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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 19 novembre 2002




¹ 1535
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.))
V         M. Alex Neve (secrétaire général, Section anglaise, Amnistie internationale (Canada))

¹ 1540
V         M. Michael Bossin (président sortant, Section des réfugiés, Amnistie internationale (Canada))

¹ 1545
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Jeannette Meunier-McKay (vice-présidente exécutive nationale, Syndicat des centres d'emplois et immigration Canada)

¹ 1550
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Janet Dench (directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés)
V         M. Nick Summers (vice-président, Conseil canadien pour les réfugiés)

¹ 1555
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Richard Goldman (membre, Conseil d'administration, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes)
V         Mme Michèle Jenness (porte-parole, Programme d'aide aux réfugiés du Vermont, Vermont Immigration Project, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes)

º 1600
V         M. Richard Goldman
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Judith Kumin (déléguée au Canada, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés)

º 1605
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)

º 1610
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         M. Alex Neve
V         Mme Janet Dench
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)

º 1615
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Alex Neve
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Judith Kumin
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Nick Summers
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)

º 1620
V         Mme Janet Dench
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.)

º 1625
V         M. Alex Neve
V         M. Yvon Charbonneau
V         M. Alex Neve
V         M. Yvon Charbonneau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Janet Dench
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Yvon Charbonneau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Alex Neve
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Judith Kumin

º 1630
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD)
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Michael Bossin
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Alex Neve

º 1635
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Janet Dench
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Janina Lebon (vice-présidente nationale, Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada)
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Buti Kale (agent principal de la protection, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés)
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Nick Summers

º 1640
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC)
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Alex Neve
V         M. Inky Mark
V         M. Alex Neve
V         M. Inky Mark
V         M. Alex Neve
V         Mme Janina Lebon

º 1645
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Judith Kumin
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Nick Summers

º 1650
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Janina Lebon
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Michael Bossin
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Judith Kumin

º 1655
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Betty Hinton (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, Alliance canadienne)
V         M. Alex Neve
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Betty Hinton
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Janina Lebon
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral

» 1700
V         Mme Janet Dench
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Buti Kale

» 1705
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Alex Neve
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Andrew Telegdi
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Janet Dench

» 1710
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Michèle Jenness
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Alex Neve

» 1715
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Nick Summers
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Jeannette Meunier-McKay

» 1720
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Janina Lebon
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Judith Kumin

» 1725
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Nick Summers
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Janet Dench
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Alex Neve
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Yvon Charbonneau

» 1730
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Alex Neve
V         Mme Janet Dench
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Jeannette Meunier-McKay
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Yvon Charbonneau

» 1735
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Lynne Yelich
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Inky Mark
V         M. Nick Summers
V         M. Inky Mark
V         M. Nick Summers
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Alex Neve
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Judith Kumin

» 1740
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Jeannette Meunier-McKay
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Jeannette Meunier-McKay
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral

» 1745
V         M. Alan Lennon (représentant syndical principal, Syndicat des centres d'emploi et d'immigration Canada)
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Judith Kumin
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Andrew Telegdi

» 1750
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Yvon Charbonneau
V         M. Nick Summers
V         M. Yvon Charbonneau
V         M. Nick Summers
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Yvon Charbonneau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Inky Mark

» 1755
V         Mme Janet Dench
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 004 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 19 novembre 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)): Mesdames et messieurs, afin que nous ne perdions pas de temps, je déclare la séance ouverte. Je constate qu'il n'y a pas autant de collègues présents que je l'aurais voulu, mais je tiens à vous assurer que tous vos témoignages seront versés au compte rendu et seront étudiés par le comité et les membres en général, et nos attachés de recherche ainsi que d'autres personnes examineront soigneusement ces témoignages. Nous n'avons pas autant de gens ici que nous en avons habituellement, mais il est possible qu'en raison de leurs fonctions ils soient appelés ailleurs, après quoi ils reviendront.

    Nous accueillons plusieurs groupes aujourd'hui et je vais donc simplement donner le nom de la personne principale qui pourra alors présenter les personnes qui l'accompagnent.

    D'Amnistie internationale, nous accueillons Alex Neve; du Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada, nous accueillons Jeannette Meunier-McKay; du Conseil canadien pour les réfugiés, nous accueillons Janet Dench; de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, nous entendrons Michèle Jenness; et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Judith Kumin.

    Nous pouvons commencer par de brèves exposés d'une durée de cinq à dix minutes. Ensuite, nos membres poseront des questions.

    Alex, vous avez la parole.

+-

    M. Alex Neve (secrétaire général, Section anglaise, Amnistie internationale (Canada)): Je vous remercie, monsieur le président, et bon après-midi aux membres du comité.

[Français]

    Je suis Alex Neve, secrétaire général d'Amnistie internationale au Canada, section anglaise. M. Michael Bossin, qui est membre de notre réseau sur les réfugiés, m'accompagne.

[Traduction]

    Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous cet après-midi pour vous communiquer nos préoccupations et nos recommandations concernant le règlement que vous êtes en train d'étudier.

    Notre principale préoccupation concernant la désignation des États-Unis comme tiers pays sûr, c'est que les réfugiés authentiques qui souhaitent présenter des demandes au Canada se verront privés de la protection à laquelle ils ont droit et que des nombres considérables de demandeurs d'asile feront l'objet d'une détention arbitraire et longue dans des conditions qui sont loin de correspondre aux normes internationales. Amnistie internationale ne s'oppose pas à la coopération internationale. En fait, nous encourageons activement les gouvernements à travailler davantage en collaboration pour assurer une véritable protection aux réfugiés du monde entier. Mais il est évident que la coopération entre les gouvernements devrait déboucher sur des normes améliorées de protection et non sur des normes inférieures et même illégales.

    Au cours des sept dernières années, Amnistie a fait de nombreuses représentations auprès du gouvernement du Canada afin de signaler les problèmes qui existent dans le cadre du système de réfugiés des États-Unis, des façons dont la protection aux États-Unis ne respecte même pas les normes internationales minimales. Cela comprend la détention. La loi américaine rend obligatoire la détention des demandeurs d'asile qui arrivent sans les documents voulus ou qui arrivent par voie de mer. Ils sont souvent détenus indéfiniment, enfermés aux côtés de criminels condamnés, et parfois traités eux-mêmes comme des criminels, soumis à des fouilles à nu, enchaînés, victimes de violence verbale et physique. Cependant, contrairement aux criminels, ils se voient privés de toute possibilité de libération conditionnelle.

    Les conditions de détention sont souvent inhumaines et dégradantes, et les demandeurs du statut de réfugié sont souvent déplacés d'un établissement à l'autre sans que leur avocat en soit averti. Un grand nombre d'entre eux se voient privés de la possibilité de communiquer avec leur famille, leur avocat et des organisations qui pourraient leur venir en aide. Personne ne devrait faire l'objet d'une détention arbitraire. Personne ne devrait être détenu dans des conditions qui équivalent à un traitement cruel et inhumain, et surtout pas des réfugiés dont beaucoup ont été témoins d'horreurs indescriptibles et ont été victimes de terribles violations des droits de la personne.

    Nous avons signalé par ailleurs que les femmes sont en danger aux États-Unis lorsque leurs demandes du statut de réfugié sont fondées sur des formes de persécution sexiste, comme la violence conjugale, les crimes d'honneur et le trafic de femmes dans le cadre du commerce du sexe. Le droit international et la démarche canadienne en matière de protection des réfugiés reconnaissent que ces formes de préjudice constituent de graves abus de droits tels que le droit à la vie et le droit à ne pas être soumis à la torture, et que les femmes ont le droit de s'attendre à ce que leur propre gouvernement les protège contre de tels mauvais traitements. Mais lorsque cette protection n'est pas assurée, en raison de la mauvaise volonté ou de l'incapacité du gouvernement en cause, les femmes doivent pouvoir se tourner vers un autre pays pour obtenir cette protection sous la forme de la protection des réfugiés. Un grand nombre de demandes fondées sur le sexe sont rejetées aux États-Unis. Il ne fait aucun doute que cette entente mettra les femmes en danger. Il importe de souligner que le résumé de l'étude d'impact de la réglementation qui accompagne le règlement reconnaît même qu'il existe une différence entre le Canada et les États-Unis pour ce qui est du traitement des demandes fondées sur le sexe. Compte tenu de cet aveu, nous considérons qu'il incombe sûrement au gouvernement de proposer maintenant une solution.

    Enfin, aux États-Unis, le système de réfugiés pénalise les demandeurs du statut de réfugié qui arrivent munis de documents frauduleux ou sans papier d'identité. Les réfugiés authentiques ont souvent de la difficulté à obtenir des papiers d'identité ou à fuir leur pays en étant munis de papiers d'identité. Pourtant, aux États-Unis, les réfugiés qui ne sont pas munis des documents voulus sont assujettis à une procédure dite de renvoi accéléré où ils n'ont aucun accès à un avocat et où le risque d'être déportés du pays de façon sommaire sont très grands.

    Nous sommes déçus de constater que le gouvernement ait décidé de conclure cette entente avec les États-Unis, même si elle risque de rendre le Canada complice de violations des droits fondamentaux d'un nombre incalculable de demandeurs du statut de réfugié. Le règlement que vous êtes en train d'étudier représente un dernier moyen de nous assurer que cette entente n'entraînera pas d'autres violations des droits de la personne.

    Notre mémoire formule un certain nombre de recommandations. Mon collègue, Michael Bossin, aimerait maintenant vous communiquer certaines des solutions recommandées.

¹  +-(1540)  

+-

    M. Michael Bossin (président sortant, Section des réfugiés, Amnistie internationale (Canada)): Merci, Alex.

    Tout d'abord, Amnistie Internationale ne croit pas que les procédures liées au droit d'asile doivent être les mêmes aux États-Unis et au Canada. Toutefois, nous sommes d'avis que lorsque des règles différentes touchent les droits fondamentaux d'un demandeur—tel le droit à la liberté, à l'intégrité physique et mentale et à la vie— les effets négatifs de telles différences devraient être minimisés dans toute la mesure du possible, surtout lorsque ces différences vont à l'encontre des normes internationales. Comme l'a dit Alex, c'est par les règlements qu'on peut y parvenir. Nous espérons ainsi que ces règlements, dans toute la mesure du possible, pourront égaliser plus ou moins les choses entre les États-Unis et le Canada lorsqu'il s'agit du respect de ces droits fondamentaux.

    Le HCNUR et Amnistie ont l'un et l'autre recommandé que le Canada crée dans les règlements une exception pour les demandeurs d'asile qui entreraient dans la catégorie des procédures de renvoi accéléré aux États-Unis et/ou qui seraient détenus en contravention des normes internationales. Comment s'y prendre? Nous avons fait certaines suggestions d'amendements possibles à apporter au règlement et nous avons soumis les libellés appropriés.

    Nous proposons que le Canada applique ses propres normes en ce qui concerne la détention. Nous détenons des gens lorsqu'ils représentent un danger pour la population; lorsqu'ils ne se présentent pas à une audience ou pour leur renvoi, devant nos autorités ou lorsque nous ne pouvons vérifier leur identité. Ces critères sont à notre avis conformes aux normes internationales. C'est donc ceux-ci que nous voudrions voir appliqués. Quelqu'un qui arriverait à un point d'entrée ne serait pas détenu selon les normes canadiennes mais le serait aux États-Unis, par exemple, parce qu'il ou elle n'a pas la pièce d'identité voulue, nous devrions l'autoriser à bénéficier de notre système sans être assujetti aux genres de détentions et mesures arbitraires qui ne satisfont pas aux normes internationales décrites par Alex.

    De même, pour les demandes liées à la discrimination sexuelle, il devrait pouvoir y avoir une exemption. Notons toutefois que ces deux questions se chevauchent souvent. Des femmes qui ont été victimes d'actes horribles de violence aux mains de leur partenaire ou de leur mari mais dont les demandes sont rejetées aux États-Unis sont souvent gardées en détention. Il faudrait au minimum surveiller de très près la façon dont sont traitées ces personnes dans les deux pays parce que l'entente va être réexaminée et c'est un problème qu'il faudra souligner.

    On peut se demander si cela ne risquerait pas de porter à des abus, si une femme arrive à la frontière canadienne pour y dire qu'elle craint d'être persécutée du fait de son sexe et invoque cela comme argument pour entrer au pays. Il y a évidemment dans toute procédure la possibilité d'abus mais il existe des moyens d'y remédier. Ces personnes devraient avoir une audience. Si leur revendication n'est pas fondée, cela ne veut pas dire qu'elles seraient acceptées. On peut espérer que le système fonctionnerait de façon à ce que les revendications non authentiques soient traitées rapidement et que les personnes qui ne risquent pas la persécution soient renvoyées. Il est bien préférable de procéder ainsi que les remettre dans un système où leur vie est menacée.

    Enfin, pour ce qui est des installations de détention, nous estimons qu'il n'est pas normal de garder des gens dans des installations qui ne satisfont pas aux normes internationales et nous avons demandé une exemption à cet égard. Ce n'est pas facile à décider pour les gens qui sont au point d'entrée. Cela demande une certaine formation et des lignes directrices pour les responsables qui doivent décider si quelqu'un que l'on renvoie aux États-Unis serait détenu dans des installations que nous considérerions satisfaire aux normes internationales.

    Merci.

¹  +-(1545)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup.

    Nous avons cinq groupes. L'une des difficultés que nous allons rencontrer est que nous manquons de temps. Nous devons essayer d'être équitables. Si nous donnons à chaque groupe 15 minutes plutôt que 10, les derniers groupes n'auront pas suffisamment de temps. D'autre part, mes collègues n'auront plus le temps de vous poser des questions et vous demander de préciser certaines choses.

    Si vous pouviez donc essayer d'être brefs, cela nous permettrait d'avoir plus de temps pour les questions. Si vous pouviez nous donner simplement les points essentiels de votre exposé, ce serait très apprécié. Cela donnerait assez de temps à tout le monde... J'espère que nous pourrons faire deux ou trois tours lorsque nous poserons nos questions. Toutefois, avec cinq groupes, la logistique est un peu difficile et j'aimerais donc que tout le monde coopère.

    Nous allons maintenant passer au Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada, représenté par Jeannette-Meunier-McKay.

+-

    Mme Jeannette Meunier-McKay (vice-présidente exécutive nationale, Syndicat des centres d'emplois et immigration Canada): Bonjour. Merci beaucoup de nous donner cette occasion de comparaître devant le comité. Je m'appelle Jeannette Meunier-McKay et je suis la présidente nationale du Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada, élément de l'Alliance de la fonction publique du Canada qui représente les femmes et les hommes à l'emploi de Citoyenneté et Immigration Canada ainsi que d'autres ministères.

    Je suis accompagnée de Janina Lebon, ancienne vice-présidente nationale de notre syndicat et agente d'expulsion au Centre d'exécution de la loi du Toronto métropolitain de Citoyenneté et Immigration Canada.

    Dans notre mémoire—que nous vous avons apporté mais dont la version française ne sera disponible que demain—nous exposons les préoccupations des fonctionnaires qui devront supporter quotidiennement les conséquences de ce changement au règlement. Nous nous inquiétons que le ministère soit prêt à mettre les femmes en danger en les renvoyant aux États-Unis sachant que leurs revendications fondées sur la persécution en fonction de leur sexe seront traitées tout à fait différemment là-bas. Nous nous inquiétons également que du fait de ce règlement, la population canadienne puisse être exposée à des maladies contagieuses comme la tuberculose suite à des contacts avec des personnes autorisées à entrer au Canada en tant que visiteurs.

    À notre avis, plutôt que de diminuer le travail de nos membres aux points frontaliers et dans les bureaux de CIC, ce règlement va en fait l'accroître, tant du fait de la complexité des décisions à prendre que de la quantité de travail requis. À la frontière, nos membres devront prendre des décisions plus complexes et effectuer des examens plus détaillés et approfondis des personnes arrivant des États-Unis, afin de pouvoir appliquer équitablement ce nouveau règlement. Afin de renvoyer quelqu'un aux États-Unis pour faire sa demande, l'agent va devoir déterminer que l'intéressé ne satisfait à aucune des nombreuses attentes indiquées dans ce règlement.

