attentivement écouté tout ce que vous nous avez dit. Nous allons maintenant le digérer d'ici notre retour à Ottawa. Nous allons travailler sur tout cela dans le courant de la semaine prochaine.

Merci beaucoup de vous être joints à nous. Au revoir.

M. John Herron: J'ai un rappel au Règlement à faire, monsieur le président. Après avoir réfléchi—et je me suis entretenu avec certains de mes collègues à ce sujet—j'aimerais me faire l'écho de ce qui a été dit plus tôt par M. Davis, qui représentait l'Association du Barreau canadien qui a invité le comité à ne pas passer trop vite à l'étude article par article.

Nous allons continuer d'entendre une longue liste de témoins dans les trois prochains jours. Afin que nous disposions du temps voulu pour digérer toute cette information, pour que nous puissions préparer nos amendements et pour que le personnel législatif puisse y donner suite, en vue de l'étude article par article, je vous informe officiellement de mon intention de déposer une motion, dans 48 heures, que je soumettrai donc aux voies jeudi. J'ai simplement l'intention de demander à ce que le comité dispose d'une semaine pour se préparer, de sorte que nous ne passerons pas à l'étude article par article avant le 15 mai.

Ma motion se lit comme suit: Le comité ayant entendu une myriade de témoins lors de ses consultations à travers le Canada et étant donné l'attention qu'il entend apporter aux documents et témoignages recueillis à cette occasion, il est proposé que le comité ne se réunisse pas avant le 15 mai pour entamer l'étude article par article, de sorte que les députés et le personnel législatif disposent d'un délai suffisant pour préparer les amendements.

[Français]

Cette motion existe dans les deux langues officielles. Je demande que l'on tienne un vote sur cette motion jeudi matin.

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le vice-président (M. John McCallum): Comme je n'ai pas beaucoup d'expérience dans ces questions, je suppose que votre motion est conforme et que vous allez la présenter dans 48 heures, selon votre préavis.

M. John Herron: C'est juste un préavis de motion.

Le vice-président (M. John McCallum): C'est ce que je voulais dire. Je suppose que mon rôle consiste à...

Mme Lynne Yelich: ... en parler à Joe.

Le vice-président (M. John McCallum): ... à en parler à Joe et à l'accepter.

M. John Herron: Mon intention est justement de donner un peu de mou à Joe, parce que son ministère fait pression sur lui pour qu'il accélère le passage du projet de loi en Chambre. J'essaie de faire en sorte que ces consultations, qui ont coûté beaucoup d'argent du contribuable, soient vraiment utiles. Tout ce que nous demandons, c'est une semaine pour nous préparer à passer à l'étude article par article. C'est le minimum que nous devons aux témoins et c'est pour cela que j'ai d'ailleurs parlé de cette question à Joe au début de nos audiences.

Le vice-président (M. John McCallum): Je reprenais juste ce que Lynne Yelich m'a soufflé quand elle m'a dit «d'en parler à Joe». Il est évident que nous allons consulter tout le monde. Votre avis de motion est maintenant consigné.

La séance est levée.

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