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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 27 avril 1995

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

JOURNÉE DE COMMÉMORATION DE L'HOLOCAUSTE

    Adoption de la motion 11845

DÉLÉGATION INTERPARLEMENTAIRE

PÉTITIONS

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

L'EUTHANASIE

LA CRIMINALITÉ

L'EUTHANASIE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE RÉGIME NATIONAL DE SOINS DE SANTÉ

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 11866
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 11867

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE MOIS DE LA SANTÉ DENTAIRE

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE LA SCHIZOPHRÉNIE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LE SANCTUAIRE DE LA BAIE ISABELLA

LES EMPLOIS SAISONNIERS

LA FANFARE BURLINGTON TEEN TOUR BAND

LA JOURNÉE COMMÉMORATIVE DE L'HOLOCAUSTE

    Mme Dalphond-Guiral 11879

L'ÉCONOMIE

    M. Speaker (Lethbridge) 11879

L'AGRICULTURE

LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

LA CROATIE

L'AFRIQUE DU SUD

L'ÉCONOMIE MONTRÉALAISE

LE PARTI LIBÉRAL

LA SCHIZOPHRÉNIE

LE JOUR DU SOUVENIR DE L'HOLOCAUSTE

LA CROSSE

QUESTIONS ORALES

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

LA COMPAGNIE SEAGRAM

    M. Gauthier (Roberval) 11882
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 11882
    M. Gauthier (Roberval) 11882
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 11882
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 11883

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 11884
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 11884

INVESTISSEMENT CANADA

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 11884
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 11885
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 11885

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

SEAGRAMS

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 11886
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 11886
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 11886

L'AIDE SOCIALE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 11886
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 11887

LE CENTRE HARBOURFRONT

SEAGRAMS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 11887

LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 11888
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 11888

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    M. Gauthier (Roberval) 11888

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE RÉGIME NATIONAL DE SOINS DE SANTÉ

    Reprise de l'étude de la motion 11888

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI SUR LE MAINTIEN DE LA PAIX

    Projet de loi C-295. Motion de deuxième lecture 11912

MOTION D'AJOURNEMENT

L'ACCÈS À L'INFORMATION


11843


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 27 avril 1995


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 16 pétitions.

[Traduction]

Je signale que le président du Conseil du Trésor fera un bref discours dans le cadre des déclarations ministérielles, aujourd'hui. Je crois comprendre que des représentants du Nouveau Parti démocratique et du Parti progressiste conservateur donneront aussi la réplique, du consentement unanime. Il y aura au total cinq déclarations.

* * *

JOURNÉE DE COMMÉMORATION DE L'HOLOCAUSTE

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Madame la Présidente, 50 ans ont passé depuis la libération de nombreux camps qui symbolisaient la solution finale d'Hitler.

Les Canadiens ont commencé à marquer le 50e anniversaire de la libération de l'Europe le 4 juin 1994, lorsque nous nous sommes rappelé les sacrifices de milliers de nos concitoyens sur les plages de Normandie. Aujourd'hui, nous commémorons l'holocauste.

Alors que nous marquons la fin d'une époque tragique dans l'histoire de l'humanité, nous devons reconnaître que nous avons tous fait beaucoup de chemin.

[Français]

Toute l'humanité a été la victime de l'holocauste nazi. Il a démontré combien le nationalisme, le racisme et la bigoterie pouvaient être aveugles.

[Traduction]

C'est l'humanité toute entière qui a été victime de l'holocauste auquel se sont livrés les nazis. On a bien vu alors comment le nationalisme aveugle, le racisme ainsi que le sectarisme, la violation des principes démocratiques fonda-mentaux sur lesquels notre société est fondée peuvent conduire à des souffrances et à une violence incompréhensibles.

Les noms des camps de la mort libérés il y a un demi-siècle sonnent encore à nos oreilles comme des prières sacrées: Dachau, Buchenwald, Treblinka, Bergen-Belsen, Auschwitz-Birkenau. Ces endroits sont devenus des lieux sacrés. Nous ne devons pas les oublier, car ils symbolisent ce dont l'humanité est capable et nous rappellent nos obligations à l'égard non seulement des millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui ont été victimes de la tyrannie, mais également vis-à-vis des générations futures du monde entier.

Le Canada se souvient des souffrances de l'Europe. Il n'oublie pas les six millions de juifs qui sont morts ni les millions d'autres personnes innocentes qu'on a persécutées du fait de leur religion, de leur origine ethnique, de leur orientation sexuelle ou de leurs vues politiques.

Le Canada se souvient du sacrifice désintéressé de milliers de ses soldats qui ont donné leur vie au nom de la liberté et de la démocratie, pour nous assurer à tous un meilleur avenir aujourd'hui. Nous honorons leur mémoire à tous en veillant à nous rappeler la raison pour laquelle ils sont morts. Nous rendons hommage à leur sacrifice en faisant des efforts pour garantir l'égalité de tous en respectant nos valeurs que sont le respect et la compréhension.

Le Canada se souvient.

Des voix: Bravo.

[Français]

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Madame la Présidente, l'opposition officielle se joint au gouvernement et donne son appui unanime à la motion déposée par le secrétaire d'État aux Anciens combattants. Il y a maintenant 50 ans prenait fin la Seconde Guerre mondiale, un guerre comme jamais cette petite planète n'avait connue. Nous devions reconnaître que ni les institutions modernes, ni les nouvelles technologies n'avaient permis d'assurer la paix sur cette terre.

Vers la fin de cette grande guerre, le monde entier faisait la découverte horrifiante de l'existence de camps de concentration, une pratique inhumaine, cruelle et barbare. Il n'est point de mots pour décrire cette atrocité et pour exprimer notre révolte devant une pareille monstruosité. Rien ne peut excuser les camps de concentration pour aucune considération.

(1010)

Des millions d'hommes, de femmes et d'enfants ont péri sous le joug de la tyrannie. Le seul espoir qu'ils pouvaient entretenir, c'est que d'autres pays se lèvent debout et se battent au nom de la liberté et de la justice. C'est l'effort auquel le Canada a participé. La vaillance et le courage de ces militaires ne seront jamais oubliés par nous et par nos descendants. C'est notre devoir de nous assurer que ces défenseurs de la liberté demeurent à tout jamais présents dans notre mémoire.


11844

L'effondrement du IIIe Reich a révélé au monde la plus gigantesque entreprise d'extermination des temps historiques. Dans leurs enceintes de barbelés électrifiés, dans leurs blockhaus, leurs usines souterraines, leurs salles d'expériences, comme dans leurs chambres à gaz et sur leurs places d'appel, les camps de concentration élevés par les nazis dans l'Europe occupée ont provoqué la mort de millions d'êtres humains. Des milliers de convois conduisaient leurs victimes sur la route de l'enfer.

Jusqu'aux derniers moments précédant la reddition, cette entreprise planifiée de destruction ne lâcha pas son travail. Ces convois conduisaient à l'internement et au massacre d'innocents. L'arrivée au camp signifiait souvent la mort pure et simple. Si ce n'était pas le cas, c'était pire encore, c'était les travaux forcés qui contribuent à l'oeuvre de mort; c'était la tragédie d'assister aux tortures, à la lente agonie de son voisin ou de soi-même. Sous-alimentation, maladies, une coupure sans retour, hors de la vie. Il est de notre devoir de nous imaginer, même un seul instant, ce que les camps de concentration pouvaient représenter, afin de mieux comprendre combien notre intolérance à l'endroit des crimes contre l'humanité doit demeurer constante, pleine et entière.

Il y a 50 ans aujourd'hui, les camions de la Croix-Rouge internationale parvenaient à des camps de concentration. La libération de cette fin du monde s'accomplissait. Les tortionnaires fuyaient. Aujourd'hui, 50 ans plus tard, il est de notre devoir de considérer ce drame comme s'il était survenu hier, à nos proches, à nos enfants et à nos parents, pour que cette folie ne nous atteigne jamais. Pourtant, pauvres êtres humains que nous sommes, les génocides, les exterminations organisées sont toujours présents. Plus d'un million de Rwandais ont été victimes d'un génocide bien organisé, l'année dernière, et les auteurs de ce crime contre l'humanité demeurent, à ce jour, impunis.

Plus récemment encore, l'armé rwandaise a commis un véritable carnage en s'attaquant au camp de réfugiés Kibeho, où des milliers de réfugiés hutu ont été littéralement massacrés. En Bosnie, la communauté internationale a également été témoin d'actes d'une rare cruauté, alors qu'on y pratiquait systématiquement une opération de purification ethnique. De tels événements nous amènent à nous demander si le monde a vraiment retenu une leçon de l'histoire.

Nous devons faire en sorte que cessent ces massacres entre les habitants de cette planète. Nous devons garder l'espoir que le jour viendra où nous vivrons toutes et tous en paix et que ces actes inhumains n'existeront plus. Commémorer la libération des camps de concentration nazis, c'est bien sûr rendre un hommage respectueux envers les victimes, mais c'est aussi rendre hommage à toutes celles et à tous ceux de chez nous qui ont permis cette libération. Ces personnes, ce sont nos anciens combattants, nos vétérans, envers qui l'on doit plus que du respect. On leur doit un soutien, particulièrement s'ils ont payé leur service de leur santé. J'ose espérer que le gouvernement actuel profite de cette occasion pour se questionner sur le traitement qu'il accorde aux anciens combattants. Il nous est interdit de manquer d'être fidèles à la parole donnée à leur endroit.

Nous ne pouvons pas nous permettre de relâcher notre vigilance à l'endroit des risques qui demeurent toujours possibles que des atrocités semblables aux camps de concentration nazis se reproduisent. C'est l'implacable leçon de l'histoire. Cette leçon, nous devons l'enseigner à nos enfants, afin que la conscience ne soit jamais perdue. Le Bloc québécois se porte garant, quant à lui, de tout faire pour favoriser cet enseignement et le maintien de notre mémoire collective. Ensemble, gardons cet espoir.

[Traduction]

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Madame la Présidente, c'est un grand honneur pour moi que de pouvoir prendre la parole à la Chambre, au nom des habitants d'Okanagan-Similkameen-Merritt et de mes collègues du Parti réformiste, pour commémorer solennellement le cinquantième anniversaire de la libération des détenus dans les camps de concentration nazis.

Nous nous souvenons des hommes, des femmes et des enfants innocents qui ont péri sous le joug de la tyrannie nazie et rendons hommage aux Canadiens qui se sont battus pour la liberté et la justice an cours de cette période fort sombre.

(1015)

Nous nous souvenons de la génération d'hommes, de femmes et d'enfants qui, des années 1930 à 1945, ont dû subir les horreurs des tyrans nazis. Quiconque est né après la guerre a du mal à comprendre cette sombre période de l'histoire de l'humanité.

Nous voyons des images du ghetto de Varsovie, des convois qui conduisaient aux camps de concentration des hommes, des femmes et des enfants innocents, des chambres à gaz et des fosses communes. Alors que j'évoque ces crimes du passé, j'essaie d'imaginer comment des hommes ont pu commettre pareils crimes contre l'humanité.

J'ai réellement commencé à saisir toute l'ampleur de cette tragédie quand j'ai su combien de personnes étaient mortes dans cet horrible conflit. Le nombre de morts a été aussi élevé que le nombre d'habitants au Canada en 1945. Même si nous ne connaissons pas le nom de toutes les victimes, il faut que le monde commémore le Yom Hashoah, ou jour du souvenir de l'holocauste.

Je voudrais réitérer l'engagement que le chef du Parti réformiste a pris hier. Il parlait en notre nom quand il a dit, et je cite: «Je promets solennellement que nous honorerons la mémoire des victimes de l'holocauste en restant vigilants à l'endroit de ceux qui voudraient nous diviser en faisant la promotion de la haine et de la discrimination.»

Il faut condamner ceux qui nient cet événement. En plus de commémorer solennellement le Yom Hashoah et la libération des détenus dans les camps de concentration nazis, je voudrais rendre hommage aux dizaines de milliers de Canadiens et de Canadiennes qui se sont battus pour la liberté et la justice. Un trop grand nombre d'entre eux ont quitté le Canada pour ne jamais y revenir. À toutes les batailles qu'ils ont été obligés de participer, les Canadiens, malgré les pertes terribles qu'ils ont eu à subir, ont toujours fait preuve d'un grand courage et d'une solide détermination. Le fait que la plupart des personnes qui ont participé à cette terrible guerre l'ont fait volontairement est un honneur pour notre pays.


11845

Cela fait cinquante ans aujourd'hui que les camps de concentration nazis ont été libérés et que les canons se sont tus. Bon nombre de soldats et de civils qui ont connu les horreurs de cette guerre font tout en leur possible pour que les Canadiens et l'humanité entière se souviennent de la cause, du déroulement et des conséquences de ce conflit.

Pourtant, quand les anciens combattants et les témoins de cette guerre auront disparu, c'est à ma génération et à la génération suivante qu'il incombera de préserver le souvenir de ces événements. Je me sens investi d'une mission sacrée du fait que l'on m'envoie aux Pays-Bas, la semaine prochaine, pour représenter les habitants de ma circonscription et le Parti réformiste aux cérémonies du souvenir du Canada.

Je m'engage personnellement à préserver ce souvenir et à rendre hommage aux soldats morts au combat et aux victimes de cette terrible guerre. Il ne faut pas que les personnes et les événements que nous commémorons aujourd'hui tombent dans l'oubli parce que, si l'on oublie les événements du passé, on risque de les revivre.

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Madame la Présidente, nous prenons aujourd'hui la parole à la Chambre pour nous souvenir. Un demi-siècle n'a pas effacé le souvenir de l'horreur qu'ont connue les six millions de personnes tuées dans les camps de concentration nazis, ainsi que l'horreur de la Seconde Guerre mondiale qui y a conduit.

Il s'agit également de rappeler le souvenir de ceux et celles qui ont combattu pour la libération de ces camps. Nous rappelons le souvenir des familles et des particuliers qui y sont morts. Nous admirons la force des survivants dont un grand nombre sont venus ici pour contribuer, à force de courage, de détermination et de dévouement, à l'édification de notre pays.

Cet anniversaire est, pour nous tous, l'occasion de tirer une leçon, une leçon de courage, et de nous rappeler que les préjugés peuvent rapidement se transformer en haine. Les Canadiens doivent être vigilants et combattre les préjugés et le racisme. Les déclarations ne suffisent cependant pas. Nous ne saurions rester bien tranquilles dans nos collectivités, nos maisons ou notre pays. Le silence et la complaisance ne sont pas de mise. Il ne faut pas s'illusionner en s'imaginant que les horreurs des camps de concentration sont choses du passé.

[Français]

Il nous faut être vigilants, car l'extrémisme de droite et le fascisme existent encore aujourd'hui dans tous les pays. Nous devons appliquer avec vigueur les lois contre la haine et travailler ensemble afin d'assurer une démocratie forte et saine au Canada.

(1020)

[Traduction]

À bien des égards, l'holocauste nous a tous touchés. Il s'inscrit dans notre histoire et nous avons tous un rôle à jouer pour que la paix, la justice et la liberté dans tous les pays du monde ne soient pas que de vains mots.

Le Canada se souviendra. Le monde se souviendra.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Madame la Présidente, je joins ma voix à celle des autres députés pour commémorer le cinquantième anniversaire de la libération des camps de concentration nazis. N'oublions jamais les millions de victimes du régime nazi fondé sur la haine.

Je tiens aussi à rendre hommage aux nombreux Canadiens qui ont combattu pour permettre aux générations futures de vivre en paix et libres.

Je n'oublierai jamais le jour, j'avais alors cinq ans, où mes frères sont venus annoncer à mes parents qu'ils venaient de s'enrôler pour aller se battre outre-mer. Ils sont allés en France, en Allemagne et en Italie. Je me souviendrai toujours des prières de ma mère et des angoisses qu'elles a vécues en espérant recevoir des nouvelles de mes frères et je n'oublierai jamais le jour où nous sommes allés à la gare pour les accueillir sains et saufs.

S'il y a jamais eu une guerre qu'il fallait gagner, ce fut la Seconde Guerre mondiale. Il va sans dire que le monde serait bien différent et sombre si les alliés n'avaient pas remporté la victoire.

N'oublions jamais l'horreur des camps de concentration, car ils sont l'expression de la haine et du racisme.

Nous sommes aujourd'hui témoins des souffrances que supportent des innocents partout dans le monde à cause de conflits ethniques. Souvenons-nous de ce que ce genre de haine peut engendrer et demeurons vigilants pour empêcher qu'elle ne se reproduise jamais.

Oui, le Canada se souvient.

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Madame la Présidente, si la Chambre y consent à l'unanimité, je voudrais présenter une motion qui, je suis heureux de le dire, reçoit l'appui de quatre députés: ceux de Châteauguay, d'Okanagan-Similkameen-Merritt, du Yukon et de Saint John. Je propose:

Que cette Chambre marque solennellement le 50e anniversaire de la libération des camps de concentration nazis, et qu'elle honore la mémoire des millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui ont péri sous le joug de la tyrannie, ainsi que tous les Canadiens qui se sont battus au nom de la liberté et de la justice.
(La motion est adoptée.)

* * *

DÉLÉGATION INTERPARLEMENTAIRE

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 34 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre un rapport rédigé par la section canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth au sujet de notre visite à Hong Kong qui a eu lieu du 13 au 17 mars 1995.

11846

PÉTITIONS

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, je désire présenter une pétition qui a circulé un peu partout dans le pays et qu'on m'a remise. Cette pétition a été signée par un certain nombre d'habitants de la région de St. Mary's, en Ontario.

Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que la gestion familiale et la garde d'enfants d'âge préscolaire constituent une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur dans notre société.

Ils disent également que la Loi de l'impôt sur le revenu est discriminatoire envers les familles qui ont choisi de s'occuper à domicile d'enfants d'âge préscolaire, de personnes handicapées, de malades chroniques ou de gens âgés.

Par conséquent, les pétitionnaires demandent humblement au Parlement de prendre des initiatives en vue d'éliminer la discrimination pratiquée à l'endroit de toutes ces personnes.

(1025)

L'EUTHANASIE

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Lib.): Madame la Présidente, je prends la parole en vertu de l'article 36 du Règlement pour présenter une pétition à la Chambre.

La pétition est signée par des électeurs de ma circonscription, plus précisément de Gambo, dans Bonavista-Nord. Les pétitionnaires font remarquer que la majorité des Canadiens sont des citoyens respectueux de la loi et respectent le caractère sacré de la vie humaine. Ils croient également que les médecins du Canada devraient travailler à sauver des vies et prient humblement le Parlement de n'apporter aucun changement à la loi qui sanctionnerait ou permettrait l'aide ou l'encouragement au suicide, ou encore l'euthanasie active ou passive.

LA CRIMINALITÉ

M. Mac Harb (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Madame la Présidente, j'ai une pétition signée par bon nombre des électeurs de ma circonscription, Ottawa-Centre, qui demandent au gouver-nement de prendre des mesures pour contrer la criminalité dans tout le Canada, et surtout dans les grands centres. Je veux faire part de mon appui à cette pétition.

L'EUTHANASIE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Madame la Présidente, j'ai deux pétitions à déposer. La première est signée par 58 personnes qui viennent surtout de la Saskatchewan. Les pétitionnaires demandent que les dispositions du Code criminel interdisant l'aide au suicide et l'euthanasie soient maintenues.

Avec l'ajout de ces 58 signatures, on compte maintenant 29 506 personnes ayant présenté une pétition sur cette question.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Madame la Présidente, je veux aussi déposer une pétition au nom d'un autre député. Je sais que l'usage veut qu'on évite de souligner l'absence d'un député, mais il s'agit dans ce cas de la députée de Nepean, qu'une maladie retient malheureusement chez elle. Je suis sûr que je parle au nom de tous en lui souhaitant d'être très bientôt de retour au Parlement.

Au nom des électeurs de la circonscription qu'elle représente, Nepean, je dépose une pétition signée par 25 personnes qui demandent qu'on ne prenne pas de nouvelles mesures de contrôle des armes à feu.

* * *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je suggère que toutes les questions soient réservées.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je voudrais signaler à la Chambre que, en raison de la déclaration du ministre et en application du paragraphe 33(2) du Règlement, l'étude des mesures d'initiative gouvernementale sera prolongée de 16 minutes.

_____________________________________________


11846

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE RÉGIME NATIONAL DE SOINS DE SANTÉ

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.) propose:

Que cette Chambre reconnaisse que, depuis la création de notre régime national de soins de santé, la part du financement fourni par le gouvernement fédéral est passée de 50 pour cent à 23 pour cent et, par conséquent, que la Chambre exhorte le gouvernement à consulter les provinces et d'autres intervenants, afin de préciser quels sont les services essentiels qui seront entièrement financés par les gouvernements du Canada et des provinces, et les services non essentiels pour lesquels les assurances privées et les bénéficiaires des services seront peut-être appelés à jouer un rôle complémentaire.
-Madame la Présidente, j'interviens au sujet de la motion des réformistes dont la Chambre est saisie, mais je voudrais d'abord dire un mot sur le fait de ne pas tenir des promesses.

Si les Canadiens sont tellement cyniques à l'égard de la politique et des gouvernements, c'est en partie parce que ces derniers manquent constamment à leurs promesses. Par exemple, il n'y a pas deux ans que le gouvernement libéral est en place, que déjà la scène politique est jonchée de promesses brisées.


11847

On avait promis notamment de fonder les nominations fédérales importantes uniquement sur la compétence plutôt que sur le favoritisme; c'est une promesse qu'on viole pratiquement chaque semaine.

Il y a l'actuelle vice-première ministre qui avait promis de démissionner si la TPS n'était pas remplacée dans l'année suivant les élections, promesse qui a été scandaleusement brisée le 25 octobre 1994.

On avait promis de ne pas modifier les transferts du fédéral aux provinces sans obtenir d'abord l'entière collaboration de ces dernières. On a brisé cette promesse en présentant le transfert social canadien dans le budget de février.

On s'est engagé à présenter un nouveau plan. . .

(1030)

M. Szabo: J'invoque le Règlement, madame la Présidente.

Il y a deux jours à la Chambre, un député a invoqué le Règlement pour signaler que l'orateur ne parlait pas de la motion dont nous étions saisis. Je crois que c'est également le cas en l'occurrence. Je voudrais donc faire remarquer que le député devrait aborder l'objet de la motion.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Nous reprenons le débat. La parole est au chef du Parti réformiste.

M. Manning: On nous a fait la promesse de fournir un nouveau plan de réforme des programmes sociaux. Cette promesse a été violée sans excuse ni explication lorsque le ministre du Développement des ressources humaines s'est refusé à appliquer le programme de son livre vert.

On nous a fait la promesse de ne pas accroître le fardeau fiscal sous lequel ploie déjà depuis longtemps le contribuable canadien surtaxé. Cette promesse a été violée avec l'imposition d'une taxe de 1,5c. le litre d'essence, qui rapportera la coquette somme de 500 millions de dollars par année.

On nous a fait la promesse d'un Parlement plus ouvert où les députés ne seraient pas assujettis à la discipline de parti. Cette promesse a été violée de façon dictatoriale quand les députés libéraux qui avaient voté contre le projet de loi sur le contrôle des armes à feu ont été dépouillés de leurs fonctions au sein de divers comités.

La première partie de la motion dont nous débattons signale une autre promesse libérale qui n'a pas été tenue, et il s'agit là de l'une des plus sérieuses de toutes. Pour la gouverne des députés, c'est là le lien entre les promesses non tenues et la motion à l'étude aujourd'hui.

Lorsque le régime national d'assurance-maladie a été institué au palier fédéral par un gouvernement libéral minoritaire il y a 30 ans, le premier ministre Pearson avait alors promis solennellement aux Canadiens, aux provinces et à la Chambre que le gouvernement fédéral paierait 50 p. 100 des coûts. C'était là la promesse budgétaire sur laquelle reposait l'assurance-maladie. C'était là la condition sur laquelle les provinces avaient insisté et que le gouvernement fédéral s'était engagé à respecter, une promesse sans laquelle les provinces n'auraient pas souscrit au régime national d'assurance-maladie.

Les libéraux ont même consigné cette promesse par écrit dans la vieille Loi sur les soins médicaux de 1966, à l'article 5, qui stipule que «le montant de la contribution payable par le Canada à une province relativement à un régime d'assurance de soins médicaux est un montant égal à 50 p. 100 de. . .» Suit une liste des divers éléments de coûts du régime.

Qu'est-il maintenant advenu de cette promesse sacrée? Aujourd'hui, la part du financement des soins de santé fournie par le gouvernement fédéral n'est pas de 50 p. 100, tel que promis. Elle s'établit maintenant à moins de 23 p. 100 et va en diminuant.

Le premier ministre et la ministre de la Santé peuvent professer leur indéfectible attachement aux principes de l'assurance-maladie jusqu'à ce qu'ils se retirent de la vie publique, s'accrochant à leur double retraite de parlementaires, mais le fait demeure que tous les jours, toutes les heures, dans toutes les provinces, régions et localités du Canada, le gouvernement, chaque fois que des citoyens font appel à l'assurance-maladie, renie son engagement fondamental de payer 50 p. 100 des coûts.

En trahissant ainsi son engagement financier, le gouver-nement sape lentement les autres principes de l'assurance-maladie. Il compromet l'admissibilité, car les listes d'attente s'allongent sans cesse. Il menace l'intégralité, car de plus en plus de services de santé sont désassurés par les provinces. Il mine l'universalité, car plusieurs paliers sont en train d'apparaître dans le régime, l'accès à ces divers paliers de soins dépendant de plus en plus de la capacité de payer.

La deuxième partie de la motion à l'étude propose une solution, et j'y reviendrai dans un instant. Mais je voudrais auparavant dissiper un des mythes de l'assurance-maladie, un mythe auquel s'accrochent le premier ministre et la ministre de la Santé et qui nous empêche de diagnostiquer clairement le problème. Ce mythe, c'est que le Canada possède un régime d'assurance-maladie identique pour tous et auquel tous les Canadiens ont accès sans égard à leur capacité de payer. Revoir la Loi canadienne sur la santé nous condamnerait à adopter un régime à deux paliers semblable à celui des États-Unis, où la capacité de payer détermine l'accès aux services.

Il est incontestable que le Canada a déjà un régime à plusieurs paliers, dont l'accès est devenu de plus en plus restreint à cause de l'augmentation des coûts des services et de la diminution du soutien fédéral. Le défi qui est le nôtre consiste à réformer l'assurance-maladie de telle manière que l'un de ces paliers regroupe tous les services essentiels dont les Canadiens ont besoin et que ce palier soit adéquatement financé par les autorités fédérales et provinciales, afin qu'aucun Canadien ne soit privé de ces services parce qu'il n'a pas les moyens de payer.

(1035)

J'aborderai dans un instant les mesures à prendre à cet égard. Au cas où il y aurait parmi nous des gens assez naïfs pour croire encore que le Canada possède un régime de soins de santé à un seul niveau, permettez-moi de vous prouver le contraire.

Je pourrais vous citer des extraits de l'étude approfondie qu'ont effectuée en 1994 Ralph Sutherland et Jane Fulton au sujet des soins de santé et qui s'intitule Spending Smarter and Spending Less. Aux pages 98 et 99 de leur étude, les auteurs détruisent le mythe du régime de santé à un seul niveau et finissent par affirmer qu'il existe bien un régime à deux niveaux au Canada et qu'il a d'ailleurs toujours existé.


11848

Les auteurs expliquent ensuite comment s'y prendre pour qu'un régime à niveaux multiples profitent à tous les Canadiens, ce qui constitue en fait le vrai défi et le vrai problème. Au lieu de citer abondamment des études théoriques ou techniques, je préfère communiquer à la Chambre une note que j'ai reçue hier d'un médecin canadien à qui j'avais demandé si le Canada possède à l'heure actuelle, un régime à un ou à deux niveaux.

Ce médecin affirme catégoriquement que le Canada a déjà un régime à deux niveaux. Toute personne admise à un hôpital peut demander une chambre privée si elle en a les moyens ou si elle possède un régime d'assurance qui couvre ce genre de frais. Autrement, il lui est impossible d'obtenir une chambre privée.

S'ils en ont les moyens, les patients peuvent embaucher une infirmière particulière qui leur prodiguera des soins 24 heures sur 24, ou encore avoir recours à de nombreux services de soins infirmiers et de soins à domicile.

Récemment, la profession de sage-femme a été reconnue. Encore là, les services de sages-femmes sont offerts à ceux qui ont les moyens de les payer. Les gens ont accès à des procédures comme les avortements pratiqués dans des cliniques privées s'ils sont en mesure d'en assumer les frais.

Certains ont les moyens de souscrire à un régime d'assurance-médicaments, d'autres pas. Ces derniers doivent alors payer de leur poche les médicaments dont ils ont besoin.

La Commission des accidents du travail de cette province a demandé à de nombreux établissements privés d'offrir des services à ses clients afin que ceux-ci puissent être soignés plus rapidement qu'ils ne pourraient l'être dans les établissements publics et puissent retourner au travail dans les plus brefs délais.

Des militaires ont été transportés en avion jusqu'à l'hôpital principal de la Défense, situé ici, à Ottawa, pour y subir des interventions chirurgicales au lieu d'être placés sur des listes d'attente. J'ai aussi appris récemment que les militaires ont recours à des cliniques privées pour des services comme l'arthroscopie, car il leur en coûte ainsi moins cher que de s'adresser au secteur public.

D'autre part, nous savons tous qu'il existe un régime à deux niveaux qui permet à ceux qui en ont les moyens d'aller se faire soigner aux États-Unis.

De nombreuses technologies et thérapies ne sont pas accessibles chez nous et ceux qui veulent en bénéficier doivent aller se faire soigner aux États-Unis. Je trouve honteux qu'un pays de l'envergure du Canada ne puisse pas offrir ces services.

Il termine ainsi sa note: «Les exemples qui précèdent montrent bien, je l'espère, que le régime de soins de santé au Canada est, dans presque tous ses aspects, un régime à deux niveaux où, à part les services des médecins, tout peut être offert à titre privé. Ces services de médecins et certains autres offerts uniquement dans les hôpitaux publics sont les seuls services qui ne soient pas actuellement disponibles à deux niveaux différents au Canada.

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le premier ministre et la ministre de la Santé persistent à nier l'existence d'un régime de santé à niveaux multiples au Canada et à prétendre que les cinq critères de la Loi canadienne sur la santé en rendent l'existence impossible. Si nous voulons vraiment résoudre les problèmes du régime de soins de santé au Canada, il faudra que les plus hauts dirigeants du gouvernement fédéral eux-mêmes cessent de croire de façon puérile aux mythes du régime d'assurance-maladie.

Dans la seconde partie de la motion dont nous sommes saisis, le Parti réformiste propose au gouvernement une façon de préserver l'universalité des services de santé essentiels, indépendamment de la capacité de payer des gens dans un régime à niveaux multiples.

Si nous voulons assurer un financement adéquat des soins de santé au Canada au XXIe siècle, il faudra entamer des discussions et des négociations de fond entre les principaux intervenants: les représentants des utilisateurs des services de santé, les contribuables, les professionnels et les administrateurs des services de santé, les assureurs des soins de santé, les provinces et le gouvernement fédéral.

Le Parti réformiste propose que les discussions et négociations mettent l'accent sur la création d'un mécanisme de financement des soins de santé comme celui mentionné à la page 43 du Budget des contribuables proposé par les réformistes.

Voilà le genre de plan que le premier ministre et le gouvernement fédéral auraient dû proposer dans le Forum national sur la santé pour refinancer les services de santé et sauver le régime d'assurance-maladie, mais ils ne l'ont pas fait. Ce genre de plan permettrait d'apporter des modifications significatives à la Loi canadienne sur la santé, modifications que la ministre de la Santé tarde toujours à apporter. Ce plan prévoit que le premier point à l'ordre du jour devrait être une discussion sur la meilleure façon de diviser les services de santé des Canadiens en services essentiels et non essentiels.

(1040)

Les services essentiels comprendraient les soins de santé qui sont les plus nécessaires aux Canadiens et dont le financement serait garanti par les gouvernements fédéral et provinciaux, sous réserve du respect de certaines normes nationales minimales. Il s'agirait des services qui contribuent le plus clairement à améliorer la santé des Canadiens et qui doivent être offerts de la manière la plus rentable possible.

Ces services constitueraient l'essentiel des soins de santé. Tous les Canadiens auraient un accès garanti à ces services d'un océan à l'autre, sous réserve de certaines normes nationales et indépendamment de leur capacité de payer.

Les provinces pourraient fournir d'autres services que ces services essentiels, et les citoyens pourraient s'en prévaloir s'ils le désiraient, mais le gouvernement fédéral ne participerait pas à leur financement.

Les services considérés comme non essentiels, par exemple, la chirurgie esthétique, par opposition à celle qui est plus nécessaire, ou les plâtres en fibre de verre, par opposition aux plâtres ordinaires, seraient financés grâce à une combinaison


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plus souple de sources de financement, y compris des régimes d'assurance privés et le paiement par l'usager.

J'inviterais les députés d'en face qui nous mettront au défi de préciser ce qui devrait être considéré comme un service essentiel ou non à écouter attentivement mes collègues médecins, le député de Macleod et celui d'Esquimalt-Juan de Fuca et à leur poser des questions à la fin de ces observations.

J'encouragerais aussi tous les députés à éviter de s'engager trop en profondeur dans cette discussion. Ce rôle n'incombe pas au Parlement fédéral, ni constitutionnellement, ni pratiquement. Il n'appartient pas à un gouvernement fédéral qui intervient de loin et qui paie moins du quart de la note de définir ces services. C'est l'ancienne façon de faire où les directives viennent d'en haut. C'est l'approche du lac Meech en matière de soins de santé. C'est la méthode centralisatrice, pas celle de l'avenir.

Ces services doivent être définis principalement par les bénéficiaires des soins de santé, par ceux qui les utilisent, par les médecins qui les dispensent et par les administrateurs locaux et provinciaux. Nous devrions faire tout notre possible pour faciliter ces discussions et être à l'écoute, par l'entremise de comités parlementaires, d'entretiens personnels, d'échanges et du forum national sur les soins de santé. Mais nous ne devrions pas essayer de définir unilatéralement la division de ces services.

Après la tenue de ces discussions, notre rôle sera d'affecter des fonds à ce que les Canadiens définiront comme services de base, en fonction d'une norme nationale minimale, en colla-boration avec les provinces.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'il y a un besoin urgent d'une réforme des soins de santé au Canada, en raison notamment de l'incapacité du gouvernement fédéral d'éliminer le déficit dans le dernier budget. Cette réforme est nécessaire pour préserver les meilleurs éléments du système actuel, pour prévenir que le système de financement ne soit détruit par l'intérêt sur la dette, ainsi que pour donner aux administrateurs des soins de santé et aux médecins provinciaux la flexibilité leur permettant de mieux s'adapter aux besoins des Canadiens en matière de soins de santé.

Les Canadiens se demandent et continueront de se demander qui prendra l'initiative de la réforme de l'assurance-maladie. Je suis d'avis que ce n'est pas le gouvernement fédéral, le premier ministre ou la ministre de la Santé qui vont le faire. Bien au contraire, ils s'opposent à toute proposition de changement. Ils rejettent le diagnostic qui les pousserait à faire de vraies propositions de changement. Ils s'en prennent à tous ceux qui veulent des changements en les accusant d'être des ennemis du régime d'assurance-maladie public, ce qui est une position réactionnaire, ou des partisans d'un régime d'assurance-maladie à l'américaine. Ces attaques sont dénuées de tout fondement. En outre, si ces personnes discutent de la réforme de l'assurance-maladie, c'est d'abord parce que des fonctionnaires leur disent que si l'on ne fait rien, le système va s'écrouler et que ce sera leur faute.

Par conséquent, j'estime que l'initiative de la réforme du régime d'assurance-maladie sera prise-et c'est déjà commencé dans bien des milieux, où le public devance maintenant la classe politique et le gouvernement-par les patients, les contri-buables, les travailleurs de la santé, les administrateurs, les gouvernements locaux et les gouvernements provinciaux, bref qu'elle viendra de la base et non du sommet.

Si, en 1960, le gouvernement fédéral avait eu le monopole qu'il a aujourd'hui pour fixer les conditions du financement et des services de santé, le régime d'assurance-maladie public actuel n'aurait pas vu le jour. Le régime d'assurance-maladie n'a pas été mis sur pied par Ottawa. Il a été créé bien loin d'Ottawa. C'est en Saskatchewan qu'il a commencé; c'est là qu'il a vraiment commencé d'un point de vue pratique dans le district de l'hôpital de Swift Current.

(1045)

Le CCF a ensuite intégré ce concept à sa plate-forme politique, puis les libéraux s'en sont emparés à leur tour. J'assure aux citoyens inquiets et aux Canadiens de l'ensemble du pays qui veulent vraiment une réforme de l'assurance-maladie qu'ils trouveront des alliés et des partisans de changements raisonnables au sein du caucus réformiste.

Je presse tous les députés qui tiennent à sauvegarder et à améliorer les meilleurs éléments du régime d'assurance-maladie canadien d'appuyer cette motion.

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Madame la Présidente, sauf le respect que je dois au chef du tiers parti, je peux dire qu'il a certainement parlé de promesses non tenues. Il s'est étendu assez longuement sur la question.

Mais, parlant de promesses non tenues, je peux me rappeler que, pendant la campagne électorale, et encore après, le chef du Parti réformiste a déclaré, en insistant beaucoup, que son parti ne préconisait pas les services de santé privés, les franchises ou les frais d'utilisateur. Pourtant, aujourd'hui, de quoi parle-t-il? De franchises, de frais d'utilisateur et de privatisations. Quel revirement! Parlons-en des promesses non tenues.

Je peux me souvenir de tous les discours ronflants du Parti réformiste pendant la campagne électorale. Comment le député explique-t-il son revirement ou le changement de discours de l'ensemble de son parti? Par ailleurs, j'aimerais bien savoir comment les solutions réformistes garantiraient aux gens qu'ils obtiendraient les services dont ils ont besoin et pas uniquement ceux qu'ils ont les moyens de payer?

Disons les choses comme elles sont. Les réformistes ne sont pas partisans de hausses d'impôts. Toutefois, les impôts sont fondés sur l'équité. La personne qui gagne plus, paie plus. Les réformistes proposent une taxe sur la maladie. Plus les gens seront malades, plus cela leur coûtera cher. De quel genre de système s'agit-il là? J'aimerais bien avoir une explication.

Que ferait le chef du Parti réformiste des gens très malades, qui, soit dit en passant, se retrouvent souvent parmi les plus démunis? Lorsqu'une personne est très malade, elle ne peut habituellement plus travailler. Peut-être le chef réformiste ferait-il preuve de charité pour certains et fournirait-il des services de base; vous pourriez avoir un pansement adhésif si vous ne pouvez pas vous le payer. Quel système propose-t-il sinon le système américain? Et nous savons comment les choses fonctionnent aux États-Unis.


11850

M. Manning: Madame la Présidente, je tiens à rappeler à la ministre que, même si nous sommes peu nombreux ici, à la Chambre, ses remarques sur le sujet sont surveillées de près par les médecins, par les administrateurs et particulièrement par les provinces. Ces déclarations qui nient complètement la réalité du système de soins de santé ne rendent pas service à la Chambre et ne sont pas très flatteurs pour la position du gouvernement quant à la gravité du problème. Elles créent l'impression que nous ne comprenons littéralement pas comment fonctionne le système. C'est une honte pour la ministre et pour le gouvernement.

D'après les remarques de la ministre, il est évident que ses opinions sur ce que le Parti réformiste a dit durant la campagne électorale sont fondées sur ce qu'on dit du Parti réformiste dans les coupures de presse. Elles n'ont absolument rien à voir avec les positions exprimées par les réformistes, particulièrement par ceux qui connaissent bien le domaine médical.

Pour ce qui est de sa question sur la façon de faciliter le paiement des services pour les gens pauvres, la ministre n'a certainement pas écouté ce que j'ai dit. Nous disons que nous devrions définir une série de services jugés essentiels pour les Canadiens. À ces services serait consacrée entièrement la participation des gouvernements fédéral et provinciaux au financement de l'assurance-santé afin que tous les Canadiens puissent y avoir accès où qu'ils habitent et quelle que soit leur capacité de payer. Quant aux services non essentiels, ils pourraient être financés par d'autres moyens comme les régimes d'assurance privés ou même des frais d'utilisation. Cela est parfaitement clair.

Ces propositions ont été présentées par d'autres partisans d'une réforme du système soins de santé dans le domaine des soins de santé lui-même et dans les provinces. Il est grand temps que la ministre reconnaissent ces propositions pour ce qu'elles sont.

(1050)

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais poser une question au député qui vient de nous faire un discours éloquent et d'une merveilleuse rhétorique, qui montre combien sa compréhension des soins de santé et des cinq principes à la base du régime d'assurance-maladie est superficielle.

Je ne voudrais pas ajouter à la rhétorique, mais j'aimerais bien que, dans ces circonstances, le député m'explique ce qu'il entend par «services essentiels». Il n'arrête pas de parler des «services essentiels». J'aimerais savoir ce qu'il entend par là.

M. Manning: Je ferai deux commentaires. Je comprends que la députée n'aime pas ce qui est superficiel. Je l'engage vivement à lire le discours que le premier ministre a prononcé à ce sujet à Saskatoon ainsi que les discours de la ministre de la Santé. Elle verra qu'ils sont d'une superficialité qui est révélatrice de la position du gouvernement aujourd'hui.

Pour ce qui est des services essentiels, nous estimons que ces services devraient être ceux jugés essentiels pour la santé des Canadiens, au sens où l'entendent les utilisateurs des services de santé, les praticiens, les administrateurs et les gouvernements provinciaux.

J'ai bien dit dans mon intervention que nous ne devrions pas essayer de définir ces services. C'est ce qui a causé des problèmes à Ottawa au départ. Le gouvernement s'est engagé à assurer toute une série de services qu'il n'a plus les moyens de financer.

J'ai soulevé cette question à toutes les réunions que j'ai eues avec le public et avec les milieux médicaux, et les gens vous fournissent une excellente définition. Si la ministre et la députée veulent savoir ce que les gens pensent de la question, elles n'ont qu'à le leur demander. C'est l'opinion des gens qui compte.

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord, Lib.): Madame la Présidente, par ses commentaires sur la motion d'opposition relative au régime national de soins de santé, le chef du Parti réformiste a dit clairement, du moins aujourd'hui, qu'il était en faveur d'un système à plusieurs niveaux. Par conséquent, les Canadiens savent maintenant que ce parti désire détruire le régime que nous avons actuellement.

M. Morrison: C'est vous qui l'avez détruit.

M. Pagtakhan: Ils peuvent dire ce qu'ils veulent, madame la Présidente, mais les Canadiens prennent ce sujet au sérieux. Ils ne rient pas de l'assurance-santé. Ils veulent préserver le système qu'ils ont.

Le député pense-t-il qu'un régime offrant le même service à tous est le meilleur au monde du point de vue de l'efficacité financière? Si le député ne croit pas cela, je le renvoie au rapport du bureau du médecin général des États-Unis où, soit dit en passant on montre que l'on réalise des économies considérables en ayant un régime pour tous qui est administré publiquement.

Deuxièmement, lorsque le député a parlé du financement de la santé, je n'ai pas bien compris ce qu'il entendait par son financement pour la santé. Est-ce qu'il ne comprend que les dépenses publiques ou est-ce qu'il inclut aussi les dépenses privées? Je peux voir, d'après son discours, qu'il aimerait seulement transférer aux particuliers une partie des dépenses du gouvernement, mais qu'il n'a aucune proposition qui permettrait de limiter l'augmentation du coût des soins légitimes, ce qui est pourtant la question critique pour les Canadiens qui veulent préserver leur régime d'assurance-santé.

M. Manning: Je répondrai d'abord à la première question. Est-ce que le système actuel est le plus rentable au monde du point de vue financier? Non, il ne l'est pas et c'est évident. Ce n'est pas une question dont on puisse débattre. De nombreuses études ont montré que le contrôle des coûts nous échappait et que, par conséquent, il ne peut pas être considéré comme efficace du point de vue financier.


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Le fait que de plus en plus de Canadiens essaient d'obtenir des soins à l'extérieur du système canadien montre, de toute évidence, que quelque chose ne va pas.

(1055)

Le gouvernement a lui-même un grand dégoût pour le système américain. Nous ne sommes pas d'accord non plus avec le système américain et ce n'est pas ce que nous proposons. Toutefois, par ses actions, le gouvernement pousse de plus en plus de Canadiens à subventionner le système américain, à raison de centaines de millions de dollars par année, parce que ces gens ne veulent pas rester sur une liste d'attente éternellement.

Je voudrais demander au député, qui est lui-même médecin, s'il lui est déjà arrivé d'envoyer un patient se faire traiter aux États-Unis parce que le traitement était impossible à obtenir ici ou que la liste d'attente était trop longue.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je suis désolée, mais le temps est expiré.

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais remercier le chef du troisième parti pour la proposition contenue dans la motion de son parti que je qualifierais de parfaite, mais de parfaite dans le mauvais sens. Cette proposition démontre clairement que les députés du Parti réformiste ne comprennent pas le fonctionnement du régime de soins de santé du Canada, les défis à relever, les mesures à prendre pour atteindre cet objectif ainsi que les solutions réalistes et sensées pour les Canadiens.

Dans sa proposition sur les soins de santé et ses déclarations sur le point de vue du Parti réformiste, le chef du troisième parti a réussi à présenter un plan qui tout à la fois augmenterait la bureaucratie, nuirait à la souplesse du régime, maximiserait l'intervention du gouvernement fédéral dans une compétence provinciale et, surtout, augmenterait le coût des soins de santé au Canada.