    Le fait que les demandeurs peuvent être renvoyés s'ils font une revendication du statut de réfugié mènera de plus en plus de gens à essayer d'entrer au Canada en tant que visiteurs afin de présenter leurs demandes à partir du Canada . Cela va d'autre part augmenter l'entrée illégale de personnes. Tout ceci augmente la charge de travail du ministère, tant pour ce qui est du traitement des revendications du statut de réfugié présentées au Canada que des mesures d'application de la loi à la frontière et au Canada.

    Nous nous inquiétons de l'incidence que cela va avoir sur nos membres car leur charge de travail va encore augmenter. Nous sommes d'autant plus inquiets que le ministère, à propos de son étude d'impact de la réglementation, déclare simplement qu'il va réaffecter des ressources pour faire face à cette augmentation de la charge de travail. Cela veut tout simplement dire que d'autres fonctions essentielles du ministère vont être encore plus étranglées qu'elles ne le sont actuellement.

    Le ministère ne peut pas en effet à l'heure actuelle faire le travail qu'il a à faire, faute de personnel. Il est tout simplement déraisonnable de supposer que la situation va changer en augmentant le travail que l'on va demander à nos membres à Citoyenneté et Immigration Canada.

    Voilà ce que nous soulignons dans notre mémoire. Nous serons heureuses de répondre à vos questions sur ces sujets.

¹  +-(1550)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vous remercie beaucoup d'avoir résumé aussi bien que vous l'avez fait, Jeannette.

    Nous entendrons maintenant Janet Dench, du Conseil canadien pour les réfugiés.

[Français]

+-

    Mme Janet Dench (directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés): Bonjour, je m'appelle Janet Dench. Je suis la directrice du Conseil canadien pour les réfugiés, un regroupement d'environ 180 organismes. Je suis accompagnée de notre vice-président, M. Nick Summers, qui fera notre exposé.

[Traduction]

+-

    M. Nick Summers (vice-président, Conseil canadien pour les réfugiés): Comme vous le savez peut-être, le CCR compte 180 organisations qui sont au service des réfugiés et des immigrants. Ce n'est pas, comme certains voudraient le faire croire, une organisation qui préconise d'ouvrir grandes les portes et de laisser entre tous les réfugiés. Nous sommes plutôt une organisation qui se consacre à la défense des droits des réfugiés et qui cherche à les aider à la fois à l'étranger et au Canada. Quand nous constatons que le Canada ne respecte pas nécessairement ses obligations internationales relativement aux réfugiés, alors nous dénonçons la situation.

    Trop souvent, nous nous retrouvons en train de dire à l'immigration: «Nous vous l'avions bien dit que cela ne fonctionnerait pas». Or, nous avons le sentiment de nous retrouver aujourd'hui dans cette même situation. Nous leur avons dit: À notre avis, cet accord n'est pas un bon accord; nous ne pensons pas qu'il va donner des résultats satisfaisants. Comme d'habitude, ils ne nous ont pas écoutés, du moins pas encore., Nous espérons que le comité le fera.

    Pour l'essentiel, ce que nous voulons dire aujourd'hui et ce que nous disons dans notre mémoire, c'est que nous n'aimons toujours pas l'accord, mais que si cet accord doit entrer en vigueur, ayons au moins un règlement qui correspond à ce que les règlements sont censés faire. Mais ce que l'on nous présente, c'est un règlement par lequel le ministère semble tenter de faire ce qu'il n'a pas pu faire en négociant avec les États-Unis. Il limite le nombre de gens qui peuvent venir au Canada en provenance des États-Unis, encore plus que ne le faisait l'accord.

    On trouve un certain nombre de cas dans le règlement où le libellé est tel qu'il inclut des gens qui, autrement, auraient été autorisés à entrer au Canada aux termes de l'accord. À titre d'exemple, pour les enfants non accompagnés, l'accord dit simplement qu'un enfant non accompagné est quelqu'un qui n'a pas de parents ou de tuteurs aux États-Unis ou au Canada. Dans le règlement, on précise qu'un enfant non accompagné est une personne qui est dans cette situation, mais l'on ajoute l'exigence que la personne ne doit pas être accompagnée par une personne de plus de 18 ans. Cela soulève la question de ce que veut dire le terme «accompagné». Cela vise-t-il le chauffeur de taxi qui a amené les enfants à la frontière? Cela s'applique-t-il à quelqu'un qui a pris pitié d'eux et qui s'occupe d'eux jusqu'à leur arrivée au Canada? Mais aux termes du règlement proposé, des gens seront refoulés à la frontière. Des enfants seront refoulés à la frontière sans que l'on fasse la moindre enquête pour déterminer si la personne qui est arrivée à la frontière avec eux assume une responsabilité quelconque à leur égard.

    Un autre domaine où le règlement est trop restrictif, davantage que l'accord, c'est le statut des membres de la famille qui se trouvent au Canada. Dans l'accord, on trouve une énumération des gens qui peuvent être considérés comme un membre de la famille aux fins de l'octroi d'une exemption autorisant quelqu'un à entrer au Canada. Mais dans le règlement, la liste des gens visés est plus restreinte. Pour donner un exemple rapide, dans le règlement, une personne a ce statut à cette fin si elle a le statut de réfugié. Dans l'accord, il suffit que la personne ait bénéficié de la protection aux termes de la loi, ce qui est une catégorie plus étendue. Nous espérons que c'est une simple erreur de la part du ministère, parce que c'est tout simplement illogique. Mais telle est la situation actuellement.

    Nous avons un certain nombre d'autres points à soulever et je ne vais évidemment pas lire le texte de mon mémoire, mais je voudrais signaler certains points qui nous préoccupent plus particulièrement.

    Il y a la question de la procédure sommaire de décision à la frontière. Comme nos amis du syndicat l'ont dit, on ne sait pas vraiment comment cela va se faire. Mais ce qui nous inquiète le plus, c'est que l'on verra arriver à la frontière des gens qui n'ont pas la moindre idée de ce qu'il faut, à qui on a pas donné le moindre préavis des documents qu'ils doivent présenter, et qui se feront dire: «Écoutez, vous n'avez aucune preuve que vous avez un membre de votre famille au Canada; vous n'êtes donc pas admissible». La personne en question aurait pu s'en retourner et revenir une semaine plus tard munie d'un document prouvant que c'est bien le cas, mais malheureusement, cette possibilité ne compte pas parce que rien dans le règlement n'indique qu'il y a la moindre forme d'appel, que l'on peut rouvrir le dossier, ou que l'on peut dire à une personne: «Ne présentez pas votre demande tout de suite, revenez plutôt quand vous aurez réuni les documents nécessaires». Une fois que la personne a présenté sa demande et qu'on lui a dit qu'elle n'est pas admissible, elle ne peut plus jamais revenir présenter une autre demande. Son cas est donc réglé.

    Il y a aussi la question du fardeau de la preuve. Est-il juste d'imposer un tel fardeau de la preuve à quelqu'un qui arrive à la frontière pour la première fois? En particulier, est-ce juste d'imposer un tel fardeau à des enfants? Leur tâche est encore plus lourde que celle des adultes; ils doivent arriver à la frontière et prouver qu'ils ne sont pas accompagnés. Ils doivent prouver une négation. C'est pourtant ce qu'on leur impose, d'après la loi et le règlement.

¹  +-(1555)  

    Il y a la question du pouvoir discrétionnaire du ministère de laisser entrer des gens qui ne sont pas énumérés dans les exceptions et dans le règlement. Dans l'accord, il est clairement dit que le ministre a le pouvoir de faire entrer des gens qui ne sont pas expressément mentionnés. Ce pouvoir n'est pas établi dans le règlement.

    Enfin, nous aimerions dire que l'on est en présence d'un ensemble très complexe formé d'un accord, d'une mesure législative et d'un règlement, et que le tout présente de nombreux dangers à la fois pour les réfugiés et pour le Canada, et que le règlement devrait renfermer une disposition stipulant qu'il doit être à nouveau étudié par le comité six mois après son entrée en vigueur pour vérifier que le tout est satisfaisant.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Michèle ou Richard.

+-

    M. Richard Goldman (membre, Conseil d'administration, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je me présente devant vous accompagné de ma collègue Michèle Jenness. Au nom de la Table de concertation, qui regroupe 130 organisations de tous les coins du Québec qui servent les réfugiés et les immigrants, nous n'avons pas rédigé de mémoire, mais nous voulons nous prononcer en faveur d'un point précis qui se trouve dans les mémoires du HCNUR et du CCR, nommément l'absence d'un mécanisme efficace de révision des décisions prises à la frontière relativement à l'inadmissibilité.

    Je vais demander à ma collègue Michèle de vous parler brièvement de son expérience au sud de la frontière, après quoi je dirai quelques mots en guise de conclusion.

+-

    Mme Michèle Jenness (porte-parole, Programme d'aide aux réfugiés du Vermont, Vermont Immigration Project, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes): Merci.

    Je travaille au programme d'aide aux réfugiés du Vermont, dans le cadre du Vermont Immigration Project. Nous avons été créés en 1987 dans la foulée du mouvement du refuge, quand des milliers de personnes venues d'Amérique centrale avaient traversé les États-Unis pour demander l'asile au Canada.

    Au cours des 16 dernières années, nous avons fourni aide juridique, abri et soins médicaux aux demandeurs d'asile qui se dirigent vers le Canada. Nous avons aussi travaillé avec des immigrants détenus et avec des personnes non détenues qui demandent asile aux États-Unis. Cet accord aura de grandes répercussions sur notre organisation et sur le travail que nous faisons auprès de nos clients.

    Je sais par expérience personnelle que la plupart des gens qui demandent asile au Canada le font pour se joindre à des communautés qui les soutiennent et qui se trouvent déjà chez nous, ou alors elles sont forcées de le faire pour éviter d'avoir affaire au régime inéquitable de détermination du statut de réfugié aux États-Unis.

    Dans l'accord, les deux pays s'engagent fermement envers la réunification des familles et la protection des enfants. Nous nous félicitons des exceptions énoncées à l'article 4, même si nous savons que la détermination sera très difficile. Le programme Vermont Refugee Assistance et d'autres groupes frontaliers travailleront pour aider à réunir la documentation nécessaire pour qu'un revendicateur puisse demander avec succès l'accès au Canada en se fondant sur les liens familiaux. Mais qu'arrivera-t-il aux milliers d'autres réfugiés qui doivent entrer au Canada sans l'aide d'une ONG?

    En fait, le règlement vient compliquer la tâche des agents aux points d'entrée et les décisions qu'ils doivent prendre. Comment seront-ils en mesure de rendre une décision claire et nette à l'égard des demandeurs qui n'ont pas de documentation valable établissant leurs relations familiales?

    Je voudrais donner quelques exemples. Qu'arrivera-t-il si une demandeur a fui un endroit comme le sud du Soudan ou la Somalie, où il n'y a actuellement aucun gouvernement fonctionnel et aucune fonction publique, rendant impossible l'obtention de documents?

    Il y a sept ou huit ans, nous avons aidé une femme rwandaise dont toute la famille avait été dispersée au début du génocide en 1994, et qui voulait aller au Canada. Quand elle est finalement arrivée aux États-Unis, elle s'accrochait à l'espoir que l'une de ses tantes ait réussi à se rendre au Canada. Ce n'est qu'après avoir réussi à entrer au Canada et à rejoindre la communauté centre-africaine de Montréal qu'elle a pu retrouver sa tante. Si on lui avait interdit d'entrer au Canada, elle n'aurait pas réussi à le faire. Aux termes du règlement proposé, on l'aurait simplement refoulée à la frontière.

    L'établissement de l'âge est un autre problème potentiel. Aux États-Unis, les agents de l'immigration comptent actuellement sur des examens radiograhiques pour déterminer si une personne a plus de 18 ans. Il est bien établi que même de tels examens de haute technologie ne sont pas fiables aux fins de la détermination de l'âge. Comment un agent aux points d'entrée pourra-t-il évaluer précisément l'âge sur place? Nous estimons qu'il y aurait lieu de permettre à cette personne d'entrer au Canada et d'obtenir les documents nécessaires.

    Il y a tellement en jeu. Si un demandeur ne réussit pas à établir son admissibilité en se fondant sur une exception, non seulement est-il séparé du soutien qu'il cherche à obtenir, mais s'il est refoulé aux États-Unis, il sera probablement incarcéré faute de posséder le statut nécessaire. Beaucoup seront peut-être menacés de renvoi accéléré. Nous n'avons encore reçu aucune assurance des États-Unis à l'effet contraire. Les personnes en question auront aussi épuisé leur seule et unique possibilité de demander asile au Canada une fois dans leur vie.

º  +-(1600)  

+-

    M. Richard Goldman: En conclusion, nous proposons concrètement que tout revendicateur qui affirme être visé par l'une des exceptions, mais qui ne réussit pas à en convaincre l'agent à la frontière, devrait au moins être autorisé à entrer au Canada et à se présenter devant un arbitre indépendant. Tous les pouvoirs de détention demeureraient présents et, en fait, il serait peut-être même logique que ce soit les mêmes arbitres qui entendent les affaires de détention qui se penchent aussi sur la question de l'admissibilité. Un arbitre indépendant pourrait évaluer les efforts déployés par le revendicateur pour obtenir des documents établissant son âge, ou quelle que soit l'exception invoquée, et pourrait accorder le temps jugé nécessaire.

    Sur une note personnelle, en tant qu'avocat ayant pratiqué dans plusieurs domaines du droit, je suis scandalisé que l'on envisage même d'adopter un règlement qui n'accorderait pas à un revendicateur du statut de réfugié dans une telle situation le même degré d'équité procédurière que l'on accorderait à, disons, quelqu'un qui a perdu ses prestations d'assurance-emploi, ou quelqu'un qui fait une petite réclamation à la suite d'une réparation mal faite sur sa voiture, et qu'on ne donne donc pas à ces personnes la chance de se faire entendre devant un décideur indépendant.

    Monsieur le président, je sais que nous, Canadiens, pouvons faire mieux. Je vous remercie.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Judith.

+-

    Mme Judith Kumin (déléguée au Canada, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés): Je prends la parole au nom du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Je suis la représentante du HCNUR ici à Ottawa. Je suis accompagnée de notre conseiller juridique principal, M. Buti Kale.

    Nous avons remis des mémoires écrits sur le projet d'accord canado-américain et sur le projet de règlement. Le comité est en possession de ces deux mémoires. Nous avons également participé à de nombreuses consultations cet été avec Citoyenneté et Immigration et avec des agents du gouvernement des États-Unis sur l'accord proposé. Comme vous l'avez entendu ce matin, je crois, de la part des fonctionnaires de CIC, nous avons donné notre accord de principe pour participer au contrôle de la mise en oeuvre de l'accord et à ce qui deviendra, nous l'espérons, un examen régulier du fonctionnement de l'accord.

    Comme je prends la parole en dernier, beaucoup des points que je voulais soulever l'ont déjà été par d'autres et je vais donc me contenter de passer brièvement en revue les points saillants de nos préoccupations sur les répercussions de l'accord, après quoi j'aborderai les points précis que nous avons soulevés dans notre mémoire sur l'ébauche de règlement elle-même.

    Au sujet de l'accord proposé, comme vous le savez, le HCNUR a constamment reconnu que les États ont le droit de conclure des accords pour partager la responsabilité de l'examen des demandes d'asile. Mais nous demeurons très préoccupés, comme d'autres témoins l'ont déjà dit, car nous craignions que cet accord ait l'effet non souhaité d'encourager les gens à traverser illégalement la frontière. Les demandeurs d'asile qui savent qu'ils ne peuvent plus présenter leur demande d'asile à la frontière, parce qu'ils n'y sont pas autorisés aux termes de l'accord, pourraient très bien retenir les services de passeurs qui leur feraient traverser la frontière illégalement, afin de pouvoir par la suite présenter une demande au Canada. En fait, nous avons vu que c'est effectivement ce qui s'est passé dans d'autres pays où l'on a pris des arrangements semblables.

