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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 30 avril 2002




¹ 1535
V         Le vice-président (M. David Price (Compton--Stanstead, Lib.))
V         M. Joel Sokolsky (professeur, doyen des arts, Collège militaire royal du Canada)

¹ 1540

¹ 1545
V         Le vice-président (M. David Price)
V         Mme Elsie Wayne (Saint John, PC)
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD)
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Leon Benoit
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ)

¹ 1550
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Claude Bachand
V         M. Joel Sokolsky
V         

¹ 1555
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Leon Benoit
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Leon Benoit
V         
V         M. Joel Sokolsky

º 1600
V         M. Leon Benoit
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Leon Benoit
V         M. Joel Sokolsky
V         

º 1605
V         M. Joel Sokolsky

º 1610
V         M. Claude Bachand
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Larry Bagnell
V         M. Joel Sokolsky
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Peter Stoffer
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Peter Stoffer
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Peter Stoffer
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Peter Stoffer
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Peter Stoffer
V         M. Joel Sokolsky

º 1615
V         M. Peter Stoffer
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Peter Stoffer
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Peter Stoffer
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Peter Stoffer
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Peter Stoffer
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Peter Stoffer
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Peter Stoffer
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Peter Stoffer
V         Le vice-président (M. David Price)
V         Mme Elsie Wayne
V         M. Joel Sokolsky
V         Mme Elsie Wayne

º 1620
V         M. Joel Sokolsky
V         Mme Elsie Wayne

º 1625
V         M. Joel Sokolsky
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Leon Benoit
V         M. Joel Sokolsky

º 1630
V         M. Leon Benoit
V         M. Joel Sokolsky
V         M. Leon Benoit
V         M. Joel Sokolsky
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Claude Bachand

º 1635
V         M. Joel Sokolsky

º 1640
V         Le vice-président (M. David Price)
V         
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. John O'Reilly
V         M. Joel Sokolsky
V         M. John O'Reilly
V         M. Joel Sokolsky
V         M. John O'Reilly
V         M. Joel Sokolsky
V         M. John O'Reilly

º 1645
V         M. Joel Sokolsky
V         M. John O'Reilly
V         M. Joel Sokolsky
V         Le vice-président (M. David Price)
V         Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne)
V         M. Joel Sokolsky

º 1650
V         Mme Cheryl Gallant
V         M. Joel Sokolsky

º 1655
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. John O'Reilly
V         M. Larry Bagnell
V         M. Joel Sokolsky
V         M. John O'Reilly
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Joel Sokolsky
V         Le vice-président (M. David Price)










CANADA

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


NUMÉRO 052 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 avril 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. David Price (Compton--Stanstead, Lib.)): Bon après-midi mesdames et messieurs. Bienvenue aux matchs de lutte du mardi soir. Excusez-moi, ce ne sont pas les matchs de lutte du mardi soir, non?

    Je voudrais accueillir le Dr Sokolsky.

    Notre procédure habituelle veut que nous commencions par une courte introduction, nous nous attaquerons tout de suite après aux questions. Je voudrais seulement dire à tout le monde que le Dr Sokolsky doit vraiment nous quitter à 17 heures aujourd'hui parce qu'il doit se trouver un bon endroit pour faire du pouce jusqu'à Kingston. Il prend le train. Donc il faut essayer de lui soutirer les renseignements le plus rapidement possible pour le laisser partir à temps.

    Commençons, docteur Sokolsky, par votre introduction si vous le voulez bien.

+-

    M. Joel Sokolsky (professeur, doyen des arts, Collège militaire royal du Canada): Merci, et merci de m'avoir invité à comparaître devant le comité.

    Le comité examine l'état de préparation des Forces armées canadiennes. Je sais que vous avez entendu de nombreux témoins experts vous entretenir des détails sur l'état de préparation des forces armées. Je souhaiterais aujourd'hui vous donner un point de vue qui porte essentiellement sur ce pour lequel nous devons nous préparer et comment prendre la mesure de notre préparation.

    En général, il ne fait pas de doute que les forces armées ont une liste plutôt longue de matériel militaire dont elles ont besoin. La vérificatrice générale l'a fait remarquer. De nombreux rapports et études destinés au comité l'ont souligné. Je prends pour prémisse qu'en réalité, les forces armées n'obtiendront pas la majorité de ce qui figure à la liste et qu'elles qualifient de nécessaire. Les dépenses militaires n'augmenteront pas significativement aux cours des prochaines années et ce, malgré le fait que les dépenses consacrées à la sécurité nationale pourraient sensiblement augmenter dans d'autres secteurs.

    Je ne suis pas convaincu que cela soit nécessairement crucial à la sécurité nationale du Canada. La raison en est qu'aucune armée n'est prête à affronter tous les impondérables qui pourraient survenir. Tous les gouvernements des pays occidentaux, à l'exception peut-être des États-Unis, doivent effectuer des choix en termes d'acquisition de matériel et de scénarios à prévoir. Nous serons prêts à certains égards et pas à d'autres.

    Parallèlement, compte tenu du contexte stratégique international, les occasions ne manqueront pas aux Forces canadiennes de contribuer, malgré le mauvais état de certaines de leurs composantes. Nous participons déjà à environ 13 missions à travers le monde.

    En mettant la touche finale à votre étude, je crois qu'il serait utile de réfléchir à ce que nous n'avons pas, mais également à la façon dont nous exploiterons une petite perfectionnée armée, au demeurant perfectionnée, pour faire avancer les intérêts canadiens. Ici, j'adopte la prémisse que le contexte international de sécurité est dominé par les États-Unis et par leur programme national de sécurité, celui de la guerre qu'ils mènent contre le terrorisme.

    Le fait le plus important concernant notre préparation est celui de reconnaître la réalité dominante du sentiment justifié qu'ont maintenant les Américains d'être vulnérables en termes de leur sécurité et, également, le lien entre la sécurité interne des États-Unis et leurs activités à l'étranger. Plus que pour tout autre pays, cet aspect revêt une importance primordiale pour le Canada. Ainsi, je propose que l'essence de notre politique, l'essence de ce pour lequel il faut se préparer, porte nécessairement sur la coopération avec les États-Unis. Cela ne fait que reconnaître la réalité du contexte international actuel. Celui-ci est incertain à cause des menaces qu'il renferme, mais le Canada a quant à lui certaines certitudes sur les perceptions qu'ont les États-Unis de la menace et de leur propre vulnérabilité.

    D'une certaine manière, le Canada y est habitué. Les choses ont changé depuis le 11 septembre, mais dans la mesure où les États-Unis mènent une campagne mondiale en vue de défendre leurs intérêts au chapitre de la sécurité internationale et dans la mesure où elles définissent la menace en termes planétaires, allant jusqu'à parler de menace terroriste à l'échelle du globe et même d'un combat long et crépusculaire semblable à celui de la guerre froide, nous savons, par expérience, entretenir des relations avec les États-Unis dans ce contexte. Depuis 1945, ce sont les politiques américaines découlant de la guerre froide qui ont façonné la politique canadienne de défense, notamment nos relations nord-américaines.

    Si les États-Unis n'avaient pas assumé un rôle de pointe durant la guerre froide et s'ils n'avaient pas cherché à élargir leur force dissuasive, la défense de l'Amérique du Nord n'aurait pas revêtu autant d'importance pour le Canada. Nous avons été appelés à participer à un effort mondial.

    D'une certaine manière, ce qui se passe actuellement est d'une plus grande envergure que la guerre froide. Il ne s'agit pas ici d'endiguement. Les États-Unis reprennent ce qu'on qualifiait de démantèlement: ils cherchent à démanteler les régimes et les groupes qui les menacent. Tenant compte dans ce contexte des carences qui affectent de nombreux éléments des Forces armées canadiennes, l'actuelle politique de défense du gouvernement et la situation des forces armées favorisent largement les tendances actuelles du contexte de la sécurité internationale, avec toutes ses incertitudes. Dans la mesure où nous sommes capables de financer à volonté la défense, nous sommes prêts à affronter les scénarios probables.

    Comme je le dis, les Forces canadiennes auront d'innombrables occasions de contribuer. Le défi que devra relever le gouvernement à l'avenir sera celui de décider des missions qu'il accepte ou qu'il rejette, compte tenu du manque de ressources.

    Ce qui fait que nous sommes bien préparés à composer avec le contexte malgré nos carences, c'est le fait que nous ayons derrière nous un demi-siècle de coopération stratégique étroite avec les États-Unis. D'une certaine manière, nous sommes mieux placés que les États-Unis pour réfléchir en termes de défense à l'échelle continentale. Pour les États-Unis, la défense de leur territoire leur a toujours été stratégiquement secondaire et nous nous en sommes beaucoup plus préoccupés qu'eux. À certains égards, nous sommes mieux préparés en termes de priorité à la sécurité du territoire.

    Deuxièmement, depuis 1945 nous sommes toujours sortis de l'Amérique du Nord pour la défendre... par le biais de l'OTAN et d'autres coalitions, menées principalement par les États-Unis. Comme vous le savez la Stratégie pour l'an 2020 du gouvernement canadien a été élaborée il y a plusieurs années et a fait de l'interopérabilité une pièce maîtresse de la politique de défense et, comme on peut le constater en Afghanistan maintenant, cette décision s'est avérée sage. Dans la mesure où nous mettons l'accent sur cet élément, les forces armées sont prêtes.

    Troisièmement, les Forces canadiennes ont besoin d'un surcroît de ressources et d'un matériel plus pointu compte tenu de la nature du contexte de sécurité, particulièrement la Révolution dans les affaires militaires, jusqu'à un certain point notre capacité de participer à la gamme complète d'opérations sera limitée à la fois par nos capacités et par nos manques de capacités dans certains domaines. C'est là un phénomène que partagent de nombreux autres alliés, celui de ne pas pouvoir être à la hauteur dans tous les secteurs à la fois.

    Je pense, cependant, qu'il est intéressant de noter que dans un monde d'États avortons en crises régionales, la réaction exige un mélange de faible et haute technologies. Les pronostics à propos des conflits futurs vont des plus improbables conflits conventionnels de taille entre des forces équipées de RAM jusqu'aux opérations limitées et plus vraisemblables dans différents contextes de guerre. Même dans les cas d'opérations limitées les communications de pointe des RAM s'imposeront.

