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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi le 29 mai 2001

• 0909

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Je tiens d'abord à vous remercier tous d'être venus ce matin.

Je vais demander au professeur Bankes de bien vouloir prendre la parole en premier. Si les personnes présentant un exposé s'en tiennent chacune à un temps de parole de dix minutes, nous aurons le temps de poser des questions, ce qui constitue, à maints égards, la partie la plus passionnante de nos délibérations.

Accueillons au comité M. Dennis Mills. Pour ceux d'entre vous qui ne le sauraient pas encore, la rivière Don traverse sa circonscription, qu'il craint de voir petit à petit emportée vers le lac Ontario...

M. Dennis Mills (Toronto—Danforth, Lib.): Monsieur le président, l'eau a plutôt sa place dans le whisky.

Le président: Ah bon, je croyais que vous craigniez de voir vos rêves olympiques emportés par les eaux de la rivière Don si nous n'intervenions pas.

Monsieur le professeur.

M. Nigel Bankes (professeur, Faculté de droit, Université de Calgary): Monsieur le président, je suis sensible à l'invitation qui m'a été faite de prendre ainsi parole devant le comité.

J'ai préparé à l'occasion de cette séance deux documents. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de les faire traduire et je demande au comité de me permettre tout de même de les faire distribuer, ou du moins le résumé. Il y a, en effet, le mémoire et un résumé de deux pages du document principal. Il pourrait être utile que chacun ait sous les yeux au moins le résumé.

Le président: Vous pourriez peut-être distribuer le résumé et, pour ce qui est du document proprement dit, nous pourrions simplement en laisser des exemplaires en bout de table à l'intention de ceux qui voudraient en prendre connaissance.

Monsieur le professeur, vous avez la parole.

M. Nigel Bankes: Permettez-moi, avant d'aborder les thèmes ébauchés dans le résumé, de vous donner quelques brèves indications sur mon travail et sur mes idées.

Je suis professeur de droit à l'Université de Calgary où mon enseignement porte principalement sur le droit des ressources naturelles. Je m'intéresse depuis longtemps à l'action de la Commission mixte internationale, intérêt qui s'était déjà manifesté à l'époque où, étudiant en deuxième cycle à l'Université de la Colombie-Britannique, j'effectuais un travail sur la rivière Skagit pour le compte d'une organisation qui s'appelait le Ross committee, initiales signifiant «run out Skagit spoilers», titre propre à attirer les bonnes volontés. Récemment, je me suis également penché sur un certain nombre de questions ayant trait au bassin du fleuve Columbia.

En ce qui concerne ce projet de loi, j'estime qu'on peut à juste titre s'inquiéter des prélèvements massifs d'eau d'un bassin hydrographique. Pour moi, cette question relève moins du nationalisme que de l'écologie.

J'estime en outre qu'au plan constitutionnel, l'eau relève essentiellement de la compétence des provinces et que le gouvernement fédéral doit par conséquent faire porter son action législative surtout sur la protection de valeurs proprement nationales, c'est-à-dire de valeurs dépassant les intérêts des provinces prises individuellement.

Cela étant, je suis d'accord avec les objectifs à l'origine du projet de loi et avec les documents officiels qui privilégient l'aspect environnement du problème plutôt que l'aspect réglementation commerciale. Je ne peux cependant pas m'empêcher de relever que dans ce projet de loi qui concerne essentiellement des questions environnementales, le mot environnement n'est pas utilisé une seule fois, pas plus d'ailleurs que le mot écologie.

Ce qui m'intéresse essentiellement aujourd'hui c'est la question de savoir si ce projet de loi est vraiment le moyen le plus efficace d'atteindre les objectifs visés. J'entends ici par efficace le fait que les dispositions de ce texte doivent être pleinement compatibles à la fois avec les dispositions du droit du commerce international et avec nos propres règles constitutionnelles. Il y a ainsi le Charybde du droit constitutionnel et le Scylla du droit du commerce international et il s'agit de naviguer entre les deux.

• 0915

Je ne vais guère parler du droit du commerce international. Je ne suis pas juriste mais je considère que la bonne méthode consiste en effet à adopter en ce domaine un projet de loi qui porte essentiellement sur le captage des eaux d'un bassin hydrographique plutôt que sur l'interdiction de procéder à des exportations compte tenu de l'article XI du GATT et l'article 309 de l'ALÉNA. J'adhère plutôt à la thèse voulant que le droit du commerce international s'applique essentiellement à des marchandises et non pas à l'eau dans son état naturel et je suis également d'accord avec ceux qui affirment que ce n'est pas parce que certains types d'eaux ont pu être commercialisés que l'eau en général devient une marchandise à laquelle on doit appliquer les règles ordinaires du commerce international.

Abordant maintenant le résumé préparé à votre intention, je rappelle que ce projet de loi comporte deux parties distinctes. La première traite de l'instauration d'un régime de licences, et c'est l'objet des articles 11 et 12. La seconde partie traite de l'interdiction de capter certaines eaux, l'objet même de l'article 13.

Nous pouvons, je pense, passer assez rapidement sur la question des licences. Un tel régime me semble en effet tout indiqué. J'y vois essentiellement une mesure d'ordre administratif devant permettre de mieux appliquer la Loi du traité des eaux limitrophes internationales et de mieux faire face aux problèmes liés au respect des clauses de ce traité et aux infractions éventuelles aux dispositions de la loi applicable en ce domaine. Pour moi, les articles 11 et 12 ne prêtent guère à discussion car c'est effectivement le bon moyen de procéder.

En ce qui concerne l'article 13, par contre, touchant l'interdiction de capter les eaux limitrophes d'un bassin hydrographique, permettez-moi d'exposer à grands traits ce qu'englobe l'interdiction prévue à l'article 13, et aussi ce qu'elle n'englobe pas. J'aborderai ensuite les difficultés que cette disposition pourrait poser au niveau constitutionnel.

Ainsi que vous pouvez le voir au paragraphe (3) du résumé, il y a un certain nombre de choses qui échappent à l'article 13. J'entends par cela que cet article ne s'applique pas aux transferts d'eaux transfrontalières. L'article n'englobe pas non plus le transfert d'eaux qui se déversent actuellement dans des eaux limitrophes. Il ne s'applique pas non plus aux transferts d'eaux qui ne sont ni des eaux limitrophes ni des eaux transfrontalières, les eaux du lac Gisborne par exemple. Il n'englobe pas les transferts d'eaux souterraines car les eaux souterraines ne relèvent pas du Traité des eaux limitrophes. Il n'englobe pas les transferts d'eaux de bassins hydrographiques non répertoriés.

J'estime donc que ce projet de loi a une portée très restreinte et il est peut-être bon qu'il en soit ainsi étant donné ce que je disais tout à l'heure au sujet du partage des compétences en ce domaine entre les provinces et le gouvernement fédéral.

Mais quel est donc, au juste, le champ d'application de l'article 13? Il s'applique aux transferts d'eaux captées dans des bassins hydrographiques limitrophes répertoriés et l'on peut donc dire qu'en cela il a un champ d'application assez étendu. Il englobe, en effet, les transferts d'eaux captées dans des eaux limitrophes répertoriées si ces transferts n'ont pas pour effet de modifier sensiblement le débit ou le niveau naturels des eaux limitrophes, et cela en raison du paragraphe 13(2) de ce projet de loi qui établit sur ce point une présomption.

Permettez-moi maintenant d'aborder la question de la constitutionnalité de l'article 13. Nul n'ignore ici que ce projet de loi se fonde sur l'article 132 de la Constitution, c'est-à-dire la clause des traités de l'Empire, disposition qui confère au Parlement le pouvoir de légiférer afin d'assurer le respect des obligations souscrites en matière d'eaux limitrophes et dans le cadre du Traité des eaux limitrophes.

La question ne se pose pas au niveau des articles 11 et 12 qui instaurent un régime de licences. Ces dispositions, en effet, ne font que répondre aux obligations souscrites dans le cadre des articles III et IV du Traité des eaux limitrophes.

• 0920

Ce qui n'est pas clair, par contre, c'est si l'article III notamment, ainsi que l'article 132 de la Loi constitutionnelle, constituent un fondement suffisant à l'adoption de l'article 13, et cela essentiellement pour les deux raisons suivantes. D'abord, la présomption établie par le paragraphe 13(2). Je dois dire qu'à chaque fois qu'un projet de loi qui prétend légiférer dans un domaine où la répartition des compétences n'est pas entièrement explicite comporte une disposition établissant une présomption, on devrait immédiatement s'interroger. Je dis cela car, en établissant une présomption légale, le législateur décide que, quels que soient les faits, la loi permet de présumer que la situation est autre que ce qu'elle est vraiment.

Ce qui déclenche les compétences fédérales au titre de l'article 132 et de l'article III du Traité des eaux limitrophes c'est tout ce qui modifie le débit ou le niveau des eaux en question. En vertu de la présomption légale instaurée par l'article 13, même si le débit ou le niveau des eaux n'est pas affecté, nous pouvons tout de même interdire l'activité en cause. Cette justification est d'ailleurs logique puisqu'il faut tenir compte des effets cumulatifs.

Je comprends fort bien la raison qui a porté à inclure une telle disposition dans le projet de loi, puisqu'on voulait s'attaquer au captage de certaines eaux. La question se pose pourtant de savoir si une telle disposition peut être prise au titre de l'article 132. L'article créant une présomption légale me semble en effet se heurter à une difficulté.

J'estime qu'il en va de même de la prohibition générale prévue à l'article 13 car d'après moi, et cet argument ne fera pas nécessairement l'unanimité, l'article III et l'article VIII du Traité des eaux limitrophes instituent un régime réglementaire ou, plus précisément, un régime de licences, mais ne prévoient pas les mesures d'interdiction. Pourtant, ce qu'on institue, dans ce texte de loi, c'est un régime d'interdiction visant une catégorie particulière de captage d'eaux.

Comment pourrait-on améliorer cette disposition? Je ne voudrais surtout pas affirmer devant le comité que l'article 13 risque de poser des problèmes, sans tenter en même temps d'ébaucher une solution qui n'exigerait pas un élargissement sensible du champ d'application de l'article 13.

Je crois qu'en modifiant certaines parties du texte, on pourrait le fonder sur un autre chef de compétence constitutionnelle. En effet, dans sa version actuelle, l'article 13 se fonde uniquement sur l'article 132. À supposer que ce fondement soulève des problèmes par la suite, c'est tout l'article 13 qui risque d'être ébranlé. J'estime que l'on pourrait peut-être élargir, si l'on peut dire, les assises constitutionnelles de l'article 13 en faisant explicitement référence aux objectifs qui sont à l'origine de ce projet de loi, c'est-à-dire au souci de préserver l'équilibre écologique des bassins hydrographiques et d'éviter, à cet égard, les répercussions néfastes du captage de l'eau de ces bassins.

C'est pourquoi, au bas de la page 2, au paragraphe (8), je recommande que l'on modifie le libellé de l'article 13 afin d'évoquer explicitement les soucis écologiques qui sont à l'origine de ce projet de loi, et qui sous-tendent donc l'article 13. Cela permettrait de faire en outre appel à la notion de question d'intérêt national se rattachant aux compétences en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement.

Monsieur le président, je pense avoir peut-être dépassé mon temps de parole et je vais donc m'arrêter ici. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup. Tout cela est très intéressant et je constate que notre conseiller juridique a écouté avec beaucoup d'attention ce que vous nous avez dit. À la fin de cette période, nous aurons l'occasion de vous reparler de cela à tous les deux.

J'aimerais maintenant passer au témoin suivant. Monsieur Kierans, voulez-vous prendre la parole?

M. Tom Kierans (témoignage à titre personnel): Merci.

Je tiens à remercier le comité et son président, ainsi que Mme Vachon, la greffière du comité. Je suis heureux d'avoir cette occasion de prendre la parole devant vous.

• 0925

J'ajoute qu'il existe en ce qui me concerne un précédent car le hansard du 11 avril 1960 sert à me rappeler que j'ai déjà eu l'occasion de venir témoigner. Je répondais alors à l'invitation de Rodger Mitchell qui était député de Sudbury, où j'habitais à l'époque.

