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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 4 décembre 2002




¹ 1535
V         Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.))
V         Mme Janet Yale (présidente, CCTA, Coalition contre le vol des signaux satellite)
V         M. Luc Perreault (président, Groupe de travail sur la piraterie de l' Association canadienne des radiodiffuseurs, Coalition contre le vol des signaux satellite)
V         Mme Elizabeth McDonald (présidente, Association canadienne de production de film et télévision, Coalition contre le vol des signaux satellite)

¹ 1540
V         Le président
V         Mme Lise Lareau (présidente, Guilde canadienne des médias)
V         Le président
V         Mme Lise Lareau
V         Le président
V         Mme Lise Lareau

¹ 1545
V         Le président
V         Mme Lise Lareau
V         M. Jan Ravensbergen (membre, Guilde des employés de journaux du Canada)

¹ 1550

¹ 1555
V         Le président
V         Mme Phyllis Yaffe (directrice générale, Alliance Atlantis Communications Inc.)

º 1600

º 1605

º 1610
V         Le président
V         Mme Lise Lareau
V         Le président
V         Mme Lise Lareau

º 1615
V         M. Arnold Amber (directeur, Guilde des employés de journaux du Canada)

º 1620

º 1625
V         Le président
V         M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne)
V         M. Arnold Amber

º 1630
V         Le président
V         Mme Phyllis Yaffe
V         M. Jim Abbott
V         Le président
V         M. Michael MacMillan (président et directeur général, Alliance Atlantis Communications Inc.)
V         Le président
V         Mme Lise Lareau

º 1635
V         M. Jim Abbott
V         Le président
V         M. Jim Abbott
V         Le président
V         Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ)
V         Le président
V         M. André Bureau (président du Conseil, Astral Média inc.)

º 1640
V         Le président
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. André Bureau
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. André Bureau

º 1645
V         Le président
V         M. Dennis Mills (Toronto—Danforth, Lib.)
V         Le président
V         Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)

º 1650
V         M. Michael MacMillan
V         Mme Sarmite Bulte
V         Mme Phyllis Yaffe
V         M. André Bureau

º 1655
V         Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD)
V         Le président
V         Mme Wendy Lill
V         M. Jan Ravensbergen

» 1700
V         Mme Wendy Lill
V         M. Jan Ravensbergen
V         Le président
V         Mme Liza Frulla (Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles, Lib.)

» 1705
V         M. André Bureau
V         Mme Liza Frulla
V         M. André Bureau
V         M. Jan Ravensbergen

» 1710
V         Le président
V         M. Jan Ravensbergen
V         Le président
V         M. Jim Abbott
V         M. André Bureau
V         M. Michael MacMillan
V         M. Jim Abbott
V         M. Michael MacMillan
V         M. Peter Miller (vice-président, Planification et Affaires réglementaires, Télévision CHUM)

» 1715
V         Le vice-président (M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.))
V         M. Arnold Amber
V         Le vice-président (M. Paul Bonwick)
V         M. Arnold Amber

» 1720
V         Le vice-président (M. Paul Bonwick)
V         M. André Bureau
V         Le vice-président (M. Paul Bonwick)
V         Mme Christiane Gagnon

» 1725
V         M. André Bureau
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. André Bureau
V         Le vice-président (M. Paul Bonwick)
V         M. André Bureau
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. André Bureau
V         Mme Christiane Gagnon
V         Le vice-président (M. Paul Bonwick)
V         Mme Sarmite Bulte
V         Le vice-président (M. Paul Bonwick)
V         Mme Wendy Lill
V         M. Arnold Amber

» 1730
V         Le vice-président (M. Paul Bonwick)










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 009 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 4 décembre 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance est ouverte.

    J'ai accordé à trois de nos témoins 10 minutes pour nous montrer un court vidéo sur le piratage satellitaire. Ils m'ont promis qu'il ne durerait pas plus de 10 minutes, de telle sorte que nous pourrons entendre nos autres témoins.

    Je cède la parole à Mme Janet Yale.

+-

    Mme Janet Yale (présidente, CCTA, Coalition contre le vol des signaux satellite): Merci, monsieur Lincoln, à vous en tant que président et aux autres membres du comité, d'avoir accepté d'entendre la Coalition contre le vol des signaux satellites.

    Nous sommes ici aujourd'hui pour expliquer un message d'intérêt public au comité et pour faire état des initiatives de sensibilisation publique que notre coalition a entreprises.

[Français]

    Notre coalition se compose d'un groupe de radiodiffuseurs inquiets de la situation, ainsi que de Radio-Canada, de producteurs, de câblodistributeurs et de distributeurs par satellite venus de toute l'Amérique du Nord, y compris DIRECTV, Bell ExpressVu et Star Choice.

[Traduction]

    L'Association canadienne des radiodiffuseurs est représentée ici aujourd'hui par le président du comité sur le piratage numérique, Luc Perreault, et par la présidente de l'Association canadienne de production de films et de télévision, Elizabeth McDonald.

[Français]

    Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est à cause du problème croissant auquel doit faire face le système de radiodiffusion. On estime qu'il y a entre 520 000 et 700 000 antennes de satellite illégales qui contournent le système canadien de radiodiffusion. Ce n'est pas un mince problème.

[Traduction]

    Il y aurait aujourd'hui au Canada environ deux millions de systèmes satellite légaux, et d'après nos estimations, qui sont très prudentes, il y en aurait 500 000 qui sont illégaux. Je dis que c'est une estimation prudente parce que nombreux sont ceux dans notre industrie qui vous diront qu'il y en aurait plus probablement 1 million.

    Nous nous sommes unis pour contrer ce problème sur plusieurs fronts, notamment par la sensibilisation du public, des poursuites judiciaires et l'application de la loi. Nous voulons vous parler aujourd'hui de notre initiative de sensibilisation, qui a été lancée largement à la demande de la ministre du Patrimoine canadien, l'honorable Sheila Copps.

+-

    M. Luc Perreault (président, Groupe de travail sur la piraterie de l' Association canadienne des radiodiffuseurs, Coalition contre le vol des signaux satellite): Le vol de signaux satellites coûte très cher, près de 400 millions de dollars. Ce montant correspond à peu près au total des recettes perdues pour les radiodiffuseurs, les services spécialisés, les producteurs, les câblodistributeurs et les entreprises de diffusion par satellite. Il est trop tôt pour quantifier l'incidence de ce vol sur l'emploi dans l'industrie culturelle du Canada,

[Français]

mais notre coalition a ciblé ses énergies afin de s'assurer que tous les Canadiens soient informés du fait que pirater, c'est voler, et que ce vol s'applique également aux signaux satellites.

[Traduction]

    Par une campagne de sensibilisation à grande échelle, où nous utilisons entre autres l'imprimé, la radio et maintenant la télévision, nous faisons savoir à la population que le vol de signaux satellites est un crime.

[Français]

    Cette vaste campagne multimédia a pour but de sensibiliser les citoyens au fait que le vol de signaux satellites est un crime.

[Traduction]

    Les radiodiffuseurs font don de leur temps d'antenne sur leurs réseaux pendant une période de 13 semaines pour montrer cette publicité, et là où c'est possible, ils la font passer dans les stations de radio et les journaux qu'ils possèdent.

[Français]

    Récemment, nous avons été encouragés et nous applaudissons les actions entreprises par la GRC qui se sont soldées par des saisies à Winnipeg, Montréal, Regina, Saskatoon et, plus tôt cette semaine, à Kingston, Peel et Toronto.

[Traduction]

    Nous espérons que ces initiatives vont contribuer à paralyser le marché du matériel satellite illégal, et nous espérons aussi que cette campagne d'information facilitera tous les efforts visant à faire respecter la loi.

+-

    Mme Elizabeth McDonald (présidente, Association canadienne de production de film et télévision, Coalition contre le vol des signaux satellite): Nous avons pour but de faire comprendre aux gens que ce crime n'est pas sans faire de victime. Voler des signaux de télévision, c'est voler les producteurs, les acteurs, les réalisateurs, les techniciens et les milliers d'autres qui fournissent des services à l'industrie. Le droit d'auteur est son atout essentiel, et si on lui porte atteinte, des travailleurs canadiens en souffriront.

    Du point de vue des producteurs, l'effet de ce crime est immédiat: ce sont 400 millions de dollars qu'on siphonne du système. À lui seul, le Fonds canadien de télévision estime perdre au moins entre 4 et 7 millions de dollars par année.

    Les budgets de la plupart des productions canadiennes sont minces, se situant souvent à peine dans les quelques centaines de milliers de dollars. Pourtant, ces petites et moyennes entreprises créent plus de 100 000 emplois chaque année.

[Français]

    Nous sommes convaincus que vous partagez notre inquiétude face à ce problème. Nous espérons que le public canadien pourra commencer à comprendre, grâce à cette campagne, qu'un vol, c'est un vol, et que cela va aussi pour les signaux satellites. Merci.

¹  +-(1540)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup à vous tous. Je vous sais gré d'avoir respecté le temps qui vous était imparti. Merci.

    C'est maintenant au tour de nos autres témoins: Lise Lareau, présidente de la Guilde canadienne des médias; M. Arnold Amber et Jan Ravensbergen de la Guilde des employés de journaux du Canada; d'Alliance Atlantis, Phyllis Yaffe, chef de la direction, et Michael MacMillan, président du conseil et chef de la direction; d'Astral Media, M. André Bureau, président du conseil; et de CHUM TV, Peter Miller, vice-président, Affaires corporatives et réglementaires.

    Nous allons entendre d'abord ceux qui sont maintenant à la table, parce que je crois savoir que vous voulez parler de la question de la propriété croisée. Nous commencerons avec Mme Lareau de la Guilde canadienne des médias.

+-

    Mme Lise Lareau (présidente, Guilde canadienne des médias): Merci.

    En fait, nous aimerions parler de la propriété étrangère et de la propriété croisée, si cela vous convient.

+-

    Le président: D'accord.

+-

    Mme Lise Lareau: Je suis la présidente de la Guilde canadienne des médias, qui est...

+-

    Le président: Madame Lareau, comme nous avons beaucoup de monde ici aujourd'hui, si vous pouviez être brève...

+-

    Mme Lise Lareau: Nous le serons.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: ...pour que tout le monde ait la chance...

+-

    Mme Lise Lareau: Juste pour vous situer, je suis la présidente de la Guilde canadienne des médias, qui est une section locale de la Guilde des employés de journaux du Canada. Cette dernière représente beaucoup de gens qui travaillent dans les entreprises que possède CanWest. Voilà pourquoi nos vues diffèrent sur ce qui se passe avec la propriété croisée dans les médias dans notre pays.

    Au cours des dernières semaines, vous avez beaucoup entendu parler ici de la propriété croisée. Vous avez entendu diverses vues... Certains vous ont dit que c'est un mythe, que la question importe peu de toute façon dans ce monde où il y a plus de 100 chaînes, que personne ne se soucie de la propriété croisée et que les gens ont accès à toutes sortes de choses. Et d'autres vous ont dit que c'est une menace réelle à l'intégrité des médias et à la diversité des opinions.

    Même chose pour la propriété étrangère. Nombreux sont ceux qui vous ont dit que c'est une menace pour notre souveraineté et vous avez probablement entendu autant de gens qui disaient que la propriété étrangère est nécessaire si l'on veut trouver des capitaux. Ceux d'entre nous qui travaillent sur le terrain, dans certaines de ces entreprises, voient les choses différemment. Nous sommes ici aujourd'hui pour vous dire un peu à quoi ressemble notre travail sur le terrain dans un contexte de propriété croisée et ce qui peut en advenir, et pour vous parler des risques que représente la propriété étrangère si l'on assouplit les règles pour l'augmenter.

    En fait, tout cela est un peu comique d'emblée parce qu'il est rare de voir des syndiqués et des patrons témoigner ensemble. Alors je vais commencer avec un peu d'humour en vous distribuant ceci... c'est une petite caricature sur ce que pourrait représenter pour un grand nombre de nos membres la convergence des médias dans un contexte de propriété croisée. Ce que l'on voit ici, c'est un homme qui est équipé de la tête au pied, avec micro, ordinateur, caméra de télévision, calepin, écran de télévision, et il représente tous les médias. Je vais vous remettre ceci et continuer.

    Je vais maintenant vous présenter mon collègue, Jan Ravensbergen, qui est journaliste à la Gazette et membre de la Guilde des employés de journaux de Montréal. Comme vous le savez, The Gazette est la propriété de CanWest et de la chaîne Asper et a probablement joué un rôle symbolique dans le débat sur la propriété croisée dans notre pays au cours de la dernière année et demie.

+-

    M. Jan Ravensbergen (membre, Guilde des employés de journaux du Canada): Bonjour, tout le monde. Je suis le vice-président de la Guilde des employés de journaux de Montréal et je suis ici pour faire état de la bataille que nous menons au front. La propriété croisée a donné naissance à la convergence dans la salle de nouvelles du journal The Gazette et dans de nombreuses autres salles de nouvelles du pays. J'aimerais vous expliquer ce qui s'est passé et ce qu'on a fait. C'est le genre de chose n'est pas dit dans tous les journaux du pays.

    En ce qui concerne la question de l'indépendance de la rédaction au pays, que nul n'ignore maintenant, j'imagine, nous n'avons pas besoin d'entrer dans les détails, mais ce n'est là qu'un symptôme de certaines autres attitudes, approches et politiques qui accompagnent la propriété croisée. La JCLE, soit les Journalistes canadiens pour la liberté d'expression, a produit un rapport très détaillé, et nous en avons des exemplaires, pour vous donner une petite idée de l'évolution de la situation. Mais le problème fondamental, c'est la centralisation, soit la centralisation de l'opinion, la centralisation du contrôle de l'opinion, et qui dit centralisation dit moins de diversité. C'est un mot qui semble en vogue aujourd'hui. Et je suis fier de dire que la Guilde l'emploie souvent, tout particulièrement dans ce débat qui se déroule devant le CRTC et dans d'autres tribunes.