Comment le Parti réformiste paierait-il pour tout cela? C'est simple! Il inciterait ceux qui ont les moyens de le faire à se procurer des assurances privées, si elles sont offertes, pour payer certains services qui, à l'heure actuelle, sont payés par le régime d'assurance-maladie. Pis encore, il imposerait une taxe sur la maladie en permettant, et en favorisant même, l'utilisation du ticket modérateur.

La proposition et la prise de position du Parti réformiste ne forment pas une prescription pour un meilleur régime d'assurance-maladie, mais plutôt une prescription qui mènerait à un désastre. Avant d'aborder les détails de cette motion et de la position du Parti réformiste sur l'assurance-maladie, je voudrais examiner les propositions de ce Parti.

Leur présumé budget proposait de remettre aux provinces des points d'impôts additionnels pour les soins de santé. Comment peuvent-ils concilier cette proposition et l'inquiétude qu'ils ont manifestée quant à la diminution de la part fédérale de la contribution pécuniaire? Je ne crois pas que ce soit compatible. Comment les députés réformistes régleraient-ils le problème des revenus générés par les points d'impôt qui varient selon les provinces? Il est évident qu'ils n'ont pas pensé à cela.

Comment ce parti ferait-il respecter les conditions et les critères fixés par la Loi canadienne sur la santé? Il semble bien qu'il ne le ferait pas.

Quelles preuves les députés réformistes possèdent-ils pour étayer leur conviction que les provinces accepteraient un niveau commun de services de santé de base ou essentiels partout au Canada, comme ils le disent à la page 43 de leur présumé budget? Ne savent-ils pas que plusieurs ministres provinciaux de la santé ont déjà mentionné qu'une telle approche était simpliste et qu'ils n'étaient nullement disposés à dresser une liste nationale?

Quel est le rôle du fédéral? Définir les services essentiels, comme le dit la motion, ou amener les provinces à s'entendre sur un niveau commun de services essentiels, comme il est dit dans le présumé budget des contribuables proposé par les réformistes? Comment le chef du troisième parti pense-t-il s'y prendre pour convaincre les provinces?

De toute évidence, le Parti réformiste ne possède pas la réponse à ces questions parce que leurs arguments ne reposent pas sur la réalité, ce qui explique qu'ils sont presque entièrement faux. Leurs discours enflammés risquent de mener à la destruction de l'assurance-maladie, et nous ne voulons pas en arriver là.

Prenons l'exemple de cette motion. Lorsqu'il parle des contributions fédérales aux régimes provinciaux d'assurance-maladie, le député confond les pommes et les oranges, ce qui n'a rien de nouveau, puisqu'il le fait tout le temps.

(1100)

La part du financement des soins de santé, qui est prise en charge par le gouvernement fédéral, n'a jamais atteint la moitié du total des dépenses de santé des provinces. Au cours des années 60 et 70, du fait du partage des frais, la part du fédéral représentait, à l'échelle nationale, environ la moitié des dépenses provinciales au titre des soins médicaux et hospitaliers. Même à cette époque, les gouvernements provinciaux finançaient des programmes de santé dont le fédéral ne partageait pas les coûts.

Examinons quelques chiffres réels qui n'ont pas été inventés de toute pièce par le Parti réformiste. En 1975-1976, après la mise en place de l'assurance-maladie, la contribution du fédéral, à l'échelle nationale, s'élevait à 39 p. 100 du total des dépenses de santé des provinces. En 1992-1993, la contribution fédérale, soit la somme des transferts pécuniaires aux provinces en matière de santé, représentait 32 p. 100 du total des dépenses des gouvernements provinciaux dans ce domaine.

Une autre façon d'appréhender les chiffres est de considérer la part fédérale dans l'ensemble des dépenses du pays dans le domaine de la santé. À cet égard, la part fédérale est passée de 31 p. 100, qu'elle était en 1975-1976, à 24 p. 100, en 1992-1993.

[Français]

Permettez-moi de répéter ici, car j'ose espérer qu'à force de répéter, les réformistes comprendront. Dans sa façon d'envisager les contributions fédérale aux régimes d'assurance-maladie provinciaux, le chef du Parti réformiste mélange les pommes et les oranges. La partie du fédéral, dans le financement des soins de santé, n'a jamais couvert 50 p. 100 de l'ensemble des dépenses des gouvernements provinciaux au chapitre de la santé.


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À la suite des ententes de partage des coûts conclues dans les années 1960 et au début des années 1970, l'apport fédéral à l'échelle nationale équivalait à environ 50 p. 100 des dépenses provinciales, seulement pour les soins hospitaliers et médicaux. Même à cette époque, les gouvernements provinciaux finançaient des programmes de santé dont le gouvernement fédéral ne partageait pas les coûts.

Regardons maintenant de près les données réelles, pas celles qui sont inventées de toutes pièces par le Parti réformiste. En 1975-1976, après l'entrée en vigueur de l'assurance-maladie, la contribution fédérale au niveau national correspondait à 39 p. 100 des dépenses provinciales totales au chapitre de la santé. En 1992-1993, la contribution fédérale, c'est-à-dire la somme de la contribution en espèces et des transferts fiscaux aux provinces pour la santé, représentait 32 p. 100 des dépenses.

[Traduction]

Ce sont là des chiffres réels et officiels. Ce devraient être les chiffres du Parti réformiste, puisqu'ils correspondent aux faits.

Il y a également le fait que ce sont les provinces qui administrent le régime de soins de santé. Je tiens à rappeler à la Chambre ce que j'ai dit à ailleurs. Les provinces et les territoires maîtrisent bien les coûts, mais, historiquement, les coûts des systèmes de santé provinciaux ont augmenté de façon moins contrôlée. C'est en partie parce que la part fédérale des dépenses de santé a diminué avec les années. Si les coûts des soins de santé avaient augmenté au rythme moyen enregistré dans les pays membres de l'OCDE, la part fédérale serait bien supérieure.

Les dépenses du secteur public sont bel et bien maîtrisées. Notre problème de contrôle des coûts réside dans le secteur privé. Alors dites-moi: Pourquoi nous orienterions-nous davantage vers le secteur privé, ce qui aurait pour effet de faire grimper encore les coûts puisqu'ils seraient moins bien contrôlés?

En 1993, le Canada a consacré 72 milliards de dollars aux soins de santé. Ce montant représente 10 p. 100 de notre produit intérieur brut. Les députés ne sont pas sans savoir que, après les États-Unis, c'est le Canada qui affiche les dépenses de santé les plus élevées du monde industrialisé.

Il y a assez d'argent dans le système. Il s'agit de savoir comment nous pouvons mieux dépenser l'argent disponible. Sur les 72 milliards de dollars qui ont été dépensés en 1993, quelque 52 millions de dollars ont été consacrés au financement des services de santé publique, tandis que le reste, soit 20 milliards de dollars, est allé au secteur privé de la santé. Récemment la proportion des dépenses publiques a augmenté de moins de 2 p. 100. Pendant ce temps, les dépenses du secteur privé ont plus que triplé.

(1105)

Le secteur public, un système à payeur unique, a permis aux provinces et aux territoires d'exercer un meilleur contrôle sur le rythme de croissance de ses dépenses de santé. Le rapport de 1993 de la Banque mondiale sur le développement mondial fait ressortir les avantages de la rentabilité et de la maîtrise des coûts dans le secteur public de la santé, et je cite: «De façon générale, les pays de l'OCDE qui ont mieux maîtrisé les coûts sont ceux dont le gouvernement exerce un meilleur contrôle sur les dépenses de santé et dont la part du secteur public est plus grande par rapport au total des dépenses.»

L'examen effectué par l'OCDE sur la réforme de la santé et le développement au Canada a également reconnu l'avantage d'une participation importante du secteur public dans le domaine de la santé. Voici ce que l'OCDE a signalé, en 1993, dans le cadre de son enquête économique sur le Canada: «Le système canadien, financé par l'ensemble de la population, favorise un contrôle et une gestion de l'offre efficaces. Il semble que les problèmes du système actuel ne soient pas attribuables au fait qu'il s'agit d'un régime public.»

En ce qui concerne les dépenses de santé en 1994, des prévisions très préliminaires que mes fonctionnaires ont établies montrent que les dépenses publiques dans le domaine de la santé ont baissé, dans l'ensemble, d'environ 1 p. 100 en 1994, alors que les dépenses privées se sont accrues dans à peu près la même proportion qu'en 1993. En vertu de ces hypothèses, les dépenses de santé totales, en 1994, ont été d'environ 73 milliards de dollars pour une augmentation globale de moins de 1 p. 100, ou 600 millions de dollars environ. En pourcentage du PIB, les dépenses totales dans le domaine de la santé ont probablement baissé d'environ 9,7 p. 100 en 1994.

Il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles nous avons mieux réussi à contrôler les coûts de la santé dans le secteur public que dans le secteur privé.

[Français]

Nous avons, dans chaque province, une organisation qui fournit une protection d'assurance uniforme à chaque citoyen. Il n'est donc pas nécessaire d'évaluer le risque individuel. Le mécanisme de paiements des fournisseurs est très simple et efficace. Le financement du système est simplifié; tout contribue à réduire les coûts. Il en résulte que les chercheurs à l'Université Harvard ont constaté que le Canada ne consacre que 1,1 p. 100 de son Produit national brut à l'administration des soins de santé.

Si nous consacrions autant d'argent que les États-Unis à l'administration, les dépenses pour les soins de santé augmenteraient de 18,5 milliards de dollars. Les États-Unis dépensent presque deux fois et demi plus que nous à ce chapitre. Rien ne prouve non plus que dépenser plus améliorerait la santé.

La deuxième raison pour laquelle nous sommes plus en mesure de contrôler les coûts, c'est qu'il n'y a qu'un seul acheteur dans nos régimes d'assurance provinciaux. Les gouvernements ont un énorme pouvoir de négociation pour fixer les coûts de service. Ils peuvent imposer des budgets globaux pour les hôpitaux et les services de médecins. Et c'est effectivement ce qu'ils ont fait. À preuve, les chiffres que j'ai cités.

[Traduction]

En tant que ministre de la Santé, je souhaite que les Canadiens continuent d'avoir accès à des soins de très haute qualité qui soient abordables. C'est pourquoi, en collaboration avec mes collègues des provinces et des territoires et les autres secteurs intéressés, je m'attaque à tout ce qui fait augmenter les coûts dans les secteurs public et privé de santé. Voilà pour ce qui est de la première partie de la motion des réformistes.

Permettez-moi de m'attarder maintenant sur la deuxième partie qui demande d'énumérer les services essentiels. Il y a un accord remarquable entre les provinces à cet égard. Elles s'entendent largement sur ce qu'on entend par des services médicaux et hospitaliers assurés essentiels. On constate certaines différences d'une province à une autre, mais cela ne fait


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que montrer que les provinces ont la latitude voulue pour offrir un éventail d'avantages supplémentaires à leurs habitants. Il n'y a rien de mal là-dedans. C'est l'un des points forts de notre système, un système caractérisé par un excellent consensus sur ce qui constitue des services essentiels ou nécessaires sur le plan médical.

La liste des services qui doivent être assurés doit comporter une certaine souplesse. En effet, la façon dont nous offrons les soins de santé et les possibilités qu'offrent les nouvelles technologies font qu'on doit prévoir des modifications au fil des ans. Il n'y a pratiquement aucun service qui ne s'impose pas sur le plan médical.

(1110)

Ainsi, on peut juger que la chirurgie plastique est une procédure médicale nécessaire lorsqu'elle sert à corriger un trouble médical. On considère la reconstruction d'un nez pour remédier à des problèmes de respiration comme de la chirurgie plastique, mais il est évident que c'est une procédure médicale nécessaire.

Je pourrais également vous parler de l'ablation de lésions cutanées mineures, lorsqu'il y a un risque de cancer, ou de l'ablation d'un tatouage dans le cas de prisonniers de guerre ou de victimes de mauvais traitements.

Dans l'ensemble, au Canada, nous laissons aux professionnels de la santé, et non aux bureaucrates, le soin de définir ce qui est nécessaire sur le plan médical. Cette décision est prise à l'endroit où le service est offert. C'est ce que prévoit la Loi canadienne sur la santé. On tient compte des besoins médicaux du patient et non de ses moyens financiers. C'est ainsi que cela devrait se passer. Ce n'est que juste.

Les Canadiens ne veulent pas d'un régime de santé payant, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, où des compagnies d'assurance disent aux médecins quels soins ils couvrent et ce que ces médecins peuvent faire ou ne pas faire pour leurs malades. Parlons-en de la liberté dans les cliniques de santé!

C'est une des principales raisons pour lesquelles un grand nombre de médecins qui quittent le Canada pour exercer aux États-Unis reviennent au pays.

Le Parti réformiste préconise une administration publique moins imposante, une bureaucratie moins lourde. Je trouve donc étrange qu'il propose un processus qui alourdirait en fait la bureaucratie. Il ne fait aucun doute qu'une liste des services médicalement nécessaires ou essentiels entraînerait plus de paperasserie.

La nécessité des soins médicaux fait partie intégrante du fonctionnement de la Loi canadienne sur la santé. Elle est au coeur du principe de l'intégralité.

Dans la Loi canadienne sur la santé, les termes «services médicalement nécessaires» sont utilisés conjointement à d'autres conditions, de sorte que, lorsqu'on a déterminé qu'un service était médicalement nécessaire et couvert par des régimes provinciaux d'assurance-santé, il est accessible à des conditions uniformes à tous les résidants d'une province et aussi lorsqu'ils voyagent dans une autre province.

On peut donc dire que ces services constituent des droits accordés aux Canadiens, droits que la Loi canadienne sur la santé vise à protéger. Les Canadiens s'attendent à bénéficier de services médicalement nécessaires sans devoir payer des droits. Ils ont raison de s'attendre à cela. Il est donc inacceptable d'exiger des droits d'admission pour les services médicalement nécessaires qui sont assurés dans les cliniques privées et c'est la raison pour laquelle j'ai pris des mesures pour régler ce problème en janvier.

Une liste rigoureuse des services médicalement nécessaires favoriserait l'apparition d'un deuxième niveau de soins de santé. Elle favoriserait la privatisation et aurait pour effet que le coût des soins devrait être assumé par des individus plutôt que par la société. Ce seraient donc les patients ou leurs employeurs qui paieraient.

Le Parti réformiste, qui prétend savoir ce qui est bon pour l'entreprise, devrait demander aux gens d'affaires ce qu'ils pensent de cette idée. Parlons-en à des propriétaires de petites entreprises, à des entrepreneurs indépendants-eux qui stimulent tellement la croissance économique de notre pays-qui ont tenté de se procurer de l'assurance-santé pour leurs employés. Ces gens savent à quel point cette assurance est déjà chère et ils se rendent bien compte de la différence que cela représenterait s'ils devaient assurer un plus grand nombre de services, ou des soins essentiels du point de vue médical.

Je demande aux réformistes, et surtout au député de Macleod, qui est lui-même médecin, de nous dire quels services ne sont pas, selon eux, essentiels du point de vue médical, quels services ne devraient plus être assurés pour être plutôt payés par les patients.

Même le premier ministre d'Alberta a été incapable de constituer une liste de ce que devraient être ces services. Le programme de notre gouvernement est d'envergure nationale et vise à faire le nécessaire pour renouveler notre régime de soins de santé, afin de le rendre plus efficace. C'est un programme qui vise à améliorer la santé des Canadiens, et non les revenus du programme.

La motion dont nous sommes saisis me fait dire que nous devons consulter les provinces. Depuis que je suis devenue ministre de la Santé, j'ai toujours dit clairement que je voulais travailler en collaboration avec les provinces et les territoires, et c'est ce que j'ai fait. J'ai rencontré mes homologues provinciaux. Je leur parle fréquemment, et nous en sommes venus à un consensus sur la nécessité d'appuyer les principes de la Loi canadienne sur la santé. L'auteur de la motion devrait peut-être consulter davantage de provinces qu'il ne l'a fait.

(1115)

Je suis prête à poursuivre cette collaboration. Notre prochaine rencontre régulière est prévue pour septembre. J'ai déjà dit aux provinces que je suis prête à les rencontrer plus tôt. Le gouvernement et moi ne manquons pas de bonne volonté quand vient le temps de collaborer avec les provinces, les territoires et d'autres intervenants pour faire en sorte que les Canadiens conservent le meilleur régime de soins de santé du monde.


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M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, la ministre a conclu ses observations en exprimant sa volonté de collaborer avec les provinces. Nous en sommes heureux. Cette collaboration est conforme à la Constitution et c'est la seule façon de corriger le système.

Elle a toutefois utilisé des mots regrettables, bien que ce soit sûrement par inadvertance, lorsqu'elle s'est demandé comment nous pourrons assujettir les provinces à des normes nationales si nous ne préservons pas le système actuel.

La ministre sait sûrement que la capacité de contraindre les provinces diminue à mesure que le fédéral réduit les transferts de fonds. Elle sait aussi qu'il est possible de faire observer des normes nationales sans coercition; par exemple, dans le domaine de l'éducation, la norme universelle prévoit la gratuité scolaire pour tous les Canadiens de moins de 16 ans. Cette norme nationale a été établie en l'absence d'une loi canadienne sur l'éducation ou de coercition de la part du gouvernement fédéral.

Parler d'assujettir les provinces à des normes nationales, sous prétexte qu'il y a moins d'argent, est totalement contraire à l'esprit du fédéralisme et à ce que la ministre a dit ensuite. La ministre pourrait-elle retirer ces paroles et reconnaître qu'elle ne voulait en aucune façon laisser entendre qu'il serait bon d'assujettir les provinces, ce qui serait une forme polie de chantage, à des normes nationales au chapitre de la santé?

Mme Marleau: Madame la Présidente, encore une fois, les réformistes n'ont pas écouté ce que j'ai dit. Je leur ai demandé d'expliquer comment ils obligeraient les provinces à dresser une liste uniforme de services essentiels et je n'ai certes pas eu de réponse de leur part. Leur démarche descendante ne correspond pas tout à fait à ce dont je parle.

Le Parti réformiste nous présente un étonnant mélange de solutions. D'un côté, son chef a discouru longuement sur la nécessité de donner aux provinces une plus grande marge de manoeuvre, afin que les responsables des régions soient mieux en mesure d'assurer les services. D'autre part, son parti nous demande de collaborer avec les provinces pour adopter la ligne dure, pour ce qui est de la définition des services visés et de ceux qui ne le sont pas. Il y aurait donc une liste et il faudrait qu'une multitude de bureaucrates définissent les modalités. Le Parti réformiste ne peut jouer sur deux tableaux.

En passant nous tenons au respect de principes, pas de normes. La Loi canadienne sur la santé prescrit cinq principes fondamentaux, qui nous ont d'ailleurs très bien servis.

Le chef du Parti réformiste a tort de semer la peur en disant que notre système de santé va mal. Je reconnais que des modifications s'imposent et je dis que nous allons continuer d'y travailler, mais l'idée, c'est qu'il nous faut prévoir le système d'assurance-maladie de demain. Les provinces, de concert avec le gouvernement fédéral, travaillent justement en vue de tirer profit des nouvelles technologies et de veiller à ce que l'argent que nous consacrons à la santé soit dépensé pour ce que nous avons le plus besoin.

Le changement est difficile. Le fait d'augmenter les fonds n'améliorera pas les choses. Notre système finira par ressembler à celui des États-Unis. C'est précisément ce que préconise le Parti réformiste.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Madame la Présidente, la ministre a parlé longuement de notre recommandation de définir en quoi consistent les services essentiels. Elle a dit qu'il s'agissait d'une abominable machination à laquelle on n'a jamais pensé ou dont on n'a jamais entendu parler auparavant au Canada.

(1120)

Pourrait-elle m'expliquer ce que le premier ministre du pays a voulu dire peu après la présentation du budget lorsqu'il a déclaré à l'émission de Peter Gzowski que nous devions faire un retour aux principes de base dans notre régime de soins de santé? Je ne le cite pas textuellement, mais la citation est assez fidèle.

La ministre de la Santé pourrait-elle m'expliquer à quoi le premier ministre faisait allusion quand il a dit que nous essayons d'en faire trop avec les fonds publics? Ce n'est pas une question que la ministre devrait pouvoir éluder. Elle est bien directe et requiert une réponse aussi directe.

Mme Marleau: Madame la Présidente, le premier ministre siège à la Chambre depuis 32 ans. Il n'a pas de leçon à recevoir du Parti réformiste concernant le régime d'assurance-maladie. Je vais être bien claire. Il était ici lorsque le régime national de soins de santé a été institué. Il en a observé l'évolution et les meilleurs résultats. C'est pourquoi il en est un si ardent défenseur. C'est cela dont nous parlons.

Le député de Macleod parle de services essentiels ou de services médicalement nécessaires et recommande d'en dresser la liste; ce sont certainement des choses dont il a déjà été question. Le premier ministre de l'Alberta en parle tout le temps, mais il n'a pas réussi à en proposer une liste.

Je comprendrais que le député de Macleod soit d'accord, puisqu'il est après tout médecin ou a exercé la médecine à un moment donné de sa vie. Ne croit-il pas qu'il serait bien préférable pour le médecin, le praticien, de prendre ce genre de décision quand il a affaire à un patient? En effet, il a le problème sous les yeux et il sait ou devrait savoir quels soins médicaux sont nécessaires.

Avec l'aide du Conseil de recherches médicales et de plusieurs autres organismes, nous nous proposons d'examiner les résultats d'après les cas particuliers. Nous savons qu'il se pratique de nombreuses interventions qui sont peut-être dénuées de toute valeur réelle. On ne devrait plus pratiquer de telles interventions. Nous devons effectuer beaucoup plus de recherches dans ce domaine; il s'en fait déjà beaucoup présentement, et nous continuerons d'en faire. Nous espérons établir des lignes directrices en matière clinique de sorte qu'on puisse disposer de façons assez uniformes de déterminer les soins médicaux à prodiguer.


11855

Quand on constate qu'il se pratique beaucoup plus d'hystérectomies dans une région que dans une autre dont la composition démographique est essentiellement la même, il y a quelque chose qui ne va pas. Nous allons effectivement tâcher de remédier à certains de ces écarts très sérieux. Cela ne veut pas dire que nous devrions avoir une liste très précise de soins à prodiguer. Je crois toujours que c'est aux patients, avec leur médecin, qu'il appartient de déterminer les soins médicaux qui s'imposent.

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Madame la Présidente, j'ai une question pour la ministre de la Santé. Les Canadiens font face à un dilemme fondamental: l'État manque d'argent pour financer le régime d'assurance-maladie tel que nous le connaissons, mais tout le monde tient à préserver le régime.

Comment, dans un climat d'austérité, devons-nous réaménager les recettes fiscales pour affecter davantage de ressources à l'assurance-maladie? Une bonne partie du pro-blème réside non pas dans le régime lui-même, mais dans le contexte financier où il doit s'appliquer.

La ministre peut-elle décrire plus clairement le climat financier général qui influe sur le régime et l'issue du dilemme? Comment pouvons-nous combler les lacunes de plus en plus graves dans le financement de l'assurance-maladie? Il s'agit d'un problème national. Que fait le gouvernement fédéral à ce sujet?

Mme Marleau: J'ai dit et je répète que les ressources financières sont suffisantes. Il y a cependant des domaines où nous devons établir des priorités. Le régime d'assurance-maladie est une priorité aussi bien pour le gouvernement fédéral que pour la plupart des gouvernements provinciaux. Ils doivent prendre leurs décisions d'ordre financier en fonction de leurs priorités.

Pour notre part, nous le faisons. Nous tâchons de remettre de l'ordre dans notre situation financière, car nous savons que certaines mesures s'imposent si nous voulons protéger les programmes sacrés qui définissent notre identité.

(1125)

Le régime d'assurance-maladie est l'un de ces programmes. Il est une caractéristique distinctive des Canadiens et il traduit les valeurs de compassion et de partage qui nous ont aidés à bâtir notre grand pays. Nous allons continuer d'appuyer ces valeurs extrêmement solides.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Madame la Présidente, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à cette Chambre, afin de débattre de la motion déposée par nos collègues du Parti réformiste et qui traite du système de santé au Canada. Bien que nous reconnaissions et que nous dénoncions le désengagement unilatéral du gouvernement fédéral dans le paiement des services de santé au Canada, le Bloc québécois ne peut donner son appui à cette motion.

Il est vrai que le gouvernement fédéral se comporte en Judas quant au financement du service de santé, en reniant ses engagements pris au point de départ avec les provinces. Il est vrai qu'en continuant d'imposer ses normes dans un champ de juridiction provinciale, tout en refusant d'en payer les coûts réels, le gouvernement fédéral agit comme le beau charmeur qui invite à dîner mais qui file sans payer la note. Aussi, sommes-nous d'accord avec nos collègues du Parti réformiste pour dénoncer haut et fort le désengagement financier honteux de l'actuel gouvernement au sein des programmes de santé.

Poursuivant ainsi l'oeuvre qu'il décriait à l'époque, amorcée par le précédent gouvernement conservateur, l'actuel gouver-nement propulse inexorablement partout au Canada l'avènement d'un système de santé à deux volets et à deux vitesses. Voici le résultat tangible de ces coupures sombres, unilatérales et insidieuses effectuées dans les paiements de transfert aux provinces pour les programmes établis. Toutefois, il ne saurait être question pour le Bloc québécois d'appuyer une motion proposant que le gouvernement fédéral s'ingère dans la détermination des services essentiels et non essentiels, alors qu'il s'agit d'une prérogative relevant exclusivement de la compétence du Québec et des provinces.

L'établissement d'un protocole national de services essentiels attaque la reconnaissance de la compétence des provinces, quant à la détermination des soins qu'elles jugent nécessaires à la santé des populations qu'elles desservent directement. L'autre raison de notre opposition concerne la porte béante que le Parti réformiste propose d'ouvrir au système de santé privé. Bien que les coupures fédérales dans le financement du système public de santé au Canada soient à l'origine de la prolifération des cliniques privées d'un océan à l'autre, le Bloc québécois ne peut cautionner l'avènement d'un double système, l'un dédié aux pauvres, l'autre réservé aux riches.

Il y a beaucoup de supercherie dans l'attitude et le double langage qu'entretient le gouvernement actuel, quant à la gestion et le financement du système de santé au Canada. Il est clair pour moi que le fédéral n'a plus les moyens de ses ambitions, quant à la gestion du système de santé. Le problème, c'est qu'il ne le dit pas avec franchise, en étant honnête avec le contribuable, puisqu'en coupant ses dépenses de façon unilatérale dans un champ de compétence qu'il s'est jadis approprié, le gouvernement fédéral refile la responsabilité des mauvaises nouvelles aux provinces. Grâce à lui, dit-il, nous avons le meilleur service de santé au monde, mais il ne paie plus en conséquence des normes qu'il impose et de la fiscalité qu'il s'est appropriée pour en défrayer les coûts réels.

Aussi, il ne faut pas s'étonner de la déconstruction du système de santé, due principalement au désengagement financier du fédéral. Mais cela, il faudrait que le gouvernement soit honnête et le dise clairement aux contribuables, plutôt que de tenter de camoufler toute cette situation dans le terrible faux-fuyant que sera le nouveau Transfert social canadien. Il faudrait cesser de prendre des vessies pour des lanternes et cesser de faire croire au monde que le total pourrait être plus avantageux que la somme des parties.

Lorsque le total des paiements de transfert diminue dans le Transfert social canadien, c'est qu'il y a moins d'argent pour l'éducation, moins d'argent pour l'aide sociale et moins d'argent pour la santé. Il faudrait être naïf pour croire que cette nouvelle façon de faire permettra, comme le pense la ministre de la Santé, de sauvegarder tel quel le système de santé canadien, sans entorse majeure à ses principes.


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(1130)

Le gouvernement a décrété dans son dernier Budget une série de mesures qui compromettent la survie de nos programmes sociaux. L'ordre de grandeur des coupures dans les transferts aux provinces est de 7 milliards de dollars, 7 milliards de déficit pelletés dans la cour des provinces.

Ces nouvelles coupures dans les transferts aux provinces s'ajoutent à toutes celles effectuées de façon unilatérale au cours des dernières années, exercice tant décrié par les membres du gouvernement qui formaient alors l'opposition officielle. Il faut rappeler qu'entre 1977 et 1994, la part du fédéral dans le financement des programmes sociaux, santé, éducation et aide sociale, est passée de 47,6 p. 100 à 37,8 p. 100. Le dernier Budget nous confirme une baisse draconienne de la part du financement du fédéral qui atteindrait 28,5 p. 100 d'ici deux ans.

Après tant d'années de délestage sur le dos des provinces, le gouvernement fédéral ne comprend toujours pas que les coupures dans les transferts aux provinces ne contribuent en rien à résoudre le problème financier auquel sont confrontés tous les gouvernements au Canada. En imposant les doubles juridictions dans des domaines que sa propre Constitution ne lui reconnaît pas, le gouvernement fédéral empêche toute véritable solution de la crise des finances publiques au pays, autant sa propre crise que celles qui affligent les provinces.

Il est clair que nous assistons au démantèlement, au naufrage de notre programme de santé tel que nous l'avions connu jusqu'à maintenant. L'essence même de la motion que nous étudions aujourd'hui en témoigne. Elle confirme également les sombres conclusions de la dernière conférence des ministres provinciaux de la Santé tenue à Vancouver au début du mois.

Nous savons tous que le Québec et les provinces sont confrontés à une augmentation vertigineuse des coûts du régime de la santé. Cette croissance est principalement due aux facteurs suivants: le vieillissement de la population, les nouvelles technologies médicales plus coûteuses et une hausse appréciable des dépenses en produits pharmaceutiques.

À l'intérieur du dernier Budget, comme ce fut le cas dans les budgets précédents par le gel des paiements de transfert, le gouvernement annonce des coupures substantielles dans les transferts au Québec et aux provinces pour la santé. Peu importe que ces transferts se joignent à d'autres pour ne former qu'une seule enveloppe nommée Transfert social canadien, l'effet sera le même: il y aura moins d'argent pour la santé et le gouvernement compromet ainsi la survie des fondements de notre système de santé.

Personne dans cette Chambre ne peut nier l'émergence partout au Canada des transformations radicales à notre système de santé tel que nous l'avons connu. L'évidence d'un système de santé à deux volets et à deux vitesses n'est plus de l'ordre des simples prévisions, elle est de l'ordre de la réalité.

J'en veux pour preuve les dernières déclarations du premier ministre qui introduisait en douce, en catimini, la nouvelle notion d'assurer aux Canadiens uniquement les services fondamentaux, ou services de base, en matière de santé. En parlant lui-même de normes minimales essentielles qui ne sont pas précisées ni déterminées, le premier ministre se rend à l'évidence de ce qui émerge de partout au Canada, soit un système de santé à deux volets et à deux vitesses.

Les soins de santé à deux volets se confirment par cette tendance bien ancrée dans le système qui, à moins de revirements spectaculaires, deviendront la norme. D'un côté, il y aura le service de base couvert par l'assurance-maladie et de l'autre, il y aura le service complet spécialisé où on aura recours au ticket modérateur, à l'assurance privée ou à toutes autres méthodes de financement.

Le système de santé à deux vitesses est déjà, quant à lui, bien en place partout au Canada: le service public lent pour ceux qui n'ont pas les moyens de payer et un service privé rapide pour ceux qui n'ont pas les moyens d'attendre, mais qui ont les moyens de payer des honoraires en clinique privée.

Lors de son discours sur le Budget, le ministre des Finances déclarait solennellement, et je cite: «Les conditions prévues dans la loi canadienne seront maintenues. Pour notre gouvernement, il s'agit de principes fondamentaux.» Le gouvernement maintient l'imposition des normes nationales, mais du même souffle, coupe dans les moyens financiers pour les maintenir.

(1135)

C'est le piteux double langage: nous voulons aller au ciel mais personne ne veut mourir. Aux provinces de s'organiser. Et cela, on tente de nous le vendre comme étant du fédéralisme flexible.

Comment ce gouvernement peut-il encore imaginer et soutenir que les provinces réussiront à maintenir les mêmes services de santé auprès de la population? Comment le Québec et les provinces réussiront-ils à appliquer les cinq grands principes de la Loi canadienne sur la santé que leur impose Ottawa, alors qu'il vient pelleter dans leurs cours des milliards de dollars de déficit par voie de coupures dans les programmes sociaux?

Le gouvernement devrait faire preuve de courage et donner l'heure juste à ses concitoyens et concitoyennes en leur disant: malheureusement, compte tenu de nos erreurs passées, principalement à l'heure des budgets Chrétien et Lalonde, nous n'avons plus les moyens de maintenir notre système de santé tel que nous le connaissons. Au contraire, ce gouvernement trompe la population lorsqu'il lui cache le naufrage qui guette les programmes de santé, conséquence de toutes ces années de mauvaise gestion, d'éparpillements dans les compétences provinciales et de gaspillage, en utilisant son pouvoir de dépenser pour centraliser et unifier.

Les contribuales québécois et canadiens confient au gouvernement fédéral des sommes importantes dont une portion a été toujours été destinée aux soins de santé en vertu de l'entente de 1977. Le problème, c'est que depuis 12 ans, le gouvernement fédéral ne retourne plus aux provinces la portion due, et détourne donc les fonds destinés à la santé. En lieu et place, ce qu'il


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transfère aux provinces, c'est son déficit, conséquence de son incapacité à contrôler ses dépenses. Le gouvernement fédéral doit être sensible et surtout conscient qu'en augmentant le fardeau fiscal des provinces, un système de santé à deux volets voit le jour.

Nous croyons dans les grands principes de l'universalité, de l'intégralité, de l'accessibilité, de la transférabilité et de l'administration publique du régime de santé. Ce que nous constestons, c'est que ces cinq grands principes soient sérieusement menacés dans toutes les provinces et au Québec, par l'incapacité même du gouvernement fédéral à respecter ses engagements.

La baisse ou le gel des transferts fédéraux compromettent notre système de santé. Lors de l'adoption de la Loi sur le financement des programmes établis, 45 p. 100 des dépenses de santé devaient transiter par Ottawa. Toutefois, avec la crise économique du début des années 1980 et la situation catastrophique des finances publiques du gouvernement fédéral, ce dernier a entrepris des opérations de désengagement unilatéral, si bien qu'en 1997, la part des transferts fédéraux dans les dépenses aura chuté de moitié. Ce désengagement financier, qualifié à maintes reprises d'inacceptable, d'injuste et d'incohérent par le gouvernement québécois, ne fut aucunement suivi par une réduction de l'interventionnisme d'Ottawa qui, en plus de maintenir les normes nationales, intervient via des programmes parallèles, créant ainsi des problèmes coûteux de chevauchement.

Il en résulte des pressions constantes visant l'introduction du ticket modérateur et autres formes de facturation, la désassurance de certains services, l'impôt-service sur les médicaments, des fermeture et de fortes compressions budgétaires pour les centres hospitaliers ainsi que des listes d'attente indécentes dans plusieurs secteurs.

Ainsi, les fondements de notre système de santé, soit la gratuité, l'universalité et l'accessibilité sont compromis. Que pense madame la ministre quant au désengagement financier de son gouvernement et des durs effets causés dans les ministères provinciaux de la santé? Je crois que la ministre, si elle est le moindrement à l'écoute de ce qui se passe dans son propre ministère, va être parfaitement consciente de la gravité des conséquences envers notre système de santé. Elle les voit sûrement pousser de partout les brèches dans le système qui nous conduit, de toute évidence, vers un système à double volet et à double vitesse.

Depuis que l'honorable ministre a pris la tête de ce ministère, elle répète inlassablement que le système de santé canadien est le meilleur au monde, et qu'elle a tellement à coeur la santé des Canadiens, que jamais elle ne sacrifiera les cinq grands principes de la Loi canadienne de la santé.

La réalité est toute autre. Si elle ne sacrifie pas, comme elle le prétend, les cinq grands principes de la Loi canadienne sur la santé, son collègue aux finances, lui, ne se gêne pas pour le faire.

(1140)

C'est le ministre des Finances qui, en mettant la hache dans le financement des programmes établis, passe au scalpel le système de santé, principes ou pas. On a beau soutenir et jurer son attachement aux principes d'une loi, si on ne paie pas pour les maintenir, qu'advient-il? Les principes s'estompent, les uns après les autres, tranquillement mais sûrement.

J'admets volontiers que la ministre de la Santé soit attachée aux principes qui jadis ont guidé la mise en place de ce qu'elle se plaît à qualifier invariablement de meilleur système de santé au monde. Je crois par contre que cet attachement, si grand soit-il, n'a pas fait le poids dans les décisions budgétaires. Il faut reconnaître que Mme la ministre a lamentablement échoué dans la défense des crédits nécessaires au bon fonctionnement du système de santé.

En réalité, la ministre de la Santé a abdiqué devant ses responsabilités. Au Budget de 1994, elle annonçait en grandes pompes la tenue du Forum national sur la santé promis dans le livre rouge et que devait présider nul autre que le premier ministre. Le système de santé, disait-on, serait épargné jusqu'au moment où les conclusions de cette vaste consultation seraient connues. Or, si la ministre de la Santé a été capable de conduire son forum qui devait avoir réponse à tout, son collègue des Finances, lui, n'a pas traîné ni non plus lésiné sur les moyens à prendre: au diable le forum, au diable les consultations, au diable les réformes, voilà le remède, on coupe partout aveuglément, uniformément et unilatéralement.

La ministre de la Santé qui doit voir la même chose que nous partout au Canada, système à deux volets et à deux vitesses, devrait avoir le courage de se lever en cette Chambre et dénoncer les coupures unilatérales de son gouvernement.

Il est faux de prétendre que les services aux usagers vont demeurer les mêmes. Il est faux de prétendre que les provinces, à qui on refile la patate chaude du déficit fédéral, vont accomplir des miracles avec des moyens rapetissés comme une peau de chagrin. La ministre devrait être d'accord avec cette analyse puisqu'elle reflète sa propre interprétation livrée en cette Chambre le 9 mars 1992, alors qu'elle était députée de l'opposition.

Ce qu'il nous faut constater, c'est que la conduite actuelle du gouvernement en perpétuant les erreurs passées mène directement à la position défendue par le Parti réformiste, c'est-à-dire à une double mécanique du système de santé, en partie public et en partie privé. La différence, c'est que le Parti réformiste le fait directement, ouvertement, en proposant une motion en ce sens. Le gouvernement, lui, le fait de façon sournoise et hypocrite en refusant de voir la réalité en face et d'admettre qu'il n'a plus les moyens de ses ambitions.

S'il n'a plus les moyens de ses ambitions, c'est qu'il n'a pas la volonté de couper ailleurs dans ses dépenses et de revoir ses politiques fiscales. Le gouvernement préfère sacrifier la santé, alors qu'il n'hésite pas une seconde à maintenir des dédoublements improductifs et coûteux, à maintenir les fiducies


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familiales ou à payer de riches aménagements de suites ministérielles, à titre d'exemple.

Que ce soit avec la méthode du gouvernement, ou que ce soit selon le modèle proposé par le Parti réformiste, le Bloc québécois ne peut appuyer la destruction du système de santé. Selon nous, si le gouvernement fédéral n'a plus les moyens de patauger dans ce domaine de juridiction provinciale, il devrait carrément s'en retirer en libérant, en faveur des provinces, le champ fiscal conséquent à son retrait. Au moins, il y gagnerait toutes les dépenses administratives de ses programmes qui doublent les programmes provinciaux similaires. Le fédéral, comme les provinces, y gagnerait, et en bout de piste, les citoyens qui, invariablement, en obtiendraient plus avec le même argent.

L'échec du système de santé est le miroir de l'échec du fédéralisme centralisateur. Ce système de santé ne peut plus être le grand projet unificateur canadien si cher au gouvernement actuel. Or, évitons les symboles que nous n'avons pas les moyens de payer, soyons réalistes et demandons au gouvernement fédéral qu'il cesse de vouloir imposer sa vision utopique d'un Canada égalitaire et qu'il se retire des champs de juridiction et de taxation de compétence provinciale.

Voilà la position que nous défendons au Bloc québécois et qui nous conduit à rejeter cette motion.

(1145)

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Madame la Présidente, premièrement, je veux remercier la députée d'avoir participé à ce débat et d'avoir fait un discours ici, mais il y a une chose ou deux qui vous ont peut-être échappé dans mon discours. Premièrement, le Canada est le deuxième pays au monde au chapitre des sommes d'argent qu'il dépense globalement pour les services de soins de santé. Il n'y a pas un expert, pas un économiste nulle part qui dit qu'il faudrait dépenser encore plus d'argent. Pas un. On sait qu'on peut même faire plus avec moins.

Je dirais même que le ministre de la Santé de la province de Québec croit certainement à cela parce que, cette année même, il propose une réduction d'un demi-milliard de dollars, je crois que c'est 545 millions, au budget de dépenses pour la santé dans la province de Québec. Alors il doit lui aussi reconnaître que ce n'est pas de plus de dollars dont on a besoin dans le système de soins de santé, mais d'une meilleure gérance. Il faut dire ces choses-là parce que les paiments de transfert pour cette année ne sont pas réduits, même qu'ils sont augmentés.

En ce qui a trait à la Loi canadienne sur la santé, elle offre beaucoup de flexibilité aux provinces. En effet, elles ont toute la flexibilité qu'elles voudraient avoir, excepté pour empêcher des frais d'utilisation, des frais modérateurs pour les soins hospitaliers et les soins médicaux.

Je pense que cela est important et que les Canadiens et Canadiennes apprécient que la Loi canadienne sur la santé puisse les aider, surtout lorsqu'ils sont malades.

Vous avez parlé de dédoublement. Laissez-moi vous dire qu'en ce qui a trait à la Loi canadienne sur la santé, le gouvernement fédéral emploie 25 personnes pour l'administrer. Vous appelez cela du dédoublement. Moi, je trouve qu'on fait encore assez bien les choses parce qu'on travaille de très près avec les provinces pour s'assurer qu'il n'y a pas de dédoublement, surtout dans le domaine de la santé.

Vous avez dit bien des beaux mots, mais je voudrais savoir ceci : Premièrement, est-ce que le Bloc québécois appuie les principes de la Loi canadienne sur la santé ou est-ce qu'il veut voir un système à deux paliers? Est-ce qu'il veut voir des frais modérateurs? Qu'est-ce que le Bloc québécois propose exactement pour mieux faire les choses ou les faire de façon différente? Est-ce que le Bloc québécois ne reconnaît pas que la Loi canadienne sur la santé a très bien servi les Canadiens et Canadiennes et qu'il est absolument essentiel de se servir de ces valeurs pour bâtir le système de demain?

Mme Picard: Premièrement, madame la Présidente, j'aimerais remercier madame la ministre de ses questions.

J'aimerais lui rappeler ce que le Bloc québécois soutient. En 1977, il y avait eu des ententes avec les provinces quand on a adopté les cinq grands principes sur la Loi canadienne de la santé. Les ententes étaient que le gouvernement fédéral transférait les sommes d'argent dues aux provinces pour pouvoir administrer elles-mêmes le système de santé.

En ce qui concerne les coupures dont j'ai parlé tantôt et en ce qui concerne mon discours, j'aimerais rappeler à madame la ministre qu'elle n'a absolument rien compris de mon discours parce que j'ai toujours dit que le Bloc québécois soutenait les cinq grands principes de la Loi canadienne sur la santé. Là où on n'est pas d'accord, c'est quand on vient couper dans les paiements de transfert et qu'on demande aux provinces de faire mieux avec moins d'argent, quand on sait que la. . .

Une voix: Oh! Oh!

Mme Picard: Bien, justement, si vous n'aviez pas coupé dans les paiements de transfert, M. Rochon n'aurait pas été capable. . .

Des voix: Bravo!

Mme Picard: Madame la Présidente, je voudrais rappeler une intervention que madame la ministre a faite en 1992, et je cite: «La réduction des transferts dans ce domaine, la santé, n'a pas contribué à une meilleure gestion de notre système de santé. Nous avons littéralement refilé le fardeau de notre déficit aux provinces, leur disant qu'elles avaient le choix, augmenter les impôts ou réduire leurs services. Dans bien des cas, elles ont fait les deux.»

(1150)

Puis, toujours dans le même discours, la ministre indique: «La réduction des transferts dans ce domaine, la santé, n'a pas contribué à une meilleure gestion de notre système de santé. Elle n'a contribué qu'aux compressions et au développement du sentiment de crainte qui se répand maintenant chez les gens à revenu moyen de tout le pays et qui représentent la plus grande tranche de la population. Ils vivent dans la peur de ce qui leur arrivera dans l'avenir. Existera-t-il un système de santé pour eux? Pourront-ils obtenir les médicaments dont ils auront besoin


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à des prix abordables, lorsque viendra le moment opportun, c'est-à-dire lorsqu'ils atteindront un certain âge? Ils ont l'impression que le gouvernement fédéral se dérobe peut-être devant ses responsabilités en ce domaine.»

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, au cours de son intervention, la députée de Drummond a déclaré que le gouvernement fédéral utilise le régime d'assurance-maladie pour tenter de promouvoir l'unité du Canada. Elle devrait se rendre compte que le régime d'assurance-maladie n'est pas un instrument qu'on utilise pour tenter de promouvoir l'unité canadienne. C'est un instrument qui a contribué à l'unité canadienne et qui a fait du Canada le meilleur pays au monde.

La Loi canadienne sur la santé repose sur cinq principes: l'universalité, l'accessibilité, la transférabilité, la gestion publique et l'intégralité.

Auquel de ces cinq principes la députée s'oppose-t-elle? Pourquoi pense-t-elle que le régime d'assurance-maladie ne fonctionne pas?