    Au sujet du projet de règlement, le premier point qui nous préoccupe est l'argument invoqué par Amnistie Internationale: Certains demandeurs d'asile qui sont refoulés et qui doivent présenter leur demande aux États-Unis pourraient bien se retrouver au centre d'une procédure de renvoi accéléré et être détenus aux États-Unis d'une manière qui n'est pas conforme aux normes internationales. Le HCNUR a constamment exprimé ces préoccupations au gouvernement des États-Unis au sujet de ce processus accéléré de renvoi et de la pratique de détention. Nous proposons aussi que le règlement soit modifié de manière à créer une exception pour les gens qui seraient visés par la procédure de renvoi accéléré ou qui seraient placés en détention, contrairement aux normes internationales.

    Le deuxième point qui n'est pas réglé de façon satisfaisante par le projet de règlement est le cas d'un demandeur d'asile qui ne serait pas admissible à présenter sa demande dans un autre pays. Ce serait le cas, par exemple, d'une personne qui se fait refouler à la frontière canadienne et qui se ferait dire d'aller présenter sa demande aux États-Unis. Mais cette personne n'a pas le droit de demander l'asile dans ce pays parce qu'elle est visée par l'une des interdictions qui s'appliquent aux États-Unis. La loi américaine comporte un certain nombre de stipulations qui enlèvent à une personne même le droit de demander l'asile. Pourtant, cette même personne aurait eu le droit de demander l'asile au Canada. Nous pensons qu'il y a lieu de faire une exception en pareil cas.

    Troisièmement, nous nous félicitons aussi des exceptions prévues au règlement pour les demandeurs d'asile qui ont des membres de leur famille au Canada. Nous pensons que ces exceptions à l'article 4 reconnaissent en grande partie l'important principe de l'unité familiale. Mais il y a certaines catégories de personnes au Canada qu'il faudrait ajouter à la liste des membres de la famille admissibles si nous voulons nous assurer qu'aucune famille de réfugiés ne sera pas séparée. Nous avons précisé dans notre mémoire quelles sont à notre avis les catégories qui manquent.

    Quatrièmement, nous pensons qu'il serait important de réviser la définition de mineurs non accompagnés dans le projet de règlement. Ce n'est pas en fait dans le chapitre sur les définitions, mais plutôt à l'article 159.5. Comme un autre témoin l'a fait remarquer, le règlement stipule qu'un enfant non accompagné est un enfant qui «n'est pas accompagné par une personne qui a atteint l'âge de 18 ans». Ce qui nous préoccupe, c'est que si un enfant se présente à la frontière, ce qui n'est pas rare, accompagné d'un passeur, ou d'une personne qui cherche à exploiter l'enfant, on ne reconnaîtrait pas que l'enfant en question a besoin d'une protection particulière à titre d'enfant «non accompagné».

    Nous proposons d'utiliser plutôt l'expression «enfant séparé». Nous proposons la définition suivante «enfant qui est séparé de ses deux parents et qui n'est pas accompagné à une personne de plus de 18 ans»—et c'est ici que réside la différence—«qui, de par la loi ou la coutume, assume la responsabilité de s'occuper de l'enfant». Cela aiderait à protéger les enfants contre tout abus.

    Cinquièmement, comme l'ont dit nos collègues de la Table, et comme nous l'expliquons de façon détaillée dans notre mémoire, il n'y a aucune procédure efficace permettant de faire réviser les décisions sur l'admissibilité qui sont prises à la frontière. Le règlement ne remédie pas à cette lacune dans l'accord. C'est pourtant un principe fondamental en droit que toute décision administrative doit être assujettie à un mécanisme de révision efficace. Par conséquent, nous continuons de demander instamment que l'on établisse une procédure de révision transparente qui serait énoncée dans le texte du règlement.

º  +-(1605)  

    Enfin, nous proposerions également d'inclure dans le règlement une disposition qui traduirait l'esprit de l'article 6 de l'entente. L'article 6 énonce que l'une ou l'autre des parties peut décider d'examiner une demande s'il est dans l'intérêt public de le faire. Le règlement ne semble pas en rendre compte. Le règlement semble limiter l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 6 à trois contextes très précis et assez étroits. Nous pouvons toutefois songer à une foule d'autres situations qui pourraient nécessiter l'application des dispositions relatives à l'intérêt public.

    Monsieur le président, c'était un bref résumé de notre mémoire. M. Kale et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Je vous remercie.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup.

    Je tiens à féliciter les groupes pour la rapidité avec laquelle ils ont présenté leurs exposés. Cela nous donnera beaucoup plus de temps pour poser des questions.

    J'aimerais demander à mes collègues de bien vouloir, au lieu de poser une multitude de questions, poser chacun une question et s'il reste du temps pour une deuxième question, de la poser. Je vais également tâcher de faire en sorte que l'on pose des questions aux groupes aussi rapidement que possible de façon à ce que chaque personne ait deux, trois ou quatre tours, si c'est possible.

    Nous sommes ici jusqu'à 18 heures et pour tous ceux qui souhaitent rester, ils auront assurément l'occasion de poser toutes leurs questions.

    Si vous avez des questions à poser directement à un groupe en particulier, vous pouvez le faire, ou si vous voulez simplement poser une question générale à laquelle tout le groupe peut répondre, c'est également possible.

    Lynne, vous avez la parole.

º  +-(1610)  

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Je vous remercie.

    Je voulais faire une observation à propos du mémoire présenté par le Conseil canadien pour les réfugiés. Vous avez entre autres indiqué que vous ne voulez pas que les résidents qui cherchent à entrer aux États-Unis fassent l'objet de traitement discriminatoire ou humiliant, et vous parlez du cas de Maher Arar. Mais n'est-il pas vrai que Maher Arar vient d'être lié au groupe al-Qaïda? Donc l'exemple que vous citez prouve malheureusement qu'il faut parfois agir de la sorte. Bien que je convienne avec vous que ces personnes ne devraient être ni humiliées ni traitées de façon discriminatoire, je voulais...

+-

    M. Alex Neve: Je sais que la question a été adressée au Conseil canadien pour les réfugiés, mais Amnistie Internationale s'est en fait occupé de l'affaire Maher Arar. Je pourrais répondre en leur nom et ils pourront certainement, s'ils le souhaitent, indiquer s'ils ne sont pas d'accord avec la réponse.

    De toute évidence, au cours des derniers jours, certaines allégations ont été faites dont beaucoup d'honneur vague, et certaines semblent reposer sur des témoignages qui ont peut-être été fournis par une personne qui à l'époque était détenue elle-même dans une prison syrienne. Étant donné que la torture et les mauvais traitements sont répandus dans les prisons syriennes, Amnistie Internationale tient à souligner qu'il est tout à fait justifié de douter ou à tout le moins de se méfier de la crédibilité ou de la fiabilité des témoignages qui auront pu provenir d'une telle personne.

    J'estime qu'il nous manque encore beaucoup de renseignements à propos de Maher Arar et je crois, sauf votre respect, qu'il est sans doute prématuré de conclure qu'il est membre du groupe al-Qaïda ou qu'il est même lié à ce groupe.

+-

    Mme Janet Dench: Ce qui préoccupe le Conseil canadien pour les réfugiés c'est précisément qu'on associe des gens au terrorisme et qu'ils subissent les conséquences de cette association sans avoir la possibilité de se faire entendre et de répondre aux accusations portées contre eux dans le cadre d'un procès.

    C'est ce que nous constatons depuis le 11 septembre. Comme vous le savez, de nombreuses personnes, surtout originaires du Moyen-Orient, surtout des musulmans, ont été interpellées et un grand nombre d'entre elles ont été gardées en détention très longtemps. Il y avait des soupçons qui pesaient contre elles. La plupart d'entre elles, après des mois et des mois de détention, ont été libérées parce qu'en fait ces soupçons étaient sans fondement.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Monsieur le président, depuis toujours le Canada accepte des personnes qui passent par les États-Unis—si on remonte à l'époque du chemin de fer clandestin ou à l'époque des réfugiés chiliens, ou du Salvador ou du Nicaragua. Ces personnes qui, selon certains, étaient victimes de la politique étrangère des États-Unis qui appuyait des juntes de droite, ne pourraient pas trouver refuge aux États-Unis, mais seraient accueillies au Canada. Et bien entendu nous avons eu environ 50 000 objecteurs de conscience qui sont venus au Canada.

    Je trouve que l'approche que nous adoptons va tout à fait à l'encontre de cette tradition. Alex Neve a mentionné que contrairement aux criminels, on leur refuse la libération conditionnelle. Les criminels ont l'avantage d'interjeter appel devant les tribunaux et c'est une possibilité dont sont privées un grand nombre des personnes qui pourraient être renvoyées compte tenu de la situation actuelle.

    J'aimerais que quelqu'un réponde à ces commentaires à savoir qu'il sera très difficile pour quelqu'un de contourner les États-Unis.

º  +-(1615)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vous remercie, Andrew. Quelqu'un veut-il ajouter un commentaire?

    Allez-y, Alex.

+-

    M. Alex Neve: Je pourrais commencer. De toute évidence vos préoccupations coïncident avec le point de vue d'Amnistie Internationale, à savoir que bien que nous ne nous opposions absolument pas en principe à une entente destinée à améliorer la coopération entre deux pays quels qu'ils soient, y compris le Canada et les États-Unis, lorsqu'il s'agit de protection des réfugiés, cette entente ne doit pas exposer des particuliers à des violations des droits de la personne comme celles dont peuvent faire l'objet des personnes en détention, ni risquer de priver les gens de la protection à laquelle ils ont droit—ce qui à mon avis est tout à fait le cas dans les exemples que vous avez citées, monsieur Telegdi.

    Je crois que le sujet de préoccupation actuel, c'est-à-dire l'exemple des femmes, correspond à cette même préoccupation en ce sens qu'aux États-Unis on ne peut pas compter sur le système pour offrir une protection aux femmes qui en ont besoin.

    Nous ne parlons pas simplement du fait que le Canada a un système plus libéral. Le Canada a un système qui répond aux normes internationales sur cette question, et c'est tout ce que nous disons, que nous devons avoir un système qui permet de s'assurer, quel que soit le pays où une personne présente sa demande, que le traitement qu'elle recevra, que la protection qu'elle recevra, respecteront les normes internationales. C'est l'aspect qui nous préoccupe.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vous remercie, Alex.

    Judith.

+-

    Mme Judith Kumin: Je crois que l'argument que l'on vient de faire valoir est en fait un argument que nous avions fait valoir plus tôt dans le cadre du processus lorsqu'on a discuté la première fois de l'entente; à savoir que dans bien des situations, pas simplement dans le cadre de l'entente canado-américaine mais aussi dans le contexte européen, on a mis la charrue avant les boeufs, parce que les États sont en train de prendre des arrangements de procédure avant même d'avoir harmonisé leur loi. C'est pourquoi les normes de protection varient énormément d'un pays à l'autre, et malgré tout ces pays essaient de conclure des arrangements en ce qui concerne les procédures. Le risque qui se pose—et vous avez tout à fait raison—c'est qu'étant donné que les normes de protection diffèrent d'un pays à l'autre, une personne ne bénéficie pas de la même garantie d'obtenir une protection dans le contexte de ces nouveaux arrangements comme cela aurait été le cas autrement.

    La seule façon d'aborder ce problème dans le cadre de l'entente telle qu'elle est proposée à l'heure actuelle, c'est par le biais de l'article sur l'intérêt public, l'article 6, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous encourageons une modification du règlement qui permettrait aux décideurs d'adopter une approche plus libérale pour ce qui est de l'application de l'article 6 dans des cas qui pourraient être semblables à celui que le député vient de décrire.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vous remercie, Judith.

    Nick.

+-

    M. Nick Summers: Je vous remercie.

    Je trouve vos commentaires intéressants parce qu'un grand nombre de membres ou de groupes de notre organisation ont grandi à l'époque dont vous parlez, lorsqu'un grand nombre de gens d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud ont fui des régimes assez répressifs. Il était clair à l'époque qu'un grand nombre d'entre eux n'avaient pas réussi à présenter des demandes aux États-Unis ou espéré d'être acceptés aux États-Unis parce que cela ne correspondait pas au programme politique des États-Unis à l'époque. Je ne suis pas ici pour débattre de l'aspect positif ou négatif d'une telle chose. Mais le fait est que les réfugiés qui sont venus au Canada étaient de véritables réfugiés parce que c'était le seul endroit où ils pouvaient trouver refuge. Ils sont restés ici, ils ont apporté leur contribution au Canada et ils se sont bien débrouillés. Le Canada a profité de leur présence. Mais pour ce qui est de la volonté du Canada de les accepter... Il s'agit de personnes qui auraient été renvoyées dans leur pays où un grand nombre d'entre elles auraient été tuées par les escadrons de la mort ou emprisonnées.

    Là où je veux en venir, c'est que lorsque vous traitez avec un pays comme les États-Unis—une puissance mondiale qui a de nombreuses priorités politiques et économiques qui influent sur sa politique d'immigration et de réfugié—il faut être prudent lorsqu'on conclut une entente qui risque d'avoir des répercussions sur les réfugiés, parce qu'ils n'ont pas la possibilité de se faire entendre.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vous remercie.

    Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président. Bonjour, tout le monde, et merci d'être là.

    Ce matin, on a entendu les hauts fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. On a parlé avec eux d'un certain nombre d'éléments qu'on a retrouvés dans vos présentations. J'ai aussi lu quelques lignes d'un article paru dans The Washington Post vendredi dernier et, au fond, quand on se pose la question à savoir comment il se fait que les États-Unis acceptent actuellement de négocier une entente avec le Canada, alors que ce type de processus avait déjà été souhaité et envisagé par le Canada et qu'ils y opposaient toujours une fin de non-recevoir, je pense que j'ai ma réponse est là-dedans, ce qui n'est certainement pas pour réduire les inquiétudes, notamment quant au sort des personnes qui demandent l'asile. Voici ce qui est écrit à la dernière ligne:

º  +-(1620)  

[Traduction]

Cela pourrait encourager les Canadiens à harmoniser davantage leur système avec celui des États-Unis, ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose.

[Français]

    C'est The Washington Post qui dit cela.

[Traduction]

Si on veut que la frontière canado-américaine demeure aussi ouverte et transparente qu'elle l'est à l'heure actuelle, le régime de visas, d'asile et d'immigration des deux pays deviendra inévitablement plus semblable et non plus différent.

[Français]

    Alors, actuellement, avec cette entente et avec la réglementation, on vient de choisir de s'assimiler aux États-Unis. On a posé des questions sur la situation des Chiliens, par exemple. On a demandé si cette entente avait été... On n'a pas eu de réponse satisfaisante. On a posé des questions sur le sort des femmes.

    Il y a déjà un certain nombre d'exceptions dans les règlements. Plusieurs d'entre vous en ajoutent d'autres. Quelles sont les chances réalistes que vos demandes soient entendues même si, hypothétiquement, le comité les reprenait à l'unanimité?

+-

    Mme Janet Dench: Je peux répondre à votre question. On ne pourra pas dire quelles modifications le gouvernement va accepter, mais j'aimerais mettre l'accent sur le pouvoir discrétionnaire. Comme on l'a noté, selon l'entente, il y a un pouvoir discrétionnaire. Nous trouvons absolument essentiel que le règlement ouvre la porte à des acceptations pour des cas exceptionnels. On peut très facilement envisager toutes sortes de situations où tout le monde pourrait être d'accord qu'il serait complètement aberrant de renvoyer la personne vers les États-Unis. Prenons, à titre d'exemple, le cas d'une famille qui arrive à la frontière et dont un membre est assez vieux. Les autres membres de la famille peuvent entrer au Canada parce qu'ils correspondent à l'une des exceptions, mais la personne plus âgée, qui est vraiment très faible, ne peut pas survivre toute seule et elle ne correspond pas aux exceptions. Est-ce qu'on va vraiment vouloir renvoyer cette personne aux États-Unis? C'est le type de situation pour laquelle on ne peut pas vraiment envisager d'avoir une exception particulière dans le règlement, mais il faudrait pouvoir donner aux agents le pouvoir de dire que, dans ce cas-là, ce serait complètement injuste de renvoyer la personne.