    La diversité est au coeur de la couverture de l'actualité et elle est au coeur de l'opinion: comment l'actualité est couverte, qui la couvre, combien de gens et sous combien d'angles. Avec la propriété croisée, le nombre de perspectives a diminué de même que la diversité d'opinion. Qu'on songe par exemple au cas de Lawrence Martin.

    Il y a une expression qui circule ces jours-ci, et encore là, vous ne la trouverez pas dans certains journaux de notre pays, et elle se résume ainsi: «bâillonnement des journalistes». En fait, l'un de nos membres a employé cette expression dans une chronique qu'elle avait écrite pour parler des problèmes liés à la liberté d'expression, chronique qui lui avait été inspirée par un discours à Montréal au sujet du Moyen-Orient et de ses problèmes et de la couverture de l'actualité là-bas. On a retranché toute référence au bâillonnement des journalistes. Ces mots ont sauté à la révision.

    Je crois que cela vous donne une idée du genre de problèmes qui nous préoccupent beaucoup. On altère des chroniques... celles de Stephen Kimber et de nombreux autres. Tout le monde ici présent, étant donné que vous vivez à Ottawa, se rappelle le cas bien connu de juin dernier concernant M. Russell Mills.

    Plus particulièrement, l'évolution de la philosophie qui inspire les rédactions au pays a également pénétré d'autres domaines, dans la mesure où l'on assiste maintenant à la centralisation du personnel et de l'opinion éditoriale. Il y a quelques journalistes qui travaillent à ce qu'on appelle «le pupitre» de Southam News ici à Ottawa. La direction à Winnipeg a fait récemment savoir à ces personnes qu'elles avaient le choix: ou bien déménager à Winnipeg ou alors faire la queue devant le bureau de l'assurance-chômage.

    On a fait savoir aussi qu'on engagerait plus de monde. En apparence, c'est une excellente nouvelle: on va engager des journalistes et des réviseurs, chose surprenante étant donné la situation financière de CanWest. On nous a dit qu'on allait créer entre 15 et 18 emplois à Winnipeg. Mais que vont faire ces gens? Ces gens vont centraliser la rédaction des nouvelles. Ces gens vont s'occuper de la révision, des affectations et vont contrôler ce qui sort de l'agence de transmission de Southam à Winnipeg.

    Ce qui suscite des questions. Si on engage 18 personnes, quel sera le niveau d'attrition, combien de journalistes vont disparaître des salles de nouvelles du pays? Est-ce qu'on aura un seul point de vue? Est-ce que sur la Colline, par exemple, il y aura moins de monde pour couvrir des événements importants, et est-ce que le point de vue d'un seul reporter sur une situation ou une nouvelle sera véhiculé dans 18, 20 ou 25 journaux partout au pays? Sommes-nous dans une situation, et il est assez clair que cela est pour demain, où nous n'aurons plus beaucoup d'éléments d'intérêt régional ou à saveur régionale--à savoir ce que les gens disent à Ottawa, à Regina ou à Vancouver sur une question qui fait l'objet d'un débat sur la Colline--dans un reportage qui est publié dans 20 ou 25 journaux?

¹  +-(1550)  

    Tout cela est très troublant parce que cela va au coeur non pas de ce que représentent les rédactions au pays, non pas de ce que représente la diversité d'opinion ou des chroniques ou la diminution de la diversité, mais de l'information qui est essentielle au public, au Canada, pour que tout le monde puisse bien comprendre les questions d'intérêt public, avec la profondeur qu'offre le médium imprimé dans ces débats publics. Tout cela est dilué, diminué et rétréci et, au risque de me répéter, je dirais que c'est un phénomène extrêmement troublant qui émane de la propriété croisée.

    La convergence a donné naissance à d'autres phénomènes particuliers, et j'en parlerai très brièvement. Nous croyons savoir que dans l'organisation de CanWest il y a une vingtaine de caméras de télévision d'installées dans les salles de nouvelles. Elles sont commandées à distance à partir des installations techniques de Global TV, et l'on peut donc faire des gros plans et des panoramiques à distance. À The Gazette, nous avons baptisé notre caméra Darth Vader. On prend divers clichés, les reporters donnent parfois un petit aperçu des nouvelles locales, et on s'en sert essentiellement pour faire de la promotion croisée.

    C'est un autre effet de la propriété croisée où l'on fait la promotion du journal sur les ondes, les ondes auxquelles on a accès grâce à la gentillesse du CRTC, et vous allez voir aussi dans les pages de The Gazette--pour ceux qui le lisent--un grand nombre d'annonces de Global. Il y a donc là une impulsion économique à tout cela qui est extrêmement intéressante.

    En ce qui concerne la convergence, je me rappelle le moment où il a été question de convergence aux audiences sur le renouvellement de la licence de CTV et de Global Television, et ce qu'on disait essentiellement, c'était que--et l'on montrait alors notre célèbre reporter-orchestre chargé d'une quinzaine d'appareils--cela allait dégager d'autres ressources et produire ainsi une couverture plus abondante et plus riche. Je mets au défi les tenants de cette thèse de me donner des chiffres parce qu'on a sabré beaucoup les budgets depuis.

    Donc, lorsque vous avez une seule personne qui couvre, disons le Web pour l'imprimé, pour la télévision et peut-être même pour la radio, il est évident que son attention sera quelque peu partagée. On y perd en profondeur, et ce n'est pas une bonne chose. À l'intérieur de la salle de nouvelles, on nous incite fortement à mettre en vedette des reportages qui facilitent la promotion croisée. Par exemple, il y a eu récemment une série d'articles dans The Gazette liés à une série de téléinserts sur Global Television qui avaient trait au débat sur les drogues et la marijuana. Il y a eu quatre, cinq ou six projets de ce genre.

    Je le répète, le jugement journalistique semble reposer sur le raisonnement suivant: «ça, ça paraît bien, ça va montrer que la convergence donne des résultats, alors s'il vous plaît, produisez ces projets le plus vite que vous pouvez.» Normalement, les journalistes ou les réviseurs vont souvent trouver eux-mêmes une perspective ou un titre accrocheur pour la nouvelle. Dans ce cas-ci, la couverture de l'actualité n'est pas nécessairement motivée par la nouvelle en tant que telle mais par ce qui peut marcher à la télévision aussi bien que dans le journal.

    C'est comme mélanger de l'huile et de l'eau. Ce sont des cultures qui sont totalement différentes l'une de l'autre. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que nous avons une image pour cela dans la salle de nouvelles: c'est le caniche et le Saint-Bernard; le caniche bien sûr parce que l'effectif de la salle de nouvelles à Global Television, c'est bien peu de monde, et le Saint-Bernard parce que, traditionnellement, et ce, pour d'excellentes raisons, les effectifs des salles de nouvelles des journaux sont plus considérables. Donc c'est le caniche qui essaie de s'accoupler avec le Saint-Bernard, et les farceurs du bureau disent que le caniche veut faire le mâle.

    Il y a perte de qualité dans la mesure où l'on ne se concentre plus sur ce qu'on doit faire pour le journal pendant une journée en particulier. Il y a donc dilution.

¹  +-(1555)  

    L'autre chose, et j'ai déjà abordé la question, c'est celle de la centralisation de Southam News à Winnipeg. Il y a là de très nombreuses questions qui se posent, plus de questions que de réponses.

    En terminant, j'aimerais rappeler le texte d'un mémoire qu'a soumis CanWest à votre comité au début de septembre. J'attire votre attention tout d'abord sur les nombreux événements qui se sont produits depuis le 10 septembre de l'an dernier.

    «Tous nos journaux métropolitains et locaux sont des acteurs importants dans leur milieu. Chacun assure une couverture locale sans relâche et sa page éditoriale est farouchement indépendante.» C'est ce qu'on a dit. Et l'on a pris l'engagement que voici: «Avec CanWest comme propriétaire, cela ne changera pas.»

    Pourtant il est évident que la situation a changé quand l'on voit ce qui s'est passé. C'est très troublant, et cela nous ramène une fois de plus à la question de la propriété croisée.

    Merci beaucoup, monsieur le président, membres du comité.

+-

    Le président: Madame Lareau, donnons une chance à Mme Yaffe. Nous reviendrons à vous après.

    Madame Yaffe.

+-

    Mme Phyllis Yaffe (directrice générale, Alliance Atlantis Communications Inc.): Merci beaucoup. Merci, monsieur le président.

    Bonjour aux membres du comité et au personnel. Je m'appelle Phyllis Yaffe; je suis le chef de la direction d'Alliance Atlantis Broadcasting.

    Nous allons vous donner aujourd'hui un exposé commun. Je suis accompagnée de Michael MacMillan, président du conseil et chef de la direction d'Alliance Atlantis Communications; de M. André Bureau, président du conseil d'Astral Media; et de Peter Miller, vice-président, Affaires corporatives et réglementaires de CHUM Limitée. Je vais faire l'exposé au nom des trois groupes; nous avons donc mis en commun notre temps de parole--si cela vous va.

    Ce n'est pas tous les jours que nous nous retrouvons tous à la même table. Nos entreprises de programmation ont plutôt l'habitude d'être en concurrence pour rejoindre les téléspectateurs canadiens et leur offrir des services de télévision attrayants. Aujourd'hui, cependant, nous avons une vision commune à partager avec vous. Nous aimerions aborder deux questions fondamentales au cours de notre exposé.

    La première question consiste à savoir si les règles actuelles relatives à la propriété applicables aux services de programmation, notamment aux services de télévision conventionnelle, spécialisée et payante que nous représentons collectivement, pourraient être supprimées tant et aussi longtemps que lesdits services de télévision restent assujettis aux règles de contenu canadien existantes. La seconde question est liée à l'assouplissement éventuel des règles relatives à la propriété étrangère pour les entreprises de télécommunications et consiste à se demander si l'application de règles plus souples pourrait être étendue aux entreprises de câblodistribution canadiennes et à d'autres entreprises de distribution, les entreprises de télécommunications et de câblodistribution étant engagées dans des activités de radiodiffusion. Nous traiterons de chacune de ces questions.

    La première question concerne la propriété des entreprises de programmation. Les règles relatives à la propriété applicables aux entreprises de programmation constituent un pilier fondamental à l'atteinte des objectifs de notre système de radiodiffusion. Nous avons le plaisir de constater que, de manière générale, un consensus se dégage en faveur d'un maintien des règles relatives à la propriété des entreprises de contenu. Nous croyons important de souligner le rôle fondamental que la propriété et le contrôle canadiens des entreprises de radiodiffusion jouent dans l'élaboration d'un système de radiodiffusion distinct et varié. Les règles relatives à la propriété et au contrôle canadiens ont permis d'établir les conditions nécessaires à l'ensemble de notre industrie, à savoir aux scénaristes, artisans, acteurs, réalisateurs, producteurs, distributeurs et entreprises de radiodiffusion, afin de créer, produire, acquérir, présenter et mettre en ondes pour le bénéfice de nos téléspectateurs un contenu qui reflète et fait la promotion des valeurs, des histoires et des perspectives typiquement canadiennes.

    En fait, il existe un lien direct entre le contrôle effectif de notre plate-forme de radiodiffusion et la mise en oeuvre d'une perspective et d'un point de vue distinctement canadiens dans le contexte nord-américain. Si les règles relatives à la propriété n'existaient pas, nous serions soumis à une vision continentale qui, inévitablement, assimilerait le point de vue canadien.

    Certains prétendent que les questions relatives à la propriété ne devraient pas nous préoccuper tant et aussi longtemps que les propriétaires d'entreprises respectent nos règles du jeu. Certains ont également suggéré qu'il était suffisant pour une entreprise de programmation que son président et la majorité des membres de son conseil d'administration soient canadiens afin de s'assurer que les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion soient remplis. Nous croyons que cette façon d'analyser la situation est beaucoup trop simple. À moins que les entreprises de contenu ne soient essentiellement influencées, exploitées et gérées par des Canadiens, ces exigences esthétiques de citoyenneté canadienne du président ou des membres du conseil d'administration de telles entreprises, sont vaines. En effet, les budgets de production et d'acquisition de programmes et la gestion quotidienne des opérations de ces entreprises seraient éventuellement assujettis à la décision finale des actionnaires majoritaires étrangers.

    Il ne s'agit pas d'une question purement théorique. La perspective d'ensemble de ces sociétés est essentiellement liée aux penchants de ses propriétaires. Gardons à l'esprit qu'on permet déjà un niveau important d'investissement étranger dans les entreprises de radiodiffusion canadiennes. Si l'on décide maintenant d'en céder le contrôle à des investisseurs étrangers, nous allons quasiment assurer la réalisation d'un marché nord-américain, qui transformera les entreprises de radiodiffusion canadiennes en succursales américaines. Les décisions relatives à la programmation et à la promotion de programmes seront, en fin de compte, prises par des propriétaires étrangers qui cherchent naturellement à maximiser le rendement du capital investi.

    Ces sociétés étrangères cherchent uniquement à accéder à nos marchés pour des raisons d'affaires. Elles veulent étendre leurs activités existantes, que ce soit leurs propres services de programmation, leurs services Internet ou leurs services de distribution, et ce, pour une raison bien simple: augmenter leurs profits.

    Il va sans dire que nous sommes nous aussi motivés par la rentabilité de nos entreprises et l'enrichissement de nos actionnaires. Nous souhaitons que nos entreprises prospèrent tant sur notre marché intérieur qu'à l'étranger. Cependant, contrairement à ces multinationales médiatiques, nos sociétés sont exploitées et gérées par des Canadiens et notre marché premier est le marché canadien.

º  +-(1600)  

    Est-il réaliste de demander à ces sociétés multinationales d'encourager la diversité culturelle canadienne et l'expression régionale canadienne tel que l'exige la Loi sur la radiodiffusion? Leur objectif corporatif premier est évidemment la distribution de leurs programmes dans le plus grand nombre de marchés possible. Si le contrôle canadien des services de programmation était cédé à des étrangers, cela équivaudrait à renoncer à notre contrôle sur les fonctions clés de nature éditoriale et créatrice des radiodiffuseurs.