[Français]

Mme Picard: Madame la Présidente, le Bloc québécois appuie les cinq grands principes de la Loi canadienne sur la santé. Je répète que là où nous ne sommes pas d'accord, c'est quand on vient pelleter le déficit dans la cour des provinces, en réduisant les paiements de transfert aux provinces qui, elles, font face à des augmentations de coûts de santé. On réduit les paiements et après cela, on leur demande de gérer le système de santé comme il devrait normalement l'être, comme la loi le stipulait en 1977.

Je ne veux pas d'un système à deux volets ou à deux vitesses, mais si ça continue comme ça, comme les provinces ne sont pas capables de le gérer à cause des coupures dans les paiements de transfert, elles vont être obligées de trouver un moyen pour être capable de desservir la population et de bien administrer le système de santé. C'est ce qu'on est en train de faire et on continue de couper et de couper encore. Ce qui arrive, c'est que dans le moment, il est mieux d'être riche et en santé que pauvre et malade.

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Madame la Présidente, il est malheureux que le discours du Bloc soit toujours le même: c'est toujours la faute du gouvernement. Comment se fait-il que le ministre de la Santé du Québec ait coupé 454 millions de dollars de son budget, alors même que le paiement de transfert du gouvernement fédéral ait augmenté? Il ne faut pas toujours jeter le blâme sur le dos du fédéral, parce qu'il y a des choix que les gouvernements provinciaux font eux-mêmes et le choix que le ministre et le gouvernement du PQ ont fait, c'est de couper dans la santé, sur le dos des pauvres, comme vous l'avez dit.

Mme Picard: Madame la Présidente, pourquoi le ministre de la Santé du Québec, M. Rochon, a-t-il été obligé de couper dans son administration pour être capable de continuer à gérer certains soins de santé? C'est qu'il y a un manque à gagner de 8 milliards de dollars.

Une voix: Voilà!

Une voix: Ça, c'est la vérité.

Mme Picard: Je vais vous dire qu'au chapitre des transferts en matière de santé, depuis 1982-1983, le Québec se verra, une fois de plus, privé par Ottawa d'un montant de 2,4 milliards de dollars d'ici 1997-1998. Avec l'augmentation des coûts de soins, l'augmentation des coûts des nouvelles technologies, on leur demande de faire plus avec moins. Comment les ministres de la Santé peuvent-ils être capables d'assurer le système avec les cinq grands principes, si on coupe dans les paiements de transfert, si on coupe dans les programmes sociaux? Je ne comprends pas que vos commettants, dans vos comtés, ne soient pas en désaccord avec cela. Vous venez de couper dans les programmes sociaux.

(1155)

[Traduction]

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Madame la Présidente, la question des soins de santé est trop importante pour être confiée aux dirigeants politiques.

Je voudrais citer le premier ministre, comme je l'ai fait tout au long de ce débat, au cours des périodes réservées aux questions et aux observations. Le premier ministre a dit publiquement à tous les Canadiens qu'il fallait revenir à l'essentiel. Je voudrais également citer les paroles de la ministre de la Santé qui a déclaré, au sujet de la Loi canadienne sur la santé, que le gouvernement allait faire respecter les dispositions de la Loi canadienne sur la santé, mais en se montrant très, très souple.

Je souscris entièrement à ces deux remarques sur les soins de santé. J'imagine que cette affirmation reviendra me hanter. On me rappellera que j'ai dit, un jour, que j'étais entièrement d'accord avec le premier ministre et la ministre de la Santé sur toutes les questions liées aux soins de santé. Je suis d'accord sur ces deux déclarations en particulier.

Je dis que la question des soins de santé est trop importante pour être confiée aux dirigeants politiques, mais comment ferais-je pour déterminer à qui elle devrait être confiée? Je rassemblerais cent élèves du secondaire à la Chambre, je leur ferais un discours, semblable à celui que je fais aujourd'hui, et je demanderais à la ministre de la Santé de faire de même. Ensuite, les élèves auraient à choisir en levant ou en abaissant leur pouce entre la proposition de la ministre de la Santé et la mienne. On respecterait une vieille tradition romaine. Les pages pourraient peut-être jouer ce rôle-là aujourd'hui.

Si le premier ministre, la ministre de la Santé et moi nous entendons aujourd'hui sur la question de la réforme de soins de santé-et sur ces grands énoncés qu'on n'avait pas entendus au Canada depuis bien des années-, sur quel point ne sommes-nous pas d'accord? Je vous avouerai, en toute honnêteté, que nous ne nous entendons pas sur les raisons pour lesquelles une réforme des soins de santé s'impose.

Je vais maintenant parler d'une enquête très récente de Statistique Canada sur les dépenses gouvernementales. Les chiffres que je cite ne sont pas ceux du Parti réformiste ou d'une source étrange; ils viennent directement de Statistique Canada.

En 1994-1995, le gouvernement fédéral dépensera pour le service de la dette 1 522 $ par Canadien. Quel montant dépensera-t-il par personne, au titre des soins de santé, la même année? Il dépensera??? 268 $. Voilà pourquoi nous prenons aujourd'hui la parole à la Chambre pour discuter de l'avenir de


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notre système de soins de santé. Quiconque prétend le contraire fait l'autruche, s'enfonce la tête dans le sable et est prêt à se faire plumer.

Les jeunes Canadiens n'accepteront plus ce genre d'inepties. Le fait que le gouvernement fédéral dépense 1 522 $ par personne pour le service de la dette porte un coup fatal aux 268 $ consacrés aux soins de santé.

Les réformistes cherchent des solutions précises et positives. Pour faire quoi? Pour sonner le glas des soins de santé? Absolument pas. Pour préserver ce programme social extrêmement précieux. Il y a un problème. Quelque chose mine les soins de santé.

À ce propos, je vais parler de la Loi canadienne sur la santé. La ministre de la Santé a dit qu'elle veut donner aux Canadiens l'assurance que la Loi canadienne sur la santé se porte bien et qu'elle pourra relever les défis de demain.

(1200)

J'ai trouvé une autre citation du Dr Steven Stern, d'Ajax, en Ontario. Il a dit ceci: «Nous devons reconnaître les difficultés financières qui accablent la plupart des provinces et qui ont rendu la Loi canadienne sur la santé désespérément désuète et admettre qu'il est parfaitement illusoire de vouloir fournir tous les services médicaux à tout le monde, tout le temps, sans jamais hausser les impôts de la classe moyenne.»

Je crois que le Canada a des ennuis de santé. À mon avis, la Loi canadienne sur la santé a besoin d'aide. Je crois que les Canadiens n'accepteront plus les beaux discours visant à diagnostiquer si la Loi canadienne sur la santé survivra.

Qu'est-ce qui ne vaut plus rien dans cette loi? Je vais parler des dispositions particulières de la loi qui laissent à désirer. Il y a tout d'abord la transférabilité. La loi garantit que le coût des services fournis aux Canadiens se trouvant à l'étranger sera remboursé selon le montant qui aurait été versé si la personne avait été malade au Canada. Cette garantie ne vaut plus rien. Les gens qui vont passer l'hiver en Floride et qui reviennent ensuite en Ontario sont remboursés au tarif de 100 $ par jour pour un séjour à l'hôpital. Il n'y a pas un hôpital au Canada qui puisse fournir des services coûtant 100 $ par jour. Le principe de la transférabilité ne vaut plus rien.

[Français]

Dans la belle province, Québec, il y a une provision à l'effet que chaque médecin ait droit à une certaine portion. Ici en Ontario, la portion n'est pas la même.

[Traduction]

La transférabilité ne vaut plus rien, et la ministre le sait. La ministre sait que la transférabilité prévue dans la Loi canadienne sur la santé diminue.

Accessibilité et accès raisonnable. Où en sommes-nous en ce qui concerne l'accès raisonnable garanti par la Loi canadienne sur la santé? Une entorse à ce principe est le fait que les Manitobains doivent attendre 60 semaines pour une arthroplastie de la hanche, alors que la norme est de 12 semaines. L'accès raisonnable prévu dans la Loi canadienne sur la santé est fini.

L'intégralité est un autre principe inscrit dans la Loi canadienne sur la santé. Qu'en est-il de la question de ce qui est nécessaire du point de vue médical? Des provinces décident unilatéralement d'enlever les bébés éprouvettes des soins nécessaires et d'y ajouter le changement de sexe. Il est peut-être discutable d'inscrire ces deux éléments sur la liste des soins nécessaires. C'est une décision arbitraire. Il en résulte que le régime national d'assurance-maladie manque d'uniformité.

Qu'en est-il de l'interdiction du ticket modérateur? Ce n'est pas un principe mais une des dispositions fondamentales de la Loi canadienne sur la santé.

J'ai dit, dans cette enceinte, à la ministre de la Santé-et ce que je vais dire n'est pas un cas propre uniquement à la province en cause-qu'il y avait un hôpital à Wolfville, en Nouvelle-Écosse, qui a été fermé. L'hôpital a fait valoir qu'il est trop important pour être fermé. La province a rétorqué qu'elle n'avait plus les moyens de le maintenir ouvert, mais que le personnel pourrait le faire. Comment pouvait-il le faire? En employant des infirmières bénévoles ainsi qu'en imposant des frais pour l'usage d'une seringue, l'anesthésie locale et les points de suture, de sorte que tous les patients qui viennent pour une lacération paient maintenant des frais. S'agit-il d'un ticket modérateur? Bien sûr que oui. S'agit-il de soins nécessaires du point de vue médical? Bien sûr que oui. Les habitants de Wolfville, en Nouvelle-Écosse, ont-ils le choix? Bien sûr que oui. Devraient-ils avoir le choix? Bien sûr que oui; c'est leur santé. Nous ne devrions pas laisser cette question aux politiciens.

(1205)

Enfin, ce que peu de personnes savent, la loi garantit aux praticiens qui fournissent les services une compensation raisonnable. Je sais que trois provinces ont rompu unilatéralement des ententes en bonne et due forme signées avec leurs médecins. Ceux-ci reçoivent-ils une juste compensation? La loi est bafouée, et cela n'a aucune répercussion.

Si c'est le cas-et je demande à la ministre de dire tout de suite à tous les Canadiens si mes affirmations sont inexactes ou fausses-, la ministre ne devrait-elle pas protéger cette loi des plus utiles? Je crois qu'elle le devrait. Sa réaction consiste pour le moment à en réinterpréter certains articles. Elle a redéfini les hôpitaux pour y inclure les cliniques privées. Elle a décidé que les cliniques semi-privées ne méritaient pas les fonds qu'elles recevaient. Nous pourrions discuter longtemps de cette question, mais pour moi, cela n'est pas du tout s'en prendre aux principes fondamentaux de la loi.

Nous avons examiné les dispositions sur le financement. J'entends les députés du Bloc dire que le gouvernement fédéral ne devrait pas réduire sa contribution. Dans mon esprit, il ne fait aucun doute que le gouvernement fédéral n'a pas le choix. Je ne pense pas qu'il y ait lieu de revenir en arrière et de justifier les décisions qui ont été prises. Le gouvernement fédéral n'a pas le choix.

J'ai écouté d'autres discours ronflants il n'y a pas longtemps, dans ma province, l'Alberta. Le premier ministre affirme que la Loi canadienne sur la santé n'autorise pas les services de santé


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privés. Je n'en reviens pas puisque près de 30 p. 100 des soins de santé dispensés au Canada le sont par le secteur privé.

J'ai demandé au premier ministre ce qu'il en était de l'hôpital Shouldice, en Ontario, qui se spécialise dans les hernies; des cliniques privées de chirurgie oculaire au laser; des cliniques de physiothérapie et de médecine sportive; de la chiropratique; de la chirurgie esthétique qui a été retirée de la tarification; des traitements au laser pour le ronflement, l'apnée du sommeil et la mauvaise haleine. Tous ces services sont accessibles en clinique privée tout près de la Chambre des communes, et il n'y a pas de place pour les soins de santé privés aux termes de la Loi canadienne sur la santé?

Nous avons actuellement au Canada un système de soins de santé à deux niveaux. Si nous ne tenons pas compte de la Loi canadienne sur la santé et si nous n'améliorons pas cette loi, nous verrons l'universalité disparaître complètement. Les 1 522 $ par personne versés pour le service de la dette étoufferont les 268 $ versés pour les soins de santé. Nous pourrons dire adieu au régime public de soins de santé, et ce sera une erreur.

Ce n'est pas une réponse qui vient de moi personnellement; je ne fais qu'expliquer la réponse de mes collègues. Ma réponse est que nous devrions donner aux Canadiens sensés la possibilité de choisir; après tout, la santé est leur plus précieuse ressource. C'est pourquoi j'alignerais ces 100 élèves du secondaire pour leur demander ce qu'ils en pensent.

Un journaliste m'a téléphoné l'autre jour et m'a dit: «Je vais vous demander ce que vous entendez par services essentiels parce j'ai posé la question à beaucoup d'autres personnes au Canada et nul ne veut me dire quels services ne feraient pas partie des services essentiels. Je sais que vous allez me le dire parce que vous, les réformistes, n'avez pas peur de dire les choses telles qu'elles sont.» J'ai eu l'occasion de lui énumérer certains des services que je supprimerais.

Je vais donner aux députés d'en face un exemple précis de service que je ne classerais pas parmi les services essentiels couverts par notre vaste régime public de soins de santé. Comme cela se fait déjà au Québec, mon exemple n'intéressera pas les députés du Bloc. Le Québec a décidé que la psychanalyse n'est plus couverte par le régime public de soins de santé. La psychanalyse est le traitement où le patient est étendu sur le lit et le psychiatre est assis à côté de lui et essaie de découvrir ce qui ne va pas dans sa tête. Cela peut durer des années, à raison d'une séance par semaine ou plus.

(1210)

Dans leur sagesse, les Québécois-et je les félicite de cette initiative-ont décidé que la psychanalyse n'est pas un service essentiel qui devrait être couvert par le régime public de soins de santé. La province paie pour la psychothérapie, qui est beaucoup mieux contrôlée et qui sert à traiter, par exemple, une personne qui souffre d'anxiété ou qui a des tendances suicidaires. On lui donnera peut-être des médicaments et elle pourra retourner au travail assez rapidement.

La psychothérapie en consultation externe est couverte, mais la psychanalyse ne l'est pas. Il faut un régime d'assurance privé ou payer de sa propre poche. Dans leur sagesse, les Québécois ont fait exactement ce que les réformistes proposent.

S'agira-t-il d'un lourd processus bureaucratique? Absolument pas. Ce sera un processus flexible. Voilà une question qui aurait pu et aurait dû être abordée au Forum national sur la santé.

Hier soir, j'ai écouté le discours de la ministre, un excellent discours, à la fois rigoureux et pondéré. Je l'en félicite. Elle a dit, en des termes différents, pratiquement ce que je suis en train de dire, c'est-à-dire que certains services que nous offrons aujourd'hui dans le domaine des soins de santé ne sont pas efficaces.

Elle a dit que nous devions examiner la question. C'est ce que nous faisons. Nous parlons de définir les services essentiels. Nous parlons d'examiner les services qui ne sont pas efficaces et de mettre à part les services discrétionnaires dont la protection peut être garantie par des sources privées, des assurances ou autres.

Nous ne sommes pas tellement loin de cela dans notre façon de voir les choses. Les discours peuvent nous en éloigner, mais notre façon de voir les choses se rapproche assez de cela. Qu'on les appelle services évidents, comme les appelle la ministre, ou services essentiels, comme je les appelle moi, il n'y a pas une grande différence.

Le Forum national sur la santé, qui réunit dans tout le pays des gens qui ont une grande expérience, pourrait et devrait se pencher sur la question.

Mon temps de parole approche rapidement de sa fin. Les députés de l'autre côté sont ravis. C'est honteux, car il s'agit d'un débat important sur un problème dont on n'a pas parlé depuis longtemps à la Chambre. Je serai déçu si les échanges à ce propos ne sont pas francs et ouverts.

Il y a, dans le domaine des soins de santé, d'autres problèmes que celui de la part du financement absorbée par le gouvernement fédéral. Il y a des problèmes de responsabilité et d'abus, des problèmes juridiques dans le système médical et aussi des problèmes sur le plan des coûts des médicaments au Canada.

Toutes ces questions méritent qu'on les examine ouvertement et attentivement. Certains de mes collègues vont parler d'autres mesures novatrices qui, selon nous, pourraient être avantageuses pour les soins de santé. Ils vont parler des changements qui ont peut-être déjà été apportés sur le chapitre du financement. Je demande à chacun de songer à ce qui arriverait si, au lieu de consacrer 1 522 $ par habitant au service de la dette, nous affecterions 268 $ par habitant aux soins de santé.

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Madame la Présidente, j'aimerais profiter de cette occasion pour remercier le député de Macleod. En écoutant son discours, je me suis rendu compte que, dans bien des cas, nos positions étaient beaucoup plus proches qu'il ne le semblerait au premier abord.

J'ai suivi certaines des interventions faites par le député et j'aimerais dire quelques mots pour rectifier certaines inexactitudes.

Je n'ai jamais dit qu'il n'y avait jamais eu de problèmes et qu'il ne continuait pas à y avoir des problèmes graves dans d'autres domaines couverts par la Loi canadienne sur la santé. La transférabilité et la transférabilité à l'étranger sont deux dossiers auxquels nous travaillons. Nous recherchons une entente avec


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les gouvernements provinciaux et nous sommes déterminés à travailler en collaboration avec ces derniers.

Je dois dire aux députés que, dans le dossier de la transférabilité, le Québec s'active à trouver des solutions au problème des Québécois qui se font soigner en Ontario et qui ne sont pas couverts comme ils le devraient.

(1215)

On est parvenu à un genre d'accord qui couvre tout traitement dans la vallée de l'Outaouais ou dans la région de l'Abitibi, dans le Nord. J'ai bon espoir, car je sais que le gouvernement québécois tient à servir les Québécois, où qu'ils se rendent. J'espère que nous allons arriver à nous entendre à ce sujet dans un avenir rapproché.

En ce qui concerne l'accessibilité et la facilité d'accès, les listes d'attente vont continuer à exister. Certaines provinces ont fait de gros efforts pour régler ce problème. Par exemple, certaines tiennent un registre central afin de savoir où il y a des lits libres pour pratiquer l'arthroplastie de la hanche. Nous savons tous qu'il y a des listes d'attente, mais, en cas d'urgence, le malade passe en priorité. Lorsqu'ils ont accès à une arthroplastie de la hanche, c'est généralement que leur besoin est plus criant que celui des autres. Même si l'accès n'est pas toujours parfait, chacun s'efforce de trouver une solution à ce problème.

Le député a aussi parlé de Wolfville en Nouvelle-Écosse. Je ne sais pas ce qu'ils font exactement à Wolfville, mais les frais modérateurs et les droits d'admission ont toujours été et seront toujours défendus par la loi. Reportez-vous à ma lettre d'interprétation du mois de janvier. Je suppose que le cas de Wolfville est traité dans cette lettre. Si le député a d'autres informations à ce sujet, il devrait nous en faire part.

Le député a soulevé d'autres points, notamment celui des psychothérapeutes du Québec et de ce qui se produit dans cette province. Les autorités travaillent en collaboration avec les professionnels de la santé pour déterminer la nécessité médicale des soins qui seront couverts. Cette souplesse est l'un des aspects remarquables de la Loi canadienne sur la santé, et nous favorisons cela.

Voilà ce que les gens font dans les diverses régions du pays. Lorsqu'une province adopte une démarche valable, les autres suivent souvent l'exemple.

Le député a parlé de la clinique Shouldice. Il s'agit effectivement d'une clinique privée, mais ses services sont couverts en vertu de la Private Facilities Act de l'Ontario, qui régit les cas de ce genre. Les gens n'ont aucune somme additionnelle à payer; ils ont accès à cette clinique.

Nous devons comprendre que, bien qu'il soit excellent, notre régime n'est pas parfait. Toute autre suggestion que le député voudrait faire sera bienvenue, car elle pourrait nous aider. Si j'ai bien compris, il semble proposer notamment, pour certaines procédures ou certains articles, un système de participation aux frais qui serait fondé non sur les besoins, mais sur la capacité de payer. Nous sommes en total désaccord avec cette proposition.

Si une institution impose des droits d'admission et que les contribuables en général paient les honoraires du médecin, ils subventionnent, en réalité, ceux qui ont les moyens de passer avant tout le monde. Cette façon de faire est entièrement contraire à nos principes. J'aimerais croire qu'elle est aussi contraire aux vôtres, quoique ce ne semble pas être le cas. En fait, cela équivaut à instituer un impôt sur la maladie. Ce n'est pas juste, du moins selon moi. Le député peut peut-être nous expliquer comment il en arrive à croire qu'il est juste d'exiger des droits d'admission.

M. Hill (Macleod): Madame la Présidente, ce que l'on a perdu de vue dans toute la discussion, c'est que tant que nous n'aurons pas défini ce que sont les services essentiels, nous ne pourrons pas décider si les frais modérateurs ont une place dans notre système. Pour les interventions facultatives, il est certain que la ministre ne le refuserait pas. C'est pour cela que nous avons besoin d'une définition. C'est pour cela que nous ne pouvons pas continuer à nous en tenir à la situation actuelle où les services sont médicalement requis dans une partie du pays, mais ne le sont pas dans une autre.

En ce qui concerne les droits d'admission, il y a, dans le cas des cliniques semi-privées, un argument philosophique sur cette question. Si une intervention est médicalement nécessaire, elle doit actuellement être acquittée sur les fonds publics, au Canada. Si elle est nécessaire, qu'elle est effectuée à l'extérieur d'un hôpital et que les coûts ne sont pas assumés par le public, par qui le seront-ils? J'estime que cela ne nuit en rien au système public.

(1220)

Je demande à la ministre, bien que ce ne soit pas une période d'échanges, de me trouver un pays, autre que les États-Unis qui est l'exemple que l'on utilise couramment, où cela cause un problème.

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte, Lib.): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos du député de Macleod. Nous avons eu le privilège de siéger ensemble au Comité permanent de la santé.

J'aimerais savoir ce qu'il entend par «essentiel». Il n'est pas sans savoir que chacune des provinces a des critères pour décider des services que son système offre, de même que ceux qu'il ne fournit pas.

En règle générale, aux yeux des Canadiens, notre régime d'assurance-maladie se caractérise par le fait qu'il permet à tous les citoyens, quelles que soient leurs conditions sociales, d'avoir accès à de bons soins de santé. Je suis persuadé que mon collègue ne propose pas de revenir à un système dont la qualité des soins serait fonction du portefeuille du malade, ou encore à un système comme celui qui existe actuellement aux États-Unis et qui, comme chacun le sait, ostracise des milliers de personnes.

Je voudrais signaler un fait particulier que je connais bien et qui concerne l'efficacité. Bien sûr, il faut changer de temps à autre si l'on veut être toujours des plus efficaces. Cela va de soi. C'est pour cette raison qu'il nous faut améliorer constamment les soins de santé. Et c'est précisément pour cette raison que le premier ministre a institué le Forum national sur la santé qui doit se pencher sur la situation globale.


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Mon collègue de Macleod ne veut sans doute pas que nous copions un autre système, celui des États-Unis, par exemple, qui ne fonctionne pas. Le régime des soins de santé revêt une telle importance pour tous les Canadiens et il traite tout le monde, d'un bout à l'autre du pays, sur un pied d'égalité.

M. Hill (Macleod): Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir réagir à ces propos.

Permettez-moi de fournir au député un autre exemple de ce qui, pour moi, n'est pas essentiel. Le député semble ne pas saisir ce qu'il faut entendre par «essentiel». L'essentiel, c'est ce qui est absolument nécessaire.

Certes, je possède quelques compétences dans le domaine, mais je ne prétends pas pouvoir définir parfaitement ce qu'est l'essentiel. Quand le régime de soins de santé a été institué, une prothèse articulaire, ça n'existait pas. La première prothèse articulaire a vu le jour en même temps que le régime de soins de santé.

Le coût d'une prothèse de hanche varie entre 1 000 $ et 7 000 $. Je déterminerais la prothèse la plus rentable pour les Canadiens et je vous dirais que, si vous voulez une prothèse de 7 000 $, vous n'avez qu'à la payer de votre poche. Le système public est prêt à vous fournir une très bonne prothèse, mais si vous voulez une prothèse de luxe, vous n'avez qu'à la payer de votre poche.

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé, Lib.): Madame la Présidente, je me sens partagée. Je me sens partagée entre la confusion, la joie et la tristesse.

La confusion, parce que je ne pensais pas que le troisième parti présenterait une motion de ce genre qui contredit clairement tout ce qu'il a dit au cours de la dernière campagne électorale et dans le budget qu'il a proposé plus tôt, cette année.

(1225)

La joie, parce que je suis heureuse de pouvoir parler du système de santé que nous avons dans notre pays et auquel nous croyons si fermement. La tristesse, parce que l'une des personnes qui a proposé cette motion est un médecin qui a manifesté ici un réel manque de compréhension du système, des mots, de la terminologie et des principes de l'assurance-santé. Cela m'attriste de le voir présenter cette motion quand, de toute évidence, il ne comprend pas le système. Je voudrais savoir pourquoi il ne le comprend pas.

Nous avons entendu des arguments simplistes. Le troisième parti nous a habitués à ce genre de choses. Il a toujours des solutions simples à proposer. Ne nous laissons pas tromper par la complexité de la question, se dit-il, allons-y d'une solution simple.

L'énoncé du problème est simpliste parce qu'il ne se base pas sur les faits. Il ne se base pas du tout sur les faits. Comme la ministre de la Santé l'a souligné, les chiffres cités, qui indiquent une diminution du pourcentage des paiements que le gouvernement fédéral verse aux provinces, sont absolument faux. L'énoncé traite du coût total des soins de santé. Il ne montre aucune compréhension des coûts auquel le gouvernement fédéral contribue et dont il est question dans le financement des programmes établis. Ces coûts valent uniquement pour les services de médecins et d'hôpitaux et non pour toute la gamme des services de santé que chaque province a élargie ou réduite, à son gré. Ce n'est pas pour cela que le gouvernement verse des paiements de transfert. C'est purement pour les services d'hôpitaux et de médecins. C'est le premier renseignement erroné qui a été donné ici aujourd'hui.

L'autre chose qui est simpliste dans tout ceci, ce sont les solutions soi-disant constructives qu'on a proposées. Elles ne permettent absolument pas d'assurer des soins de santé efficients, universels, abordables et de qualité au Canada. La notion de soins de santé universels de qualité est beaucoup plus complexe qu'un beau discours venant d'une personne mal informée.

Prenons l'introduction du discours du député de Calgary-Sud-Ouest. Il affirme que nous avons déjà un système à plusieurs vitesses. Cette affirmation à elle seule montre qu'il ne comprend pas ce que signifie l'expression «intégralité», soit l'un des cinq principes de l'assurance-maladie. Il ne saisit pas au juste ce qu'on entend par des services médicaux nécessaires. Il n'a pas une très bonne idée du sens des termes «universalité» et «accessibilité» en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Il n'a même pas lu cette loi. Il ne comprend même pas la définition des termes.

Toute la notion d'un système à vitesses multiples n'est qu'une des diversions dont on se sert habituellement. Bien entendu, il y a toujours eu des services inutiles sur le plan médical pour lesquels les patients paient. Ils l'ont toujours fait. Si une personne veut avoir un lissage, elle peut toujours en payer le prix. Il y a de nombreux cas où des gens pensent avoir besoin d'un service qui n'est pas nécessaire sur le plan médical et ils se l'achètent. Cela ne signifie en rien que nous avons un système à vitesses multiples. C'est plutôt un système qui fonctionne à l'extérieur des cinq principes fondamentaux établis dans la Loi canadienne sur la santé. Le député devrait lire cette loi.

Dans son introduction, le député a également affirmé que les utilisateurs devraient définir la portée des services. J'ignore combien de patients voudraient définir ce qu'on entend par un service essentiel ou nécessaire sur le plan médical, car ils ne sont pas médecins. Ils peuvent vouloir participer à la prise de décisions sur le traitement qui convient, mais ils ne souhaitent sûrement pas déterminer ce qui est cliniquement nécessaire dans leur cas. C'est pourquoi ils s'adressent à un médecin ou un professionnel de la santé. Cela me semble, dès le départ, une solution plutôt simpliste et tout à fait irréaliste.

Que reste-t-il si la première partie de la motion part d'une fausse hypothèse? Toute cette argumentation ne repose que sur un miroir aux alouettes. Elle n'est pas très solide, car elle est basée sur un manque d'information et de connaissances.

Le député a dit que nous avions déjà parlé des 50 p. 100 que le gouvernement fédéral est censé transférer aux provinces.


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(1230)

Comme la ministre et moi l'avons dit plus tôt, nous n'étions jamais censés transférer 50 p. 100 du financement. En 1975-1976, nous avons transféré 39 p. 100 du financement total des soins de santé. Cependant, ces 39 p. 100 constituaient une proportion accrue des fonds accordés uniquement pour les services assurés par les hôpitaux et les médecins, comme il le convenait. Par conséquent, tout le reste n'a aucun sens.

Ce pourcentage n'a pas baissé beaucoup si l'on considère qu'en 1992-1993, le pourcentage total du transfert est passé à 32 p. 100 et que les provinces ont augmenté leur budget total. Encore une fois, on fait une fausse supposition sur ce que représentent ces pourcentages.

À mon avis, là encore, les calculs n'ont pas été faits et on a mal compris la situation. Si les suppositions et les chiffres étaient faux, est-ce que cela veut dire que tout le concept que nous débattons aujourd'hui est erroné? Fort probablement, parce qu'il repose sur une fausse supposition et sur une fausse conception.

Tous s'entendent pour dire qu'il faut augmenter les fonds consacrés aux soins de santé. Le troisième parti ne semble pas comprendre la notion de financement accru. Le chef de ce parti a déclaré dans son discours sur le budget-et c'est d'ailleurs ce qu'il a dit en Saskatchewan-qu'il transférerait plus de points d'impôt aux provinces et qu'il leur donnerait plus d'argent.

Sans être mathématicienne, de simples calculs me disent que, si on prend de l'argent d'un côté, on doit sûrement en ajouter de l'autre. Par conséquent, si le député prenait de l'argent dans la caisse du fédéral pour accorder plus de points d'impôt aux provinces, le déficit s'alourdirait de 10 milliards de dollars, ce dont il n'a pas tenu compte dans son discours sur le budget. Comment concilier cela avec la responsabilité financière et la réduction du déficit à zéro d'ici un an? Cela n'a pas de sens. Rien de tout cela n'a du sens.

C'est un fait largement reconnu-ceux qui comprennent le principe économique des régimes de santé le savent-que ce n'est pas en investissant plus d'argent dans le régime qu'on règle les problèmes. En fait, la qualité, le résultat et l'efficacité du régime de soins de santé ne sont pas des questions d'argent. Si c'était le cas, les États-Unis, qui dépensent le plus à ce chapitre, non seulement par habitant, mais aussi en pourcentage du PIB, auraient le meilleur système de soins de santé du monde. Mais ce n'est pas le cas.

Le pays auquel on reconnaît le meilleur système de soins de santé du monde est actuellement le Japon qui, en fait, dépense beaucoup moins que le Canada à ce chapitre, en pourcentage du PIB. Par conséquent, la taille de l'investissement et la qualité du système ne sont pas nécessairement liées. L'argent investi dans un système de soins de santé ne détermine pas nécessairement son efficacité.

Nous savons en effet qu'il y a beaucoup d'autres facteurs en jeu dans la santé des gens. Ces facteurs sont d'ordre socio-économique. Ils ont trait au mode de vie et à la qualité de la vie. Ils n'ont rien à voir avec un accès accru à des soins médicaux. On pourrait assurerdavantage de soins médicaux sans que cela change rien à ces facteurs. Ce n'est pas en injectant de l'argent dans le système qu'on améliorera les choses.

Le défi, c'est de dépenser sagement l'argent que nous investissons dans le système de soins de santé, afin qu'il en reste pour les aspects socio-économiques et les autres déterminants de la santé. C'est même l'un des grands défis que nous devons relever en matière de soins de santé.

Examinons encore une fois la façon dont le troisième parti utilise l'argent comme un critère d'efficacité des services de soins de santé. En en parlant ainsi, on dit clairement que, si l'on n'a pas les moyens de se payer le système de soins de santé et qu'il faut y investir davantage, ce sont donc les gens qui doivent le payer. Cela nous ramène aux intentions voilées-et peut-être pas si voilées que cela-du troisième parti, qui veut au fond trouver un moyen de faire en sorte que l'utilisateur, celui qui est malade, paie ses soins.

Ce n'est pas une tactique si brillante de dire que le système a besoin de plus de financement. Il faut plus de financement mais, si nous voulons avoir un budget équilibré et donc éviter de prendre l'argent du gouvernement, il faut demander aux gens, aux malades, de payer. Imposons les utilisateurs. C'est ce qu'il y a d'insidieux et de dérangeant dans cette motion. C'est tout le concept sur lequel elle repose et dont nous discutons aujourd'hui.

C'est une mentalité typique des gens qui épousent l'idéologie qu'on applique chez nos voisins du Sud en matière de soins de santé. Regardons quel genre de régime de soins on offre aux États-Unis. Il existe effectivement un système à deux volets dans ce pays et, bien sûr, les gens peuvent acheter des services de santé, mais en vertu d'un seul critère, leurs ressources financières. Les personnes qui ont de l'argent ont un accès illimité aux soins de santé. On sait dans quelle situation se retrouvent ceux qui n'en ont pas les moyens.

(1235)

Les États-Unis se classent au sixième rang des pays en voie de développement pour ce qui est de l'efficacité de ses soins de santé. Les États-Unis n'ont pas les résultats attendus d'un pays industrialisé parce que, la pauvreté étant un facteur déterminant de l'état de santé, ceux qui n'ont pas les moyens de se payer des services de santé se retrouvent en moins bonne santé.

Le Parti réformiste voudrait nous engager sur cette voie, et je trouve cela très inquiétant. Si nous accordons aux riches un accès illimité aux soins de santé, il se produira la même chose qu'aux États-Unis où les riches consomment proportionnellement plus de services sous forme d'interventions et de tests de laboratoire que ce n'est le cas au Canada. Les personnes qui utilisent le plus les services font partie de la catégorie socio-économique supérieure. Ce sont ces gens qui bénéficient des services.

Les chirurgies à coeur ouvert, par exemple, sont plus fréquentes chez les gens fortunés, indépendamment du fait que l'intervention réponde à un besoin véritable. Lorsque ces gens veulent se payer ce service, ils l'obtiennent. Ce n'est pas ce que j'appelle de bons soins de santé, et je ne crois pas que les Canadiens veulent se retrouver dans la même situation.


11865

Examinons maintenant les solutions recommandées par le tiers parti. Les solutions qu'il propose portent sur les services essentiels. Nous savons tous, si nous lisons la Loi canadienne sur la santé et si nous comprenons bien les principes de l'assurance-santé, que la définition des soins nécessaires pour des raisons médicales est de compétence provinciale. Il incombe aux provinces de définir les services médicaux essentiels, ce qui est une bonne chose. Les disparités régionales se manifestent au niveau provincial et les problèmes et besoins en matière de soins de santé varient d'une province à l'autre.

Nous parlons d'une approche ascendante en matière de soins de santé. Il convient que ce soit les provinces qui décident. C'est ce que nous avons préconisé en expliquant comment augmenter le pouvoir décisionnel des provinces à ce chapitre. Les provinces devraient être en mesure de donner à la population les services appropriés où, quand et comme il le faut. Elles savent mieux ce qu'il en est que le gouvernement central.

Nous sommes d'avis que, en tant que gouvernement central, notre rôle consiste à faire valoir et à coordonner notre interprétation du principe selon lequel les soins de santé essentiels doivent être fondés sur des lignes directrices cliniques clairement définies. C'est pourquoi nous avons organisé le forum sur la santé. À l'heure actuelle, ce forum cherche à établir comment nous définissons les objectifs en matière de soins de santé et comment nous envisageons les résultats escomptés; comment nous considérons les soins et les critères qui nous permettront d'atteindre nos objectifs. Nous ne voulons pas aller à tâtons, comme le député de Macleod voudrait qu'on le fasse, et établir toutes sortes de critères pour déterminer ce qui constitue un service essentiel et qui devrait y avoir accès.

Selon le député de Macleod, les services essentiels devraient figurer sur une liste. Ce n'est pas le cas. Prenons, par exemple, l'échographie pour les femmes enceintes. Il serait insensé de dire qu'il ne doit pas y avoir plus d'une échographie au cours d'une grossesse. Une seule échographie peut suffire dans certains cas, mais pas dans tous.

Au chapitre des services essentiels, nous devons tenir compte des lignes directrices cliniques, non pas nous borner à dire qu'une chose est bonne ou non en donnant des définitions générales. Nous risquons alors de réduire la qualité des soins de santé.

Nous devons aussi éviter de faire comme ce que le député de Macleod a dit au Calgary Herald, quand il a défini qui devrait avoir droit aux soins de santé et qui n'y aurait pas droit, de sorte qu'une femme dont les trompes sont obstruées parce qu'elle a mené une vie amoureuse mouvementée ne devrait pas avoir droit à une ligature payée par le gouvernement. De quel genre de système subjectif, moralisateur et paternaliste de soins de santé parle-t-on quand on veut définir de cette façon les services essentiels? Cela m'inquiète beaucoup.

On nous parle également d'assurances privées pour résoudre le problème. Nous savons tous qu'aux États-Unis, et Robert Evans de l'Université de Colombie-Britannique nous l'a démontré très clairement, les systèmes d'assurances multiples et de payeurs multiples coûtent plus cher, sont moins efficaces et ne créent pas le genre de résultats souhaitable.

Les États-Unis ont des systèmes de payeurs multiples. Les coûts d'administration représentent 25 p. 100 du coût des soins de santé. Des études récentes aux États-Unis ont démontré que, si l'on investissait dans un système de payeur unique ces 25 p. 100 du coût des soins de santé consacrés aux coûts d'administration, il y aurait suffisamment d'argent pour fournir des services de santé aux 37 millions d'Américains qui n'en bénéficient pas à l'heure actuelle. Si l'on pouvait déduire ne fut-ce que l'argent dépensé en coûts d'administration pour la Blue Cross au Massachusetts, les États-Unis pourraient jouir d'un régime universel de soins de santé.

Quand on parle de soins de santé et de systèmes multiples, on parle de coûts plus élevés, on parle de désigner qui sont ceux qui ne peuvent plus être assurés parce qu'ils sont maintenant malades chroniques.

Aux États-Unis, si l'on est malade chronique, on devient non assurable. Même s'il a des millions de dollars, le malade chronique ne peut souscrire une assurance. Il doit payer lui-même ses soins. Pour celui qui a des millions, ça peut toujours aller, mais c'est impossible pour le travailleur à revenu moyen.

(1240)

Autre chose, à propos des bienfaiteurs. À mes yeux, c'est une autre manière de parler de frais aux usagers. Nous entendons toutes sortes de belles expressions pour dorer la pilule. Il s'agit d'un régime à deux paliers qui ne correspond pas à ce que, au Canada, nous considérons comme un régime d'assurance-maladie.

En matière de soins de santé, nous cherchons les moyens de réaliser des économies. Des études récentes de l'Université d'Ottawa et de Judith Maxwell nous apprennent que nous pouvons économiser 7 milliards de dollars par an dans les frais de santé en prenant des mesures concrètes dont voici quelques exemples: remplacer les soins à l'hôpital par des services communautaires, établir des lignes directrices cliniques sur les soins et agir sur les facteurs socio-économiques qui sont une source de maladie.

Nous pouvons faire une multitude de choses pour réduire les coûts des soins sans modifier les cinq principes de l'assurance-maladie et sans faire payer les malades. La seule solution que le tiers parti puisse trouver, c'est de définir les services essentiels, mais avec des objectifs qu'il n'ose pas dévoiler. Les réformistes parlent de frais aux usagers et de régimes d'assurance multiples.

Ce qui ne va pas, dans cette solution, c'est que tous les régimes de soins de santé du monde sont fondés sur un principe. Or, le principe que nous avons adopté au Canada fait dépendre les services des besoins cliniques et nous ne voulons pas que cela change. Je ne veux pas que les services offerts finissent par dépendre des ressources financières de chacun. Je m'élève donc vigoureusement contre la description du problème que les députés du tiers parti ont faite ce matin et qui ne correspond pas aux faits, et contre les solutions qu'ils ont préconisées.


11866

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de mon honorable collègue. Je sais qu'elle a une connaissance approfondie des questions de santé et que c'est une personne qui a vraiment à coeur de faire en sorte que le système de santé canadien se porte au mieux.

J'aimerais toutefois lui rappeler et rappeler à cette Chambre que c'est le Québec qui a inventé le Régime d'assurance-maladie, grâce aux bons services de M. Castonguay il y a quelques décennies. Nous avons donc, en tant que Québécois, bien à coeur que soient maintenues les qualités essentielles à un bon régime d'assurance-maladie.

Bien sûr, un tel système a besoin d'argent, et ce, de façon prévisible. Or, les coupures dans le financement des programmes établis qui ont eu lieu depuis au-delà d'une décennie, et ce, à l'encontre de l'entente de 1977 qui assurait aux provinces des montants d'argent fiables, à cause de ces coupures, depuis plus de dix ans, les provinces canadiennes et le Québec sont à devoir se débrouiller et, dans certains cas même, à devoir improviser dans le domaine des services de santé. C'est là où le bât blesse.

Voyez-vous, en redéfinissant le transfert des sommes consenties par les contribuables vers les provinces, le gouvernement fédéral s'est trouvé à déstabiliser, année après année, le fonctionnement des services de santé au Canada. Ainsi, c'est le gouvernement fédéral qui, involontairement je veux bien l'admettre, dans les faits, contribue à cette dégradation du système de santé canadien et qui provoque d'ores et déjà l'avènement d'un système de santé à deux vitesses.

Foncièrement, on est en droit de se poser la question suivante: Pourquoi le gouvernement fédéral ne remettrait-il pas aux provinces et au Québec l'entier des points d'impôt reliés au financement des services de santé afin de permettre à ses provinces et au Québec de choisir eux-mêmes la meilleure façon de livrer les services de santé dans le respect des cinq grands principes du régime?

J'aimerais que ma collègue me donne son point de vue à ce sujet.

(1245)

[Traduction]

Mme Fry: Madame la Présidente, je remercie le député qui a remanié à sa façon l'historique de l'assurance-maladie. Certains diront que l'assurance-maladie est née en Saskatchewan, d'autres, au Québec. Tout cela est discutable.

Le député a parlé d'argent. On ne cesse de nous dire que l'argent joue un rôle important dans la prestation de soins de santé efficaces. Nous avons un dicton qui nous rappelle que la nécessité est mère de l'invention. Par nécessité et par manque d'argent, les provinces ont commencé à innover. Ce n'est pas cela qui a fait diminuer la qualité des soins de santé.

La réforme du système de soins de santé s'impose depuis de nombreuses années, mais ni les provinces ni le gouvernement fédéral ont réagi à la nécessité de modifier notre régime de soins de santé afin qu'il réponde mieux aux besoins des gens et qu'il soit géré de façon plus efficace et efficiente. La réforme s'avérant aujourd'hui nécessaire, les gens commencent à réagir et à gérer le système.

Selon toutes les études qui ont été effectuées, l'argent que nous consacrons au régime de soins de santé ne peut nous garantir des soins de qualité. Autrement, comme je le signalais, les États-Unis posséderaient le plus merveilleux régime de soins de santé au monde, eux qui y consacrent le plus d'argent. C'est pourtant le Japon, qui dépense le moins à ce titre, qui possède le meilleur régime. Il existe d'autres facteurs, outre l'argent consacré aux interventions et aux soins de santé, que l'on peut examiner pour déterminer la santé d'un pays et celle de ses habitants.

J'ai également parlé des diverses façons de diminuer le coût du système, d'en améliorer l'accessibilité et d'accroître la capacité des patients de prendre des décisions à l'intérieur de leur propre régime de soins de santé. Il faut délaisser les soins actifs pour mettre l'accent sur les soins communautaires, élaborer des lignes directrices concernant les soins, analyser les résultats, évaluer la technologie, bref mettre en pratique tout ce que nous apprenons, comme certaines provinces ont déjà commencé à faire.

Dans son rapport, Judith Maxwell, de l'Université d'Ottawa, affirme que, grâce à ces mesures, il nous faudra investir moins d'argent, presque 7 milliards de dollars de moins, dans notre régime de soins de santé. Il faut bien comprendre la situation et ne pas nous laisser convaincre par ceux qui ne cessent de dire de continuer d'investir beaucoup d'argent dans les soins de santé en espérant que le régime en profite quelque peu. Cela ne s'est jamais produit et ne se produira jamais.

Ce n'est pas en agissant ainsi qu'on créera les solutions nécessaires, comme nous le disent toutes les études que nous avons consultées sur la mortalité, la morbidité et la qualité de vie.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Madame la Présidente, j'aimerais demander à la députée ce qu'elle pense des déclarations récentes de la British Columbia Health Association, qui s'est dite très préoccupée par l'accès aux services de santé essentiels en Colombie-Britannique. Comme la députée le sait, cette situation n'est pas unique à la Colombie-Britannique; elle se produit aussi ailleurs dans notre pays.

Mon parti a proposé une nouvelle loi canadienne sur la santé qui permettrait aux provinces d'avoir des structures comme des cliniques médicales privées, qui ne coûteraient rien aux contribuables canadiens et auxquelles pourraient recourir les citoyens désireux de payer pour obtenir des services, quels qu'ils soient. Il convient de rappeler que ces services seraient offerts à n'importe quel citoyen dans un hôpital public ou dans une clinique privée.

