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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 31 mai 2005




Á 1110
V         Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.))
V         M. Elliot Diringer (directeur, Stratégies internationales, Centre PEW sur les changements climatiques globaux)

Á 1115

Á 1120
V         Le président

Á 1125
V         M. Bernard Bigras (Rosemont—La Petite-Patrie, BQ)
V         M. Elliot Diringer
V         M. Bernard Bigras

Á 1130
V         M. Elliot Diringer

Á 1135
V         Le président
V         M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC)
V         M. Elliot Diringer
V         M. Brian Jean
V         M. Elliot Diringer

Á 1140
V         M. Brian Jean
V         M. Elliot Diringer
V         M. Brian Jean

Á 1145
V         M. Elliot Diringer
V         M. Brian Jean
V         M. Elliot Diringer
V         M. Brian Jean
V         Le président
V         M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.)
V         M. Elliot Diringer

Á 1150
V         M. David McGuinty
V         M. Elliot Diringer
V         M. David McGuinty
V         M. Elliot Diringer

Á 1155
V         M. David McGuinty
V         M. Elliot Diringer
V         M. David McGuinty
V         Le président
V         M. Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley, NPD)
V         M. Elliot Diringer
V         M. Nathan Cullen
V         M. Elliot Diringer
V         M. Nathan Cullen
V         M. Elliot Diringer

 1200
V         M. Nathan Cullen
V         M. Elliot Diringer
V         M. Nathan Cullen
V         M. Elliot Diringer

 1205
V         M. Nathan Cullen
V         M. Elliot Diringer
V         M. Nathan Cullen
V         Le président
V         M. Bob Mills (Red Deer, PCC)
V         M. Elliot Diringer
V         M. Bob Mills

 1210
V         M. Elliot Diringer
V         M. Bob Mills
V         M. Elliot Diringer

 1215
V         Le président
V         L'hon. Bryon Wilfert (Richmond Hill, Lib.)
V         M. Elliot Diringer
V         Le président
V         M. Christian Simard (Beauport—Limoilou, BQ)
V         M. Elliot Diringer

 1220
V         M. Christian Simard

 1225
V         M. Elliot Diringer
V         Le président
V         M. David McGuinty
V         M. Elliot Diringer

 1230
V         M. David McGuinty
V         M. Elliot Diringer
V         Le président
V         M. Brian Jean
V         M. Elliot Diringer

 1235
V         M. Brian Jean
V         M. Elliot Diringer
V         M. Brian Jean
V         Le président
V         M. Nathan Cullen
V         M. Elliot Diringer
V         M. Nathan Cullen
V         M. Elliot Diringer
V         Le président

 1240
V         M. Elliot Diringer
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 041 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 31 mai 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.)): Bonjour aux membres du comité, au public et au personnel. Aujourd'hui, nous accueillons M. Elliot Diringer, directeur du Centre Pew sur les changements climatiques globaux.

    Il s'agit de la 41e séance du comité. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la mise en oeuvre au Canada du Protocole de Kyoto. Je pense que les membres et les autres qui suivent nos délibérations seront heureux d'apprendre que nous en sommes rendus à la conclusion de nos délibérations sur la stratégie de mise en oeuvre de Kyoto. Comme vous le savez, le comité prépare un rapport qui devrait être prêt très bientôt.

    Monsieur Diringer, vous arrivez à un excellent moment. Vous serez probablement notre dernier témoin sur Kyoto et nous avons hâte d'entendre votre témoignage.

    En outre, l'ancien président du comité, M. Caccia, qui est présent dans la salle aujourd'hui... En fait, il assiste à nos séances et les commentaires qu'il fait, d'habitude de manière informelle, sont très appréciés—et il est toujours le bienvenu s'il souhaite faire une présentation officielle. Je disais donc que M. Caccia m'a informé, monsieur Diringer, qu'en 2002 le comité s'était rendu à Washington pour visiter le Centre Pew sur les changements climatiques globaux et qu'à la même occasion, ils avaient également visité le sénateur Jeffords, qui était, je crois, le président du Comité mixte sur l'environnement à ce moment-là. On me dit que les membres du comité ont également rencontré des représentants du World Resources Institute, du Woodrow Wilson Institute et d'autres organismes gouvernementaux. À ce propos, le greffier vient de me dire que le comité a également rencontré Hillary Clinton. Je suis sûr qu'ils ont appris beaucoup de choses lors de cette visite.

    Nous avons maintenant l'occasion de réfléchir—grâce à votre exposé, monsieur Diringer—sur les progrès que nous avons faits en matière de changements climatiques du point de vue du Centre Pew. Nous vous souhaitons la bienvenue, et nous avons hâte de vous entendre. Je suis sûr que vous savez qu'après votre exposé, qui normalement dure environ 10 minutes—nous sommes assez souples—, les membres du comité vous poseront des questions.

    Je vous donne la parole, monsieur Diringer, et encore une fois, je vous remercie d'être venu participer à nos délibérations.

+-

    M. Elliot Diringer (directeur, Stratégies internationales, Centre PEW sur les changements climatiques globaux): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de participer à l'examen, par votre comité, de la question cruciale que constituent les changements climatiques. Je m'appelle Elliot Diringer et je suis directeur des Stratégies internationales au Centre PEW sur les changements climatiques globaux.

    Le Centre PEW est un organisme non gouvernemental, établi aux États-Unis, dont le mandat consiste à offrir des informations crédibles, des analyses cohérentes et des solutions innovatrices en vue de remédier aux problèmes liés aux changements climatiques. Depuis sa fondation, en 1998, le centre a publié plus de cinquante rapports, évalués par les pairs, sur la recherche de solutions aux problèmes climatiques dans des domaines tels que la science, l'économie ou la politique. De plus, le centre, par l'intermédiaire de son comité de direction des entreprises pour les questions environnementales (BELC), collabore étroitement avec 39 grandes entreprises à l'élaboration et à la promotion de politiques concrètes et efficaces en matière de changements climatiques. Deux entreprises canadiennes, TransAlta et Ontario Power participent au BELC. Il est important de souligner qu'aucune des sociétés qui font partie du BELC ne participe au financement du centre.

    Je souhaiterais aujourd'hui vous présenter notre point de vue sur diverses solutions visant à accroître les initiatives internationales en matière de changements climatiques au-delà de l'échéance de 2012. Permettez-moi tout d'abord de souligner que le centre PEW se réjouit de l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto. Nous tenons à féliciter le gouvernement canadien des engagements qu'il a pris au regard de ce protocole, ainsi que des efforts qu'il déploie afin d'élaborer, en la matière, une stratégie de mise en oeuvre pragmatique et efficace. Nous croyons, cependant, qu'il est important, au-delà du protocole de Kyoto et de l'échéance de 2012, d'envisager tout un éventail de nouvelles solutions.

    Le défi qu'il nous faut relever consiste à inciter les principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre à s'engager dans un effort à long terme visant à tirer parti, de manière équitable et efficace, des technologies et des ressources requises pour stabiliser le climat de la planète. Au cours des trois dernières années, le centre Pew a pris les devants en favorisant une réflexion et un dialogue constructifs sur différentes solutions permettant de faire progresser les efforts internationaux en ce sens.

    Pour ce faire, le centre a organisé, à Pocantico, un dialogue sur le climat qui a réuni, pour une série de discussions parallèles sur les solutions envisageables au-delà de l'échéance de 2012, les principaux décideurs politiques et les principales parties intéressées de la planète. On comptait, parmi les 25 participants, des décideurs politiques d'Australie, du Brésil, du Canada, de Chine, d'Allemagne, du Japon, du Mexique, de Tuvalu, du Royaume-Uni et des États-Unis, des directeurs de sociétés telles qu'ALCOA, BP, DuPont, Rio Tinto et Toyota, ainsi que des représentants d'ONG d'Inde, de Suisse et des États-Unis. Ces derniers se sont rencontrés à trois reprises et doivent se réunir à nouveau pour une séance finale en septembre prochain.

    J'aborderai, un peu plus tard, les différentes solutions actuellement envisagées, mais je souhaite tout d'abord vous présenter certains des thèmes qui ont émergé de nos travaux préliminaires et qui ont servi de point de départ à nos discussions dans le cadre du dialogue.

    Ces quatre points sont, en résumé, les suivants. Premièrement, si le défi présenté par les changements climatiques consiste, en dernier ressort, à tirer parti des technologies, il consiste également, et avant toute chose, à mobiliser les volontés politiques. Certaines approches d'une telle mobilisation internationale peuvent se révéler plus efficaces que d'autres.

    Deuxièmement, les incertitudes scientifiques ou économiques ne sauraient servir de justification à l'inaction, mais devraient, au contraire, être considérées comme des raisons supplémentaires d'agir dès maintenant.

    Troisièmement, les changements climatiques constituent un défi planétaire, mais les pays ne s'engagent dans une action commune que s'ils peuvent voir en quoi cette dernière peut servir leurs intérêts nationaux. Toute approche multilatérale doit donc tenir compte des préoccupations nationales telles que le développement et la concurrence et savoir en prendre compte.

    Quatrièmement, il est nécessaire, pour accommoder ces différents intérêts nationaux, de disposer d'une architecture flexible qui permet à différents pays de prendre différents engagements.

    Afin de nourrir notre dialogue, nous avons examiné tout un éventail de données sur les émissions, sur la situation énergétique, sur l'économie et sur les conditions socio-économiques des 25 principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre. Ces derniers sont responsables de 83 p. 100 des émissions dans le monde. 17 d'entre eux sont également parmi les pays les plus peuplés au monde et 22 d'entre eux ont un PIB parmi les plus élevés du monde. Le peloton de tête, en matière d'émissions, varie peu, et ce, que l'on ne prenne en compte que le dioxyde de carbone provenant de la combustion de combustible fossile, les changements d'affectation des terres ou les autres gaz à effet de serre, ou bien encore que l'on considère les émissions actuelles, accumulées ou prévues à long terme.

Á  +-(1115)  

    Toutes ces données confirment le fait que, pour être efficaces à long terme, les efforts internationaux, en matière de changements climatiques, doivent inclure les principaux émetteurs de gaz à effet de serre. Ces données révèlent également, cependant, les disparités extrêmes qui caractérisent ce peloton de tête en matière d'émissions, où l'on retrouve autant de pays développés que de pays en cours de développement, sans compter ceux dont l'économie est en transition. Leur volume d'émissions par habitant, comme leur revenu par habitant, varie grandement, ce qui a d'importantes répercussions sur la façon dont nous devons aborder les responsabilités en matière de changements climatiques, ainsi que les moyens de remédier à ces derniers.

