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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 31 janvier 1994

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE SYSTÈME DE SÉCURITÉ SOCIALE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 609
    Motion 609M. Bouchard 613
    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 620
    M. Lavigne (Beauharnois-Salaberry) 621
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 622
    Mme Blondin-Andrew 622
    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 625
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 626
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 629

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE COMMERCE DE DÉTAIL

LE DÉCÈS DE M. MERV LAHN

LE MAINTIEN DE LA PAIX

LA SÉCURITÉ AÉRIENNE

LES TAXES SUR LE TABAC

LE CLUB LIONS DE MOUNT ALBERT ET DU DISTRICT

LE RÉGIME D'ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ

L'AUTONOMIE PALESTINIENNE

LE PRIX DE L'ESSENCE

L'ÉTHANOL

LA BIOTECHNOLOGIE AGRICOLE

LES PROGRAMMES SOCIAUX

LE FORUM NATIONAL SUR LA SANTÉ

L'IMMIGRATION

    M. O'Brien (London-Middlesex) 636

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

LA SÉCURITÉ SOCIALE

    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 637

LE BUREAU DE RÉGIE INTERNE

QUESTIONS ORALES

LA FISCALITÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 637
    M. Martin (LaSalle-Émard) 638
    M. Martin (LaSalle-Émard) 638

LES PROGRAMMES SOCIAUX

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 638
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 638
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 639
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 639
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 639

LES CONFÉRENCES PRÉBUDGÉTAIRES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 640
    M. Martin (LaSalle-Émard) 640

LES AFFAIRES INDIENNES

LES PROGRAMMES SOCIAUX

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 641
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 641

LA CRÉATION D'EMPLOIS

L'IMMIGRATION

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

    M. Martin (LaSalle-Émard) 642
    M. Martin (LaSalle-Émard) 642

LA FISCALITÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 643
    M. Martin (LaSalle-Émard) 643

LES DÉPUTÉS

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 643
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 643

LA PETITE ENTREPRISE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 644

LE SERVICE POSTAL

LES CONFLITS DE TRAVAIL

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 645
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 645

LE PROGRAMME DE CONTESTATION JUDICIAIRE

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

AFFAIRES COURANTES

LES VOIES ET MOYENS

AVIS DE MOTION

LE TARIF DES DOUANES

    Projet de loi C-5. Adoption des motions portantprésentation et deuxième lecture 645

LOI SUR LE RÉEXAMEN DU SERVICE POSTAL

    Projet de loi C-203. Adoption des motions portantprésentation et deuxième lecture 646

PÉTITIONS

LES CARTES DES TUEURS EN SÉRIE

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE SYSTÈME DE SÉCURITÉ SOCIALE

    Reprise de l'étude de la motion 646
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 650
    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 653
    M. Leroux (Shefford) 655
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 659
    M. Bernier (Gaspé) 663
    M. Hill (Prince George-Peace River) 664
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 665
    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 670

MOTION D'AJOURNEMENT

LE REVENU NATIONAL

LE TRANSPORT DU GRAIN

L'AGRICULTURE

LA CRÉATION D'EMPLOI

    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 674

609


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 31 janvier 1994


La séance est ouverte à 11 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LE SYSTÈME DE SÉCURITÉ SOCIALE

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien) propose:

Que le Comité permanent du perfectionnement des ressources humaines soit chargé de procéder à de vastes consultations, de réaliser des analyses et de formuler des recommandations concernant la modernisation et la restructuration du système de sécurité sociale du Canada, en apportant une attention particulière aux besoins des familles avec enfants, des jeunes et des adultes en âge de travailler.
Que le travail du Comité permanent soit réalisé en deux étapes; (i) la présentation, au plus tard le 25 mars 1994, d'un rapport intérimaire sur les préoccupations et les priorités des Canadiens concernant la sécurité sociale et la formation, et les préparatifs pour la réception du Plan d'action du gouvernement et des changements proposés; (ii) la présentation d'un rapport final au plus tard le 30 septembre 1994, comprenant un examen du Plan d'action du gouvernement et des recommandations de réforme.
(1105)

-Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour présenter une motion très importante. Permettez-moi tout d'abord d'exprimer ma reconnaissance envers le sous-ministre de mon ministère et son personnel. Ils ont travaillé avec acharnement et très rapidement au cours des deux ou trois derniers mois en vue de préparer le travail de base de cette proposition.

J'aimerais aussi remercier le personnel de mon propre bureau, mes collègues du Cabinet, particulièrement la ministre d'État à la Formation et à la Jeunesse et le leader du Sénat qui est responsable de l'alphabétisation, de même que les membres du cabinet du premier ministre qui ont collaboré étroitement avec nous afin d'élaborer le mandat.

Je voudrais enfin remercier plusieurs de mes collègues du caucus qui, durant les récentes semaines de discussion, m'ont présenté un certain nombre d'idées et de propositions que nous espérons pouvoir mettre à profit dans le cadre de cette entreprise cruciale de grande envergure.

En présentant cette motion, je voudrais en premier lieu lancer une invitation aux Canadiens, une invitation à participer à une vaste réforme des structures de la sécurité sociale, du marché du travail et de l'apprentissage au Canada.

[Français]

Je demande aux députés de cette Chambre et à tous les Canadiens de travailler avec mon gouvernement pour développer un plan d'action pour le renouveau de notre filet de sécurité sociale. Nos programmes sociaux coûtent des milliards de dollars et touchent, d'une façon ou d'une autre, tous les Canadiens.

[Traduction]

Je demande aux députés de cette Chambre, à nos collègues du Sénat, à nos homologues des gouvernements provinciaux et territoriaux, aux membres du milieu des affaires et du milieu syndical, aux représentants communautaires et à tous les Canadiens et Canadiennes de recommencer à neuf, de renoncer aux vieilles idées, de mettre de côté leurs intérêts personnels et les différences régionales et de commencer à réfléchir collectivement au nouvel ensemble de règles de base que nous devons nous donner pour rétablir la justice, l'espoir et la confiance en l'avenir au Canada.

Je fais cette demande en sachant que, au cours des ans, plusieurs générations de Canadiens ont connu de grandes réussites en matière d'élaboration de politiques sociales importantes et essentielles pour notre pays. L'une des caractéristiques du Canada est justement le fait que nous avons tenté de mettre en oeuvre des programmes inspirés de compassion, de tolérance et de partage. Nous avons les pensions de retraite pour les aînés, l'assurance-chômage, les allocations familiales, la réadaptation professionnelle et divers programmes de santé. Chaque génération a élaboré, à sa façon, un mécanisme particulier pour régler les problèmes de son époque. Dans plusieurs cas, ces mécanismes ont donné d'excellents résultats qui ont contribué largement à constituer le filet de sécurité dont profitent aujourd'hui les Canadiens.

Il est clair aussi que la société change chez nous et ailleurs à un rythme tel que bon nombre de ces programmes sont maintenant dépassés. Ils ne sont plus aussi efficaces, solides ou capables de réagir aux situations qu'ils ne l'étaient auparavant. C'est pourquoi nous devons changer notre façon de penser et élaborer de nouveaux programmes.

Le processus a déjà été amorcé en octobre dernier alors que les Canadiens nous ont fait savoir par une écrasante majorité qu'ils voulaient un changement. Les Canadiens et Canadiennes ont donné au premier ministre et à son équipe le mandat de se servir


610

des outils dont ils disposent comme gouvernement pour remettre les gens au travail, pour influencer de façon constructive et positive leur vie. Trêve de passivité, d'indifférence et de faux-fuyants. Ils souhaitaient que le gouvernement fasse preuve d'initiative, établisse des orientations claires et commence à stimuler la création d'emplois au Canada.

(1110)

Le message était clair. C'est le manque d'emplois qui les préoccupait, et ils voulaient de l'action. Notre gouvernement a pris un certain nombre de mesures importantes qui lui permettent d'aborder de façon méthodique la question de l'emploi. Il ne s'agit pas de prendre une série d'initiatives ponctuelles, mais bien de s'attaquer au problème de façon méthodique en adoptant des mesures qui cadrent bien les unes avec les autres. Plusieurs ministères ont été mis à contribution et leurs politiques visent dans tous les cas à redonner du travail aux Canadiens.

Nous avons lancé le programme d'infrastructure, mis en branle de nouvelles mesures d'encouragement pour les petites entreprises, lancé de nouveaux programmes en matière de technologie, jeté les bases d'un programme d'apprentissage national et créé le Service jeunesse.

Nous sommes en train de revoir le processus fiscal et budgétaire et à cet égard, le ministre des Finances consulte les Canadiens dans tout le pays afin de mieux préparer son budget.

[Français]

Mais que ce soit à la période des questions ou dans les réponses au discours du Trône, j'ai remarqué que les députés des deux côtés de la Chambre partagent les mêmes préoccupations relativement au chômage, à l'avenir des Canadiens, et de certains programmes de formation. Nous partageons le même souci pour tous les Canadiens sans emploi.

[Traduction]

L'heure est venue de répondre concrètement à cette préoccupation, de commencer à relever le défi auquel nous sommes confrontés et de refaire de l'emploi une question prioritaire pour le Parlement et notre gouvernement. Cela exigera une restructuration des systèmes en place.

Nous demandons à la Chambre et à tous les Canadiens d'envisager de nouvelles façons d'administrer le régime d'assurance-chômage, les programmes de formation et d'emploi, les régimes d'aide sociale et de sécurité du revenu, ainsi que les programmes d'aide à l'éducation et d'apprentissage. Il faut également s'attaquer aux pratiques et règles régissant le travail dont les effets se font sentir en milieu de travail, aux taxes et cotisations qui ont des incidences sur la création d'emploi, ainsi qu'à la gestion de programmes au gouvernement et entre les divers gouvernements et trouver de meilleurs mécanismes de prestation des services.

[Français]

Tous les programmes-assurance-chômage, formation, emploi, réglementation du marché du travail, les taxes, la gestion et l'administration des programmes-seront étudiés.

[Traduction]

Cet exercice radical d'examen et de restructuration ne vise pas à tout démolir, mais à renouveler et à revitaliser le système, pour le rendre meilleur. Le Canada a besoin d'un filet de sécurité sociale qui établit des liens significatifs entre différents programmes, qui intègre, regroupe et fusionne les ressources et les énergies des gens dans le cadre d'une nouvelle synergie afin de parvenir à certains résultats. Il faut que le système récompense mieux l'effort et le rendement et encourage les gens à travailler. Notre restructuration est basée sur la compassion et nous entendons ainsi améliorer le système et non pas le réduire. Nous devons nous assurer que le système continue d'offrir une sécurité de base à tous les gens dans le besoin.

Il y en a qui disent, notamment dans cette enceinte, de temps à autre, que l'objectif visé est simplement de réduire les coûts. Ils se trompent. Il s'agit de déterminer ce qui fonctionne vraiment afin de donner aux gens la possibilité de travailler. C'est là l'objet de cette restructuration.

L'important, c'est de savoir si les députés sont prêts à reconnaître que nous sommes confrontés à de nouvelles réalités. Sommes-nous prêts à affronter les nouvelles réalités ou allons-nous nous accrocher à des idées et notions désuètes par pur opportunisme politique?

(1115)

La réforme proposée donnera aux Canadiens l'occasion de voir si le Parlement est vraiment efficace. Le Parlement est-il le moteur du changement, le lieu du véritable dialogue, l'endroit où les Canadiens pourront commencer à voir l'annonce de changements dans ce pays? Ou ce Parlement va-t-il demeurer le lieu des discours éculés faits de vieilles idées et d'arguments dépassés qui ne correspondent plus aux besoins des Canadiens?

Les opposants au changement s'en tiendront à leur discours démagogique pour faire valoir que le changement n'est pas nécessaire et qu'il est préférable de préserver le système tel qu'il est. Je leur réponds que le chômage persiste à un niveau élevé depuis plus de dix ans, et qu'indépendamment des cycles de l'économie, nous faisons face à un chômage structurel profond qu'il faut déraciner.

Les Canadiens demeurent en chômage pendant plus longtemps. Dans le passé, un Canadien sur six se prévalait de l'assurance-chômage; la proportion est maintenant d'un sur trois. Le système ne fonctionne plus, et ceux qui prétendent le contraire portent des oeillères.

Les niveaux d'alphabétisation au Canada sont inacceptables. On compte près d'un million de Canadiens qui ne savent pas lire ou écrire. N'est-ce pas là une raison suffisante pour envisager des changements en profondeur?

Trop d'enfants vivent dans la pauvreté; 1,1 million de Canadiens de moins de 12 ans vivent en-deçà du seuil de la pauvreté. Dans un rapport publié par l'UNICEF, les Nations Unies ont reproché au Canada, à notre grande honte, de ne pas faire suffisamment pour les enfants. Peut-on, dans ces circonstances, défendre le système actuel? Non. Nous devons plutôt employer nos meilleures énergies, ressources et idées à trouver une façon d'éduquer et de nourrir nos enfants, leur assurer une meilleure place et un meilleur départ dans la vie.

Une génération complète de jeunes ne parvient pas à se trouver des emplois intéressants et a de plus en plus de difficulté à réussir la transition entre l'école et le marché du travail. Le taux de chômage se situe à près de 18 p. 100 chez les jeunes de 18 à 25 ans.


611

À l'occasion des consultations qui se sont déroulées sous la direction du ministre des Finances, j'ai trouvé intéressant de réfléchir à ce qu'on appelle le problème de la génération X. Il ne s'agit plus ici de l'ancienne opposition entre la gauche et la droite, l'entreprise et les travailleurs, les riches ou les pauvres. Ces millions de jeunes nous disent maintenant que nous avons nos programmes de sécurité sociale, nos pensions, tout ce dont nous avons besoin pour nous assurer une certaine sécurité, mais qu'eux n'ont rien. Ils en ont assez du travail à temps partiel. Ils en ont assez de se faire dire que leur éducation ne compte plus, et ils commencent maintenant à nous dire que si le gouvernement doit investir, c'est dans les jeunes, dans l'avenir, dans les ressources humaines qu'il doit le faire.

Le Canada est de plus en plus divisé en deux blocs: ceux qui ont un emploi intéressant, sûr et bien rémunéré, et ceux qui occupent des emplois précaires et mal payés. Si je puis me permettre d'employer l'analogie suivante, c'est comme si notre société comptait un groupe de personnes qui conduisent de longues limousines aux fenêtres teintées et ignorent les sans-abri autour d'eux. Le temps est venu d'arrêter cette voiture, d'en ouvrir les portes et de permettre à tous les Canadiens, pas simplement à un groupe, d'y monter pour aller de l'avant et se lancer vers l'avenir. C'est justement le but de la réforme.

Nous devons investir dans les ressources humaines afin de créer l'espoir et non pas la dépendance. Nous devons prendre conscience du fait que cet investissement dans les ressources humaines est la clé du renouveau économique et social. Il y en a qui conçoivent la politique en catégories et qui disent: «Cette question concerne l'économie, celle-là est de nature sociale; les coeurs tendres peuvent toujours se préoccuper d'un aspect, les réalistes durs de l'autre.» Ce n'est pas le genre de monde dans lequel nous vivons.

On me permettra de faire référence encore une fois aux idées qui sont sorties des consultations qu'a tenues le ministre des Finances. Combien de fois avons-nous entendu, à chacune de ces rencontres, qu'il faut mettre à profit les compétences de tous et chacun si nous voulons être productifs, concurrentiels et capables de relever les défis mondiaux. Nous devons mettre en valeur nos plus grands talents, utiliser nos cerveaux à bon escient. Nous devons faire en sorte que, dans un pays de 27 millions d'habitants, nous n'en laissions pas une partie à l'écart. Nous avons besoin que tous les Canadiens fassent de leur mieux, et c'est au gouvernement fédéral de créer un contexte dans lequel ce sera possible de le faire.

(1120)

C'est pourquoi nous devons faire des changements, et pas des changements à la pièce, pas des changements particuliers à chaque cas qui ne visent qu'à adapter les programmes existants. Les changements doivent porter sur l'ensemble du système, car les programmes sont liés entre eux; ils fonctionnent en synergie. Il est grandement temps que nous cherchions un moyen d'organiser ces programmes de telle façon qu'ils répondent aux problèmes que connaît le Canada aujourd'hui.

Permettez-moi d'énoncer les deux séries d'objectifs que nous poursuivons relativement au plan d'action. Tout d'abord, il est clair que nous devons apporter des solutions aux problèmes auxquels nous faisons face actuellement, soit la persistance d'un chômage structurel élevé, même en période de croissance économique; l'effet sur le marché du travail et sur les systèmes de formation de l'évolution toujours plus rapide de la technologie; les taux beaucoup trop élevés de décrochage scolaire et d'analphabétisme ainsi que l'ampleur inacceptable des pénuries de main-d'oeuvre qualifiée; le potentiel non exploité d'une génération de jeunes sans avenir qui voit les débouchés décroître; une propension, dans le secteur privé, à réduire les effectifs et à éliminer des emplois au lieu de régler les problèmes en utilisant au mieux le talent des travailleurs et en créant de nouveaux postes.

[Français]

Il y a aussi la pauvreté, particulièrement chez les enfants, le manque de formation et de travail chez les jeunes, les tensions entre les nouvelles structures familiales et les demandes du travail, la duplication des programmes gouvernementaux et la capacité financière limitée des gouvernements.

[Traduction]

Nous qui siégeons dans cette enceinte, nous allons écouter les Canadiens au cours des prochaines semaines. Nous allons leur demander de nous aider à cerner les grandes questions et à fixer les priorités.

La première partie de notre plan consiste à ouvrir notre esprit et notre coeur et à écouter ce que les gens nous demandent. Cette période durera entre six semaines et deux mois. Ensemble, nous ferons connaître toute la portée de ce programme et nous énoncerons les objectifs que les Canadiens doivent atteindre.

La deuxième étape du plan d'action consiste à proposer des objectifs de changement clairs. Je ne peux vous en faire une énumération complète, mais je vais quand même mentionner ceux que je crois les plus importants: répondre aux besoins fondamentaux du marché du travail en matière d'assurance et d'adaptation; restructurer des éléments du Programme d'assurance-chômage et du Régime d'assistance publique du Canada en vue de créer une nouvelle forme d'assurance-emploi; aider les gens à faire la transition décisive entre l'école et le travail au moyen de nombreuses possibilités de formation, d'apprentissage, de service communautaire et de travail; améliorer l'aide en matière d'apprentissage et de formation tout au long de la vie; augmenter les mesures prises dans le domaine de l'aide pour les enfants et des garderies; redéfinir la répartition du travail et les règles applicables en milieu de travail; assurer aux personnes handicapées la possibilité d'atteindre les objectifs d'égalité, d'autonomie et de pleine participation; chercher à établir un meilleur équilibre entre les mesures visant à encourager la création d'emplois et celles qui se rapportent aux charges sociales; assurer un minimum de sécurité aux personnes dans le besoin; redéfinir les responsabilités respectives des gouvernements et renforcer les ententes de coopération en vue d'obtenir de meilleurs ratios coûts-efficacité; définir des façons plus intelligentes d'assurer la prestation des services et d'éviter les chevauchements.

Cette énumération n'est pas complète. Les Canadiens auront l'occasion de nous dire ce qu'ils pensent de ces propositions; de faire connaître leurs propres idées et de nous faire adopter de nouvelles notions et de nouvelles orientations.

[Français]

Les Canadiens, les gouvernements provinciaux et tous les groupes intéressés auront la possibilité de proposer des changements.


612

[Traduction]

On tiendra de nombreuses consultations publiques et d'amples discussions avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Cette étape devrait être terminée d'ici le début de l'automne. Nous préparerons alors les mesures législatives qui permettront la mise en place d'un nouveau régime d'assurance-emploi et de sécurité sociale, au Canada.

(1125)

J'annonce que nous allons, pour ce faire, procéder de la façon suivante: je dépose aujourd'hui une motion demandant à la Chambre de confier au comité permanent du développement des ressources humaines, qui sera bientôt constitué, la tâche d'entreprendre un examen en deux étapes de la réforme proposée.

Pendant la première étape, qui s'étendra jusqu'en avril, les Canadiens auront la chance d'exprimer leurs opinions, leurs espoirs et leurs préoccupations à l'égard de la sécurité sociale et du marché du travail. Cela constituera une partie importante des préparatifs du plan d'action.

Lors de la seconde étape, qui commencera en avril, le gouvernement présentera son plan d'action exposant les choix et options sur lesquels le comité se penchera tout l'été, jusqu'en septembre, en recourant au dialogue avec le public, par tous les moyens possibles-la chaîne parlementaire, des conférences en fin de semaine ou tout autre moyen susceptible de faire participer les Canadiens à cet important exercice.

La troisième étape de cette initiative parlementaire prendra la forme d'un projet de loi que nous espérons soumettre à l'étude de la Chambre à l'automne.

Il y aura donc trois phases différentes pendant lesquelles ce Parlement sera pour les Canadiens le forum par l'intermédiaire duquel ils pourront participer au processus et sentir qu'ils jouent un rôle dans la restructuration du pays.

[Français]

Tous ces gouvernements sont nos partenaires. Plusieurs provinces ont déjà embarqué dans l'exercice de la réforme. Ces provinces ont manifesté un esprit de coopération. Par exemple, avant Noël, tous les premiers ministres à la réunion étaient en accord avec la réforme sociale. Nous devons combiner nos efforts de façon constructive pour que les changements au niveau fédéral soient complémentaires à ceux des provinces.

[Traduction]

Ce partenariat avec le Parlement est essentiel. C'est dans les provinces qu'est né le mouvement en faveur de la réforme sociale. Depuis plusieurs années, elles attendent que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership et présente sa vision nationale de façon à ce qu'elles puissent adapter leurs programmes et leurs demandes à leurs besoins régionaux, tout en demeurant fidèles aux normes et intérêts nationaux, s'assurant ainsi un appui certain à l'échelle nationale. Nous devons donc harmoniser nos efforts dans un esprit de collaboration et de coopération. Nous entreprendrons cet exercice à la réunion ministérielle fédérale-provinciale prévue le 14 février.

Outre ces discussions avec les provinces, nous aimerions travailler avec ces dernières à l'établissement d'ententes, d'initiatives conjointes et de projets pilotes visant à essayer de nouvelles formules en matière d'assurance-chômage et d'aide à la formation. Et ce, dans le but d'éviter le double emploi, de réaliser des économies, d'améliorer le rendement et de mettre nos idées nouvelles à l'essai.

Pour ce faire, il se peut qu'il faille demander très bientôt au Parlement de modifier la Loi sur l'assurance-chômage et la Loi sur le Régime d'assistance publique du Canada afin de donner un fondement législatif à une telle collaboration novatrice entre le fédéral et les provinces, ce que ces dernières réclament depuis deux ans.

Nous voulons également encourager des segments importants de la société à définir et à faire connaître leurs propres idées et propositions. Les gens d'affaires, les syndicats, les groupes oeuvrant en faveur de l'équité en matière d'emploi, divers organismes et les groupes sociaux et communautaires dans les secteurs privé et bénévole seront invités à participer, tout comme les organismes consultatifs que sont la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre, le Centre canadien du marché du travail et de la productivité, le Conseil national du bien-être social et la Conseil consultatif canadien sur le statut de la femme, pour n'en nommer que quelques-uns.

Nous aiderons les groupes qui, autrement, ne disposeraient pas des moyens de participer pleinement au processus. Nous mettrons à la disposition des groupes qui en auront besoin une partie de nos programmes de subventions et de contributions, leur permettant ainsi de participer pleinement à cet exercice.

En plus des étapes susmentionnées, nous entreprendrons une étude minutieuse de la répartition du travail et des règles en vigueur dans le milieu de travail, en coopération avec les syndicats et les entreprises. Nous avons déjà reçu des demandes de ces secteurs et nous allons constituer un groupe spécial pour travailler avec eux.

Il est évident qu'il y a trop peu d'emplois. Le ministre des Finances s'emploie à trouver une solution à ce problème. Toutefois, le défi ne réside pas seulement dans le nombre d'emplois, mais aussi dans leur répartition. Le travail partagé devient une question d'intérêt public qui retient le plus d'attention partout dans le monde et nous allons l'étudier en nous attaquant aux activités que je viens de mentionner.

(1130)

On a besoin d'une nouvelle définition du travail qui corresponde aux changements intervenus sur le marché du travail et dans les structures familiales.

[Français]

Je profite de l'occasion pour inviter tous les organismes et associations intéressés à participer à ce processus et à m'envoyer des mémoires, des études et des commentaires.

[Traduction]

Pour me faciliter la tâche de rassembler tous les éléments de ce processus et pour aider le gouvernement, nous constituerons un petit groupe d'étude que je présiderai et qui regroupera des Canadiens et des Canadiennes oeuvrant ou ayant oeuvré dans les domaines de la sécurité sociale et de l'emploi. Ces personnes examineront les recherches, les statistiques, les faits passés, les consultations et les divers points de vue, et s'en inspireront pour


613

formuler une série de recommandations que notre gouvernement examinera dans le but de s'en servir comme éléments de base du programme proposé. Les noms de ces personnes seront annoncés prochainement; elles seront choisies avec grand soin de façon à nous assurer d'avoir la meilleure représentation possible tant au niveau des régions que des milieux de travail.

J'admets que c'est un plan ambitieux. Personne ne sait plus que moi ce qu'il suppose au juste. Il comporte un délai serré et il nous engagera tous dans une tâche très complexe.

[Français]

Nous savons très bien que ce ne sera pas facile, mais je suis encouragé par l'intérêt manifesté par les nouveaux élus du côté gouvernemental et de l'opposition.

La réforme globale du filet de sécurité sociale est une bonne réponse aux demandes des pauvres, des démunis, et ce sont des changements essentiels pour développer un programme d'emploi pour un grand nombre de Canadiens et Canadiennes.

[Traduction]

J'espère que les députés n'ont pas peur d'apporter des changements. J'espère aussi qu'ils comprendront que les Canadiens attendent de nous un plan d'action, une nouvelle carte qui nous conduira à un monde nouveau. Ce ne sera pas facile, mais le jeu en vaut la chandelle. Cette réforme doit être faite. Les Canadiens et les Canadiennes veulent que nous la réalisions. C'est la raison d'être d'un gouvernement: exercer un leadership, mobiliser les énergies, donner des orientations et susciter une volonté commune d'améliorer notre sort collectif. C'est pour cela que nous sommes tous ici.

Si nous travaillons bien et si nous travaillons ensemble, nous pouvons contribuer grandement au renouvellement de ce pays et à donner aux Canadiens et Canadiennes le sentiment de caractère unique de notre pays, où les gens se soucient d'autrui et s'entraident. Nous avons la possibilité de nous préparer à faire face aux nouveaux défis mondiaux. Nous pouvons envisager le prochain siècle avec confiance. Notre force réside vraiment dans nos ressources humaines. C'est vers nos concitoyens que nous devons nous tourner quand nous avons besoin d'être guidés dans nos actions. Si, en tant que parlementaires, nous collaborons avec des groupes de l'extérieur, je crois fermement que nous ferons la différence, que nous saurons qui nous sommes et où nous voulons aller.

En terminant, je me permets de raconter aux députés une expérience que j'ai eue dans mes toutes premières semaines à la tête du ministère, car je crois que, dans un sens, cette expérience expliquera un peu la raison d'être de cette initiative que j'annonce aujourd'hui. J'ai été voir sur place le projet Canada au travail que le fédéral poursuit conjointement avec le Nouveau-Brunswick et qui permet surtout à des femmes seules inscrites à l'assistance sociale de parfaire leur formation en vue de réintégrer le marché du travail.

J'ai passé la journée à aller d'un atelier et d'une classe à l'autre. Assis au milieu d'un groupe dans une petite classe à Fredericton, j'ai demandé aux participantes ce que signifiait ce projet pour elles. Une femme s'est levée et a dit que, même si elle participait au programme depuis un ou deux mois à peine, elle avait déjà remarqué une grande amélioration, car elle pouvait désormais aider sa fille à faire ses devoirs. Le fait d'apprendre à lire et à écrire lui avait donné le sentiment d'entretenir une nouvelle relation avec sa fille. Elle a déclaré: «Même s'il ne m'arrivait rien d'autre, c'est une grande amélioration. Cela m'a donné une raison de continuer pour en faire plus. Un jour, je ferai réellement une contribution à ma famille, à ma collectivité et à mon pays.»

(1135)

Elle a ajouté: «Pendant que j'aidais ma fille à faire ses devoirs, elle m'a appris une maxime que j'ai écrite au tableau.» Je me suis retourné et sur le tableau, j'ai pu lire: «N'ayez jamais peur de décrocher la lune. Si vous n'y arrivez pas, vous serez quand même parmi les étoiles.»

J'invite aujourd'hui les députés à essayer de décrocher la lune.

Des voix: Bravo!

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est offerte pour remercier le ministre de tenir ce débat. Nous pouvons ne pas être d'accord sur le contenu et sur l'annonce du ministre, mais c'est un débat qui va permettre de lancer une discussion qui est bien nécessaire afin de sonder les intentions et de savoir exactement où le gouvernement va, à la lumière des véritables intérêts du Canada et du Québec.

Ainsi donc, le gouvernement va se pencher avec sollicitude sur l'ensemble des programmes sociaux. Avec l'aide de la population, il va réexaminer le filet de protection sociale.

Le discours du ministre est émaillé de protestations vertueuses, d'appels à la dignité du travail, au leadership, aux changements prometteurs, et tous ces mots admirables qu'on sait trouver dans les dictionnaires quand on veut annoncer une chose, sans dire ce qu'on va faire exactement.

À écouter le ministre, on a l'impression que ce gouvernement, se souvenant de ses traditions de justice sociale-les traditions de son parti, le Parti libéral-s'apprête à consolider l'universalité des programmes sociaux, à élargir leur accessibilité et à rassurer les chômeurs, les assistés sociaux et démunis de toutes sortes qui subissent présentement avec le plus de dureté les contrecoups de la crise économique.

Malheureusement, la vérité est tout autre, car ces beaux mots du dimanche, qui fleurissent dans la bouche du ministre, cachent une attaque sans précédent contre notre régime social.

Ces réformateurs se drapent de protestations de vertu, mais s'avancent les ciseaux à la main. Dans l'ombre du ministre du Développement des ressources humaines, se profile le ministre des Finances et le président du Conseil du Trésor. Qui peut douter


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des motifs réels qui inspirent cette rationalisation quand l'État qui l'annonce est tenaillé par la faim.

N'allons pas nous imaginer que ce gouvernement veut améliorer la qualité des services de santé. N'allons pas croire une seconde qu'il cherche à décongestionner les salles d'urgence. Ou encore qu'il souhaite abréger les délais d'attente pour les gens qui ont besoin d'un séjour à l'hôpital ou d'une intervention chirurgicale. Ne pensons surtout pas qu'il essaie d'augmenter les trop maigres pensions versées aux personnes âgées.

La menace n'est pas bénigne, puisqu'elle vient du fédéral. On sait en effet que le rôle qu'il s'est taillé dans le maintien et le financement des programmes sociaux est considérable. En profitant du manque de ressources fiscales des provinces, le gouvernement fédéral a pu occuper une grande place dans ce champ de responsabilité, si bien qu'aujourd'hui, une part importante du filet de sécurité sociale est contrôlée à Ottawa. C'est le cas notamment de l'assurance-chômage, des pensions d'invalidité, de la sécurité de la vieillesse, du supplément de revenu garanti, de l'allocation au conjoint, aux survivants et aux anciens combattants et, sauf au Québec, du Régime des pensions du Canada et des allocations familiales.

Le gouvernement d'Ottawa administre ces programmes. Il décide du niveau des prestations, des normes qui les régissent et de la qualité des bénéficiaires. Par ailleurs, une autre partie du système de sécurité sociale est dominée partiellement par le fédéral, bien que les services soient assurés par les provinces. Il s'agit principalement des paiements de péréquation, du Régime d'assistance publique du Canada, qui comprend les prestations du bien-être social et du Financement des programmes établis, qui comprend les services de santé assurés.

(1140)

Dans le cadre de ces programmes, les provinces procurent des services à la population, mais leur responsabilité est étroitement contrôlée par des normes édictées au niveau fédéral. Les deux niveaux de gouvernement en partagent les coûts.

Tous les programmes que nous venons de nommer, qu'il s'agisse des programmes fédéraux ou des programmes à frais partagés, ont en commun la participation du gouvernement fédéral. Leur poursuite dépend donc du bon vouloir d'Ottawa.

Les provinces ont continué d'exercer leur compétence dans le domaine de la santé et des services sociaux, mais cette compétence n'était désormais plus exclusive. Le soutien aux accidentés du travail, les foyers pour personnes âgées et les soins dentaires pour les enfants sont autant d'exemples de services sociaux de première nécessité qui sont offerts au palier provincial.

Le Québec a été le pionnier dans plusieurs domaines et il fournit encore aujourd'hui nombre de services qu'on ne retrouve pas ailleurs, comme les allocations de maternité et les allocations à la naissance. Le Québec a aussi été à l'avant-garde de la protection de ses prérogatives contre l'envahissement fédéral en établissant son propre régime de pensions, son propre régime de fonds de retraite et ses propres allocations familiales.

Pour plusieurs, cette protection sociale est l'essence même de notre système de valeurs, tant au Québec qu'au Canada. N'oublions pas que l'établissement des pensions de vieillesse remonte à 1927. Il y aura tout juste 50 ans cette année que l'État fédéral a commencé à se préoccuper du sort des démunis avec sa loi sur les allocations familiales. Triste célébration de ce cinquantenaire que nous réserve la réforme de cette année. À partir de 1944, le filet de sécurité s'est progressivement étendu aux aveugles, aux invalides, puis aux chômeurs.

Avec chaque avancée du fédéral, les provinces se retrouvaient avec moins d'espace pour agir sur les problèmes sociaux. En effet, pour financer les programmes, dits «nationaux» d'Ottawa, il fallait une importante ponction fiscale, et ce sont les mêmes contribuables que les provinces auraient voulu solliciter. Les provinces étaient sous-financées et n'arrivaient plus à faire face aux responsabilités qu'entraînait le babyboom. En d'autres termes, en envahissant les champs de taxation, le gouvernement fédéral a mis les provinces dans une position de vulnérabilité. Et quand Ottawa a offert aux provinces de mettre sur pied des programmes sociaux particiellement financés et contrôlés par le fédéral, les partenaires provinciaux ont dû dire oui. Ces programmes conjoints comprennent l'assurance-hospitalisation, en 1958, le Régime d'assurance public, en 1966, et l'assurance-maladie, en 1968.

Cette percée d'Ottawa n'a pas été sans provoquer la résistance du Québec. Aux conférences fédérales-provinciales qui ont ponctué les décennies des années 1960 et 1970, les différents gouvernements québécois ont demandé à ce que les provinces, et non le fédéral, exercent leur compétence dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Jean Lesage disait, en 1965, et je cite: «Que les provinces, mieux que le gouvernement fédéral, peuvent exercer une action durable et efficace». Daniel Johnson, père, et Jean-Jacques Bertrand ont répété inlassablement que la sécurité sociale et la santé relevaient des provinces. Même Robert Bourassa a réclamé que le gouvernement fédéral mette fin aux programmes conjoints d'assurance-hospitalisation et d'assurance-santé pour les remplacer par les subventions inconditionnelles.

Mais comme d'habitude, le Québec était isolé. Une seule fois a-t-il pu prendre de court le gouvernement fédéral en établissant son propre régime de pensions, le Régime des rentes du Québec, pierre angulaire de la révolution tranquille. Si bien que malgré la résistance acharnée du Québec, les provinces ont perdu du terrain au profit du gouvernement fédéral. Aujourd'hui, celui-ci perçoit les impôts, édicte les normes. Et maintenant qu'il s'apprête à diminuer les paiements de transfert aux provinces, il veut continuer de contrôler les programmes, tout en gardant l'argent perçu auprès des contribuables.

L'objectif de l'opération saute aux yeux: en touchant aux paiements de transfert, le gouvernement fédéral veut financer sa dette à même l'argent qu'il alloue présentement aux services sociaux. Alors, qu'est-ce qui va se passer? Ou bien les provinces couperont les services, ou bien elles devront surtaxer les contribuables. Dans les deux cas, elles porteront l'odieux de la situa-


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tion et le gouvernement fédéral pourra pieusement s'en laver les mains.

En somme, la sécurité économique qu'apporte notre filet de sécurité sociale fait l'envie de millions de personnes qui n'ont pas la chance de jouir d'une protection contre les aléas du destin. C'est sans doute une des raisons qui expliquent pourquoi le Canada et le Québec obtiennent conjointement une si bonne cote parmi les pays où il fait le mieux vivre. Les Canadiens et les Québécois sont heureux et fiers de cette affirmation des valeurs de justice sociale, et avec les années, un consensus s'est développé autour de cette réussite de civilisation.

[Traduction]

(1145)

Nous savons que les valeurs sociales constituent l'un des symboles du Canada et du Québec. Il se trouve que nous sommes des souverainistes. Nous l'avons déjà dit. Nous le répéterons encore et encore à la Chambre, mais nous ne croyons pas que tout a été un échec au Canada et au Québec.

Nous ne sommes pas naïfs et extrémistes au point de croire que tout ce qui a été fait depuis plus d'un siècle ne mène à rien et ne vaut rien. Nous ne croyons pas que tout repose sur la mauvaise foi. Nous croyons qu'il y a eu des réussites. Beaucoup de gens ont cru pendant un certain temps qu'il y en aurait davantage.

L'une de ces réussites, ce sont les programmes sociaux. Il n'y a qu'à voir les réactions que cela suscite lorsqu'on essaie d'y toucher. Le ministre le sait probablement mieux que la plupart d'entre nous, car il est attaché aux programmes sociaux et je le sais.

Nous savons qu'il s'agit là d'une affaire très délicate. Nous savons tous que les politiciens sont de beaux parleurs. Nous avons entendu employer des expressions très fortes sur l'importance des programmes sociaux. Des expressions comme «dépôt sacré» ont été utilisées et personne n'a ri. Il s'agit de quelque chose qui est profondément enraciné dans les traditions, la mentalité et les valeurs du Canada et du Québec.

J'ai bien écouté l'allocution du ministre. Bien sûr, elle était émaillée de beaux mots, des mots comme «autorité», «changement», «jours meilleurs» ou de quelque chose du genre «en vue de relancer la machine». On a employé toutes sortes d'expressions que nous employons tous lorsque nous voulons faire croire aux gens que ce que nous allons faire est pour leur bien.

Quand on connaît la situation du gouvernement et de l'État fédéral, lorsqu'on sait que nous sommes collectivement au bord de la faillite, comment croire qu'il ne s'agit pas là d'une manoeuvre budgétaire? Qui croira qu'il en résultera un meilleur système de sécurité, un meilleur régime de soins de santé? Qui va croire cela? Personne, à mon avis, et certes pas l'opposition officielle.

Nous avons déjà entendu des discours de ce genre à la Chambre. L'an dernier, par exemple, nous étions quelques-uns à entendre ici les belles paroles des conservateurs. Ils ont employé des expressions de ce genre lorsqu'ils ont présenté le projet de loi C-113. Je le regrette, mais ils disaient la même chose. Les ministres conservateurs aussi ont parlé l'an dernier de «construire un Canada nouveau», de «relancer l'économie», de «redonner confiance dans nos institutions», de «redonner du travail aux Canadiens». Nous avons entendu cela tellement souvent. Le ministre lui-même n'a pas donné foi à ces paroles. Le ministre lui-même n'a pas été dupe. Comme nous, il a voté contre le projet de loi.

Voici où nous en sommes aujourd'hui. Maintenant qu'il est passé de l'autre côté de la Chambre, le ministre emploie les mêmes paroles. Il est à craindre, je crois, qu'il ne se prépare à faire exactement la même chose que les gens qu'il dénonçait l'an dernier avec beaucoup de véhémence.

[Français]

On dit déjà en certains milieux que le gouvernement fédéral n'a pas le choix, que la situation désastreuse de ses finances l'oblige à diminuer l'effort qu'il fait dans le financement des programmes sociaux, mais on oublie de dire que ces coupures ont déjà eu lieu. En fait, depuis 15 ans, le fédéral n'a pas cessé de réduire ses contributions relatives au financement de ses programmes.

En 1977-1978, 45 p. 100 du total des dépenses de santé, au Québec-je prends l'exemple du Québec, mais je suis convaincu que c'est à peu près la même chose partout-provenaient des transferts fédéraux. Aujourd'hui, les dépenses de santé représentent près de 12 milliards de dollars-beaucoup d'argent, bien sûr-mais ce n'est plus que 33 p. 100 qui provient d'Ottawa, dans la part relative de la contribution d'Ottawa au budget de santé du Québec. Donc, on est passé, en 15 ans, de 45 p. 100 à 33 p. 100. C'est une diminution, ça, monsieur le Président. Une diminution extrêmement considérable et je pense, quand il s'agit de déterminer qui doit payer pour les frais de santé, qui doit supporter l'effort fiscal, l'effort de réductions budgétaires qu'il faut consentir pour redresser les finances publiques, qu'il faut regarder ailleurs.

(1150)

Les besoins de la population québécoise et de la population canadienne n'ont pas diminué en termes de santé. Ce n'est pas parce que qu'on va réduire les programmes sociaux, qu'on va les refaçonner-employez les mots que vous voudrez, restructurer, reconstruire, redéfinir, moderniser-enfin, tout ce qu'on peut employer en termes de vocabulaire, ce n'est pas parce qu'on va faire cela, qu'on va diminuer les besoins de santé. Ils sont là les besoins de santé, on ne va pas les réduire.

Nous avons atteint un niveau d'excellence, enfin tout est relatif, mais un niveau de grande excellence médicale et hospitalière. On ne va pas habituer les gens tout à coup à recevoir moins en terme de santé.

Le gouvernement du Québec, pour sa part, consacre chaque année environ 31 p. 100 de son budget aux dépenses de santé et de


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services sociaux. Pour maintenir la qualité de ses services, il a dû pallier le retrait du fédéral par des dépenses supplémentaires en réduisant ses opérations ailleurs, une étape que n'a pas encore franchie la gestion fédérale.

L'an dernier, au seul titre de la santé et des services sociaux, au Québec seulement, le manque à gagner, du fait des réductions du fédéral, était de 1,121 milliard de dollars au Québec. Donc, c'est l'année où plus de 1,7 milliard a été gelé par le gouvernement fédéral, si bien que la part des revenus du gouvernement du Québec provenant des transferts du fédéral a chuté de 29 à 18 p. 100 entre 1984 et 1993 au titre des services de santé.

Le système de transferts fédéraux est donc un piège qui s'est lentement refermé sur les provinces canadiennes. Aujourd'hui, parce qu'il est aux prises avec un déficit chronique, le fédéral cherche à refiler la facture du système aux provinces. Cependant, il se garde bien de remettre aux provinces l'argent qui servait à financer ces programmes, ou de réduire ses taxes et ses impôts pour dégager l'assiette fiscale au bénéfice des provinces. Il a donc choisi de s'attaquer aux démunis, sur le dos des provinces.

Ce n'est pas le fédéral qui va attaquer les démunis, ce sont les provinces. Les grosses méchantes, ce sont les provinces, ces gouvernements provinciaux qui n'ont pas de compassion, ces gouvernements chauvins, ces gouvernements de droite, alors que le fédéral, lui, apporte une grande contribution aux services de santé puisqu'il va continuer de maintenir les barèmes de sa loi pour garder au même niveau les soins de santé. Les problèmes, c'est pour les provinces.

Aujourd'hui, l'État canadien se retrouve au bord du gouffre financier. Le déficit prévu dans le budget cette année était de 32,8 milliards de dollars; aujourd'hui le ministre des Finances parle plutôt de 45 milliards. Ce manque à gagner ne peut pas être imputé aux dépenses sociales du gouvernement fédéral, car au moment même où le gouvernement sabrait les transferts aux provinces entre 1985 et 1993, la dette fédérale est passée de 33 p. 100 à 58 p. 100 du PIB. Pendant qu'on diminuait les dépenses sociales, la dette fédérale augmentait. Donc, il ne faut pas mettre le haro sur les dépenses sociales. Au contraire, elles ont contribué à freiner l'ascension de la dette fédérale.

Les programmes sociaux existent depuis longtemps. Pourtant, ce n'est que depuis 20 ans que des déficits alimentent la dette fédérale. Alors, est arrivé un phénomème qui s'appelle le déficit. Mais quand il est arrivé, le déficit, il y avait déjà les dépenses sociales. Donc, ce n'est pas l'impact des dépenses sociales qui a provoqué le déficit où nous sommes. C'est donc à tort que l'on rend nos programmes sociaux responsables de la crise des finances publiques. Il faut chercher ailleurs les causes des déficits chroniques qui affectent le budget du gouvernement fédéral.

On ne saurait s'attaquer à ce problème en augmentant encore une fois les taxes et les impôts. Les contribuables se sentent déjà pris à la gorge. Une recrudescence du travail au noir et de la contrebande priverait le Trésor fédéral des revenus qu'il chercherait à prélever.

On ne saurait non plus emprunter davantage. Le déficit draine déjà une grande partie de l'épargne et ces dollars, qui seraient retirés de l'économie, ne serviraient plus à acheter des biens et services, ce qui réduirait d'autant les recettes de l'État. De plus, si nous augmentons nos emprunts à l'étranger, nous serons de plus en plus à la merci de l'influence des prêteurs internationaux. En dix ans, la part de la dette fédérale détenue pas des non-résidants, ne l'oublions pas, a déjà doublé.