J'aimerais que la députée nous dise ce qu'il y a de si mal là-dedans? En quoi une clinique privée où les citoyens paieraient empêcherait-elle la capacité du secteur public de fournir des services? J'aimerais aussi savoir pourquoi le gouvernement trouve la liberté de choix aussi répugnante en l'occurrence, alors que nous avons cette liberté dans presque tous les autres aspects de notre vie.


11867

Mme Fry: Madame la Présidente, je suis heureuse de pouvoir répondre à la question.

Qu'y a-t-il de mal à établir des cliniques privées auxquelles pourraient recourir les gens qui le désirent et qui peuvent payer? Qu'est-ce qu'il y a de mal là-dedans? Il suffit de voir ce qui se produit aux États-Unis, là où ceux qui le désirent peuvent payer et acheter tout ce qu'ils veulent, qu'ils en aient besoin ou non, et où ceux qui ne peuvent se le permettre ont accès à des soins de santé insuffisants et inadéquats.

(1250)

Étant donné que le statut socio-économique est un important facteur dans les problèmes de santé, que la pauvreté est le facteur le plus important à cet égard, que les pauvres ont davantage besoin des services de santé, nous sommes d'avis qu'il s'agit de fausses économies. Nous n'économiserons rien. Les personnes qui auront davantage besoin des services seront celles qui n'en auront pas les moyens, de sorte qu'elles devront toujours recourir au secteur public. C'est le premier point.

Ensuite, si on examine le modèle américain, on constate que les cliniques privées ont tendance à engendrer des coûts massifs. En outre, elles sont inefficaces. Elles ont enlevé leur autonomie clinique aux médecins, qui ne peuvent plus choisir ce qu'il convient de faire pour leurs patients, mais doivent demander à des employés non médicaux, à des experts en sinistres, ce qu'ils devraient faire ou ne devraient pas faire ou ce qu'ils peuvent faire ou ne peuvent pas faire. Ce n'est pas ça avoir le choix.

Nous avons le choix dans notre pays. Aux États-Unis, on ne peut pas choisir son médecin. On ne peut voir que le médecin prévu par son régime d'assurance-maladie et qui travaille pour sa compagnie d'assurances. Au Canada, nous sommes libres de choisir n'importe quel médecin, n'importe où.

Nous avons accès au médecin de notre choix. Nous avons le choix. Dans notre pays, nous sommes libres d'aller à n'importe quel hôpital. Nous sommes libres d'avoir un lit d'hôpital à côté d'une personne choisie par nous. Nous n'avons pas à aller à un hôpital pour les pauvres si nous sommes pauvres. Un clochard qui couche à la belle étoile peut avoir un lit à côté d'un multimillionnaire dans les hôpitaux canadiens.

Ce à quoi songe le député est scandaleux. S'il ne me croit pas, qu'il pense à ce qui est arrivé au Royaume-Uni. J'ai étudié la médecine au Royaume-Uni. La merveilleuse solution adoptée là-bas était qu'on allait s'occuper des pauvres, et que ceux qui en avaient les moyens devraient payer. Il y a maintenant un système à deux paliers où les pauvres sont relégués à des soins de qualité inférieure. Les médecins ne veulent pas travailler dans des régions très peuplées et comprenant beaucoup de pauvres. Le Royaume-Uni doit demander à des médecins de pays en voie de développement de venir pratiquer la médecine en sol britannique. Ce n'est pas comme ça qu'on peut offrir des soins de qualité. C'est ça qui est scandaleux.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Madame la Présidente, à partir de maintenant, mes collègues et moi partagerons notre temps de parole.

C'est avec beaucoup de tristesse que j'interviens dans le débat sur la motion d'aujourd'hui. C'est avec tristesse et colère que j'ai écouté les interventions des ministériels sur ce que les gens ont de plus précieux, leur santé.

Le gouvernement continue d'entretenir l'idée folle que le régime d'assurance-maladie peut se perpétuer dans sa forme actuelle. C'est criminel, c'est un mensonge flagrant. La vérité, c'est que le régime est comme un navire qui fait eau et dont le capitaine, c'est-à-dire le gouvernement, continue de dire que tout va bien. Malheureusement, dans ce navire, les passagers, c'est-à-dire les malades, souffrent et meurent. C'est exactement l'image que donne le régime d'assurance-maladie du Canada aujourd'hui. Nous sommes devant une grave tragédie comme il ne devrait pas s'en produire dans un pays comme le nôtre.

Les provinces ont constaté que la demande augmentait. Les coûts montent en flèche en raison du vieillissement de la population et des techniques médicales plus coûteuses. Par ailleurs, les recettes des gouvernements diminuent, comme nous l'avons vu dans le dernier budget avec la réduction de huit milliards de dollars des transferts fédéraux.

Qui fait les frais de la situation? Ce sont les malades. Lorsqu'ils vont à l'hôpital, ils constatent qu'ils ne peuvent pas recevoir les services de santé essentiels dans un délai raisonnable.

Les provinces se voient prises dans le carcan imposé par l'actuelle Loi canadienne sur la santé et doivent imposer le rationnement. Je vous donne quelques exemples provenant de partout au Canada. À Victoria, en Colombie-Britannique, où je vis, la liste d'attente est de 13 mois pour 40 p. 100 des personnes âgées qui doivent subir une arthroplastie de la hanche et, pendant ce temps, ces personnes souffrent beaucoup. La British Columbia Health Association est très inquiète devant l'accès restreint aux services essentiels au Canada.

À Prince George, une chose très intéressante et triste est arrivée. On y a donné aux gens devant subir une intervention chirurgicale la possibilité de faire des dons de sang autologues, c'est-à-dire de donner du sang qui, une fois purifié, servira lors de leur propre intervention. Chaque patient devait débourser 150 $ parce que ce service n'était pas payé par la Croix-Rouge ni par le régime public d'assurance-maladie. Ce service offrait aux patients la possibilité de s'assurer qu'ils n'allaient pas contracter le VIH, l'hépatite ou un certain nombre d'autres maladies lors d'une transfusion sanguine.

(1255)

Deux mois plus tard, le ministère de la Santé a dit à l'hôpital régional de Prince George qu'il ne pouvait pas faire payer les patients pour ce service. L'hôpital doit maintenant acheter du concentré de globules rouges à 500 $ l'unité pour les transfusions sanguines.


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En Alberta, il faut attendre trois semaines pour une intervention chirurgicale à coeur ouvert urgente. Les chirurgiens disent que c'est un miracle que personne ne soit mort encore, mais cela arrivera.

À Prince George, encore une fois, à cause des compressions budgétaires imposées au gouvernement provincial, on a été forcé de réduire de 12 jours par année le nombre de jours où des opérations sont pratiquées, sachant fort bien que des centaines de personnes attendent de subir des interventions chirurgicales urgentes.

La ministre a dit que les médecins reviennent au Canada. J'ai eu un entretien avec un de ses proches conseillers l'autre jour et il m'a dit: «Ce sont les mauvais médecins qui quittent le pays, n'est-ce pas?» En réalité, la moitié de nos neurochirurgiens quittent le pays. Certaines villes ont perdu 80 p. 100 de leurs chirurgiens orthopédistes et 50 p. 100 de leurs gynécologues et de leurs obstétriciens.

Le docteur Joel Cooper, de l'Université de Toronto, qui jouit d'une réputation mondiale dans le domaine de la chirurgie cardio-thoracique, a quitté le pays. Le docteur Munro, du Hospital for Sick Children, a également quitté le pays. Ces médecins qui sont renommés dans le monde entier quittent le pays non pas parce qu'ils veulent plus d'argent, mais bien parce que, comme ils le disent eux-mêmes, ils ne peuvent plus pratiquer comme ils le devraient et en ont assez de voir leurs patients souffrir. On ne peut donc pas dire que nous avons un système de soins de santé adéquat.

La réalité est que la population est en train de croître et les coûts, d'augmenter. La ministre a dit que nous n'avons pas un système à deux niveaux. Sottise! Chaque année, un milliard de dollars vont aux États-Unis. Pourquoi? Parce que les Canadiens ne peuvent pas obtenir les services essentiels en temps voulu et vont donc aux États-Unis. Pourquoi ne pas garder cet argent au Canada?

La ministre a dit que les dépenses pour les services privés augmentent. Bien sûr qu'elles augmentent! Pourquoi? Parce que les gens ne veulent pas souffrir et parce qu'ils ne veulent pas mourir en attendant que le régime public en place veuille bien leur assurer les services dont ils ont besoin. Le gouvernement leur dit: «Nous vous interdisons de faire ça. Nous n'acceptons pas le fait que nous ne sommes pas en mesure de vous assurer les services essentiels en temps opportun.» C'est une parodie. Il est extrêmement arrogant de la part du gouvernement de dire au public qu'il lui interdit de faire ça. En fait, le gouvernement est en train de sacrifier la santé des Canadiens sur l'autel d'une idéologie socialiste décédée.

Nous devons reconnaître la crise financière que traverse notre pays et la nécessité de réduire le financement. Nous devons reconnaître que les gens ne peuvent pas être imposés davantage et que la demande augmente. Nous devons reconnaître que la Loi canadienne sur la santé, dans sa forme actuelle, est absolument dépassée et ne permet pas de fournir tout le temps les mêmes services de santé à tous, en particulier les services essentiels. Des gens malades sont, en effet, en train de mourir.

Nous devons entrer dans une autre époque. Nous proposerons des solutions constructives. Ayons en matière de santé une loi qui soit à nous. Pas une loi qui nous vient des États-Unis ou d'Angleterre. Une loi canadienne. Nous ne voulons pas d'un système à l'américaine. Il n'y a aucune ressemblance entre ce que nous proposons et le système américain.

D'abord nous devons réunir le gouvernement fédéral, les provinces et les intervenants en général afin qu'ils déterminent ensemble ce que sont les soins de santé essentiels. Nous devons définir les services qui seront offerts aux gens d'un bout à l'autre du pays, quel que soit leur revenu. Nous pourrions peut-être examiner le modèle de l'Oregon pour commencer.

En deuxième lieu, nous devons laisser les provinces faire l'essai de différents modèles de financement, par exemple les cliniques privées, l'assurance privée, etc. Pourquoi? Parce qu'il faut trouver d'autres sources de financement pour continuer à assurer les soins de santé. Il est vrai que nous devons réaménager le régime, mais nous devons aussi trouver du financement compte tenu de la crise financière actuelle et de la crise qui sévit dans le domaine des soins de santé.

(1300)

Cela ne menace aucunement le régime d'assurance-maladie, au contraire, un meilleur financement lui sera favorable. Je demande à nouveau pourquoi il serait mal de permettre à des cliniques privées de fournir des services privés, dans le secteur privé, en échange de dollars privés. Le régime public ne serait absolument pas touché par une telle mesure.

En fait, la demande à l'égard du système public diminuera, de sorte que les gens qui y feront appel pourront obtenir les soins de santé à un moment plus opportun. S'agit-il d'un système à deux paliers? Oui, mais il existe déjà. Est-ce source d'inégalités? Oui, mais par ailleurs, les gens auront plus facilement accès aux soins de santé, partout au pays et peu importe leur revenu. Un tel système assurera l'accès à des services essentiels que les Canadiens ne reçoivent pas pour le moment.

Le moment est venu d'aller de l'avant, de prendre son courage à deux mains. Il ne faut pas se laisser immobiliser par des querelles idéologiques, mais ouvrir tout grand les yeux et travailler ensemble. Je peux dire sans risque de me tromper que mes collègues et moi serions tout ce qu'il y a de plus heureux de travailler avec la ministre de la Santé, dans l'intérêt de tous les Canadiens et de leur santé, à l'élaboration d'une solution juste et équitable visant à leur offrir de meilleurs soins de santé, dans l'immédiat et à l'avenir.

Nous ne sommes pas l'ennemi. Nous essayons seulement de faire en sorte que les Canadiens puissent bénéficier d'un système amélioré, d'un océan à l'autre. Je le répète, adoptons des normes nationales. Ce n'est pas nous, à titre individuel, qui allons le faire. Ce n'est pas notre rôle. Nous ne pouvons ni ne devons nous prendre pour Dieu. C'est au public de fixer des normes. Aux provinces. Aux professionnels de la santé et au gouvernement fédéral.

Faisons en sorte qu'il y ait des normes nationales, qu'elles soient transférables, que les services de santé essentiels soient entièrement couverts, qu'ils fassent l'objet d'une saine gestion publique, et que les services de santé essentiels soient universellement couverts et accessibles à tous les Canadiens.

Enfin, faisons en sorte que les services de santé soient fournis quand les gens en ont besoin. À l'heure actuelle, les Canadiens ne reçoivent pas les soins de santé dont ils ont besoin quand ils en ont besoin. Il suffit de se rendre sur place, dans les hôpitaux, pour voir les gens qui ne reçoivent pas ces soins. Le moral est à son plus bas. Nous pouvons voir la douleur sur le visage des


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personnes à qui l'on dit qu'elles devront peut-être attendre 13 mois pour une arthroplastie de la hanche ou trois mois pour une opération cardiaque urgente. Ce n'est pas de la bonne médecine. C'est de la mauvaise médecine.

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, comme c'est presque toujours le cas, le troisième parti joue sur les sentiments, fait de grands discours, ne propose rien de réaliste, mais crache néanmoins son venin. Il fait aux gens le coup de l'émotion.

Je voudrais demander au député s'il peut me donner des statistiques précises montrant que les résultats des soins actifs dans ce pays ne sont pas parmi les meilleurs au monde, que les gens qui ont besoin de soins ne les reçoivent pas.

Il faut être très prudent lorsque l'on fait une distinction entre les besoins et les désirs. Les soins ne s'achètent pas comme une livre de beurre. La différence entre les besoins réels d'un patient et ce qu'un patient estime vouloir ou avoir besoin est très grande.

Dans ce pays, nous fournissons les meilleurs soins au monde dont les patients ont besoin. Le député parle de patients ayant des besoins médicaux urgents qui ne sont pas satisfaits, j'aimerais bien qu'il me donne des exemples précis, qu'il me montre que des groupes connaissent une mortalité accrue parce qu'ils n'ont pas reçu les soins actifs dont ils avaient besoin. Cela, monsieur le Président, n'existe pas.

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, je ne peux pas croire ce que j'entends de la part de la députée. Je lui répète que nous ne faisons pas de grands discours.

(1305)

Je viens de consacrer la moitié de mon intervention à donner au gouvernement des solutions constructives. Mes collègues, M. Hill et M. Manning, ont passé la dernière heure à donner au gouvernement des solutions constructives.

Le président suppléant (M. O'Reilly): Je dois interrompre le député. Même s'il les félicite de la qualité de leur travail, il n'est pas dans les habitudes de la Chambre de nommer les députés, il faut les appeler par le nom de leur circonscription.

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, nous avons offert des solutions constructives. À la fin de mon discours, j'ai dit que notre parti serait prêt à aider le gouvernement à remettre sur pied le régime d'assurance-santé du Canada et à faire en sorte qu'il ait un avenir financier durable. De toute évidence, il y en a qui n'écoute pas.

Nous parlons de services essentiels et de ceux qui ne les obtiennent pas. Je peux citer des cas à la Chambre. J'ai mentionné la liste d'attente de trois semaines pour la chirurgie cardiaque urgente, en Alberta. Si cela n'est pas un service essentiel et de l'irresponsabilité, je ne sais pas ce que c'est. Les médecins qui traitent ces patients-et la députée le sait, puisqu'elle est elle-même médecin-seraient très heureux de lui dire que la situation est totalement inadéquate. Ce n'est d'ailleurs pas simplement quelque chose qui se produit en Alberta, mais partout au pays. À Ottawa, il y a une liste d'attente de cinq mois pour les opérations à coeur ouvert et en Colombie-Britannique, 13 mois pour des gens qui souffrent beaucoup.

Ce que la députée et le gouvernement nous disent, c'est qu'il leur appartient de décider des besoins des patients. Le gouvernement décidera ce que le public peut et ne peut pas faire pour le régime d'assurance-santé actuel et l'état de santé des gens. C'est de l'arrogance pure et simple, alors que la santé est l'élément le plus important pour nous tous. Je pense que c'est totalement irresponsable.

Je répète que je serais très heureux de fournir une longue liste à la députée des situations qui démontrent que notre régime d'assurance-santé, tel qu'il est, ne fonctionne pas.

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir prendre la parole au sujet de la motion que le Parti réformiste a présentée concernant l'avenir des soins de santé et du régime d'assurance-maladie au Canada ainsi que la nature et la portée de la participation du gouvernement fédéral dans ce domaine. La motion se lit comme suit:

Que cette Chambre reconnaisse que, depuis la création de notre régime national de soins de santé, la part du financement fourni par le gouvernement fédéral est passée de 50 p. 100 à 23 p. 100 et, par conséquent, que la Chambre exhorte le gouvernement à consulter les provinces et d'autres intervenants, afin de préciser quels sont les services essentiels qui seront entièrement financés par les gouvernements du Canada et des provinces, et les services non essentiels pour lesquels les assurances privées et les bénéficiaires des services seront peut-être appelés à jouer un rôle complémentaire.
Le Parti réformiste croit que le gouvernement a une responsabilité fondamentale, celle de préserver le bien-être des Canadiens. Il a d'ailleurs dit, au dixième point de son énoncé de principes, qu'il estimait que les Canadiens ont, individuellement et collectivement, la responsabilité de venir en aide aux personnes qui ne peuvent prendre soin d'elles-mêmes et de subvenir à leurs besoins essentiels.

Le Parti réformiste croit également que le système de santé actuel est inefficace et qu'il n'arrive pas à fournir aux Canadiens les services essentiels. Il faut le modifier pour que les soins soient maintenus et que l'on puisse, à l'avenir, répondre aux besoins de tous, en matière de santé.

Dans l'intérêt des parents, de mes parents, des députés à la Chambre, de tous les Canadiens, de nos enfants et de nos petits-enfants, nous avons besoin d'un système auquel nous puissions faire confiance. Or, ce système est actuellement lui-même malade.

Tout au long de mon discours, je vais comparer l'approche des réformistes et celle du gouvernement face à l'avenir de notre régime de santé. La question des consultations est l'un des secteurs où le contraste est très clair. Cette motion demande au gouvernement de consulter les Canadiens et les autres intervenants du domaine de la santé sur l'avenir de l'assurance-maladie au Canada.


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Dans son fameux livre rouge, le Parti libéral s'est engagé à «établir, en concertation avec les pouvoirs publics provinciaux et les professionnels de la santé, un forum national sur la santé, chargé de trouver des solutions neuves pour maîtriser les dépenses de santé tout en respectant les principes du financement public et de l'universalité des soins». Cela a l'air intéressant, mais jusqu'ici, le gouvernement n'a pas tenu sa promesse. Il n'a pas encore consulté les Canadiens sur l'avenir de l'assurance-maladie dans notre pays et sur les rôles que le gouvernement fédéral, les gouvernement provinciaux et les autres intéressés seront appelés à jouer. À cause du manque de tact dont le gouvernement fédéral a fait preuve dans ce domaine, les provinces ont refusé leur participation.

(1310)

Les consultations ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être ou ce que le gouvernement prétend qu'elles sont. Ainsi, j'aimerais rappeler aux députés ici présents ce qu'il est advenu du comité itinérant qui devait consulter les Canadiens sur la réforme de la politique sociale. Qu'est-ce que cela a donné? Un processus boîteux et un rapport dont la publication a été reportée encore et encore jusqu'à ce qu'il soit discrètement rangé sur une tablette.

Par ailleurs, les réformistes réclament depuis longtemps que le gouvernement fédéral consulte véritablement les Canadiens sur des questions d'intérêt national telles que le régime de soins de santé. Nous croyons qu'une consultation sur les soins de santé doit avoir lieu auprès des patients et des utilisateurs, auprès des médecins et des professionnels de la santé, auprès des administrateurs de ces systèmes et, enfin, auprès des gouvernements provinciaux. Nous ne croyons pas en une approche descendante, décidée à Ottawa. Nous croyons que les Canadiens doivent participer au processus décisionnel, surtout lorsqu'il s'agit d'un système aussi important que celui des soins de santé.

L'engagement à tenir une consultation, le Parti réformiste l'énonce dans la motion débattue aujourd'hui, qui recommande que l'on engage en toute objectivité un véritable processus de consultation au sujet de l'avenir des soins de santé au Canada.

Un autre aspect où l'approche du Parti réformiste diffère de celle du gouvernement, c'est le financement fourni par le gouvernement fédéral. Comme il est dit dans la motion en question, la part du financement fourni par le gouvernement fédéral est passée de 50 p. 100 à 23 p. 100 au cours des dernières années.

Notre régime de soins de santé a été mis en place en 1957 avec l'entrée en vigueur de la Loi sur l'assurance-hospitalisation et les services diagnostiques. Le gouvernement fédéral a adopté cette loi à la suite des pressions exercées par les provinces, dont certaines avaient leur propre régime d'assurance. Cette loi établissait un système à frais partagés offrant à tous les habitants des provinces participantes une protection universelle et un accès universel aux hôpitaux. En 1961, toutes les provinces avaient adhéré à ce régime.

En 1977, on a remplacé cette loi par la Loi sur le financement des programmes établis. Il s'agissait de transférer de l'argent du gouvernement fédéral aux provinces pour la santé et l'enseignement postsecondaire. En 1984, on a adopté la Loi canadienne sur la santé qui interdisait la surfacturation ainsi que les frais modérateurs et imposait des sanctions aux gouvernements provinciaux violant ces dispositions.

L'histoire de toute la politique entourant les soins de santé au Canada est essentiellement l'histoire d'un gouvernement fédéral exigeant de plus en plus des provinces et leur donnant de moins en moins les moyens et la latitude nécessaires pour répondre à ces attentes.

Le gouvernement actuel est au pouvoir depuis moins de deux ans et il poursuit bel et bien cette tendance. En 1995, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de remplacer le Financement des programmes établis et le Régime d'assistance publique du Canada par le nouveau Transfert social canadien. En vertu du système précédent, cet argent était transféré séparément. Le Transfert social canadien constituera un mécanisme de financement global qui prendra la forme de transferts pécuniaires et de points d'impôt.

En vertu de ce nouveau système, on réduira les crédits fédéraux consacrés aux soins de santé. En 1995-1996, le gouvernement fédéral transférera aux provinces quelque 29,7 milliards de dollars, soit environ le même montant qu'en 1994-1995. En vertu de ce nouveau système, on va ramener les sommes versées au titre du Transfert social canadien à 26,9 milliards de dollars en 1996-1997 et à 25,1 milliards de dollars en 1997-1998. Pour le gouvernement, réformer les soins de santé consiste à sabrer dans le financement sans consulter les Canadiens.

En février, le Parti réformiste a annoncé son budget des contribuables avant celui du gouvernement. Nous donnerions aux provinces plus de latitude sur le plan fiscal grâce au transfert de points d'impôt, pourvu qu'elles participent à des consultations annuelles fédérales-provinciales sur la santé. Ces consultations régulières assureraient, entre les deux ordres de gouvernement, une communication qui serait profitable pour notre système de santé et permettrait de l'améliorer.

Une des principales priorités consisterait pour le gouvernement fédéral et les provinces à s'entendre sur ce qu'on entend par services essentiels et non essentiels. Il faudrait maintenir les services essentiels à un certain niveau dans tout le pays. Les services essentiels seraient ceux que souhaitent la majorité des Canadiens et que réclament les principaux intervenants dans le domaine des soins de santé. On ne laisserait pas le soin aux bureaucrates, à Ottawa, de prendre cette décision.

On doit avoir les moyens financiers d'assurer ces services et de les assurer à long terme. Tous ces services seraient couverts, quelle que soit la capacité de payer des gens. D'autre part, les Canadiens définiraient aussi les services non essentiels, et ces services ne seraient pas financés par le gouvernement fédéral, mais par des sources privées ou des régimes d'assurance. L'approche réformiste repose sur une consultation du bas vers le haut et non l'inverse.

(1315)

La réduction des transferts de fonds fédéraux de quelque 800 millions de dollars s'accompagnerait d'un accroissement des sources de revenus et de la marge de manoeuvre des provinces sous forme de transfert de points d'impôt. À la longue, les provinces finiraient par accroître les revenus destinés au régime de soins de santé.


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Le financement des régimes de soins de santé augmenterait à moyen et long terme et de façon constante pendant le prochain siècle. Les Canadiens se sentiraient plus tranquilles. Les provinces, qui sont découragées, jouiraient d'une plus grande souplesse et toute la population aurait accès à un meilleur régime de soins de santé. L'approche que nous préconisons assure la survie des soins de santé dans l'avenir alors que la conception que défend le gouvernement crée de l'incertitude dans les faits comme dans l'esprit des Canadiens.

La baisse du financement et l'incertitude préoccupent grandement la population de la Colombie-Britannique. Le plan fédéral de financement des soins de santé en Colombie-Britannique prévoit une diminution considérable des fonds. En 1995-1996, le gouvernement fédéral transférera à la province quelque 3,6 milliards de dollars au titre des soins de santé, de l'éducation et de l'aide sociale, en vertu du Régime d'assistance publique du Canada et du Financement des programmes établis. En 1996-1997, le nouveau Transfert social canadien ramènera le financement à 3,2 milliards. Il faut évidemment faire des sacrifices, mais cette approche soumettra les ressources de la province à des pressions considérables.

J'ai entendu quelqu'un aujourd'hui parler de rhétorique simpliste. Je me souviens que pendant la dernière campagne électorale le gouvernement a fait pire encore qu'utiliser une rhétorique simpliste: il a eu recours à des tactiques de peur. Je me souviens qu'il y avait, dans ma circonscription, des affiches sur lesquelles on pouvait lire: «Sauvons le Canada-Sauvons l'assurance-maladie». Si l'on compare ce genre de discours à ce que fait actuellement le gouvernement, on se rend compte qu'il n'a pas présenté correctement les choses.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Le temps de parole de la députée est malheureusement écoulé. Nous passons aux questions et observations.

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé, Lib.): Madame la Présidente, la députée a déclaré que les provinces n'aiment manifestement pas le régime et la façon dont le gouvernement fédéral a obligé la Colombie-Britannique à respecter la Loi canadienne de la santé, qu'elle enfreignait.

Je voudrais que la députée me nomme une seule province qui, ces quatre derniers mois, n'appuie pas franchement tous les principes de la Loi canadienne sur la santé. Je voudrais savoir quelles provinces n'ont pas appuyé le gouvernement fédéral pour qu'il s'assure que la Loi canadienne sur la santé est efficace et pour qu'il prenne les mesures nécessaires en ce sens. Autant que je sache, toutes les provinces ont appuyé ce concept. Elles croient au régime et à la Loi canadienne sur la santé. Elles appuient les cinq principes qu'elle renferme.

Lors de leur dernière réunion avec la ministre fédérale de la Santé, les ministres provinciaux ont réitéré cet appui, et celui de l'Alberta a dit qu'il souscrirait à ces principes.

Mme Hayes: Madame la Présidente, je ne tiens pas à regarder le passé, mais bien l'avenir au sujet de l'efficacité de la Loi canadienne sur la santé et de la question de savoir si ce sont les provinces ou les Canadiens qui devront s'occuper de leur régime de santé.

Je me suis entretenue avec des professionnels de la santé de ma circonscription qui se demandent comment on examinera certains services. Je présume que nous pourrions lancer un débat là-dessus mais, par exemple, les Canadiens veulent-ils avoir un accès illimité aux services et qu'on prête attention à toutes leurs plaintes ou leurs préoccupations en matière de santé? Veulent-ils un régime qui offre des services à tous en tout temps? Veulent-ils de longues périodes d'attente? Les gouvernements fédéral et provinciaux devront trouver réponse à ces questions. À notre avis, le régime ne pourra pas combler ces besoins dans les années à venir.

(1320)

Je sais que des hommes et des femmes vivent dans l'incertitude. Ils attendent de subir des examens pour connaître le diagnostic sur une affection qui risque d'être un cancer, par exemple. Ils ignorent s'ils ont ou non un cancer. Ils passent des nuits blanches. En outre, des personnes âgées attendent des mois avant de subir des opérations, alors qu'elles ont du mal à marcher ou à respirer.

Je ne comprends pas comment le gouvernement peut dire que le régime actuel continuera de fonctionner, alors que les fonds accordés aux provinces diminueront et que des lignes directrices rigides empêcheront les dispensateurs de soins d'offrir aux Canadiens les soins dont ils ont besoin.

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Madame la Présidente, la députée dit qu'elle ne croit pas à la méthode des directives données par Ottawa aux provinces, c'est-à-dire du haut vers le bas. En quoi exactement considère-t-elle que la Loi canadienne sur la santé et ses cinq principes-services accessibles, complets, universels et transférables, administrés par l'État-correspond à cette méthode? Ce sont les provinces et les territoires qui administrent le régime des soins de santé, et non Ottawa.

Mme Hayes: Madame la Présidente, je remercie la députée de sa question. Le régime des soins de santé est caractérisé par les différences entre les provinces plutôt que par la similitude des services. Dans l'état actuel des choses, les utilisateurs n'ont pas tous les mêmes attentes.

Le régime serait probablement plus adapté aux besoins réels des Canadiens si ceux-ci avaient leur mot à dire lorsqu'il s'agit de décider s'il faut financer ou non un service. Par exemple, nous avons entendu aujourd'hui que le Québec ne finance plus les services psychiatriques. Je connais des Canadiens qui s'attendent à ce que ces services soient financés. Dans d'autres régions du Canada, on peut se faire payer un avortement. Je connais des Canadiens qui ne sont pas d'accord. Les décisions de financer ou non ces services viennent-elles d'en haut ou de la base?

C'est dans ce genre de secteur que. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je suis désolée, le temps de la députée est écoulé.

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine, Lib.): Madame la Présidente, j'ai le plaisir d'intervenir aujourd'hui à propos de l'assurance-maladie et de la Loi canadienne sur la santé. Je voudrais expliquer comment et pourquoi les ministériels appuient l'assurance-maladie et continueront de le faire.


11872

Les réformistes demandent si nous voulons vraiment respecter les principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Rien ne justifie les terribles prédictions voulant que le gouvernement fédéral ne puisse plus exiger le respect de cette loi ou que notre système de soins de santé disparaisse par suite du budget.

Je rappelle que le discours du budget était très clair à cet égard. Le ministre des Finances a déclaré qu'aucune modification ne serait apportée à la Loi canadienne sur la santé. La ministre de la Santé a été aussi directe en s'adressant à l'Association des hôpitaux du Canada en mars dernier, lorsqu'elle a affirmé que: «Ni le gouvernement ni moi ne modifions notre engagement qui est de faire respecter et d'appliquer les principes de la Loi canadienne sur la santé.» Comme le premier ministre l'a dit à Saskatoon, les Canadiens refusent que ces principes soient l'objet de négociations.

Les nouveaux transferts constitueront un financement global. Certains députés s'en inquiètent, mais ils doivent se rappeler que le financement global pour la santé et l'enseignement postsecondaire existe depuis 18 ans. Les dispositions du Financement des programmes établis sont en vigueur depuis 1977 sous forme de financement global. Elles n'obligent pas les provinces à dépenser l'argent pour les soins de santé. Par contre, et cela a été décidé en 1984, quand le gouvernement libéral a adopté la Loi canadienne sur la santé, ces dispositions exigent que les provinces fournissent des soins de santé en conformité des cinq principes énoncés dans la loi, sans quoi leurs paiements de transfert seront réduits.

Rien dans le budget n'est venu modifier la capacité technique du gouvernement de faire observer les principes de la Loi canadienne sur la santé. Le mécanisme d'exécution reste le même. Si les paiements de transfert doivent être réduits, ils le seront.

(1325)

Les Canadiens peuvent avoir l'assurance que le nouveau transfert social canadien n'enlèvera rien à la capacité des autorités fédérales de faire respecter les principes que sont l'universalité, l'accessibilité, l'intégralité, la transférabilité et l'administration publique. Nous allons les faire respecter parce qu'ils sont fondés sur nos valeurs communes. Ces valeurs canadiennes, ce sont l'équité, la compassion et le respect de la dignité fondamentale de tous. Nous allons aussi faire respecter les principes de la Loi canadienne sur la santé parce qu'ils sont à la base d'un régime de soins qui est efficace sur le plan économique.

Il vaut la peine de rappeler aux députés de l'opposition que les principes de la Loi canadienne sur la santé ne sont pas de vains mots. Ils ont un sens réel. Permettez-moi de parler brièvement de chacun d'eux.

Le premier principe est celui de l'universalité. Les résidants d'une province donnée doivent être assurés par le régime provincial pour que les autorités fédérales accordent leur soutien. Ce que cela veut dire, au fond, c'est que nous devons tous avoir accès aux services. Il est impossible de priver de l'assurance les personnes qui risquent de coûter trop cher au régime. On ne peut nous fermer la porte de l'hôpital parce que nous n'avons pas versé notre acompte provisionnel au fisc ou que nous n'avons pas payé ses cotisations à la province. Celui qui a besoin de soins sera traité comme n'importe qui d'autre.

Le deuxième principe est celui de l'accessibilité dans les mêmes conditions pour tous. Aucun obstacle financier ne doit nous empêcher de recevoir des soins: pas d'honoraires supplémentaires, pas de frais modérateurs, pas de droits d'admission, ni de déboursé initial. Si le service est nécessaire, médicalement, nous devons le recevoir au moment choisi en fonction de considérations médicales et non en fonction de nos ressources financières.

Vient ensuite l'intégralité. Ce principe veut dire que les Canadiens ont toute une série de besoins en matière de santé et qu'il faut satisfaire ces besoins. Quand on y réfléchit un peu plus, on voit que le concept d'intégralité signifie encore une fois que l'on pratique l'équité. Il ne serait pas équitable en effet d'assurer seulement quelques services médicalement nécessaires et pas les autres. Je ne crois pas que nous puissions ou que nous devions essayer de déterminer au niveau fédéral quels sont les services médicalement nécessaires. Nous devrions plutôt continuer à interpréter la Loi canadienne sur la santé comme une assurance obligatoire de tous les services médicalement nécessaires.

Le gouvernement gardera pour position que, lorsqu'une province assure une partie du coût du service, cela démontre qu'elle l'estime médicalement nécessaire et que tous les coûts doivent être assurés.

Dans le rapport de la Commission royale d'enquête sur les services de santé, le juge Emmett Hall avait recommandé un régime d'assurance très général. Les gouvernements libéraux des années 60, 70 et 80 ont accepté le principe d'intégralité, dont l'extension n'était peut-être pas aussi vaste que celui que préconisait le juge Hall. Je puis assurer aux députés que le gouvernement libéral des années 90 n'abandonnera pas ce principe.

Le quatrième principe est celui de la transférabilité, ce qui signifie que les Canadiens conservent leur assurance-maladie en voyage ou en cas de déménagement. Le principe de transférabilité s'enracine cependant dans un des principes fondamentaux de notre fédération. Il reconnaît notre droit à la mobilité. Les Canadiens sont libres de travailler et de voyager n'importe où au Canada sans craindre de perdre leur assurance-maladie.

La transférabilité, c'est ce qui rend notre régime d'assurance-maladie vraiment national. Chacun des régimes distincts d'assurance-maladie peut être provincial à l'origine, mais il est reconnu à l'échelle nationale dans toutes les provinces du pays.

Le cinquième et dernier principe est celui de la gestion publique. Notre régime d'assurance-maladie doit être administré par les gouvernements provinciaux sur une base non lucrative. Je trouve qu'on n'accorde jamais à ce principe la même attention qu'aux autres, mais on le devrait. Ce principe est un facteur fondamental qui nous permet de limiter les coûts du régime et, partant, de fournir des soins de qualité à un prix abordable.

On pourrait penser que, sur les cinq principes, le Parti réformiste pourrait souscrire à celui-ci. La gestion publique est le critère qui nous permet d'assurer le respect de tous les autres principes. Lorsque l'assurance-santé est administrée et financée par l'entremise du gouvernement, nous pouvons garantir


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l'universalité, l'accessibilité, l'intégralité et la transférabilité des soins de santé parce que nous avons un droit de regard direct sur eux.

La gestion publique nous permet aussi d'assumer notre responsabilité collective à l'égard de notre régime de soins de santé. Les Canadiens sont chargés de financer notre régime de soins de santé. Nous le faisons collectivement avec nos impôts. Nous payons afin que tous puissent y avoir accès au besoin. Nous avons accepté de fournir tous ensemble le plus essentiel des services sociaux. Nous ne devons pas sacrifier cela.

La gestion publique montre aussi un autre trait de caractère des Canadiens, soit leur pragmatisme. Nous en voulons pour notre argent, et la meilleure façon d'obtenir cela dans le domaine des soins de santé, c'est d'administrer publiquement l'assurance-santé. Il suffit d'examiner l'expérience de nos voisins américains pour comparer l'efficacité de l'administration publique et celle de l'administration privée.

Un régime administré publiquement garantit non seulement qu'une part plus importante de notre budget de santé est employée pour les soins aux patients, mais il permet aussi au gouvernement de limiter les coûts des soins de santé mieux que le secteur privé.

(1330)

En 1993, nous avons dépensé environ 72 milliards de dollars pour les soins de santé. Cela représente 10 p. 100 de notre produit intérieur brut. La partie de ce 10 p. 100 qui est financée publiquement a augmenté de moins de 2 p. 100, alors que les dépenses qui sont engagées dans le secteur privé, au titre de la santé, ont connu une hausse de 6,4 p. 100.

Au cours des trois dernières années, les dépenses par habitant de la partie de notre régime qui est administrée publiquement ont diminué. Comme notre PIB a augmenté, on peut raisonnablement prédire qu'en 1994 et en 1995, nous consacrerons moins de 10 p. 100 du PIB aux soins de santé.

Dire que le gouvernement fédéral veut maintenir les principes de la Loi canadienne sur la santé ne suffit pas. Nous devons avoir la certitude que la population nous appuie. Nous savons tous que, à titre d'élus, nous ne pouvons pas faire fi de la volonté de nos électeurs. Ils nous ont élus et ils peuvent voter contre nous. Il en va de même du gouvernement. Les Canadiens nous disent tous une chose avec beaucoup de clarté: ils veulent que nous renforcions les principes de la Loi canadienne sur la santé.

Dans le système de soins de santé du Canada, il n'y a pas plusieurs catégories de citoyens. Nous jouissons tous de droits qui font l'envie du monde entier. Où que nous vivions au Canada, nous avons accès à des services de santé si nous en avons besoin.

Les nombreuses valeurs qui composent le tissu social canadien se reflètent dans les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé. Elles reflètent l'attachement des Canadiens à la justice et à l'équité dans notre système de soins de santé et ne disparaîtront pas de sitôt. Les Canadiens, moi y compris, ne le permettront pas.

Comme je l'ai déjà dit il y a quelques instants, que l'on compare simplement notre régime à celui des Américains. Cela fait des années qu'ils tentent là-bas d'avoir un régime national d'assurance-maladie. Ils ont un régime privé qui est offert par des compagnies privées. Les Américains dépensent entre 13 et 14 p. 100 de leur PNB pour les soins de santé et qu'est-ce ça leur donne? Trente-huit millions d'Américains n'ont aucune assurance-maladie et des millions d'autres n'ont qu'une assurance-maladie minimale. À mon avis, ils perdent au change. Ils dépensent plus et obtiennent moins. Par conséquent, à quoi bon privatiser notre régime d'assurance-maladie?

Certes, il y a des pays qui autorisent la surfacturation. L'Italie, par exemple, autorise la surfacturation et les cliniques privées. Ainsi, un malade dans un hôpital public peut se voir dire par un médecin: «Vous avez besoin d'être opéré. C'est une intervention qui coûte très cher et je ne peux vous la faire que si vous allez à la clinique X et si vous me payez tant.» C'est créer deux catégories de services. Si on paie plus cher, on est servi plus rapidement et on peut être soigné par des spécialistes.

Dans notre pays, peu importe qu'on soit riche ou pauvre ou même sans abri. Si nous avons besoin d'aide ou d'une intervention chirurgicale, nous choisissons le spécialiste ou le médecin qui nous traitera. C'est comme cela que doit fonctionner un régime d'assurance-maladie complet et accessible. Nous avons besoin de ce genre de sécurité et de stabilité. Notre santé est ce que nous avons de plus précieux, car elle nous permet de faire tout le reste. On parle de chômage. Les gens qui s'inquiètent pour leur santé ne peuvent pas étudier, ils ne peuvent pas acquérir de formation et ils ne peuvent pas travailler.

Le régime d'assurance-maladie donne un sentiment de stabilité aux Canadiens. Ils n'ont pas à craindre de perdre leur maison et d'être réduits à la pauvreté s'ils tombent malades ou si leurs enfants ou leurs parents tombent malades.

Oui, les choses ont changé et il y a beaucoup plus de personnes âgées. Nous devons nous orienter vers de nouveaux traitements. C'est vrai. Cela ne nous oblige pas à renoncer à un seul des principes de l'assurance-maladie. Je n'appuierais jamais une décision allant dans ce sens. Nous devons rechercher de nouveaux traitements et de nouvelles façons d'aider les gens.

Au Canada, la médecine doit être axée sur la prévention et ne plus être, comme maintenant, une médecine d'intervention. Dans de nombreux cas, nous traitons encore les symptômes au lieu de faire de la prévention. Abstraction faite des coûts actuels, nous pourrions réduire considérablement les coûts de nos services de santé si nous prenions un virage radical vers la prévention. Nous devrions rechercher à améliorer notre système de santé et notre assurance-santé en adoptant des stratégies de prévention et d'autres mesures plutôt qu'en nous attaquant aux principes de base des soins de santé. Cette dernière façon de faire est inacceptable. Le gouvernement n'appuiera jamais une mesure en ce sens.

Il nous faut redoubler d'efforts pour que même des services comme les services psychiatriques entrent dans les services fondamentaux. Il y a beaucoup trop d'enfants sur les listes d'attente. Oui, une province a décidé que ce n'était pas un service nécessaire. Peut-être devrions-nous étudier la question parce


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qu'il s'agit d'un service de prévention. C'est à cela que je pense lorsque je parle de moyens innovateurs de réduire les coûts de l'assurance-maladie, pas à un accès plus restreint aux services de santé.

(1335)

[Français]

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui sur la motion du Parti réformiste concernant notre système de santé. Cette motion vise l'établissement d'une liste de services de soins de santé jugés essentiels, financés complètement par les gouvernements fédéral et provinciaux et l'établissement d'une liste de services jugés non essentiels, financés par les régimes privés d'assurance-santé ainsi que par une forme quelconque de frais modérateurs pour les bénéficiaires.

Évidemment, nous nous opposons à cette motion pour des raisons que je préciserai dans mon intervention. D'abord, la première partie de la motion se lit ainsi:

Que cette Chambre reconnaisse que, depuis la création de notre régime national de soins de santé, la part du financement fourni par le gouvernement fédéral est passée de 50 p. 100 à 23 p. 100. . .
Nous reconnaissons volontiers le constat du désengagement du fédéral. Par contre, ce qu'il faut dénoncer vivement, c'est que ce désengagement financier n'a jamais fait l'objet d'une quelconque compensation aux provinces, ajoutant ainsi au fardeau fiscal de celles-ci.

D'ailleurs, la façon unilatérale du fédéral de protéger son partenariat dans le régime canadien d'assurance-santé est loin de faire l'unanimité des provinces. Les ministres de la Santé des provinces ne s'entendent pas non plus sur la façon de protéger le régime canadien d'assurance-santé des effets des réductions de services et des réductions de paiements dans les transferts fédéraux.

Dans Le Devoir du 13 avril dernier, le journaliste Jean-Robert Sansfaçon écrivait ce qui suit: «Comme l'a naïvement expliqué la ministre de la Santé, le versement d'un seul montant global, le Transfert social canadien, plutôt que plusieurs petits montants sectoriels en baisse constante pour la santé, l'éducation et l'aide sociale, permettra à Ottawa de continuer d'exercer un contrôle qui risquerait de lui échapper avec la diminution de ses contributions. Toute astucieuse qu'elle soit, la stratégie du premier ministre n'en est pas moins inique.»

Ottawa prévoit réduire ses paiements de transfert aux provinces de 7 milliards en trois ans à compter de 1996-1997. Au Québec, ces coupures compromettront le système des soins de santé. M. Rochon, ministre de la Santé, a dévoilé à la Conférence des ministres de la Santé, à Vancouver, une étude de son ministère selon laquelle le Québec qui accuse déjà un manque à gagner de 8 milliards, soit l'équivalent du budget annuel du réseau québécois des services de santé au chapitre des transferts en matière de santé depuis 1982-1983, se verra une fois de plus privé par Ottawa d'un montant de 2,4 milliards d'ici 1997-1998.

Comme le soulignait ma collègue de Drummond, dont je m'empresse de souligner l'anniversaire de naissance et de lui souhaiter une belle journée, la contribution fédérale va décroissant étant passée d'environ 45,9 p. 100 des dépenses de santé au Québec en 1977-1978 à 33,7 p. 100 en 1994-1995. On peut donc estimer ainsi que les dernières compressions au financement des programmes établis ont entraîné pour le Québec une réduction de la contribution fédérale de quelque 10,6 p. 100 des dépenses de santé.

On reconnaît bien ici la signature du système fédéral qui décide unilatéralement de se retirer d'une juridiction qui ne lui appartient pas de toute façon et ce, sans remettre aux provinces l'équivalent des coûts financiers correspondant à ce désengagement. «C'est un excellent système», a déjà affirmé le premier ministre «et nous désirons le maintenir.» Alors, pourquoi ce désengagement si le système est si bon?