En 1965, j'ai à nouveau eu l'occasion de prendre part à une séance du Comité des mines, forêts et eaux, ainsi que l'atteste le hansard. C'était, cette fois-là, en réponse à l'invitation de John Turner, jeune député à l'époque. J'ai passé toute la journée à témoigner devant le comité. Je crois que la séance a duré de 9 heures à 19 heures.

Je m'intéresse au problème de l'eau depuis 1933, alors que j'étais encore étudiant à McGill. J'avais 20 ans, on ne trouvait pas d'emploi, et j'ai décidé de partir avec un ami pour aller chercher de l'or dans les rivières de la Colombie-Britannique. Nous sommes partis en train et avons fait une brève halte à Saskatoon. Certains d'entre vous se souviendront qu'à l'époque les Prairies souffraient d'une grande sécheresse. Je n'oublierai jamais—l'image s'est imprimée de manière indélébile dans ma mémoire—j'étais debout sur le quai de la gare de Saskatoon, et je ne pouvais voir qu'à une cinquantaine de mètres car une poussière épaisse saturait l'atmosphère. C'est alors que j'ai décidé de consacrer une grande partie de ma carrière à trouver les moyens de remédier à ce genre de phénomène.

Une fois revenu, et parce qu'on ne trouvait toujours pas de travail, j'ai dû remettre à plus tard mes études à McGill et aller travailler dans les mines du nord du Québec. C'est là que j'ai vu les fleuves se déverser dans la baie James et l'impressionnant spectacle de ces vastes masses d'eaux se déversant dans la baie d'Hudson, notamment à l'embouchure de la rivière Harricanaw. J'ai pu voir que ce n'était pas les sources d'eau qui manquaient.

Le Discovery Channel en a fait un film vidéo qui décrit de manière très exacte... Ce qui m'intéressait c'était de trouver de par le monde des régions qui avaient souffert de problèmes analogues et dont on pourrait peut-être s'inspirer au niveau des solutions.

Aux Pays-Bas, on trouve, dans le domaine de l'eau, les penseurs peut-être les plus avancés. En général, on a tendance à confondre densité démographique et pauvreté. La Hollande est, je crois, le pays du monde où la population est la plus dense, mais ce pays a en même temps un des plus hauts niveaux de vie de la planète. La raison en est qu'ils ont su, en matière d'eau, faire jouer toute leur intelligence. Le Canada pourrait très utilement s'inspirer de ce qui a été fait en Hollande.

Nous avons, en effet, les moyens de reproduire ici ce qu'ils ont fait dans l'ancien Zuider Zee, prenant un bras de la mer du Nord et le transformant en lac d'eau douce, le IJsselmeer. Ils sont donc parvenus à créer une nouvelle étendue d'eau douce qui n'existait pas auparavant, et également à reprendre sur la mer de nouvelles terres.

Ainsi, lorsque vous atterrissez à la l'aéroport Schiphol, vous atterrissez en fait sur un terrain situé à 25 pieds au-dessous du niveau de la mer. Schiphol veut dire enfer des navires car, il y a 400 ans, une terrible bataille navale s'est déroulée dans les eaux situées au-dessus de l'actuel aéroport.

Les Hollandais continuent à réaliser ce genre de grands travaux un peu partout dans le monde. Ils sont actuellement, par exemple, à l'oeuvre sur le fleuve Brahmaputra, au Bangladesh, où chaque année une mauvaise gestion des crues entraîne de nombreuses morts.

Tout cela pour situer ce que voudrais vous dire. Quelques éléments qu'il ne m'a pas paru inutile de vous présenter.

Si vous le voulez bien, je vais essayer de paraphraser le texte que j'avais rédigé car je préfère cela à la simple lecture d'un document. J'ai fait un essai et cela devrait prendre environ cinq minutes.

Dans un communiqué de presse annonçant le projet de loi C-6 visant à interdire les prélèvements massifs d'eaux limitrophes du côté canadien, y compris l'eau des Grands lacs, le ministre des Affaires étrangères du Canada a déclaré:

    Il s'agit d'une mesure décisive qui doit permettre de protéger, dans l'intérêt des générations à venir, cette indispensable réserve d'eau douce.

• 0930

Sans vouloir critiquer les propos du ministre, ni les personnes qui y ont souscrit, je dois dire que le projet de loi C-6 va, à terme, entraîner au contraire des dommages sociaux, écologiques et économiques dans des régions cruciales du Canada et des États-Unis, y compris la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent, deux étendues d'eau marquées par la baisse et l'instabilité des niveaux et des débits. Les dommages atteindront également, en raison d'une pollution croissante des sources d'eau telles que les Grands Lacs, le reste du Canada et des États-Unis. Les régions des Prairies au Canada et des zones essentielles des États-Unis seront affectées par la sécheresse et la pénurie d'eau douce. Je m'inquiète également de la baie d'Hudson qui continue à souffrir de l'absence de pêche commerciale et des trop brèves périodes ouvertes à la navigation. Les régions centrales du Canada et des États-Unis pâtiront du fait que nous continuons à négliger les travaux nécessaires pour contrôler les inondations. L'entrée en vigueur des mesures inscrites dans ce projet de loi risque également de nous priver des possibilités d'accroître de 5 à 10 p. 100 les sources canadiennes d'eau douce. Oui, j'ai bien parlé d'un accroissement.

Il ne s'agit donc pas d'exportations d'eau au sens où l'on aliène quelque chose qu'on ne reverra jamais. En fait, il s'agit d'augmenter ce que vous avez déjà, alors même que vous envoyez cette eau ailleurs. Cela peut paraître paradoxal, mais c'est exactement ce qu'on obtiendrait en donnant suite au projet proposé par les Hollandais, et que j'ai essayé de reprendre dans le cadre des propositions que j'ai formulées à l'égard de la baie James.

Les résidents des deux pays souffrent déjà des répercussions sociales et économiques d'une baisse et d'une instabilité croissante des niveaux et débits des Grands Lacs et du Saint-Laurent, sans parler des sécheresses, des inondations et de la mauvaise qualité de l'eau provenant d'autres bassins hydrographiques. J'en prends pour preuve ce qui s'est passé à Walkerton; on a vu la même chose à North Battleford et il est probable que ce genre d'incident deviendra de plus en plus fréquent. J'ai appris aujourd'hui aux nouvelles que c'est la même chose à Terre-Neuve, ma province d'origine.

Les statistiques démographiques nous montrent que si les tendances actuelles se confirment, il nous faudra prévoir, en Amérique du Nord, une population dépassant un milliard de personnes avant la fin du siècle. Il y a 1,3 milliard de personnes en Chine, un autre milliard en Inde et donc je ne crois pas que les projections démographiques que j'ai citées soient excessives.

Ni l'un ni l'autre de nos deux pays ne peut, cependant, à lui seul élaborer des plans d'une importance aussi vitale car la météorologie et des phénomènes tels qu'El Ni«o et La Ni«a ne s'arrêtent pas aux frontières internationales. C'est à juste titre que les Canadiens sont opposés à la dérivation vers le Sud—et j'utilise le mot «dérivation» pour évoquer un type particulier de transfert—des sources d'eaux limitrophes en raison des baisses de débit que ce type de transfert provoque en aval. Mais peu de gens comprennent qu'il existe plusieurs types de transferts et que la dérivation n'en est qu'un exemple. Le recyclage en est un autre. Je parle bien de recyclage.

Trop rares, cependant, sont les Canadiens qui se font une idée claire des problèmes qui se posent au niveau des eaux de la baie d'Hudson. J'évoque ici les possibilités que cette étendue d'eau nous offre au niveau social, économique et environnemental. Trop rares aussi sont ceux qui savent les mesures qu'il y aurait lieu de prendre pour nous ouvrir l'accès aux immenses ressources que recèle cette baie.

De grands océanographes tels que feu le professeur Max Dunbar, de McGill—je pense d'ailleurs avoir joint à mon exposé une copie de son mémoire sur la question—démontrent que l'eau douce qui se déverse dans la baie d'Hudson a un débit égal à cinq fois celui de la rivière Niagara avec son immense bassin hydrographique plus... Permettez-moi de préciser que cet énorme bassin hydrographique couvre plus de la moitié du territoire canadien. Cet énorme déversement d'eau douce crée, dans la partie supérieure de la baie, jusqu'à une profondeur de 60 mètres, une couche d'eau de faible salinité. Cette couche stratifiée fait obstacle aux transferts, entre les nutriments se trouvant au fond et les zones euphotiques plus proches de la surface, gênant l'activité biologique qui s'y déroulerait normalement.

C'est pourquoi la baie d'Hudson, qui après la Méditerranée est la plus grande mer intérieure du monde—une mer intérieure qui, je le précise, appartient entièrement au Canada—est un désert sur le plan de la biologie marine, ce qui exclut toute pêche commerciale. Les eaux de surface, de faible salinité, gèlent tôt et dégèlent tardivement. Cela veut dire que les vastes champs de glace qui s'y développent interdisent la navigation pendant neuf mois de l'année. Le mémoire rédigé en 1993 par Max Dunbar affirme qu'il faudrait réduire radicalement le déversement d'eau fraîche dans la baie d'Hudson.

Depuis 1928, les Pays-Bas nous montrent que la construction d'une digue en deçà des limites extérieures de l'ancienne Zuider Zee offre de nombreux avantages techniques, sociaux, environnementaux et économiques. Une digue, équipée de barrages qui permettent à l'eau uniquement de sortir, et qui suivent le mouvement des marées, ont transformé ce qui était jadis un bras de la mer du Nord, en source importante et très précieuse d'eau douce, située au niveau même de la mer. Ces énormes travaux ont en outre permis de récupérer sur la mer des terres agricoles et des terrains à usage industriel.

• 0935

La baie James, peu profonde, présente des aspects naturels qui rendent possible le recours à la technologie utilisée en Hollande depuis plus de 80 ans. Cela permet de collecter, au niveau de la mer, l'écoulement des nombreuses rivières qui y débouchent. Cela permettrait de créer, comme en Hollande, une nouvelle source d'eau douce sauf qu'elle serait, ici, beaucoup plus grande. On pourrait ainsi pallier la pénurie d'eau douce et compenser les sécheresses qui affectent déjà la région des Grands Lacs et d'autres régions importantes du Canada et des États-Unis.

Si le Canada avait recours, dans la baie James, aux techniques qui ont si bien fait leurs preuves aux Pays-Bas, une partie de cet immense réservoir d'eau douce—qui, je le précise, peut être intégralement contrôlée, c'est-à-dire que vous avez accès à l'eau lorsque vous en avez besoin, mais que dans le cas contraire, rien ne vous oblige de la conserver, il suffit de la laisser s'écouler dans la mer—peut être alors recyclée au besoin afin de stabiliser les niveaux et les débits. Cela permettrait en outre de réduire la pollution des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Un tel projet permettrait également de pallier les effets de la sécheresse dans la région des Prairies et dans certaines zones des États-Unis, tout en assurant un approvisionnement en eau douce aux régions qui utilisent actuellement des eaux souterraines d'une pureté douteuse. Contrairement aux dérivations, cette source d'approvisionnement située au niveau de la mer n'entraîne aucune baisse du débit en aval.

Le recyclage, vers d'autres régions du Canada et des États-Unis, des eaux qui se déversent dans la baie d'Hudson entraînera une augmentation de la salinité des couches superficielles de la baie, ce qui améliorera l'activité biologique, le rendement de la pêche et les possibilités de navigation. Contrairement aux dérivations, il ne serait pas nécessaire ici d'inonder de vastes territoires pour y stocker de l'eau. La réalisation de ce projet aurait le grand avantage d'augmenter sensiblement les réserves d'eau douce du Canada. Cette augmentation serait, d'après moi, de l'ordre de 5 à 10 p. 100.

De grandes firmes américaines et canadiennes d'ingénierie ont confirmé les études menées à cet égard. Feu Robert Bourassa, l'ancien premier ministre du Québec, évoque ces études dans son livre publié en 1985 sous le titre Power from the North. J'ajoute qu'à l'époque j'ai eu l'occasion de passer une demi-journée avec René Lévesque, le fondateur du Parti québécois. Nous nous sommes trouvés contraints, nous pourrions dire, de passer cette demi-journée ensemble—je crois que c'était à Edmonton—après une réunion. Il comprenait très bien ce dont j'avais parlé et s'est montré favorable à un pareil projet. Je ne peux pas vous répéter ce qu'il m'a dit, étant donné que je n'ai pas cela par écrit, mais Robert Bourassa le cite dans son livre.