Mais il faut couper encore, tout le monde en convient, nous aussi. L'État providence est devenue une bête traquée qui doit mordre quelque part. Mais où? Le gouvernement ne se rend-il pas compte qu'il ne peut prélever de ponction additionnelle dans les budgets de la santé sans réduire le niveau et la qualité des services?

(1155)

Puisque les démunis et les pauvres ont déjà donné, il faut regarder ailleurs. La justice sociale, ce n'est pas seulement répartir la richesse. C'est aussi, surtout en temps de crise, se répartir le fardeau du déficit et de l'endettement avant d'aller plus loin dans la direction d'une diminution de l'effort social, car le gouvernement doit épuiser les autres possibilités qui s'offrent à lui pour redresser la situation financière.

Qu'attend-il pour sabrer une bonne fois avec vigueur, je dirais d'une façon impitoyable dans l'appareil de l'État? Qu'attend-il pour couper dans les dépenses de fonctionnement? Qu'attend-il pour ajuster le niveau du budget militaire sur les besoins réduits qu'appellent les changements géopolitiques?

Que le gouvernement ouvre un front du côté de ces chevauchements de paliers de gouvernement. Il y a là des milliards de dollars à récupérer, et le gouvernement ne veut même pas savoir combien.

Qu'attend-il pour lancer un programme de suppression des abris fiscaux indus? Quand fera-t-il la lumière sur le scandale des fiducies familiales qui permettent aux riches d'éviter de payer des impôts sur des parties importantes de leur capital?

Non, monsieur le Président, le gouvernement s'est trompé de ministre, ce matin. Le premier membre du Cabinet qui doit se lever en cette Chambre pour annoncer des remèdes au désastre budgétaire, ce n'est pas le ministre du Développement des ressources humaines; son rôle à lui est plutôt de protéger les démunis qui, plus que jamais, ont besoin de son secours.

Le premier membre du Cabinet qui doit se lever ici c'est le ministre des Finances. Qu'il nous dise, lui, ce que ce gouvernement fera pour éliminer les dépenses abusives et superflues pour instaurer l'équité fiscale et mettre fin aux duplications gouvernementales. C'est par là qu'il faut commencer.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Je conclus en rappelant que la justice sociale risque ici de faire les frais des décennies d'insouciance du gouvernement fédéral. Ce n'est pas le temps de réduire le filet de sécurité social, car la situation des couches les plus démunies est toujours préoccupante. Et aussi loin qu'on puisse regarder, il faudra toujours protéger ceux qui, par les hasards de la naissance ou les circonstances de la vie, n'auront pas eu les mêmes chances que les autres.

La récession dont nous sortons à peine a fait de terribles ravages. Prenons les chiffres de 1990, par exemple. Selon le


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Conseil national du bien-être social, 18 p. 100 de la population québécoise, soit 1,2 million d'individus, vivaient avec des revenus qui les plaçaient sous le seuil de pauvreté. L'organisme Campagnie 2000, utilisant des chiffres de Statistique Canada, estimait que 1,1 million d'enfants, soit un sur six, vivaient dans la pauvreté au Canada. Nous parlons du Canada, pas d'un lointain pays dont les images nous sont retransmises par la télévision le soir; nous parlons du Canada où 1 100 000 enfants vivent dans la pauvreté.

Au même moment, un groupe international de chercheurs plaçait le Canada à l'avant-dernier rang de huit pays industrialisés, avec un taux de pauvreté de 29 p. 100 chez les familles monoparentales.

Sans nos programmes sociaux, cette récession aura laissé des traces indélébiles chez ces individus. Aujourd'hui, est-ce qu'il faut baisser la garde? Nous disons que non, car notre économie n'a pas encore complètement récupéré de la dernière récession.

Nous nous refusons également à abaisser le niveau de protection sociale durant le période de reprise économique parce que le risque de voir s'élargir l'écart entre les pauvres et les mieux nantis existe toujours.

Que le gouvernement nous donne une seule bonne raison d'abandonner son rôle de faire régner l'équité. La présence d'une si grande pauvreté est un problème que tous les intervenants sociaux déplorent au Canada, mais on ne réglera pas ce problème en s'en prenant aux prauvres, comme le gouvernement s'apprête sans doute à le faire, mais en combattant la pauvreté. Et pour combattre la pauvreté, il faut des programmes qui permettent aux démunis de retrouver leur dignité et le courage de s'en sortir. Pour combattre la pauvreté, il faut des programmes sociaux cohérents, pas un labyrinthe de programmes fédéraux-provinciaux. Et enfin, pour combattre la pauvreté, il faut créer de l'emploi stable, dans des domaines d'avenir. Or, ce gouvernement n'a pas de programme de création d'emploi. C'est un des drames de la frustration.

Voici un gouvernement qui doit sa victoire électorale-une victoire extrêmement considérable, avec une majorité écrasante à la Chambre-à une promesse mille fois répétée, une promesse simple, une promesse extrêmement importante pour les gens qui l'ont entendue, celle de créer de l'emploi.

(1200)

Et qu'est-ce que nous avons comme mesures de relance de l'emploi? Nous avons deux choses. D'abord, le programme des équipements municipaux, où on nage dans le flou, demain dans le patronage, où encore au Québec, on attend une entente qui va définir les critères, que l'on ne connaît pas encore. Mais on a commencé quand même à distribuer des bonbons, malgré qu'on n'ait pas les critères, et tout cela pour quelques milliards par année. On sait bien que c'est une mesure, qui pourrait être utile, on ne s'oppose pas à la mesure, mais «qui pourrait être utile» ne règle pas du tout le problème, et qui n'est pas du tout à la hauteur et au niveau de l'intensité des engagements que le gouvernement a contractés de mettre en oeuvre des mesures pour relancer l'emploi. Voilà pour la première mesure.

La deuxième mesure est celle de ce matin. Un discours qui nous annonce des étapes de consultations, une redéfinition en profondeur, une restructuration de tous les programmes sociaux de façon à revitaliser l'économie, de façon à remettre les gens au travail. Mais comment va-t-on remettre les gens au travail si on veut couper les programmes sociaux? Comment va-t-on remettre les chômeurs au travail alors qu'on va encore diminuer leurs bénéfices, leurs prestations? Qui peut croire qu'il y a dans ce discours la promesse d'une relance d'emploi?

Il faut donc éviter les solutions faciles, celles qu'entrevoit le gouvernement fédéral, c'est-à-dire la suppression de programmes et la réduction des transferts aux provinces. Si le gouvernement mise sur la facilité, il violera le pacte social qui le relie aux contribuables canadiens et québécois.

Est-il intolérable que 725 000 adultes, aptes au travail, soient en chômage? Oui! Est-il intolérable que 125 000 jeunes chefs de famille vivent de l'aide sociale au Québec? Oui, c'est intolérable! Avant que ne soit disponible à ces citoyens et citoyennes un emploi à la mesure de leurs talents, de leur volonté et de leurs désirs les plus sincères, il ne faut pas les laisser tomber. Au nom de la compassion qu'invoque le ministre, et aussi pour éviter la détérioration de notre tissu social, le Bloc québécois propose trois avenues:

Premièrement, à court terme, le gouvernement fédéral doit maintenir à leur niveau relatif actuel les paiements de transferts aux provinces. À leur niveau «relatif», c'est-à-dire par rapport à son engagement actuel, compte tenu des autres dépenses des gouvernements provinciaux. N'allons pas jouer dans les trucs de jargon, n'allons pas nous tendre des petits pièges. N'allons pas dire: On maintient à leur niveau actuel les transferts aux provinces, alors qu'on les gèlerait. Ce n'est pas cela. Il faut augmenter, il faut continuer d'augmenter le rythme des contributions aux transferts aux provinces au niveau de l'effort que doivent consentir les provinces qui, elles, ont de l'inflation, des besoins accrus, et ainsi de suite. Quand on parle de maintenir le niveau, on parle vraiment d'un véritable maintien de niveau, pas d'un truc comptable.

Deuxièmement, à moyen terme, dans un souci d'économie et de cohérence, nous réclamons une réforme en profondeur des paiements de transfert. Un seul niveau de gouvernement devra édicter les normes, percevoir les impôts, et dispenser les services sociaux sur un territoire donné. Les Québécois n'accepteront jamais que ce soit le gouvernement fédéral qui le fasse. En d'autres termes, le gouvernement fédéral doit cesser son ingérence dans les domaines de juridiction provinciale.

Une saine gestion des fonds publics milite en faveur de l'élimination des chevauchements de juridiction, des dédoublements de programmes et de ministères et de la concurrence malsaine, source de gaspillage. C'est une simple question de cohésion. Pour être efficaces, les politiques sociales, comme les politiques de main-d'oeuvre, doivent être intégrées. Cela, tous les Canadiens le comprennent.


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Mais pour les Québécois, le choix est simple: c'est à Québec que doivent se concentrer les politiques de la santé et des services sociaux. Au bout d'une trentaine d'années de revendications, de Jean Lesage au Rapport Allaire, force est de constater qu'une telle réforme est impossible. La solution réside donc dans la souveraineté du Québec. Alors, le Québec doit faire des choix. Il sera responsable de ses choix, de ses succès, de ses échecs. Il travaillera, comme on dit, sans filet collectif au point de vue politique, mais c'est lui qui prendra ses décisions. Et le Canada anglais sera, lui aussi, libre de choisir à qui il veut confier ses politiques sociales, comme d'ailleurs toutes ses politiques économiques.

Je soupçonne fort que dans le Canada anglais, il y ait un très large appui, dans certains milieux en tout cas, aux mesures que s'apprête à prendre le ministre. Je soupçonne fort que beaucoup de gens vont appuyer cette mesure. Le Canada anglais a le droit de se donner ce qu'il veut comme mesures sociales et comme mesures économiques. Je soupçonne fort aussi que dans d'autres milieux, au Canada anglais, on va s'inquiéter de voir cette intervention du ministre dans un domaine qui est si cher aux valeurs et aux opinions des Canadiens anglais. Mais s'il y a une chose certaine, c'est que le Canada anglais est comme le Québec: ils doivent se mettre en situation et adopter des mesures qui sont conformes à leurs besoins.

(1205)

Troisièmement, le gouvernement fédéral doit dès maintenant mettre en branle un vigoureux programme de relance économique et de création d'emplois à même des coupures faites, non pas dans les programmes sociaux, mais dans la lourde structure bureaucratique et militaire du Canada. N'oublions pas que si le Parlement peut fonctionner avec de ses ressources en moins, le gouvernement et l'armée le peuvent aussi.

Je ne crois pas que beaucoup de gens vont croire que ce gouvernement en faillite, pressé de toutes parts par les milieux de droite, ne cherche pas par cette réforme à puiser de l'argent dans la poche de ceux qui en ont le moins. Qui va croire que nous ne sommes pas en face d'une opération budgétaire? La rhétorique du ministère et la rhétorique du ministre, je regrette de le dire, est la même que celle que nous avons entendue l'an dernier des conservateurs, quand ils ont imposé leur réforme de la Loi C-113, une réforme qui, après de très beaux mots, des mots aussi magnifiques que ceux prononcés aujourd'hui, s'est soldée par une réduction de 5 p. 100 dans les prestations versées aux chômeurs.

À l'époque, cette rhétorique n'avait pas amusé l'opposition libérale qui avait, avec raison et pour son honneur, voté contre cette loi. Nous ferons comme elle et nous voterons contre la motion proposée.

[Traduction]

M. Hermanson: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Conformément au paragraphe 43(2), les députés du Parti réformiste qui prendront la parole se diviseront le temps dont ils disposent en deux périodes égales.

Le président suppléant (M. Kilger): Très bien. Le premier député à prendre la parole, le député d'Athabasca, a dix minutes.

M. David Chatters (Athabasca): Monsieur le Président, je parlerai aujourd'hui de l'importance des programmes sociaux nationaux et je parlerai aussi des répercussions de notre débat sur les peuples autochtones, particulièrement ceux de ma circonscription, parce qu'ils comptent parmi les personnes les plus menacées par les changements.

Je veux féliciter le ministre pour son exposé. Il peut compter sur le Parti réformiste pour l'aider à atteindre les objectifs qu'il a énoncés. Ce sont certainement là des objectifs que nous pouvons tous appuyer. Nous attendrons avec impatience que ces objectifs soient précisés au cours des prochains mois.

Le ministre a dit que certains députés avaient peur du changement. Je peux l'assurer que les membres de mon parti ne craignent pas le changement. D'ailleurs, nous voulons que des changements fondamentaux soient apportés à la façon de fonctionner du gouvernement et à sa façon de fournir ses services. Le ministre pourra donc compter sur nous lorsqu'il voudra apporter certains changements fondamentaux.

J'espère seulement que le gouvernement est prêt à remonter jusqu'à la véritable source des problèmes actuels des programmes sociaux au Canada. Les députés d'en face affirment que le problème ne provient pas des dépenses, mais des revenus. Depuis mon arrivée à Ottawa, j'ai beaucoup entendu parler, dans les consultations prébudgétaires, de l'élargissement de l'assiette fiscale. Selon mes calculs, et les députés ministériels l'ont admis, l'élargissement de l'assiette fiscale pourrait générer au plus cinq milliards de dollars par année, pourtant, le déficit fédéral dépasse les 40 milliards. Si l'on exclut le service de la dette, on voit que 60 p. 100 des dépenses gouvernementales sont consacrées aux programmes sociaux, que ce soit sous forme de paiements directs aux Canadiens ou de transferts aux provinces. Il est clair que nous devons examiner nos dépenses au titre des programmes sociaux dans leur contexte réel et en allant au fond des choses.

Le problème trouve sa source dans la dette nationale, qui est énorme et croît constamment. Le service de la dette gruge une portion considérable de l'argent qui devrait être consacré aux programmes sociaux. En moins de dix ans, la dette a plus que doublé. En 1984-1985, elle s'établissait à 206 milliards de dollars. En 1994, elle dépasse les 500 milliards. Non seulement la dette s'est accrue de 300 milliards en moins d'une décennie, mais son taux de croissance augmente à une vitesse alarmante.

(1210)

Et les versements d'intérêts sur cette dette ne diminuent pas, loin de là. Les intérêts sur la dette coûtent des milliards de dollars de plus chaque année. L'an dernier, nous avons versé 39 milliards de dollars d'intérêts sur la dette, tandis que nos recettes se sont élevées à seulement 121 milliards. Cela veut dire qu'une proportion de plus en plus grande de l'argent des contribuables servira à payer les intérêts sur la dette et qu'il en restera de moins en moins pour financer les programmes sociaux.

Tout comme les versements d'intérêts sur la dette, les dépenses au titre des programmes sociaux pour les Canadiens augmentent aussi. En 1984, le gouvernement a versé au total 25,1 milliards de dollars aux Canadiens. À la fin de la décennie, ce total était passé à 30 milliards, une hausse de 5 milliards en cinq ans seulement. Les transferts à d'autres niveaux de gouvernement


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pour les programmes sociaux ont également augmenté, passant de 17,7 milliards en 1984 à 24,3 milliards à la fin de la décennie.

Comme nous devons consacrer de plus en plus d'argent au service de la dette et comme les dépenses de programmes augmentent à un rythme alarmant, ce n'est qu'une question de temps avant que nous ne puissions plus maintenir les programmes sociaux qui font du Canada un pays unique et merveilleux. Si nous ne pouvons plus maintenir nos programmes sociaux, ce sont les pauvres et les défavorisés qui en souffriront le plus.

Ma circonscription, Athabasca, compte une population autochtone importante. Même si certaines réserves sont capables de financer des programmes sociaux grâce à des recettes pétrolières et gazières, la majorité des réserves situées dans ma circonscription sont dans la situation qui nous est représentée par les statistiques nationales sur les autochtones.

Permettez-moi de vous citer certaines statistiques bouleversantes sur les autochtones du Canada, statistiques qui expliquent pourquoi le maintien de ces programmes sociaux est si important pour nos collectivités autochtones. La population autochtone connaît aujourd'hui une explosion démographique semblable à celle que le Canada a connue dans les années 1950. À cause de cette explosion démographique, les autochtones dépendent davantage des programmes sociaux pour bâtir des maisons et des écoles, pour assurer des soins de santé et pour élever leur niveau de vie au-delà de la plus grande pauvreté. Si le gouvernement ne prend pas les choses en main et ne réduit pas la dette, comment pourrons-nous continuer d'offrir ces services de base aux autochtones qui dépendent si largement de ces programmes ainsi qu'aux autres Canadiens.

Par ailleurs, 60 p. 100 des autochtones du Canada vivent dans des régions rurales isolées, ce qui rend évidemment la prestation des programmes sociaux plus difficile et plus coûteuse. Quarante pour cent des Indiens inscrits reçoivent de l'aide sociale. Environ la moitié des hommes adultes sont sans emploi et, dans certaines réserves, cette proportion peut atteindre les trois quarts ou les quatre cinquièmes de la population apte au travail.

Les collectivités autochtones du Canada sont également aux prises avec d'autres problèmes dont l'alcoolisme, le reniflement de vapeurs d'essence, le suicide et bien d'autres encore. Ce qui s'est passé à Davis Inlet n'est qu'un exemple de ce que ces problèmes horribles peuvent faire à une collectivité. Comment le gouvernement pourra-t-il aider ces collectivités en leur fournissant des cliniques de désintoxication, des conseillers et des médecins si la dette continue de s'accroître et d'engloutir tous les fonds disponibles? Si la dette continue d'augmenter au rythme actuel, nous ne serons pas capables de maintenir les programmes que nous avons aujourd'hui et encore moins d'en financer de nouveaux.

Les dépenses fédérales au titre des programmes pour les Indiens et les Inuit ont doublé depuis 1982-1983; c'est le secteur de dépenses fédérales qui croît le plus rapidement. Aux termes de la Loi sur le contrôle des dépenses, la croissance annuelle des dépenses de programmes est limitée à 3 p. 100. Cependant, pour une raison ou une autre, cela ne s'applique pas aux dépenses pour les autochtones, et leur croissance dépasse largement ce taux. Les dépenses fédérales totales au titre des programmes pour les Indiens et les Inuit s'élèvent maintenant à plus de 7 milliards de dollars non imposables, soit 60 000 $ par famille de quatre. Avec un tel niveau de financement, pourquoi avons-nous des problèmes comme ceux de Davis Inlet?

Lorsque je regarde les rapports du vérificateur général des 20 dernières années, je remarque que, chaque fois qu'il a examiné les programmes des affaires indiennes, il a soulevé des questions au sujet de la justification des dépenses. Il a toujours exprimé des doutes à savoir si les fonds étaient utilisés aux fins auxquelles ils étaient destinés ou s'ils étaient administrés en tenant compte des principes d'économie, d'efficience et d'efficacité.

Non seulement nous devons réduire la dette pour pouvoir maintenir les programmes sociaux du Canada, mais nous devons aussi chercher des façons de réduire le coût des programmes sociaux offerts aux autochtones. Il faut toujours pointer du doigt ceux qui abusent du régime et immédiatement prendre à leur égard les mesures qui s'imposent.

(1215)

À mon avis, les autochtones peuvent administrer et gérer beaucoup plus efficacement certains des programmes sociaux qui existent à leur intention. Il semble d'ailleurs que ce soit là l'orientation privilégiée par le gouvernement actuel.

En prévoyant un système de financement global et en permettant aux autochtones de déterminer eux-mêmes leurs priorités, nous pourrions réduire considérablement les tracasseries administratives et l'inefficacité des programmes ministériels dénoncées par les autochtones eux-mêmes. À cela j'ajouterai simplement que les bandes autochtones devraient rendre compte rigoureusement des deniers publics qu'elles reçoivent, ce que préconise justement le vérificateur général depuis 20 ans.

Il faut cesser de gaspiller et de dilapider les fonds. Les autochtones doivent établir leurs priorités. Ils doivent déterminer s'il est plus important d'aménager des systèmes d'aqueduc et d'égouts que de dépêcher Ovide Mercredi au Mexique pour qu'il y évalue la révolte autochtone ou que d'envoyer d'autres autochtones protester devant le palais de Buckingham, en Angleterre, ou des dirigeants autochtones à Genève, en Amérique du Sud, en Afrique du Sud, etc.

Il faut aussi prévoir des mécanismes permettant de surveiller de plus près le financement des projets réalisés dans les communautés autochtones, pour qu'il soit dorénavant impossible d'offrir des logements ne satisfaisant pas aux normes de salubrité ou de mettre en oeuvre des projets d'infrastructure pouvant mettre en danger la santé et la sécurité des habitants des communautés visées et pour qu'il soit mieux rendu compte des deniers publics dépensés.

Je voudrais aussi qu'on encourage les étudiants autochtones à faire des études dans des domaines pour lesquels il existe des besoins dans les réserves, par exemple, la médecine, l'administration des affaires, les soins infirmiers, etc. En encourageant ce genre de formation, le gouvernement pourrait économiser des milliers de dollars en coûts de transport qu'il devrait autrement payer pour donner aux autochtones accès à des programmes dont ils pourraient se prévaloir dans leur communauté.


620

[Français]

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est): Monsieur le Président, d'après les propos du ministre, ce matin, j'ai nettement l'impression que le gouvernement veut se retirer complètement des programmes sociaux. C'est quelque chose qui ne me surprend d'ailleurs pas, parce que le gouvernement libéral s'enligne totalement, avec ses prévisions et ses intentions, dans la voie qu'a déjà suivie le Parti conservateur avant lui. C'est quelque chose de très bien connu. D'ailleurs, cela fait des mois et des mois que les journalistes parlent du fait que le gouvernement libéral veut se retirer des programmes sociaux parce qu'il ne peut plus payer.

Le déficit est tellement grave au Canada que le gouvernement libéral veut, autant que possible, «dumper» cela dans la cour des provinces. D'ailleurs, c'est prévu et calculé, que d'ici l'an 2000, le gouvernement fédéral n'aura pas déboursé une «cenne» pour les programmes sociaux. Ce sont les gouvernements provinciaux qui vont être responsables, et ce sera le gouvernement fédéral qui aura la responsabilité d'établir des normes, des critères nationaux, ce qui est une situation tout à fait absurde.

Le gouvernement fédéral est en train d'établir des normes à travers le pays, pour toutes les provinces, alors que ce sont les provinces qui seront responsables de payer ces programmes-là. C'est une autre manifestation du degré d'absurdité du système fédéral actuel qui, d'ailleurs, encourageait même les Québécois à s'en retirer au plus tôt.

Le vice-président (M. Kilgour): Je crois que ce commentaire n'était pas adressé au député d'Athabasca. Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut poser une question ou faire un commentaire sur le discours du député d'Athabasca?

[Traduction]

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, sans vouloir faire de politicaillerie, je voudrais poser une question bien sérieuse au député qui vient de parler au nom du Parti réformiste. Lui et son parti préconisent constamment de réduire les dépenses sociales et soutiennent même que nous devrions le faire dans l'intérêt même des bénéficiaires des programmes sociaux.

J'aurais deux questions à lui poser. Comment explique-t-il le fait que les compressions budgétaires effectuées sous l'administration précédente n'ont eu pour effet que d'accroître la demande tant au chapitre de l'assurance-chômage qu'à celui de l'aide sociale d'un bout à l'autre du pays? On a fait des efforts considérables au cours des cinq dernières années pour réduire les dépenses sociales, pour réduire les paiements destinés aux provinces. Tout cela n'a eu pour résultat que de faire augmenter le nombre des bénéficiaires de l'assurance-chômage. Les dépenses d'administration du programme ont augmenté, comme ce fut le cas également pour l'aide sociale.

(1220)

Deuxièmement, quelle attention lui et son parti sont-ils prêts à accorder aux organismes qui représentent les pauvres et les bénéficiaires des programmes sociaux quand il s'agira de modeler les nouveaux programmes sociaux dont nous avons légitimement besoin au Canada?

M. Chatters: La thèse que je défendais dans mon intervention ne consistait pas à réduire les dépenses sociales. Il faut cependant examiner les chiffres: quand 60 p. 100 des dépenses publiques vont aux programmes sociaux, il faut évidemment examiner quel bien font ces programmes et assurer aux Canadiens que nous obtenons quelque chose de vraiment valable pour chaque dollar de nos impôts dépensé au chapitre des programmes sociaux.

Comme je l'ai dit dans mon intervention, la justification de l'emploi des fonds publics dépensés à ce titre laisse énormément à désirer, et je crois que l'on pourrait économiser des sommes énormes ou tout au moins en faire bénéficier davantage les éléments les plus pauvres de notre société.

M. Darrel Stinson (Okanaga-Shuswap): Monsieur le Président, comme je prends la parole pour la première fois à la Chambre, permettez-moi de vous féliciter de votre élection. Je compte, moi qui en suis à mes premières armes, sur votre expérience et votre compétence.

Je tiens aussi à remercier les électeurs de la belle circonscription d'Okanagan-Shuswap de m'avoir fait confiance en me choisissant pour faire connaître leurs besoins et de leurs aspirations dans cette Chambre chargée d'histoire. Je remercie spécialement ma femme de son soutien de tous les instants pendant la campagne électorale, et je sais que, pour sa part, elle remercie les électeurs de l'avoir débarrassée de moi.

Okanagan-Shuswap est une circonscription mi-rurale, mi-urbaine. Nos sources d'emplois sont nombreuses et variées. Historiquement, notre agriculture s'est développée à partir de l'élevage du boeuf-à la faveur de la ruée vers l'or de Barkerville-le long des routes des fourrures de la baie d'Hudson, vers le nord en partant du Columbia jusqu'à la vallée de l'Okanagan et vers Fort Kamloops.

Pendant de longues années, lord Aberdeen, gouverneur général du Canada, et son épouse sont allés chaque automne visiter leur célèbre ranch de Coldstrean, dans Okanagan-Shuswap. Faisant fi des conseils de leur directeur d'exploitation qui leur recommandait un régime de métayage, les Aberdeen ont décidé de vendre une partie de leur propriété en terrains de cinq acres à des Anglais qui viendraient au Canada cultiver les fruits. Ce fut le début de la production fruitière de l'Okanagan.

Les influences et les valeurs de ces pionniers demeurent vivaces dans Okanagan-Shuswap: on y aime cette terre fertile, on n'y rechigne pas au travail dur et on y accepte de se sacrifier au nom d'un idéal.

Les idéaux, on peut les voir à l'oeuvre dans les campagnes de collecte de fonds organisées par des bénévoles dans notre région ces deux dernières années. Ainsi, la seule vallée de l'Okanagan, avec Salmon Arm, a donné récemment plus de 600 000 $ pour l'expansion des campus d'Okanagan University College dans toute la vallée. Voilà qui témoigne de notre engagement à l'égard de l'éducation supérieure.

Les habitants de la région desservie par Vernon Jubilee Hospital ont donné 760 000 $ pour acheter un tomodensitomètre et bâtir un immeuble pour l'abriter. Ce nouvel appareil permettra de diagnostiquer des maladies graves. Cela montre à quel point nous tenons à l'excellence des services de santé.


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Dans la région de notre plus grande ville, Vernon, et des environs, dont la population totale est d'à peu près 56 000 habitants, on a dépassé l'objectif de 600 000 $ pour la construction d'un tout nouveau refuge pour les femmes. L'immeuble précédent, qui remontait à 1977, a été l'un des premiers refuges pour les femmes au Canada. Cela traduit l'intérêt que nous accordons à la famille et aux innocentes victimes de la dislocation des foyers.

La petite localité d'Enderby, qui a la plus forte proportion de personnes âgées au Canada, ne le cédant qu'à Victoria, était célèbre à la fin des années 1800 pour la culture du blé. Elle moulait le grain et expédiait vers les pays du Pacifique de la farine qui était chargée à Fortune's Landing. Aujourd'hui, Enderby et tout Okanagan-Shuswap tiennent au maintien des pensions de retraite de l'État pour les ménages dont le revenu est inférieur à la moyenne canadienne.

Je félicite donc le gouvernement de cette motion dans laquelle il se dit prêt à demander aux Canadiens à quels programmes sociaux ils tiennent le plus et, on l'espère, quelles dépenses du gouvernement ils accepteraient de sabrer pour payer ces programmes essentiels.

(1225)

Cependant, le Parti réformiste a déjà posé ces mêmes questions aux Canadiens au début de la campagne électorale en 1993 dans son programme intitulé «Let the People Speak». Les Canadiens nous ont dit que ce qui importait le plus à leurs yeux, c'était l'assurance-maladie, les pensions pour les ménages dont le revenu est inférieur à la moyenne nationale, l'éducation postsecondaire et l'environnement. Nous nous sommes donc engagés à maintenir ces programmes et leur niveau de financement actuel en dollars d'aujourd'hui si nous étions élus.

Les Canadiens conviennent qu'il faut réduire les dépenses d'une manière draconienne dans d'autres secteurs, comme le bilinguisme officiel et les subventions pour le multiculturalisme et les groupes d'intérêts spéciaux, si on veut maintenir les programmes les plus essentiels.

Les Canadiens savent que le seul moyen de garantir la survie des programmes sociaux auxquels ils attachent beaucoup de prix consiste à faire en sorte qu'ils soient pleinement financés et que leurs assises financières soient toujours solides.

Pour maintenir intacts les programmes sociaux, il faut créer de la richesse. Et pour créer de la richesse, il faut des emplois. Je sais que les électeurs d'Okanagan-Shuswap s'inquiètent profondément des emplois, comme la plupart des Canadiens. Comme j'ai l'honneur de présider le comité de l'emploi du Parti réformiste, je voudrais donner mon avis sur les répercussions de cette motion en matière d'emploi.

Dans le discours du Trône de 1963, il était proclamé haut et fort que tous les Canadiens, jeunes ou vieux, voulant travailler devraient être en mesure de trouver un emploi. Au début des années 60, le Conseil économique du Canada a estimé à 3 p. 100 ce qu'on appelle le taux de chômage en période de plein emploi, en tenant compte des personnes qui changent d'emploi. Aujourd'hui, nous ne nous faisons pas d'illusions quant à la possibilité de fournir un emploi à chacun des Canadiens, même si nous tendons vers cet objectif des plus louables.

Selon Statistique Canada, 14 022 000 personnes travaillaient au Canada le mois dernier. Ce sont ces gens-là qui sont responsables de quelque 58 p. 100 des recettes fiscales totales du pays. Ce sont eux qui écopent pour les programmes actuellement sous-financés.

Je voudrais vous citer l'extrait suivant de l'examen de fin d'année des perspectives économiques de 1994 de l'Association des manufacturiers canadiens: «L'entreprise moyenne doit consacrer sept heures et cinquante minutes d'un quart de production de huit heures simplement pour couvrir ses frais d'exploitation. Les impôts sont en sus. Les manufacturiers réagissent à ces pressions sur leurs liquidités en accroissant l'efficacité de leur exploitation et en améliorant leur productivité. Cependant, comme elles sont acculées au pied du mur, elles n'ont souvent d'autre choix à court terme que de réduire leurs frais généraux et de supprimer des emplois. À moins que le gouvernement allège de façon marquée les tensions exercées sur les entreprises, les perspectives en matière d'investissement et de création d'emplois ne sont guère réjouissantes.»

Dans une partie de ce rapport portant sur les emplois, on lit ce qui suit: «Le fabricant canadien moyen doit aujourd'hui restructurer ses activités afin d'être en mesure de payer ses charges fixes, ce qui l'oblige à réduire ses frais de main-d'oeuvre afin de contenir la hausse de son coût de production unitaire. Les fabricants optent pour diverses solutions: faire appel à la sous-traitance pour des services assurés auparavant à l'interne; faire davantage appel à des travailleurs à temps partiel; allonger la journée de travail; tenter de geler ou de diminuer les salaires et les avantages sociaux ou faire des licenciements. Les coûts de main-d'oeuvre sont visés parce qu'ils font partie des quelques coûts variables que les entreprises peuvent diminuer. Des 325 000 emplois et plus qui ont été perdus dans le secteur manufacturier au Canada depuis le milieu de 1989, quelque 60 p. 100 sont attribuables aux pressions exercées sur les coûts qui ne sont pas liées aux résultats de la production.»

En somme, les augmentations d'impôts ont pour effet d'aggraver le chômage. Par conséquent, je dois conclure en pressant le gouvernement de reconnaître que la seule façon sûre de maintenir les programmes sociaux auxquels tiennent les Canadiens est de maîtriser suffisamment les dépenses pour pouvoir créer des emplois dans la circonscription d'Okanagan-Shuswap et dans tout le Canada.

[Français]

M. Laurent Lavigne (Beauharnois-Salaberry): Monsieur le Président, j'ai bien écouté le dernier intervenant et j'endosse en général la majeure partie de ses propos, sauf qu'il y a un problème qui susbsiste et qu'il faudrait régler le plus rapidement possible.

Si on fait une brève rétrospective de ce qui s'est passé au Québec depuis les deux dernières années, on a vu par exemple deux ministres de la formation professionnelle, soit le ministre Valcourt, à Ottawa, et le ministre Bourbeau, à Québec, qui se sont rencontrés à maintes reprises et qui se sont même chicanés à d'autres moments, pour finalement avoir comme résultat ce qu'on connaît. On sait qu'actuellement au Québec il y a au-delà de 80 000 emplois disponibles. Pourtant, notre taux de chômage est aberrant. Il y a au-delà de 25 000 personnes qui ont demandé de suivre des cours de perfectionnement, mais les bureaux qui


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dispensent ces cours sont bloqués. Il y a donc là quelque chose d'inacceptable.

(1230)

Ce que nous demandons à Ottawa, c'est de donner à Québec tous les montants relatifs au perfectionnement. Et nous, à Québec, connaissons les besoins de l'industrie au niveau du perfectionnement de la main-d'oeuvre. Nous avons des besoins plus pointus à certains moments, et nos besoins en main-d'oeuvre au Québec sont différents de ceux de la Saskatchewan, du Manitoba ou des autres provinces. Donnons donc au Québec les fonds pour que le Québec puisse lui-même voir au perfectionnement de sa main-d'oeuvre.

[Traduction]

M. Stinson: Monsieur le Président, je ne pense pas qu'une question m'ait été posée à ce sujet. Si la province de Québec veut exercer un contrôle total sur le financement des programmes d'assurance-chômage et d'emploi, je ne vois pas pourquoi d'autres provinces ne pourraient pas demander la même chose.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, pour commencer, je voudrais dire au député que j'ai écouté ses commentaires avec beaucoup d'intérêt. Je suis d'accord avec lui. Les entrepreneurs à la tête des petites et moyennes entreprises vivent actuellement beaucoup de stress à cause de l'incroyable paperasserie et de la situation fiscale que leur imposent tous les paliers du gouvernement. Je trouve que les commentaires du député sont constructifs, contrairement à ceux du Bloc québécois.

Aujourd'hui, le ministre des Ressources humaines a dit qu'on allait recommencer à zéro, étudier de nouvelles idées, examiner de nouvelles propositions. Il n'a pas dit que nous allions nous retirer de tous les programmes sociaux. Il a dit que nous allions examiner les programmes sociaux actuels pour voir s'ils nous permettent d'atteindre les objectifs initiaux.

Par exemple, nous ne voudrions pas que soit maintenu un programme du gouvernement du Canada qui ne rapporte que dix cents sur chaque dollar à l'utilisateur final.

Le chef de l'opposition a dit dans son introduction. . .

Le vice-président: La question a été posée. Le député a moins d'une minute pour répondre.

M. Stinson: Il n'y a rien à répondre à cela. Je remercie le député de ses commentaires.

L'hon. Ethel Blondin-Andrew (secrétaire d'État (Formation et Jeunesse)): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour exprimer mon appui au plan d'action gouvernemental annoncé par l'honorable Lloyd Axworthy, ministre du Développement des ressources humaines.

Je tiens d'abord, d'entrée de jeu, à m'inscrire en faux contre les propos du chef de l'opposition officielle. Je me demande bien dans quel siècle il vit. Mais d'où vient-il? Quel genre de visionnaire pense-t-il être pour tenir un langage ambigu qui n'a rien à voir avec la vérité toute nue des faits et des chiffres concernant le transfert du programme ou de l'ensemble des programmes de sécurité sociale? Je dirais que le discours un peu mince du chef de l'opposition m'inspire même des craintes.

Par souci de vérité, je vais donc rétablir les faits. La contribution du gouvernement fédéral aux programmes de sécurité sociale du Québec s'élève à 14, 6 milliards de dollars. Cela représente 28 p. 100 de l'ensemble des fonds publics. Comme le premier ministre l'a dit, il y a deux semaines, les Québécois y perdront si Ottawa transfère les programmes d'emploi et de formation au Québec. Ils vont y perdre parce que le transfert se fera au prorata. Ce sont des centaines de millions de dollars qui seront ainsi perdus. Cette perte représentera un montant supplémentaire d'impôt de 200 $ par Québécois; je dis bien 200 $ d'impôt de plus.

(1235)

Je vais répéter pour bien me faire comprendre: chaque Québécois devra payer 200 $ d'impôt de plus. Ce sont des chiffres que nous avons obtenus auprès de nos experts. Ces chiffres sont exacts. Ils sont on ne peut plus valables. Ils proviennent de sources indépendantes. Ils ont été validés.

Cela va-t-il aider les chômeurs de Montréal, les jeunes qui sont en quête de meilleures possibilités de formation et que j'ai rencontrés en grand nombre? Non. Si le chef de l'opposition est honnête envers les Québécois, il doit leur dire quel sera le coût réel de ces transferts. Il dit au million d'enfants vivant dans la misère que nous n'avons pas le mandat ou l'appui des citoyens pour agir? Il dit de s'en tenir au statu quo? Eh bien, nous ne sommes pas d'accord. En tant que gouvernement, nous sommes contre ces propos.

Je voudrais préciser à la Chambre ce que ces réformes sociales représentent pour les jeunes Canadiens en particulier. Les Canadiens âgés de 17 à 25 ans ont autant à gagner de la restauration de notre filet de sécurité sociale que n'importe quel autre groupe.

Pour commencer, je voudrais aborder une question importante que bien des Canadiens, j'en suis convaincue, se posent ou vont se poser au cours du processus de restauration: pourquoi le gouvernement entreprend-il la réforme de nos programmes de sécurité sociale? Voici la réponse. Le présent gouvernement entend assurer une plus large redistribution des possibilités d'emploi afin qu'un plus grand nombre de Canadiens aient un niveau de vie convenable et puissent satisfaire amplement à leurs besoins et à ceux de leurs familles.

Notre pays n'avait pas eu à confronter de tels bouleversements économiques et sociaux depuis la grande crise. Les constantes retouches apportées ces dernières années n'ont pas su tenir compte de la réalité de nos jeunes, de nos travailleurs et de la société tout entière depuis le début des années 90. Les déficiences sont criantes face aux nombreux jeunes chômeurs et autres citoyens qui se sentent inutiles, aliénés et parfois désespérés.

Nous voulons rebâtir la société pour les jeunes Canadiens qui ont besoin qu'on leur aide à se remettre sur la bonne voie. On ne peut donc pas s'en tenir au statu quo. Les parents seuls, surtout les jeunes mères seules, ne peuvent pas se permettre de perdre leurs prestations pour suivre des cours de formation dans l'espoir de trouver un emploi. Les jeunes assistés sociaux célibataires qui veulent retourner aux études à temps plein ne peuvent trouver


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d'emploi pour assurer leur subsistance. C'est la même chose dans le cas des décrocheurs qui doivent apprendre à lire et à écrire ou qui doivent parfaire leurs aptitudes pour chercher un emploi. En restructurant le système de sécurité sociale, nous voulons leur offrir des choix dans les domaines de la formation professionnelle et de l'éducation, leur redonner espoir et leur redonner confiance dans l'avenir de ce pays.

Notre objectif à long terme, en investissant dans le potentiel de nos jeunes, est de créer une économie plus productive. Pour cela, nous devons prendre conscience des besoins des jeunes chômeurs et des jeunes assistés sociaux qui ne veulent plus dépendre du système et qui veulent faire quelque chose de leur vie.

Leurs besoins sont criants. La semaine dernière, Statistique Canada a révélé que les jeunes avaient été les grands perdants de la dernière récession. Avec un taux de chômage de 17,7 p. 100, il y a eu un demi-million de jeunes de moins sur le marché du travail en 1993 qu'avant la récession.

Mettons de côté pendant un instant ce grave problème du taux élevé de chômage chez les jeunes et regardons la façon dont la main-d'oeuvre a évolué. Quarante pour cent des jeunes travaillent à temps partiel. En 1992, le taux de chômage chez les jeunes était de 1,6 fois supérieur au taux de chômage chez les adultes. Les emplois non traditionnels deviennent de plus en plus courants, à mesure que les gens se démènent pour trouver des contrats de travail, des emplois à temps partiel ou des emplois saisonniers pour gagner un peu d'argent dans cette économie mondiale en évolution.

Comme le ministre des Finances l'a déclaré la semaine dernière, nous passons d'une économie fondée sur les ressources à une économie fondée sur l'information. Les jeunes n'acquièrent pas les compétences nécessaires pour cette économie fondée sur l'information. Ils ont été formés pour occuper des emplois qui ne sont plus autant recherchés, tandis qu'il y a une forte demande de personnel qualifié pour des emplois dans de nouveaux secteurs.

(1240)

Les jeunes qui ont reçu une formation traditionnelle dans des domaines tels que le piégeage, l'agriculture ou la pêche ont devant eux un avenir très peu reluisant.

Cela vaut non seulement pour les jeunes, mais aussi pour tous ceux qui oeuvrent dans ces domaines. Les choses se présentent très mal. Si les jeunes qui ont des compétences à offrir se trouvent dans cette situation, que dire de ceux qui ne possèdent pas les connaissances de base en lecture et en mathématiques? Appelez-les comme vous voulez, décrocheurs ou autres, ils ont tous le même problème.

Dans certaines provinces, le taux d'abandon scolaire atteint 30 p. 100. Dans le Nord, il peut aller jusqu'à 95 p. 100. Ces gens ne possèdent même pas les qualifications minimales requises pour entrer sur le marché du travail.

Des compagnies qui, jadis, exigeaient une 9e ou une 10e année comme condition d'emploi exigent aujourd'hui une 12e année. C'est le cas, par exemple, de l'usine d'assemblage de mini-wagonnettes Chrysler, à Windsor. Les jeunes doivent tous lutter pour se tailler une place sur le marché du travail, mais tous ne sont pas aussi bien équipés.

Pour certains, cette incapacité de livrer concurrence est le résultat de la pauvreté et de la négligence qu'ils ont connues dans leur enfance. Un enfant sur cinq vit dans une famille pauvre; ils sont plus d'un million d'enfants au total. Si nous ne faisons rien de peur de nous immiscer dans les affaires des autres et si nous laissons les choses telles quelles, nous trahissons, en quelque sorte, le mandat qui nous a été donné. Nous trahissons la confiance que nos électeurs ont mis en nous, celle de faire renaître l'espoir et de redonner des perspectives d'avenir à ces gens.

Bon nombre de ces enfants sont issus de familles monoparentales dirigées, pour la plupart, par de jeunes mères ou des mères adolescentes qui sont prises dans le piège de la pauvreté, qui dépendent de l'aide sociale et qui n'ont aucune chance de s'en sortir. Souvent, les jeunes sans instruction, sans emploi et sans avenir se tournent vers des comportements sociaux destructeurs qui ont des conséquences pour tous les Canadiens. Les écoles, les centres commerciaux et les collectivités sont confrontés à la violence des bandes de jeunes et à la criminalité juvénile.

La réalité n'est pas plaisante! Or, nous sommes prêts à faire quelque chose pour la redresser, pour l'affronter, pour oser courir des risques. Cette réalité, c'est celle de bien des jeunes et de bien des pauvres au Canada.

Des jeunes volent des vêtements et d'autres produits essentiels. On sait très bien qu'il y a un lien entre les difficultés économiques et la délinquance. Les jeunes s'embêtent, ils cherchent des échappatoires, n'importe quoi pour tuer le temps. Certains cherchent asile dans les drogues ou l'alcool. D'autres finissent dans la rue, sans domicile fixe.

La GRC a 41 000 dossiers d'enfants disparus. Ils ne sont pas tous réellement disparus, certains se sont intégrés à une sous-classe de notre société. Ils finissent à l'assistance sociale, souvent piégés dans cette situation pour la vie. Il nous faut rompre le cycle de la dépendance. Les jeunes de tout le pays sont en difficulté. Nous ne pouvons pas permettre qu'ils demeurent dans une abjecte pauvreté et qu'ils grandissent dans des situations sans issue.

Tous les Canadiens ont réagi avec horreur au spectacle des enfants de Davis Inlet, accoutumés à respirer des vapeurs d'essence. Je sais que des députés d'en face en ont parlé, et ont mentionné leur effroi devant les images transmises par la télévision. Ce qui s'est produit à Davis Inlet, au Labrador, illustre le pire qui puisse arriver lorsque l'on abandonne nos enfants. Quel espoir ont les enfants de Davis Inlet si nous ne faisons rien, si nous ne prenons pas de risques, si nous tolérons le statu quo? Que faisons-nous? Nous ne ferons que trahir les espoirs de ces gens en un avenir meilleur.

