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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 4 mai 2001

• 0910

[Français]

Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Chers collègues, bonjour. Bienvenue à tous à Montréal, une grande ville qui a accueilli beaucoup d'immigrants dans son histoire.

Le comité est ici pour écouter des témoins afin de voir comment nous pouvons préparer une nouvelle loi sur l'immigration pour le Québec et le Canada.

[Traduction]

Bienvenue à tous. Le Comité de la citoyenneté et de l'immigration est heureux d'être ici. Jusqu'à maintenant, nous sommes allés à Vancouver, Winnipeg et Toronto, et c'est avec plaisir que nous nous arrêtons à Montréal, dont l'histoire est associée à l'immigration, et qui accueille depuis longtemps immigrants et réfugiés chez elle et dans les autres régions du Québec.

Le comité remercie les témoins de venir formuler leurs observations, leurs idées et leurs recommandations sur la façon d'améliorer le projet de loi qui a été présenté par le gouvernement du Canada. Nous avons reçu vos mémoires. Nous aimerions que chaque groupe de témoins prenne cinq à sept minutes pour résumer le contenu de son mémoire, et nous vous poserons ensuite des questions.

J'aimerais également remercier chacun d'entre vous du travail que vous accomplissez chaque jour pour les immigrants et les réfugiés. Le comité est très impressionné par le nombre de gens, d'organismes et d'administrations publiques à tous les paliers qui oeuvrent dans le domaine de l'immigration dans l'ensemble du pays. On nous a dit que l'immigration a contribué à bâtir notre grand pays et la province de Québec, et qu'il est reconnu dans le monde que l'immigration a servi non seulement les intérêts du Canada mais aussi ceux des immigrants et des réfugiés.

Nous sommes impatients de vous entendre. Nous allons donc commencer notre première séance. Ce matin, nous recevons des représentants de l'université McGill, de l'Université de Montréal, de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration et d'Action Réfugiés Montréal ainsi que M. Colin Singer, qui témoigne à titre personnel.

Je vais demander à Cécile Rousseau, je crois, de l'université McGill, de commencer.

Mme Cécile Rousseau (professeure de psychiatrie, université McGill): Bonjour.

Le président: Bonjour.

Mme Cécile Rousseau: Je m'adresse à vous au nom d'une équipe multidisciplinaire de chercheurs de l'université McGill, de l'Université du Québec à Montréal et de l'Université de Montréal qui travaillent dans les domaines du droit, de la psychiatrie et de l'anthropologie.

La détermination du statut de réfugié est un des processus de décision les plus complexes dans notre société. Au Canada, malgré un taux de reconnaissance assez élevé et une interprétation idéologique de la définition de réfugié international, nombreux sont ceux qui sont mécontents des décisions prises par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Je pense qu'il est important de constater que les divergences d'opinions à ce sujet sont souvent interprétées comme purement idéologiques et donc insolubles. Les gens ont tendance à dire qu'ils sont d'une autre école de pensée et que c'est le problème. L'objectif de notre étude était d'essayer de prouver qu'au-delà de l'idéologie, les divergences d'opinions et de perceptions entre les intervenants étaient attribuables à d'autres facteurs qui peuvent être modifiés.

C'est la raison pour laquelle notre étude a prévu une analyse à la fois qualitative et quantitative sur les plans culturel, anthropologique, psychologique et juridique d'un certain nombre de cas réputés provoquer des divergences d'opinions entre différents groupes professionnels au Canada.

Les résultats indiquent qu'il y a de nombreux problèmes en ce qui concerne le rôle et le comportement de tous les intervenants. Par exemple, sur le plan juridique, l'évaluation de la preuve a soulevé d'énormes difficultés. L'évaluation de la crédibilité et la tenue des audiences—la façon dont les audiences se déroulent—ont soulevé des problèmes très importants. Sur le plan psychologique, on a constaté très souvent des difficultés à transiger en cas de traumatisme vicariant et de réactions émotives incontrôlées pendant les audiences. Enfin, sur le plan culturel, pour ne citer que quelques-uns des problèmes relevés, on a constaté très fréquemment une piètre connaissance du contexte politique, une représentation erronée de la vie en situation de guerre ainsi qu'une incompréhension et de l'insensibilité face à la culture.

• 0915

Dans la majorité des cas, ces trois types de facteurs interagissent, et je pense que c'est ce qui rend la question si complexe, et qui fait que nous ne pouvons pas la régler en proposant d'offrir une formation juridique, psychologique et anthropologique. Évidemment, il faudrait le faire, mais ce n'est pas suffisant, parce que ces facteurs interagissent de façon très complexe. C'est la raison pour laquelle, si nous voulons corriger la situation, nous devons changer en profondeur la façon dont la formation est donnée, pour mettre l'accent sur le processus et non le contenu, par exemple, quand on discute des cas et quand les commissaires peuvent poser des questions et réfléchir, parce qu'ils ont une lourde et difficile tâche à remplir pour prendre des décisions judicieuses.

Cela suppose aussi que le processus de sélection des commissaires devrait être révisé, pour tenir compte du fait que nous ne pouvons pas demander aux commissaires d'être pleinement compétents dans les trois domaines, culturel, juridique et psychologique—c'est impossible même pour nous. On peut toutefois s'attendre à ce qu'ils aient des connaissances suffisantes dans un des trois domaines et qu'ils puissent, avec la formation, acquérir certaines connaissances dans les autres domaines.

Ce sont vraiment les conclusions de notre première étude. Nous projetons de la poursuivre et de l'étendre pour avoir une idée de la prévalence des problèmes dans l'ensemble du Canada. Cette étude indépendante qui sera effectuée à différents endroits, Montréal, Vancouver et Toronto, cherchera à déterminer, à partir d'un échantillon aléatoire, la prévalence des cas difficiles et reprendra nos conclusions en regard des éléments inquiétants.

Merci.

Le président: Merci, Cécile.

Pour les fins du compte rendu, cela fait-il partie de l'étude dont vous avez parlé, l'étude préliminaire que nous avons?

Mme Cécile Rousseau: Oui.

Le président: Parfait, merci. Je suis sûr que nous aurons des questions à vous poser.

C'est maintenant au tour de France Houle de l'Université de Montréal. Bienvenue.

Mme France Houle (professeure de droit, Université de Montréal): Bonjour.

Je parle en mon nom personnel, bien sûr, et au nom de François Crépeau. Nous avons rédigé ensemble le mémoire intitulé «La sécurité des réfugiés et la compétence des commissaires de la CISR».

Comme vous le savez, le président Kennedy a déclaré: «Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays». Bien sûr, cette phrase a été prononcée dans un autre contexte, celui de l'État providence, qui semble en voie de disparition. Pour paraphraser le président Kennedy, j'aimerais que vous vous demandiez ce que vous pouvez faire, en tant que représentants de l'État canadien dans le contexte de la mondialisation, pour ceux qui ont besoin de protection. En fait, il est crucial de se demander qui d'autre que l'État peut protéger les gens, surtout ceux qui sont particulièrement vulnérables? J'aimerais que vous et le gouvernement fédéral pensiez à ceux qui sont nommés au poste de commissaire et qui ont l'énorme responsabilité de protéger ceux qui sont dans le besoin.

Moi, et François Crépeau proposons dans notre mémoire une mesure qui pourrait être prise pour assurer que les personnes qui sont nommées au tribunal sont qualifiées, c'est-à-dire qu'elles possèdent les connaissances requises pour s'acquitter de leur fonction de façon compétente et qu'elles sont en mesure de prendre des décisions raisonnables et justifiées. En tant que spécialiste du droit administratif, je peux dire que cette fonction n'est pas toujours remplie du mieux possible, ce qui entraîne des décisions malheureuses, pour le moins.

Il est important, dans le contexte de la charte, que le gouvernement libéral a défendue, de comprendre que moi et mon équipe de chercheurs, Cécile Rousseau, François Crépeau et Patricia Foxen, ainsi que d'autres juristes, croyons que des tribunaux qui ne sont pas composés de personnes compétentes ne peuvent être considérés indépendants et impartiaux. Pour assurer l'indépendance et l'impartialité, il faut avoir la conviction profonde qu'on est en mesure de s'acquitter d'une fonction de façon très professionnelle. Moi et d'autres experts sommes convaincus qu'être et se sentir compétent est un élément essentiel de l'indépendance et de l'impartialité. En fait, j'irais même jusqu'à dire que c'est la pierre angulaire de tout système qui veut garantir sa crédibilité et sa légitimité. Autrement, le système ne peut pas remplir ses promesses.

• 0920

La province de Québec a pris des mesures en créant le tribunal administratif du Québec. La Loi sur la justice administrative prévoit des règles précises et confère des pouvoirs de réglementation qui assurent la compétence des membres du tribunal. C'est une première étape qui s'est avérée très efficace. D'ailleurs, il faut avouer que la transition, au Québec, entre la nomination tout à fait arbitraire des juges et un pouvoir discrétionnaire structuré ne s'est pas faite de façon particulièrement douloureuse. Le système ne s'est pas effondré, et un processus plus transparent sert assurément mieux les intérêts de la démocratie. Nous n'attendons rien de moins de la part du gouvernement fédéral.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Jusqu'ici, les témoins m'impressionnent. À Vancouver, Winnipeg et Toronto j'ai dû interrompre les témoins parce qu'ils dépassaient les cinq à sept minutes allouées. Les représentantes de McGill et de l'Université de Montréal ont toutes les deux parlé moins longtemps que prévu. Sentez-vous à l'aise—je ne suis pas encore trop insistant.

[Français]

Une voix: ...la différence...

Le président: Oh! oui. Vive la différence.

Je souhaite la bienvenue à Jacques Beauchemin et Carole Fioré de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration.

Maître Jacques Beauchemin (président, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration): Merci.

Je suis accompagné aujourd'hui de Me Carole Fioré, qui est la secrétaire-trésorière de notre association. J'aimerais vous dire que notre association est formée d'environ 120 avocats et avocates qui travaillent sur le terrain de l'immigration en représentant des réfugiés ou des candidats à l'immigration qui se trouvent à l'extérieur du pays.

Notre association s'était déjà prononcée sur le projet de loi C-31. Elle voudrait ici réitérer certaines observations. Tout d'abord, nous voulons vous mentionner que nous sommes préoccupés par le fait qu'il nous apparaît que le projet de loi C-11 diminue les droits des individus concernés par l'immigration, qu'ils soient immigrants ou réfugiés, tout en augmentant les pouvoirs de contrôle qui sont donnés à l'État ou aux agents de l'État sur ces mêmes individus.

Vous vous souviendrez sans doute des lacunes relevées par le vérificateur général du Canada dans son rapport du mois d'avril 2000 relativement à la qualité et à l'uniformité des décisions prises par les agents des visas à l'étranger. Vous vous rappellerez également les conclusions de la Cour suprême du Canada dans la décision Baker relativement à l'importance de la transparence du processus et de l'équité procédurale dans la prise de décision des agents d'immigration.

Notre association propose la création d'un bureau de l'ombudsman de l'immigration qui serait doté d'un pouvoir d'enquête étendu et qui pourrait recevoir les plaintes formulées par toute personne touchée par l'administration de la future Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ça nous apparaît un aspect important dans la mesure où, encore récemment, la presse a révélé différents abus qui ont été commis par des agents d'immigration, qui sont allés jusqu'à falsifier des documents afin de faciliter le renvoi de personnes du Canada, et des abus qui ont pu être faits par le Service canadien du renseignement de sécurité pour, encore là, falsifier des documents ou des preuves au sujet de personnes qui avaient demandé le statut de réfugié au Canada.

Il nous semble qu'à ce stade-ci, il est important qu'un organisme indépendant puisse surveiller les agents qui mettent en application la Loi sur l'immigration de sorte qu'il puisse, cet ombudsman, faire rapport au Parlement et lui donner, avec les moyens d'enquête qu'il a, la possibilité d'intervenir sur l'administration de la loi.

Je vais maintenant laisser la parole à Me Fioré, qui va vous parler de la question des droits des résidents permanents au Canada.

Maître Carole Fioré (secrétaire-trésorière, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration): Bonjour.

La nouvelle loi inaugure des procédures qui nieront à des résidents permanents voyageant à l'étranger le droit de revenir au Canada, même pour comparaître devant des instances devant déterminer leur statut, alors que, par ailleurs, leur statut pourrait être parfaitement valide. Ces dispositions altèrent grandement le droit d'entrée, qui constitue un droit fondamental pour les résidents permanents.

• 0925

D'autre part, relativement aux droits des résidents permanents, le projet de loi C-11 limite sérieusement le droit de ces derniers de faire réviser les circonstances entourant la perte de leur statut ou de leur expulsion lorsque cette perte ou cette expulsion sera fondée sur des motifs généraux d'inadmissibilité tels que des actes criminels. Par exemple, un résident permanent qui est arrivé au Canada très jeune, qui s'est marié, qui a eu des enfants, qui a payé ses impôts, mais qui est déclaré coupable d'une infraction criminelle grave, pourrait se voir expulser du pays alors que ce pourrait être le seul événement qui l'ait affecté au cours de toutes ces années passées au Canada.

L'AQADI recommande que la Section d'appel de l'immigration conserve toute sa compétence en équité et eu égard à toutes les circonstances sur toute question relative à la perte de statut d'un résident permanent et relative aussi au parrainage d'une personne de la catégorie famille.

D'autre part, il est entendu que le contrôle judiciaire d'une décision de la section d'appel devrait pouvoir être effectué sans autorisation préalable devant la Cour fédérale du Canada, une telle demande opérant sursis de renvoi dans le cas d'une expulsion.

Nous ne croyons pas que le volume de demandes de contrôle judiciaire puisse justifier l'imposition de l'obtention d'une autorisation pour l'exercice d'un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale concernant les décisions rendues par les agents des visas. Les statistiques démontrent que pour l'année 1999, seulement 856 demandes de contrôle judiciaire ont été déposées sur un total de 25 000 refus de demandes d'immigration déposées à l'étranger. Sur les 856 demandes, 36 p. 100 ont fait l'objet d'une décision positive en faveur du requérant.

D'autre part, nous suggérons, afin de réduire le nombre de contestations des décisions des agents des visas, qu'un plan de formation approprié soit mis sur pied pour les agents des visas à l'étranger afin de favoriser l'harmonisation des décisions et leur cohérence, et que l'on autorise les avocats à assister aux entrevues de sorte que celles-ci soient plus efficaces et mieux protégées, tel que le démontre l'expérience acquise au Québec lors des entrevues tenues par les conseillers en immigration du Québec à l'étranger.

Merci.

Me Jacques Beauchemin: Sur la question des réfugiés, j'aimerais ajouter ceci. Je ne voudrais pas répéter les commentaires faits par Me Houle et la Dre Rousseau sur le mode de nomination des commissaires. Je pense que beaucoup a déjà été dit là-dessus, mais je pense que des mesures s'imposent afin d'assurer la compétence, l'indépendance et l'impartialité du tribunal. Évidemment, c'est dans un souci de faire en sorte que la sécurité et la liberté des personnes qui sont concernées—parce que ce sont des questions sérieuses—puissent être assurées de façon équitable.

L'AQADI approuve et est heureuse de voir qu'on a introduit, pour la première fois en droit canadien, l'application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ce sera un instrument d'interprétation qui sera donné aux commissaires pour décider du sort d'un réfugié, ce qui n'était pas le cas auparavant. Il y a cependant d'autres conventions internationales qui auraient pu être introduites en droit canadien afin de favoriser une meilleure évaluation des demandes de statut de réfugié.

Cependant, l'association ne peut être d'accord sur le fait que dorénavant, on laisse entre les mains des agents d'immigration et entre les mains du ministre la seule décision des cas d'irrecevabilité en matière de revendication de statut de réfugié pour des motifs de sécurité ou pour des motifs d'atteinte aux droits de la personne ou de criminalité. Ainsi, sur un simple avis d'un agent d'immigration, on pourrait soustraire à la compétence de la Section de la protection des réfugiés l'étude de diverses demandes. Il nous apparaît qu'il est nécessaire qu'un tribunal indépendant puisse se prononcer sur ces questions-là, et le seul tribunal qui pourrait le faire serait la Section de la protection des réfugiés et non pas l'avis d'un agent d'immigration.

• 0930

D'autre part, l'AQAADI ne peut être d'accord que l'on puisse prévoir dans la loi la possibilité de renvoyer dans un pays où elle pourrait être victime de torture, une personne dont la demande aurait été refusée en raison de l'application de la section F de l'article 1 de la Convention relative au statut des réfugiés, ou pour des motifs de sécurité ou de criminalité.

Nous sommes d'avis que la protection contre la torture est incontournable. On a introduit dans la loi, dans un premier temps, un instrument d'interprétation, l'article 1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais en même temps, on se soustrait à l'obligation d'appliquer la convention dans le cas de personnes qui auraient, par exemple, commis un crime, ou pour des motifs de sécurité. Il me semble que les obligations internationales du Canada vont plus loin que cela. On ne peut pas se soustraire à ces obligations et envoyer des gens à la torture, alors que nous sommes là, en principe, pour les protéger. Donc, aucun motif ne justifierait, à notre avis, de renvoyer quelqu'un dans un pays où il risque d'être soumis à la torture.

D'autre part, il est fondamental que la demande de contrôle judiciaire d'une décision négative de la Section de la protection des réfugiés puisse se faire, à notre avis, non seulement directement devant la Cour fédérale sans autorisation préalable, mais surtout que cette demande puisse imposer un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi qui s'applique à un revendicateur du statut de réfugié. Autrement, cela revient à ôter tout sens à la revendication d'un revendicateur.

En conclusion, il nous apparaît que le projet de loi actuel donne beaucoup plus de pouvoir aux instruments que l'État se donne pour renvoyer des gens, en retirant aux tribunaux, qui avaient cette compétence auparavant, la possibilité de contrôler les décisions qui sont prises par les agents. Il faut revenir, à notre avis, à une perspective un peu plus équitable, autant pour les réfugiés que pour les résidents permanents et les candidats à l'immigration. Merci.

Le président: Merci. Je cède maintenant la parole aux représentants de Action Réfugiés Montréal, Catherine Gauvreau et Vincent Valai.

M. Vincent Valai (membre du conseil d'administration, Action Réfugiés Montréal): Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier, au nom d'Action Réfugiés Montréal, de nous avoir invités à cette table ronde. Il y aurait beaucoup de critiques à formuler à l'égard de ce projet de loi. Nous avons cependant choisi de vous faire part de nos commentaires et de nos inquiétudes à l'égard d'un seul aspect, celui de la détention. Étant donné que notre organisme et nos bénévoles visitent régulièrement les centres de détention, nous illustrerons nos propos, dans la mesure du possible étant donné le peu de temps qui nous est alloué, par des exemples de personnes rencontrées en détention.

Mettre un terme à la liberté d'un être humain est une mesure exceptionnelle dans un État de droit et cela doit se faire dans un souci constant de respect des droits de la personne les plus élémentaires. Nos obligations internationales nous imposent également la plus grande prudence dans le cadre de la privation de la liberté d'une personne. Malheureusement, on ne tient pas compte de ce principe général dans le projet de loi, puisqu'il n'est question de mesures de dernier recours que dans le cas de la détention de mineurs, à l'article 60.

Nous recommandons d'amender le projet de loi afin d'ajouter comme principe général, dans la section traitant de la détention et de la mise en liberté, que la détention est une mesure exceptionnelle et de dernier recours.

Nous nous inquiétons, par ailleurs, de l'élargissement du pouvoir d'arrestation et de détention dans le cadre des questions reliées à l'identité. Comme vous le savez, les situations anarchiques dans certains pays, les guerres civiles et interétatiques qui sévissent dans d'autres, font qu'il est presque impossible ou extrêmement long d'obtenir des pièces d'identité. L'alinéa 55(2)b) pourra permettre des abus puisqu'il permettra d'arrêter et de détenir ceux qu'on appelle dans le projet de loi les étrangers, lorsque l'identité d'un de ceux-ci n'aura pas été prouvée dans le cadre d'une procédure. On peut facilement anticiper que des détentions arbitraires et non justifiées pourront résulter d'un tel alinéa.

Toujours dans le même article, le paragraphe (3) traite de l'entrée au Canada. Ce paragraphe nous inquiète également puisqu'il permettra purement et simplement que l'on prive un individu de sa liberté lorsque l'agent n'a tout simplement pas terminé son contrôle. Nous estimons que les motifs raisonnables dont on parle à l'alinéa (2)a) sont amplement suffisants et qu'il n'est nullement nécessaire de donner plus de pouvoirs discrétionnaires aux agents afin de leur permettre d'arrêter et détenir tous azimuts.

• 0935

Nous demandons une révision de l'alinéa (3)b) de l'article 55, afin que de simples soupçons non fondés ne résultent pas en détention, même si les atteintes aux droits humains et internationaux sont des crimes graves et qu'il faut tout mettre en oeuvre pour en arrêter les responsables. Nous estimons que de simples soupçons ne sont en aucun cas suffisants lorsqu'il est question d'un droit aussi fondamental que la liberté.

Nous recommandons d'amender le projet de loi en enlevant le terme «identité» comme motif de détention. Nous recommandons également de ne pas étendre indûment le pouvoir discrétionnaire d'un agent d'immigration dans le cadre d'arrestations et de détentions et, pour ce faire, nous demandons d'amender le projet de loi en supprimant tout simplement les alinéas (2)b) et (3)a) de l'article 55.

Finalement, nous demandons d'amender le projet de loi en enlevant le verbe «soupçonner» de l'alinéa (3)b) de l'article 55.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais céder la parole à Me Gauvreau, qui va vous donner des exemples pour illustrer mes propos et également vous entretenir de la détention des mineurs et des personnes vulnérables.

Maître Catherine Gauvreau (intervenante en détention, Action Réfugiés Montréal): Merci.

Il est important de garder en mémoire le fait que la mise en oeuvre des dispositions du projet de loi aura un impact majeur sur la vie des individus qui seront détenus dans le futur.

Je suis inquiète du fait qu'il ne semble pas encore établi que la détention ne doit être utilisée qu'en dernier recours.

Je vais vous donner un bref exemple. Il s'agit d'une femme qui en était au troisième stade de sa grossesse. Elle a été détenue au centre de prévention, alors que le père de l'enfant à naître était canadien. Cette dame avait été hospitalisée et prenait des médicaments. Elle était encore suivie par son médecin, qui avait informé Immigration Canada qu'il était trop dangereux, pour son état de santé et celui de son enfant à naître, de voyager. Une compagnie aérienne avait même refusé de la laisser voyager à son bord.

Elle a été détenue au Centre de prévention de l'immigration pour risque de fuite. Nous nous questionnons sur ce motif et nous ne croyons pas que dans son état, elle représentait un risque réel de fuite. Selon nous, le principe de dernier recours n'a pas été appliqué dans son cas.

Je vais vous donner un autre exemple, bien que celui-ci ait une fin heureuse, parce que je crois qu'il démontre bien les abus qui peuvent se commettre, si nous conservons l'identité comme motif de détention.

Il s'agit d'un couple qui venait d'Angola, un pays où on parle le portugais. Ils avaient revendiqué le statut de réfugié à la frontière.

Avant d'arriver au Canada, ces deux personnes avaient vécu pendant de nombreuses années et avaient étudié en République démocratique du Congo, un pays où l'on parle le français. Ils ont présenté leur demande de statut à la frontière avec leurs papiers d'identité. Sur certains de leurs papiers, leurs noms avaient été francisés, mais ils étaient très similaires à la version portugaise et il était évident qu'il s'agissait des mêmes personnes.

Sur un papier d'identité provenant de l'université où madame avait étudié, le pays de résidence indiqué était «RDC». Même si certains documents corroboraient le fait que les deux venaient d'Angola, ils ont été détenus. J'aimerais vous rappeler qu'aucun motif de risque de fuite ou de danger à la sécurité canadienne n'a été invoqué par Immigration Canada.

Immigration Canada voulait absolument avoir des passeports. Heureusement, dans ce cas-ci, tous les deux se débrouillaient en français et avaient un passeport aux États-Unis, qu'ils ont fait venir au Canada.

Dans la grande majorité des cas, les gens n'ont pas de passeports et passent donc un temps interminable en détention, simplement parce qu'on ne croit pas qu'ils révèlent leur véritable identité.

Nous nous opposons aussi à la détention de mineurs, parce que cela va à l'encontre de leur meilleur intérêt, et nous croyons que ce n'est pas une façon adéquate de les protéger.

Vous connaissez sans doute tous le cas des mineurs chinois non accompagnés qui ont été détenus pendant six mois au Centre de prévention de l'immigration. Non seulement ils ont été détenus pendant une longue période, ce qui a affecté grandement leur état psychologique, mais ces jeunes n'ont reçu aucune éducation pendant les cinq mois et demi de leur détention.

Les gardes du Centre de prévention de l'immigration ne sont d'aucune façon capables d'assurer le bien-être des enfants.

• 0940

Nous voulons souligner aussi l'importance de la mise en oeuvre des règlements et des ententes éventuelles par rapport à la prise en charge des mineurs—ce sont ceux qui sont mentionnés à l'alinéa 61a) du projet de loi—, particulièrement en ce qui concerne l'engagement de fournir des services sociaux et de santé ainsi que de loisirs aux mineurs, particulièrement aux mineurs non accompagnés.

J'aimerais finalement porter à votre attention le sort des personnes vulnérables, qui sont souvent oubliées. Je ne crois pas que la détention soit un milieu adéquat pour les personnes souffrant de problèmes physiques et psychologiques sévères ou de déficience intellectuelle.