    Mais comme nous pouvons le constater maintenant en Afghanistan, les forces armées ne serviront pas seulement à combattre. Elles seront utilisées également pour d'autres activités et cela ne concerne pas uniquement nos troupes. Lorsque nous disons que nous ne sommes pas prêts à livrer une guerre d'envergure, c'est vrai, mais sommes-nous prêts à participer aux autres activités à travers le monde? Nous le sommes, mais aucun pays ne peut se préparer à toutes les éventualités.

    Je pense également que l'un des facteurs importants de la préparation des Forces canadiennes concerne le soutien que l'opinion publique est prête à consentir à leurs activités. En l'occurrence, au cours de la dernière décennie on a pu constater un soutien constant aux activités des forces armées à l'étranger, notamment et surtout au cours de la dernière campagne, comme en ont fait foi la tristesse et la fierté générales suite à la mort tragique de quatre Canadiens en Afghanistan. On est dans un contexte d'opinion publique qui permet au gouvernement et aux Forces canadiennes de s'engager dans une gamme d'activités.

¹  +-(1540)  

    C'est encore plus vrai aujourd'hui que ça ne l'a jamais été pour le Canada compte tenu de l'incertitude qui caractérise le contexte stratégique international. Le réalisme en matière de politique de sécurité nationale commence sur notre territoire. Et j'entends par là plus que l'Amérique du Nord physique, c'est à dire qu'en termes de sécurité interne existentielle, les relations avec les États-Unis doivent former le noyau de notre politique de défense, tant à l'intérieur concernant le territoire qu'à l'étranger, et nous devons nous fonder là-dessus.

    À ce titre, pour répondre à ce besoin essentiel, les Forces canadiennes, comme je l'ai dit, ne pourront pas participer à toute la gamme d'activités, mais ce n'est pas là une politique du gouvernement des États-Unis que de demander à ses alliés de participer à toute la gamme d'activités dont les forces américaines sont capables. La politique du gouvernement des États-Unis consiste à rechercher des partenaires qui participeraient à une coalition où et quand ils le peuvent. Plus les combats sont intenses et moins les autres alliées sont en mesure de contribuer, bien qu'en mer nous soyons considérés comme un allié de choix vu l'interopérabilité de nos navires de surface avec les forces américaines.

    Les États-Unis recherchent des partenaires pour une gamme d'activités, donc nous disons que nous ne sommes pas prêts dans tous les secteurs mais que nous pouvons contribuer à certains. Nous ne devons pas oublier que pour les États-Unis, la contribution des alliés vise surtout un but politique, elle est destinée à légitimer l'opération aux yeux du monde et à assurer le soutien du Congrès. À ma connaissance, aucune unité canadienne participant à une opération n'a jamais été renvoyée chez elle. Les États-Unis lui trouvent un créneau.

    Cela veut dire que, bien je pense que le comité recommandera, et devrait le faire, des secteurs de préparation accrue, le fait de ne pas étendre cette préparation à l'ensemble de la gamme d'activités nécessaires n'affaiblira pas la capacité des forces armées de servir les intérêts canadiens. Nous éprouvons des carences, particulièrement dans le secteur du déploiement à l'étranger, mais les Forces canadiennes ne sont pas la société Federal Express, elles ne doivent pas absolument et catégoriquement arriver le lendemain. L'élaboration de ces opérations, la conception de ces coalitions prévoient que les troupes qui peuvent arriver rapidement le fassent et que les autres arrivent plus tard.

    Mon message consiste à dire que l'évaluation de la préparation des Forces armées canadiennes doit se faire en fonction de scénarios possibles et de réalités politiques, plutôt qu'en fonction de scénarios de combat pour lesquels peu de pays sont préparés. Nous sommes l'un des rares pays qui soit en mesure de projeter une force hors de notre continent et l'un des rares à le faire. Cela n'est pas facile, et ne le deviendra pas plus, mais il existe des rôles et des créneaux pour les Forces canadiennes.

    Merci

¹  +-(1545)  

+-

    Le vice-président (M. David Price): Merci beaucoup, professeur.

    Avant de passer aux questions, je voudrais faire deux annonces étant donné que certains doivent s'en aller un peu plus tôt, je voudrais donc les faire maintenant.

    Le rapport préliminaire: j'entends dire que les recherchistes ont travaillé très fort, plus fort que d'habitude, et que vu le nombre de pages, nous avons du pain sur la planche. Il a été envoyé aujourd'hui à la traduction et devrait donc être prêt lundi prochain. Notre rapport sera prêt et nous pourrons tenir notre première réunion mardi après-midi; la deuxième, mercredi de 15 h 30 à 17 h 30 et le soir de 18 à 21 heures s'il le faut et, si nous n'avons pas fini, nous pourrions continuer jeudi.

+-

    Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le président, allez-vous télécopier ce document...

+-

    Le vice-président (M. David Price): Oui, votre bureau recevra les détails. Nous commençons mardi après-midi à l'heure habituelle et poursuivrons mercredi. Mercredi sera une journée spéciale puisque nous nous réunirons de 15 h 30 à 17 h 30 et de 18 à 21 heures, et si nécessaire, nous continuerons jeudi.

    M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Quand recevrons-nous le rapport préliminaire?

    Le vice-président (M. David Price): Je viens de dire lundi. Ainsi nous pourrons le parcourir ensemble. Il faut qu'il soit traduit. C'est ce qui se fait aujourd'hui.

    Peter?

+-

    M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Comme je l'ai mentionné à M. Pratt, vu que je m'en vais dimanche pour 12 jours accompagner les Princess Patricias, j'espérais obtenir le consentement unanime du comité pour m'en procurer un exemplaire préliminaire et ainsi présenter des avis ou des recommandations avant mon départ.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Vous connaissez les règlements; nous ne pouvons pas le divulguer avant qu'il ne soit disponible dans les deux langues. Désolé Peter.

    L'autre annonce que je voudrais faire concerne la semaine prochaine, à la demande de la délégation suédoise nous organiserons une table ronde le jeudi 9 mai de 9 h 30 à 11 heures. La délégation souhaiterait discuter avec nous du rôle que joue le comité dans l'élaboration de la politique de défense canadienne. Nous enverrons une note à cet effet à tous les bureaux. Il ne s'agit là que d'un préavis.

    Revenons maintenant à notre routine et commerçons par vous monsieur Benoît

+-

    M. Leon Benoit: Vous pouvez passer à la personne suivante et revenir ensuite. Je suis arrivé en retard.

[Français]

+-

    Le vice-président (M. David Price): Monsieur Bachand.

+-

    M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur Sokolsky, j'ai regardé votre C.V. Je vois que vous êtes un spécialiste non seulement en défense nationale mais aussi en relations internationales.

    Vous savez sûrement que le ministre de la Défense nationale et le ministre des Affaires étrangères commencent à parler d'une revue de la politique du Canada en matière d'affaires étrangères et de défense nationale. Parallèlement à ça, il y a un certain nombre d'événements qui se passent présentement. Il y en a qui sont anciens, comme la participation du Canada à NORAD. C'est quelque chose qui existe depuis un certain temps.

    Cependant, les Américains parlent maintenant d'un commandement unifié, et vous parlez beaucoup d'interopérabilité. D'ailleurs, on en entend beaucoup parler. Je dois vous rappeler que l'interopérabilité se fait peut-être plus facilement dans le cas de la marine, mais il en existe aussi du côté de l'armée de terre et de l'aviation.

    Vous disiez plus tôt que le Canada pouvait projeter sa force à l'extérieur du pays. Il y a beaucoup de gens qui remettent cela en question. Quand on décide d'envoyer des gens en Afghanistan, il faut attendre que les Américains aient de la place sur leurs avions pour les amener là-bas. La dernière fois, on a bien vu qu'on ne pouvait pas amener des gens là-bas avec l'équipement qu'on a.

    Voici ma question. Étant donné toute la question de l'interopérabilité, du commandement unifié et de NORAD, et l'incapacité du Canada à projeter lui-même sa propre force dans les théâtres d'opérations, pensez-vous que la souveraineté canadienne est attaquée par l'ensemble des concepts que je viens de soulever?

¹  +-(1550)  

+-

    M. Joel Sokolsky: Je vais commencer en français.

    Non, parce que la décision de participer est une décision du gouvernement du Canada. C'est aussi le cas des autres alliés des États-Unis. La situation est la même à l'OTAN: il y a un chef militaire américain en Europe et en Asie.

[Traduction]

    Pour la plupart des alliés, c'est là notre situation. Il y a deux choses. Le Commandement du Nord constitue un nouvel élément. Il s'agit d'un «combattant command» conforme à la «Goldwater-Nichols Act» en vue de la mise sur pied d'un commandement unifié. Nous prenons une décision souveraine de participer et envoyons les forces que nous voulons envoyer. Ceci fait, nous admettons que ces forces soient soumises au commandement opérationnel d'un officier américain, pour l'exécution de l'opération.

    C'est ce que nous faisons depuis 1950 à l'OTAN lorsqu'on y met sur pied des commandements unifiés. Toutefois, en l'occurrence, il n'y a pas de doute que ces opérations soient menées conformément à la politique américaine. Elles ne se dérouleraient pas si les États-Unis ne les géraient pas, ce n'est pas comme si un autre pays pouvait se livrer à la guerre contre le terrorisme pour nous.

    Allons-nous sacrifier notre souveraineté? Une fois que nous décidons de participer, la marge de manoeuvre, en termes de politique distincte sur des questions particulières, devient très mince.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: C'est la suite de ma question. Vous dites que la souveraineté est protégée parce que la décision de participer ou pas appartient au Canada. Je comprends cela. Maintenant, vous admettez qu'une fois que les troupes sont parties sous commandement américain, ce sont les Américains qui décident de la façon de procéder.

    Cependant, que fait-on des grands traités internationaux comme le Traité d'interdiction des mines antipersonnel si l'armée américaine, en Afghanistan, décide de poser des mines antipersonnel? Qu'est-ce qu'on fait à ce moment-là? Il me semble qu'il y a là un flottement ou une zone grise. Je suis pas sûr que le Canada aurait son mot à dire si jamais on décidait de...