Il faut plutôt comprendre ici que ce sont encore les provinces qui auront à maintenir cet excellent régime de soins de santé, mais sans l'aide fédérale. Unilatéralement et implacablement, ce gouvernement libéral, après nous avoir imposé en 1984 les cinq grands principes régissant la Loi canadienne sur la santé, se désengage financièrement et se garde le pouvoir de maintenir ses normes nationales.

Rappelons les grands principes. Il y a tout d'abord l'intégralité; ce principe suppose que tous les services de santé assurés par les hôpitaux, les médecins et les dentistes soient assurés. Ensuite, vient l'universalité; cela suppose que les assurés de chaque province ont accès aux services de santé assurés. En troisième lieu, il y a la transférabilité; les régimes provinciaux sont transférables d'une province à l'autre et les services de soins de santé assurés sont également fournis à des assurés temporairement absents de leur province. Quatrièmement, l'accessibilité; les régimes provinciaux doivent offrir des services selon des modalités uniformes; la facturation est donc interdite. Et finalement, il y a la gestion publique; la gestion publique étant que le régime d'assurance-santé doit être géré sans but lucratif par une autorité publique, désignée par le gouvernement provincial.

(1340)

Nous, au Québec, n'avons pas de difficultés avec les cinq conditions. Pour nous, ce sont des principes qui sont des consensus minimaux. Mais quelle est la stratégie du gouvernement fédéral, surtout quand on entend la ministre de la Santé, la main sur le coeur, faire des déclarations à l'emporte-pièce et se poser en grand défenseur de l'intégrité du régime canadien d'assurance-santé? Les coupures, décidées unilatéralement par le Budget du gouvernement fédéral sont draconiennes.

Dans ce sens, j'aimerais rappeler une intervention que la ministre de la Santé faisait devant le comité sénatorial sur l'euthanasie et le suicide assisté, où elle parlait des soins palliatifs.


11875

[Traduction]

Voici ce qu'a dit la ministre: «J'aimerais signaler dix questions sur lesquelles nous devons nous pencher pour pouvoir donner des soins de haute qualité au malade-un sujet qui me préoccupe-lorsqu'il arrive au terme de sa vie. Il faut d'abord améliorer le diagnostic et le pronostic. Il faut aussi former les dispensateurs de soins. C'est essentiel. Nous avons besoin d'équipes complètes de dispensateurs, composées à la fois de médecins et de réseaux de bénévoles qui aideront à surmonter les problèmes liés au dernier stade de la vie. Il faudra peut-être même établir de nouvelles spécialités dans ce domaine.»

[Français]

Elle continue en français: «La priorité doit être accordée à la recherche sur le traitement de la douleur. Il nous faut en savoir davantage sur la question du confort et sur ce qui peut y contribuer, sur la médication et la posologie. Il faut mettre en place des réseaux de soutien à l'intention des malades et des personnes qui les soignent.» Enfin, et c'est peut-être la plus belle déclaration de cette allocution:

[Traduction]

«Il faut multiplier les établissements. Il n'y a pas assez de centres de soins palliatifs, surtout en dehors des grands centres urbains. Nous avons besoin de centres qui coordonnent les soins donnés dans la collectivité et au foyer, et qui soient dotés de personnel spécialisé ouvert à l'extension et à la mobilité des services.»

[Français]

Non seulement le gouvernement fédéral se permet de fixer des conditions, des grands principes, mais en plus, il permet de fixer des priorités dans des champs d'application provinciale. Et la réponse que la ministre de la Santé a à ces belles préoccupations dont elle nous fait part, c'est qu'elle va couper dans les paiements de transfert aux provinces. Est-ce que c'est elle qui coupe? Non. Elle se soumet tout simplement au dictat du ministre des Finances.

Dans ce sens, le système de santé canadien n'a plus de direction et on peut comprendre, même si nous, au Québec, nous vivons encore un consensus social très large en faveur des conditions des grands principes de la Loi sur la santé, nous pouvons comprendre le Parti réformiste d'amener des suggestions pour arrêter d'étouffer le système, parce que finalement, ce sont les grandes conditions qui doivent être posées. Est-ce qu'on va continuer à faire comme on fait actuellement, ce qui veut dire de diminuer dans chacun des services, ce que le ministre de la Santé du Québec est obligé de faire à cause des coupures fédérales, ou est-ce qu'on ne devrait pas désassurer certains services? Je pense que nos amis du Parti réformiste rendent service à la Chambre en mettant cette question sur la table.

On a une réforme importante au niveau du financement de la santé, qui est amorcé, et il faut aller plus loin que les grandes rhétoriques de la ministre de la Santé. Dans un discours devant l'Association des hôpitaux, prononcé le 17 mars 1995, la ministre de la Santé, encore une fois, a rappelé certaines réalités du système: «Aucun élément du Budget ne modifie notre capacité technique de faire respecter les principes de la Loi canadienne sur la santé. Le mécanisme d'exécution demeure inchangé. Si des déductions doivent être faites sur les paiements de transfert, elles seront faites, soit sur la partie monétaire du nouveau Transfert social canadien, soit au besoin sur d'autres transferts monétaires.»

C'est ce qu'on appelle le gros bâton. Pourtant, plus loin dans son discours, la ministre ouvre elle-même la porte à un système à deux niveaux. Elle dit d'ailleurs: «Par ailleurs, nous devons être raisonnables. Ni le gouvernement ni moi n'allons demander aux provinces de couvrir des services comme la chirurgie esthétique. En pratique, nous devons laisser aux provinces une certaine latitude dans la définition de la gamme des services assurés. Par contre-admet-elle-nous devons comprendre qu'en excluant certains services médicaux de l'assurance-santé, nous ouvrons la porte à la privatisation de la couverture des services médicaux et à l'affaiblissement du contrôle des coûts.»

(1345)

Plus loin, elle fait un mea culpa bien léger en disant «qu'en tant que politicienne»-et je suis d'accord avec elle, c'est bien ce qu'elle est dans ce cas-ci-«je dois me plier à la volonté des Canadiens et des Canadiennes, et les Canadiens et les Canadiennes nous disent très clairement qu'ils veulent que nous fassions respecter les principes de la Loi canadienne sur la santé.»

On étouffe les provinces, mais on se cache derrière des voeux pieux. Cependant, comme nous le déclarait le ministre de la Santé de la Saskatchewan, M. Lorne Calvert:

[Traduction]

«Si le gouvernement fédéral continue de réduire unilatéralement les fonds qu'il verse aux régions, comment compte-t-il assurer l'intégrité du système?»

[Français]

Nous n'avons pas eu ce matin, malgré les nombreuses interventions de la ministre, de réponse à cette question. La part du financement du gouvernement fédéral dans les soins de santé se situe actuellement autour de 23 p. 100, et gageons qu'elle décroîtra encore. En chiffres nets, de 29,7 milliards qu'ils seront en 1995-1996, les transferts fédéraux pour la santé, l'aide sociale et l'éducation passeront à 26,9 milliards en 1996-1997 et à 25,1 milliards en 1997-1998. Et la ministre admettait tantôt dans son discours devant l'Association des hôpitaux qu'il y a une part pour la santé là-dedans, mais elle ne veut pas la définir.

Comme pour tenter de minimiser de justifier l'ampleur des coupures, le premier ministre faisait remarquer que les États-Unis consacrent 15 p. 100 de leur PIB à la santé, l'Europe 8 p. 100 et le Canada 10 p. 100. «Pourquoi, demande alors le premier ministre, dans une entrevue accordée à l'émission Morningside au réseau CBC, ne serait-il pas possible au Canada par exemple de le faire en consacrant 9 p. 100 de son PIB?»

Le premier ministre sait-il qu'aux États-Unis les services de soins de santé sont privés et que près de 40 millions d'Américains n'ont pas d'assurance-santé? Sait-il aussi que le gouvernement américain essaie de mettre sur pied un régime de soins de santé public et qu'il se heurte à une formidable opposition du secteur privé?


11876

Je ne sais si le gouvernement s'en rend compte, mais avec de telles coupures, c'est le gouvernement fédéral lui-même qui met en péril son propre régime. C'est le premier ministre lui-même qui, par ses déclarations sur les services essentiels, prête flanc à la transgression du système actuel et ouvre la voie à un système à deux paliers.

Au fond, cette volonté apparente de rationalisation des coûts du régime de soins de santé, volonté qui s'est traduite par des gels et des réductions de paiements de transfert-et je rappellerai que la ministre dans le même discours faisait état d'augmentations au niveau des coûts du système de santé d'environ 2 p. 100 par année-ces gels et ces réductions de paiements de transfert dissimulent les véritables intentions du gouvernement, soit la réduction du déficit sur le dos des provinces.

Alors, comment ce gouvernement peut-il encore prétendre légitimement être justifié d'imposer des normes et de dicter sa ligne de conduite sur la gestion et le fonctionnement des systèmes de santé provinciaux? En fait, ce gouvernement se pose en justicier auprès des provinces et veut les consulter pour voir comment elles devront se serrer la ceinture pour réduire les coûts et les services de santé tout en respectant les contrôles exercés par les normes fédérales.

Je rappellerais que dans ce cadre-là, la consultation était entre le ministre des Finances fédéral et les ministres des Finances provinciaux. Par la suite, une fois que tout cela était ficelé, on a avisé comme par hasard les ministres de la Santé provinciaux et la ministre fédérale qu'il faudrait qu'ils rationalisent leurs systèmes.

Le Forum sur la santé est sûrement un autre exemple de non-respect des provinces. Le ministre Rochon a déjà réitéré l'opposition du Québec à ce Forum sur la santé, démarche qui témoigne à nouveau de l'attitude intransigeante du gouvernement fédéral à l'égard des provinces.

Rappelons également une déclaration de l'ex-ministre de la Santé du Québec qui est maintenant ministre du Travail du gouvernement fédéral et qui est étrangement absente du débat aujourd'hui, qui disait au sujet du Forum national sur la santé, lorsqu'elle était ministre de la Santé au Québec, et je la cite: «La conduite du gouvernement fédéral est aberrante. Comment peut-on envisager une révision du régime de santé sans la participation des provinces qui sont responsables de la livraison des services? Ce n'est tout simplement pas acceptable.»

Dans le cas de la ministre du Travail, on peut dire: autre temps, autres moeurs, autre niveau de gouvernement, autre discours.

(1350)

Rappelons qu'en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, ce sont les provinces qui ont l'unique et entière juridiction sur la santé. L'intrusion coûteuse du fédéral dans ce domaine, notamment par les dédoublements de programmes, s'appuyait juridiquement sur le pouvoir de dépenser que confère au gouvernement fédéral la Constitution.

Le gouvernement fédéral justifie sa participation dans le domaine de la santé sur la considération que la mise sur pied et le maintien d'un régime d'assurance-maladie constituent en soi des questions primordiales d'intérêt canadien, le «national interest», et qu'ils sont constitutifs des droits et avantages associés à la citoyenneté canadienne. Maintenant qu'il s'est endetté, le gouvernement fédéral se retire financièrement, mais en réaffirmant toujours le «national interest», et ce, en maintenant les pouvoirs qu'il s'est appropriés.

La véritable solution, selon le ministre Rochon, consiste plutôt en un retrait complet du gouvernement fédéral de son implication dans l'organisation du système de santé. Il y a un transfert des points d'impôt qui appartiennent au Québec, et j'ajouterais à chacune des provinces.

Dans sa deuxième partie, la motion se lit comme suit:

[. . .] par conséquent, que la Chambre exhorte le gouvernement à consulter les provinces et d'autres intervenants, afin de préciser quels sont les services essentiels qui seront entièrement financés par les gouvernements du Canada et des provinces. . .
Plusieurs députés de cette Chambre, autant du côté du gouvernement que du côté de nos amis du Parti réformiste, ont mentionné des exceptions, des exemples de programmes ou de traitements qui font l'objet d'ententes particulières.

J'aimerais également rappeler l'importance au Québec des cinq conditions fondamentales relatives à la santé, lesquelles ont fait l'objet de discussions importantes au cours de la campagne électorale. On se rappellera que l'ancien gouvernement libéral provincial duquel faisait partie la nouvelle ministre fédérale du Travail souhaitait éliminer la circulaire Malade sur pied qui détermine les médicaments qui sont couverts ou disponibles. Il souhaitait également imposer un ticket modérateur de 20 $ à l'égard des traitements de chimiothérapie pour les personnes atteintes de cancer. Cette directive, je le rappellerai, a soulevé un tollé très grand au Québec; les libéraux l'ont suspendue rapidement et le nouveau gouvernement s'est empressé de l'éliminer.

On ne peut pas éliminer tout ce qui est ticket modérateur. Je sais qu'il existe au Québec une forme de ticket modérateur pour ce qui est d'un certain service, mais les coupures qui sont faites par le gouvernement fédéral nous imposent des exercices absolument incommensurables, et je pense que le gouvernement fédéral doit porter l'odieux de ces coupures faites dans le domaine de la santé dans chacune des provinces.

Également, le gouvernement du Québec étudie la faisabilité d'instaurer au Québec un régime universel de base d'assurance-médicaments pour pouvoir permettre à l'ensemble de notre population et non pas uniquement aux prestataires d'aide sociale ou aux aînés de pouvoir bénéficier de ces services et pour couvrir l'ensemble des nouveaux médicaments et des nouvelles molécules qui sont découverts pour des maladies telles le sida ou les traitements de cancer.

Donc, dans ce sens, le Québec continue de faire des efforts très importants dans ce domaine en ce qui concerne l'universalité de l'accessibilité des soins. Lorsque nous du Bloc soutenons encore ces mesures, ce qu'on dit au gouvernement fédéral c'est si vous n'êtes pas capables de maintenir ces principes auxquels nous tenons, donnez-nous nos points d'impôt et on va s'en occuper. Mais on ne peut présumer-et je ne pense pas que cela devrait être le cas du système-de ce qui doit être fait dans les provinces.

11877

Pour ce qui est des autres provinces, si l'ouest du pays veut prendre un autre chemin, qu'il le prenne, sauf qu'il devra toujours négocier avec l'ensemble des provinces, et la question de la transférabilité du système pourra se faire avec ou sans le gouvernement fédéral pour que les Albertains puissent se faire soigner au Québec et que les Québécois puissent se faire soigner en Alberta également.

Donc, je pense que dans ce domaine le gouvernement fédéral est la principale autorité à blâmer.

En terminant, j'aimerais rappeler que nous nous opposerons à cette motion, tout en félicitant le Parti réformiste d'avoir amené cette question à la Chambre.

(1355)

[Traduction]

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, Lib.): Madame la Présidente, j'ai été un peu perturbée par la dernière partie du discours du député.

Le député peut me corriger si je me trompe, mais j'ai compris qu'il voudrait que le régime national d'assurance-santé soit aboli et que les provinces s'entendent entre elles sur les questions comme la transférabilité.

Le gouvernement tient à ce que nous ayons un régime national d'assurance-santé dans le cadre duquel tous les Canadiens sont traités de la même façon lorsqu'ils traversent d'une province à une autre. Je voudrais vraiment que le député donne plus de détails sur son idée d'abolir le régime national d'assurance-santé ou qu'il me corrige si j'ai mal compris.

[Français]

M. Daviault: Monsieur le Président, l'honorable députée a sans doute oublié une partie de mon intervention. Ce que je souligne, c'est qu'au Québec, nous sommes favorables aux cinq principes. Pour nous, ce sont des consensus minimaux. Toutefois, je crois qu'il y a un certain cynisme de la part du gouvernement fédéral que de se cacher derrière les cinq principes et de couper les ressources aux provinces.

Plus tôt, la députée, dans une intervention, a rappelé que la nécessité était la mère de l'invention. Je ne crois pas que c'est pour rendre dynamique des provinces paresseuses que le gouvernement fédéral a décidé de couper dans les paiements de transfert aux provinces, c'est simplement parce qu'il a des problèmes financiers. Ce n'est pas une stratégie de santé, c'est une stratégie financière uniquement, et la ministre de la Santé, à ce niveau-là, est subordonnée au désir du ministre des Finances.

Nous pensons que nous sommes à une croisée des chemins à ce moment-ci. Le Québec est toujours derrière les principes d'universalité, d'accessibilité et de transférabilité de l'ensemble des principes. Toutefois, si le gouvernement fédéral n'est pas capable de faire son travail, nous sommes prêts, nous, comme province, à négocier avec les autres provinces par-dessus la tête du gouvernement fédéral pour s'assurer la transférabilité du système. Que le gouvernement fédéral mette ses culottes, fasse respecter et donne l'argent nécessaire. C'est vrai jusqu'à un certain point que l'argent n'est pas tributaire de bons services en santé, mais lorsqu'on coupe. . .

Des voix: Bravo.

Le Président: Chers collègues, comme il est 14 heures, conformément à l'article 30(5) du Règlement, la Chambre procédera maintenant aux déclarations de députés.

_____________________________________________


11877

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE MOIS DE LA SANTÉ DENTAIRE

Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Monsieur le Président, si je souris aujourd'hui, c'est que je veux rappeler à la Chambre qu'avril est le Mois de la santé dentaire au Canada.

C'est l'occasion pour tous les Canadiens de sourire pour qu'on puisse admirer leurs dents. Je suis fière de faire remarquer que le Canada est le pays où les normes de santé sont les plus élevées, cela en grande partie grâce à notre médecine dentaire qui est axée sur la prévention.

Cela fait maintenant des années que l'Association dentaire du Canada et les associations provinciales et locales parrainent des activités et des projets à but éducatif à l'intention tant des enfants que des adultes, parmi lesquels des peintures murales, des affiches, des annonces publicitaires à la radio et à la télévision ainsi que dans les journaux, et des cliniques offrant des soins dentaires gratuits.

Je demande à tous de saluer avec moi les efforts de l'Association dentaire du Canada et des associations nationales et provinciales.

Je demande seulement un sourire aux députés.

* * *

[Français]

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE LA SCHIZOPHRÉNIE

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'informer les députés de cette Chambre du lancement de la campagne d'information de la Société canadienne de la schizophrénie. Le but de cette campagne est très clair: démystifier la schizophrénie aux yeux de la population, afin de remplacer les fausses conceptions que l'on s'en fait par des données plus justes. Le thème choisi pour cette campagne est éloquent et se lit comme suit: «Si vous pensez qu'il est difficile de le prononcer, imaginez ce que c'est de le vivre.»

Une personne sur cent au Canada est atteinte de ce déséquilibre. Pour bien combattre cette maladie, il est important de mieux la connaître. Les efforts de la Société canadienne de la schizophrénie tombent donc à point et permettront de franchir ce pas important que représente une meilleure connaissance de la schizophrénie.


11878

(1400)

[Traduction]

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, j'ai reçu dernièrement une lettre de Darrell McKnight, cet homme de Fredericton auquel on a, en vertu d'un décret, confisqué son fusil de chasse il y a quelques semaines.

Ce qu'il écrit a tellement de sens que je vais vous le lire:

Je ne prétends pas mieux connaître la loi que le procureur général. Néanmoins, quand j'étais très jeune, ma mère m'a appris qu'il n'était pas bien de prendre le bien d'autrui. C'est du vol. Avant, il y avait une loi contre le vol-même par le gouvernement.
Cet incident montre l'honnêteté et la justice auxquelles on peut s'attendre de la part du procureur général. Le traiter de voleur ne serait pas lui rendre justice car il est beaucoup plus puissant et beaucoup plus dangereux pour ce pays que ne l'est un voleur ordinaire qui doit enfreindre la loi pour voler. Le ministre, lui, n'a qu'à prendre son stylo et modifier la loi.
Voilà ce que pense un Canadien ordinaire du gouvernement par décret.

Le Président: Les députés ont toute latitude de dire ce qu'ils veulent à la Chambre. Je tiens cependant à souligner que leurs déclarations doivent provenir d'eux-mêmes, surtout celles faites pendant la période des déclarations de députés.

* * *

LE SANCTUAIRE DE LA BAIE ISABELLA

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine, Lib.): Monsieur le Président, je suis fière de prendre la parole à la Chambre, aujourd'hui, au nom des élèves de l'école publique Norway, située dans ma circonscription.

Les jeunes de cette école se sont attaqués à une cause vraiment admirable. Ils veulent établir Igalirtuuq, un sanctuaire dans la baie Isabella de l'île de Baffin, pour la baleine boréale. Cette baleine est menacée d'extinction, et un sanctuaire pourrait protéger l'espèce.

Les 10-12 ans de l'école publique Norway ont écrit des lettres à la ministre de l'Environnement et ont fait circuler une pétition lors d'une récente opération portes ouvertes à leur école. Je présenterai ces lettres, ainsi que la pétition, à la ministre de l'Environnement la semaine prochaine.

Les élèves ont beaucoup travaillé pour s'informer et informer les autres au sujet de la baleine boréale et des autres espèces de baleines. Ils veulent sauver la baleine boréale de l'extinction et ils demandent l'aide de la Chambre.

Je désire féliciter ces enfants de leur enthousiasme pour cette cause et je demande à la ministre de l'Environnement de faire tout ce qu'elle peut pour établir un sanctuaire dans la baie Isabella afin de protéger la baleine boréale.

LES EMPLOIS SAISONNIERS

M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à féliciter le Groupe d'étude chargé du travail saisonnier et de l'assurance-chômage pour son excellent rapport intitulé Des emplois durables.

Comme il l'a si bien dit: «Il n'y a pas de travailleurs saisonniers, il n'y a que du travail saisonnier, et ceux qui occupent des emplois saisonniers n'ont souvent pas d'autre travail dans la morte-saison.»

Les industries saisonnières et les gens qu'elles emploient ont relevé le défi des rigueurs du climat canadien et de la topographie de notre pays. Elles et ont édifié, sur la base de ressources naturelles abondantes, l'un des pays les plus prospères au monde.

À l'heure actuelle, le travail saisonnier fournit du travail à plus d'un million de Canadiens qui en vivent. Les industries saisonnières et les gens qui en dépendent vont continuer à contribuer de façon importante à l'économie des régions, même en cette période de transition vers une économie davantage basée sur l'information. La réforme de l'assurance-chômage doit tenir compte des circonstances spéciales des personnes qui ont des emplois saisonniers.

J'encourage tous les députés à lire ce rapport bien documenté auquel je souscris sans réserve.

* * *

LA FANFARE BURLINGTON TEEN TOUR BAND

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage à la fanfare de chez nous, la Burlington Teen Tour Band dont les réalisations sont certes un modèle pour tous les jeunes Canadiens.

Notre fanfare vise l'excellence musicale; elle a acquis une réputation nationale et internationale. Elle parcourt le monde et agit à titre de véritable ambassadeur pour le Canada et pour notre ville.

Le 28 avril 1995, la Burlington Teen Tour Band sera en Hollande pour y représenter tous les Canadiens et participer aux célébrations du 50e anniversaire de la libération de la Hollande. Burlington est fière de ces jeunes, de leurs parents, de leurs admirateurs fidèles et des bénévoles qui les entourent.

Pendant son séjour en Hollande, la fanfare participera à la parade nationale de Apeldorn et aux services commémoratifs au cimetière militaire de Groesbeek. Je suis fière de tous les membres de la Burlington Teen Tour Band et fière qu'ils représentent Burlington et notre pays.

Il est important de saluer les réalisations extraordinaires des jeunes Canadiens. Les activités des jeunes de la Burlington Teen Tour Band sont certainement exemplaires pour tous les Canadiens. Je les félicite et leur transmets mes meilleurs voeux pour leur fabuleux voyage.


11879

[Français]

LA JOURNÉE COMMÉMORATIVE DE L'HOLOCAUSTE

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, aujourd'hui est le Yom Hahshoah qui marque le 50e anniversaire de la fin de l'holocauste et de l'horreur des camps de concentration en Europe.

Des millions d'hommes, de femmes et d'enfants ont péri sous le joug de la tyrannie nazie. La mémoire des victimes de l'holocauste ainsi que la mémoire des dizaines de millions de personnes de toutes nationalités tuées lors de la Deuxième Guerre mondiale nous rappellent la fragilité de la vie et de la liberté.

(1405)

Cinquante ans plus tard, le monde est encore confronté à des exterminations planifiées. Les massacres de populations et la haine sont une réalité quotidienne. Oublier, c'est se donner le droit de fermer les yeux sur la violence. Se souvenir, c'est garder en mémoire notre responsabilité collective à l'endroit des nations opprimées.

* * *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, à première vue, l'économie canadienne semble très bien se comporter. Pourtant, comme la décote à laquelle a procédé la société Moody's l'a bien montré, cette forte activité est trompeuse. Trois indicateurs laissent présager des moments difficiles.

Il y a, tout d'abord, la chute de notre dollar. Depuis que le gouvernement a présenté son premier budget, notre devise a perdu plus de 20 p. 100 de sa valeur par rapport au yen et au mark. La Banque du Canada n'a réussi à ralentir sa chute qu'en maintenant les taux d'intérêt à un niveau élevé.

Cependant, ce sont justement ces taux d'intérêt élevés qui nuisent à la reprise, à la vente de maisons qui a atteint son plus bas niveau en 13 ans, au mois de mars.

Alors que la combinaison de taux d'intérêt élevés et d'une dépréciation de notre devise nuit déjà à notre économie, un troisième problème apparaît à l'horizon. L'inflation refait surface, ce qui va empêcher la Banque du Canada de procéder à la réduction des taux d'intérêt dont nous avons tous besoin en tant que Canadiens.

Le message est clair. Si le gouvernement ne se lance pas dans une nouvelle voie financière pour éliminer le déficit et non le réduire, nous courrons tout droit à notre perte.

* * *

L'AGRICULTURE

M. Vic Althouse (Mackenzie, N.P.D.): Monsieur le Président, lorsque le ministre de l'Agriculture a témoigné devant le sous-comité du transport du grain, il s'est contenté de dire qu'il fallait faire ce qu'il disait et non ce qu'il faisait. Il nous a invités alors à nous préparer pour l'avenir. En tant que notre grand leader face à ce défi important, il s'est ensuite mis à l'abri en se plaignant de ses fonctions administratives. Il a parlé de problèmes comme la façon d'effectuer un versement, à qui on devait verser cet argent et pour quelles terres, pourquoi et quand. Que de problèmes!

Il a évité tout débat sur les décisions à long terme en matière de transport que son gouvernement a déjà imposées au secteur agricole, c'est-à-dire la suppression de la subvention du Nid-de-Corbeau à compter du 1er août, la déréglementation des lignes secondaires le 1er janvier et la déréglementation complète des tarifs en 1999. Ces décisions augmenteront les tarifs-marchandises à un point tel qu'ils rejoindront ceux appliqués dans le cas d'autres produits, ainsi que les tarifs-marchandises américains.

Face à toutes ces mauvaises nouvelles, il n'est pas surprenant que notre petit général n'ait pas eu le courage de regarder en avant ni même d'alerter ses troupes. Quelle vision! Quel courage! Quelle terrible déception!

* * *

LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe, Lib.): Monsieur le Président, il y a deux ans s'ouvrait aux Nations Unies, à New York, la première session de la Commission du développement durable. Il avait alors été convenu que les membres présenteraient des rapports des activités entreprises dans le cadre du programme Action 21, le plan d'action mondial sur le développement durable.

Je suis heureuse d'annoncer que le Canada a présenté son deuxième rapport aux Nations Unies, la semaine dernière. Ce rapport vient de tous les Canadiens et reflète les efforts qu'ils font pour favoriser le développement durable.

Le Canada a réalisé des progrès, cette année, dans les secteurs des parcs, de l'agriculture, des forêts et de la conservation des végétaux et des animaux. Nous mettons en valeur les ressources de notre pays et veillons à leur santé, pour l'avenir.

Cette semaine, le Canada continue de partager ses expériences avec les autres membres des Nations Unies qui participent à cette session, ce qui favorise encore plus le développement durable et encourage tous les États membres à apprendre les uns des autres.

* * *

LA CROATIE

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais souhaiter la bienvenue à deux distingués visiteurs de la République de Croatie, M. Mladen Vedrish et M. Rodesh.

M. Vedrish est membre de la Chambre des représentants et président de la Chambre d'économie de Croatie. M. Rodesh est membre de la Chambre haute. Ils sont au Canada aujourd'hui pour contribuer au renforcement des liens culturels et économiques entre nos deux pays. Ils en profiteront, entre autres, pour discuter de la possibilité d'instaurer des relations d'affaires entre le Canada et la Croatie et de possibilités d'investissement en Croatie.


11880

Ils rencontreront des représentants du monde des affaires canadien ainsi que les membres de la toute récente Chambre de commerce Canada-Croatie.

Le gouvernement joue un rôle moteur dans l'établissement de relations commerciales avec de nouveaux marchés. La Croatie est un nouveau marché prometteur auquel les Canadiens, je suis sûr, souhaiteront avoir accès.

Je suis convaincu que tous les députés voudront se joindre à moi pour souhaiter à M. Vedrish et à M. Rodesh bien du succès dans leurs démarches en vue de promouvoir des relations d'affaires entre nos deux pays.

* * *

(1410)

L'AFRIQUE DU SUD

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui marque le premier anniversaire des élections démocratiques et multiraciales qui se sont déroulées en Afrique du Sud.

L'année dernière, lorsque je faisais partie de l'équipe des observateurs canadiens, j'ai eu la chance de pouvoir participer aux efforts du Canada pour assurer un processus électoral libre et équitable, étape indispensable à l'instauration d'une démocratie non raciale au lendemain de l'apartheid.

Le président Nelson Mandela demeure un des grands dirigeants moraux et politiques de notre époque. Son dévouement de toute sa vie à la lutte contre l'oppression raciale en Afrique du Sud continue d'être une source d'inspiration autant pour les individus que pour les nations.

À l'occasion de cet anniversaire, j'invite mes collègues de la Chambre à se joindre à moi pour accueillir dans notre pays le premier haut-commissaire de race noire d'Afrique du Sud, Son Excellence Billy Isaac Letshabo Modise.

Le Canada reste déterminé à défendre les droits de la personne et à assurer la sécurité de toutes les collectivités d'Afrique du Sud.

* * *

[Français]

L'ÉCONOMIE MONTRÉALAISE

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Monsieur le Président, nous apprenions ce matin que le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale au Québec avait grimpé de façon fulgurante et qu'il passait de 550 000 en 1990 à 808 000 cette année. Pire encore, la ville de Montréal compte 188 000 bénéficiaires, soit près de 25 p. 100 du total québécois. Montréal d'ailleurs est la principale victime de la négligence et de l'incompétence du gouvernement fédéral.

La dégradation de la situation confirme aussi que les réformes du gouvernement fédéral pour améliorer le sort des démunis sont un échec lamentable. Ce gouvernement n'a fait qu'aggraver la situation.

Quand le gouvernement fédéral comprendra-t-il qu'il est incapable de livrer la marchandise et qu'il devra céder au Québec les outils nécessaires à l'élaboration d'une véritable stratégie de l'emploi? Mais l'entêtement du gouvernement fédéral démontre plus que jamais que la seule solution pour le Québec est la souveraineté.

* * *

[Traduction]

LE PARTI LIBÉRAL

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, les efforts et la détermination des réformistes leur ont finalement permis de tirer au clair ce que voulaient dire les libéraux lorsqu'ils promettaient un gouvernement intègre.

Premièrement, un ministre peut intenter des poursuites contre son propre gouvernement, à condition de ne pas porter atteinte au droit de ses enfants de saluer la reine.

Deuxièmement, un ministre peut effectuer des voyages de 100 000 $ et se déplacer en Challenger, à condition que ce soit pour prendre la parole dans une grande école du nord-est des États-Unis.

Troisièmement, des travaux de rénovation de plus de 200 000 $ sont justifiables seulement si les mots «flétan noir» s'inscrivent dans la gamme des compétences du ministre pour qui les travaux sont effectués.

Quatrièmement, si votre père est sénateur, vous prêtez le flanc à la critique, mais si votre gendre est à l'emploi de la société Power Corp, vous êtes intouchable.

Cinquièment, les députés sont justifiés de toucher une pension à vie des plus confortables puisqu'ils sont moins bien rémunérés que le dernier des Sénateurs d'Ottawa.

Maintenant que nous avons bien compris ce que les libéraux entendent par morale et intégrité, jetons un coup d'oeil sur leur conception des mathématiques.

* * *

LA SCHIZOPHRÉNIE

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, cette semaine, la Société canadienne de schizophrénie lance sa première campagne annuelle de sensibilisation du public.

Quelque 270 000 Canadiens souffrent de cette maladie, soit une personne sur 100. Malheureusement, 40 p. 100 des schizophrènes tentent de s'enlever la vie. Pire encore, le quart d'entre eux réussissent.

La schizophrénie est causée par un déséquilibre chimique du cerveau qui atteint souvent les jeunes adultes. C'est l'une des maladies mentales les plus répandues au Canada.

Il y a encore beaucoup de travail à faire, mais la recherche fait des progrès chaque jour, et des méthodes de traitement plus efficaces sont mises au point.

La Société canadienne de schizophrénie veille à fournir de l'information, des conseils et du soutien affectif à ceux qui doivent vivre avec cette maladie et à leurs proches. Au nom de tous mes collègues à la Chambre des communes, je félicite la société pour son engagement sans faille et son bon travail.

* * *

LE JOUR DU SOUVENIR DE L'HOLOCAUSTE

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, le 27 avril, c'est le Jour du souvenir de

11881

l'holocauste. Comme le premier ministre d'Israël, Itzhak Rabin, l'a déclaré: «Il y a 50 ans, les portes de l'enfer se sont ouvertes.»

En Israël et partout dans le monde, l'humanité se souvient et rend hommage aux six millions de juifs, dont un million d'enfants, qui ont été assassinés par les nazis pendant l'holocauste de 1939-1945.

C'est précisément pour cette raison que j'ai proposé la motion M-282, le 3 avril dernier, afin de désigner la période du 20 au 27 avril comme semaine de la commémoration des crimes contre l'humanité. J'ai alors invité les députés à penser que l'holocauste et le génocide ne sont pas seulement des crimes, mais des crimes contre l'humanité.

Je demande aux Canadiens et à tous les membres de la communauté internationale de dénoncer l'oppression sous toutes ses formes, peu importe si elle vise la race ou la religion, et de défendre les droits des victimes de la haine et du crime.

* * *

(1415)

LA CROSSE

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Monsieur le Président, il y a un an aujourd'hui, la Chambre tenait un débat sur le sport national du Canada, la crosse.

Nous avons alors non seulement réaffirmé l'importance de la crosse sur le plan culturel et patrimonial, nous l'avons aussi déclaré sport national d'été tandis que le hockey devenait notre sport national d'hiver. Grâce à une entente entre tous les partis, la Chambre déclarait en effet que la crosse et le hockey constituaient nos sports nationaux.

La crosse appartient depuis longtemps à notre patrimoine culturel. Ce sport, qui est indigène au Canada par le truchement des Premières Nations, existait ici avant que le Canada n'existe en tant que pays. De nos jours, ce sport se voit maintenant privé brusquement de son financement, et le gouvernement refuse de soutenir cet important trésor national.

J'exhorte Sports Canada et le ministre du Patrimoine canadien à revenir sur cette décision. Nous devons certes tous nous serrer la ceinture pour mettre de l'ordre dans les finances publiques, mais notre sport national mérite sûrement un meilleur traitement.

_____________________________________________


11881

QUESTIONS ORALES

[Français]

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, dans un geste sans précédent, le gouvernement a déposé hier deux décrets relatifs à la télévision directe par satellite qui vont carrément à l'encontre des décisions du CRTC. L'un des décrets répond aux voeux les plus chers du groupe Power DirecTv puisqu'il lui permet d'utiliser un satellite américain. On sait que l'un des principaux actionnaires et dirigeants de ce groupe est le gendre du premier ministre.

Ma question s'adresse au premier ministre. Confirme-t-il que le président du comité chargé de conseiller le gouvernement dans ce dossier, M. Gordon Ritchie, est l'ex-associé de son principal conseiller, M. Eddie Goldenberg, lequel est intervenu directement dans ce dossier?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, nous avons déjà discuté de tout cela.

Nous avons réussi à prouver à maintes reprises que les mesures qu'a prises le gouvernement en ordonnant l'examen du décret d'exemption accordé par le CRTC et en adoptant le rapport du comité de spécialistes présidé par M. Ritchie sont conformes aux opinions exprimées par de nombreux groupes neutres, du moins en ce qui concerne les intérêts commerciaux en cause. Ce sont notamment l'organisation Friends of Canadian Broadcasting, l'Association des consommateurs du Canada et ACTRA, tous des groupes non associés à ce dossier si ce n'est du fait qu'ils sont d'importants utilisateurs du système. L'intervention du gouvernement est d'ailleurs conforme aux mesures réclamées par les éditorialistes.

Si le chef de l'opposition veut tenir un débat sur le processus lui-même, nous aurons alors un bon sujet de discussion. Pour l'instant, il se contente de faire des insinuations non fondées, ce qui en dit plus sur son caractère que sur notre processus.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, c'est une longue réponse qui aurait pu être remplacée par une courte réponse, si elle avait répondu à la question.

La question est une question de fait: Est-ce que M. Eddie Goldenberg est oui ou non un ex-associé du président du comité qui a préparé les projets de décret? C'est une question très simple et c'est une question de fait qui éclairera l'opinion publique, puisque le premier ministre, dans un geste sans précédent-je ne crois pas que ce soit arrivé très souvent à Ottawa, je penserais même que c'est peut-être la première fois dans l'histoire du Parlement fédéral et du gouvernement fédéral-a prétendu s'entourer, a essayé, je pense bien honnêtement, de s'entourer d'une muraille de Chine pour s'écarter d'une décision fondamentale de son gouvernement.

Alors, je demande au premier ministre s'il ne considère pas que sa muraille de Chine est crevée par une brèche béante, et est-ce qu'il ne se rend pas compte que l'intervention de son principal conseiller, M. Goldenberg, lui a permis de faire indirectement ce que son code d'éthique lui interdit de faire directement?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, beaucoup de fumée, mais pas de feu.

[Traduction]

Le chef de l'opposition est aux prises ici avec un problème fort simple. Il a reçu le rapport du comité de spécialistes, présidé effectivement par Gordon Ritchie, auquel siégeaient également Roger Tassé et Robert Rabinovitch. Ces trois ex-sous-ministres à la fonction publique fédérale ont produit un rapport qui a été généralement bien reçu par les éditorialistes et d'autres groupes.


11882

Le chef de l'opposition n'a rien à redire au sujet de ce rapport. En fait, si je me souviens bien des événements qui ont entouré la diffusion du rapport le 6 avril dernier, les critiques les plus acerbes ont été formulées justement par la partie qui, selon le chef de l'opposition, était censée profiter du rapport. Pourquoi? Parce que le rapport du comité et les directives déposées hier ne donnent rien d'autre que le droit de faire une demande au CRTC pour obtenir un permis. Ce droit est accordé à Power DirecTv, à Expressvu et à tous ceux qui veulent s'en prévaloir.

(1420)

Nous avons voulu porter une attention particulière au processus. Nous avons eu recours à un processus transparent et ouvert. Nous avons appliqué, au moyen des directives que nous avons déposées, un processus prévu par la loi et susceptible de faire l'objet d'un débat public à la Chambre des communes et au Sénat du Canada.

Comme le chef de l'opposition ne trouve rien à redire au sujet du processus, il insiste sur des détails non pertinents.

Le Président: Chers collègues, nous en sommes au début de la période des questions orales. Je vous demanderais d'être brefs, tant dans vos questions que dans vos réponses.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, il est bizarre de voir le ministre se cacher derrière le processus que son gouvernement vient justement d'esquiver, en renversant une décision du CRTC. C'est du jamais vu dans l'histoire du Canada. C'est quand même quelque chose.

[Français]

Je pose la question suivante au premier ministre: Compte tenu du fait que le décret est taillé sur mesure pour satisfaire aux exigences de Power DirecTv, compte tenu que ce décret est une copie carbone du projet préparé par un comité présidé par l'ex-associé du conseiller principal du premier ministre et que cet associé est lui-même intervenu auprès du ministre responsable, le premier ministre n'est-il pas troublé par l'apparence de traitement de faveur accordé à Power DirecTv et à son gendre?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition cherche par tous les moyens à dénigrer le processus, mais il n'y parvient pas.

Le processus a été amorcé hier à la Chambre des communes. Il est vrai que c'est la première fois que ce processus est appliqué. Le chef de l'opposition reconnaîtra que ce pouvoir n'a été que très récemment inséré dans la loi, même si le gouvernement précédent s'était proposé de le faire. Il s'agit donc d'un pouvoir relativement nouveau, qui s'applique dans des circonstances elles-mêmes sans précédent, c'est-à-dire lorsque le CRTC prend un décret d'exemption.

Informés qu'un décret d'exemption avait été pris le 30 août, de nombreux groupes ont demandé au gouvernement d'intervenir, car la situation les inquiétait. Si nous n'avions pas accédé à leur demande, j'imagine que le chef de l'opposition ou peut-être son porte-parole, qui prétendent souvent agir au nom de certains groupes, comme Friends of Canadian Broadcasting, nous auraient condamnés pour ne pas avoir agi comme nous l'avons fait.

* * *

[Français]

LA COMPAGNIE SEAGRAM

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, on apprend ce matin dans le Toronto Star que, par un curieux hasard, le ministre du Patrimoine se trouvait dans l'antichambre de la suite d'Edgar Bronfman, à Los Angeles, au moment de la prise de contrôle des studios MCA par Seagram. Or, suite à cette transaction, Seagram doit obtenir l'aval d'Investissement Canada pour acquérir du même souffle la filiale canadienne, c'est-à-dire le réseau de salles de cinéma Cineplex Odeon.

Ma question au premier ministre est la suivante et elle est toute simple: Le premier ministre peut-il nous expliquer ce que pouvait bien faire un ministre de son gouvernement dans l'antichambre de la suite d'Edgar Bronfman, alors qu'Investissement Canada aura une décision très importante à prendre pour donner l'aval à cette transaction?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, Investissement Canada fera l'examen de cette proposition d'investissement comme toutes les autres. La responsabilité de ce dossier n'est pas entre les mains du ministre du Patrimoine, je pense qu'elle relève du ministre de l'Industrie.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, le ministre du Patrimoine, c'est un ministre du gouvernement.

M. Bouchard: Supposé!

M. Gauthier: Supposément. Alors, le ministre du Patrimoine, un ministre de ce gouvernement, se retrouve dans l'antichambre d'un homme d'affaires au moment où se déroule une transaction qui nécessitera l'approbation d'Investissement Canada, sur lequel le gouvernement a une certaine influence.

(1425)

Le premier ministre ne considère-t-il pas que le ministre du Patrimoine a commis une terrible erreur de jugement en se plaçant dans une situation très conflictuelle?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement sera saisi, selon les termes des lois qui existent dans ce pays, de l'acquisition proposée par le Groupe Bronfman, et nous verrons. Le ministre en question et la commission chargée vont examiner le dossier et vont rendre une décision. C'est à moment-là que le gouvernement approuvera ou n'approuvera pas.


11883

Plein de gens d'affaires, de citoyens et de députés de l'opposition parlent au ministre à tous les jours, en toutes circonstances, et c'est normal. Parce qu'avant de prendre une décision. . .

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Chrétien (Saint-Maurice): Monsieur le Président, une décision sera prise lorsqu'une demande sera présentée. J'ignore si une demande a été faite, mais tout investissement envisagé par des intérêts étrangers pour acquérir des entreprises canadiennes doit faire l'objet d'un examen. L'examen aura lieu. Une décision sera prise, et c'est tout. C'est ainsi que le veut la loi, et la loi sera respectée.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, comme on l'a déjà mentionné, la société Seagram a fait l'acquisition de 80 p. 100 des actions du géant de l'industrie cinématographique MCA. Investissement Canada sera peut-être appelé à décider si Seagram doit être considérée comme une société canadienne. Pendant ce temps, il semble que le ministre du Patrimoine canadien ait été reçu et traité comme un prince à Los Angeles par les principaux intéressés dans cette transaction.

Le premier ministre était-il personnellement au courant de ces rencontres? A-t-il demandé au conseiller en éthique de déterminer si le ministre ne serait pas encore une fois en situation de conflit d'intérêts?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, le député sait qu'il faut déterminer si Seagram est ou non une société canadienne. Si elle est une société canadienne, la transaction ne peut être examinée par Investissement Canada.

Je tiens à assurer au député que cette décision, qui sera prise par Investissement Canada et qui sera fondée sur des principes juridiques, n'a absolument rien à voir avec le ministre du Patrimoine canadien.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, ma question portait sur l'éthique et non sur la décision réglementaire.

Power DirecTv, de Power Corporation, et le gendre du premier ministre viennent de réussir à convaincre le gouvernement de renverser la décision du CRTC, organisme qui relève du ministre du Patrimoine canadien. Il semble maintenant que les Bronfman et Paul Desmarais, membre du conseil d'administration de Seagram, qui sont tous des amis proches du Parti libéral, cherchent à obtenir l'aide du ministre pour qu'Investissement Canada ne leur cause pas d'ennuis. Nous craignons que le ministre du Patrimoine canadien finisse par jouer le rôle de garçon de courses pour ce clan libéral qui essaie de s'imposer dans le secteur des communications.

Le premier ministre peut-il nous garantir que les décisions du gouvernement dans le secteur des communications, qui évolue rapidement, seront non seulement libres de toute influence politique, mais aussi libres de toute apparence d'influence politique?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je dois dire que ce mariage de convenance entre les bloquistes et les réformistes n'est pas très catholique.

Des voix: Oh, oh!

(1430)

Le Président: Je sais que c'est aujourd'hui jeudi et non mercredi. Je demanderais aux députés de bien vouloir être prudents dans leur choix de termes. Je redonne la parole au ministre de l'Industrie.