Tel que mentionné dans nos commentaires, nous sommes inquiets de la détention des personnes âgées, des personnes apatrides et des personnes provenant de pays moratoires ou de pays où les autorités collaborent difficilement avec le Canada. Nous ne croyons pas que c'est à la personne détenue de subir les conséquences du fait que le gouvernement—et ça, c'est dans les cas où il y a un gouvernement—de son pays d'origine refuse de lui remettre un document de voyage.

Je vous remercie.

Le président: Merci.

[Traduction]

Bienvenue, monsieur Colin Singer.

[Français]

Me Colin R. Singer (Law Offices of Colin R. Singer, témoigne à titre personnel): Bonjour. Membres du comité et collègues,

[Traduction]

je m'appelle Colin Singer; je suis avocat membre du Barreau du Québec et je me spécialise dans le droit de l'immigration depuis 14 ans. Je vous remercie de m'avoir invité à venir témoigner devant vous aujourd'hui, pour la deuxième fois en deux ans.

Je veux moi aussi, et je m'en excuse, commencer ma déclaration en citant les propos d'un éminent homme politique américain. Adlai Stevenson, écrivain et ambassadeur des États-Unis aux Nations Unies en 1960, a déclaré, alors qu'il était gouverneur de l'État de l'Illinois, dans un discours prononcé en 1952: «la confiance du public en l'intégrité du gouvernement est indispensable à la démocratie et, quand on ne fait plus confiance au système, on ne croit plus à tout ce pour quoi on lutte». Je crois que la mise en oeuvre et l'intégrité du processus de consultation du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration ne doivent pas être compromises ou considérées, au mieux, comme une simple formalité. Je demande instamment aux membres du comité, qui ont été élus députés, d'examiner attentivement les plus de 90 mémoires présentés par des organismes issus de divers milieux et de toutes les régions du pays, dont un grand nombre sont des intervenants fort respectés dans le domaine et qui mettent à juste titre en question beaucoup d'éléments du projet de loi C-11. En agissant ainsi, vous ferez preuve de loyauté à l'égard de votre gouvernement et de la population de notre grand pays.

Je trouve, personnellement, qu'il est très contestable que la ministre ait déclaré, le 1er mars devant votre comité ainsi qu'ailleurs en public, que le projet de loi C-11 est équilibré, et qu'elle avait l'intention de répondre au comité d'ici la fin de mai, dans l'espoir que le projet de loi franchisse l'étape de la troisième et dernière lecture avant les vacances d'été. Je vous demande, à vous les membres du comité, qui en êtes à votre première et seule journée d'audience dans la province de Québec qui, comme vous le savez, représente 23 p. 100 de la population du pays, comment vous pouvez vraiment vous acquitter efficacement de votre mandat dans ces conditions.

Le ministère annonce que le projet de loi C-11 est draconien à l'égard des criminels. Il en est question dans l'énoncé de mission, et c'est omniprésent dans tout le processus. L'immigration n'est pas une affaire de criminalité. Aux États-Unis, l'immigration relève du ministère de la Justice, mais ce n'est pas le cas au Canada. Dans notre pays, l'immigration est la réponse à la baisse des taux de natalité, au recul des taux de mortalité et au vieillissement de la population, et l'élaboration d'une politique efficace pour assurer la croissance de la population, ce qui est un facteur important pour le maintien de la prospérité économique d'un très petit pays dont la population s'étend sur un vaste territoire. Le ministère clame que le projet de loi C-11 est musclé pour ce qui est de la criminalité, et je suis d'accord pour dire que c'est une question délicate et que les Canadiens aiment entendre que nous sommes intransigeants à l'égard des criminels. Qui ne voudrait pas l'être?

• 0945

Ensuite, le projet de loi C-11 vise à attirer davantage des travailleurs qualifiés. L'énoncé de mission du projet de loi C-11 néglige toutefois un objectif tout aussi important, qui est celui de faire en sorte que les travailleurs qualifiés restent au Canada. En tant qu'avocat, je sais bien qu'une proportion importante de nos clients vont inévitablement et souvent contribuer à l'exode des cerveaux, et aller s'établir plus au Sud, aux États-Unis, à la première occasion. Beaucoup de ces personnes n'ont pas l'intention de se prévaloir de leur statut de résident permanent; ils sont simplement des chiffres parmi les 225 000 immigrants reçus—parce que notre ministère ne manque pas de nous rappeler combien de gens il accueille—mais ils ne s'établissent vraiment jamais dans notre beau pays. Il est beaucoup trop tôt pour parler, comme la ministre l'a fait dans sa déclaration devant votre comité le 1er mars, d'un «inventaire» de gens voulant venir au Canada. Maintenant elle est prête à remplacer ce terme par celui que nous connaissons très bien «d'arriéré» de demandes à l'étude.

Je pense qu'il y a beaucoup de problèmes—que j'appelle lacunes—qui vont, à mon avis, diminuer le caractère canadien de nos résidents permanents. On vous a signalé ces lacunes concernant les examens obligatoires, les droits des résidents permanents, le transfert dans le règlement de pouvoirs qui vont vous échapper si vous adoptez le projet de loi C-11 dans sa forme actuelle. Vous allez priver vos collègues parlementaires de leur rôle d'examen des futures mesures législatives. Le teneur du projet de loi C-11 se trouve clairement dans le Règlement. C'est sans précédent. Le projet de loi C-11 est une coquille vide, et nous ne savons pas où le ministère s'en va.

Je suis inquiet au sujet de la révision judiciaire des décisions, qui est grandement amoindrie par le projet de loi C-11. Avec plus de 800 demandes de révision judiciaire sur des milliers et des milliers de demandes, je me demande pourquoi le ministère agit de cette façon. Pourquoi ne veut-il pas soumettre ses décisions internes à un processus de révision judiciaire impartial, s'il est clair que son objectif est de rendre plus difficile la possibilité de contester les décisions? Nous avons besoin d'un équilibre. C'est nécessaire à notre processus démocratique.

Vous savez qu'il y a 210 agents de visa canadiens en poste à l'étranger et plus de 1 000 employés locaux, dont beaucoup sont désignés agents d'immigration. Ils ne sont pas Canadiens, mais décident qui entrera dans notre pays. Ils seront protégés. Leurs décisions seront protégées en vertu du projet de loi C-11. Comme le processus de révision judiciaire équitable sera considérablement atténué, leurs décisions seront protégées. Je trouve qu'il est très contestable que le ministère continue d'engager des non-Canadiens. Je peux vous soumettre de nombreux cas de corruption et de méfait dans les missions canadiennes à l'étranger. Le ministère a beaucoup de mal à gérer son infrastructure d'immigration à l'étranger, et il a choisi de faire appel aux services de non-Canadiens. Je pense que vous devez examiner sérieusement ces aspects qui vous sont exposés à propos du projet de loi C-11.

• 0950

Merci.

Le président: Merci, monsieur Singer.

Avant de passer aux questions, je veux vous remercier de nous avoir présenté des exposés très intéressants, qui contiennent de nouvelles informations et d'autres que nous avons déjà entendues.

J'aimerais simplement apporter quelques précisions, monsieur Singer, au sujet des attributions de notre comité. D'abord, vous avez tout à fait raison. Le comité a l'intention de prendre le temps voulu et de faire preuve de diligence raisonnable pour assurer un juste équilibre et l'utilité du projet de loi. Il est certain que notre loi sur l'immigration et les réfugiés a bien servi les intérêts du Canada depuis 25 ans. C'est pourquoi nous prendrons le temps nécessaire.

Je peux simplement vous dire que, même si c'est par intermittence, le projet de loi sur l'immigration est à l'étude depuis quatre ans. Il y a eu énormément de consultations. En fait, pour ce qui est du projet de loi C-11, le comité entendra à peu près 154 témoignages de gens de toutes les régions du pays, comme vous l'avez dit. Donc, les gens sont engagés, les gens sont très importants.

Je suis d'accord pour dire—sans m'étendre sur le sujet—qu'il est peut-être malheureux que le ministère ou les médias aient essayé de qualifier le projet de loi de dur à l'égard de la criminalité. En fait, j'aimerais le décrire—et le gouvernement aussi—comme un projet de loi qui ouvre les portes de notre pays encore plus grandes aux immigrants en fonction, comme vous l'avez dit, des valeurs et des besoins de notre pays. Je sais que cela sera débattu, mais je veux simplement dire que, d'après moi, le projet de loi vise à accueillir plus d'immigrants, à accroître l'immigration et à mieux protéger les réfugiés.

Oui, il faut se préoccuper de la criminalité et de la sécurité. En bout de ligne, cependant, je pense que nous pourrions tous nous entendre pour dire que, dans 99,99 p. 100 des cas, les gens qui viennent dans notre pays, soit par choix, en faisant une demande d'immigration, soit par nécessité, en revendiquant le statut de réfugié, ont en fait beaucoup apporté à notre pays. Parfois, les médias et d'autres vont insister sur le 0,01 p. 100 qui reste, au lieu de parler des gens dont la contribution à notre pays a été remarquable au cours des siècles, et particulièrement dans cette province.

Je vous remercie donc, mais je tiens à vous faire savoir que nous allons prendre le temps qu'il faudra tout au long de ce processus. Nous entendons des témoins. Nous prévoyons commencer l'étude article par article à partir des données qui nous ont été transmises. Nous avons reçu d'excellentes suggestions jusqu'ici, de la part des membres de notre propre comité, ainsi que du public, sur la façon dont nous pourrions améliorer le projet de loi. Je peux donc vous garantir que, au bout du compte, ce comité et moi-même, en ma qualité de président, n'allons pas adopter un projet de loi qui, selon nous, ne bénéficierait pas de l'appui des Canadiens. Ce sont eux qui, finalement, sont les principaux intéressés.

Je passe immédiatement à Inky Mark pour une ronde de cinq minutes.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, AC): Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier nos témoins qui sont venus ce matin comparaître devant nous. Je ne cesse d'être impressionné par les déclarations faites par les témoins, même si c'est la dernière journée des audiences de la semaine. La plupart d'entre nous sommes assez fatigués, mais toutes les préoccupations dont nous avons été saisis sont incroyables et fort impressionnantes.

Permettez-moi de faire quelques observations sur certains points que j'ai entendus ce matin. À propos de la question de l'embauche pour le processus de sélection de la CISR, personne autour de cette table n'est contre le fait que cela doit se fonder sur le mérite. C'est d'ailleurs une recommandation qui figure dans le rapport du dernier comité.

J'imagine que le plus gros défi à relever consiste à faire en sorte que le processus de sélection soit ouvert et transparent. Comme vous le savez, il s'appuie sur un ancien processus de nominations politiques. Il est intéressant de voir que la province du Québec a apporté des changements et peut-être, pourrions-nous en tirer des leçons.

Permettez-moi d'arriver à la question que je souhaite poser à cet égard.

Nous avons adopté le concept du tribunal composé d'un seul commissaire. J'ai rencontré un sénateur australien il y a quelques semaines qui m'a indiqué que l'Australie était passée d'un seul commissaire à trois. Ce nombre a été accru si bien que je me demande si nous avons fait le bon choix ou non. S'agit-il sinon simplement d'une mesure temporaire? Est-il bon de faire un changement pour atténuer un problème temporaire, si c'est le cas?

• 0955

La preuve documentaire continue de poser un problème. L'autre jour, j'ai raconté au président que j'avais rendu mon passeport bleu pour l'échanger contre un vert, car je voulais un passeport diplomatique vert. On m'a dit qu'il était impossible de m'accorder un passeport vert, car je n'avais pas envoyé de certificat de naissance. Je suis un immigrant de troisième génération; je n'ai pas de certificat de naissance, mais je suis député et j'ai envoyé un passeport bleu, réel, qui est valide.

C'est un bon exemple. Si j'ai moi-même des problèmes, je ne peux imaginer les problèmes que des gens peuvent avoir à propos de documents lorsqu'ils arrivent dans notre pays et qu'ils n'en connaissent ni la langue ni la culture.

Oui, monsieur Singer, les gens se sont exprimés haut et clair au cours de la semaine. Je pense que le processus d'audiences publiques fonctionne bien, car beaucoup de Canadiens ont comparu devant nous pour nous faire part de leurs préoccupations. Ma confiance va jusque là; en effet, nous verrons bien si ces audiences porteront fruit ou non. Je suis ici depuis quatre ans et je crois en la bonne volonté du comité, celle des membres présents—et celle du président, également—qui permettra d'apporter quelques changements de fond à ce projet de loi.

Vous avez raison; l'immigration ne relève pas de la criminalité. Elle est l'histoire de notre pays et en sera aussi l'avenir. Je crois que ce projet de loi orientera les destinées du Canada pour les 20 ou 30 prochaines années. Je suis aussi d'accord pour dire que la sécurité de nos frontières ne devrait pas compromettre les droits de la personne.

L'Association du Barreau et d'autres organismes de notre pays continuent de décrire le C-11 comme un projet de loi qui ne respecte pas les valeurs canadiennes, qui manque de vision et qui ne respecte pas le droit à l'application régulière de la loi. Je suis d'accord. En fait, j'ai présenté un amendement visant à créer un poste d'ombudsman. On m'a dit alors qu'il n'y a pas de loi sur l'ombudsman dans le système fédéral si bien que je ne sais pas si je vais pouvoir présenter un amendement pour faire en sorte qu'un mécanisme d'examen soit prévu.

Je suis d'accord à 100 p. 100 pour que toutes les dispositions relatives aux demandes d'autorisation qui se trouvent dans le projet de loi en soient retirées. La question que je pose au plan juridique est la suivante: Dans le cas contraire, où va se situer le projet de loi? Si la demande d'autorisation n'est pas supprimée, ce projet de loi finira-t-il par être très anti-immigration et anti-réfugiés?

Ce sont certaines des observations que je voulais faire.

Le président: Je me demande si Jacques ou Carole pourrait répondre à cette question particulière et peut-être, M. Singer, également—ou n'importe qui d'autre. Au sujet de cette question précise toutefois, avez-vous quelque chose à dire, Jacques ou Carole?

Me Jacques Beauchemin: Sur la question de l'ombudsman?

M. Inky Mark: Et sur celle relative à la demande d'autorisation.

Le président: Et sur les dispositions du projet de loi relatives aux demandes d'autorisation ou à leur suppression.

M. Colin Singer: Je peux répondre au sujet de l'autorisation.

À propos de la loi elle-même, la ministre a fait une proposition au cours de son exposé devant ce comité le 1er mars. Elle a indiqué, à tort, que le délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire est de 15 jours et qu'il va maintenant passer à 60 jours. C'est parce que le délai était si court que l'on se retrouvait avec de nombreuses demandes de contrôle judiciaire. En effet, 30 jours est un délai simplement trop court lorsqu'il s'agit de traiter du cas de ressortissants étrangers dispersés dans le monde.

Si l'on portait ce délai à 60 jours—ce que je préconise—on aurait alors le temps de régler les choses dans un laps de temps beaucoup plus raisonnable. Ne le portez toutefois pas à 60 jours et ne l'assortissez pas d'une demande d'autorisation, car vous n'obtiendrez pas cette autorisation. La Cour fédérale n'accorde pas d'autorisation sauf dans quelques cas infimes.

Il faut donc maintenir l'équilibre. Laissez le processus d'autorisation... Supprimez-le du système, ne prévoyez pas de processus d'autorisation. Il est bon de porter le délai actuel des 30 jours à 60 jours, car cela permet de diminuer le volume d'actions intentées et seuls les cas particuliers qui doivent faire l'objet d'une action seront traités. Vous supprimerez les quelque 800 cas pour arriver à un volume qui sera beaucoup plus gérable, tout en assurant l'équité du système.

• 1000

[Français]

Le président: Monsieur Beauchemin.

Me Jacques Beauchemin: Me Fioré répondra à ça.

Me Carole Fioré: J'aimerais répondre à cette question-là. On vous a donné des chiffres sur le nombre de demandes et de refus. Il y en a à peu près 20 000 ou 25 000. Il y a 856 demandes devant la Cour fédérale. On vous a dit que pour nous, le volume ne nécessitait pas une autorisation en plus de la demande de contrôle judiciaire, une étape qui n'est pas nécessaire. Il n'y a pas d'embourbement à la Cour fédérale à ce niveau-là.

Je me rappelle que notre association a déjà discuté de cette question avec la ministre, et elle nous avait répondu qu'il y avait une inégalité: il y a une demande d'autorisation ici pour les gens qui sont au Canada, les réfugiés, et il n'y en a pas pour les gens qui sont à l'extérieur. Ce que notre association répond à ça, c'est que les gens qui sont à l'extérieur ont souvent déjà attendu trois ans avant de recevoir une décision qui, souvent, est non fondée, comme l'a expliqué le vérificateur général dans son rapport, et on leur demande de se soumettre en plus à une demande d'autorisation qui va prolonger les délais pour savoir s'il y aura un contrôle. Une fois que la décision est rendue, si elle est en leur faveur, il y a encore tout un autre délai avant qu'un agent des visas n'examine, encore une fois, leur dossier. Et cela s'applique autant, par exemple, à un réfugié qui a obtenu sa résidence permanente, qui parraine son épouse et ses enfants, et qui a un refus pour ses enfants sous prétexte qu'ils ne sont pas aux études parce que, par exemple, ils ont plus de 19 ans. Et on va attendre trois, quatre, cinq ans. Alors, compte tenu du volume, ce n'est pas injuste de permettre aux immigrants à l'extérieur de ne pas avoir à se soumettre à une demande d'autorisation en plus.

C'est ce que j'avais à dire.

Me Jacques Beauchemin: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose brièvement.

Vous savez qu'en matière de réfugiés, la demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés n'opérera pas sursis automatiquement dès la décision rendue. Donc, en principe, un réfugié pourrait être renvoyé. Là, vous allez créer un embourbement à la Cour fédérale. Les demandes de sursis vont se multiplier et il y aura plusieurs dossiers de cette nature, puisque c'est la sécurité et la liberté des gens qui sont en cause. Donc, ils vont s'adresser à la Cour fédérale pour demander le contrôle judiciaire de la décision. Ils vont produire une requête pour sursis en même temps, dans le court délai à leur disposition, pour s'assurer de ne pas être renvoyés dans un pays qui est dangereux pour eux, à cause d'une décision qui leur paraît mal fondée. Je pense que c'est très dangereux d'introduire le fait que la demande de contrôle judiciaire n'opérera pas sursis. On va créer un nouveau problème, et ce sont les juges de la Cour fédérale qui viendront vous dire ensuite qu'ils n'en peuvent plus.

Le président: Merci.

[Traduction]

Mme France Houle: Monsieur le président, puis-je intervenir très rapidement?

Le président: Sur la même question?

Mme France Houle: Non, à propos de l'une des autres observations. C'est une remarque technique au sujet de l'ombudsman.

Je suis d'accord avec la proposition qui est très bonne. Effectivement, il est faux de dire que ce n'est pas possible, sous prétexte que nous n'avons pas de loi générale. Le gouvernement fédéral a toujours eu des ombudsmans spécialisés, contrairement aux provinces. Citons par exemple l'ombudsman de la GRC. Il s'agit d'ombudsmans très spécialisés dans un secteur donné d'activités. C'est donc tout à fait possible.

Le président: Parfois, nous nous raccrochons à des expressions comme «ombudsman» ou «commissaire aux plaintes». Il existe plusieurs façons d'arriver au même résultat.

Merci, France. Je suis désolé, mais je dois poursuivre.

Madeleine.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président. Bonjour, tout le monde.

J'avoue que j'ai été ravie d'entendre particulièrement la présentation des gens de l'Université McGill et de l'Université de Montréal relativement à l'importance qui doit être accordée à ceux qui, en définitive, prennent les vraies décisions.

On a entendu un certain nombre de témoins remettre en question la façon dont les commissaires étaient nommés. Vous arrivez avec un plan intéressant, même si je l'ai regardé rapidement. Dans la loi actuelle, les réfugiés n'ont pas droit à une deuxième demande. Dans l'hypothèse optimiste où, effectivement, vos recommandations seraient retenues et où, d'ici un an, disons, on aurait vraiment des commissaires dont on serait certains qu'ils ont la compétence requise pour prendre de bonnes décisions, est-ce que vous pensez qu'on devrait laisser la loi comme elle est là, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de deuxième appel, ou si on devrait quand même prévoir le droit à une seconde demande de statut de réfugié, finalement?

• 1005

[Traduction]

Le président: Je me demande si Vincent et Catherine pourraient répondre à la question. Je sais que tout leur exposé portait sur les réfugiés. Je reviendrai ensuite à France et à Cécile.

[Français]

Me Catherine Gauvreau: Vous voulez que je réponde à cette question. C'est bien ça?

Le président: Oui, c'est ça.

Me Catherine Gauvreau: Je crois, en effet, qu'il faudrait avoir la possibilité de faire une deuxième demande. Beaucoup de gens peuvent retourner dans leur pays, où la situation peut changer, surtout que la situation politique est très volatile dans beaucoup de pays. Ils peuvent donc se trouver dans une situation où ils auraient besoin de la protection du Canada. Je trouve donc que c'est très dangereux d'empêcher les gens de déposer une deuxième demande.

Le président: France, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme France Houle: Je suis d'accord sur ce que dit Catherine. Je n'ai rien à ajouter. Vous parlez bien d'une deuxième demande et non d'un appel à la suite d'un refus de la première demande. C'est bien cela?

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je parle d'une deuxième demande pour les réfugiés qui n'est pas prévue présentement dans le projet de loi actuel.

Mme France Houle: Je n'ai donc rien à ajouter.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il y a quelqu'un—je crois que c'est M. Beauchemin ou Mme Fioré—qui a fait allusion à un certain nombre de conventions internationales. Vous étiez particulièrement contents de voir que la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants était nommément inscrite dans le projet de loi. Quelles autres conventions internationales signées par le Canada serait-il important d'inscrire dans la loi?

Me Jacques Beauchemin: Vous donnez à la Section du statut de réfugié ce que j'appelle des instruments d'interprétation très large des questions relatives au respect des droits humains. Le Canada a ratifié un certain nombre de conventions internationales. J'essaie de trouver la liste que nous avons avons dressée dans notre mémoire. Maître Houle, vous allez m'aider avec le titre précis de cette convention. Il y a le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et il y a la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.

On a déjà eu des décisions portant sur le statut de réfugié qui disaient que la Convention de Genève sur les réfugiés ne s'appliquait pas aux gens victimes de guerre. Cela m'apparaît restrictif, parce qu'il y a tout de même des situations de guerres ethniques, de guerres civiles ou de guerres interétatiques. Les gens qui sont victimes de ces guerres-là devraient être protégés par nous s'ils réussissent à se rendre sur notre territoire. Pour des raisons que je dirais techniques, on les a exclus. Les demandes de ces gens-là ont été référées au ministre en vertu de ses pouvoirs en matière de considération humanitaire.

Si on veut créer un tribunal qui a une juridiction large en matière de protection, on doit lui donner les instruments pour qu'il puisse exercer cette juridiction-là adéquatement. Je pense que l'intégration d'autres conventions internationales...

On peut penser également aux conventions sur les cas d'apatrides. Il y a un certain nombre d'apatrides qui se rendent sur notre territoire et dont la situation, parfois, ne peut pas être reliée immédiatement à l'application de la Convention de Genève sur les réfugiés. Il y a la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d'apatridie. À ma connaissance, celle-ci n'a pas été ratifiée par le Canada. On pourrait tout de même l'intégrer à la loi afin de résoudre le problème d'un certain nombre de personnes dans le monde qui sont sans papiers d'identité, qui n'ont pas de nationalité, pas de citoyenneté, mais qui ont besoin de protection. À mon avis, ça faciliterait l'exercice de la juridiction de la Section du statut de réfugié.

Le président: Je vous remercie.

Je m'excuse.

[Traduction]

Cécile, vous aviez quelque chose à dire.

[Français]

Dre Cécile Rousseau: Je veux revenir tout simplement sur la question de la compétence. La compétence doit être vue comme un point de départ. Il faut que vous vous rendiez compte que les membres de la commission font face à un travail et à une exposition entre autres traumatiques que même des cliniciens bien entraînés auraient du mal à supporter, même des cliniciens qui, comme moi, travaillent tous les jours avec des cas de torture.

Il s'agit donc de considérer la compétence en matière de sélection comme un point de départ et d'inclure la nécessité de maintenir cette compétence par le biais de programmes de formation qui devraient, si cela est possible évidemment, être établis et évalués de façon indépendante. Je pense que la question de la compétence doit se voir comme une sélection nécessaire. Ça n'est pas suffisant. Le fardeau actuel des commissaires est lourd, et il est absolument nécessaire pour nous qu'ils soient au moins deux. Il s'agit de grosses décisions. Il faut une formation continue et un soutien pour maintenir cette compétence.

• 1010

Donc, je pense qu'il faut voir la question de la compétence comme quelque chose de continu et penser à une évaluation continue de cette compétence, si possible de façon indépendante.

Le président: Merci.

John McCallum.

M. John McCallum (Markham, Lib.): Je pense qu'on essaie de chercher un équilibre dans ce projet de loi. D'une part, on veut plus d'immigrants, on veut que les immigrants soient les bienvenus et on veut prendre très au sérieux nos obligations envers les réfugiés. D'autre part, il faut protéger l'intégrité du système, parce que si les Canadiens pensent que nous sommes devenus a safe haven pour l'élément criminel, l'appui public pour l'immigration en général va diminuer. Donc, il faut toujours maintenir cet équilibre.

J'ai été extrêmement frappé par les témoins qu'on a entendus ici, à Montréal, et dans d'autres parties du Canada. Je pense qu'on est allé trop loin dans l'expulsion des criminels. Je pense que dans certains de ses aspects, cette loi n'est pas libérale. Quand moi, qui suis libéral, je dis que quelque chose n'est pas libéral, c'est assez important.