+-

    M. Joel Sokolsky: Je suis d'accord. Il y a aussi un problème en ce qui concerne

[Traduction]

+-

     Le tribunal international; les États-Unis ne se sentent pas liés par ce tribunal.

    Ce sont là des problèmes auxquels nous devons faire face lorsque nous opérons avec les États-Unis. Ils sont inévitables. C'était la même question pour la guerre du Kosovo. La Cour pénale internationale et Mme Carla Delponte ont cherché pendant 11 mois auprès de l'OTAN à savoir si la Cour allait les inculper de crimes de guerre. Ce sont là des choses que nous devons accepter.

    Je ne cherche pas à flatter le comité mais je peux vous assurer que lorsque nous nous livrons à ce type de choses, le suivi politique est important. Il faut tenir le public au courant, de manière à éviter qu'il ne découvre soudain, deux mois après, que des mines terrestres ont été placées. Le pire qui puisse arriver c'est d'avoir l'air de cacher quelque chose. Si on donne l'impression de placer des mines terrestres, les Forces canadiennes ne devraient pas participer.

    C'est la même chose pour le Royaume-Uni, pour la France et l'Allemagne. Les trois ont adhéré à la convention sur les mines terrestres. Ainsi, nous ne sommes pas les seuls à affronter ces problèmes. La participation à des initiatives de coalitions limite les choix des gouvernements, à moins de ne pas y participer. Je pense que cela est admis.

    J'ajouterai une autre chose. Dans le cas des États-Unis également la participation à une coalition pose des problèmes. Le Congrès est toujours vigilant à l'endroit de la préservation de l'intégrité des intérêts américains.

    C'est strictement incontournable. Le suivi politique s'impose. Mais étant donné que nous partageons les mêmes objectifs, je crois donc que c'est là quelque chose que nous devons accepter.

¹  +-(1555)  

[Français]

+-

    Le vice-président (M. David Price): Correct. Merci, monsieur Bachand.

    Mr. Benoit.

[Traduction]

+-

    M. Leon Benoit: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Bienvenue, monsieur Sokolsky. Nous sommes heureux de vous compter parmi nous cet après-midi.

    Je voudrais vous poser des questions à propos du NORTHCOM, le Commandement du Nord. Il fonctionne en quelque sorte de concert avec NORAD et la défense antimissiles, que le gouvernement des États-Unis considère encore. Ils ont toujours l'intention de le mettre en oeuvre. Le Canada aura l'occasion d'y participer, si nous le décidions.

    Les Américains ont déclaré qu'ils mettraient en place le Commandement du Nord au mois d'octobre, avec ou sans le Canada. Ils ont dit que si le Canada veut y participer, il faudrait qu'il en exprime la volonté d'ici la mi-mai.

    Je soulèverai d'autres questions plus tard. Mais d'abord, à propos du NORTHCOM même, certains ont dit que si le Canada y participait, il perdrait sa souveraineté. J'imagine que certaines personnes diraient du même souffle que la présence du Canada au sein de NORAD a entraîné la perte de sa souveraineté. J'apprécierais entendre vos commentaires à ce sujet.

+-

    M. Joel Sokolsky: Le regretté John Holmes avait l'habitude de dire que l'institutionnalisation des relations bilatérales favorisait le Canada parce qu'elle instaurait une discipline entre des forces inégales—par l'établissement d'une structure. D'autres prétendent que ce n'est qu'intégrationnel...

    Dans le cas de NORAD, je pense que cela nous a permis de jouer un rôle plus important que nous ne l'aurions fait. En réalité, je trouve que la plupart des Américains ne réalisent pas qu'à l'occasion c'est un Canadien qui dirige des forces américaines aux États-Unis. Nous sommes le seul allié qui soit dans cette position.

    Lorsque l'OTAN a dépêché ici ses avions AWACS après le 11 septembre, CNN a annoncé que c'était la première fois que des forces étrangères avaient protégé les États-Unis. Bien sûr, CNN accusait un retard de quarante ans.

    Ainsi, je ne pense pas qu'en général notre souveraineté soit compromise.

    En ce qui concerne le NORTHCOM, il s'agit d'un commandement américain. Un «combat command» en vertu du «Goldwater-Nichols Act». C'est similaire à CENTCOM: il s'agit d'un commandement central.

+-

    M. Leon Benoit: À propos de cela, ont-ils exclu l'idée de confier le poste de commandant adjoint à un Canadien...

+-+-

    M. Joel Sokolsky: Je doute que la loi américaine le permette. En vertu du «Goldwater-Nichols Act», il s'agit d'un «combattant command» qui rend compte directement à l'autorité nationale de commandement, en l'occurrence, le secrétaire à la Défense et le président. Il ne passe pas par les chefs d'état-major combinés.

    M. Leon Benoit: Et les Américains peuvent modifier tout cela?

    M. Joel Sokolsky: La loi le prévoit.

    M. Leon Benoit: Mais les Américains peuvent modifier la loi.

    M. Joel Sokolsky: Alors, il faut modifier Goldwater Nichols, et je ne pense pas que les Américains soient maintenant d'humeur à mettre qui que ce soit en charge des États-Unis. Je crois qu'ils nous demanderaient plutôt de leur dire ce que nous voulons faire.

    Il existe des précédents à tous ces égards. Nous disposons de 60 officiers au CENTCOM dans la région de Tampa. On a un arrangement semblable pour NORTHCOM et nous disposons d'un personnel de liaison important. Des forces sont affectées aux commandants de combattants par les chefs d'état-major combinés une fois que cette décision a été prise. Vous pourriez avoir une composante maritime qui ressemble beaucoup à la flotte de l'Atlantique, elle aurait les mêmes relations. Le Commandement du Pacifique ne joindra ses forces à NORTHCOM que lorsqu'on lui en fera la demande. Pour cette raison, l'Alaska fait encore partie du Commandement du Pacifique.

    J'ai lu la transcription de la conférence de presse qu'ont tenue le secrétaire Rumsfeld, le général Myers et Steve Cambone, ils ont été très vagues à bien des égards là-dessus. Je crois qu'il faut montrer notre intérêt et voir où ça mène. Il se peut que ce ne soit pas nécessaire.

    Ce qui nous intéresse ici c'est le fait que le commandant de combat de SPACECOM porte deux chapeaux étant donné qu'il est également commandant de Norad. Il n'est plus commandant de SPACECOM. Il dirige NORAD et NORTHCOM. Cela peut signifier que l'espace et la défense antimissiles pourraient rester au sein de SPACECOM. Ils pourraient l'intégrer au Commandement stratégique, auquel cas, NORAD ne jouera plus un rôle de BMD, ce qui n'est pas clair, vu que ce serait là le rôle naturel de ce commandement. Je crois que les Américains y travaillent.

    Vous savez également qu'ils ont éliminé le Commandant suprême des forces alliées, Atlantique du Commandement des forces interarmées à Norfolk, et les alliés ne savent pas ce que cela signifie. Ils éprouvent un problème sérieux vu que cela signifierait la séparation de l'OTAN d'avec l'Europe.

º  +-(1600)  

+-

    M. Leon Benoit: Ainsi, il y a beaucoup de questions qui demeurent sans réponse et beaucoup d'incertitude.

    Ne vaut-il pas mieux que le Canada participe aux discussions pendant que les Américains tentent de démêler tout cela? Ne serions-nous pas beaucoup mieux placés pour protéger notre souveraineté en étant partie prenante aux discussions, plutôt qu'en laissant les Américains tendre un filet au-dessus de notre pays, en même temps que sur le leur, dans le cadre du NORTHCOM?

+-

    M. Joel Sokolsky: Je crois qu'il y a déjà eu des discussions. Ils prendront leur décision. Il y aura une représentation canadienne, ainsi qu'une représentation des alliés, sur la question du SACLANT.

    Le rôle du commandant de combattants est de diriger les forces dans des régions géographiques définies par les chefs d'état-major combinés et de façonner les relations avec des pays de la région. Ainsi, le commandant d'EUROCOM a maintenant la Russie, mais il ne dirige pas de troupes russes.

    L'un des avantages que je perçois et que nous pourrions exploiter à notre avantage en l'occurrence, est celui de n'avoir personne au sein de la structure du commandement militaire américain qui traite de l'ensemble des affaires canadiennes. Nous avons négocié avec la marine de questions maritimes et avec l'armée parce qu'il n'y avait pas de défense maritime et, pour les questions sur l'espace, nous avons traité avec le commandant de NORAD.

    Les C en C du système américain ne sont pas que des commandants, ils sont les champions pour les pays sur lesquels ils exercent certaines responsabilités au sein de la bureaucratie de Washington. Cela pourrait donc nous aider. Nous connaissons déjà le général Eberhart. Je suis presque sûr qu'ils savent l'intérêt que porte le Canada à ce qui se passe.

+-

    M. Leon Benoit: L'objection à la participation à NORTHCOM semble porter sur la question de la souveraineté. Encore une fois, même si le Canada n'obtient pas le poste de commandant adjoint dans NORTHCOM, ce qui selon vous est improbable, est-ce que le fait d'être partie prenante à ce qui se passe quotidiennement nous met dans une meilleure position que de ne pas l'être?

+-

    M. Joel Sokolsky: De nombreux éléments de l'armée américaine ne pensent pas au Canada. SI nous sommes à la table de négociations, notre voix sera entendue et je pense que c'est déjà quelque chose.

    Rappelez-vous également que le NORTHCOM traite d'un tas d'autres choses comme les relations avec les autorités civiles dans les cas d'urgence. NORTHCOM aura à traiter de toute une gamme de choses. D'une certaine façon, nous sommes en meilleure posture vu que nos commandants militaires régionaux assument déjà cette responsabilité dans les cas d'urgences civiles.

    Je ne m'inquiète pas pour la souveraineté, parce que nous devons tout simplement le faire. Nous sommes les seuls qui puissions affaiblir notre souveraineté à ce chapitre. Ils attendent qu'on leur fasse signe. Ils prendront des décisions en fonction de leurs intérêts. Mais dans la mesure où NORTHCOM attire l'attention des Américains sur les relations avec le Canada... Certains s'en inquiètent, mais moi je crains qu'ils ne commencent à faire des choses sans se préoccuper de nous.