    Nous jouons un rôle actif dans la création, la promotion et la diffusion d'un mélange unique de contenu télévisuel canadien et étranger aux téléspectateurs canadiens, ce qui contribue à renforcer l'identité canadienne et la place qu'occupe le Canada au sein d'un environnement mondial. La perte de contrôle de nos activités de programmation nous fait courir le risque d'aboutir à une perspective mondiale homogénéisée, voire carrément étrangère, au détriment d'un point de vue local et régional distinct.

    La suppression des limites en matière de propriété étrangère des services de programmation conduirait inévitablement à une structure économique comparable à celle d'une succursale dans notre secteur de radiodiffusion. Cela entraînerait la perte d'une grande partie des postes de haute direction, des postes stratégiques ainsi que des talents créatifs de même qu'une perte évidente de l'expertise canadienne dans le domaine de la programmation ainsi que des technologies liées à une industrie nationale de radiodiffusion.

    Et c'est plus qu'une simple question d'emplois ou de talent créateur. Il s'agit de la capacité de contrôler le médium le plus puissant de notre temps qui rejoint l'ensemble des Canadiens et qui joue un rôle fondamental dans le maintien du Canada à titre de nation distincte et fière. Nous sommes tous ici aujourd'hui car nous partageons cette vision.

    Parlons-en justement. Vous avez déjà beaucoup entendu parler de la question de l'assouplissement des règles de propriété pour le secteur de la distribution de radiodiffusion. L'industrie de la câblodistribution a déjà plaidé sa cause devant vous, demandant à être incluse dans toute libéralisation des règles de propriété relatives aux entreprises de télécommunications. Nous sommes cependant soulagés de constater qu'aucune société canadienne n'a proposé que cet assouplissement des règles relatives à la propriété envers les entreprises de distribution de radiodiffusion soit également applicable aux entreprises de programmation. Nous appuyons cette position.

    Néanmoins, nous voulons mettre en garde les membres du comité: les changements proposés soulèvent plusieurs défis, même s'ils concernent uniquement la distribution. Aujourd'hui, de nombreuses sociétés médiatiques canadiennes ont combiné la propriété et le contrôle des entreprises de programmation et de distribution de radiodiffusion. Des acteurs de l'industrie de la câblodistribution ont prétendu devant vous la semaine dernière que les sociétés engagées à la fois dans la distribution et le contenu auront à prendre une décision d'affaires sur la question de savoir si elles doivent ou non tirer parti de tout changement des règles de propriété en constituant des personnes morales distinctes et séparées, qui comprennent une gestion et un conseil d'administration distincts, sans aucun lien entre eux.

    Tout cela a l'air simple en théorie, mais en pratique, il y a plus à envisager que les simples aspects techniques de réorganisations et de séparation structurelle. La notion de séparation structurelle a été empruntée au secteur des télécommunications. Il y a 20 ans, Bell Canada a effectué une réorganisation d'entreprise par laquelle elle a créé BCE Inc., de manière que ces deux sociétés structurellement séparées puissent s'engager dans des activités en évitant les problèmes de comptabilité et de répartition des coûts. Par exemple, BCE voulait librement implanter de nouvelles entreprises dans des pays comme l'Arabie Saoudite, tout en respectant le règlement qui interdisait le financement de cette activité par les abonnés de Bell Canada. La séparation structurelle de l'organisation était la solution. Elle permettait de résoudre des problèmes de comptabilité fondamentaux.

    Cependant, il ne s'agit pas, dans notre cas, de simples questions liées aux méthodes de calcul des coûts ou aux procédures comptables. Il existe une relation unique entre les entreprises de contenu, de radiodiffusion et les distributeurs de radiodiffusion qui n'a aucun rapport avec les solutions apportées par le principe de séparation structurelle. Le rôle d'une entreprise de distribution de radiodiffusion dans notre système est difficile à séparer de l'ensemble de l'anatomie de notre système de radiodiffusion. Une fois que le génie de la propriété étrangère de la distribution est sorti de la bouteille, l'influence éventuelle des non-Canadiens sur les services de programmation surgira à nouveau.

    La semaine dernière, vous avez entendu des représentants de BCE expliquer que les entreprises de distribution ne sont pas vraiment comparables à des fournisseurs de télécommunications. Ils vous ont expliqué qu'il existe un concept juridique reconnu selon lequel une entreprise de télécommunications ne peut contrôler le contenu ou ne peut influencer la signification du contenu qui est distribué sur ses fils. Cependant, lorsqu'un distributeur offre des services de télévision à ses abonnés, il fait quelque chose de très différent. Contrairement à une société de téléphonie, le distributeur joue un rôle actif quant au contrôle et à l'influence des contenus qu'il offre. Il décide de la mise en marché, de la promotion et de l'assemblage des services de programmation de même que du niveau de ressources financières qu'il consacrera à ses activités de promotion et de commercialisation. Le distributeur négocie aussi les tarifs de gros, définit les volets de programmation, fixe les prix de vente au détail et programme les canaux d'autopublicité. Les distributeurs prennent des décisions de programmation tous les jours. Ils jouent un rôle indispensable dans l'élaboration de la nature, de l'identité et de la perspective des services de programmation canadiens.

º  +-(1605)  

    Ainsi, les rôles et les fonctions joués par les entreprises de distribution de radiodiffusion et de fournisseurs de télécommunications sont très différents. Dans un monde où coexistent des centaines de chaînes et de canaux numériques, les distributeurs exercent une énorme influence à l'égard des services de programmation en choisissant lesquels de ces services seront offerts, ce que le public pourra voir et entendre, ce qui est économique, suivant quel forfait et ce qui est distribué.

    Comme vous le savez, en vertu des règles actuelles relatives à la propriété, les investisseurs non canadiens bénéficient déjà de participations minoritaires importantes à la fois dans les entreprises de distribution de radiodiffusion et dans les services de programmation. Cela confirme l'hypothèse suivant laquelle les maillons de la chaîne de radiodiffusion sont intimement liés--production, acquisition, présentation, mise à l'horaire et distribution--entreprises qui appartiennent à des Canadiens et sont contrôlées par eux. Gardons à l'esprit qu'à l'époque où les règles relatives à la propriété étrangère ont été adoptées, soit à la fin des années 60, il n'y avait pas d'intégration verticale. À cette époque, les modèles de propriété reflétaient généralement les silos par l'entremise desquels les activités de distribution et de programmation étaient exercées par des sociétés séparées et distinctes non affiliées.

    Aujourd'hui, dans le secteur de la distribution, les entreprises ont beaucoup plus d'influence sur les programmeurs. Suite à la consolidation récente de l'industrie des médias, la plate-forme offerte par les distributeurs constitue de plus en plus un point névralgique pour les programmeurs. L'équilibre établi par nos règles existantes relatives à la propriété étrangère a conduit au partage de nos objectifs culturels entre les distributeurs et les programmeurs. Dans l'environnement d'aujourd'hui où la consolidation est à l'avant-plan, si vous supprimez l'un des maillons de la chaîne et permettez un contrôle non canadien du réseau de distribution, les choses vont commencer à se gâter. Si vous autorisez un contrôle étranger des entreprises de distribution, l'influence non canadienne sur l'ensemble du système canadien de radiodiffusion sera importante, même si vous ne changez pas les règles de propriété relatives à la programmation.

    Il ne s'agit plus uniquement de savoir si un distributeur contrôlé par des intérêts américains mène ses activités au Canada conformément aux exigences du CRTC. Pourquoi? Car il ne s'agit pas simplement d'une question d'accès à des capitaux. Gardons à l'esprit qu'il existe déjà un niveau de participation étrangère importante dans les entreprises de programmation canadiennes et que les limites actuelles ne touchent que les intérêts avec droit de vote. Si les sociétés étrangères désirent investir dans des entreprises de distribution canadiennes mais ne sont pas satisfaites avec la détention d'intérêts non votants, nous pouvons présumer en fait que c'est un contrôle opérationnel stratégique qu'elles recherchent. Parlons franchement. Il ne s'agit pas ici d'avoir accès à des fonds communs de placement étrangers ou à des caisses de retraite ou avoir un plus grand accès au marché boursier de manière générale. La question fondamentale ici est la cession de notre contrôle opérationnel stratégique à des entreprises médiatiques étrangères.

    Si les sociétés médiatiques étrangères intégrées devaient obtenir le contrôle d'une entreprise de distribution canadienne--et rappelons-nous qu'il s'agit d'un contrôle opérationnel stratégique--leurs décisions d'affaires seraient évidemment motivées par des priorités différentes. Ces sociétés sont plus que de simples câblodistributeurs ou de simples portails Internet. Elles sont aussi généralement des fournisseurs importants d'un large volume de contenu télévisuel et cinématographique. Ces sociétés seraient naturellement enclines à promouvoir leur propre contenu que ce soit par l'entremise de services non canadiens d'ailleurs déjà disponibles aux abonnés canadiens ou que ce soit par l'entremise de programmes que leurs autres divisions vendent déjà aux radiodiffuseurs canadiens. De telles sociétés disposent des ressources financières et de l'influence voulues pour promouvoir leur propre contenu.

    Il existe par conséquent une possibilité réelle qu'une influence significative sur les entreprises de programmation canadiennes soit exercée par des investisseurs étrangers. Ce potentiel d'influence est d'autant plus amplifié que, suivant les règles actuelles de propriété, ces entreprises étrangères peuvent détenir une part minoritaire significative de propriété dans les services de programmation canadiens. Dès que vous introduisez un contrôle non canadien sur les entreprises de distribution de radiodiffusion parallèlement à la participation croisée dans des services de programmation existants, il devient beaucoup plus difficile d'assurer un contrôle canadien continu sur les décisions de programmation. En vertu des règles actuelles, nous avons réussi à atteindre un certain équilibre et à permettre à des non-Canadiens de détenir à la fois d'importantes participations minoritaires dans des entreprises canadiennes de programmation et de distribution.

º  +-(1610)  

    Cependant, une fois qu'un investisseur non canadien se voit accorder la permission de contrôler la plate-forme de distribution, nous risquons de perdre l'équilibre de notre système actuel. C'est une chose de permettre le niveau actuel de participation croisée entre les distributeurs et les programmeurs canadiens. C'est une tout autre chose d'autoriser une telle intégration par un investisseur non canadien qui acquiert le contrôle d'un maillon clé dans la chaîne de distribution de radiodiffusion.

    Nous avons écouté les arguments de l'industrie de la cablôdistribution en faveur de l'injection de plus de capital étranger dans le secteur de la distribution de radiodiffusion. Nous croyons fermement que la solution idéale est le maintien des règles actuelles de propriété à la fois pour les distributeurs et les entreprises de programmation. Cependant, si des changements aux règles relatives à la propriété des entreprises de distribution sont finalement recommandés, nous enjoignons les décideurs à reconnaître qu'un changement apporté à une des politiques relatives à la distribution entraînera inévitablement des conséquences pour d'autres objectifs gouvernementaux. Dans cette éventualité, nous proposons l'adoption d'une interdiction en vue d'empêcher un non-Canadien qui acquiert le contrôle d'une entreprise de distribution de radiodiffusion canadienne, d'acquérir ou de détenir une participation dans un service de programmation canadien. Cette proposition constitue, à notre avis, une exigence minimale nécessaire si l'on veut réduire les risques inhérents que présente le contrôle étranger des entreprises de distribution à l'égard des objectifs de la politique gouvernementale en matière de radiodiffusion.

    Nous vous remercions de nous avoir écoutés. Nous serons heureux de répondre à vos questions en anglais et en français.

+-

    Le président: Merci, madame Yaffe, d'avoir défini le problème avec autant de franchise.

    Madame Lareau, ou monsieur Amber, voulez-vous conclure?

+-

    Mme Lise Lareau: Je voulais faire une remarque avant de céder la parole à mon collègue, monsieur Amber.

+-

    Le président: Allez-y, mais pas trop fort.

    Une voix: Il est capable d'encaisser.

    Des voix: Ah, ah!

+-

    Mme Lise Lareau: M. Ravensbergen parlait au nom de la Guilde des employés de journaux et non de la Gazette. Comme vous le savez, s'il avait voulu parler au nom de ce journal, on lui aurait imposé le bâillon. Je voulais que cela soit très clair. Cela illustre aussi un aspect de tout ce débat.

    Pour revenir à ce que Mme Yaffe disait, mon collègue, M. Amber, va maintenant parler des règles relatives à la propriété étrangère dans les médias que certains veulent assouplir.

º  +-(1615)  

+-

    M. Arnold Amber (directeur, Guilde des employés de journaux du Canada): Merci beaucoup. Je suis heureux aujourd'hui de faire valoir certaines opinions concernant la question de la propriété étrangère.

    Je dois vous avouer que le débat m'a étonné jusqu'à présent parce qu'il s'agit à mon avis d'une question fondamentale, et j'en entends qui désirent assouplir les restrictions relatives à la propriété et au contrôle étrangers... et ils font faussement valoir que l'économie canadienne n'est pas en mesure de soutenir les industries en question.

    Je ne suis pas un expert en télécommunications, mais chose certaine, je m'y connais beaucoup en journaux et en radiodiffusion. En fait, les 20 dernières années ont montré que notre pays présente des capacités étonnantes lorsqu'il s'agit d'acquérir et de vendre des propriétés dans le domaine des journaux, de la radio, de la télévision et d'Internet. Permettez-moi de cartographier tout cela.

    Il y a 20 ans, il existait toute une série de journaux tant dans les grandes villes canadiennes comme Montréal que dans les petites villes comme St. Catherine's, en Ontario, qui étaient des propriétés familiales. Au cours de cette période, presque toutes les familles qui possédaient de grands journaux ont disparu et ont été remplacées par une série de propriétaires, soit des investisseurs qui ont acheté ces journaux argent comptant, et dans certains cas qui ont payé le prix fort.