Donc, nous avons quelques amendements à proposer. J'ai déjà discuté de ces choses. Je vais les mettre sur la table aujourd'hui. Par exemple, on veut limiter le pouvoir des agents d'immigration en ce qui concerne l'examen et l'expulsion des résidants permanents, et il y a d'autres choses.

[Traduction]

C'est donc mon avis général. Je crois que nous sommes allés trop loin dans le sens de la criminalité et il me semble qu'un consensus se dégage autour de la table à cet égard; vous allez voir certains amendements qui visent à rétablir cet équilibre.

J'aimerais soulever trois questions très précises.

Tout d'abord, monsieur Singer, j'accepte la plupart de ce que vous dites, mais je dois avouer que je n'apprécie pas le fait que vous mettiez tous les employés du ministère à l'étranger dans le même panier et que vous les critiquiez. Je reviens d'un voyage en Corée, aux Philippines et au Vietnam, avec la ministre et d'autres collègues, et nous avons rencontré beaucoup de ces employés ministériels, y compris des ressortissants non canadiens. Je n'ai absolument rien contre l'embauche de ressortissants non canadiens dans des postes à l'étranger, qui travaillent aux côtés de Canadiens. Procéder autrement représenterait un coût prohibitif.

En général, j'ai eu l'impression que ces personnes étaient extrêmement dévouées, extrêmement consciencieuses et qu'elles faisaient tous les efforts possibles pour être justes. Il y aura toujours des brebis galeuses, mais j'ai eu l'impression en général que ces personnes étaient fort dévouées. C'est donc tout à fait contraire à ce que vous avez laissé entendre.

Deuxièmement, à propos de la question d'un ombudsman, il est difficile de s'y opposer en principe, mais je ne sais pas comment cela fonctionnerait. Dans ma circonscription, 75 p. 100 de mon travail est relatif à l'immigration. Pour beaucoup de députés—nous sommes dans un sens des ombudsmans—le volume de travail est énorme. Il y a 301 députés. Si l'on prévoyait un ombudsman pour toute plainte relative à tel ou tel aspect de l'immigration, le volume serait tout simplement incroyable. Je ne sais pas si vous pouvez limiter le volume d'une façon ou d'une autre, ou prévoir une autre manière de procéder, car la tâche risque sinon d'être tout simplement monumentale.

Enfin, en ce qui concerne la CISR, j'ai appris que la ministre dispose d'un comité spécial chargé de s'assurer de la compétence des personnes nommées, lesquelles doivent passent des examens et qui ne sont pas acceptées si elles n'y réussissent pas. C'est le président de la CISR qui fait l'évaluation des commissaires.

Je demande en fait si la situation est aussi mauvaise que vous la décrivez. Mon autre question est la suivante: Pensez-vous que la nature politique des nominations... cela va-t-il à l'encontre d'un bon système ou peut-on avoir un bon système compte tenu de la nature actuelle, quelque peu politique, de ces nominations?

Le président: John, merci pour ces trois questions.

En 30 secondes ou moins, monsieur Singer, pouvez-vous dire quelque chose au sujet des employés étrangers et de l'équilibre en matière de personnel?

M. Colin Singer: Permettez-moi de dire que je souhaite nuancer mes propos. Je ne veux pas dire aveuglément ou de manière générale que les employés du service extérieur ne sont pas correctement nommés. Ce que je veux dire, c'est qu'en rognant sur les coûts, la situation est difficile et je trouve très préoccupant le fait que l'on donne à des ressortissants non canadiens le pouvoir de prise de décision.

• 1015

Il faut comprendre—et je crois que vous serez d'accord—que l'immigration consiste à sélectionner et à trouver ceux qui deviendront de bons Canadiens, des immigrants économiques ou des personnes capables de s'adapter à l'environnement du Canada. Il est très difficile pour moi d'imaginer qu'un ressortissant non canadien, qui a peut-être suivi un cours de formation de deux semaines, puisse évaluer des demandes de gens d'affaires au bureau des visas de Séoul, par exemple, comme c'est le cas.

Deux employés de Séoul sont des agents d'immigration désignés, engagés sur place. L'un d'eux était une secrétaire de l'ancien gestionnaire de programme. À mon avis, cette personne ne répondrait pas à la définition d'agent d'immigration que l'on retrouve dans la classification nationale des professions. Selon moi, elle n'a pas la formation voulue pour ce poste.

Par conséquent, je pense que vous voulez... oui, pour gérer le programme, les bureaux à l'étranger doivent embaucher des personnes sur place. Ces personnes ne devraient toutefois pas faire des entrevues, prendre des décisions et décider qu'une personne est admissible ou non à venir au Canada. C'est aller un peu trop loin.

Le président: Vous avez raison.

France, pour ce qui est de la question d'un ombudsman, que prévoyez-vous, compte tenu de la question posée au sujet d'un tel poste? Je crois que vous avez déjà essayé d'aborder cette question.

Mme France Houle: J'aimerais mieux que M. Beauchemin y réponde, car son association a beaucoup plus travaillé sur cette question que moi-même.

Le président: Eh bien, comme vous l'aviez déjà abordée, j'ai pensé que vous voudriez peut-être dire quelque chose. Pas de problème.

[Français]

Me Carole Fioré: J'aimerais répondre à cette question.

Premièrement, au Québec, il existe un protecteur du citoyen qui s'occupe de toutes les plaintes relatives à l'administration publique et qui est capable de fonctionner. Donc, oui, c'est possible. Ça se fait déjà au niveau de la province de Québec.

Deuxièmement, je pense que vous avez beaucoup de demandes de la part de citoyens dans vos territoires ou dans vos comtés. C'est justement parce qu'il y a beaucoup de problèmes d'immigration. Je me rappelle que notre association avait rencontré la ministre. On lui avait parlé des problèmes qu'on avait à obtenir des réponses au sujet des dossiers des agents des visas à l'extérieur, et elle nous a répondu que même les députés et les ministres n'étaient pas capables d'obtenir de réponses. On a le même problème. C'est pour ça qu'il ne faut pas simplement dire que ça doit être laissé aux députés et aux ministres. Ce n'est pas que vous ne pouvez pas le faire, car vous devez continuer à le faire, mais il faut beaucoup plus que ça. Étant donné tous les abus qu'on voit, je pense que c'est important.

Le président: Jacques.

Me Jacques Beauchemin: Sur cette question, j'aimerais ajouter qu'alors que vous agissez chacun dans vos comtés individuellement, de façon inorganisée, à mon avis, et non centralisée, la création d'un bureau de l'ombudsman permettrait de centraliser les plaintes à un endroit, de les catégoriser pour être en mesure d'en faire une analyse et une évaluation, et de faire ensuite des propositions au Parlement ou à la ministre afin que des correctifs soient apportés. On pourrait le faire une ou deux fois par année, peu importe, mais on verrait graduellement une évolution de la qualité des prestations rendues à l'étranger. C'est ça qui est intéressant dans cette formule.

Je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Merci.

Cécile ou France, voulez-vous dire quelque chose au sujet de la CISR et de la compétence, ainsi qu'à propos des autres questions que M. McCallum a posées au sujet de la CISR?

Mme France Houle: De mon point de vue, je pense que les critères retenus par le comité pour la formulation de recommandations à l'intention de la ministre sont si généraux qu'ils ne veulent pas dire grand-chose. C'est mon premier point.

Ensuite, si quelque chose est prévu par la loi, il est alors possible de contester, ou d'avoir une meilleure possibilité de contester toute nomination qui ne répond pas à ces critères. Dans ce sens-là, il vaut beaucoup mieux pour les citoyens—pour leur protection—d'avoir quelque chose de prévu dans une loi et dans des règlements que d'avoir un comité administratif chargé d'appliquer quelques critères très généraux.

Par ailleurs, j'imagine que vous savez que ce comité fait des recommandations à la ministre et que c'est elle qui peut décider de tenir compte de la liste ou non. La ministre peut envoyer la liste au premier ministre qui peut également décider de choisir des gens sur la liste ou non. Un vaste pouvoir discrétionnaire est donc prévu, ce qui, à mon sens, n'a pas sa place à notre époque.

• 1020

En ce qui concerne l'autre question, vous avez dit que ce n'est pas si mal, après tout. Eh bien, je crois que notre recherche indique que ce n'est pas si bien, après tout.

Le président: D'accord, merci.

Pourrais-je simplement...

Mme France Houle: Cécile Rousseau aimerait ajouter quelque chose.

Le président: Excusez-moi, Cécile, mais seule une personne par organisme peut donner une réponse. Peut-être pouvez-vous nous dire si votre étude comportait des entrevues et des entretiens avec des commissaires de la CISR.

Mme Cécile Rousseau: Non, mais nous espérons qu'une future étude le permettra. C'est pourquoi je pense—à regret, je dois l'avouer—que nous faisons preuve de beaucoup de mesure. Nous voulons créer une alliance avec la CISR et la seule façon de le faire consiste à travailler avec elle.

Si vous comparez les taux d'acceptation entre Montréal et Toronto, vous verrez que la différence pour le même pays, la même année, atteint les 40 p. 100. Chaque année, on retrouve ce même genre d'écart entre Montréal et Toronto. Cela donne une impression générale à propos de la nature arbitraire des décisions qui est toujours trop marquée. Il faut vraiment régler ce problème.

Le président: Quelle ville affiche les meilleurs résultats, Montréal ou Toronto?

Des voix: Oh, oh!

Mme Cécile Rousseau: Je ne veux pas me prononcer, c'est trop politique.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Eh bien, nous allons nous pencher sur cette question, maintenant que vous avez suscité notre intérêt et que nous voulons savoir pourquoi il y a un tel écart dans ce genre de décisions.

Merci, Cécile.

John Herron.

[Français]

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président. Je voudrais continuer dans la même veine que ma collègue Madeleine.

Je voudrais d'abord dire que j'ai été un peu choqué en voyant le premier communiqué du ministère de l'Immigration. On a parlé de la criminalité avant de parler de l'immigration. J'ai été surpris que le parti de M. Laurier, de M. Trudeau et de M. Pearson ait émis un communiqué comme celui-là.

[Traduction]

Ceci étant dit, ce premier communiqué a suscité beaucoup d'inquiétude vu qu'il parlait de la possibilité de prendre des mesures sévères à l'endroit des criminels et de la possibilité de régler la question de l'immigration également. Je crois que tous les membres de ce comité ont nuancé quelque peu ces déclarations et j'aimerais revenir sur ce qu'a dit M. McCallum.

Je crois que nous rétablissons un équilibre. En fait, j'ai déposé une motion mardi—j'ai presque oublié le jour—qui nous donnerait plus de temps—au moins une semaine—pour préparer nos amendements avant de nous précipiter sur l'étude article par article. La ministre elle-même a indiqué qu'elle est prête à se laisser convaincre à ce sujet, tout comme le président. Il semble donc que nous n'allons pas passer à l'étude article par article avant le 15 mai. Nous n'avons même pas eu à voter au sujet de la motion si bien que nous allons poursuivre notre travail dans un meilleur esprit.

Il y a trois questions que j'aimerais aborder. Tout d'abord, l'article 25 du projet de loi. Actuellement, le ministre doit entendre un appel interjeté pour motif d'ordre humanitaire. L'Association du Barreau canadien s'est arrêtée sur l'article 25 en disant clairement que le libellé permissif, à savoir que le ministre «peut» entendre un appel, ne convient pas; j'aimerais savoir si nous pouvons l'étoffer. Êtes-vous d'accord? S'agit-il d'un recul par rapport à la situation d'aujourd'hui?

Ma deuxième question porte sur le droit d'interjeter un deuxième appel. Madeleine a abordé la question. J'imagine que de 40 à 50 p. 100 des appels présentés une deuxième fois sont approuvés. Si ces statistiques sont exactes...

Le président: Vous voulez parler des revendications présentées une deuxième fois.

M. John Herron: Oui, d'accord.

Le président: C'est pour ne pas dérouter nos témoins.

M. John Herron: ... des revendications présentées une deuxième fois sont approuvées. Cela signifie que nous risquons d'oublier un grand nombre d'êtres humains qui cherchent refuge et qui veulent fuir toute persécution. Je dirais que ce n'est pas très libéral ni progressiste et qu'il faudrait sans doute faire marche arrière à ce sujet.

La troisième question est très simple et n'appelle qu'une réponse brève; j'imagine que je l'adresse à M. Singer.

L'article 190 renvoie à la question de toutes les demandes actuellement mises en attente. Elles seraient examinées dans le cadre du nouveau projet de loi, le C-11—et non dans celui du projet de loi précédent. L'Association du Barreau canadien a essentiellement dit qu'elle souhaiterait que toutes les demandes mises en attente actuellement continuent d'être examinées dans le cadre de la loi existante. Cela me laisse entendre que la loi actuelle est peut-être meilleure que le nouveau projet de loi en ce qui concerne le processus d'appel et qu'elle est mieux équilibrée.

• 1025

Ce sont mes trois questions, monsieur le président.

Le président: Merci, John.

Permettez-moi de vous remercier, tout d'abord, d'avoir nommé les trois grands premiers ministres libéraux de notre pays. Je vous remercie de ces observations, ainsi que...

M. John Herron: Ce sont les trois seuls.

Le président: Je recherche également un certain équilibre. J'ai entendu nos témoins parler des présidents américains. Le fait qu'un conservateur parle de trois premiers ministres libéraux est absolument phénoménal.

Pour ce qui est de la première question relative à l'article 25 et au motif d'ordre humanitaire, ainsi qu'à l'emploi de «peut» ou de «doit», Jacques ou Carole, avez-vous des observations à faire?

[Français]

Me Jacques Beauchemin: Notre préoccupation, c'est que quand on lit le paragraphe 25(1) du projet de loi, on peut comprendre que ça ne s'applique que dans le cas d'un enfant. Le texte se lit ainsi:

    25. (1) À sa discrétion, le ministre [...] s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire relatives à l'étranger—compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché—ou l'intérêt du public le justifient.

Il me semble qu'il y a un problème d'écriture. Si on voulait que cet article s'applique à toute personne, à mon avis, on aurait dû l'écrire différemment.

Deuxièmement, dans le cas d'une personne interdite de territoire, on laisse au seul ministre la discrétion d'évaluer les circonstances d'ordre humanitaire. Je pense que l'expérience passée nous apprend que ce n'est pas suffisant et qu'un tribunal indépendant, tel que la Section d'appel actuelle, par exemple, devrait être une possibilité ouverte à ces gens-là. C'est trop important, à mon avis, parce qu'on remet en cause le statut d'une personne qui est au Canada, peut-être depuis de nombreuses années. On en a vu des exemples flagrants récemment. On peut penser à la personne qui a fait l'objet de la décision Baker à la Cour suprême. C'était un cas patent, où il a fallu l'intervention de la Cour suprême pour ramener à l'ordre l'agent d'immigration.

[Traduction]

Le président: Merci.

Au sujet des revendications présentées une deuxième fois, des revendications du statut de réfugié, Vincent ou Catherine, qu'en pensez-vous?

Me Catherine Gauvreau: Cela revient essentiellement à ce que j'ai déjà dit.

Le président: D'accord.

Monsieur Singer, j'aimerais savoir ce que vous avez à répondre à la question de l'article 190 et des règles d'engagement; lorsque nous adopterons ce nouveau projet de loi, faudra-t-il ou non que chacun présente de nouveau une demande; sinon quel projet de loi va s'appliquer, l'ancien ou le nouveau?

M. Colin Singer: Vous parlez de rétroactivité et aucune loi rétroactive n'est prévue, autant que je sache. De toute évidence, les demandes déjà présentées seront évaluées et réglées en vertu de l'ancienne loi. Cela ne signifie pas que la nouvelle loi soit meilleure ou pire, mais tout simplement que la rétroactivité n'a jamais été de mise. Le ministère a été en fait très juste en évaluant une demande présentée dans le cadre de l'ancien système et rejetée. Le ministère va donner une deuxième chance, examiner les nouvelles règles et voir si le demandeur peut répondre aux critères du nouveau modèle. Je ne crois donc pas que vous devriez prendre de décisions ou conclure clairement que la nouvelle loi est supérieure parce que le Barreau a déclaré qu'il fallait régler les demandes mises en attente dans le cadre de l'ancienne loi, parce que, bien sûr, il n'est pas question de loi rétroactive.

Le président: Je suis sûr que le comité obtiendra des éclaircissements, lorsqu'il rencontrera la ministre et le ministère à notre retour à Ottawa.

Je dois passer à la question suivante. Yolande. Aucune question?

Vincent.

[Français]

M. Vincent Valai: Je pense que ma consoeur a déjà répondu à cette question.

Me Catherine Gauvreau: La réponse est exactement la même que celle que j'ai donnée à votre collègue. Vous allez donner un argument encore plus fort si 40 p. 100 sont acceptés à la deuxième demande. Je voudrais simplement réitérer ce que j'ai dit. Je crois qu'on devrait avoir la possibilité de présenter une deuxième demande.

Je crois que la Dre Rousseau voudrait ajouter quelque chose.

• 1030

[Traduction]

Mme Cécile Rousseau: Je devrais dire que ce n'est pas toujours en guise de cadeau que l'on accorde une deuxième demande. Il arrive parfois que ce soit en réparation d'une mauvaise décision. Je suis à l'heure actuelle une famille qui a été renvoyée dans son pays après un premier réexamen. La femme a été violée. Les trois enfants et l'homme ont été victimes d'agression. Ils sont tous très traumatisés et ils ont amorcé un deuxième processus de revendication. Il nous arrive donc aussi, en tant que société, d'avoir à réparer certains torts que nous causons inévitablement.

Le président: Inky, je sais que vous vouliez poursuivre avec une question.

M. Inky Mark: Je voulais simplement connaître votre réaction à l'observation que j'ai faite au sujet du fait que la décision en matière de détermination sera rendue par une seule personne. J'aimerais savoir si vous croyez que c'est une bonne initiative.

Le président: Cécile, cette question s'adresse à vous, j'en suis convaincu.

Mme Cécile Rousseau: Je pense que du point de vue psychologique il est très difficile d'entendre sans cesse des histoires très problématiques et très traumatisantes. Ces personnes entendent des histoires trois semaines de suite, en matinée et en après-midi et prennent une semaine de pause pour rédiger... La tâche est énorme. D'habitude, dans le cas d'équipes de conseillers et de cliniciens en matière de traumatisme il est fortement recommandé de ne pas travailler seul, mais en équipe afin de répartir la charge de travail. Dans ce cas-ci, il faut non seulement écouter les histoires mais rendre une décision qui pourrait devenir une question de vie ou de mort pour les revendicateurs. La tâche est gigantesque. Je ne crois pas que nous devrions obliger des membres de la Commission à prendre seuls cette décision.

Le président: Merci.

Jacques, une question rapide.

[Français]

Me Jacques Beauchemin: Comme le disait la Dre Rousseau, sur cette question-là, il m'apparaît important qu'il y ait une équipe de deux personnes qui puissent s'appuyer l'une sur l'autre, délibérer et mieux évaluer les dossiers. Il pourrait y avoir une personne de formation juridique et une personne d'une autre formation qui connaît les problèmes relatifs à l'immigration et aux réfugiés.

Sur la question de la deuxième demande, il y a de nombreux exemples de cas. Récemment, j'ai eu un dossier qui a été accepté devant la Section du statut de réfugié. C'était le dossier d'une personne qui avait été renvoyée dans son pays et emprisonnée à son arrivée. Heureusement, elle a pu obtenir de sortir et elle a profité de cette occasion pour s'échapper, parce qu'elle avait été relâchée sous condition. Elle a pu, grâce à un passeur, une personne qui l'a aidée, se rendre au Canada, où elle a été finalement acceptée. Elle a été acceptée sur les motifs pour lesquels elle avait été refusée la première fois, parce que son arrestation dans son pays était l'illustration que le premier tribunal s'était trompé. Donc, il ne faut pas fermer la porte à une deuxième demande. Je pense qu'il y a des cas sérieux qui doivent être pris en considération. La statistique de 40 p. 100 parle d'elle-même.

Quant à la question de la rétroactivité et de l'application de la loi et du règlement nouveaux aux anciens dossiers, il y a eu des expériences passées, au Québec notamment, où, lorsque la réglementation a été changée, on a appliqué aux candidatures en attente la meilleure des deux solutions. Donc, on a offert à la personne de fonctionner sous l'ancienne loi et, si la deuxième était meilleure pour ce candidat, on donnait la chance au coureur. Je pense que cela devrait se refléter dans le texte de loi.

[Traduction]

Le président: Merci.

Vincent et Catherine, lorsque nous étions à Toronto nous avons été invités à nous rendre dans un centre de détention mais, faute de temps, nous n'avons pu le faire. Vous nous avez raconté quelques histoires qui s'y sont passées. Je sais que vous avez dit qu'on devrait recourir à cette solution dans les cas exceptionnels seulement. Vous pourriez peut-être préciser votre pensée parce que, comme vous le savez, il a été question de la situation du bateau chinois dans l'ouest du pays, où 19 mois plus tard des gens, encore que cinq ou six, sont encore en prison. Il est inadmissible d'accepter qu'on doive garder une personne en prison pendant 19 mois. Nous aurons peut-être ou pas l'occasion, même après l'adoption de ce projet de loi, de visiter certains de ces centres de détention.

Lorsque vous dites des cas exceptionnels, surtout en raison de ce à quoi les enfants peuvent être assujettis, dans quelle mesure pensez-vous que nous pourrions modifier l'article qui traite de la détention ou devrions-nous simplement l'abroger? En voyez-vous la nécessité?

[Français]

M. Vincent Valai: Vous parlez spécifiquement des mineurs, n'est-ce pas?

Le président: Non.

• 1035

M. Vincent Valai: En général?

Le président: Oui.

M. Vincent Valai: On trouve que dans un pays libre et démocratique, le fait de détenir quelqu'un, de le priver de sa liberté doit être une mesure exceptionnelle. Je peux très bien comprendre que le Canada doive tout faire pour se protéger contre de grands criminels, des terroristes etc., mais cela ne lui donne pas le droit de détenir tout de suite quelqu'un parce qu'on n'a pas suffisamment d'information sur lui. La dernière chose qu'il faille faire, c'est détenir quelqu'un. C'est pour ça qu'on considère que c'est une mesure exceptionnelle, surtout pour les mineurs.

Vous parliez de traités internationaux que le Canada a signés. Au niveau de la Convention internationale des droits de l'enfant, on dit qu'on doit respecter l'intérêt supérieur de l'enfant. Je ne pense pas qu'un centre de détention soit vraiment un milieu intéressant pour l'épanouissement intellectuel, physique et autre d'un enfant. Si je ne m'abuse, c'est dans les directives du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés qu'on mentionne qu'on ne devrait pas détenir les mineurs.

Donc, on devrait essayer de trouver toutes les alternatives possibles et imaginables avant de décider de détenir quelqu'un.

Me Catherine Gauvreau: J'aimerais ajouter un petit commentaire. Les gens ne sont pas conscients de l'impact de la détention sur ces personnes. Ces gens ont très rarement été accusés d'un crime et ils ne comprennent pas pourquoi ils sont détenus. Ils sont stressés et anxieux. Ils ne connaissent pas la durée de leur détention. Également, cela complique leur demande de statut de réfugié ou leur demande de retour.

Ce centre est à Laval, à 45 minutes de Montréal. Il n'y a presque pas d'avocats qui s'y rendent. Il n'y a aucun interprète. Je suis membre d'Action Réfugiés, le seul organisme qui va visiter les détenus. Il est très compliqué d'avoir accès aux papiers et à l'information, et les gens sont dans un état de détresse.

Si vous voulez venir un jour au Centre de prévention, je vous lance une invitation. Je me ferai un plaisir de vous y amener. Il faut comprendre l'impact que ça a sur la vie des personnes lorsque vous décidez de les détenir.

Le président: Merci à tous.

[Traduction]

Mesdames et messieurs, malheureusement, nous avons de loin dépassé le temps prévu, mais vous constatez, d'après les questions qui vous ont été posées, que votre contribution a été très valable et que vous nous avez aidés à saisir les avantages et les inconvénients de ces séances particulières. Je vous remercie donc tous personnellement des grands efforts que vous déployez tous les jours au nom des immigrants et des réfugiés. Je compte travailler de nouveau avec vous un jour.

Nous allons maintenant, chers collègues, passer à notre deuxième groupe: le Congrès des Ukrainiens-Canadiens, le Centre Justice et Foi, le Réseau juridique canadien VIH-SIDA, l'Ordre des ingénieurs du Québec. Pourriez-vous tous vous avancer, s'il vous plaît. Je vous remercie.

• 1038




• 1050

Le président: Bonjour et merci aux membres de notre prochain groupe. Je m'excuse pour ce léger retard.

Comme certains d'entre vous étaient ici pour la première ronde, vous savez que les membres du comité ont beaucoup de questions en raison de la très grande qualité de vos interventions et de vos mémoires. Nous voulons que vous nous disiez pourquoi nous devrions modifier notre mesure législative et dans quel sens nous devrions le faire. Laissez-moi vous remercier tous à l'avance de prendre le temps de venir rencontrer les membres du comité pour leur faire part de vos suggestions et de vos points de vue sur la façon d'en arriver au meilleur projet de loi possible en matière d'immigration et de protection des réfugiés pour les années à venir.

Je vous présente M. Eugene Czolij, représentant du Congrès des Ukrainiens-Canadiens. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Eugene Czolij (président, Congrès des Ukrainiens canadiens): Merci.