    On peut penser aussi aux enfants. Selon le règlement actuel, un enfant âgé de sept ans dont aucun membre de la famille n'est aux États-Unis et qui arrive tout seul à la frontière du Canada où se trouve sa mère, sans pour autant avoir le statut voulu en vertu du règlement, cet enfant-là sera renvoyé aux États-Unis. Est-ce que c'est raisonnable? Non. On ne peut pas accepter une telle chose. Donc, il faudrait avoir le pouvoir de réagir à de telles situations.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Yvon, vous avez la parole.

+-

    M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Le Conseil canadien pour les réfugiés soutient, dans le cadre de cette présentation et en raison de documents que nous avons reçus antérieurement, que les normes américaines en matière de protection des réfugiés sont de beaucoup inférieures à celles du Canada et qu'à nombre d'égards, elles ne sont pas conformes aux normes internationales.

    Ce matin, j'ai abordé cette question avec des fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada. Je leur ai cité l'étude du professeur James Hathaway, qui est d'avis, d'une part, que les États-Unis entretiennent une relation trouble avec le droit international et, d'autre part, que dans plusieurs cas, la jurisprudence de la Cour suprême américaine ne tient pas compte des devoirs fondamentaux imposés par le droit international des réfugiés. On m'a évidemment répondu en long et en large que c'était faux, que ce n'était pas leur façon de voir les choses et que des études prouvaient que la situation au Canada et aux États-Unis était la même. J'aimerais que vous repreniez votre argumentation et que vous y ajoutiez, si possible, des arguments.

    J'aimerais poser une question aux gens du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui observent des événements dans plusieurs pays et qui sont en mesure d'établir des comparaisons. Êtes-vous d'avis, comme le Conseil canadien pour les réfugiés, que les normes des États-Unis sont inférieures à celles du Canada? J'aimerais d'abord entendre le Conseil.

º  +-(1625)  

+-

    M. Alex Neve: Je suis d'Amnistie internationale; eux sont du Conseil canadien pour les réfugiés.

+-

    M. Yvon Charbonneau: J'ai précisé le Conseil; je ne sais pas si vous êtes du même avis, monsieur Neve.

+-

    M. Alex Neve: Oui.

+-

    M. Yvon Charbonneau: Qu'en est-il du Conseil canadien pour le statut de réfugié?

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Yvon, nous laisserons chaque témoin faire des commentaires à ce sujet. Je crois que si leurs commentaires sont brefs, nous pourrons tous les entendre.

    Allez-y, Janet.

[Français]

+-

    Mme Janet Dench: Nous avons dit à plusieurs reprises qu'à notre avis, les normes américaines ne respectaient pas toujours les normes internationales. On n'a jamais pu obtenir de la part du gouvernement des États-Unis une explication claire et détaillée sur leur façon d'interpréter les choses. Il est difficile pour nous de comprendre comment ils peuvent interpréter les choses autrement alors qu'une instance telle que le HCR, qui est après tout une autorité à l'échelle internationale, dit que les règles appliquées aux États-Unis ne répondent pas toujours aux normes internationales.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Yvon, avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?

[Français]

+-

    M. Yvon Charbonneau: La dame qui représente le Haut-Commissariat pourrait-elle maintenant répondre à ma question?

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Nous allons maintenant céder la parole à Alex, qui sera suivi de Judith.

+-

    M. Alex Neve: Je tiens simplement à insister de nouveau sur l'importance des normes internationales. À titre d'exemple--et je ne l'ai pas présenté au comité parce qu'il est beaucoup trop long--il y a trois ans Amnistie Internationale a publié un rapport de 94 pages sur la détention de l'immigration aux États-Unis, et 25 pages du rapport examinaient de façon exhaustive les normes juridiques internationales et présentaient des réserves concernant un certain nombre d'aspects du système de détention de l'immigration aux États-Unis, qui sont loin de respecter ces normes.

    J'estime que c'est le barème que nous devons constamment garder à l'esprit en ce qui concerne toutes ces questions, lorsque nous insistons auprès du gouvernement pour qu'il s'assure que l'entente n'expose pas les gens à ce genre de risques.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vous remercie, Alex.

    Judith.

+-

    Mme Judith Kumin: Je crois que sans doute la façon la plus claire de répondre à la question consisterait simplement à attirer votre attention sur le fait que le HCNUR, tant nos représentants à Washington qu'à l'Administration centrale, n'a cessé d'exprimer ses préoccupations à propos de certains aspects de la procédure d'asile en vigueur aux États-Unis, qui ne respectent pas toujours les normes internationales.

    Les aspects qui nous préoccupent le plus sont ceux que j'ai cités dans mes remarques préliminaires, à savoir la procédure de renvoi accéléré et le recours à la détention, pas dans tous les cas, mais dans un certain nombre de cas, souvent pour des raisons qui selon nous ne justifient pas la détention, mais aussi les conditions de détention. L'aspect à propos duquel nous avons le plus souvent exprimé des préoccupations est la détention des demandeurs d'asile dans des pénitenciers, le regroupement de demandeurs d'asile avec des criminels inculpés ou condamnés dans des prisons d'État ou des prisons de comté, où il leur est très difficile d'avoir accès à des opinions juridiques ou aux conseils d'ONG et où ils sont très souvent traumatisés d'être détenus aux côtés de criminels. C'est le premier aspect qui nous préoccupe.

    Le deuxième aspect est l'interprétation de la définition de réfugié, en ce qui concerne en particulier les demandes fondées sur le sexe. Tout comme d'autres institutions aux États-Unis, nous avons préconisé une approche plus progressive dans le cas des demandes du statut de réfugié faisant état de persécution fondée sur le sexe. Et c'est peut-être une approche qui se développera avec le temps au fur et à mesure que la jurisprudence évolue.

    Le troisième aspect qui nous préoccupe concerne les conditions dans lesquelles les demandeurs d'asile vivent aux États-Unis. Comme vous le savez sans doute, les demandeurs d'asile aux États-Unis sont souvent détenus. Mais s'ils ne sont pas détenus, ils ne sont admissibles à aucune forme d'aide sociale, ni n'ont le droit pendant une longue période de temps d'avoir un emploi et, sans doute le problème le plus grave, ils n'ont pas droit à une aide juridique assurée par l'État. Il est beaucoup plus difficile de faire valoir une demande lorsque l'on n'a pas accès au genre d'aide dont on a besoin. Certains demandeurs peuvent parvenir à trouver ce genre d'aide parce qu'ils se trouvent dans une grande ville comme New York, Miami ou Washington où il existe des conseillers juridiques qui offrent le service gratuitement, mais ce n'est pas toujours le cas.

    Nous avons donc exprimé des préoccupations dont l'importance varie, je dirais, en fonction des différents aspects de la question.

º  +-(1630)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vous remercie.

    Judy.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je pense que cette discussion est très utile étant donné les témoignages que nous avons entendus ce matin de la part des fonctionnaires à qui nous avons posé des questions semblables et qui ont répondu que les politiques en matière d'immigration et de statut de réfugié étaient effectivement très semblables au Canada et aux États-Unis. Notre démarche et notre approche sont très semblables. Ils n'ont pas semblé prêts à reconnaître qu'il existe des différences sur le plan du processus de renvoi accéléré et de détention.

    Je souhaiterais que vous lisiez le témoignage que nous avons entendu ce matin et que vous en fassiez une analyse critique car, à mon avis, on ne nous fournit pas tous les renseignements qu'il faut.

    Ainsi, en ce qui concerne le droit d'interjeter appel d'une décision prise à la frontière, les fonctionnaires nous ont dit de ne pas nous inquiéter, qu'il était encore possible d'en appeler à la Cour fédérale. En outre, ils sont affirmé que c'était rassurant parce que deux agents d'immigration s'occuperaient de chaque cas.

    Je voudrais savoir ce que vous pensez de cette recommandation.

    De plus, on a laissé entendre que si quelqu'un était envoyé aux États-Unis, en vertu de cet accord et suivant les règlements en vigueur aux États-Unis, les normes d'application des voies régulières de la loi qui font partie des valeurs canadiennes interviendraient et que nous n'avions rien à craindre.

    Pour ces deux aspects, donc, il faut que vous nous donniez votre interprétation pour garantir que l'accord ou le règlement sont à notre satisfaction.

    Ma question s'adresse à l'ensemble des témoins.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Ainsi, chaque témoin peut faire une brève remarque à propos des témoignages entendus ce matin. C'est bien ce que vous voulez, Judy?

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: De l'appel et de la révision.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Très bien.

    Ainsi, les témoins qui veulent répondre à cette question sont invités à le faire.

+-

    M. Michael Bossin: J'ai une brève remarque à faire à propos de l'efficacité de la Cour fédérale dans le cas de la révision d'une décision prise au point d'entrée.

    Tout d'abord, comme vous le savez sans doute, la Cour fédérale ne procède pas à un examen de fond de la décision. Elle ne se met pas à la place de celui qui a pris la décision pour dire: «S'il nous appartenait de prendre la décision, nous choisirions ceci plutôt que cela». La Cour fédérale examine tout simplement la décision pour déterminer si elle respecte la loi—les dispositions législatives—et pour vérifier que les lois régulières ont été appliquées. Mais il ne s'agit pas d'un examen de fond.

    Deuxièmement, peu de gens sont en mesure de présenter une requête à la Cour fédérale sans l'aide d'un avocat. L'examen se fait sur dossier. Nos lois prévoient qu'il faut obtenir la permission de la Cour avant de se faire entendre par un juge de la Cour fédérale. Tout cela doit se faire par écrit. Le mécanisme déclenchant l'examen est très légaliste. Comme notre ami américain l'a dit, très peu de gens aux États-Unis ont accès à l'aide juridique dans ces cas-là. À la frontière, il n'est pas facile d'obtenir l'aide d'un avocat. Selon moi, on s'illusionne quand on dit que c'est un recours efficace.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Alex.

+-

    M. Alex Neve: Je vais répondre à la deuxième question, si vous le voulez bien.

    Très souvent on affirme: «Ne craignez rien, l'entente est telle» ou «Nous avons reçu la garantie que...». Sur le plan des droits de la personne, ce n'est jamais acceptable. Quand il s'agit des droits fondamentaux, il nous faut une loi, des normes, et un libellé clair et exécutoire. Les accords et les règlements perdurent une fois que les fonctionnaires sont déplacés et que les gouvernements changent. Il nous faut des textes solides qui garantissent que les droits de la personne ne sont pas sacrifiés.

º  +-(1635)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Alex.

    Janet.

+-

    Mme Janet Dench: À propos des mêmes normes qui seraient appliquées par les États-Unis, je vous rappelle que ce qui se passe aux États-Unis actuellement n'est pas nécessairement ce qui se passera dans les mois à venir. Les États-Unis se préparent à voter un projet de loi qui créerait un département de la sécurité du territoire. Ce département abritera les préposés aux demandes d'asile. Nos collègues des ONG aux États-Unis s'inquiètent vivement des répercussions si les décisions concernant l'asile sont confiées aux fonctionnaires d'un département dont la mission principale est l'exécution de la loi.

    On peut s'attendre bien entendu à nombre d'autres modifications politiques et juridiques sous peu. Voilà pourquoi nous exhortons les membres du comité à faire figurer dans la réglementation une exigence de révision par le Parlement dans les six mois, pour que vous puissiez évaluer la situation à ce moment-là. Si vous avez des inquiétudes maintenant, il ne serait pas mauvais de revoir la situation dans six mois afin de les confirmer éventuellement.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Janina.

+-

    Mme Janina Lebon (vice-présidente nationale, Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada): Tout d'abord, il faut se demander comment on interjette appel à la Cour fédérale aux États-Unis? On a la liste d'avocats-ressources mais comment faire s'ils ne sont pas accessibles? S'il existe une organisation, comme c'est le cas au Vermont, c'est possible mais autrement, non.

    Vous dites que deux agents procèdent à l'instruction d'un cas. Y en a-t-il un qui procède à la première entrevue? On constate encore une fois qu'il n'y a pas de lignes directrices de processus ou de procédure. Quels sont les renseignements qui vont motiver leur décision? Cela n'a pas été...

    Dans un des derniers articles, il est question de procédures normalisées mais nous n'avons aucune idée de ce que cela signifie. Le deuxième agent sera-t-il celui qui interviendra pour l'examen délégué par le ministère? Nous n'en savons rien. Nous nous interrogeons donc sur les ressources en personnel.

    Supposons que quelqu'un se présente à un point d'entrée et qu'il n'y a pas d'agent présent. Cela arrive fréquemment. D'un point de vue pratique, il y a manque de ressources, manque de formation et manque de renseignements. Il faut donc revoir cela en profondeur, maintenant et non pas dans six mois.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.

    Buti.

+-

    M. Buti Kale (agent principal de la protection, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés): La communauté internationale s'inquiète de l'insertion dans le régime américain de la notion d'acte délictueux avec circonstances aggravantes. Malheureusement, on a oublié d'en parler. C'est une notion qui figure depuis 1980-1981 dans la Immigration and Nationality Act, mais elle a été intensifiée en 1996 lors de l'adoption de la loi en vigueur aujourd'hui aux États-Unis. Cela signifie que quelqu'un qui aurait été condamné à un an de prison pour vol, et que même s'il réside aux États-Unis depuis 23 ou 25 ans, sans être citoyen américain, il peut être expulsé. Pire encore: si quelqu'un est accusé d'acte délictueux avec circonstances aggravantes, même s'il a demandé l'asile, il ne peut pas compter sur une abstention de renvoi, ce qui est au Canada un sursis de renvoi. Autrement dit, en vertu de la loi américaine, si un demandeur d'asile ou un réfugié est inculpé pour un acte délictueux avec circonstances aggravantes, les mêmes dispositions s'appliqueraient et qui sait ce qui pourrait se produire alors.

    C'est un des problèmes. C'est un problème épineux car avec le temps, on devient plus sévères. Autrefois, le critère était une peine de cinq ans, mais cela a été ramené à un an. N'importe quoi, le vol à l'arraché, peut être considéré comme un acte délictueux avec circonstances aggravantes.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.

    Nick.

+-

    M. Nick Summers: S'agissant de l'examen par la Cour fédérale, il ne faut pas oublier que si quelqu'un a la chance d'obtenir un avocat pour s'occuper de l'affaire, il doit s'attendre à un processus extrêmement long. J'ai présenté une requête en février dernier, et nous attendons encore la décision concernant la permission de faire appel. Le cas échéant, il faudra attendre encore de six à neuf mois pour être entendus. Cela ne sert à rien à quelqu'un qui a été renvoyé des États-Unis par procédure accélérée ou qui est en détention aux États-Unis.

    Quant à votre deuxième point, l'examen par deux agents, une de nos inquiétudes majeures est que les gens arriveront à la frontière sans savoir quelles preuves on attend d'eux, etc. Si les deux agents se penchent sur les mêmes preuves présentées quand la personne arrive à la frontière, nous ne sommes guère plus avancés. Il faut qu'on donne le temps nécessaire pour que les documents pertinents soient rassemblés avant de présenter la demande à nouveau.

º  +-(1640)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci

    Inky.

+-

    M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC): Merci, monsieur le président.