    C'est dans ce contexte que je souhaiterais maintenant vous présenter les solutions actuellement à l'étude dans le cadre du dialogue entamé à Pocantico. Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous croyons que, pour la prochaine étape, les efforts internationaux en matière de changements climatiques doivent s'intégrer dans une architecture flexible capable d'accommoder diverses stratégies et différents engagements. Afin d'évaluer ces diverses solutions, nous avons, dans un premier temps, examiné diverses approches possibles, non comme des solutions mutuellement exclusives, mais plutôt comme différents éléments pouvant être combinés dans une telle architecture. Au cours de ces discussions, les différents interlocuteurs se sont plus ou moins entendus pour retenir les six éléments suivants.

    Le premier est ce que nous appelons les aspirations à long terme. Remédier aux changements climatiques requiert des efforts à long terme et, afin de les mener à terme, il est important de savoir quels sont les objectifs que nous souhaitons nous fixer. Néanmoins, il serait vain, voire même contre-productif, de vouloir négocier des objectifs à long terme trop précisément quantifiés. Les gouvernements, les entreprises ou les experts peuvent par contre, individuellement ou collectivement, formuler des aspirations au regard de l'objectif ultime qui consiste à stabiliser la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre à un niveau qui ne présente pas de danger pour l'espèce humaine. Plusieurs gouvernements et plusieurs entreprises ont déjà formulé de telles aspirations. Ces dernières, exprimées en termes de température et de concentration, peuvent servir à aiguillonner et guider de futures initiatives en matière de changements climatiques sans pour autant servir de base formelle à la négociation d'engagements précis.

    Le deuxième élément, qui est double, consiste à un système d'objectifs et d'échange. Le principal intérêt d'une telle approche réside dans son rapport coût-efficacité. De plus, elle s'appuie sur l'architecture mise en place par le Protocole de Kyoto, sur la bourse d'échange d'émissions de l'Union européenne, ainsi que sur les autres bourses d'échange qui sont actuellement en train d'être mises en place. L'approche choisie dans le cadre du Protocole de Kyoto, cependant, se fonde sur un type d'objectifs bien particuliers qui sont exécutoires et exprimés de façon absolue. Une nouvelle approche pourrait consister à inclure différents types d'objectifs. Il serait notamment possible d'envisager des objectifs en matière d'intensité des émissions, ou des objectifs sans perte, qui pourraient inciter les pays en développement à réduire leurs émissions en leur permettant de mettre en marché tout crédit d'émissions obtenu au regard de l'objectif qu'ils se sont fixé, et ce, sans leur infliger de pénalité s'ils dépassent ces derniers. Différents groupes de pays pourraient ainsi se fixer différents types d'objectifs et, au sein de ces groupes, de nouvelles distinctions pourraient être établies afin de refléter des circonstances nationales particulières.

    Le troisième élément consiste à adopter une approche sectorielle. Plutôt que de fixer des objectifs s'appliquant à l'ensemble des secteurs économiques, il serait préférable de recentrer les engagements sur les principaux secteurs à l'origine des émissions qui sont ceux de l'électricité, des transports, de l'aménagement des terres et des industries de transformation grosses consommatrices d'énergie. Une telle approche permettrait d'apaiser les inquiétudes liées à la concurrence en garantissant une certaine égalité des chances au sein d'un secteur donné. Les engagements pourraient dès lors porter sur des objectifs d'émissions, sur des normes de rendement visant, par exemple, à réglementer les émissions de carbone pour les automobiles ou bien sur des normes technologiques consistant, par exemple, dans le secteur de l'électricité, à exiger la mise en oeuvre de nouvelles technologies avancées de combustion, ainsi que de captage et d'entreposage du carbone, dans les nouvelles centrales thermiques au charbon.

    Le quatrième élément consiste en des politiques de développement durable. L'objectif consiste ici à tirer profit des synergies existantes entre les objectifs liés au climat et ceux liés au développement, et ce, en favorisant des mesures qui permettent de les atteindre simultanément. Il pourrait, par exemple, s'agir de politiques énergétiques visant à établir les prix en fonction des coûts, de politiques de transport visant à favoriser le recours au transport en commun ou à des carburants plus propres, ou bien de politiques agricoles encourageant le piégeage du carbone. Une approche possible consisterait à inciter les pays à adhérer à des objectifs définis en termes de politiques générales, puis à s'engager à prendre des mesures nationales précises en vue d'atteindre ces derniers avec l'obligation de soumettre périodiquement un rapport sur les mesures prises à l'examen d'une instance internationale. Les réductions d'émissions vérifiées obtenues grâce à ces mesures pourraient alors être mises en marché selon un mécanisme similaire à celui du Mécanisme de développement propre, ce qui permettrait de certifier ces crédits sur une base sectorielle ou « programmatique », plutôt que projet par projet. De telles approches permettraient de mieux sensibiliser les pays en développement, car elles prendraient en compte leur souci essentiel de développement, plutôt que de leur imposer des limites d'émissions quantifiées.

Á  +-(1120)  

    Le cinquième élément consiste à adopter des approches fondées sur la technologie. Tous les éléments précédents visent, d'une manière ou d'une autre, à favoriser les développements technologiques sur le marché. Mais il est également possible d'adopter des approches visant à encourager directement de tels développements technologiques et, en particulier, celui des nouvelles technologies innovatrices qui seront nécessaires, à long terme, pour atteindre des objectifs de réduction sur une beaucoup plus grande échelle. Il serait possible, par exemple, d'inciter les pays à se fixer, comme objectif à long terme, des émissions nulles dans des secteurs tels que celui de l'électricité ou de l'automobile. Une autre possibilité consisterait à favoriser, au niveau international, une plus grande coopération et un meilleur financement en matière de R et D de nouvelles technologies innovatrices comme celles qui sont fondées sur l'hydrogène, sur les carburants de la biomasse ou sur le captage et l'entreposage du carbone.

    Le sixième et dernier élément est l'adaptation. Toutes les approches que j'ai jusqu'à présent décrites sont fondées sur l'atténuation, sur la réduction des émissions. Mais si nous arrivons à nous entendre sur une nouvelle architecture élargie, tout particulièrement si nous souhaitons inciter les pays en développement à prendre des engagements en la matière, il nous faudra adopter une approche faisant davantage appel à l'adaptation. Par exemple, il serait possible de créer un fonds d'urgence en cas de catastrophes climatiques destiné à venir en aide aux pays pauvres subissant des pertes liées au climat, que ce soit à la suite de changements climatiques ou en raison de l'instabilité du climat, et d'offrir aux pays en développement disposant d'un revenu moyen une assurance subventionnée contre les catastrophes climatiques. De telles initiatives en matière d'adaptation pourraient bénéficier d'une meilleure mise en oeuvre si elles étaient généralisées à tout un éventail d'aides au développement, plutôt que restreintes à un seul programme relatif aux changements climatiques. Les banques multilatérales de développement, par exemple, pourraient adopter, en matière de prêts, de nouvelles politiques incluant une évaluation des risques climatiques et des mesures d'adaptation dans le cadre de leurs procédures de conception, d'examen et d'approbation de projet.

    Comme je l'ai déjà indiqué, nous ne considérons pas que ces éléments constituent des solutions mutuellement exclusives, mais plutôt de possibles éléments de construction d'une architecture internationale élargie. Au cours de nos discussions, nous n'avons fait qu'effleurer la question de savoir comment ces différents éléments pourraient être assemblés, et je ne peux donc pas, à l'heure actuelle, vous donner plus de précisions à ce sujet. Néanmoins, nous nous ferons un plaisir de vous communiquer le résultat final de notre dialogue après notre séance de conclusion prévue en septembre prochain. Notre dialogue a pour but de proposer une vision de ce que pourraient être, à l'avenir, les efforts internationaux en matière de changements climatiques. La question se pose cependant dès maintenant de savoir si nous devons ou non lancer un processus plus officiel de consultation des gouvernements afin de commencer à examiner les solutions qui s'offrent à nous après l'échéance de 2012.

    En proposant d'accueillir à Montréal la prochaine conférence sur les changements climatiques, le gouvernement canadien a accepté de relever un défi de taille, car cette conférence doit permettre de régler les derniers détails relatifs à l'entrée en vigueur effective du Protocole de Kyoto. Le succès de cette conférence ne serait que plus grand si les parties en présence pouvaient s'entendre sur le fait de poursuivre, d'élargir et de renforcer les efforts internationaux en la matière. De nombreux gouvernements ont déjà fait savoir qu'ils étaient prêts à aller de l'avant et nous souhaitons au gouvernement canadien tout le succès possible dans cette entreprise.

    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer devant vous. Nous serons toujours heureux de pouvoir contribuer aux travaux du comité sur la question, ainsi qu'aux efforts du gouvernement en vue d'accroître les efforts internationaux en matière de changements climatiques.

    Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Diringer, pour ce survol extrêmement complet et instructif.

    En guise de préambule avant de passer aux questions, il faut que je vous dise que j'ai l'habitude d'encercler les choses importantes qui nous sont présentées et, dans le cas présent, malheureusement, j'ai dû encercler et souligner à peu près tout ce que vous avez dit. Il va donc être extrêmement difficile de procéder par ordre de priorité. Nous sommes impatients à l'idée de pouvoir, en septembre, discuter d'une synthèse de tous les éléments que vous nous avez signalés.

    Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Bigras, si vous voulez commencer...

    Il semblerait que les collègues qui, en règle générale, sont les premiers au bâton, attendent cette fois-ci de voir dans quel sens iront leurs questions.

Á  +-(1125)  

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras (Rosemont—La Petite-Patrie, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis un peu surpris d'être le premier à prendre la parole. J'en étais moi aussi à me préparer.

    Vous nous avez parlé d'une nouvelle architecture relative à Kyoto, et j'ai remarqué que vous proposiez plusieurs initiatives à cet égard, entre autres des bourses d'échange d'émissions. J'ai remarqué que les États-Unis étaient partie prenante aux discussions que vous teniez, entre autres un dialogue sur le climat.

    J'aimerais savoir si cette nouvelle façon de faire et ce cadre que vous nous présentez aujourd'hui pourraient nous permettre d'obtenir éventuellement l'adhésion des États-Unis au Protocole de Kyoto.

[Traduction]

+-

    M. Elliot Diringer: Je vous remercie.

    Permettez-moi pour commencer de préciser un peu la façon dont les décideurs politiques américains participent à notre dialogue. Les deux participants à notre dialogue qui sont issus des milieux décisionnels politiques américains ne sont pas membres de l'administration, ce sont plutôt des collaborateurs de haut niveau du comité sénatorial des relations étrangères. Les principaux responsables en matière climatique sont le sénateur Lugar, le président républicain du comité, et un homologue pour le compte du sénateur Biden, qui est le porte-parole démocrate au Comité des relations étrangères.