    M. Leon Benoit: Merci beaucoup.

+-

    M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci, professeur. Ça m'a beaucoup plu. Je crois être d'accord sur presque tout ce que vous avez dit sauf peut-être en ce qui concerne le fait que les dépenses consacrées à la défense n'augmenteraient pas de façon significative au cours des prochaines années. Je crois que cela dépend du contexte dans lequel vous les situez. Si vous les placez dans un contexte où le financement de nombreuses activités a été éliminé ou réduit, toutes les autres activités seraient jalouses de ce qu'elles qualifieraient d'augmentation significative des fonds destinés à la défense.

    Je vais vous poser une seule question cette fois-ci. J'ai certaines questions que je voudrais vous poser sur le CMR. Vous pouvez me répondre longuement et prendre toute la période. Elle porte sur la structure de commandement. Suite à la question de M. Benoit, n'hésitez pas à parler de tout ce qui touche à la structure de commandement en général.

    Pour commencer, vous n'êtes pas sans savoir que Lloyd Axworthy a servi de guide au professeur Michael Byers durant la fin de semaine dernière à Ottawa. Le document du professeur Byers et le communiqué de presse ont présenté une douzaine de domaines que le Canada devrait examiner soigneusement en vue de l'élaboration d'une politique les concernant, avant de faire partie d'un commandement intégré. Vous en avez déjà mentionné deux—le tribunal international et les mines terrestres. Je suis sûr que vous les connaissez probablement bien, et si vous voulez vous pouvez aborder les autres... Voudriez-vous vous exprimer là-dessus? Et si vous ne prenez pas toute la période, parlez-nous du Commandement du Nord.

º  +-(1605)  

+-

    M. Joel Sokolsky: Il y avait toute une gamme de choses—les gais et lesbiennes dans l'armée. Il a parlé de l'environnement. Je crois qu'il y régnait un peu de confusion à propos de la différence entre le commandement opérationnel et le commandement.

    Le commandement opérationnel consiste à diriger des forces à des fins précises en un temps donné—des forces qui sont confiées à un commandant opérationnel. Par exemple, lorsque l'amiral canadien dirige la Force navale permanente de l'Atlantique, les forces navales américaines sont sous son commandement opérationnel. Tous les alliés admettent qu'en fin de compte, l'autorité finale pour leurs forces, servant ou non au sein d'un commandement opérationnel, est celle de leur gouvernement national. S'il leur est demandé de faire ou d'entreprendre quelque chose qui soit en conflit avec leur politique nationale, celle-ci prévaudra. Tous les alliés ont deux téléphones—l'un relié au commandant et l'autre à leur gouvernement national. Si l'on demandait aux Forces canadiennes de faire quelque chose qui aille à l'encontre de la politique, on leur offrira le choix de rentrer chez elles.

    Il faut qu'on voit ce que le Commandement du Nord... Laissez-moi vous proposer quelque chose étant donné que vous mentionnez le Commandement du Nord. Je proposerais que notre bureau de liaison au Commandement du Nord comprenne un représentant du ministère des Affaires étrangères ou quelqu'un du bureau du sous-ministre adjoint à la politique.

    Tous les commandants en chef américains disposent de conseillers en politique étrangère américaine lorsqu'ils entreprennent leurs activités militaires. Il serait dans notre intérêt national que de placer dans le bureau de liaison canadien un agent du service extérieur canadien qui le conseillerait ou plus précisément, qui lui offrirait un autre son de cloche. Les militaires pourraient dire «Prêts, prêts à le faire» mais il leur faudrait peut-être entendre quelqu'un du service extérieur canadien leur dire que cela n'est pas tout à fait conforme à la politique du gouvernement canadien ou que ça risque d'entraîner des problèmes.

    Il ne s'agit pas de manque de respect envers les militaires. Ça ne dit pas que les militaires ne leur donneront pas. Si un commandant en chef américain peut se faire conseiller par des agents du service extérieur, nous devrions placer des agents du service extérieur auprès de notre personnel de liaison militaire pour que le commandant en chef dispose de toute la gamme canadienne d'opinions. À propos des questions soulevées par M. Byers, ce serait précisément celles-ci qui pourraient être portées à l'attention du commandant en chef. Il pourrait s'établir une relation qui ferait que le C en C disposerait de son agent du service extérieur et que nous au bureau de liaison disposions aussi du nôtre, et les deux peuvent parler entre eux.

    Il aurait fallu qu'on en ait un depuis des années à NORAD. Je crois que cela aurait permis d'éviter de nombreux problèmes. Oui, bien sûr, il y aura des accrochages, mais très souvent le C en C ignore qu'il y a un problème au Canada, parce que personne ne le lui dit.

    Je recommanderai au gouvernement de placer quelqu'un du côté politique—le côté civil—auprès du bureau pour les conseiller quant à la bonne façon de faire les choses. Même pour les choses simples... Disons que vous voudriez que le commandant du Nord communique avec l'agent politique pour organiser un exercice au Québec. Nous pourrions rappeler au C en C que l'anglais n'est pas la langue de la majorité au Québec. Les Américains ne sont pas toujours très au courant des affaires canadiennes.

º  +-(1610)  

+-

    M. Claude Bachand: Nous sommes également très sensibles aux armées envahissantes.

+-

    M. Joel Sokolsky: C'est vrai. Les C en C américains sont habitués à cela. En réalité, ce sont des généraux politiques.

+-

    M. Larry Bagnell: D'accord. J'ai une deuxième petite question.

    À l'occasion, certains Américains n'acceptent pas notre souveraineté sur le passage du Nord-Ouest. Pouvez-vous commenter, s'il vous plaît?

+-

    M. Joel Sokolsky: Ils ne reconnaissent pas que le passage constitue un territoire canadien souverain. Il y a cependant eu un accord à l'époque du gouvernement Mulroney à l'effet qu'ils donneraient un préavis lors du passage de navires. Je ne crois pas que cette question ait été réglée. Je ne crois pas qu'elle se réglera par le biais du Commandement du Nord. Il s'agit là cependant d'une question qu'on pourrait soulever dans le cadre du Commandement du Nord.

    Vous pouvez dire au C en C qu'il est responsable de la définition de relations avec le Canada maintenant. Rappelez-lui la question qui est soulevée. «Nous n'obtenons aucun soutien de la marine américaine. Vous n'êtes pas dans la marine. Pouvez-vous nous aider? Cela appuierait fortement votre position et votre réputation au Canada si le gouvernement résolvait cette question.»

+-

    Le vice-président (M. David Price): Merci beaucoup.

    Monsieur Stoffer

+-

    M. Peter Stoffer: Merci. En réalité, c'était ma question. J'allais demander si les Américains reconnaissaient notre passage du Nord-Ouest.

    Est-ce qu'il y a d'autres pays qui reconnaissent la souveraineté sur le passage du Nord-Ouest?

+-

    M. Joel Sokolsky: L'Union soviétique l'a fait pendant un moment. Je ne sais pas si d'autres reconnaissent en ce moment la revendication canadienne.

+-

    M. Peter Stoffer: Monsieur, vous avez dit quelque chose de très important, je crois—que toutes les opérations se dérouleront conformément à la politique américaine.

    M. Joel Sokolsky: Oui.

    M. Peter Stoffer: Nous sommes impliqués, par exemple, en Afghanistan. C'est essentiellement le résultat de la politique américaine. Est-ce vrai?

    M. Joel Sokolsky: Oui.

    M. Peter Stoffer: D'accord, je voulais éclaircir la chose.

    Est-ce que la défense antimissiles nationale, ou son prétexte et ce qu'il signifie, accélère la course aux armements à travers le monde?

+-

    M. Joel Sokolsky: Cela n'arriverait que si le gouvernement de Russie se sentait poussé par le retrait du Traité ABM à constituer son propre arsenal.

+-

    M. Peter Stoffer: Et la Chine?

+-

    M. Joel Sokolsky: Je crois que dans le cas de la Chine, cela leur déplaira. Je ne pense pas qu'ils entreprendront un programme accéléré de construction de missiles à cause du système DMB.

+-

    M. Peter Stoffer: Aujourd'hui, sur les sites américains, on indique que les Russes obtiendront le commandement. Ce ne sera pas EUROCOM. J'en oublie le vrai nom. Dans leur région, on leur accordera le commandement effectif.

    Ce qui m'inquiète, bien sûr, c'est la situation politique médiocre de la Russie. Ce ne sont pas les plus grands amis des Chinois. La Chine et les États-Unis s'observent d'un mauvais oeil dans bien des cas.

    Je m'inquiète, au même titre que beaucoup de gens qui ont posé la question, à propos de l'accélération de la course aux armements qui résultera du NMD. N'en êtes-vous pas convaincu?

+-

    M. Joel Sokolsky: Non. Je pense que les États qui avaient l'intention de construire des missiles le feront de toute façon. Je ne suis pas convaincu que la Chine entreprendrait un programme accéléré. Je ne suis pas convaincu non plus que le NMD fera ce qu'il est supposé faire.

    M. Peter Stoffer: D'accord.

    M. Joel Sokolsky: Il s'agit plus d'une politique d'assurance pour les Américains. C'est la menace la plus improbable à l'endroit des États-Unis. Je pense que, sans les événements du 11 septembre, le soutien au sein du Sénat des États-Unis, contrôlé par les Démocrates, aurait été suffisant pour éliminer ou retarder le programme.

+-

    M. Peter Stoffer: Dans le résumé que nous avons, vous dites que bien que Washington favorise et accueille bien les contributions maritimes canadiennes, ces contributions, quelle que soit leur utilité tactique ou opérationnelle à une entreprise particulière, n'octroieront probablement pas à Ottawa plus de voix au chapitre ou de poids lors de la prise de décisions politiques ou stratégiques.

    M. Joel Sokolsky: Oui.

    M. Peter Stoffer: Que voulez-vous dire exactement?

+-

    M. Joel Sokolsky: Je veux dire que les États-Unis fixent leur stratégie de sécurité nationale et en discutent avec les alliés, mais en fin de compte, ils prennent eux-mêmes leurs décisions, plus particulièrement dans le contexte actuel.