Dans ma vie, j'ai vu nombre de situations similaires dans le Nord et dans différents centres urbains du pays. Si seulement plus de Canadiens connaissaient les conditions cauchemardesques dans lesquelles vivent certains jeunes dans nos grandes


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villes, dans les quartiers défavorisés des centres urbains. Si seulement plus de Canadiens connaissaient la vie des enfants dans certaines de nos collectivités éloignées, je pense que les choses auraient des chances de s'améliorer.

(1245)

La nécessité de logements est criante dans tout le Canada. Il nous en faut 11 000. Dans les Territoires du Nord-Ouest, 25 p. 100 des ménages en ont besoin. Cette proportion est la plus élevée au Canada, la moyenne nationale étant de 12 p. 100. Dans le Nord, où les conditions sont les plus difficiles, nous avons besoin de 3 400 logements.

Ottawa connaît probablement le mois de janvier le plus froid jamais enregistré. Le mercure est au-dessous de moins 17 degrés. Alors, imaginez combien il doit faire froid dans le Nord! La population du Nord est jeune et augmente rapidement. Le taux de natalité y est presque deux fois supérieur à la moyenne nationale et, pourtant, 41 p. 100 des enfants de moins de 12 ans vivent dans des logements surpeuplés. Ces conditions ont des conséquences négatives directes sur leur rendement à l'école, sur leur santé, sur leur développement social et sur leur bien-être.

Comme l'a dit le député d'Athabasca, les autochtones ont, entre autres choses, le taux d'analphabétisme le plus élevé et les revenus les plus bas parmi tous les autres groupes. Qu'est-ce que cela signifie pour ces jeunes? Seulement 3 p. 100 des jeunes autochtones terminent leur 12e année. En neuf ans, dans la région de Baffin, seulement 154 élèves ont terminé leurs études secondaires.

D'où viendront les futurs dirigeants du Nord, si ce n'est de leurs propres écoles, de leurs propres collectivités et de leurs propres familles? Il faudrait cependant avoir des systèmes de soutien convenables.

En un sens, la société est paralysée et immobilisée par une multitude de problèmes avec lesquels les législateurs doivent composer. Nous siégeons à la plus haute cour du pays et l'on nous a confié la responsabilité de faire des lois qui amélioreront le sort de ceux qui sont le plus dans le besoin.

Une vie familiale chaotique est attribuable à des taux élevés de décrochage scolaire, à des grossesses chez les adolescentes, à des sévices physiques et sexuels, à l'abus de solvants, de drogues et d'alcool et à des taux accrus de délinquance juvénile et de suicide. Dans le Nord, le taux de suicide chez les jeunes de 15 à 24 ans est cinq fois supérieur à la moyenne nationale. On m'a dit qu'à Big Cove il y a un suicide par mois.

Bien que les problèmes soient amplifiés dans le Nord, il en existe aussi dans les villes du Sud. Entre 1986 et 1991, la population autochtone a augmenté en moyenne de 41 p. 100 dans les plus grandes villes canadiennes. De plus en plus d'autochtones restent à l'école, obtiennent leur diplôme et trouvent un emploi mais, pour la majorité, les perspectives sont sombres.

Mis à part les taux élevés de chômage, les suicides et l'abus de substances, beaucoup d'autochtones qui essaient de trouver un emploi doivent faire face à de la discrimination pure et simple. Des diplômés de l'Institut Gabriel Dumont qui ont comparu devant la commission sur les autochtones ont parlé des problèmes qu'ils avaient à décrocher un emploi et qui sont imputables en grande partie au racisme systématique et aux préjugés à l'égard des Métis.

Certains jeunes sont fort capables de traverser les embûches grâce au soutien de leur famille, à leurs amis et à une grande estime d'eux-mêmes. Mais qu'advient-il des jeunes qui ont besoin d'une aide supplémentaire et à qui personne ne tend la main? Qu'advient-il des plus démunis parmi les démunis?

Très souvent, nous les avons envoyés faire la queue dans les bureaux d'assurance-chômage et d'aide sociale, nous les avons laissés là et essayé de les oublier. Or, notre système de sécurité sociale est devenu un filet qui prend les gens au piège au lieu de les libérer et de leur offrir de meilleures perspectives. Nous n'avions jamais prévu qu'une telle quantité de problèmes sociaux nuiraient à la capacité de nos jeunes de réussir la transition entre l'école et le marché du travail. Résultat: les jeunes doivent compter davantage sur l'assistance sociale.

À Terre-Neuve, on a constaté que la dépendance envers l'assurance-chômage commence à un très jeune âge. Un jeune de 19 ans sur deux touche des prestations d'assurance-chômage à un moment ou à un autre pendant l'année. Il faut briser le cycle de cette dépendance. Comme le disait Mme Geraldine Kenney-Wallace, présidente de l'Université McMaster, pour être compétitifs à l'échelle internationale, nous devons hausser le niveau d'alphabétisation de notre population et ses connaissances en mathématiques.

Il faut faire plus et le faire mieux. Nous pouvons tous faire quelque chose pour contribuer à la recherche de solutions. Notre gouvernement est prêt à prendre des engagements envers les jeunes du Canada. Le ministère de la Santé travaille actuellement à un programme innovateur. Beaucoup d'autres projets sont mis en oeuvre, comme le programme d'aide préscolaire pour les autochtones, qui prévoit l'enseignement de compétences parentales ainsi que de notions de nutrition, afin que les enfants commencent leur vie dans un milieu plus adéquat. C'est un programme pro-actif et progressif, qui favorise la prévention. Pour éviter l'apparition des problèmes, ce programme cherchera à rehausser l'estime de soi des parents, ce qui se reflétera sur leurs enfants.

(1250)

Notre gouvernement stimulera l'estime de soi chez ces derniers en appliquant des programmes conçus afin de prévenir leur décrochage scolaire.

Le Service jeunesse aidera les jeunes chômeurs à trouver un moyen de se perfectionner et de se revaloriser. Il aidera les jeunes qui ont un certain bagage de compétences à se lancer sur le marché du travail.

Nous avons aussi le programme national d'apprentissage pour les jeunes. Ce programme fera beaucoup parler de lui dans les mois à venir. Ce programme aidera également les jeunes Canadiens à acquérir les compétences dont ils ont besoin dans les secteurs de l'économie qui sont en pleine expansion, suivant les normes de l'entreprise privée et du milieu syndical.


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Ces programmes, entre autres, donneront aux jeunes une chance de s'améliorer et de s'imposer sur le marché.

Pour conclure, laissez-moi vous expliquer que, dans la société autochtone d'où je viens, pour être fructueuse, l'entraide doit se faire suivant trois principes. Le premier est la nécessité d'un changement fondamental. C'est ce qu'on appelle guli gogho agudegha, parce que nous avons besoin de changements réels et à grande échelle, d'un changement fondamental. Autrement, c'est impossible à réaliser.

L'autre principe est la nécessité de travailler ensemble. Dene tuluh keh egalats edegha: nous allons travailler ensemble à préparer notre avenir. Ce n'est qu'ainsi que nous pouvons réussir. Nous devons tous travailler ensemble à tracer la voie que nous suivrons. C'est la voie de notre avenir.

Le troisième principe a trait à notre destin, dene galé. Nous en avons tous un, qu'on soit autochtone ou non.

Monsieur le Président, je veux dire à mes collègues que notre destin passe par nos mains, par notre coeur et par nos pensées, et que nous ne pouvons pas le réaliser seuls; que ce que nous appelons dene tuluh, la voie que nous suivrons, notre avenir, nous devons l'emprunter ensemble. Car c'est grâce à l'effort de chacun de nous que nous parviendrons à faire quelque chose pour aider nos compatriotes.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, j'aimerais remercier ma collègue, la députée de Western Arctic, pour son excellente intervention, particulièrement sur la cause des hommes, des femmes et des enfants de Davis Inlet.

Soyez assurée que mes collègues et moi-même, comme nous vous l'avons mentionné la semaine dernière, et comme mon collègue, le député de Lac-Saint-Jean l'a mentionné, nous allons mettre nos efforts en commmun pour trouver des solutions rapides et de l'action, justement, pour améliorer le sort dramatique de cette communauté, comme il en a été fait mention lors d'un reportage du Point la semaine dernière.

Là où je suis moins d'accord avec l'intervention de ma collègue, c'est lorsqu'elle a relevé du discours du chef de l'opposition officielle et député de Lac-Saint-Jean, ce qu'il revendiquait, ce que le Bloc revendiquait en matière de gestion de la main-d'oeuvre et de gestion de la formation et de l'assurance-chômage.

Ce n'est pas nous qui revendiquons cela. C'est tout un peuple qui vit sur le territoire québécois qui l'exige et qui l'exige depuis 1988, en particulier depuis la création de ce que l'on a appelé, au Québec, le forum sur l'emploi. À ce forum, il y a des représentants de droite, il y en a de gauche, il y en a du centre. Il y a Ghyslain Dufour, Gérald Larose, etc.; mais ces gens s'entendent pour rapatrier tous les volets liés, de près ou de loin, au marché du travail.

Je ferai une deuxième remarque, mais je serai très bref. Lorsque ma collègue a parlé du surplus que le Québec touchait à son appartenance au régime fédéral, je vous dirai qu'à certains postes il y a des surplus, mais qu'à certains autres, il y a des pertes. Depuis 1988, étant donné l'ensemble des taxes et des impôts, des 28 milliards de dollars et plus de taxes et d'impôts que les Québécois et les Québécoises versent dans les coffres fédéraux, on reçoit à peu près, globalement, ce qu'on y verse.

Je peux vous dire une chose, par contre. Au niveau de la péréquation, c'est vrai qu'on a un surplus, et je vais vous dire pourquoi: c'est qu'on détient le championnat des familles pauvres canadiennes; 16,2 p. 100 des familles à faible revenu se retrouvent au Québec. On est les premiers, suivis de Terre-Neuve. Donc, c'est normal qu'on ait un peu plus de péréquation. Au niveau du chômage et de l'aide sociale, c'est la même chose. Fondamentalement, le régime canadien nous emprisonne dans cette pauvreté, et les Québécois ne veulent plus de transferts, ils ne veulent plus de bien-être social.

(1255)

En conclusion, il faut comparer ce surplus aux pertes, justement, que nous éprouvons depuis 30 ans en matière de recherche et développement, de transport, d'agriculture, etc. Les vrais chiffres sont là. Il faudrait demander à vos fonctionnaires de refaire leurs calculs en ce qui concerne les surplus nets de 200 $ par Québécois.

[Traduction]

Mme Blondin-Andrew: Monsieur le Président, je suis très heureuse des observations faites par le représentant de l'opposition officielle, qui devaient être des questions. Je répondrai de toute manière.

Le député a indiqué que ce ne sont pas les dirigeants du parti qui voulaient que la question des compétences soit réglée, mais bien la population. Je me permets de lui dire que depuis la tenue des élections, je suis allée deux fois au Québec et j'ai une assez bonne idée de ce que veut sa population. Elle attend du leadership. L'opposition officielle a été mandatée pour faire preuve de leadership dans le but de créer des emplois et un contexte propice à l'amélioration de l'économie. L'opposition officielle a aussi reçu le mandat de créer de meilleurs débouchés pour les Québécois.

Au cours de mes passages au Québec dans le cadre des consultations sur le Service jeunesse, un des éléments les plus appréciés des cinq volets du programme de base de Service jeunesse porte sur le perfectionnement personnel et l'épanouissement social. Cet aspect a suscité le plus d'intérêt parce qu'il répond aux attentes de ceux qui en ont le plus besoin au Québec.

Je fais appel à la collaboration de l'opposition officielle afin que nous puissions apporter des changements fondamentaux et effectuer une restructuration majeure qui nous permettront d'offrir des possibilités qui font actuellement défaut.

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, je tiens à remercier la députée dont j'apprécie grandement le discours. Elle a rappelé la situation pénible qui frappe les jeunes, les chômeurs et les autochtones en particulier.

La députée a parlé de la nécessité d'effectuer des changements fondamentaux et de prendre des risques. Elle a également rappelé que nous ne pouvions nous permettre de laisser les choses dans leur état actuel et je suis tout à fait d'accord.


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Ma collègue a également parlé d'un objectif à long terme, soit l'accroissement de la productivité de l'économie. Approuve-t-elle la nomination de M. Gordon Thiessen à la Banque du Canada, un homme fidèle aux principes de John Crow, qui manifestait une obsession maladive au sujet de l'inflation, qui était partisan de l'ALENA, des hausses des cotisations d'assurance-chômage et des réductions du fonds de formation de l'assurance-chômage, et qui avait également proposé de réduire les taxes sur les cigarettes, ce qui ne pourrait que nuire à la santé des jeunes et à leurs possibilités d'emploi?

Comment la députée peut-elle concilier cette orientation politique, qui de toute évidence ne produira pas de véritable changement fondamental, et son point de vue selon lequel des changements fondamentaux sont nécessaires?

Mme Blondin-Andrew: Monsieur le Président, nous avons reçu le mandat clair d'appliquer les mesures annoncées dans le livre rouge. Nous avons déjà tenu la plupart de nos promesses. Nous nous sommes occupés de nombreuses questions. Il faut reconnaître que ce n'est pas le cas en ce qui concerne la proposition faite par le parti du député.

Nous avons un mandat clairement défini. En un sens, le gouvernement était autorisé à faire les choses qu'il a faites en très peu de temps. Nous n'allons pas nous attarder à quelques questions précises qui nous empêcheraient d'adopter des mesures de grande envergure pour réaliser des changements fondamentaux. Ces changements, qui auront des effets profonds sur la plupart des Canadiens, ne visent pas à satisfaire le programme politique d'un seul parti.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, étant donné qu'il s'agit là d'un débat sur la restructuration de toutes les initiatives touchant les ressources humaines qui existent à l'heure actuelle au Canada, je voudrais, par votre entremise, poser une question bien précise à la députée.

(1300)

Le manque de liens entre l'école et le milieu de travail constitue une faiblesse importante de la préparation des jeunes Canadiens au marché du travail. Pour faire une comparaison, en Allemagne, quelque 70 p. 100 des élèves s'inscrivent à l'âge de 16 ou 17 ans au fameux système d'alternance dans le cadre duquel ils consacrent une partie de la semaine à leurs études et l'autre au travail pratique dans des ateliers sous la direction d'un instructeur professionnel. En cette période de renouvellement et de réforme, la secrétaire d'État à la Jeunesse va-t-elle envisager d'appliquer un système de ce genre?

Mme Blondin-Andrew: Monsieur le Président, nous nous sommes penchés sur l'expérience de l'Allemagne qui a une grande tradition en matière de formation dans les métiers. Les Allemands ont d'excellents programmes de formation en apprentissage. Nous inscrivons chaque année 124 000 Canadiens à des programmes de ce genre. Or, à peine 24 000 obtiennent un diplôme. Nous savons que le système ne fonctionne pas. Nous souhaitons remédier à la situation. Nous nous penchons sur ce qui se fait en Allemagne où 400 000 personnes obtiennent un diplôme chaque année. Nous savons que les Allemands ont une tradition en la matière. Nous souhaitons redorer toute l'image des métiers et adapter la formation aux besoins modernes. C'est ce que nous faisons et nous entendons obtenir l'aide du député qui a posé la question.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, dans les 60 dernières années, le Québec et le Canada ont progressivement et graduellement mis en place une variété de programmes dits programmes sociaux. Ceux-ci sont aujourd'hui mieux connus sous le vocable de filet de sécurité sociale. Ces programmes font partie du patrimoine québécois et canadien, en ce sens qu'ils répondent à des valeurs importantes de nos deux sociétés.

Ce qui caractérise les programmes sociaux, ce sont tout particulièrement deux principes fondamentaux: l'universalité et l'accessibilité. Le principe de l'universalité veut que toutes les citoyennes et tous les citoyens du Québec et du Canada aient le droit de recevoir les bénéfices offerts par le programme. Le principe de l'accessibilité veut que les personnes assurées aient un accès raisonnable aux services offerts sans devoir faire face à un quelconque obstacle financier.

Alors qu'il s'agissait autrefois de venir en aide aux pauvres et aux indigents, le Québec et le Canada ont depuis opté pour garantir à chaque citoyen et à chaque citoyenne un plancher en dessous duquel leur niveau de vie ne descendra pas. Cette garantie est maintenant considérée comme un droit.

À cette fin, le gouvernement fédéral a mis en place, au fil des ans, plusieurs programmes dits sociaux dont les principaux sont le programme de santé, le régime d'assistance pubique, le programme d'allocations familiales, le programme de sécurité de la vieillesse, le programme de supplément de revenu garanti, le programme d'allocations au conjoint, le régime d'assurance-chômage et le défunt programme de financement du logement social.

Les programmes sociaux constituent présentement l'une des principales responsabilités du gouvernement fédéral. Celui-ci conçoit et applique certains de ces programmes directement, tels le programme de sécurité de la vieillesse et celui de l'assurance-chômage. Par ailleurs, il finance indirectement d'autres programmes, tout en établissant certaines règles en vue de leur application; par exemple, les paiements au titre de l'aide sociale et des services de garderie dans le cadre du régime d'assistance publique, et les dépenses provinciales dans le domaine des soins de santé.

Selon les définitions retenues, les dépenses fédérales consacrées aux programmes sociaux varient entre 70 et 80 milliards de dollars, soit les deux tiers des dépenses de programmes au niveau fédéral.

Bien que les programmes sociaux existants, sauf pour l'assurance-chômage et les pensions, soient de compétence provinciale, le gouvernement fédéral en a toujours imposé l'universalité et l'accessibilité ainsi que l'application de certaines normes, grâce à son pouvoir de dépenser.

Mais en pratique, il n'y a que deux programmes qui soient vraiment universels, et encore: la santé et la sécurité de la vieillesse. En ce qui concerne ce dernier, le gouvernement fédéral exige maintenant des personnes âgées qu'elles remboursent


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une partie de leur chèque de pension lorsque leur revenu net dépasse 50 000 $, et la totalité, au niveau de 76 000 $. Ce programme distribue 20 milliards de dollars, soit le sixième des revenus fédéraux. Ce montant est énorme et augmentera avec le vieillissement de la population. Qu'arrivera-t-il alors de ce qui lui reste d'universalité et d'accessibilité?

(1305)

L'universalité des allocations familiales avait été éliminée dans le budget de 1992. Et, comme je le disais il y a quelques instants, le précédent gouvernement a mis fin à l'universalité des pensions de sécurité de la vieillesse au moyen d'un impôt spécial. Or, aujourd'hui, l'universalité et l'accessibilité de l'assurance-santé est menacée dans plusieurs provinces qui étudient la possibilité d'une facturation à l'usager.

Depuis quelques années, on nous répète que le Canada n'est plus capable d'assurer l'universalité de ses programmes sociaux. D'aucuns prétendent que le filet de sécurité social canadien est dépassé et coûte trop cher. Il est vrai que ce système a été mis en place dans les années 1960, alors que l'emploi et l'argent abondaient, mais ses principes fondamentaux sont aussi importants aujourd'hui qu'ils l'étaient hier. Il faut constater que le Canada dépense moins d'argent pour ces programmes en proportion de sa population que la plupart des pays occidentaux industrialisés.

De plus, l'universalité des programmes sociaux est affaire de justice sociale. Sans universalité, sans accessibilité, les pauvres se retrouveront de plus en plus marginalisés dans notre société et la classe moyenne sera à la merci d'une malchance.

Nous avons une décision à prendre. Si nous croyons que les programmes sociaux universels et accessibles sont un droit pour tous, alors il faut faire en sorte de boucher les trous du système fiscal et créer de l'emploi pour renflouer les recettes fiscales. C'est en travaillant tous et toutes et en contribuant notre juste et raisonnable part de taxes et d'impôts que nous pourrons en assumer le coût.

Je voudrais survoler rapidement quelques-uns de ces programmes parmi les plus importants. Parlons d'abord de l'assurance-chômage.

Lorsque ce programme fut lancé en 1941, il visait à assurer une aide aux travailleurs ayant perdu leur emploi, et à leur permettre de subsister pendant la période de recherche d'un autre emploi. Il s'agissait d'une mesure temporaire. Aujourd'hui, plusieurs personnes retirent annuellement et de façon planifiée un revenu supplémentaire de ce programme et ce simplement en ne travaillant par exemple que le nombre de semaines requises pour se qualifier. Ce programme devait en principe s'autofinancer, mais il est déficitaire d'environ 400 millions de dollars sur une recette de 19 milliards. Il faut réaliser que les règles actuelles du jeu dans ce programme font en sorte que les bénéficiaires sont peu encouragés ni aidés à se trouver un emploi stable, et que trop peu encore est entrepris pour la formation des personnes sous-qualifiées.

Je connais dans mon comté des personnes actuellement bénéficiaires de l'assurance-chômage qui, malgré leurs efforts et leur désir d'améliorer leur employabilité, sont incapables de se dénicher un emploi ou de la formation. J'en connais d'autres, hélas, qui préfèrent la générosité des prestations à la rémunératiion non compétitive d'un emploi qui leur serait pourtant accessible.

Nous ne devons pas blâmer ces bénéficiaires qui se font vivre aux frais du programme. Ils réagissent fort rationnellement à des règles incitatives perverses. Les règles de ce programme sont socialement et économiquement contre-productives. En l'espace de deux générations, elles ont profondément modifié le comportement des individus. Comme le faisait remarquer le grand poète québécois Félix Leclerc, il y a 20 ans déjà, lorsqu'on paye des gens pour les encourager à ne rien faire, on en fait des morts qui marchent.

Aujourd'hui, l'emploi se retrouve soit dans des domaines requerrant des compétences élevées, soit dans le démarrage de sa propre petite entreprise. Or, notre programme d'assurance-chômage fait peu, trop peu, pour assurer l'acquisition de ces compétences par les gens, ou pour assister l'entrepreneuriat.

En ce sens, le programme d'assurance-chômage est universel et accessible que pour percevoir les contributions et distribuer des prestations, mais absolument pas en matière de soutien à la formation ou à l'entrepreneuriat. Vingt-cinq mille personnes, au Québec, attendent pour de la formation présentement et ils n'y ont pas accès.

(1310)

Au surcroît, l'accroissement du nombre de semaines d'emplois assurables nécessaires pour être admissible à recevoir des prestations d'assurance-chômage et la réduction des prestations, sont des changements qui ont contribué à l'accroissement des frais de bien-être social de toutes les provinces et du Québec, en faisant simplement passer les coûts d'un palier de gouvernement à un autre.

En matière d'assurance-chômage, le précédent gouvernement a complètement abdiqué ses responsabilités sociales. Non seulement les mesures fiscales et monétaires qu'il a prises ont contribué dramatiquement à l'accroissement du chômage, mais devant cette situation qui aurait pu être évitée, il a lâchement fait en sorte de modifier les critères et la durée de l'assurabilité de manière à se délester sur le dos des provinces du chômage qu'il avait créé. Alors que tout indiquait qu'il fallait investir énergiquement dans la formation et la création de petites entreprises, le précédent gouvernement a esquissé de maigres et insuffisantes interventions.

Pourtant, au Québec, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre était fin prête à intervenir utilement et immédiatement pour rétablir les méfaits du précédent gouvernement en matière de chômage. Mais le ministre de l'Emploi et de l'Immigration d'alors, au lendemain du rejet des accords de Charlottetown, s'est refusé à permettre au Québec d'intervenir comme il l'aurait fallu.

Le programme d'assurance-chômage doit être reciblé vers la formation et la création d'emplois, de façon universelle et accessible. Dans ce contexte, le Québec et les provinces ont un rôle prédominant à jouer.

J'aimerais maintenant partager mes réflexions avec mes collègues de la Chambre sur le Régime d'assistance publique du Canada. En théorie, ce programme assure qu'Ottawa paie la moitié des dépenses municipales et provinciales de bien-être autorisées. Mais ce programme fut originellement conçu pour


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assurer un soutien continu à un petit nombre de personnes qui n'étaient pas en mesure de travailler.

Aujourd'hui, la situation est fort différente. Ce programme apporte une aide à un grand nombre de personnes qui, malgré qu'elles soient aptes au travail, n'en trouvent pas. Et pour alourdir le problème, peu est fait pour les aider à réinsérer le marché du travail. Un bon nombre des bénéficiaires de l'aide sociale sont d'ex-chômeurs qui ont épuisé leur droit aux prestations d'assurance-chômage. Ce que je disais plus tôt au sujet de la formation et de l'entrepreneuriat, s'applique ici aussi.

En fait, l'assistance sociale est sans doute un régime universel et accessible en ce qui concerne le droit à des prestations, mais peu de bénéficiaires de ce régime ont accès à des mesures sérieuses de réinsertion au travail, par de la formation spécialisée, ou une aide à la création de leur propre emploi. En ce sens, le régime n'est ni universel ni accessible.

Nous sommes ici devant un exemple d'une perverse conséquence du fédéralisme canadien. Le gouvernement fédéral, en modifiant à la baisse la couverture de l'assurance-chômage, a transformé d'honnêtes chômeurs en des assistés sociaux aux crochets de leurs provinces et du Québec. Pour les provinces et pour le Québec, le Régime d'assistance sociale avait pour mission d'apporter un soutien prolongé aux personnes incapables de travailler. L'action unilatérale du gouvernement fédéral a saboté les régimes provinciaux et celui du Québec.

En reciblant le programme d'assurance-chômage, le Régime d'assistance sociale retrouvera son équilibre, et ces deux programmes seront alors en mesure d'assurer l'universalité et l'accessibilité dont ont besoin les gens du Québec et du Canada.

Il est un autre programme social au sujet duquel il convient de soulever la question de l'universalité et de l'accessibilité, justement parce que ce programme a perdu toute universalité et toute accessibilité, malgré des besoins criants. Il s'agit du logement social.

Avant 1986, le gouvernement fédéral appuyait chaque année l'aménagement d'environ 25 000 nouvelles unités de logement. Depuis, à cause d'une série de mesures budgétaires, cet effort a été réduit à 13 000 unités. Dans son budget de 1992-1993, le précédent gouvernement a aboli son programme de logements coopératifs.

Or, au Canada, au moins 57 p. 100 des femmes et 30 p. 100 des hommes sont locataires. Et presque les deux tiers des personnes qui habitent des logements publics sont des femmes. Il était et demeure nécessaire que les jeunes femmes chefs de famille monoparentale, que les femmes qui travaillent à bas salaire, et que les femmes âgées dont les revenus sont restreints, puissent avoir accès à des logements à prix abordable. Déjà, des milliers de femmes utilisent une part disproportionnée de leur revenu pour se loger.

(1315)

En matière de logement social, l'universalité et l'accessibilité sont non seulement une nécessité morale, mais une nécessité économique. En effet, les personnes mal logées, les familles mal logées, les enfants mal logés sont plus sujets à des problèmes de santé, et conséquemment à un rendement amoindri au travail ou à l'école. On y retrouve davantage de cas de consommation abusive de substances intoxicantes, de problèmes de violence, voire de méfaits.

En abolissant le programme de logement social, l'économie est à bien courte vue. Les coûts en problèmes de santé, de chômage et de délinquance seront très élevés.

Un des programmes qui fait la fierté des gens du Québec et des provinces canadiennes, c'est le programme d'assurance-santé. L'assurance-santé, de concert avec la formation postsecondaire, bénéficient de ce qu'il est convenu d'appeler le financement des programmes établis. La formule établie en 1977 assurait à chaque province une contribution proportionnelle à sa population et à la croissance économique du Canada, diminuée d'une somme prélevée fiscalement par chacune des provinces. Rappelons que le gouvernement fédéral a réduit le taux d'augmentation du financement fédéral des services de santé, depuis 1986.

Ensuite, en 1990, Ottawa a unilatéralement décidé de ne plus lier sa contribution à la croissance économique. En conséquence, la contribution per capita est maintenant gelée jusqu'en 1994-1995, et éventuellement, si cela perdure, elle deviendra entièrement couverte par le prélèvement fiscal de chacune des provinces et du Québec. Le gouvernement fédéral, à ce moment, n'aura plus rien à contribuer. Toutes ces mesures, il convient de le souligner-car il s'agit d'un autre exemple d'une perverse conséquence du fédéralisme canadien-, ont été apliquées unilatéralement, c'est-à-dire, sans le consentement ni du Québec ni d'aucune des provinces, malgré l'entente pourtant formellement conclue entre les parties, en 1977. C'est ainsi que de 1978 à 1993, la contribution du gouvernement fédéral à ce chapitre a chuté de 47 à 34 p. 100.

Une politique de gel des transferts fédéraux au titre du FPE est donc en soi une menace grave à l'accessibilité et à l'universalité. Dans ce piège fédéral, le gouvernement amplifie, pour le Québec et pour les provinces, les choix déjà difficiles qu'ils doivent faire pour combler leur manque à gagner et diminuer leur fardeau fiscal.

Le gouvernement fédéral doit être sensible et surtout conscient qu'en augmentant le fardeau fiscal du Québec et des provinces, c'est un système de santé à deux vitesses qui s'installera.

Depuis que le Parti libéral a pris le pouvoir, j'ai cru discerner deux tendances dans le Cabinet: certains ministres sont sensibles aux impératifs de l'universalité et de l'accessiblité, d'autres sont davantage inquiets par le financement.

Aussi entend-on des expressions imprécises telles: restructuration, rentabilisation, réforme, révision, et autres termes aussi vagues qu'inquiétants. Quelles sont donc les intentions véritables du gouvernement? Si l'on veut parler de recibler les programmes sociaux, dans le respect de l'universalité et de l'accessibilité, déjà cela serait plus encourageant, encore qu'il faut s'entendre sur les cibles à privilégier.


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Mais si on veut couper dans l'enveloppe budgétaire sociale, alors là il y a lieu d'être terriblement inquiet, car des coupures de ce type se traduiront invariablement par des coûts ultérieurs accrus.

Lorsque des économistes disent au ministre des Finances que la population ne peut plus vivre au-dessus de ses moyens et qu'elle doit s'attendre à une baisse de son niveau de vie, lui disent-ils également que c'est la machine administrative fédérale qui coûte le plus cher et que la baisse de niveau de vie devrait débuter à cet endroit? La rationalisation peut se faire déjà au sein du gouvernement et de l'organisation fédérale.

J'ai lu récemment que le ministre du Développement des ressources humaines avait déclaré qu'il ne serait pas très patient à l'égard de ces gens en habit trois-pièces qui insistent pour que des coupures soient faites dans les programmes sociaux alors qu'eux-même ne sont pas prêts à consentir grand-chose. Je suis en accord avec le ministre, mais puis-je me permettre de lui rappeler qu'il y a des mentalités à trois pièces au sein même de la fonction publique.

Par ailleurs, le ministre a aussi pris à parti les appels du Bloc québécois à l'effet que le fédéral ne doit pas tenter de s'immiscer dans la formation, l'éducation et le bien-être social, domaines de juridiction provinciale, pourtant.

(1320)

Le ministre a expliqué qu'il s'agissait là de problèmes touchant le pays tout entier et que leur résolution demande des programmes nationaux.

Ici je suis en profond désaccord avec le ministre. La formation, l'éducation, le bien-être sont des problèmes que doivent affronter un grand nombre de nations. Si je suivais sa savante logique, il conviendrait de confier aux Nations Unies la résolution de ces problèmes. Mais évidemment, le ministre me rétorquerait que chaque pays est seul à avoir l'intime connaissance, la nécessaire vision de sa problématique. Qu'il poursuive son raisonnement un peu plus loin et il trouvera, j'en suis sûr, la bonne conclusion.

En définitive, monsieur le Président, des coupures aveugles dans les programmes sociaux ne nous aideront pas, au contraire. Nos politiques sociales doivent viser à soutenir les personnes dans le besoin, à rehausser les compétences des individus, à respecter la dignité humaine.

Le gouvernement devra se rappeler qu'il peut réduire les dépenses au titre de l'assurance-chômage en réduisant le chômage et qu'il peut réduire les dépenses au titre de l'assurance-santé en logeant les moins bien nantis, par exemple.

L'opposition officielle sera d'une vigilance constante pour dénoncer toute atteinte aux services dont nos sociétés québécoise et canadienne ont un pressant besoin. Elle dénoncera systématiquement tout manque de concertation avec les provinces et avec le Québec, tous les dédoublements administratifs qui diminuent l'efficience des programmes, toute tentative de centralisation onéreuse et improductive des régimes, toute réduction des besoins spécifiques au Québec et aux provinces.

En terminant, les populations canadienne et québécoise peuvent avoir l'assurance que l'opposition officielle fera tout son possible au sein de cette Chambre pour protéger leurs intérêts et leur dignité.

[Traduction]

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, par votre entremise, je voudrais une fois de plus rappeler à l'opposition que nous entreprenons aujourd'hui un débat dans le cadre duquel nous essayons de réinventer, de restructurer les programmes et services gouvernementaux dans le but, en définitive, de réaliser une bonne partie des objectifs que le député a décrits dans son discours et qui consistent à réduire les chevauchements et à éliminer le gaspillage. Nous partageons la préoccupation du député. Je suppose que la seule chose qui nous distingue, c'est que nous ne croyons pas dans la séparation.

On a mentionné la nécessité de redonner du travail aux gens. En 1982, le ministre de l'Emploi de l'époque, qui est d'ailleurs responsable de ce portefeuille au sein du Cabinet actuel, a lancé le programme EEET. Aux termes de ce programme, au lieu de donner aux gens environ 17 000 $ de prestations d'assurance-chômage par année et les payer pour rester chez eux à ne rien faire, on s'adressait directement aux petites et moyennes entreprises à qui on offrait de leur verser de 60 à 70 p. 100 environ du salaire des chômeurs et des assistés sociaux qu'elles embaucheraient. L'employeur n'avait qu'à verser 30 p. 100 environ de leur salaire. Après six mois d'emploi, la contribution de l'employeur augmentait et après un an, le salaire de l'employé était à la charge de l'employeur.

Fondamentalement, il s'agissait de stimuler l'emploi dans le secteur de la petite et moyenne entreprise. En cinq mois, nous avons réussi à redonner de l'emploi à près de 300 000 Canadiens dans toutes les régions du pays.

Le député envisagerait-il de mettre en oeuvre un programme comme celui-là et juge-t-il ce type de réforme utile?

[Français]

M. de Savoye: Monsieur le Président, je suis certain que l'honorable député qui vient d'exprimer son point de vue ressent d'une façon très sincère les propos qu'il a tenus. Par ailleurs, je ne peux m'empêcher de dire que de tels propos, j'en ai entendu par le passé et sans doute venaient-ils également de personnes très sincères. Je ne mets absolument pas en doute la sincérité des gouvernements qui ont précédé celui-ci, mais malheureusement, cela s'est traduit dans le concret par des études, des études qui ont coûté cher, des études qui ont pris du temps, des études qui n'ont pas livré les résultats qu'on aurait autrement espérés.

(1325)

Je me permets un certain scepticisme, même si je suis bien prêt à maintenir de l'espoir. Mais ce que je dis par-dessus tout, c'est que cette opposition officielle que nous constituons s'assurera quotidiennement que les bonnes intentions qui ont été formulées et qui seront formulées ici aujourd'hui et dans les semaines qui vont venir, se traduisent rapidement dans les résultats dont la population a besoin. Oui, le député a raison: créer des centaines de milliers d'emplois, c'est une chose importante, mais com-


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ment le ferons-nous? Les recettes d'il y a dix ans, malheureusement, ne pourront pas s'appliquer.

La situation est la suivante, et je suis certain que toute cette Chambre en est consciente. Lorsque la technologie rentre dans une entreprise, on ne crée pas davantage d'emplois, on remplace des emplois par de la technologie. Pour combler cette situation, on a besoin de donner une formation de pointe à la population actuellement au travail et qui se fait déplacer par cette technologie. Donc, la recette d'il y a dix ans ne pourra pas fonctionner de la même façon. Il va falloir faire preuve de bien plus de créativité, et surtout en faire preuve extrêment rapidement. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe d'attendre deux, trois ou quatre ans.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, je veux tout simplement dire au député de Portneuf que j'ai énormément apprécié ses propos, particulièrement en ce qui a trait aux programmes de santé.

J'aimerais que mon collègue, le député de Portneuf, puisse confirmer ou infirmer l'assertion que je vais faire: Est-il exact d'affirmer que si le gouvernement fédéral coupe les transferts relatifs à la santé aux provinces, les provinces peuvent être dans de sérieuses difficultés, ce qui pourrait affecter le caractère universel des soins? Le danger, c'est qu'on revienne comme dans les années 1950, alors qu'il y avait deux médecines: une médecine pour les riches et une médecine pour les pauvres. Le danger, c'est que la maladie s'attaque à tout le monde, indistinctement de son origine ethnique ou de sa situation financière. C'est le danger de réduction des transferts relatifs aux programmes de santé, et j'aimerais savoir ce que mon collègue, le député de Portneuf, en pense.

M. de Savoye: Monsieur le Président, je remercie le député de Montmorency-Beauport-Orléans de sa question. Il a émis l'hypothèse «si on diminuait les paiements de transfert», mais ce n'est pas une hypothèse, hélas, c'est un fait. Depuis 10 ans, c'est exactement ce qui se produit. Et on en voit d'ailleurs les conséquences. Donc, on a n'a pas besoin ici de supposer ce qui pourrait se passer. On n'a qu'à observer.

Effectivement, les soins de santé sont moins accessibles qu'ils l'étaient auparavant. Les hôpitaux, et j'imagine que ceux des autres provinces ont les même problèmes et, par conséquent, trouvent les mêmes solutions que ceux du Québec, les hôpitaux vendent leurs services, entre autres, de laboratoire-je lisais, récemment, peut-être que vous en faisiez autant-vendent leurs services de laboratoire à l'entreprise privée pour obtenir des fonds afin de pouvoir rendre leurs services à la population en général.

Il faut comprendre que dans la mesure où les hôpitaux sont acculés vers la nécessité de rendre des services sans avoir les moyens financiers de le faire, ils trouvent des solutions que l'on pourrait qualifier de créatives, même si elles sont, dans une certaine mesure, en train de favoriser effectivement des traitements de santé à deux vitesses: ceux qui ont les moyens de passer par le privé, qui vont donc avoir leurs résultats de laboratoire rapidement et ceux qui passent pas le réseau public et qui devront attendre un certain temps.

Ces situations sont malheureuses, mais elles sont le résultat visible, net, immédiat de coupures que l'on vit depuis une dizaine d'années. Est-ce que les choses changeront? J'ose croire que oui. Mais vous me permettrez, monsieur le Président, de faire la réflexion suivante: l'argent que le gouvernement fédéral transfère vers chacune des provinces, le fédéral ne l'a pas inventé, cet argent-là. Il l'a pris dans la poche des contribuables, dans chacune des provinces.

(1330)

Alors, on a le phénomène de l'argent qui part d'une province, du contribuable Joseph Latrémouille ou, dans les provinces anglaises, du contribuable Joe Blow, et qui se dirige vers Otttawa. Alors, l'argent s'en vient, un certain montant. Il arrive à Ottawa, et maintenant il va prendre un billet de retour vers la province de départ; c'est un paiement de transfert. Mais ce qui arrive, c'est que ce n'est pas tout l'argent qui retourne, car Ottawa en conserve une certaine partie pour son administration.

Est-ce qu'il ne serait pas plus économique, monsieur le Président-je ne vous pose pas la question, bien sûr-que l'argent parte directement du contribuable vers sa capitale provinciale ou vers la ville de Québec, dans le cas du Québec? Est-ce qu'on n'aurait pas une économie substantielle sur le plan de l'administration? Je crois que poser la question c'est donner la réponse, et la recette de la souveraineté pour le Québec n'est peut-être pas une recette qui s'applique uniquement au Québec; peut-être que d'autres provinces pourraient aussi s'en inspirer.

[Traduction]

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir intervenir au sujet du plan d'action du gouvernement en vue de réformer le système de sécurité sociale.

Le ministre invite tous les députés à se donner la main pour accomplir une mission extrêmement importante, qui ne vise pas moins que la reconstruction complète des structures de la sécurité sociale, du marché du travail et de l'apprentissage au Canada.

Au cours de la dernière campagne électorale, les Canadiens nous ont demandé d'effectuer un virage. De toute évidence, ils veulent que le gouvernement agisse et fasse preuve de leadership pour remettre la population au travail. Ils ne tolèrent plus l'inattention, l'indifférence ou l'inaction. Il veulent qu'on prenne des mesures de création d'emplois.

Comme le ministre l'a dit, la réforme de nos programmes sociaux est la tâche la plus importante, la plus pressante et la plus énorme à laquelle notre pays est aujourd'hui confronté. Les décisions que nous prendrons d'ici un an toucheront tous les habitants du Canada, dans ce siècle-ci et dans le prochain.

Le gouvernement entend réformer nos programmes de sécurité sociale pour préserver et favoriser la réputation que le Canada s'est acquise, avec raison, comme société dont les membres aident ceux qui sont dans le besoin. En effet, cette caractéristique remonte loin dans notre histoire, des centaines d'années, même avant que le pays ne soit constitué.


631

Chaque député a l'occasion de préserver cette caractéristique et d'évaluer les mérites des propositions dont nous sommes saisis et que des Canadiens de tous les milieux nous ont faites, puis, après en avoir débattu comme il se doit, de déterminer quelles seraient les meilleures solutions pour le Canada.

Chacun de nous connaît sûrement, dans sa circonscription, des gens qui souffrent; des enfants pauvres qui se rendent à l'école sans avoir mangé; des jeunes qui n'ont ni travail ni perspective d'avenir; des travailleurs qui gagnent à la fois la vie de leurs enfants et de leurs parents âgés; des parents seuls qui semblent pris au piège de l'assistance sociale; des travailleurs qui ont passé la moitié de leur vie dans une industrie qui est aujourd'hui en train de mourir; d'autres travailleurs qui ont des compétences dont personne ne veut plus; des gens qui, au coeur de nos villes, subissent l'oppression de la pauvreté et du désespoir. Ces gens se trouvent dans nos quartiers, dans chaque avenue, croissant ou chemin de nos circonscriptions, que ce soit la mienne, York-Nord, ou une autre de Montréal ou de Vancouver. Ces malheureux demandent au gouvernement fédéral d'agir. Nous devons à tous les Canadiens de rétablir l'espoir, de ramener un sentiment de dignité dans la vie de ces gens et de leurs enfants.

(1335)

Dans l'ensemble, il y a des millions de Canadiens qui ne bénéficient pas de notre présumé filet de sécurité.

Il m'apparaît évident que ce filet de sécurité est plein de trous. Pour redonner de l'emploi, ce qui est la première préoccupation du gouvernement, il faut complètement revoir nos programmes existants. Nous devons examiner, analyser et réformer les programmes d'assurance-chômage, de formation et d'emploi, d'assistance sociale et de sécurité du revenu, ainsi que l'aide à l'éducation et à l'apprentissage, les pratiques et les règles en vigueur dans le milieu de travail, les impôts et les primes qui concernent la création d'emplois, la gestion des programmes gouvernementaux et intergouvernementaux, et la prestation des services.

Notre objectif consiste à renouveler, revitaliser et revigorer la règle gouvernementale pour faire progresser la prospérité et la sécurité de tous les Canadiens.

Nous devons favoriser la création de nouveaux liens, éliminer les éléments de dissuasion, rechercher l'efficacité, organiser les activités selon la mission ou la vision plutôt que selon des mandats bureaucratiques. À la fin de chaque journée, nous devons évaluer les résultats de nos programmes afin d'améliorer notre capacité de dépenser efficacement. L'obligation de rendre compte est indispensable dans notre système.

À ceux qui insistent en disant que l'objectif consiste simplement à réduire les coûts, je dois simplement donner tort. Le système actuel ne fonctionne pas. Les gens comprennent cela. Les gens comprennent que les jeunes éprouvent des problèmes à faire la transition entre l'école et le travail. Les assistés sociaux comprennent qu'il faut prévoir des stimulants pour qu'ils puissent retourner sur le marché du travail.

Où que j'aille au Canada, les gens me disent que ce qu'ils veulent vraiment, c'est avoir la possibilité de travailler. Le décrocheur scolaire veut avoir l'occasion de travailler, il veut réintégrer le marché du travail et le travailleur âgé, dont l'emploi a été supprimé par suite de la mondialisation ou de la rationalisation, si vous voulez, réclame aussi des possibilités d'emploi. Il ne tient pas à rester à la maison à ne rien faire et il nous supplie de lui en fournir et d'en fournir à son fils et à sa fille, dont les perspectives d'avenir ne sont guère meilleures que les siennes.

Nous, parlementaires, devons faire notre examen de conscience. Nous devons trouver en nous la force de changer les choses, de donner aux Canadiens le type de changement qu'ils ont demandé le 25 octobre.

(1340)

Nous pouvons peut-être lutter en faveur du statu quo, comme l'affirmait ce matin le chef de la loyale opposition de Sa Majesté. Mais sachez bien que ce n'est pas là le mandat qu'on nous a confié à nous, de ce côté-ci. Les gens nous ont dit qu'ils voulaient du changement, qu'ils voulaient des réformes, et nous avons le devoir non seulement de les leur donner, mais encore de faire preuve d'autorité comme on ne l'a pas fait depuis de trop longues années à la Chambre des communes.

Pourquoi changer les choses? Pourquoi donc? Les raisons sont évidentes pour tout le monde: chômage chronique, niveaux d'analphabétisme trop élevés, un million d'enfants vivant sous le seuil de la pauvreté, toute une génération de jeunes gens et de jeunes femmes sans emploi. Avons-nous besoin de poser encore la question?