    Donc nous avions le groupe Southam. Nous avions le groupe Thomson. Nous avions le groupe Sifton en Saskatchewan. Nous avions le groupe Free Press. Et toutes ces grandes familles ont maintenant disparu. Elles ont été remplacées par d'autres groupes. En 1996, Conrad Black est apparu et s'est emparé du contrôle de Southam en se servant d'un autre groupe, qu'il avait créé lui-même au cours des 25 ou 30 dernières années, le groupe Hollinger. Quand Black a décidé de vendre, CanWest s'est présenté avec 3,2 milliards de dollars pour acheter tous ces journaux. Et depuis l'arrivée de CanWest, ce groupe a décidé de vendre certains de ses journaux et M. Conrad Black en a vendu d'autres. Nous avons vu apparaître un groupe de Montréal, le groupe Transcontinental, et nous avons vu dans cette province se créer un groupe entièrement neuf Osprey, qui a acheté pour plus de 300 millions de dollars 36 journaux qui appartenaient à Conrad Black.

    Nous avons vu un groupe de Winnipeg acheter le quotidien de cette ville de Thomson et acheter aussi le journal de Brandon. Nous avons vu Québécor prospérer non seulement dans les médias de langue française, mais aussi dans les médias de langue anglaise, et il y a bien sûr aussi l'omniprésent Toronto Star, qui acquiert des propriétés l'une après l'autre.

    Ce que je dis, donc, c'est qu'il est parfaitement faux de penser qu'il n'y a pas d'argent au Canada et que nous devons nous tourner vers l'étranger pour inviter des Américains, des Britanniques et des Allemands à acheter nos propriétés. Je ne dis pas que chaque fois que quelqu'un achète un journal, il paie le bon prix et fait une bonne affaire. Mais il y a de l'argent chez nous. Et toutes ces entreprises qui existent maintenant ont l'appui de banques importantes, et elles semblent en mesure de convaincre n'importe quelle banque de financer presque n'importe quelle acquisition qu'elles veulent faire.

    Passons maintenant du côté de la radiodiffusion—vous êtes tous au courant de cela parce que vous vivez tous ici au Canada et vous avez remarqué combien de fois au cours des 20 dernières années votre station de radio locale a changé de propriétaire—les groupes s'échangent continuellement les stations de radio. On trouve parfois jusqu'à 30 stations dans une seule vente. Nous avons assisté à la création de grandes chaînes de radio et de télévision. Il y a le groupe CHUM, il y a le groupe Standard Broadcasting, et nous avons vu la transformation de CTV qui est passée de stations à propriété distincte à une coopérative puis à un seul réseau solide, qui a été par la suite vendu à une entreprise de Bell.

    Il y a quelques années de cela, Global lui-même n'était pas un réseau national. C'est aujourd'hui un réseau national. Au Québec, vous avez assisté également à l'apparition non pas d'un mais de deux réseaux de chaînes commerciales qui sont venus s'ajouter à Radio-Canada.

    Vous voyez très bien où je veux en venir: ce que je sais de la radiodiffusion prouve sans l'ombre d'un doute qu'au cours des 20 dernières années, on a trouvé les moyens financiers voulus pour créer et soutenir ces industries. En outre, il y a autour de moi à cette table des gens qui ont créé de grandes maisons de production indépendantes et qui ont développé d'autres aspects de l'industrie médiatique.

º  +-(1620)  

    Il est aisé de voir le problème que pose la cession du contrôle canadien à des étrangers. Ces gens qui vont venir chez nous et qui vont dépenser des centaines de millions de dollars ou peut-être même plus pour acheter vos télécommunications, votre câble, vos radiodiffuseurs ou vos journaux n'arrivent pas seulement avec leur argent. Ils viennent aussi avec l'intention de contrôler ces entreprises.

    Nous avons vu cela dans notre pays par le passé... Je vais citer un exemple—vous allez peut-être penser que c'est un exemple curieux—TSN, The Sports Network. À une certaine époque, ce réseau des sports appartenait à un groupe de personnes. Ces propriétaires étaient disposés à vendre, et des cadres supérieurs de l'entreprise ont décidé de l'acheter. Comme ils n'avaient pas d'argent, ils ont vendu 30 p. 100 de TSN à ESPN, le plus grand réseau de sports américain qui est, soit dit en passant, contrôlé par Disney. ESPN était prêt à acheter ces 30 p. 100 mais voulait exercer divers contrôles.

    Lorsque ce groupe privé a finalement décidé de vendre de nouveau, je sais de source sûre que l'une des raisons pour lesquelles Global Television ne l'a pas acheté, c'était parce qu'il ne voulait pas partager le contrôle de TSN, qui a un réseau équivalent au Québec aussi, avec ESPN, les Américains.

    Nous sommes plongés ici dans un débat qui porte sur une mutation fondamentale dont nous avons été témoins dans d'autres domaines. Nous avons été témoins de la déréglementation, pas seulement dans les télécommunications dans notre pays, mais aussi dans d'autres secteurs d'activité. Souvent, lorsque nous sommes passés de la réglementation à la déréglementation, nous sommes passés du mauvais au pire ou du bon au mauvais. À l'heure actuelle, dans cette province-ci, on débat âprement de la déréglementation de l'hydroélectricité.

    Nous avons vu les effets de la propriété croisée. Mon collègue vous en a signalés quelques-uns. D'autres en ont fait autant, et d'autres en feront autant aussi devant votre comité. Nous allons bientôt vous distribuer une étude sur les problèmes que pose la propriété croisée, étude qui a été rédigée par les Journalistes canadiens pour la liberté d'expression. La lecture de ce document vous sera utile. C'est un texte court. Nous vous en donnerons copie parce qu'il relate les luttes qui ont été menées au sein de CanWest il y a quelques mois de cela. Un certain temps s'étant écoulé, les auteurs ont pu rédiger ce rapport avec un certain recul.

    Mais revenons à la question de la propriété étrangère. Si nous cédons à des intérêts étrangers le contrôle de nos médias, toute la perspective des salles de rédaction va changer pour les Canadiens. Je crois que les nouvelles vont changer aussi. Nous semblons en ce moment à la veille d'une guerre contre l'Irak—je vais même prédire qu'elle aura lieu. Je viens de passer une semaine aux États-Unis. Ce que les lecteurs américains trouvent dans leurs journaux, ce qu'ils voient à la télévision, ce n'est pas ce que nous voyons ici.

    L'actualité est une chose trop importante pour en céder le contrôle à des étrangers. Il ne fait aucun doute que si une grande entreprise vient s'installer chez nous, qu'elle soit des États-Unis ou de l'autre côté de l'océan, de la Grande-Bretagne, notre perspective, nos nouvelles vont changer. Comme l'a signalé Mme Yaffe, au sujet de la promotion des entreprises verticales, toutes les grandes entreprises étrangères, qu'elles soient britanniques, allemandes, américaines ou japonaises, sont des entreprises verticales. Elles ont autre chose à vous vendre. Si ça vous énerve un peu de voir CanWest faire constamment la promotion de ses journaux à la télévision, attendez de voir les Américains arriver ici et mélanger tout cela; alors vous allez vraiment voir à quoi ressemble la promotion croisée. Nous n'avons pas besoin de nouveaux points de vue étrangers dans notre pays; nous avons besoin de nouveaux points de vue canadiens.

    Ceux qui nous racontent qu'il faut faire ça pour ne pas manquer le bateau de la mondialisation oublient une chose très importante. C'est le seul pays au monde qui partage deux choses avec les Américains: la langue dans une large mesure et une longue frontière qui facilite la pénétration de la pensée américaine au Canada.

    Donc il est très facile de venir ici comme l'a fait M. Fraser la semaine dernière et de dire que cette question n'a pas vraiment d'importance puisque tous ces autres pays n'imposent pas de limites à la propriété étrangère dans leurs systèmes de radiodiffusion. Le Canada est un pays différent, et j'imagine que c'est pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui, parce que nous sommes devant le Comité du patrimoine canadien et que nous devons protéger notre pays. Nous devons protéger notre culture. Nous devons nous protéger comme peuple. Je trouve très intéressant pour ma part de voir que l'argument de la partie adverse repose sur une obsession financière.

    Mais ce n'est pas moi qui vais contester les motifs des défenseurs de la propriété étrangère, mais je vais citer un homme. Cet homme n'est pas citoyen du Canada ou de l'un de ces pays qui rechercheraient à exploiter les médias canadiens; cet homme est le secrétaire général des Nations Unies. Dans son discours programme à la Conférence mondiale sur l'environnement, plus tôt cette année en Afrique du Sud, il a déclaré aux délégués: «Cessons d'être frileux sur le plan économique et montrons notre courage sur le plan politique.»

    C'est ce que je vous demande de faire aujourd'hui. Je vous le demande pour le bien de la génération actuelle de Canadiens et de celles qui la suivront.

º  +-(1625)  

    Votre comité doit dire non à l'idée d'un contrôle étranger accru des médias canadiens. Au cours des 50 dernières années, diverses industries ont été vendues à des étrangers à la pièce ou parfois en bloc. Je verse des larmes chaque fois que je vais chez Tim Hortons. Si nous n'avons pas su garder Tim Hortons, gardons au moins nos médias.

    Donc je vous dis—et je dis cela sur le ton de la plaisanterie, mais c'est une question très grave, et cette question grave a tout à voir avec le rôle du Comité du patrimoine canadien. Si d'autres comités veulent parler d'industrie et de commerce, qu'on les laisse mener la bataille sur le front de l'argent. Mais vous savez, le Canada, au bout du compte, ce n'est pas seulement un bon régime d'assurance-santé. Le Canada, c'est plus qu'un régime d'assurance-santé. C'est un peuple, c'est un esprit, c'est une histoire et c'est aussi un avenir.

    Et je peux vous dire aujourd'hui, comme cela a été dit dans toutes les études qui ont été faites dans tous les pays d'Europe occidentale et dans tous les autres, que les médias sont essentiels à la qualité de la démocratie. Dans les deux volets de notre témoignage aujourd'hui, nous vous disons que la qualité de vos médias est déterminée en partie par des Canadiens qui les possèdent et les contrôlent. Mes collègues vous ont dit aussi qu'à notre avis, la qualité des médias se trouve considérablement améliorée si l'on évite aussi la propriété croisée.

    Merci beaucoup

+-

    Le président: Vous parlez fort bien, monsieur Amber.

    Monsieur Abbott.

+-

    M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Eh bien, monsieur Amber, voilà qui était très intéressant. Je me demandais comment contester certaines de vos affirmations, et votre observation plutôt drôle à propos de Tim Hortons me sert tout à fait. Voulez-vous bien me dire comment Tim Hortons a pu changer dans le mauvais sens? Comment peut-on y voir l'hostilité américaine à l'égard du nationalisme canadien? Comment le contrôle américain de Tim Hortons a-t-il pu changer le goût des beignes?

    Voyez la publicité. Nous nous retrouvons encore dans la publicité de Tim Hortons, sans quoi nous n'irions jamais. Voyez les produits qu'on y offre. J'ai été à l'étranger à quelques reprises au cours de l'automne, et je peux vous dire que j'adore y retourner pour y prendre ma soupe et mon sandwich, je le dis sincèrement, parce que c'est de la bonne cuisine canadienne pour moi.

    Vous voulez que je vous dise? La propriété étrangère n'a rien changé chez Tim Hortons, dans ses produits ou son apparence, dans son caractère canadien non plus. Vous pourrez peut-être m'aider à comprendre comment le spectre terrible de Wendy's et de tous ces méchants américains a changé Tim Hortons. Ma question fait évidemment suite à votre affirmation, et je le crois aussi, aux affirmations de M. Yaffe.

+-

    M. Arnold Amber: Je dois vous dire qu'il y a deux risques chaque fois qu'on hasarde des plaisanteries. Le premier, c'est que personne ne la saisit et que personne ne rit, ou alors, on rit, mais on en fait un autre usage.

    J'ai fait cette observation au sujet de Tim Hortons parce que c'est une question viscérale. Tim Hortons est un phénomène proprement canadien, et il me plaît encore de croire que c'est un phénomène unique de bout en bout. Pour vous dire toute la vérité, ce n'est qu'un exemple que je cite, ce n'est pas une chose qui me touche vraiment. Il se trouve que je suis diabétique; je ne mets donc jamais les pieds chez Tim Hortons.

    Soyons sérieux: si le Comité du patrimoine canadien se préoccupe des médias et non de Tim Hortons, c'est parce que c'est une chose que de faire des beignes et de diriger une très bonne chaîne où les gens aiment se restaurer, et c'en est une autre que de diriger les médias. Les médias font partie intégrante de la démocratie. Il s'agit ici de l'édification d'une nation et de ses idéaux, et Tim Hortons a beau prétendre être bien des choses, je ne crois pas que cette chaîne fasse ce genre de choses. On parle de deux choses différentes.

º  +-(1630)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Amber.

    Vous avez mentionné aussi Mme Yaffe; je me demandais donc si quelqu'un de votre groupe voulait ajouter quelque chose.

+-

    Mme Phyllis Yaffe: Je pense que M. Amber a fort bien parlé. Il a répondu en notre nom aussi.

+-

    M. Jim Abbott: Eh bien, poursuivons, c'est un débat civilisé que nous avons ici.

    Ce que je vous dis, pour ma part, c'est que si Tim Hortons continue d'attirer des Canadiens en si grand nombre—et je ne sais pas combien de millions de tasses de café ou de beignes on y vend tous les jours dans notre pays—c'est parce que cette chaîne, à toutes fins utiles, n'a jamais changé d'image ou de produit.

    M. Dennis Mills: Mais qui la possède, Jim?

    M. Jim Abbott: L'identité du propriétaire n'a aucune pertinence, et je dis que cette chaîne va continuer d'attirer les gens, grâce à son soutien aux sports de glace ou à toutes ces autres choses qu'elle fait, des choses qui sont toutes proprement canadiennes. Elle va continuer d'attirer les Canadiens parce qu'elle fait toutes ces choses dans lesquelles nous nous retrouvons.

    Je répète—et je suis heureux que nous ayons ce débat parce que je ne crois pas que l'identité du propriétaire, le processus décisionnel comme tel, soit pertinente—que si cette chaîne ne donne plus aux Canadiens ce qu'ils veulent et attendent, elle va perdre leur clientèle, tout comme cela se ferait dans le milieu des médias ou du divertissement au Canada.