º  +-(1615)  

+-

    M. Peter Stoffer: C'est compréhensible

+-

    M. Joel Sokolsky: Alors que je crois qu'il nous faut constituer nos forces, nous ne pouvons nous attendre à avoir plus d'influence sur ces questions plus larges concernant la sécurité nationale des États-Unis, grâce à ce que nous constituerons .

    Si on examine les cercles qui influencent le président, on remarquera d'abord ses plus proches conseillers, ensuite la bureaucratie et le Congrès et loin, derrière, mais très loin, les gouvernements étrangers. Cela signifie que nous ne sommes pas les seuls à exercer une influence.

    Je dis que vous ne pouvez pas vous imaginer que le déploiement du PPCLI en Afghanistan nous octroiera une plus grande influence sur la politique américaine dans la région. Vous devez être convaincus des objectifs globaux de l'activité et croire qu'il est dans notre intérêt que les Américains le fassent. Mais je crois que je ne m'attends pas à ce qu'on ait une influence réelle sur la politique présidentielle du fait de notre contribution.

    Si nous ne contribuons pas, ça se sait. Il est difficile de savoir s'il y a un prix à payer. J'ai examiné une évaluation américaine de ceux qui contribuent actuellement et nous sommes au sommet. C'est vraiment très bien. Parallèlement, lorsqu'il est question de bois d'oeuvre et d'autres choses de ce type, ce n'est pas nécessairement important.

+-

    M. Peter Stoffer: Vous venez d'introduire la notion d'enchaînement à la discussion. Vous avez dit ne pas savoir s'il y aurait un prix à payer. Que voulez-vous dire? S'agit-il de pressions économiques? Supposons que nous disions essentiellement aux États-Unis «Prenez votre NMD et placez-vous le quelque part et n'installez pas vos sites de radars sur notre propriété. Nous ne voulons rien avoir à faire avec vous. Nous voulons définir notre propre politique internationale avec nos autres alliés. Allez au diable.» Quelles en seraient, pour nous, les conséquences économiques?

+-

    M. Joel Sokolsky: Dans le cas des questions économiques, il y a des groupes d'intérêt très spécialisés aux États-Unis.

+-

    M. Peter Stoffer: Mais vous avez dit qu'il y aurait un prix à payer.

+-

    M. Joel Sokolsky: Nous paierions le prix en termes de relations de défense, d'accès aux renseignements et aux membres les plus importants de l'administration américaine, et nous y perdrions en prestige. Toutefois, j'ajouterai qu'en ce qui concerne le NMD en particulier, nos alliés européens qui pourraient s'y opposer, ne se joindront pas à nous. C'est à dire que nous sommes seuls. Les Canadiens pensent souvent qu'il faudrait se rapprocher des Européens pour s'opposer aux Américains. Les Européens ne sont pas très prisés aujourd'hui par le gouvernement des États-Unis, sauf pour la Grande-Bretagne, qui pourrait ne pas être européenne.

+-

    M. Peter Stoffer: Je voudrais poser une dernière question, monsieur. Vous avez parlé de mines terrestres et d'autres sujets d'inquiétudes. Si nous étions en Afghanistan et que les États-Unis décidaient de poser des mines terrestres autour de Kandahar, par exemple, si notre présence était assurée par le PPCLI et que nous disions non, ils le feraient de toute façon. Essentiellement, le fait que nous soyons là-bas, signifie que nous tolérons cet acte, n'est-ce pas?

+-

    M. Joel Sokolsky: Si nous ne nous retirons pas, oui.

+-

    M. Peter Stoffer: Ainsi, le seul moyen de s'en sortir serait de se retirer. Est-ce exact?

+-

    M. Joel Sokolsky: Oui, pour trouver une mission ailleurs.

+-

    M. Peter Stoffer: Ne devrions-nous pas poser ce type de questions avant d'y aller?

+-

    M. Joel Sokolsky: Oui, si l'on peut, mais ils pourraient décider que la protection de Kandahar se détériore à un point tel qu'il leur faut avoir recours aux mines terrestres. Ils pourraient nous rassurer en promettant de les enlever. Au moins, ils sauraient où elles ont été placées.

+-

    M. Peter Stoffer: Selon votre expérience et les renseignements que contient ce document, qui soit dit en passant est très bien fait, si nous sommes là-bas et qu'ils commencent à poser des mines terrestres, quelles sont les probabilités que nous nous retirions vraiment?

+-

    M. Joel Sokolsky: Peu probable.

+-

    M. Peter Stoffer: Merci.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Merci, Peter.

    Elsie.

+-

    Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup, Dave.

    Je dois vous dire, professeur, que je me suis faite dire une fois par un professeur de science politique que toute ressemblance entre ce qu'on étudie en cours et la réalité relève de la pure coïncidence. Je vous le dis respectueusement, monsieur, puisque vous me semblez bien renseigné, n'étant pas sûre que c'était le cas de mon professeur de science politique.

+-

    M. Joel Sokolsky: J'ai été corrompu par les écoles d'études supérieures américaines.

    Des voix: Bravo!

+-

    Mme Elsie Wayne: Une délégation s'était rendue là-bas pour rencontrer des membres du Congrès américain et des militaires. C'était il y déjà quelques années.

    Étiez-vous parmi nous, John? Pat O'brien était président.

    M. John O'Reilly (Haliburton-- Victoria--Brock, Lib.): Je suis allé à Washington à deux reprises.

    Mme Elsie Wayne: Nous avons remarqué que les membres du Congrès n'étaient pas très au courant des affaires militaires, mais nos présentations leur ont fait très bonne impression. En réalité, à l'époque—je ne sais pas ce qui s'est passé—ils m'avaient demandé, ainsi qu'à Pat O'Brien, de siéger à un comité pour poursuivre les discussions entre le Canada et les États-Unis. On n'y a pas donné suite, je pense que c'est probablement dû au fait que Pat a assumé d'autres fonctions.

    Dans votre introduction, vous avez parlé du budget de la défense en disant que vous ne pensiez pas qu'il serait majoré de façon significative. Je suis allée en Ontario, à l'Ouest pour revenir ensuite à l'Est pour parler avec les gens, et selon ce qui m'a été dit, je crois qu'il existe maintenant un soutien important, jusqu'ici inégalé pour nos militaires. Les citoyens disent que nous devons fournir aux militaires les outils et le matériel nécessaires à leur mission. Je ne crois pas qu'ils souhaitent que ce soient les États-Unis qui nous dictent notre politique. Nous avons un rôle à assumer lorsque nous nous rendons à la table de négociations. Ils souhaitent que nous exprimions de façon audible la position canadienne pour ne pas se faire imposer la leur.

    Comment voyez-vous l'avenir à cet égard?

º  +-(1620)  

+-

    M. Joel Sokolsky: Selon les rapports de ce matin, le sondage Compass révèle un soutien pour la défense, mais en comparaison aux soins de santé et à l'éducation, ce soutien est encore faible.

    En ce qui concerne les Américains, les États-Unis demandent, depuis le milieu des années 50, une augmentation des dépenses canadiennes en matière de défense. Je le dis à l'intention de tous ceux qui s'imaginent que les États-Unis exercent une influence sur la politique canadienne de défense, il suffit d'examiner le budget pour comprendre que ce n'est pas le cas.

    Les Américains voudront toujours que nous augmentions nos dépenses, mais je ne crois pas qu'une augmentation accroîtra notre influence sur le processus décisionnel, particulièrement au Congrès. Je crois que nous devons les augmenter mais pour des raisons qui nous appartiennent. Nous devons être sûrs que notre contribution aura les moyens qu'il faut pour réaliser sa mission. Cela veut dire que les navires doivent être interopérables et que les avions doivent être armés adéquatement. Si nous ne pouvons pas faire ce qu'il faut pour les soutenir, nous ne devons tout simplement pas les envoyer en mission.

    Les États-Unis ont des relations avec tant d'autres alliés. L'Ouzbékistan, par exemple, joue un rôle crucial dans cette opération. Qui l'aurait cru? Le Pakistan est très important.

    Je crois qu'il faut décider, ici au Canada, de ce dont nous avons besoin pour accomplir les missions. Compte tenu du budget, où doivent être nos priorités? Comme j'ai essayé de le faire comprendre dans mon introduction, les endroits où les Forces canadiennes auront un rôle à jouer ne manqueront pas. À l'avenir, notre problème sera de dire non plutôt que oui. Par exemple, est-ce que nous remplaçons en Bosnie? C'est là une question vaste. Si nous ne pouvons pas envoyer d'unités en Afghanistan, pourquoi en envoyer une en Bosnie? Ce sont les Européens qui devraient le faire.

    Je pense également que les Canadiens ont le sentiment de devoir dire aux Américains qu'ils feront ceci ou cela. Je crois que, de temps à autre, nous devons tenir les Européens au courant de ce que nous faisons. Pourquoi devrions-nous aller en Bosnie, si notre présence est requise en Amérique du Nord? Nous nous bousculons pour envoyer encore une unité en Bosnie et une autre en Afghanistan. Si nous ne pouvons pas, nous ne pouvons pas. Où est notre intérêt? Ce pourrait être l'Afghanistan. Certes, les Américains le remarqueront. Laissez les Européens remplacer en Bosnie.

    Ce qui ne manque pas de les impressionner, c'est qu'une fois sur place, vous remplissiez votre mission, et bien. Compte tenu de leurs forces armées, je ne crois pas que des chiffres globaux les impressionneront, particulièrement au Congrès. Ils apprécient effectivement notre appui et je crois que de nombreux Canadiens ne savent pas à quel point cela est vrai.

+-

    Mme Elsie Wayne: Je ne me préoccupe jamais de sondages vu que quand j'étais candidate à la mairie, cinq jours avant l'élection, on s'attendait à ce que le maire sortant me batte en obtenant le double de mes suffrages, et c'est moi qui l'ai battu cinq jours plus tard en obtenant le double de ses suffrages.

    En ce qui concerne le budget de la défense du Canada, je crois qu'il est très important d'avoir le matériel nécessaire à la formation de nos jeunes. Certes, la marine doit avoir ses bateaux; il n'y a pas de doute à ce chapitre. Tant les libéraux que les conservateurs ont trouvé excellente l'idée de construire nos frégates ici-même. Nous devrions construire le reste de nos navires ici. Cela a des effets bénéfiques importants à l'échelle du Canada et pas seulement pour le secteur militaire. Mais au moins, ils sont bien formés grâce au matériel et aux connaissances qu'ils devraient avoir.