Ce projet portant également sur les transferts d'eaux d'un pays à l'autre, sa conception et sa mise en oeuvre devraient, par conséquent, être supervisées par une nouvelle commission mixte internationale adaptée au XXIe siècle et ayant pour mission à la fois de mener les études nécessaires sur tous les bassins hydrographiques et zones côtières des deux pays. Depuis la signature du Traité des eaux limitrophes, en 1909, la CMI a acquis une remarquable réputation en ce qui concerne la protection de la souveraineté, du territoire et des ressources des deux pays. Une nouvelle CMI du XXIe siècle, à qui serait confiée une mission élargie comprenant notamment l'étude d'un tel projet, continuerait à assurer cette mission de protection.

Le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD), est un organisme mixte Canada-États-Unis qui permet aux deux pays de réaliser, de concert, des objectifs d'une importance vitale que ni l'un ni l'autre ne pourrait réaliser seul. On attribue en grande partie la fin de la Guerre froide au travail accompli par NORAD, dont l'activité se poursuit d'ailleurs. C'est un exemple que votre comité pourrait garder à l'esprit lorsqu'il réfléchit aux avantages qu'il y aurait à travailler de concert avec... dans le cadre d'une coopération élargie. La CMI a d'ailleurs proposé l'élargissement de son mandat.

Le président: Au départ, vous nous avez dit que vous ne dépasseriez pas cinq minutes. Or, vous atteignez presque le quart d'heure. Il vous faudra vous en tenir davantage à votre texte et éviter les digressions, ou bien nous allons avoir de sérieux problèmes. Je ne veux pas vous couper la parole, mais...

M. Tom Kierans: Excusez-moi.

Le président: Je commence à m'inquiéter lorsque je vous vois vous lancer...

M. Tom Kierans: Entendu. Je vais essayer. Il ne me reste qu'un paragraphe.

Le président: J'espère que vous vous en tiendrez à ce paragraphe.

M. Tom Kierans: Comme c'est le cas aux Pays-Bas, si l'on parvenait à recycler, en fonction des besoins, une partie des vastes quantités d'eau qui se déversent dans la baie James, on procurerait de très gros avantages aux habitants du Canada, et notamment aux Autochtones de la baie d'Hudson et aux personnes qui vivent, au Canada et aux États-Unis, dans des zones atteintes par la sécheresse. Cela représenterait une solution beaucoup plus logique que l'adoption du projet de loi C-6. Ce texte, en effet, risque de confiner les Canadiens dans le rôle de simples spectateurs, alors que le niveau et le débit des Grands Lacs et de la partie inférieure du Saint-Laurent baissent inutilement tout en devenant de plus en plus pollués. On ne parvient pas pour autant à pallier la pénurie d'eau douce constatée dans les deux pays, alors même que la baie d'Hudson reste un désert maritime.

L'adoption du projet de loi C-6, dans sa version actuelle, et sans qu'on se livre à une analyse objective des possibilités de recycler les eaux qui s'écoulent de la baie James, serait une des erreurs les plus coûteuses et les plus illogiques de toute l'histoire du Canada.

• 0940

Le président: Je vous remercie pour ce passionnant exposé. Nous aurons, j'en suis certain, des questions à vous poser à cet égard, à vous et aux experts ici réunis.

Nous allons maintenant passer la parole à M. Jackson, puis à M. Denison.

M. John Jackson (ancien président, Sustainable Water Task Force, Great Lakes United): Merci de m'avoir invité à prendre la parole devant le comité.

J'ai été président et membre du conseil de Great Lakes United, une coalition d'associations de citoyens de toute la région des Grands Lacs, du côté canadien aussi bien que du côté américain. Nous comptons également, parmi nos adhérents, un certain nombre de tribus et de Premières nations. Je représente également aujourd'hui l'Association canadienne du droit de l'environnement dont je suis membre du conseil d'administration. Depuis 20 ans, ces deux organisations oeuvrent de concert sur le dossier de la dérivation des eaux des Grands Lacs et des exportations d'eau. Nous sommes, par exemple, intervenus lors des audiences de la province de l'Ontario à l'époque où elle avait accordé, avant de le retirer, un permis à Nova pour exporter en Asie de l'eau puisée dans le lac Supérieur. Nous avons rédigé d'importants travaux de recherche sur les Grands Lacs et notamment sur les problèmes liés au niveau de l'eau dans un rapport publié sous le titre The Fate of the Great Lakes, et nous continuons à nous intéresser très activement à ces diverses questions.

Dans notre région, la question de l'exportation et de la dérivation des eaux des Grands Lacs nous préoccupe beaucoup. Il y a déjà des dérivations qui sont effectuées. La dérivation, à partir de Chicago, des eaux du lac Michigan vers le Mississippi demeure profondément préoccupante, d'autant plus qu'il est toujours question d'accroître les volumes en cause. Il y a plusieurs années, les régions bordant le Mississippi ont souffert de la sécheresse, puis de graves inondations. C'était la nature qui s'exprimait mais des voix se sont élevées pour demander que l'on augmente de façon importante la dérivation, à partir de Chicago, des eaux des Grands Lacs. La menace n'a pas été écartée.

À l'heure actuelle, cependant, au plan de la dérivation des eaux des Grands Lacs, la principale menace est liée à l'expansion des villes situées sur le côté américain du bassin. On risque, en effet, de voir ces villes réclamer l'eau des Grands Lacs pour alimenter leur développement. De nombreux projets de dérivation des eaux des Grands Lacs sont proposés en réponse à ce genre de problème.

Nous constatons déjà, dans la région des Grands Lacs, les effets des changements climatiques. Malgré la pluie tombée récemment, et la neige que nous avons reçue cet hiver, on prévoit que cette année les eaux du lac Huron atteindront leur niveau le plus bas depuis le début des années 1900, époque à laquelle on a commencer à effectuer des mesures. Les personnes qui gèrent des ports de plaisance sont bien placées pour observer cela. Les centrales énergétiques en constatent les effets et s'en inquiètent. Les armateurs ne peuvent plus charger leurs bateaux à pleine capacité car ils risquent alors de racler le fond du lac. Le Port de Montréal en constate lui aussi les effets. C'est dire qu'il s'agit là d'une préoccupation à la fois grave et fondée. C'est bien pourquoi nous accueillons avec une telle satisfaction les mesures inscrites dans ce projet de loi que nous espérons vous voir adopter.

Je tiens d'abord à évoquer la question de la prohibition du captage d'eau. Il s'agit là, en effet, d'une question qui revêt une importance critique pour les personnes habitant le bassin des Grands Lacs. C'est un fait, cependant, que ce texte ne donnera rien si l'on n'obtient pas des États-Unis qu'ils prennent des mesures analogues. Ce texte interdit—à bon droit, et nous donnons en cela le bon exemple—l'exportation et la dérivation des eaux des Grands Lacs du côté canadien. Cela ne fait rien pour régler les problèmes qui se posent du côté américain.

Les gouverneurs des États situés au pourtour des Grands Lacs examinent actuellement un projet dénommé «Annex 2001». Si ce projet était adopté, il aurait notamment pour effet de rendre possible de nombreux autres projets de dérivation des eaux du bassin des Grands Lacs. Le gouvernement du Canada a formulé des objections à cet égard. L'Ontario et le Québec en ont fait de même. Cela ne veut cependant pas dire que ce projet sera abandonné.

J'estime donc que le Canada doit se montrer exemplaire car cela renforcera notre crédibilité lorsque nous tentons de persuader les États-Unis d'agir dans le même sens. Ce projet de loi ne peut pas, à lui seul, résoudre le problème, mais c'est une étape importante puisqu'il donne davantage de force à nos efforts en vue de persuader les États-Unis de prendre les mesures qui s'imposent pour protéger les Grands Lacs et d'autres régions du Canada.

• 0945

Cela dit, je m'inquiète beaucoup de l'article instituant une prohibition, du moins de la dernière partie de cette disposition où sont évoquées les exceptions à l'interdiction posée, exceptions qui devront être prévues par règlement. Or, nous ne savons pas du tout le genre d'exceptions susceptibles d'être prévues. Il appartiendra entièrement au ministre et au cabinet de décider, entre eux, des exceptions qu'ils entendent autoriser. Il se peut qu'ils adoptent aujourd'hui un règlement très restrictif mais que dans cinq ou dix ans soit pris un autre règlement qui élargit grandement les possibilités. C'est pourquoi je pense qu'il faudrait, dans le projet de loi, rendre cette disposition beaucoup plus restrictive, sans quoi on risque à l'avenir de détourner, par voie réglementaire, les objectifs qui sont à l'origine de cette disposition.

Pour citer à nouveau l'exemple des États-Unis, on parle d'adopter, en matière d'eau, des régimes très strictes, mais on entend évoquer dans le même souffle une exception de minimis, selon laquelle tout captage des eaux de ce bassin, inférieur à un million de gallons par jour ne serait soumis à aucune procédure d'agrément. Or, ce genre d'exception risque d'avoir un effet cumulatif extrêmement grave. Je vous invite pour cela à réfléchir à nouveau au libellé du texte. Je ne suis pas avocat et je ne sais pas quel serait le meilleur moyen de restreindre la portée de cette disposition qui prévoit la possibilité de créer des exceptions par voir réglementaire, mais je vous invite à vous entendre sur les moyens d'y parvenir.

Pour ce qui est de la disposition instaurant un régime de licences, j'estime qu'il s'agit là d'un article à la fois utile et précieux qui, cependant, manque de clarté lorsqu'il évoque les utilisations. Si je consulte la documentation qui accompagne le projet de loi, j'y trouve évoquées des «utilisations autres que les utilisations municipales, industrielles, et agricoles». Je ne suis pas très sûr de ce qu'il faut entendre par cela. J'estime que le gouvernement fédéral doit lui-même se pencher sur l'utilisation des eaux à des fins agricoles, municipales ou industrielles car ces modes d'utilisation peuvent avoir, sur l'ensemble des Grands Lacs, des effets individuels et cumulatifs extrêmement importants. Il faut donc, à notre avis, ne pas perdre de vue qu'à lui seul, un prélèvement peut paraître sans importance mais que, dans la mesure où il établit un précédent susceptible de justifier à l'avenir d'autres captages, on risque d'aboutir à des effets cumulatifs extrêmement importants.

En ce qui concerne le dossier des échanges internationaux, je ne suis pas avocat ni, surtout, spécialiste du droit du commerce international et je ne vais donc pas évoquer la question car vous avez dû déjà recueillir des points de vue très divers. C'est un dossier très controversé et je n'entends pas intervenir dans ce débat. Ce qui me plaît beaucoup dans l'approche adoptée par le Canada c'est que l'on a mis l'accent, non pas sur l'interdiction de certaines exportations, mais bien sur l'intégrité écologique. Ce texte s'inscrit donc dans une optique environnementale liée au souci de préserver nos ressources en eau. Cette approche présente bien des avantages et me paraît être la bonne.

Mais il nous faut en outre, et en particulier au cas où l'on nous adresserait des reproches fondés sur les règles du commerce international, renforcer notre position environnementale en adoptant des mesures de conservation plus poussées. Il nous faut, au Canada, prendre des règlements et exiger des Canadiens qu'ils maîtrisent mieux leur consommation en eau. À l'heure actuelle, nous sommes dans le monde le numéro un du gaspillage. Cela ne peut pas continuer et en cela le principal rôle revient au gouvernement fédéral. Si nous voulons pouvoir dire à d'autres qu'il ne faut pas prélever l'eau du bassin, il nous faut instaurer des programmes qui montrent bien que nous assumons nos responsabilités au niveau de la consommation.

On entend souvent évoquer la question de l'eau qui se perd. La Commission mixte internationale, dans le rapport sur les dérivations que lui avait commandé le gouvernement du Canada, a clairement dit que l'eau qui s'écoule d'un système hydrographique et se déverse dans la mer n'est pas perdue. Les chercheurs, qui commencent à se pencher sur l'écologie extrêmement complexe de la rencontre entre l'eau douce et l'eau salée, au point, par exemple, où le Saint-Laurent se déverse dans la mer, nous apprennent que certaines espèces ont besoin de ce mélange pour survivre et se développer.