+-

    Le président: M. MacMillan veut intervenir.

+-

    M. Michael MacMillan (président et directeur général, Alliance Atlantis Communications Inc.): Merci.

    Je dirai entre autres ceci. Nous pensons que les émissions de télévision ne sont pas un produit comme les autres. Ce n'est pas comme des tasses et des soucoupes, des plumes ou du papier. Les émissions ont un impact social plus important.

    Les Canadiens regardent la télévision 21 heures par semaine, et ce médium est probablement le plus puissant de tous les temps et c'est peut-être celui qui façonne le plus notre compréhension des choses, notre identité, notre pensée, notre mémoire et nos espérances. Ce médium a une importance qui dépasse celle de la plupart des autres produits. C'est plus qu'un produit, c'es une influence culturelle, et c'est la raison pour laquelle nous en parlons aujourd'hui et que nous ne parlons pas de tasses ou de soucoupes, de plumes et de crayons.

    L'identité du propriétaire a une influence considérable, à mon avis, sur ce qui est produit et pourquoi. Si les radiodiffuseurs canadiens étaient propriété étrangère... Et gardez à l'esprit le fait, comme disait Phyllis Yaffe, que ce débat ne porte pas sur l'accès à l'argent étranger. Il ne s'agit pas ici d'attirer des fonds communs de placement ou des caisses de retraite américains ou européens parce que nous avons tous déjà accès à Wall Street. Nous avons tous vendu des actions aux États-Unis, en nous servant essentiellement de nos structures aux actions non votantes. Il ne s'agit pas d'argent ici. Il s'agit d'attirer de nouveaux actionnaires qui, apparemment, ne se contentent pas d'un intérêt économique passif et veulent acquérir un contrôle stratégique et opérationnel.

    Si l'on veut que le contrôle stratégique et opérationnel serve à quelque chose... Et si j'étais à leur place, j'exigerais immédiatement que la programmation de ma chaîne canadienne ressemble le plus possible à ma programmation sur ma chaîne américaine, britannique ou allemande. Je tiendrais à employer les mêmes ressources et la même programmation autant que possible. Idéalement, je voudrais amortir mes dépenses grâce à un auditoire plus large.

    Je sais que dans notre métier, les décideurs sont les payeurs. La plupart de ces émissions viseraient tout naturellement, et c'est prévisible, les plus grands auditoires, car c'est là qu'on retrouve le gros de ces frais. Je craindrais par conséquent que nos chaînes canadiennes cherchent avant toute chose à desservir un auditoire étranger, un auditoire différent. Ces propriétaires étrangers auraient des préoccupations qui ne sont pas celles des Canadiens. Je crains par conséquent que l'impact social de notre programmation ne change. Sur ce plan, l'industrie culturelle est très différente.

+-

    Le président: Madame Lareau.

+-

    Mme Lise Lareau: À ce sujet, j'aimerais mentionner quelque chose que nous avons déjà vu. Nous sommes ici pour parler de deux choses. Avec la propriété croisée, nous avons vu au cours des deux dernières années un propriétaire qui a su s'implanter sur le marché d'une manière incroyable et nous avons vu l'effet que cela avait sur les éditoriaux et d'autres dossiers. Si l'on commençait à avoir dans les médias une politique éditoriale nationale qui serait dictée à partir de Washington ou de New York plutôt qu'à partir de Winnipeg, vous verriez l'effet que cela pourrait avoir sur la liberté d'exprimer des idées qui sont importantes pour les Canadiens.

    Nous avons maintenant des preuves tangibles, et nous voyons ce qui peut se passer dans notre pays. Si vous laissez des intérêts étrangers s'installer, il n'est nul besoin d'avoir beaucoup d'imagination pour penser qu'un jour les éditoriaux de quotidiens nationaux et de la télévision seront dictés à partir de Washington, New York ou Londres.

º  +-(1635)  

+-

    M. Jim Abbott: Mais j'ai vu cela ce matin même dans le Toronto Star. Il y a sept ans, nous avons créé un programme qui devait coûter 2 millions de dollars et qui en coûte maintenant 1 milliard—soit 500 fois plus. Lorsqu'on a posé des questions au sujet de ce programme à la Chambre des communes, on n'a rien dit aux députés. Le programme coûtait déjà 300 millions de dollars, et le ministère savait qu'il allait en coûter 700 millions de plus.

    Il me semble que cela est digne de mention dans les journaux, et on ne se surprend pas de voir que cette nouvelle fait la manchette des deux autres quotidiens nationaux. Mais je n'ai rien vu de tel dans le Toronto Star. J'ai visité son site et j'ai été renversé de voir qu'on ne disait rien sur cette affaire épouvantable, et ce, parce que sa direction était favorable au contrôle des armes à feu.

+-

    Le président: Quelle est votre question, monsieur Abbott? Nous devons poursuivre le débat. Quel est le rapport?

+-

    M. Jim Abbott: Je dis que l'on prend tous les jours des décisions au niveau de la rédaction, et que si je vivais dans la région de Toronto et que je n'aimais pas la politique éditoriale du Toronto Star, je ne m'y abonnerais pas.

    Si je ne veux pas regarder Global, je ne regarde pas Global. S'il y a des choses que je ne veux pas voir, c'est moi qui décide. Le marché va finir par décider. Mais pour en revenir à nos moutons, si je comprends bien, vous dites que la propriété étrangère va changer du jour au lendemain le processus décisionnel de la page éditoriale. Je dis que c'est peut-être le cas, mais c'est le marché qui va ultimement imposer sa volonté au système.

+-

    Le président: Je crois que nous allons en rester là. Vous aurez amplement la possibilité de répondre à ce que M. Abbott a dit.

    Madame Gagnon.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Selon moi, l'enjeu est plus complexe que la décision de manger des biscuits ou d'écouter une émission plutôt qu'une autre. Quand il commence à y avoir une forme de contrôle sur le type d'émissions qu'on veut écouter, la situation devient plus grave.

    Pour ma part, je m'interroge sur l'éventuelle levée des restrictions concernant la propriété étrangère des entreprises de distribution ou de diffusion. Au Québec, par exemple, si on décidait d'investir dans les industries culturelles, cela pourrait limiter l'appui public à la culture.

    Une entreprise qui serait de propriété majoritairement étrangère plutôt que canadienne aurait-elle assez de pouvoir pour exiger que les gouvernements investissent moins dans la culture, sous prétexte qu'elle se sentirait désavantagée? C'est une situation qui s'est produite dernièrement.

    Est-ce que cette éventualité vous fait peur? Craignez-vous que cette forme de pression soit exercée par des propriétaires américains, par exemple?

+-

    Le président: Monsieur Bureau.

+-

    M. André Bureau (président du Conseil, Astral Média inc.): Je vous avoue qu'on n'a jamais considéré la question sous cet angle.

    Le fait qu'une entité étrangère, propriétaire d'un service de télévision canadien, puisse avoir ou ne pas avoir accès à des programmes de soutien au financement pour des productions télévisuelles ou cinématographiques ne changerait pas la situation de façon significative.

    J'ai l'impression qu'il serait assez facile de prétendre que certaines règles peuvent s'appliquer en vertu des exigences à l'égard du contenu canadien. Mais, comme vous le dites, le problème est beaucoup plus fondamental.

    D'abord, il faut savoir que le système canadien de radiodiffusion est en quelque sorte notre dernier bastion; c'est ce qui nous permet, encore aujourd'hui, de nous parler et de faire connaître nos points de vue et nos talents d'un océan à l'autre. C'est aussi une industrie qui s'est développée de façon plutôt exceptionnelle. Son développement a donné la chance à des artisans, des écrivains, des musiciens et des artistes de toutes sortes de faire valoir leur talent et d'aller éventuellement se faire connaître ailleurs.

    On dit que...[Note de la rédaction: inaudible]...de la propriété est changée et que cela donne lieu à deux effets distincts. Si elle est changée dans le domaine de la distribution, soit en matière de câblodistribution ou de diffusion par satellite, il peut arriver que les nouveaux propriétaires, du fait qu'ils ont un rôle important à jouer pour soutenir le travail accompli du côté de la programmation, aient des préoccupations, des priorités ou des buts différents.

    On risque de se retrouver rapidement à l'intérieur d'un modèle étranger. Bien qu'on n'ait pas encore mentionné de quel pays il pourrait s'agir, il ne faut pas se montrer trop naïfs en ce qui a trait à cette question: je n'ai pas encore rencontré de Lettons qui voulaient acheter nos services. Mais on sait bien que d'autres, et on les reconnaît facilement, attendent à la porte.

    Si ces gens-là arrivent chez nous et qu'ils deviennent effectivement propriétaires de nos entreprises, ça ne sera pas, comme Michael le disait plus tôt, des gestionnaires de régimes de retraite ou des actionnaires regroupés aux États-Unis, mais bien des entreprises qui évoluent déjà dans ce domaine et qui voudront profiter de la chance de faire un peu plus de dumping au Canada. Ils vont donc venir chez nous et acquérir nos propriétés pour ensuite essayer de tout faire pour amortir leurs coûts, comme ils le font déjà chez eux.

    On se demande ce qu'on gagnerait en fin de compte. En matière de diffusion, on n'a pas besoin d'avoir accès au marché américain; pas un seul diffuseur n'est d'ailleurs venu nous dire le contraire. En fait, c'est un marché auquel on a déjà accès.

    En outre, tous ceux qui veulent investir dans nos compagnies peuvent le faire, et quand, de notre côté, nous avons besoin d'argent, nous émettons des actions sans droit de vote. On nous prévient que si, pour une raison ou l'autre, les distributeurs obtenaient le droit dont il est question, les conséquences seraient sérieuses.

    Au moins, assurez-vous que tout ça ne soit pas du vent et voyez à ce que ces individus n'entrent pas par la porte de la distribution et ne deviennent pas propriétaires à 100 p. 100 des entreprises de distribution tout en ayant droit à 43,6 ou à 46,3 p. 100 de nos entreprises de programmation.

    Selon nous, il devrait y avoir une séparation étanche entre les deux. Cela n'exclut pas le droit d'avoir des intérêts étrangers dans l'entreprise, mais ça implique qu'il ne s'agira pas des mêmes personnes que celles qui contrôlent la distribution.

    C'est ce qui compte vraiment, étant donné qu'il y a déjà trop de concentration dans ce domaine.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Madame Gagnon, vous pouvez poser une dernière question.

+-

    Mme Christiane Gagnon: Hier, des témoins nous ont dit que dans l'industrie culturelle, le plafond en matière de financement--le 20 p. 100 pour les détenteurs de licence ainsi que l'autre pourcentage, qui est de 33,33 p. 100-- n'a pas été atteint. On se demande donc pourquoi on voudrait augmenter le pourcentage alors que ce qui est sur la table présentement n'est pas utilisé.

    Pouvez-vous nous renseigner à ce sujet?

+-

    M. André Bureau: Je ne peux pas vous donner de renseignements, mais je peux tirer une conclusion.

    Certains investisseurs américains sont intéressés à investir dans les domaines de la distribution et de la programmation, mais ils ne veulent pas venir ici pour n'être que des passive shareholders; ils veulent prendre le contrôle. C'est ce qui les intéresse. Oeuvrant eux-mêmes dans ces médias, ils voudront élargir leurs activités et maximiser leurs profits.

    Ces gens-là ne sont pas intéressés à faire du passive investment dans nos entreprises; c'est la raison pour laquelle ils ne viennent pas.

Mais le jour où on ouvrira la porte, vous allez voir qu'ils vont rentrer, et vite.

+-

    Mme Christiane Gagnon: Est-ce qu'on serait le seul pays à ouvrir ainsi la porte? Est-ce qu'on serait avant-gardistes si jamais...

+-

    M. André Bureau: On a souvent été avant-gardistes, madame Gagnon, et ce n'est pas cet aspect qui me préoccupe, parce qu'en fait, on a une situation qui ne peut se comparer à aucune autre.

    On vit au Canada dans un milieu qui est tout à fait différent de la France et de l'Angleterre, particulièrement de l'Angleterre, qui s'est toujours sentie protégée et qui continue de le penser. Ici, nous ne nous sommes jamais sentis protégés. Diable, on les a eus à la porte chez nous, comme modèle et comme influence, et on a maintenant la pénétration par satellite. On les a depuis toujours. Donc, on n'est pas du tout dans la même situation que les autres.

    Je ne pense pas que ce qu'on propose aujourd'hui'hui soit nécessairement ce qui devrait être fait en Angleterre ou dans un autre pays du monde. On essaie de trouver une solution qui, chez nous, va limiter l'impact d'une entrée massive de ces gens.

º  +-(1645)  

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur MacMillan, vous aurez la chance de répondre pendant le débat aussi.

    C'est maintenant au tour de M. Mills, Mme Bulte, Mme Lill et Mme Frulla.

    Monsieur Mills.

+-

    M. Dennis Mills (Toronto—Danforth, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Nos témoins ont très bien travaillé aujourd'hui. Je disais hier au comité qu'au cours des dernières semaines, je me suis rendu dans diverses régions du pays. Vous devez savoir que le problème numéro un maintenant, surtout parmi les jeunes et les diplômés universitaires, c'est toute la question de la propriété étrangère. D'ici quelques mois, les Canadiens vont nous tomber dessus à bras raccourcis. Madame Yaffe, notre pays a besoin de 1 000 PDG qui pensent comme vous.

    Je veux revenir à ce que disait M. Abbott, et à sa réponse à M. Amber au sujet des beignes parce que c'est une question tout à fait pertinente. Au cours des huit dernières années, notre pays a perdu aux mains étrangères des actifs valant 500 milliards de dollars. Il ne s'agit pas seulement de beignes et de café; il s'agit de la publicité novatrice et de qualité pour ces entreprises. Voyez notre industrie publicitaire. Elle est en ruines. Qui contrôle les achats? Croyez-vous que les achats pour ces multinationales sont faits à partir des succursales de ces entreprises au Canada qui viennent d'être achetées?