    Un de mes collègues m' a posé une question ce matin: à quel point les États-Unis sont-ils un pays sécuritaire? J'ai dû y réfléchir. Cette question m'amène au sujet qui nous occupe aujourd'hui. Je pense que c'est l'élément clé qu'il faut élucider. Quand on songe à l'objectif de cette notion de tiers pays sûr, le grand public prend cela au pied de la lettre, et ce doit être un pays sûr. Il s'agit ici de définir exactement ce qu'est un pays sûr. C'est ce qu'il faut faire. Peut-être que j'offre une solution simple à un problème complexe. Manifestement, la plupart des gens seraient de cet avis. Quand on regarde les statistiques, près de 95 p. 100 des candidats, un peu moins de 14 000, sont venus demander le statut de réfugié par voie terrestre. J'ai demandé au ministère de me donner une ventilation par pays d'origine mais il n'a pas pu le faire. Je ne suis donc pas plus avancé, c'est le problème. Il existe des solutions générales toutes faites à des problèmes très complexes. Pour l'heure, les interrogations se multiplient dans mon esprit.

    On a dit que lors d'affaires instruites en Grande-Bretagne, les États-Unis avaient été jugés être un pays sûr. Qu'est-ce que cela signifie par comparaison aux autres pays? On nous dit également que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est inclus dans le processus de consultation et qu'il aurait la possibilité de revoir le processus. Je ne sais pas quelles seront la qualité et la régularité des renseignements qu'on nous fournira. Beaucoup de questions demeurent encore sans réponse.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Inky.

    Alex.

+-

    M. Alex Neve: Au risque de me répéter, la plupart d'entre nous disent que pour formuler une définition de pays sûr, il faut tenir compte d'un élément très simple et très central, à savoir les normes internationales de respect des droits de la personne. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés elle-même dispose que la situation d'un pays sur le plan des droits de la personne est l'un des facteurs essentiels à prendre en compte quand il s'agit de désigner un pays comme pays sûr. Maintenant, ce que nous en disons et ce qu'en disent bien d'autres sources, c'est que aux États-Unis, eu égard au respect des droits de la personne, il y a de quoi s'inquiéter énormément dans le domaine de la protection des réfugiés.

+-

    M. Inky Mark: Mais qui doit prendre les choses en main? Les Nations Unies ou les pays occidentaux?

+-

    M. Alex Neve: Je ne dirais pas qu'il faut que nous soyons les premiers à le faire mais plutôt que nous devons nous assurer que le facteur déterminant sera la sécurité et le respect des normes internationales en matière de droits de la personne, avant que nous ne permettions que cela soit présenté comme étant la politique du gouvernement canadien dans le contexte d'une entente signée avec un autre pays et des règlements de mise en oeuvre de l'entente.

+-

    M. Inky Mark: Qui est habilité à décider si un pays est un tiers pays sûr qui respecte des normes minimales?

+-

    M. Alex Neve: Il faut tenir compte de l'avis d'un grand nombre d'organisations. En définitive, j'imagine que la décision sera prise par nos propres tribunaux comme cela se fait au Royaume-Uni. Nous avons eu au Canada des décisions judiciaires qui témoignent d'une volonté accrue de prendre en compte le sort qui attend une personne renvoyée du Canada, même vers les États-Unis, par exemple, où le demandeur de statut serait passible de la peine capitale. Dans de tels cas, le renvoi vers les États-Unis n'est pas possible. Il se peut que cela soit au bout du compte la solution que nous retiendrons ici aussi. Les ministères n'ont pas réussi à me convaincre qu'il existe de solides raisons de croire que cette entente résistera, par exemple, à une contestation au regard de la Charte des droits.

+-

    Mme Janina Lebon: En ce qui concerne les données, s'ils savent qu'il y a 14 000 personnes, chacune d'elles sera fichée dans le SSOBL. Le rapport personnalisé indiquera le pays d'origine, le pays de dernière résidence permanente, le point d'entrée par où la personne est arrivée au Canada. Si elle est entrée par Fort Érié, nous savons que la personne est arrivée par voie terrestre. Si elle est arrivée à l'aéroport international Pearson, si elle a transité par Vancouver ou une autre ville, les données se trouvent dans le système. Il existe en fait un service qui ne fait rien d'autre que la collecte de données.

º  +-(1645)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Janina.

    Judith.

+-

    Mme Judith Kumin: J'aimerais faire deux commentaires en réponse aux questions de M. Mark. D'abord, nous croyons que c'est plutôt risqué de tenter de dire si un pays est sûr ou ne l'est pas. La situation n'est pas du tout tranchée. Très souvent, cela dépend de la situation particulière d'une personne et c'est pourquoi nous avons toujours soutenu qu'il est essentiel d'examiner la situation particulière du demandeur de statut. Un pays qui est «sûr» pour une personne ne l'est pas nécessairement pour une autre.

    Je tenais aussi à répondre à votre question au sujet de la participation du HCNUR au contrôle et à la surveillance de l'entente aux termes de l'article 8, je crois. Nous avons accepté l'invitation de participer à la surveillance de l'entente dans le contexte de nos responsabilités aux termes de l'article 35 de la Convention de 1951. L'article 35, paragraphe 1, stipule que le HCNUR est chargé de la surveillance de l'application par les États des dispositions de la Convention sur le statut des réfugiés. Nous croyons que la surveillance de cette entente est le prolongement naturel de nos responsabilités en vertu de l'article 35 de la Convention. Or, nous avons insisté auprès de nos homologues au gouvernement, et je crois qu'ils l'ont accepté, sur le fait que nous devons travailler de concert avec nos partenaires des ONG et la collectivité juridique. Bien entendu, nous n'avons pas une armée à déployer tout le long de la frontière, de sorte que nous devrons faire appel à nos partenaires des deux côtés de la frontière si nous voulons savoir si l'entente donne les résultats prévus. Il faudra qu'il y ait coopération car le HCNUR ne peut agir seul. C'est pour cette raison, j'espère, que l'article 8 a été modifié dans la version finale, afin de mentionner expressément le rôle des organisations non gouvernementales.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Judith.

    Nous passons maintenant à Anita, puis à nouveau à Betty.

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci.

    Judith a déjà abordé les questions qui me préoccupent. Tous les témoins aujourd'hui semblent s'entendre pour dire que, bien qu'il y ait une entente entre les deux pays, nous avons affaire à deux systèmes de valeurs bien différents, à des cultures très différentes, ce qui rendra difficile la mise en oeuvre de l'entente.

    Je me demande si vous pouvez me donner un peu plus de détails sur ce que vous prévoyez pour deux des éléments de cette entente—et je sais que vous avez formulé des recommandations—plus particulièrement les mineurs non accompagnés, question qui me préoccupe beaucoup, et le risque d'entrée illégale de personnes. Que prévoyez-vous sur ces deux plans-là? Ma question ne s'adresse pas à l'un de vous en particulier.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Nick.

+-

    M. Nick Summers: S'agissant d'abord du trafic d'êtres humains, il est intéressant de rappeler que nous avons dans le SSOBL 14 000 noms, etc. Nous n'aurons pas cela à l'avenir, car nous aurons ce que le ministère appelle par euphémisme une arrivée irrégulière de réfugiés. Autrement dit, ils traverseront la frontière de nuit, franchiront les rivières, se cacheront à l'arrière des camions, et nous ne saurons jamais qui ils sont ni d'où ils viennent. C'est une perspective qui nous préoccupe au plus haut point et j'avoue franchement mal comprendre pourquoi le gouvernement tient à aller de l'avant avec cette idée. L'entente, et par extension le règlement, fera que l'arrivée de réfugiés à notre frontière sera irrégulière. À l'heure actuelle, ils arrivent à la frontière, ils se présentent, ils remplissent les formulaires, font prendre leurs empreintes digitales et leur photo, et entrent là dans la filière. Nous allons créer une toute nouvelle catégorie de réfugiés qui n'auront fait rien de tout cela, qui deviendront des clandestins et qui, de temps à autre, en sortiront pour réclamer le statut de réfugié depuis le territoire canadien, ou encore ils ne s'en donneront même pas la peine, de crainte de se voir refouler ou parce qu'ils n'en ressentent pas le besoin. Nous entrevoyons donc un risque très élevé de trafic d'êtres humains.

    Les gens choisissent de venir au Canada. Les États-Unis sont plutôt mal aimés dans le monde entier. Il y a des gens qui préféreraient venir au Canada et je ne crois pas que nous puissions nous en étonner. Il y a des gens qui viennent au Canada pour des raisons bien particulières, parce qu'ils savent que la collectivité les accueillera, parce qu'ils ont ici des membres de leur famille qui les soutiendront, parce que le Canada a la réputation d'être l'un des pays où il fait bon vivre. Ce sont là autant de bonnes raisons de venir ici. Par conséquent, ces gens viendront ici, que nous les autorisions ou non à franchir la frontière et il y a des risques très élevés de trafic d'êtres humains.

º  +-(1650)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Janina.

+-

    Mme Janina Lebon: Ce risque de trafic d'êtres humains est très préoccupant. Le ministère a créé des équipes intégrées de la police des frontières—sans leur donner de budget, soit dit en passant. Les fonds sont détournés d'ailleurs. Nous avons ces très longues frontières—c'est dans notre mémoire. Il y a la frontière entre le Québec et les États-Unis, celle de l'Ontario à l'est—Akwesasne est un cas notoire—ensuite de Pigeon River vers l'ouest. Nous craignons qu'ils ne traversent la frontière sans que nous sachions qui ils sont.

    Il y a aussi le fait que certains de ceux qui arriveront à entrer au pays pourraient être—et nous le savons—des criminels, de véritables réfugiés, ou des personnes en mauvaise santé. Ces personnes deviendront des clandestins et comment ferons-nous pour les retracer?

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Janina.

    Michael.

+-

    M. Michael Bossin: Une autre chose n'a pas été dite au sujet de la migration clandestine, et c'est que les gens font des choses folles et dangereuses pour atteindre leur but. Comme vous le savez probablement, il y a un tunnel sous la Manche, et on va enfin déplacer un camp de réfugiés, mais ce camp est en France. Le tunnel a bien sûr été construit pour le passage de trains à haute vitesse. Chaque jour, des gens risquent leur vie pour traverser les barrières électriques et Dieu sait quoi d'autre pour traverser ce tunnel dans lequel roulent des trains à haute vitesse. C'est extrêmement dangereux. Il y a constamment des blessés, mais les gens continuent.

    J'ai lu le compte rendu d'une entrevue avec le chef du service d'Immigration et de Naturalisation à Buffalo. Il disait que dans cette région, pour traverser la frontière, il faut traverser la rivière Niagara. Cette rivière est dangereuse, en dépit des apparences, et des gens meurent en essayant de la traverser. Environ 300 personnes, je crois, sont mortes en essayant de passer du Mexique aux États-Unis l'an dernier. Les gens font des choses folles et dangereuses.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Michael.

    Judith.

+-

    Mme Judith Kumin: Je souhaite répondre à l'autre partie de la question, celle sur les enfants non accompagnés. J'ai deux observations à faire à ce sujet.

    Premièrement, il est très positif que l'équipe de négociation canadienne ait proposé et accepté de rédiger une exemption à l'article 4 à l'intention des enfants non accompagnés. C'est une mesure très positive, qui reconnaît la vulnérabilité de ces enfants. Cela signifie que les enfants non accompagnés qui veulent entrer au Canada y seront autorisés en application de l'article 4.

    Mais cela soulève deux problèmes. Comme je l'ai dit précédemment, comment peut-on savoir qu'un enfant n'est pas accompagné? Nous savons que bon nombre d'enfants sont entre les mains de trafiquants ou de passeurs et qu'il faudrait les séparer et les protéger de ces gens qui les exploiteront. C'est beaucoup demander à l'agent d'immigration à la frontière, car la relation entre l'enfant et l'adulte qui l'accompagne n'est pas toujours évidente. Si l'homme qui accompagne un enfant dit qu'il est son oncle et qu'il a dit à l'enfant de se taire, ce n'est pas facile de connaître la vérité.

    Il faudra donc à notre avis avoir recours à des agents qualifiés de protection de l'enfance, au cas par cas, pour décider si l'enfant est véritablement non accompagné et s'il a besoin de protection et de soins spéciaux.

    L'autre partie de votre question dépasse largement la portée de l'entente. Elle soulève également la question de savoir ce qui arrive à ces enfants une fois qu'ils traversent la frontière canadienne. Il existe un problème particulier, surtout en Ontario, puisque les sociétés d'aide à l'enfance ne sont pas chargées de s'occuper des enfants âgés de plus de 15 ans. Ceux de 16 ans et de 17 ans—et ils constituent la majorité de ces enfants—sont laissés à eux-mêmes. Nous ne voudrions pas que nos enfants de 16 ans et de 17 ans se retrouvent tout seuls dans les rues d'Abidjan ou de Kaboul, et nous pouvons imaginer à quelles difficultés et à quels dangers peut être assujettie, par exemple, une jeune fille de 16 ans du Sierra Leone qui se trouve toute seule dans les rues de Toronto.

    Il y a donc un problème d'identification, mais ensuite il y a celui du renvoi à des organismes qui veilleront à ce que ces enfants soient soignés et bien gardés afin qu'ils ne puissent pas être exploités une fois qu'ils sont arrivés au Canada.

º  +-(1655)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci Judith.

    Betty.

+-

    Mme Betty Hinton (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, Alliance canadienne): Je suis ici en remplacement de mon collègue, qui devait prononcer un discours à la Chambre. Heureusement pour moi, elle est revenue à temps. J'ai toutefois trouvé cela fascinant et j'ai lu les documents qui m'ont été présentés aussi rapidement que je le pouvais.

    J'ai une question à poser avant de céder la parole à mon collègue. Dans le document d'Amnistie internationale, on lit ce qui suit:

Dans bien des cas, la détention est obligatoire, y compris pour ceux qui arrivent aux États-Unis par bateau ou ceux qui arrivent sans titres de voyage ou avec des documents frauduleux.

    D'après le reste de vos propos, je suppose que vous vous opposez à ce type de détention. Je ne comprends pas pourquoi, car il y a des questions dont nous devons nous soucier, entre autres l'arrivée de maladies comme la tuberculose au Canada. Il y a des raisons pour lesquelles de telles mesures sont prises. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

+-

    M. Alex Neve: Nous ne disons certes pas qu'il ne devrait pas y avoir de détention. Dans bien des cas, la détention est nécessaire et nous ne nous y opposons pas.

    Nous disons toutefois que les décisions, les lois et les politiques en matière de détention doivent être conformes au droit international quant aux motifs de détention. Le droit international ne reconnaît pas de catégories aussi générales que celles ainsi décrites--les personnes qui arrivent par bateau doivent être détenues ou les personnes qui arrivent sans titres de voyage ou avec des documents frauduleux doivent être détenues.

    D'après le droit international, il faut, pour prendre une telle décision, examiner différents facteurs, entre autres si cette personne, et non le groupe général auquel elle appartient, pose un risque de fuite, par exemple, si on la laisse en liberté, ou si cette personne constitue ou non une menace pour la société. Ces décisions doivent être prises au cas par cas. Là où nous sommes inquiets, c'est quand on établit des catégories générales pour lesquelles la détention est obligatoire.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Alex.

    Betty.

+-

    Mme Betty Hinton: Au Canada, nous avons perdu la trace de bien des gens qui sont arrivés au pays. Nous ne savons plus où ces personnes se trouvent car notre méthode est différente. Je trouve que c'est une façon de faire assez effrayante car notre situation est différente aujourd'hui de ce qu'elle était il y a cinq ans. Après les événements du 11 septembre, il est important de savoir qui arrivent au pays et comment ils sont arrivés. J'aimerais qu'il y ait de la documentation sur les gens. Je veux également qu'il y ait des critères en matière de santé pour protéger les citoyens canadiens.

    J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec moi ou non quant à l'idée que l'Amérique du Nord, c'est-à-dire le Canada, les États-Unis et le Mexique, sont maintenant confrontés à un nouveau problème et doivent trouver de nouvelles solutions qui tiennent compte des normes acceptées à l'échelle internationale.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vais donner la parole à Janina.