    C'est ce comité qui est chargé en premier lieu d'examiner tous les traités que le gouvernement américain soumet au Sénat en vue de leur ratification. Nous avions invité le gouvernement américain à participer au dialogue, mais il a préféré décliner. Quoi qu'il en soit, nous conservons pour objectif d'élaborer des recommandations qui pourraient déboucher sur la création d'un cadre de travail qui pourrait intégrer les États-Unis ainsi que les autres grands pays émetteurs de polluants.

    Il s'agit là bien évidemment d'une entreprise relativement à long terme. Je pense que toutes les négociations dans ce sens prendront plusieurs années. Et même si un processus était lancé au cours de l'automne à Montréal, je n'escompte aucun aboutissement de ces négociations avant un certain temps, plusieurs années comme je viens de vous le dire. J'imagine qu'à ce stade-ci du moins, les États-Unis, représentés par le gouvernement américain, ne vont vraisemblablement pas commencer à négocier vraiment de façon sérieuse, de sorte qu'il faudra sans doute attendre qu'il y ait un nouveau gouvernement avant que les États-Unis se montrent disposés à négocier directement et de façon sérieuse, sous les auspices des Nations Unies, un nouvel instrument en matière climatique.

    Mais je crois aussi qu'en attendant, le débat concernant les questions climatiques continuera à se dérouler aux États-Unis, et une fois que ce débat nous aura rapprochés d'un éventuel consensus interne dans ce pays, ce ne sera qu'à ce moment-là que les États-Unis pourront envisager de prendre des engagements sur le plan international.

    En ce qui concerne votre dernière question, je ne pense pas que notre dialogue, ou d'ailleurs tout autre effort du même genre, puisse déboucher sur la ratification du Protocole de Kyoto, sous sa forme actuelle, par les États-Unis. Je pense qu'un nouvel instrument pourrait s'inspirer beaucoup du protocole actuel, mais il faudra qu'il soit sensiblement différent de celui-ci pour que les États-Unis acceptent de le ratifier, et d'ailleurs aussi pour que les autres pays soient disposés à le considérer comme la base des actions à entreprendre passé 2012.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Je comprends ce que vous dites, mais je comprends aussi qu'à votre avis, si l'on veut obtenir l'adhésion des États-Unis, il faut modifier le cadre. D'après ce que je saisis de vos propos, c'est ce que vous proposez et ce, de différentes façons. Vous affirmez qu'il serait contre-productif de vouloir négocier des objectifs à long terme trop précisément quantifiés et qu'il faudrait probablement laisser une marge de manoeuvre aux divers pays. Selon moi, cela démontre que vous voulez modifier le cadre. J'aimerais d'abord savoir si ce que vous proposez consiste précisément à changer de cadre, de façon à obtenir éventuellement l'adhésion des États-Unis.

    Ensuite, je voudrais savoir ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de ne pas fixer d'objectifs à long terme qui soient trop précis sur le plan quantitatif. Est-ce à dire qu'il ne faut aucunement fixer d'objectifs ou plutôt qu'il faut permettre aux pays une marge de manoeuvre à l'égard des objectifs fixés dans le cadre du Protocole de Kyoto? J'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur cette question.

Á  +-(1130)  

[Traduction]

+-

    M. Elliot Diringer: Je devrais peut-être commencer par préciser une chose, relative à l'emploi du terme « cadre ». Nous avons actuellement deux accords internationaux sur le climat, soit la Convention cadre sur les modifications climatiques des Nations Unies, adoptée en 1992, et le Protocole de Kyoto, qui a été conclu dans ce cadre.

    Quand j'emploie le terme « cadre » en parlant d'un cadre futur, je lui donne la minuscule, alors que la Convention cadre des Nations Unies de 1992 signée par 180 pays, y compris le Canada et les États-Unis, n'est pas ce que je propose de revoir ou de modifier. Je pense que tous les concepts que j'ai proposés aujourd'hui en vue d'un accord éventuel concorderaient avec la Convention cadre des Nations Unies.

    J'estime donc que les principes fondamentaux et la structure de la Convention cadre sur les modifications climatiques de 1992 sont toujours valables et peuvent servir de base à tout nouvel accord. Je crois toutefois qu'il faudrait modifier le Protocole de Kyoto de manière à regrouper les principaux pays émetteurs de façon à ce qu'ils s'entendent sur des engagements pour après 2012.

    Pour ce qui est des objectifs quantitatifs à long terme, la Convention de 1992 fixe un objectif à long terme : la stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre à un niveau qui évite de dangereux effets anthropiques. Ce n'est toutefois pas un objectif quantitatif. Le processus officiel n'a jamais eu d'efforts visant à définir cet objectif en termes plus concrets.

    Il est arrivé qu'on propose la négociation d'un objectif quantitatif à long terme précis, qu'on fixe des objectifs de concentrations, comme 550 parties par million, ou d'augmentation de température maximale, comme deux degrés au-dessus des niveaux préindustriels. Ces idées ont été formulées à l'occasion. Je dis qu'on aurait tort d'essayer de négocier un objectif quantitatif à long terme. Il ne s'agit pas d'objectifs par pays, mais de l'objectif collectif mondial.

    J'ai deux raisons de dire que ce serait une erreur. D'abord, malgré un consensus scientifique manifeste sur les bases de la climatologie, il y a encore beaucoup d'incertitudes lorsqu'il s'agit de faire des calculs se rapportant à l'activité humaine : les émissions, les concentrations, la température, l'effet sur le climat au sol, tout cela manque de certitudes. Tant qu'elles existeront, on ne pourra pas s'entendre sur un chiffre précis. À mon avis, dans un contexte de négociation, chacune de ces incertitudes ouvre la porte à un débat et, comme elles sont nombreuses, elles pourraient donner lieu à un débat sans fin.

    En outre, en fixant un objectif quantitatif à long terme, on détermine la taille de l'ensemble des émissions. On fixe le nombre maximal cumulatif d'émissions à long terme. Cela pourrait être très utile, du point de vue des politiques, puisqu'on pourrait travailler en fonction de cet objectif et calculer les émissions possibles et les répartir, mais du point de vue politique, il est difficile pour les gouvernements de convenir de la taille des émissions à se répartir, sans savoir exactement quelle sera la taille des émissions qu'on leur accordera.

    Voilà pourquoi, tant du point de vue du manque de certitudes scientifiques que du point de vue des négociations politiques, il serait difficile sinon impossible de négocier un objectif précis. Honnêtement, ce sera même contre-productif puisque cela détournerait et épuiserait le capital de négociation que nous avons. Il serait à mon avis préférable d'investir ce capital de négociation dans des sujets pour lesquels nous pouvons nous entendre maintenant.

Á  +-(1135)  

    Je ne parle donc pas du genre d'objectif qui peut être adopté par des pays, à court et à moyen terme. Nos discussions permettent certainement que des pays adoptent des objectifs précis, quantitatifs, voire même absolus et exécutoires, comme dans le cadre de Kyoto. En fait, il est difficile d'imaginer un système d'échange d'émissions efficace sans que des pays adoptent au moins des objectifs contraignants.

+-

    Le président: Votre temps d'intervention est terminé, je le déplore. M. Simard aura une autre chance au prochain tour.

    Peut-être pourrions-nous maintenant reprendre notre ordre habituel. Nous allons donner la parole à M. Jean, de sorte qu'il s'inscrira précisément dans cet ordre.

    Très bien, monsieur Jean.

+-

    M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aussi à vous, monsieur, d'être venu aujourd'hui.

    Pour commencer, je voudrais vous demander, et par cette question je vous demande davantage votre opinion qu'autre chose, pourquoi à votre avis les États-Unis n'ont pas pris aussi sérieusement le rôle de Kyoto et pourquoi ils n'ont pas signé ce traité, en deux mots.

+-

    M. Elliot Diringer: Si on remonte à 1997, au moment où ce protocole était en négociation, il y avait eu à mon sens un profond hiatus entre la politique internationale en matière climatique suivie par l'administration américaine et la politique intérieure, ou peut-être, pour être plus précis, l'absence de toute politique intérieure en matière climatique. Les États-Unis se sont sentis obligés, en raison de pressions extérieures et de pressions écologiques, de négocier à Kyoto l'objectif ambitieux et d'accepter cet objectif. Mais en même temps, le gouvernement américain n'a pas lancé de politique intérieure parallèle, il n'a même pas lancé un débat aux États-Unis, ce qui aurait été nécessaire pour que les États-Unis puissent atteindre cet objectif. Essentiellement, la position des États-Unis avait été de promettre à l'étranger quelque chose qu'ils ne pouvaient pas faire chez eux.

    Par conséquent, avec le passage du temps, comme très peu avait été fait sur le plan intérieur pour amorcer des politiques en matière climatique, il est devenu de plus en plus difficile pour les États-Unis ne serait-ce que d'envisager la possibilité d'atteindre l'objectif que ce gouvernement avait négocié. Au moment de l'arrivée au pouvoir du gouvernement Bush, il aurait fallu à mon avis des mesures assez radicales pour remettre les États-Unis sur leurs rails afin de leur permettre d'atteindre l'objectif négocié à Kyoto.

    Cela dit, une possibilité aurait pu être de demander à renégocier cet objectif pour permettre donc aux États-Unis de ratifier le protocole, mais ce n'est pas cette option qui a été retenue.

    Pour l'instant, je ne m'attends pas à ce que les États-Unis envisagent de revenir au protocole initial, non seulement parce qu'ils ne sont pas en mesure d'atteindre leur objectif, mais pour d'autres raisons aussi. À ce moment-ci, dans le cadre du dialogue politique sur les changements climatiques, Kyoto a été littéralement diabolisé, et je crains même que tout accord où on trouverait encore le nom de Kyoto serait probablement mort-né avant même d'arriver à Washington.

+-

    M. Brian Jean: Mais à ce moment-là, selon vous, jusqu'à quel point les États-Unis seraient-ils prêts à mettre en oeuvre l'esprit, sinon la lettre du Protocole de Kyoto dans l'état actuel des choses?

+-

    M. Elliot Diringer: Je dirais que depuis quatre ans, nous avons fini par voir apparaître un véritable débat sur ce que les États-Unis seraient prêts à faire pour contrer les changements climatiques. À mon avis aussi, le fait que les États-Unis se soient retirés de Kyoto a eu notamment pour conséquence que cela a permis de donner beaucoup plus de visibilité à ce dossier au sein de la population, des médias et même dans le dialogue politique.