    J'ai parlé à un homme du camp de Gagetown. Il y était depuis longtemps. Il m'a dit, «madame Wayne, je m'en vais parce que le matériel que j'utilise pour former les jeunes est vieux de 60 ans, et ce n'est pas ce qu'il faut.» Donc, des voix devraient s'élever de notre collège militaire et de partout ailleurs qui réclament énergiquement du matériel moderne pour ces jeunes qui viennent des collèges militaires. Il faut qu'il y soit lorsqu'ils en ont besoin.

º  +-(1625)  

+-

    M. Joel Sokolsky: Vous avez les LAV III et les Coyotes, qui peuvent en réalité beaucoup mieux fonctionner que certains appareils américains plus lourds, et les frégates sont de classe mondiale.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Merci beaucoup. Vous avez largement dépassé votre période.

    À votre tour, Leon.

+-

    M. Leon Benoit: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Vous avez dit à propos du récent sondage que s'il fallait choisir entre la défense et la santé, les Canadiens choisiraient la santé et que s'il fallait choisir de financer la défense ou l'éducation, nous préférions l'éducation. En réalité, c'est un choix bidon. C'est ce que le premier ministre et les membres du gouvernement font constamment, de dire que c'est soit l'un soit l'autre alors qu'il y a beaucoup d'autres secteurs de dépenses.

    Notre parti a trouvé des milliards de dollars qui seraient mieux dépensés s'ils étaient affectés à la défense. Ainsi, nous pouvons augmenter notre financement des soins de santé, de l'éducation et de la défense, sans même augmenter nos dépenses globales. Je ne pense pas que les Canadiens aient eu ce choix dans le sondage. Il s'agit donc là d'un choix bidon.

    Lorsque nous examinons un nouveau livre blanc ou d'une étude importante sur la politique de défense, nous devons d'abord définir ce dont nous avons besoin ici au Canada en cas de catastrophes naturelles, de troubles civils et ainsi de suite. Il nous faut examiner ce dont nous avons besoin pour assurer notre souveraineté, particulièrement en ce qui concerne les eaux du Nord et pour réaliser ce qui figure à notre programme d'affaires étrangères et qui exige une participation militaire.

    Le ministre a promis de déposer un livre blanc ou une étude approfondie à la fin de l'année au plus tard. Nous apprenons maintenant que nous devons attendre que le ministère des Affaires étrangères produise une sorte d'énoncé avant d'entreprendre l'étude. Cela est raisonnable, je pense.

    Je crois que de nombreux Canadiens ont le sentiment que nous devons définir nos forces armées avant de déterminer les sommes à y verser. Notamment toute la question du NORTHCOM. Allons-nous engager la marine et l'armée dans ce nouvel arrangement nord-américain? Qu'adviendra-t-il de la défense antimissiles? Allons-nous continuer d'intervenir outre-mer? Comme vous le dites, on ne manquera pas de demandes d'outre-mer. Elles augmenteront plutôt qu'autre chose.

    Compte tenu de tout ce qui précède, que pensez-vous de notre nouvelle grande politique en matière de défense et que croyez-vous qu'elle devrait être?

+-

    M. Joel Sokolsky: Je ne crois pas que vous ayez besoin d'un livre blanc. Il ne vous faut pas un livre blanc pour savoir que la marine a besoin d'hélicoptères. Je souhaiterais plutôt voir le Parlement se préoccuper d'obtenir le matériel qu'il aurait fallu acheter il y a longtemps.

    Ensuite, une fois que vous entamez un débat public sur cette question, il peut ne pas se conclure de la façon dont l'espèrent ceux qui appuient les forces armées. Vous avez vu ce qui s'est passé et le battage qui a entouré le document de M. Byers et les commentaires de M. Axworthy. Cela pourrait mal tourner, plus particulièrement si la campagne en Afghanistan piétinait. Il est vrai que l'opinion publique appuie une augmentation des dépenses en matière de défense mais une grande partie du public prolixe, mis à part la CAD ainsi que d'autres groupes sur la défense, ont d'autres programmes que les forces armées.

    Je crois que les grandes lignes du livre blanc sont essentiellement correctes, mais nous devons prendre des décisions quant au matériel. Quelle priorité accorder aux hélicoptères par rapport à celle de la réparation des sous-marins? J'en conviens, nous avons un excédent. Il y a suffisamment d'argent.

º  +-(1630)  

+-

    M. Leon Benoit: Je ne parle que de réaffectation sans toucher à l'excédent. Il y a de nombreuses façons de réaffecter des fonds.

+-

    M. Joel Sokolsky: Il y a beaucoup d'argent. Je voudrais voir le MDN produire une liste du matériel dont il a besoin plutôt qu'un livre blanc. À mon avis, les Forces armées canadiennes sont là pour appuyer la politique étrangère du Canada dans des endroits ou l'utilisation effective, ou appréhendée, de la force constitue un instrument de politique qui peut être utilisé pour faire avancer nos intérêts.

+-

    M. Leon Benoit: C'est là la question. Nous ignorons ce que nous allons faire en termes de programme de politique étrangère, comment pouvons-nous prendre une décision? Des hélicoptères, c'est évident. Des navires de soutien, c'est évident. Des destroyers, c'est évident. Lorsqu'il s'agit de transport aérien stratégique, achetons-nous des C-17? Je crois que pour répondre à cette question, nous devons avoir une idée du nombre de déploiements qu'effectuera l'armée canadienne à l'étranger. Ce n'est pas tout à fait vrai, étant donné que nous devons les dépêcher aux prochaines inondations, tempêtes de verglas et même en Colombie-Britannique lors de tremblements de terre.

+-

    M. Joel Sokolsky: C'est là mon argument. Je conviens avec vous qu'il nous faut prendre une décision concernant le transport aérien stratégique, mais cette discussion sera détournée par une large... Mme Wayne vient de quitter. Je n'approuve pas une politique élargie et vague régissant la place du Canada dans le monde. Il m'apparaît presque évident; nous y allons. Compte tenu des scénarios probables, parlons de matériel précis plutôt que d'y aller ou pas. Qui aurait cru, il y a un an, que nous nous rendrions en Afghanistan?

    Bien que les fonds soient disponibles, je crois qu'on peut assumer que... Les prédictions sont toujours risquées, mais je n'ai pas de doute que le gouvernement du Canada dépêchera de nouveau les Forces canadiennes à l'étranger.

    Du point de vue du Parlement et du MDN, je dirai qu'il leur faudrait peaufiner le Livre blanc, mais occupons-nous de ce dont nous avons exactement besoin. Discutons des avantages qu'il y aurait à se procurer d'autres Hercules plutôt que des C-17. Discutons de questions concrètes, pas de concepts vagues d'ordre mondial. Nous nous y rendrons. Nous savons que nous allons le faire. Quoi qu'on dise aujourd'hui, nous allons y aller.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Merci, professeur.

    Monsieur Bachand.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Je voudrais parler de la culture du secret au ministère de la Défense nationale, comparativement à l'ouverture d'esprit de nos alliés américains. J'ai cru vous entendre dire qu'il était très important que les députés soient bien renseignés sur les tenants et aboutissants d'une opération.

    Pas plus tard qu'il y a quelques mois, M. Price et moi nous sommes rendus au USCENTCOM à Tampa Bay et avons eu droit à quatre ou cinq heures de briefing sur de l'information classifiée par les militaires américains. Ici, au Canada, on est à des années-lumière d'avoir des briefings classifiés sur l'état des opérations.

    Quand je compare la structure décisionnelle américaine et la nôtre, je constate que le Congrès et le Sénat américains doivent se prononcer sur une intervention qu'on envisage dans tel ou tel pays. En Afghanistan, cela n'a pas été compliqué: le Congrès et le Sénat étaient tout à fait d'accord avec le président, mais je pense que cela exigeait quand même un vote officiel du Congrès.

    J'ai aussi regardé la façon dont le Congrès américain faisait la liaison avec le département de la Défense. Il y a des agents de liaison directs qui expliquent toutes les opérations. Je pense que là-bas, c'est le comité sénatorial ou le comité de la Chambre des représentants qui décide du budget, alors que ce n'est pas le cas ici.

    Les députés du Bloc québécois ont déploré à plusieurs reprises le fait qu'au Canada, c'est l'exécutif qui décide. C'est le Conseil des ministres qui décide qu'on va en Afghanistan, et on apprend deux jours plus tard que les troupes sont sur le point de partir. Ici, on fait un débat exploratoire dans le cadre duquel on n'a même pas le droit de vote.

    Si je demande un briefing classifié au ministère de la Défense nationale pour savoir où seront nos forces spéciales en Afghanistan demain, on va me dire que ce n'est pas de mes affaires.

    Selon vous, y a-t-il moyen, au Canada, de créer une dépendance du ministère de la Défense nationale vis-à-vis des élus du peuple pour que nous ayons vraiment notre mot à dire et pour que soit changée cette culture du secret entre le Parlement et la Défense nationale?

º  +-(1635)  

+-

    M. Joel Sokolsky: Comme vous le savez, la Constitution des États-Unis donne un pouvoir très spécifique au Congrès sur les questions de défense et d'affaires extérieures. Selon la Constitution, le Congrès a plus de pouvoir que le président sur ces questions, mais en réalité, dans les guerres froides et maintenant, le président a la plupart des pouvoirs.

[Traduction]

    La différence, en ce qui nous concerne, et j'estime qu'elle est importante, réside dans le fait que le Congrès dispose effectivement des pouvoirs. Il contrôle les cordons de la bourse, il a le pouvoir d'enquêter. Mais d'abord et avant tout, il existe une culture politique américaine, particulièrement après la guerre du Vietnam, qui veut qu'on ne puisse pas dépêcher des forces à l'étranger sans que le public n'en connaisse les raisons; et vous ne pouvez vous assurer de l'appui de la législature sans que celle-ci n'ait été bien informée.