    Je connais des douzaines de PDG dans ma propre ville de Toronto qui reçoivent des courriels où on leur dit comment mener leurs entreprises au Canada. Ils n'ont plus la possibilité de faire preuve d'ingéniosité. Leurs achats et leurs opérations sont contrôlées—c'est de la folie. La destinée de notre pays nous échappe.

    Le secteur culturel est le dernier secteur où nous avons une chance de maintenir une identité et une présence authentiquement canadiennes, et il y a là une infrastructure qui influence la vie de millions de Canadiens. Donc si notre comité veut faire quelque chose de durable, dans le sens des rapports Kent et Davey, nous ne pouvons pas nous permettre d'hésiter sur cette question de la propriété étrangère.

    Notre comité doit prendre l'initiative et donner l'exemple au Comité de l'industrie qui, au cours des sept ou huit dernières années, a été très silencieux dans ce dossier très important.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Mills.

    Madame Bulte.

+-

    Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci beaucoup. Je tiens à dire merci à tous nos témoins aussi.

    Je veux revenir à ce que vous avez dit à la fin de votre exposé. Vous avez rejoint presque mot pour mot la pensée de Dennis. Dans votre texte, vous dites: «Nous enjoignons les décideurs à reconnaître qu'un changement apporté à un pan des politiques relatives à la distribution entraînera inévitablement des conséquences pour d'autres objectifs gouvernementaux.»

    Ce qui me préoccupe, c'est la position qu'ont prise les câblodistributeurs, lorsqu'ils ont parlé de la décision 96-1 du CRTC qui reconnaît que les câblodistributeurs sont aussi des transporteurs au sens de la Loi sur les télécommunications. En ce moment, le Comité de l'industrie—et non le Comité du patrimoine canadien—se penche sur le domaine de la propriété étrangère ou étudie l'industrie des télécommunications.

    Vous pourriez dire que c'est presque comme si la main gauche ignorait ce que fait la main droite. Si le Comité de l'industrie recommande que l'on autorise la propriété étrangère dans l'industrie des télécommunications, est-ce que cette recommandation ne nous obligera pas inévitablement, c'est presque comme ce pan dont vous parliez, à admettre la propriété étrangère des EDR, comme vous le disiez? Cela me préoccupe beaucoup, et je partage vos préoccupations. On va commencer par autoriser la propriété étrangère des télécommunications, puis ce sera au tour des câblodistributeurs et ensuite des entreprises de programmation. Comment empêcherons-nous Radio-Canada de passer inévitablement à des mains étrangères?

    Faites-vous les mêmes instances auprès du Comité de l'industrie?

º  +-(1650)  

+-

    M. Michael MacMillan: Nous devrions peut-être le faire.

    Tout le monde sait que la main gauche sait ce que fait la main droite. Il y a un processus à suivre dans notre industrie, et l'on discute de la modification des règles régissant les télécommunications. Ce serait très malhonnête de notre part de dire: «Ah, mon Dieu, si nous modifions les règles régissant les télécommunications, dans un an, il faudra modifier les règles régissant les EDR parce que ce n'est que justice», et de dire l'année suivante: «Ah, mon Dieu, voyez, les entreprises EDR fabriquent aussi du contenu. Il serait peut-être bon de modifier les règles régissant le contenu.» Nous savons toutes ces choses bien à l'avance. Il ne faut pas se raconter d'histoires.

    C'est la seule logique possible qui découlerait de tout cela. Voilà pourquoi nous devons nous interroger sur la première décision à prendre, en ce qui concerne la règle sur la propriété des télécommunications. Autrement, les entreprises qui font du contenu vont devoir se battre pour survivre. Nous le savons déjà.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Madame Yaffe, vous avez parlé des câblodistributeurs. Je crois savoir qu'une partie de leur exposé, et je n'étais pas là à ce moment-là, portait sur le rôle de l'organisme réglementaire. Ils ont dit que l'organisme réglementaire interviendrait et ils ont dit ne pas voir pourquoi on n'obéirait pas à l'organisme réglementaire parce que c'est la chose logique à faire sur le plan des affaires et aussi parce que l'organisme réglementaire impose ses règles. Mais voyez la Loi sur la radiodiffusion; on y trouve aussi une exigence relative à la perspective régionale et locale. Mais j'ai entendu M. Ravensbergen dire dans son exposé qu'on nous impose une politique nationale, et que l'on gomme totalement la perspective locale et régionale. Les gens vont se demander: «Que peut faire l'organisme réglementaire à ce moment-là?» J'imagine que cela vous préoccupe. Si vous pouviez nous parler un peu plus du rôle du CRTC...

    Je pense que nous nous berçons d'illusions. Quiconque pense que le simple fait d'avoir des administrateurs canadiens... Nous avons tous appris à la faculté de droit qu'il suffit du consentement unanime des actionnaires pour s'emparer du contrôle d'une entreprise, et pouf, vous avez perdu le contrôle.

+-

    Mme Phyllis Yaffe: Je pense que la première chose à répondre à l'organisme réglementaire, c'est que, bien sûr, tout le monde s'attend à ce que les entreprises étrangères respectent nos lois. J'imagine que c'est la première chose à dire. Ces entreprises doivent obéir à nos lois.

    Mais le système de radiodiffusion est plein de trous, et il est fait de l'esprit de ce que nous faisons ici. Il faut comprendre la Loi sur la radiodiffusion et s'engager à la respecter. J'imagine qu'il faut se poser la question très fondamentale que voici: «Quel intérêt aurait une entreprise étrangère de radiodiffusion à s'installer au Canada?» Évidemment, elle ne s'installerait pas chez nous pour faire entendre les voix de toutes les régions du pays et leur permettre de dialoguer. Ça ne peut pas être ça étant donné que cela ne répond pas à son intérêt économique fondamental.

    Donc, je m'attends à ce que tout le monde se conduise bien. Mais je dirais aussi que leur priorité, pour ce qui est de respecter les règles et les lois du pays, serait d'obéir aux règles et aux lois de l'économie, qui leur commandent d'exporter leurs produits essentiels partout dans le monde. C'est ce que font les multinationales. C'est leur raison d'être.

    Je n'interdirais donc jamais aux entreprises étrangères de s'installer au Canada si elles obéissent à nos lois, mais je m'interrogerais sur leurs priorités, beaucoup plus que sur les règles. Notre système de radiodiffusion n'a pas été créé par des règles: il y a beaucoup plus important que les règles, ce qui compte, c'est surtout l'esprit et la contribution de chacun.

+-

    M. André Bureau: On peut facilement faire l'analogie avec le comportement des étrangers qui viennent au Canada et qui respectent nos règles, comme les limites de vitesse sur nos routes. Dans des cas comme celui-là, la situation est assez claire, si bien que l'interprétation et la sensibilité n'entrent pas vraiment en ligne de compte. Quand il s'agit toutefois d'avoir la responsabilité d'une grille d'émissions pour un marché ou un groupe cible et qu'il faut décider s'il faut faire comme on fait aux États-Unis ou en France, car on ne veut pas pointer qui que ce soit du doigt, on ne fait pas les choses de la même façon. C'est aussi simple que cela.

    Il serait impossible de demander au CRTC de surveiller ce genre de chose, de regarder chaque émission et de dire: «Attention, vous perdez de vue l'esprit de votre mission locale». C'est quelque chose qui ne peut pas être mesuré. Nous allons nous retrouver avec une programmation qui suivra en grande partie un modèle étranger et qui ne sera pas nécessairement ce que nous aimerions avoir ici--ou ce que nous avons ici à l'heure actuelle.

º  +-(1655)  

+-

    Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): C'est vraiment très rassurant d'entendre vos observations sur la propriété étrangère, et je suis ravie que nous semblions tous être prêts à nous battre contre la propriété étrangère.

+-

    Le président: Il y a tout de même des exceptions.

+-

    Mme Wendy Lill: Je suis très préoccupée par la propriété croisée des médias. Bruce Wark, qui est un journaliste hors pair, est venu témoigner devant notre comité à Halifax en mai dernier. Il nous a cité l'ouvrage de John Seely Brown The Social Life of Information--j'ai bien lu les comptes rendus de nos réunions. L'auteur de cet ouvrage dit que, pour avancer, il faut paradoxalement regarder, non pas devant soi, mais autour de soi. J'ajouterais qu'il suffit de regarder autour de soi pour se rendre compte qu'il y a de bonnes raisons de s'inquiéter de l'effet de la propriété croisée des médias sur les auditoires locaux et régionaux.

    Nous avons parcouru le pays, et nous avons été à même de voir de près les conséquences de la propriété croisée des médias. Nous étions à Winnipeg quand WTN est parti pour s'installer en ville à Toronto avec Corus. Alliance Atlantis a acheté Salter Street et, peu de temps après, cet important débouché pour les firmes de production indépendantes s'est retrouvé à Toronto. C'est là un gros problème à mon avis. BCE a acheté les stations CTV du Nord de l'Ontario, qui se sont soudainement mises à perdre de l'argent et on a dû les déménager.

    D'un bout à l'autre du pays, nous avons entendu les gens nous parler des conséquences néfastes de la propriété croisée des médias. Ils n'ont plus accès à une programmation régionale, à ces émissions comiques régionales, à ces petites stations, à ces voix qui sont bien de chez eux. Cela nous a crevé le coeur à Terre-Neuve d'entendre parler de la disparition des 10 émissions qui existaient là-bas dans les années 80; tout ce qu'il leur reste, c'est une émission de Rogers qui s'appelle Out of the Fog. C'est à Terre-Neuve que Codco a fait ses débuts. C'est là que la comédie au Canada a fait ses dents, et pourtant on n'y retrouve plus que cette modeste émission du câblodistributeur Rogers.

    Alors expliquez-moi comment la propriété croisée des médias sert l'intérêt public au chapitre culturel. Nous sommes le comité de la culture, le comité du patrimoine, et je ne vois rien de cela, ni dans la production de films ni dans la production journalistique. Je sais que vous partagez sans doute mon point de vue, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

+-

    M. Jan Ravensbergen: On trouve ces mêmes préoccupations au sujet de la télévision dans les salles de nouvelles de toutes les régions du pays. L'inquiétude est profonde chez nos membres, non pas seulement chez les journalistes, mais chez les réviseurs et tous ceux qui travaillent à la production de journaux télévisés.

    Ce qui nous avait vraiment fait prendre conscience du problème, ce sont les propos d'un Américain du nom de Bill Kovach. C'est assez paradoxal, il a publié un livre sur les éléments du journalisme, où l'on retrouve deux ou trois principes de même que des observations sur la propriété croisée et sur les circonstances qui font qu'on ouvre la porte à des Gannet, Knight Ridder et tous les autres.

    Le journalisme existe en premier lieu pour servir la vérité—la vérité locale. Sa première loyauté est envers les citoyens—les citoyens locaux. Son essence même tient à la discipline de la vérification. Ceux et celles qui le pratiquent doivent maintenir leur indépendance par rapport aux personnes mises en cause dans le reportage et, bien sûr, par rapport au propriétaire de l'entreprise qui les emploie. Le journalisme doit aussi être le chien de garde du pouvoir et ne doit être soumis à aucune influence.

    Tout cela nous ramène à des valeurs essentielles pour les Canadiens, parce que le Canada, c'est le Canada. Je suis moi-même de Montréal. C'est là où j'ai grandi, et j'ai une perception régionale et une idée de ce qu'est le Canada qui est différente de celle que vous avez à Halifax ou dans d'autres régions du pays.

»  +-(1700)  

[Français]

    Madame Gagnon, votre appréciation du Canada est nuancée par rapport à la mienne ou à celle de Mme Lill. C'est normal et c'est ce qui nous définit. Nous ne sommes pas, de A à Z, comme les consommateurs américains.

    La tendance qu'on voit partout, c'est celle d'une globalisation qui enlève ce contrôle, ce sens de citoyenneté qui nous est propre. À partir du moment où on ouvre les portes comme cela--elles sont déjà pas mal ouvertes à certains niveaux--,

[Traduction]

Qu'est-ce qui nous reste? Eh bien, le libre-échange tous azimuts--autant aller jusqu'au bout des choses et conclure une union politique, et ce sera salut Canada, c'était bien le temps que cela a duré.

    Voilà un des éléments. Quand on parle de patrimoine, je pense au patrimoine et à tout ce qui fait de notre pays un pays aussi extraordinaire. Les saveurs locales, les saveurs régionales nous définissent aussi en tant que société, et nous sommes en train de les perdre.

    Merci.

    Le président: Brièvement, madame Lill.

+-

    Mme Wendy Lill: On parle de promotion croisée, et je me demande s'il y a quelqu'un qui a fait des recherches sur les conséquences de la promotion croisée. Il y a maintenant 15 mois que le CRTC a ouvert la porte à BCE et à CanWest Global. A-t-on fait l'analyse du contenu des pages de la presse consacrées au spectacle? Je me demande ce que l'on a fait jusqu'à maintenant à cet égard.

+-

    M. Jan Ravensbergen: Les renseignements sont encore très anecdotiques. La cote d'écoute du journal télévisé de Global n'a pas vraiment augmenté. Le tirage du quotidien The Gazette a augmenté dans une certaine mesure. Mais cet accroissement s'explique peut-être davantage par certaines décisions qui ont été prises, comme d'accorder des tarifs d'abonnement réduits. Il n'y a donc rien qui permette vraiment de conclure que la promotion croisée donne de bons résultats.

    De façon anecdotique, il suffit de parcourir le quotidien The Gazette—je crois l'avoir déjà dit—pour se rendre compte qu'on y trouve beaucoup de publicité pour Global TV. Je ne pense pas que ces publicités soient une importante source de revenu, car il s'agit simplement d'un échange de bons procédés. La promotion croisée donne-t-elle de bons résultats? C'est une question qu'il faudrait poser—j'allais dire à M. Monty—à M. Asper et à M. Sabia.

[Français]

+-

    Le président: Madame Frulla.

+-

    Mme Liza Frulla (Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles, Lib.): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je pense que nous avons raison de nous inquiéter de la propriété étrangère, car voyez, Jim, ce qui se passe du côté du cinéma. Il est très difficile pour les producteurs de films canadiens de trouver une salle qui veuille présenter leurs films.