+-

    Mme Janina Lebon: La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés contient une disposition qui permet de détenir les personnes qui ne possèdent pas de documents d'identité. Cette observation sur le droit international est très intéressante puisqu'il existe actuellement un projet pilote dans un des aéroports. Toute personne qui arrive sans papiers d'identité sera détenue jusqu'à ce qu'elle puisse fournir des papiers quelconques. Immigration Canada a déjà un projet pilote en cours à ce sujet. Certains agents sont inquiets parce qu'ils estiment que cela enfreint leur pouvoir discrétionnaire de détenir ou non, mais en fin de compte, il y a un projet pilote, et tous ceux qui n'ont pas de papiers d'identité sont détenus.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Janina.

    D'autres témoins ont-ils des observations à ce sujet? Vous êtes tous bien installés, nous allons donc continuer.

    Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Dans la Gazette du Canada qui a été publiée le 26 octobre 2002, le gouvernement disait que les ONG ont été consultées sur le projet d'entente et que leurs objections n'étaient que des objections de principe. J'aimerais peut-être avoir votre évaluation du type de consultation qu'on a tenue avec vous: je trouve que vous êtes des ONG particulièrement signifiantes pour l'entente et les règlements. Est-ce que le type de consultation était une consultation respectueuse ou si, évidemment, on vous a entendues parce qu'on devait vous entendre? Je veux dire qu'il y a plusieurs choses, par exemple, qui ont été suggérées par le Haut-Commissariat, notamment, et qui n'ont pas été retenues. Est-ce que c'était une consultation bidon?

»  +-(1700)  

+-

    Mme Janet Dench: Nous sommes presque continuellement en discussion avec le ministère de l'Immigration sur plein de sujets. Nous trouvons très utile de consulter, et c'est pour cela que nous ne refusons presque jamais d'aller leur parler, de donner notre point de vue. Mais nous avons une déception: souvent, pour les questions plus fondamentales, telles que la décision de négocier une entente avec les États-Unis, les décisions sont prises avant de nous consulter, donc, la consultation se tient une fois que le ministère ou le ministre a déjà décidé de l'orientation générale; on peut avoir un impact sur des détails, mais sur la question fondamentale, c'est trop tard. Et c'est une déception qu'on a eue aussi par rapport à la décision de ne pas mettre en vigueur la section d'appel pour les réfugiés. À plusieurs reprises, on a demandé au gouvernement d'avoir des discussions plus larges, parce qu'on comprend que le gouvernement a des préoccupations par rapport, par exemple, à une éventuelle augmentation des demandes du statut de réfugié. Cela a un impact; on le comprend, mais nous, nous aimerions pouvoir nous asseoir avec eux et dire: « Voici la situation. Quelles sont les possibilités envisageables pour répondre à cette situation mais, en même temps, respecter les droits des réfugiés? » Jusqu'à maintenant, on n'a pas eu cette possibilité.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Janet.

    Madeleine, cela vous va pour l'instant?

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Buti.

+-

    M. Buti Kale: Les consultations entre le gouvernement et le HCR ont été tenues en toute sincérité, et le gouvernement a tenu compte de certaines de nos recommandations. Même à la dernière étape des consultations, nous avons été heureux de constater que certaines questions étaient intégrées à ce qui sera peut-être le texte définitif. Nous sommes reconnaissants à ce sujet, mais comme Judith l'a dit, le problème, c'est qu'on met la charrue devant les boeufs. Le fait d'avoir deux systèmes différents, deux cultures différentes, ne crée pas une situation idéale. Ce sont deux régimes différents dont les préoccupations portent sur les deux côtés de la frontière.

    Les renvois accélérés qui se font aux États-Unis créent des problèmes. On ne l'a peut-être pas expliqué, mais dans le cas du processus, il a fallu attendre jusqu'en 2001 aux États-Unis pour que les ONG soient autorisées à surveiller le fonctionnement du régime. C'était l'une des critiques essentielles formulées par la communauté internationale à l'égard du régime. À un moment donné, on parlait de «trou noir» pour parler des renvois accélérés puisque personne ne savait ce qui se faisait au niveau de l'inspection secondaire. Jusqu'en 2001, seul le HCR avait accès aux résultats de l'inspection secondaire. Toutefois, les ressources du HCR sont très limitées et c'est pourquoi on a proposé, probablement, que les ONG aient un rôle à jouer quant à cet aspect de l'entente. Les ONG seront consultées, mais on n'a pas encore déterminé quel genre de consultation sera menée. Il faut qu'il y ait une surveillance sérieuse de l'application de l'entente en raison des préoccupations qui ont été exprimées au sujet du régime américain, disons, puisque nous sommes actuellement de ce côté-ci de la frontière. Je suis sûr que d'autres aux États-Unis se posent également des questions sur le régime canadien.

»  +-(1705)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.

    Alex.

+-

    M. Alex Neve: Permettez-moi de revenir sur cette question du manque de consultation véritable sur les questions fondamentales. Pour reprendre la métaphore de la charrue et des boeufs, on nous demande souvent notre opinion sur la charrue, mais rarement sur les boeufs. Cela ne s'applique pas seulement à la période relative à cette entente, cela remonte à 1995-1996, lorsqu'il y a eu la première initiative pour tenter de négocier une entente de ce genre. Comme d'autres, nous avons fait valoir ces préoccupations importantes à de nombreuses reprises, durant les négociations, sur le fait que cette entente entraînera la détention illégale de personnes et mettra des femmes en danger. Le gouvernement ne nous a pas répondu. Nous n'avons pas reçu de réponse montrant clairement que le gouvernement n'est pas d'accord avec nous pour telle ou telle raison, qu'il rejette des preuves par manque de fiabilité, ou qu'il est d'accord avec nous mais qu'il est prêt néanmoins à accepter cette entente pour d'autres raisons. On a donc souvent l'impression que les consultations sont à sens unique. On nous demande notre opinion, mais il n'y a pas de dialogue, et dans le cas de ces questions fondamentales, c'est essentiel.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.

    Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi: Merci, monsieur le président.

    La majorité des lois proposées sont le résultat des événements du 11 septembre et c'est assez effrayant. Nous sommes arrivés comme réfugiés en 1957 à cause de la révolution en Hongrie. Je crois que tous les résistants d'hier seraient considérés aujourd'hui comme des terroristes parce que le climat est totalement différent, c'est comme ça que je le sens.

    Quant à la similitude de nos valeurs avec celles des États-Unis, il suffit de voir le sort réservé régulièrement aux réfugiés de la mer. Ceux qui sont arrivés sur notre côte ouest ont bénéficié des dispositions de la loi. Aux États-Unis, ils empêchent ces gens de débarquer. Si vous arrivez de Cuba, dans la plupart des cas vous êtes accueilli et en liberté pendant que votre dossier est traité; si vous arrivez de Haïti, ce n'est pas la même histoire. Le traitement réservé est incroyablement différent.

    J'essaie, en quelque sorte, de trouver comment réagir à ces changements provoqués par le 11 septembre. Il est vraiment important de faire comprendre que si cette mesure législative est adoptée, non seulement elle sera inefficace, mais contre-productive si au bout du compte nous nous retrouvons avec un plus grand nombre de clandestins vivant au Canada et qu'en même temps nous créons un marché pour les passeurs, car s'ils voient qu'il y a de l'argent à faire, il ne manquera pas de candidats. Il faut revoir les chiffres des années passées et sur cette base construire plusieurs scénarios. Il faut faire très attention à ne pas être contre-productifs dans nos initiatives. Nous voulons lutter contre le terrorisme, ne pas céder, bien entendu, mais est-ce vraiment la solution?

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Andrew.

    Janet.

+-

    Mme Janet Dench: Vous parlez de risque de contre-productivité. Les exemples ne manquent pas chez nos voisins du sud. Les États-Unis ont lourdement investi dans la sécurisation de leur frontière sud pour empêcher les clandestins de la franchir et les études montrent que cela ne marche pas. Ils ont dépensé beaucoup d'argent mais les gens continuent à passer. En fait, les gens ont tendance à rester plus longtemps aux États-Unis à cause de ces mesures de sécurité à la frontière, et comme Alex l'a mentionné, beaucoup de gens sont morts de ces mesures. L'Europe est un autre exemple. Ils ont déjà essayé les mesures de renvoi dans des pays tiers sûrs, ils ont essayé toutes sortes d'autres mesures et pourtant le nombre de réfugiés en Europe atteint des niveaux que les pays européens disent ne plus pouvoir supporter.

    Deuxièmement, à propos des valeurs, l'interception des bateaux, et le traitement des gens qui arrivent par bateau, je crois que c'est un bon exemple de la différence entre les valeurs canadiennes et les valeurs américaines. Le gouvernement canadien a clairement déclaré que l'interception de bateaux en haute mer ne lui semblait pas une solution responsable. Les États-Unis, malgré les condamnations internationales, continuent d'appliquer leurs programmes d'interception.

    J'aimerais en profiter pour parler de l'accord auxiliaire dont vous avez discuté ce matin, je le sais. Cet accord, d'après ce que nous en comprenons, vise à obliger le Canada à se faire le complice de ces interceptions en haute mer. Les États-Unis veulent pouvoir envoyer certains des réfugiés qu'ils interceptent en haute mer au Canada. Je crois qu'il leur est déjà arrivé dans le passé de demander au gouvernement canadien d'accepter certains de ces réfugiés, mais pour des raisons de principe, le Canada n'a pas voulu participer parce que les États-Unis pratiquent ces interceptions en contravention du droit international et nous leur rendrions service simplement en leur disant, oui, d'accord, nous en prendrons quelques-uns pour vous aider à résoudre le problème que vous avez créé. Les États-Unis ont signé cet accord à condition que le Canada accepte cet accord auxiliaire dont le texte à l'origine était secret mais qui nous a été communiqué pendant l'été. Cet accord auxiliaire n'est pas réciproque; il s'agit pour le Canada, et lui seul, d'accepter d'accueillir 200 réfugiés envoyés par les États-Unis. Notre hypothèse à propos de ces réfugiés interceptés en haute mer est corroborée par le libellé de l'accord qui parle des territoires des États-Unis ou du Canada selon la définition utilisée dans leur loi d'immigration. Bien entendu, Guantanamo ne fait pas partie des États-Unis dans le contexte de ces lois sur l'immigration.

»  +-(1710)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.

    Michèle.

+-

    Mme Michèle Jenness: Pour revenir à la dynamique instable de ceux qui franchissent clandestinement la frontière, lorsque les ONG, lors des premières négociations avec le département d'État et l'INS le 1er août, ont dit à l'avocat général de l'INS qu'il se retrouverait avec 15 000 demandeurs d'asile de plus, il a répondu qu'il n'en était pas du tout sûr et qu'il n'y en aurait pas plus de 5 000 ou 6 000. Il a estimé qu'environ 5 000 d'entre eux ne déposeraient pas de demande d'accès au Canada. Il a admis que les 5 000 ou 6 000 autres traverseraient la frontière avec des passeurs ou en suivant les formalités.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Alex, puis Nick.

+-

    M. Alex Neve: J'aimerais revenir sur votre sentiment global d'inquiétude suite aux événements du 11 septembre. Je les partage en partie car ce que nous voulons c'est la sécurité. Nous voulons une sécurité durable et nous voulons une sécurité qui signifie quelque chose pour tout le monde, peu importe le pays dans le monde. Pour parvenir à ce niveau de sécurité, à ce genre de sécurité, il ne faut pas s'écarter des normes fondamentales des droits de la personne mais en fait les embrasser d'une manière dont ils ne l'ont jamais vraiment été jusqu'à présent. Une partie de la raison de l'insécurité et de la misère dans le monde, bien entendu, c'est que partout sur la planète, il y a des gouvernements qui n'ont jamais respecté leurs obligations.

    Nous voulons être certains que le système de protection des réfugiés aux États-Unis et au Canada permette, entre autres choses, d'identifier les violateurs des droits de la personne--y compris les terroristes--et qu'ils soient traduits devant la justice. Nous ne sommes pas du tout convaincus que cet accord permette d'atteindre cet objectif. Il nous semblerait plus raisonnable de proposer et d'examiner des stratégies améliorées de collecte de renseignements et de partage d'information.

    Comme beaucoup d'entre nous vous l'ont dit, un outil grossier de ce genre expose simplement d'innombrables personnes au risque de détention illégale, menace les femmes en les privant de toutes les protections nécessaires, et fera multiplier le nombre de tentatives folles et dangereuses--comme l'a rappelé Michael--de franchissement illégal de la frontière. Un tel instrument ne fera qu'exacerber la misère et l'insécurité, sans, selon nous, s'attaquer au véritable problème, à savoir comment faire en sorte que les violateurs des droits de l'homme de ce monde, quels qu'ils soient, soient traduits devant la justice comme ils le devraient.

»  +-(1715)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Nick.

+-

    M. Nick Summers: À ce sujet, il ne faut pas oublier que si Citoyenneté et Immigration réclame un accord sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis, cela n'a rien à voir avec le 11 septembre. Le ministère le réclame depuis 1996, ce qui est encore peut-être plus répréhensible. Encore si cela avait pour but de protéger les citoyens canadiens ici, mais ce n'est qu'une façon d'alléger le fardeau administratif. Les chiffres sont élevés, nos moyens sont limités et voici une façon de nous débarrasser de 15 000 personnes.

    Si l'idée avance aujourd'hui, c'est qu'à cause du 11 septembre, les États-Unis sont enfin réceptifs. C'est l'occasion pour eux d'en tirer quelque chose, l'entente auxiliaire, la communication des renseignements de sécurité, la frontière intelligente, etc. Le Canada a maintenant une contre-partie à offrir aux États-Unis pour qu'ils acceptent tous ces gens et on peut donc comprendre pourquoi ils prennent ces mesures. Ils adoptent une mentalité d'assiégés. Mais est-il justifié pour des raisons administratives et de moyens de causer toute cette misère, de compromettre les réfugiés et de renoncer à nos obligations internationales?

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Nick.

    Judy.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Je pense que vous avez raison, Nick. Sous couvert de protéger les Canadiens du terrorisme, le gouvernement a trouvé un moyen commode de se débarrasser de l'arriéré. À en croire le témoignage de Jeannette et de Janina, par contre, il me semble qu'une énorme série d'autres problèmes étaient aussi créés sur le plan administratif, qui vont obérer les ressources humaines et financières consacrées aux systèmes actuels, mais personne ne s'en préoccupe. Je serais curieuse d'entendre le syndicat nous dire comment il entend faire passer le message au gouvernement pour que l'on réussisse à ralentir le processus.

    Comme vous le savez, on suit ici la filière accélérée. Le texte de la Gazette nous donne jusqu'au 25 novembre pour entendre toutes les réactions et achever nos travaux. C'est dans moins d'une semaine et le temps court. D'énormes interrogations ont été soulevées et le comité devrait s'y consacrer pour formuler des recommandations. Avez-vous des idées sur la façon dont on pourrait ralentir les choses, convaincre les ministres et se faire comprendre des fonctionnaires. C'est une chose.

    Pour ce qui est de l'autre, j'aimerais revenir à Judith sur la question des enfants non accompagnés.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): On va d'abord écouter la réponse à la première question puis à la deuxième si nous avons le temps.

    Jeannette.

+-

    Mme Jeannette Meunier-McKay: C'est un peu curieux que vous ayez parlé de consultation il y a quelques instants avec Madeleine parce que celles qui ont eu lieu avec le syndicat ont été très courtes. Même si nous avons déjà soulevé la question des ressources, elle semble toujours rester sans suite. Chaque fois qu'on instaure de nouveaux programmes, il n'y a jamais de fonds supplémentaires alloués.

    Le gouvernement n'a qu'à revoir les chiffres et l'arriéré qui est déjà constitué. Voyez ce qu'il advient des demandes à Vegreville, celles des conjoints, et de l'arriéré qui existe là-bas depuis le mois de février. Cela montre bien qu'un nouveau programme ou une nouvelle réglementation non accompagné de fonds supplémentaires pour embaucher seront inefficaces.

    De plus, on a bien embauché des vacataires mais après l'étude qui a été faite pendant les négociations, la plupart d'entre eux ont été remerciés. C'est toujours une question de sous. On se prive d'une mine de renseignements qui pourraient être utiles, mais qui disparaîtront.