    Le plus grand problème que je constate au Canada est celui de l'insuffisance de l'information publique. J'ai travaillé pour ce comité, à titre de recherchiste en 1986. Lorsque nous avons traversé la rue à la recherche d'un exposé sur NORAD, nous n'avons rien pu obtenir. Lorsque nous nous sommes rendus à Colorado Springs, nous avons eu toute une journée et, notamment, nous avons été accueillis en limousine et par un orchestre.

    Les officiers américains sont des politiciens. Ils veulent vendre les initiatives de la défense, ils veulent informer et il y a un lien étroit.

    Je crois que si nous poursuivons des activités à l'étranger, il nous faut donner des explications aux députés parce que je pense que, d'une certaine manière, le gouvernement a peur de la presse et de la déformation qu'elle peut apporter. Le meilleur moyen de déformer reste, néanmoins, celui de garder le secret là où il ne le faut pas.

    Le général américain Franks a été qualifié de proconsul par le Washington Post comme du temps de l'empire romain. C'est un proconsul. Ils ont l'habitude des politiciens. Cela est donc important.

    Si je peux me permettre de faire de la publicité pour ma propre affaire, nous avons entrepris des programmes au Collège d'état-major de Toronto destinés aux officiers supérieurs et notre seul objectif en ce qui les concerne est celui de les habituer au contexte politique et de reconnaître l'importance des questions politiques pour qu'ils n'aient pas besoin d'aller au mess pour maugréer contre les politiciens. Il est important de les intégrer, surtout quand on s'attend à avoir recours à la force.

    Ceci dit, le président peut toujours dépêcher des troupes. Il n'a pas besoin du Congrès pour le faire, excepté s'il s'agit de déclarer une guerre. Une fois les forces sur le terrain, le Congrès éprouve beaucoup de réticence à couper les vivres sauf dans le cas du Vietnam, après la guerre.

    Je sais que l'armée canadienne souhaiterait jouir du soutien du Parlement et elle pointe du doigt le soutien que le Congrès, la Chambre des représentants et le Sénat, apportent aux forces américaines. Mais l'armée canadienne devrait également reconnaître que ce soutien s'accompagne d'une surveillance. Ainsi, lorsque vous avez acheté ces sous-marins aux Britanniques, cette transaction aurait fait l'objet d'une étude très détaillée par le Congrès.

    Ici, vous avez effectivement le vérificateur général qui rend compte, mais l'armée canadienne est habituée à l'absence de surveillance politique serrée, et à certaines occasions à l'inattention politique, jusqu'à ce que survienne un épisode embarrassant qui fait que tout le monde se bouscule pour expliquer ce que tout le monde aurait dû savoir avant—particulièrement en ce moment où nous avons dépêché des troupes à l'étranger dans des situations périlleuses.

    Par exemple, je ne sais pas, monsieur le président, si vous avez tenu des audiences, mais si jamais cela arrivait aux États-Unis, si le 101st Airborne avait été bombardé au lieu des PPCLI—ce qui aurait pu arriver—le lendemain, la commission du Congrès aurait convoqué le chef d'état-major pour lui poser des questions. C'est ce qu'il faut—il doit y avoir une surveillance permanente, parce que le Parlement sert d'organe législatif, d'organe d'enquête et d'éducation.

    Ainsi, lorsque M. Rumsfeld annonce la création de NORTHCOM, le lendemain, le chef d'état-major devrait être ici-même, pas pour lui demander «Pourquoi avoir vendu le pays aux Américains pour une bouchée de pain?» mais plutôt pour lui demander «Pouvez-vous expliquer ce qu'est un commandement de combat? Pouvez-vous expliquer...?»

    L'expérience que j'ai de la presse m'a appris qu'elle recherche ce qu'on essaye d'esquiver; ce qui est caché. Et, en général, il y en a moins là. D'habitude ce sont en grande partie des choses ennuyeuses pour la majorité des gens.

    Mais je suis d'accord avec vous: si vous allez poursuivre des activités à l'étranger, le Parlement doit constamment le faire, et non épisodiquement... il est plus important de savoir ce qui va se passer quotidiennement que de participer à un livre blanc tous les sept ans.

º  +-(1640)  

+-

    Le vice-président (M. David Price): Merci, professeur.

    John, c'est à vous.

+-

    M. John O'Reilly: Merci beaucoup, monsieur le président et merci, professeur Sokolski, d'être venu.

    Il y a quelques choses que vous avez mentionnées et sur lesquelles je voudrais revenir mais d'abord je voudrais dire que je n'apprécie pas la façon dont les choses se déroulent au cours de cette réunion. Vous vous présentez et vous nous remettez un bon rapport, mais avant que vous ne preniez la parole, le président vous prévient que le rapport que nous élaborons est déjà à l'impression. J'espère que vous nous pardonnerez cette gifle et, par ailleurs, le président m'a assuré que cette partie serait rajoutée.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Laissez-moi apporter ici des précisions. Il s'agit d'un rapport préliminaire que nous allons examiner et on peut y apporter des modifications.

+-

    M. John O'Reilly: J'en suis satisfait, parce que vous êtes le type de spécialiste que nous aurions dû entendre dès le début. Tant qu'on m'assure que vos recommandations seront ajoutées, je ne vois pas d'objection à vous poser des questions sur d'autres choses.

    Vous avez effectivement travaillé pour ce comité à un moment. Cela m'a intéressé parce que vous savez comment fonctionnent les comités. En outre, je m'aperçois que le spécialiste civil au Collège de Toronto détient un doctorat en tactiques maritimes de guerre. Il semblerait que vous êtes également analyste de la politique en matière de défense navale.

+-

    M. Joel Sokolsky: S'agit-il du Dr Mitchell?

+-

    M. John O'Reilly: Y a-t-il un lien?

+-

    M. Joel Sokolsky: J'étais son conseiller de thèse.

+-

    M. John O'Reilly: Bon. Maintenant nous savons où il obtenu sa bonne documentation.

+-

    M. Joel Sokolsky: Il m'a survécu.

+-

    M. John O'Reilly: D'accord.

    Il y a deux problèmes qui me gênent. Le premier, c'est le budget. La raison de mon ennui vient du fait qu'il atteint 12 milliards de dollars. C'est le budget le plus important à Ottawa. Il constitue une cible pour tous les autres ministères et rend tous les autres ministres envieux. Lorsque ceux-ci essaient d'obtenir quelques dollars pour leur ministère à partir de l'ensemble des dépenses, ils lorgnent du côté du budget de la défense.

    Je me demande, monsieur, si vous seriez en faveur d'une budgétisation ciblée, de manière que le comité puisse examiner des secteurs où le budget devrait faire l'objet d'une augmentation ou d'une réduction—et non seulement la réduction de l'ensemble des fonds et laisser la décision aux militaires. Parce qu'il y a des choses qui doivent être examinées: les Sea King sont au stade du processus d'approvisionnement et devraient être disponibles à la fin de l'année. Nous sommes tous d'accord qu'il aurait fallu que ça se fasse il y a longtemps. Il n'y a aucune objection à cet égard.

    Ainsi, la première chose que je voulais aborder est celle du ciblage des budgets, parce que nous nous classons au sixième rang de l'OTAN et, lorsqu'il s'agit du budget de la défense, tous les autres ministres en sont jaloux.

º  +-(1645)  

+-

    M. Joel Sokolsky: J'ai tenté d'expliquer à M. Benoit que, oui, il serait utile de réunir un consensus à propos du système d'armement—un consensus qui ciblerait des priorités particulières—plutôt que sur des priorités globales. Malgré le fait que nous ayons des forces armées unifiées, nous n'avons pas de demandes de budget unifiées. Il serait utile de voir le comité préciser la destination des fonds et, peut-être, là où ils ne doivent pas aboutir—et où réduire.

+-

    M. John O'Reilly: L'autre point que je voudrais aborder à propos de la politique me perturbe. Cela fait longtemps que j'oeuvre en politique. En réalité, la première campagne à laquelle j'ai travaillé était la dernière de Leslie Frost dans les années 50. Alors, ça fait longtemps. Je suis vieux.

    Vous avez soulevé un problème. Si vous prenez le scénario de la bombe qui a été larguée récemment. Le premier appel téléphonique placé par le président des États-Unis a été pour le premier ministre du Canada. La première annonce du premier ministre s'est faite à la Chambre des communes, le jour même. Nous étions tous là. Tous les chefs de partis ont prononcé des discours et ainsi de suite. Pourtant, le problème ce jour-là semblait découler du fait que le président des États-Unis n'ait rien dit d'autre. Donc s'il n'a rien dit d'autre et que ce n'était pas sur le réseau CNN, ça équivalait à une gifle pour le Canada. Et je trouve cela très troublant.

    Ne pensez-vous pas que le président des États-Unis, lorsqu'il appelle le premier ministre d'un pays, croirait que son message serait transmis à travers nos médias? Pourquoi est-ce que cela ne s'est pas fait?

    Ce n'est pas là quelque chose que le premier ministre ignorait. Le message a été transmis immédiatement à la Chambre des communes et aux médias. Pourtant, le président Bush a fait l'objet de critiques pour n'avoir rien dit jusqu'à ce qu'il ait été confronté. Je n'ai pas compris tout ça.

+-

    M. Joel Sokolsky: Bon, je n'ai pas compris non plus. Le président a fait ce qu'il devait faire dans ces circonstances.

    L'une des choses qui compliquent la définition et l'exécution d'une politique canadienne de défense concerne les médias qui ont tendance à dire que tous les sujets affectent dangereusement notre souveraineté: s'il ne nous a pas appelés, cela signifie qu'il ne nous aime pas ou qu'il n'est pas... En l'occurrence, nous le faisons nous-mêmes, parce que j'ai reçu les condoléances de collègues américains, et ce n'est pas que je ne les ai pas transmises. Et si vous aviez vu le témoignage du secrétaire d'État Powell devant le Congrès quelques jours plus tard, il était très sincère.

    On peut s'attendre à ce que les Américains nous remarquent peut-être un peu plus. On ne peut pas s'attendre à ce qu'ils se mettent en quatre tout le temps pour faire notre éloge. D'une certaine façon, c'est notre propre insécurité qui ressort, plutôt qu'un manque de respect de leur part. C'est la réflexion de notre insécurité, on ne fait pas bonne figure.