    Ainsi, il y a eu littéralement des dizaines de propositions de lois qui ont été introduites au Congrès depuis quatre ans. Avant cela, il n'y en avait quasiment eu aucune. Vous connaissez peut-être le bill McCain-Lieberman qui a été introduit il y a un an ou deux. Ce projet de loi a été le tout premier à demander l'établissement d'un seuil obligatoire pour les émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis. Ce projet de loi a fait l'objet d'un seul vote au Sénat où il a reçu l'appui de 43 sénateurs, beaucoup plus que ce qu'on aurait pu espérer pour une première fois. Les sénateurs McCain et Lieberman ont déclaré qu'ils avaient l'intention de demander un nouveau vote dès que les circonstances le permettraient.

    Entre-temps, d'autres projets de loi ont eux aussi été proposés. Le sénateur Hagel du Nebraska, l'un des coauteurs de la résolution Byrd-Hagel, vous vous en souvenez peut-être, vient lui aussi d'introduire un train de mesures législatives et il y aura des audiences à ce sujet.

    Mais à mon avis, il faut également ne pas se limiter au Congrès et au gouvernement central à Washington si on veut se faire une idée claire de l'évolution du dossier aux États-Unis. La majorité des interventions les plus vigoureuses se font au niveau des États. Plusieurs États en effet ont déjà adopté des politiques ou pris d'autres mesures—certaines d'entre elles visant expressément les changements climatiques, mais d'autres répondant à des motivations différentes—qui toutes contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre ou à tout le moins l'augmentation de ces émissions.

    Ainsi, la Californie a promulgué des normes extrêmement rigoureuses pour limiter les émissions de gaz à effet de serre produites par les gaz d'échappement des voitures. Les États du nord-est américain travaillent actuellement sur un système régional de plafonnement réciproque pour les centrales électriques. Je pense que le mouvement est donc lancé et qu'il va se poursuivre au niveau des États.

    Par ailleurs, dans le secteur privé, nous continuons à constater que les grosses sociétés appuient de plus en plus la mise en place de politiques plus rigoureuses. Tout dernièrement encore, General Electric a fait l'annonce d'une nouvelle initiative baptisée Ecomagination. Cette compagnie a ainsi déclaré que pour elle, un avenir où le carbone ne serait plus aussi essentiel présenterait des potentialités nouvelles, et elle encourage le gouvernement à intervenir plus vigoureusement par des politiques axées dans ce sens.

    Sur de nombreux fronts donc, non seulement l'intérêt pour ce dossier continue-t-il à augmenter, mais les activités et l'appui donné à des politiques dont, au bout du compte, les États-Unis auront besoin pour réduire leurs émissions, continuent également à s'intensifier.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Brian Jean: Je croyais que cela avait quelque chose à voir avec les politiques des diverses instances américaines, soit de l'assemblée législative fédérale et de celle de chacun des États. Je ne savais pas très bien pourquoi cela n'avait pas été adopté. Mais il me semblait que vous décriviez le Canada, en parlant d'attitudes irréalistes, de positions agressives prises jusqu'à l'adoption de la loi. Je vois à votre expression que vous êtes d'accord avec moi.

    Ma question suivante porte sur votre démarche d'ouverture. Bien franchement, pour moi qui suis du Canada, cet objectif lui-même me semble injuste. On n'a tenu aucun compte de certains des besoins particuliers du Canada : les automobiles sont 20 p. 100 plus nécessaires aux Canadiens qu'aux habitants de ces autres pays, nous avons 1,1 personne par mille carré, un climat froid, et une économie axée sur les ressources naturelles. Avez-vous songé à tout cela, dans votre approche ouverte?

+-

    M. Elliot Diringer: Nous nous sommes surtout concentrés sur les divers types d'engagements possibles. Au sein de Kyoto, il y a une certaine souplesse. Chaque pays a adopté des objectifs propres. Certains avaient même des objectifs de croissance. Voilà la souplesse offerte par Kyoto. Les pays pouvaient présenter des arguments fondés sur leurs caractéristiques nationales pour justifier tel ou tel objectif.

    Je dirais qu'à l'avenir, il faudrait envisager une différenciation accrue. Certains pays pourraient adopter un certain type d'engagements, d'autres, faire autrement, mais entre ces divers types d'engagements, il y aurait une marge pour une différenciation accrue.

    Ce qui a changé depuis 1997, c'est que les gouvernements ont vraiment pris plus au sérieux la question, qu'ils comprennent bien mieux les difficultés et les circonstances particulières à leur pays. Ils seraient mieux en mesure de négocier en tenant compte de ces circonstances nationales. Nous voudrions donc un cadre qui permette à chaque gouvernement de faire concorder ses intérêts nationaux avec les intérêts mondiaux.

+-

    M. Brian Jean: Absolument.

    J'ai une dernière question, si vous le permettez, monsieur le président.

    Vous parlez de l'atténuation des effets, et cela, dans toutes les solutions proposées. Je le comprends. C'est certes louable. Mais ce qui me préoccupe et dont parleront je crois certains de mes collègues, c'est l'aspect volontaire. Vous semblez vous fier à l'autodiscipline de chaque pays, c'est du moins ce que je vois à la lecture de votre document. Cela m'inquiète.

    Je suis aussi préoccupé par la méthode d'analyse objective employée pour les contrôles ponctuels dans les pays qui ne se conforment pas au protocole. Prenons l'exemple du Canada : c'est un pays qui tient beaucoup à être un bon citoyen du monde. D'autres pays, que je ne nommerai pas, semblent faire moins d'efforts à l'échelle mondiale et se servent du système dans leur propre intérêt économique plutôt que pour le bien commun de l'humanité.

Á  +-(1145)  

+-

    M. Elliot Diringer: Je suis ravi de pouvoir apporter cette précision. Je ne voulais pas dire que nous n'envisagions que des méthodes d'autodiscipline. Je ne me souviens pas d'avoir parlé d'objectif « contraignant » mais c'est certainement l'un des éléments que j'ai décrits.

    Ainsi, sous « objectifs et échange », j'ai parlé d'objectifs sans perdant, non contraignants, mais il pourrait y avoir d'autres objectifs qui seraient contraignants, comme celui de Kyoto. Dans les solutions sectorielles, il peut y avoir des démarches volontaires, mais aussi des démarches contraignantes, et on peut en dire autant pour les politiques de développement durable.

    Personnellement, je crois qu'il est peu probable que les gouvernements fassent les efforts nécessaires simplement dans le cadre de méthodes volontaires. Je pense qu'il faudra des objectifs négociés et contraignants pour obtenir le genre d'effort global, à long terme et international qui est nécessaire.

+-

    M. Brian Jean: Pourriez-vous réagir rapidement à ma question sur des vérifications ponctuelles dans les pays, après la mise en oeuvre?

+-

    M. Elliot Diringer: En fait, nous ne nous sommes pas vraiment attachés aux questions de respect, vu que la nature du respect tient, jusqu'à un certain point, aux types d'engagements conclus. Le Protocole de Kyoto établit un certain type de procédure de respect. J'ai toutefois mentionné un système d'engagements et d'examens en vertu duquel les pays s'étant engagés à certaines mesures feraient l'objet de rapports périodiques et d'examens, de façon à mettre en lumière, peut-on dire, leurs efforts.

    C'est une question très délicate pour des gouvernements souverains : savoir jusqu'à quel point ils sont disposés à se soumettre à une sorte de procédure de respect contraignante, au niveau international. Ce n'est pas une question sur laquelle nous nous sommes beaucoup penchés jusqu'à présent.

+-

    M. Brian Jean: Merci beaucoup de nous avoir consacré votre temps.

+-

    Le président: Merci, monsieur Jean.

    Nous passons à présent la parole à M. McGuinty.

+-

    M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Et bienvenue, monsieur Diringer.

    Les États-Unis avaient autrefois un President's Council on Sustainable Development, à l'époque où Clinton était président et Gore vice-président. Le PCSD s'inspirait beaucoup de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie du Canada. En fait, le vice-président Gore avait envoyé une équipe au Canada pendant trois mois pour étudier la TRNEE et la copier.

    À ce que je comprends, le Centre Pew constitue sans doute ce qui s'approche le plus d'un organisme voué à favoriser le dialogue, aux États-Unis—un lieu où des intérêts divergents sont face à face, débattent des questions et s'efforcent de parvenir à un minimum de consensus ou, du moins, de comprendre à quoi tiennent les différences. Vous avez parlé de notre propre processus de dialogue ici, qui se poursuit jusqu'en septembre. Le Centre Pew constitue-t-il ce qui s'approche le plus de ce type de structure aux États-Unis aujourd'hui?

+-

    M. Elliot Diringer: J'aimerais à croire que, en ce qui concerne la question du changement climatique, la réponse est oui. Mais nous nous attachons uniquement à la question du changement climatique. Il existe bien d'autres OGN, l'Aspen Institute entre autres, qui organisent des dialogues et amènent les décideurs et les diverses parties prenantes à discuter de points précis, environnementaux et autres. Il y a eu récemment une commission subventionnée par plusieurs fondations, la National Commission on Energy Policy, qui a réuni un groupe bipartisan, avec toute une gamme de points de vue : patronal, syndical et environnemental. Après avoir étudié de près la politique énergétique fédérale, elle a suggéré plusieurs recommandations dans ce domaine.

    À ma connaissance, il n'existe pas ici d'équivalent à votre Table ronde nationale; la commission du président dont vous avez parlé, qui avait un mandat circonscrit dans le temps, a depuis été dissoute. Je n'ai donc pas conscience de l'existence, soit au sein ou en dehors du gouvernement fédéral, d'une commission ayant un rôle de ce type, bien que divers organismes assument ce rôle pour différents problèmes à différents moments.

Á  +-(1150)  

+-

    M. David McGuinty: Est-ce que le White House Council on Environmental Quality est saisi de la question du changement climatique?

+-

    M. Elliot Diringer: James Connaughton, le président du CEQ, prend souvent la parole à ce sujet. C'est le bureau environnemental de la Maison-Blanche. Je ne sais pas ce qui se fait autour des politiques au sein du CEQ. J'ai l'impression que, après un stade d'élaboration de politiques, le gouvernement a annoncé sa politique, il y a trois ans, sans y revenir véritablement depuis. Il ne semble pas disposé à étudier de nouveau cette politique.

+-

    M. David McGuinty: J'ai été tout à fait subjugué par votre exposé. Je trouve frappant de constater que vos arguments numéros deux, trois, quatre et cinq sont les fondements même du plan canadien de lutte contre le changement climatique. Nous nous opposons au premier. Comme l'a indiqué M. Bigras, ce n'est pas simplement une question d'objectif à long terme. C'est aussi une question concrète de réduction des pourcentages.