Il faut agir maintenant. Il n'y a plus de temps à perdre. C'est aujourd'hui que le décrocheur scolaire a besoin qu'on l'aide. Demain, il sera trop tard.

On est en train de créer deux Canadas: d'un côté, un pays de gens ayant un emploi sûr et bien rémunéré et, de l'autre, celui des travailleurs intermittents et mal payés. C'est le genre de polarisation dont j'ai déjà parlé lorsque j'étais porte-parole de mon parti pour l'emploi et que j'occupais votre siège. Je disais alors et je répéterai aujourd'hui que les neuf années d'économie conservatrice de la percolation n'ont profité à personne, absolument personne. Elles n'ont servi qu'à diviser le pays au plan économique et à priver les Canadiens de possibilités. Le temps où l'on était récompensé si l'on travaillait dur et si l'on respectait les règles est bel et bien révolu. Eh bien, notre gouvernement va ramener ce temps-là et redonner espoir aux Canadiens, qui sont tellement nombreux à l'avoir perdu.

Il est bien évident que nous vivons à une époque stressante, décourageante, déprimante, pour les jeunes comme pour les plus âgés de tous les secteurs de la société. On ne parle plus dans nos foyers de projets et de foi en l'avenir, mais d'insécurité d'emploi. On entend parler de rationalisation, d'économie de la percolation et de jeunes qui n'ont plus d'espoir. Il faut que cela change. Et j'espère que les Canadiens vont commencer à parler de changement.


632

Que l'on siège de ce côté-ci ou en face, on a reçu le mandat de représenter l'opinion des Canadiens. Les députés, qu'ils soient membres du Bloc québécois, du Parti réformiste ou du Parti libéral, ne doivent jamais perdre de vue leur mandat. En nous apprêtant à remplir nos fonctions à la Chambre des communes, nous ne devons pas oublier que les gens que nous avons rencontrés pendant la campagne électorale nous demandaient de leur redonner confiance dans le rôle du gouvernement. Ils nous demandaient de redonner espoir à leurs enfants et d'assurer leur sécurité et leur bien-être au sein de leur localité.

(1345)

Le jour où nous oublierons notre raison d'être à cette Chambre sera un bien triste jour pour notre pays.

Si vous me le permettez, je voudrais maintenant revenir aux déclarations faites ce matin par le ministre. Il a décrit deux objectifs que vise notre plan d'action. Premièrement, nous devons nous attaquer aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Ces problèmes comprennent le chômage structurel à long terme qui sévit même en période de croissance économique, les mesures inadéquates d'adaptation pour les travailleurs qui doivent changer d'emploi et l'évolution constante de la technologie qui a une certaine incidence sur le marché du travail et les programmes de formation. Certains députés semblent ne pas être au fait de la révolution technologique qui a pourtant redéfini le temps et l'espace.

Les taux intolérables d'abandon scolaire et d'analphabétisme et la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée devraient vivement inquiéter chacun d'entre nous. Nous devrions également nous préoccuper de la pauvreté croissante, surtout chez les enfants, ainsi que des tensions que subissent ceux qui cherchent à concilier vie de famille et carrière. Certaines sociétés s'entêtent à vouloir réduire les emplois, même si de plus en plus de signes tendent à prouver que la réduction des effectifs ne permet pas d'atteindre les niveaux d'efficacité visés.

Même si la culture d'entreprise pourrait inciter un administrateur à mettre son organisation au régime minceur, je reste convaincu que les gens d'affaires cultivés n'adopteraient pas cette position. Les gens d'affaires cultivés parviennent à appliquer les progrès réalisés dans le domaine de la technologie tout en offrant plus de possibilités à leurs employés. On ne peut pas se contenter de dire à ses employés: «Je veux une organisation plus efficace et je n'ai plus besoin de vos services.» Des gens sont en cause. Il y va de la vie des employés et de leur famille. Il y va essentiellement de l'avenir de notre pays.

Nous entreprendrons un certain nombre de discussions avec les autres niveaux de gouvernement pour trouver des façons d'éliminer le double emploi et le gaspillage. Nous examinerons aussi la capacité limitée des administrations publiques d'offrir des programmes d'aide et de sécurité.

Deuxièmement, notre plan d'action vise à proposer des changements possibles pour satisfaire aux exigences des programmes d'assurance-chômage et d'adaptation, pour restructurer certains aspects du Programme d'assurance-chômage et du Régime d'assistance publique du Canada et pour créer une nouvelle forme d'assurance-emploi. Nous voulons élargir l'aide à l'éducation et à la formation pour reconnaître la nécessité de l'éducation continue. Nous voulons améliorer l'aide et les services d'aide offerts pour les enfants et prendre des mesures pour permettre aux personnes atteintes d'incapacité d'aspirer à l'égalité, à l'indépendance et à une pleine participation sur le marché du travail. Nous voulons trouver un juste milieu entre les stimulants à la création d'emplois et le financement des programmes de sécurité sociale.

(1350)

Nous voulons offrir un système de sécurité de base aux gens dans le besoin. Nous voulons redéfinir les rôles et responsabilités de chaque palier de gouvernement et accroître l'efficience. Nous voulons renforcer la coopération entre tous les paliers de gouvernement. Nous voulons améliorer la façon de fournir les services. Le défi est grand, mais qu'il soit clair dès le départ, que le côté ministériel n'est pas le seul à devoir le relever. Fondamentalement, nous entreprenons aujourd'hui un processus positif de changement pour le bénéfice de tous les Canadiens.

Nous espérons et nous croyons que tous nos vis-à-vis profiteront de l'occasion pour participer à la réforme du système de sécurité sociale canadien, que ce soit par la voie des comités parlementaires ou au niveau de leur propre circonscription, en demandant l'avis de leurs électeurs. Ce sera peut-être la plus importante initiative du gouvernement.

En toute modestie, je dois dire aux députés que nous ne pouvons pas réussir seuls. Nous avons besoin de la participation de tous les députés, qu'ils partagent notre vision du pays ou pas. Il faut nous faire savoir ce que les gens disent. Certains d'entre nous seront nommés membres du comité parlementaire, mais cela ne signifie pas que les autres n'ont pas de rôle à jouer.

Un tel projet devrait faire l'objet de discussions dans chaque circonscription, dans toutes les mairies et les hôtels de ville, et lors de toutes les activités auxquelles participe un député. En bout de ligne, le projet de loi que, collectivement, nous proposerons au Parlement du Canada définira le genre de Canada qui nous permettra d'aborder avec confiance le XXIe siècle.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières): Monsieur le Président, j'ai porté beaucoup d'intérêt aux propos de l'honorable député d'en face, et j'aimerais lui poser certaines questions, quant à savoir où il loge sur le plan idéologique. Est-ce qu'il est de ceux qui considèrent que dans ce pays, on doive faire encore plus d'efforts en termes de coupures dans les dépenses du gouvernement? Est-il de ceux qui considèrent qu'on doit faire des efforts qui n'ont jamais encore été faits, pour accroître les revenus du gouvernement?

Je ne vous cacherai pas que je m'inspire largement, en tenant ces propos, de mon collège, le député de Davenport, qui a prononcé ici dans cette Chambre, le 20 janvier dernier, un discours que je considère d'une grande profondeur. Le député de Davenport est de ceux qui considèrent qu'il faut travailler du côté des revenus de l'État, car tout a diminué au cours des dernières années, tant les revenus que les dépenses dans ce gouvernement.


633

J'aimerais demander à mon collègue, quant à tout restructurer et à tout moderniser au niveau de la redistribution de la richesse dans ce pays, s'il considère qu'on ne devrait pas penser, entre autres, à imposer les gains sur les loteries et les jeux, ce qui rapporterait, selon les propos du député de Davenport, 860 millions de dollars au fisc par année? N'y aurait-il pas lieu de se pencher sur la question d'abolir l'exemption de 100 000 $ de gains en capital, ce qui rapporterait annuellement 665 millions de dollars au fisc? En outre, n'y aurait-il pas lieu de repenser les subventions aux multinationales qui investissent outre-mer, notamment les exemptions pour dépôt en devises étrangères, ce qui représenterait 500 millions de dollars?

Je suis de ceux qui considèrent qu'on devrait se pencher, et très sérieusement, sur les revenus de l'État canadien, et non faire une réflexion en employant de très beaux mots comme la modernisation et la restructuration, pour faire en sorte que le fossé qui existe entre les riches et les pauvres ne fasse que s'élargir.

(1355)

[Traduction]

M. Bevilacqua: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question.

Je dois dire qu'à titre de député, j'ai consacré beaucoup de temps à l'étude des transformations qu'ont subies notre société et notre économie. En étudiant ces transformations, il importe au plus haut point de renoncer à nos anciennes façons de voir. Nous devons-je ne sais si je peux me permettre d'utiliser ces mots étant donné certaines paroles du premier ministre de l'Ontario-envisager un nouveau contrat, de nouvelles ententes entre le citoyen, la collectivité et le gouvernement. En ce sens, une entière coopération entre les différents intervenants de notre collectivité est essentielle au succès de ce nouveau contrat.

Il y a aujourd'hui au Canada des programmes qui remontent aux années 1940. Ils ont été modifiés, mais ils n'ont jamais subi le genre d'examen qu'il aurait fallu pour les améliorer et les adapter au contexte actuel. Nous devons comprendre que l'examen du système de sécurité sociale lancé ce matin par le ministre exige que nous repensions notre façon de fournir les services. Nous devons réfléchir à l'objectif de l'assurance-chômage. Nous devons moderniser un système auquel les Canadiens se sont habitués.

Dans le fond, le changement est devenu nécessaire simplement parce nous ne pouvons pas accepter de dire à une mère célibataire obligée de faire appel à une banque d'alimentation pour nourrir sa famille que c'est le sort que lui réserve le Canada. Nous ne pouvons pas non plus dire au jeune qui a abandonné l'école secondaire et qui espère améliorer son avenir, qu'il sera un chômeur chronique parce que les mesures que nous prenons, en tant que gouvernement et en tant que nation, ne sont pas efficaces.

Tous les députés à la Chambre des communes ont l'obligation morale de prendre part au type de dialogue que le ministre du Développement des ressources humaines a lancé aujourd'hui pour rendre nos services efficaces, pour les moderniser et les adapter à la réalité du village planétaire où nous vivons maintenant.

J'espère avoir par ces quelques mots répondu à la question du député. Je suis certain que, compte tenu de son zèle à représenter les électeurs de sa circonscription, il voudra participer pleinement à l'examen très approfondi de notre système de sécurité sociale.

M. Peter Adams (Peterborough): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt l'intervention du secrétaire parlementaire et celles qu'on a faites de part et d'autre de la Chambre au début de la journée. Il me semble que les députés d'en face ont formulé récemment beaucoup de critiques à l'endroit de la Confédération, en s'attaquant à certains de ses prétendus inconvénients. Nous avons tendance à oublier que la Confédération constitue un type très puissant et très fructueux de gouvernement. Un de ses avantages, c'est qu'en temps de difficultés économiques, une région du pays jouissant de la prospérité peut venir en aide aux régions moins prospères.

Parmi les réformes qu'on envisage, au chapitre notamment des programmes de formation et de recyclage tout comme des programmes sociaux en général, j'espère qu'on se préoccupe de la circulation des jeunes d'un bout à l'autre du pays. À l'heure actuelle, seulement 14 p. 100 des apprentis en Ontario obtiennent des certificats leur permettant de travailler hors de la province. Je trouve cela tragique.

J'espère que le secrétaire parlementaire et ses collègues s'efforceront de faire en sorte que la circulation des jeunes travailleurs qualifiés et non qualifiés d'un bout à l'autre du pays puisse devenir davantage une réalité.

Le Président: Si le député voulait bien répondre par oui ou par non, cela nous arrangerait bien.

M. Bevilacqua: Oui, monsieur le Président.

Le Président: Comme il est 14 heures, conformément à l'article 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant à la période réservée aux déclarations des députés, aux termes de l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Français]

LE COMMERCE DE DÉTAIL

M. Maurice Godin (Châteauguay): Monsieur le Président, les détaillants d'essence du comté de Châteauguay vivent un problème majeur devant le développement de la vente des produits hors taxe au Québec.

En plus de réduire considérablement les recettes fiscales de nos gouvernements, ces procédés causent de sérieux préjudices aux entreprises qui s'adonnent au commerce de détail.

La Chambre de commerce de Châteauguay et l'Association des gens d'affaires du sud-ouest de Montréal considèrent que les gouvernements doivent faire appliquer les lois touchant les différentes taxes, normes environnementales, normes d'énergie et de ressources, normes de poids et de mesures, tant à l'intérieur des réserves amérindiennes qu'à l'extérieur, et ce, pour tout type de commerce.


634

Pour l'équité envers les détaillants, le gouvernement doit mettre fin à l'actuel régime des deux justices. Quand va-t-il appliquer pour tous les normes et les lois?

* * *

[Traduction]

LE DÉCÈS DE M. MERV LAHN

Mme Sue Barnes (London-Ouest): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour rendre hommage à Merv Lahn, de la ville de London, qui est décédé il y a 10 jours.

Merv Lahn a connu une carrière remarquable, étalée sur 35 années, dans le secteur de la fiducie au Canada, et s'est acquis une réputation d'innovateur dans le secteur des services financiers. Il a pris sa retraite en 1990 en quittant la société Canada Trust Financial Services Inc., de London, la société-mère de Canada Trust, dont il était le président et directeur général.

M. Lahn a également consacré son énergie et ses forces à de nombreux conseils d'administration et de nombreuses oeuvres de charité. Dans notre ville, l'Institut de recherche John P. Robarts, l'Armée du Salut, l'Orchestre de London, la Compagnie de théâtre de London et le Merrymount Children's Centre, entre autres, ont été les bénéficiaires reconnaissants de ses talents et de sa compétence.

Merv Lahn fut un grand homme dans tous les sens du terme. C'était un homme d'une grande intégrité qui avait des principes élevés, un homme respecté et estimé par ses amis et ses collègues. J'adresse mes condoléances à sa femme, Myra, et à ses trois enfants. London et le Canada partagent leur perte.

* * *

LE MAINTIEN DE LA PAIX

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, depuis 1947, le Canada s'est distingué parmi les pays du monde entier en raison de sa participation aux opérations de maintien de la paix de l'ONU. Cent mille soldats canadiens ont en effet pris part à plus de 23 missions de l'ONU.

Je veux porter à l'attention de la Chambre l'excellent travail accompli par les membres d'un régiment du génie de ma circonscription, celle de Fraser Valley-Est. Depuis 1992, quatre cent quarante membres de ce régiment ont été envoyés dans l'ancienne Yougoslavie.

Prochainement, 125 autres iront risquer leur vie là-bas. Nous gardons une pensée émue pour ces hommes et ces femmes, ainsi que les proches qu'ils laissent derrière eux.

Au siècle dernier, les conquérants militaires étaient acclamés comme des héros. Alors que s'achève le XXe siècle, il faut dire que les héros militaires modernes sont ceux qui réussissent à vaincre ce qu'il y a de pire dans la nature humaine. Les députés de cette Chambre louent les sacrifices et les efforts héroïques des membres des Forces armées canadiennes. Bénis soient ceux qui assurent le maintien de la paix.

LA SÉCURITÉ AÉRIENNE

M. Wayne Easter (Malpèque): Monsieur le Président, je crois savoir que, sous l'ancien régime, le ministère des Transports a entrepris une étude du système de navigation aérienne au Canada.

(1405)

À la suite de cette étude, il se pourrait que les contrôleurs aériens d'un certain nombre d'aéroports soient remplacés par des stations d'information de vol. Je crains que l'aéroport de Charlottetown ne soit visé. Toute réduction de services essentiels dans les aéroports est souvent considérée comme un risque pour la sécurité. Le gouvernement doit en effet prouver que les compressions budgétaires n'auront pas de répercussions sur la sécurité.

J'exhorte donc le ministre des Transports à consulter tous les groupes d'intérêt concernés de ma province avant de prendre quelque décision que ce soit à la suite de cette étude. Après tout, nous ne sommes pas ici pour mettre en oeuvre le programme du gouvernement précédent, mais plutôt pour corriger ses erreurs.

Il est donc essentiel que le gouvernement consulte tous les intéressés avant de prendre une décision.

* * *

LES TAXES SUR LE TABAC

Mme Beryl Gaffney (Nepean): Monsieur le Président, je reçois beaucoup d'appels et de lettres d'électeurs qui s'opposent à ce que le gouvernement réduise les taxes sur le tabac. Ils estiment qu'il y a de meilleures façons de lutter contre la contrebande du tabac.

Au Canada, comme dans tous les autres pays industrialisés, exception faite des États-Unis, les taxes sur le tabac représentent 70 p. 100 du prix de vente. Pourquoi le gouvernement américain ne hausse-t-il pas ses taxes?

Les électeurs proposent de rétablir la taxe à l'exportation. Durant les quelques semaines où cette taxe a été en vigueur en 1992, la quantité de tabac de contrebande est passée d'un niveau sans précédent de 737 millions à 146 millions de cigarettes.

Les électeurs proposent d'octroyer des permis aux marchands de tabac et de faire respecter la loi de façon plus rigoureuse. Il a fallu un demi-siècle pour réduire le nombre de fumeurs et, partant, les problèmes de santé résultant du tabagisme.

Une des responsabilités de notre gouvernement, c'est de protéger la santé des Canadiens. Mes électeurs demandent instamment au gouvernement de ne pas céder à l'industrie du tabac et de tenir sans plus tarder un forum où toutes les parties pourront s'exprimer et où le gouvernement pourra prendre connaissance de tous les facteurs en cause afin de bien les évaluer.

* * *

LE CLUB LIONS DE MOUNT ALBERT ET DU DISTRICT

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour féliciter le club Lions de Mount Albert et du district environnant à l'occasion de son 25e anniversaire.


635

Ma famille et moi habitons à Mount Albert. Nous sommes sans cesse émerveillés par tout ce que le club peut faire pour la collectivité. Les groupes philanthropiques tels que celui-là méritent qu'on souligne tout particulièrement leur excellent travail, ainsi que les sacrifices que consentent leurs membres.

Il importe que les parlementaires prennent conscience du bien que font ces organismes dans les collectivités. Très souvent, ils procurent une aide très utile là où le gouvernement ne saurait le faire.

Je réitère mes félicitations au club Lions de Mount Albert à l'occasion de son 25e anniversaire.

* * *

LE RÉGIME D'ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ

M. John Cummins (Delta): Monsieur le Président, depuis deux ans, des milliers de Canadiens peuvent acheter une maison ou rénover celle qui leur appartient déjà à l'aide du Régime d'accession à la propriété, qui permet aux particuliers de retirer jusqu'à 20 000 $ de leur REER à titre de mise de fonds. Les études montrent que, pour la première année seulement, plus de 150 000 Canadiens se sont prévalus de cette possibilité, ce qui représente 26 p. 100 de toutes les transactions immobilières.

Pendant la campagne électorale, le gouvernement a promis de créer des emplois. Or, ce programme a fait la preuve qu'il pouvait stimuler l'emploi. Le secteur immobilier et des milliers d'acheteurs éventuels attendent impatiemment que le gouvernement annonce la prolongation de ce programme.

* * *

[Français]

L'AUTONOMIE PALESTINIENNE

Mme Maud Debien (Laval-Est): Monsieur le Président, au nom de tous les Québécois et Canadiens, je désire féliciter les représentants de l'OLP, d'Israël et d'Égypte, pour les fructueuses négociations qu'ils ont menées au Sommet économique de Davos, en fin de semaine.

En effet, un accord définitif sur l'autonomie palestinienne à Jéricho et dans la Bande de Gaza paraît imminent. Les deux parties se sont mises d'acccord sur le déploiement de garde-frontières israéliens aux points de passages internationaux, entre Jéricho et la Jordanie, et entre la Bande de Gaza et l'Égypte.

Nous espérons tous que le rendez-vous du Caire permettra également aux deux parties d'élaborer un compromis sur la dimension territoriale de Jéricho et sur le problème de la sécurité des colons juifs.

Je crois qu'il faut souligner tous les efforts qui sont faits entre ces deux peuples dans le domaine de la paix et de l'espoir, comme le disait M. Peres, alors qu'il avait l'impression de gravir une montagne magique de paix.

[Traduction]

LE PRIX DE L'ESSENCE

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River): Monsieur le Président, au nom des habitants de tout le nord de l'Ontario, je voudrais protester avec véhémence contre le niveau outrageusement élevé du prix de l'essence dans notre région.

Alors que le prix du pétrole brut est tombé depuis quelques mois, passant de 20 $ à 14 $, nous payons encore jusqu'à 62c. le litre dans le nord de l'Ontario, contre 42c. dans le sud. Les coûts de transport ne peuvent expliquer cet écart. En effet, il ne coûte que 3c. le litre pour transporter l'essence dans le nord.

(1410)

Y a-t-il collusion entre les grandes pétrolières pour fixer les prix dans le nord de l'Ontario? Ces pratiques commerciales immorales entraînent des coûts supplémentaires de plus de 1 500 $ pour nos agriculteurs et de centaines de milliers de dollars pour nos commissions scolaires et nos municipalités.

J'estime que c'est tout à fait inacceptable. J'exhorte les grandes pétrolières à diminuer les prix de l'essence dans le nord pour qu'ils soient plus près de ceux du sud et reflètent d'une manière plus équitable les cours mondiaux du brut.

* * *

L'ÉTHANOL

M. Julian Reed (Halton-Peel): Monsieur le Président, la ministre de l'Environnement a créé un groupe de travail sur l'éthanol, que l'on m'a demandé de présider. J'ai, à mon tour, fait appel à la députée de Lambton-Middlesex pour coprésider ce comité. Au cours des législatures précédentes, c'est le prédécesseur de cette députée, l'honorable Ralph Ferguson, qui a fait la promotion de l'éthanol en tant que carburant. Nul doute que ses efforts de recherche et son enthousiasme qui ne s'est jamais démenti nous faciliteront de beaucoup la tâche.

L'éthanol est déjà utilisé au Canada d'une manière limitée. Le temps est maintenant venu d'en accroître l'usage. L'ajout de seulement 10 p. 100 d'éthanol à l'essence réduit les émissions de monoxyde de carbone dans une proportion d'environ 25 p. 100, tout en relevant l'indice d'octane et en maintenant les moteurs propres.

Les avantages de ce carburant renouvelable pour les régions tant rurales qu'urbaines du pays font de cette initiative une voie naturelle à suivre.

* * *

LA BIOTECHNOLOGIE AGRICOLE

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn): Monsieur le Président, le Canada a la réputation d'être un chef de file mondial dans le domaine de la biotechnologie agricole. L'un des principaux centres de recherche et de développement dans ce secteur se trouve à Saskatoon où d'importants progrès ont été réalisés dans le domaine de l'amélioration des plantes et de la recherche animale.


636

Toutefois, des membres de l'industrie ont attiré mon attention sur le fait qu'ils ont beaucoup de mal à faire enregistrer leurs nouveaux produits au Canada. L'enregistrement est la responsabilité exclusive de la bureaucratie fédérale. Ce qui peut prendre des jours, des semaines ou des mois dans des pays comme les États-Unis prend des années au Canada. À cause de cette lenteur administrative, le Canada est en train de perdre sa place de chef de file mondial dans ce secteur.

J'exhorte les ministres responsables de cette question d'éliminer les nombreux obstacles à la commercialisation des nouveaux produits, de sorte que le Canada puisse conserver sa place de chef de file mondial dans ce secteur.

* * *

[Français]

LES PROGRAMMES SOCIAUX

M. Paul Mercier (Blainville-Deux-Montagnes): Monsieur le Président, le ministre du Développement des ressources humaines a annoncé la tenue d'une vaste consultation publique en vue de restructurer le système de sécurité sociale. Le gouvernement s'est donné deux ans pour revoir l'ensemble des programmes sociaux, et il y a fort à parier que les questions des paiements de transfert aux provinces seront discutées.

Nous croyons que c'est là une façon de gagner du temps en plus d'ouvrir la voie à une ingérence encore plus grande du fédéral. Nous nous opposons fermement à tout empiétement du gouvernement dans le domaine de l'éducation qui est de juridiction exclusive du Québec et des autres provinces. De plus, les chevauchements sont coûteux, inefficaces et engendrent du gaspillage. C'est à l'emploi qu'il faut s'attaquer et l'emploi passe par le recyclage de la main-d'oeuvre et l'éducation. L'efficacité de la campagne pour l'emploi passe donc par la restitution de ces responsabilités à leurs légitimes détenteurs, les provinces.

* * *

[Traduction]

LE FORUM NATIONAL SUR LA SANTÉ

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord): Monsieur le Président, je voudrais remercier les électeurs de Surrey-Nord de m'avoir choisie pour les représenter à la Chambre. Je voudrais également féliciter les nombreux députés qui sont nouveaux à la Chambre. Leur présence ici témoigne du désir de changement réel et durable exprimé par les Canadiens.

Le Parlement va avoir à relever de nombreux défis. En tant qu'infirmière, le système de santé est le problème que je connais le mieux. Je me réjouis donc de la constitution d'un forum national sur la santé, annoncée par le gouvernement dans le discours du Trône.

J'estime que si nous voulons que notre système de soins survive, nous devons mener un dialogue franc et ouvert, et je compte bien y participer. Les débats sur les soins de santé ne sont jamais faciles. J'espère que le moment venu de se mettre à cette énorme tâche, les députés feront preuve d'ouverture d'esprit.

L'IMMIGRATION

M. Pat O'Brien (London-Middlesex): Monsieur le Président, ma circonscription, London-Middlesex, accueille un nombre croissant d'immigrants qui nous viennent de divers pays, dont des pays arabes et la Pologne.

Je me rends clairement compte aujourd'hui, ainsi que les habitants de ma circonscription, qu'une meilleure coordination des services entre les trois paliers de gouvernement est nécessaire si nous voulons aider ces nouveaux Canadiens à s'adapter.

Ceux de mes électeurs qui sont des néo-Canadiens me disent qu'on ne leur donne tout simplement pas suffisamment d'informations sur la façon dont le gouvernement canadien fonctionne et sur la façon de s'y prendre pour avoir accès à ses services.

(1415)

En tant que représentant de ce groupe à la Chambre, j'ai l'intention d'insister sur ce problème pendant cette législature. Je voudrais demander au nouveau ministre de faire de ce problème une question prioritaire.

* * *

[Français]

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

M. David Berger (Saint-Henri-Westmount): Monsieur le Président, vendredi dernier, le député d'Argenteuil-Papineau, du Bloc québécois, était présent à une manifestation où on a vendu pour des milliers de dollars de cigarettes de contrebande.

Le député était aux côtés du maire de Lachute lorsque ce dernier a coupé le ruban pour signaler le début de la manifestation.

[Traduction]

Le Président: À l'ordre. Je demanderais qu'on s'abstienne autant que possible de faire des attaques personnelles contre tout député.

Je sais que nous ne faisons que recueillir des renseignements. J'espère que le député voudra reformuler légèrement sa déclaration. Je l'autoriserai à poursuivre à cette condition.

[Français]

M. Berger: Monsieur le Président, je voulais tout simplement demander au solliciteur général de faire enquête sur une situation très grave et de déterminer si une activité illégale a été commise, et, dans l'affirmative, de poursuivre ces personnes en vertu de la loi appropriée.

Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le Président, que la contrebande du tabac est un problème très grave au Canada, que c'est une activité illégale menée par des organisations criminelles qui font transiter les cigarettes de contrebande par les routes de la drogue, des armes et de l'alcool.

La contrebande fait plusieurs victimes, notamment les commerçants respectueux de la loi, les citoyens, les collectivités et surtout la jeunesse.

637

[Traduction]

LA SÉCURITÉ SOCIALE

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieu le Président, aujourd'hui, à la Chambre, le ministre du Développement des ressources humaines a exposé la stratégie du gouvernement pour moderniser et restructurer le régime de sécurité sociale du Canada d'ici à septembre.

Il s'agit là d'un plan ambitieux. Bien que je félicite le ministre de ses efforts, j'espère que ce processus sera suffisant, vu l'étendue et l'ampleur de la réforme qui a été promise.

J'espère aussi que cette étape très ouverte et très importante de consultations auprès des Canadiens ne deviendra pas dépassée avant même de commencer, au moment où son collègue, le ministre des Finances, déposera son budget en février.

Au terme de ce processus, des millions de Canadiens s'attendront que le ministre respecte sa promesse de renouveler et de vivifier le filet de sécurité sociale au lieu de le jeter par-dessus bord.

Comme vous le savez, les néo-démocrates, surtout ceux de ma province, la Saskatchewan, s'intéressent à cet examen, car ce sont eux qui ont contribué à élaborer les programmes sociaux au Canada.

Il a fallu des décennies pour renforcer les fondements de compassion et de sollicitude sur lesquels reposent ces programmes sociaux. Nous ne pouvons pas permettre qu'ils soient sacrifiés sur l'autel de la réduction du déficit.

* * *

LE BUREAU DE RÉGIE INTERNE

Le Président: Le vendredi 28 janvier 1994, le député de Nanaimo-Cowichan a posé une question au premier ministre concernant la rémunération des hauts fonctionnaires de la Chambre. Bien que j'aie autorisé le premier ministre à y répondre, j'ai rappelé à la Chambre qu'il conviendrait mieux de l'adresser au représentant du Bureau de régie interne. J'ai également dit que je demanderais conseil à ce sujet et que j'informerais la Chambre le plus tôt possible.

Je voudrais saisir cette occasion pour clarifier la procédure. Toutes les questions portant sur la gestion interne et financière de la Chambre des communes relèvent, selon la loi, du Bureau de régie interne, dont la composition a été déposée à la Chambre le mercredi 19 janvier 1994.

Il ne s'agit pas d'une responsabilité administrative du gouvernement. C'est pour cette raison que les députés ne peuvent pas poser ces questions à des ministres.

Pour la gouverne des députés, il y a à la Chambre deux représentants du Bureau de régie interne qui peuvent donner des renseignements au sujet du bureau. Ce sont le whip en chef du gouvernement et le whip de l'opposition officielle.

[Français]

J'aimerais aussi rappeler à tous les députés que le Bureau de la régie interne est composé de députés représentant les trois partis reconnus en Chambre. Les députés peuvent consulter les représentants de la Régie interne pour obtenir de l'information ou des conseils.

En ce qui a trait aux députés indépendants, je demeure, comme toujours, à leur entière disposition.

[Traduction]

Je remercie tous les députés de m'avoir permis de faire le point sur cette question de procédure dès le début de la 34e législature.

_____________________________________________


637

QUESTIONS ORALES

(1420)

[Français]

LA FISCALITÉ

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Une étude de la Banque du Canada, qui a été rendue publique aujourd'hui, à la faveur d'une réponse de l'accès à l'information, propose au gouvernement un ensemble de mesures se traduisant par une augmentation d'impôt pour les familles, pour les étudiants, et surtout pour les personnes âgées. En fait, par une diminution substantielle des exemptions fiscales applicables présentement aux personnes âgées, la Banque du Canada propose de réaliser des économies totalisant 1,8 milliard de dollars sur le dos des personnes âgées.

Le ministre entend-il donner suite à cette recommandation, qui aurait pour effet d'augmenter les impôts de milliers de personnes âgées? Autrement dit, est-ce qu'il pourrait, aujourd'hui, rassurer ces personnes âgées qui s'inquiètent, à juste titre, de ces recommandations qui tombent sur le fil à quelques semaines du discours du budget?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, comme mon honorable collègue le sait, le Rapport de la Banque du Canada a été émis le 26 octobre, c'est-à-dire le jour suivant l'heureux événement des élections fédérales.

Je dois lui dire qu'il s'agit d'un rapport qui a été préparé dans ce cas-ci sous l'égide de l'ancien gouvernement. On va le lire, on va le regarder. Mais je peux assurer le chef de l'opposition que nous n'avons aucune intention de faire quoi que ce soit sur le dos des plus démunis et des aînés de ce pays.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, je remercie le ministre des Finances pour sa réponse, qui me paraît assez précise pour rassurer, en partie du moins, les personnes âgées. Je ne suis pas sûr que l'événement ait été aussi heureux qu'il le pense. On verra, au discours du Budget, si ce sera un événement heureux.


638

Mais, attendu que ce rapport existe, qu'il est maintenant de consommation publique et qu'il sera analysé par beaucoup de gens, il pourrait inspirer des tentations à des gens qui souhaitent toucher justement à ce qui a été intouchable jusqu'à maintenant, c'est-à-dire les pensions de vieillesse. Est-ce que le ministre des Finances peut nous dire s'il est d'accord, lui personnellement en tant que ministre des Finances, à ce qu'on commence à imposer les pensions de vieillesse à partir d'un revenu annuel de 30 000 $, de façon à économiser quelque chose comme 700 à 800 millions de dollars sur le dos des personnes âgées?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, nous avons été très clairs. Ce que l'on recherche dans notre système de fiscalité, que ce soit au niveau des exemptions, de la façon d'imposer des taxes ou des subventions accordées à des corporations ou à des particuliers, c'est l'équité. Et c'est cela que l'on va chercher à atteindre dans le budget.

Dans le Rapport de la Banque du Canada, s'il y a des points intéressants, on va certainement les examiner. Mais je crois que j'ai répondu vraiment à la question la semaine dernière lorsque j'ai fait référence au programme politique du Parti réformiste, là où j'ai dit que vraiment je trouvais leur option, de sabrer dans les subventions, dans les dépenses gouvernementales envers nos aînés, tout à fait inacceptable pour nous.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): En fait, monsieur le Président, pour reprendre ce que le ministre vient de dire, on a l'impression que ce rapport a été rédigé par quelqu'un du Parti réformiste, puisqu'une recommandation est justement à l'effet d'abolir l'exemption de base de 3 482 $ accordée aux personnes âgées, ainsi que d'imposer désormais la première tranche de 1 000 $ des revenus des personnes âgées.

Est-ce que le ministre reconnaît que de rendre publiques de telles informations émanant de l'autorité morale de la Banque du Canada, c'est de nature à inquiéter les gens et c'est de nature finalement à créer un mouvement politique qui pourrait compromettre la sécurité des personnes âgées, se voyant ainsi imposer de plein fouet, et de manière inéquitable, une mesure tout à fait dommageable?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi le sens de la question de l'honorable chef de l'opposition. Il semble vouloir dire que la Banque du Canada ne devrait pas sortir ces données et ne devrait pas essayer de faire valoir ses opinions.

(1425)

Je pense que la Banque du Canada a le droit de faire ces études, et, lorsqu'elle les fait, on devrait les rendre publiques. Mais comme mon ami le sait fort bien, on n'a pas toujours été d'accord avec la Banque du Canada lorsqu'on était dans l'opposition, et je crois qu'il s'agit d'une étude qui a été préparée lorsqu'on était dans l'opposition.

LES PROGRAMMES SOCIAUX

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Le ministre du Développement des ressources humaines vient de plonger dans l'insécurité des millions de Québécois et Canadiens en remettant en cause le système de sécurité du revenu.

Le ministre du Développement des ressources humaines n'est-il pas en train d'utiliser la consultation pour conditionner la population à accepter des coupures dans les programmes sociaux, exactement comme l'a fait son collègue des finances?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, il est très malheureux que ma collègue se soit empressée de sauter aux conclusions avant même que les Canadiens ne se soient fait entendre. Pourquoi avons-nous un Parlement si ce n'est pour écouter ce que les Canadiens ont à dire?

Nous avons écouté les Canadiens et ils nous ont dit qu'ils voulaient des changements parce que le système actuel ne fonctionnait pas. C'est dommage que le Bloc québécois adopte une attitude aussi réactionnaire. Le chef de l'opposition a peut-être toujours la position qu'il avait lorsqu'il faisait partie du gouvernement précédent.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, le ministre ne convient-il pas, malgré ses propos généreux, que son gouvernement procède à l'envers en remettant en cause le filet de sécurité sociale, quelles que soient les intentions qu'il exprime au Québec et au Canada, sans avoir fait au préalable l'exercice nécessaire de faire le ménage dans le gaspillage fédéral, et surtout sans avoir proposé aucune stratégie de création d'emploi?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, comme je l'ai dit ce matin, si nous voulons redonner du travail aux Canadiens de toutes les provinces, de toutes les régions, il nous faut agir de façon systématique. Nous y parviendrons en stimulant l'économie, en créant des emplois grâce au programme d'infrastructures et en encourageant la petite entreprise. Pour ce faire, il nous faut aussi nous pencher sur nos programmes d'emploi, de formation et de sécurité du revenu.

Le présent gouvernement a une vision globale. Son approche est exhaustive. Si la députée regarde juste par le petit bout de la lorgnette et ne peut pas avoir une vue d'ensemble, il ne faut donc pas s'étonner que le Bloc ne puisse pas comprendre les avantages qu'il y a à vivre au Canada.


639

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines. Elle concerne son projet de restructuration du système de sécurité sociale du Canada.

Le fait que notre parti compte 52 députés montre bien que nous sommes, nous aussi, à l'écoute des Canadiens. Tous, qu'ils soient chefs de famille ou dirigeants d'entreprise, se demandent toujours, au moment de faire leur budget, combien d'argent ils ont à leur disposition et quelle est la meilleure façon de l'utiliser. Il n'y a que les gouvernements pour décider d'abord ce qu'ils veulent et essayer ensuite de trouver les fonds nécessaires.

Le ministre a-t-il l'intention d'abandonner son approche rétrograde à l'égard du budget et de demander au ministre des Finances une limite budgétaire globale, établie à l'avance, pour les dépenses sociales?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, au cours du débat, nous avons d'abord entendu le Bloc québécois, qui n'a proposé aucun changement, puis le Parti réformiste, qui a dit qu'il n'existait pas de filet de sécurité sociale.

Il n'y a que les libéraux qui comprennent vraiment que ce dont nous avons besoin, c'est de créer un système qui incitera les gens à retourner sur le marché du travail et qui les aidera à le faire.

Je voudrais dire au député que toutes les personnes avec lesquelles j'ai discuté jusqu'à maintenant-mes homologues provinciaux, des gens des milieux d'affaires, syndicaux et autres-reconnaissent que nous ne pourrons régler les problèmes de déficit tant que nous ne nous serons pas dotés d'un système qui vise vraiment à donner du travail aux gens, à créer des emplois et à favoriser la croissance de notre pays.

(1430)

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, personne ne connaît mieux les préoccupations des Canadiens au sujet de leurs filets de sécurité sociale que nous, réformistes, qui sommes très attentifs à leurs besoins.

Au cours de l'intervention qu'il a faite ce matin, le ministre n'a pas très bien reconnu toute la gravité de la situation financière au Canada. Dans quelle mesure un plan à long terme qui ne tient pas compte des graves contraintes financières du Canada peut-il être réaliste et viable?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, nous avons dit à maintes reprises que nous étions parfaitement au courant des pressions financières exercées sur ce pays pour la mise en place de toutes sortes de programmes et de toutes sortes d'initiatives.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous croyons qu'en adoptant une approche systémique, en examinant les différentes façons dont le gouvernement peut collaborer avec les provinces, avec le secteur privé et avec des groupes d'intérêt, nous pourrons restructurer nos programmes de sécurité sociale pour les rendre plus efficaces, mais, surtout, pour donner aux gens des possibilités, des options et des choix en matière d'emploi.

Cependant, il ne suffit pas, pour régler tous nos problèmes, d'éliminer certains programmes. Il faut les revitaliser, les renouveler et remettre les Canadiens au travail.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, nous sommes parfaitement d'accord pour que les Canadiens réintègrent le marché du travail. J'aurais une autre question à poser au ministre. Ce matin, il a dit à la Chambre qu'il allait annoncer prochainement les noms des personnes qui feront partie de ce groupe de travail.

Le ministre pourrait-il dire à la Chambre comment on procédera pour choisir ces personnes et si ce groupe de travail comprendra des membres qui auront un sens aigu de la responsabilité financière et qui sauront l'inculquer aux autres?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, tous les membres du groupe de travail auront un sens aigu de la responsabilité financière et un sens aigu de la responsabilité sociale.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé. Le gouvernement se livre actuellement à un vaste exercice de consultation. Votre collègue du Développement des ressources humaines fait une consultation visant à restructurer les programmes sociaux. D'autre part, le premier ministre vous a confié le mandat de tenir un forum national sur la santé afin de définir les priorités dans ce domaine.

La ministre ne trouve-t-elle pas que cela commence à faire beaucoup de consultations? Et comment entend-elle harmoniser sa réforme avec celle entreprise par le ministre du Développement des ressources humaines?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, pendant les derniers cinq ans que nous avons passés ici, les Canadiens et les Canadiennes à travers le pays nous ont dit: Vous ne nous écoutez pas assez. Maintenant que nous formons le gouvernement, nous allons travailler en coopération avec tous les Canadiens et les Canadiennes, à tous les niveaux de gouvernement, et c'est le but visé par le Forum national sur la santé. Nous allons essayer d'amener tous les niveaux de gouvernement à se servir des expériences positives qui ont eu lieu un peu partout dans le pays, afin que tout le monde en bénéficie.

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, le gouvernement multiplie les initiatives de consultation dans les domaines de la formation de la main-d'oeuvre, de l'éducation et de la santé. Doit-on comprendre qu'en matière de santé, le gouvernement profite de la tenue de ce forum pour empiéter de façon centralisatrice dans les domaines de compétence provinciale?

[Traduction]

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, en tant que ministre de la Santé je suis tout à fait consciente des responsabilités des gouvernements provinciaux en matière de santé.

Cependant, dans l'ensemble, nous demeurons responsables de cette question. Nous établissons le cadre à l'intérieur duquel les gouvernements administrent l'appareil de soins de santé au Canada. Je pense que c'est là l'un des meilleurs atouts de notre


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pays. Je crois qu'il est essentiel que le gouvernement central continue de jouer un rôle très important en matière de santé si nous voulons maintenir le merveilleux régime sur lequel nous pouvons compter au Canada.

* * *

LES CONFÉRENCES PRÉBUDGÉTAIRES

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. À la dernière conférence prébudgétaire, à Calgary, samedi dernier, le ministre des Finances a déclaré qu'on ne pouvait s'attendre à ce que le gouvernement tienne compte de tous les avis.

(1435)

Le ministre des Finances en est-il arrivé à cette conclusion parce qu'il n'aime pas ce qu'il entend, à savoir que le déficit et la dette et non les recettes constituent notre principal problème?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, comme on pouvait s'y attendre, les participants à ces conférences ont émis des points de vue très différents, surtout parce qu'on y a invité des gens qui ne représentaient pas simplement un seul point de vue très étroit, mais tous les points de vue. Manifestement, il y a eu des divergences d'opinions au sein des groupes de discussion et dans le cadre des ateliers. Il est donc impossible à qui que ce soit de plaire à tous et de suivre tous les avis.

Ce que nous avons dit très clairement, c'est que nous écoutions, que nous comprenions le message commun, le thème commun, le désir de relancer l'économie et de redonner de l'emploi aux gens. Ce que nous avons déclaré sans équivoque, c'est que si nous décidions de ne pas retenir une recommandation donnée, nous en préciserions les raisons, car nous prenons ces consultations très au sérieux.

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, étant donné qu'on a consacré 800 000 $ à ces conférences, le ministre des Finances va-t-il gaspiller cet argent et prendre des mesures qui vont à l'encontre des solutions de rechange constructives proposées en augmentant le fardeau fiscal?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, en ce qui concerne la somme de 800 000 $, permettez-moi de rappeler que les conférences constitutionnelles organisées par le gouvernement précédent ont coûté 7,5 millions de dollars.

Ces conférences ont été organisées par les mêmes instituts. Lorsqu'on examine ce que nous en avons tiré, permettez-moi de dire que le rapport qualité-prix était excellent. C'est peut-être la raison pour laquelle le député n'était pas là.

Le Président: Peut-être que l'honorable ministre nous a tous donné à réfléchir.

M. Martin (LaSalle-Émard): Monsieur le Président, ce qui est vraiment ressorti de ces conférences, c'est que des Canadiens aux points de vue différents se sont réunis et ont été forcés de faire les mêmes types d'échanges et de tenir les mêmes types de discussions que les gouvernements et les ministres des Finances.

Le problème que pose la consultation privée, le genre de consultation qu'on effectuait dans le passé, c'est que les gens qui viennent témoigner pour défendre un seul point de vue s'en vont en prétendant qu'ils ont fait valoir leur position, alors qu'ils n'ont jamais été confrontés, dans le cadre d'un débat, aux critiques des gens défendant la thèse contraire. C'est là le grand avantage de la présente consultation.

Ce que je tiens à dire, c'est que demain, tous les députés auront l'occasion de faire connaître leur point de vue dans le cadre du débat. J'espère alors que les députés feront ce que les Canadiens ont fait clairement à Calgary, notamment, et qu'ils ne se contenteront pas de nous dire simplement de dépenser davantage dans leur région ou d'effectuer des compressions dans les circonscriptions de leurs collègues, mais qu'ils seront prêts plutôt à faire des concessions mutuelles. Si les députés imitent les Canadiens, je crois qu'il ressortira d'excellentes choses du débat de demain et j'envisagerai alors avec beaucoup d'optimisme le budget que nous allons présenter.

* * *

[Français]

LES AFFAIRES INDIENNES

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale a annoncé la semaine dernière, dans cette Chambre, que des négociations avaient eu lieu avec le chef Jerry Peltier, relativement aux événements de Kanesatake. Puisque celui-ci avait personnellement changé sa version des faits, le chef Jerry Peltier a changé sa version des faits par la suite, puisqu'il m'avait lui-même confirmé qu'il y avait eu des tirs en direction des aéronefs chargés de localiser le signal de détresse sur la réserve même.