    Je connais beaucoup de Canadiens qui s'inquiètent du fait que les États-Unis ne prennent pas... Regardez, lorsque vous êtes au sommet du programme de sécurité américaine, il faut normalement s'inquiéter. Dans un sens, il existe une confiance tranquille envers le Canada que nous devons, à mon avis, accepter. On ne peut pas s'attendre à ce qu'ils brandissent l'unifolié à chaque fois que nous faisons quelque chose de bien ou chaque fois qu'ils commettent une erreur. Mais cela concerne plutôt le premier ministre et notre propre sentiment d'insécurité.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Cheryl, la parole est à vous.

+-

    Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Merci, professeur, d'être venu aujourd'hui.

    Vous concluez, dans le communiqué de presse du IRPP que j'ai en mains, que «tant que le Canada souhaite jouer un rôle dans les affaires mondiales et tant que la marine peut utilement servir», ainsi de suite, elle peut être interopérable avec les États-Unis, et le conflit ou la friction «ne constitue pas une nouvelle situation, et c'est une situation qui peut être gérée convenablement par le biais d'une surveillance politique étroite.»

    Et c'est là que réside le problème. Nous n'avons pas d'automatismes régulateurs. C'était au cours de la pause de l'Action de grâce, du congé, que nous avons découvert que nos Forces canadiennes allaient être dépêchées en Afghanistan. Sans discussion préalable—c'est venu soudainement, une annonce.

    Ce dont je souhaiterais que vous nous entreteniez... Tout d'abord, dans ce type de circonstance où nous nous apprêtons à déployer des troupes, il s'agit plutôt d'une situation urgente. Vous décrivez ce que font les États-Unis, mais transposons la chose dans notre système parlementaire. À votre avis, en vue d'éviter aux militaires d'être blâmés pour tout ce qui ne va pas, devrions-nous en discuter au Parlement avant que le gouvernement ne prenne une décision?

+-

    M. Joel Sokolsky: Le Parlement devrait en être saisi. Même aux États-Unis, cependant, le président peut déployer des troupes; il consulte; mais ne demande pas la permission de déployer.

    Lorsque je parle de surveillance politique, je ne veux pas dire qu'elle se limite au Parlement. Le ministre devrait savoir ce que la marine... Ce qui se passe là-bas doit être clair aux yeux du ministre et des autres membres du gouvernement.

    Cela exige qu'une fois la décision prise, on la débat et l'explique au Parlement. Le comité aurait dû convoquer le chef d'état-major des forces maritimes pour qu'il explique tout simplement ce que signifie le terme interopérabilité, ce qui se passe et ce qui va se passer. Le gouvernement devrait le permettre parce que c'est le meilleur moyen de dissiper les idées fausses. Ainsi, lorsque je parle de surveillance politique, j'entends la gamme complète de choses, de manière à savoir ce qui se passe.

    Le président et le premier ministre disposent tous les deux du pouvoir de déployer, sans avoir recours aux législatures. Le Congrès des États-Unis peut mettre fin au déploiement en coupant tout simplement les fonds, mais c'est peu probable.

    Lorsque le gouvernement prend la décision de déployer des troupes, il devrait transmettre aux membres de ce comité ou au Parlement, en général, les documents d'information qui permettront de répondre aux questions des commettants et de savoir exactement ce qui se passe en termes de sécurité, avec autant de préavis que le gouvernement peut donner.

    Nous n'avons pas l'habitude d'informer. Je sais que de nombreux Canadiens croient que ce n'est pas la même chose aux États-Unis, mais quand Reagan est entré en Grenade, il avait prévenu le Congrès; il n'avait pas demandé sa permission. À l'occasion, nous exagérons les pouvoirs de Congrès des États-Unis par rapport au président.

    Comme je l'ai déjà expliqué ici, il est vrai que le Congrès dispose de pouvoirs très étendus. Il est également vrai que le président est toujours le premier responsable des questions militaires. Je voudrais simplement avoir plus de renseignements sur ces dernières. Ce que je voulais dire, c'est qu'il y avait surveillance par le cabinet. Vous devez être au courant des dispositions que prend la marine et quelles sont leurs règles d'engagement si quelque chose devait arriver.

    Stratégie 2020 l'a établi très clairement. Ce qu'ils allaient faire était très clair. Le Parlement devrait être tenu au courant de ces opérations de façon permanente. C'est dans l'intérêt des forces armées, d'avoir des champions au Parlement qui comprennent et expliquent ce qui se passe.

º  +-(1650)  

+-

    Mme Cheryl Gallant: Merci.

    Mon collègue s'informait à propos d'un livre blanc, mais vous avez dit qu'il était préférable d'établir une liste détaillée des priorités en termes de matériel. Seriez-vous en train de dire qu'en réalité notre politique étrangère est définie par nos ressources?

+-

    M. Joel Sokolsky: Bien, non. Ce que nous pouvons faire en matière de défense est défini par notre matériel. C'est la même chose pour tout le monde. Nous ne sommes pas le seul pays dans ce cas. De nombreux pays ont une politique définie par la stratégie—ce qui peut être fait. Cela est beaucoup plus difficile dans notre cas parce la définition d'une politique personnalisée de défense, qui satisfait à une politique de sécurité qui est à risque à travers le monde, est infinie. Vous pouvez poser la question, mais où est-ce que la sécurité canadienne est à risque? Était-ce au Rwanda? En Haïti? En Bosnie?

    Je préconise d'admettre le fait que le gouvernement utilisera, à de nombreuses occasions, les forces armées pour appuyer sa politique extérieure. Admettre le fait que la grande priorité est l'Amérique du Nord. Quel matériel pouvons-nous acheter pour nous octroyer la souplesse maximale nécessaire aux missions que nous entreprendrons probablement? C'est pour cette raison que la marine est utile. On a besoin d'une marine ici et là. Elle n'est pas très utile pour poursuivre des gens dans les cavernes d'Afghanistan, mais peut-être que quelqu'un d'autre pourrait s'en charger.

    Par exemple, devrions-nous rééquiper nos blindés de chars lourds? Les Léopards ne dureront pas longtemps. Ils sont répandus à travers le Canada. Nous ne pouvons pas les envoyer là-bas. Devrions-nous acheter quelque chose pour les y emmener? Quelle est la probabilité d'une guerre blindée majeure? Je dirais moins probable que d'être capables d'utiliser le Coyote. Voilà une décision. Est-ce- que nous rééquipons encore une fois les Léopards? Achetons-nous du transport aérien pour les déplacement à l'étranger ou nous décidons de nous retirer de la guerre blindée intensive parce que nous ne pouvons pas nous y livrer? Non seulement nous ne pouvons pas le faire, nous ne pensons pas que ce soit un scénario probable. Ce sont là les vraies questions, plutôt que de débattre de la question de savoir si nous devrions avoir des capacités mondiales de combat.

    Nous sommes actifs à travers le monde. Le point que vous avez soulevé au début, dont j'ai parlé dans le document, est que nous choisissons de nous-mêmes, à titre de pays souverain, de nous engager planétairement. C'est là le fondement par lequel... Nous pourrions choisir plusieurs choses: nous pouvons décider de nous charger de l'hémisphère occidental ou seulement de l'Amérique du Nord. Mais les Canadiens exigent une politique mondiale.

    Dans les circonstances internationales actuelles, si nous ne souhaitons pas nous rendre à l'étranger pour y être très actifs, cela signifie souvent qu'il faut traiter avec les États-Unis au plan militaire. C'est la réalité. Mais ils n'exigent pas de nous l'acquisition de l'éventail complet d'armement. S'ils demandent des Coyotes, c'est parce qu'ils ne les ont pas. Ils achètent des LAV III parce que durant les années 80 et au début des années 90, l'armée américaine a mis l'accent sur les blindés lourds, pas ceux que nous avions. Ce sont là de vraies questions de défense. J'ignore l'état du monde dans vingt ans. Mais d'un point de vue qui ne relève pas de la science politique, je dirais que quelques Coyotes de plus ne feraient pas de mal.

º  -(1655)  

+-

    Le vice-président (M. David Price): Merci, professeur.

    Monsieur Bagnell, dernière question.

+-

    M. John O'Reilly: Je laisse la parole à mon grand-père qui voudrait poser une question.

+-

    M. Larry Bagnell: Merci, fils.

    Ma question portait sur la stratégie des États-Unis et du Canada qui vise l'interopérabilité entre eux. Celle-ci est intense dans certains cas, mais si on prend le cas des F-18, les États-Unis voudraient qu'on en ait et qu'ils soient interopérables avec les leurs, lors de la compétition Guillaume Tell, qui est supposé être la vitrine de la supériorité américaine, en fait le Canada l'a remportée. Le titre de Top Gun a été remporté par un Canadien pure laine. Il est de mon comté, il a été formé à Cold Lake, Alberta, et a appris les langues au Québec—un Canadien pure laine. Mais ils n'ont plus réorganisé cette compétition depuis, parce qu'ils savent que nous les battrons encore. Je me demande des fois s'ils ne tiennent pas compte de ce facteur dans leurs politiques. Ils nous veulent bons, mais pas meilleurs qu'eux.

+-

    M. Joel Sokolsky: Je ne sais pas si ça les inquiète... peut-être l'aviation. Je crois qu'ils veulent que nous soyons bons. Ils ne veulent pas qu'on s'imagine que nous sommes meilleurs qu'eux. Je ne sais pas. Je crois que ça leur ferait plaisir de voir plus de Top Guns canadiens. Ils seraient probablement heureux de voir plus d'avions canadiens pour le faire. La qualité des officiers que nous dépêchons est grandement appréciée—plus que dans certaines régions du Canada.

+-

    M. John O'Reilly: Vous avez encore du temps, Larry. Non? D'accord.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Nous allons le reporter puisque le professeur a un train à prendre.

    Je voudrais vous remercier d'être venu, professeur. Tout cela a été très édifiant. Et rassurez-vous, le rapport n'est pas encore fermé.

    M. Joel Sokolsky: Ça va.

    Le vice-président (M. David Price): Le secrétaire parlementaire semble se préoccuper de la chose.

+-

    M. Joel Sokolsky: Ça va. Merci beaucoup. Si vous voulez venir rendre visite au Collège, faites-le-moi savoir.

-

    Le vice-président (M. David Price): Merci.

    La séance est levée.