M. Manley: Monsieur le Président, la garantie que le député recherche réside dans le processus lui-même. Je lui rappelle que, l'an dernier, à la période des Fêtes, les Canadiens d'un bout à l'autre du pays nous ont dit clairement qu'ils voulaient de la concurrence. Nous avons pris des mesures dans le dossier de la radiodiffusion directe à domicile pour voir à ce qu'il y ait de la concurrence.

Le député soulève la question de l'éthique. Il comprend certainement qu'un processus transparent est la meilleure façon d'assurer le respect des principes déontologiques. Nous avons justement fait appel à un processus transparent, un processus ouvert au débat public. Nous avons écouté publiquement les témoignages présentés par les Canadiens d'un océan à l'autre.

Si le député n'approuve pas les témoignages que nous avons entendus de la part de centaines de Canadiens, d'éditorialistes, d'artistes et de radiodiffuseurs, qu'il le dise, mais qu'il cesse de critiquer le processus en faisant des insinuations. Cela n'est pas digne de lui.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre lira dans les livres d'histoire que le Parti libéral est issu d'un groupe de réformistes qui s'étaient réunis avant la confédération pour lutter contre le Pacte de famille, un groupe très uni formé de membres de l'élite, dont beaucoup étaient apparentés, et qui avait détourné le gouvernement responsable au profit des intérêts de ses membres.

Si l'intégrité signifie vraiment quelque chose pour le premier ministre, il ne veut certainement pas qu'une telle petite clique se forme autour de son gouvernement.

Ma question est très simple: Comment le premier ministre entend-il empêcher la formation d'un pacte de famille libéral, d'une clique du château libéral, qui minerait l'intégrité de son gouvernement?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, lorsque j'ai pris la parole sur ce sujet hier à la Chambre, j'ai déclaré que je n'avais participé à aucune discussion en comité ou au Cabinet. Lorsque la décision a été prise, je n'étais pas là. Je ne suis mêlé à aucun conflit d'intérêts.

Il est vrai qu'un homme qui gagne sa vie en travaillant pour une certaine société est mon gendre. C'est pourquoi je me suis abstenu de participer aux discussions, même s'il n'y avait là aucun conflit d'intérêts. Je sais qu'il y en a qui veulent m'attaquer, mais je siège fièrement à la Chambre des communes depuis 32 ans, et tout le monde peut scruter mon passé.


11884

Cependant, il se trouve qu'il y a beaucoup de controverse au Canada parce qu'il n'y a pas suffisamment de concurrence. Des plaintes ont été formulées en décembre dernier parce qu'une exemption avait été accordée pour éviter toute concurrence. Mes collègues du Cabinet, en mon absence, et en s'appuyant sur les lois du Canada, ont rendu une décision claire. Toute personne qui le désire peut demander une licence, et toutes les demandes seront étudiées en conformité de la loi canadienne. Je n'interviendrai pas.

Cependant, je ne m'abaisserai pas au niveau des gens qui n'ont pas la décence d'admettre qu'un premier ministre du Canada a le droit d'avoir une fille bien mariée.

* * *

(1435)

[Français]

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Par ses décrets sans précédent, le gouvernement a renversé l'autorisation d'exploiter accordée à Expressvu par le CRTC, de même qu'il permet à Power DirecTv d'utiliser un satellite américain plutôt que de recourir exclusivement à un satellite canadien pour diffuser ses émissions. Le ministre de l'Industrie a confirmé publiquement que le principal conseiller du premier ministre, Eddie Goldenberg, est intervenu directement dans le dossier.

Comment le ministre de l'Industrie peut-il prétendre avoir été capable de faire abstraction des intérêts financiers en cause pour le gendre du premier ministre, lorsqu'il a discuté du dossier de Power DirecTv avec Eddie Goldenberg?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, l'opposition se raccroche désespérément à un semblant d'espoir.

À juste titre, la députée dit que j'ai confirmé avoir mis M. Goldenberg au fait du dossier. C'est tout à fait normal. Je n'ai pas reçu de requête. Je puis donner à la Chambre l'assurance que je n'ai jamais discuté de la question avec le premier ministre. De plus, contrairement à ce que la députée laisse entendre, M. Goldenberg n'a exercé aucune pression sur moi relativement à quelque aspect que ce soit du dossier.

Ce que j'ai reçu, toutefois, par l'entremise du groupe de travail, ce sont des centaines de communications de Canadiens de toutes les régions de notre pays qui nous demandaient de revenir sur la décision que le CRTC a annoncée en août. Lorsque le rapport du groupe de travail a été rendu public, il a obtenu l'appui d'éditorialistes, mais aussi de nombreux groupes au nom desquels la députée prétend prendre la parole à la Chambre des communes et au sein des comités, des groupes comme l'ACTRA, The Friends of Canadian Broadcasting et le Conseil des arts du Canada.

Je ne comprends pas quel est son problème. Si nous n'avions pas écouté ces groupes, elle aurait bondi et nous aurait reproché d'avoir agi ainsi.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, comment le ministre de l'Industrie explique-t-il que Power DirecTv n'ait pas présenté de demande de permis au CRTC, ce qu'il pouvait faire depuis juillet dernier, sinon parce que Power DirecTv avait obtenu l'assurance que le gouvernement émettrait un décret taillé sur mesure pour lui afin de lui permettre d'envahir les ondes canadiennes avec un satellite américain?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je crois que l'on fait beaucoup de tapage, en l'occurrence, pour masquer le manque de profondeur. Comme la députée le sait pertinemment, la condition du décret d'exemption qui exigeait que tout le contenu soit transmis par des satellites canadiens excluait presque tout le monde sauf Expressvu de. . .

Des voix: Oh, oh!

M. Manley: Ils sont de plus en plus bruyants, monsieur le Président. Il pouvait exclure tout le monde sauf Expressvu de. . .

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre. Le ministre de l'Industrie peut terminer son intervention.

M. Manley: Le décret d'exemption empêchait essentiel-lement toutes les entreprises sauf Expressvu d'offrir le service.

Pour que Power DirecTv obtienne ce qu'elle souhaitait, j'imagine qu'il aurait fallu que le gouvernement dépose une directive modifiant les conditions du décret d'exemption afin de l'autoriser à offrir le service en vertu d'un décret d'exemption. L'entreprise aurait alors pu se lancer immédiatement dans ce projet. Elle n'a toutefois pas obtenu cela du groupe de travail. Voici en fait ce qu'elle a obtenu: elle doit maintenant demander au CRTC un permis dont les conditions déjà fixées sont telles qu'elles rendent ses activités pratiquement impossibles au Canada.

La question de la députée repose sur une hypothèse qui n'est absolument pas fondée et qui, de toute évidence, est contradictoire. La députée ne comprend pas le dossier.

* * *

(1440)

INVESTISSEMENT CANADA

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Le gouvernement s'est moqué d'Investissement Canada dans l'affaire de Ginn Publishing et il s'apprête à faire la même chose dans le cas de l'acquisition de Seagram. Les libéraux ont blâmé les conservateurs pour l'affaire de Ginn Publishing, mais ils ne peuvent pas le faire cette fois-ci.


11885

Le ministre du Patrimoine canadien a assisté à des réunions à Los Angeles avec des représentants de MCA et de Seagrams avant que la transaction ne soit été officiellement présentée à la Commission des valeurs mobilières et approuvée par Investissement Canada.

Le premier ministre ne se rend-il pas compte qu'en raison de ces réunions, le ministre du Patrimoine canadien semble influer sur la décision d'Investissement Canada?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, ce doit être ma journée aujourd'hui.

Il s'agit encore une fois d'une fausse hypothèse. En ce qui concerne la question dont a été saisi Investissement Canada, il s'agit simplement de déterminer si, oui ou non, Seagrams est une société contrôlée par des Canadiens. Si c'est le cas, Investissement Canada ne peut pas examiner la transaction.

Par sa question, la députée laisse entendre que le ministre du Patrimoine canadien aurait dû savoir avant sa visite d'une entreprise comme MCA que cette dernière était sur le point de faire l'objet d'une OPA. S'il avait cette capacité de prévoir les choses, le ministre aurait sans doute eu du succès comme conseiller en placements.

Comment aurait-il pu savoir à l'avance que cette transaction serait conclue? C'est une question ridicule.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, voici encore une manifestation des jeux de coulisse pratiqués par des coteries.

Investissement Canada a confirmé que le SMA du ministère du Patrimoine chargé des affaires culturelles est directement responsable du dossier Seagram. Or, cette personne a également des liens familiaux avec les Bronfman. Elle est. . .

Le Président: Je demande à la députée de poser sa question.

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, pourquoi le premier ministre permet-il que cette question délicate soit confiée à une personne qui est directement en conflit d'intérêts et dont la famille profitera de la décision qui sera prise?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le ministre de l'Industrie, qui est responsable d'Investissement Canada, a expliqué très clairement qu'un processus était amorcé.

Les acheteurs de cette société feront une demande. Il faudra déterminer d'une façon très claire ce que l'on comprend aisément: La société en cause est-elle contrôlée par des intérêts canadiens ou non? C'est une question de fait. Investissement Canada examinera la question. Si la société est canadienne, cela signifie que cet immense complexe sera contrôlé par des intérêts canadiens. Je ne vois pas de problème en ce cas.

Si ce n'est pas le cas et si cette société est américaine, Investissement Canada procédera comme il le fait pour tout investissement étranger. Donc, c'est à Investissement Canada de décider. Ce dernier examinera les livres de Seagram et déterminera si cette société est canadienne ou non. Ce n'est pas ma décision. C'est à Investissement Canada de décider.

* * *

[Français]

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, Power DirecTv avait besoin d'un projet de décret spécial du Cabinet puisque l'utilisation du satelletie américain de son partenaire est contraire aux règles actuelles du CRTC. De plus, par ces décrets le gouvernement fédéral s'expose à des poursuites judiciaires, de l'aveu même du secrétaire général du CRTC.

Le ministre de l'Industrie reconnaît-il que, par son projet de décret taillé sur mesure pour Power DirecTv, le gouvernement lui permet d'utiliser le satellite américain de DirecTv ce qui lui évite ainsi de payer des dizaines de millions de dollars en frais d'utilisation du satellite canadien?

(1445)

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, il y a deux choses. Premièrement, le conseil juridique que nous avons reçu en tant que gouvernement est en désaccord avec celui du CRTC. Deuxièmement, le processus entamé hier est un processus parlementaire. S'il y a des moyens par lesquels le député veut peut-être changer l'orientation de cette affaire, nous sommes prêts à l'écouter.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, on sait que les conseillers juridiques s'affrontent généralement en cour, ce qui amène la question suivante: Comment le premier ministre, en tant que chef du gouvernement, peut-il non seulement accepter une décision qui favorise les intérêts de son gendre, mais surtout qui expose son gouvernement à d'importantes poursuites judiciaires?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, le député sait, je suis sûr, que les avocats sont souvent partagés. À notre avis, le gouvernement a agi de façon tout à fait légale et ne peut faire l'objet d'aucune poursuite civile pour avoir émis une directive en vertu des pouvoirs que lui confère la Loi sur la radiodiffusion.

Je tiens cependant à préciser que, comme je l'ai dit à plusieurs reprises à la Chambre ces derniers jours, notre objectif est d'établir un climat de concurrence en ce qui concerne les services de radiodiffusion directe par satellite; il faut des règles équitables. Nous pensons que la directive que nous avons émise est le meilleur moyen d'y parvenir.

Encore une fois, puisque l'on a invoqué le processus parlementaire, si des députés de n'importe quel parti de l'opposition estiment qu'il existe une meilleure solution, je les invite à nous faire part de leurs suggestions.


11886

SEAGRAM

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, la saga familiale continue en coulisse. Investissement Canada vient de confirmer que le sous-ministre adjoint chargé des affaires culturelles au ministère du Patrimoine est directement responsable du dossier Seagram. Surprise. Surprise.

Il est apparenté aux Bronfman. Il s'appelle Victor Rabinovitch. Son frère, Robert Rabinovitch, qui travaille pour les Bronfman, a rédigé la directive sur le SRD qui est tout à l'avantage de Power Corp.

Pourquoi le ministre permet-il que ce délicat dossier soit entre les mains d'une personne qui est en conflit d'intérêts direct et dont la famille risque de bénéficier des décisions qui seront prises?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi d'expliquer au député le processus auquel il fait allusion.

Le fonctionnaire en question ne travaille ni pour Investissement Canada ni pour Industrie Canada. Tant qu'il n'a pas été déterminé que Seagram n'est pas une société canadienne, le ministère du Patrimoine canadien n'a aucun rôle à jouer dans ce dossier.

Si Seagram est une société canadienne, la transaction n'est pas assujettie à l'examen d'Investissement Canada. Autant que je puisse en juger, la seule conséquence pourrait être que la suite du «Parc jurassique», qui, je le sais, est l'un des films préférés du député, pourrait être susceptible de recevoir l'Oscar pour le meilleur film étranger.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je n'ai pas besoin d'aller très loin dans la Chambre pour me trouver au beau milieu du Parc jurassique.

Ce matin, le conseiller en éthique, à qui l'on avait demandé de commenter le voyage du ministre du Patrimoine à Los Angeles pour y rencontrer les représentants de MCA et les Bronfman, a avoué ne pas être au courant. Étant donné les liens très étroits qui existent entre le Parti libéral et la famille Bronfman, et les décisions que devra prendre Investissement Canada, nous nous trouvons devant un nouveau conflit d'intérêts.

Pourquoi, une fois de plus, le ministre n'a-t-il pas consulté le conseiller en éthique dans un dossier qui met en jeu l'intégrité des décisions prises par ce gouvernement tout droit issu du Parc jurassique?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il va maintenant falloir que j'informe mes ministres que dorénavant, avant de partir en voyage, ils devront en demander la permission au conseiller en éthique.

Voyons donc. La réalité est la suivante. Cette société canadienne, qui appartient à la famille Bronfman et dont le succès au Canada est remarquable, étend ses activités aux États-Unis. Il n'y a pas de quoi avoir honte.

C'est toujours une société canadienne qui n'a donc pas à passer par Investissement Canada. Si un jour elle a trop d'intérêts à l'extérieur et plus aucun au Canada, elle devra alors passer par Investissement Canada.

(1450)

Il n'y a pas de mystère. Pourquoi ces gens lancent-ils toutes ces insinuations pour détruire des réputations alors que le processus est tout à fait transparent et que nous voulons assurer une certaine concurrence dans les réseaux de communication au Canada?

Je comprends leur désespoir. Ils n'ont rien à dire et ils essaient de trouver la petite bête alors qu'il n'y a aucun problème. C'est pour ça que l'opinion canadienne ne leur est pas favorable et qu'ils sont si bas dans les sondages.

* * *

[Français]

L'AIDE SOCIALE

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

En janvier 1995, près de 5 500 nouveaux ménages québécois ont eu recours à l'aide sociale pour la première fois. Les jeunes de moins de 25 ans comptaient pour plus de 40 p. 100 des nouveaux requérants. Au total, c'est un triste record historique de 808 000 personnes au Québec, dont près de 25 p. 100 vivent à Montréal, qui n'ont que l'aide sociale comme dernier recours.

Compte tenu que 40 p. 100 des nouveaux assistés sociaux. . .

Des voix: Oh, oh!

Mme Lalonde: Monsieur le Président, ces personnes dont je parle n'ont pas le même lobby que d'autres dont on vient de parler abondamment, mais j'aimerais être entendue.

Des voix: Bravo!

Mme Lalonde: Compte tenu que 40 p. 100 des nouveaux assistés sociaux soit proviennent du Régime d'assurance-chômage ou s'en s'ont vu refuser l'accès, le premier ministre ne reconnaît-il pas que ces coupures de 5,5 milliards sur trois ans à l'assurance-chômage ont simplement. . .

Le Président: Mes collègues, on devrait écouter et les questions et les réponses aujourd'hui.

J'accorde la parole au très honorable premier ministre.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je déplore cette situation au Québec autant que l'honorable députée. C'est pourquoi, depuis que nous formons le gouvernement, nous nous sommes appliqués à parler de création d'emplois, et nous avons eu des résultats. Il s'est créé près de 100 000 nouveaux emplois au Québec depuis que nous


11887

sommes au gouvernement et le chômage a diminué de 1,3 p. 100 au Québec en 18 mois.

Mais ce qui est déplorable, pendant que le Québec a les plus grands problèmes sociaux au Canada et que le chômage augmente, c'est que le gouvernement du Québec ne pense qu'à l'indépendance, à la séparation et à la Constitution. Il fait des virages, des mirages, des pirouettes pendant que les pauvres en paient le prix dans la province de Québec. C'est ce que nous déplorons. Nous voulons parler de création d'emplois, alors qu'il rêve de séparation au détriment de la pauvreté dans la province de Québec.

Des voix: Bravo!

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, c'est parce que ces personnes ne sont pas aussi bien mariées, parce que nous sommes convaincus que seule la souveraineté du Québec permettra d'arriver à lutter contre ce chômage effarant.

Des voix: Bravo!

Mme Lalonde: Est-ce que le premier ministre ne voit pas dans cette situation l'échec du régime fédéral canadien et que la situation va continuer de se détériorer avec le Transfert social canadien qui réduira encore plus le financement fédéral dans les dépenses de l'aide sociale?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons modifié les prestations d'assurance-chômage de telle sorte que 250 000 familles au Canada reçoivent maintenant plus de 1 000 $ depuis l'entrée en vigueur des modifications au programme.

Je suis très content qu'on commence à parler de ces problèmes parce que les Québécois, comme moi-même et le reste des Canadiens, sont tannés et écoeurés d'entendre parler de Constitution et de séparation. Enfin, on va parler des vrais problèmes des Québécois: le chômage et l'emploi, s'ils peuvent arrêter de nous parler, de nous casser la tête avec la séparation.

* * *

(1455)

[Traduction]

LE CENTRE HARBOURFRONT

M. Barry Campbell (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

Dans la région de Toronto, on s'inquiète beaucoup de l'avenir du Centre Harbourfront, une des principales installations culturelles et récréatives du Canada.

Étant donné les difficultés financières que connaît le Centre, est-ce que le ministre pourrait nous informer du résultat de ses récentes discussions avec les représentants du Centre et nous dire quelle est la situation en ce qui concerne le futur festival Today's Japan?

L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, Lib.): Monsieur le Président, le député sait certainement que, dans le passé, le gouvernement du Canada a contribué notablement à cet important complexe culturel et touristique de Toronto.

En raison de notre situation financière et des difficultés économiques du groupe qui gère le Harbourfront, j'ai invité les parties à se réunir pour voir si des discussions pourraient conduire à des solutions aux problèmes.

Les députés de la région de Toronto nous ont beaucoup aidé en nous présentant des suggestions sur la façon de procéder pour trouver des solutions à cette situation très difficile.

Je peux dire au député que je suis assez confiant que les négociations pourront permettre de trouver un terrain d'entente entre le Harbourfront et nous, de façon que ce complexe puisse continuer de fonctionner et que le festival Today's Japan puisse se tenir dans les semaines à venir.

* * *

SEAGRAM

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, au cours de la période des questions hier, le premier ministre a admis qu'il n'avait consulté aucun fonctionnaire dans l'affaire de Power Corp.

Lors d'une entrevue, le ministre du Patrimoine canadien a affirmé qu'il n'avait aucune raison de consulter les fonctionnaires. Le premier ministre vient de le répéter: il n'était pas nécessaire de consulter.

Étant donné que dans ce dossier les initiés amis du Parti libéral pourraient réaliser des profits de millions et même de milliards de dollars, pourquoi ne pas demander au conseiller en éthique de régler la question une fois pour toutes en instituant une enquête libre et transparente.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le conseiller en éthique m'a dit que j'agissais tout à fait correctement.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, durant la campagne électorale, les libéraux ont affirmé qu'ils voulaient restaurer la confiance. Nous aimerions qu'ils le fassent.

Pour ce faire, ils doivent demander à un enquêteur indépendant de mener une enquête dans ce dossier et de se prononcer à cet égard. Pourquoi le premier ministre s'oppose-t-il à ce que le conseiller en éthique s'applique à résoudre ce problème?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, le député doit comprendre qu'il demande une enquête alors que nous avons déjà déclenché un processus.

Ce processus a été amorcé hier par le dépôt d'une directive à la Chambre des communes. Le Parlement est partie au processus et il peut discuter de la directive et proposer des changements.

Je n'ai encore rien entendu de la part des députés du Parti réformiste. Sont-ils opposés à la concurrence, à l'octroi de licences? Sont-ils opposés à ce qu'une partie des revenus générés par les activités de distribution directe à domicile serve à financer la production canadienne? À laquelle de ces trois choses s'opposent-ils exactement?

11888

[Français]

LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Depuis vendredi dernier, les bureaux de Communication Québec, les bureaux des députés et même celui du premier ministre sont inondés d'appels de retraités visiblement très inquiets. Selon le Service d'aide aux consommateurs, environ 258 000 rentiers recevront leur chèque de pension de la sécurité de la vieillesse réduit de 50 p. 100.

(1500)

Comment le ministre explique-t-il que cette année, tant de personnes âgées aient reçu ou recevront un chèque de pension sans le Supplément de revenu garanti alors qu'elles y ont droit?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, je ne sais pas qui a lancé ces rumeurs non fondées. Peu importe qui les a lancées, même si j'ai mes doutes là-dessus, je vais peut-être vérifier sans plus tarder.

J'espère que le député se servira de ses bons offices pour rassurer les personnes âgées et leur dire que leurs pensions ne seront pas réduites de 50 p. 100. En fait, le mois dernier, nous les avons augmentées. Nous les avons augmentées en fonction de la hausse de l'indice des prix à la consommation.

[Français]

M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau, BQ): Monsieur le Président, le ministre peut-il nier qu'il y a au ministère du Développement des ressources humaines un problème de traitement des demandes qui cause un préjudice sérieux aux personnes âgées, principalement cette année?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, s'il y a eu, dans certains cas, des paiements en trop ou des problèmes, nous enverrons des lettres aux personnes concernées. En tenant des propos aussi exagérés, le député ne réussit qu'à effrayer les gens, ce qui n'est vraiment pas le rôle d'un bon député.

Des voix: Oh, oh!

Des voix: À l'ordre!

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Chers collègues, je le fais régulièrement, mais aujourd'hui tout particulièrement, je voudrais vous signaler la présence à notre tribune d'un homme qui a beaucoup apporté à notre pays. En fait, je dirais que nous lui devons une part de notre identité. Je veux donc vous présenter le photographe canadien de renommée mondiale, Yousuf Karsh.

Des voix: Bravo!

Le Président: Cela met un terme à la période des questions, mais je vais organiser une brève réception dans mes appartements, pièce 216-N, et je vous invite, chers collègues, à venir rencontrer M. Yousuf Karsh.

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, je pose la question du jeudi au leader du gouvernement. J'aimerais connaître la teneur des travaux de la Chambre pour les prochains jours.

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, avant que certains députés ne se rendent à la réception du Président en l'honneur de M. Karsh, je voudrais faire la déclaration hebdomadaire sur les travaux de la Chambre.

Vendredi, nous passerons à la troisième lecture du projet de loi C-43 portant sur les lobbyistes. Nous examinerons ensuite le projet de loi C-67 concernant les anciens combattants et le projet de loi C-70 relatif à la Loi de l'impôt sur le revenu.

Lundi, nous débattrons la motion inscrite en mon nom au sujet d'un comité mixte spécial chargé d'étudier un code d'éthique pour les parlementaires. Si cette étude se termine avant la fin de la journée, nous reprendrons les travaux de vendredi là où nous en étions à ce moment-là.

(1505)

Mardi sera une journée d'opposition. Mercredi, nous poursuivrons nos travaux de lundi et nous étudierons ensuite le projet de loi C-41 sur la détermination de la peine et le projet de loi C-54 concernant la pension de la sécurité de la vieillesse.

Monsieur le Président, c'est là la déclaration hebdomadaire des travaux de la Chambre.

_____________________________________________


11888

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE RÉGIME NATIONAL DE SOINS DE SANTÉ

La Chambre reprend l'étude de la motion.


11889

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, en 1984, les députés de cette Chambre adoptaient à l'unanimité la Loi canadienne sur la santé. C'était là un événement marquant pour deux raisons précises. D'abord, cette loi garantissait l'accès à des services de santé de qualité à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes et ce, quels que soient leur revenu et leur lieu de résidence.

De plus, cette loi était adoptée à l'unanimité par les membres de tous les partis. Tous étaient convaincus de la grande valeur d'un système national d'assurance-maladie.

[Traduction]

L'engagement que le gouvernement a pris d'offrir un régime universel de soins de santé tient plus que jamais. Le régime d'assurance-maladie que nous avons mis en place en vertu de la Loi canadienne sur la santé est un trait caractéristique de notre société. Ce qui la distingue, ce n'est pas une quelconque formule de financement mystérieuse, ni le montant d'argent qui y est consacré. Il s'agit plutôt de dispenser des soins de santé de qualité à tous les Canadiens.

[Français]

Les cinq grands principes sur lesquels la Loi canadienne sur la santé est fondée sont l'universalité, l'accessibilité, l'intégralité, la transférabilité et la gestion publique, et ils trouvent leurs racines dans des valeurs d'équité, de justice sociale, de compassion et de respect pour la dignité humaine. Ces valeurs sont partagées par tous les Canadiens et par toutes les Canadiennes. Elles font partie de notre tissu social.

Certains prétendent que notre système d'assurance-maladie est trop coûteux, que nous ne pouvons plus nous offrir le luxe d'un système financé par l'État. Au contraire, je suis convaincu que notre système d'assurance-maladie n'est pas un luxe, mais une nécessité et que le financement public de ce système aide à freiner les coûts des soins de santé.

En investissant dans la santé en général et dans les services de soins de santé, notre gouvernement contribue au maintien d'une population en santé et en bonne forme physique. Cette population sera en mesure de relever les défis économiques du XXIe siècle. Les études attestant le coût élevé des journées de travail perdues en raison de maladie ou d'accidents sont nombreuses. Elles arrivent toutes aux mêmes conclusions: ces journées perdues ont des effets négatifs sur les travailleurs, la société et l'économie.

[Traduction]

Le régime de soins de santé auquel les Canadiens peuvent avoir accès sans se ruiner encourage les gens à recevoir un traitement médical approprié avant qu'une maladie ou une blessure ne constitue un danger de mort ou ne devienne débilitante. Un diagnostic et un traitement précoces coûtent beaucoup moins cher que des soins chroniques, et ce, pour le particulier comme pour le régime. Un tel régime n'encourage pas les gens à en abuser.

Aux yeux des gens qui pensent aux résultats à long terme, les principes de la Loi canadienne sur la santé donne un régime de soins de santé rentable. Des économies d'échelle sont réalisées du fait que les gouvernements sont les seuls acheteurs des services d'hospitalisation et de soins médicaux et que la population tout entière constitue la clientèle. Grâce à un système dont l'administration est assurée par le secteur public, il est possible de réaliser chaque année des économies de plusieurs milliards de dollars en frais généraux administratifs. Dans les hôpitaux et les cliniques, on peut ainsi consacrer plus de temps à la pratique de la médecine qu'à l'administration.

(1510)

Enfin, le régime d'assurance-maladie donne une population en bonne santé qui, à son tour, donne une main-d'oeuvre en bonne santé et productive. Il existe une relation réciproque entre le monde des affaires et le secteur de la santé. Un secteur des affaires en bonne santé est synonyme de croissance économique. La croissance économique génère des emplois. La création d'emplois diminue le chômage et une baisse du chômage donne une population en meilleure santé et réduit les coût des soins de santé. Autrement dit, un Canada en bonne santé est un Canada prospère.

[Français]

On a également déploré que la Loi canadienne sur la santé est à la fois trop et pas suffisamment souple. Pourtant, en vertu de la Constituion canadienne, c'est aux provinces et aux territoires qu'il incombe de gérer et de dispenser les services de soins de santé. Les provinces et les territoires doivent donc établir leurs propres priorités et gérer leurs ressources.

En vertu de la loi, les provinces et les territoires doivent fournir les services médicaux et hospitaliers nécessaires, mais rien ne les empêche de fournir d'autres soins et d'autres services. Ainsi, une province peut défrayer les coûts des médicaments sous prescription et les soins dentaires aux enfants, alors qu'une autre province peut assumer les coûts de services aériens d'ambulance.

Tout en respectant les cinq principes de base de la Loi canadienne sur la santé, chaque gouvernement provincial ou territorial est libre de choisir les services additionnels qu'il prendra en charge et de faire l'essai des diverses modalités d'application possible. Les critères de base du financement fédéral aux termes de la Loi canadienne sur la santé sont les cinq principes mentionnés précédemment. Ce sont ces principes que le gouvernement n'est pas disposé à négocier.

[Traduction]

Les cinq principes mentionnés plus tôt sont les principales conditions de participation financière du gouvernement fédéral en vertu de la Loi canadienne sur la santé et ce sont justement ces principes que le gouvernement refuse de négocier.

Le premier principe, l'universalité, signifie que tous les habitants d'une province doivent être assurés par le régime d'assurance-maladie provincial pour que ce dernier puisse bénéficier d'une contribution financière fédérale. En tant que Canadiens, nous croyons que tous nos concitoyens doivent avoir accès aux services médicaux nécessaires. Les gens ne peuvent pas être privés de la protection du régime d'assurance-santé sous prétexte qu'ils coûteraient trop cher. On ne peut pas refouler des personnes qui se présentent à l'hôpital parce qu'elles n'ont pas payé leur compte d'impôt trimestriel ou leur cotisation à la province. Toute personne qui a besoin de soins médicaux a droit aux mêmes services que ses concitoyens. C'est ainsi que le Canada conçoit l'«équité».

Le deuxième principe est l'accessibilité selon des modalités uniformes. Les personnes qui ont besoin de soins de santé


11890

doivent y avoir accès sans obstacle financier, surfacturation, frais modérateurs, droits d'admission ou frais initiaux. Si des soins médicaux sont nécessaires, ils seront dispensés pour des raisons médicales et non pas pécuniaires.

[Français]

Le principe de l'intégralité reconnaît que les Canadiens et les Canadiennes ont un ensemble de besoins variés qui doivent être satisfaits. Il serait injuste d'assurer seulement certains services médicalement nécessaires et pas les autres. Nous continuerons de soutenir que les provinces et les territoires doivent assurer tous les services médicalement nécessaires.

Cependant, intégralité ne veut pas dire uniformité. Ce principe de l'intégralité n'oblige pas les provinces et les territoires à répondre aux besoins en matière de santé exactement de la même façon. Ces besoins doivent être satisfaits, mais il peut exister, et de fait, il existe une certaine souplesse dans la façon dont ils le sont.

La transférabilité signifie que les Canadiens et les Canadiennes sont toujours couverts par l'assurance-maladie lorsqu'ils voyagent ou déménagent à l'intérieur du Canada. C'est ce qui donne à notre système d'assurance-maladie son caractère national.

[Traduction]

Les Canadiens sont libres de travailler et de voyager partout au Canada sans craindre de perdre la protection que leur garantit le régime d'assurance-maladie. Les différents régimes d'assurance-maladie sont peut-être des régimes provinciaux, mais ils sont reconnus par toutes les provinces partout au Canada.

Le cinquième et dernier principe est celui de la gestion publique. Notre régime d'assurance-maladie doit être géré par les gouvernements provinciaux à titre non lucratif. C'est sur ce principe que nous pouvons limiter les coûts du régime et, par conséquent, offrir des soins de qualité et à prix abordable.

Tous les autres principes dépendent du principe de la gestion publique. Lorsque le gouvernement exploite et finance le régime d'assurance-santé, nous pouvons être certains que les soins seront universels, accessibles, intégraux et transférables, car nous les contrôlons directement. La gestion publique permet non seulement de consacrer une plus grande partie des fonds aux soins des malades, mais aide les gouvernements à mieux freiner les coûts que le secteur privé.

(1515)

En 1993, nous avons dépensé environ 72 milliards de dollars pour les soins de santé, ce qui représente 10 p. 100 de notre produit intérieur brut. Sur ces 10 p. 100, la croissance des services publics a été de moins de 2 p. 100. En comparaison, les dépenses pour les soins de santé privés ont augmenté de 6,4 p. 100.

[Français]

Cependant, le respect des principes de la Loi canadienne sur la santé n'empêche aucunement les provinces et les territoires d'adopter, de recourir à des méthodes innovatrices, afin de relever les défis que posent la prestation des soins de santé.

Ainsi, la Colombie-Britannique a mis sur pied des équipes d'intervention rapide pour les urgences. Le Nouveau-Brunswick a établi un hôpital extra-muros et le Québec a obtenu d'excellents résultats avec ses CLSC. Toutes ces initiatives permettent de résoudre différents problèmes et démontrent bien la souplesse de la loi.

La ministre de la Santé a même reconnu que les cliniques privées qui offrent des services médicalement nécessaires peuvent constituer un moyen efficace de fournir de tels services, mais à condition que les services médicalement nécessaires ainsi fournis soient intégralement couverts par les régimes provinciaux ou territoriaux. Ce qui est tout à fait inacceptable, c'est, d'une part, la surfacturation par les médecins pour des services qui sont déjà assurés par le régime provincial ou territorial et, d'autre part, la perception des frais modérateurs pour des frais médicalement nécessaires qui sont couverts par le régime provincial ou territorial.

[Traduction]

En cette période de restrictions financières, les Canadiens en veulent pour leur argent. Nous payons tous ensemble pour notre régime de santé au moyen de nos impôts. Nous faisons tous notre part pour que chacun puisse en bénéficier en fonction de ses besoins. Nous le faisons pour des motifs humanitaires et altruistes ainsi qu'en raison de la dure réalité financière. Quelles que soient les raisons qui nous motivent, le régime fonctionne à notre avantage. Le gouvernement est déterminé à préserver la Loi canadienne sur la santé car, quoi qu'en disent ses détracteurs, elle est efficace.

[Français]

Pour nombre d'entre nous, l'assurance-santé est une caractéristique essentielle de l'identité canadienne. Nous appartenons à une nation où tous les citoyens sont sur un même pied d'égalité. Toute personne, au Canada, peut compter sur un accès raisonnable aux services de santé, non selon ses moyens, mais selon ses besoins. Aucun Canadien n'a lieu de craindre, aujourd'hui ou dans l'avenir, qu'une grave maladie se solde pour lui par un désastre financier. Le système de santé du Canada ne le cède à aucun autre dans le monde. Nous établissons nos priorités de traitement en fonction des services médicalement nécessaires, non en fonction des moyens dont le malade dispose.

Le gouvernement du Canada prend très au sérieux son rôle de protecteur de l'universalité des soins de santé. La ministre de la Santé s'est prononcée fermement contre les frais d'établissement, la surfacturation et toute autre manifestation d'un système médical à deux paliers. Les Canadiens ont fait confiance à leur gouvernement pour la protection de leur système de soins de santé. Comme l'a répété le premier ministre, le présent gouvernement entend se montrer digne de cette confiance.

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, je ne pense pas qu'il y ait aucun Canadien ni aucun Québécois qui remette en cause l'importance et l'utilité des cinq principes sur lesquels se base la Loi canadienne sur la santé. Cependant, ce qui, je pense, constitue le plus grand danger pour le respect de ces principes, c'est le sous-financement que le gouvernement canadien a entrepris depuis un certain nombre d'années, en se retirant progressivement des sommes allouées à ces services.


11891

Est-ce que le député de Pierrefonds-Dollard reconnaîtra qu'il y a là un danger important, un danger grave qui guette l'atteinte des principes dont il a parlé et sur lesquels je suis totalement d'accord? Il peut arriver que le sous-financement du gouvernement fédéral fasse que les provinces, tout en trouvant que ce sont là des principes tout à fait normaux et nécessaires, ne puissent plus être en mesure de les respecter.

(1520)

M. Patry: Monsieur le Président, je remercie le député du Bloc québécois de sa question. Je suis très heureux de voir qu'il en arrive à la même conclusion que moi, en ce sens qu'il approuve les cinq principes que j'ai énoncés précédemment.

Le fait du sous-financement est un problème réel, mais le vrai problème réside dans le fait que les provinces administrent les programmes sociaux et les programmes de santé à travers le Canada. Toutes les provinces comme telles ont fait des choix. Il revient maintenant à ces mêmes provinces de faire de nouveaux choix afin de diminuer leurs coûts à l'intérieur même du système de santé, tel que nous le connaissons actuellement.

Les provinces ont permis, dans certaines régions du pays, de donner des services qui ne sont pas nécessaires, mais qu'elles ont voulu accorder à leurs citoyens. Maintenant, je crois que le problème revient aux provinces.

[Traduction]

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, le député peut bien féliciter le Bloc d'approuver les cinq principes universels, mais j'espère qu'il ne félicitera pas le Parti réformiste, parce que nous n'approuvons pas ces cinq principes.

J'aimerais savoir ce que le député essaie de faire quand il reconnaît que la somme d'argent que le gouvernement investit dans le régime de soins de santé a grandement diminué. Les provinces font également des compressions, parce qu'elles essaient d'équilibrer leur budget. Nous sommes aux prises avec une baisse importante de la somme investie dans le régime. Pourtant, faisant l'autruche, les libéraux semblent croire que rien n'est changé et que l'assurance-maladie sera maintenue sans problème, comme cela a toujours été le cas, tandis qu'ils réduisent leurs subventions sans prendre la moindre mesure qui permettrait au régime de s'adapter en suivant les forces du marché ou autrement.

Quand les libéraux cesseront-ils de jouer à l'autruche et admettront-ils que l'insuffisance du financement crée un problème réel dans le domaine des soins de santé? Et quand permettront-ils soit qu'on tire ce financement des recettes fiscales soit qu'on laisse l'économie de marché s'en occuper?

[Français]

M. Patry: Monsieur le Président, je remercie le député du Parti réformiste de sa question.

Pour commencer, je vais répondre à la deuxième partie de la question. Il n'est pas question et il ne sera jamais question pour ce gouvernement de permettre ce que le Parti réformiste souhaite, c'est-à-dire avoir deux systèmes de santé, un pour les pauvres et un autre pour les riches.

Le fait qu'il y aurait de la surfacturation et des cliniques privées créerait un système à deux paliers, un pour les pauvres et un autre pour les riches. Il n'en est nullement question pour ce gouvernement, car c'est contre les principes du gouvernement actuellement en poste ici à Ottawa.

Quant à la première partie de sa question, je crois qu'il revient aux provinces de pouvoir et de devoir diminuer leurs coûts qui sont rendus astronomiques, parce qu'il y a certains coûts, certains hôpitaux, certaines provinces, certains médecins même, et j'en suis un, et donc, c'est dans le corps médical et à travers les services sociaux qu'on doit trouver la solution, et non pas en ce qui a trait à l'accessibilité des services.

[Traduction]

M. Hugh Hanrahan (Edmonton-Strathcona, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui sur la question du Financement des programmes établis concernant les soins de santé.

Cette question préoccupe beaucoup les électeurs de la circonscription d'Edmonton-Strathcona. Même si l'Alberta s'attaque au problème du déficit et de la dette sans hausser les impôts, elle le fait aussi avec de moins en moins de ressources venant du gouvernement fédéral. Puisque le domaine des soins de santé exige à lui seul les plus fortes dépenses de l'Alberta, je considère que le débat sur cette question revêt la plus haute importance.

En 1993-1994, le gouvernement fédéral a transféré 40,5 milliards de dollars aux provinces. La plus grande partie de ces transferts, soit quelque 71 p. 100, ont été versés dans le cadre du Financement des programmes établis et de la péréquation. Du montant de 40,5 milliards de dollars, environ 13 milliards de dollars étaient des transferts fiscaux. J'ai l'intention de m'arrêter aujourd'hui surtout sur le Financement des programmes établis, sur les transferts de points fiscaux. Toutefois, avant d'aborder cette question, je pense qu'il est important de jeter un coup d'oeil sur le programme de péréquation.

(1525)

L'Alberta est jugée comme une province riche et, selon une étude effectuée récemment par un professeur de l'Université de Calgary, elle a versé 139 milliards de dollars de plus qu'elle n'en a reçu depuis la Confédération.

Une voix: Nous voulons récupérer cet argent.

M. Hanrahan: Les Albertains sont généreux, mais ils considèrent que leur participation au Canada leur a coûté cher. Toutefois, ils reconnaissent que les avantages ont été supérieurs aux coûts. Eh bien, j'approuve leur attitude. Pourtant, il y a aussi de nombreux Albertains qui remettent en question cette attitude généreuse.

Un autre sujet qui est devenu extrêmement controversé, surtout en Alberta et en Colombie-Britannique, c'est le Financement des programmes établis, cet accord entre le gouvernement fédéral et les provinces concernant le financement de l'enseignement postsecondaire et des soins de santé. De crainte de manquer de temps, je vais limiter mes observations aux soins de santé.

D'abord, le Parti réformiste n'a pas du tout l'intention de démanteler le système d'assurance-maladie, ni d'en établir un à


11892

deux niveaux comme aux États-Unis. Le Parti réformiste soutient plutôt que le système des soins de santé au Canada est gravement déficient, puisque ses coûts deviennent impossibles à gérer compte tenu du financement disponible.

Nous voulons garantir la viabilité à long terme de notre système. Les Canadiens tiennent de tout coeur à leurs soins de santé, et la politique réformiste fait en sorte que personne au Canada ne soit privé de soins de santé appropriés pour des raisons financières.

À l'heure actuelle, les gouvernements provinciaux ont la responsabilité légale et constitutionnelle de fournir l'assurance-maladie et les services de santé. Ils ne possèdent cependant pas le pouvoir de prendre des mesures administratives afin de contenir les coûts des soins médicaux et de se procurer des fonds additionnels afin de payer les services de santé. Les réformistes croient que cet arrangement met les deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial, en désaccord l'un avec l'autre au lieu de leur permettre de tâcher de fournir des soins de santé de meilleure qualité à tous les Canadiens.

L'Association médicale canadienne a soutenu que le système d'assurance-maladie de notre pays va se heurter à la réalité économique, dans le contexte de laquelle ce système ne peut être maintenu sous sa forme actuelle. Je crois que cette collision a déjà commencé. Cela paraît évident quand nous examinons les budgets fédéraux des années 90.

Nous avons observé une série pratiquement ininterrompue de réductions ou de gels des paiements de transfert du gouvernement fédéral aux provinces. Le gouvernement fédéral est maintenant coincé et il se rend compte qu'il risque de perdre le contrôle des normes nationales en matière de soins de santé si les paiements de transfert à une province cessaient complètement.

Le problème est encore aggravé par le fait que les relations fédérales-provinciales en matière de paiements de transfert ont souffert de décisions qui n'ont rien à voir avec la recherche d'un équilibre ou de l'équité dans l'utilisation de nos ressources. Je fais allusion au Programme énergétique national et à l'imposition récente d'une taxe sur l'essence qui a frappé l'Alberta plus durement que n'importe quelle autre province.

Mme Grey: Et la mesure concernant les entreprises d'utilité publique.

M. Hanrahan: Oui. C'est pourquoi les députés réformistes croient que la seule solution viable pour protéger notre régime de soins de santé contre une crise budgétaire, c'est de modifier la Loi canadienne sur la santé pour permettre aux provinces de trouver les solutions qui soient les plus raisonnables pour elles, grâce à l'exercice de leur compétence constitutionnelle en matière de santé. Le gouvernement fédéral devrait par ailleurs avoir pour rôle de fournir un soutien financier et d'assurer la péréquation grâce à la fiscalité et au système des transferts, et de veiller à ce qu'aucun Canadien ne soit privé de soins médicaux pour des raisons financières.

Le Parti réformiste recommande donc de modifier la loi sur la santé pour rendre aux provinces la compétence administrative que le gouvernement fédéral a expropriée en utilisant son pouvoir de dépenser. Autrement dit, remettons-la à sa place, entre les mains des provinces.

Ce qui marchait hier ne marche pas nécessairement aujourd'hui, et ce qui était autrefois tabou peut être acceptable aujourd'hui. Cela vaut pour le système fédéral de paiements de transfert qui, après avoir connu des succès, bute maintenant sur ses faiblesses. Rares sont ceux qui nieraient que, pour assurer une affectation efficace des ressources, nous devons de toute urgence asseoir les finances publiques sur des fondements plus solides afin de susciter un climat économique plus propice à l'efficacité et à la croissance. Cependant, les moyens d'y arriver ne sont pas nécessairement compatibles avec certaines attentes politiques et sociales ni avec les voeux des provinces.

(1530)

Comme je viens de le dire, le gouvernement fédéral semble se sentir de plus en plus piégé par sa politique de normes nationales et sa volonté de revoir le financement des paiements de transfert.

Il ne faut jamais perdre de vue que ce sont les provinces, et non le gouvernement fédéral, qui détiennent la compétence constitutionnelle en matière de santé. Ce sont les provinces, et non le gouvernement fédéral, qui fournissent le gros du financement. Ce sont les provinces, et non le gouvernement fédéral, qui ont le plus de savoir-faire dans la prestation des services de santé.

Nous, réformistes, devons sortir de l'ombre et nous porter à l'avant-scène dans le débat sur la politique des soins de santé. Une façon de le faire est d'insister sur le rôle du gouvernement fédéral comme source de paiements de transfert inconditionnels pour veiller à ce que des soins adéquats soient à la portée de toutes les provinces et de tous les citoyens.

Il faudrait que les provinces puissent, en consultation avec les patients, les travailleurs du secteur de la santé et les contribuables, chercher de nouveaux moyens de parvenir à une efficacité renouvelée dans les services de santé sans craindre de représailles de la part d'Ottawa.