    Je ne reviendrai pas à la question de savoir s'il faut avoir des objectifs facultatifs à long terme ou des objectifs fixes. Les Japonais, par exemple, voudraient qu'on leur fixe des objectifs qu'ils s'efforceront d'atteindre, mais ils veulent qu'on les laisse tranquilles. J'aimerais vous parler de l'ALENA. Vous avez fait référence au rapport entre les économies industrialisées et les économies en émergence. Je voudrais signaler que 88 p. 100 des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis, que nous assurons une partie de leur sécurité énergétique en vertu de l'ALENA et qu'il existe un Groupe de travail nord-américain sur l'énergie réunissant le Canada, les États-Unis et le Mexique. Mais que ce soit à la Commission nord-américaine de coopération environnementale de Montréal ou au nouveau Groupe de travail nord-américain sur l'énergie, il semble y avoir très peu de discussions entre ces trois pays. C'est l'exemple même, à l'échelle du continent, de l'opposition entre deux pays industrialisés et une économie en émergence.

    Ne serait-ce pas pour nous l'occasion d'approfondir les fondements de l'ALENA pour envisager une réponse continentale au problème des gaz à effet de serre? Comment réagirait Washington si le gouvernement du Canada cherchait activement à étendre la portée du Groupe de travail nord-américain sur l'énergie pour y inclure une réponse au problème des gaz à effet de serre?

+-

    M. Elliot Diringer: Lorsque nous avons envisagé les options pour la période postérieure à 2012, nous nous sommes demandé quelle était la tribune la plus appropriée pour organiser les futurs efforts internationaux. C'est une question délicate. Nombreux sont ceux qui, pour diverses raisons, veulent rester totalement fidèles à la structure établie en 1992 et ne souhaitent pas favoriser les efforts entrepris en dehors de cette structure.

    Je pense cependant que l'on commence à reconnaître que les efforts complémentaires entrepris en dehors de la structure sont non seulement utiles mais essentiels, et qu'ils ont de bonnes chances de favoriser la compréhension et de s'intégrer ultimement à la convention cadre. L'ALENA pourrait constituer l'une de ces tribunes. Je sais que le Canada s'intéresse à cette possibilité depuis un certain temps. Mais je dois avouer que je n'ai pas senti le même intérêt à Washington. Je ne sais pas si c'est à cause d'une réticence générale vis-à-vis des efforts déployés en matière de changement climatique, ou si c'est une marque d'un refus américain d'envisager cette tribune.

    Compte tenu des liens économiques évidents entre nos deux pays et du fait que nous sommes en contact avec un grand pays en développement, nous avons des occasions à saisir. Je tiens cependant à ce que ces efforts ne soient pas déployés ni perçus comme une solution de remplacement à une approche globale à l'intérieur de la convention cadre. Je pense que nous ne pourrons pas atteindre au niveau régional la masse critique de pays nécessaires à un effort sérieux et soutenu à long terme. Il faudra très certainement revenir à la convention cadre.

Á  +-(1155)  

+-

    M. David McGuinty: N'y a-t-il pas à l'échelle mondiale des précédents où l'on voit que des blocs commerciaux créent des efforts accessoires qui vont dans le sens de nos objectifs internationaux et de la convention cadre? Est-ce que l'Union européenne n'évolue pas précisément dans cette direction? Tout ce qu'elle fait renforce les obligations de ses 24 ou 25 États membres. Le CARICOM n'évolue-t-il pas lui aussi dans cette direction? Les blocs commerciaux sud-américains ne visent-ils pas des objectifs de réduction des gaz à effet de serre qui sont parfaitement symétriques à ce qui figure dans notre convention cadre internationale?

    Il me semble que le degré d'intégration économique en Amérique du Nord exige une réponse continentale. Pensez-vous que l'on puisse concevoir dans le cadre de l'ALENA une démarche qui ne serait pas conforme à notre convention cadre internationale?

+-

    M. Elliot Diringer: Je pense qu'il est possible d'assurer une parfaite compatibilité. Les efforts européens sont un parfait exemple d'effort régional entrepris non seulement en pleine compatibilité des efforts internationaux, mais ils ont même réussi à placer l'Europe à l'avant-garde de ces efforts internationaux.

    Je dirais en revanche que l'administration Bush a pris diverses initiatives diplomatiques sur le changement climatique. Ces initiatives ne s'organisent pas sur une base régionale, mais elles réunissent des pays d'optique commune, dont la plupart mettent l'accent sur la science et la technologie ainsi que sur la R et D à long terme. Ils offrent des exemples d'efforts organisés en dehors de la convention cadre qui pourraient avoir une valeur complémentaire mais qui, à mon avis, n'atteignent pas le niveau des politiques et des efforts déployés par l'Union européenne. Les efforts déployés en dehors de la convention cadre risquent à long terme de saper l'énergie du processus plutôt que d'y contribuer.

+-

    M. David McGuinty: J'aimerais pour terminer aborder une question mystérieuse. À la dernière vérification, nos masses terrestres étaient contiguës, nos bassins hydrographiques étaient contigus, nos océans étaient contigus et nos espaces aériens l'étaient également. J'ai du mal à comprendre pourquoi l'administration de Washington est aussi réticente alors même que des efforts considérables sont déployés pour assurer la sécurité énergétique à l'échelle continentale. Nous visons l'intégrité de la biomasse et des parcs sur une échelle continentale. Nous abordons l'intégrité des océans sur une échelle continentale, mais ce n'est pas le cas en ce qui concerne les gaz à effet de serre. Pour moi, c'est un mystère.

+-

    Le président: M. Cullen veut peut-être intervenir sur les mêmes sujets.

    Je vous remercie, monsieur McGuinty, de vos commentaires et de vos questions.

    À vous, monsieur Cullen.

+-

    M. Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley, NPD): Merci, monsieur le président.

    C'est une lourde tâche que de prendre la suite après des questions aussi pertinentes. Je vais peut-être adopter une perspective un peu différente.

    Monsieur Diringer, quels seraient, à votre avis, les deux éléments clés qui devraient figurer dans une nouvelle négociation—nous parlons ici de l'ère post-Kyoto—pour stimuler l'enthousiasme des Américains? Les Américains n'ont pas agi sous la contrainte. Des objectifs et une procédure ont été librement choisis par l'administration Clinton, puis rejetés par la suite. Que faudrait-il adopter dans le régime actuel pour que Washington puisse reprendre le débat et évoluer vers quelque chose de plus progressif?

+-

    M. Elliot Diringer: Excusez-moi, sous l'administration actuelle...?

+-

    M. Nathan Cullen: Je vais reformuler ma question. Je l'ai peut-être mal posée.

+-

    M. Elliot Diringer: J'aurai moins de mal à y répondre.

+-

    M. Nathan Cullen: Dans le débat politique aux États-Unis tel que je le perçois, Kyoto semble être désormais un mot grossier. Y a-t-il certains éléments, dans un accord ultérieur à Kyoto, que les Américains souhaiteraient obtenir sous l'administration actuelle avant de signer l'accord? Y a-t-il un ou deux éléments qui ont joué un rôle essentiel dans le rejet du protocole initial de Kyoto?

+-

    M. Elliot Diringer: Je peux évoquer les raisons invoquées par l'administration pour justifier le rejet du Protocole de Kyoto. Essentiellement, c'était l'absence d'engagements de la part des pays en développement et le préjudice qui risquait de découler de l'accord pour l'économie des États-Unis.

    J'ai du mal à concevoir un scénario dans lequel cette administration accepterait de se soumettre à un traité contraignant relevant de la convention cadre. J'ai du mal à cerner les éléments qui réussiraient à convaincre les États-Unis, sous l'administration actuelle, de rentrer dans le rang.

  +-(1200)  

+-

    M. Nathan Cullen: Ce sont deux lignes de raisonnement qui ne concordent pas.

    Vous avez dit tantôt que l'on ne pouvait pas invoquer l'incertitude économique pour faire quelque chose. Je suis un peu mêlé par les témoignages que nous avons entendus de la part des grands émetteurs finaux. Certaines des industries les plus importantes du Canada qui ont amélioré leur efficacité énergétique conformément aux principes de Kyoto ont réalisé plus d'économies et ont constaté que le processus était plutôt productif et rentable. Pourtant, certains continuent à penser que, pour faire les rajustements nécessaires au régime commercial, une partie du secteur sera défavorisée par rapport aux industries des pays qui ne respectent pas les principes de Kyoto. Je trouve cela un peu mêlant. Les entreprises de votre groupe d'action BELC commencent-elles à comprendre que ces modifications ne vont pas nuire à leur chiffre d'affaires?

+-

    M. Elliot Diringer: Je pense voir la contradiction dont vous parlez.

    Les entreprises avec lesquelles nous travaillons et qui ont volontairement pris des mesures pour réduire leurs émissions ont effectivement réalisé des économies importantes. Certaines d'entre elles ont trouvé très avantageux de réduire leurs émissions. Par ailleurs, certaines ne veulent pas trop s'aventurer sans garantie que leurs concurrents feront la même chose.

    Les économies réalisées au début ne peuvent pas nécessairement être maintenues plus tard. Si une entreprise décide ou est obligée de réduire davantage ses émissions, elle risque de ne pas réaliser les économies à ce moment-là. Il existe beaucoup de solutions simples et bon nombre d'entreprises peuvent faire beaucoup pour réduire leurs émissions sans que cela leur coûte quelque chose ou même en réalisant une économie nette. Par ailleurs, elles doivent à un moment donné engager une certaine dépense. On peut peut-être justifier ces coûts sur le plan macroéconomique vu les conséquences sur le climat, mais ce sont des coûts réels pour une entreprise. C'est difficile pour les entreprises d'assumer volontairement de tels coûts. C'est pourquoi elles sont prêtes à faire certaines choses, mais voudraient que le gouvernement puisse leur garantir que leurs concurrents feront la même chose. C'est la situation au niveau national et international.

+-

    M. Nathan Cullen: Vous voulez donc dire qu'il faut que les entreprises aient une certaine certitude et sachent à quoi s'attendre plus tard.

    Vous avez parlé de l'approche nationale par opposition à l'approche sectorielle. Surtout pour les entreprises qui doivent être concurrentielles à l'échelle mondiale, sinon internationale en Amérique du Nord, je me demande si les gouvernements doivent adopter une approche sectorielle et faire en sorte que ces entreprises possèdent la certitude que les changements qu'elles apportent vont favoriser la concurrence parce que les entreprises étrangères devront relever les mêmes défis.