Ma question s'adresse au ministre des Affaires indiennes: Est-ce que le ministre des Affaires indiennes ou son ministère ont été invités par le ministre de la Défense nationale à participer aux négociations avec le grand chef Jerry Peltier et le conseil de bande de Kanesatake?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, j'ai passé trois jours au Yukon. Les négociations ont eu lieu entre le ministre de la Défense nationale et le chef Peltier. J'étais au courant de ce qui se passait et on m'a bien renseigné sur ce dossier. Je suis convaincu que la question s'est réglée à l'amiable; nous sommes arrivés à nous entendre sur le fait que l'espace aérien du Canada appartient à tous les Canadiens.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, si le ministre des Affaires indiennes est satistait, est-ce qu'il a l'intention d'étendre l'entente conclue entre le chef Jerry Peltier et la Défense nationale, d'étendre cette entente-là à l'ensemble des réserves et des territoires canadiens, ici même au Canada, pour les nations autochtones?


641

(1440)

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, je me répète; je veux que ce soit bien clair: l'espace aérien canadien n'est pas négociable. Il fait partie du parapluie canadien. C'est justement un exemple de ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de négociations sur l'autonomie gouvernementale à l'intérieur d'un seul Canada.

J'ai dit que l'espace aérien du Canada était ouvert à toutes les nations, à toutes les réserves et à tous les Canadiens. Je ne peux être plus clair que cela.

* * *

LES PROGRAMMES SOCIAUX

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des Ressources humaines et fait suite à son discours de ce matin.

Dans son discours, le ministre a été très applaudi par les députés de son caucus lorsqu'il a déclaré que sa «réforme» de la politique sociale ne devait pas être perçue comme une façon de «réduire les coûts».

Étant donné que les programmes sociaux représentent la majeure partie des dépenses consacrées à l'ensemble des programmes gouvernementaux, comment le ministre peut-il s'attendre à ce que le gouvernement réduise le déficit à 3 p. 100 du revenu national, tel que promis dans le livre rouge, sans réduire les dépenses consacrées aux programmes sociaux?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, mon collègue devrait lire le discours du Trône au complet. Nous y avons énoncé des objectifs très précis.

Nous voulons notamment rendre l'administration des programmes plus efficace et plus efficiente, éliminer le double emploi et les chevauchements et trouver des moyens plus efficaces d'aider ceux qui en ont besoin. Ce sont là des façons d'économiser de l'argent, mais ce n'est pas notre seul objectif.

L'objectif le plus important, les vraies économies, consistent à faire en sorte que les trois millions de Canadiens qui, l'an dernier, ont dû faire appel à l'assurance-chômage ou à la sécurité sociale, puissent se trouver un bon emploi, qu'ils aient de l'espoir et reçoivent une bonne formation.

La véritable économie pour le Canada consiste à utiliser pleinement ses ressources humaines. Le déficit humain coûte plus cher au Canada que son déficit budgétaire.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur le Président, je ne comprends pas très bien la réponse du ministre.

La rhétorique était excellente, mais est-ce que le ministre revient sur la déclaration qu'il a faite plus tôt, à savoir qu'il n'y aurait pas de réduction des coûts?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, le député doit comprendre qu'il n'y a pas de contradiction. En fait, nous disons clairement qu'une revue générale des programmes permettra de réduire leurs coûts d'administration. Nous pourrons réaliser des économies en remettant les gens au travail.

Mais pour y arriver, il faut investir dans les ressources humaines. Au lieu de prendre ici et là des éléments du discours, mon collègue devrait le lire en entier. Je crois qu'il le trouvera passionnant.

* * *

[Français]

LA CRÉATION D'EMPLOIS

M. François Langlois (Bellechasse): Monsieur le Président, ma question s'adresse à l'honorable leader du gouvernement en Chambre.

Pendant la campagne électorale, les candidats libéraux, en invoquant le livre rouge, ont proposé diverses mesures constituant, selon eux, un plan d'action pour créer des emplois et pour relancer l'économie. Or, la troisième semaine de la session commence sans aucune indication législative à propos des mesures promises concernant ce plan d'action.

Ma question est la suivante: Pourquoi, alors que nous en sommes à la troisième semaine de la session, le gouvernement n'a-t-il pas encore proposé un seul projet de loi significatif ayant pour objet de mettre en vigueur les dispositions du livre rouge pour la création d'emplois?

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, mon collègue oublie qu'avant même l'ouverture de la session nous avions annoncé la réalisation d'un important programme national d'infrastructure qui créerait des dizaines de milliers d'emplois aux quatres coins du Canada.

Je crois que, si mon collègue se tient au courant, il verra que d'autres mesures seront inscrites au Feuilleton d'ici peu de temps. Ainsi, nous réaliserons notre engagement à faire rouler l'économie et à créer beaucoup de nouveaux emplois pour les Canadiens.

(1445)

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse): J'ai une question supplémentaire à adresser au ministre, monsieur le Président.

[Traduction]

Je m'attends à une réponse et non à de l'obstruction systématique.


642

[Français]

Après avoir transformé cette Chambre en vaste commission consultative depuis trois semaines, quel menu législatif concret le leader du gouvernement entend-il maintenant nous donner?

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, j'invite mon collègue à se reporter au discours du Trône, qui présentait un programme complet devant être réalisé au cours de la présente session et de la suivante. Il s'agit d'engagements inscrits dans le programme du Parti libéral.

Si mon collègue est aussi intéressé par ces questions qu'il le dit, j'espère que nous pourrons compter sur son soutien immédiat et total quand nous présenterons ces mesures à la Chambre. Peut-il nous en donner l'assurance dès aujourd'hui?

* * *

L'IMMIGRATION

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine): Monsieur le Président, alors que 59 000 immigrants sur 250 000 se sont établis en Ontario, cette province n'a reçu que 39 p. 100 de l'aide financière accordée par le gouvernement fédéral pour leur établissement et des cours de langue.

Les compressions budgétaires imposées aux conseils scolaires par la province obligent ces derniers à supprimer des programmes, dont les cours de langue seconde pour les enfants d'immigrants, privant ces élèves de l'éducation dont ils ont besoin.

Le ministre de l'Immigration peut-il dire à la Chambre comment il entend régler cette grave injustice inhérente à notre système?

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, je remercie la députée de sa question. Nous avons promis de travailler en collaboration avec les gouvernements locaux et provinciaux et je suis heureuse de pouvoir dire que c'est là une autre des promesses que nous allons tenir.

Le ministre de l'Immigration a rencontré, ce matin même, les ministres ontariens de la Citoyenneté et des Services sociaux et communautaires, pour parler de ce dossier. Nous sommes déterminés à renforcer la coopération et la coordination entre les deux ordres de gouvernement. Nous devons unir nos efforts pour tirer le meilleur parti possible de nos maigres ressources.

Nous comprenons et partageons les préoccupations de l'Ontario concernant l'établissement des immigrants. Nous sommes prêts à l'écouter. Nous avons déjà modifié le règlement de façon à permettre aux demandeurs du statut de réfugié de travailler en attendant que leur cause soit entendue, ce qui réduira le fardeau de l'assistance sociale.

Le ministre de l'Immigration a l'intention de revoir certaines autres dispositions, en collaboration avec les provinces, afin de profiter au maximum de l'immigration tout en en réduisant le coût autant que faire se peut.

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Dans leur livre rouge, les libéraux ont promis de compenser la hausse des dépenses pour de nouveaux programmes par des réductions dans les programmes existants. Jusqu'à maintenant, toutefois, la réduction des dépenses résultant de l'annulation du contrat des hélicoptères est nettement moins importante que les hausses de dépenses liées aux programmes suivants: 2 milliards de dollars pour le programme des infrastructures; 100 millions pour un programme d'aide à la rénovation résidentielle; 100 millions pour la création d'un Service jeunesse; 5 millions répartis sur quatre ans pour le programme national d'alphabétisation et 900 millions pour les paiements de péréquation. Ces programmes exigeront une hausse des dépenses de 3 milliards de dollars, alors que les compressions proposées sont bien au-dessous de 2 milliards de dollars.

Le ministre peut-il expliquer à la Chambre d'où viendra la différence?

Une voix: La hausse des impôts.

M. Collenette: Vous devriez lire le livre rouge.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, le député d'en face cite le livre rouge avec autant de fierté que le font les députés de ce côté-ci et tous les Canadiens.

Je dirai simplement que les dépenses qu'il vient de mentionner seront réglées au moyen d'une nouvelle répartition des dépenses actuelles, comme le député d'en face le verra dans mon budget.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, je voudrais poser une question supplémentaire.

Le ministre des Finances donnera-t-il une garantie aux millions de contribuables canadiens qui s'inquiètent de leurs placements futurs dans des REER et qui craignent que le gouvernement n'abaisse le plafond de leurs cotisations pour pouvoir financer ces programmes?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, je trouve que la définition d'une question supplémentaire a pris pas mal d'ampleur.

Je me contenterai de rappeler une fois de plus à la Chambre que nous nous sommes engagés à consulter comme jamais cela ne s'est fait auparavant et que demain sera une journée très spéciale à la Chambre, puisque tous les députés pourront, probablement pour la première fois, participer à une consultation prébudgétaire.

(1450)

M. Dingwall: Ce sera une première au Parlement canadien.


643

M. Martin (LaSalle-Émard): Une première au Parlement canadien, selon quelqu'un qui est ici depuis la Confédération.

Des voix: Oh, oh!

M. Dingwall: C'est un coup bas.

M. Martin (LaSalle-Émard): Il suffit de le voir pour le croire, monsieur le Président.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Je suis certain que le ministre en arrive à sa réponse.

M. Martin (LaSalle-Émard): Je suis convaincu, monsieur le Président, que le député ne voudrait pas que je mette prématurément fin au débat, car il tient vraiment à ce que le débat continue et, dans ce cas, je m'abstiens de faire toute observation sur des questions précises.

Je voudrais réellement entendre ce que les gens d'en face et les Canadiens en général ont à dire.

* * *

[Français]

LA FISCALITÉ

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Au terme de sa consultation prébudgétaire à travers le Canada et après avoir parlé d'élargir l'assiette fiscale, le ministre des Finances a identifié certaines cibles pouvant permettre au gouvernement d'augmenter ses revenus, comme abaisser le plafond des REER, éliminer l'exonération de 100 000 $ de gains en capital, réduire la portée des régimes de pension du troisième âge, imposer le régime de santé et de soins dentaires payé par les employeurs, bref, toute mesure touchant la classe moyenne déjà étranglée depuis 1984, par la fiscalité canadienne.

Le ministre peut-il nous dire clairement et franchement s'il envisage recourir à l'ensemble de ces mesures?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, je vais répéter en français ce que je viens de dire en anglais. J'attends avec impatience le débat de demain et je veux vraiment entendre ce que les députés auront à dire. J'attends certainement avec impatience le discours du critique des finances du Bloc québécois. Ce n'est pas mon intention dans ce cas-là de vraiment choisir entre les suggestions qui ont été faites, mais je vais attendre le débat et, éventuellement, le député attendra mon budget.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, je désire poser une question supplémentaire. Comment se fait-il que le ministre n'ait pas évoqué publiquement-alors qu'il l'a fait publiquement pour l'ensemble des autres mesures précédentes-, l'élimination du traitement préférentiel des grandes sociétés au niveau fiscal, et surtout l'élimination des fiducies familiales qui le privent d'un revenu estimé à 350 millions de dollars, selon Claude Picher, article paru dans La Presse de cette fin de semaine? Est-ce que le ministre a peur de s'attaquer aux amis du régime?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Attendez mon budget!

Le Président: Il faut toujours s'adresser à la Présidence.

* * *

[Traduction]

LES DÉPUTÉS

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.

Lundi dernier, le député de Broadview-Greenwood a pris la parole à la Chambre et a dit à quel point les Canadiens en ont assez des consultations, soit, je suppose, des consultations menées par des experts-conseils.

Le gouvernement retient à l'heure actuelle les services d'un expert-conseil pour examiner des questions telles que les avantages indirects et les pensions dont bénéficient aujourd'hui ou dont ont bénéficié dans le passé les sénateurs et les députés.

Pourquoi la vice-première ministre recommande-t-elle, comme le rapporte la Gazette de Montréal, que tous les députés participent à une autre étude menée aux frais des contribuables, d'autant plus que le gouvernement a déjà fait connaître sa position sur les avantages indirects et les pensions?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, l'article de la Gazette de Montréal est inexact. Jamais des lettres signées de ma main n'ont été envoyées à des députés.

Toutefois, en prévision du dépôt à la Chambre d'un projet de loi portant particulièrement sur les pensions et les prétendus avantages indirects dont bénéficient les députés, nous consultons tous les députés dans le cadre d'une démarche qu'a entreprise le président du Conseil du Trésor.

Ce sondage est mené, en fait, par la secrétaire parlementaire du ministre chargé du Conseil du Trésor. On sollicite la participation de tous les députés afin de pouvoir tenir compte des préoccupations exprimées ici chaque jour par les députés et d'autres personnes.

Je répète que cela fait partie intégrante de notre projet de nous assurer que nous sommes responsables envers les contribuables canadiens qui paient notre salaire.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, ma question supplémentaire concerne le sondage qui devait coûter 150 000 $ et qui en coûte 200 000 $. Il avait été proposé, en fait, par le ministre des Finances, qui vient d'exposer un point de vue restreint. La vice-première ministre ne croit-elle pas que demander aux sénateurs et aux députés, présents et passés, ce qu'ils pensent de leur propre rémunération, c'est comme demander au loup de garder la bergerie?


644

(1455)

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, je comprends que le député veuille que l'on consulte les Canadiens sur cette question. C'est pourquoi le gouvernement fédéral demande aux députés, qui sont censés représenter l'opinion de leurs électeurs, si je comprends bien la position du Parti réformiste, d'exprimer leur point de vue. Nous demandons leur opinion à tous les députés.

Malheureusement, tous les électeurs ne peuvent pas exprimer leur opinion en remplissant un questionnaire. Mais si un député veut envoyer des copies de ce questionnaire à ses électeurs, je l'y encourage. Nous sommes à la recherche d'opinions et on ne devrait pas reprocher au gouvernement fédéral de vouloir mener des consultations sur une question qui préoccupe manifestement beaucoup tous les Canadiens.

* * *

LA PETITE ENTREPRISE

M. David Iftody (Provencher): Ma question s'adresse au ministre responsable de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien.

Au cours de la campagne électorale, les libéraux se sont engagés à prêter main-forte à la petite entreprise, à l'aider à obtenir le capital-risque dont elle a besoin et à promouvoir, au niveau régional, la collaboration entre les provinces et le secteur privé.

Étant donné le profil commercial de l'Ouest canadien, notamment sa grande dépendance par rapport aux ressources naturelles et son rôle de premier plan sur les marchés de l'Asie et du Pacifique, quelles mesures le ministre a-t-il prises pour remplir l'engagement de son gouvernement d'aider la petite entreprise dans l'ouest du Canada?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, pour répondre à la question du député, je crois qu'il serait utile de décrire les mesures déjà prises. Nous avons modifié le mode de financement pour certains groupes cibles, comme les petites entreprises de l'Ouest canadien, et nous avons utilisé une partie des fonds pour pouvoir commencer à collaborer directement avec les représentants du secteur privé afin de leur permettre de trouver de nouveaux débouchés à l'exportation.

Par exemple, vendredi dernier, j'ai rencontré les ministres provinciaux responsables de la diversification de l'économie de l'Ouest canadien pour discuter de la façon dont nous pourrions collaborer à des programmes conjoints. Nous en avons profité pour annoncer la création d'un programme conjoint visant à aider le secteur agro-alimentaire de l'Ouest canadien à agrandir son marché d'exportation aux États-Unis.

Voilà qui illustre bien comment nous entendons travailler avec le secteur privé, collaborer avec les provinces, obtenir un bon rendement sur nos investissements et créer des emplois pour les habitants de l'Ouest canadien.

[Français]

LE SERVICE POSTAL

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux qui a décrété le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste par la Société canadienne des postes. Cette décision fait suite entre autres à la lutte mémorable des citoyens de la municipalité de Saint-Clément pour s'assurer un service postal adéquat. Le ministre pourrait-il nous dire quelle sera la durée de ce moratoire?

[Traduction]

L'hon. David C. Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique): Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question.

Le député n'est pas sans savoir que, depuis que j'ai imposé, en novembre dernier, un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste, aucun bureau de poste n'a été fermé au Canada.

Je tiens à préciser au député que nous examinons la situation. Les discussions se poursuivent, et j'espère être en mesure, d'ici quelques semaines, d'informer les députés des décisions positives que nous aurons prises.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, je reconnais qu'il n'y a pas eu de fermeture de bureau de poste, mais je pense qu'on peut reconnaître aussi que c'est la lutte des citoyens qui a amené ce résultat.

Le ministre a-t-il l'intention de rencontrer le monde rural pour explorer des solutions moins coûteuses mais différentes de celles préconisées par la Société canadienne des postes et qui satisferont finalement le monde rural?

[Traduction]

L'hon. David C. Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique): Monsieur le Président, je ne doute pas de la sincérité du député, mais je tiens à l'informer que des députés de ce côté-ci de la Chambre, particulièrement les représentants des circonscriptions rurales, s'appliquent à collaborer avec moi, le ministre responsable du dossier, pour veiller à ce que les bureaux de poste ruraux ne ferment pas et trouver d'autres façons d'en accroître la viabilité dans les différentes localités du pays.

* * *

LES CONFLITS DE TRAVAIL

M. Jack Hoeppner (Lisgar-Marquette): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.

La semaine dernière, en raison d'un conflit de travail, environ 3 500 débardeurs de la côte ouest ont commencé une série d'arrêts de travail qui se répercute déjà sérieusement sur les céréaliculteurs de l'Ouest et leur coûte des millions de dollars chaque jour.

645

(1500)

Le ministre pourrait-il faire savoir à la Chambre quelles mesures le gouvernement entend prendre pour que la grève et le lock-out qui ont été déclarés en Colombie-Britannique ne touchent pas plus durement les céréaliculteurs des Prairies, dont l'avenir est déjà bien incertain?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, puisque les conflits de travail relèvent de mon mandat, je serai heureux de répondre à la question du député, même s'il s'agit d'un domaine que le ministre de l'Agriculture connaît mieux que moi.

Le député parle de négociations qui traînent en longueur et que nous suivons de près. Nous avons déjà délégué des agents de conciliation. Selon le rapport présenté en fin de semaine par ces agents, les positions des parties se rapprochent. Elles pourraient régler leur différend très rapidement si elles revenaient à la table des négociations.

Nous comprenons bien la gravité de la situation, mais des négociations collectives ont été entamées et nous estimons qu'il est important de respecter le processus enclenché. Cependant, le gouvernement suit la situation de très près. Si les parties dé-siraient les services d'un médiateur, nous serions heureux d'en nommer un. Nous croyons qu'en l'occurrence, le syndicat et la direction peuvent parvenir à une entente par la voie d'un processus honnête de négociations collectives.

M. Jack Hoeppner (Lisgar-Marquette): Monsieur le Président, je rappelle au ministre que c'est là le genre de paroles creuses que nous, les céréaliculteurs, avons entendues tout au long des années 1970 et 1980.

Si les autres ports par lesquels les producteurs peuvent expédier leurs céréales ne suffisaient pas, le ministre serait-il prêt à déclarer la manutention des céréales service essentiel et à contraindre les parties à accepter l'arbitrage obligatoire comme moyen de régler le différend?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je trouve extrêmement étrange que le porte-parole d'un parti qui se prétend ardent défenseur de l'entreprise privée soit si opposé à un système de négociations collectives qui permet à des entreprises et à des syndicats d'arriver à un règlement satisfaisant. Ce parti devrait jouer franc jeu et décider quelle est au juste sa position avant de poser ce genre de questions.

Nous suivons la situation de près. Le gouvernement fédéral est très préoccupé, mais il croit que, si les parties, dont les positions se rapprochent, décident de négocier de bonne foi, elles pourront s'entendre et l'expédition des céréales pourra reprendre.

LE PROGRAMME DE CONTESTATION JUDICIAIRE

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Monsieur le Président, j'ai une question à poser à mon collègue, le ministre du Patrimoine canadien.

Dans le discours du Trône, le gouvernement a promis de rétablir le Programme de contestation judiciaire. Je veux demander au ministre quand ce programme sera rétabli et si le nouveau programme permettra aux Canadiens de contester les lois qui limitent leurs droits linguistiques ou qui les leur retirent.

Comme le ministre le sait, les droits linguistiques sont essentiels à de nombreux Canadiens anglophones et francophones, et on ne devrait pas empêcher ces gens de défendre leurs droits devant les tribunaux parce qu'ils n'ont pas les fonds nécessaires.

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, je verrai à ce que le nouveau programme entre en vigueur au début du nouvel exercice. Le programme s'appliquera aux deux langues officielles du Canada.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune de l'honorable Nancy Guptill, députée et Présidente de l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard.

Des voix: Bravo!

_____________________________________________


645

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LES VOIES ET MOYENS

AVIS DE MOTION

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales)): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 83(1) du Règlement, je veux déposer un avis de motion des voies et moyens visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu et je demande que l'étude de la motion soit inscrite à l'ordre du jour.

* * *

(1505)

LE TARIF DES DOUANES

L'hon. Douglas Peters (au nom du ministre des Finances) demande à présenter le projet de loi C-5, Loi modifiant le Tarif des douanes.

-Monsieur le Président, nous voudrions que ce projet de loi visant à modifier la Loi modifiant le Tarif des douanes soit étudié.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

646

LOI SUR LE RÉEXAMEN DU SERVICE POSTAL

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell) demande à présenter le projet de loi C-203, Loi concernant le réexamen du service et des tarifs postaux et modifiant certaines lois en conséquence.

-Monsieur le Président, le but de ce projet de loi est de voir à ce que les Canadiens jouent un rôle dans l'établissement des tarifs postaux et dans la prestation des services postaux au Canada. Cette mesure prévoit la création d'un conseil d'examen des tarifs postaux qui pourrait examiner les hausses de tarifs proposées et, au besoin, en ordonner l'annulation si elles ne sont pas dans l'intérêt public.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PÉTITIONS

LES CARTES DES TUEURS EN SÉRIE

M. Julian Reed (Halton-Peel): Monsieur le Président, je veux présenter une pétition signée par 539 habitants de la belle circonscription de Halton-Peel. Les pétitionnaires demandent au gouvernement de modifier les lois du Canada pour empêcher l'importation, la distribution, la vente et la fabrication de cartes de tueurs et d'aviser les producteurs de ces cartes que leurs produits seront saisis et détruits s'ils sont destinés au Canada.

M. Boudria: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'avais l'intention de présenter aujourd'hui un rapport d'une délégation interparlementaire. Cette rubrique des affaires courantes a peut-être déjà été appelée par le Président, mais je ne l'ai pas entendue à cause, disons, de nombreuses conversations.

Y a-t-il consentement unanime de la Chambre pour que nous revenions à cette rubrique?

Des voix: D'accord.

* * *

(1510)

[Français]

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, en vertu de l'article 34 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de la Section canadienne de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française, concernant la XIXe assemblée générale de l'AIPLF qui se tenait à Libreville, au Gabon, du 24 juin au 3 juillet 1993.

[Traduction]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


646

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LE SYSTÈME DE SÉCURITÉ SOCIALE

La Chambre reprend l'étude de la motion.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Madame la Présidente, à propos de la motion dont nous sommes saisis touchant l'établissement d'un comité chargé d'examiner les programmes de sécurité sociale pour notre pays, je voudrais tout d'abord féliciter le gouvernement de l'intention annoncée par le ministre du Développement des ressources humaines de tenir de vastes consultations sur cette importante question qui tient à coeur à tous les Canadiens.

Je voudrais également le féliciter de son intention de tenir compte des préoccupations et des priorités des Canadiens. Cela s'impose, car ce sont les Canadiens qui défraient le coût de ces programmes, et les changements qu'on pourrait y apporter auront des répercussions sur leur vie et sur leur avenir.

Je voudrais féliciter également le gouvernement pour l'échéancier qu'il s'est fixé et qui traduit bien son intention de s'occuper sans tarder de cette question des changements à apporter aux programmes sociaux. Le fait que cette tâche se trouve confiée non pas aux bureaucrates et aux ministères mais aux représentants élus de la population, comme il se doit, nous assure d'une véritable participation à cet égard.

Il y a deux améliorations que je recommanderais d'apporter au mandat du comité. Tout d'abord, nous devrions définir certains termes du mandat, notamment «modernisation» et «restructuration». Il me semble que ces termes peuvent recevoir plusieurs interprétations, selon l'idéologie ou l'optique particulières de chacun sur ces questions, et le gouvernement devrait définir pour la gouverne du comité ce qu'il entend exactement par modernisation et par restructuration de nos programmes de sécurité sociale.

Je constate également que le mandat fait spécialement allusion aux besoins des familles avec enfants, des jeunes et des adultes en âge de travailler, mais omet les personnes âgées et les Canadiens à la retraite. Il s'agit pourtant là d'un élément très important et sans cesse grandissant de notre société. Il ne me


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paraît pas sage d'omettre ainsi du mandat cet élément de la société.

Il reste également à démontrer si ces vastes consultations et les efforts des députés dans le cadre du comité auront une véritable incidence significative ou substantielle sur la décision finale du gouvernement.

Cela ressemblera-t-il aux consultations publiques qu'on a tenues en 1992 sur la Constitution et qui ne tenaient aucun compte de l'opinion clairement exprimée par la majorité des Canadiens d'un bout à l'autre du pays? Cela ressemblera-t-il aux consultations prébudgétaires en cours où certains Canadiens du moins ont l'impression que le gouvernement actuel grossit quelques points de vue minoritaires pour y voir une preuve d'appui en faveur d'une orientation qu'il entend prendre de toute façon tout en écartant un consensus majoritaire clairement établi?

(1515)

Si cette vaste consultation et ce débat financés avec des deniers publics qui se font rares ne servent encore une fois qu'à nous jeter de la poudre aux yeux et à mobiliser du temps qui pourrait être employé à meilleur escient, le cynisme et le mépris des Canadiens pour le gouvernement et la politique n'en seront que plus grands. J'exhorte donc le ministre et le gouvernement à éviter que cela ne se produise.

L'intention du gouvernement de démocratiser davantage le processus est fort louable. Je prie instamment le parti ministériel de veiller à ce que soient modifiés non seulement la forme, mais aussi le fond de ce qui doit être l'aboutissement de ce processus.

Ce matin, le ministre a expliqué dans ses grandes lignes l'objectif que nous poursuivons en conférant au comité le mandat de formuler des recommandations sur la réforme de notre régime de sécurité sociale. Il a dit que c'est le manque d'emplois qui préoccupe les Canadiens. Il a ensuite énuméré les programmes qu'il faudra remanier pour «refaire de l'emploi une question prioritaire pour le gouvernement».

À mon avis, le comité devrait aussi évaluer l'hypothèse selon laquelle le régime de sécurité sociale doit maintenant être axé sur l'emploi. Il devrait même évaluer l'idée selon laquelle il incombe au gouvernement de s'assurer que tous les Canadiens aient des emplois.

La plupart des Canadiens seraient probablement en faveur d'une aide gouvernementale qui garantirait une main-d'oeuvre compétente au Canada et qui prévoirait des programmes de formation et d'adaptation à l'intention des travailleurs. C'est toutefois loin de vouloir dire qu'ils souhaitent une réorganisation complète du régime de sécurité sociale en fonction de la création d'emplois.

Premièrement, beaucoup de Canadiens croient qu'il y aurait nettement plus d'emplois si le gouvernement cessait de dépenser les deniers publics, d'hypothéquer notre avenir et de trouver une solution administrative chaque fois qu'un besoin se fait sentir ou qu'une demande est exprimée. Il y a suffisamment de Canadiens qui partagent cette opinion pour que celle-ci soit exprimée et prise en considération.

Deuxièmement, de nombreux Canadiens voient notre système de sécurité sociale comme un moyen dont dispose notre société pour prendre soin des aînés, des jeunes, des personnes malades et des pauvres. Ils seront fort surpris d'apprendre que le régime de sécurité sociale pourrait avoir une orientation tout à fait différente.

Les Canadiens sont conscients de la détérioration de nos programmes sociaux et des changements qui s'imposent si nous voulons pouvoir compter encore sur un filet de sécurité sociale dans quelques années. Transformer des programmes de soutien à l'intention de personnes vraiment dans le besoin et les axer principalement sur la création d'emplois, voilà qui a d'énormes répercussions et qui exige un mandat public clair et non pas présumé. J'estime que le comité devrait donc examiner la nouvelle orientation actuellement proposée par le gouvernement et se demander plus particulièrement si elle respecte la volonté des Canadiens.

J'espère que ces observations aideront à conférer au comité le meilleur mandat qui soit, au nom du Canada et de tous les Canadiens.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Madame la Présidente, c'est un commentaire que je veux faire suite à la déclaration de la députée de Calgary-Nord. Je suis en désaccord avec sa vision des faits que les délais prévus par le ministre sont pertinents.

Il m'apparaît qu'il y a urgence au niveau de toute la question de la création d'emplois et aussi de l'insécurité que les gens vivent par rapport à ces changements-là. On a besoin d'avoir des explications plus claires et plus rapides que de parler d'années de réforme, finalement, parce que les gouvernements sont élus pour gouverner et non pas pour faire des études.

Je voudrais là-dessus donner un certain nombre de. . .

(1520)

La présidente suppléante (Mme Maheu): À l'ordre, s'il vous plaît. Je veux rappeler à l'honorable député que les commentaires doivent porter sur le dernier discours, et non sur les commentaires des ministres qui ont pris la parole plus tôt.

M. Crête: Madame la Présidente, je disais tout simplement que j'étais en désaccord avec la députée qui a parlé au préalable parce qu'elle disait appuyer le ministre dans sa position au niveau des délais. Je veux lui dire que je ne suis pas d'accord avec la position de la députée quant à cet appui.

Ce que je veux aussi ajouter, c'est qu'il m'apparaît important, dans les démarches qui vont être prises dans le domaine des programmes sociaux, d'avoir une vision régionale de l'action de ces programmes sociaux. Pour avoir vécu, de façon concrète en région, les effets du dédoublement au niveau de la main-d'oeuvre qui se vit particulièrement en région, où on a assisté à la multiplication des organismes du genre Comité d'aide au développement des collectivités, Centre d'aide aux entreprises et autres organismes provinciaux, et même municipaux, qui interviennent dans ce domaine-là, il nous apparaît important que le domaine de la main-d'oeuvre soit de compétence provinciale pour ce qui est du Québec. Et la même chose dans le domaine des services sociaux, car il est important que l'on reconnaisse les


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efforts qui ont été accomplis par le gouvernement du Québec à cet égard.

Lors de la campagne électorale, ce dont je me suis rendu compte, c'est que ce n'est pas uniquement une question de chiffres, mais qu'il s'agit plutôt de traiter les gens comme des personnes et qu'on devienne autre chose que des numéros d'assurance sociale. En ce sens, je pense que ce qui sera important, c'est que ce débat-là se fasse au-delà des questions d'économie de sous pure et simple, mais qu'on aille plus dans le sens du respect des personnes concernées.

[Traduction]

Mme Ablonczy: Madame la Présidente, je remercie mon collègue de ses observations. Pour ce qui est des délais, le comité doit déposer son rapport provisoire dans huit semaines. Il faudra travailler à une vitesse fulgurante, surtout pour un Parlement. Le rapport final devra être déposé juste après la reprise des travaux, en septembre.

Cela ne laisse pas beaucoup de temps, d'autant plus, comme le député le fait remarquer, que nous devons avoir une bonne vue d'ensemble. Pour assurer la coordination nécessaire pour arriver à cette vue d'ensemble, dégager un consensus, étudier les problèmes avec soin-surtout qu'il s'agit de trouver une orientation tout à fait neuve-, il me semble que le nombre de semaines est très raisonnable, et je crois qu'il faudra travailler vite.

Je m'en tiens à mon opinion sur le calendrier, mais je conviens avec mon collègue que nous devons obtenir cette vue d'ensemble pour entreprendre ce très important programme de restructuration.

[Français]

M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre): Madame la Présidente, j'ai écouté attentivement les propos de l'honorable députée. Elle a fait allusion au fait que le gouvernement dépense. C'est vrai, mais il faut penser aussi qu'un des facteurs importants, une des lacunes, c'est que le déficit n'est pas dû au fait que le gouvernement dépense trop, puisque les revenus dépassent les engagements du gouvernement, moins le déficit. Le problème, c'est que les mieux nantis de notre pays ne paient pas leur juste part. J'aimerais bien que son parti, le Parti réformiste, reconnaisse qu'un des gros problèmes au pays, c'est que les mieux nantis ne paient pas leur part, pas plus que les multinationales. Les programmes sociaux n'ont rien à voir avec le déficit.

[Traduction]

Mme Ablonczy: Madame la Présidente, je souscris de tout coeur au principe selon lequel on ne peut renforcer les faibles en affaiblissant les forts.

Il y a des Canadiens qui ont travaillé extrêmement fort pour se donner une sécurité, accumuler des biens et se faire une vie. S'ils sont maintenant pénalisés parce qu'ils ont agi de la sorte, si nous les privons de leur capacité de créer une activité économique et des emplois, si nous leur disons que ce qu'ils ont fait est injuste pour les autres, je crois que le gouvernement va se mettre dans le pétrin jusqu'au cou et va susciter bien plus de problèmes que nous ne pouvons le prévoir.

(1525)

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Madame la Présidente, je voudrais aujourd'hui traiter de la question de l'identité culturelle du Canada telle que perçue par mes électeurs d'Okanagan-Similkameen-Merritt et tous les Canadiens qui sont favorables à la responsabilité financière.

Les arts sont un domaine que connaît bien ma famille. Pendant de nombreuses années, ma mère a géré une école de danse en Alberta; ma soeur est toujours active dans ce milieu et mon frère a été comédien au théâtre et au cinéma au Canada et est maintenant producteur à Toronto. Ma propre expérience de la radio commerciale et de l'industrie de la câblodistribution m'a ouvert une perspective que je voudrais faire connaître aux députés.

Je félicite le gouvernement de parler du patrimoine culturel dans le discours du Trône, même s'il l'a fait en des termes assez vagues sans donner beaucoup de détails. J'ai vraiment eu l'impression que le gouvernement s'apprêtait à faire d'autres dépenses en ce domaine. Mais je doute que le Canadien moyen ou moi-même soyons d'accord, compte tenu du dilemme devant lequel nous sommes placés en ce qui concerne les finances publiques.

Il faut d'abord se demander ce qu'il faut entendre par culture canadienne. Je suis d'avis que la région où vous habitez, votre origine ethnique, voire l'épaisseur de votre portefeuille influeraient sur votre réponse. En tant que Canadiens, nous jouissons de droits individuels et de la liberté, tout en nous préoccupant et en prenant soin de notre prochain. Nous pratiquons une saine compétition, comme le montre notre amour des sports. Nous reconnaissons la grande beauté naturelle de notre pays et, en tant que peuple, nous avons toujours généreusement appuyé les arts. Je pose donc de nouveau la question: de quoi se compose la culture canadienne?

La réponse, c'est que la culture est ce que nous consommons. C'est ce que nous décidons librement de lire, d'écouter ou de regarder, toutes ces choses que nous consommons, qu'il s'agisse d'art, de littérature, de musique ou de théâtre, toutes ces choses qui ne survivraient pas et ne devraient pas survivre si elles ne plaisaient pas aux consommateurs canadiens. Quel que soit le montant d'argent que le gouvernement leur consacre en subventions, ce n'est pas cela qui pousse les consommateurs à en jouir.

Notre culture est si variée à la grandeur du pays qu'elle défie toute tentative de la ramener à un dénominateur commun. Les choses qui sont importantes pour les habitants de Port-aux-Basques, à Terre-Neuve, ne sont pas nécessairement les mêmes que pour nous, à Summerland, en Colombie-Britannique. De même, les habitants des Prairies ont leurs propres valeurs. La population du Québec et les Premières nations ont leurs propres cultures vivantes et traditions, tout comme les groupes ethniques du pays.


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La culture canadienne ne saurait se résumer à une norme quelconque imposée par des fonctionnaires du domaine culturel. Ces derniers temps, les Canadiens se font trop souvent rabattre les oreilles avec les propos d'étrangers concernant notre propre culture.

Dans certains cercles artistiques, on a tendance à mépriser l'art grand public. On parle alors de commercialisation. Pourtant, tout art est commercialisé et destiné à la consommation. En accordant des subventions aux artistes sans se préoccuper également de la commercialisation et de la distribution du produit, on se trouve à priver des gens talentueux de la possibilité de montrer leurs oeuvres à leurs amis les plus chers. Si Shakespeare était vivant, il s'appellerait probablement Steven Spielberg.

Les Canadiens peuvent s'enorgueillir à bon droit des grandes réalisations de bon nombre d'artistes de chez nous. Ces réalisations sont d'envergure mondiale, pas simplement locale ou nationale. Je pense notamment à Alex Colville ou à Bryan Adams, deux Canadiens de calibre international.

Il s'agit là de réalisations individuelles et non pas l'oeuvre d'institutions ou d'organismes nationaux. Ce genre d'artistes, on en trouve dans toute culture, dans toute société. Leur importance vient de ce que leurs oeuvres correspondent à ce que bien des gens souhaitent voir, entendre et acheter.

Depuis de nombreuses années, le contribuable canadien donne généreusement aux milieux artistiques. Nous avons créé des institutions et une bureaucratie culturelle avides de financement. Or, en ces temps d'endettement grandissant, où le resserrement de nos dépenses s'impose, nous ne pouvons plus continuer de la sorte. Toute dépense doit se révéler absolument nécessaire. Il nous faut établir des priorités.

À cet égard, nous avons les vaches sacrées de la bureaucratie culturelle et Dieu sait qu'elles sont coûteuses. Nous avons la Société Radio-Canada. En 1992, cet organisme a englouti une subvention d'un milliard de dollars, mais il a quand même enregistré une perte de 108 millions de dollars. Après s'être vu refuser une demande de financement pour des travaux d'assainissement d'un lac, un maire de ma circonscription a fait observer que la SRC reçoit plus d'argent que le gouvernement fédéral n'en consacre aux programmes environnementaux. Et il ne s'agit là que d'une société d'État.

(1530)

Nous devons établir des priorités dans les dépenses.

Il y a également le Conseil des arts. L'an dernier, cette institution a dépensé quelque 108 millions de dollars, dont 23 millions en frais d'administration. Les projets que finance le Conseil des arts ont fait l'objet de bien des controverses quant à leur valeur réelle. Voici ce qu'en pense la National Citizens Coalition: «Nos acteurs, écrivains et poètes reçoivent d'énormes quantités de deniers publics pour produire des oeuvres qui, dans la plupart des cas, ne plaisent pas aux citoyens.» Malheureusement, les députés siégeant dans cette enceinte n'auront jamais la moindre idée de l'efficacité du Conseil des arts, pour la simple et bonne raison que celui-ci n'a pas à rendre de comptes au Parlement.

Le vérificateur général a demandé s'il pouvait examiner les comptes du Conseil des arts, mais, en vertu de la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques, cette institution n'est pas tenue de se soumettre à cet examen. Il s'ensuit que les députés ne sont pas en mesure d'évaluer cet organisme, pas plus, d'ailleurs, que les sept autres sociétés d'État qui sont toutes exemptées. C'est le cas non seulement de la SRC et du Conseil des arts, mais également d'autres organismes tels que la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne et la Corporation du Centre national des arts.

Nous avons également l'Office national du film doté d'un budget de 82 millions de dollars. Cette dépense est-elle justifiée étant donné que nous avons une société cinématographique florissante? Parmi les films que réalise l'Office national du film, combien y en a-t-il pour lesquels le public serait prêt à payer pour assister à leur projection?

En cette période d'énormes déficits et de dettes qui ne cessent de s'alourdir, le moment est venu de se demander si l'on peut encore tolérer cette bureaucratie culturelle. Un pays avec une dette de cinq cents milliards de dollars peut-il encore se permettre d'investir de l'argent dans des institutions qui ne présentent guère ou pas d'avantages pour le Canadien moyen?

Je suggère que nous cherchions à promouvoir l'excellence dans les arts, à encourager les Canadiens qui veulent vraiment être reconnus. Nous devrions stimuler nos meilleurs talents et les aider à se faire connaître dans le monde entier.

Bien qu'il n'en soit pas fait mention dans le discours du Trône, je me réjouis de ce que le gouvernement libéral se soit engagé, dans son livre rouge, à mettre en place les mesures nécessaires pour permettre aux artistes d'exporter nos produits culturels.

Il y a soixante ans, les gens qui vivaient dans les régions reculées n'avaient guère accès au monde extérieur. La radio et, plus tard, la télévision ont tout changé. La technologie a permis d'étendre le rôle de la culture au Canada. Avec la télédistribution, ont vu le jour des chaînes communautaires qui ont permis à des groupes locaux d'atteindre un public beaucoup plus vaste. C'est grâce au câble et au satellite que les Canadiens peuvent aujourd'hui suivre les débats diffusés par la chaîne parlementaire et que l'on peut suivre en direct les événements qui se produisent dans le monde. Rares sont ceux qui sont près d'oublier les drames et la violence dont ils ont pu être témoins à Oka ou pendant la guerre du Golfe.

Très bientôt, quand on aura accès à des centaines de chaînes et que les gens pourront suivre l'émission de leur choix, grâce à la technologie de communication interactive, nous allons assister à l'émergence d'une culture mondiale. De nouveaux débouchés s'offriront alors à nos meilleurs artistes et auteurs à la condition, cependant, que nous encouragions l'excellence.

Le meilleur service que le gouvernement peut rendre aux milieux culturels, c'est de veiller à ce que les Canadiens ne soient pas confrontés à la faillite prochaine de leur pays.

Pour terminer, je me réjouis de l'attention que porte le gouvernement à la culture, encore que je doute que nous trouvions vraiment un terrain d'entente quand il s'agira de dépenser l'argent des contribuables. Si nous voulons éviter la faillite, nous


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devons examiner d'un oeil critique chacune des dépenses de ce pays. Les politiques sociales et culturelles ne font pas exception.

Si nous avons perdu le contrôle des dépenses, il me semble évident qu'il faut laisser aux représentants du peuple la possibilité de s'assurer que l'argent des contribuables a été dépensé de façon judicieuse.

Je pense que nous pouvons nous entendre sur de nombreux points. On devrait au moins permettre au vérificateur général d'examiner les sociétés qui ne sont pas visées par la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques dans le cadre de son examen des programmes gouvernementaux et lui demander de fournir dès que possible un rapport intérimaire à la Chambre.

(1535)

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Madame la Présidente, je dois avouer au député d'en face que ses observations m'ont quelque peu troublé. Je viens d'une localité au centre-ville de Toronto où les plus grands employeurs travaillent directement ou non dans l'industrie cinématographique. Bon nombre de ces jeunes hommes et femmes ont fait leurs premières armes dans des endroits comme l'Office national du film et la SRC. C'est grâce aux programmes et aux cours d'apprentissage offerts par ces grandes institutions nationales que ces jeunes hommes et femmes ont acquis les compétences de calibre international qui leur permettent maintenant de réaliser des films.

Dans ma circonscription, il y a actuellement près de un million de pieds carrés de studios de cinématographie où 5 800 personnes occupent des postes de qualité et bien rémunérés. Elles réalisent des films pour Disney et pour des sociétés de l'Allemagne et d'un peu partout ailleurs.

Bien souvent, les gens scrutent à la loupe des institutions gouvernementales comme la SRC et le Conseil des arts du Canada et sont tellement obsédés par la réduction du déficit qu'ils ne se rendent pas compte que ces sociétés favorisent l'éclosion de grands talents qui, en fin de compte, sont au service de tout le pays et offrent toutes sortes de possibilités d'exportation.

Je partage l'inquiétude du député au sujet du gaspillage et de la nécessité de faire en sorte que l'argent des contribuables soit utilisé à bon escient. Très souvent, on traite les industries culturelles du Canada de manière à dénigrer leur contribution à l'activité macro-économique.

Nous devons être vigilants, garder la tête haute et nous assurer de ne jamais abandonner l'industrie culturelle canadienne, car elle représente une grande partie de notre âme.

M. Hart: Madame la Présidente, je rappelle au député que je viens d'un milieu artistique. Pendant longtemps, ma famille a tout fait pour atteindre l'excellence dans les arts sans compter sur les subventions du gouvernement.

Je n'ai pas dit qu'il fallait simplement abandonner tous les programmes culturels mis en place par le gouvernement. J'ai dit que nous devions être responsables. Ces sociétés doivent rendre des comptes aux contribuables canadiens. À l'heure actuelle, il y a huit sociétés d'État qui échappent aux examens du vérificateur général. C'est une chose inacceptable pour les Canadiens, d'un océan à l'autre. Peu importe l'endroit où vous vivez, que vous fassiez partie du milieu artistique ou non, c'est inacceptable! Cette situation doit changer. Nous devons nous y attaquer immédiatement.