• 0950

Nous ne devons donc pas envisager le problème dans la seule optique de la consommation humaine et des besoins qui nous sont propres. Nous vivons au sein d'un système naturel, dont nous faisons partie intégrante mais nous n'en composons qu'une partie. D'autres espèces dépendent de ce système pour vivre et pour se développer et il nous faut donc parvenir à intégrer des solutions qui peuvent répondre à des besoins plus larges que les nôtres. Nous faisons partie d'un écosystème naturel.

J'aimerais maintenant formuler quelques recommandations à l'égard du projet de loi afin de résumer mes propos.

Je vous invite à définir plus clairement, à l'article qui pose le principe d'une interdiction, les exceptions que le texte envisage afin que l'on ne puisse pas ultérieurement élargir démesurément par règlement la portée des exceptions prévues.

Il me semble essentiel que les dispositions concernant l'octroi des licences soient modulées en fonction des utilisations et des prélèvements d'eau et de leur impact sur l'intégrité écologique du bassin. Je crois que ce genre de considération devrait être intégré au texte du projet de loi étant donné que celui-ci a pour objet, ainsi que l'ont précisé les ministres intéressés, la protection de l'intégrité écologique alors que la question risque de se voir poser en termes de commerce international. Nous avons très nettement précisé que nous sommes ici pour protéger l'écologie et c'est pour cela qu'il ne s'agit pas selon nous d'une question relevant des règles du commerce international.

Afin que l'aspect environnemental de la question soit encore plus nettement affirmé, il est à nos yeux essentiel de prescrire la participation du ministre de l'Environnement aux décisions prévues dans ce projet de loi. En effet, l'opportunité de l'octroi d'une licence ne doit pas relever uniquement du ministre des Affaires étrangères mais devrait être appréciée conjointement par lui et le ministre de l'Environnement. D'autres lois prévoient ce genre de responsabilité conjointe. Ainsi, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement prévoit une responsabilité conjointe du ministre de la Santé et du ministre de l'Environnement. Nous estimons donc qu'il y aurait lieu de prévoir, dans ce projet de loi, que le ministre de l'Environnement aura un rôle à jouer en ce domaine.

Et enfin, pour évaluer les demandes de licences ainsi que toute exception invoquée par rapport à la prohibition générale inscrite dans le projet de loi, nous estimons qu'il y aurait lieu de prévoir dans ce texte le recours aux dispositions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale afin qu'il soit bien clair que tout captage d'eau du bassin hydrographique des Grands Lacs ou d'autres systèmes hydrographiques du Canada, ainsi que toute utilisation de l'eau à l'intérieur même de ces systèmes, fera l'objet d'une évaluation complète des impacts environnementaux.

Je vous remercie de m'avoir écouté. Et encore une fois je suis heureux d'avoir été invité à prendre la parole devant vous.

Le président: Nous vous remercions des éléments très intéressants que vous nous avez livrés.

Monsieur Denison, je crois savoir que vous êtes ici aujourd'hui parce que, au cours de la dernière séance, on a évoqué le nom de l'entreprise dont vous êtes le conseiller juridique. Vous vouliez, me semble-t-il, surtout faire une rapide mise au point.

M. Terry Denison (conseiller juridique, OMYA (Canada)): Oui, je suis en effet ici parce que deux de vos témoins, le Conseil des Canadiens et le Sierra Club, ont évoqué le permis de captage d'eau accordé à mon client, OMYA (Canada) Inc. Certains des faits exposés devant le comité ne me semblent pas exacts. Je tiens à ce que le comité puisse se fonder sur des informations justes.

Je reconnais que le temps ici nous est compté. J'ai préparé un certain nombre d'observations auxquelles je vais essayer de me tenir. Je n'ai pu, malheureusement, que les préparer en anglais. J'en ai distribué une copie à certains membres du comité et je vous prie de m'excuser de ne pas avoir pu faire rédiger une version française.

Le chef de la direction d'OMYA au Canada, Olivier Chatillon, avait prévu de venir lui-même ici pour présenter un exposé en français, mais il est actuellement retenu à Burlington par une réunion avec des représentants du ministère des Pêches au sujet de ce dossier. C'est ainsi que le devoir m'échut.

D'abord, une ou deux observations rapides comprenant notamment quelques détails sur OMYA, sur ses activités et sur les raisons qui l'ont porté à demander à l'Ontario une licence de captage d'eau et sur la manière dont la province traite ce genre de dossier. J'évoquerai également le rôle joué par le gouvernement fédéral par l'intermédiaire du ministère des Pêches et des Océans, et la procédure fédérale d'autorisation environnementale que déclenche l'intervention du MPO.

Vous vous penchez actuellement sur le projet de loi C-6 qui modifie la Loi du traité des eaux limitrophes internationales et certains des témoins que vous avez entendus, y compris le Conseil des Canadiens, ont donné à entendre que le permis de captage accordé à OMYA aurait quelque rapport avec ce projet de loi. C'est possible.

• 0955

Ce qui me semble essentiel aujourd'hui, cependant, et ce que j'ai entendu d'autres témoins évoquer plus tôt, c'est le fait que dans tout cela ce qui doit primer c'est l'aspect écologique et la protection de l'environnement. Je crains que d'autres vous aient donné l'impression que dans le dossier OMYA, l'Ontario a totalement négligé les aspects environnementaux et écologiques. Nous estimons pour notre part qu'il n'en est rien et que la décision d'accorder une licence à OMYA n'a été prise qu'après un examen approfondi du dossier.

L'activité d'OMYA (Canada) est fondée sur le calcite. La calcite est du carbonate de calcium, c'est-à-dire du marbre. Il s'agit d'un minéral très blanc qui, dans la carrière que nous exploitons, ne contient que peu d'impuretés. Nous l'utilisons pour fabriquer des produits en calcite à l'usine d'OMYA située à Glen Tay, près de Perth.

La calcite n'a aucun effet nocif sur l'environnement. Il ne s'agit pas d'un produit chimique volatile. C'est simplement de la pierre qui se trouve dans la terre. À l'aide d'équipements ultraperfectionnés la calcite est très finement broyée à l'usine de Glen Tay, soit par un procédé humide soit par un procédé à sec. La poudre de carbonate de calcium sert à la fabrication de nombreux produits, y compris des matériaux de construction, des matériaux servant à la fabrication du papier, des plastiques, de la pâte dentifrice et des produits pharmaceutiques. La gamme est assez étendue, comme vous le voyez.

OMYA utilise pour cela deux procédés. Le premier est le procédé à sec. L'autre procédé, de plus en plus utilisé, est le procédé humide. Dans le procédé humide, la calcite est broyée et mélangée à de l'eau pour faire une boue qui est utilisée surtout pour fabriquer du papier haut de gamme. L'utilisation, pour fabriquer du papier haut de gamme, de cette boue de calcite se révèle en fait avantageuse pour l'environnement car elle réduit sensiblement la quantité de pâte à papier utilisée, ainsi que les quantités de chlore et d'autres produits chimiques. Ce procédé entraîne en outre une moindre consommation d'électricité.

C'est pour cela qu'on utilise de plus en plus la boue de calcite pour fabrique du papier de qualité et cela a amélioré les résultats de l'entreprise. Cela explique que l'entreprise ait décidé de ne plus s'approvisionner dans la nappe phréatique mais de tirer de l'eau de la rivière Tay près de Perth.

Le ministère provincial de l'Environnement a accordé la licence en question après avoir étudié le dossier et analysé la situation. La procédure a été engagée en février 2000 et, après un long examen et un appel aux observations du public, la licence a été accordée en août 2000. Le Conseil des Canadiens, et d'autres associations, ont décidé de faire appel de cette décision devant le Tribunal de l'environnement de la province.

J'aimerais citer Christine Elwell, du Sierra Club, qui a pris la parole devant votre comité le 17 mai. D'après elle:

    Prenons l'eau servant la fabrication des boues, comme c'est le cas à Kingston, avec l'eau de la rivière Tay. Elle est combinée à raison de 5 p. 100 avec une substance crayeuse, pour le papier, mais 95 p. 100 de cette boue, c'est de l'eau, qui sort d'ici par grosses citernes.

Je précise, d'abord, que l'usine est située à Glen Tay, près de Perth et non près de Kingston. Je ne pense pas que cela aura échappé aux députés de l'Ontario. Si la proportion exacte d'eau dans la boue de calcite varie en fonction des exigences du client, elle est loin d'approcher les 95 p. 100. Selon les besoins du client, la proportion d'eau va de 23 à 25 p. 100.

Dans son exposé, Mme Elwell a également affirmé que le gouvernement ontarien n'avait en fait pas les moyens de gérer les impacts environnementaux de ce genre d'activité. En fait, la Loi sur les ressources en eau de l'Ontario prévoit une procédure d'octroi de licences de captage d'eau, procédure dans le cadre de laquelle le ministre de l'Environnement de l'Ontario procède à un examen approfondi des demandes de licence. Celui qui sollicite l'octroi d'une telle licence doit faire effectuer des études par des chercheurs et des ingénieurs qualifiés et ces études sont ensuite soumises à l'examen du ministère de l'Environnement et d'autres organismes exerçant des responsabilités dans ce domaine. La procédure d'examen prévoit également que le public doit avoir l'occasion de présenter ses observations. Le dossier est affiché sur Internet au moyen d'un système qui permet de recueillir les observations du public conformément à la Charte des droits environnementaux. Le dossier présenté par OMYA a fait l'objet d'un examen approfondi et le public a pu présenter ses observations avant que le ministère n'accorde la licence.

Il est clair que l'Ontario a pris les mesures législatives qui s'imposaient et qu'il a mis en place des procédures assurant que les décisions prises sont respectueuses de l'environnement. En ce domaine, les décisions du ministère sont elles-mêmes soumises à l'examen du public avant d'être finalisées et elles peuvent faire l'objet d'un appel devant le Tribunal de l'environnement, comme dans le cas de la licence accordée à OMYA pour le captage des eaux de la rivière Tay.

• 1000

Un autre de vos témoins était Jamie Dunn du Conseil des Canadiens, qui a présenté un exposé devant le comité le 15 mai. Dans son exposé, M. Dunn a plusieurs fois évoqué la demande de licence présentée par OMYA qui sollicitait l'autorisation de puiser de l'eau dans la rivière Tay. Selon lui:

    À l'heure actuelle, le Conseil des Canadiens est partie appelante devant un tribunal de l'Ontario saisi d'une question environnementale au sujet d'une licence de prélèvement d'eau émise pour la rivière Tay, près de Perth, en Ontario, qui vise 1,6 milliard de litres d'eau par an.

    L'importance de l'ALÉNA est très réelle étant donné que la façon dont la licence a été émise, sans information environnementale importante sur la rivière Tay et dans une approche attentiste, va fixer une norme relative à l'accès aux eaux en Ontario. Si cette licence est émise, n'importe quelle société américaine ou mexicaine, et une fois que la ZLEA interviendra, n'importe quel pays de l'hémisphère occidental, pourra en conclure qu'il s'agit de la norme fixée pour obtenir l'eau de l'Ontario, sans information environnementale importante, dans une approche attentiste; par ailleurs, comme le processus d'appel en Ontario est à l'avant-plan, une fois la licence délivrée, le public ne pourra pas se prononcer sur la façon dont l'environnement est protégé.

Nous ne sommes pas d'accord avec ce que M. Dunn vous a dit sur ce point. Il est facile de citer des chiffres pour impressionner ou embrouiller les gens. À quoi cela sert-il de parler de 1,6 milliard litres d'eau par an si l'on n'inscrit pas cela dans le contexte des quantités d'eau disponibles et de l'impact que les prélèvements vont avoir sur les approvisionnements. La quantité d'eau que OMYA peut puiser de la rivière Tay en vertu de la licence qui lui a été accordée est égale à moins de 1 p. 100 du débit normal de cette rivière et, selon les conditions prévues dans la licence, si le débit de la rivière tombe au-dessous d'un certain volume, OMYA doit cesser ses prélèvements d'eau en attendant que la rivière reprenne son débit normal.