Le président: Allez-y. Veuillez vous en tenir à cinq minutes, si vous le pouvez.

M. Eugene Czolij: Monsieur le président et membre du comité, je m'appelle Eugene Czolij et je suis président du Congrès des Ukrainiens canadiens. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Rick Mantey, notre consultant en matière de questions canadiennes.

Le Congrès des Ukrainiens-Canadiens, aussi connu sous le nom de CUC, est un organisme national cadre qui représente la communauté des Canadiens d'origine ukrainienne. Depuis 1940, le CUC joue un rôle actif dans l'élaboration des politiques et programmes nationaux qui ont une incidence non seulement sur les Ukrainiens-Canadiens mais aussi sur la société canadienne dans son ensemble.

Le CUC a présenté plusieurs exposés de position relativement au projet de loi C-11 et celui qui l'a précédé, le projet de loi C-31. Nous sommes heureux aujourd'hui de vous faire part de nos recommandations portant sur le projet de loi C-11.

À l'aube du XXIe siècle, les Canadiens comprennent que bon nombre des caractéristiques très particulières qui ont fait de notre pays l'un des plus enviés du monde tiennent à l'importante contribution faite par les immigrants à l'établissement de nos structures sociales, politiques et économiques. Pour définir notre politique d'immigration pour le prochain siècle, le gouvernement du Canada doit donc s'assurer de respecter les principes d'équité, d'équilibre et de transparence.

Il est aussi essentiel que les personnes qui immigrent vers notre pays comprennent bien que nous soyons une société multiculturelle qui permet aux Canadiens d'être sensibles à des opinions diverses et de comprendre la diversité culturelle. Cette réalité dynamique, que les Canadiens se sont donnés à eux-mêmes, doit être l'un des objectifs permanents inhérents à une politique d'immigration renouvelée.

Par conséquent, le CUC recommande que l'alinéa 3(1)b) du projet de loi C-11 soit modifié en ajoutant l'adjectif «multiculturel» de sorte que les objectifs de la loi seront:

    b) d'enrichir et de renforcer le tissu social et culturel du Canada dans le respect de son caractère fédéral, bilingue et multiculturel;

Même si le gouvernement a apporté dans le projet de loi C-11 certains changements positifs en ce qui a trait à la question de la résidence permanente, le CUC tient à rappeler au comité permanent les très graves préoccupations soulevées par la Section de la citoyenneté canadienne et du droit de l'immigration de l'Association du barreau canadien en ce qui a trait à ce projet de loi. Ces préoccupations portaient sur les clauses 15, 16, 55 et 128 qui traitent des pouvoirs concernant l'arrestation et l'Obligation de participer aux enquêtes; le paragraphe 19(2), l'article 27 et l'alinéa 31(2)b), qui traitent de processus qui limiteront le retour au Canada des résidents permanents qui se trouvent outre-mer, voire leur participation à des démarches pour déterminer leur statut; et les articles 44 et 64 qui traitent de l'élimination du rôle garanti d'un tribunal indépendant de superviser les pouvoirs de contrainte du gouvernement.

Par conséquent, le CUC recommande que ces articles soient modifiés afin de protéger les droits fondamentaux des résidents permanents soient protégés et à garantir l'accès à nos tribunaux pour examiner les pouvoirs de contrainte du gouvernement.

En vertu de la Loi sur l'immigration actuelle, les demandeurs doivent obtenir l'autorisation de la Cour pour demander le contrôle d'une décision rendue au Canada. L'article 72 du projet de loi fait en sorte que cette exigence s'appliquera aux décisions prises à l'étranger également. Le CUC estime que le gouvernement devrait s'efforcer d'améliorer les compétences décisionnelles des agents des visas au lieu d'entourer de secret leurs décisions.

• 1055

Notre préoccupation en ce qui concerne les exigences relatives à l'autorisation est renforcée par les déclarations suivantes faites par le Vérificateur général du Canada dans son rapport d'avril 2000 portant sur l'équité des décisions prises par les agents des visas:

    Le taux d'acceptation peut être un indicateur de l'uniformité de la prise de décision. Or, dans un même bureau, nous avons relevé des écarts importants dans les taux d'acceptation entre les agents ayant des cas similaires à traiter [...] nous avons également noté des écarts de plus de 40 p. 100 entre certains bureaux, dans les taux d'acceptation des résidents d'un même pays. En l'absence d'un cadre approprié de surveillance de la qualité des décisions, le ministère s'expose à des critiques.

De plus, le vérificateur général a signalé que les cas portés en cour fédérale révèlent certains problèmes en ce qui a trait à l'équité de la procédure utilisée pour évaluer les compétences linguistiques du demandeur. Par conséquent, le CUC recommande que l'on supprime l'exigence de la demande d'autorisation pour tous les examens judiciaires des décisions prises au Canada ou à l'étranger.

En outre, l'article 49 du projet de loi C-11 devrait stipuler qu'une mesure de renvoi prend effet lorsqu'elle devient définitive et qu'elle n'est plus susceptible d'appel ou de contrôle judiciaire.

Enfin, bien que le projet de loi C-11 renferme quelques dispositions qui, à l'origine, devaient faire partie de la réglementation accompagnant le projet de loi C-31, il englobe de très vastes pouvoirs de réglementation dans plusieurs domaines clés. En conséquence, le CUC recommande que le programme de réglementation envisagé par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration soit soumis à ce comité permanent avant la fin de l'étude du projet de loi C-11. Ainsi, les pouvoirs législatifs touchant les droits fondamentaux des particuliers feront partie du projet de loi et toute la réglementation respectera complètement les objectifs de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés du Canada.

En outre, les nouvelles initiatives réglementaires devraient faire l'objet d'un examen en temps opportun par les intéressés et les parlementaires.

Monsieur le président et membres du comité, le Congrès des Ukrainiens-Canadiens considère que l'équilibre, l'équité et la transparence sont les éléments clés d'une bonne politique canadienne en matière d'immigration pour le XXIe siècle.

Nous vous remercions de votre attention et sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, Eugene.

[Français]

Du Centre Justice et Foi, nous recevons Élisabeth Garant, Dominique Boisvert et Fernand Gauthier. Soyez les bienvenus.

M. Dominique Boisvert (collaborateur au Groupe de travail sur les réfugiés, Centre Justice et Foi): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je m'appelle Dominique Boisvert. J'ai été avocat pendant 20 ans et j'ai été membre du Comité consultatif sur le statut de réfugié du gouvernement fédéral pendant trois ans et demi, à la fin des années 1980.

Je suis accompagné de Mme Élisabeth Garant, qui a travaillé au Japon, en Haïti et au Québec. Elle est responsable du secteur Vivre ensemble au Centre Justice et Foi. Nous accompagne aussi M. Fernand Gauthier, qui est psychologue social et professeur à l'Université de Montréal. Il a aussi été un des membres les plus respectés de la Commission de l'Immigration et du statut de réfugié pendant toute la décennie 1990.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Centre Justice et Foi est un centre d'analyse sociale mis sur pied par les jésuites au début des années 1980. Il publie la revue Relations et il a développé, depuis une quinzaine d'années, une expertise en matière d'immigration et de protection par le biais de son secteur Vivre ensemble.

À ce titre, le Centre Justice et Foi a présenté de nombreux mémoires, au fédéral comme au provincial, sur une foule de questions reliées à l'immigration, aux réfugiés, à la convivialité culturelle, etc.

Plus récemment, nous avons produit un dossier de réflexion, «Pour une nouvelle protection des réfugiés», de même qu'une réflexion sur les tendances de fond en matière de migrations internationales au cours des 15 ou 20 prochaines années. C'est pourquoi nous avons pensé pouvoir apporter une contribution utile à vos travaux sur le projet de loi C-11.

• 1100

Ce projet de loi est très important pour l'avenir de notre pays, non seulement parce qu'il est la première révision en profondeur de la loi depuis 1976, 1977 et 1978, donc depuis un quart de siècle, mais aussi parce qu'il vise à définir les bases de la politique canadienne dans ce domaine pour le XXIe siècle, dans un contexte où ces enjeux d'immigration et de protection sont appelés à prendre une ampleur et une acuité beaucoup plus considérables au niveau planétaire.

Malheureusement, le comité a choisi de bâcler la consultation publique jusqu'à la rendre parfaitement insignifiante. Le premier ministre, Jean Chrétien, a abondamment parlé de démocratie à l'occasion du récent Sommet des Amériques, mais pour que la démocratie soit autre chose qu'un slogan creux, il faut que les parlementaires élus pour nous représenter aient une participation réelle, et non pas symbolique, au processus législatif.

Pour que vos représentations de comité et de députés auprès du gouvernement soient autre chose qu'une parodie, il faut au moins deux choses: que le gouvernement soit vraiment intéressé à écouter ce que vous avez à dire et que vous ayez vraiment consulté, d'une manière ou d'une autre, ceux et celles que vous avez pour mission de représenter.

Nous avons dit, à l'occasion des débats sur la mondialisation et sur le projet de la ZLEA, notre profonde inquiétude face à, d'une part, l'effritement du pouvoir politique des États au profit des grands intérêts économiques et, d'autre part, l'affaiblissement constant du pouvoir législatif, donc de votre pouvoir de députés, de parlementaires, au profit du pouvoir exécutif du gouvernement et du Conseil des ministres.

Votre consultation d'aujourd'hui en est, à notre avis, un tragique exemple. Tout se passe comme si la ministre fédérale de l'Immigration, qui d'ailleurs l'a clairement indiqué publiquement, entendait le faire adopter essentiellement dans son état actuel le projet de loi C-11 qui, à son avis, a été suffisamment discuté jusqu'à présent. À quoi servent alors les représentations du pouvoir législatif, d'un comité comme le vôtre, et à quoi peuvent servir, à ce moment-là, les consultations publiques qui sont précisément destinées à élaborer vos représentations?

C'est sans doute la raison pour laquelle la présente consultation a été préparée d'une manière aussi absurde. Puisqu'elle ne sert que de façade, on peut se permettre de regrouper sous forme de panel un grand nombre d'interlocuteurs qui n'ont souvent aucun point en commun et d'accorder à chacun un gros cinq minutes pour présenter ce qu'il a à dire.

À partir de quand faut-il cesser de participer à cette mascarade de démocratie? C'est malheureusement la principale question que plusieurs d'entre nous ont eu à se poser en recevant votre invitation. Dans la plupart des consultations publiques, chaque groupe a habituellement une vingtaine de minutes pour présenter son mémoire, qui comporte souvent quelques dizaines de pages. Tenter de le faire en cinq minutes relève de la supercherie intellectuelle ou du slogan publicitaire. Comment faire tenir une véritable réflexion sur un sujet aussi fondamental en trois phrases ou en un clip de 30 secondes?

Heureusement, tout le travail que nous avons consacré pendant des mois, au Centre Justice et Foi et avec des comités de travail, à l'étude du projet de loi C-31, devenu depuis le projet de loi C-11, n'est pas entièrement perdu.

Nous avons produit un mémoire d'une trentaine de pages intitulé Perspectives d'avenir pour dépasser une vision défensive de l'immigration et de la protection. Nous y dénonçons l'attitude essentiellement défensive qui colore l'approche gouvernementale de la nouvelle loi. Nous en montrons les culs-de-sac. Nous restituons les choix d'immigration et de protection du Canada dans leur plus juste perspective internationale et nous formulons une série de recommandations ou de conditions précises pour que les mesures de contrôle de loi puissent devenir acceptables.

Faute de pouvoir présenter adéquatement ces positions en cinq minutes, nous espérons que vous avez au moins pris connaissance de notre mémoire attentivement avant cette consultation, et nous demeurons à votre disposition pour répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir à ce sujet. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons choisi de venir vous dire cela ce matin et d'être à votre disposition plutôt que de simplement décliner votre invitation comme le Barreau du Québec l'a fait.

À défaut d'apporter une contribution à l'amélioration du projet de loi C-11 dans notre intervention de ce matin, puisque le format le permettait difficilement—les cinq minutes—, nous espérons au moins, par notre intervention, contribuer à redonner un certain sens à la démocratie.

Souhaitons que les prochaines consultations publiques auxquelles nous serons conviés auront retrouvé d'ici là ce minimum de signification.

Merci beaucoup. Nous sommes à votre disposition.

• 1105

[Traduction]

Le président: Monsieur Boisvert, permettez-moi d'aborder quelques points. Je suis personnellement choqué par vos propos et je vais vous dire pourquoi.

Tout d'abord, vous avez passé sept minutes et demie à dire que la consultation publique est bâclée. Vous n'avez pas parlé une seule fois de ce que contient votre mémoire.

Nous avons 154 témoins. Je n'ai pas entendu une seule plainte où que ce soit à l'échelle du pays. Les gens se sont présentés et nous avons consacré une heure aux témoins.

Je peux vous demander de résumer ce que nous avons devant nous. Certains d'entre nous lisent, étudient et sont un peu au courant de ce dont il est question. Par conséquent, nous voulons que vous résumiez votre mémoire et non pas que vous le lisiez mot à mot. C'est une perte de temps. Nous lisons les mémoires qui nous sont présentés. Nous voulons dialoguer avec vous. J'espère que vous n'êtes pas choqué par le fait que je vous reçoive avec quelques personnalités de marque.

Vous avez le droit de penser ce que vous voulez au sujet du gouvernement, de juger s'il est bon ou mauvais et si vous appréciez ou non la nature démocratique... Ce n'est pas le rôle du comité.

Les sept minutes et demie dont vous disposiez auraient dû vous permettre de nous dire ce que contient votre mémoire et vous n'auriez pas dû les utiliser pour me dire que le processus ne vous plaît pas.

Je suis désolé, ce n'est pas une façade. Moi-même et les membres de notre comité prenons notre travail très au sérieux. Je tiens à vous dire que nous recherchons le meilleur projet de loi possible et que nous sommes reconnaissants de la participation du public.

Je suis désolé que vous ayez cette impression, monsieur. Vous êtes la première personne à parler de mascarade, à dire que nous n'avons rien à dire et que tout cela n'est rien d'autre qu'une façade. Les sept minutes auraient dû vous permettre de me dire ce que contient votre mémoire, car j'ai l'intention de vous poser des questions au sujet de votre mémoire.

Merci.

Nous recevons maintenant les représentants du Réseau juridique canadien VIH/sida. Alana Klein et Alex Adrian, bienvenue.

Mme Alana Klein (associée de recherche, Réseau juridique canadien VIH/sida): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. Au nom du Réseau juridique canadien VIH/sida, j'aimerais vous remercier sincèrement de nous accorder la possibilité de vous faire part de nos réactions face au projet de loi C-11, Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ainsi que de nos suggestions d'amélioration.

Je m'appelle Alana Klein et je suis accompagnée ici d'Alex Adrian, l'un de nos membres qui est également spécialiste en matière de santé publique.

Nous espérons que notre contribution aidera le Canada à établir de meilleures lois sur l'immigration qui soient un reflet des valeurs de tous les Canadiens, tout en favorisant le respect des droits de la personne et de la dignité humaine. J'aimerais commencer en indiquant que le Réseau juridique canadien VIH/sida appuie certaines des améliorations clés apportées à la Loi sur l'immigration, améliorations dont nous sommes très satisfaits.

Tout d'abord, le Réseau se réjouit de la proposition au paragraphe 38(2) du projet de loi, visant à exempter certains immigrants de la catégorie de la famille, ainsi que les personnes qui ont besoin de protection, des critères d'inadmissibilité médicale en raison de fardeau excessif pour les services sociaux et de santé.

En vertu de la loi actuelle, beaucoup de personnes finissent par se voir accorder la résidence permanente, bien qu'elles soient considérées non admissibles pour des raisons médicales. La résidence permanente, dans ces cas-là, est accordée soit par suite d'un appel devant la section d'appel de l'immigration, soit au terme de cinq années de résidence sur la foi d'un permis ministériel.

Le fait d'accorder la résidence permanente sur-le-champ est une mesure beaucoup plus efficace, transparente et équitable. Elle permettra d'éliminer le caractère arbitraire que l'on retrouve dans la loi actuelle. Nous sommes heureux de voir que cela est prévu.

Le Réseau est également satisfait de constater que les réfugiés, se trouvant déjà au Canada ou encore outre-mer, seront exemptés du critère d'inadmissibilité médicale en raison du fardeau excessif sur les services sociaux et de santé. Cela cadre avec les motifs humanitaires qui nous permettent en premier lieu d'exempter les réfugiés.

Deuxièmement, le Réseau est heureux de voir que l'article 25 permettra au ministre d'accorder sur-le-champ la résidence permanente à des requérants autrement inadmissibles, mais qui, pour des motifs humanitaires doivent demeurer au Canada. Ce sera une amélioration particulièrement importante dans la mesure où elle remplace le système actuel qui permet qu'une personne reste au Canada sur la foi d'un permis ministériel à moins d'avoir droit d'interjeter appel et de gagner sa cause.

Les personnes qui sont au Canada en vertu d'un permis ministériel n'ont en général pas accès au régime provincial de santé et, en outre, ce permis peut être révoqué à n'importe quel moment. Leur situation est très incertaine. Nous espérons que cette nouvelle disposition—l'article 25—permettra d'éviter ces problèmes.

Troisièmement, le Réseau appuie la proposition figurant à l'article 12 du projet de loi d'inclure expressément les conjoints de fait, de même sexe et du sexe opposé, dans la catégorie de la famille. Nous avons quelques inquiétudes à ce sujet également, mais nous en parlerons plus tard.

J'aimerais pour commencer vous faire part des préoccupations les plus importantes du Réseau à propos de la nouvelle loi, soit le projet de loi C-11.

• 1110

Tout d'abord, et c'est un point mineur, nous remarquons que le libellé de l'article 38 est devenu plus vague et fait mention de l'«état de santé» plutôt que de renvoyer directement à l'évaluation médicale de la personne. Nous espérons simplement que cela ne dérogera pas au principe de l'évaluation individuelle, au cas par cas, et nous espérons que ce ne sera pas une raison—et je sais que ce n'est nullement l'intention de ce gouvernement—pour les gouvernements futurs d'exclure des personnes uniquement parce qu'elles ont un état de santé particulier. Nous espérons que ces personnes continueront d'être évaluées et qu'il sera tenu compte des circonstances de leur état. Je sais que le gouvernement a déclaré que cela faisait partie de ses intentions, mais nous voulons simplement redire que c'est très important pour nous.

Le point suivant qui est sans doute celui qui nous préoccupe le plus vise la question de la définition du fardeau excessif en vertu de la nouvelle loi. Nous savons que quelque chose va être prévu dans les règlements et que le comité doit avant tout examiner la loi elle-même en tant que loi-cadre; toutefois, nous pensons qu'il est important que le comité fasse des recommandations à ce sujet, car c'est capital.

Par conséquent, nous sommes très heureux de voir que les règlements vont comporter une définition de fardeau excessif. Toutefois, nous remarquons que la période d'évaluation va être de cinq années ou, dans le cas de maladies chroniques, de 10 années; c'est ce que vous envisagez. Nous sommes très inquiets à ce sujet. Le Réseau prétend qu'une période de projection de 10 ans est indûment longue. Il serait quasiment impossible de faire des projections précises de coûts. Compte tenu de l'évolution rapide des traitements, ainsi que de celle de leurs coûts, nous pensons véritablement qu'une période de 10 ans est indûment longue.

En outre, le Réseau s'oppose fortement aux plans visant à définir les coûts excessifs seulement par rapport au fardeau excessif sur les services sociaux ou de santé. Les NU et l'Organisation mondiale de la santé ont déclaré que lorsque des personnes sont exclues en raison de fardeau excessif, il faut également prendre en considération leurs contributions à la société canadienne et aussi au régime de soins de santé canadien par l'entremise de leurs impôts. Le fardeau ne devrait être considéré excessif que lorsqu'il dépasse les contributions attendues.

Par ailleurs, le Réseau prétend également que les contributions non économiques devraient être prises en compte avant de déterminer si les coûts sont excessifs. Le fait de constater l'éventail des contributions éventuelles des immigrants permet de reconnaître leur dignité morale en tant que personnes et il n'est donc plus question de juger de leur valeur en fonction de leur rentabilité. Nous espérons donc que la définition de fardeau excessif sera modifiée afin de prendre en compte les contributions importantes que font les immigrants à notre société—qu'il s'agisse de contributions économiques ou non économiques.

Avant-dernier point, nous avons quelques préoccupations au sujet de l'exemption qui est proposée au paragraphe 38(2). Tout d'abord—et je sais que d'autres témoins vous l'ont dit—nous remarquons que ce paragraphe inclut les membres de la catégorie de la famille qui sont des conjoints de fait, ce dont nous nous réjouissons. Toutefois, nous avons quelques préoccupations à savoir que des conjoints de fait de même sexe qui ne peuvent pas cohabiter ne pourraient pas répondre à cette exigence. Je sais que vous en avez conscience et que vous avez entendu de nombreux témoignages à cet égard. Nous voulons simplement redire que nous appuyons ces personnes.

Par ailleurs, à l'heure actuelle, les personnes vivant avec le VIH ne sont pas considérées comme pouvant être exclues sous prétexte qu'elles seraient une menace à la santé publique. Nous sommes fortement en faveur de cette politique, mais l'année dernière, comme vous le savez sans doute, il a été question de prévoir des exclusions pour des raisons de santé pour les personnes vivant avec le VIH. Le Réseau juridique est contre. Nous ne croyons pas que les personnes vivant avec le VIH sont une menace à la santé publique. Néanmoins, si le VIH était considéré comme une menace à la santé publique, les personnes qui bénéficieraient de l'exemption prévue au paragraphe 38(2) au motif de fardeau excessif, cesseraient de bénéficier de l'exemption. Nous espérons que la nouvelle loi pourra y remédier.

Enfin, je vous renvoie à notre mémoire pour plus de détails, puisque le temps file. Le Réseau s'oppose toutefois fortement au test obligatoire du VIH qui, nous le savons, est l'un des points envisagés dans le cadre de la nouvelle loi. Nous savons que le test obligatoire du VIH ne peut être justifié que s'il vise un but valable et important. Nous prétendons le contraire. Les personnes vivant avec le VIH ne représentent pas en elles-mêmes une menace à la santé publique. Si l'on instituait le test obligatoire du VIH, tout en prétendant que cela permettrait de protéger la santé publique, cela risquerait de donner aux gens un faux sentiment de sécurité et leur ferait penser qu'ils sont en quelque sorte protégés, ce qui risquerait de les inciter à ne pas prendre de mesures de protection eux-mêmes. Cela irait tout à fait à l'encontre de la politique générale que le Canada a adoptée à propos du VIH et du sida.

• 1115

En outre, même si le test permettait d'identifier les immigrants séropositifs, ce serait, à notre avis, un avantage marginal par rapport aux inconvénients que représenterait le test obligatoire du VIH. Si le test obligatoire du VIH était adopté, les immigrants seraient le premier groupe au Canada à être obligé de se soumettre à ce test. À notre avis, c'est discriminatoire, car cela singularise le VIH, alors que d'autres maladies plus coûteuses ne font pas l'objet d'un test. En outre, nous considérons que le test est effectué dans le pays d'origine dont les normes relatives au consentement et au counselling pré-test sont peu élevées. Le test obligatoire stigmatise également les immigrants et les personnes vivant avec le VIH. Nous sommes donc opposés au test.

Désolée, j'ai dépassé mon temps de parole. Merci beaucoup de nous avoir entendus. Nous espérons que vous tiendrez compte de nos propositions. Merci.

Le président: Merci beaucoup, Alana, pour votre examen complet de la loi et des règlements—ou du document de travail sur la réglementation, dont l'importance est loin d'être négligeable, comme vous le savez. Les règlements sont ce qui, en grande partie, détermine la mise en oeuvre.

Je tiens également à vous dire que notre comité tient absolument à ce que les règlements fassent l'objet d'un examen public, ce qui est assez unique vu que les comités ne s'occupent généralement pas des règlements. Nous savons tous que les détails sont ce qui compte et nous tenons à ce que les règlements soient bons. Merci.

Nous allons maintenant passer à l'Ordre des ingénieurs du Québec. Je cède la parole à Roger Nicolet et à Michel Dagenais.

[Français]

Soyez les bienvenus.

M. Roger Nicolet (président, Ordre des ingénieurs du Québec): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je voudrais d'abord remercier le comité de nous permettre de vous faire part de nos préoccupations concernant le projet de loi C-11. Je voudrais également vous présenter le collègue qui m'accompagne, M. Michel Dagenais, directeur de l'admission et de l'enregistrement de l'Ordre des ingénieurs du Québec.

L'Ordre des ingénieurs du Québec partage l'objectif du gouvernement de rendre plus transparentes les règles de sélection pour les candidats à l'immigration. Il partage également la préoccupation du gouvernement de stimuler la prospérité du Québec et du Canada, notamment en permettant à une main-d'oeuvre compétente d'occuper les postes clés pour le fonctionnement optimal de l'économie.

Toutefois, le projet de loi soulève des questions relativement aux professions visées par le système professionnel du Québec et plus spécifiquement dans le secteur de l'ingénierie. Certaines propositions contenues dans le projet de loi reposent sur des prémisses qui nous semblent très discutables. La révision de la loi fédérale prévoit l'abolition de la grille de sélection des candidats de la composante économique. Est également prévue la mise sur pied d'organismes chargés d'évaluer les compétences, cela parallèlement au système professionnel en place.

Avant de développer ces sujets, situons l'Ordre des ingénieurs du Québec. Fondé en 1920, il regroupe aujourd'hui plus de 43 000 membres. Il existe en vertu du Code des professions et de la Loi sur les ingénieurs. Son mandat consiste à assurer la qualité de la pratique de l'ingénierie dans le meilleur intérêt de la protection du public.