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Madame la Présidente, ce matin, le ministre du Développement des ressources humaines nous a lancé un défi que nous devons relever. Nous devons réussir non seulement parce que le gouvernement libéral a été élu en apportant l'espoir aux Canadiens et en leur promettant des emplois, mais plus particulièrement parce que depuis dix ans, nous voyons toute une génération de jeunes Canadiens perdre espoir dans la capacité de notre pays de survivre et de leur offrir le type de débouchés qui s'offraient à ceux d'entre nous qui sont entrés sur le marché du travail dans les années 1960 et 1970.

J'ai été très heureuse d'être élue dans cette enceinte en même temps qu'un très grand nombre de membres de la génération du baby-boom et d'autres encore plus jeunes.

Ni ma mère ni mon père n'avaient un diplôme universitaire. Ma mère a quitté l'école à l'âge de 15 ans pour aller travailler et faire vivre les autres membres de sa famille. Plus tard, tous leurs enfants ont eu la possibilité d'aller au collège ou à l'université et de se perfectionner.

S'il y a une chose qui pousse certes les libéraux à venir siéger dans cette enceinte, c'est bien la volonté de créer un climat dans lequel nos enfants pourront au moins avoir le même niveau de vie que nous.

[Français]

On a parlé tantôt de nos désirs et de nos besoins en ce qui concerne l'immigration. Tous ceux et celles qui ont choisi de venir au Canada ont choisi ce pays parce qu'ils croient qu'il y a une place au monde où on a la capacité de faire mieux que l'ont fait les parents, et c'est le Canada.

(1540)

[Traduction]

Le grand défi auquel le ministre du Développement des ressources humaines est confronté, c'est celui d'amener les Canadiens à croire en eux-mêmes et dans leur capacité de faire du Canada le pays où il fait le mieux vivre. Cela exige des innovations. Il faut être capable de faire face au changement sans crainte.

[Français]

Cela demande et fait appel à tous les députés de tous les partis politiques d'avoir la capacité d'accepter le changement, parce que les programmes sociaux qui ont été à la base de notre société dans les années 1960, cela ne marche plus. Les députés du Bloc québécois le savent. Les députés du Parti libéral savent qu'actuellement les programmes de formation qui doivent donner la


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chance à nos jeunes, cela ne fonctionne plus. On peut axer le problème sur la bureaucratie, que ce soient les bureaucrates à Québec ou les bureaucrates à Ottawa qui vont mieux gérer les programmes, mais ce n'est pas là la solution. La vraie solution, c'est de donner au peuple la capacité de choisir un nouveau chemin.

[Traduction]

Nous entrons maintenant dans l'année de la famille. En 1994, la définition qu'ont les Nations Unies de la famille a beaucoup changé par rapport au type de famille dans laquelle j'ai grandi. À l'époque, ma mère, sitôt après son mariage, a été forcée de quitter son emploi à la Stelco, car on ne pouvait pas alors être secrétaire à la Stelco et être mariée. C'étaient là deux choses incompatibles.

Les temps ont changé, Dieu merci, madame la Présidente. Plus que jamais, les femmes sont capables d'être sur le marché du travail tout en faisant plus que leur part à la maison. Nous voyons des familles reconstituées. En fait, les chefs de famille monoparentale, surtout des femmes, sont plus nombreux que jamais et forment, en définitive, une des sous-classes de notre société.

Une des questions que nous devons nous poser, c'est de savoir le type de famille que nous voulons appuyer par le biais de notre politique publique. Dans un nombre croissant de familles, les deux parents travaillent à l'extérieur du foyer. En fait, la proportion de femmes au travail a doublé au cours des 30 dernières années.

La famille, le milieu de travail et la société ont changé et continuent de changer. On a maintenant des conjoints de même sexe. Le monde est en pleine évolution et il nous incombe, en tant que Parlement du Canada, d'être à la fine pointe du changement plutôt que d'être à la remorque des autres.

Dans le cas des familles, nous devons comprendre que la première étape que nous franchissons, c'est celle de la petite enfance à l'école. Ce sont des années de formation essentielles. Ce stade est crucial en ce qui concerne la capacité de l'enfant de réussir plus tard et cette réussite dépend de l'appui qu'il reçoit de sa famille et de la société dans son ensemble.

Nous avons besoin d'une approche globale et je crois que c'est là le type d'initiative lancé ce matin par le ministre du Développement des ressources humaines. Manifestement, il ne peut y avoir d'espoir sans croissance économique. Nous avons besoin de ce type de croissance à court terme afin de pouvoir nous pencher sur la question essentielle des garderies.

Comme vous le savez, le Parti libéral a pris un engagement à cet égard qui dépendait de la croissance économique, car nous sommes conscients des limites de la capacité de payer du gouvernement et, en particulier, du contribuable.

Nous souhaitons parvenir à la croissance économique qui s'impose pour accroître de façon marquée l'appui que nous pouvons apporter aux enfants de la naissance jusqu'à l'âge de cinq ans, appui dont ils ont besoin pour être en mesure de prendre la place qui leur revient dans la société.

[Français]

Piaget a reconnu, il y a deux décennies déjà, que l'âge le plus important pour les enfants était celui entre 0 et 5 ans. Si aujourd'hui des gens ne respectent pas la loi, si aujourd'hui des gens pensent que ce sont les revolvers qui vont régler tous nos problèmes, ce sont des gens qui n'ont pas eu une base d'humanité à l'âge de la jeunesse, ce qui est très important.

(1545)

[Traduction]

Comment les pauvres peuvent-ils s'en sortir s'il n'ont accès à aucun des services de soutien communautaire qu'il serait justifié de leur offrir?

La deuxième transition dont le ministre nous a parlé, c'est celle que les jeunes Canadiens doivent faire entre l'école et le marché du travail. Cette question constitue vraiment une priorité pour le gouvernement. Il est essentiel, non seulement pour stimuler l'estime de soi de nos jeunes, mais aussi pour assurer le bien-être collectif et la prospérité de notre pays, que nos jeunes soient capables de réussir et qu'ils soient bien accueillis le jour où ils font leur entrée dans le vrai monde.

Quand un jeune de 17 ou 18 ans, et parfois même 21, 22 ans, a fait tout ce qu'il devait faire, comme parfaire ses études, et qu'il découvre qu'il ne peut se tailler une place sur le marché du travail, quelle idée du monde se fait-il, à cause de nous?

La troisième transition est particulièrement importante dans les circonscriptions industrielles comme la mienne, Hamilton-Est. C'est celle que doivent faire les travailleurs quand l'économie industrielle s'adapte à l'ère post-industrielle. La sécurité d'emploi, les avantages sociaux et les salaires raisonnables ne sont plus assurés.

Cela nous amène à la dernière transition, qui occupera une place particulièrement grande pour le gouvernement, soit le passage de la vie active à la retraite. Les Canadiens vivent maintenant plus longtemps. Nous devons nous demander ce qu'il faudra faire pour venir en aide le plus rapidement possible à une population vieillissante.

[Français]

Il est particulièrement troublant qu'au moment de parler de la situation de nos enfants, qui sont vraiment l'avenir de notre pays, il faille constater qu'il y a plus de un million de familles qui vivent dans la pauvreté au Canada et plus de un million de jeunes de moins de 18 ans qui vivent dans la pauvreté. Les enfants risquent de devenir le groupe le plus pauvre au Canada. Les répercussions de cette pauvreté s'étendent jusque dans nos classes, où 40 p. 100 des enfants qui fréquentent l'école, dans cer-


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tains cas, ne bénéficient pas d'une nutrition et de soins appropriés.

[Traduction]

Dans certains cas, c'est 40 p. 100 des petits Canadiens qui se rendent à l'école le ventre vide.

[Français]

Le simple bon sens nous dit que les enfants qui ont faim ne peuvent pas apprendre. Ils ne peuvent pas être attentifs lorsque la faim les tenaille. Nous savons que le problème de pauvreté chez les jeunes et les enfants vient d'un nombre de plus en plus grand de familles à faible revenu qui n'arrivent pas à briser les chaînes de l'indigence. Ces familles ont peu d'occasions de changer leur situation. Les programmes sociaux comme l'assurance-chômage et l'assistance sociale doivent les aider à s'en sortir, à retrouver le respect personnel, leur autonomie et surtout leur dignité.

Notre régime de sécurité sociale doit changer, à la fois pour les familles prises au piège de la pauvreté que pour les enfants défavorisés à la ligne de départ. La transition du milieu scolaire au monde du travail est une des étapes les plus importantes de notre vie.

Je suis sûre que tous ceux qui sont ici se rappellent fort bien cette expérience: l'indécision mêlée à la nervosité. C'est peut-être quelque chose qui nous a tous frappés en prenant la décision de plonger en politique, d'ailleurs, parce que nous ignorons la réponse à plusieurs questions: Est-ce que ça va marcher? Est-ce que nous avons la coopération et les compétences qu'il faut?

Dans certaines régions du Canada, jusqu'à un élève sur trois ne terminera pas ses études secondaires. Les employeurs nous disent par ailleurs qu'ils ont besoin de travailleurs qui peuvent lire, écrire, compter et apprendre de nouvelles choses. À une époque où les emplois bien rémunérés exigent de plus en plus de compétences, le quart des Canadiens ne peuvent ni lire un journal, ni un livre ou un menu de restaurant.

En 1992, le Conseil économique du Canada nous a prévenus que si le problème persistait, nous ajouterions à la main-d'oeuvre au cours des dix prochaines années un autre million de jeunes analphabètes.

(1550)

[Traduction]

Je disais que d'après une étude réalisée en 1992 par le Conseil économique du Canada, si la tendance actuelle se poursuit, à savoir que le quart des jeunes qui quittent l'école ne savent ni lire ni écrire, nous ajouterons à la liste des prestataires de l'assurance-chômage un million de personnes qui ne savent pas lire ou écrire, qui ne peuvent même pas vérifier leur note au restaurant.

[Français]

Ces jeunes sont ceux qui sont les plus désavantagés sur le marché du travail. Ils se rendent compte qu'ils ont besoin d'améliorer leurs compétences, mais parfois ils ne savent à quelle porte frapper.

[Traduction]

C'est pourquoi nous ne pouvons pas nous permettre de rater la réforme de la sécurité sociale, de l'assurance-chômage, en fait de l'ensemble du tissu social, si nous voulons que les jeunes aient la chance de donner le meilleur d'eux-mêmes dans la vie. Les programmes d'alphabétisation et de prévention du décrochage scolaire font partie des programmes du marché du travail que le nouveau système de sécurité sociale doit offrir, de concert avec les provinces.

[Français]

Cela comprend la province de Québec, qui cherche justement une possibilité d'améliorer le sort de ses jeunes. On veut travailler à offrir une seconde chance, au lieu de les mettre de côté, sur le BS. On sait, au Québec, ce que les gens pensent du BS, et ce n'est pas la même chose qu'en anglais. Dans ce contexte là, les jeunes qui sont sur le BS au Québec veulent avoir des solutions concrètes.

[Traduction]

Trop de jeunes se retrouvent dans un trou noir entre l'école secondaire et le marché du travail. Les possibilités de formation doivent mener à des emplois rémunérateurs. Les technologies environnementales, l'âge de l'information et la superautoroute électronique ouvrent toutes sortes de débouchés dans un pays aussi diversifié géographiquement et démographiquement que le Canada.

La règle fondamentale est de se rappeler que les jeunes ont la capacité d'apprendre, de s'améliorer et de réussir. On ne peut pas faire une croix sur les jeunes comme on radierait une dette ou un élément de passif. C'est pour cette raison que le ministre des Ressources humaines disait aujourd'hui que notre préoccupation est le déficit, mais surtout le déficit humain qui engendre une génération de jeunes qui ont perdu confiance dans la capacité de la société de leur donner le genre de chances que j'ai eues.

Après avoir décroché mon diplôme universitaire, j'ai présenté des demandes d'emploi à quatre journaux, dont deux à Ottawa et deux à Montréal, et l'un d'entre eux m'a embauchée. Aujourd'hui, un jeune diplômé universitaire en journalisme peut présenter 60, 100 ou même 200 demandes d'emploi, mais il a de bonnes chances de revenir bredouille. Ce genre de chose nuit à l'estime de soi d'une personne et à sa capacité de croire en elle-même et dans son pays.

Profitons de l'occasion pour changer les choses et produire une génération marquée par l'espoir, une génération de jeunes talentueux qui puissent espérer avoir une vie meilleure ou tout au moins aussi bonne que celle dont jouissent beaucoup de gens de notre génération. L'éducation et la formation influent sur la vie de tous les travailleurs. Les conditions de travail changent; on parle maintenant de travail contractuel, à temps partiel, à domicile, autant d'éléments qui pourraient devenir des caractéristiques permanentes de la nouvelle économie qui voit le jour. Des


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mots comme restructuration, réduction d'effectifs, rationalisation, et quoi encore, signifient tous la même chose, des mises à pied.

L'économie change et de plus en plus de Canadiens doivent envisager de perdre fréquemment leur emploi, de se recycler, de chercher du travail. Les programmes sociaux ne sont plus adaptés aux réalités du monde du travail dans la nouvelle économie.

On me permettra de citer en exemple un cas pour illustrer le problème. Durant la campagne électorale, j'ai frappé à la porte d'un résidant du chemin Nash, dans ma circonscription. Il avait travaillé pendant 23 ans. Sa fille étudiait à l'université. Il avait espéré réaliser un rêve qu'il n'avait jamais pu concrétiser pour lui-même, c'est-à-dire envoyer sa fille à l'université, mais il en était à sa dernière semaine en tant que prestataire d'assurance-chômage et il était sur le point de se tourner vers l'aide sociale. Cet homme voulait travailler, il frappait constamment aux portes d'employeurs qui lui opposaient un refus.

(1555)

Le défi au véritable esprit d'innovation, c'est de faire en sorte que ces travailleurs frappent à des portes qui s'ouvrent. Dans ma circonscription, je connais fort bien la situation des travailleurs déplacés dans le secteur de la fabrication. Dans les industries des pêches et des ressources, la réintégration sur le marché du travail est vraiment très difficile.

Nous parlons de travailleurs qui ont fait une contribution à notre pays et à nos collectivités des années durant. Ce sont des gens qui ont du coeur à l'ouvrage. Ils ont besoin de notre aide pour reprendre pied. Ils ne veulent pas compter sur les chèques de bien-être pour le restant de leur vie. Ils ont simplement besoin d'un tremplin. Ils veulent un système qui appuie leurs efforts en vue de relever les défis d'une nouvelle économie. Nous devons permettre aux travailleurs âgés d'acquérir de nouvelles habiletés et de s'adapter aux changements qui se produisent dans le milieu de travail.

[Français]

Nous sommes tous conscients des grands changements qui bouleversent la société. De plus en plus d'enfants devront prendre soin de leurs parents. La population canadienne vieillit. Nous devons chercher ensemble comment laisser aux personnes âgées leur indépendance et à la fois leur dignité.

Ces transitions représentent l'expérience collective des Canadiens. Elles touchent chacun d'entre nous.

[Traduction]

Je prends un exemple dans ma propre collectivité, où des citoyens ont formé un groupe d'action et mis sur pied des programmes pilotes pour aider les travailleurs de plus de 50 ans à reprendre pied et à réintégrer le marché du travail. Dans le cadre d'un projet pilote très créatif, on donne à ces gens un supplément aux prestations d'assistance sociale et on les fait travailler dans des bureaux. Ce programme fonctionne. Le ministre du Développement des ressources humaines demande simplement aux Canadiens de mettre leurs idées en commun pour trouver des solutions qui feraient l'affaire dans leurs collectivités.

[Français]

Cela ne signifie pas que c'est le fédéral qui va tout gérer. Au contraire, l'expérience de la dernière décennie dévoile que les solutions devront de facto venir des communautés. Même s'il y a des changements à la main-d'oeuvre au niveau d'Ottawa ou au niveau de Québec, ce qui est important, c'est que les gens de Chicoutimi, de Rimouski, de Hamilton et de Shawinigan aient la chance de s'impliquer directement dans la formation. C'est ce que propose en effet le plan du ministre.

[Traduction]

Je sais que, dans ma collectivité, on fait déjà des efforts pour que le modèle de réintégration au travail du ministre fonctionne à l'échelle locale. Nous voulons savoir ce que pensent les Canadiens.

[Français]

Nous devons aussi rechercher une approche intégrée de la réforme sociale. Évidemment, on a besoin des provinces pour relever ensemble ce grand défi. On ne veut pas et on ne peut pas agir unilatéralement dans un domaine qui touche justement la vie de toutes les personnes.

[Traduction]

Nous demandons l'aide des provinces, car nous en avons besoin. D'ailleurs, le premier ministre et le ministre du Développement des ressources humaines ont reçu des signaux très positifs des provinces qui disent avoir également besoin d'une vraie réforme.

[Français]

La tâche est à la fois monumentale et impérieuse. Le gouvernement est déterminé à la bien mener mais il sait qu'il ne pourra y arriver sans le soutien de tous les Canadiens et Canadiennes.

[Traduction]

C'est pourquoi nous voulons connaître les idées des députés sur cette question. La tâche est monumentale et constitue un véritable défi, mais nous pouvons réussir. Cette réussite, ce n'est pas tant pour nous que nous la recherchons, car, grâce à nos antécédents et au soutien dont nous avons bénéficié, nous avons pu bien vivre dans un pays formidable. Or, il y a littéralement des milliers d'autres Canadiens qui nous demandent quand ils pourront avoir leur part eux aussi.

Ce plan et cette initiative du ministre Axworthy permettront d'ouvrir des portes aux Canadiens qui cherchent à entrer dans le XXIe siècle.

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Madame la Présidente, je remercie la ministre pour ses affirmations et pour avoir insisté sur la nécessité de créer des emplois et de redonner espoir aux Canadiens, notamment aux jeunes.

Permettez-moi d'insister comme elle sur la nécessité de créer des emplois pour relancer notre économie et de poser à la ministre une question qui fait ressortir toute la différence qu'il y a entre la parole et l'action.


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(1600)

Les études ont montré que s'il importe de former les Canadiens pour qu'ils puissent occuper les emplois éventuellement disponibles, une démarche sociale active de ce genre ne donnera que des chômeurs très compétents si l'on ne fait rien pour créer des emplois. Rien du côté du programme social ne permettra de créer des emplois pour ces gens-là.

Comme la ministre s'en souviendra, on a pu lire ceci dans le livre rouge: «Obnubilés par l'inflation, les conservateurs ont pris des mesures qui ont plongé le pays dans la récession, annulé la croissance pendant trois ans, fait baisser les revenus, fait exploser le chômage, fragilisé nos paiements internationaux, et laissé filer les déficits publics qui, tous pouvoirs confondus, ont atteint un sommet.» À l'instar d'autres membres du gouvernement, la ministre a demandé qu'on la juge en fonction du livre rouge.

La ministre n'ignore pas que son gouvernement a nommé au poste de gouverneur de la Banque du Canada un jumeau idéologique de John Crow, soit Gordon Thiessen. L'observation que j'ai citée visait M. Crow, je crois. L'affirmation publiée dans le livre rouge est exacte. La ministre conviendra avec moi que ce n 'est pas en nommant M. Thiessen qu'on va créer les emplois dont trois ou quatre millions de Canadiens ont besoin.

La ministre approuve-t-elle la position exposée dans le livre rouge ou la nomination de M. Thiessen?

Mme Copps: Madame la Présidente, tout d'abord, je remercie le député pour sa question. Au cours de la dernière législature, son parti et le mien ont pris part à des débats très vifs. Je suis contente de voir que le peuple canadien nous a élus en très grand nombre pour former le gouvernement, mais je sais que le député est reconnu comme étant la conscience sociale de son parti dans les dossiers du genre et j'espère qu'il continuera de jouer ce rôle.

Cela étant dit, j'aurais cru que le député serait heureux que le gouvernement du Canada ait accepté la démission de John Crow. Je suis un peu étonnée qu'il remette ça. Par ailleurs, je crois sincèrement que le gouvernement du Canada doit d'abord et avant tout rétablir la confiance dans l'économie.

Ni M. Thiessen ni M. Crow ne pourrait à lui seul régler les problèmes des Canadiens. Je crois qu'il nous faut des programmes de création d'emplois. C'est pourquoi la première chose que nous avons faite a été de mettre en oeuvre un programme d'infrastructures de six milliards de dollars.

Je pense aussi que les collègues du député qui viennent de la Saskatchewan pourraient nous aider dans le dossier de la technologie environnementale, et j'ai travaillé en étroite collaboration avec le ministre de l'Industrie sur ce dossier. Nous espérons aussi que les barrières interprovinciales à la circulation des travailleurs et au commerce, qui nuisent à la croissance économique, seront éliminées. Je sais que son collègue, le premier ministre de la Saskatchewan, voudra entendre le point de vue du député sur l'importance de l'élimination de ces barrières pour la croissance économique.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières): Madame la Présidente, je voudrais féliciter la vice-première ministre pour son exposé. En effet, elle nous a brossé un tableau très intéressant, en même temps que très alarmant et très perspicace de la situation qui prévaut au Canada sur le plan social. Ce qui m'inquiète par ailleurs, c'est au niveau des voies de solution, où c'est moins transparent, et c'est le moins qu'on puisse dire.

Je verrais trois voies de solution qui peuvent s'offrir et j'apprécierais beaucoup connaître l'opinion qu'elle en a. Il y aurait simplement à couper dans les programmes sociaux, comme certains le préconisent, c'est-à-dire d'attaquer ceux qui sont déjà en état de faiblesse.

Comme deuxième avenue, on peut augmenter les impôts et les taxes, et on sait qu'à ce moment-là, on attaque la classe moyenne, qui est déjà lourdement affectée. Ou encore, comme le suggère de façon très perspicace, très lucide et très courageuse, le député du comté de Davenport qui préconise toutes sortes de mesures qui s'adressent à la classe favorisée qui, elle, est très peu touchée, autant au Canada, que sur cette planète, par les mesures d'encouragement de l'accroissement des fonds du Trésor public, un peu partout. Ça prend beaucoup de courage au gouvernement pour toucher à ces gens-là. J'aimerais savoir dans un premier temps où loge la vice-première ministre à cet égard.

(1605)

Dans un deuxième temps, j'aimererais savoir, et encore une fois je fais référence aux propos du député de Davenport, où elle loge face à deux grandes avenues qui nous sont proposées, où on dit que le problème se situe au niveau des dépenses du gouvernement, où on dit qu'il se situe au niveau des revenus du gouvernement. Est-ce que le gouvernement manque de revenus, ou est-ce qu'il dépense trop? On sait que depuis trois ans, il a démontré que tout a diminué, et les dépenses et les revenus.

Enfin, j'aimerais connaître son opinion quant à une façon de voir les choses chez certains analystes comme quoi la face cachée de la lune de cette immense opération de modernisation et de restructuration, à laquelle on a été invités à collaborer, c'est, dans le monde occidental, le fait qu'on va peut-être tenter de faire disparaître la classe moyenne pour faire en sorte que, comme dans les pays sous-développés, il y ait peu de riches puissants et beaucoup de pauvres. N'est-ce pas ce qui attend un peu le Canada et le Québec, par ricochet?

Mme Copps: C'est évident que si on continue sur la voie de la fiscalité qui a été entreprise par nos prédécesseurs, on arrive à une société où on a un groupe très riche, puis un groupe très pauvre et la classe moyenne qui n'existe plus. C'est pourquoi je pense qu'il est très important que l'initiative mise de l'avant par mon collègue réussisse. Il ne s'agit pas seulement de toucher à la fiscalité du gouvernement. Vous savez fort bien que si demain on réduisait le budget du gouvernement canadien de 6 p. 100, on n'arriverait pas à respecter nos obligations au point de vue des dépenses, des paiements de transfert ou autres. Et je pense que le


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Bloc québécois est très conscient du fait qu'on veut donner une certaine certitude aux provinces en ce qui concerne leur fiscalité.

Donc, on reconnaît que ce n'est pas en réduisant les dépenses du gouvernement que l'on va régler le problème, ni en élargissant l'assiette fiscale. Ce qui va créer une confiance, c'est d'avoir de la formation qui prépare nos jeunes à intégrer le marché du travail, à payer des taxes, et par la suite, à faire s'épanouir l'économie. Je pense que là où on diverge d'opinions, et je prendrai pour exemple le beau comté de Bellechasse, où on peut admirer les belles oies de Montmagny, à ce moment-là, il y aurait des solutions très précises en ce qui concerne l'épanouissement du tourisme, solutions qui ne seraient pas nécessairement les mêmes que pour le comté de Lévis qui dépend beaucoup de la voie maritime.

Ce qui est important dans le processus, ce n'est pas seulement le partage des responsabilités entre le fédéral et les provinces, mais bien d'aller directement au peuple et de leur demander: Avez-vous des solutions à offrir qui vont fonctionner? Ça part de la base jusqu'au Parlement. Parfois, on se préoccupe trop des compétences aux niveaux fédéral et provincial; il y a trop de batailles bureaucratiques. Ce qui est important, c'est d'avoir des emplois et de la formation qui réponde aux besoins en emploi dans toutes les régions. Et c'est ce que recherche le ministre du Développement des ressources humaines.

[Traduction]

M. Jean H. Leroux (Shefford): Madame la Présidente, je félicite la vice-première ministre pour ses commentaires.

[Français]

J'aimerais également lui dire qu'il y a une chose qui m'agace un peu dans tout cela, c'est que le gouvernement fédéral semble vouloir s'ingérer dans des domaines de compétence provinciale. Je pense que si on regarde un peu l'histoire du Canada, on remarquera facilement et aisément que le gouvernement fédéral s'est continuellement ingéré dans les compétences provinciales, et je pense que ce n'est pas parce que la situation est alarmante. . .

Mme Copps: Madame la Présidente, on ne devrait absolument pas s'ingérer dans les domaines de compétence provinciale. Mais, il est bien évident, au fur et à mesure que je parcours les journaux et que je lis, par exemple, qu'il y a des produits toxiques dans le fleuve Saint-Laurent, qu'on est en droit de se demander d'où est-ce que ça vient? Ça vient des Grands lacs de l'Ontario, de chez moi. Alors toutes les actions ont une réaction par la suite. Par exemple, le domaine de l'environnement n'existait pas quand on a fait le fameux Acte de l'Amérique du Nord britannique. Ce qu'il faut faire maintenant, ce que les gens attendent de nous, ce n'est pas de chiâler sur quelles et quelles personnes sont responsables de tel et tel domaine, mais de quelle façon nous pouvons respecter le mandat du peuple de s'occuper de formation et de création d'emplois. Je trouve et nous trouvons que c'est le domaine local qui est le mieux placé pour faire cela. Mais, évidemment, il faut avoir l'appui et l'harmonisation au niveau fédéral-provincial.

(1610)

Mme Francine Lalonde (Mercier): Madame la Présidente, permettez-moi d'abord de remercier l'honorable ministre du Développement des ressources humaines pour la générosité de son discours. Je devrai, cependant, m'arrêter là. Celui-ci ne manifeste, depuis le tout début de nos travaux, aucune sensibilité à la condition particulière du Québec qui est un peuple, une nation distincte; un peuple et une nation qui ont particulièrement souffert des politiques fédérales. Le retard économique et la pauvreté du Québec ne peuvent être ramenés aux problèmes économiques et à la pauvreté qu'on retrouve partout au Canada, comme l'honorable ministre l'avait dit dans son discours. Le soutenir serait faire injure à l'Histoire, mais surtout refuser de voir l'évidence des faits. Des faits qui sont de mieux en mieux mesurés et comparés. Nombreux sont ceux qui refusent de les voir ces faits troublants, parce qu'ils forcent à exiger des explications, mais surtout parce qu'ils ont été dans le passé et sont aujourd'hui encore un puissant mobile d'action.

Comme si les statistiques se donnaient la main pour que la Chambre des communes, enfin, sache toute la vérité sur le retard relatif économique du Québec et l'étendue de sa pauvreté, nous avons devant nous les bilans annuels qui nous permettent d'établir des comparaisons et nous obligent à comprendre.

Quand la deuxième province en importance au Canada est au premier rang des familles à faible revenu, le ministre ne peut dire, comme il l'a fait, qu'il y a au Québec de la pauvreté comme partout ailleurs au Canada. D'ailleurs, ce championnat est récent, même si le Québec depuis toujours participe au concours. C'est la première fois depuis qu'elle dispute cette douteuse qualité au Nouveau-Brunswick ou à Terre-Neuve que Québec est bonne première. Pour avoir une bonne mesure de comparaison, disons qu'il y a autant de familles sous le seuil de faible revenu dans la région de Montréal qu'il y en a dans toutes les provinces Maritimes réunies.

Mais voyons-en un peu la signification. Quand Québec, avec un peu plus de 25 p. 100 de la population, regroupe sur son territoire 31 p. 100 des familles à faible revenu, cela signifie que tout le Canada, sans le Québec, tout le Canada réuni, avec 75 p. 100 de la population, ne regrouperait, de toute façon, que les deux tiers des familles à faible revenu. Le poids de la pauvreté québécoise pèse plus lourd sur le seul Québec que le poids de toute la pauvreté canadienne sur le Canada.

Nous savons tous que le chômage et la pauvreté sévissent presque partout au Canada. Des millions de Canadiens vivent sans espoir sinon dans le désespoir. Mais, si cette situation n'est pas unique au Québec, c'est néanmoins là, par son intensité et par le nombre de personnes touchées qu'elle est la plus criante.

Pourtant, pour chaque personne vivant sous le seuil de faible revenu, on peut penser que les conditions de vie sont sensiblement les mêmes, attendu le régime de protection sociale du Canada. Pour que ce soit vrai, il faudrait que la concentration de la pauvreté n'ait pas de conséquences ni sur les personnes ni sur la région. Or, ce n'est pas vrai. La concentration de la pauvreté et


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du chômage multiplie les effets destructeurs sur les communautés qui la vivent.

(1615)

Permettez-moi donc de rappeler que les données du recensement, tout chaud, montrent que de toutes les régions métropolitaines du Canada, Montréal arrive également bonne première pour la proportion des familles à faibles revenus. Ces chiffres valent pour toute la région de recensement, ce qui nous permet de dire que la concentration de la pauvreté sur le territoire de la ville de Montréal a de quoi inquiéter profondément.

La concentration en des lieux, communautés, villes et villages, provinces, a des conséquences importantes sur les besoins de ces communautés en services, sur leur capacité de les payer ou de les obtenir. Elle a des conséquences sur la capacité de rétention de leurs jeunes ou de leurs éléments les plus dynamiques et finalement sur leur évolution démographique.

Les régions du Québec se vident de façon accélérée parce qu'elles vivent un cercle vicieux de l'apprauvissement.

D'entrée de jeu, je veux que ma position soit limpide au niveau de la lutte à la pauvreté. Je vais, comme critique de l'opposition officielle et membre du Parlement, parler ici, sans relâche, pour ceux et celles qui n'y sont pas, mais dont le sort, l'avenir, l'espoir est suspendu aux travaux de cette Chambre et, finalement, au vote de la majorité.

Il est trop facile quand on a un revenu beaucoup plus élevé que celui de la moyenne des Québécois et Canadiens, quand on a la sécurité d'emploi, pour cinq ans au moins, si je pense aux députés d'en face et d'à côté, de comprendre facilement les contraintes budgétaires et d'oublier le monde ordinaire: celles et ceux qui travaillent au salaire minimum et un peu plus, celles et ceux qui voudraient bien travailler au salaire minimum et un peu plus et qui ne trouvent même pas, ou qui ne seraient pas capables d'élever leurs enfants avec si peu.

L'insécurité et l'incapacité de planifier, d'économiser font qu'une très grande partie des Québécois et Canadiens comptent sur le support collectif. Or, celui-ci est remis en cause par le gouvernement et tout enrobage, toute façon doucereuse de mettre cela devant les Canadiens trompe. Le gouvernement s'est fait élire en promettant des emplois, il n'avait pas dit que ce sont les chômeurs et chômeuses eux-même qui seraient tenus responsables de n'en pas avoir.

Parlons-en de la pauvreté et du chômage, pas en statistique, mais en condition de vie. Essayons de comprendre. Quand on parle de pauvreté et chômage, on désigne au moins deux situations : la première, un niveau de faible revenu, mais la deuxième doit être appelée pauvreté.

La première, la plus simple pour les législateurs, est celle où les personnes gagnent temporairement moins d'argent: elles ont perdu leur emploi, mais pensent en trouver un autre; elles sont étudiantes dans un secteur où l'emploi est disponible; elles sont malades ou elles viennent d'accoucher. Avoir temporairement moins de revenu ou pas du tout, voilà les problèmes que les gouvernements aiment solutionner. Le manque d'argent n'est pas la pauvreté, mais combiné à d'autres problèmes, il peut y mener. Il faut donc mettre tous les efforts pour empêcher les personnes de se retrouver dans cette épouvantable trappe.

La deuxième situation à laquelle doivent s'adresser les législateurs, celle qu'on pourrait appeler la «vraie pauvreté», c'est un épouvantable cercle vicieux vécu par des personnes dont la santé, l'éducation, le logement, les toxicomanies, les échecs répétés, la dépression, la solitude, les harcèlements, les obligations familiales ne font qu'amplifier et qu'aggraver le sentiment d'impuissance et d'échec.

Dans ces cas, et ils sont de plus en plus nombreux, le manque d'argent devient chronique et la vie devient pire qu'une prison. Pire qu'une prison parce que beaucoup de prisonniers ont l'espoir de sortir. Ils ont des moyens de s'instruire, de s'occuper, ils ont, curieusement, la sécurité.

Cette pauvreté est pire que la prison parce que le monde extérieur est là, derrière la porte qui s'ouvre, mais avec tout ses attraits, il est hors de portée. Sauf, peut-être le soir du chèque, mais il faudra payer cher tout le mois l'oubli d'un soir. Oui, il y a des centaines de milliers de Québécois et Québécoises et de Canadiens et Canadiennes qui vivent cet affreux sentiment d'impuissance et d'échec.

(1620)

Ils acceptent et intériorisent souvent le jugement qu'ils savent porté contre eux et se murent dans l'isolement et le silence. Ces personnes ont besoin d'aide, pas qu'on fasse peser sur elles la menace de leur retirer la maigre pitance qui est leur seule sécurité.

Pour nous de l'opposition officielle, défendre les acquis sociaux ne signifie pas s'opposer pour s'opposer à toute modification ou même à toute transformation des programmes existants, mais c'est défendre en ces temps de crise et de lutte au déficit, avec une énergie sans cesse renouvelée, nos mécanismes de solidarité sociale. C'est défendre l'équité, c'est aussi vouloir renforcer la cohésion sociale. Défendre les acquis sociaux, c'est refuser la dualisation, refuser qu'il y ait des centaines de milliers de Québécois et de Québécoises et des millions de Canadiens et Canadiennes abandonnés à leur sort avec une pitance tout juste bonne à assurer leur survivance.

C'est cela défendre les acquis sociaux, mais pour bien le faire, il faut avec acharnement exiger du gouvernement une politique économique destinée à relancer l'emploi sans lequel tout programme social, toute nouvelle formation acquise, aussi efficaces soient-ils, ne constituent que des cataplasmes et même pire, peuvent plonger les gens dans un désespoir encore plus grand puisque, après la formation, sans emploi, les efforts s'avèrent inutiles.

Depuis plus de vingt ans, le Québec réclame la gestion de tous les programmes sociaux et de sécurité du revenu pour assurer sur le terrain leur plus grande efficacité. Les raisons invoquées aujourd'hui par le ministre pour justifier sa réforme existent


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depuis belle lurette, et même les libéraux qui, aujourd'hui, n'ont rien de plus pressé à faire que de s'attaquer à la restructuration du système de sécurité sociale du Canada, étaient les mêmes qui refusaient au Québec la pleine gestion des points d'impôts que Jean Lesage avait négociée dans le temps où les libéraux négociaient encore, c'est-à-dire avant l'arrivée de l'ex-premier ministre Trudeau.

Un système de sécurité sociale, aussi performant soit-il, ne peut à lui seul redonner espoir et dignité aux Québécois, aux Canadiens. Ce qu'il nous faut avant tout, c'est une véritable politique de l'emploi.

Depuis 1990, le taux d'emploi-et j'ai constaté que les services de recherche à Ottawa ne font pas souvent référence à ces taux d'emploi, mais nous nous chargerons d'y revenir régulièrement si le rapport en est fait entre l'emploi et la population-donc, depuis 1990, le taux d'emploi pour tout le Canada est en baisse. En effet, la population canadienne en âge de travailler s'accroît plus rapidement que le nombre d'emplois.

Pourquoi la réforme du système de sécurité sociale est-elle soudain si urgente? Pourquoi le ministre du Développement des ressources humaines ne s'acharne-t-il pas? Pourquoi lui qui est responsable devant le Québec et le Canada de l'emploi, des ressources humaines, ne s'acharne-t-il pas à mettre de l'avant une véritable politique d'emploi seule capable de donner l'espoir aux jeunes et aux gens qui n'en ont plus guère.

Parmi tous les témoignages qu'il a lus, il a sûrement dû retenir celui de l'ancien sous-ministre de l'Emploi et de l'Immigration, M. Arthur Kroeger, qui a blâmé sévèrement les gouvernements canadiens. Ses propos sont rapportés par le Globe and Mail de la semaine dernière. Ce n'est pas une citation, c'est la citation du Globe and Mail.

[Traduction]

Il a dit: «Le Canada n'a jamais eu de véritable stratégie d'emploi, même si le chômage, surtout le chômage à long terme, ne cesse d'augmenter depuis les années 1950 et même si le marché du travail se polarise avec, d'un côté, les emplois hautement qualifiés et bien rémunérés et, de l'autre côté, les emplois mal rémunérés ne nécessitant pas beaucoup d'instruction.»

[Français]

Et plus loin, dans ses mots à lui, il ajoutait:

[Traduction]

«Nous assistons à l'émergence d'une sous-classe de Canadiens».

(1625)

[Français]

Dans un autre article, qui a été repris d'ailleurs dans le Quorum, un autre spécialiste, M. Lars Osberg, disait à l'honorable ministre des Ressources humaines que la réforme des programmes sociaux n'est pas ce qui allait créer des emplois; elle doit l'accompagner. Mais il insistait sur la nécessité d'une politique d'emploi.

Si le ministre est préoccupé par l'emploi, pourquoi a-t-il augmenté les cotisations à l'assurance-chômage au 1er janvier, au lieu de les geler maintenant, alors que la reprise est si faible, et de les augmenter quand elle aura repris la vigueur que les économiste lui promettent? Tous conviennent que ces hausses à répétition nuisent à l'emploi, que c'est une véritable taxe à l'emploi.

La réponse est simple, c'est que le gouvernement libéral n'a qu'une idée en tête, malgré la générosité de ses propos, soit de réduire le déficit. Non, plutôt, je me corrige. Il a deux idées en tête: réduire le déficit et mettre en place-et je cite le discours de M. Axworthy, à la page 7-«un système typiquement canadien, qui donne aux Canadiens le sentiment de leur identité».

Ce n'est donc pas surprenant que le Québec, aujourd'hui avec la formation professionnelle, comme hier avec les allocations familiales et demain avec l'aide sociale, se bute au mur de l'arrogance et de la volonté centralisatrice. Ce qui compte, ce n'est pas de trouver des solutions efficaces pour les personnes, mais «un système typiquement canadien, qui donne aux Canadiens le sentiment de leur identité». Les Québécois n'ont pas besoin qu'on leur donne des programmes «pour» leur identité, c'est l'évidence de l'existence de cette identité que le gouvernement central a toujours voulu réprimer, et particulièrement les libéraux tout au long de leur histoire.

Parlons de l'incroyable refus du gouvernement central de donner au Québec le contrôle de la formation professionnelle. J'entendais l'honorable vice-première ministre nous parler des grandeurs de la formation professionnelle. Nous en sommes convaincus, tout le Québec est convaincu et nous attendons et nous devrons attendre deux ans. Par le plus imprévu des détours, celui d'une réforme en profondeur des programmes sociaux et de formation, on refuse au Québec les moyens de s'attaquer, sérieusement et maintenant, à une partie des énormes problèmes qui sont les siens. Pourtant, où qu'on regarde dans le programme des libéraux, rien dans ce que fait le Québec aujourd'hui ne va à l'encontre de ce qu'ils préconisent dans le livre rouge, sauf une chose: c'est le Québec qui veut avoir le contrôle, parce qu'il sait le gaspillage de ressources, d'énergie et la frustration des espoirs qu'entraîne la situation de fouillis actuel. Le Québec ne peut se payer cette attente. La semaine dernière, face au refus d'Ottawa, syndicats, gens d'affaires, gouvernement provincial ont eu les mots les plus durs face à l'incroyable ineptie du gouvernement qui cherche «le système typiquement canadien».

Faut-il le rappeler, ou peut-être le dire pour la première fois, une politique d'emploi est urgente, au Québec plus qu'ailleurs, parce que c'est au Québec que le rapport emploi-population témoigne d'une activité, d'une densité de l'entreprise largement insuffisante.

Pour bien comprendre la différence entre le Québec et l'Ontario, établissons que si le Québec et l'Ontario avaient le même taux d'emploi, il y aurait au Québec des centaines de milliers d'emplois de plus, aujourd'hui.


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Ce n'est sans doute pas un hasard qu'au Québec, depuis plusieurs années, les syndicats, les entreprises, les organismes sociaux et les gouvernements travaillent de concert à améliorer la situation, s'attaquent ensemble à des problèmes graves. C'est à eux qu'est confiée la gestion de la formation professionnelle dans la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, à laquelle le gouvernement refuse de remettre le contrôle de la formation.

Ensemble, et ce n'était pas évident au départ, ils ont fait un long apprentissage, acquis l'expertise essentielle, et ce n'est pas fini. La seule explication du refus du ministre se retrouve dans son discours. Il recherche «un système typiquement canadien, qui donne aux Canadiens le sentiment de leur identité».

Pour les Québécoises et Québécois, ce report de deux ans d'un instrument minimal essentiel comme la formation professionnelle est une injure. Quelle confiance peuvent-ils avoir dans les objectifs poursuivis par la réforme du système de sécurité?

Le ministre du Développement des ressources humaines veut mettre en place une réforme qui s'applique de façon complète. Il veut que les propositions et que les solutions que nous avons soient des solutions à la canadienne. Il veut mettre en place un système de sécurité sociale qui donne aux Canadiens le sentiment de leur identité. Si le ministre du Développement des ressources humaines s'obstine à ne pas voir qu'il existe au Québec un peuple ayant sa propre identité qui commande donc des solutions québécoises; s'il persiste à vouloir s'immiscer dans des champs de responsabilités provinciales, telles l'éducation et la formation; s'il maintient son refus de transférer rapidement au gouvernement du Québec la pleine maîtrise des responsabilités liées au développement de la main-d'oeuvre, alors là, le ministre devra s'attendre à vive opposition de notre part.

(1630)

En fait, le ministre des Ressources humaines est en train de faire la démonstration que le Québec a raison de revendiquer depuis de nombreuses années la gestion de l'ensemble de la sécurité du revenu. C'est ce que veut le ministre, pour des raisons d'efficacité, les mêmes qui animent les positions québécoises. La différence c'est qu'au Québec, on veut une gestion québécoise et au Canada on veut un système typiquement canadien.

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme)): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de l'honorable députée et il y a certainement là-dedans des observations assez valables au sujet de la structure de la famille ainsi que de la situation assez pitoyable, qu'on peut y trouver.

Je veux surtout parler du comté de Mont-Royal, où il y a un taux de 60 p. 100 de sans-emploi, des jeunes de la communauté noire, entre 15 et 24 ans. Je dois vous dire qu'à mon avis, notre formation politique, ce côté de l'aile parlementaire et ce gouvernement veulent écouter tout le monde, que ce soit de la ville de Mont-Royal, du comté de Mont-Royal, du centre de la ville de Québec, du Bas-du-Fleuve, de Terre-Neuve ou de la Colombie-Britannique. Notre intérêt porte sur la possibilité d'améliorer le sort des familles, des jeunes, des personnes d'âge moyen, c'est-à-dire les personnes âgées d'à peu près 45 ans et plus, quel que soit l'endroit où elles vivent au Canada. Notre intérêt ne porte pas seulement sur le Québec, mais sur l'ensemble du Canada.

Vous avez revendiqué le fait, premièrement, que nous n'avions pas une seule idée. Cela n'est pas vrai et vous le savez. Vous avez ajouté qu'on n'a pas commencé à travailler pour créer de l'emploi, et cela aussi est faux. On est en train de mettre sur pied toute une politique d'infrastructures que la députée connaît très bien.

Il y a de bonnes choses dans l'exposé de la députée, mais le contexte était biaisé de façon néfaste pour la population du Canada, de même que pour la population du Québec, parce que pour les gens, l'importance de la question n'est pas de savoir où ils vivent, au Québec ou au Canada, mais le fait que la pauvreté n'a pas sa place au pays.

Si la députée a de si bonnes idées, et si elle maîtrise si bien toutes ces responsabilités au niveau provincial, j'espère, madame la Présidente, qu'elle participera à fond de train, avec son coeur, dans les projets qu'on mettra de l'avant pour s'assurer que cela améliorera le sort de tous les Canadiens et Canadiennes, les jeunes et enfin tout le monde.