Il est tout à fait faux de dire qu'on ne possède pas vraiment de données environnementales sur la rivière Tay. En fait, il existe de nombreuses sources d'information sur le débit de la rivière et sur l'habitat faunique. Ces données ont d'ailleurs été recueillies dans des rapports préparés à l'intention de l'Office de protection de la nature de la vallée Rideau et d'une étude sur la zone riveraine de la rivière Tay. Les consultants engagés par OMYA ont en outre effectué leurs propres études et analyses pour les besoins de la demande de licence. Ils y ont annexé des données puisées dans les archives de Parcs Canada et de l'Office de protection de la nature de la vallée Rideau, certaines des données remontant à presqu'un siècle.

Puis, certains ont laissé entendre que c'est l'ALÉNA qui va dicter à l'Ontario la procédure réglementaire qu'elle applique. Pour affirmer cela ils se sont fondés sur l'examen effectué par le ministère de l'Environnement dans le dossier OMYA. Or, cet argument est dénué de tout fondement juridique. En effet, l'Ontario a déjà toutes les compétences nécessaires pour légiférer ou réglementer en matière de licences de captage d'eau. La province continuera à posséder ces compétences après l'adoption des modifications prévues dans le projet de loi C-6 et dans le cadre de l'ALÉNA. L'Ontario examinera la nature de l'impact, si tant est qu'il y en est, que tout prélèvement d'eau pourrait avoir sur l'environnement et respectera le principe dictant la conservation de toute ressource non renouvelable. L'ALÉNA ne porte nullement atteinte à la compétence du gouvernement de l'Ontario en matière de délivrance, de refus ou de révocation d'une licence de captage d'eau. Dans la plupart des licences, les conditions prévues permettent au ministère de l'Environnement d'imposer une réduction des prélèvements en invoquant soit des motifs environnementaux soit l'existence d'une gêne, et le directeur peut même ordonner la révocation d'une licence. La préoccupation essentielle dans tout cela est de nature environnementale et écologique et il en est actuellement tenu compte.

Je précise, enfin, que, contrairement à ce que d'autres ont affirmé devant le comité, les exportations d'eau ne font pas partie des activités d'OMYA.

Le président: Monsieur Denison, je vous signale que vous avez dépassé les dix minutes. Or, il était prévu de lever la séance à 10 h 30.

M. Terry Denison: Entendu.

Le président: Je suis heureux de vous voir mettre les choses au point, mais j'espère que vous êtes presque arrivé au terme de votre exposé car il ne va nous rester qu'une demi-heure pour poser des questions.

M. Terry Denison: Entendu. Voudriez-vous que j'achève à présent, ou le comité voudrait-il faire une pause?

Le président: Oui, je pense que vous devriez conclure très brièvement. Nous avons saisi l'objet de votre exposé.

M. Terry Denison: Entendu.

Le président: Il y a deux points à retenir dans votre exposé. Nous avions affirmé l'absence de processus réglementaire, et vous affirmez, pour votre part, qu'un tel processus réglementaire existe effectivement, et vous vous inscrivez en faux contre...

M. Terry Denison: Non seulement y a-t-il un processus réglementaire provincial, mais il y a également un processus réglementaire fédéral. J'ajoute qu'il y a aussi la procédure de sélection prévue par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale qui complète le dispositif.

Le président: Très bien.

M. Terry Denison: Le dossier contient en outre des rapports et études techniques très poussés.

Je pense avoir fait le tour de la question et je vais laisser à l'intention du comité des copies de mon exposé. C'est très volontiers que je répondrai aux questions que vous pourriez avoir. Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le président: Merci beaucoup. Tout cela est très utile. Ces témoins avaient effectivement donné à penser que les critères en ce domaine étaient très peu exigeants et que cela allait ouvrir tout grand la porte aux exportations dans le cadre de l'ALÉNA. Vous avez indiqué très nettement qu'il existe en fait un processus réglementaire qui est respecté et qui comprend une procédure fédérale et une procédure provinciale rigoureuses.

• 1005

M. Terry Denison: J'insiste bien sur le fait qu'en plus des études et des recherches qui ont précédé l'octroi de cette licence par la province, il y a maintenant cette procédure d'appel devant le tribunal de l'environnement avec tout un dossier produit à l'appui de la démarche suivie par la province et par OMYA. J'ajoute que ceux qui ont critiqué la décision de nous accorder cette licence ne semblent pas vouloir appeler à témoigner, à l'appui de leur thèse, des chercheurs ou des ingénieurs, ni entendre produire de rapports pour étayer leurs dires.

Le président: Monsieur Jackson, je vous demanderais très brièvement de bien vouloir me préciser quelque chose. Vous avez dit tout à l'heure que les gouverneurs des États des Grands Lacs envisageaient une initiative qui, d'après vous, ouvrirait la porte aux exportations d'eau. Quel est le nom de cette initiative?

M. John Jackson: Il s'agit de l'Annex 2001. Il s'agit d'une annexe à la Charte des Grands Lacs, initialement signée en 1987 par les gouverneurs des États environnants, ainsi que par les premiers ministres de l'Ontario et du Québec. Cela en est encore à l'état de projet.

Le président: Il s'agit donc d'une annexe à la Charte des Grands Lacs.

M. John Jackson: C'est exact. Je répète qu'il s'agit pour l'instant d'un projet qui n'a pas encore été adopté.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Casson. Pourriez-vous ne pas dépasser cinq minutes?

M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Cette question s'adresse à M. Bankes. Monsieur le président, à votre demande, le ministère a préparé une note explicative sur le projet de loi. Une des parties de cette note concerne l'article 13:

    Cette prohibition soustrait au régime de licences les prélèvements massifs d'eau des bassins hydrographiques et interdit totalement ce genre de projet, cette prohibition s'imposant au gouvernement [...]

Êtes-vous d'accord que c'est effectivement ce que prévoit le projet de loi?

M. Nigel Bankes: Oui, sauf en ce qui concerne les exceptions évoquées par M. Jackson et susceptibles d'être créés par règlement, ainsi que le prévoit le paragraphe 13(4).

M. Rick Casson: Oui, et par des règlements dont nous ne connaissons pas la teneur.

M. Nigel Bankes: Je crois savoir que nous avons tous reçu une copie du projet de règlement.

M. Rick Casson: En effet.

À votre avis, quel serait dans tout cela le rôle des provinces? L'eau constitue une ressource naturelle relevant du contrôle des provinces. Le projet de loi C-6 fait partie d'une stratégie à trois volets qui comprend en outre la CMI et les accords signés avec les provinces, le tout devant nous permettre d'exercer un contrôle à l'égard des eaux se trouvant sur notre territoire. Pensez-vous que ces trois volets puissent fonctionner de concert et que, en tant que pays, nous allons pouvoir éviter la vente de notre eau?

M. Nigel Bankes: Il faudrait pour répondre avoir à l'esprit l'ensemble des mesures envisagées, mais nous disposons déjà du rapport de la CMI et je relève que la CMI ne propose pas d'interdire le captage, puisqu'elle recommande simplement que nous fassions preuve de prudence à cet égard. C'est également un fait que presque toutes les provinces ont adopté des dispositions limitant le captage d'eau des bassins hydrographiques ou d'autres sources situées sur leur territoire. J'estime que ces dispositions provinciales sont constitutionnellement fondées en ce qui concerne les bassins hydrographiques.

C'est un domaine qui, d'après moi, relève d'une double compétence. Autrement dit, les provinces peuvent légiférer en raison des compétences que leur confère l'article 92, et le gouvernement fédéral peut, lui aussi, légiférer en vertu des pouvoirs que lui confère l'article 132 et peut-être aussi en vertu de certains des pouvoirs prévus à l'article 91. En cas de conflit de compétences, c'est la loi fédérale qui l'emporte. Si l'interdiction prévue dans le présent texte est valide, et qu'une province décide d'autoriser le captage d'eaux limitrophes provenant d'un bassin répertorié, les dispositions fédérales l'emporteraient.

Avant de se prononcer, il faudrait avoir sous les yeux l'ensemble des mesures prévues. Tous les textes provinciaux ne sont pas encore entrés en vigueur mais je crois que, prises dans leur ensemble, ces diverses mesures sont susceptibles de donner les résultats voulus. La seule chose qui m'inquiète c'est la validité constitutionnelle de l'article 13, qui se fonde exclusivement sur les compétences conférées par l'article 132. C'est d'ailleurs la conclusion à laquelle j'étais parvenu à la fin de mon exposé.

• 1010

M. Rick Casson: Monsieur Kierans, vous avez dit, dans votre exposé, que le projet que vous avez évoqué à l'égard de la baie James permettrait de pallier la sécheresse qui atteint la région des Prairies. Or, les Prairies, ou du moins certaines parties de cette région souffrent actuellement de sécheresse. Je ne vois pas très bien comment la réalisation de ce projet de la baie James permettrait d'accroître l'approvisionnement en eau des Prairies. Pourriez-vous me fournir une explication supplémentaire sur ce point?

M. Tom Kierans: La semaine dernière, j'ai présenté à Orlando un exposé devant la American Society of Civil Engineers et je crois que mon texte a été distribué. Il s'agissait d'un texte de dix pages qui explique de manière très précise comment tout cela se produirait.

Très schématiquement, l'eau provenant de cette nouvelle source constituée dans la baie James serait amenée vers les Grands Lacs, et des Grands Lacs jusqu'au lac Diefenbaker par ce que nous appelons le canal de transfert des prairies. Le lac Diefenbaker est assez central pour que l'on puisse acheminer son eau vers à peu près toutes les régions de l'ouest du Canada et des États-Unis. Tout cela est décrit dans les documents que nous avons distribués.

M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Casson.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Je vais revenir à M. Bankes et reprendre le paragraphe de la note explicative du ministère. C'est une note récente où on dit:

    Cette prohibition vise uniquement les eaux limitrophes selon la définition figurant dans le Traité [...] et seulement dans la mesure stipulée dans le Traité, c'est-à-dire leur effet sur le niveau et le débit des eaux du côté américain de la frontière.

Quand je lis cela, je m'inquiète, parce qu'en réalité, le deuxième paragraphe de l'article 13 dit que ce n'est pas dans la mesure exacte où il y a un effet sur le niveau des eaux, mais que ce niveau est réputé atteint par l'effet du prélèvement. Donc, peut-être qu'il donne ainsi raison à votre crainte constitutionnelle, parce que le texte d'explication n'est pas conforme au projet de loi. Je suis certaine que ça leur a échappé, parce que leur honnêteté professionnelle étant proverbiale, ils vont certainement corriger cette note et peut-être nous expliquer pourquoi ils se sont sentis obligés de l'écrire comme ça.

J'aimerais avoir votre avis là-dessus, parce qu'il me semble qu'ils se trouvent à donner raison parfaitement aux craintes que vous aviez quant à la rédaction du paragraphe 13(2).

[Traduction]

M. Nigel Bankes: Je suis heureux que vous me posiez cette question.

Ce texte m'inspire une double préoccupation. D'abord, ce qui m'inquiète c'est le paragraphe 13(2) et la présomption qu'il crée, puis l'interdiction prévue au paragraphe (1). Sur le principe même, je n'ai rien à redire et je crois m'être exprimé très clairement sur ce point. Il me semble en effet important de prévoir le problème des impacts cumulatifs. Je me demande simplement si l'article 132 peut servir de fondement à cette disposition. Ainsi que je le disais tout à l'heure, nous n'avons pas cherché un fondement constitutionnel autre que l'article 132.

J'aurais voulu que nous trouvions un fondement supplémentaire à ce qui me semble être un objectif parfaitement valable.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'aimerais m'adresser à M. Kierans parce qu'il nous amène à considérer la problématique de l'eau d'une façon beaucoup plus globale que le projet de loi C-6. Il essaie de trouver des solutions au problème que M. Jackson a énoncé; c'est-à-dire que le niveau de l'eau, à cause des changements climatiques et d'une augmentation rapide de l'utilisation en vertu de l'expansion urbaine, va de toute façon être atteint. Alors, même si on cherche à interdire, on va quand même se retrouver face à des problèmes. Le fleuve Saint-Laurent est à un niveau bas comme on ne l'avait jamais vu. Comme ma circonscription longe le fleuve Saint-Laurent, je sais que ça veut dire quelque chose.