Dans les pays où la profession n'est pas encadrée, le titre d'ingénieur peut être utilisé sans restriction. L'expérience montre que des candidats à l'immigration en provenance de tels pays s'attendent à être rapidement admis à la profession dès leur arrivée au Canada. Lorsque vient le temps de faire la demande d'admission à l'ordre, ces personnes constatent alors que les exigences canadiennes et québécoises sont élevées et qu'elles n'ont pas les qualifications requises pour être admises à la profession. Cela cause des frustrations chez ces candidats, qui comprennent mal le fait de n'avoir été informés de ces exigences qu'à leur arrivée au Canada.

En outre, un candidat mal informé peut avoir plus de difficulté à s'intégrer. Comme son projet est de devenir ingénieur, il oriente naturellement ses efforts dans ce sens, pour finalement se rendre compte que le chemin pour y parvenir est plus long et plus ardu qu'il ne s'y attendait. Des changements contenus dans le projet de loi se fondent sur l'hypothèse suivante: le candidat à l'immigration, même s'il n'apprend qu'à son arrivée au Canada qu'il n'est pas admissible à la profession d'ingénieur, se contentera d'un emploi dans un domaine connexe.

• 1120

Cette hypothèse n'est pas vérifiée par notre expérience au Québec, ni par celle de nos associations provinciales soeurs, ailleurs au Canada. Le caractère précaire et discutable de cette hypothèse est soutenu par l'existence de nombreux recours juridiques.

Le lien entre le candidat à l'immigration et les professions réglementées doit être maintenu d'une façon ou d'une autre. Ce lien entre les services d'immigration, les candidats et les ordres professionnels devrait même être renforcé. L'échange d'information pourrait facilement être amélioré lorsque le candidat se présente à l'immigration canadienne.

S'ils étaient adoptés, les changements contenus dans le projet de loi auraient des répercussions sur la profession, en particulier sur la réalisation du mandat de l'Ordre des ingénieurs du Québec comme organisme de contrôle de l'exercice de la profession. Ces changements pourraient également avoir des effets sur la sécurité du public. De l'avis de l'ordre, les règles proposées pourraient accentuer la pratique illégale du génie en facilitant la venue de candidats non qualifiés pour exercer la profession selon les standards nord-américains. Ces candidats essaieront de dénicher un emploi dans ce qu'ils croient être leur domaine de spécialisation, en occupant un emploi comme ingénieur et en utilisant le titre. De plus, les candidats qui se croient habilités, à tort ou à raison, à détenir un emploi d'ingénieur exercent des pressions pour que les normes d'admission soient modifiées à leur avantage. De telles pressions ne servent pas l'intérêt du public.

Par ailleurs, la suppression complète de la référence à l'occupation dans la liste des critères de sélection risquerait d'avoir des effets néfastes sur des processus dont le bien-fondé et l'efficacité ont fait leurs preuves.

Voici quelques exemples: l'accroissement de la pression subie par les ordres et la réduction, par le fait même, des exigences d'admission à la profession d'ingénieur au Québec ou ailleurs au Canada, en dépit de l'effet potentiellement négatif à l'égard de la protection du public; l'extension de la pratique illégale de l'ingénierie, puisque les candidats à l'immigration peuvent être tentés d'exercer cette profession dans l'illégalité en raison de l'ignorance de la portée de l'obligation de détenir un permis de pratique de l'ingénierie; et l'élimination du lien entre le candidat potentiellement admissible à la profession et l'ordre professionnel concerné.

Pour terminer, nous formulerons trois recommandations qui ne remettent pas en cause les objectifs et la démarche du gouvernement. Au contraire, nous croyons que ces propositions visent à maintenir une grande transparence vis-à-vis des immigrants et qu'elles tiennent compte des difficultés auxquelles ils peuvent faire face.

Nous recommandons donc, premièrement, de maintenir la communication entre les ordres professionnels et les candidats à l'immigration. La communication entre les ordres professionnels et les candidats à l'immigration doit être maintenue au moment de la demande d'immigration. Cela peut se faire de deux façons: soit que le candidat dépose une demande d'avis préliminaire en vue d'une demande de permis, soit qu'il dépose une demande d'admission à l'ordre professionnel concerné.

Deuxièmement, il faudrait maintenir le rôle des ordres professionnels. L'évaluation sur le plan professionnel des candidats à l'immigration doit être faite par l'Ordre des ingénieurs du Québec en ce qui a trait au génie. Cette implication de l'ordre ne peut qu'assurer la cohérence de l'évaluation des candidats et maintenir la crédibilité des organismes engagés dans les procédures d'immigration.

Troisièmement, il faut soutenir les ordres professionnels. Il serait souhaitable que le gouvernement mette sur pied des programmes d'intégration des immigrants, cela en collaboration avec les ordres professionnels et les institutions d'enseignement. De sa propre initiative, l'ordre a pris des mesures pour aider les candidats à se qualifier, bien que cela ne fasse pas partie de son mandat. L'ordre tente de les aider à acquérir les bases minimales pour être admissibles. En outre, certains immigrants peuvent avoir des difficultés à s'intégrer à la société, difficultés qui dépassent largement le fait d'être reconnu par un ordre professionnel. Il serait donc pertinent de soutenir les ordres professionnels qui tentent d'aider les candidats à s'intégrer au marché du travail.

Au nom de l'Ordre des ingénieurs du Québec, je vous remercie, monsieur le président, de l'attention que vous portez à ce dossier pour notre profession.

[Traduction]

Le président: Merci, Roger et Michel, ainsi que tous les témoins, pour votre contribution à l'étude du projet de loi. Nous allons maintenant passer aux questions.

Inky.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous remercier pour le temps et les efforts que vous avez consacrés à vos mémoires. J'aimerais simplement faire une observation avant de poser des questions.

Même si notre société semble assez ouverte, il suffit de s'attarder sur la question de l'immigration pour s'apercevoir que d'après l'histoire de notre pays, c'est tout le contraire. Les sombres moments de notre histoire se rapportent à l'immigration. Je tiens à dire que la Loi sur les mesures d'urgence, à laquelle cette province a fait très mauvais accueil, a été pour la première fois invoquée en vue de régler la question des Canadiens d'origine ukrainienne au cours de la Première Guerre mondiale. C'est la réalité de l'immigration.

• 1125

Ce n'est qu'au cours des 30 dernières années que l'immigration a été relativement ouverte à la réunion des familles. J'ai dit au dernier groupe de témoins que je suis un immigrant de troisième génération; en effet, les règles du jeu étant ce qu'elles étaient, j'ai dû venir ici rejoindre ma famille en 1955. Je crois que ce projet de loi doit nous permettre de tirer les leçons de l'histoire de notre pays afin que nous parvenions à un juste équilibre.

D'après ce que nous avons entendu des témoins toute la semaine, je me demande parfois si le contenu du projet de loi C-11 en reflète le titre. Nous en connaissons tous le titre. Il s'agit de la protection des réfugiés et des immigrants dans notre pays.

Je dois dire aux représentants du Centre Justice et foi que je n'ai pas lu leur mémoire, car nous ne l'avons reçu que ce matin. Je conviens qu'il faudrait plus de temps et peut-être même une autre tribune. Nos témoins prennent leur travail très au sérieux. Sans vouloir être partial, je dois dire que tant que le modèle de gouvernement de notre pays ne changera pas et tant que nous n'aurons pas plus d'équilibre dans le système, nous ne cesserons de répéter la même chose, même si les membres de ce comité, y compris le président, sont décidés à apporter des changements à ce projet de loi. Où cela va-t-il nous mener, j'imagine que nous aurons une réponse à cette question au cours des prochaines semaines.

Ma question porte sur le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité. Nous avons entendu des opinions divergentes à ce sujet. La question que je vous pose est la suivante: les décisions de ce comité devraient-elles lier le ministère?

Le président: Inky, posez-vous cette question à Dominique? Dominique, voulez-vous essayer de répondre à cette question?

M. Dominique Boisvert: Je vais essayer d'y répondre à partir de l'expérience que j'ai du projet de loi C-24 de 1976-77.

[Français]

Si vous me le permettez, je vais continuer en français.

J'ai participé très activement aux débats lors de la dernière refonte complète de la loi, en 1976-1977. Il y avait eu un long débat précisément sur la question des mesures de sécurité canadienne reliées à la Loi sur l'immigration. Les députés de l'époque, notamment M. Fairweather, qui était alors député conservateur, avaient fait admettre aux représentants du ministère qu'une partie non négligeable des informations utilisées par le Canada en matière de sécurité provenait de nos alliés, c'est-à-dire les Américains.

Les décisions échappaient pour une large part au processus politique et en ce sens, il était difficile d'avoir de l'information. On a tâché d'effectuer des réformes, par exemple en créant un comité de révision des mesures de sécurité, mais il demeure certainement préoccupant que le Parlement, c'est-à-dire les représentants du peuple canadien, ait si peu à dire et que le tout soit encore essentiellement entre les mains du comité de sécurité. On n'a besoin généralement que de la signature de deux ministres pour les attestations de sécurité.

Cela constituait une inquiétude pour la plupart des groupes de défense des droits humains en 1976-1977, et cela demeure une inquiétude en 2001.

[Traduction]

Le président: John McCallum.

M. John McCallum: Monsieur le président, j'aimerais consacrer mes cinq minutes à des observations au sujet de l'intervention de M. Boisvert.

Tout d'abord, j'aimerais dire que, en ma qualité d'économiste, je ne peux que souscrire à ce qu'a déclaré Alana Klein, à savoir que les projections de coûts sur une période de 10 ans ne peuvent être que douteuses et non fiables.

[Français]

Monsieur Boisvert, je vous dirais que

[Traduction]

c'est au fruit qu'on reconnaît l'arbre.

[Français]

Je suis d'accord avec notre président en ce qui a trait à ses commentaires. Vous verrez les amendements que nous proposerons et s'ils ne sont pas suffisants, peut-être aurez-vous raison, mais s'ils sont substantiels, peut-être aurez-vous tort.

• 1130

J'aimerais mentionner quelques amendements que nous allons proposer. Le premier est tout à fait semblable à ce que suggérait M. Czolij et concerne la troisième section, où il est question de la nature du Canada, un pays fédéral et bilingue. Une de mes collègues, qui n'est pas ici aujourd'hui, va proposer l'amendement que vous suggérez, c'est-à-dire d'y ajouter le mot «multiculturel». Il sera donc question d'un pays fédéral, bilingue et multiculturel.

Ensuite, comme je l'ai déjà dit, je vais proposer des amendements qui limiteront les pouvoirs des agents d'immigration concernant l'expulsion de résidents permanents et l'étude des dossiers. Nous allons aussi essayer de limiter l'envergure des règlements et, comme vient de le dire le président, de conserver un rôle à ce comité concernant l'étude des règlements, pour que le ministre puisse présenter au Parlement non seulement les normes d'immigration, mais aussi l'information sur les listes d'attente, etc. Il y en aura d'autres.

Je pense que j'en ai assez dit. Je veux simplement ajouter que personnellement, je pense que nous ne devrions pas renvoyer des gens là où ils subiront la torture. Nous avons entendu beaucoup d'histoires très émouvantes concernant des gens, surtout des femmes, qui sont entrés au Canada après une deuxième demande de statut réfugié. Si la réponse à ces demandes était négative, certaines de ces personnes seraient renvoyées à des endroits où elles seraient exécutées. Cela est extrêmement pénible. Je pense, moi aussi, qu'on devrait avoir une deuxième chance de faire une demande.

Il s'agit donc de quelques-uns des amendements. Il n'est pas garanti que le gouvernement acceptera tous ces amendements, mais je peux vous dire que nous sommes sérieux. Finalement, je veux souligner le fait que personne autour de la table n'aime que le terme foreign national soit appliqué à des résidents permanents. Nous avons l'unanimité sur cette question. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci. Dominique ou Elisabeth, avez-vous des observations à faire sur les changements qui sont proposés?

[Français]

Mme Elisabeth Garant (responsable, secteur Vivre ensemble, Centre Justice et Foi): Il s'agit certainement de changements utiles. Par contre, il y a d'autres éléments qui me semblent fondamentaux. Il ne faut pas simplement étudier les règlements. Je reviens sur un des points dont le président, M. Fontana, et vous avez parlé. Je suis heureuse que vous étudiiez les règlements de très près. Cela est important et je suis très contente de cette décision.

Par ailleurs, il faut aussi être conscient du fait que mettre beaucoup de choses dans les règlements et non dans le projet de loi risque ultérieurement de faire en sorte que le Parlement perde un certain contrôle. J'invite ceux qui n'ont pas lu notre mémoire à lire la page 9, où nous demandons que certains éléments qui sont actuellement prévus dans les règlements, si on se fie aux documents qui accompagnaient le projet de loi, soient transférés au niveau du projet de loi afin de s'assurer que les principes et la volonté énoncés soient vraiment reflétés dans le projet de loi.

Évidemment, on ne peut pas inclure tous les règlements dans le projet de loi, mais on ne peut se permettre de ne mentionner certaines choses, comme par exemple la volonté de réunir les familles, qu'uniquement dans les règlements. Il faut qu'il y ait quelque chose de mentionné dans le projet de loi. Je donne cet exemple, mais je vous laisse étudier d'autres propositions. Il me semble important de concrétiser les principes. Autrement, il sera impossible, dans cinq ans, de s'assurer que nos décisions de 2001 soient fidèlement appliquées par les fonctionnaires et les équipes gouvernementales qui seront en place.

• 1135

Il y a un autre élément qui me semble important et que vous n'avez pas soulevé. Je suis d'accord pour ajouter le terme «multiculturel», qui reflète la diversité, et je crois qu'il est très important d'éliminer le terme foreign national. Il s'agit d'un langage que nous n'utilisons ni en français ni en anglais. Dans l'ensemble de la loi, on utilise des mots qui donnent l'impression que l'on a affaire à des criminels. Il est aussi question dans notre mémoire d'adopter le langage utilisé par le HCR, pour enlever tout sens péjoratif ou toute impression de criminalité aux termes qui sont utilisés. On peut, par exemple, utiliser l'expression «entrée non autorisée», ce qui est beaucoup plus neutre que les termes qui sont utilisés actuellement dans le projet de loi.

Je pense que cela fait partie du rôle du comité permanent, rôle que vous êtes en mesure de jouer. Nous ne sommes pas les seuls à vous l'avoir dit. Cela a été dit au cours d'autres audiences et dans d'autres mémoires. Je crois qu'il s'agit de choses fondamentales.

Il y a un autre point fondamental, soit la distinction entre la protection et l'immigration.

Nous faisons à ce sujet un certain nombre de recommandations. Le projet de loi est plus clair que l'ancienne loi, ce qui est un progrès, pour distinguer les articles sur l'immigration et ceux sur la protection. Il y a cependant encore beaucoup d'éléments qui touchent la vie des réfugiés qui se retrouvent dans la partie immigration.

Nous demandons dans notre mémoire que ces éléments soient adaptés à la réalité de la protection. On ne peut gérer, réfléchir et répondre aux besoins de protection de la façon dont on le fait au niveau de l'immigration. Veuillez vous référer au mémoire pour plus de détails sur ces questions.

Le président: Merci.

[Traduction]

Eugene, vous aviez quelque chose à ajouter?

M. Eugene Czolij: Tout d'abord, c'est avec beaucoup de plaisir que je vous ai entendu annoncer, monsieur le président, que le règlement d'application du projet de loi C-11 fera l'objet de consultations publiques tenues par votre comité. Je vous encourage à le faire avant l'adoption du projet de loi C-11. Comme vous le savez probablement, la Direction de la recherche parlementaire a dit, au sujet du projet de loi C-11, que la simple lecture du texte ne donne pas un tableau d'ensemble du programme de l'immigration et du statut de réfugié et qu'il faudrait donc analyser le règlement. Je suis heureux d'apprendre que ce sera le cas. Je vous encourage à nouveau à le faire avant d'adopter le projet de loi à l'étude.

J'aimerais aussi remercier M. Mark d'avoir soulevé la question des Ukrainiens internés durant la Première Guerre mondiale. Comme vous le savez, plus de 8 000 Ukrainiens résidant au Canada ont été internés ainsi. Il s'agit non seulement d'une période noire de l'histoire canadienne, mais également, malheureusement, d'une question qui n'est toujours pas réglée. J'espère certes que le gouvernement du Canada va la résoudre conformément à une résolution unanime l'exhortant à le faire qui a été adoptée par le Parlement en 1991.

[Français]

Je suis particulièrement content que M. McCallum, dans ses commentaires, ait affirmé que la réalité multiculturelle du Canada sera mentionnée à l'alinéa 3(1)b) du projet de loi, afin d'inciter vos collègues à adopter cet amendement. Je vous rappelle que l'article 27 de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit que toute interprétation de cette charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens, ce qui justifie que cette loi prenne la peine de mentionner que notre pays bilingue est également un pays multiculturel.

Quant aux amendements pour restreindre les pouvoirs d'exclusion, je pense que l'Association du Barreau canadien et plusieurs autres intervenants vous ont mentionné qu'il était important de restreindre ces pouvoirs afin que la loi soit juste.

Le président: Merci. Madeleine.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.

Je vais faire deux commentaires et je vais poser deux questions. Mon premier commentaire s'adresse à monsieur Czolij.

Il est très clair qu'un projet de loi comme le projet de loi C-11 doit traduire de façon très claire la réalité et la volonté d'ouverture, tant du Canada que du Québec. Là-dessus, il s'agirait d'ajouter le mot «multiculturel». C'est implicite partout. On sait que les gens viennent de partout parce que c'est un pays où, quelque part, il fait bon vivre.

• 1140

Par ailleurs, vous avez vu que la grande majorité de vos autres suggestions ont déjà été presque avalisées par le comité.

Monsieur Boisvert, même si je comprends la déception de mon président, je peux également comprendre la vôtre, et je tiens à vous le dire. Dans la vie, il y a beaucoup de choses qui sont non dites, et je vous remercie d'avoir eu le courage de les dire. Voilà. Voici maintenant mes questions.

Madame Klein, vous avez parlé du fardeau excessif, et je suis d'accord avec vous que c'est un terme qui peut vouloir dire tout ou rien. Pensez-vous que la définition de «fardeau excessif» devrait se retrouver dans la loi? On a entendu beaucoup de commentaires disant que beaucoup de définitions étaient renvoyées aux règlements et on a entendu beaucoup d'inquiétudes exprimées par un certain nombre de témoins.

Dans le cas de «fardeau excessif», si vous aviez une recommandation à faire, est-ce que vous recommanderiez que ce soit inscrit dans la loi ou dans la réglementation?

Mme Alana Klein: Je pense qu'il vaut toujours mieux... Est-ce que je peux parler en anglais?

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui, bien sûr.

[Traduction]

Mme Alana Klein: En règle générale, il vaut probablement mieux inclure la définition dans la loi comme telle. La probabilité serait alors plus grande qu'elle soit durable. Par conséquent, en vue de conserver au gouvernement le contrôle... La définition aurait probablement la vie plus longue si elle se trouve dans la loi.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.

Mon autre question, monsieur le président, s'adresse à M. Dagenais.

On a entendu des représentants des différents ordres professionnels nous faire part des difficultés, autant pour leur ordre professionnel que pour les gens qui viennent au Canada, et qui sont très souvent déçus.

J'ai une question à vous poser. Croyez-vous que, dans le règlement, on devrait obliger les agents d'immigration à informer les ordres professionnels, dès le dépôt de la demande d'immigration, du fait que M. X, qui vient de tel pays, fait une demande d'immigration et qu'il est ingénieur, médecin ou quoi que ce soit, de façon à ce que les ordres puissent entrer en contact avec cette personne afin qu'elle ait l'information de première main? C'est extrêmement frustrant de venir dans un pays où on est convaincu qu'on peut rendre service et où on se rend compte, finalement, qu'en dépit de nos compétences et de notre bonne volonté, on ne répond pas aux critères nationaux ou provinciaux.

M. Michel Dagenais (directeur de l'admission et de l'enregistrement, Ordre des ingénieurs du Québec): Je suis d'accord avec vous qu'un contact doit être maintenu entre le futur immigrant et les ordres professionnels, en particulier l'Ordre des ingénieurs.

Nous avons actuellement un processus qu'on appelle l'évaluation non officielle. Un immigrant ayant une formation en génie qui veut venir au Canada fait une demande à l'Ordre des ingénieurs du Québec ou au Conseil canadien des ingénieurs pour les autres provinces, afin qu'on puisse évaluer sa formation et qu'il sache avant de venir s'il sera admis et à quelles conditions. Est-ce qu'il aura des examens de contrôle à passer? Ou est-ce qu'il ne sera pas admis parce que sa formation ferait en sorte que le nombre d'examens qu'on devrait lui demander de subir correspondrait, finalement, à une mission impossible? Cette façon de faire fonctionne actuellement, mais on pourrait encore l'améliorer. Ça pourrait être, comme on le suggère, une demande d'admission en bonne et due forme et toute une évaluation non officielle. Il faut que ces contacts soient maintenus entre les ordres professionnels et les futurs citoyens canadiens.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie.

Je crois que Dominique et Eugene avaient quelque chose à dire.

• 1145

[Français]

M. Eugene Czolij: Madame Dalphond-Guiral, évidemment, tout intervenant est content lorsqu'on lui dit que le comité avalise la plupart des recommandations que son organisme fait au comité en question, et je suis évidemment très content de ce commentaire.

Cependant, vous mentionnez qu'il est implicite que le pays est un pays multiculturel. On sait que le législateur a choisi ou choisira, en adoptant le projet de loi C-11, de mentionner ce qui me semble tout aussi implicite à l'alinéa 3(1)b), à savoir que c'est un pays fédéral et bilingue. Si on prend la peine de préciser le caractère fédéral et bilingue du pays, je pense qu'on devrait tout autant préciser son aspect multiculturel.

Pour ce qui est d'un autre amendement, je tiens tout simplement à vous préciser que nous avons, dans nos commentaires relativement au projet de loi C-31, mentionné qu'il faudrait distinguer entre le foreign national et le permanent resident, ce qui a été fait dans le projet de loi C-11. Ce qui me surprend toutefois, en regardant la version française du projet de loi C-11, c'est qu'on ne l'y mentionne pas. On a une définition du résident permanent, mais il n'y a pas de définition du foreign national même si, au paragraphe 2(1), on mentionne que le résident permanent est «l'étranger qui a le statut de résident permanent et n'a pas perdu ce statut au titre de l'article 46.» Je crois qu'il faudrait remédier à cette lacune et définir également le pendant du foreign national dans la version française du projet de loi.

[Traduction]

Le président: Nous allons nous débarrasser de cette expression «foreign national», je vous le promets. Nous en avons entendu suffisamment et nous allons la retrancher du projet de loi. Je suis convaincu que tous s'en porteront mieux.

Yolande.

[Français]

Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Bonjour, messieurs, mesdames. Bienvenue à notre comité. C'est très gentil de votre part de vous prêter à cet affrontement, qui se veut plutôt un dialogue, bien sûr.

Je voudrais d'abord faire un petit commentaire au sujet d'un point soulevé dans la présentation du Centre Justice et Foi. Vous avez dit à un moment donné qu'un comité comme celui-ci regroupait un tas de gens qui n'avaient pas de points communs. Eh bien là, je ne suis pas du tout d'accord que vous n'avez rien en commun les uns avec les autres. Ça fait depuis lundi que nous parlons à des gens au Canada, et vous seriez surpris de voir combien la pensée de groupes divergents d'un bout à l'autre du pays se rejoint. Alors, vraiment, des points communs, il y en a en abondance.

Je voudrais soulever un point au sujet des recommandations que vous faites, qui me saute aux yeux comme ça. Vous recommandez que le gouvernement vise une immigration annuelle nette qui équivaudrait à 1 p. 100 de la population canadienne. Je pense que vous savez déjà que c'est le but. Cependant, je me pose des questions sur le fait que vous proposez qu'une proportion de 20 p. 100 soit réservée pour l'immigration humanitaire. Une disposition comme celle-là me ferait un peu peur. J'hésiterais à imposer des normes aussi rigides aux gens du service d'immigration. Je ne suis pas d'accord sur ça. Qu'est-ce qui arriverait si, une année, à cause d'un conflit mondial quelque part, le Canada devait recevoir beaucoup plus que ces 20 p. 100, alors que, par contre, il y aurait moins de demandes d'immigration? Je ne serais pas à l'aise de voir ça dans la loi.

Je m'adresse maintenant à l'Ordre des ingénieurs. Votre deuxième recommandation, si je ne m'abuse, était de maintenir le rôle de l'Ordre des ingénieurs en ce qui a trait à notre projet de loi. Je ne comprends pas très bien. Est-ce que vous souhaiteriez mettre cela dans les règlements ou si c'est simplement que vous souhaitez continuer vos bonnes relations avec le ministère? Pouvez-vous élaborer?

M. Michel Dagenais: Je pense que...

• 1150

[Traduction]

Le président: Excusez-moi, mais c'est la présidence qui dirige la séance.

La première question s'adresse à Dominique. Elle concerne le 1 p. 100 et le nombre de 60 000 fixé comme minimum pour les réfugiés. Nous passerons ensuite à Michel, qui répondra à la seconde question.

[Français]

M. Dominique Boisvert: On est très heureux que la ministre, après avoir reçu le mémoire qu'on avait déposé sur le projet de loi C-31, ait, dans ses commentaires et réactions avant de présenter le projet de loi C-11, choisi de dire beaucoup plus clairement que l'intention du gouvernement fédéral actuel était d'essayer d'atteindre 1 p. 100.