Au bout du compte, nous devrions transférer d'autres points d'impôt pour que chaque province puisse définir clairement les services essentiels chez elle. La liste de ces services pourrait et devrait même être différente d'une province à l'autre. Notre version des normes nationales serait donc que, au niveau fédéral, nous pourrions évaluer ce que font les provinces en fonction de leurs services essentiels.

De la sorte, non seulement nous aurions des services essentiels clairement définis, mais nous serions également en droit de nous attendre que les provinces se tournent davantage vers les services communautaires dans la prestation des soins de santé. Ce processus ou cette démarche consiste à collaborer avec les collectivités pour répondre à des besoins non satisfaits et tenir compte de préoccupations propres à chaque collectivité. Il repose sur le principe selon lequel c'est la collectivité touchée par un problème qui est la mieux placée pour définir les besoins ainsi que les aspirations, et pour concevoir des stratégies en conséquence.


11893

La formule des services essentiels et de l'approche communautaire, liée au transfert inconditionnel de points d'impôt, assurerait l'accessibilité pour tous d'une manière efficace par rapport aux coûts. Cette accessibilité finira par être redéfinie de manière à reconnaître que les longues listes d'attente pour des services essentiels sont la négation même de l'accessibilité.

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine, Lib.): Monsieur le Président, j'ai du mal à comprendre la logique du député d'Edmonton-Strathcona. Il parle de transférer des points d'impôt sans condition. Autrement dit, transférer plus d'argent aux provinces, leur laisser carte blanche et laisser à chaque province le soin de décider des programmes qu'elle estime essentiels. Ce qui veut dire que, si chaque province décide des programmes qu'elle juge essentiels, ceux-ci seront différents d'une province à l'autre.

Il dit qu'il ne veut pas créer un programme à deux vitesses. Je ne comprends pas comment le député peut dire ça étant donné que l'accès au système de soins de santé dans le pays serait différent d'une province à l'autre. Il est tout à fait concevable que dans certaines provinces les pauvres n'aient pas accès au système de soins parce qu'ils devraient payer une forme d'honoraires ou autre.

Je ne comprends pas ce que veut le député. Essentiellement, la structure actuelle du système des soins de santé a permis aux provinces d'administrer leur système de soins de santé comme elles le voulaient dans la mesure où elles respectaient les cinq principes. Ce n'est pas tellement difficile. Ces principes sont assez faciles à respecter. Son collègue a dit plus tôt qu'ils n'approuvaient pas les cinq principes. Ils sont assez généraux.

(1535)

J'aimerais que le député nous dise exactement le type de système d'assurance-maladie que le Parti réformiste verrait dans ce pays. S'il voit un système qui serait différent dans chaque province, un système dont l'accessibilité varierait selon les provinces et qui ne reposerait pas sur certains principes nationaux, aussi généraux soient-ils, je ne suis pas d'accord. Je voudrais bien savoir ce qui gêne les provinces dans l'administration du système de soins de santé.

Le président suppléant (M. Kilger): Lorsque le député d'Edmonton-Strathcona répondra à la question de la députée de Beaches-Woodbine, il pourrait peut-être en profiter pour rappeler à la présidence s'il partage son temps avec un collègue.

M. Hanrahan: Monsieur le Président, oui, je vais partager mon temps.

Je remercie ma collègue de sa question. En ce qui concerne les différences entre les provinces, je pense qu'elle sait qu'il y en a déjà. Selon les renseignements que j'ai obtenus de diverses personnes dans le secteur médical, il y a des problèmes de santé qui sont relativement uniques à certaines parties du pays, à certaines provinces ou à certaines collectivités et, dans ces régions, on devrait être en mesure de diriger la plus grande partie possible des ressources vers ces problèmes particuliers. Il faut essayer de diriger les ressources vers les populations les plus touchées.

En ce qui concerne le domaine des services essentiels, c'est une chose dont nous devons débattre en tant que gouvernement national, en tant que société, et nous devons parvenir à un accord, de sorte que la situation soit la même d'un bout à l'autre du pays. Toutefois, il y a certains aspects qui n'exigent pas cela.

En ce qui concerne l'accessibilité, les accords sur les services essentiels devront s'appliquer à tout le monde indépendamment du revenu. Je pense que je l'ai dit assez clairement dans mon discours.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, l'un des cinq principes dont les libéraux ne cessent de parler est le financement public, à l'exclusion de toute autre injection de capitaux dans le système de soins de santé. J'aimerais demander au député d'Edmonton-Strathcona s'il pense que leur position, qui est de refuser tout autre moyen de financement des soins de santé, va préserver notre système de soins de santé, ou si nous devrions envisager de permettre le recours à d'autres sources de financement.

M. Hanrahan: Monsieur le Président, si nous n'avons pas recours à d'autres sources de financement, si nous laissons se poursuivre le déclin du financement de l'assurance-maladie dont nous sommes témoins depuis plusieurs années, auquel vient s'ajouter l'augmentation des intérêts sur la dette, nous allons nous retrouver non pas avec un système à deux vitesses, mais bien un système en panne. Il n'y aura plus d'assurance-maladie pour qui que ce soit.

Nous cherchons à sauver l'assurance-maladie.

M. Speller: Est-ce que vous voulez un système à trois vitesses?

M. Hanrahan: J'ai dit très clairement dans mon discours que c'est exactement ce dont nous ne voulons pas. Nous voulons préserver les éléments de base de l'assurance-maladie pour tous les Canadiens, quel que soit leur revenu.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, nous devons cesser de demander si nous voulons ou non le système à deux paliers car il existe au Canada depuis de nombreuses années. Permettez-moi d'attirer l'attention du député sur le fait que le régime de soins de santé à deux paliers est déjà en place ici.

Si mes collègues veulent bien sortir leurs portefeuilles ou leurs sacs à main, selon le cas, je leur demande de regarder leur carte-avantages du Régime de soins de santé de la fonction publique. Je peux lire, sur la mienne, D.C. Grey, hôpital niveau III. Dès qu'on voit d'autres niveaux, on se demande si notre régime de soins de santé est à un ou deux paliers. Les députés d'en face refusent de le reconnaître et disent qu'on ne pourrait jamais avoir un régime de soins de santé à deux paliers. Toutefois, ma carte dit bien niveau III; par conséquent, combien de paliers y-a-t-il?

Permettez-moi aussi d'attirer votre attention sur le fait que les députés ne paient absolument rien pour ce service. Aucune retenue n'est faite chaque mois sur leur chèque de paie et sur le mien.

(1540)

Tous ceux qui se trouvent à la tribune et font partie de la fonction publique, tous les employés de nos bureaux et tous les fonctionnaires ont la possibilité d'obtenir une carte de soins de santé de niveau III. Les gens de mon bureau l'ont fait. Les


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célibataires paient 5,32 $ par mois, les familles, 10,35 $ par mois. J'ai confirmé ces données aujourd'hui de notre commis préposé à la rémunération et aux avantages sociaux, au bureau du contrôleur.

C'est insensé de parler de soins de santé à deux paliers de façon aussi moralisatrice, de dire que pour le Parti réformiste un système à deux paliers signifie un système américain; nous tournons autour du pot. Il est impossible de le nier puisque c'est un fait. Nous ne payons rien pour les services d'hospitalisation de ce niveau. Les fonctionnaires, les gens qui travaillent pour nous dans nos bureaux, payent 5,32 $ ou 10,35 $ par mois. Voilà donc déjà deux niveaux ou deux façon différentes de dépenser. Une fois de plus, les députés s'en tirent bien, on ne déduit rien de notre chèque de paye à ce titre. Il existe de graves problèmes dans ce pays, et celui-ci n'est que l'un des moindres.

Nous croyons que tous les Canadiens devraient avoir accès aux services de santé, quelle que soit leur capacité de payer. C'est un fait. C'est une chose qui est chère à tous, d'un océan à l'autre. Le dilemme, c'est que nous ne savons pas avec quoi nous allons les payer. Le pays a une dette de 550 milliards de dollars. Et pourtant, ce matin, la ministre de la Santé a dit que tout allait très bien et que nous avions tout plein d'argent.

Le déficit systématique de la fin des années 60 et du début des années 70 nous a enfoncés dans un gouffre si profond que, si nous n'arrivons pas à reprendre les rênes, même une salle de la taille de la Chambre ne suffira pas à contenir tout l'argent que nous devons. La dette augmente à raison de 1 500 $ par seconde.

Les ministériels, qui prétendent que, de ce côté-ci, nous rêvons et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, se trompent lourdement.

Mes amis d'en face savent que je dis la vérité. Nous ne pouvons continuer à payer des intérêts au rythme où nous le faisons et nous attendre à ce que rien ne change.

Il y a déjà des inégalités dans le système. Le système a besoin d'être modifié. Il y a plusieurs niveaux, plusieurs catégories de soins de santé. Admettons-le et ne nous laissons pas aveugler par un gouvernement qui essaye de faire peur aux Albertains et à leur ministre de la Santé. N'essayez pas de nous épouvanter. N'accusez pas les réformistes ou les bloquistes de semer la terreur au coeur de la population.

Nous faisons face à la réalité. Nous avons de graves problèmes économiques. Nous avons un système de soins de santé à deux vitesses. Mon ami de Winnipeg disait ce matin qu'il appuyait la formule des libéraux pour le système de soins de santé. On lui a précisément demandé s'il avait déjà, au cours de sa pratique médicale, adressé un de ses patients à la clinique Mayo. Je crois qu'il l'a déjà fait et même à plusieurs reprises car, à mon avis, c'est un excellent médecin qui dirait volontiers à un patient qu'il doit rapidement se rendre à la clinique Mayo. Winnipeg est très près de là, et je parie qu'il a adressé de nombreux patients à la clinique Mayo.

Je parie aussi que la députée médecin de Vancouver-Centre, qui vit très près de la frontière américaine, adresserait certainement un patient capable de payer à la clinique Mayo, dans le meilleur intérêt de celui-ci. Elle dirait à ses patients qui peuvent se le permettre de se rendre à la clinique Mayo, en Californie, à Seattle ou ailleurs pour obtenir des soins de santé. Cela se produit souvent.

Cessez d'accuser le Parti réformiste d'alarmisme. Consacrons plutôt nos énergies à résoudre le problème.

On a aussi parlé de notre position durant la campagne électorale. Cela se passait il y a déjà 150 milliards de dollars. La dette nationale s'élève maintenant à 550 milliards de dollars, soit 150 milliards de plus qu'au moment de l'arrivée à la Chambre de tous les néophytes, il y a un an et demi. La dette et l'intérêt sur celle-ci grimpent à une telle vitesse que, si nous ne réglons pas ce problème, il détruira le régime national d'assurance-maladie plus que tout autre.

Existe-t-il différents régimes de soins de santé? J'ai été vraiment surprise, lorsque je suis arrivée de l'Ouest, où j'avais payé pour le régime d'assurance-maladie de l'Alberta durant toute ma carrière d'enseignante, de découvrir qu'ici, en Ontario, les gens ne payaient même pas leurs primes. Cela me semblait vraiment étrange, mais au Manitoba aussi les gens ne paient pas les primes.

M. Harvard: Pourquoi le ferions-nous?

Mme Grey: «Pourquoi le ferions-nous», demande-t-il. Je suppose que, si tous les régimes sont rentables et se financent par eux-mêmes et si la situation financière du pays est excellente, on peut toujours s'offrir des cadeaux.

Nous continuons à payer des primes d'assurance-santé, et je ne pense pas que les gens soient contre cela, car ils savent que le service qu'ils obtiennent est exceptionnel. Certaines provinces ont des primes d'assurance-santé, d'autres non. C'est ainsi que ça marche.

(1545)

Certaines personnes ont des régimes d'assurance privés pour compléter leur couverture. C'est ainsi. Ceux qui peuvent se permettre de payer ont parfaitement le droit de le faire. Dans ma province, certaines personnes peuvent se permettre des chirurgies oculaires au laser à la clinique Gimble, à Calgary, ou à la nouvelle, à Edmonton. Ces personnes sont prêtes à payer pour ne pas attendre pour obtenir cette chirurgie, peut-être à l'hôpital de l'Université d'Alberta. Elles sont prêtes à aller à la clinique Gimble, où elles paieront les 1 200 $ ou la somme nécessaire. Elles libèrent ainsi de la place à l'établissement public pour quelqu'un qui attend. Il n'y a pas de mal à cela. C'est comme cela depuis très longtemps.

Quelqu'un dit: «Oui, il y a du mal à cela.» Et les gens qui vivent de l'aide sociale, alors? Est-ce que nous, qui avons des emplois, disons: «N'est-ce pas épouvantable tous ces gens qui dépendent de l'aide sociale.» Non, nous sommes heureux d'avoir un travail et de payer nos impôts. Nous nous assurons que ceux qui sont dans le besoin sont en mesure de recevoir de l'assistance. Il n'y a pas de mal à cela.

Est-ce que ma collègue quitterait son emploi de députée et cesserait de payer des impôts, parce qu'elle ne pense pas que ses impôts devraient aider ceux qui ont vraiment besoin d'assistance? Bien sûr que non. Ah, elle y pense. Laissons-la penser. Ceux d'entre nous qui sont en mesure de payer ont beaucoup de chances. Nous sommes capables de payer nos impôts et nous voulons que cela profite aux plus nécessiteux de notre société. Pourquoi ne ferions-nous pas la même chose avec la santé? Cela me paraît parfaitement logique.


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La députée ne devrait pas encombrer la liste d'attente. Elle a sa place dans la queue. Si elle y est et qu'elle dit qu'elle veut des soins parce que. . . À moins qu'elle ne demande des services de garde d'enfants, qui sait? Elle gagne 60 000 $ par an, je dirais qu'elle peut se payer ses propres gardiennes. C'est la même chose. Si vous êtes capable de payer, payez et laissez la place à quelqu'un d'autre qui est peut-être un peu plus dans le besoin. Peut-être pas autant à cheval sur les principes, mais peut-être un peu plus dans le besoin.

Ne nous faisons pas d'illusion ici. Il y a des problèmes graves dans notre régime de soins de santé. Les transferts fédéraux en espèces au titre des soins de santé sont appelés à disparaître au cours des dix à quinze prochaines années. C'est ce que veut le gouvernement, un gouvernement libéral. Le régime de soins de santé, qui existe depuis trente ans, depuis les années 60, est essoufflé et agonise, en ce trentième anniversaire.

Les problèmes sont réels. Le financement? Désolé, il n'y a plus d'argent. Les différents gouvernements libéraux qui se sont succédé ont fait des dépenses donnant lieu à déficit, et il n'y a plus d'argent. Le gouvernement ne peut pas dire aux Canadiens: «Désolé, c'est comme ça», et prétendre ensuite, dans des discours qui seront repris par la SRC ou CTV, qu'il a tout l'argent dont il a besoin. C'est ce que la ministre a dit aujourd'hui. J'espère que cela passera aux nouvelles nationales, ce soir. Il y a beaucoup de gens, beaucoup de contribuables canadiens qui savent que c'est absolument faux.

Cela vaudrait la peine de nous préparer en vue de ce jour. Nous savons que nous avons des problèmes. Préparons-nous en conséquence, au lieu de dire: «Ne touchez pas à notre régime de soins de santé, n'y touchez surtout pas!» Nous sommes dans une mauvaise situation financière et nous devons essayer de régler les problèmes au lieu de simplement nous plaindre.

En Alberta, d'où je viens, il y a eu d'importantes réductions. Je tiens à souligner aux députés d'en face et de ce côté-ci de la Chambre que, en 1970, il y a 25 ans, l'Alberta avait un budget de un milliard de dollars, pas seulement pour les soins de santé, mais en tout. Le budget total était de un milliard de dollars. Douze ans plus tard, en 1982, notre budget était de 12 milliards de dollars. Nous avons connu des années de forte expansion. Grâce au boom pétrolier, nous sommes passés, en douze ans, d'un budget de un milliard de dollars à un budget de 12 milliards de dollars. C'est beaucoup d'argent. Imaginez la suite. Des hôpitaux ont surgi de terre un peu partout. Comme bien d'autres provinces, nous avons doublé et même triplé les dépenses au prorata des Albertains. Si bien que ces compressions nous ramènent peut-être à certains niveaux d'antan.

Dernièrement j'ai subi une chirurgie majeure à l'hôpital de l'Université d'Alberta à Edmondton. Eh bien, dans mon cas-je me garderai bien de généraliser-, j'ai dû m'inscrire sur une liste d'attente pour subir une hystérectomie. Je n'ai pas voulu aller au Centre de la Défense nationale pour éviter la cohue. Je me suis dit: «Je vais y aller. Je paie mon assurance-maladie. Je verse ma contribution à l'Alberta. Je vais attendre mon tour comme tout le monde.» On m'a dit: «Voulez-vous une chambre individuelle? C'est 40 $ la nuit.» Je me suis dit: «Tiens, mais c'est moins cher qu'au Relax Inn, alors va pour la chambre!» Je n'y connaissais pas grand-chose, car c'était la première fois que j'étais malade et j'en suis fort aise. Ma carte d'assurance-maladie-niveau trois qui ne me coûte pas un sou à la fin du mois-couvrait les frais de la chambre. J'étais comblée. Le personnel de l'hôpital était compétent.

Tout le monde était gentil et s'occupait de moi, bref, j'étais soignée aux petits oignons. Résultat, deux mois plus tard, me revoilà dans cette enceinte, complètement rétablie. Je suis peut-être la preuve que notre système de soins de santé fonctionne. Mais prenons garde qu'il ne devienne plus malade ou en plus mauvais état qu'il ne l'est déjà.

(1550)

Le régime de soins de santé, ça vaut le coup au Canada. Quand bien même certains députés se plaindraient de l'absence d'autres niveaux de service, pour notre part, versons des larmes sur ce système et refaisons-lui une santé.

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais, tout d'abord, corriger la première déclaration de ma collègue au sujet du système à deux vitesses profitant aux députés par rapport aux employés.

Ce système n'existe pas. Les services médicaux ou hospitaliers nécessaires sont les mêmes. Il n'y a pas de différence. Les gens sont traités au même hôpital et par le même médecin. La seule différence, c'est qu'il y a dans la chambre un téléviseur dont on peut décider de se servir ou non. La députée en a voulu, mais elle aurait pu très bien s'en passer. Les soins médicaux sont les mêmes. Les hôpitaux, les médecins, les infirmières et les services ne diffèrent pas.

Ma collègue et certains autres députés ont parlé aujourd'hui des services médicaux essentiels et ils les ont définis. J'essaie de comprendre la différence qu'il y a entre les services essentiels et les services médicalement nécessaires dont il est question dans la Loi canadienne sur la santé. Étant donné que le Parti réformiste en parle, quelles sont les véritables différences entre les services essentiels et les services médicalement nécessaires? Je pense qu'il n'y en a aucune et que nous ne faisons que jouer sur les mots.

Les députés réformistes pourraient-ils définir, pour ma gouverne, ce qu'on entend par des services essentiels en me précisant en quoi cela diffère de ce qui est maintenant prévu dans la loi?

Je suis très fière de payer mes impôts. Je ne considère pas l'assistance sociale comme de la charité. Je pense que c'est un droit pour les gens dans le besoin qui éprouvent des difficultés.

Mme Grey: Les gens dans le besoin.

Mme Minna: Tout à fait. Je suis très fière de payer mes impôts pour aider ces gens. Je ne pense pas que c'est leur faire la charité et c'est pourquoi je ne suis pas en faveur de programmes de travail obligatoire ou d'autres choses de ce genre. Je veux simplement préciser que ce n'est pas de la charité pour moi. Ces gens ont le droit d'être aidés par le système et par le gouvernement. Ils ont versé des impôts dans le passé et ils ont mérité qu'on leur porte secours.

En ce qui concerne la clinique Gimble, la chirurgie au laser et la possibilité de passer avant les autres, je ne veux pas de ce système. En fin de compte, nous finirons par avoir un système où les gens qui peuvent se le permettre passeront toujours les premiers. Les meilleurs spécialistes peuvent exiger davantage d'argent, car ce sont les profits qui les motivent et ils travailleront toujours dans les meilleures cliniques. Avant que nous ne comprenions ce qui arrive, nous aboutirons à un système à deux vitesses, peu importe la façon dont nous voyons les


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choses. J'ai vu cela se produire à d'autres endroits, et c'est ce qui va arriver. C'est inutile.

Le système public de soins de santé est le plus efficace du monde. Il épargne de l'argent, car les intervenants ne sont pas motivés par les profits, mais veulent plutôt offrir les meilleurs services possibles aux citoyens du pays ou de la province.

Ce sont là mes observations et certaines de mes questions. Je voudrais vraiment comprendre ce que le Parti réformiste entend par des services essentiels, car je n'ai pas encore vraiment réussi à le faire jusqu'à maintenant.

Mme Grey: Monsieur le Président, je sais gré à la députée de ses observations. Quelle partie de ce régime à deux niveaux la députée ne comprend-elle pas? Cela me dépasse. La députée sait que je n'ai pas l'habitude d'être à court de mots. Tous ceux qui me connaissent, et surtout ma famille, savent que je n'ai pas l'habitude de rester perplexe, mais j'ai peine à croire qu'on puisse affirmer que nous bénéficions des mêmes soins hospitaliers et qu'il n'existe aucune différence entre eux. Bien sûr que oui!

Quelqu'un qui dit que la clinique ophtalmologique Gimble est réservé aux gens fortunés devrait savoir qu'ils en profitent depuis des années. Des femmes se rendent dans des cliniques d'avortement. La ministre parle sans cesse de droits d'admission et dit qu'elle ne les permettra pas en Alberta. Qu'en est-il des personnes qui se rendent dans des cliniques d'avortement privées partout dans le pays? Paient-elles des droits d'admission? Assurément. Quelqu'un a dit plus tôt aujourd'hui que les services de psychanalyse au Québec n'étaient plus assurés. La liste est interminable.

Les services essentiels et les services médicalement nécessaires sont les services absolument indispensables. Ce pourrait être, par exemple, des appareils de survie ou une hystérectomie pratiquée à cause d'un cancer. Si quelqu'un désire se faire faire une rhinoplastie, qu'on laisse la profession médicale déterminer si cette chirurgie est nécessaire en raison de problèmes de respiration. Cependant, si une personne désire une chirurgie plastique, une rhinoplastie, un remodelage du visage ou de toute autre partie du corps, le milieu médical est fort en mesure de décider si ces services sont essentiels ou non.

(1555)

Les interventions qui permettent de sauver la vie sont essentielles. Or, il ne revient pas au gouvernement de prendre des décisions de ce genre à la Chambre des communes. Qu'on laisse la profession médicale s'en charger.

Il y a des médecins très compétents du côté du gouvernement de même que de ce côté-ci. Qu'on laisse la profession médicale décider, puis le gouvernement les appuiera.

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai trouvé intéressants les derniers propos de ma collègue lorsqu'elle a dit qu'il fallait laisser aux médecins et à ceux qui prodiguent les soins la responsabilité de décider.

C'est précisément ce que nous faisons et ce que fait la Loi canadienne sur la santé. La proposition de la députée aurait pour effet de remplacer les médecins par des fonctionnaires. Une personne autre que le médecin ou la personne qui fournit les soins établirait une liste. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes contre la proposition que le Parti réformiste a présentée aujourd'hui.

Voyons ce que propose exactement le Parti réformiste. Après s'être réunis et avoir réfléchi, les députés réformistes ont décidé d'inclure dans leur calendrier politique un débat sur cette question aujourd'hui. Ils ont donc présenté aujourd'hui une motion qui préconise:

Que cette Chambre reconnaisse que, depuis la création de notre régime national de soins de santé, la part du financement fournie par le gouvernement fédéral est passée de 50 pour cent à 23 pour cent et, par conséquent, que la Chambre exhorte le gouvernement à consulter les provinces et d'autres intervenants, afin de préciser quels sont les services essentiels qui seront entièrement financés par les gouvernements du Canada et des provinces, et les services non essentiels pour lesquels les assurances privées et les bénéficiaires des services seront peut-être appelés à jouer un rôle complémentaire.
Des voix: Bravo!

M. Alcock: Je suis heureux que les députés reconnaissent que je sais lire.

Je me permets d'opposer la grande revendication des députés d'en face qui voulaient que les provinces aient un contrôle accru à une déclaration que faisait, il n'y a pas si longtemps, un autre député réformiste au comité des ressources humaines. La déclararion est la suivante: «Je suis originaire d'une province riche. Nous contribuons à la Confédération. Par conséquent, ne devrions-nous pas avoir le droit de décider du genre de services qui sont offerts à la population des provinces pauvres?» L'image que cette intervention donne de nous, en tant que pays, est à l'origine de ce que m'inspire ce débat.

Nous avons pris la décision d'assurer les soins de santé, il y a déjà longtemps. Nous voulions voir à ce que tous, peu importe où ils vivent au Canada et peu importe leur niveau de revenu, aient droit aux soins de base. Nous avons pris cette décision en tant que pays et nous avons tenu notre promesse.

Les députés réformistes disent avec tant d'insistance qu'ils veulent soutenir les demandes de leurs électeurs. Aucun autre service gouvernemental n'est aussi prisé par les gens que le régime de soins de santé.

Le Parti réformiste me rappelle la vieille histoire du médecin qui ne savait que dire: «Prenez deux aspirines et rappelez-moi demain matin.» Quelle que soit la politique dont nous discutions à la Chambre, le Parti réformiste répète toujours la même chose: «Nous avons un déficit. Nous n'avons pas les moyens de nous payer cela et il faut couper quelque part. Nous devons nous tirer de ce déficit.» C'est frappant. Selon moi, un parti qui est maintenant au Parlement depuis un certain temps et qui compte des gens intelligents et réfléchis parmi ses membres devrait soupeser davantage ses déclarations.


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Nous consacrons entre 4 et 4,5 p. 100 du budget fédéral aux soins de santé. Cela nous permet de nous offrir l'un des meilleurs régimes de soins de santé du monde. C'est l'élément que ce parti a choisi d'attaquer pour régler le problème de déficit que connaît notre pays. Ce n'est pas drôle. C'est même tragique. C'est tragique de les voir s'en prendre à un service tellement valable pour tellement de gens qui ont si peu de choix.

C'est très bien de parler des riches qui peuvent acheter tout ce dont ils ont besoin, n'importe où dans le monde, mais nous devons aussi penser à ceux qui ne peuvent pas agir ainsi. Ce régime fait partie intégrante des valeurs défendues par le Canada depuis le début de ma carrière, et j'espère qu'il en restera ainsi jusqu'à notre mort.

(1600)

Il y a un autre aspect à ne pas négliger. Je suis d'avis qu'il faudrait demander au Parti réformiste une plus grande honnêteté intellectuelle. La motion qu'il propose fait mention d'une part qui serait passée de 50 à 23 p. 100. Je suppose que cela a pour objet d'attiser la crainte ou de donner du poids aux arguments qu'il pourrait faire valoir sur le rôle du gouvernement fédéral et les mesures que ce dernier a prises ou n'a pas prises. Il s'agit d'une affirmation inexacte, de faux renseignements que le parti cite publiquement pour aviver le débat.

En réalité, le premier chiffre correspond à la part fédérale des dépenses pour les services hospitaliers et médicaux-notre contribution à l'assurance-maladie. Le deuxième chiffre représente la part fédérale du total des dépenses de la santé, par exemple, celles des médicaments obtenus sans ordonnance ou des pastilles contre la toux. Le Parti réformiste le sait, ses recherchistes devraient le savoir, et citer ces chiffres ne fait que discréditer le débat.

Les réformistes parlent de dresser une liste de services que des bureaucrates à Ottawa géreraient. Après avoir consulté des médecins, ces derniers diraient aux Canadiens à quels services médicaux ils ont droit.

On accuse parfois le Parti réformiste de copier ses initiatives politiques sur celles de nos voisins du Sud. Je ne vais pas consacrer le temps qui me reste à parler de cela, mais je voudrais faire remarquer une chose ou deux.

Il n'y a pas longtemps, j'ai passé quelques années aux États-Unis. À Los Angeles, j'ai rencontré un homme très riche qui était gravement atteint d'un cancer de la mâchoire. Il a reçu d'excellents services médicaux. Selon une technique qui est disponible au Canada, on a remplacé l'os de sa mâchoire par un morceau de l'os de sa cuisse. L'opération a merveilleusement réussi.

Une fois sorti d'hôpital, il a appris que son assurance était dorénavant annulée. Malgré le fait qu'il est riche et possède les ressources financières nécessaires, il ne peut plus acheter ce service à quelque prix que ce soit. Dans le système que préconise le Parti réformiste, il ne peut acheter ce service pour le restant de ses jours.

Je voudrais citer un autre exemple à la Chambre. C'est arrivé à mon neveu qui vit à Los Angeles. Il était allé en voiture dans un autre État pour y prendre des vacances. Il est tombé et s'est coupé la paume de la main sur un morceau de verre. Comme il s'était coupé un tendon, il s'agissait d'une blessure un peu plus grave qu'une simple coupure à la main. On le conduisit d'urgence à l'hôpital local. Le personnel soignant examina la blessure, puis se contenta d'y mettre une compresse en expliquant que son assurance couvrait seulement ce service immédiat. S'il voulait faire soigner son tendon, il lui fallait retourner dans un État où son assurance était valable. Il lui a fallu faire 500 milles en voiture pour obtenir des soins adéquats. Il aurait pu perdre l'usage d'un doigt.

Quand on dit qu'il faudrait laisser aux provinces et aux hôpitaux le soin de décider quels soins assurer, ne parle-t-on pas d'un système dans le cadre duquel une personne ne pourrait peut-être pas obtenir un service parce que le niveau d'assurance dans sa province ne l'assure pas pour certains services dans une autre province? N'est-ce pas exactement le genre de facteur de division que préconise le Parti réformiste quand il dit que les provinces riches devraient pouvoir dicter le niveau de services à assurer dans les provinces pauvres? C'est inacceptable.

Un très grave problème est en train d'apparaître dans notre pays. Nous assistons à une polarisation croissante entre ceux qui sont à l'aise financièrement, qui peuvent s'occuper d'eux-mêmes et mener une vie confortable, et ceux qui n'ont pas autant de chance. Nous sommes en train de bâtir rapidement une collectivité qui ne diffère pas beaucoup de celles que nous voyons dans le voisinage des grandes villes américaines, des collectivités entourées de murs pour en interdire l'accès aux indésirables. Nous sommes en train de bâtir une société qui est moins ouverte, moins compatissante, moins canadienne que celle en laquelle je crois. Le Parti réformiste doit examiner très attentivement le genre de société qu'il préconise quand il parle de la destruction de notre régime de soins de santé.

L'un des sujets de discussion que le Parti réformiste a mis de l'avant dans sa motion, c'est l'idée que nous devrions avoir une matrice ou une liste de services. Fait intéressant, ni les provinces ni le gouvernement fédéral ne veulent imposer une liste de services. Ils ne le veulent pas parce qu'ils veulent faire ce que la députée de Beaver River a dit dans sa conclusion. Ils veulent que les décisions sur les soins soient prises par le médecin et le patient. C'est le point de vue du gouvernement fédéral, qui trouve son expression dans les principes de la loi, et c'est aussi ce que souhaitent les provinces.

(1605)

Le député qui a pris la parole avant la représentante de Beaver River a parlé d'universalité. Il me semble étrange que le Parti réformiste ait tant de mal à comprendre l'idée d'universalité. Elle veut simplement dire que tous doivent avoir accès aux services. Si les réformistes ne veulent pas de l'universalité, comme les députés l'on dit, qui sera exclu? S'ils ne veulent pas entendre parler d'universalité, qui seront laissés de côté?

M. Williams: Personne.

M. Alcock: Il faudrait qu'ils se branchent. Ils ne peuvent pas s'opposer à l'universalité et prétendre que personne ne sera exclu. Tout ce que la notion d'universalité veut dire, c'est que nous donnons à tous l'accès aux services, tous ont la même protection.


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Le chef du Parti réformiste a prononcé récemment un discours sur l'assurance-maladie. Je voudrais y revenir brièvement. Les députés d'en face peuvent se préparer à bondir comme ils ont l'habitude de le faire.

Il a été proposé que nous demandions à la députée de Beaver River de nous dire où les liftings sont gratuits.

Dans le discours qu'il a prononcé il y a peu de temps, le chef du Parti réformiste a déclaré que les problèmes financiers attribuables aux déficits et à la hausse vertigineuse des versements d'intérêts constituent la véritable menace qui guette à long terme l'assurance-maladie. La hausse vertigineuse des intérêts sur la dette nationale mine la capacité du gouvernement fédéral de subventionner les programmes sociaux, y compris l'assurance-maladie.

Mlle Grey: Bravo!

M. Alcock: Monsieur le Président, encore une fois, je remercie la députée de Beaver River qui m'ovationne.

Prenez de l'aspirine et rappelez-moi demain.

Nous avons un problème. Il faut réduire le déficit. C'est la seule solution. Pas question d'examiner les services qui sont offerts, de demander à la communauté médicale de trouver des façons plus efficaces et efficientes d'offrir les services, il faut réduire le déficit, réduire les dépenses.

La députée de Beaver River m'a demandé de décrire la stratégie des libéraux. Le chef du Parti réformiste réclame la réduction du déficit. En fait, le budget libéral prévoit, au cours des trois prochaines années, des réductions de dépenses de l'ordre de 29 milliards de dollars. De l'avis de tous, ce budget contient les mesures budgétaires les plus sévères prises par un gouvernement depuis la dernière grande guerre.

Dans ma circonscription, j'ai participé à une émission de radio locale animée par une personnalité qui est en ondes depuis 25 ans, Peter Warren. Je lui ai demandé: «Avez-vous déjà vu un budget aussi sévère?» Il a répondu: «Non.»

Le gouvernement se montre responsable sur le plan budgétaire, comme il avait promis de le faire, mais aussi sur le plan moral. Il n'abandonne pas les plus démunis. Il n'invite pas les mieux nantis à ne faire que ce qu'ils veulent sans penser aux autres. Il nous dit que nous sommes tous dans le même bateau. Nous faisons tous partie de la même famille. Nous vivons tous dans le même pays et nous réglerons ces problèmes ensemble.

À maintes reprises, le ministre des Finances a parlé d'équité. Il a dit que nous avalerions la pilule, même si elle était amère, que nous prendrions des décisions difficiles, tout en demeurant justes et équitables.

Dans son discours, le chef du Parti réformiste a affirmé que le premier ministre n'avait aucune stratégie réaliste ni aucun plan pour réformer l'assurance-maladie.

(1610)

Je ne sais pas où était le chef réformiste. Il n'a pas été tellement présent à la Chambre, mais il y a certainement dans son entourage des gens qui peuvent lire, parler du conseil, examiner le travail que la ministre a fait pour chercher, avec les provinces et les gens, des solutions aux problèmes très épineux et complexes auxquels nous faisons tous face.

Le gouvernement fédéral a déjà amorcé des discussions avec tous les principaux intéressés. Des initiatives menées en collaboration avec les provinces, dont la conférence des ministres de la Santé, les comités consultatifs fédéraux-provinciaux, les rencontres bilatérales avec des organismes des milieux de la santé et les consultations menées auprès des Canadiens dans le cadre du Forum national sur la santé, permettent d'informer toutes les parties et de travailler en collaboration avec elles pour garantir que les Canadiens aient accès à un régime de soins de santé adapté à leurs besoins, efficace et abordable.

Il y a un autre aspect à prendre en considération. Si la députée de Beaver River veut parler des coûts, il convient de souligner qu'il y a d'énormes coûts liés à une santé laissant à désirer. Il y a des coûts très importants associés à la pauvreté chez les enfants et à des enfants qui ne sont pas en santé.

L'universalité signifie que mes enfants peuvent bénéficier de soins de santé parce que j'ai les moyens de les payer, et qu'il en est de même de ceux qui ne peuvent se le permettre. Cela signifie que nous nous préoccupons aussi des besoins de ces derniers au chapitre des soins de santé. Cela signifie que les enfants qui vont à l'école sont plus forts, en meilleure forme, plus actifs physiquement et mieux disposés à apprendre. Cela signifie aussi que les gens sont capables de poursuivre des carrières, d'être plus productifs, de travailler et de contribuer à l'édification de la société. De bons soins de santé sont les assises d'une saine collectivité. Risquer de détruire cela cavalièrement comme le propose le Parti réformiste est irresponsable.

On a parfois reproché aux députés réformistes de parler en code. J'aimerais employer leur langage. Le chef réformiste a dit que son parti favorise la décentralisation, la réorientation au niveau local et la personnalisation de la prestation des soins de santé et qu'il souhaite qu'on modifie la Loi canadienne sur la santé pour permettre ce genre de souplesse.

N'est-il pas curieux que, lorsque j'ai évoqué, il y a quelques minutes, les difficultés de mon neveu à accéder aux soins de santé dans un autre État, les députés d'en face se sont empressés de dire que ce n'est pas de cela qu'ils parlent? Que veut donc dire la décentralisation alors? Que veut donc dire la réorientation au


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niveau local, sinon des services particuliers dans une région donnée? Qu'arrive-t-il si je ne viens pas de cette région, s'ils ne sont pas assurés dans ma région?

Allons-nous mettre sur pied un système où certains Canadiens ont droit à des services de santé donnés, et d'autres Canadiens, à des services différents? Est-ce que c'est ça que nous voulons?

Qu'entend-on par personnalisation? S'agit-il de l'imposition de frais d'utilisation? S'agit-il de la capacité de payer de ceux qui ont les moyens de le faire? Cela n'entraîne-t-il pas un plus grand fractionnement de la population?

Le président suppléant (M. Kilger): J'ai été assez généreux avec le temps de parole du député. J'ai tenu compte des applaudissements, des interruptions, et ainsi de suite. Je demanderais donc au député de Winnipeg-Sud de résumer en une minute et demie.

M. Alcock: Monsieur le Président, je vous remercie de m'informer au sujet du temps.

En guise de conclusion, je tiens à remercier les députés d'en face d'avoir présenté cette motion. Toutefois, je rejette catégoriquement et absolument son objet. Je regrette qu'ils aient pris position de la sorte sur un service aussi vital pour notre pays. Je les remercie de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole pour dire, en mon nom personnel et au nom de mon parti, que j'appuie notre régime d'assurance-maladie public et que je rejette leur position.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le discours du député. Je vois que sa position est complètement diamétralement opposée à celle des amis du Parti réformiste.

(1615)

Il y a des choses, cependant, qui ont été dites par le Parti réformiste et qui ne sont pas entièrement fausses. Je ne crois pas que le discours actuel du Parti réformiste soit, comme il le dit, irresponsable. Je pense qu'effectivement notre ratio d'endettement, notre dette, va malheureusement nous conduire à faire des choix draconiens et, d'ailleurs, c'est déjà commencé dans l'assurance-chômage, par exemple.

On voit aujourd'hui, au Québec, 808 000 assistés sociaux et une diminution à peu près comparable des chômeurs au Québec. Donc, il ne faut pas être bien malin pour réaliser que ces chômeurs ont épuisé leurs prestations et qu'ils sont maintenant sur le bien-être social. Je pense que si on continue à fermer les yeux comme on le fait, comme les libéraux ont tendance à le faire, sur notre endettement, sur notre dette collective, malheureusement, on aura des choix encore plus pénibles à faire dans l'avenir et on sera obligé de couper dans nos programmes sociaux, y compris les régimes d'assurance-maladie et autres.

Je pense que le gouvernement libéral actuel s'est pris une belle grosse réserve, par exemple pour le ministère de la Défense, lui qui a prévu acheter quatre sous-marins d'occasion et les rénover, bien sûr, parce qu'il faut les sophistiquer, ces sous-marins, leur mettre des systèmes de détection tout à fait ultramodernes, le nec plus ultra du captage de l'ennemi. Mais si on fait une proportion avec le radoub des frégates, actuellement, on voit que ce gouvernement va encore nous embarquer dans des milliards et des milliards de dollars en dépenses qui auraient pu être coupées et, ainsi, ils auraient peut-être pu se résoudre à ne couper qu'à la fin dans les programmes sociaux.

Mais, on voit que ce n'est pas ce qu'ils font. Par conséquent je ne suis pas d'accord avec lui lorsqu'il dit que la vision des réformistes-je ne suis pas réformiste non plus-mais je dis seulement que le ratio d'endettement constitue un danger. D'après moi, cela en constitue un véritable et c'est là qu'est le danger pour notre société. Je pense que les provinces, sans me rendre jusqu'à la position du Parti réformiste, sont les plus près des contribuables et les plus en mesure d'apprécier leurs besoins et elles devraient être seules maîtresses de la décision de fournir tel ou tel service médical.

L'autre jour, au Québec, on a eu beaucoup. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre, s'il vous plaît. J'hésite à interrompre à toute occasion, particulièrement durant la période de questions et commentaires. Lorsque j'ai appelé la période de questions et commentaires, j'ai constaté qu'un certain nombre de députés voulaient poser des questions ou faire des commentaires au député de Winnipeg-Sud.

C'est la période qui permet un échange de points de vue entre les députés de part et d'autre de la Chambre. Comme j'ai constaté que plusieurs députés voulaient participer au débat avec le député de Winnipeg-Sud, je demanderais au député de poser sa question et de terminer son commentaire, afin que je puisse donner la même chance à d'autres qui ont déjà indiqué qu'ils voulaient intervenir. J'espère que vous me ferez confiance car je serai aussi sage et aussi juste à tout moment.

M. Lebel: Monsieur le Président, je vous comprends très bien et je vais faire vite. Je demande au député de Winnipeg-Sud si la solution, sans abonder dans le sens du Parti réformiste ni non plus dans l'autre extrême, qui est celle du Parti libéral, s'il n'y aurait pas une solution mitoyenne dans la coupure des dépenses, notamment en matière de défense, pour essayer d'en arriver à une solution qui puisse satisfaire tout le monde?

Le président suppléant (M. Kilger): Je remercie l'honorable député de Chambly de sa coopération.

[Traduction]

M. Alcock: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.

Je suis tout à fait d'accord avec le député pour dire qu'il va falloir examiner une foule de domaines et prendre des décisions difficiles. C'est d'ailleurs ce que nous sommes en train de faire. C'est ce que nous avons fait dans le budget que nous avons récemment déposé. Et tous les électeurs du pays commencent à s'en ressentir parce que nous avons pris certaines des décisions financières les plus difficiles qu'ait pris un gouvernement depuis au moins vingt-cinq ans.

Mais voici où nos vues diffèrent. J'ai été membre d'une assemblée provinciale en faveur d'une réforme des soins de santé. Nous estimions qu'il fallait diminuer les coûts des soins de santé. Nous avons fait valoir notre point de vue avec fermeté, et les professionnels de la santé ont travaillé très fort en ce sens.


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(1620)

Les actes médicaux qui nécessitaient auparavant un séjour d'une semaine ou de dix jours à l'hôpital local n'exigent plus qu'une hospitalisation d'une nuit. Nombre d'entre eux se font en clinique externe. Toutes sortes de réorganisations ont été entreprises pour réduire les coûts, accroître l'efficacité, fournir un service de meilleure qualité, plus rapide et à moindre coût. Cependant, nous n'avons pas emprunté le virage qui consiste à dire que certains auront accès aux soins médicaux, et d'autres pas. Telle est la différence entre le programme des réformistes et le nôtre.

Le changement est une réalité de la vie. On peut toujours apporter des changements, des améliorations. On peut toujours faire les choses autrement. Mais en tant que Canadiens, nous avons pris l'engagement de le faire ensemble. C'est ça la différence.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais bien que le député de Winnipeg-Sud soit ministre des Pêches parce que, depuis un an et demi que je siège ici, je dois dire que personne n'a son pareil lorsqu'il s'agit de nous filer entre les doigts comme un poisson.

M. Williams: Comme un flétan.

M. Morrison: Oui, c'est cela. Nous sommes sensés discuter de la motion du Parti réformiste sur la réforme du système de santé canadien. Cependant, nous avons eu droit à la dissection du système de santé américain, ce qui n'a absolument rien à voir avec notre sujet.

Nous avons entendu le député dire qu'il nous faut la santé, que la santé est un bien inestimable. Qui le conteste? Tenons-nous en aux éléments fondamentaux et parlons de la motion plutôt que de brandir des épouvantails.

J'aimerais avoir le don d'éloquence du député, mais Dieu merci, je n'ai pas son sens de la logique. Il s'écarte complètement du sujet. Il veut savoir ce que signifie l'administration locale des services de santé. Je peux lui donner un bon exemple.

Je suis né et j'ai grandi près de Swift Current, en Saskatchewan, dans la région appelée région sanitaire numéro un lorsque le premier régime d'assurance-maladie du Canada a été mis sur pied, il y a cinquante ans. C'était une expérience. Des membres de ma famille a contribué à créer ce système. Ils ont travaillé fort pour cela. L'expérience a connu un grand succès parce que le système était administré par un groupe de médecins de campagne et de préfets du coin. Il n'y avait pas de bureaucratie gigantesque qui dictait sa volonté à la population locale. C'était un système magnifique.

Lorsque le système d'assurance-maladie canadien a finalement vu le jour, 20 ans plus tard, on n'a tenu aucun compte des résultats de cette expérience et on a créé une énorme bureaucratie fédérale pour diriger ce régime que nous avions travaillé si fort pour obtenir. Il était efficient, efficace et, en plus, économique. Personne n'était privé de soins médicaux. Si une intervention nécessitait des spécialistes que nous n'avions pas dans notre région, nous envoyions le malade à l'extérieur et nous payions la facture. C'est cela que nous entendons par administration locale.