• 1015

Malheureusement, c'est une problématique qui est complètement étrangère à ce que nous faisons maintenant, mais je pense que c'est la problématique principale. Je vais vous dire que c'est pour cela que j'ai eu tendance à trouver que ce projet de loi était inutile. Attendu que déjà la Commission mixte internationale, le traité lui-même et la première loi de mise en oeuvre du traité interdisent une utilisation de l'eau—on pourrait traduire cela par «captage»—qui aurait pour effet de diminuer le niveau ou le débit, c'est déjà ça. Alors, j'ai demandé à répétition pourquoi on présentait le projet de loi C-6. On m'a répondu, au bout du compte, que c'était pour des raisons juridiques et politiques.

Si vous lisez les bleus, vous verrez que ce sont les raisons qu'on m'a données, parce que sur le plan environnemental, ce sont les provinces qui ont le pouvoir d'imposer des exigences. Ne trouvez-vous pas que le problème principal de ce projet de loi est qu'il laisse entendre qu'on s'occupe de l'eau sur le plan environnemental, alors qu'en réalité, ce n'est pas ce que propose le projet de loi?

[Traduction]

M. Tom Kierans: Je suis entièrement d'accord avec vous. D'après moi, ce projet de loi devrait être mis à la poubelle. Je suis d'accord qu'il ne règle en rien le problème qui confronte Montréal.

La Commission mixte internationale a effectué une étude—je crois que le rapport a été rendu public en 1993—qui a permis de démontrer que dans la première partie de ce siècle nous verrons s'installer des conditions qui imposeront à Montréal la cessation de toute activité portuaire. En effet, Montréal devra cesser ses activités portuaires si se réalise le scénario prévu par la CMI en 1993 pour le début du siècle. Les autorités montréalaises l'ont reconnu et, en 1997, les gouvernements des deux pays leur ont demandé de formuler des propositions quant à la manière de corriger les problèmes ainsi prévus.

J'en ai un exemplaire ici et certains d'entre vous ont peut-être eu l'occasion d'en prendre connaissance. Il s'agit d'un texte intitulé La CMI et le XXIe siècle. C'est un rapport d'une grande qualité. Il décrit l'élargissement de la mission confiée à la CMI qui, au départ, n'était chargée que des eaux limitrophes, et encore d'eaux limitrophes définies de manière très précise, c'est-à-dire des seules eaux effectivement situées sur la frontière. C'est ainsi que les eaux du lac Michigan n'étaient pas considérées comme des eaux limitrophes bien que, dans l'esprit de la plupart des hydrologistes, le lac Michigan et le lac Huron constituent, du point de vue hydrologique, un seul et même lac.

Le Traité de 1909, excellent traité pour l'époque, car il prévoyait les problèmes qu'il était alors possible de prévoir, a bien joué son rôle. La Commission mixte internationale a répondu aux espoirs qu'on avait fondés sur elle. Elle s'est acquis une excellente réputation puisqu'elle a réussi à protéger la souveraineté, les ressources et l'intégrité des deux pays.

Elle a recommandé qu'on élargisse sa mission afin d'englober non seulement les eaux limitrophes, mais également les bassins hydrographiques. C'est essentiellement ce qu'elle propose. Je ne pense pas que l'un ou l'autre pays ait encore donné son aval. Cet élargissement des compétences de la commission me semble une bonne idée car il ne serait pas autrement possible de protéger Montréal et les localités situées en aval du Saint-Laurent. Il serait impossible de les protéger, même contre des événements naturels, sans parler des captages ou des exportations.

C'est pour cela que la commission a demandé l'élargissement de sa mission. Je crains que cela ne soit pas suffisant et ne permette pas de prendre les mesures qui s'imposent. J'estime, en effet, que si l'on entend élargir la mission de la CMI, il convient de le faire d'une manière qui lui permettra d'agir de manière efficace.

• 1020

Lors de nos entretiens, des représentants de la CMI m'ont dit, par exemple, que la baie d'Hudson ne relève pas de leurs compétences. Eh bien, d'après moi, nous ne parviendrons pas à résoudre le problème si nous n'englobons pas, dans la mission de la Commission, la baie d'Hudson car cette étendue d'eau est à peu près notre seule nouvelle source d'approvisionnement.

Je vous invite donc à recommander que la mission de la Commission mixte internationale soit élargie comme l'a été celle de NORAD. Au cours de la guerre froide, il a fallu protéger le Canada contre les engins balistiques susceptibles d'être lancés par l'Union soviétique. La seule manière de le faire était d'oeuvrer de concert avec les États-Unis. De son côté, les États-Unis ne pouvaient pas se protéger contre un tel danger sans la coopération du Canada. Chacun étant incapable d'agir seul, on a créé NORAD.

Le président: Et nous en venons maintenant au bouclier antimissile, et là la situation se complique vraiment. Je rappelle aux membres du comité qu'il nous reste environ huit minutes et que j'ai inscrit trois personnes qui auraient des questions à poser.

M. Tom Kierans: Pardon.

Le président: Il faut que je vous arrête. Je crois que Mme Lalonde a reçu la réponse qu'elle attendait de vous, c'est-à-dire que ce projet de loi ne va pas assez loin sur un certain nombre de points. Je passe donc la parole à M. Mills, puis à M. Comartin et à M. Paradis. Après cela nous lèverons la séance.

M. Dennis Mills: Ma question est très brève.

Monsieur Jackson, vous avez parlé assez longuement d'intégrité écologique et je suis d'accord avec vous sur ce point.

Ce que j'aimerais savoir c'est ceci. Nous constatons une baisse du niveau de l'eau des Grands Lacs et, puisque certains des meilleurs spécialistes mondiaux de l'environnement pensent que cela est appelé à se poursuivre, pourquoi ne pas rechercher dès maintenant les moyens, justement, de protéger l'intégrité écologique?

M. John Jackson: Il faut, d'après moi, ne pas perdre de vue que ce genre de changements interviennent naturellement et que la baisse ou l'augmentation du niveau des eaux a quelque chose de cyclique. Les changements climatiques, eux, correspondent à une tendance plus lourde que celle que nous avons pu constater dans le passé et il s'agit donc d'un phénomène susceptible d'avoir à terme des répercussions assez dramatiques.

Pour l'instant, nous avons entrepris des travaux importants qui ont eu pour effet de réduire le débit naturel de ces étendues d'eau, débit dont dépendait, justement, le port de Montréal. Si le port de Montréal a vu baisser le niveau de ses eaux, c'est en raison des ouvrages de contrôle que nous avons bâtis à Cornwall—Massena car nous avons surtout cherché à protéger le niveau de l'eau du lac Ontario, et non pas celui du Saint-Laurent. C'est là où nous avons construit les principaux ouvrages de contrôle.

Je ne sais pas si l'on peut en tirer des conclusions quant à la répartition régionale des forces au Canada, mais j'ai ma propre idée sur la question.

Il y en a qui pensent que nous allons pouvoir résoudre les problèmes liés aux changements climatiques en transférant de l'eau de l'Arctique ou de quelqu'autre source lointaine, mais je ne pense pas, en ce qui me concerne, que cela représente vraiment une solution, pas même à brève échéance. Ce qu'il nous faut faire c'est nous adapter aux changements.

D'abord, nous allons devoir apprendre à consommer moins d'eau et à instaurer de vastes programmes de conservation nous permettant notamment de recycler une grande partie de nos eaux usées.

La baisse des niveaux de certaines étendues d'eau doit nous porter à modifier nos plans d'occupation des sols. Il va falloir les ajuster en conséquence. Nous ne devons pas penser que nous trouverons bien une solution technique qui nous permettra de maintenir les niveaux actuels ou de les ramener à ce qu'ils étaient il y a cinq ans. Ce genre de solution n'existe pas.

M. Dennis Mills: Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Jackson.

Le président: Merci beaucoup.

Je suis désolé, chers collègues, je crois vous avoir dit quelque chose d'inexact. En fait, nous avons jusqu'à 11 h et non pas seulement jusqu'à 10 h 30. Je vous demande de m'excuser pour cette inexactitude. Je craignais que nous n'ayons pas assez de temps. Or, je constate qu'il nous reste un peu plus de temps que prévu.

Monsieur Comartin, puis M. Paradis.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Monsieur le président, cela veut-il dire que vous m'accordez non pas cinq minutes mais bien les 35 minutes qui suivent? Non. Entendu, je vous remercie.

Monsieur Denison, j'aimerais obtenir de vous des précisions sur un certain nombre de faits.

Le Sierra Club et le Conseil des Canadiens ont dit devant le comité que vous entendiez prélever 1,6 million de litres. Est-ce exact?

• 1025

M. Terry Denison: Il me faudrait vérifier les calculs pour voir si ce chiffre est exact.

Il y a, en effet, plusieurs manières de calculer. La licence prévoit, dans une première étape, le captage de 1 300 mètres cubes d'eau par jour, puis à un stade ultérieur, des 4 500 mètres cubes si une étude plus approfondie estime que c'est justifié. Or, on avait lancé comme cela le chiffre de un million de gallons par jour. C'est le chiffre qui a fait la une des journaux et il correspond, effectivement, au prélèvement de l'étape ultérieure. Ce qu'il faut, me semble-t-il, c'est comparer ce chiffre au débit de la rivière et mesurer l'impact d'un tel prélèvement. Les chiffres à eux seuls n'ont pas grand sens.

M. Joe Comartin: Mais si on effectue une comparaison, ne peut-on pas dire que ce chiffre correspond à la consommation des 7 000 habitants de Perth?

M. Terry Denison: La licence prévoit le prélèvement du double, mais la quantité à capter a en fait été réduite quelque peu en raison d'un certain nombre de mesures de conservation et de changements intervenus au niveau industriel à Perth. Si, par exemple, l'eau en question était utilisée par une industrie reliée au réseau municipal, on ne compterait pas à part le volume capté. Cela ferait simplement partie de prises d'eau effectuées par la municipalité. Plusieurs industries consommant de grosses quantités d'eau ont quitté Perth et la situation a donc évolué à cet égard. Mais du fait que notre industrie se propose de puiser son eau directement dans la rivière, la situation paraît quelque peu exceptionnelle.

M. Joe Comartin: Toute la boue que vous produisez va-t-elle être exportée?

M. Terry Denison: Cinquante pour cent environ est exportée, généralement vers l'est des États-Unis. Les destinations peuvent varier d'un jour à l'autre, mais à peu près 50 p. 100 est exportée, l'autre moitié étant destinée au marché canadien.

M. Joe Comartin: Je n'ai pas suivi le débat d'aussi près que j'aurais voulu le faire mais n'a-t-on pas demandé du tribunal dans le cadre de l'appel interjeté devant lui, de se prononcer également au regard de l'ALÉNA. Je crois que cela a été décidé en février. Est-ce exact?

M. Terry Denison: Dans le cadre de ses motifs d'appel, le Conseil des Canadiens a demandé au Tribunal de l'environnement de se prononcer au sujet de l'ALÉNA. Nous estimons, en ce qui nous concerne, que le Tribunal de l'environnement devrait examiner les aspects environnementaux de la question et veiller au respect des exigences en ce domaine. Le tribunal a décidé, cependant, d'accueillir des plaidoiries sur la question de savoir si l'ALÉNA s'applique en l'espèce. Nous estimons que cela va au-delà des questions qu'il conviendrait de voir trancher par le tribunal, mais la décision a été prise de procéder ainsi.

M. Joe Comartin: Vous n'avez pas intenté d'action en justice pour récuser la compétence du tribunal sur ce point?

M. Terry Denison: L'on pourrait, effectivement, solliciter l'examen judiciaire de cette décision, mais nous n'avons pas encore effectué de démarche en ce sens.

M. Joe Comartin: Quand pensez-vous que s'achèveront les audiences?

M. Terry Denison: Les audiences devraient reprendre à la fin du mois de juin et durer une semaine, puis se poursuivre pendant la première semaine de juillet. Nous ne savons pas si les témoignages et les plaidoiries exigeront plus de temps que cela.

M. Joe Comartin: Monsieur le président, ce sont les seules questions que j'avais à poser. Merci.

Le président: Merci, monsieur Comartin.

Monsieur Paradis, pourrais-je moi-même poser quelques questions avant de vous passer la parole.