    J'ai déjà eu à négocier avec Jack Valenti, si tant est qu'on puisse parler de négociations. Francis Fox était mon avocat à l'époque et je vous prie de me croire quand je vous dis qu'ils ne cèdent pas un pouce. Même quand on leur dit que c'est un marché francophone et qu'ils doivent à tout le moins essayer de nous aider à protéger notre culture, parce que nous sommes différents, ils ne cèdent pas un pouce. Ainsi, quand vous dites que la propriété étrangère est une source de préoccupation, j'estime que nous avons raison d'être préoccupés.

[Français]

    J'aimerais poser ma question à André Bureau, ancien président du CRTC.

    André, M. Amber disait qu'il y a des capitaux actuellement. Alors, on n'a pas vraiment besoin de capitaux étrangers. Toutefois, les corporations ont grossi. Elles ont grossi de façon démesurée en faisant souvent des achats, de très gros achats, pour des propriétés qui ne valaient pas autant, tout simplement afin de contrôler un marché. C'est ce qui s'est passé au cours des 10 dernières années. On se retrouve donc avec de très, très grosses corporations. Certaines de ces corporations disent maintenant qu'elles ont des difficultés financières et qu'elles ont besoin d'aide. Dans un cas comme celui-là, quand on se retrouve avec ces grosses corporations, peut-on encore dire qu'il y a des capitaux canadiens, que les capitaux canadiens sont suffisamment gros pour aider ces corporations?

    Sinon, peut-on assister à un remorcellement partiel de certaines de ces grosses sociétés, ce qui pourrait correspondre à notre crainte de la propriété étrangère, mais aussi à notre crainte de la propriété croisée?

»  +-(1705)  

+-

    M. André Bureau: Vous avez posé au moins deux questions.

Premièrement, est-ce qu'il y a suffisamment d'argent dans le marché pour soutenir ces entreprises?

    Je ne veux pas porter de jugement sur chaque cas particulier, mais on sait bien que les entreprises qui ont été acquises il y a deux, trois, quatre ou cinq ans ont été acquises à des valeurs qui n'existent plus aujourd'hui. Les multiples qui sont payés dans le marché aujourd'hui pour les actions de ces entreprises ont chuté dramatiquement. Évidemment, il y a donc une différence de valeur considérable, ce qui limite leurs possibilités d'emprunt ainsi que leurs possibilités de croissance.

    Est-ce qu'il y a assez d'argent dans le marché? Je ne sais pas s'il y a assez d'argent dans le marché canadien par rapport au marché américain, mais c'est sûr qu'il y a actuellement, dans les règles de propriété étrangère, tout ce qu'il faut pour permettre à une entreprise, que ce soit Star Choice ou Quebecor, d'aller sur le marché américain afin de se financer par le moyen d'actions sans droit de vote. On se comprend bien: il s'agit d'actions sans droit de vote.

    Si elles ne sont pas capables de vendre des actions sans droit de vote, si le marché américain n'est pas intéressé par des actions sans droit de vote, il faut se demander pourquoi. C'est là qu'on revient à la question suivante: n'est-ce pas parce que ceux qui seraient intéressés à venir investir ici sont des gens qui sont dans ce média-là aux États-Unis? Or, ces gens ne viendront pas comme acteurs passifs; ils viendront comme actionnaires de contrôle. C'est une première chose.

    Dans votre deuxième question, vous avez évoqué la possibilité qu'il y ait une fragmentation...

+-

    Mme Liza Frulla: Un remorcellement.

+-

    M. André Bureau: ...ou un remorcellement de ces entreprises. Je sais qu'à un moment donné, au ministère du Patrimoine, on s'était demandé si, le cas échéant, il y aurait des Canadiens qui seraient capables de payer le prix voulu pour aller chercher ces entreprises qui seraient morcelées, qu'il s'agisse de n'importe laquelle des entreprises d'ici.

    Je peux vous dire que je suis sûr que oui. Nous trois ici avons des entreprises qui ont des valeurs en bourse assez considérables, et malgré la valeur en bourse qu'on imagine et la surprime qu'il faudrait payer pour acheter nos entreprises, on ne manque pas d'acheteurs à l'heure actuelle. Il y a des gens qui sont intéressés à acheter nos entreprises--je pense pouvoir parler pour les trois--depuis longtemps. Donc, il y a des Canadiens qui sont prêts à acheter, à faire des investissements dans ce domaine au Canada. Je parle d'entrepreneurs canadiens qui seraient intéressés.

    Je me dis que s'il y avait un morcellement de certaines des entreprises qui ont pris des bouchées un peu trop grosses à un moment donné, ces unités qui seraient mises en vente trouveraient preneur très, très rapidement parmi les Canadiens.

+-

    M. Jan Ravensbergen: Madame Frulla, quant à la question de la fragmentation, il pourrait bien arriver à un moment donné, à cause des circonstances d'affaires, si c'est permis par la loi, si vous ouvrez vous-mêmes la porte, qu'une compagnie comme Knight Ridder, Media General Inc. ou l'une des autres grandes compagnies américaines entre dans la chaîne Southam, qui a une vingtaine de journaux ou de quotidiens, cela malgré la question de la déductibilité des dépenses publicitaires.

    Il y a des avocats dans la salle. Il est très possible de structurer quelque chose qui soit officiellement contrôlé par des Canadiens, alors que le fric est américain. Ça risque d'arriver parfois.

    À ce moment-là, il n'y aurait pas de propriété croisée comme telle, parce que le lien avec Global Television, par exemple, serait brisé, mais au même moment, une compagnie comme Media General Inc. pourrait entrer par l'autre porte.

    Il y a une vidéo publicitaire qui est très frappante. On l'a présentée à la Fédération professionnelle des journalistes du Québec il y a un an. C'est une promotion qui s'adresse aux analystes financiers. Media General Inc. détient la station de radio, deux stations de télévision et le journal de Tampa Bay. Le closing line est: «In Tampa Bay, we are the news.» Oh boy! Je peux vous faire parvenir une copie de cette vidéo.

    C'est peut-être la sorte de chose que les investisseurs veulent entendre, mais ce n'est pas la sorte de chose que les citoyens trouvent bonne pour la démocratie ou la diversité.

[Traduction]

»  +-(1710)  

    C'est comme un échiquier. Nous savons où chacun a placé ses pions. Les règles du jeu sont toutefois très différentes de ce qu'elles étaient il y a deux ans. Si quelqu'un avait dit que des journaux qui avaient toujours eu une politique rédactionnelle indépendante se retrouveraient soudain avec une politique qui leur est imposée et dont ils ne doivent pas dévier, personne ne l'aurait cru. Personne ne l'avait prévu.

+-

    Le président: Monsieur Ravensbergen, c'est un excellent discours que vous nous faites là, mais je crois qu'il faut passer à autre chose.

+-

    M. Jan Ravensbergen: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Nous avons pris bonne note de ce que vous avez dit.

    Monsieur Abbott, brièvement.

+-

    M. Jim Abbott: Je commence à me sentir comme le boucher qui se retrouve à un congrès de végétariens.

    Il me semble toutefois, si vous me permettez de vous renvoyer la balle, monsieur Bureau, que vous êtes président du conseil d'administration de votre entreprise et que vous avez donc à traiter avec des montants que je ne peux sans doute pas imaginer. Quand vous ou quelqu'un qui occupe un poste comme le vôtre avez à traiter avec des montants comme ceux-là et que vous demandez pourquoi une entreprise américaine qui serait prête à investir un demi-milliard de dollars dans telle entreprise ou dans telle autre accepterait de ne pas en avoir le contrôle, de ne pas avoir droit de vote, je ne comprends pas où vous voulez en venir.

    En tant que capitaliste responsable, ne voudriez-vous pas avoir le contrôle effectif, avec droit de vote, sur les importantes sommes que vous investiriez dans des entreprises de ce genre? Il me semble... Et j'ai aussi entendu M. MacMillan--je l'ai noté parce que j'ai du mal à comprendre ce propos--dire que les radiodiffuseurs, s'ils devenaient la propriété d'intérêts étrangers, chercheraient à servir un auditoire étranger. Je ne comprends pas.

    Les propriétaires qui arriveraient sur le marché canadien voudraient, j'ose croire, offrir un produit qui aurait un effet bénéfique sur leur part d'audience et cette part d'audience aurait un effet bénéfique sur leurs revenus, ces revenus se répercutant favorablement sur leurs résultats financiers.

    Alors, je ne comprends pas du tout pourquoi on craint tellement la propriété étrangère. Je ne comprends vraiment pas.

+-

    M. André Bureau: En réponse à votre première question, les entreprises spécialisées dans ce secteur qui souhaiteraient investir dans les médias canadiens voudraient en avoir le contrôle. Il est parfaitement normal qu'elles souhaitent avoir le contrôle et nous n'avons aucun doute à ce sujet. Nous disons en fait que c'est précisément ce qu'elles ont en tête et que, si elles ne sont pas présentes sur notre marché à l'heure actuelle, c'est parce qu'elles ne peuvent pas avoir le contrôle.

    Si on leur ouvrait la porte, non pas que c'est vous qui allez l'ouvrir, mais si la porte leur était ouverte à un moment donné, elles viendraient toutes. Elles viendraient toutes chez nous acheter les entreprises canadiennes existantes ou faire du dumping chez nous.

    Je laisse à Michael le soin de répondre à votre seconde question, dans l'espoir que, d'ici à la fin de l'après-midi, vous serez passé dans notre camp.

+-

    M. Michael MacMillan: Et que vous serez devenu un végétarien.

+-

    M. Jim Abbott: Un bon végétarien.

+-

    M. Michael MacMillan: Pour ce qui est des entreprises dont nous disons qu'elles voudraient sans doute avoir le contrôle, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, il ne s'agit pas de caisses de retraite qui cherchent simplement à faire de bons placements. Il s'agit vraisemblablement d'entreprises médiatiques existantes qui sont déjà bien positionnées dans d'autres pays, et sans doute, bien franchement dans des pays qui sont très près du nôtre, sans doute aux États-Unis ou au Royaume-Uni.

    Si j'étais à leur place, j'essaierais d'abaisser mes coûts en offrant une programmation ou des éléments de programmation semblables au Canada et dans cet autre ou ces autres pays.

    Cela coûte très cher de produire des émissions de télévision que les gens veulent regarder. C'est un véritable défi que de produire de ces émissions uniquement pour un auditoire canadien ou pour l'auditoire d'un seul pays, et, si j'étais à leur place, je tenterais aussitôt d'offrir le plus possible la même programmation au Canada qu'aux États-Unis mettons.

    Étant donné que le marché américain est 10 fois plus grand que le marché canadien, ma priorité serait de m'assurer que la programmation serait attrayante pour le marché américain.

+-

    M. Peter Miller (vice-président, Planification et Affaires réglementaires, Télévision CHUM): Monsieur Abbott, j'aimerais ajouter à ce que vient de dire mon collègue et situer la discussion dans le contexte des audiences que vous tenez depuis un an sur l'état du système de radiodiffusion et de certains défis en ce qui concerne l'amélioration de la programmation locale et régionale, des difficultés auxquelles se heurte la production dramatique canadienne. Je vous demanderais si le fait de relever les limites à la propriété étrangère contribuerait de quelque façon à atténuer ces difficultés.

    Ce que nous disons finalement, c'est que l'accroissement de la propriété étrangère ne contribuerait en rien à assurer une présence locale accrue ou à améliorer la programmation locale, car ce qui intéresserait l'entreprise médiatique étrangère, ce ne serait pas d'investir dans des émissions visant à assurer une plus grande présence locale ou dans des émissions dont l'intérêt est peut-être déjà assez marginal, mais bien de prendre le produit qu'elle a à l'heure actuelle et d'essayer d'en amortir le coût en le diffusant sur le marché canadien et de l'optimiser autant que possible.

    L'essentiel, à mon avis, est de savoir--et c'est là le défi que doit relever le comité--quels sont les avantages et les inconvénients et de déterminer si les avantages de la propriété étrangère sont suffisants pour l'emporter sur les inquiétudes considérables qu'elle suscite.

»  +-(1715)  

+-

    Le vice-président (M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.)): Merci.

    Nous allons passer à la question suivante. Merci, monsieur Abbott.

    M. Lincoln vous présente ses excuses, mais il a dû partir parce qu'il avait un autre engagement dont il n'a pas pu se sortir. Il m'a donc demandé d'assumer la présidence pour la dernière partie de la réunion. La seule condition que je lui ai faite, c'est que je ne renoncerai pas pour autant à mon temps de parole. Je le répète, Clifford vous présente ses excuses.

    Je tiens simplement à vous remercier beaucoup de ce témoignage très passionné et informatif. La passion avec laquelle vous avez parlé de la culture canadienne et la justesse de vos propos n'ont certainement pu laisser qui que ce soit indifférent.

    Je voudrais vous faire part de deux points qui nous ont déjà été présentés par d'autres groupes afin de savoir ce que vous en pensez. Je songe tout d'abord à une observation qui nous a été faite il y a environ une semaine, jeudi dernier. Elle m'est revenue à l'esprit en entendant le discours très passionné et éloquent de M. Amber qui invitait les Canadiens à faire preuve de patriotisme dans leurs investissements au lieu d'investir à l'étranger ou d'avoir à recourir à des capitaux étrangers. Il s'agissait du cas de Cineplex-Odeon qui a assumé une position dominante dans le secteur des salles de cinéma.

    Comme il s'agissait d'une entreprise canadienne, nous avions l'impression que ce serait là une occasion en or pour les Canadiens d'avoir accès à du contenu canadien, à des histoires canadiennes et à des films canadiens. Mais c'est tout le contraire qui s'est produit. L'entreprise n'en avait que pour son bilan financier et Walt Disney et tout le reste. Je me demande donc si M. Amber pourrait nous dire ce qu'il en est du patriotisme et du fait qu'il est bon d'avoir des investissements canadiens et peut-être moins bon d'avoir des investissements étrangers.