    Et puis il y a la CISR, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui a déjà sur les bras plus de 50 000 demandes. Pourtant, cette décision va en créer encore plus.

    Si le gouvernement consultait les statistiques et les ressources dont il dispose et celles qui sont normalement nécessaires quand on instaure de nouveaux programmes, il saurait que ce que nous disons est vrai et repose sur des faits. Il n'avancerait pas dans cette voie sans débloquer des fonds pour augmenter l'effectif.

»  +-(1720)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Janina.

+-

    Mme Janina Lebon: J'ajouterai que nous avons actuellement 50 000 nouvelles demandes de statut de réfugié qui attendent d'être instruites. Celles qui l'ont été suivent une autre filière.

    Je peux parler pour certains des bureaux de l'Ontario. Il y a une liste d'attente d'un an avant que la décision soit rendue. À cela vient s'ajouter les demandes des conjoints. Ça ne fait que s'empiler et, au bout du compte—j'hésite à le dire—c'est comme si quelqu'un cherchait à ce qu'il y ait une autre amnistie ou un autre examen administratif. Sinon, comment va-t-on éliminer l'arriéré? Ce n'est pas ainsi que ça va se faire.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Judy, vous aviez une autre question pour Judith.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Je suis toujours curieuse de savoir si quelqu'un a des idées sur la façon de ralentir ce processus. Y a-t-il des chances que les États-Unis mettent la pédale douce? Quelque chose indique-t-il que nous allons avoir un peu de répit? Je pose la question à qui voudra répondre puis je poserai ma question à Judith à propos des enfants non accompagnés.

    Je comprends ce que vous dites, Judith. Dans le cadre de cette entente sur les tiers pays sûrs, il est important d'avoir des dispositions pour les mineurs non accompagnés, comme issue de secours. Mais je l'ai dit ce matin, je ne peux m'empêcher de penser aux familles qui se présentent à la frontière dans l'espoir d'entrer au Canada et qui ne le pourront pas en vertu de cet accord et qui trouveront le moyen d'envoyer leurs enfants ici seuls pour qu'ils commencent une nouvelle vie. La famille ne sera peut-être jamais reconstituée et cela créera un autre problème qui n'existerait pas s'il n'y avait pas cet accord. Cela continue de m'inquiéter.

    Cela me rappelle le réseau clandestin des esclaves. Des parents envoyaient leurs enfants par ce réseau vers le Canada et la liberté, pour ne jamais plus les revoir. C'est cela qui m'inquiète.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Judith.

+-

    Mme Judith Kumin: Je partage votre inquiétude. L'éventualité que vous venez de décrire, le gouvernement lui aussi y a pensé. Parce que s'il y a effectivement une exception pour les mineurs non accompagnés, qu'est-ce qui va empêcher des parents d'envoyer leur fillette de 14 ans à la frontière en lui recommandant de dire que ses parents sont morts ou introuvables? Vu la formulation de l'accord, si l'agent d'immigration peut amener la jeune fille à admettre que ses parents sont aux États-Unis, elle n'a pas le droit d'entrer au pays parce qu'un mineur non accompagné n'a de parents ni aux États-Unis ni au Canada. Évidemment, il serait difficile d'interviewer la jeune fille et de lui faire dire la vérité si ses parents lui ont dit de dire une chose et que l'agent d'immigration lui en demande une autre et si elle ne parle ni anglais ni français. Vous pouvez imaginer les problèmes.

    L'autre morceau du puzzle, c'est le cas de l'enfant non accompagné qui entre au Canada en vertu de l'accord—et imaginons pour les besoins de la discussion que c'est un cas légitime et non celui d'un enfant dont les parents attendent le moment propice à Buffalo; qu'il s'agisse vraiment d'un enfant non accompagné qui a perdu ses parents—et dont les parents, un an ou 18 mois plus tard, apparaissent à la frontière canadienne. En vertu de l'accord, ils n'ont pas le droit d'être admis, parce qu'un mineur ne peut répondre d'un candidat à la frontière. Voici un autre cas où le pouvoir d'appréciation prévu à l'article 6 pourrait être invoqué, mais le règlement actuel ne le permet pas.

    Il y a donc plusieurs cas de figure concernant les enfants non accompagnés qui risquent de faire problème. Vous en avez mentionné un, mais nous en trouverons sûrement d'autres.

»  +-(1725)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Nick.

+-

    M. Nick Summers: Je reviens sur l'exemple de Judith. Si cette jeune fille vient au Canada et n'est pas admise comme réfugiée, elle ne peut pas rentrer aux États-Unis pour retrouver ses parents--qu'elle a maintenant retrouvés--parce que, ayant été tenue pour être une réfugiée au Canada, elle n'a plus le droit de faire cette prétention aux États-Unis. À un moment donné, lorsqu'elle aura atteint l'âge adulte, elle pourra faire une demande comme immigrante indépendante, mais cela signifie des années de séparation de la famille.

    Pour répondre à votre question de tout à l'heure à propos de suggestions sur ce qu'il faut faire, je peux vous dire que nous, le CCR, et quelques autres ici, sommes régulièrement en contact avec nos collègues des ONG de partout aux États-Unis. Il est très révélateur qu'eux aussi, à l'unanimité, je crois, s'opposent à cet accord et travaillent d'arrache-pied auprès de leur gouvernement pour le bloquer. Ils savent aussi que cela va causer du tort à ceux dont ils s'occupent et qui se dirigent vers le Canada et qui vont leur revenir en détresse et dépouillés des droits qui devraient être les leurs.

    Les ONG n'ont pas eu beaucoup de succès non plus. Enfin, peut-être un peu plus car elles ont réussi à faire signer par quelques sénateurs et autres représentants des États des lettres d'opposition à l'accord, mais il semble que ce rouleau compresseur poursuit son chemin. La solution, je ne sais pas. Chose certaine, le ministère canadien ne nous écoute plus.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Janet.

+-

    Mme Janet Dench: Je voulais revenir sur ce que vous avez dit à propos des gens forcés d'envoyer leurs enfants non accompagnés à la frontière. Je rappellerai que lorsque les pouvoirs publics imposent des règles rigides qui ne correspondent pas aux réalités, les gens en difficulté feront des choses qu'ils ne feraient pas normalement. Des gens honnêtes se sentiront obligés de contourner la loi.

    On sait bien en effet que beaucoup d'immigrants au Canada après la Deuxième Guerre mondiale se sont inventés des titres professionnels parce qu'à l'époque le gouvernement vous laissait entrer si vous exerciez certaines professions. Aujourd'hui, le gouvernement est très strict face à ce genre de fausse déclaration. Je serais curieuse de savoir combien de nos éminents concitoyens se sont rendus coupables de fausses déclarations de ce genre pour entrer au pays.

    L'effet de ces règles qui interdisent aux réfugiés d'entrer par la grande porte est de les forcer à entrer par la petite. Notre position, c'est que les réfugiés doivent être protégés et qu'il faut leur ouvrir la grande porte.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Alex.

+-

    M. Alex Neve: J'aimerais revenir sur les stratégies de succès. Pour dire l'évidence, je dirais que si nous sommes tous ici devant vous aujourd'hui c'est parce que nous espérons que vous-mêmes aurez un rôle à jouer.

    Ce qu'il y a de triste dans cette affaire c'est qu'il n'a pas été possible pour le Parlement d'examiner l'idée de conclure un accord. Cela ne vient qu'après-coup et l'on nous dit que ceci ne porte que sur le règlement et non sur l'accord proprement dit.

    N'empêche, je prie instamment le comité de saisir l'occasion pour mettre en évidence les inquiétudes au sujet des grands principes, des grandes questions et des grands problèmes de droits de l'homme qui sont en cause ici. Cela pourrait beaucoup nous aider.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Yvon.

[Français]

+-

    M. Yvon Charbonneau: Ma question porte sur l'accord parallèle.

    Ce matin, les fonctionnaires nous ont dit que cet accord prévoyait la possibilité que le Canada reçoive 200 personnes par année, mais que nous conservions notre pleine capacité de décision. D'autre part, ils nous ont dit que cet accord prévoyait la pleine réciprocité: nous aussi, nous pourrions leur en envoyer 200 par année. C'est ce qu'ils ont dit ce matin avec beaucoup de conviction. Je suis prêt à vous entendre là-dessus de manière plus explicite. Quelqu'un a fait allusion à cela tout à l'heure.

    Je voudrais aussi que vous profitiez de l'occasion pour nous dire quelle est, à votre avis, the driving force derrière cet accord parallèle. Pourquoi y a-t-il cet accord parallèle? Qu'est-ce qui pousse les gouvernements à conclure un accord parallèle alors qu'il y a un accord officiel? Est-ce qu'ils ne peuvent pas mettre l'un dans l'autre? Quel problème ont-ils voulu résoudre?

»  +-(1730)  

[Traduction]

    En conclusion, monsieur le président, je voudrais demander à notre invité de nous dire très franchement sans se sentir mal à l'aise si la réglementation projetée présente quelque avantage que ce soit.

    Je vous ai entendu parler des aspects négatifs de la chose. Vous qui êtes citoyen canadien ou qui représentez des organismes voués à la défense des droits de la personne ou à la protection des réfugiés, y trouvez-vous quoi que ce soit de positif? N'ayez pas peur de...

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Si nous pouvions procéder de façon concise avec la participation de tout le monde, nous aurions assez de temps pour permettre à tous les députés de poser encore une question. Nous allons donc essayer dans ce sens. Mais comme Yvon vient de le dire, sentez-vous bien à l'aise et n'ayez pas peur de nous dire pourquoi, à votre avis, les choses se passent ainsi--si toutefois vous avez quelque chose à dire à ce sujet.

    Alex.

+-

    M. Alex Neve: S'agissant de l'accord bilatéral, nous n'avons pas suivi la chose d'assez près, et je pense que je préférerais laisser à d'autres le soin de répondre.

[Français]

+-

    Mme Janet Dench: On peut dire que dans l'accord parallèle, il y a un article qui est effectivement réciproque, en ce sens que chaque pays peut demander à l'autre pays d'accepter des recommandations en vue de la réinstallation de certains réfugiés.

    Par contre, l'accord parallèle, c'est-à-dire le texte qui devra être signé entre les deux pays pour mettre en vigueur cet accord de principe, n'est pas réciproque. La version que le gouvernement nous a donnée parle seulement du fait que les États-Unis peuvent envoyer jusqu'à 200 personnes par année au Canada.

    On peut comprendre de cela que les États-Unis, qui ne voient aucun avantage pour eux dans l'accord global, ont essayé de profiter de l'occasion pour obtenir quelque chose qu'ils veulent de la part du Canada. Comme je l'ai dit plus tôt, on voit que les États-Unis ont cette politique d'interception des réfugiés et qu'ils cherchent des pays qui voudront bien recevoir les réfugiés qu'ils interceptent.

    Donc, selon cette entente, les États-Unis pourraient faire 200 recommandations par année. Il est vrai que les réfugiés doivent être acceptés en vertu des lois canadiennes. Par contre, je vois que la loi exige seulement que ces personnes soient véritablement des réfugiés au sens de la définition de « réfugié » et répondent aux autres critères énoncés dans la loi pour être admissibles. La loi ne donne pas au gouvernement du Canada la possibilité de refuser des réfugiés pour des raisons de principe. Par exemple, il lui est impossible de dire qu'il ne veut pas réinstaller tels réfugiés particuliers parce qu'ils ont été interceptés et qu'il est en principe opposé au programme d'interception.

    J'imagine que les États-Unis ont demandé qu'une telle chose soit inscrite dans l'accord parce qu'elle obligerait le gouvernement canadien à traiter les demandes. Si les réfugiés répondent aux critères canadiens, notre gouvernement sera obligé de les accepter même si, au plan politique, il n'est pas en faveur de ce programme.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci. Quelqu'un d'autre?

    Jeannette.

+-

    Mme Jeannette Meunier-McKay: Je pense que je vais vous répondre sans détour. Si vous voulez un avis en toute honnêteté sur la question, je vous dirais qu'à mon sens, cette réglementation nous vient des États-Unis, si vous voyez ce que je veux dire. Si cette réglementation était déjà en vigueur, elle accorderait un niveau de protection bien inférieur à celui qui existe actuellement. C'est un peu comme si nous nous apprêtions à régler un problème administratif sur le dos des droits de la personne. Ainsi, lorsque vous me demandez si j'y vois des avantages, je dois vous répondre non.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.

    Yvon.

+-

    M. Yvon Charbonneau: Y a-t-il quelqu'un ici qui, en tant que citoyen canadien ou représentant d'un mouvement de défense des droits de la personne, y voit un avantage?

»  +-(1735)  

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Dans le fond, c'est clair, non?

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): D'accord...

+-

    Mme Lynne Yelich: Vous venez de dire que le niveau de protection serait moindre. Pourriez-vous être un peu plus précis?

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Inky, excusez-moi, c'était à votre tour. Pourriez-vous néanmoins attendre encore quelques instants?

+-

    Mme Lynne Yelich: Allez-y, Inky.

+-

    M. Inky Mark: Ce que je voulais dire, c'est que le comité a peut-être fait preuve de négligence en étudiant toute cette question du tiers pays sûr. Cela fait déjà plus de deux ans que je suis ici, et je sais qu'on nous a déjà donné des renseignements préliminaires sur cette notion. De prime abord, cela semblait une bonne solution, mais lorsqu'on commence à creuser...

    Toujours en ce qui concerne le tiers pays sûr, nous ignorons quels sont les pays qui ont déjà des accords, nous ignorons les avantages que ces accords présentent et nous ignorons également les problèmes qui se posent dans ces pays. Encore aujourd'hui, j'ignore ce que les autres pays ont eu comme expérience dans ce domaine.

    Ce matin, nous avons appris que CIC escomptait refouler entre 5 000 et 6 000 demandeurs qui arrivent au Canada depuis les États-Unis. Et c'est ce même ministère qui nous dit: «Vous savez, s'ils arrivent par avion, l'accord concernant le tiers pays sûr ne s'applique pas.» S'il en est ainsi, pensez-vous que ces 5 000 ou 6 000 personnes dont je parlais vont arriver par avion? Nous nous demandons par conséquent quel est le problème que nous essayons de régler ici. Quel est le but du programme? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

+-

    M. Nick Summers: Ce ne serait pas nécessairement le cas car il est beaucoup plus difficile d'arriver par avion que de traverser la frontière à pied. Il faut avoir suffisamment d'argent pour acheter un billet, il faut avoir des papiers en règle, il faut avoir un passeport et ainsi de suite.

+-

    M. Inky Mark: Mais nous ne parlons pas ici de réfugiés sans papiers.

+-

    M. Nick Summers: Le problème, c'est que souvent les réfugiés n'ont pas de papiers. Cela est indéniable. Souvent, ils quittent leur pays à la sauvette. Souvent, ces réfugiés sont originaires de pays qui n'ont pas un gouvernement très efficace et qui n'est donc pas en mesure de leur remettre les documents dont ils ont besoin pour se rendre à l'étranger. Il y en a bien qui ont de l'argent pour se payer des faux papiers, mais c'est rare. Il y en a donc certains qui arrivent sans avoir tous les papiers nécessaires. Malheureusement, ils n'ont souvent pas les moyens de faire le voyage par avion, par bateau ou par un autre moyen. Par conséquent, ce sont les réfugiés les plus pauvres, et probablement aussi ceux qui ont le plus besoin d'aide, qui se trouvent exclus.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Alex.

+-

    M. Alex Neve: Je pense que votre question soulève un aspect que nous avons trouvé troublant et difficile depuis les années que nous travaillons sur cette question. Il est pratiquement impossible d'obtenir une déclaration claire de la part du gouvernement quant au problème qu'il faut régler ici.

    Si nous avions une idée claire de la nature du problème, je crois que nous serions tous mieux en mesure d'entamer un processus positif de dialogue et de consultation pour déterminer si cette entente parvient même à offrir une solution à ce problème. Et nous pourrions alors faire des recommandations constructives quant aux solutions de rechange.