J'ai une question concernant le témoignage du Conseil des Canadiens. En vous posant cette question, c'est à l'avocat que je m'adresse. Étant donné la thèse des effets cumulatifs, il me semble y avoir de bons motifs de demander au Tribunal de l'environnement de se prononcer aussi sur l'application des dispositions de l'ALÉNA. Selon cette thèse, en effet, on ne peut pas réglementer le captage d'eau en fonction des besoins environnementaux si l'on ne saisit pas bien que l'on risque, à terme, de voir capter la totalité de l'eau. Il n'en resterait plus. Il y a donc là des règles du commerce international qui influent sur la capacité d'un pays à réglementer des activités susceptibles de modifier l'environnement. Vous ne trouvez pas cela pertinent? Vous nous avez déjà répondu sur ce point, mais l'argument qu'ils ont développé devant le comité m'a paru pertinent.

M. Terry Denison: La question est pertinente si vous admettez leur thèse selon laquelle il s'agit en l'espèce d'un précédent susceptible de s'appliquer à l'avenir à toutes les autres demandes de captage d'eau.

Nous estimons, en ce qui nous concerne, que chaque dossier est évalué, en Ontario, en vertu des critères applicables qui, en l'état, permettent déjà de protéger l'environnement. Si des motifs environnementaux portent à ne pas accorder une licence, elle ne sera pas accordée. Si une licence est accordée et qu'en raison d'un changement de circonstances, il faut soit modifier les conditions de la licence soit même la révoquer, les autorités ont les compétences nécessaires pour le faire, et conserveront tous leurs pouvoirs en ce domaine.

• 1030

L'ALÉNA ne contient aucune disposition empêchant une province de procéder ainsi dans la mesure où elle accorde le même traitement à tous les utilisateurs d'eau. Il n'est donc pas possible d'accorder à une compagnie étrangère un traitement différent de celui qui est accordé à une compagnie canadienne. Je rappelle que OMYA est une compagnie canadienne, dirigée par des Canadiens et employant des Canadiens. Je ne pense donc pas que la question se pose en ce qui concerne OMYA.

Le président: Je vous le concède. Cela est conforme à l'avis que nous avons reçu des conseillers juridiques du gouvernement qui estiment, en effet, que l'ALÉNA ne réduit aucunement les compétences provinciales en matière de réglementation. Je tenais à éclaircir ce point car ce qui nous concerne ici, me semble-t-il, c'est l'effet cumulatif. Bon, vous entendez capter 1 p. 100 du débit. Je n'y vois aucune objection, mais si la province accorde sept autres licences permettant de capter 1 p. 100 du débit, on arrive à 7 p. 100. Et lorsque vous atteignez 50 p. 100 vous êtes déjà dépassé par le problème. L'octroi d'une licence à l'entreprise que vous représentez veut-il dire qu'une licence analogue ne sera accordée à aucune autre entreprise? Voilà les questions que nous nous posons.

M. Terry Denison: Je comprends parfaitement et j'estime que c'est une question que l'on peut légitimement poser au tribunal et à laquelle celui-ci peut légitimement répondre.

Le président: On nous a affirmé que si ce projet de loi revêt une telle importance c'est en partie parce que l'on ne peut pas capter 1 p. 100 des eaux des Grands Lacs. Il ne resterait rien car actuellement ils ne sont alimentés qu'à hauteur de 1 p. 100, le même volume que celui des eaux qui s'écoulent. C'est ce qu'on nous a affirmé. Nous essayons de bien comprendre ce qu'il en est.

J'aimerais en revenir à ce que nous expliquait M. Kierans. J'aimerais être sûr de comprendre ce que vous nous avez dit. L'exemple hollandais que vous nous avez cité m'a paru très intéressant. Il s'agirait de faire dans la baie James ce qu'ils ont fait dans la Zuider Zee, c'est-à-dire créer un lac d'eau douce dans lequel nous pourrions puiser. Mais, après cela, vous avez dit que les eaux ne seraient recyclées qu'à l'intérieur de cette étendue d'eau. Ou était-ce que vous proposiez d'amener une partie de cette eau vers les Grands Lacs. Je ne comprends pas très bien pourquoi l'interdiction de capter des eaux limitrophes affecterait ce que vous proposez. Si j'ai bien compris, le problème proviendrait du fait que le canal que vous proposez, et qui acheminerait de l'eau vers les prairies, serait alimenté par des eaux limitrophes, ce qui serait interdit en vertu de ce projet de loi. Est-ce bien là où se situe le problème? Vous ai-je bien compris?

M. Tom Kierans: C'est effectivement un des problèmes qui se posent. Votre question fait en réalité référence à toute une série de problèmes.

Ce qu'il convient de rappeler c'est que nous proposons d'abord la création d'une nouvelle source d'approvisionnement en eau douce dans la baie James et l'utilisation contrôlée de cette eau en réponse aux besoins qui se manifestent dans toute l'Amérique du Nord. Plus nous prélevons d'eau—et les prélèvements peuvent être énormes—plus nos réserves augmentent. Mieux vaut donner que recevoir. En voici une parfaite illustration...

Le président: Si je comprends bien, votre projet exigerait le captage d'eaux limitrophes. On ne pourrait donc pas simplement construire un canal de la Baie James aux prairies et prétendre qu'il ne s'agit aucunement d'eaux limitrophes.

M. Tom Kierans: C'est exact.

Le président: Il faudrait donc que cette eau aille du bassin de la baie James au bassin hydrographique des Grands Lacs, puis qu'elle soit captée dans les eaux limitrophes et transférée.

M. Tom Kierans: Cela permettrait de stabiliser les Grands Lacs. Si l'on se base sur les chiffres d'il y a 10 ou 15 ans, on pourrait réduire de quelque 40 p. 100 la fluctuation du niveau des Grands Lacs.

Le président: Ce projet est-il examiné dans le livre que vous nous avez cité, l'étude menée par la CMI?

M. Tom Kierans: Non, mais on ne peut pas corriger la baisse du niveau des Grands Lacs dont il est fait état dans les études menées par la CMI sans trouver une nouvelle source d'approvisionnement. Or l'idée généralement retenue est de puiser pour cela dans des rivières qui font partie du même bassin hydrographique que les eaux limitrophes. Mais une telle solution ne suffira pas et c'est pour cela que nous proposons d'englober en même temps une solution aux problèmes constatés dans la baie d'Hudson et d'intégrer à la mission de la CMI tous les problèmes éprouvés par les États-Unis en matière d'eau. Il convient de faire pour la CMI ce qu'on a fait avec NORAD.

Le président: C'est un argument qui nous entraîne très loin.

Monsieur Paradis, voulez-vous être celui qui conclut? Voulez-vous prendre la parole en dernier? Je sais que Mme Lalonde et M. Comartin ont encore quelques questions à poser. Voulez-vous prendre la parole maintenant ou voulez-vous attendre?

[Français]

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Ça va. Je peux parler maintenant.

[Traduction]

Le président: Je suis désolé, mais l'un des témoins voudrait dire quelques mots au sujet de la dernière réponse.

• 1035

M. John Jackson: Je voulais ajouter quelque chose au sujet de ce rapport, La CMI et le XXIe siècle, à qui l'on fait dire que l'on ne saurait résoudre les problèmes liés aux eaux limitrophes sans chercher en amont, c'est-à-dire vers les sources qui les alimentent.

Ce n'était aucunement parce que l'on espérait y trouver suffisamment d'eau pour stabiliser le niveau des eaux limitrophes mais en raison des problèmes de pollution. On ne peut pas résoudre le problème de la pollution des eaux limitrophes sans remonter en amont vers les sources de cette pollution et, pour cela, il faut établir des plans englobant l'ensemble du bassin hydrographique. Ce bassin s'étend en effet au-delà des eaux limitrophes et comprend toutes les eaux qui s'y déversent.

M. Tom Kierans: Puis-je ajouter quelque chose?

Le président: Il va donc y avoir réfutation et contre-réfutation. Quelques mots, très rapidement.

M. Tom Kierans: Il y a quelques minutes, vous avez dit que cela risquait de nous mener loin. Or, ce qui nous mènera loin c'est le fait de ne pas étudier cette solution, le fait de ne pas envisager cette nouvelle source d'eau douce. C'est cela qui va nous mener loin.

Le président: Merci.

Monsieur Paradis.

[Français]

M. Denis Paradis: Merci, monsieur le président.

Je voudrais partir de ce que Mme Lalonde mentionnait plus tôt. Elle a dit que le projet de loi ne servait à rien—j'essaie de reprendre ses paroles—que ce n'était que de la politique et du légal. Je dois vous dire que le projet de loi sert à des fins politiques et légales en ce sens qu'au niveau politique, c'est un engagement du gouvernement que de préserver l'eau canadienne. Quant au sens légal, eh bien, il faut un cadre légal. C'est ce qu'on fait comme députés, dans cette Chambre: on met de l'avant des politiques et on les encadre de façon légale avec les lois qu'on adopte.

Je repars de ce que vous disiez plus tôt afin, dans un premier temps, de remercier tous les membres du panel qui se sont présentés devant nous ce matin de l'éclairage qu'ils nous apportent.

Je vais m'attarder principalement aux remarques de M. Bankes et à sa suggestion d'amendement. Je suis loin d'être d'accord sur l'amendement proposé pour la raison suivante. Je pense que l'amendement proposé pourrait affaiblir le projet de loi et ouvrir une porte. On a prévu un régime de licences, mais ce n'est pas un régime de licences qui permet l'exportation. Ce n'est pas un régime de licences qui permet le prélèvement. La notion même du projet de loi, c'est d'empêcher, d'interdire, de prohiber le prélèvement massif d'eau. La position qu'on a prise, comme gouvernement, est d'empêcher ces prélèvements massifs. Or, la façon dont vous proposez un amendement pourrait avoir pour effet d'ouvrir une certaine porte. Cela pourrait avoir pour effet, à mon humble avis, d'affaiblir notre position.

Je pense que le libellé du traité, dans son ensemble, peut permettre cette prohibition d'un ensemble de projets. Le traité lui-même, d'ailleurs, est de nature prohibitive. On dit, à un moment donné, qu'il s'agit de l'ensemble des eaux, de leur niveau et de leur débit, et ce sont les deux points principaux qui sont touchés dans le traité: les niveaux et les débits. Il y a une prohibition générale qui dit qu'à moins que les parties ne s'entendent, il y a tout un mécanisme impliquant deux gouvernements et la Commission mixte internationale. Mais la nature même du traité est prohibitive. La position est celle-ci: si le gouvernement peut empêcher les projets individuels qui auraient un tel but, ne peut-il pas le faire pour un ensemble de projets, a class of projects?

J'en viens à une question plus précise. On a toujours dit qu'il y avait une approche environnementale aussi. Plusieurs intervenants ont mentionné cette approche environnementale dans ce projet de loi. Si on devait concevoir une approche qui reste prohibitive, mais dans laquelle on pourrait inclure davantage de choses au niveau de l'environnement, auriez-vous quelque chose à suggérer?

[Traduction]

M. Nigel Bankes: Je suis heureux que vous me posiez la question.

• 1040

Oui, la proposition que j'ai avancée s'écarte d'un régime d'interdiction générale proposé par les partisans du projet de loi. Je ne suis nullement opposé par principe à une interdiction, mais je voudrais que les dispositions que nous adoptons reposent sur de solides fondements constitutionnels.

Pour des raisons que j'ignore, la Commission mixte internationale n'a pas proposé aux deux gouvernements de prévoir une telle interdiction. Ce qu'elle proposait, c'était la prudence. Le projet de texte que j'ai rédigé ne s'écarte pas beaucoup du projet élaboré par la CMI.

Si j'ai bien compris, votre question porte sur le point de savoir si l'article III exclut tout régime d'interdiction générale mais permettrait, cependant, au gouvernement fédéral d'écarter, individuellement, un projet donné. J'estime qu'aux termes de l'article III, le gouvernement fédéral peut effectivement, en procédant cas par cas, écarter un projet donné, c'est-à-dire refuser d'accorder une licence ou d'accorder, comme il le fait actuellement, son autorisation. Je ne m'interroge, pour ma part, que sur le point de savoir s'il est possible au gouvernement, du point de vue constitutionnel s'entend, d'édicter une telle interdiction générale. Si les partisans de ce projet de loi ont raison, le gouvernement fédéral aurait effectivement la compétence nécessaire pour interdire, dans quelque province que ce soit, tout projet susceptible de modifier le débit ou le niveau des eaux de l'autre côté de la frontière.