D'ailleurs, la proposition que nous faisions dans notre mémoire reprenait le programme du Parti libéral. On ne l'avait pas inventée. On est contents de voir que le gouvernement ait décidé d'en faire un objectif plus précis.

Pour ce qui est du 20 p. 100, il y a plusieurs raisons à cela. On n'a évidemment aucune espèce d'objection à ce que certaines années, parce que les besoins sont là, le 20 p. 100 soit dépassé. Que je sache, le 20 p. 100 n'a jamais été atteint au fédéral. Depuis des années, on est autour de 12 ou 13 p. 100.

La raison pour laquelle on souhaite que le gouvernement vise la cible de 20 p. 100 d'immigration humanitaire, c'est qu'on constate que la tendance très, très forte du gouvernement canadien et de beaucoup d'autres gouvernements du monde est de favoriser une immigration essentiellement «élitiste»—excusez l'expression—, c'est-à-dire les meilleurs, la crème, ceux que tous les pays s'arrachent pour contribuer à leur économie, etc., avec tous les problèmes d'exode de cerveaux et de partage des richesses que cela pose. Mais ça, c'est un autre débat.

Si on dit au moins qu'on vise à ce qu'un immigrant sur cinq vienne au pays par le canal de l'immigration humanitaire, c'est assez large parce qu'il ne s'agit pas uniquement des gens sélectionnés à l'étranger à la demande du HCR; ça peut être aussi bien des revendicateurs de statut de réfugié ici, etc. C'est une façon de contrebalancer la tendance très, très forte à ne faire venir que les meilleurs, que la crème.

Il faut bien se rappeler que l'immigration, au Canada, a été constituée de toutes sortes d'immigrants, des gens peu scolarisés et des docteurs en toutes sortes de disciplines, et que souvent, ceux qui sont le plus loyaux envers le pays sont les petites gens que le Canada a accepté d'accueillir, et non pas les gens que tout le monde s'arrache, qui viennent faire cinq ans ici et qui vont ensuite travailler ailleurs parce qu'on les paie plus. C'est une chose très importante.

Je voudrais dire aux membres du comité que si vous souhaitez, avant la fin de cette période, nous poser des questions sur la question de la compétence des commissaires, c'est une question sur laquelle on a beaucoup travaillé. Deux d'entre nous ont travaillé ensemble pendant une quinzaine d'années, sous deux modèles différents de commissaires, à l'étude des demandes de statut de réfugié ici. On pourrait vous dire très concrètement comment ça se passe, particulièrement sur la question de la compétence des commissaires parce qu'on a eu l'occasion de participer au choix des autres, etc. Merci.

[Traduction]

Le président: Oui. En fait, Dominique, si vous pouviez nous fournir des renseignements supplémentaires, après tout le travail que vous avez fait au sujet de la compétence des commissaires et ainsi de suite, ce serait très utile.

Michel, si vous voulez bien répondre à la seconde question qui concerne le règlement.

[Français]

M. Michel Dagenais: Je pense que le lien entre les futurs citoyens canadiens et les ordres professionnels, principalement en ce qui a trait aux ingénieurs, doit être maintenu de façon à maintenir la qualité d'intervention et assurer la crédibilité. Je ne pense pas que cela devrait être dans la loi. Je pense que cela devrait plutôt être au niveau réglementaire. On devrait insister pour maintenir ça, parce qu'au cours des années, l'Ordre des ingénieurs et le Conseil canadien des ingénieurs, qui est la fédération des associations provinciales d'ingénieurs, ont développé une expertise et fait l'évaluation de près de 1 400 institutions de formation d'ingénieurs dans près de 300 pays différents.

On a aussi, via le Bureau canadien des affaires internationales, élaboré des ententes de réciprocité avec différents pays qui ont des systèmes d'évaluation de la formation et des systèmes de contrôle d'exercice de la profession similaires à ceux qu'on a ici, et cela se poursuit.

Je pense que les ingénieurs ont été le premier groupe de professionnels à élaborer une entente de principe en ce qui a trait à l'ALENA entre le Mexique, les États-Unis et le Canada, bien que cela tarde à s'appliquer. Ce n'est pas la faute des Canadiens parce que toutes les associations canadiennes provinciales ou territoriales ont signé cette entente de principe, mais les deux autres pays tardent à la signer.

• 1155

[Traduction]

Le président: Michel, je vous remercie.

John Herron.

[Français]

M. John Herron: Je voudrais d'abord faire un petit commentaire au sujet d'une personne particulière.

Monsieur Boisvert, vous avez parlé de Gordon Fairweather. Je suis le député du comté de Fundy—Royal et j'ai rencontré M. Fairweather concernant ce projet de loi. Je suis fier que vous... [Note de la rédaction: inaudible] ...M. Fairweather.

Madeleine m'a encore volé une question.

[Traduction]

Madame Klein, au sujet d'une des questions que vous signalez dans votre mémoire, je tenais simplement à dire qu'il existe selon moi un consensus au sein du comité en ce qui concerne la définition des conjoints de fait, qu'ils soient du même sexe ou de sexe opposé. Je crois qu'un amendement sera proposé. Je crois que tous s'entendent pour faire le ménage dans cet amendement progressif.

En ce qui concerne la définition de coûts excessifs pour la santé, c'est la question que Madeleine m'a enlevée de la bouche. Il vaudrait peut-être mieux l'inclure dans le projet de loi à l'étude.

Voici le genre de questions que je me pose. Vous avez mentionné que c'était mal d'imposer des tests de dépistage du VIH. Devrions-nous aller aussi loin que d'interdire tous les tests de dépistage, quelle que soit la maladie? Pour l'instant, nous n'effectuons de pareils tests que pour la tuberculose et la syphilis. Ce sont les deux seules maladies pour lesquelles nous faisons subir des tests de dépistage, et c'est une très courte liste. Faudrait-il abolir complètement les tests de dépistage si nous n'en exigeons que deux et que nous n'allons pas en faire pour le VIH? Dans la négative, quels seraient les paramètres s'appliquant aux examens médicaux?

Le président: Alex ou Alana.

[Français]

M. Alex Adrian (membre, Réseau juridique canadien VIH-SIDA): Merci de votre question. C'est une question très importante pour les personnes qui travaillent avec le VIH-SIDA. Jusqu'à présent, vous avez raison. Les maladies qui sont transmises couramment ou qui sont transmises par aérosol, comme la tuberculose, font l'objet d'un dépistage systématique chez les personnes qui font une demande d'immigration.

La position du réseau contre le dépistage du VIH est assez claire. Il n'y a aucune commune mesure entre la tuberculose, qui se transmet par aérosol, et une maladie qui se transmet par des comportements. Le VIH est une maladie des personnes qui ont des comportements sexuels à risque ou qui s'injectent.

Donc, la position du réseau est qu'il faudrait traiter de façon différente ces deux grandes catégories de maladies et que la perception ou l'information qui semble émaner du ministère, à savoir qu'on veut mettre le VIH dans la même catégorie que ces autres maladies, ne nous paraît pas fondée sur une base de santé publique.

[Traduction]

M. John Herron: Ma question précise, cependant, est de savoir s'il faut faire des tests de dépistage, puisque nous ne dépistons que deux maladies.

[Français]

M. Alex Adrian: C'est une question très large. Dans le mémoire qu'on vous a remis, on dit qu'il faut considérer globalement l'ensemble des maladies potentielles des personnes qui font une demande d'immigration. On donne un exemple frappant. Si on juge qu'une personne de plus de 50 ans, par exemple, peut développer des maladies cardiovasculaires qui coûteraient trop cher au Canada, on devrait également considérer cette catégorie de personnes, d'une part.

D'autre part, si on considère que le VIH est une maladie aussi contagieuse qu'on le dit, pourquoi est-ce qu'on en tient compte seulement dans le cas des immigrants? Pourquoi ne pas en tenir compte dans le cas des touristes ou des personnes qui ne sont pas visées par cette loi?

Donc, à notre sens, il y a une incohérence totale dans la façon dont on considère l'implication de santé publique dans le cas du VIH-SIDA.

[Traduction]

Le président: Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter à ce qu'a dit Alex? D'accord, Alana. Vous faites partie du même organisme, mais allez-y.

• 1200

Mme Alana Klein: En ce qui concerne ce que vous avez dit au sujet de définir dans la loi les «demandes excessives», je tenais simplement à répéter que le plus important à nos yeux est la réalité représentée par l'expression. Il faudrait qu'elle inclue les contributions d'ordre tant économique que les autres. C'est en réalité le plus important. Nous serions ravis de voir cela inclus dans la loi, et c'est de cette manière que nous voudrions que ce soit fait.

Je vous remercie.

Le président: Plusieurs organismes nous ont dit la même chose.

Si vous me le permettez, avant de vous remercier, Dominique et Elisabeth, j'ai lu votre rapport. Je suis d'accord avec 92 p. 100 des 25 recommandations que vous faites. Pour tout vous dire, des porte-parole de tous les coins du pays ont fait un grand nombre des mêmes suggestions, de sorte qu'il semble y avoir une préoccupation commune, des questions communes et une approche commune, particulièrement en ce qui concerne l'énoncé des objectifs à long terme.

Je suis tout à fait d'accord avec vous. J'ignore comment nous sommes venus à parler de criminalité, plutôt que d'insister sur l'immigration, les réfugiés, notre longue tradition d'immigration et de protection. En fait, des pays du monde entier cherchent à imiter la politique d'immigration et la politique à l'égard des réfugiés du Canada parce que nous sommes un des quatre pays seulement qui accueillent vraiment des réfugiés. Je crois donc que nous partons d'une position de force et pas seulement dans la loi actuelle, que nous voulons de toute évidence rendre encore meilleure.

J'ai une question en rapport avec un de vos recommandations au sujet de la catégorie de la famille. Vous avez dit que, dans la loi, il faudrait élargir la catégorie de la famille. Comme vous le savez, nous avons déjà précisé que nous avions l'intention de le faire pour les époux ou les mères et les pères. Je me demande simplement si, selon vous, il faut l'élargir aux frères et soeurs. Nous avons tous entendu des témoins d'un peu partout au pays nous dire que la cellule familiale est très importante pour faciliter l'intégration, la viabilité ainsi que le développement social, économique, voire humanitaire. Jusqu'où faudrait-il élargir la définition de la «famille»?

[Français]

M. Dominique Boisvert: En fait, cela fait partie des points qu'on considérait positifs dans le projet de loi C-31, qui est devenu C-11, que d'élargir la définition de la famille. Pour être très honnête, je dois dire qu'on s'est consultés rapidement et que je ne suis pas sûr qu'on soit les mieux placés pour vous dire qu'on devrait ajouter les frères, les beaux-frères et ainsi de suite. Je ne sais pas où on doit s'arrêter exactement.

Le travail qu'on fait depuis 15 ans, au centre, porte davantage sur les courants de fond, les orientations, le vocabulaire et les besoins fondamentaux auxquels le Canada et la communauté internationale doivent faire face en matière d'immigration et de protection. C'est le sens de notre mémoire et du travail qu'on a fait sur la protection, en particulier, et sur l'immigration internationale, dans une perspective de moyen et long terme, pour les 15 à 20 prochaines années. Donc, notre expertise est davantage à ce niveau-là. C'est pour cela qu'on a élaboré là-dessus dans notre mémoire, plutôt que sur des questions très pointues ayant trait à la famille.

Je vais laisser Elisabeth terminer. Notre expertise est surtout dans ce domaine-là.

Mme Elisabeth Garant: Le seul principe que je mettrais de l'avant, c'est qu'il faut faire en sorte que la famille restreinte soit à tout prix préservée. Il y a une recommandation ayant trait aux gens qui ont moins de revenus, qui touche cette partie-là.

Pour ce qui est de l'élargissement, il faudrait qu'il y ait une certaine souplesse, et on a soulevé cette question dans d'autres mémoires. Je ne dirai pas où cela doit s'arrêter, mais je pense que le critère fondamental que devrait mettre de l'avant le comité est de ne pas rendre rigide cette loi concernant la réunification, mais de permettre que, dans certaine circonstances... Je sais que le Conseil canadien en a nommé un certain nombre, et il me semble fortement nécessaire d'en tenir compte.

Vous avez mentionné le souci de sortir d'un débat criminalisant pour aller vers un débat d'ouverture. Je ferai le lien avec ce que Mme Thibeault exprimait tout à l'heure. Le 20 p. 100, représentant 60 000, est un moyen concret de donner des mains à une volonté. On ne peut pas dire qu'on est ouvert, qu'on veut accueillir si on ne prend pas de moyens concrets. Et 20 p. 100, ce n'est même pas ce que le Québec fait actuellement. Il fait plus que cela. Je pense qu'on a les moyens de donner à la population de l'information pour qu'elle donne un appui beaucoup plus grand à cette question.

• 1205

Il faut que les gens comprennent la nécessité de protéger les réfugiés. Il faut qu'ils comprennent que le Canada fait tous les efforts au plan international et que le dernier recours de plusieurs personnes est de venir ici. Quand ils le comprennent, il n'est pas impossible d'augmenter cette proportion à 20 p. 100, me semble-t-il.

Donc, ce sont des portes. Il faut que vous trouviez des moyens concrets. On parle, par exemple, de rendre crédibles les moyens de contrôle. Si vous ne dites rien sur la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, si vous ne questionnez pas le processus de nomination des commissaires—de nombreuses critiques ont été faites—, je ne sais pas comment vous pourrez rendre crédible ce processus.

On attend de vous que vous arriviez avec des éléments concrets pour faire le passage d'un langage à un autre.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie beaucoup.

À nouveau, je vous remercie tous de vos excellents exposés, de vos idées, de vos recommandations et de votre participation. Je peux vous donner l'assurance qu'en fin de compte, le comité est résolu à faire en sorte que nous ayons un meilleur projet de loi et une meilleure politique de l'immigration et des réfugiés, une politique qui nous maintient au premier rang mondial dans ce domaine.

Je remercie chacun d'entre vous du travail accompli.

Pourrions-nous, s'il vous plaît, accélérer le rythme parce que, malheureusement, nous avons déjà une heure de retard environ. Si les membres du comité le veulent bien, je leur demanderais de demeurer dans la salle. Je sais que vous avez peut-être besoin de faire une pause, mais il faut passer tout de suite au prochain tour.

J'invite les porte-parole de l'Association du Barreau canadien, division du Québec, de la Table de concertation de Montréal au service des réfugiés, du Comité d'aide aux réfugiés et de l'Association nationale de la femme et du droit à venir s'asseoir à la table.

• 1206




• 1210

Le président: Je tiens à m'excuser aux témoins qui devaient prendre la parole à 11 heures—il est maintenant midi. Comme vous l'avez probablement entendu, on semble vivement intéressé à débattre des mémoires et des recommandations. C'est un indice de la valeur que nous accordons au le dur labeur que vous avez effectué pour rédiger vos mémoires et vos suggestions. C'est pourquoi le comité souhaite d'ailleurs vous poser des questions.

Nous avons reçu vos mémoires. Je vous demanderais de prendre cinq à sept minutes pour nous en donner un aperçu ou nous en faire un résumé, pour que nous ayons le temps de vous poser des questions.

Je vais commencer par céder la parole à la représentante de l'Association du Barreau canadien, division du Québec. Nous accueillons Chantal Arsenault.

Ah! Vous voilà, Chantal. Soyez la bienvenue. Vous avez la parole.

[Français]

Mme Chantal Arsenault (présidente, Section immigration, Association du Barreau canadien, division Québec): Monsieur le président, membres du comités, messieurs, mesdames, merci de m'accueillir aujourd'hui.

Vous avez déjà entendu parler un bon nombre de mes collègues de partout au Canada pendant cette semaine qui a été certainement très éprouvante pour vous en termes de voyage et en terme du temps que vous avez consacré à ces audiences. Bien que de nombreuses préoccupations vous aient déjà été présentées, je me permets quand même d'en faire un petit résumé ici, aujourd'hui.

Comme vous l'avez déjà remarqué, au niveau de l'Association du Barreau canadien, on a pris la peine de se séparer un peu les préoccupations pour ne pas avoir à se répéter à chaque fois. Aujourd'hui, je vous glisserai un mot sur la question des contrôles ou des interrogatoires et je vous exprimerai nos préoccupations à cet égard.

Le projet de loi C-11 contient de nombreuses dispositions se rapportant aux contrôles, qui doivent être interprétées les unes en fonction des autres. Une lecture attentive des articles 15, 16, 17, 40, 44, 127 et 128 vous permettrait d'en arriver à la conclusion suivante.

Un agent qui a des motifs raisonnables de croire qu'une personne pourrait être inadmissible ou interdite de territoire—qui est le terme français—peut procéder à un contrôle même lorsqu'une demande n'a pas été déposée auprès du ministère. Le contrôle en question contraint un non-citoyen, incluant un résident permanent, à répondre aux questions et à fournir de la documentation, sans quoi il risque soit de devoir payer une amende qui pourrait aller jusqu'à 100 000 $, soit d'être emprisonné pour une période qui pourrait aller jusqu'à cinq ans, soit d'être interdit de territoire. Dans ces circonstances, le résident permanent n'a pas droit au silence, puisque son silence ou son refus de répondre à une question est suffisant pour justifier une amende, un emprisonnement ou son interdiction de territoire.

Le résident permanent n'a pas non plus de protection contre l'auto-incrimination, puisque son silence ou son refus de répondre à une question, même si sa réponse pourrait engager sa responsabilité criminelle, est suffisant pour justifier un emprisonnement, une amende ou une interdiction de territoire.

Le projet de loi C-11, tel que rédigé, ouvre la porte à l'abus, à l'atteinte aux droits et libertés fondamentaux de résidents permanents, de non-citoyens sur le territoire autres que les résidents permanents. Était-ce l'intention du gouvernement lors de la rédaction du projet de loi? On vous a dit, et le ministère l'a répété cette semaine, que l'intention n'était pas d'atteindre les droits et libertés de ces individus. Par contre, est-ce le résultat de la combinaison des articles tels que rédigés dans le projet de loi? Nous vous soumettons que c'est le cas.

Il est encore temps de changer la situation, de là les consultations d'aujourd'hui, et de s'assurer que les valeurs fondamentales du peuple canadien soient reflétées dans la Loi sur l'immigration. C'est dans ce sens que nous avons proposé les modifications que vous connaissez déjà et que je ne vais pas répéter, mais dont on pourra discuter si vous avez des questions.

• 1215

Avant de terminer, je me permets de revenir sur un point qui a été mentionné quelques fois. On a beaucoup parlé du terme «foreign national». Tout le monde est d'accord, on ne l'aime pas. Je reviens à la traduction du terme par celui d'«étranger» qui, comme l'a dit plus tôt un de mes collègues, n'est pas effectivement défini dans la loi actuelle. Le terme «étranger» comme tel a une connotation péjorative qui est inquiétante.

Tout comme la Loi sur l'immigration actuelle, la nouvelle loi qu'on veut adopter nous accompagnera probablement longtemps. Il est essentiel de s'assurer que nous puissions en être fiers en tant que société. Cette loi constituera notre outil de base, sera notre fenêtre sur le monde. Si ses objectifs sont réellement, entre autres comme l'indique l'article 3, «de permettre au Canada de retirer de l'immigration le maximum d'avantages sociaux, culturels et économiques», il est primordial que la loi, les règlements et les politiques d'immigration visent à établir un système juste, équitable et efficace.

Étant donné que le temps court, je vais m'arrêter ici. Je suis disponible pour répondre à toute question que vous désirez poser. Je me ferai un plaisir de partager mon expérience et la connaissance que j'ai l'avantage d'avoir du système d'immigration au Québec, lequel comporte des aspects différents. Merci.

[Traduction]

Le président: Chantal, je vous remercie. Vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence.

Maintenant, du Projet Genèse, nous accueillons Richard Goldman ou...

[Français]

Mme Rivka Augenfeld (présidente, Table de concertation de Montréal au service des personnes réfugiées immigrantes): Monsieur le président, j'allais vous demander... Nous en avons parlé entre nous et nous aimerions changer l'ordre des présentations, donc vous proposer d'entendre d'abord l'Association nationale de la femme et du droit avant le Projet Genèse parce que nous croyons que la cohérence n'en sera que meilleure.

Également, monsieur le président, je pense que nous avons un mandat qui nous permet de vous dire que ce n'est pas juste le Centre Justice et Foi qui a protesté sur la façon dont les audiences sont tenues. Nous ne contestons pas votre compétence, mais nous protégeons le fait établi...

[Traduction]

Le président: D'accord. Je me demande si vous...

Mme Rivka Augenfeld: Attendez. Tous m'ont demandé...

Le président: Excusez-moi...

Mme Rivka Augenfeld: ... de vous dire, simplement de dire que...

Le président: Non. Excusez-moi. Je sais que vous aimeriez m'aider à présider et je n'y vois pas d'objection puisque je m'entends bien avec tout le monde. Vous aurez l'occasion de dire ce que vous voulez dire. Je vous remercie beaucoup de votre aide en ce qui concerne l'ordre des témoignages.

Je vais céder la parole à Andrée Côté ou à Marlène Dubuisson-Balthazar, ou encore aux deux. Je vous remercie beaucoup.

[Français]

Maître Marlène Dubuisson-Balthazar (avocate et membre du conseil d'administration, Association nationale de la femme et du droit): Bonjour, monsieur le président, ainsi que vous, membres du comité permanent. J'ai avec moi Andrée Côté, directrice des affaires juridiques à l'Association nationale de la femme et du droit.

L'Association nationale de la femme et du droit est une organisation féministe sans but lucratif qui a pour objectif de promouvoir la justice sociale et le droits des femmes à l'égalité, par un travail d'éducation et la réforme du droit. Les membres de cette association comprennent des avocates, des juges, des professeures et des étudiantes en droit et d'autres personnes intéressées à la promotion des droits des femmes.

En plus des organismes qui ont participé à la rédaction du mémoire, deux autres groupes, le Fonds d'action et d'éducation juridique de la côte ouest et le Mouvement ontarien des femmes immigrantes francophones, nous ont récemment donné leur appui.

Aujourd'hui, compte tenu du temps qui nous est alloué, nous voulons attirer votre attention sur trois points de notre mémoire qui sont pour nous d'une importance capitale. Nous aimerions tout d'abord: souligner l'importance d'assurer, dans le cadre de la loi, le respect et la promotion des droits humains de tous les immigrants et immigrantes et de tous les réfugiés; aborder le cas des personnes appartenant à la catégorie de la famille; et soulever le cas des travailleuses domestiques qui semblent avoir été oubliées dans le projet de loi C-11.

Nous constatons avec plaisir que le projet de loi C-11 fait explicitement référence à la Charte canadienne des droits et libertés. Nous déplorons cependant qu'on n'ait fait aucune mention des obligations internationales du Canada et des instruments internationaux dont il est signataire.

C'est au point que nous recommandons que le projet de loi C-11 incorpore explicitement les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne et que le paragraphe (3) de l'article 3 soit amendé pour stipuler que la loi doit être interprétée et appliquée de façon à se conformer aux normes internationales en matière de droits de la personne et aux instruments internationaux dont le Canada est signataire.

• 1220

Nous allons maintenant parler de la réunification de la famille comme droit fondamental. Le projet de loi stipule clairement, au paragraphe (1) de l'article 3, que l'objectif principal de la loi est d'assurer la réunification de la famille. Ce paragraphe, à lui seul, ne favorise pas une reconnaissance effective de l'importance de la réunification de la famille comme droit fondamental, tel qu'il apparaît dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Convention relative aux droits des enfants.

C'est pourquoi nous recommandons que la réunification de la famille soit expressément reconnue comme un droit fondamental conformément aux instruments internationaux des droits humains; que le régime de parrainage soit défini de façon à faciliter cette réunification et l'établissement des nouveaux immigrants au Canada; que le regroupement familial soit favorisé et encouragé à l'intérieur du Canada.

Le projet de loi recommande aussi qu'un étranger puisse être considéré comme faisant partie de la catégorie famille sur la base de ses relations avec un citoyen canadien ou un résident permanent. Mais nous trouvons qu'il n'est défini nulle part ce qu'on entend par la catégorie famille. On fait plutôt référence au règlement, qui précise que les conjoints, fiancés et parents peuvent faire partie de cette catégorie.

L'association et ses partenaires recommandent: que la famille soit définie de façon plus claire dans le projet de loi et qu'on permette à la famille étendue, grands-parents et autres personnes importantes pour le répondant, de bénéficier du parrainage; que les principales caractéristiques du régime soient définies dans la loi et ne soient pas reléguées dans les règlements et laissées à la discrétion des agents de l'immigration.

Nous recommandons aussi que les personnes appartenant à cette catégorie soient exemptes des exigences médicales. Nous recommandons que toutes les clauses relatives au régime du parrainage soient regroupées dans une seule section de la loi.

On trouve que le projet de loi et les règlements proposés par le gouvernement font obligation aux répondants de subvenir aux besoins des personnes parrainées pendant une période de 10 ans. Nous recommandons: que le projet de loi C-11 stipule explicitement qu'une personne qui immigre au Canada dans le but de rejoindre sa famille ait droit à la résidence permanente au Canada; que l'obligation de support soit assimilée à une obligation familiale, qu'on tienne compte de la capacité de payer du répondant pendant toute la durée de l'engagement du parrainage et que cette obligation de support n'excède pas trois ans dans tous les cas.