    Ma deuxième question s'adresse à M. Bureau. D'après vous, y aurait-il des avantages, sur le plan budgétaire ou culturel, à relever les limites à la propriété étrangère si nous nous assurions de maintenir, voire peut-être de renforcer par la voie réglementaire ou législative, les exigences en matière de contenu canadien?

    Monsieur Amber, voulez-vous commencer?

+-

    M. Arnold Amber: Je n'étais bien sûr pas là pour ce témoignage, si bien que je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi. La question concerne...?

+-

    Le vice-président (M. Paul Bonwick): L'idée de ce témoignage--et je ne peux que vous en donner mon interprétation--était que le comité ne devrait peut-être pas être naïf au point de s'imaginer que, du simple fait que les investisseurs sont des Canadiens, plutôt que des Américains, des Britanniques ou des Allemands, le patriotisme serait un motif qui nous assurerait un contenu canadien qui dépasserait ce qu'exige la réglementation.

    En faisant cette mise en garde, le témoin s'appuyait sur le fait que, en règle générale, c'est le montant qui se trouve en bas à droite qui compte avant tout, peu importe le pays d'origine de l'investisseur. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, le cas de Cineplex-Odeon nous servant d'exemple ici.

+-

    M. Arnold Amber: Je ne connais pas suffisamment bien l'industrie cinématographique pour faire cette comparaison. Dans les secteurs que je connais, cependant, il ne fait aucun doute que la personne qui dirige une entreprise doit protéger l'intérêt des actionnaires, etc. et assurer la rentabilité de l'entreprise. Le désir de réaliser un bénéfice est donc indissociable des décisions que prennent les gens d'affaires.

    La différence cependant... Et je crois que ces gens qui sont à ma gauche--non pas sur le plan de l'idéologie ou de l'allégeance politique, mais bien physiquement aujourd'hui--ont très bien illustré la chose quand ils ont parlé de la différence qu'il y a quand il s'agit d'une entreprise étrangère. Quand il s'agit d'entrepreneurs canadiens, que ce soit dans la presse écrite ou dans la radiodiffusion, ce pays est le leur, c'est celui où ils vivent.

    Comme on vous l'a fait remarquer, il est très difficile de créer des produits qui soient facilement exportables dans tous les pays du monde. Il faut faire bien des choses pour y arriver. Il faut notamment atténuer le plus possible, comme on vous l'a dit, le caractère régional du produit et parfois aussi son caractère national. Dans ce sens-là, nous trouverons davantage notre compte avec l'entrepreneur de chez nous qu'avec l'entrepreneur étranger.

    L'entrepreneur étranger arrive, il va sans dire, avec sa conception à lui de ce que doit être la radio, la télévision ou la presse, conception qui est très différente de la nôtre, à mon avis. Nous trouvons donc davantage notre compte avec les entrepreneurs canadiens parce que la maison où ils vivent a des murs, des murs qui sont à proprement parler canadiens. Il y a des règles qui circonscrivent leur activité, mais il y a aussi le fait qu'ils n'exercent pas leur activité ailleurs.

    Sans vouloir entrer dans le détail de ce qui fait le bon entrepreneur ou le mauvais entrepreneur, je pense que nous trouvons sans doute bien plus notre compte avec des entreprises canadiennes sous contrôle canadien dans le secteur des médias qu'avec des entreprises étrangères.

»  +-(1720)  

+-

    Le vice-président (M. Paul Bonwick): Monsieur Bureau, je vous demanderais de répondre plus brièvement. Puis, ce sera au tour de Mme Gagnon.

+-

    M. André Bureau: Si j'ai bien compris votre question, vous m'avez demandé s'il y a des avantages à assouplir les règles sur la propriété des EDR, à condition que les règles sur le contenu canadien soient maintenues.

    Nous soutenons que l'idéal serait de maintenir le statu quo. C'est là notre position de départ. Si vous ou le gouvernement constatez à un moment donné qu'il y aurait des avantages à assouplir les règles sur la propriété des entreprises de télécommunications, par exemple, et que les EDR, pour quelque raison que ce soit, pour des motifs d'équité, à cause d'un manque de liquidités sur les marchés canadiens, à cause du besoin qu'auraient ces entreprises de prendre de l'ampleur pour offrir un bon service aux clients canadiens, arrivez à vous convaincre... À vrai dire, nous ne sommes vraiment pas en mesure de nous prononcer sur cette éventualité à ce moment-ci, puisque nous ne connaissons pas suffisamment bien leurs plans ni leurs besoins pour pouvoir exprimer une opinion, mais si vous arriviez à la conclusion qu'il faudrait assouplir les règles sur la propriété dans leur cas afin de répondre à leurs besoins, nous disons que ce serait là quelque chose de tellement risqué qu'il faudrait prendre le temps de mettre en place des garde-fous.

    Ce qu'il faudrait à tout le moins à notre avis, ce serait d'interdire à toute entreprise étrangère qui viendrait acheter une de nos EDR canadiennes, ou deux, ou trois, ou cinq de ces entreprises, et qui en aurait le contrôle d'avoir quelque intérêt que ce soit dans un service de programmation, un point c'est tout. Il faudrait que cela soit très clair. Si elle veut venir ici en tant qu'entreprise de distribution, très bien. Très bien? Ce n'est pas très bien. C'est simplement une façon de parler.

    Nous disons que nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer sur cette question, parce que nous n'en connaissons pas les détails. Mais si vous deveniez convaincus du bien-fondé de cet assouplissement et que vous estimiez qu'il faudrait à tout le moins un garde-fou comme celui-là qui interdirait la propriété croisée... je rejoins ici mes collègues sur la question de la propriété croisée, mais nous sommes fermement convaincus que l'entreprise étrangère qui prendrait le contrôle d'une EDR canadienne ne devrait avoir absolument aucun intérêt dans un service de télévision spécialisée, payante ou traditionnelle.

    Cela ne veut pas dire que la télévision payante, spécialisée ou traditionnelle n'aurait pas accès aux capitaux étrangers. Elle y aurait accès jusqu'à concurrence des limites existantes, mais l'accès serait différent.

+-

    Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci, monsieur Bureau.

    Madame Gagnon.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: Ne pensez-vous pas que le fait d'aborder cette facette de propositions vient ouvrir la voie?

    Je pense qu'il est heureux qu'il y ait unanimité parmi les témoins depuis deux jours, car lorsque nous avons reçu des représentants de l'Association des câblodistributeurs, ils nous ont dit que pour eux, il y avait pas de lien entre le contenant et le contenu et que nous ne nous adressions pas aux bonnes personnes en ce qui avait trait aux inquiétudes que vous manifestez aujourd'hui.

    Mais penser que « si, probablement que, il faudrait que », je pense que c'est un peu...

»  +-(1725)  

+-

    M. André Bureau: Ouvrir la porte?

+-

    Mme Christiane Gagnon: Ouvrir la porte, mais en même temps, être un peu pessimiste.

    Par exemple, je sais que le débat va se rendre au Comité de l'industrie et que les entreprises de télécommunications vont exercer des pressions pour faire lever cette barrière des actionnaires étrangers.

    Pensez-vous que la bataille va se faire d'abord là? Entrevoyez-vous que des pressions seront exercées pour que les entreprises de radiodiffusion...? Qu'est-ce qui vous pousse à dire qu'il va peut-être...? En tout cas, la deuxième page est un peu pessimiste.

+-

    M. André Bureau: Premièrement,...

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Paul Bonwick): Permettez-moi de vous interrompre un moment pour vous inviter à être assez bref, car il y a encore deux personnes qui veulent prendre brièvement la parole et nous sommes censés lever la séance bientôt.

[Français]

+-

    M. André Bureau: Madame Gagnon, je vous dirai que nous en sommes venus à cette conclusion et à cette recommandation, non pas parce que nous sommes en faveur de cela ou parce que nous tenons pour acquis que c'est une chose jugée avec laquelle il faudra vivre, mais parce que nous nous sommes dit que nous ne participerions pas au débat visant à savoir si les télécommunications et le câble ont besoin de cet argent.

Alors, nous allons rester en dehors de ce débat, et à partir du moment où nous faisons cela, nous pensons qu'il peut arriver deux choses: ou bien vous dites oui, ou bien vous dites non. Si vous dites oui, voici ce que nous proposons. Si vous dites non, nous vous disons que c'est l'idéal. Pour nous, c'est l'idéal, mais évidemment, nous ne voulons pas entrer dans le débat sur leurs besoins.

    Très franchement, quand on a préparé notre présentation ici--ça fait déjà des mois qu'on y a travaillé--, il n'était pas question d'aller devant le Comité de l'industrie. La question n'était même pas soulevée de ce côté-là. On venait vous voir ici et on voulait vous dire quel était notre point de vue, parce qu'on pense que vous avez fait un travail assez remarquable au cours de la dernière année en examinant le système d'un bout à l'autre. On pensait que cet aspect serait vraiment débattu devant vous et on voulait vous faire part de cela.

+-

    Mme Christiane Gagnon: Irez-vous au Comité de l'industrie?

+-

    M. André Bureau: Il est bien possible qu'on y aille aussi.

+-

    Mme Christiane Gagnon: Il faudrait y aller.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci.

    Une petite annonce de la part de Mme Bulte.

+-

    Mme Sarmite Bulte: J'ai une question complémentaire.

    Monsieur Bureau, je crois vous avoir entendu dire que vous ne vous engageriez pas dans un débat avec les entreprises de câblodistribution et de télécommunications au sujet de leurs besoins. Mais il ne s'agit pas ici de parler uniquement de leurs besoins, mais bien d'engager le débat sur les conséquences.

    Beaucoup des décisions que nous prenons dans nos vies, et en tant que gouvernement, ont des conséquences, nous le savons, mais il y a souvent aussi des conséquences que nous n'avions pas prévues. Il me semble que nous voyons là une conséquence imprévue d'une ampleur et d'une importance énorme. Vous avez le devoir il me semble d'en informer les gens.

    Comme l'a dit M. MacMillan, c'est manquer de sincérité que de ne rien faire et de dire: «Ah, bon, si c'est ce qui doit se produire si nous voulons être justes». C'est bien beau de vouloir ainsi assurer l'équité, mais les conséquences imprévues qui découleront de l'ouverture de notre marché des télécommunications aux intérêts étrangers nous mèneront à notre perte. Je vous incite fortement, tous et chacun d'entre vous—je ne dis pas que vous devez vous engager dans le débat sur les besoins des entreprises de câblodistribution et de télécommunications—à tenir compte, non pas seulement des conséquences, mais des conséquences imprévues de cette ouverture de notre marché.

+-

    Le vice-président (M. Paul Bonwick): Madame Lill.

+-

    Mme Wendy Lill: Merci. D'une certaine façon, je regrette que nous discutions à la fois de propriété étrangère et de propriété croisée des médias, car je pense que la propriété croisée des médias est beaucoup trop importante pour être reléguée au deuxième rang.

    Peter Murdoch, du SCEP, est venu nous rencontrer il y a deux jours et nous a présenté des recommandations très importantes qui, d'après lui, devaient être mises en oeuvre pour faire échec à la propriété croisée des médias et qui visaient essentiellement le démantèlement des monopoles et la création de conseils de presse.

    J'ai une question à vous poser, monsieur Amber, en votre qualité de président de la Guilde des employés de journaux. Quel genre de mécanismes nous faudrait-il maintenant pour endiguer la vague de propriété croisée des médias qui risque de déferler sur nous?

+-

    M. Arnold Amber: Il faudrait notamment qu'il y ait un réexamen de la part du seul organe du gouvernement qui puisse intervenir en la matière. Nous ne disons pas qu' il devrait y avoir d'autres formes de contrôle, car nous ne voulons pas que le gouvernement se mette à dicter à la presse ce qu'elle devrait faire. Nous avons toutefois le CRTC. Le CRTC est en mesure d'intervenir auprès de—mettons que ce soit l'entreprise X—pour dire: vous possédez telle chose, telle autre chose, telle autre chose encore; tâchons d'effectuer une séparation réelle entre la propriété et le contrôle de chacun de ces éléments, afin d'éviter que l'un d'eux ne puisse par son activité se mettre à polluer un des autres éléments.

    C'est l'organisme de réglementation qui aurait dû intervenir. C'est lui qui n'a pas fait son travail quand CTV et CanWest Global ont demandé le renouvellement de leur licence il y a 18 mois. C'est ainsi au Canada.

    Si vous le voulez, vous pouvez retourner à la décision qu'a prise le gouvernement d'autoriser la propriété croisée; comme vous le savez, il y a eu un changement à cet égard il y a de cela bien des années.

    Pour ce qui est des pressions dont vous parliez dans vos deux dernières questions... Y aura-t-il des pressions à l'étranger au sujet de cette question de la propriété étrangère? Bien sûr que oui. Ceux qui essaient de nous amener à assouplir nos règles sur la propriété étrangère exercent justement des pressions sur nous. Il y a des années de cela, on a exercé des pressions sur nous pour qu'on assouplisse les règles sur la propriété croisée. Elle existe maintenant, et je pense qu'on pourrait y faire échec, non pas en exigeant des entreprises qu'elles se départissent de leurs intérêts—encore là on n'a peut-être pas l'habitude au Canada d'intervenir une fois que le cheval est sorti de l'écurie—, mais en décidant à tout le moins quels chevaux pourront rester dans le pâturage et en s'assurant qu'ils n'aillent pas brouter ailleurs.

»  -(1730)  

-

    Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci beaucoup.

    Puisqu'il est 17 h 30, j'ai une petite annonce à vous faire de la part de Mme Bulte.

    Mme Copps, ainsi que les membres de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement, organise ce soir une réception qui sera sans doute axée sur la culture. Nos collègues ainsi que les témoins seront les bienvenus. La réception aura lieu de 17 h 30 à 19 h 30 à la salle 200 de l'édifice de l'Ouest, sur la colline du Parlement. Nous vous invitons à venir partager un verre et quelques amuse-gueule avec nous.

    En terminant, je tiens encore une fois à vous remercier de vos exposés que nous avons trouvés extrêmement utiles.

    La séance est levée.