Je ne crois pas que ce soit possible en vertu de l'article 132 qui, en définitive, porte sur les pouvoirs dont dispose le gouvernement fédéral pour s'acquitter de ses obligations internationales. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral soit dans l'obligation d'interdire tout projet faisant obstacle au débit ou au niveau des eaux de l'autre côté de la frontière. Il incombe au gouvernement de veiller à ce que tout projet qui n'est pas autorisé par la CMI ne puisse pas être réalisé mais je crois qu'il est possible d'aboutir à ce résultat par le biais des projets d'article 11 et 12 et du texte que j'ai moi-même élaboré.

Excusez cette réponse un peu longue, mais votre question va, me semble-t-il, au coeur même de ce que je dis. Et, enfin, vous me demandez si j'aurais quelque objection à voir rajouter, aux raisons justifiant une interdiction, des considérations d'ordre écologique. Sur ce point, je peux répondre que non. J'estime, au contraire, que cela renforcerait le projet de loi en offrant une position de repli qui nous permettrait de justifier un refus par des considérations touchant l'intérêt national même si l'on ne peut pas la justifier au regard de l'article 132.

J'aurais en effet rajouté à mon texte une disposition en ce sens si j'y avais pensé. Mais si l'on ajoutait à l'interdiction des considérations concernant non seulement les effets cumulatifs sur les niveaux de l'eau, question qui relève du traité, mais aussi les effets cumulatifs sur le plan de l'intégrité écologique du bassin hydrographique... nous renforcerions effectivement les dispositions de l'article 13.

[Français]

Le président: Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Le problème à cet égard, c'est que ce sont les provinces qui ont des lois environnementales. Si le gouvernement fédéral intervient dans ce domaine, ça va créer un problème additionnel, d'autant plus qu'en vertu du traité, c'est finalement la Commission mixte internationale qui doit se prononcer sur les projets. Autrement, le gouvernement va actuellement plus loin que la loi originale de 1909. Il n'a pas annoncé son intention de faire cela.

C'est le malaise que je ressens par rapport à cette loi. J'ai demandé si on allait dire oui ou non à une licence avant que la Commission mixte internationale ne se prononce. On m'a répondu qu'on allait attendre que la Commission mixte internationale se soit prononcée. Donc, la décision sera prise par la Commission mixte internationale. C'est à 11 et 12, finalement. C'est ce que le traité prévoit.

• 1045

Donc, vous pensez ou vous rêvez à une approche environnementale, mais en ce moment, l'esquisse qui est là laisse les préoccupations environnementales aux provinces qui s'en occupent. Je crois qu'on veut que chacune des provinces s'en occupe davantage. Il y a un travail sérieux qui se fait, et je crois qu'on le reconnaît partout.

Le gouvernement fédéral, à ce que je comprends, essaie de s'assurer que le traité sera mis en oeuvre, mais je pense qu'il y a certaines difficultés à inscrire seulement la pratique. On nous a dit qu'on voulait maintenant inscrire dans la loi ce qui se fait depuis 1909 seulement en consultation. C'est ça qu'on nous a dit. On ne nous a pas dit que le gouvernement avait tout un projet environnemental parce qu'à ce moment-là, son travail chevaucherait celui des provinces. Il est donc difficile de voir l'utilité de cela. On ne fait pas une loi pour faire une loi. Quand on fait une loi, c'est parce qu'on a un objectif précis. Je ne peux pas mettre le doigt sur un objectif précis dans ce projet de loi.

[Traduction]

Le président: Professeur Bankes.

M. Nigel Bankes: Pour répondre très brièvement à ce que vous venez de dire, je constate, à la lecture de la documentation publique déposée à l'appui de ce projet de loi, que le véritable fondement des nouvelles dispositions sont effectivement des préoccupations d'ordre écologique. Le gouvernement fédéral a choisi d'adopter ce projet de loi au titre de l'article 132 et c'est pour cela qu'il parle de débit et d'utilisation plutôt que d'écologie.

Ce que vous voudriez savoir, si j'ai bien compris le sens de votre question, c'est si le gouvernement peut légitimement intervenir en matière écologique ou si ce genre de problème relève exclusivement des compétences provinciales. J'estime pour ma part que le gouvernement fédéral peut très légitimement intervenir pour préserver l'intégrité écologique de bassins hydrographiques relevant de deux juridictions, qu'il s'agisse des bassins que se partagent les deux pays, ou de bassins que se partageraient deux provinces. C'est pourquoi je pense que ce projet de loi pourrait, si l'on en modifiait le libellé, se fonder sur des dispositions autres que l'article 132.

Je rappelle, en guise de conclusion, qu'il existe une autre loi fédérale qu'on a dû vous citer. Il s'agit de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux adoptée dans les années 50. Personne ne prétend que cette loi se fonde sur les dispositions du Traité des eaux limitrophes. Elle se fonde, plutôt, sur la doctrine des questions touchant l'intérêt national.

Pour légiférer au sujet de ces eaux que se partagent les deux pays, je ne pense donc pas qu'il nous faille nous fonder uniquement sur l'article 132. Cela dit, si nous entendons effectivement nous fonder sur cette disposition, il faut prêter la plus grande attention au libellé de l'article en question. C'est tout ce que je tenais à dire sur ce point.

Le président: Mais dans cette optique, car le point soulevé par Mme Lalonde est bien sûr légitime, tout le monde affirme qu'en matière de contrôle environnemental sur les eaux en question, et de propriété des eaux se trouvant sur leur territoire, les compétences reviennent principalement aux provinces, mais vous venez de nous dire qu'étant donné qu'il s'agit d'eaux limitrophes, d'eaux internationales donc, le droit constitutionnel impose une limite à l'exercice des compétences provinciales, limite qui ouvre la porte à une intervention du gouvernement fédéral car, sans cette intervention fédérale, la province excéderait ses compétences à partir du moment où elle cherche à réglementer l'utilisation d'eaux limitrophes puisqu'il s'agit d'eaux internationales et non pas d'eaux situées dans les limites de la province. Est-ce trop dire?

M. Nigel Bankes: Monsieur le président, je ne suis pas certain que j'irais jusque là. Selon moi, une province ne peut pas validement adopter une loi visant précisément des eaux limitrophes. Si, cependant, la loi a un objet plus général et qu'elle a simplement pour effet de protéger des eaux limitrophes alors même qu'elle visait à protéger l'ensemble des eaux de la province, je ne vois pas qu'il y ait d'objection. Je crois que c'est effectivement le cas de la loi adoptée par l'Alberta, ainsi que de la loi adoptée par l'Ontario et par diverses autres juridictions en ce domaine.

Le président: Vous voulez dire qu'il en serait ainsi quand l'effet sur les eaux limitrophes est incident et non pas intimement lié à l'objet même du texte?

M. Nigel Bankes: Cela relève probablement alors des compétences en matière de droits civils.

Le président: Bon.

• 1050

Monsieur Denison, puis nous passerons la parole à M. Comartin.

M. Terry Denison: Permettez-moi d'ajouter ceci. Cela me rappelle les cours de droit constitutionnel lorsque j'étais étudiant. On se demandait toujours si telle ou telle question relevait du gouvernement fédéral ou du gouvernement d'une province. Or, souvent, on a affaire à des compétences partagées.

Cela me ramène au dossier OMYA où il s'agit bien d'une licence provinciale mais où OMYA est néanmoins tenue de satisfaire au préalable aux exigences du ministère fédéral des pêches qui exige, au titre de la Loi sur les pêches, qu'on démontre que les prélèvements d'eau n'affecteront en rien l'habitat du poisson. Il s'agit en l'occurrence d'une question d'impact environnemental.

J'ajoute d'ailleurs qu'en matière de captage d'eau, la Loi sur les pêches est, pour le gouvernement fédéral, un outil d'une grande portée et d'une grande force, qui lui donne, en matière environnementale, un vaste pouvoir de contrôle et d'intervention. C'est comme beaucoup d'autres textes. Il y a certaines lois dont on oublie l'existence.

Le président: Monsieur Comartin.

M. Joe Comartin: Il s'agit d'une précision que je voudrais apporter et non pas d'une question. En ce qui concerne le projet que nous a décrit M. Kierans, je tiens à dire officiellement que notre parti y serait farouchement opposé et je tiens en outre à réfuter ce qui a été dit au sujet de l'impact éventuel de ce projet. M. Jackson nous a dit que pour assurer l'approvisionnement du bassin hydrographique des Grands Lacs et du Saint-Laurent, il vaudrait mieux envisager des mesures de recyclage et de conservation qu'un projet tel que celui qui a été évoqué.

Je siège au comité de l'environnement et au cours du dernier mois nous avons reçu une délégation d'une communauté des Premières nations, en fait de plusieurs communautés qui habitent sur le pourtour de la baie d'Hudson et qui voient disparaître leurs moyens de subsistance car elles ne peuvent plus pêcher le beluga. Les seuls belugas que ces habitants pourraient encore pêcher se trouvent au large de la côte ouest de la baie d'Hudson, et le projet de captage des eaux de la baie James aurait sans doute un grand impact sur ces mammifères marins. Voilà au moins une des conséquences qu'un tel projet entraînerait certainement.

Monsieur le président, je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Comartin.

M. Tom Kierans: Me permettez-vous une observation?

Le président: Très brève.

M. Tom Kierans: Si le monsieur qui vient d'évoquer le sort des belugas... Je pense que l'on peut citer à cet égard l'article du grand océanographe, M. Dunbar... selon qui le nombre de belugas augmenterait considérablement car le projet améliorerait beaucoup leurs sources de ravitaillement.

Le président: Voilà un point auquel on pourra réfléchir.

Chers collègues, permettez-moi de vous rappeler qu'à 15 h 30 nous devons revenir pour l'examen article par article de ce projet de loi. Il n'y a en fait que deux articles qui appellent un examen plus approfondi et j'espère donc que tout cela pourra aller assez vite.

M. Obhrai va nous présenter un projet de résolution sur l'Afghanistan, qu'il est en train de préparer avec plusieurs autres députés, et j'espère que, là aussi, un accord sera possible. Si le temps nous le permet—et, en raison de l'examen article par article, nous avons prévu de poursuivre jusqu'à 18 h 30. Nous devrons en outre participer à certains votes, et il faut tenir compte de cela, mais si le temps nous le permet j'aimerais également entreprendre l'examen de notre rapport sur le Sommet de Québec. Vous n'avez pas oublié, en effet, qu'il nous faut nous pencher sur le rapport du Sommet de Québec, ainsi que sur le rapport du caucus et celui du Comité du commerce. Tous ces rapports devront être déposés devant la Chambre.

On ne compte plus les rumeurs sur la date à laquelle doivent prendre fin les travaux de la Chambre, mais il est possible que cela ait lieu dès le 8 juin et s'il en est effectivement ainsi il nous faudra déposer ces rapports devant la Chambre avant cette date. C'est dire que nous avons fort à faire.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Monsieur le président, nous n'avions pas eu d'avis préalable pour le rapport sur le Sommet de Québec. Je préférerais siéger plus tard jeudi matin ou quelque chose comme cela. Franchement, je ne trouve pas correct qu'on nous donne seulement l'heure du midi pour lire ça, en plus du reste.

Le président: Je ne ferai pas cela si les membres du comité s'y opposent. Je croyais que tout le monde avait reçu le rapport depuis quelque temps et avait eu le temps de le digérer. Si cela avait été le cas, on aurait pu au moins commencer. Le rapport est assez bref, mais encore là, j'imagine qu'il y aura un certain désaccord entre vous-même et les représentants du Nouveau Parti démocratique. On pourra peut-être faire face à cela au moyen d'un rapport minoritaire ou de quelque chose de semblable. J'espère qu'on pourra terminer assez rapidement le débat sur ce rapport. Donc, cette question est reportée à jeudi.

• 1055

Mme Francine Lalonde: On peut le faire rapidement, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Entendu.

Je tiens à remercier nos témoins. Il s'est dit ici des choses très intéressantes. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de nous faire part de vos connaissances.

Chers collègues, je vous remercie. Nous procéderons cet après-midi à l'examen article par article du projet de loi.

La séance est levée.

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