+-

    M. Elliot Diringer: Il y a des compromis à faire à tous les niveaux. L'un de principaux avantages d'une approche nationale, c'est qu'elle vous donne plus de souplesse pour réduire les émissions afin de profiter pleinement des mécanismes les plus rentables. Si les réductions les plus économiques sont dans le secteur de l'aménagement du territoire, vous pouvez choisir cette solution. Si c'est dans le domaine des transports, vous pouvez choisir celle-là.

    L'un des désavantages à une approche sectorielle, c'est qu'on risque de perdre ces possibilités d'économiser. Par ailleurs, comme vous le dites, un des grands avantages de l'approche sectorielle, c'est qu'elle garantit des chances égales pour tout le secteur. Prenons le secteur de l'aluminium. Les producteurs d'aluminium du pays seront, si l'on obtient que les mesures soient prises à l'échelle mondiale, que leurs concurrents étrangers ne seront pas favorisés. Par ailleurs, sur le plan national, les producteurs d'aluminium pourraient demander au gouvernement pourquoi il s'acharne contre elles et non pas contre l'industrie de l'acier. Il y a donc une question d'équité si l'on adopte une approche sectorielle.

  +-(1205)  

+-

    M. Nathan Cullen: Je me pose cependant une question. Vu tous les fusionnements, achats et projets de mondialisation que nous avons vus récemment, et vous avez parlé de l'acier et de l'aluminium, où il existe des entreprises dominantes sur la scène mondiale, il me semble que, si nous adoptons une approche nationale uniquement, les secteurs de l'industrie qui ont le plus de pouvoirs politiques à cause de la distribution des sièges à la Chambre, pourront... par exemple, le plan de Kyoto au Canada impose un fardeau beaucoup moins lourd qu'on le pensait aux grands émetteurs finaux et un plus grand fardeau sur les citoyens ordinaires, qui contribuent beaucoup moins d'une certaine façon, parce qu'ils ne sont pas un groupe unifié et n'exercent pas des pressions auprès du gouvernement sauf au moment des élections.

    Les solutions d'envergure nationale m'inquiètent dans le cas des grands émetteurs finaux alors que je peux considérer, par exemple dans le cas de l'industrie de l'aluminium, qu'il n'existe que quelques intervenants principaux. Je songe cependant aussi aux initiatives progressistes adoptées par l'industrie forestière, parce que les groupes environnementaux se sont d'abord attaqués aux grandes entreprises et que les autres ont suivi l'exemple de celles-ci en adoptant de meilleures pratiques d'abattage.

    Envisagez-vous une telle possibilité dans votre groupe? Les entreprises répètent constamment à notre comité que si l'on fait quelque chose au Canada qui ne se fait pas en Inde, en Chine et certainement aux États-Unis, les entreprises canadiennes se trouvent défavorisées et il est préférable de ne rien faire du tout ou de faire très peu.

+-

    M. Elliot Diringer: Je voudrais donner un autre exemple des initiatives canadiennes, soit l'entente qui a été conclue avec l'industrie de l'automobile. C'est un bon exemple d'une approche sectorielle, du moins à l'échelle nationale. L'une des choses que nous envisageons serait d'adopter une approche semblable à l'échelle globale. Comme vous le dites, l'un des grands avantages de cette approche c'est que l'on réduit le nombre d'intervenants.

    Si l'on a la participation de 15 pays et de peut-être une douzaine de compagnies, on aurait probablement 85 p. 100 du marché mondial de l'automobile. Un si petit nombre d'intervenants facilite beaucoup les négociations et les rend beaucoup moins complexes. Si vous avez des cibles qui s'appliquent à tout le pays, le gouvernement peut protéger un secteur donné et causer un déséquilibre sur le plan de la concurrence.

    Parmi les entreprises avec lesquelles nous dialoguons, je n'ai pas constaté qu'il y en avait beaucoup qui aimaient les approches sectorielles, mais la question est encore à l'étude. Dans le domaine énergétique, tout particulièrement, les entreprises ont du mal à voir comment cela peut fonctionner. Ce n'est pas un secteur où il y a beaucoup de concurrence ou de commerce à l'échelle mondiale et la situation varie beaucoup d'un pays à l'autre à cause des divers types de combustibles. Il serait très difficile selon ces entreprises d'adopter une approche sectorielle pour l'industrie énergétique.

    À mon avis, c'est beaucoup plus facile d'envisager une telle chose pour l'industrie automobile, mais les intéressés demandent aussi ce qui arrivera au coût de l'énergie, aux consommateurs et à la fabrication à forte concentration d'énergie. C'est le genre de problème qui surgit si l'on se concentre sur un seul secteur.

+-

    M. Nathan Cullen: J'en conviens.

+-

    Le président: C'est tout pour vous, monsieur Cullen. Merci.

    Nous allons maintenant passer à M. Mills pour cinq minutes.

+-

    M. Bob Mills (Red Deer, PCC): Merci. J'espère que notre invité excusera mon retard mais j'ai été retenu ailleurs.

    Il y a quelques questions que j'aimerais poser. J'espère que d'autres ne l'ont pas déjà fait; si c'est le cas, je vous prie de me le dire. D'abord, quand nous consultons notre plan vert, nous n'y trouvons pas de mécanisme de reddition de comptes en ce qui a trait aux crédits de carbone au Canada. Je me demande comment nous pourrons y parvenir puisque nous sommes en mesure d'acheter des crédits à l'étranger. Selon vous, comment devrons-nous procéder pour nous assurer que ces transactions sont conformes aux objectifs du plan vert?

+-

    M. Elliot Diringer: Pour faire en sorte que les crédits produits au Canada...?

+-

    M. Bob Mills: Non, je pense plutôt à l'échelle internationale. Je ne vois pas comment nous pourrons exercer une surveillance ici au Canada. Ma question est donc celle-ci : Comment allons-nous pouvoir exercer une surveillance...? Quand nous disons que ces crédits correspondront à des projets verts sur la scène internationale—comment ferons-nous, ou tout autre pays, pour nous assurer que les résultats correspondent aux objectifs environnementaux; autrement dit, que ces projets seront bons pour l'environnement et que nous n'achetons pas tout simplement de l'air?

  +-(1210)  

+-

    M. Elliot Diringer: Eh bien, aux termes de Kyoto, on a créé le mécanisme du développement propre et tout un dispositif a été mis en place pour examiner les projets et leur donner le feu vert et vérifier que les crédits accordés sont bien réels.

    Or, il y a eu de nombreuses plaintes de la part des entreprises et d'éventuels pays hôtes qui estiment que ce dispositif est beaucoup trop bureaucratique et que les approbations tardent à venir. Je ne voudrais pas vous faire croire que le système est déjà parfait, mais j'estime que quand il atteindra sa vitesse de croisière, vous pourrez constater que les crédits achetés grâce au mécanisme de développement propre (MDP) correspondent effectivement à des réductions des émissions ou, du moins, à des émissions non produites.

    Quant aux pays qui ne sont pas des pays en développement et qui ne pourraient donc pas être l'hôte de projets dans le cadre du MDP, ce n'est pas un sujet sur lequel nous nous sommes penchés dans le cadre de notre travail, mais je sais que d'autres ont examiné la question de très près et ont proposé divers types d'ententes susceptibles d'être négociées de gouvernement à gouvernement afin de faire en sorte que tout le produit de la vente de crédits soit réinvesti dans des projets verts. J'estime qu'il y aura des négociations entre des gouvernements et que, dans le cadre de ces négociations, il s'agira de mettre en place les mécanismes de surveillance jugés nécessaires.

+-

    M. Bob Mills: Chacun de nous pourrait aisément s'interroger sur l'efficacité de l'ONU. Quand nous songeons à la situation en Iraq, nous constatons que cela ne s'est pas très bien passé. Le risque de corruption, de bureaucratisation et tout le reste me porte à croire que nous ne serons peut-être pas en mesure de surveiller ces projets. Bien entendu, il y a aussi toute la dimension politique puisque d'autres pays ne voudront pas que le pays acheteur s'ingère dans leurs affaires. Je ne suis pas tout à fait aussi optimiste que vous quant à la faisabilité ou à la probabilité d'une surveillance efficace.

    Permettez-moi de passer à autre chose. Les pays du G-77 nous ont dit, entre autres, qu'ils ne sont pas intéressés à travailler avec nous tant que nous n'aurons pas respecté nos engagements. Autrement dit, ils disent que si le Canada ne réduit pas ses émissions de 6 p. 100 par rapport au niveau de 1990 et que si le Japon et la plupart des autres pays n'atteignent pas non plus leurs objectifs, ils ne sont pas intéressés à négocier au-delà de 2012.

    Nous n'atteindrons pas nos cibles. À l'heure actuelle, nos émissions ne diminuent pas, elles augmentent, et de nombreux autres pays se retrouvent dans la même situation que nous. Si vous parlez aux politiciens européens, ils vous diront qu'ils auront énormément de mal à atteindre leurs cibles. Le Japon en admet autant. Comment allons-nous inciter les pays en développement à participer quand c'est le message qu'ils reçoivent?

+-

    M. Elliot Diringer: J'étais à Bonn il y a quelques semaines pour la plus récente ronde de négociations sur le climat. Pour l'occasion, les gouvernements ont organisé un colloque d'experts gouvernementaux. Leur objectif était de dégager à l'intérieur du processus formel un espace de discussion informelle au sujet des efforts courants et des possibilités pour l'avenir.

    Certains des pays en développement ont fait des observations comme celles que vous avez évoquées, insistant essentiellement sur le fait qu'ils ne sont pas prêts à prendre d'engagement tant que les pays industrialisés n'ont pas tenu les leurs, mais ce point de vue ne faisait pas l'unanimité. Certains pays en développement ont fait des propositions précises au sujet de la façon de structurer les futurs engagements et ils ont d'ailleurs demandé que la conférence de Montréal prévue pour plus tard cette année aboutisse à l'ouverture d'une nouvelle ronde de négociations.

    J'estime donc que c'est une erreur de voir le G-77 comme une structure monolithique. Les intérêts des pays membres du G-77 varient énormément, allant de ceux des petits États insulaires aux pays de l'OPEP. Pour ne prendre que ces deux exemples, on constate des points de vue presque diamétralement opposés sur certains des enjeux.

    Il est important de rappeler qu'une entente a été conclue en 1992 entre les pays en développement et les pays industrialisés. On a convenu à l'époque que par simple souci d'équité, les pays industrialisés devaient être les premiers à agir. On a peut-être supposé, sans le dire, que les pays en développement assumeraient eux aussi leurs responsabilités dès que les pays industrialisés seraient passés à l'action.