Je trouve qu'il y a un manque d'ouverture d'esprit quand la députée dit qu'on n'avait pas une seule idée en tête alors qu'elle sait qu'en ce qui a trait à l'assurance-chômage-et elle le sait fort bien-qu'on a une loi qui décide de combien il faut augmenter le taux des prestations d'assurance-chômage. Elle a ignoré le fait qu'on a pris, d'une autre façon, un montant d'argent, afin de ne pas hausser le taux de l'assurance-chômage.

J'espère que la députée participera d'une façon plus positive, même si elle a noté des points véridiques dans une bonne partie de son texte.

(1635)

M. Langlois: Madame la Présidente, je n'ai pas voulu intervenir pendant le discours de l'honorable députée de Mont-Royal. C'est simplement pour rappeler, comme le Président en titre le faisait, que les députés doivent essayer de s'adresser à la Présidence et non directement aux députés d'en face.

La présidente suppléante (Mme Maheu): C'est à la Présidente qu'il appartient de décider, et je regrette, je ne l'ai pas entendu.

Pour répondre à madame la ministre, l'honorable députée de Mercier.

Mme Lalonde: Madame la Présidente, j'ai repris l'ensemble des points de l'honorable députée de. . .

Des voix: De Mont-Royal.

Mme Lalonde: Bien oui! Comment l'aurais-je oubliée, elle que j'étais déja allée voir.

Bien sûr, le gouvernement veut écouter tout le monde. Si nous parlons de la proposition-et vous devez en parler-, il se donne deux mois de processus de commission parlementaire pour écouter tout le Canada sur une réforme en profondeur, sur la modernisation et la restructuration de l'ensemble du système de sécurité


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du revenu, et il annonce qu'il va déposer une politique le 1er avril. C'est ce que j'ai entendu ce matin. C'est bien peu pour écouter tout le monde. J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de participer à des commissions parlementaires sur des sujets beaucoup moins vastes. Si le gouvernement a son projet, il devrait le sortir.

Par ailleurs, le gouvernement a été élu pour gouverner. Cette démonstration de sollicitude me touche. Mais en même temps, quand on accepte et quand on est prêt à avoir le pouvoir, on a des idées, on ne fait pas que répéter leurs problèmes aux gens. Je n'ai pas dit, cependant, que vous n'aviez pas eu aucune idée. J'ai dû mal m'exprimer. Cependant, sur la politique d'infrastructures, personne ne pourra soutenir dans ce pays que cela tient lieu de stratégie d'emploi. C'est une politique à court terme qui va créer au mieux 65 000 emplois temporaires. C'est mieux que rien, mais ce n'est pas cela qu'on appelle une stratégie d'emploi quand les besoins sont ce qu'ils sont en ce moment.

Vous avez dit que ma façon de m'exprimer était néfaste. Je le regrette vivement parce que ce que j'ai essayé d'expliquer ici, devant les honorables députés d'en face et d'à côté, c'est l'urgence de la situation au Québec. Cette urgence qu'il. . .

Mme Finestone: Partout au Canada!

Mme Lalonde: Il y a urgence au Canada, mais permettez-moi de le dire, parce que le ministre du Développement des ressources humaines m'a renvoyée à dire qu'il y a de la pauvreté partout. Quand il y a une telle concentration, il y a une urgence. Et cette urgence explique l'impatience de nombreux Québécois et Québécoises qui ont entendu. . .

Mme Finestone: Et de Canadiens!

Mme Lalonde: Madame la Présidente, j'ai écouté l'honorable députée avec respect. Cette impatience qui fait que face à de nouvelles promesses qui se doublent du refus de convenir tout de suite de transférer le contrôle de la formation de la main-d'oeuvre au Québec ne fait que nous remplir de doutes.

J'ajouterais que nombreuses ont été les personnes de toutes origines, de groupes, qui ont dit que le fait d'avoir augmenté les cotisations à l'assurance-chômage allait être réfaste pour l'emploi.

[Traduction]

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Madame la Présidente, je voudrais poser une question à la députée.

Je dois dire à la députée que j'ai lu son premier discours le week-end dernier pendant que je me rendais en autocar à Belleville, en Ontario. J'ai apporté à la Chambre aujourd'hui ce discours qu'elle a prononcé le 20 janvier parce que j'ai été frappé par l'avant-dernier paragraphe, où elle disait ceci:

Monsieur le Président, assurez le ministre du Développement des ressources humaines qu'il pourra compter sur mon appui indéfectible à chaque fois qu'il voudra aider les personnes dans le besoin mais que je m'efforcerai d'être une parlementaire au moins aussi féroce qu'il l'a été dans l'opposition, à chaque fois qu'il dérogera de cette ligne de conduite.
J'ai trouvé que c'était là une déclaration des plus constructives et positives.

(1640)

Plus tôt dans son discours, la députée avait parlé des chevauchements, des dédoublements et de l'incapacité subséquente de prendre les bonnes décisions au bon moment pour maximiser les efforts sociaux. C'était, à mon avis, un grand discours.

Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi la députée ne voit pas, lorsque le ministre du Développement des ressources humaines parle aujourd'hui des mêmes choses dont elle parlait dans son premier discours, que l'élimination de certains chevauchements, de certains dédoublements et d'une partie du gaspillage de la bureaucratie institutionnalisée nous permettrait d'avoir davantage de ressources pour redonner des emplois aux Canadiens. Ne voit-elle pas le débat de ce point de vue?

Je n'ai pas entendu le ministre parler de réductions aujourd'hui. Le seul déficit dont je l'ai entendu parler aujourd'hui, c'est le déficit humain. À mon avis, c'était là le sens de son discours. Je me demande si la députée ne pourrait pas essayer de voir cela comme une approche possible pour le ministre.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je regrette, mais la période de questions et commentaires est maintenant expirée.

[Traduction]

Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les sujets qui seront abordés ce soir au moment de l'ajournement: le député de Bellechasse, le revenu national; le député de Thunder Bay-Nipigon, le transport du grain; le député de Québec-Est, l'agriculture; le député de Saskatoon-Clark's Crossing, la création d'emplois.

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme)): Madame la Présidente, je suis très heureuse de participer à ce débat très important pour les Canadiens et pour les députés. J'espère sincèrement qu'en tant que députés et Canadiens de toutes les régions et de tous horizons, nous allons entreprendre un examen de notre système de sécurité sociale qui servira les intérêts bien compris de tous les Canadiens. Cette réforme constituera la première étape d'une entreprise ayant pour but de voir à ce que ces programmes répondent mieux aux besoins sociaux et économiques des Canadiens à l'aube du XXIe siècle.

J'assure de mon soutien le ministre du Développement des ressources humaines qui a le courage et le zèle nécessaires pour s'attaquer à une entreprise aussi complexe et importante que cet examen. Les résultats de cette réforme auront des répercussions sur la vie de chaque Canadien durant de nombreuses années.

Voilà pourquoi le ministre prend des mesures pour veiller à ce que tous les Canadiens puissent se faire entendre, à ce qu'ils ne souffrent pas de cette initiative, mais à ce qu'ils en bénéficient au contraire. Le ministre a dit qu'il nous demandait à chacun d'entre nous à la Chambre de participer à cet examen afin que le gouver-


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nement soit mieux en mesure de servir la population grâce à un système ouvert et transparent.

Il nous a demandé également de prendre la peine de discuter avec nos électeurs, de solliciter leur opinion et leur avis. Il invite également les Canadiens à soumettre leurs idées et à suggérer des solutions, et l'échéancier établi ne se limite pas à deux mois seulement, comme la députée de Mercier semble le laisser entendre. L'échéancier est beaucoup plus long.

Si les députés se soucient réellement des Canadiens, ils mettront ensemble l'épaule à la roue et mettront leur information en commun. Ils réagiront favorablement à ce nouveau et merveilleux souci de transparence que nous présentons comme une option pour les Canadiens et ils feront part de leurs suggestions et de leurs idées au comité parlementaire sous les diverses formes que déterminera le comité.

Cette réforme de notre système de sécurité sociale revêt une grande importance pour moi et pour toutes les Canadiennes. Les femmes doivent participer à ce processus, et je m'engage à faire tout en mon pouvoir pour veiller à ce qu'elles en aient la possibilité.

(1645)

J'espère bien que les Canadiennes profiteront de l'occasion pour nous faire savoir quel genre de système de sécurité sociale leur plairait, quels programmes il leur paraît important de conserver, et en quoi se trouvera assuré leur sentiment de bien-être. Elles pourront ainsi contribuer au progrès du pays et à leur propre progrès dans la voie de l'égalité.

Comme le ministre l'a fait remarquer, près de la moitié des Canadiens n'ont plus de sentiment de sécurité à l'égard de leur vie, et c'est dramatique. Beaucoup craignent de perdre leur emploi à la suite de la fermeture ou de la restructuration de l'entreprise pour laquelle ils travaillent. S'ils avaient à chercher un autre emploi, ils craignent de ne pas avoir la possibilité, la formation ou l'instruction nécessaires pour en trouver un. S'ils ont plus de 50 ans, ils sont terrifiés à la pensée de ne plus jamais trouver un autre emploi peut-être.

Il importe certes de tenir compte des préoccupations exprimées, mais il faut aussi reconnaître les modifications spectaculaires subies par la structure familiale. Le nombre de familles monoparentales a augmenté. La famille traditionnelle, qui comptait autrefois deux parents et deux enfants dans une jolie petite maison, n'est plus ce qu'elle était.

La main-d'oeuvre aussi a changé, tout comme le marché du travail. Trop de changements surviennent en même temps, et bien des gens semblent avoir perdu espoir et se demandent où va le monde. La mondialisation de l'économie, ce changement vers une économie fondée sur la connaissance, la restructuration des grandes entreprises et la croissance des petites, voilà autant d'éléments qui font partie intégrante de la nouvelle réalité à laquelle les Canadiens doivent faire face. Or, comme je l'ai dit, bon nombre craignent ces changements.

Ceux-ci sont très diversifiés et ont une vaste portée. Il ne faut pas les considérer dans la même optique que les résultats financiers d'une entreprise. Comme je l'ai dit, il n'y a pas que les résultats financiers qui comptent, il y a aussi la qualité de vie des Canadiens.

Il faut évaluer les répercussions sociales des questions à l'étude. Il faut adapter nos priorités et réorienter nos ressources qui se font rares. Les Canadiens et les Canadiennes sont des gens fiers, travailleurs et dévoués. Il veulent contribuer à l'édification de notre société, pas dépendre de celle-ci.

Recevoir des chèques d'assurance-chômage ou dépendre de l'aide sociale n'est satisfaisant pour personne. Ce n'est pas ce à quoi nous aspirons pour nous, notre famille ou nos enfants. Nous voulons travailler, subvenir aux besoins de nos proches, économiser un peu pour nous permettre de petits plaisirs et en prévision de nos vieux jours.

Ce n'est pas un rêve. C'est là la façon de vivre des Canadiens. C'est ce qui a fait la richesse du Canada et qui rend notre pays aussi attrayant pour les Canadiens de souche et ceux qui ont décider de se joindre à nous au fil des ans. Nous devons maintenant prendre des mesures pour pouvoir continuer de bénéficier pendant longtemps encore des programmes sociaux qui ont contribué à nous garantir un niveau de vie aussi enviable au cours des dernières décennies.

[Français]

Il ne fait aucun doute que la dernière décennie a été beaucoup plus avantageuse pour les riches que pour la population en général. Notre pouvoir d'achat individuel a chuté et la classe moyenne est coincée entre les hausses de taxes et le chômage galopant, et a été dûrement touchée.

Les banques alimentaires qui représentaient l'exception et n'existaient que dans les grandes villes il y a dix ou quinze ans font maintenant partie de notre paysage familier, et ça c'est triste.

Je crois que le phénomène sociologique le plus important et le plus révoltant qui s'est développé au Canada ces dernières années, c'est le visage de la pauvreté. De plus en plus, la pauvreté prend le visage d'une femme. Et comme si ce n'était pas assez difficile à accepter, la pauvreté prend souvent le visage d'une femme portant un enfant dans ses bras, ou d'une femme âgée. Voilà le portrait de la pauvreté ici au Canada.

Quand je parle des femmes, je pense à toutes les femmes, de toute race et de tout âge, mais au moins je dois admettre que nos femmes immigrantes, nos femmes autochtones et nos femmes ayant un handicap sont dans une situation encore plus difficile, car elles doivent affronter un facteur de plus de discrimination et de pauvreté.

(1650)

Dans un pays aussi riche et aussi privilégié que le Canada, nous ne pouvons accepter cette détérioration de notre tissu social, et encore moins laisser ces enfants qui ont faim et ces femmes qui sont désespérées au bon vouloir des forces du marché. Nous ne pouvons pas ignorer que le chômage et la pauvreté contribuent à engendrer des maux aussi pernicieux que la violence envers les femmes et les enfants ou la formation de gangs de


661

jeunes, qui débouchent tout naturellement sur la violence et la criminalité. Nous ne pouvons pas oublier que le racisme, l'intolérance et la discrimination sont des parasites dévastateurs que nous voudrions éliminer de notre société, mais qui continuent à faire beaucoup plus de ravages que nous voulons l'admettre.

Je me sens très émue quand je pense à cette situation à laquelle il faut faire face, et je crois que notre ministre a été très brave d'entreprendre des changements globaux, en écoutant la société, et ce, afin d'améliorer le sort qui prévaut à ce moment-ci.

[Traduction]

Il me semble qu'un des plus importants facteurs à considérer dans cette révision de notre programme de sécurité sociale est la condition féminine. Si je le dis, c'est que les femmes représentent la majorité de la population et qu'elles font une immense contribution à notre société et à notre économie. Cependant, elles sont souvent désavantagées sur le plan économique à cause des responsabilités disproportionnées qu'elles doivent assumer au foyer et auprès de leur famille. En outre, les femmes ont des besoins et des soucis particuliers qui sont souvent négligés, oubliés. Notre rôle a subi de profondes mutations depuis la mise en place de notre régime de sécurité sociale. Les femmes ont arraché de haute lutte le droit à de nombreuses possibilités d'épanouissement personnel: faire des études, mener une carrière, faire du bénévolat, prendre soin de leurs enfants et de leurs parents. Elles doivent continuer d'attacher une grande valeur à ce droit de choisir et de le protéger.

C'est du travail non rémunéré que nous faisons, et c'est un apport très significatif à la richesse collective de notre pays.

Je me préoccupe des femmes, madame la Présidente, parce que notre nouveau régime de sécurité sociale doit tenir compte des réalités économiques et sociales des femmes d'aujourd'hui et de leurs aspirations pour l'avenir.

Enfin, je me soucie des femmes parce que c'est en grande partie entre leurs mains que repose l'avenir de nos enfants, autant dire l'avenir du Canada.

Madame la Présidente, la triste réalité de la situation pénible des femmes est dévoilée par de froides données statistiques fort simples. Aujourd'hui, les femmes de tous les âges, de toutes les cultures et de tous les milieux représentent 45 p. 100 de la population active. D'ici à l'an 2000, elles devraient représenter près des deux tiers des nouveaux venus sur le marché du travail.

Même si la participation féminine sur le marché du travail atteint un niveau sans précédent, la plupart des femmes ont des emplois très humbles et mal rémunérés. Près du tiers sont encore confinées aux postes de commis et, en moyenne, les Canadiennes qui travaillent à temps plein ne gagnent que 72 p. 100 du salaire des hommes.

En 1950, environ 5,4 millions de personnes ayant des revenus touchaient un montant total inférieur à 10 000 $. Là-dessus, 36 p. 100 étaient des hommes et 64 p. 100 des femmes. Je veux dire ceux qui touchaient 10 000 $.

À l'autre extrémité de l'échelle, parmi ceux qui gagnaient 40 000 $ et plus, 78 p. 100 étaient des hommes et 22 p. 100 des femmes. Est-ce bien équitable?

Les interruptions sont plus nombreuses dans la carrière des femmes, surtout les femmes en âge d'avoir des enfants. Trop souvent, les pères n'assument pas toute leur part de la responsabilité financière à l'égard de l'éducation des enfants.

En 1991, 82 p. 100 des familles monoparentales étaient dirigées par une femme. Elles représentaient près des deux tiers des 900 000 familles vivant dans la pauvreté. Ces statistiques-là donnent froid dans le dos.

(1655)

Les enfants qui vivent avec une mère célibataire courent cinq fois plus le risque de vivre dans la pauvreté que ceux qui vivent avec leurs père et mère. Dans leur vaste majorité, les femmes ont peu d'argent à verser dans un REER ou un régime de retraite. Seulement 48 p. 100 des travailleuses âgées entre 45 et 64 ans s'attendent à toucher des prestations de pension de leur entreprise à leur retraite. Ainsi, vers la fin de leur vie professionnelle, seulement une faible proportion de femmes disposeront de revenus suffisants pour leur retraite. Les autres devront s'en remettre aux programmes de l'État. Il arrive trop souvent que toute une vie de durs labeurs et de sacrifices n'ait pour récompense que la pauvreté et les privations.

Si nous ne réparons pas notre système de sécurité sociale, nous serons condamnés à payer un prix terrible pour notre indifférence. Je le dis à mes collègues, la pauvreté des femmes n'est pas uniquement un problème qui ne concerne que les femmes, c'est un problème que tous les Canadiens ont intérêt à régler.

Au moment où nous entreprenons l'examen de notre régime de sécurité sociale, il est temps de reconnaître l'étendue de la pauvreté chez les femmes au Canada et d'examiner pleinement le coût fondamental de l'inégalité des femmes.

Tout plan visant à lutter contre la pauvreté chez les femmes doit s'inscrire dans le cadre des efforts globaux de promotion de l'égalité de la femme dans tous les aspects de la vie. Cela sous-entend des efforts coopératifs dans de multiples domaines de la part de Canadiens de toutes les conditions sociales.

Pour remédier à la situation, nous devons relever la valeur du travail traditionnellement confié aux femmes. Nous devons offrir aux femmes la possibilité de diversifier leurs compétences professionnelles et de rechercher l'avancement. Les femmes doivent avoir la possibilité de rivaliser avec les hommes pour l'obtention des emplois mieux payés qui comportent plus de responsabilités et de défis parce que, dans bien des cas, elles ont les qualités requises, elles sont prêtes et elles sont compétentes.

L'amélioration des moyens de formation et d'éducation mis à la disposition des femmes est essentielle à la réalisation de cet objectif et se situe au coeur même de pratiques saines en matière d'emploi. Il faut se pencher sur des questions comme la formation pour des postes non traditionnels, l'encouragement des filles à poursuivre leurs études en mathématiques et en sciences, le soutien pour les devoirs et la transition foyer-école et des ressources financières accrues pour les deux sexes.


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Je dirais que la situation économique des femmes est telle que nous voulons lui porter une attention particulière et y remédier au cours de cet examen. C'est vrai pour toutes les femmes, mais plus particulièrement, je le répète, pour les immigrantes qui ont des besoins spéciaux, comme des cours de langue et la reconnaissance de leurs compétences. Elles ont également besoin d'être guidées pour pouvoir accéder à tous les services à leur disposition.

Je vais travailler avec mes homologues des provinces et des territoires ainsi que le ministre pour accroître l'accès des femmes à l'éducation, à la formation et au perfectionnement afin qu'elles puissent rivaliser sur un pied d'égalité avec les hommes sur le marché de l'emploi d'aujourd'hui et de demain. Je vais travailler avec mes homologues et le ministre pour veiller à ce que les immigrantes aient un même accès que les autres aux services de l'État ainsi qu'aux cours de langue et de formation.

[Français]

Enfin, nous devons penser aux jeunes. On ne dira jamais assez à quel point la jeunesse est importante pour un pays comme le Canada. C'est sur elle et en elle que repose toute notre priorité, tous nos espoirs et toutes nos ambitions pour l'avenir. Je dois admettre qu'il y a peu de choses qui me sont plus pénibles que de voir des jeunes qui sont victimes de violence, de discrimination et de pauvreté.

[Traduction]

Comme le ministre l'a si bien dit, il y a un déficit sur le plan des ressources humaines dans notre pays. Si nous parvenons à régler ce problème et à redonner du travail à tous les Canadiens, il sera beaucoup plus facile de régler la question du déficit financier. J'estime qu'il y a un lien très étroit entre ces deux éléments.

Vendredi dernier, j'ai dit à la Chambre que, dorénavant, le mot d'ordre du gouvernement serait l'action. J'ai également dit que les gouvernements devaient composer avec les changements qui surviennent, mais qu'ils devaient le faire en partenariat avec les Canadiens. Nous voyons aujourd'hui l'application parfaite de ces deux principes.

Nous prenons, en effet, des mesures pour revoir des programmes qui, dans certains cas, remontent à 1942. Nous avons refusé d'opter pour la solution facile d'apporter des modifications ici, des ajouts là, des rajustements ou des coupures.

(1700)

Je conseille à tous ceux et celles que cette question intéresse de lire le discours du ministre pour avoir une meilleure idée des mesures qu'il a l'intention de prendre dans différents secteurs importants pour chacun de nous.

J'ajoute qu'au lieu d'opter pour la solution facile, nous avons décidé de revoir entièrement notre système de sécurité sociale, après avoir fait les consultations nécessaires. Un changement aussi important ne se fait pas en deux temps trois mouvements. Le ministre a présenté un plan de consultations réfléchi et très complet qui permettra à des groupes, dont des groupes de femmes, de se réunir, de consulter les gens à la base et de faire connaître leurs opinions.

Pour faire avancer la chose, il existe déjà le processus parlementaire, le processus du comité permanent et les audiences que vont tenir les députés dans leur circonscription.

Nous devons vraiment faire quelque chose maintenant et le faire avec l'entière participation et l'entière collaboration de tous les Canadiens. Pour cela, nous devons veiller à ce que les organisations qui représentent les femmes, toutes les femmes, dont les femmes immigrantes et les femmes faisant partie des minorités non visibles qui ont très souvent des ressources limitées et des mandats très vastes, aient assez de temps et d'appui pour consulter les gens à la base et nous faire part de leurs opinions.

Le fait de savoir que le gouvernement et la Chambre examineront bientôt, en partenariat avec tous les Canadiens, cette question importante et complexe qui pose un problème dans notre pays devrait rassurer même les plus sceptiques d'entre nous et redonner à tous l'espoir d'un avenir meilleur. Si nous avons été élus à la Chambre, c'est pour régler les problèmes.

[Français]

Il faut tenir compte des préoccupations de tout le monde, quel que soit l'endroit où ils vivent.

[Traduction]

Les Canadiens ont porté le Parti libéral au pouvoir justement pour qu'il fasse cela, et c'est précisément ce que nous allons faire pour régler les problèmes des habitants de Terre-Neuve, du Manitoba, de la Saskatchewan, du Québec, de l'Ontario, de l'Alberta ou des autres provinces. Nous sommes vivement préoccupés par les problèmes qui existent dans les Territoires du Nord-Ouest et par la situation des autochtones. Nous avons une vision globale de la société. Le gouvernement entend nous permettre d'apporter ce changement non pas en nous imposant des dogmes ou des règles, mais par la consultation et la transparence, en gardant les oreilles et le coeur ouverts, pour que nous puissions faire les changements que désirent les Canadiens.

[Français]

M. Gérard Asselin (Charlevoix): Madame la Présidente, l'honorable députée qui m'a précédé disait que le temps était au changement. Effectivement, le temps est au changement comme le disait aussi à la période des questions le ministre des Finances.

Le temps est au changement au Canada par le changement de gouvernement, mais le temps a été aussi au changement au Québec. Le 25 octobre, 3 millions de Québécoises et Québécois ont élu 54 députés du Bloc québécois en cette Chambre pour défendre les intérêts du Québec et leur donner le vrai pouvoir.

L'honorable députée a soulevé à quelques reprises l'aspect de la pauvreté. En 1980, 74 libéraux sur 75 députés représentaient le Québec, et un seul député conservateur, l'honorable Roch LaSalle, avait été élu dans Joliette. À l'époque, en 1980, la dette était de 30 milliards. En 1984, au moment où les libéraux ont perdu le


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pouvoir aux mains des conservateurs, la dette était de 187 milliards.

De 1984 à 1988, grande majorité conservatrice ici même à la Chambre, et le Québec était représenté aussi par la vague de bleus à l'époque. De 1988 à 1993, période du beau risque, le Québec a donné une seconde chance au Parti conservateur. La dette, encore une fois, qui est partie de 187 milliards, une dette laissée par les libéraux en 1984, reprise par les conservateurs et cédée en 1993, encore une fois au détriment des libéraux, est maintenant rendue à 500 milliards.

On vient de parler de pauvreté, en cette Chambre, quand on sait que cela coûte aux Canadiens, à tous les Québécois, à toutes les Québécoises, tous les Canadiens, toutes les Canadiennes, 108 millions d'intérêt par jour. Avec ces 108 millions d'intérêt, on pourrait créer de nouveaux logements sociaux. On pourrait donner une sécurité à nos jeunes afin de les empêcher de décrocher au niveau postsecondaire. On pourrait donner de la formation professionnelle aux jeunes, qu'il y ait un intermédiaire entre le simple journalier et le professionnel au degré universitaire. Aujourd'hui, on le sait, on aura toujours besoin d'un plombier; on aura toujours besoin d'un menuisier; on aura toujours besoin d'un électricien, les métiers de la base. Et, aujourd'hui, de plus en plus de femmes s'impliquent dans les métiers non traditionnels sur le marché de la construction et dans l'industrie. Nous, au Québec, on en voit et on le sait.

(1705)

On vient de parler de pauvreté et on se pète les bretelles, ici à la Chambre, en disant qu'on va corriger la situation avec le programme d'infrastructures. Les libéraux ont eu leur chance, les conservateurs ont également eu la leur, bleus, rouges, rouges, bleus, blanc bonnet, bonnet blanc. Je suis convaincu qu'à la fin de ce mandat, la dette du Canada n'aura pas diminué. Encore une fois, on l'a vu dans cette Chambre, un discours a été tenu, il n'y a pas tellement longtemps, par un ministre du parti ministériel et cela a coûté 173 000 $. Cela commence, et on va en voir d'autres.

Également, il y a beaucoup de jeunes qui sortent des universités, des cégeps avec des BAC, des DEC et ils sont obligés de travailler comme pompistes dans les stations-service parce qu'on n'a pas voulu ou qu'on n'a pas formé nos jeunes à prendre la relève des personnes qui ont passé avant nous et qui ont bâti ce pays. C'est pour cela que le Québec veut se prendre en main, c'est pour cela que le Québec veut être maître d'oeuvre chez lui en éducation, en main-d'oeuvre, en santé et en affaires municipales.

[Traduction]

Mme Finestone: Madame la Présidente, je me rends compte que mon temps de parole est écoulé. Je voudrais simplement dissiper les inquiétudes du député d'en face en lui disant que la contribution du gouvernement fédéral aux programmes de sécurité sociale s'élève à 14,6 milliards de dollars au Québec.

Le Québec a un énorme déficit. Le Canada aussi. Nous consacrons actuellement 28 p. 100 de tous les fonds nationaux au travail qui s'impose au Québec. Avec ces fonds, dont je n'ai rien à redire, nous pourrons préparer la relève pour que les jeunes puissent trouver leur place dans la société de demain.

[Français]

Il n'est pas question de savoir qui a fait quoi au sujet du déficit aujourd'hui, il est question des jeunes et le fait qu'ils veulent manger, gagner leur propre pain et qu'ils désirent avoir une formation adéquate pour l'avenir.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La secrétaire d'État est-elle au courant qu'elle dispose d'une période de 10 minutes de questions et réponses?

Je vais donc accepter d'autres questions de l'honorable député de Gaspé.

M. Yvan Bernier (Gaspé): Madame la Présidente, j'ai écouté les propos de l'honorable députée de Mont-Royal. Je suis d'accord avec elle, mais cela me peine d'entendre la description de la pauvreté au Canada et au Québec parce qu'on dit maintenant qu'elle a un visage féminin. Je suis vraiment peiné d'entendre cela. J'ai beaucoup entendu de descriptions de la pauvreté dans l'allocution de la députée

Cependant, j'aimerais lui adresser deux questions. Si l'on veut réformer le système social ou les programmes sociaux au Canada, dans l'ordre des choses, s'attend-on à ce qu'il y ait plus de pauvres parce que dans le cas contraire, j'aurais préféré qu'on utilise le temps de la Chambre pour parler de la création d'emplois?

(1710)

Deuxièmement, j'aimerais m'assurer, par l'intermédiaire de la députée de Mont-Royal, la représentante du gouvernement aujourd'hui, que la réforme n'aura pas pour but de donner moins d'argent aux pauvres.

[Traduction]

Mme Finestone: Ce que je veux dire au sujet de la première question du député, c'est que le programme de création d'emplois est très clair.

[Français]

La création d'emplois est le but visé par le gouvernement au pouvoir à ce moment-ci. La création d'emplois a été le point majeur des interventions de notre premier ministre. C'est pour cela qu'on a été élus. Toute notre équipe a étudié en détail le livre rouge de notre parti, dans lequel on dit que la création d'emplois est, à prime abord, notre responsabilité. Mais les deux vont de pair. Si vous n'avez pas une population bien soutenue, si vous n'avez pas une population en bonne santé, vous n'aurez pas une population prête et capable d'apprendre ou de changer de métier ou d'entrer sur le marché du travail. Mais quand vous avez une population qui travaille, le problème des finances, le problème du déficit, cela peut être résolu d'une meilleure façon. C'est comme une balance, l'un ne va pas sans l'autre.

Pour répondre aux questions du Parti réformiste, je dois dire que ce n'est pas notre objectif de seulement couper pour couper. Notre objectif est d'améliorer la situation actuelle, parce que vous savez tout comme moi que les assistés sociaux, les personnes qui reçoivent différentes formes d'aide ne trouvent pas leur place sur le marché du travail, parce qu'elles n'ont pas les outils nécessaires et qu'on n'a pas formé notre main-d'oeuvre pour faire face aux changements que requiert le marché du travail


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actuellement. J'espère qu'en travaillant ensemble, on va trouver les réponses nécessaires.

[Traduction]

M. Jay Hill (Prince George-Peace River): Madame la Présidente, comme il s'agit de mon premier discours à la Chambre des communes, un moment historique, s'il en est un, je profite de la première occasion qui m'est offerte de vous féliciter de votre élection au poste de présidente. En outre, je vous offre mon appui et ma collaboration, à vous et à tous mes collègues qui participeront aux délibérations de la Chambre pendant toute la durée de la 35e législature. Votre tâche ne sera pas facile. Les Canadiens ont les yeux rivés sur le Parlement et souhaitent des réformes.

Nouveau venu dans cette enceinte, j'ai pu constater ces deux dernières semaines à quel point une réforme s'imposait à la Chambre. Comme des millions d'autres Canadiens, je suis complètement sidéré par le comportement de certains députés. Je vous prie instamment, madame la Présidente, de faire tout votre possible pour contribuer au rétablissement de la confiance de la population dans cette institution. J'espère sincèrement que le climat qui règne dans cette enceinte va s'améliorer, et non pas s'envenimer encore. C'est à chacun des députés de vous aider à restaurer la dignité de la Chambre.

Aux députés élus ou réélus à la Chambre, toutes mes félicitations! J'espère que tous les députés sauront faire un bon usage de leur mandat.

Mon premier discours ne serait pas complet sans la mention de tous les gens qui m'ont apporté leur appui, car on ne devient pas politique par ses seuls moyens. Pour remporter la victoire, on a besoin d'une équipe de collaborateurs dévoués. J'ai eu l'immense chance d'avoir la meilleure équipe réformiste qui soit à Prince George-Peace River. Bon nombre de mes partisans avaient commencé à faire campagne avec les élections de 1988 et n'ont pas relâché leurs efforts pendant plus de six longues années. Je tiens à les saluer brièvement.

J'adresse des remerciements particuliers à Carol, mon épouse depuis plus de 20 ans, et à mes trois enfants pour leur amour et leur soutien indéfectibles. Je remercie ma famille, mes amis et mes partisans dont le dévouement et les sacrifices m'ont valu cet insigne honneur.

Je m'en voudrais de ne pas mentionner un homme mieux connu, dans ma circonscription et un peu partout dans le Nord, sous le nom de «Monsieur Réforme». Short Tompkins est assurément un grand Canadien qui s'est donné pour mission de tout faire pour apporter des changements politiques constructifs à l'échelle nationale. Je suis fier de pouvoir l'appeler mon ami.

(1715)

Bien que la circonscription de Prince George-Peace River soit célèbre pour sa beauté, sa faune, sa flore et ses richesses naturelles abondantes que rien n'est venu abîmer, son plus grand atout reste ses habitants, d'illustres travailleurs. Ce sont eux qui, ayant perdu la foi dans le système politique de leur pays, m'ont envoyé les représenter à Ottawa. Les habitants de ma circonscription ont l'impression d'être laissés pour compte non seulement par les responsables provinciaux, mais aussi par les responsables fédéraux. Ils s'interrogent de plus en plus sur la façon dont les anciens partis se sont débrouillés pour ne pas avoir à faire de choix difficiles sur le chapitre des dépenses sociales. Si le Parlement veut vraiment s'attaquer à ces problèmes essentiels, les gouvernements doivent changer d'attitude.

À mon avis, le fait que les gouvernements précédents se soient montrés peu enclins à écouter les Canadiens qui demandaient des changements est un reflet du fléau de l'orthodoxie politique qui a gagné tous les segments de notre société. Si quelqu'un a le malheur de s'opposer à l'idée d'un statut spécial pour une province, on l'accuse de vouloir détruire le Canada. Si quelqu'un ose questionner la politique d'immigration, on le traite de raciste. Si quelqu'un trouve à redire à un système judiciaire qui protège les criminels, au lieu de les rendre responsables de leurs actes, on le traite de dinosaure.

J'en appelle au gouvernement afin qu'il rejette l'orthodoxie politique et qu'il commence à écouter ce que veulent les Canadiens. Nous ne pouvons mettre en place des programmes sociaux et des filets de sécurité durables à l'intention de ceux qui en ont vraiment besoin si ces programmes sont conçus en fonction de ce qui est politiquement conforme au moment où nous le faisons. Le gouvernement doit prendre en considération ce qui est bon pour le Canada, et non ce que lui dictent les médias ou quelques groupes d'intérêt qui ne mâchent pas leurs mots.

Nos programmes sociaux, dans leur structure actuelle, sont-ils viables? L'universalité d'accès doit être maintenue. Si cela signifie qu'un nombre de moins en moins grand de contribuables productifs doivent toujours assumer la totalité des coûts pour l'ensemble des Canadiens, les programmes ne sont pas viables. Les réformistes veulent s'assurer que nos programmes sociaux sont viables et accessibles à tous les Canadiens quand ils en ont besoin.

En ces temps de crise économique causée par un quart de siècle de mauvaise gestion, ma circonscription est un des rares endroits où le dur labeur et l'esprit d'entreprise sont encore récompensés. Et malgré cela, même là, les petites entreprises ont de plus en plus de mal à prospérer et à prendre de l'expansion.

Aujourd'hui, la petite entreprise survit en dépit du gouvernement, et non grâce à lui. Les petits entrepreneurs sont très inquiets au sujet des rumeurs qui veulent que l'on envisagerait de réduire la contribution maximum que l'on peut faire aux REER. Si cette rumeur devait devenir réalité, cela voudrait dire que le gouvernement va réduire encore la capacité des entrepreneurs du secteur privé d'assurer leur propre retraite, alors que le régime de pensions du secteur public restera inchangé.

En décembre 1992, il y avait dans les comptes d'impôt différé que sont les REER environ 150 milliards de dollars contre 110 milliards de dollars dans le régime de pensions des fonctionnaires. Si le ministre des Finances a l'intention de réduire la contribution maximale admissible des particuliers, il pourrait peut-être envisager de réduire aussi les généreux régimes de retraite des fonctionnaires et des députés, que le reste de la population


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aide à payer. Mes électeurs en ont assez de voir qu'il y a deux poids, deux mesures.

Les Canadiens sont des gens généreux. Seulement, ils craignent que notre filet de sécurité sociale, charitable mais fragile, ne résiste pas aux pressions de plus en plus grandes qu'on lui fait subir.

Les Canadiens sont fiers d'offrir l'asile aux réfugiés qui veulent échapper à la persécution politique et aux violations des droits de la personne qui se pratiquent dans leur pays. Cependant, notre système de détermination du statut de réfugié répond-il à nos besoins? Des nominations récentes à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ont suscité une certaine controverse. Même si l'on reconnaît que bon nombre des personnes nouvellement désignées connaissent bien le domaine, on doute de la pertinence de la politique gouvernementale actuelle, qui veut que des membres de groupes de défense des droits des réfugiés soient nommés à ces postes.

Les Canadiens peuvent-ils être sûrs que ces personnes prendront des décisions impartiales? Pour les nominations futures, il faut absolument que le ministre place l'objectivité et la capacité de prise de décision parmi les critères les plus importants dans le choix des personnes nommées à cette commission.

Depuis la création de la commission, le taux de reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention a diminué, passant de 76 p. 100 en 1989 à 48 p. 100 au cours des neuf premiers mois de 1993. Pourtant, même si le taux d'acceptation des réfugiés a connu une baisse constante, il reste évident que notre système de détermination du statut de réfugié présente un problème.

(1720)

Comme le Canada, la plupart des pays qui acceptent des réfugiés se fondent sur la Convention des Nations Unies pour déterminer si une personne revendique à juste titre le statut de réfugié. N'empêche que les demandes qu'ils reconnaissent comme étant justifiées y sont beaucoup moins nombreuses.

Le Canada continue d'avoir le plus haut taux d'acceptation du monde. Beaucoup de Canadiens se demandent pourquoi. De récentes décisions ont permis à des femmes qui craignaient la violence conjugale ou la discrimination systémique de leur pays de rester au Canada. Quelles seront les conséquences d'une telle politique? Cela veut-il dire que toutes les femmes vivant dans des pays qui ne respectent pas leurs droits ou dont la culture est différente devraient obtenir le statut de réfugiée au Canada? Je comprends tout à fait le drame que vivent ces femmes, mais la solution n'est pas de faire entrer au Canada toutes les femmes victimes de violence. Il faudrait plutôt les aider en incitant les sociétés en cause à respecter les droits de la personne.

Je suis heureux de la décision du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, qui a permis aux demandeurs du statut de réfugié de travailler plutôt que de les forcer à vivre d'aide sociale. Par contre, ce n'est pas en leur accordant un permis de travail qu'on réglera un autre problème, qui a soulevé l'indignation des Canadiens au cours des derniers mois. On dit que les demandeurs du statut de réfugié auraient fraudé l'aide sociale. On a estimé à 209 millions de dollars le coût de l'aide sociale versée aux réfugiés du Grand Toronto pour 1993.

Le ministre a enlevé un obstacle qui interdisait aux réfugiés légitimes de chercher du travail, mais que fait-il pour empêcher les cas de fraude de l'aide sociale, que son propre ministère a dénoncés? Les Canadiens sont généreux et veulent bien ouvrir leurs portes aux réfugiés légitimes, mais cette fraude est une saignée inadmissible pratiquée dans notre régime de sécurité sociale déjà surchargé.

En conclusion, j'espère sincèrement que notre gouvernement écoutera attentivement les gens, puisqu'il a dit aujourd'hui qu'il était disposé à le faire, et qu'il modifiera les programmes en conséquence, de façon qu'ils aient du sens pour les Canadiens.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Madame la Présidente, permettez-moi tout d'abord de dire au député que j'ai beaucoup aimé et que j'approuve entièrement certaines parties de son premier discours à la Chambre, particulièrement celles qui concernent l'appui aux petites entreprises.

J'aimerais toutefois dire au député que je me dois de parler de ces femmes victimes de violence qui ne sont pas reconnues comme de véritables réfugiées dans notre pays. Je veux m'assurer que j'ai bien compris le député. Veut-il laisser entendre qu'une mère et ses enfants qui sont assez chanceux pour entrer dans notre pays et qui revendiquent le statut de réfugiés en affirmant qu'une partie du motif. . .

[Français]

Mme Dalphond-Guiral: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. L'interprétation simultanée est en panne.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Nous allons nous enquérir du problème.

[Traduction]

Le système d'interprétation simultanée ne fonctionne pas. Nous devons attendre qu'il soit rétabli.

M. Mills (Broadview-Greenwood): Madame la Présidente, m'accordez-vous le temps de poser ma question à nouveau?

La présidente suppléante (Mme Maheu): D'accord.

M. Mills (Broadview-Greenwood): Merci, madame la Présidente. J'aimerais qu'on clarifie cette question des femmes victimes de violence et leurs enfants.

(1725)

Si une femme arrive chez nous avec son enfant et revendique le statut de réfugié en invoquant comme l'un des motifs de sa demande le fait qu'elle est victime de violence et qu'elle peut prouver ce fait hors de tout doute, j'aimerais savoir si le député propose qu'on expulse ces gens et qu'on les renvoie dans leur situation de violence.

M. Hill (Prince George-Peace River): Je remercie le député pour ses aimables paroles concernant mon allocution. En ce qui concerne sa question, je crois qu'il y a confusion. Je faisais plutôt référence à un système qui envoie à tous les pays du tiers monde le message qu'on peut invoquer des différences culturelles pour demander le statut de réfugié, autrement dit des valeurs culturelles qui devraient être changées. Nous ne devons pas


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envoyer à ces pays un message qui leur laisse entendre que notre politique reconnaît ce genre de situation comme un moyen d'obtenir automatiquement le statut de réfugié au Canada.

M. Mills (Broadview-Greenwood): Je voudrais apporter une clarification. Vous savez qu'au cours de la dernière législature, j'ai consacré beaucoup de temps à la question de la violence contre les femmes et les enfants.

Prenons le cas d'une mère et de son enfant en provenance de Trinidad. Supposons que nous ayons une preuve irréfutable, qu'il s'agisse d'une déclaration écrite sous serment ou de messages téléphoniques, qui démontre que cette femme a été menacée par son mari et que si elle est renvoyée dans son pays, elle risque non seulement d'être victime de violence mais même de meurtre. Est-ce que le député estime que, quelles que soient les circonstances, les autorités canadiennes devraient envisager de renvoyer cette femme à Trinidad?

M. Hill (Prince George-Peace River): Je parlais du cas où ce serait le seul critère d'obtention du statut de réfugié. Dans sa question initiale, le député en parlait comme d'un des critères de la procédure de demande de refuge. Ce n'est pas la même chose que s'il s'agissait du seul critère.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Madame la Présidente, j'aimerais poser une question au député de Prince George-Peace River. J'ai particulièrement apprécié dans son discours l'importance qu'il attache à la préoccupation locale des gens qui demeurent dans sa circonscription. Il reconnaît également l'investissement en ressources humaines qui a été fait par les gens qui l'ont appuyé dans sa campagne électorale. C'est donc quelqu'un qui a une grande préoccupation des ressources humaines et j'aimerais lui poser la question suivante: Est-ce qu'il croit dans une politique pancanadienne de l'emploi avec des critères uniformes, de Saint-Jean, Terre-Neuve, jusqu'à l'île de Vancouver?

Si on compare par exemple des circonscriptions comme la sienne, qui est celle de Kamouraska-Rivière-du-Loup, il y a des changements notables en termes de langue de travail, de formation, de structure industrielle et de mobilité de la main-d'oeuvre. Je voudrais donc qu'il nous dise s'il croit qu'une politique pancanadienne de plein emploi peut être efficace et se réaliser correctement.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je suis désolée, mais la période réservée aux questions et observations est maintenant terminée. Nous reprenons le débat. La parole est au député de Wetaskiwin. Le député souhaite invoquer le Règlement.

[Français]

M. Crête: Madame la Présidente, je voudrais demander une question de clarification au député. Malheureusement, je n'ai pas le nom de la circonscription, et cela a rogné un peu de temps. Est-ce qu'il serait possible d'obtenir, tout d'abord, une réponse à la question?

(1730)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je ne peux le permettre, car la période de questions et commentaires est vraiment expirée, même qu'on l'a dépassée.

[Traduction]

M. Dale Johnston (Wetaskiwin): Madame la Présidente, permettez-moi de dire à quel point je suis heureux de participer à ce débat sur les programmes sociaux. Je voudrais féliciter le ministre de se lancer sur la voie de la consultation par l'entremise du Comité permanent du développement des ressources humaines pour permettre aux Canadiens d'exprimer leur opinion et de proposer des façons d'améliorer les programmes sociaux.

Mes collègues qui m'ont précédé se sont penchés sur certains des problèmes reliés au programme actuel de sécurité du revenu. Je voudrais m'arrêter aujourd'hui sur les soins de santé et les sommes qui y sont consacrées.

Permettez-moi de préciser clairement dès le départ que le Parti réformiste est en faveur du maintien de services de santé adéquats pour les Canadiens. Nous croyons qu'aucun Canadien ne devrait se voir refuser des soins de santé pour des raisons financières.

Il faut maintenir le niveau actuel de financement fédéral, mais au Parti réformiste, nous croyons que le moment est venu de responsabiliser davantage les utilisateurs et de les sensibiliser davantage aux coûts réels des soins de santé. Comment y parvenir?

Dans le sommaire des tables rondes publiques sur la santé publié en décembre 1993 par le gouvernement de l'Alberta et intitulé Points de départ, une recommandation sur la façon de créer un système de santé plus abordable et responsable, on dit qu'il faut envisager d'autres façons d'informer le consommateur afin de dissiper le mythe des services de santé gratuits. On propose, par exemple, de donner un reçu aux consommateurs dès qu'ils ont profité de services de santé. On pourrait ainsi indiquer aux consommateurs le coût de ces services.