    Mais là, on reste dans le vague. On sent un peu la présence de l'après-11 septembre, mais il n'en est jamais question de façon explicite. On laisse parfois entendre que c'est à cause de revendications multiples présentées dans les deux pays, mais ce fait n'a jamais été documenté ni clairement indiqué. Parfois, cela prend simplement la forme d'un souci général de gérer les flots irréguliers de réfugiés.

    Le problème n'a pas été présenté à la population canadienne pour que le Parlement et ceux qui suivent ce dossier puissent dire ce qu'ils pensent d'une initiative qui risque de compromettre gravement les droits de nombreuses personnes.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Y a-t-il d'autres commentaires?

    Judith.

+-

    Mme Judith Kumin: Comme M. Mark a indiqué qu'il n'avait pas beaucoup de renseignements à propos de l'expérience d'autres pays, j'ai pensé vous faire part d'un cas dont je suis au courant.

    Le 1er juillet 1993, l'Allemagne a adopté une règle relative aux tiers pays sûrs s'appliquant à l'ensemble des neuf pays avec lesquels l'Allemagne a des frontières terrestres. Cette situation est un peu plus compliquée que la situation canado-américaine. Mais la Constitution allemande a alors désigné l'ensemble des neufs pays ayant des frontières avec l'Allemagne comme des tiers pays sûrs et a déterminé qu'aucune personne sollicitant l'autorisation d'entrer en Allemagne en provenance de l'un de ces neufs pays par voie terrestre serait autorisée à entrer et à présenter la demande. Cette entente visait principalement à réduire le nombre de demandeurs d'asile en Allemagne.

    Par conséquent, du jour au lendemain, après le 1er juillet 1993, personne n'a demandé l'asile aux frontières terrestres étant donné que l'entente ne prévoit aucune exception, contrairement au texte proposé de l'entente canado-américaine—les exceptions prévues à l'article 4. Pourtant, depuis—certaines années le chiffre est plus élevé, d'autres années moins élevé—environ 100 000 personnes par année ont demandé l'asile en Allemagne. Elles ont toutes traversé la frontière illégalement et ont présenté une demande de l'intérieur.

»  +-(1740)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vous remercie, Judith.

    Nous allons maintenant passer à Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich: J'aimerais simplement reprendre ce que Janina a dit et peut-être que Jeannette pourra m'aider. Vous avez dit qu'il y avait un arriéré d'environ 50 000 demandes, et vous avez parlé des demandes de conjoints, etc. Comment établissez-vous la priorité de ces demandes? Quelle est votre façon de procéder?

    Vous n'avez jamais reçu les ressources que nous pensions que vous recevriez par l'intermédiaire du comité, ce dont nous avions parlé, d'après ce que je croyais. Mais établissez-vous des priorités? Est-ce que vous considérez que les conjoints, les réfugiés sont en tête de liste...

+-

    Mme Jeannette Meunier-McKay: Non, c'est le ministère qui s'en est occupé, que nous soyons d'accord avec lui ou non. Nous avons parlé de consultations et de la façon dont nos membres qui se trouvent à faire le travail peuvent déterminer des secteurs prioritaires, mais les instructions proviennent de l'employeur—essentiellement CIC—et ils doivent faire avec.

    Les membres à Vegreville ont porté les demandes de conjoints à leur attention et ont dit: «Il faut qu'on s'en occupe. Il est inacceptable que certaines de ces demandes remontent à février de cette année et qu'on ne s'en soit pas encore occupé.» Essentiellement, on leur a dit qu'il fallait les mettre de côté parce qu'on avait établi d'autres priorités.

    Donc, il n'y a aucune consultation, ou très peu de consultation, avant que ces décisions soient prises. Les décisions sont prises avant que nous ayons la possibilité de faire connaître notre point de vue. Cette situation est généralisée. Il est très difficile d'établir des priorités.

+-

    Mme Lynne Yelich: Donc, cette entente de tiers pays sûrs vous aidera à réduire votre arriéré?

+-

    Mme Jeannette Meunier-McKay: Non, elle ne nous y aidera pas. Si vous en examinez le libellé, elle va simplement alourdir la charge de travail. Même si elle permettra de réduire la charge de travail dans un secteur, elle l'augmentera dans un autre. Dans notre mémoire nous avons indiqué les divers secteurs où se produira cette augmentation de la charge de travail. Si vous examinez le travail des agents d'exécution et de renvoi, cette entente créera un arriéré dans ces secteurs. Cela signifiera, sauf dans de rares cas, une autre augmentation du nombre de demandes du statut de réfugié.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vous remercie.

    Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ma question s'adresse à Jeannette.

    Tout le monde semblait d'accord pour dire qu'il n'y avait aucun avantage à cette entente et à la réglementation qui y correspond. Vos membres travaillent dans les centres d'emploi et d'immigration du Canada. On ne peut pas présumer du nombre de personnes qui décideront d'emprunter la voie illégale pour venir au Canada, mais ces gens-là devront vivre et travailler, à moins de décider d'aller voler, ce qui est un peu embêtant quand on veut passer inaperçu. Donc, on peut penser que la majorité des personnes qui choisiront l'illégalité pour trouver un endroit qu'ils considèrent sûr iront dans les grandes villes. Ces gens iront à Montréal, à Toronto ou à Vancouver, n'est-ce pas? Quelles pressions cela peut-il exercer sur le marché de l'emploi?

    Actuellement, au Canada, la situation économique n'est pas trop mauvaise, mais si le marché de l'emploi se détériorait, est-ce qu'on ne risquerait pas de constater, parmi les conséquences néfastes, un certain niveau d'intolérance?

»  +-(1745)  

[Traduction]

+-

    M. Alan Lennon (représentant syndical principal, Syndicat des centres d'emploi et d'immigration Canada): C'est là où je pense que l'argument présenté par Judith plus tôt est important. En ce qui concerne le marché du travail, la situation ne change pas beaucoup. Les personnes qui arrivent aujourd'hui au Canada et qui présentent des demandes et qui font désormais partie de notre société et qui survivent en tant que demandeurs du statut de réfugié munis des documents voulus entreront simplement au pays de façon illégale, sans documents, et continueront de survivre, comme ils le font à l'heure actuelle, en se déplaçant dans divers pays du monde pour présenter leurs demandes. Donc le nombre réel de personnes et de demandes ne changera pas vraiment beaucoup sauf peut-être, je dirais, au cours des trois ou quatre premiers mois qui suivra l'entrée en vigueur du règlement, lorsque les gens arriveront à la frontière sans savoir le sort qu'il leur sera réservé, qui se feront renvoyer et qui se retrouveront aux États-Unis. Ils se rendront vite compte de la situation et ne se présenteront tout simplement plus à nos frontières et présenteront des demandes de l'intérieur après être entrés au pays illégalement.

    Je crois qu'une augmentation du nombre de cas d'entrées illégales au pays favorisera l'intolérance parce que ces personnes se trouveront à vivre essentiellement de l'économie clandestine puisqu'elles devront trouver des moyens de survivre.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Y a-t-il d'autres commentaires?

    Judith.

+-

    Mme Judith Kumin: Pour souligner un autre problème en ce qui concerne les ressources et auquel vous avez sûrement réfléchi, et je crois que Jeannette et Janina l'ont déjà mentionné, si l'entente a pour résultat de détourner les demandes présentées à l'heure actuelle à la frontière vers les centres de traitement au Canada de Citoyenneté et Immigration, il faudra bien sûr qu'il y ait un changement correspondant au niveau des ressources de Citoyenneté et Immigration. Autrement, au lieu d'avoir un arriéré à la frontière, on aura un arriéré à Toronto ou à Montréal.

    Je crois que cela aura les répercussions décrites par Alan. Si la période d'attente pour la détermination de l'admissibilité par Citoyenneté et Immigration est longue, on se trouvera avec un nombre plus important de personnes qui demeurent en situation irrégulière dans les villes, avec tout ce que cela suppose.

    On pourrait dire qu'il y aurait un avantage à encourager les gens à présenter une demande à la frontière, parce que cela offre au moins un moyen de gérer le flux, ce qui n'est pas toujours possible si les personnes traversent la frontière de façon irrégulière et convergent tout simplement vers un ou deux centres de traitement au Canada. Selon ce scénario, il faudrait que ces centres reçoivent des ressources supplémentaires pour faire face à la charge de travail accrue.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi: Comme je l'ai déjà dit, je pense que beaucoup de mesures législatives sont envisagées actuellement à cause des événements du 11 septembre. Je pense que la décision d'envisager ceci actuellement est encore accélérée par le 11 septembre. Nous allons sous peu débattre du projet de loi C-18 qui est une loi qui a été rejetée mais qui nous est représentée avec quelques ajouts à la suite du 11 septembre.

    Pour ceux d'entre nous qui pensent que les droits de la personne et les libertés civiques sont importants, il nous incombe de veiller à ce que nos concitoyens canadiens comprennent les conséquences de ces mesures législatives. Tant que dans le reste du monde les mêmes valeurs ne seront pas respectées, il y aura des problèmes de droits de la personne et de réfugiés—et bien entendu les problèmes ne disparaîtront jamais.

    J'ai lu, ce week-end, un article du Ottawa Citizen qui signalait que 54 p. 100 des Canadiens ne peuvent pas citer un seul des droits qui leur sont garantis par la Charte. C'est absolument effrayant surtout quand on songe que si nous avons une charte, c'est à cause d'événements qui se sont produits par le passé et que nous ne souhaitons pas voir se répéter. Je sais que Inky Mark est en train de préparer un projet de loi qui porte sur la reconnaissance du sort que l'on a réservé aux Canadiens d'origine ukrainienne. Ce sont tous ces incidents, fort nombreux dans notre histoire, qui ont abouti à l'adoption de la Charte. La Charte est en quelque sorte un apaisement pour les injustices passées.

    J'espère qu'il y a erreur et qu'il n'y a pas 54 p. 100 des Canadiens qui ne peuvent pas citer un seul droit garanti par la Charte. Cela devient donc un défi pour nous, à savoir veiller à ce que les gens comprennent les droits de la personne et les libertés civiques, non pas comme des notions dont on peut se passer en situation difficile, mais qu'ils les considèrent comme la véritable solution puisqu'il faut reconnaître que ces droits ne sont pas respectés de façon uniforme dans le monde.

»  +-(1750)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Andrew. Je pense que vous venez de faire une déclaration plutôt générale par laquelle vous avez réussi à exprimer clairement votre point de vue. Si quelqu'un veut y répondre...

    Yvon?

+-

    M. Yvon Charbonneau: J'ai une question très directe à poser à Nick. Dans vos remarques liminaires vous avez dit: «Comme d'habitude, ils ne nous ont pas écoutés. Nous espérons que le comité nous écoutera.» Ce qui m'a frappé, c'est l'expression «comme d'habitude».

+-

    M. Nick Summers: Ah oui.

+-

    M. Yvon Charbonneau: Pouvez-vous nous donner des détails sur votre expérience des consultations que Citoyenneté et Immigration Canada a faites auprès de vous?

+-

    M. Nick Summers: Volontiers. Comme Janet l'a dit tout à l'heure, nous tenons des consultations avec Citoyenneté et Immigration Canada sur une base assez régulière. Le Conseil canadien pour les réfugiés est très souvent invité et quant à moi, je l'ai été un certain nombre de fois. Nous avons rencontré les fonctionnaires du ministère à propos de la nouvelle loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et à propos des règlements qui sont pris en vertu de cette loi. Nous nous sommes rencontrés à propos de l'accord sur les tiers pays sûrs et sur les règlements qui en découlent.

    Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est encore une histoire de charrue avant les boeufs. Tout est prêt pour l'envoi: on ne nous consulte que pour nous demander si les mesures iront droit au but ou s'il y aura des embûches. Bien des fois on nous demande de réparer les pots cassés. On nous écoute et parfois nos conseils sont entendus. Nous aimerions le croire de toute façon.

    Je me souviens qu'après l'adoption de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, nous nous sommes rencontrés concernant le règlement avant son entrée en vigueur. Le CCR et d'autres organisations se sont penchés sur le texte du règlement pendant quatre jours et ils en ont fait une analyse détaillée. À l'issue de cet exercice, des modifications ont été apportées. Nous avons pu signaler des choses tout à fait insensées. Dans l'ensemble toutefois, nous n'avons pas pu infléchir ce que j'appellerais les enjeux majeurs ou principaux. Une fois que le ministère a décidé une chose, il est presque impossible de lui faire changer d'avis.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Nick.

    Est-ce que cela vous va, Yvon?

+-

    M. Yvon Charbonneau: Oui, merci.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): La parole est à Inky.

+-

    M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

    Il est ironique de constater qu'au Canada, il nous faut beaucoup de temps pour tirer des leçons de notre histoire. Le nombre des réfugiés est infime comparativement à la migration annuelle. Et pourtant le plus grand nombre d'étrangers accueillis au Canada sont des visiteurs qui viennent d'ailleurs. Je pense que 4,4 millions de gens traversent nos frontières pour nous rendre visite.

    Le défi qui se pose à nous, puisque nous sommes des défenseurs de la liberté, est de rétablir les faits. Comme vous le savez, la presse choisit toujours de parler des exemples négatifs. Les gens ne savent pas combien de réfugiés entrent au pays et pourtant, ils n'oublient jamais les exemples malheureux cités presque quotidiennement dans la presse. Quand on fait une revue de presse des journaux du mois dernier, on constate que presque tous les jours il y avait des articles sur les incidents négatifs. Donc il faudrait peut-être donner des chiffres d'ensemble—et expliquer que très peu de ces gens constituent un prétendu risque.

»  -(1755)  

+-

    Mme Janet Dench: Le Conseil canadien pour les réfugiés partage votre inquiétude en ce qui concerne la façon dont les médias décrivent les réfugiés. Quant à nous, avec nos moyens, nous avons essayé de rétablir les faits, c'est-à-dire de changer cette façon de faire. Nous avons redoublé d'efforts car après le 11 septembre, nous avons pu déplorer des liens injustes établis entre réfugiés et terrorisme, et cela a beaucoup nui à l'attitude envers les réfugiés—et en fin de compte à la politique à leur égard. En effet, la politique gouvernementale a tendance à refléter l'humeur de la nation.

    Ainsi, nous avons rencontré des représentants d'autres organisations, des fonctionnaires aussi, pour voir comment nous pourrions tous ensemble—comme vous le dites—rétablir les faits. En effet, nous pensons que la majorité des Canadiens veulent protéger les réfugiés. À plusieurs reprises, mis au courant du cas d'un réfugié en particulier ou d'une famille menacée d'expulsion, par exemple, les Canadiens réagissent avec beaucoup de compassion. Nous allons donc travailler dans ce sens et nous invitons tous les députés à tâcher de rétablir les faits à leur tour également.

-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.

    Je remercie tous les membres du comité et tous les témoins qui se sont montrés concis et directs, ce qui nous a permis à tous de partager l'information. Je pense que nous avons couvert le sujet en profondeur. Si nous avons pu faire cela, c'est parce que vous, les témoins, vous avez été concis et êtes allés droit au but. Nous comprenons votre frustration. C'était visible. Nous savons que vous avez des inquiétudes graves concernant certains éléments. Cela a été noté très clairement.

    Je remercie les membres du comité de m'avoir aidé en posant des questions brèves et directes. Cela a permis à tous les députés de poser plusieurs questions, et nous vous en remercions.

    Je voudrais rappeler à tous les membres du comité que demain, le mercredi 20 novembre, nous nous réunirons de 15 h 30 à 18 heures à la salle 269 de l'édifice de l'Ouest pour entendre les représentants de la American Immigration Lawyers Association, ceux du Syndicat canadien des travailleurs de l'automobile et ceux de l'Association du Barreau canadien et de la Southern Ontario Sanctuary Coalition. Nous aurons donc quatre groupes de témoins. Je pense que le président en titre sera revenu à ce moment-là.

    Merci beaucoup de votre collaboration. La séance est levée.