En ce qui a trait au parrainage des conjoints, on trouve que le fait que les besoins essentiels de la personne parrainée, généralement la femme, doivent être assumés par le conjoint a pour effet de créer une sorte de dépendance et de subordination, ce qui ne fait qu'exacerber les relations conjugales. C'est pourquoi nous recommandons que le statut de résident permanent soit accordé à toute personne qui immigre au Canada dans le but de rejoindre son conjoint ou sa conjointe sans qu'elle soit assujettie à l'engagement de parrainage.

Le projet de loi interdit aussi aux bénéficiaires de l'aide sociale de parrainer un conjoint ou une conjointe ou des enfants et réclame une caution des personnes à faible revenu. Nous pensons qu'il s'agit là d'une discrimination basée sur les conditions sociales, qui ne devrait pas être acceptée dans une société libre et démocratique. C'est pourquoi nous recommandons que la loi soit amendée pour permettre aux bénéficiaires de l'aide sociale et aux personnes à faible revenu de parrainer les membres de leurs familles, dans le cadre, bien entendu, du Programme de réunification des familles.

Enfin, nous sommes particulièrement concernés par le cas des travailleuses domestiques qui semblent avoir été oubliées dans le projet de loi C-11. Pourtant, ces personnes font face à des difficultés particulières et vivent dans des conditions précaires, tels l'absence de salaire ou l'insuffisance du salaire, la non-rémunération du travail supplémentaire, le manque de vie privée et d'autonomie et une grande vulnérabilité au harcèlement sexuel.

C'est pourquoi nous recommandons: qu'on permette aux travailleuses domestiques de soumettre au Canada une demande de résidence permanente après un an de travail continu en vertu d'une autorisation d'emploi temporaire et qu'elles soient autorisées à faire venir leurs enfants et les membres de leur famille au Canada; que des autorisations d'emploi temporaire soient fondées sur l'emploi et non sur l'employeur; qu'elles ne soient pas obligées de vivre chez leur employeur; que leurs conditions de travail soient examinées et placées sous surveillance; enfin, qu'une formation soit offerte aux familles qui engagent ces travailleuses domestiques.

Merci. Je passe la parole à Mme Côté.

• 1225

Mme Andrée Côté (directrice, Affaires juridiques, Association nationale de la femme et du droit): Si je peux me le permettre, monsieur le président, je voudrais souligner que nous avons déposé auprès du greffier, M. Lahaie, un rapport, qui sort aujourd'hui même, sur l'impact du parrainage sur les droits à l'égalité des femmes immigrantes. C'est un rapport auquel j'ai participé et dont j'ai dirigé la rédaction et qui a été préparé pour la Table féministe francophone de concertation provinciale de l'Ontario. J'en ai apporté une copie pour chacun des partis. Il sera possible d'en obtenir des copies supplémentaires. C'est seulement que je ne pouvais pas les porter toutes; c'était trop lourd. Merci.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie beaucoup de cet exposé, Andrée.

Félicitations. On a beaucoup débattu de l'impact du parrainage et des droits à l'égalité des immigrantes. Votre intervention est fort opportune. Bien que nous n'ayons pas, de toute évidence, eu le temps de lire le document, je suis sûr qu'il sera très utile à tous ceux qui travaillent en comité.

Je vous remercie beaucoup, vous et votre organisme, de cette excellente étude.

Nous allons maintenant entendre M. Goldman, du Projet Genèse.

M. Richard Goldman (Services juridiques, Projet Genèse): Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, je vous remercie beaucoup.

Je suis avocat au sein du groupe communautaire Projet Genèse, qui est au service du quartier très multi-ethnique de Côte-des- Neiges, un des quartiers les plus pauvres du Québec. Plus de la moitié des habitants du quartier sont des immigrants, et ce sont nos clients.

Je suis accompagné de Jill Hanley, membre de notre conseil et candidate au doctorat en travail social qui a récemment pris part à une étude sur le trafic de personnes.

Je vais me consacrer à la partie du mémoire qui traite de l'accès au processus de détermination du statut de réfugié, plus particulièrement des dispositions relatives à l'admissibilité, et vous décrire ce qui peut se produire lorsqu'une personne est jugée inadmissible.

Afin de mieux illustrer mon propos, j'ai produit un diagramme qui met en valeur certaines des situations les plus courantes auxquelles nous ferons probablement face. J'espère que vous en avez tous eu copie. Si vous n'en avez pas reçu un exemplaire, j'en ai. Pour mettre en valeur trois éventualités, je les ai littéralement soulignées en vert, en jaune et en rouge. Le choix des couleurs est délibéré. Ainsi, le vert est le scénario du feu vert—quand tout va bien—, le rouge, celui de l'arrêt du processus et l'orange, celui de la personne coincée quelque part entre les deux autres.

Commençons par le scénario vert, ici. C'est le cas d'une femme qui, dans son pays, était membre active d'un mouvement pacifique en faveur de la démocratie. Il y a quelques mois, elle a reçu des menaces de mort. Elle est donc venue au Canada et a réclamé le statut de réfugiée. Pendant qu'elle attendait son audition ici à Montréal, des élections libres ont été déclenchées dans son pays et elle est retournée chez elle pour voter. Malheureusement, elle a été très déçue parce que le gouvernement militaire a refusé de reconnaître les résultats de l'élection. Elle a été détenue et torturée, mais elle a réussi à s'échapper et elle est revenue au Canada pour réclamer à nouveau le statut de réfugiée.

J'aimerais simplement mentionner que, puisque certains d'entre vous ont affirmé que jusqu'à 75 p. 100 du travail que vous faites concerne des questions d'immigration, vous pouvez peut-être essayer d'imaginer cette femme qui vient vous voir dans votre bureau de circonscription.

Maintenant, elle se trouve au départ dans la case que voici. Elle est, comme je l'ai mentionné, sur la ligne verte. Si vous le désirez, vous pouvez cercler le mot «retirée» dans la case verte parce que cela indique de quelle partie de la case elle vient. Comme nous le voyons, aux termes du projet de loi C-11, elle est inadmissible simplement parce qu'elle a déjà revendiqué le statut de réfugiée, puis qu'elle a retiré sa demande. Elle s'est conformée à toutes les lois canadiennes relatives aux réfugiés, elle n'en a enfreint aucune que nous sachions et, pourtant, elle est jugée inadmissible.

Si vous suivez la ligne verte, vous verrez que la prochaine question que vous lui poseriez dans votre bureau est de savoir si elle a été à l'extérieur du Canada pendant plus de six mois. La ligne verte, c'est-à-dire celle du feu vert, indique que c'est le cas. Donc, si elle a été à l'extérieur du Canada pendant plus de six mois, sa revendication continue de cheminer.

L'étape suivante, puisqu'elle ne peut pas faire appel à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, serait l'évaluation des risques avant le renvoi. Sa demande serait examinée en fonction de tous les critères s'appliquant à un revendicateur du statut de réfugié ainsi qu'à une personne à risque. Que signifie tout cela pour elle, en termes concrets? Elle ne rencontrera personne pour discuter de sa revendication. Comme elle ne pourra pas faire appel à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, elle doit soumettre quelque chose par écrit. Elle n'a pas droit à une audience, et ce sont des agents d'immigration plutôt que des commissaires de l'immigration et du statut de réfugié qui jugeront de sa crédibilité en fonction de ces documents. Elle ne dispose d'aucun moyen pour répondre à leurs questions ou pour se défendre.

J'aimerais souligner que ce processus ressemble beaucoup à un processus de détermination du statut de réfugié qui a été invalidé en 1985 par la Cour suprême dans l'arrêt clé Singh parce qu'il violait l'article 7 de la Charte des droits et libertés, qu'il portait plus particulièrement atteinte aux principes de la justice fondamentale.

• 1230

Vous trouverez, à la page 4 de notre mémoire, le texte de l'article 7 de la Charte dont je vous fais lecture:

    Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Nous pouvons tous nous mettre d'accord pour dire, je crois, que les revendications du statut de réfugié mettent presque toujours en jeu d'importantes questions de crédibilité. J'aimerais donc vous citer un passage de l'arrêt Singh que vous trouverez également à la page 4 de notre mémoire. Voici ce qu'avait à dire le juge en chef d'alors, M. Dixon:

    Je pense en particulier que, lorsqu'une question importante de crédibilité est en cause, la justice fondamentale exige que cette question soit tranchée par voie d'audition.

Je vous le demande: si vous aviez besoin en 1985 d'une audition pour juger de la crédibilité de quelqu'un, pourquoi n'est- elle plus nécessaire en 2001? Car, selon cette ligne verte, la femme, qui s'est toujours conformée à toutes les lois canadiennes d'immigration, n'aurait pas droit à une audition.

Or, la Cour suprême penche plutôt pour une interprétation de plus en plus stricte de la justice fondamentale. Donc, si vous croyez qu'en 16 ans, la cour s'est peut-être éloignée d'une interprétation rigoureuse, détrompez-vous. J'aimerais souligner, toujours à la page 4 de notre mémoire, qu'il y a tout juste quelques mois, la Cour suprême s'est prononcée dans l'affaire Burns et Rafay dans le domaine étroitement connexe qu'est l'extradition. Bien qu'on ait cru—il va falloir aller dans le détail un peu—que depuis l'arrêt Kindler de 1981, seules les atteintes aux principes de justice fondamentale qui choquaient la conscience étaient intolérables, la cour a précisé—et j'en ai un extrait ici—que toute atteinte aux principes de justice fondamentale, pas seulement celle qui choquait la conscience, était intolérable.

Puisqu'il est question de conscience choquée, voyons ce qui arrive à la ligne rouge du diagramme. Il s'agit toujours du même cas. La revendication du statut de réfugié a été retirée, mais maintenant vous pouvez lui demander pendant combien de temps elle a été à l'extérieur du Canada et elle répond moins de six mois. On va donc à la case en suivant la ligne rouge pour le séjour à l'extérieur de moins de six mois et on constate qu'elle n'a droit à aucune évaluation des risques, pas d'ERAR, à rien d'après la loi actuelle. Y a-t-il plus choquant pour la conscience que de renvoyer dans son pays, sans évaluation des risques, quelqu'un qui risque la torture, la persécution, voire la mort? Voilà justement ce que permet de faire le projet de loi C-11, dans sa version actuelle.

Enfin, voyons l'exemple orange, le cas «entre-deux». Nous allons modifier les faits un tout petit peu ici. Nous dirons, pour simplifier les choses, que c'est sa première visite au Canada, vous lui parlez de sa participation aux élections récentes dans son pays et elle mentionne que, pour la première fois, à l'occasion de ces élections, elle a adhéré à un parti politique qui, auparavant, avait été un groupe rebelle, mais qui a déposé les armes pour participer au processus démocratique, comme l'actuel parti au pouvoir en Afrique du Sud, l'ANC, par exemple, ou le FMLN au El Salvador qui occupe de nombreux sièges au Congrès et a beaucoup de maires. Vous devrez lui dire qu'il est très possible qu'elle soit devenue inadmissible—le deuxième cas sur la ligne orange—pour des raisons de sécurité parce qu'elle est membre d'un groupe qui a participé à des activités terroristes, même si elle n'y a adhéré qu'après qu'il ait renoncé à la violence et même si elle-même n'a jamais commis d'acte violent. Si nous suivons cette ligne orange, elle aurait droit seulement à une évaluation partielle avant le renvoi; le critère de revendication du statut de réfugié ne serait pas applicable à son cas, seulement à celui des personnes en danger. De plus, même si elle était déclarée en danger, elle pourrait obtenir, au mieux, un sursis à l'ordre de renvoi, mais n'aurait pas accès au statut de résident permanent.

Cet exemple, donc, l'orange, est au moins aussi problématique que le vert, le premier que nous avons examiné. Non seulement elle n'aurait pas droit à une audience, mais elle serait assujettie à divers critères et le résultat serait différent, même si elle n'a rien fait de mal. Ceci relève donc de la question de qualité qui est prévue à l'article 15 de la Charte.

• 1235

Pour terminer, de nombreux groupes se sont présentés devant vous pour dire que les clauses d'admissibilité du projet de loi C-11 sont beaucoup plus vastes que celles de la Convention sur les réfugiés, alors je n'en parlerai pas. Je dois ajouter qu'il me semble qu'elles sont incompatibles avec l'article 7 de la Charte et la notion de justice fondamentale et peut-être même aussi avec l'article 5 et la notion d'égalité.

Une dernière chose que je tiens à souligner, c'est qu'il y a à la Chambre des communes et, pour ceux d'entre vous qui sont du Parti libéral, au sein même de votre propre caucus, l'un des plus grands experts des affaires constitutionnelles au Canada, M. Irwin Cotler. M. Cotler a publiquement affirmé qu'il ne serait pas secrétaire parlementaire du ministre de l'Immigration parce qu'il ne pourrait appuyer devant le Parlement un projet de loi qu'il ne pourrait soutenir, et c'est ce projet de loi-ci. Je vous demande d'envisager de lui écrire ou de l'inviter à venir vous dire s'il pense que le projet de loi C-11 répond aux critères de justice fondamentale prévus dans notre Charte des droits et libertés, tels qu'ils ont été interprétés par la Cour suprême. Demandez-lui si ce projet de loi respecte la Convention sur les réfugiés et les autres obligations du Canada en matière des droits de la personne.

Je vous remercie.

Le président: Merci, Richard, pour ces exemples concrets. Une image vaut parfois mille mots. Pour ce qui est d'Irwin Cotler, c'est un membre très assidu du caucus. Le caucus libéral a un comité sur l'immigration. Il fait plus ou moins le même travail que nous ici. Nous agissons publiquement, et en tant que caucus. Au bout du compte, nos comités visent le même objectif, et c'est de concevoir la meilleure loi possible. Je ne doute pas qu'Irwin serait ici s'il avait pu se libérer. Il est très occupé, je peux vous l'assurer. Je vous remercie.

Nous entendrons maintenant l'exposé de la Table de concertation de Montréal au service des réfugiés. Nos témoins sont Stephan Reichold et Rivka Augenfeld. Je vous souhaite la bienvenue.

[Français]

Mme Rivka Augenfeld: Merci, monsieur le président. Je m'appelle Rivka Augenfeld. Je suis la présidente de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées immigrantes. Les gens qui ont préparé la liste n'ont pas tenu compte de notre nom, alors je vous le dis. Nous sommes un regroupement de 129 organismes membres à travers le Québec. Il s'agit d'un regroupement panquébécois membre du Conseil canadien pour les réfugiés. Nous endossons d'ailleurs entièrement leur mémoire.

Notre mémoire est assez modeste et, bien qu'il traite de plusieurs sujets, nous ne traiterons ici que d'un seul de ces sujets. Nous appuyons entièrement tout ce qui a été dit par Action Réfugiés Montréal, le Centre Justice et Foi, maîtres François Crépeau et France Houle, le professeur Cécile Rousseau, l'AQAADI et le Projet Genèse. On vous réfère aussi au communiqué de presse que nous avons émis hier et qu'on vient de vous distribuer, dans lequel nous protestons contre le processus.

Nous savons que vous avez été saisis d'une lettre du Barreau du Québec, qui a même refusé de venir. À cet égard, le Centre Justice et Foi n'est pas le seul à constater que le processus est inapproprié. Ce n'est pas de vous, monsieur le président, ni de vos membres qu'il est question. Nous croyons que vous, monsieur le président... C'est la teneur de mon propos.

[Traduction]

Le président: Vous perdez votre temps.

Mme Rivka Augenfeld: Je ne perds pas mon temps, parce que je vais vous dire ce que je pense, et c'est

[Français]

que nous croyons que vous, les députés, êtes dans un processus où existe une volonté de ne pas tenir compte de beaucoup des choses que nous aurons à dire.

La partie de notre mémoire qui a été préparée par le Comité d'aide aux réfugiés sera présentée par Mme Hoori Hamboyan. Sa contribution est aussi dans notre mémoire.

Monsieur le président, notre regroupement a plus de 20 ans d'expérience. Personnellement, j'oeuvre à l'intérieur de ce processus et à ce travail depuis 25 ans. Ce qu'on essaie de vous dire, c'est qu'on ne voudrait pas que ce projet de loi répète les erreurs commises au cours des années précédentes.

Nous avons assisté au projet de loi C-84, il y a plus de 25 ans, aux amendements du C-55, C-84, C-86 et C-44 et, à chaque fois, des règlements ont suivi et n'ont eu que très peu d'attention. Ce qu'on voudrait vraiment vous demander, c'est de ne pas accepter ce projet de loi sans avoir vu les règlements.

Je vais vous parler plus particulièrement de l'examen des risques avant renvoi, c'est-à-dire l'ERAR, ou le PRA en anglais, pour vous dire qu'on est très inquiets en ce qui concerne les articles 112 à 114. Pour bien comprendre ces dispositions, il faut aussi se référer à l'article 101 traitant de la criminalité organisée. Ces dispositions et ces articles apportent une grande confusion.

• 1240

Au paragraphe 112(1), on dit: «conformément aux règlements». Les règlements, monsieur le président, sont loin d'être prêts. On nous a dit que les fonctionnaires du ministère n'ont encore rien à fournir de concret en matière de règlements sur cette section, même si, pour d'autres parties de la loi, il y a déjà un papier sur le règlement qui est beaucoup plus avancé. Sur la liste de retour qui, comme Me Goldman l'a dit, peut être une question de vie ou de mort pour les gens, il n'y a encore rien.

À l'alinéa 112(2)c), les délais pourraient souvent poser un problème. Monsieur le président, quand quelqu'un aura été entendu à la CISR et fera face à un renvoi, il devra attendre trois mois après le refus à la CISR pour avoir accès à un ERAR parce qu'on va seulement tenir compte des changements de circonstances. Alors, à la limite, on peut dire que si le cas de quelqu'un a été entendu à la CISR et qu'il a essuyé un refus, un délai de trois mois constitue peut-être un délai raisonnable pour voir s'il y a eu des changements de circonstances. Mais, comme Me Goldman l'a mentionné, pour une personne qui n'a jamais eu une audience devant la CISR et qui n'a jamais eu à présenter son cas, est-ce qu'il est raisonnable de demander un délai? Quels sont les changements de circonstances dont on pourrait tenir compte, puisqu'il n'y a jamais eu d'audience? Alors, l'ERAR qui a trait à des changements de circonstances ne peut pas vraiment exister s'il n'y a pas eu d'audience préalable.

Il y a aussi une grande confusion dans le règlement, tel qu'il est écrit maintenant, sur qui a accès à quel type d'audience.

Il y a aussi les cas qui sont exclus par la CISR. Dans un tel cas, oui, la personne a comparu devant la CISR, mais elle a été exclue pour une des raisons d'exclusion. Autrement dit, la CISR ne s'est jamais prononcée sur le contenu de son cas et la CISR n'a jamais eu à faire ce qu'on appelle en anglais le balancing entre la raison de l'exclusion, autrement dit la raison pour laquelle la personne a été exclue, que ce soit la criminalité ou autre chose, et le sort qui attend la personne si jamais elle doit retourner là d'où elle vient. Avec ce qui est proposé maintenant, ce n'est pas évident. Si la CISR n'a pas fait ce balancing, comment va-t-on tenir compte de l'ERAR pour un cas qui n'a jamais été entendu par la CISR?

Vous avez aussi des dispositions qui traitent de grande criminalité. À l'article 37, on parle de grande criminalité, de sentences de deux ans. Je vous signale qu'on peut être condamné à une peine de deux ans sans pour autant avoir commis un crime si grave, même très peu grave, comparativement à des menaces de mort ou de torture. C'est la même chose pour les questions touchant la criminalité organisée. On peut facilement se trouver quelque part mêlé à la criminalité organisée si, pour sauver la vie de quelqu'un, on achète un faux passeport. On peut facilement se voir accusé d'un acte criminel grave.

Monsieur le président, je vais m'arrêter ici pour remettre des questions et pour vous demander encore... Je ne sais pas si c'est vrai, monsieur le président, mais on nous a dit que vous alliez prendre un jour pour faire l'étude article par article de ce projet de loi quand vous retournerez à Ottawa. Si ce n'est pas vrai, on aimerait bien être rassurés, parce qu'on ne voit pas comment c'est possible et on ne voit pas comment...

Quelqu'un a dit tout à l'heure que 75 p. 100 de votre travail, comme députés, est consacré à des cas d'immigration. Est-ce qu'on pourrait demander pourquoi? Nous, nous ne croyons pas que ça devrait accaparer 75 p. 100 de votre temps, et on vous dit qu'avec certaines dispositions contenues dans le projet de loi et les règlements qui vont venir, que vous ne connaissez pas encore, il se peut que ça monte jusqu'à 90 p. 100.

Je vous demande, ainsi qu'à tous les autres députés, de tester tout ça en fonction des cas que vous connaissez. Vous avez tous eu des cas, dans votre bureau, de personnes qui, vous le croyez fermement, méritent une attention et une acceptation. Regardez les cas pour lesquels vous vous êtes battus et demandez-vous si ces personnes, ces familles seraient acceptables en vertu du nouveau projet de loi. Si la réponse est non, demandez-vous pourquoi.

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie, madame Augenfeld. Je ne sais pas qui vous a dit que nous faisons l'examen article par article en une journée, mais cette personne se trompe. Ça peut tout aussi bien nous prendre une semaine, deux, je ne sais pas. Je ne présume de rien jusqu'à ce que nous nous soyons mis au travail. Il est dommage que vous ayez reçu des renseignements erronés à ce sujet et à d'autres. Peut-être devriez-vous tout simplement m'appeler pour me demander ce que je pense. Je vous répondrai sans détour.

• 1245

Nous laissons maintenant la parole à Mme Hoori Hamboyan, du Comité sur l'aide aux réfugiés. Bienvenue.

[Français]

Mme Hoori Hamboyan (coordinatrice intérimaire, Comité d'aide aux réfugiés): Bonjour, monsieur le président. Je m'appelle Hoori Hamboyan. Je représente le Comité d'aide aux réfugiés, un organisme à but non lucratif préoccupé surtout par la défense des droits des réfugiés.

Trop souvent, je rencontre des réfugiés qui sont désespérés, qui se sentent trahis par le système parce qu'ils n'ont pas pu bien témoigner au cours de leurs audiences à cause de leur trauma, à cause du racisme et de stéréotypes ou en raison d'un manque de connaissances de la part du commissaire quant à la situation du pays ou parce qu'ils ont été mal représentés par un consultant. Bref, malgré la bonne volonté de votre comité et la compétence d'une partie des commissaires de la CISR, il y a des erreurs qui se font, et le système n'a aucune façon, sur laquelle on peut compter, de faire corriger ces erreurs qui peuvent trancher entre la vie et la mort des êtres humains.

Au lieu de vous raconter ce que moi, je vois, je préfère passer la parole à un monsieur qui est assis ici à côté de moi et qui vient du Congo-Brazzaville. Il va vous parler pendant deux minutes et demie de ce qu'il vit actuellement. Ensuite, je prendrai une minute pour conclure notre présentation.

[Traduction]

Le président: Merci.

[Français]

M. M. (témoigne à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le président.

Pour des raisons de sécurité, je voudrais taire mon identité. Veuillez m'en excuser.

J'ai été officier dans les forces armées de mon pays. Si je me trouve ici, monsieur le président, c'est parce que je n'ai pas voulu tuer. Je n'ai pas voulu retourner l'arme face au peuple pour lequel j'avais prêté serment de servir jusqu'à la dernière goutte de mon sang. Je devais donc servir ce peuple en combattant l'ennemi extérieur. La grande erreur que j'ai commise à l'égard de mes compatriotes, de mes collègues soldats a été celle de ne pas vouloir parler le même langage ethnico-tribalo-régionaliste avec eux.

J'ai prêté serment de servir le peuple. Un président de la république qui est élu doit servir le peuple. Il est au service du peuple. J'ai dit à mes collègues que nous étions comme des chiens de garde du peuple. Nous devions veiller sur le peuple. C'est ce qui a fait que j'ai été menacé de mort. J'ai donc quitté mon pays. J'ai choisi le Canada parce que c'est un des pays qui ont ratifié, à Genève, la Convention des droits de l'homme.

Excusez-moi. Je suis un peu stressé. J'attends cette occasion depuis longtemps.

Il y a longtemps que je suis arrivé ici. Ça fait cinq ans, un mois et quelques jours que je tire le diable par la queue. Je suis en train d'être ballotté de gauche à droite. J'avais une femme. Je ne l'ai plus. J'ai quatre enfants. Je ne sais pas où ils sont. Voici une photo de mes enfants. C'est la dernière image que j'ai d'eux. Je ne sais pas où ils sont. Je ne connais pas ma fillette, la dernière, et elle ne me connaît pas non plus. Je ne sais pas où ils sont. Ma femme a été violée avant d'être tuée. J'ai appris cela de source sûre. Je ne peux pas entrer en contact avec mon pays parce que je crains que ceux qui sont toujours vivants ne soient persécutés ou tués. J'ai deux petits cousins qui ont été tués. La jambe de mon neveu a été sectionnée par un éclat d'obus. Monsieur le président, c'est très douloureux.

J'arrive ici, et c'est la persécution. Aujourd'hui, au moment même où je vous parle, j'ai en ma possession une lettre dans laquelle on me demande, pour la deuxième fois, de quitter le Canada. Je pense que je devrai quitter dans deux semaines. Ça, ce n'est rien. La personne qui m'a reçu m'a dit que je devrai partir cette fois-ci parce que c'est la deuxième fois que le Canada me refuse. Je serai livré aux autorités de mon pays. Ça veut dire que c'est une extradition. Je remercie beaucoup les autorités canadiennes.