Aux termes des arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et du financement des programmes établis, le gouvernement fédéral verse des sommes aux provinces afin qu'elles financent et administrent les services de santé et l'éducation. Dans l'opuscule de 1994 sur les dépenses fédérales, on précise qu'en 1992-1993, les transferts au titre du financement des programmes établis se sont élevés à près de 16 milliards de dollars pour les soins de santé. Il y a dix ans, selon les chiffres du ministère des Finances, cette somme était de 8,7 milliards de dollars et elle a donc presque doublé en dix ans.

On pourrait supposer que seuls les gouvernements provinciaux peuvent décider comment offrir des services de santé aux gens de la province. Ce n'est pas le cas. Le gouvernement précédent a adopté en 1984 la Loi canadienne sur la santé qui a réduit les droits que les provinces avaient toujours eus à cet égard. En 1987, toutes les provinces se sont pliées aux critères et aux conditions établis dans la Loi canadienne sur la santé. C'était nécessaire pour obtenir les crédits voulus au titre du financement des programmes établis.


667

Qu'ont donc abandonné les provinces? Elles ont abandonné le droit de faire payer aux gens quoi que ce soit pour les services de santé. Or, nous croyons que l'administration des soins de santé devrait relever seulement du gouvernement provincial. À l'heure actuelle, les provinces ont la responsabilité juridique et constitutionnelle d'offrir des services de santé et d'assurance-maladie. Les crédits fédéraux et l'appui apporté à ce type de services et d'assurance devraient être inconditionnels et tenir compte des divers niveaux de développement économique des provinces.

En 1991, le coût total des soins de santé au Canada s'est élevé à 66,8 milliards de dollars. Cela représentait 2 470 $ pour chaque homme, femme et enfant au Canada. Soixante-douze pour cent de cette somme venaient des recettes fédérales et le reste, de régimes d'assurance privés et de contribuables. En 1991, nous consacrions 10 p. 100 de notre produit intérieur brut aux soins de santé comparativement à 7,2 p. 100 en 1975.

Pourquoi les coûts ont-ils monté en flèche de cette façon? Est-ce attribuable à l'accroissement des maladies ou se peut-il qu'il y ait certains abus du système? La population est plus importante et je suis heureux de dire que les gens vivent plus longtemps. Nous avons également plus de médecins et d'hôpitaux. En 1979, il y avait un médecin pour 656 Canadiens. En 1989, cette proportion était passée à un pour 515.

Nous avons un meilleur accès aux soins de santé, mais cela permet-il les abus? Est-il raisonnable de demander aux contribuables canadiens de payer pour des traitements à l'hôpital, des opérations ou des hospitalisations prolongées qui pourraient être évités? Le Canadien moyen est-il au courant du coût de ces services ou même du coût d'une consultation chez un médecin?

(1735)

Il est intéressant de noter qu'au cours du dernier exercice, les intérêts sur notre dette nationale se sont élevés, à eux seuls, à quelque 40 milliards de dollars, ce qui représente 24 p. 100 des dépenses gouvernementales, tandis que les transferts aux provinces constituaient 18 p. 100 de ces dépenses.

Imaginez à quel point notre travail de député s'en trouverait facilité s'il n'y avait pas de dette nationale. D'abord, nous n'aurions pas à faire ces paiements exorbitants pour le service de la dette. Ensuite, nous n'aurions pas à envisager d'exercer des compressions dans les programmes de santé et de services sociaux. Nous aurions plus de temps pour nous occuper des questions vraiment urgentes. La vérité, c'est que nous sommes aux prises avec une dette de 500 milliards de dollars et que nous ne pouvons pas continuer à vivre au-dessus de nos moyens.

Les soins de santé sont menacés par la crise financière actuelle et les effets de 20 ans de relance par le déficit budgétaire. Il reste une solution pour le gouvernement: redonner aux provinces, qui auraient toujours dû les conserver, les droits et les responsabilités liés à l'administration des services de santé.

Quelles seront les conséquences de la situation actuelle pour nos jeunes? De quoi vont-ils hériter? Nous avons hypothéqué leur avenir. L'âge moyen des Canadiens ne cesse de grimper et les programmes de soutien du revenu, sur lesquels ils se fient, croulent sous les dettes. Nous ne pouvons déjà plus en assumer le coût. Le simple bon sens nous amène à penser que nos enfants devront payer pour nos extravagances.

Le meilleur héritage que nous puissions laisser à nos jeunes, c'est un pays sans dettes, où ils peuvent faire des études et acquérir une formation, afin qu'ils puissent ensuite contribuer à la société canadienne.

D'après le livre rouge, le Service jeunesse, annoncé dans le discours du Trône, initiera 10 000 jeunes par an aux techniques professionnelles et leur permettra d'acquérir une expérience précieuse en participant à des programmes sociaux et environnementaux qui amélioreront la qualité de la vie dans les communautés de notre pays.

On estime que ce programme coûtera 10 000 dollars par participant. J'espère que ce ne sera pas un autre de ces projets grandioses, une mesure bouche-trou. Les participants recevront-ils une véritable formation? Acquerront-ils des compétences qui leur donneront accès à un emploi véritable et stable?

C'est avec plaisir que j'ai remarqué que la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui impose des limites de temps aux délibérations du Comité permanent du développement des ressources humaines. Nous ne pouvons nous permettre de traîner plus longtemps. Le moment est venu de trouver des solutions à ces problèmes. Je demande que le comité se réunisse cette semaine même de façon à ce que les consultations puissent débuter dans les plus brefs délais.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Madame la Présidente, je voudrais poser une question au député de Broadview-Greenwood.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Votre question doit être dirigée à l'intervenant qui vient de terminer son exposé.

M. Crête: Très bien, madame la Présidente, j'adresse donc ma question au précédent intervenant. Il nous a parlé beaucoup du domaine social et un peu aussi des ressources humaines à la fin. Il se demandait si, au niveau des affaires sociales, il ne serait pas préférable de déléguer toute la responsabilité, la juridiction au niveau provincial.

Ma question porte sur l'aspect de la politique de l'emploi. Est-ce qu'il croit qu'une politique de l'emploi pancanadienne, avec des critères uniformes de Saint-Jean, Terre-Neuve à l'île de Vancouver peut être efficace, lorsque l'on sait qu'en termes de langue de travail, de formation, de structure industrielle et de mobilité des personnes, il y a des conditions complètement différentes d'un endroit à l'autre?

[Traduction]

M. Johnston: À mon avis, madame la Présidente, le meilleur programme d'emploi passe par l'entreprise privée, surtout celle qui n'est pas écrasée sous les impôts. C'est le seul type de programme pour remettre les Canadiens au travail que j'appuierais.

Mme Jane Stewart (Brant): Madame la Présidente, je voudrais féliciter le député de Wetaskiwin pour son intervention.


668

Je me devais de commenter les observations qu'il a faites sur le Service jeunesse. Le député doit comprendre qu'il est simplement question de programmes, rien de plus. En tant que députés, nous avons une merveilleuse occasion de collaborer avec les collectivités pour que les programmes soient bien vus et utilisés dans nos circonscriptions afin d'ouvrir des débouchés à nos jeunes.

Je conçois cela comme étant le rôle d'un parlementaire. En y repensant, le député conviendra qu'en présentant simplement de tels programmes, le gouvernement n'entend ni encourager ni exiger la participation de tous les députés, afin que ces programmes fonctionnent de façon efficace et efficiente.

(1740)

M. Johnston: Bien sûr, nous savons ce que le gouvernement essaie de faire avec son programme et nous reconnaissons qu'il a un programme.

L'argument que je faisais valoir, c'est que 10 000 personnes à 10 000 dollars chacune, cela fait un montant considérable et je crois qu'on tente de pousser la chaîne plutôt que de la tirer, ce qui serait finalement beaucoup plus simple. Si l'on a déjà essayé de pousser une chaîne, on me comprend, madame la Présidente.

À mon avis, si nous pouvions alléger le fardeau fiscal des entreprises au Canada, elles créeraient 10 000 emplois et même plus.

M. Peter Adams (Peterborough): Madame la Présidente, je voudrais commenter les observations faites au sujet du Service jeunesse.

Il me semble que, lorsque le député mentionne la somme de 10 000 $ par année, il ne pense qu'à l'aspect monétaire. Il faut également songer aux divers volets du Service jeunesse. Il y a, par exemple, le volet qui touchera au développement durable et à l'environnement et un autre qui portera sur le développement communautaire et l'apprentissage où les jeunes dispenseront de la formation à des plus jeunes et aux gens qui ont un handicap. Mentionnons également le volet commercial où les jeunes membres du Service jeunesse travailleront auprès d'entreprises privées des diverses localités, sans oublier le volet militaire.

Je voudrais demander une précision au député. En retour de ce modeste investissement, les jeunes seront logés et nourris et recevront de l'argent de poche. Le point que je veux faire valoir, c'est que ces jeunes gens auront travaillé dans diverses régions du pays, de sorte qu'un jeune de la Colombie-Britannique n'hésitera pas, par la suite, à postuler un poste à Regina. Les jeunes participants auront découvert leur pays et n'hésiteront pas à déménager si un poste leur est offert ailleurs au pays.

Il s'agit donc, à mon avis, d'une très bonne façon d'investir dans nos jeunes et je voudrais connaître le point de vue du député à ce sujet.

M. Johnston: Madame la Présidente, encore une fois, l'argent des contribuables servira à financer un projet dont pourrait très bien s'occuper le secteur privé.

L'hon. Raymond Chan (secrétaire d'État (Asie-Pacifique)): Madame la Présidente, comme c'est mon premier discours à la Chambre des communes, je tiens tout d'abord à remercier les gens de Richmond, en Colombie-Britannique, pour la confiance qu'ils m'ont témoignée le 25 octobre 1993, jour de mon anniversaire.

C'est effectivement un honneur pour moi de les servir et je m'engage à toujours travailler dans leur intérêt. En outre, le 10 février prochain marquera le premier jour de l'année chinoise du Chien que je souhaite à tous prospère, heureuse et saine.

Beaucoup de défis vont se poser à nous au cours de l'année qui vient et l'un des plus importants sera de mettre à profit notre ressource la plus précieuse, à savoir notre capital humain.

Comme je l'ai dit tout au long de la campagne électorale, la meilleure chose que nous puissions faire, c'est investir dans nous-mêmes et dans nos enfants. Il y a trop longtemps que des Canadiens de toutes les régions et de tous les groupes d'âge sont aux prises avec le chômage, l'insécurité et la déception à cause d'un manque de possibilités économiques.

Voilà pourquoi le gouvernement croit important d'investir dans les Canadiens en les préparant à réintégrer le marché du travail. C'est aussi important que de créer des emplois en stimulant la croissance économique.

Nous croyons qu'il faut d'abord assurer la transition entre l'école et le travail de façon que les jeunes Canadiens trouvent un exutoire positif à leurs aptitudes et à leurs talents. La société canadienne doit encourager les jeunes comme les moins jeunes à constamment perfectionner leurs connaissances et leurs aptitudes.

Les Canadiens doivent pouvoir affronter l'avenir avec compétence et confiance. Nous ne semblons avoir jusqu'à maintenant aucun moyen systématique d'assurer pour les jeunes la transition de l'école au milieu de travail.

(1745)

Comme l'a rapporté le Conseil économique du Canada en 1992, le Canada affiche l'un des pires dossiers dans ce domaine. Au sortir de l'école, les jeunes trouvent un emploi par tâtonnement, perdant souvent ainsi leur temps et les ressources de la société. Parmi les programmes d'apprentissage existants, beaucoup sont dépassés et sans rapport avec le marché moderne de la technologie de pointe.

Dans le Grand Vancouver, dont Richmond fait partie, le chômage chez les jeunes atteint le niveau inquiétant de 13,8 p. 100. En fait, 15 p. 100 des hommes âgés entre 14 et 25 ans sont en chômage. C'est inacceptable.

Le 25 octobre 1993, les Canadiens ont donné au gouvernement le mandat de faire quelque chose pour combler l'écart terrible qui existe entre les emplois disponibles et la compétence des travailleurs qui souhaitent les occuper.


669

Comme nous l'avons déclaré dans notre livre rouge, nous travaillerons avec les entreprises, les syndicats et les gouvernements provinciaux pour réunir les fonds nécessaires à la mise sur pied des programmes d'apprentissage dont on a besoin. Nous mettrons l'accent sur les secteurs en pleine croissance comme la technologie de l'information, l'informatique, l'environnement, la médecine et la biotechnologie.

Des normes d'accréditation seront établies par les entreprises et les syndicats. Les employeurs eux-mêmes élaboreront le contenu des cours liés aux programmes d'apprentissage mis sur pied par les industries, ce qui permettra de mieux les adapter aux besoins des entreprises. Nous accorderons aussi des fonds pour la formation professionnelle dispensée par des établissements privés et publics.

Comme l'a déclaré le ministre du Développement des ressources humaines, notre gouvernement s'est engagé à améliorer le Programme canadien de prêts aux étudiants. Nous étudierons certaines modifications susceptibles d'améliorer les services d'aide à court terme en collaboration avec les provinces et d'autres intervenants.

Nos partenariats ne se limiteront pas à cela. Les Canadiens qui ont un emploi veulent aussi se perfectionner. Ils veulent augmenter leur salaire et parvenir à une plus grande stabilité économique pour eux-mêmes et pour leur famille. Ils veulent une plus grande sécurité d'emploi et la possibilité d'une plus grande prospérité pour eux-mêmes et leur famille.

Il est clair que de plus en plus, on exige de meilleures compétences, ce qui fait ressortir la nécessité d'une formation continue. La plupart des travailleurs savent qu'ils auront à changer d'emploi plusieurs fois au cours de leur vie. Plus que jamais, les emplois exigeront de solides compétences en lecture et en calcul ainsi qu'une formation plus technique.

Il est de plus en plus important de faire apparaître une culture de la formation continue et de l'apprentissage au sein de toutes les entreprises du Canada. C'est pourquoi le gouvernement collabore avec les entreprises, les syndicats et les provinces pour offrir des incitatifs permettant d'accroître la formation en milieu de travail.

Le gouvernement a pris un engagement en faveur de la croissance économique à court comme à long terme. Nous nous sommes associés aux gouvernements provinciaux et territoriaux dans un programme de renouvellement des infrastructures. En plus d'apporter les améliorations bien nécessaires aux infrastructures canadiennes, ce programme contribuera à stimuler l'activité économique et il aidera à remettre les Canadiens au travail.

Dans un autre ordre d'idées, nous devons mettre l'accent sur le soutien aux petites et moyennes entreprises afin de créer des emplois grâce à des réseaux d'entreprises, à des meilleures compétences en gestion, au financement, à des subventions salariales et à l'accès aux services gouvernementaux.

Notre gouvernement travaillera de concert avec les institutions financières pour rendre les capitaux plus accessibles. Un fonds canadien d'investissement sera créé pour aider les entreprises innovatrices à trouver le capital de risque dont elles ont besoin pour créer les entreprises canadiennes de demain.

Nous améliorerons aussi les possibilités de formation des propriétaires-gestionnaires de petites entreprises. Notre gouvernement élaborera des programmes pour faciliter l'accès à l'information sur les nouvelles techniques et sur les nouveaux marchés.

L'exportation permettra de créer des emplois pour les Canadiens. Nous devons maintenant chercher de nouveaux marchés à l'extérieur de l'Amérique du Nord, par exemple dans la région Asie-Pacifique, la région qui a le plus fort taux de croissance au monde, mais qui reste encore inexploitée par le gouvernement et les industries au Canada.

(1750)

Le gouvernement mettra l'accent sur l'établissement de partenariats avec des Canadiens pour trouver des débouchés pour nos exportations, ce qui garantira aux Canadiens des emplois valorisants.

Il est tout aussi important pour l'avenir du Canada de procéder à une réforme des programmes sociaux que de stimuler la croissance économique pour créer des emplois. Cependant, le gouvernement ne peut pas tout faire seul. Les Canadiens auront un rôle majeur à jouer pour faire redémarrer l'économie.

Pour l'amour du Canada, j'exhorte tous les députés et tous les Canadiens à prendre part au processus. Si chacun y met du sien, je suis convaincu que le Canada sera à nouveau fort et retrouvera sa vigueur économique.

[Français]

M. René Canuel (Matapédia-Matane): Madame la Présidente, je vous remercie de reconnaître mon comté. Je remercie mon collègue qui semble très sensible au cas des jeunes. Je me demande s'il est également aussi sensible aux comtés ruraux.

Dans mon comté, j'ai enseigné dans une école polyvalente, et dans un cégep à l'occasion, où il y a une misère incroyable. On parle de la misère dans les grandes villes, j'en suis très conscient, et celle-ci est peut-être plus difficile que celle dans le monde rural, j'en conviens. Sauf que dans le monde rural, on a peut-être un peu moins de richesses, un peu moins de moyens, un peu moins de compétences car nos jeunes s'en vont dans les grandes villes.

Chez nous, mes élèves de 16, 17 ans avaient énormément d'inquiétudes, beaucoup de désarroi. Il y avait des fugues, de la drogue et à un moment donné, nous étions obligés d'avoir recours aux policiers. Je sais que mon collègue d'en face est sensible, mais ce n'est pas tout le monde, ce ne sont pas tous les députés de cette Chambre qui ont une dimension rurale.

Je l'invite donc, avec moi-même, avec les autres députés, à réfléchir un petit peu sur les écoles dans les comtés ruraux. Chez nous, je n'ai qu'un cégep, il n'y a pas d'université. Cela veut dire qu'ils sont obligés d'aller à l'extérieur. Et la plupart à Mont-Joli, à Amqui, qui est l'école polyvalente, ce qui veut dire qu'après 16, 17 ans, à la fin du secondaire V, ils doivent aller à l'extérieur pour fréquenter le cégep. Évidemment, l'université est à Matane, donc, ils vont à l'université à l'extérieur.


670

Est-ce que mon collègue peut se sensibiliser à ce monde rural et par quels moyens pourrait-il nous aider un petit peu, aider nos étudiants et étudiantes, nos jeunes, à s'en sortir davantage?

[Traduction]

M. Chan: Madame la Présidente, je veux remercier le député de sa question, qui me donne l'occasion de parler davantage du moyen que nous avons trouvé pour régler les problèmes auxquels le Canada est confronté aujourd'hui.

Je comprends les problèmes des régions rurales. Cependant, il y a une grande richesse dans la circonscription du député même si c'est une région rurale. En effet, nos produits agricoles sont l'une des plus grandes richesses que nous avons au Canada.

Je dois rencontrer aujourd'hui des représentants de l'industrie de l'élevage de bovins de boucherie. Nous voulons doubler nos exportations vers l'Asie et le Pacifique, qui atteindraient ainsi le niveau de nos exportations actuelles vers les États-Unis. Si nous réussissons, nous devrions pouvoir doubler les recettes provenant de l'élevage de bovins de boucherie.

Je trouve qu'il y a beaucoup d'espoir pour nous, que nous avons beaucoup de potentiel. Ce n'est qu'en exploitant ce potentiel et en développant davantage notre économie que nous pourrons créer des emplois pour nos jeunes dans les régions rurales.

(1755)

Le député parle d'un problème sur le plan de l'éducation. Avec la technologie d'aujourd'hui, nous pourrions établir un réseau de connaissances qui permettrait aux jeunes des régions rurales d'apprendre en profitant eux aussi des ressources offertes par le gouvernement et par les établissements d'enseignement.

Il n'est pas toujours nécessaire d'aller à l'université pour devenir un Canadien productif. Je recommande au député d'insister pour que le gouvernement mette en place ce réseau de connaissances dont on a tant besoin dans les régions rurales. Je viens d'une région plus urbaine. Je ne comprends pas aussi bien que lui les problèmes propres à la région du député, mais je crois que nous avons justement été élus pour faire ce travail pour nos régions.

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury): Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat sur la motion concernant la modernisation et la restructuration du système de sécurité sociale du Canada. Je vais aller droit au fait, étant donné qu'il nous reste peu de temps.

Je voudrais parler des deux principaux éléments au coeur de la motion à l'étude, c'est-à-dire la nécessité d'une participation accrue du public à l'élaboration des politiques gouvernementales et la nécessité de modifier la nature même de notre filet de sécurité sociale national. À propos de la participation publique, je tiens à féliciter le ministre de prendre l'initiative d'inviter les Canadiens à dire ce qu'ils pensent à ce sujet. C'est un débat très important pour nous tous.

Dans ma circonscription de Fredericton-York-Sunbury, nous prenons des dispositions pour débattre à fond des programmes sociaux et du perfectionnement des ressources humaines. Nous apprécions en outre la démarche du ministre, car cela confère plus de légitimité à nos efforts.

Depuis l'été dernier, nous avons organisé des groupes de réflexion sur une trentaine de questions de politique gouvernementale, dans des domaines comme la santé, l'enseignement postsecondaire, les personnes âgées et ainsi de suite. Chaque question fera l'objet d'un examen par des membres intéressés du public de même que par les groupes d'intérêt concernés dans chaque domaine.

Notre premier forum sur la politique gouvernementale est prévu pour le 27 février et nous permettra d'examiner des solutions aux problèmes auxquels notre système de santé est maintenant confronté. Un autre forum suivra sur la sécurité sociale. Ces rencontres de discussion seront télévisées et un compte rendu final des délibérations sera adressé aux ministres fédéraux et provinciaux concernés.

Je félicite les députés pour toutes les fois où j'ai entendu parler du besoin de consultations accrues. Il faut travailler collectivement pour veiller à ce qu'on apporte des changements ici afin de pouvoir discuter à la Chambre des bons conseils que nous recevrons dans nos circonscriptions avant qu'on prenne des décisions importantes et non après.

Par ailleurs, il me paraît nécessaire de mettre davantage l'accent sur un autre aspect de nos programmes sociaux. Le ministre du Développement des ressources humaines a parlé de la nécessité de modifier nos programmes pour tenir compte des nouveaux besoins et de la nouvelle réalité. Je suis parfaitement d'accord.

Il ne suffit plus de fournir une aide financière aux Canadiens sans emploi pour leur permettre de subsister en espérant que, tôt ou tard, la situation s'améliorera. Le chômage n'est plus un phénomène cyclique. Dans de nombreuses régions du pays et chez certains groupes de Canadiens, c'est un phénomène généralisé, une façon de vivre. Je fais partie de ces Canadiens qui refusent de fermer les yeux sur cette tragédie nationale. Notre pays est trop prospère et l'écart entre les nantis et les démunis trop important pour que nous acceptions le statu quo.

Ce n'est pas simplement une question d'argent. Trop de Canadiens ne savent pas suffisamment lire pour protéger leurs intérêts et améliorer leur employabilité. À long terme, nous devrons nous efforcer de résoudre le problème de l'analphabétisme comme nous tentons actuellement de régler celui du soutien financier. Voilà ce que nous devrons faire si nous voulons offrir un avenir meilleur à bon nombre des chômeurs chroniques. Aussi, je me réjouis du programme national d'alphabétisation dont il est fait mention dans le discours du Trône et je félicite le premier ministre de s'être montré prévoyant en désignant une ministre responsable de l'alphabétisation.

Enfin, il faut se rendre compte que les Canadiens ne sont pas tous aussi bien préparés pour faire face aux changements ou pour se recycler ou trouver un nouvel emploi. Certains d'entre nous sont actuellement tributaires de l'État et le demeureront. Dans notre enthousiasme à l'égard de la réforme, n'oublions pas de rassurer les Canadiens et de leur rappeler que nos principes fondamentaux demeurent intacts. Nous ne voulons pas simple-


671

ment trouver des façons d'économiser, nous voulons améliorer le régime.

(1800)

Dans certains cas, cela coûtera peut-être de l'argent. Il n'y a pas de formation à bon marché. Le coût de certains soins de santé augmentera en raison de facteurs démographiques; quant aux prestations que reçoivent certains Canadiens démunis, elles ne permettent pas toujours à ces derniers de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. La réalité budgétaire exige que nous soyons inventifs, mais jamais insensibles.

Les personnes âgées sont au nombre des Canadiens inquiets. Bon nombre ont, toute leur vie durant, planifié leur retraite en fonction de règles qui semblent maintenant incertaines. Le sol se dérobe maintenant sous leurs pieds. En aidant à s'acquitter de ses fonctions le groupe de travail chargé d'examiner la réforme du régime de sécurité sociale, nous ne devons pas oublier que les programmes sociaux canadiens comptent pour beaucoup dans le niveau de vie des personnes âgées de notre pays. La mise en place de programmes comme le Régime de pensions du Canada et le Programme de la sécurité de la vieillesse ont réduit considérablement l'incidence de la pauvreté chez nos aînés.

Le Canada devra se redéfinir au cours de la prochaine décennie. Nous devrons redoubler d'imagination si nous voulons maintenir notre qualité de vie. Mais n'oublions pas les valeurs fondamentales comme la générosité, la diversité, la compassion et la justice, qui nous ont tous tellement bien servis.

L'automne dernier, durant la campagne électorale, les candidats de notre parti ont prôné un juste équilibre entre nos responsabilités budgétaires et notre sens humanitaire. C'est avec cela en tête que je recommande aux députés de cette Chambre d'appuyer la motion concernant la modernisation et la restructuration du régime de sécurité sociale au Canada et que j'offre au ministre et aux membres du groupe de travail tout le soutien que je pourrai leur fournir.

_____________________________________________

MOTION D'AJOURNEMENT

[Français]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office, en conformité de l'article 38 du Règlement.

LE REVENU NATIONAL

M. François Langlois (Bellechasse): Madame la Présidente, le 20 janvier dernier, en réponse à une question de la députée de Saint-Hubert, le premier ministre a déclaré, dans cette Chambre, qu'il voulait voir la question des poursuites intentées par le ministre du Revenu contre le gouvernement fédéral du Canada réglée de A à Z.

Pourtant, après la période des questions, le ministre du Revenu a déclaré aux journalistes, en dehors de cette Chambre, et je cite à ce moment-ci le journal The Gazette, édition du 21 janvier dernier, en page B-11, et c'est le ministre qui est cité :

[Traduction]

«De toute évidence, ce n'est pas moi qui puis retirer un appel interjeté contre une décision rendue en ma faveur. C'est celui qui a interjeté appel qui peut le faire.»

[Français]

Le lendemain, 21 janvier, j'ai demandé au premier ministre, lors de la période des questions, si le ministre du Revenu allait se désister du jugement qu'il avait obtenu devant la Division de première instance de la Cour fédérale et dont la Couronne avait fait appel. La réponse du premier ministre a été de dire que le ministre du Revenu ne toucherait pas un sou de ces poursuites.

Je trouve particulièrement étrange que ni le premier ministre, ni le ministre de la Justice ou encore le ministre du Revenu impliqué n'ait informé cette Chambre qu'il y avait eu désistement du jugement rendu en première instance.

La réponse que je désire est pourtant fort simple. Existe-t-il, encore à ce jour, devant quelque instance que ce soit, quelque litige, de quelque nature, entre le ministre du Revenu du Canada et le gouvernement fédéral du Canada?

La volonté de transparence, jadis exprimée par le premier ministre, devrait permettre une réponse courte et précise. Le premier ministre, le procureur général ou le ministre concerné, qui est présent à cette séance, peut-il confirmer à cette Chambre que le ministre du Revenu s'est désisté du jugement qu'il avait obtenu, et dans la négative, s'engage-t-il à obtenir du ministre un tel désistement total? Si c'est le ministre lui-même qui répond, le désistement total a-t-il été produit?

(1805)

[Traduction]

Mme Jean Augustine (secrétaire parlementaire du premier ministre): Pour répondre au député de Bellechasse, madame la Présidente, je signale que, dans la question qu'il a posée au premier ministre, il a laissé entendre que le ministre du Revenu national, et je cite la page 151 du hansard, «désire que la Couronne abandonne son appel et qu'ainsi, il puisse toucher le montant qui lui a été octroyé en première instance.»

Rien n'est plus loin de la vérité. Comme le premier ministre l'a dit dans sa réponse, le ministre a donné instruction à son avocat de laisser tomber immédiatement la cause de telle manière qu'il ne reçoive rien du gouvernement.

Pour la gouverne du député, je vais donner lecture du compte rendu du règlement conclu entre le ministre et Sa Majesté la Reine le 20 janvier 1994. Voici:

Les parties conviennent par les présentes qu'il est ainsi disposé de l'appel de l'appelant et de l'appel incident de l'intimé:
L'intimé, David Anderson, renonce à l'appel incident ci-mentionné sur-le-champ.
Par les présentes, il dégage l'appelant de toute réclamation ou obligation découlant de la décision rendue par M. le juge Strayer le 31 mai 1993.
Je ne crois pas que les intentions du ministre du Revenu national puissent être plus claires.

Je tiens à préciser quelle était la situation du ministre avant qu'il n'accède à son poste actuel. Les poursuites ont été entamées lorsqu'il était un simple citoyen et sa nomination au poste


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de ministre ne l'a pas privé de ses droits juridiques. Il ne s'agissait pas d'une question d'éthique, mais d'une question de justice.

Je voudrais lire aux députés un important passage de la décision que le juge Strayer a rendue le 31 mai 1993. À propos de l'approche que le gouvernement précédent a adoptée à l'égard du ministre du Revenu national, lorsqu'il était simple citoyen, le juge a dit:

Cette approche n'était pas seulement injuste et coercitive du point de vue du plaignant. C'était aussi, à mon avis, un abus de pouvoir qui équivalait en fait à tenter de vendre des charges publiques.
En effet, il était demandé aux plaignants de payer leurs nominations par décret en renonçant à toute réclamation qu'ils pouvait avoir contre le gouvernement.
Le plaignant lui-même était de toute évidence une victime.

LE TRANSPORT DU GRAIN

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay-Nipigon): Madame la Présidente, le 21 janvier, j'ai posé une question au ministre de l'Agriculture. Par cette question, je voulais attirer son attention sur un usage abusif flagrant des deniers publics sous forme de subvention aux termes de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

La question avait trait au fait qu'on a découvert que le CN et le CP abusaient de l'argent des contribuables en transportant du grain dans un endroit donné pour toucher la subvention même si la destination finale du grain n'était pas cet endroit-là.

Je vous donne un exemple. Nous avons découvert que du grain n'ayant droit à aucune subvention puisque destiné à être consommé aux États-Unis était transporté d'aussi loin que l'Alberta au port de Thunder Bay, où le grain est subventionné s'il est destiné à être consommé aux États-Unis. Le grain était transporté d'aussi loin que l'Alberta à la tête des lacs, dans le port de Thunder Bay. Sans que le grain soit déchargé, le train reportait dans l'autre sens jusqu'à Winnipeg et continuait son chemin vers l'ouest, puis au sud jusqu'aux États-Unis. Il s'agit là d'un usage abusif flagrant des deniers publics. C'est ça que nous avons tenté de signaler au ministre par la question.

Nous avons essayé de dire que lorsque nous découvrons pareils abus, c'est notre devoir en tant que gouvernement d'intervenir et d'y mettre un terme le plus rapidement possible.

Par suite de cet abus, nous avons constaté pendant la fin de semaine que, l'année dernière, le port de la ville que je représente, Thunder Bay, n'a jamais connu pire saison en 31 ans d'activités d'expédition.

(1810)

Quand il y a des abus et des irrégularités dans le système, cela signifie que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous dans le domaine de l'expédition. Par la simple existence de règlements qui établissent des moyens artificiels pour le transport du grain qui n'ont rien à voir avec les coûts réels, des ports comme celui de Thunder Bay et d'autres ports de la voie maritime du Saint-Laurent en souffrent.

C'est pourquoi j'ai posé cette question au ministre de l'Agriculture et à celui des Transports. Je leur ai demandé d'examiner la question. J'ignore encore s'ils l'ont fait.

Je leur demande donc de le faire si ce n'est déjà fait pour que tous les ports du pays puissent exercer leur activité sur un pied d'égalité.

M. Lyle Vanclief (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Madame la Présidente, le député a soulevé un problème concernant le fonctionnement et les effets de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

Comme on le sait, le gouvernement précédent a mis sur pied un processus permanent d'examen de la LTGO. Le député peut être sûr que notre gouvernement va poursuivre dans cette voie.

À titre de première mesure, le gouvernement précédent a confié à l'Office du transport du grain la charge d'examiner les imperfections du système de transport du grain, ce qui-le député en conviendra-devrait permettre de régler ce problème. L'Office du transport du grain a récemment fait parvenir son rapport au ministre. Le ministère est en train de l'examiner.

Une autre étude a été confiée à un groupe appelé la Commission de paiement aux producteurs. Elle concerne la méthode de versement du montant compensatoire du Nid-de-Corbeau. La commission devrait faire parvenir son rapport au ministre au cours du printemps prochain.

Le gouvernement est curieux de connaître les résultats de ces deux études effectuées dans le but d'améliorer le transport du grain et d'accroître l'efficacité du système de transport du grain dans l'ouest du Canada.

Je tiens à faire remarquer aux députés que le gouvernement n'est nullement lié par les recommandations qui ont été ou seront faites dans les rapports concernant ces deux études commandées par le gouvernement précédent. Néanmoins, nous les examinerons et y songerons quand nous prendrons les décisions définitives concernant le transport du grain dans l'ouest du Canada. Nous mènerons, par ailleurs, d'autres consultations sur l'efficience et l'efficacité du transport du grain et nous agirons dans le meilleur intérêt de l'industrie au Canada.

[Français]

L'AGRICULTURE

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est): Madame la Présidente, je regrette que le ministre de l'Agriculture ne soit pas là aujourd'hui pour répondre à ma question.

La présidente suppléante (Mme Maheu): À l'ordre! C'est une coutume en cette Chambre de ne pas mentionner la présence ou l'absence des ministres ou des députés, peu importe le côté de la Chambre où ils siègent.


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M. Marchand: C'est une nouvelle règle que je viens d'apprendre. Je m'en excuse.

Le 24 janvier dernier, j'ai posé la question suivante au ministre de l'Agriculture:

Peut-on conclure qu'il cherche encore à protéger la gestion de l'offre lorsqu'il négocie avec les Américains une disparition totale d'ici sept ans des tarifs sur le yaourt et la crème glacée?
Le ministre nous a répondu, et je cite:

Dans toutes nos discussions avec les États-Unis, l'intérêt des producteurs està l'avant-garde de nos préoccupations.
Il a dit également: «Je tiens à assurer le député et tous les agriculteurs de notre pays que l'agriculture canadienne est l'une des principales préoccupations du gouvernement.»

C'est évident qu'il n'a pas répondu à la question et depuis ce moment-là, les négociations avec les États-Unis sont terminées, et d'ailleurs ce fut un échec. Donc, il me semble que nous aurions droit à certains éclaircissements sur les négociations qui ont eu lieu sur le yaourt et la crème glacée.

(1815)

Mais d'abord, suite à la réponse du ministre, je tiens à lui rappeler qu'il n'y a pas eu un seul mot sur l'agriculture dans le discours du Trône et que le premier ministre lui-même semble ignorer et mal comprendre l'agriculture, à partir de certains commentaires qu'il a faits depuis un certain temps, que le premier ministre actuel du Canada n'est pas intervenu lui-même dans les heures cruciales des négociations du GATT. Il était même en vacances à ce moment-là et, à ce jour, il n'a pas dit un seul mot, il ne s'est pas prononcé une seule fois pour défendre les agriculteurs lors des négociations cruciales qui ont eu lieu tout récemment, plus particulièrement la semaine dernière, alors que le président des États-Unis, lui, s'est prononcé à plusieurs reprises pour défendre ses producteurs américains de blé. Je vous dirai donc que le commentaire du ministre de l'Agriculture, à l'effet que l'agriculture canadienne est l'une des principales préoccupations du gouvernement libéral, est tout à fait non fondé.

Pour revenir au point soulevé dans ma question et auquel le ministre n'a pas répondu, maintenant que les négociations sont terminées, il est possible, je pense, d'avoir certains éclaircissements parce que les agriculteurs, dans le secteur laitier notamment, s'inquiètent parce qu'il semble que le gouvernement du Canada et le ministre de l'Agriculture sont en train de s'écraser devant les pressions américaines.

Peut-il nous dire aujourd'hui, puisque le GATT a préséance sur l'ALENA, qu'il va défendre les tarifs qui ont déjà été soumis pour protéger la crème glacée et le yogourt au Canada, c'est-à-dire 326 p. 100 de tarif pour la crème glacée, et 279 p. 100 pour le yogourt? Est-ce que le gouvernement du Canada va poursuivre la défense de ces tarifs pour ces deux secteurs agricoles au Canada? Et est-ce qu'il va maintenant régler cette question en allant à un panel avec les Américains pour qu'on ait finalement un peu d'éclaircissements et la paix pour les agriculteurs dans ce secteur?

[Traduction]

M. Lyle Vanclief (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Madame la Présidente, c'est avec plaisir que je réponds au député.

Tout d'abord, je voudrais signaler au député que les négociations bilatérales qui se sont déroulées sur l'agriculture et le commerce agro-alimentaire entre le Canada et les États-Unis au cours des dernières semaines ne sont pas terminées et qu'elles se poursuivent toujours.

Bon nombre de rumeurs circulent à propos des produits examinés et de l'issue possible des négociations. Il ne s'agit que de rumeurs.

Je tiens à souligner que le gouvernement défend les intérêts des agriculteurs canadiens dans ces négociations et qu'une importante priorité est accordée à l'examen des différents secteurs de l'agriculture et de la production agro-alimentaire au Canada.

Comme on le sait, il reste encore à régler avec les États-Unis un certain nombre de problèmes relativement aux échanges commerciaux dans le secteur agro-alimentaire, et ce, en ce qui concerne plusieurs produits. Le ministre a tenté de les régler dans les négociations bilatérales qui ont eu lieu à Genève, en décembre, mais il n'a pas réussi, faute de temps, à faire tout ce qu'il voulait. Malheureusement, le temps pressait tellement que les négociations ont dû continuer. Ce qui ne veut pas dire que les problèmes ont été éliminés.

Le 8 janvier, le ministre a encore une fois rencontré son homologue américain et les négociations se poursuivent depuis.

Je tiens à souligner que le Canada n'échangera pas un produit contre un autre. Les négociations pour chaque produit se déroulent à part.

À cet égard, rappelons qu'en 1989, un groupe d'experts du GATT a conclu que les contingents d'importation sur la crème glacée et le yogourt n'étaient pas conformes à l'article XI. Le Canada a accepté cette conclusion et essayé d'en arriver à une entente et de régler ce problème au cours de négociations commerciales bilatérales.

Le gouvernement cherche une solution qui assurera une stabilité aux producteurs de lait et de produits laitiers au Canada.

Je rappelle que la seule priorité du gouvernement est d'en arriver à une entente qui protège les intérêts du Canada.

Le gouvernement s'engage à veiller à ce que notre système de gestion de l'offre puisse continuer de fonctionner efficacement.

(1820)

Il s'engage également à assurer le meilleur accès possible de nos produits aux marchés américains. Nous tiendrons compte de

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ces engagements au moment d'envisager toute entente avec les États-Unis.

LA CRÉATION D'EMPLOI

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Madame la Présidente, le 25 janvier, j'ai posé au ministre du Développement des ressources humaines une question qui avait directement trait à l'engagement de son gouvernement envers la création d'emplois.

Je l'ai interrogé sur les échecs que ses stratégies de création d'emplois ont subis à la suite de l'adoption de quatre grandes politiques gouvernementales qui auront pour tout effet de faire perdre des emplois au Canada. Ces quatre mesures sont: la signature de l'ALENA, le relèvement des cotisations d'assurance-chômage, le remplacement de John Crow à la Banque du Canada par quelqu'un de tout aussi obsédé que lui par l'inflation et, enfin, la suppression des dépenses de formation sans engagement concret envers la création d'emplois.

La création d'emplois au Canada exige une approche holistique en ce sens que les politiques commerciales, fiscales et monétaires doivent toutes concourir à cet objectif.

Il est question aujourd'hui des programmes sociaux. Certes, la nécessité de programmes sociaux actifs qui feront que les gens sans emploi pourront recevoir une formation, suivre des cours d'alphabétisation et ainsi de suite n'est plus à démontrer.

Mais le ministre n'ignore pas, pas plus d'ailleurs que son gouvernement, que les études portant sur les programmes sociaux actifs, comme solution à la crise de l'emploi, montrent qu'on ne peut en espérer que des gains très modestes sur le chapitre de l'emploi, car le problème, c'est tout simplement qu'on a pas d'emplois à offrir aux gens, quel que soit leur degré de formation.

Le ministre a répondu d'une façon assez étrange à ma question. Il a dit qu'il nous fallait inciter les gens à trouver un emploi et leur redonner leur dignité. Or, ce qui fait défaut aux Canadiens, ce n'est pas la dignité, ce n'est pas l'esprit d'initiative, mais bien les emplois et l'espoir.

C'est étrange, mais ce qui ressort on ne peut plus clairement ici, c'est la raison pour laquelle le gouvernement ne fait pas de la création d'emplois sa priorité. Si j'ai bien compté, on a organisé cinq débats de portée générale qui se voulaient autant d'occasions de permettre aux députés d'exprimer au gouvernement leurs vues sur des questions bien précises. Or, il n'y a pas eu, et il semble bien qu'il n'y aura pas, de débat sur la création d'emplois. Si c'était là la principale priorité du gouvernement, j'imagine que c'est là-dessus que nous serions appelés à nous pencher.

Plusieurs députés, notamment des réformistes, ont parlé de l'importance du rôle que le secteur privé peut jouer dans la création d'emplois. Cela saute aux yeux: la plupart des emplois se trouvent dans le secteur privé et la plupart des nouveaux emplois seront générés par la petite entreprise.

Ces dernières années, nous avons eu, tant au Canada en général que dans ma province, la Saskatchewan, en particulier, des gouvernements qui étaient particulièrement favorables aux entreprises, au point de satisfaire leurs moindres désirs. On a sabré les programmes sociaux et on s'est retrouvé avec un déficit encore plus grand, avec plus de chômage et plus de souffrances.

Ces politiques ne fonctionneront pas, pas parce que nous ne voulons pas qu'elles fonctionnent, mais bien parce que le secteur privé n'a pas pour rôle de créer des emplois. Le secteur privé vise avant tout a générer des bénéfices. S'il y a un conflit entre les bénéfices et la création d'emplois, ce sont les bénéfices qui l'emportent, car c'est l'objectif même de toute entreprise privée.

Nous avons ici un conflit entre un gouvernement qui représente la population canadienne et qui doit créer des emplois et un secteur privé qui, s'il le peut, fera des bénéfices sans créer d'emplois. S'il faut embaucher du personnel pour faire des bénéfices, on en embauchera sans l'ombre d'un doute, mais si on peut se passer d'en embaucher, c'est tant mieux. D'ailleurs, il suffit de lire le rapport annuel de n'importe quel PDG d'entreprise pour constater qu'il se vantera bien souvent d'avoir su augmenter les bénéfices en réduisant le personnel.

Je demande au gouvernement de se donner la création d'emplois comme premier objectif. C'est la seule façon de réduire le déficit au Canada. Il y a deux façons pour cela. Lorsque les gens ont de l'argent, ils achètent ce dont ils ont besoin. Ils se procurent leurs propres services, ils n'ont pas besoin de s'en remettre aux programmes gouvernementaux. Ce n'est pas la dignité ni l'initiative qui manquent chez les Canadiens, ce sont les emplois.

(1825)

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Madame la Présidente, je voudrais tout d'abord rappeler au député que la priorité absolue du gouvernement est la création d'emplois. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a lancé le programme d'infrastructure qui permettra de créer des milliers d'emplois au Canada. C'est également la raison pour laquelle le gouvernement a créé sans tarder le Service Jeunesse.

Cette priorité explique également pourquoi la plupart des moyens de création d'emplois ont été regroupés en un seul portefeuille, celui du Développement des ressources humaines.

Je me permets également de dire au député qu'il devrait être prudent lorsqu'il cite des chiffres, surtout quand il s'agit de formation. Je fais ici référence aux 300 millions de dollars de réduction des dépenses en formation. En fait, ces dépenses seront les mêmes que l'année précédente. Comme le disait le député lui-même, même s'il semble maintenant vouloir l'oublier, il faut voir la situation dans l'ensemble.

Les efforts en matière de formation et de création d'emplois doivent être bien dosés. De nombreux prestataires de l'assurance-chômage ont besoin de formation mais ils ont aussi besoin d'un emploi une fois leur formation terminée. C'est la raison pour laquelle, comme je le disais plus tôt, le gouvernement a lancé le Programme d'infrastructure dont tous les Canadiens, qu'ils soient de la côte est, du Québec, de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique, bénéficieront grandement.

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En outre, le ministre du Développement des ressources humaines a expliqué brièvement ce matin comment il entendait faire pour reconstruire la sécurité sociale, le marché du travail et le cadre d'apprentissage au Canada, puisque ces éléments sont au coeur de la création d'emplois. En renouvelant et revitalisant le système de sécurité sociale, nous donnerons aux Canadiens de vraies possibilités de trouver du travail. On ne peut pas stimuler l'emploi si le système ne récompense pas l'effort et n'incite pas au travail.

Le plan d'action concernant la sécurité sociale proposera également des choix clairs pour redéfinir et redistribuer le travail, de manière à assurer des emplois à un plus grand nombre de Canadiens.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La motion d'ajournement étant adoptée d'office, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 26.)