    Si les pays industrialisés n'atteignent pas leurs objectifs, alors j'admets qu'il sera très difficile d'obtenir ou d'exiger des pays en développement qu'ils prennent des mesures plus volontaristes. Or, j'estime que si les pays industrialisés continuent de déployer des efforts toujours plus grands et réussissent à se rapprocher de leurs cibles, un nombre croissant de pays en développement en viendront à comprendre qu'il en va de leur intérêt supérieur de faire leur part et il est à espérer qu'avec le temps, nous pourrons obtenir des efforts concertés de toute la communauté internationale.

  +-(1215)  

+-

    Le président: Ce sont des rondes de cinq minutes maintenant.

    Monsieur Wilfert, vous avez cinq minutes.

+-

    L'hon. Bryon Wilfert (Richmond Hill, Lib.): Merci, monsieur le président.

    J'ai remarqué qu'au début vous nous avez félicités du soutien que nous accordons au protocole. Je sais que le ministère de l'Environnement a communiqué avec votre centre—probablement même avec vous—au moment de la préparation du plan d'action en matière de changements climatiques rendu public en avril. Auriez-vous l'obligeance de commenter les outils que nous avons choisis dans le cadre du plan d'action et nous expliquer ce qui vous amène à dire que c'est probablement, parmi les plans de tous les pays du G-7, celui ou l'un de ceux qui permettra le mieux d'atteindre les cibles que nous nous sommes fixées.

+-

    M. Elliot Diringer: Je connais les grandes lignes du plan. Je n'en connais pas tous les détails et nous ne l'avons certainement pas analysé. Il me semble qu'il constitue une sérieuse tentative de mettre en place tous les éléments d'une stratégie qui permettra au Canada d'atteindre les cibles du Protocole de Kyoto.

    J'ai été étonné de la lourde dépendance sur l'achat de crédits. Il me semble que le gouvernement propose de créer un marché en misant beaucoup plus lourdement sur le financement public pour créer la demande tandis que normalement, on aurait plutôt fixé des limites à l'intérieur desquelles les émetteurs pourraient échanger des crédits entre eux.

    Il faudra voir s'il y a et s'il continuera d'y avoir suffisamment de soutien politique au Canada pour maintenir le financement public à un niveau suffisant pour assurer la pérennité de ce marché. Il faudra en priorité alimenter ce marché au Canada et, au besoin, aller à l'étranger pour acheter des crédits. Je prévois que le jour viendra où il faudra se tourner vers le marché international puisque, même avec un financement public suffisant, il sera probablement impossible de trouver suffisamment de crédits sur le marché intérieur qui se vendront à un prix inférieur au prix international.

+-

    Le président: Merci.

    La parole est de nouveau à M. Simard.

[Français]

+-

    M. Christian Simard (Beauport—Limoilou, BQ): Merci.

    Je reviendrai sur des éléments critiques plus tard, mais il y a un sujet que je trouve particulièrement intéressant dans votre texte. Il s'agit des compensations pour les pays victimes des changements climatiques ou de catastrophes climatiques. Vous avez prévu deux niveaux, si je me rappelle bien votre présentation. Le premier est pour les pays les plus démunis. Un fonds spécial est prévu avec les différentes banques de développement pour venir en aide à ces pays dans le cas d'une catastrophe climatique. Pour les pays en transition, vous proposez plutôt un genre d'assurance.

    Comment cette idée est-elle reçue? Comment cela pourrait-il être mis en place de façon concrète? Comment fait-on pour déterminer qu'une catastrophe est directement liée aux changements climatiques? Y aurait-il des contentieux, des litiges? J'aimerais vous entendre davantage sur cette question.

[Traduction]

+-

    M. Elliot Diringer: Ce sont toutes de très bonnes questions.

    Je signalerai d'emblée que de notre recherche, il est ressorti clairement que la réflexion sur les approches d'atténuation est beaucoup plus avancée que celle sur l'adaptation. Nous n'avons pas encore cerné la question de l'adaptation. C'est vrai de la recherche en général, et c'est vrai de nos propres travaux aussi. Je vous soumettrai que ce que je propose à ce stade-ci, ce sont des concepts généraux; nous n'avons aucunement élaboré un modèle pratique comportant tous les détails.

    Cela étant, une possibilité, à mon sens, serait d'établir, soit au sein d'une institution nationale existante ou d'une nouvelle institution internationale, un accord en vertu duquel les pays donateurs s'engagent à fournir des fonds régulièrement à hauteur d'un niveau donné. À l'heure actuelle, quand il y a des catastrophes naturelles, les pays donateurs fournissent de l'assistance financière, mais comme cela est fait après coup, il faut attendre un certain temps avant que l'intervention ne prenne effet. En revanche, si les pays donateurs s'entendaient sur un flux régulier de fonds, s'ils s'engageaient à fournir périodiquement des sommes déterminées, on pourrait alors instituer un fonds dans lequel on pourrait puiser pour fournir de l'aide en cas de catastrophes.

    Comme vous l'avez indiqué, je propose la création d'un système à deux niveaux, où on fournirait, d'une part, de l'aide aux pays plus pauvres, et, d'autre part, une sorte d'assurance, et si vous me passez l'expression, aux pays en développement mieux nantis. S'agissant de l'assurance, je pense que se serait une bonne idée d'explorer la possibilité de faire intervenir des compagnies d'assurances privées dans une telle démarche. Les pays donateurs pourraient assurer le financement nécessaire, mais peut-être serait-il préférable que le programme d'aide soit administré par une compagnie privée, l'idée étant d'offrir différentes sortes d'assurances liées au climat. Il pourrait y avoir des assurances en cas de perte de récolte par suite de sécheresse prolongée et des assurances pour couvrir les zones côtières en cas de crue du niveau de la mer. Cette question devrait être approfondie, notamment ce qui a trait aux différents types d'instruments à utiliser, les types d'assurances à offrir ainsi que les taux qu'on pourrait offrir aux pays.

    Un des avantages potentiels de l'assurance est qu'on peut l'utiliser pour encourager ces pays à entreprendre des efforts d'adaptation proactifs. En effet, si les pays adoptent des stratégies d'adaptation, leurs primes d'assurance pourraient être réduites.

  +-(1220)  

[Français]

+-

    M. Christian Simard: Merci.

    Maintenant, après les fleurs, je vous enverrai peut-être le pot. Il y a un aspect de votre présentation que je comprends moins bien.

    Je comprends que l'idée des fonds pour les compensations et les assurances aurait besoin d'être développée. C'est une idée qui est absolument importante.

    Je vois des ressemblances entre le plan canadien et certains principes que vous mettez de l'avant. La question que je me pose porte sur les résultats. Vous avez parlé un peu d'une architecture flexible. Par contre, on a besoin de résultats. Il faut stopper les changements climatiques.

    Au Canada, dans le plan d'action, on a des mesures comme l'architecture flexible, la prise en compte de la compétition entre les pays, beaucoup de compréhension des objectifs différents par secteur, même si c'est inéquitable dans l'absolu, pour s'assurer que tout le monde avance à son rythme. Or, jusqu'à maintenant, ces mesures n'ont pas abouti à des résultats tangibles. Après quelques années, on en est encore à 28 p. 100 de l'objectif. On a dépassé le niveau d'émissions de 1990 de 20 p. 100. On n'a pas diminué les émissions tel qu'on s'était engagés à le faire dans le Protocole de Kyoto.

    On s'aperçoit également que, lorsque les approches volontaires ont un peu de succès, comme dans le domaine de l'automobile, c'est parce que les États américains ont imposé une réglementation. On profite de leur réglementation pour adopter une approche volontaire au Canada.

    Est-il véritablement possible de continuer à développer la technologie des secteurs qui ont de fortes émissions au lieu d'aider surtout des secteurs qui sont efficaces sur le plan énergétique et qui émettent peu de gaz à effet de serre? Je ne comprends pas comment on peut favoriser l'industrie polluante pour favoriser la concurrence et ne pas réorienter les économies de façon réglementaire ou contraignante vers des sources plus propres.

    Je trouve qu'il y a de beaux voeux, de belles intentions dans votre analyse. Cependant, j'ai peur qu'on obtienne peu de résultats en fin de compte.

  +-(1225)  

[Traduction]

+-

    M. Elliot Diringer: En dernière analyse, je crois que seulement nos efforts donneront des résultats concrets, et ces résultats seront à la hauteur du défi, à condition d'avoir suffisamment de volonté politique. Or, je ne pense pas que la volonté politique soit suffisamment forte aux États-Unis, et c'est peut-être le cas aussi d'autres pays. J'ai l'impression que l'Union européenne, du moins à ce stade-ci, possède une volonté plus politique suffisante pour piloter les efforts qui lui permettront de respecter ses engagements.

    Bien entendu, la volonté politique dépend d'une palette de facteurs : la politique électorale, l'attention médiatique et le climat. Je pense que si nous parvenions à une meilleure compréhension de ce qui est nécessaire pour générer la volonté politique, nombre de ces problèmes qui semblent tellement difficiles nous paraîtraient soudainement beaucoup plus faciles. Par ailleurs, nous sommes engagés dans une discussion d'orientation quelque peu théorique et nous amenons les décideurs et les parties prenantes à explorer les possibilités, sachant très bien qu'aucune de ces possibilités ne se concrétisera à moins que la population ne prenne une part active directement dans ces débats et qu'elle fasse passer le message clairement aux gens qui se trouvent dans cette salle et à leurs homologues ailleurs dans le monde que c'est un problème grave qui nécessite une action renforcée, sans plus tarder.

+-

    Le président: Merci de ces questions.

    Nous terminerons là-dessus. Je vous rappelle que nous avons une réunion du comité de direction. À moins qu'un des membres du comité veuille poser une dernière question, nous allons fixer une date pour clore nos travaux.

    Monsieur McGuinty, si vous désirez commencer...

+-

    M. David McGuinty: Merci, monsieur le président.

    Monsieur Diringer, la réunion de Montréal arrive bientôt. Comme nous sommes le gouvernement hôte dont le ministre de l'Environnement assure la présidence de la réunion, est-ce que je peux vous mettre sur la sellette et vous demander de nous parler quelque peu des 39 membres du BELC, et plus important, pouvez-vous nous parler de ce que vous décrivez comme étant des interlocuteurs hors ligne de 25 organismes et pays différents? Si nous devions discuter en vue de parvenir à un consensus, qu'est-ce que ces acteurs souhaiteraient voir émaner de la discussion de Montréal?

+-

    M. Elliot Diringer: Je suis heureux d'être mis sur la sellette, mais je dois commencer par des réserves. Je ne peux pas vraiment parler au nom des 39 compagnies ni des 25 participants au dialogue. Par contre, parlant au nom du Centre Pew, je pense qu'un élément dont nous avons absolument besoin à Montréal, c'est la décision d'amorcer un processus—un processus axé sur l'avenir qui incite les gouvernements à examiner activement les possibilités pour après 2012.