Je vais partir, mais je demanderai d'être tué devant témoins, devant ma famille, devant des journalistes. Comme ça, au moins, ce sera un grand témoignage pour les générations futures. Ce n'est pas en ma faveur que je vous parle ici, aujourd'hui. Je ne suis qu'un échantillon prélevé dans une population donnée. Je vous parle au nom de ceux qui subissent le même sort que moi et au nom de ceux qui risquent de subir le même sort que moi. Ce n'est pas en ma faveur que je vous parle. Je suis pratiquement mort. Ce n'est pas un problème. Je vous parle afin de sauver ceux qui viendront après moi.

Vous ne voyez rien. Il y a des choses qui se passent à la CISR. Je lis dans ce livret:

    La CISR est le plus grand tribunal administratif du Canada. Chaque année, la Commission rend en moyenne 40 000 décisions. Chaque aspect de son travail a une incidence sur la vie et la liberté des personnes qui comparaissent devant elle.

• 1250

Mon Dieu, on se moque des gens! Plusieurs sont morts, et j'accepte aussi de mourir pour que ça soit un grand témoignage. Je n'irai pas loin pour ne pas abuser de ce temps précieux que vous m'avez accordé, mais que va-t-il se passer? Je suis arrivé ici, j'ai été arnaqué par les avocats, par les conseillers juridiques en matière d'immigration. Il faut toujours donner de l'argent, et l'argent, ça ne se ramasse pas. Je sais combien c'est difficile, mais j'ai plein de problèmes.

Il y a une dame dans cette salle qui représente le HCR, Mme Kim Mancini. J'ai pleuré deux fois dans son bureau, et elle est incapable de faire quelque chose, parce que ce n'est pas sa faute: elle aussi est soumise, la pauvre.

Le système d'appel est quasiment inexistant. Il n'existe pas, le système d'appel. Il faut donc que vous, monsieur le président, appreniez à écouter ceux qui sont en contact direct avec nous, parce qu'ils sont votre oreille; ils sont votre oeil. Ils entendent mieux et ils voient mieux, c'est-à-dire qu'ils sont plus en contact étroit avec nous. Si vous ne les écoutez pas, ça veut dire que vous nous jetez carrément dans l'océan entre les dents des requins.

Voilà ce que j'avais à dire. J'avais beaucoup à dire, mais je ne peux pas parler plus. J'ai quitté ce pays beaucoup de fois. Voilà ce que j'ai comme souvenir, comme trophée. Voilà, c'est ça. Voilà des plaques de prison que j'ai prélevées. Ça, c'est ce que je remettrai à mes enfants, si jamais je les retrouve vivants quelque part.

J'ai écrit au président Chirac; j'ai des preuves avec moi. J'ai écrit au HCR à Genève; j'ai des preuves avec moi. Je suis dépassé. Je pense que tout ce que j'attends, c'est ma mort.

Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie, monsieur. Je sais que ce récit doit vous être pénible. En fait, nous avons entendu des récits tragiques depuis une semaine qui illustraient la manière dont le système a aidé des gens ou refusé de le faire. Je ne veux pas engager une discussion sur votre cas particulier, parce que je n'en connais pas tous les détails. Je ne sais pas pourquoi vous avez été rejeté la première fois, ni la seconde. Je peux comprendre votre frustration et vos craintes. Le système est censé aider des gens comme vous.

Je suis moi-même rentré du Soudan il y a une semaine et demie ou deux semaines. Ce n'est pas le Congo, mais je sais que les problèmes qui règnent en Afrique du Sud ont des proportions immenses, et je compatis pleinement avec vous. J'espère et je prie que votre famille va bien. J'espère et je prie qu'il y ait une solution pour vous. Je n'en ai pas à vous offrir dans l'immédiat.

Tous les membres du comité sont dans la position difficile de ne pouvoir qu'écouter votre récit, un récit tragique, et vous avez toute notre sympathie. Nous ne connaissons pas les détails de votre situation. Je ne sais pas si vous en avez parlé à un député. Il est malheureux qu'il existe ces gens qui vous exploitent, comme les consultants et autres personnes dont nous entendons parler. Nous examinons aussi cet aspect.

Alors je vous enjoins d'être patient. Je prendrai votre lettre de refus de la CISR, si vous voulez me la remettre un peu plus tard. Je serais très heureux d'au moins examiner votre dossier, pour voir si je peux faire quelque chose.

Cela dit, nous devons maintenant passer aux questions, et je vais vous dire pourquoi. J'ai des gens à Halifax qui attendent aussi de nous parler. Nous voulons prendre le temps de vous poser des questions, mais nous avons des impératifs techniques dont je dois aussi tenir compte. Malheureusement, cela fait partie du problème du temps. Mais nous avons au moins maintenant la possibilité de vous poser certaines questions, comme nous l'avons fait avec l'autre groupe.

Inky.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier tous d'être ici aujourd'hui pour exprimer vos observations et vos déclarations. Il ne fait aucun doute que nous sommes à la recherche de l'équilibre et que nous voulons une loi favorable à l'immigration. C'est la deuxième fois que nous entendons que ce projet de loi pourrait potentiellement créer, ou créera, un processus d'accueil des réfugiés à deux paliers, très peu canadien, à ce qu'on nous a dit.

• 1255

Comme j'ai déjà été enseignant, lorsque le système éprouve des problèmes... parfois je me demande si c'est le système qui a besoin d'être changé, sur le plan du capital humain. Peut-être que ce qu'il nous faut, c'est un changement éducatif ou culturel. Je vais vous demander si la CISR, l'ensemble du système de cette commission, est défectueux.

Ce matin, des professeurs de l'Université de Montréal et du Québec nous ont conseillé de modifier le processus de sélection, de le rendre transparent pour que nous sachions qui fait la sélection, quels sont les rôles de chacun à la Commission et à qui elle doit rendre compte de ses activités. Peut-être est-il temps que nous le fassions, parce qu'il semble qu'actuellement, en raison de l'ancien système de patronage dont nous sommes issus—nous essayons de changer cela—il n'y a rien noir sur blanc. Le président semble capable de comprendre comment le système fonctionne.

La question que j'ai à vous poser est donc la suivante: est-ce que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est la cause d'une grande partie de ces situations dont nous entendons parler aujourd'hui?

Le président: À qui posez-vous cette question? À tout le monde?

M. Inky Mark: Bien sûr, les avocats.

Le président: Stephan ou Ron, avez-vous une réponse à donner?

Mme Rivka Augenfeld: J'aimerais dire, en réponse à M. Mark, que nous approuvons et appuyons pleinement les recommandations des professeurs Crépeau et Houle. Nous les appuyons depuis 1998. Elles ont été présentées à Mme Robillard. Elles ont été présentées à plusieurs reprises, et à notre avis, c'est une proposition qui mérite une attention minutieuse.

Avec ce projet de loi, il y a des gens qui auront très peu de démarches à faire. D'autres en auront beaucoup, mais si elles sont administrées par des gens qui n'ont pas les compétences appropriées et l'imputabilité—l'imputabilité est très importante—ça ne sert à rien. Nous avons des problèmes pour certains... Si vous lisiez les transcriptions de certains cas, la prise de décision—et ce n'est même pas une question que la personne soit en danger ou non, mais d'après le raisonnement de certaines décisions... Par exemple, pour certains pays, où règne une violente dictature, on part d'une affirmation d'ordre général: «Eh bien la démocratie est maintenant en place dans ce pays». Voilà un problème. Comment pouvez-vous vraiment faire cela?

Nous avons des problèmes et nous pensons que les recommandations des professeurs Crépeau et Houle méritent que vous y réfléchissiez sérieusement. Je pense que nous y gagnerions tous, et le Canada aussi, qui veut être le meilleur pays du monde.

Le président: Merci.

Richard, vous avez des commentaires?

M. Richard Goldman: J'aimerais dire qu'à mon avis, l'idée de la Commission est excellente—d'avoir un tribunal d'experts qui traite ces questions. Je pense que le problème, avec le projet de loi C-11, est ce système à deux ou à plusieurs paliers qui a été créé. Ce que nous recommandons, et que recommandent aussi de nombreux groupes, n'est certainement pas de mettre au panier la CISR, mais de lui donner autorité sur toutes les questions d'admissibilité, plutôt qu'aux agents d'immigration supérieurs ou aux arbitres, et de limiter les clauses d'admissibilité aux même critères que ceux qui sont prévus dans la convention sur le statut de réfugié—mais toujours à la CISR, et encore d'appuyer les recommandations des professeurs Crépeau et Houle sur la compétence des membres.

Le président: Je vous remercie.

Madeleine.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président. Je m'excuse d'avoir dû m'absenter pour un certain nombre de minutes. Il y a des impératifs, semble-t-il.

Je voudrais simplement faire un commentaire puisque ça va être pratiquement le dernier commentaire que l'on va pouvoir faire en public. Je peux vous dire que ma perception de l'ensemble des membres du comité, peu importe à quelle enseigne partisane ils logent, c'est qu'il y a une volonté très claire d'améliorer grandement ce projet de loi qui paraît, pour tout le monde, avoir des failles importantes. Il est certain que vos témoignages, vos expériences et le fait, comme monsieur l'a dit, que vous êtes nos oreilles et nos yeux est, pour nous, extrêmement nécessaire.

Cela dit, je ne voudrais pas vous laisser penser que ça va être nécessairement facile. Je pense que ça va être difficile, mais je peux vous dire que du côté des membres du comité, on va faire l'impossible. Alors, il faudra suivre les prochains développements.

• 1300

J'ai une question à vous poser et elle ne traite pas de la formation ou de la sélection des commissaires. Je pense que le point a été soulevé de façon très convaincante, ce matin notamment.

J'aimerais vous entendre sur votre perception du rôle accru donné aux agents d'immigration dans le projet de loi C-11. À toutes fins pratiques, ils disposent d'une carte blanche. Quelqu'un veut-il émettre quelques commentaires à cet égard?

Mme Chantal Arsenault: Comme vous le savez probablement, l'Association du Barreau canadien a déjà fait allusion à sa position. Effectivement, l'agent d'immigration dispose d'un pouvoir qui est très inquiétant parce que le projet de loi C-11 lui permet de prendre des décisions qui, selon l'état actuel du projet, ne pourraient être révisées par un tribunal indépendant. C'est une grande crainte parce que nous sommes tous des êtres humains et qu'on ne peut pas nécessairement contrôler tous ceux qui ont accès aux gens qui arrivent. On ne permet donc pas qu'une révision soit faite. Même si le présent comité ou ceux qui seront responsables de l'application générale de la loi ont de bonnes intentions, pourront-ils s'assurer que ces intentions sont suivies par les gens qui sont devant eux et qui doivent prendre des décisions? On s'inquiète fortement de cet état de chose.

Mme Hoori Hamboyan: Pour ajouter à ce propos, une très mauvaise décision a été prise par les agents d'immigration dans le dossier de M. M'Barek, qui a été déporté malgré les preuves qu'il allait être torturé et subir des mauvais traitements, ou l'emprisonnement. Malgré ces preuves, les agents d'immigration ont pris la très mauvaise décision de le déporter. Il se trouve actuellement en prison en Tunisie, alors que nous discutons de notre système autour d'une table. Il subit selon toutes probabilités des mauvais traitements et la torture. J'ai le dossier de presse, si vous voulez y jeter un coup d'oeil.

[Traduction]

Le président: M. Goldman.

M. Richard Goldman: Non.

Le président: John McCallum.

[Français]

M. John McCallum: Je pense que je peux vous épargner un peu de temps, monsieur le président. J'ai déjà mentionné que j'ai été très sensibilité par ce qui a été dit au cours de la semaine, y compris aujourd'hui, et qu'on allait tous agir de bonne foi en présentant des amendements que j'ai déjà mentionnés et que je ne vais pas répéter.

J'aimerais seulement vous remercier tous d'être ici, et plus particulièrement dire à M. Goldman que je connais assez bien Irwin Cotler parce que j'ai été à l'Université McGill pendant sept ans avec lui. Nous sommes maintenant collègues parlementaires et je vais certainement lui parler. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci.

John Herron.

M. John Herron: Merci, monsieur le président.

J'apprécie le lien qu'a fait M. Goldman avec le fait que le Canada a signé beaucoup d'accords internationaux relativement à nos responsabilités en matière de droits de la personne. Il a même mentionné la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies. Je sais que McGill affirme que l'auteur est John Peters Humphrey, qui est originaire de Hampton au Nouveau- Brunswick, ma ville natale, dans la circonscription que je représente.

Cela dit, revenons à nos moutons.

Lorsque nous avons créé la CISR, ce que nous avons voulu dire, en tant que société, c'est que lorsque nous prenons des décisions sur la vie de certaines personnes, si elles vivront ou non, il ne suffit pas seulement d'examiner un dossier. Il nous fallait observer les êtres humains pour être en mesure de poser des questions sur le large éventail de preuves et de circonstances en jeu. Ce qui me choque, c'est que ce projet de loi nous a fait reculer de dizaines d'années sur un aspect, celui des audiences.

• 1305

Dans le cas du récit que vient de nous faire ce monsieur, nous devons être honnêtes. Si nous avions un dossier devant nous, nous dirions, voilà une situation vraiment tragique, mais lorsque vous faites face à un être humain dont la vie est ainsi bouleversée... Je dirais que ce comité doit réfléchir très, très sérieusement au moyen de s'assurer que les processus d'appel qui sont encore dans le projet de loi—d'autres ont été perdus—qu'ils ne doivent pas être formulés de façon archaïque; il faut retourner dans les dossiers.

Les droits d'immigration et les droits des réfugiés sont des droits de la personne, et ils touchent des êtres. Ce que j'ai à dire, c'est donc que je sais que vous voulez avoir un peu plus de temps pour ajouter quelque chose, et comme il me reste une minute et demie, elle est à vous si vous avec quelque chose à ajouter sur cet aspect particulier.

Le président: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit, John, mais à qui vous adressiez-vous?

M. John Herron: Si M. Goldman veut ajouter quelque chose après... mais je sais qu'à un moment donné, vous vouliez dire quelque chose et je vous donne le temps qu'il me reste, même si c'est court.

Le président: Le président a été très, très généreux toute la semaine au sujet du temps et de tout le reste. Nous n'avons jamais imposé de durée d'intervention—jamais—ce qui est signe que je suis très, très flexible pour l'audience des témoignages.

Hoori, je vous laisse la parole.

M. John Herron: Je vous remercie.

Mme Hoori Hamboyan: Merci de votre générosité et de la générosité du comité.

Ce que je voulais ajouter, en réalité, c'est que j'avais d'autres témoins, et je pense que vous auriez été tout aussi touchés par leurs témoignages. Deux d'entre eux sont ici aujourd'hui avec nous, l'un d'eux est un Algérien qui est venu du Canada et a obtenu le statut de réfugié de la CISR. Il attend depuis des années d'être réuni avec sa famille. Il n'a pas vu son fils depuis qu'il était bébé. Il a maintenant neuf ans.

Je sais qu'il y a une volonté, dans le nouveau projet de loi, d'améliorer les possibilités de réunion des familles, mais nous nous demandons comment, sur le plan pratique, la situation de ce monsieur et de tous les autres qui sont en suspens, qui sont coincés, qui attendent la venue de leur famille—comment est-ce que ce sera amélioré?

La deuxième chose que j'aimerais mentionner brièvement est la situation d'un autre témoin qui est ici aujourd'hui, un Pakistanais catholique qui a été persécuté dans son pays d'origine, et il doit être déporté le 8 mai. Un commissaire de la CISR a rejeté sa demande, et c'est lui-même un Pakistanais qui a l'étrange habitude de rejeter toutes les demandes de Pakistanais qui lui sont présentées.

Après avoir cerné cette habitude, nous—les organisations communautaires, l'avocat, revendicateurs du statut de réfugié—commençons à nous poser des questions sur la crédibilité du juge de la CISR et sur le fait que les revendicateurs du statut de réfugié—malheureusement, nous en revenons encore au problème du système d'appel—n'ont aucun moyen de corriger ce qui apparaît clairement comme des erreurs dans les jugements.

Je vous remercie.

Le président: Est-ce que je peux faire une petite observation? Beaucoup de membres de ce comité sont ici depuis un certain temps. En fait, nous avons effectué une étude préliminaire du système de détermination du statut de réfugié avant ce projet de loi, et certains d'entre nous, croyez-moi, ont entendu de très tristes récits dans chacune de nos communautés. Nous avons même rencontré certains réfugiés qui ont réussi à passer toutes les étapes du système, et d'autres qui attendent de les avoir toutes passées cette semaine.

Je peux vous dire que nous avons aussi assisté à des audiences de la CISR, et en fait la CISR et le gouvernement... J'encouragerais chacun de nos députés à assister à des audiences de la CISR pour constater d'eux-mêmes comment le système fonctionne, quelles améliorations peuvent y être apportées, toute cette question de compétence des gens, et tout le reste. Mais au bout du compte—et c'est ce dont il s'agit dans ce projet de loi—nous parlons de réunification de familles dont un membre, en fait, a obtenu le statut de réfugié. Nous avons entendu parler de gens dont la vie est suspendue et qui, pendant quatre, cinq ou huit ans attendent encore de recevoir les documents qu'il leur faut pour pouvoir inscrire leurs enfants, et eux-mêmes, à l'école.

Croyez-moi, il y a beaucoup dans ce projet de loi qui, en fait, améliorera la situation actuelle, et il y a beaucoup de préoccupations, et c'est ce que nous entendons—des préoccupations. Nous voulons entendre les préoccupations mais malheureusement, lorsqu'on commence à parler des aspects négatifs d'un projet de loi, on semble oublier qu'il y a une foule d'aspects positifs à ce projet de loi qui sont, d'après moi, très, très importants.

J'aimerais poser une question à M. Goldman. Vous nous avez présenté un excellent diagramme pour illustrer la manière dont ce système va soit devenir plus compliqué, soit avoir moins de paliers ou un seul palier. Selon vous, d'après la loi actuelle, en ce qui concerne le système de détermination du statut de réfugié et certaines des autres améliorations que propose le projet de loi C-11, quelle solution proposeriez-vous pour que nous puissions nous assurer d'avoir le système le plus juste et équitable, qui fasse en sorte que les gens puissent passer par la CISR comme ils le font maintenant; qu'ils puissent avoir une chance de présenter à nouveau leur demande; qu'il y ait des mécanismes d'appel, verbalement et autrement, prévus dans le système; et qu'il y ait une protection pour que nous ne renvoyions pas des gens quelque part où leur vie serait en péril, ne serait-ce que parce que nous appuyons la convention contre la torture?

• 1310

Ce diagramme s'est révélé très utile et constructif. Quel serait votre diagramme? Quel diagramme pouvez-vous nous présenter pour que nous l'adoptions, étant donné votre vaste expérience?

M. Richard Goldman: Je dirais qu'il y a sans doute cinq ou six éléments tout à fait fondamentaux qui permettraient d'améliorer 90 p. 100 du système.

Le président: Je vois.

M. Richard Goldman: Tout d'abord, il faudrait que la totalité des cas de non-admissibilité correspondent à ce qui figure déjà dans la Convention sur le statut de réfugié, en confiant toute décision à cet égard à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié; il faudrait améliorer la qualité du processus de sélection selon ce qu'ont suggéré maîtres Crépeau et Houle, avec plein droit d'interjeter appel sur le fond et ce, assorti du droit à une audience, et pour ceux dont la demande est refusée, un examen approfondi du risque fondé sur tous les critères, avec toutes les preuves—ne pas se borner aux nouvelles preuves ou appliquer les règles singulières qui existent—mais que toutes les preuves disponibles puissent être présentées.

Le président: Et devrait-on procéder à une évaluation probabiliste des risques?

M. Richard Goldman: Oui, en effet, mais quiconque... Tout d'abord, tous les candidats devraient se présenter à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et tous les candidats refusés devraient avoir accès à une pleine évaluation probabiliste des risques, tenant compte de tous les critères—personne à risque et Convention sur le statut de réfugié.

Le président: Qui devrait procéder à cette évaluation? La CISR ou CIC?

M. Richard Goldman: De préférence, la CISR.

Le président: D'accord, merci beaucoup.

Yolande.

[Français]

Mme Yolande Thibeault: J'aimerais faire quelques remarques avant de partir. Nous venons de voyager pendant une semaine d'un bout à l'autre du pays, comme vous le savez, et je voudrais m'adresser aux représentantes de l'Association nationale de la femme et du droit.

Je voudrais vous dire, mesdames, que vos revendications ne tombent pas dans une oreille sourde. S'il y a une chose dont je me suis rendu compte cette semaine, c'est à quel point nos lois d'immigration canadiennes désavantagent les femmes, notamment au niveau des employées domestiques.

D'ailleurs, c'est peut-être le point qui illustre le mieux ce qui se passe. Les femmes doivent faire partie d'un programme qui est plus ou moins répugnant et c'est le seul moyen qu'elles ont d'immigrer chez nous parce qu'une femme seule ou avec des enfants, sans mari, sauf dans quelques rares exceptions, n'a pas les moyens d'immigrer chez nous.

Soyez donc assurées, mesdames, que... C'est vous qui nous avez envoyé cela? Alors, merci beaucoup. Soyez assurées qu'on va le lire et qu'on va s'en servir.

[Traduction]

Le président: Allez-y, Andrée.

[Français]

Mme Andrée Côté: Je vous remercie, monsieur le président. C'est avec grand plaisir, madame Thibeault, que j'entends vos commentaires. Je pense qu'on a eu tendance à négliger la situation des femmes immigrantes dans nos analyses, dans le passé. J'espère que le gouvernement va prendre au sérieux ses engagements nationaux et internationaux et qu'il va réviser tout le projet de loi final en fonction de la situation des femmes. Il s'est engagé à faire des analyses spécifiques selon le sexe dans le cadre de ses programmes d'action nationaux et internationaux. Je crois que c'est urgent.

En ce qui concerne le parrainage des femmes immigrantes, vous verrez dans ce rapport... C'est le premier rapport d'envergure fait sur la question au Canada. Nous avons fait une étude socio-anthropologique. Nous avons interviewé des femmes parrainées. Nous avons beaucoup travaillé avec des groupes de femmes. Nous avons fait une recherche juridique qui nous a permis de constater que c'est un système qui exacerbe l'inégalité historique des femmes dans le mariage.

Parfois, ce système introduit même l'inégalité dans des relations de couple jusque-là saines et égalitaires. Quand une femme est parrainée par son mari, c'est comme si elle lui fournissait un levier, un outil pour abuser de son pouvoir. Cela entraîne des conséquences très négatives. C'est pourquoi nous recommandons qu'il n'y ait pas de parrainage entre conjoints. C'est redondant; il y a des obligations familiales entre conjoints et il n'est pas nécessaire d'utiliser cette mécanique. Cela signifie pour les femmes parrainées—et vous en verrez des témoignages dans ce rapport—qu'elles se sentent des citoyennes de seconde classe. Elles nous le disent très clairement. Elles sont vulnérables à l'abus et cela constitue vraiment un obstacle majeur à leur égalité.

• 1315

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Me Marlène Dubuisson-Balthazar: Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais profiter de cette occasion pour vous faire part des préoccupations des communautés multiculturelles.

On a un problème; les jeunes qui sont arrivés ici à l'âge de cinq à six ans ont été formés selon le système d'ici. Ils sont déportés dans leur pays sans qu'on tienne compte de ce fait.

Nous aimerions vous demander de vous pencher sur cette question car, même si dans leur pays d'origine ils ne sont pas menacés de torture en tant que telle, nous jugeons qu'il est quand même inhumain pour les mères et les pères de voir leurs enfants âgés de 15, 16 ou 17 ans retournés dans leurs pays quand ils ont commis un crime punissable de deux ans de prison. Alors, on vous demanderait de vous pencher sur cette situation et d'amender la loi en conséquence. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. Il n'y a pas d'autres questions. Ah! oui, Chantal.

Mme Chantal Arsenault: Je voudrais faire une remarque d'ordre général sur tout le processus.

Les Canadiens ont toujours été très fiers de leur réputation internationale, du fait que notre pays protège les droits et est ouvert au multiculturalisme. En tant que députés, en tant que membres de la société, il nous appartient de maintenir cette réputation et c'est ce que nous demandons de faire en ce qui concerne la Loi sur l'immigration.

Le président: Au bout du compte, c'est exactement ce que le comité souhaite faire. Nous voulons nous assurer de pouvoir être très fiers de la nouvelle Loi sur l'immigration et le statut de réfugié que nous allons adopter. Comme je l'ai déjà dit, nous avons une solide réputation en matière d'immigration, ce qui nous rend fiers à l'étranger—nous sommes un des pays les plus généreux quant à l'accueil des immigrants par habitant et également pour les réfugiés... Puisque nous avons maintenant le fondement, nous souhaiterions améliorer ce pays d'accueil, agrandir la tente pour que tous puissent s'abriter.

D'après ce que nous avons entendu dire aux quatre coins du pays... Ce n'est pas tant ce que j'ai entendu dire concernant les inquiétudes que posent les 0,001 p. 100 de criminels mais plutôt que nous devons effectivement nous réjouir des 99,9999 p. 100 de gens qui viennent ici parce qu'ils l'ont choisi, pour y immigrer et parce qu'ils veulent être protégés. Nous voulons donc saluer le fait que ces gens viennent s'installer au Canada. Notre pays souhaite se réjouir de cela.

Je tiens à vous remercier tous. Nous avons entendu tous ceux qui souhaitaient être entendus à Montréal et le comité va poursuivre ses travaux dans les semaines à venir et procéder à l'étude article par article.

Merci beaucoup. Nous devons maintenant nous mettre en contact avec la Nouvelle-Écosse, si possible, de sorte que je vous remercie tous de votre participation et du beau travail que vous avez fait.

La séance est levée.

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