    Je ne prévois pas qu'il y aura suffisamment d'accord sur quelque chose d'aussi important qu'un mandat, mais je pense qu'on s'entendra, à tout le moins, sur un ensemble de mesures pour mettre en branle un processus en vertu duquel les gouvernements, individuellement et collectivement, exploreraient les différentes possibilités, et la prochaine fois qu'ils se réuniront, en discuteraient davantage, Je pense que c'est crucial. Ce que nous faisons dans notre processus de dialogue, c'est justement analyser ces possibilités, mais cela continuera d'être un exercice théorique à moins qu'il y ait un processus formel, un processus intergouvernemental, pour considérer activement la possibilité de tenir de véritables négociations à un moment donné à l'avenir.

    Une des questions consiste à savoir si ce processus sera lancé en vertu du Protocole de Kyoto ou sous la houlette de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Si c'est la deuxième option qu'on retient, cela donne à tout le moins la possibilité d'une plus grande participation, mais cela exigera l'accord de toutes les parties à la Convention cadre avant de lancer le processus.

  +-(1230)  

+-

    M. David McGuinty: En 1992, j'ai eu le privilège de participer au Sommet de Rio. Portant trois chapeaux différents, j'ai réussi à frayer mon chemin à travers un processus où trois groupes se livraient à des monologues intérieurs : les PDG d'entreprises étaient réunis dans une salle, le processus intergouvernemental se déroulait dans une autre salle et le forum des ONG, dans une troisième salle. C'était il y a presque 14 ans. Nous avons fait beaucoup de chemin en 13 ou 14 ans.

    Que pouvons-nous faire en tant que pays hôte de cette rencontre intergouvernementale internationale pour montrer que les trois groupes d'acteurs sur la scène mondiale ont atteint un nouveau degré de maturation et de compréhension aujourd'hui? Devrions-nous réfléchir à beaucoup plus que la simple accréditation des ONG et leur participation? Escomptez-vous le même degré d'antagonisme de la part des différentes parties du monde? Que pouvons-nous faire, du point de vue du processus, pour améliorer et refléter les progrès que nous avons réalisés pour ce qui est d'éliminer les barrières et de promouvoir la compréhension et, somme toute, pour rappeler à tout le monde que nous partageons tous la même atmosphère?

+-

    M. Elliot Diringer: Je pense que parmi les groupes accrédités à titre d'observateurs, vous trouverez tout l'éventail, ou presque tout l'éventail, de points de vue représentés. Au fil des ans, les événements parallèles se déroulant en marge d'une circonférence sont devenus plus visibles et plus riches. Ces dernières années, bon nombre des participants aux conférences ont eu l'impression que la véritable valeur se trouvait du côté des événements parallèles plutôt qu'à la conférence même.

    J'espère que ce ne sera pas le cas à Montréal. J'espère que le niveau du dialogue dans le cadre du processus sera aussi riche que celui qu'on trouvera dans les événements parallèles, mais je pense néanmoins qu'il y aura bien des gens qui viendront faire montre de leurs efforts en cours. C'est pourquoi je pense que le fait de leur donner l'occasion de faire montre de leurs efforts pourrait s'avérer fort utile.

    On pourrait peut-être aussi envisager une réunion pendant la portion ministérielle de la conférence de représentants de haut niveau des gouvernements et entreprises et de la société civile pour qu'ils amorcent un dialogue. Comme vous le dites, c'est une chose pour eux de se parler et de se rencontrer séparément, mais je pense qu'il y a eu beaucoup de progrès en 14 ans; je pense que la compréhension mutuelle est beaucoup plus grande sur ces sujets. Je pense qu'un aspect crucial est de faire progresser des engagements plus étroits, en particulier par le milieu des affaires, dans ce processus dès le départ. Je pense donc qu'un dialogue de haut niveau entre ces parties pourrait être utile.

+-

    Le président: Merci, monsieur McGuinty.

    Une dernière question. Pour le comité, la CDP 11 est une occasion de fixer des objectifs et cette question était posée, monsieur Diringer, pour obtenir des réactions. Si vous avez d'autres idées ou objectifs qui pourraient aider le comité au sujet du processus, nous y ferions bon accueil, il suffit que vous nous les fassiez parvenir par écrit.

    Monsieur Jean puis monsieur Cullen.

+-

    M. Brian Jean: Merci, monsieur le président.

    Très rapidement, je sais que vous êtes directeur des stratégies internationales et que cette question peut ne pas relever de votre compétence et s'écarter un peu du sujet, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez des données scientifiques. Il est évident qu'il y a un effet, quiconque a des yeux peut voir que notre climat change et que cela a des conséquences extraordinaires sur l'humanité. Mais que pensez-vous du débat sur l'aspect scientifique? Nous avons entendu des experts des deux côtés et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, si vous le voulez bien.

+-

    M. Elliot Diringer: Mon avis sur l'aspect scientifique découle du consensus créé par le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, qui a été en gros adopté par le comité de la U.S. National Academy of Sciences. Peu après son arrivée au pouvoir, le président Bush a demandé à la NAS d'étudier la question de la climatologie. Le rapport du comité concordait avec celui du groupe intergouvernemental, pour ses éléments essentiels : un réchauffement est en cours qui résulte en partie de l'activité humaine et que si la tendance actuelle se maintient, on peut s'attendre à en voir davantage, et à ce que cela s'aggrave.

    Il y a bien sûr des incertitudes importantes. Certaines se rapportent à l'aspect scientifique et il est important de poursuivre les efforts de recherche pour éliminer le plus d'incertitudes. Je crois qu'aux États-Unis, on a présenté le débat, ou on l'a perçu, comme plus divisé qu'il n'est réellement. On a tendance à voir des scientifiques d'un côté, et des scientifiques de l'autre alors qu'en fait, la plupart des scientifiques sont du même côté contre une petite poignée, de l'autre. Je ne sais pas dans quelle mesure c'est perçu de la même façon au Canada, mais j'ai l'impression que dans l'ensemble du monde, il y a un consensus scientifique accepté. Je crois qu'en gros, les aspects fondamentaux des données scientifiques sont acceptés par le public américain, mais qu'au sein de la culture politique, on continue de percevoir une division égale entre les deux côtés au sein de la communauté scientifique et nous avons peut-être encore du travail à faire pour corriger cette perception.

  +-(1235)  

+-

    M. Brian Jean: Vous dites que c'est en partie causé par le développement humain. A-t-on une idée du pourcentage? Je sais que c'est une question très difficile compte tenu des données dont nous disposons.

+-

    M. Elliot Diringer: Je suis convaincu qu'on a déjà beaucoup spéculé à ce sujet et qu'on en a même fait des analyses très avancées. Je n'oserais pas... Je ne peux pas vous présenter un chiffre. Je sais toutefois que beaucoup de scientifiques estiment que l'activité humaine est la principale cause de ces changements.

+-

    M. Brian Jean: Merci. Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui.

+-

    Le président: Merci, monsieur Jean.

    M. Cullen est le suivant.

+-

    M. Nathan Cullen: J'ai une courte question au sujet de ce que nous avons perçu comme une réussite par État dans la lutte contre les changements climatiques aux États-Unis, par rapport au niveau fédéral. J'aimerais savoir. On nous dit que 35 ou 39 États, environ, ont fait des progrès pour atteindre leurs propres objectifs de Kyoto, dans la lutte contre le changement climatique. Avez-vous des observations à ce sujet.

    Deuxièmement, dans les États américains et au palier fédéral, qu'est-ce qui a été fait en vue de l'utilisation du système fiscal?

+-

    M. Elliot Diringer: Tout d'abord, au sujet des chiffres, je suis désolé, je n'ai pas ce renseignement ici. Nous avons en réalité fait beaucoup de travail pour voir ce qui se produisait dans chaque État. Je crois qu'il y a 35 ou 38 États qui ont des normes pour les énergies renouvelables, et cela ne découle pas nécessairement seulement ni principalement de raisons liées au climat. Un nombre croissant d'États ont instauré ces exigences concernant l'énergie renouvelable.

    Je vous transmettrai volontiers des documents sur les efforts des États américains. On ne semble pas très intéressé à recourir au régime fiscal pour régler ce problème. Il y a toutefois une exception importante, soit l'annonce faite récemment par Duke Energy, l'un des principaux services publics des États-Unis. Cette société s'est prononcée pour le recours à une taxe sur les hydrocarbures pour lutter contre ce problème. Cela m'a semblé intéressant, d'abord, parce que cette société est en faveur d'une solution qui crée des obligations et ensuite, parce que l'instrument retenu est une taxe.

    Mais cette solution n'a pas la faveur des politiciens. Depuis quelque temps déjà, dans ce milieu, on estime qu'une taxe n'est pas une bonne solution. Très tôt dans l'administration Clinton, on a proposé une taxe sur les BTU, un échec retentissant.

+-

    M. Nathan Cullen: Je pourrais peut-être clarifier la question. Ce n'est pas tellement le fait de créer de nouvelles taxes sur le carbone ou quoi que ce soit, mais un régime fiscal plus progressif qui compense et met en lumière—favorise—les industries ou les consommateurs qui font des choix avantageux pour le changement climatique.

+-

    M. Elliot Diringer: En effet, plusieurs crédits d'impôt sont disponibles—par exemple, pour l'énergie éolienne ou pour l'achat de véhicules hybrides—, mais c'est à peu près tout ce que nous avons fait par rapport aux politiques fiscales.

+-

    Le président: Merci.

    Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Bigras, ça va? D'accord.

    Monsieur Diringer, merci beaucoup d'avoir été là. Encore une fois, d'après les questions, vous pouvez constater que le comité s'attaque évidemment à une stratégie multisectorielle, et vous avez ajouté la dimension des pays en développement à cette équation si importante qui réduira les gaz à effet de serre et le carbone. Merci de nous avoir fait part de vos connaissances aujourd'hui.

    S'il y a des renseignements que vous jugez utiles au comité, tant pour le fond que pour le processus... comme je l'ai dit, la CDP 11 se pointe à l'horizon à Montréal. Nous voyons cela comme une occasion importante d'influer sur les événements, et si vous avez d'autres réflexions que vous aimeriez nous communiquer, nous vous en serions reconnaissants.

  -(1240)  

+-

    M. Elliot Diringer: J'y penserai sans faute. Merci de l'invitation et de l'occasion, et j'ai hâte de vous voir tous ou certains d'entre vous à Montréal.

-

    Le président: Merci beaucoup.

    Membres du comité, ceci met fin à notre séance. Nous aurons une petite séance du comité de direction. La séance est levée.