À notre époque de prodiges dans les communications, il n'est pas nécessaire de voir si petit, mais nous pourrions au moins confier cela aux provinces où les politiciens doivent répondre directement à la population et où les personnes les plus directement touchées pourraient gérer le système. C'est ce que nous entendons par administration locale. Cependant, cela est en directe opposition avec le point de vue des libéraux qui sont de grands centralisateurs et de grands dominateurs.

M. Alcock: Monsieur le Président, je prendrai seulement une minute pour répondre.

Je prierais le député d'obtenir une copie de la Loi canadienne sur la santé. Il n'y a rien dans cette loi qui empêche la participation locale, le contrôle local. Dans ma province, nous avons des régions médicales. Les hôpitaux ont des conseils d'administration, mais il y a certaines restrictions. La Loi canadienne sur la santé dit que les provinces doivent payer pour tout service qui est nécessaire du point de vue médical. Nous ne pouvons pas décider localement qu'un service nécessaire du point de vue médical ne sera pas assuré. Nous ne pouvons pas prendre cette décision parce que, en tant que Canadiens, nous avons décidé que tous les habitants de toutes les régions du pays auraient accès aux services nécessaires du point de vue médical.

(1625)

Le député fait intervenir l'image d'une énorme bureaucratie centralisée à Ottawa qui prend toutes ces décisions. Sait-il combien il faut de personnes pour administrer la Loi canadienne sur la santé? S'est-il déjà donné la peine de vérifier la taille de cette énorme bureaucratie? Il y a au total 25 personnes qui prennent les décisions concernant la Loi canadienne sur la santé.

Je n'ai rien contre le contrôle local et la participation locale. C'est quelque chose que nous encourageons. Nous avons établi des régions médicales avec des conseils élus et ainsi de suite. Ce système existe en Colombie-Britannique et au Manitoba. Cependant, cela est très différent d'un système à deux niveaux où les riches ont certains services que les autres n'ont pas, ou encore d'une situation où les provinces riches ont un certain système de soins de santé que les provinces pauvres n'ont pas. Nous voulons tous un pays qui traitent tous ses habitants de façon égale et non un pays qui met certains individus à l'écart.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part au débat sur la motion présentée aujourd'hui par le Parti réformiste en ce qui concerne les soins de santé. Je voudrais dissiper les fausses idées répandues par nos collègues de l'autre côté de la Chambre.

On a dit beaucoup de choses à propos du système à deux vitesses. Le système à deux vitesses existe déjà.

D'abord, il y a le système où une personne qui a de l'argent peut aller aux États-Unis où elle recevra immédiatement n'importe quel traitement sans que les contribuables canadiens aient à payer. Cela coûte cher, mais la personne n'attend pas.


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Ensuite il y a l'autre système, le système canadien des soins de santé, qui nous assure à un moment donné-il peut falloir attendre un an ou plus-des services autres que les services d'urgence. Ce système est celui que nous avons aujourd'hui et qui va en se détériorant. Le gouvernement le laisse sans ressources.

Par contre, le gouvernement reste attaché aux cinq grands principes qu'il ne peut plus garantir. Ce système à deux vitesses est celui que nous impose aujourd'hui le gouvernement libéral et auquel nous sommes opposés.

Maintenant, nous sommes dans une situation financière critique. Privé d'argent, le système est en train de s'écrouler. Les gens qui ont désespérément besoin d'une intervention chirurgicale doivent attendre longtemps. Un pour cent des Canadiens attendent une intervention chirurgicale non urgente. Il ne s'agit pas de 1 p. 100 des malades. Il s'agit de 1 p. 100 des Canadiens qui, aujourd'hui, attendent que le système des soins de santé leur fournisse des services qu'il ne peut leur fournir.

Les personnes qui ont de l'argent vont se faire soigner à l'étranger, ce qui équivaut à importer des services et nuit à notre économie. Elles peuvent acheter n'importe quel service. Nous avons donc un système à deux vitesses. Ce n'est pas celui que nous proposerions. Nous ne l'aimons pas. En fait, nous y sommes totalement opposés.

Cependant, il y aura toujours un besoin. Le Parti réformiste a pris l'engagement absolu de veiller à ce que tous les Canadiens aient accès aux services médicaux, sans avoir à attendre.

Il est possible qu'une personne veuille plus que le minimum de base et veuille payer pour rester plus longtemps à l'hôpital ou avoir une infirmière privée à son chevet. Très bien, qu'elle le fasse, mais à ses frais.

(1630)

On peut régler le problème de différentes manières. Cependant, ne parlons pas tout de suite de régler le problème. Examinons-le encore.

J'ai ici une lettre du service de santé de Sturgeon, dans ma circonscription. Elle est datée du 9 septembre 1994. C'est une lettre circulaire que ce service a envoyé à tous ses patients. En voici le texte:

Cher client/cliente,
Vous savez peut-être que la demande de soins à domicile est beaucoup plus forte que les ressources disponibles. L'accès aux lits de traitement actif est de plus en plus limité. Un nombre croissant de personnes dans notre collectivité ont besoin d'une aide importante en raison de leurs handicaps.
Pour que nous puissions continuer de fournir des services essentiels aux personnes qui en ont le plus besoin, nous avons demandé aux coordonnateurs des soins à domicile d'examiner les différents cas et de réduire les services, lorsque c'était possible.
Nous savons que le fait de fournir une aide à domicile permet à de nombreux clients de rester plus longtemps dans leur foyer. À l'heure actuelle, cependant, on doit limiter l'aide fournie aux personnes qui, autrement, devraient immédiatement quitter leur foyer. Cela signifie que les familles pourraient avoir à fournir plus d'aide ou à acheter les services. Le programme de soins à domicile reconnaît la contribution importante des soignants aux clients à domicile et déplore les exigences grandissantes à l'égard des familles. Nous espérons obtenir d'autres fonds afin de pouvoir répondre à la demande de soins dans la collectivité.
Veuillez agréer, cher client/cliente, l'expression de nos sentiments les meilleurs.
Carol Sims, infirmière
Directrice du Programme de soins à domicile
Cette lettre dit que l'accès aux lits de traitement actif est de plus en plus limité. Ce n'est pas la politique des réformistes. Cela n'est pas attribuable à des mesures réformistes. C'est ce qui se passait en 1994 et c'est ce qui se passe encore en 1995. Cela se passe actuellement, sous ce gouvernement, qui nous accuse de proposer un système à deux vitesses. Dans cette lettre, on peut aussi lire ceci: «Pour que nous puissions continuer de fournir des services essentiels aux personnes qui en ont le plus besoin, nous avons demandé aux coordonnateurs des soins à domicile d'examiner les différents cas et de réduire les services, lorsque c'était possible.» On ne s'occupera que des personnes qui ont de très grands besoins. Les autres devront être prises en charge par leur famille, parce que le gouvernement n'a plus d'argent.

Cette lettre ne vient pas d'une personne étrangère aux soins de santé. Elle ne vient pas d'une personne à qui on a refusé des soins de santé. C'est une lettre qui vient du centre même de notre régime de soins de santé, où l'on décide de priver les gens de services de soins de santé, sauf ceux qui en ont le plus besoin.

Nous voici aujourd'hui face à un régime de soins de santé à deux vitesses. C'est précisément la raison pour laquelle le Parti réformiste présente cette motion qui dit que des changements s'imposent. Il ne s'agit pas de changer pour le plaisir de changer; nous reconnaissons que le secteur des soins de santé est malade et qu'il a besoin d'être revivifié. Et nous nous demandons comment nous y prendre.

J'ai dit tout à l'heure que le Parti libéral joue à l'autruche et semble vouloir tenir coûte que coûte aux cinq principes que sont l'universalité, l'accessibilité, l'intégralité, le financement public et la gestion publique. La Parti libéral affirme qu'il en sera ainsi, que le débat est clos et qu'on ne reviendra pas là-dessus. Or, le gouvernement n'en continue pas moins à sabrer à coups de milliards de dollars dans les montants destinés au régime de soins de santé. Dans le dernier budget, le ministre des Finances a encore effectué des compressions et a déclaré: «Allez, les provinces, c'est à vous. Mais n'oubliez pas une chose: vous devez vous conformer à nos cinq principes que nous vous interdisons formellement de contourner.»

En Alberta, le ministre des Finances a lancé un sévère avertissement: «Mettez fin à ces pratiques qui ne cadrent pas avec les cinq grands principes, sinon l'Alberta verra sa part de financement réduite.»

(1635)

Tout le monde sait que toutes les provinces, le Québec et les autres, dispensent les mêmes services pour lesquels les médecins, les hôpitaux et les cliniques exigent des frais supplémentaires. Et pourtant, pour une raison quelconque, on traite l'Alberta comme s'il s'agissait du gros méchant loup et on lui dit: «Obéissez, sinon on réduit les transferts!» Mais, la ministre de la Santé n'a rien dit, pas un mot, à propos des autres provinces.


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Voilà pourquoi l'Alberta se retrouve avec des budgets réduits et de l'argent en moins pour résoudre les problèmes en adoptant des mesures novatrices. On a réorganisé le régime. Je ne vais pas affirmer que, selon moi, on a réglé tous les problèmes de la meilleure façon possible, mais au moins, on essaie et on fait tout ce qui est possible pour assurer, avec moins d'argent, les services dont les gens ont besoin.

En ce qui concerne le régime à deux niveaux pour réduire le coût des soins de santé, il faut introduire dans le régime la notion qu'on redoute tant, la concurrence. Lorsque je parle de concurrence, on tient pour acquis un régime de soins de santé de type américain, mais permettez-moi de préciser qu'il n'y a pas de concurrence aux États-Unis. C'est un milieu fermé. Le régime est peut-être privatisé, mais il ne favorise aucunement la concurrence.

Or, si nous voulons contrôler le coût des soins de santé, il faut s'assurer qu'il y a une certaine concurrence. Elle peut prendre de nombreuses formes. La concurrence signifie que nous avons un choix entre, disons, deux établissements et si nous choisissons toujours le même, alors l'autre disparaîtra, faute de financement.

Au Canada, nous constatons que nos coûts de soins de santé sont de 50 p. 100 supérieurs à ceux de l'Europe. Depuis quelques jours, dans le camp libéral, on parle du fait que nous essayons de réduire les coûts de santé au Canada, car ils ont, en Europe, un merveilleux régime qui n'absorbe que 5 ou 6 p. 100 du PIB, alors que nous sommes plus près de 10 p. 100 du PIB au Canada. Pourquoi tout cela?

J'étais au Royaume-Uni l'été dernier. Je vais vous faire part d'une anecdote. Ma soeur, qui vit là-bas, s'est fait opérer il y a un an et elle devait s'adresser au service des consultations externes d'un gros hôpital. Lorsque je dis un gros hôpital, je veux parler d'un hôpital qui sert 500 000 personnes.

Ce jour-là, nous devions être à ce service à 11 h 10 et nous étions censés aller ensuite magasiner, etc., mon épouse, ma soeur et moi. Je pensais que nous passerions la journée à l'hôpital. Le rendez-vous était à 11 h 10 et je me disais qu'on nous verrait à 13 heures et que par le temps que nous sortirions du bureau du médecin, il serait 14 heures, soit l'heure de rentrer à la maison.

Je ne pouvais pas le croire. Ma soeur a vu le médecin, et nous étions ressortis à 11 h 30, soit 20 minutes après l'heure de son rendez-vous. Je n'en revenais pas. Comment cela était-il possible? J'ai fait ma petite enquête.

Les soins médicaux sont gratuits là-bas. Qu'y avait-il de changé depuis la dernière fois que j'avais examiné les services médicaux du Royaume-Uni? On y avait adopté quelques nouveaux principes, dont ceux du marché interne et de la charte sociale, comme on les appelle.

La charte sociale qu'on a adoptée au Royaume-Uni dit essentiellement que tout organisme gouvernemental qui a le monopole d'un service au public doit publier ses normes minimales. On ne lui impose pas de normes minimales. L'organisme doit décider ce qu'elles seront et les publier.

À la clinique externe de cet hôpital, la norme publiée était: «Nous recevrons nos patients dans un délai de 30 minutes à partir de l'heure de leur rendez-vous.» Cela me semble très bon. Ce n'est pas tout. Le texte publié disait que le patient qui n'avait pas été reçu en 30 minutes pouvait remplir et poster une petite carte, et l'hôpital n'était alors pas payé pour le service qu'il avait fourni.

(1640)

On a soudainement un moyen d'obtenir que l'organisme rende des comptes. C'est tout simple. Si l'hôpital ne peut pas respecter ses normes minimales, il n'est pas payé. Il tient donc à réussir à offrir les services promis. Deux des cinq principes défendus par le gouvernement libéral, le financement public et la gestion publique, ne sont absolument pas défendables.

Tant qu'il n'y aura pas de concurrence, il ne pourra y avoir de meilleur service. C'est impossible. C'est pourquoi nous devons attendre parfois plus d'un an pour subir une intervention chirurgicale. La concurrence oblige l'hôpital à prendre soin de ses patients. C'est le genre de chose que nous essayons de défendre au Canada. Ce système assure l'accessibilité des services.

J'ai parlé du concept des marchés internes. Tous les hôpitaux du Royaume-Uni doivent tenir une comptabilité stricte et fonctionnelle, comme n'importe quelle entreprise. C'est tout. On ne leur demande pas l'impossible. On leur demande de tenir leurs comptes selon les mêmes règles que les entreprises. Ainsi, les centres de santé régionaux ont un certain budget pour soigner leur clientèle. Ils doivent dépenser de l'argent. Prenons, par exemple, une procédure assez chère, comme un pontage.

Les gens choisiront un hôpital qui respecte et même dépasse les normes, qui peut offrir le service et qui le fait à moindre coût. Les hôpitaux se livrent alors concurrence sur le plan financier, ce qui garantit que tous tiendront leurs prix au plus bas niveau possible. C'est ainsi qu'on crée des économies de coût et qu'on rétablit son régime de soins de santé.

Les services de santé sont toujours gratuits au Royaume-Uni, mais les autorités ont créé des marchés internes, établi des chartes sociales et autorisé la concurrence. Or, le régime de soins de santé au Royaume-Uni coûte entre la moitié et les deux tiers de ce que coûte le régime canadien.

Les libéraux s'accrochent néanmoins à l'idée qu'un régime de soins hospitaliers et médicaux financé et administré par l'État est la seule solution possible, alors même que notre régime est en train de s'effondrer sous nos yeux. Je rappelle que le Royaume-Uni a été le premier pays à socialiser la médecine. Il y a quinze ou vingt ans, les coûts des services de santé ont entraîné le Royaume-Uni dans le même débat que celui que nous tenons aujourd'hui. Les autorités ont introduit de nouvelles idées et ont réussi à améliorer la qualité des services tout en autorisant la concurrence. L'apparition de la concurrence a, en retour, entraîné la participation financière du secteur privé aux soins de santé.

Les «fonds privés» sont-ils tellement méprisables? Tout le monde s'oppose à l'existence du profit dans le secteur des soins


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de santé. Je défie n'importe qui de trouver quelqu'un dans cette industrie qui accepterait de faire ce qu'il fait gratuitement.

Tout le monde dans cette industrie est motivé par le chèque de paye ou les profits provenant de la vente d'équipement ou de la construction d'un hôpital. C'est pourquoi nous devons aussi établir un véritable marché car c'est là que se prennent les bonnes décisions.

Nous avons pu le constater à de nombreuses reprises. Ma circonscription en est un exemple parfait. Il y a quatre ou cinq ans, les responsables des soins de santé ont construit un nouvel hôpital au coût de 50 millions de dollars. Il est demeuré vide pendant quelques années avant qu'on ne puisse trouver les fonds d'exploitation pour en ouvrir les portes. Cet hôpital est maintenant réduit à une unité de soins de santé dans la ville de St. Albert. Il s'agissait toutes de décisions politiques, et non de décisions du marché, et elles nous ont coûté plusieurs millions de dollars.

(1645)

De nos jours, on n'a pas accès aux soins de santé, même si on parle d'universalité. Universalité ne signifie pas accès, parce que des gens attendent jusqu'à un an ou plus pour subir une chirurgie facultative.

Abordable? Oui, nous voulons que tous les Canadiens, d'où qu'ils viennent, aient accès à des soins de santé. Ce pourrait être des soins de base. On pourrait leur imposer une franchise de 5 p. 100 ou de 5 $ ou 10 $ pour qu'ils réfléchissent avant d'y recourir. En effet, dès que des services sont gratuits, on en abuse.

Oui, nous voulons que les soins de santé soient accessibles à tous, mais nous ne sommes vraiment pas d'accord pour dire qu'un régime de santé financé et géré à l'aide des fonds publics, non concurrentiel et soumis aux décisions politiques de fonctionnaires, de politiciens et de comités est le seul valable.

Nous voyons toutes sortes de situations dans le secteur privé. Tous les produits, que ce soit les aliments que nous mangeons, les véhicules que nous conduisons ou les immeubles où nous habitons, proviennent d'entreprises du secteur privé qui se livrent concurrence pour assurer la meilleure qualité possible et une variété de choix au consommateur.

En terminant, j'appuie fortement la proposition du Parti réformiste. Je voudrais bien qu'on tienne un débat national sur les soins de santé. J'insiste auprès des députés libéraux pour qu'ils réexaminent cette question et, au risque de me répéter, leur politique de l'autruche à l'égard de soins de santé financés et gérés à l'aide des fonds publics s'est révélée inefficace.

Le président suppléant (M. Kilger): Nous passons à la période réservée aux questions et aux observations. Je vous demande donc d'intervenir brièvement pour que je puisse donner la parole au plus grand nombre de députés possible.

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir interroger le savant député de St-Albert.

Où sont les longues listes d'attente dont le député a parlé. Qui sont ces milliers de Canadiens qui sont allés demander des services aux États-Unis? Je représente l'une des plus grandes circonscriptions au Canada et jamais je n'ai entendu une telle histoire. Au contraire, les gens se plaignent souvent du gouvernement provincial et de la façon dont il gère les services.

Il est intéressant d'entendre le député citer le Fraser Institute pour étayer certaines de ses affirmations. C'est vraiment la Pravda de la droite politique au Canada.

Même si je souscris à certaines observations du député sur les soins infirmiers à domicile, je souhaite qu'il prenne le temps de lire la Loi canadienne sur la santé. En vertu de cette loi, nos obligations se limitent vraiment aux services hospitaliers et médicaux. Pour discuter des soins à domicile, il faut aller au-delà de la loi. Par conséquent, le député parle vraiment hors contexte.

Toutes les provinces, y compris celle du député, l'Alberta, appuient les cinq principes. Il a été intéressant de l'entendre dire que la province et lui, en particulier, ne souscrivent pas aux cinq principes. Pourrait-il nous dire quelle partie des cinq principes lui, ou le Parti réformiste, est disposé à abandonner? Il doit sûrement parler au nom de son parti puisqu'il en est membre.

Je tiens aussi à lui faire remarquer, au sujet de la comparaison avec les États-Unis où la compétition et les forces du marché s'exercent, que 39 millions d'Américains n'ont pas la moindre protection et ne peuvent se permettre d'être malades. Trente-neuf millions d'autres citoyens de ce même pays où existe ce merveilleux climat de concurrence sont également sous-assurés.

La position que le député a prise ici aujourd'hui répond-elle vraiment à la question de savoir si les membres de son parti sont disposés à comprendre toutes les conséquences de ce qu'ils déplorent ici aujourd'hui? Avant que le député ne réponde à cette question, il y a d'autres exemples dont on devrait tenir compte.

(1650)

Les soins dentaires ne sont pas assurés au Canada. La plupart des gens ne vont pas chez le dentiste pour les traitements dont ils ont besoin parce qu'ils craignent ce qu'il pourrait leur en coûter.

M. Grubel: Comment le savez-vous?

M. McTeague: Je le sais parce que ma femme est dentiste. C'est un fait que je suis prêt à démontrer, car je dis la vérité, contrairement aux amis de mon collègue d'en face.

Je me préoccupe cependant de ce que dit le député. Je voudrais. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. J'espère que je ne réagis pas de manière excessive. Je sais que les députés prennent très au sérieux chacune des questions dont nous débattons. On s'accorde sans doute généralement à la Chambre pour dire que la question dont nous débattons aujourd'hui revêt une importance cruciale pour tous les Canadiens et pour tous les députés ici à la Chambre, notamment pour ceux qui participent au débat.


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Quant à la question de la vérité et de ceux qui la possèdent le mieux, elle n'est certainement pas l'apanage exclusif de qui que ce soit, et je laisserai donc la question ouverte. J'inviterais cependant les députés à se montrer très judicieux dans leur choix de mots. Le député d'Ontario aurait-il l'obligeance de terminer ses observations et de poser sa question au député?

M. McTeague: J'en tiendrai compte, monsieur le Président. Le député peut-il me dire ce qu'il veut réellement dire quand il parle de concurrence et toutes les conséquences que cela peut avoir pour les Canadiens, étant donné que nous avons un régime de soins de santé universel et acceptable qui fonctionne pour le bien de tous les Canadiens?

M. Williams: Monsieur le Président, je vais répondre à la dernière question du député sur ce que j'entends par concurrence.

J'ai donné, non pas l'exemple des États-Unis, mais celui du Royaume-Uni où tout est absolument gratuit pour le consommateur. Pourtant, des marchés internes sont apparus où les hôpitaux peuvent se concurrencer les uns les autres sur les prix, les services et la qualité. Ce sont les trois aspects fondamentaux du service qu'on retrouve en situation de concurrence. Si la concurrence est éliminée, nous avons sur les bras des problèmes de gaspillage, de mauvaise gestion, de médiocrité des services et de baisse de la qualité. Ces problèmes s'observent d'ailleurs dans nos services de santé aujourd'hui parce qu'il n'y a aucune concurrence.

Je n'ai pas parlé de la situation américaine sinon pour dire que je n'estimais pas qu'il s'agit d'un marché concurrentiel. J'ai pris le Royaume-Uni comme exemple parce que ce pays est le berceau des régimes de santé sociaux dans le monde occidental.

Le député a demandé, dans sa première question, à quel principe nous renoncerions, parmi les cinq. Nous renoncerions au financement intégral des services par l'État. Nous ferions toujours en sorte que les services de santé soient financés en grande partie par le contribuable, mais nous ne sommes pas prêts à donner la garantie absolue qu'il les financerait à 100 p. 100. Je crois que l'élimination de la concurrence par l'État est tout à fait préjudiciable à notre système.

M. John Harvard (Winnipeg St. James, Lib.): Monsieur le Président, je crois que le député de St-Albert ne comprend rien à la situation, surtout lorsqu'il préconise la concurrence entre les assureurs. Les études montrent hors de tout doute que le régime avec un seul assureur public, comme celui que nous avons au Canada, est le régime le plus efficace et le plus économique qui soit. La seule façon de contrôler les coûts est de n'avoir qu'un seul assureur public.

Hier soir, j'ai regardé une émission à Radio-Canada à laquelle participait un médecin américain du nom de Katz. Le député l'a peut-être regardé lui aussi. Ce médecin parlait du système américain qui se fonde sur la concurrence entre les assureurs et que préconise le député. Il affirmait que les médecins et les assureurs choisissent avec soin les gens avec qui ils font affaire. Ils ne veulent rien savoir de ceux qui n'ont pas d'argent. Pouvez-vous vous imaginer qu'on ait au Canada un système où les assureurs se feraient concurrence? Au député de St-Albert, je demande: Si vous souffrez de troubles cardiaques depuis longtemps, pensez-vous vraiment que, dans un système concurrentiel, quelqu'un voudrait vous assurer? Bien sûr que non.

Dans un système concurrentiel, les assureurs ne s'intéressent qu'aux jeunes et aux gens en santé. Vous parlez de privatiser le système. C'est ce que vous proposez.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Je rappelle aux députés qu'ils doivent s'adresser à la présidence.

M. Harvard: Monsieur le Président, j'aimerais faire une autre remarque. Si on privatise le régime, il n'y a aucun problème à rayer ses coûts des dépenses publiques. Nous pourrions transférer au secteur privé un ou deux milliards de dollars de dépenses, peut-être même davantage, au titre de l'assurance-santé. En raison d'une concurrence en pure perte, les coûts du secteur privé s'élèveront, non pas à un ou deux milliards de dollars, mais bien à trois ou quatre milliards de dollars.

(1655)

Le député ne se berce-t-il pas d'illusions? C'est là ma question.

M. Williams: Monsieur le Président, si le député de Winnipeg St. James ne comprend pas comment fonctionne la concurrence, je crois que c'est lui qui se berce alors d'illusions.

Je vais revenir sur ce qu'a dit la députée de Beaver River à propos des soins de santé et je vais reprendre l'argument du député de Winnipeg St. James, un député du parti ministériel. Pourquoi les députés ont-ils droit gratuitement au régime de soins de santé de la fonction publique, alors que tous les autres bénéficiaires du régime, y compris les fonctionnaires, doivent verser une prime mensuelle de 10,35 $ pour la protection familiale? Ce n'est là que le premier exemple de système à deux niveaux en train de s'implanter.

Par ailleurs, le député de la circonscription d'Ontario nous a dit que les frais dentaires ne sont pas couverts par l'assurance-santé. Pourquoi ne le seraient-ils pas? Pourquoi les gens qui désirent des régimes de soins de santé ne voudraient-ils pas avoir des régimes de soins dentaires? Parce que notre pays ne peut se le permettre. Il faut comprendre que certains abuseront du système, à moins qu'on n'impose des frais d'utilisation même modestes.

Je vais conclure en revenant sur le dernier point que le député a abordé. Le député de Winnipeg St. James croit que la façon la plus efficace d'administrer le programme, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait qu'un seul assureur, même s'il s'agit du gouvernement. Je pense malheureusement qu'il ne comprend pas un principe économique fondamental, celui selon lequel la concurrence permet d'obtenir les services de la meilleure qualité qui soit et au meilleur prix possible. Voilà ce que je voulais dire.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, il semble y avoir un peu de confusion dans l'esprit du député, soit dit sans vouloir l'offenser.


11905

Je me demande si le député ne prendrait pas le temps de déterminer rapidement les attentes des gouvernements fédéral et provinciaux par rapport au régime de soins de santé idéal qu'il vient de décrire. Nombre de ses attentes ne relèvent pas du gouvernement fédéral du point de vue constitutionnel.

Pour donner un bref exemple de cette confusion, la Loi canadienne sur la santé n'interdit pas le profit. Celle loi renferme certes un article où il est dit qu'un régime de soins de santé ne peut pas faire de profits et qu'il doit être géré comme un organisme sans but lucratif.

Mon collègue semble confondre les deux dans la Loi canadienne sur la santé à cet égard. J'ai l'impression que ce que le député veut vraiment, c'est un régime de soins de santé de style Pizza Pizza. C'est à ça que je pense quand j'écoute le député. Qu'est-ce que le député a à dire là-dessus?

M. Williams: Monsieur le Président, mes observations étaient des plus sérieuses et n'avaient rien à voir avec la pizza. J'essayais tout simplement de faire valoir que la concurrence avait pour effet de garantir la prestation du meilleur service et l'offre du meilleur produit au meilleur prix.

Comme je l'ai dit, au Royaume-Uni, le berceau du régime d'assurance-maladie public, et non aux États-Unis, les autorités ont créé ce qu'elles appellent des marchés internes au sein desquels les établissements de santé se font concurrence, ce qui entraîne une diminution des prix et une amélioration de la qualité du service, laquelle demeure élevée. Parallèlement, le contribuable en obtient plus pour son argent. Cela n'a rien à voir avec les États-Unis. Les soins de santé sont encore complètement gratuits pour les consommateurs.

Le fait est qu'il y a de nombreuses options. Le député m'a demandé de dire quel était le système idéal d'après moi. Comme le gouvernement fédéral réduit rapidement le financement des soins de santé, qui passera de 50 à 23 p. 100, il doit sûrement admettre que, en versant une si mince contribution, il forcera les provinces à agir comme elles l'entendent. Étant donné que la santé est de compétence provinciale, j'estime que les provinces devraient déterminer comment elles procéderont.

(1700)

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre la question qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir: l'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce-La Loi sur l'accès à l'information.

[Traduction]

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à vous faire savoir que je partagerai le temps dont je dispose avec le député de Winnipeg-Nord.

Je suis très heureuse de prendre part au débat d'aujourd'hui sur les soins de santé. Je dis cela parce qu'il y a très peu de sujets dont nous discutons à la Chambre des communes qui touchent autant de Canadiens que les soins de santé. C'est une question capitale pour la population de ma circonscription, comme pour tous les Canadiens. Ils apprécient la sécurité que notre système de soins de santé leur donne et ils croient sincèrement qu'il doit être maintenu.

Puisque beaucoup de questions se posent sur le type d'engagement que nous devrions prendre, certains députés préconisent des mesures qui, à mon sens, aboutiraient à un système à deux niveaux: un pour ceux qui ont de l'argent et l'autre pour ceux qui n'en ont pas. D'autres favorisent le morcellement du système de santé. Ils voudraient voir le gouvernement fédéral renoncer à tout rôle dans le domaine de la santé. De combien d'appui bénéficient ces deux points de vue? Très peu, d'après ce que j'entends des électeurs de ma circonscription. Ils sont en faveur du leadership que le gouvernement fédéral assume dans ce domaine.

Le leadership ne signifie pas une centralisation stricte. Je veux aujourd'hui mettre en lumière la souplesse de la collaboration fédérale dans les soins de santé, plus précisément, je veux parler de la Loi canadienne sur la santé. Cette loi n'est pas un carcan pour les provinces; pas plus maintenant qu'elle l'a été dans le passé ou qu'elle le sera dans l'avenir.

La Loi canadienne sur la santé est une loi très courte. Elle repose sur cinq principes qui traduisent des valeurs communes à tous les Canadiens et qui, à mon sens, sont très chères à leur yeux. Ces principes représentent les règles de base que la plupart des Canadiens s'attendent à voir les gouvernements provinciaux et territoriaux respecter dans le domaine de la santé. Je parlerai de chacun d'eux en expliquant pour quelles raisons ils n'ont rien perdu de leur valeur pour le gouvernement fédéral et pour chaque Canadien.

Le premier principe, c'est l'universalité. Cela veut tout simplement dire que le gouvernement apporte un soutien financier aux régimes d'assurance-maladie des provinces, lesquels couvrent tous les citoyens. Personne ne peut être exclu du régime parce que les soins dont il a besoin coûtent trop cher, parce qu'il est sans emploi ou parce qu'il est particulièrement exposé à la maladie.

Le deuxième principe, c'est l'accessibilité. Cela signifie qu'aucun obstacle d'ordre financier ne doit nous empêcher d'obtenir les services de santé dont nous avons besoin: pas de surfacturation, de frais d'utilisateur, ni de droits d'admission. Si une personne a besoin de soins médicaux, ces soins lui seront fournis en fonction de considérations d'ordre médical et non pas financier.

Le troisième principe est l'intégralité. On reconnaît que les Canadiens ont tout un éventail de besoins en matière de santé et qu'il faut y répondre. La Loi canadienne sur la santé exige que tous les services médicalement nécessaires soient couverts.

Le quatrième principe est la transférabilité. Cela veut dire que les Canadiens doivent être couverts lorsqu'ils voyagent.

Le cinquième principe réside dans la gestion publique. Il faut que nos régimes d'assurance-santé soient administrés par une autorité publique relevant de la compétence des gouvernements provinciaux et fonctionnant comme un organisme sans but lucratif.


11906

À diverses reprises depuis l'adoption de la loi, en 1984, des problèmes ont mis ces principes à l'épreuve. Entre 1984 et 1987, on a pénalisé plusieurs provinces qui avaient procédé à la surfacturation et imposé des frais modérateurs.

(1705)

Plus récemment, la Colombie-Britannique a eu recours à la surfacturation et nous avons agi en réduisant ses paiements de transfert. Nous voyons maintenant d'autres problèmes se poser à la suite, par exemple, la décision du gouvernement albertain de poursuivre son programme de privatisation des soins de santé à des fins de rentabilité.

En vertu de ces principes, on ne dicte pas aux provinces comment elles doivent administrer leur système ou ce qu'elles doivent couvrir. Depuis que le gouvernement fédéral participe au financement des soins de santé, en 1957, on laisse le soin aux provinces de décider ce qu'on entend par des services médicalement nécessaires. Après tout, ce sont elles qui administrent le système. Elles détiennent ce pouvoir en vertu de la Constitution. Elles collaborent avec les experts médicaux compétents et elles paient également une partie importante de la facture. Il ne revient pas au gouvernement fédéral de dire qu'on devrait couvrir ou non telle ou telle intervention.

Il vaut mieux laisser cette responsabilité aux provinces et aux médecins qui offrent les services et qui connaissent bien les situations dans lesquelles on les offre.

La Loi canadienne sur la santé donne également beaucoup de latitude aux provinces qui assurent les services de professionnels de la santé autres que des médecins, imposent des suppléments pour des chambres à deux lits ou un lit, exigent un consentement préalable pour des services de santé électifs offerts en dehors de la province et trouvent diverses méthodes de financement, à part l'imposition de frais aux points de service.

Rappelez-vous que la Loi canadienne sur la santé ne force pas une province à se plier à ces exigences. Les provinces peuvent accepter les sanctions pécuniaires et continuer de ne pas respecter la loi.

Ces faits montrent que les demandes de centralisation rigide ne sont tout simplement pas fondées. Il continuera d'en être ainsi alors que nous renouvelons le système de santé.

Le gouvernement fédéral et les provinces reconnaissent la nécessité de réformer le système de santé. Dans un effort pour tenter de le réformer, les autorités provinciales mettent différentes idées à exécution. Elles continueront de faire des expériences à cet égard, mais tant qu'elles respecteront les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé, il est peu probable qu'il y ait des différends.

Aucun des principes de la Loi canadienne sur la santé ne nous interdit d'envisager des solutions novatrices aux problèmes concernant les soins de santé. Ces principes ne font que définir les limites du système pour qu'il continue de répondre aux attentes des Canadiens. Tout n'est pas permis. Les Canadiens estiment que certaines limites sont nécessaires et utiles pour que notre système de santé demeure accessible et complet et continue d'être offert à tous les Canadiens.

Le gouvernement fédéral s'est également engagé à trouver de meilleurs moyens de réaliser nos objectifs en matière de santé. L'initiative la plus visible, à ce sujet, est le forum national sur la santé. C'est un engagement que nous avions pris dans le livre rouge et que nous avons respecté.

Ce forum a été créé pour nous aider à adapter notre système de santé aux nouvelles réalités sociales et économiques d'aujourd'hui. Il va donner naissance à une nouvelle vision de la santé au XXIe siècle. Ce forum regroupe vingt-quatre Canadiens, professionnels de la santé, bénévoles et consommateurs de soins de santé de tout le pays. Il est présidé par le premier ministre et coprésidé par la ministre de la Santé.

Les Canadiens comprennent ces questions, tout comme les membres du forum. Il s'agit d'engager un dialogue franc et ouvert avec chacun des citoyens, sans exception, au sujet des facteurs qui influeront sur le genre de soins de santé que nous recevrons demain.

Mentionnons entre autres les progrès techniques, les nouveaux remèdes, le vieillissement ainsi que les retombées de la recherche et des grandes innovations technologiques. Notre défi consiste à y faire face selon une approche globale et toute en souplesse.

Nous espérons déboucher sur un processus de consultation ouvert qui traduise l'importance que les Canadiens attachent aux questions touchant la santé et leur détermination à trouver des solutions concrètes. Le gouvernement croit que le Forum national sur la santé est l'occasion idéale pour envisager l'avenir de la santé de tous les Canadiens selon une approche globale et objective.

Le forum ne sera pas un retour à la case départ. Il s'inspire des principes de la Loi canadienne sur la santé, purement et simplement, parce que ce sont là les valeurs fondamentales que tous et chacun ont demandé au gouvernement, de respecter, de maintenir et d'appliquer.

(1710)

Je tiens à dire en terminant que, malgré les critiques excessives, la Loi canadienne sur la santé reste une mesure législative qui est tout à fait valable et qui jouit du solide appui de la population. C'est probablement le plus grand facteur d'union des Canadiens en ce moment. C'est la pierre angulaire d'un système qui vise l'accès effectif à des soins de santé de qualité. Certes, ce n'est pas une entité immuable et force nous est de trouver de nouveaux moyens de réaliser des objectifs de santé encore plus ambitieux dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Pendant que nous engageons ce processus, le gouvernement fédéral continuera d'être une importante source de financement pour assurer le fonctionnement du système. Il demeurera un indéfectible défenseur de la Loi canadienne sur la santé. Certes, il continuera de collaborer avec les médecins et les autres professionnels de la santé, mais nous protégerons le régime des soins de santé.

Le gouvernement fédéral a l'intention de jouer sur le plan national le rôle que les Canadiens lui ont demandé d'assumer et qu'ils espèrent que nous assumerons. La Loi canadienne sur la santé est un instrument important et souple dans l'exercice du rôle à venir en matière de soins de santé.


11907

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur la motion présentée par le chef du Parti réformiste.

Que cette Chambre reconnaisse que, depuis la création de notre régime national de soins de santé, la partie du financement fourni par le gouvernement fédéral est passée de 50 p. 100 à 23 p. 100 et, par conséquent, que la Chambre exhorte le gouvernement à consulter les provinces et d'autres intervenants, afin de préciser quels sont les services essentiels qui seront entièrement financés par les gouvernements du Canada et des provinces, et les services non essentiels pour lesquels les assurances privées et les bénéficiaires des services seront peut-être appelés à jouer un rôle complémentaire.
Je m'empresse de dire que, en présentant le nouveau programme de son parti en ce qui concerne les soins de santé au Canada, le chef du Parti réformiste vient de confirmer que son parti est contre l'assurance-maladie telle que nous la connaissons aujourd'hui avec ses cinq principes: l'universalité, l'accessibilité, l'intégralité, la transférabilité et l'administration publique sans but lucratif.

Tant de fois nous avons entendu les députés d'en face dire à la Chambre qu'ils appuient l'assurance-maladie. Cependant, dans cette motion, le Parti réformiste préconise un système de soins de santé à plusieurs volets, avec des normes différentes pour les riches et pour les pauvres.

La motion propose que les gouvernements se réunissent avec les autres intervenants pour déterminer les services essentiels et les services non essentiels. Elle propose aussi que seuls les services essentiels soient entièrement financés par les gouvernements et que les services non essentiels soient laissés aux patients qui, selon la vision du Parti réformiste, devraient payer de leur poche pour obtenir de l'assurance-maladie complémentaire.

Le président suppléant (M. Kilger): Je demanderais la collaboration des députés qui sont près du député de Winnipeg-Nord. Il semblerait qu'un autre microphone soit ouvert tout près, car nous avons parfois de la difficulté à entendre ce que dit l'orateur. Je compte sur votre collaboration à cet égard.

M. Pagtakhan: Cette façon de réduire les coûts envisagée par le Parti réformiste ne fonctionnera tout simplement pas.

Je voudrais attirer l'attention du député d'en face sur un ouvrage publié récemment et intitulé Public Finance in Canada. On y dit qu'un partage accru des coûts dans les régimes publics d'assurance-maladie lorsque les assurés peuvent se le permettre pourrait contribuer grandement à réduire les dépenses au titre des soins de santé. Cependant, on y dit aussi que, pour que de tels régimes soient efficaces, les gouvernements devront interdire l'établissement de régimes d'assurance-maladie complé-mentaire qui transformeront la part du patient en un paiement par une tierce partie.

En termes simples, le partage accru des coûts devra être obligatoire et s'appliquer à tous les régimes d'assurance, publics et privés, ce qui nécessitera une réglementation accrue de l'industrie de l'assurance-maladie par le gouvernement.

Avec son penchant pour une réduction de la participation gouvernementale, le Parti réformiste se trouve maintenant à réclamer le contraire, ce qui me laisse perplexe. Est-ce là un changement délibéré de politique ou une mauvaise compréhension de la dynamique du financement des soins de santé au Canada?

(1715)

Ce que le Parti réformiste propose, c'est un retour aux frais modérateurs. Selon un économiste canadien bien connu spécialisé dans les soins de santé, cette idée est une sorte de zombie qu'il ne faut pas ressusciter. Les frais modérateurs détournent autant les gens des soins nécessaires que des soins qui ne sont pas indispensables. Les réformistes montrent qu'ils n'ont rien lu à ce sujet.

Je suis fier d'être membre du Parti libéral du Canada, le parti qui, en 1919, a conçu l'idée d'un régime national d'assurance-maladie et qui, une fois au gouvernement, a fait de cette idée une réalité. C'est lui qui, en 1984, a renforcé la politique nationale en matière de santé en faisant adopter la Loi canadienne sur la santé. Cette loi est la pièce maîtresse de notre système de soins de santé comme nous le connaissons aujourd'hui, un système qui interdit le recours aux frais modérateurs et insiste sur l'égalité d'accès aux soins pour tous les Canadiens, indépendamment de leurs moyens financiers.

La proposition du Parti réformiste ne pose peut-être pas de problème aux gens qui ont des revenus de 100 000 dollars et plus mais elle est totalement inacceptable pour les habitants de Winnipeg-Nord et pour la vaste majorité des Canadiens. Cette proposition voudrait dire que nous nous retrouverions avec un système qui permettrait seulement à ceux qui ont de l'argent de survivre. Le gouvernement a horreur de cette sorte de Darwinisme social.

Le gouvernement ne veut pas faire de compromis du style de ceux que font les réformistes quand il y va de la santé des Canadiens. Le gouvernement, c'est vrai, a reconnu la nécessité de restreindre les coûts des soins de santé qui, en 1991, représentaient en gros 10 p. 100 du produit intérieur brut.

La différence entre l'approche du gouvernement et les politiques du parti d'en face réside dans le fait que le gouvernement n'est pas prêt à sacrifier les principes de l'assurance-maladie à des contraintes financières, mais qu'il cherche plutôt l'équilibre entre la responsabilité financière et la sauvegarde de notre régime d'assurance-maladie.

La solution n'est pas simple. Le gouvernement préfère une approche créative au lieu du scalpel qui couperait indistinctement dans l'assurance-maladie comme le propose le Parti réformiste.

Faire appel à des modalités différentes pour atteindre les résultats recherchés et remplacer les méthodes traditionnelles par des traitements tout aussi efficaces, mais moins dispendieux sont deux mesures qui font partie de l'approche stratégique visant une réforme valable de notre système de soins de santé.

Par exemple, un plus grand nombre de patients pourraient être traités en cliniques externes au lieu de demeurer à l'hôpital. On pourrait inciter les gens à voir leur médecin de famille avant de consulter un spécialiste. Lorsque possible, les médicaments pourraient remplacer la chirurgie. Dans certains domaines, ou pour certains traitements, d'autres professionnels de la santé pourraient remplacer les médecins. Il est évident que ces nouvelles approches nous obligeront peut-être à légiférer pour nous assurer que le remplacement de professionnels de la santé par d'autres ne compromette pas les normes.


11908

On pourrait aussi contrôler les dépenses sans compromettre la qualité des soins en éliminant tous les gaspillages onéreux de notre système. Tout comme certains actes médicaux entrés dans l'usage ne sont plus considérés comme des politiques de santé efficientes et efficaces, par exemple l'examen annuel et la radiographie thoracique automatique lors du suivi des cas de tuberculose, il y aurait lieu de réexaminer attentivement d'autres pratiques courantes de diagnostic et de soins. On pourrait faire plus souvent appel à la physiothérapie et moins à la chirurgie orthopédique.

Les médecins ne devraient pas éviter de se lancer dans le débat concernant le rapport entre l'offre en ressources humaines et les besoins de la collectivité en fonction du nombre d'habitants, ainsi que la question des modalités de financement afin que les fonds soient alloués selon les besoins des malades et non selon le niveau d'activité du prestateur.

Tous ces éléments et bien d'autres constituent une stratégie efficace en vue d'une réforme des soins de santé qui, à long terme, produira pour les Canadiens des dividendes plus importants que les solutions simplistes et le système à vitesses multiples que propose le Parti réformiste.

Ce gouvernement s'érige en défenseur indéfectible de l'assurance-maladie telle que nous la connaissons, ce qui ne veut pas dire qu'il se contente du statu quo. Cela veut dire que le gouvernement va continuer à explorer des options créatives et rentables permettant de préserver un système de soins de santé accessible à tous les Canadiens et basé sur les cinq principes de l'assurance-maladie.

C'est la raison pour laquelle le gouvernement a lancé le forum national sur la santé placé sous la présidence du premier ministre. C'est également pourquoi le fédéral est en train de négocier avec les provinces le programme de transfert social et de santé qui leur donnera plus de latitude dans la prestation des soins de santé, tout en préservant les cinq principes de l'assurance-maladie. Ce n'est qu'alors que nous pourrons garantir la survie et le renforcement des programmes sociaux, les joyaux de la couronne. Nous pourrons également garantir des soins de santé de qualité pour tous les Canadiens, qu'ils soient riches ou pauvres.

En conclusion, je fais appel au Parti réformiste pour qu'il retire sa motion qui est assurée d'une défaite dans cette Chambre aux mains des députés de la majorité, que la majorité des Canadiens ont envoyés ici pour être leur porte-parole et leurs protecteurs ainsi que pour défendre, préserver et renforcer l'assurance-maladie pour le plus grand bien de tous.

(1720)

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, j'étais impatient de souligner l'insistance avec laquelle le député de Winnipeg-Sud parlait de l'un des principes qui constituent pour lui les fondements du régime de soins de santé, soit l'accessibilité. Je me permets de citer encore une fois une lettre de la directrice des soins infirmiers à domicile du service de santé de Sturgeon, Mme Carol Simms: «L'accès aux lits de traitement actif est de plus en plus limité.»

Le député de Winnipeg-Sud peut-il me dire s'il trouve acceptable que le système actuel empêche des gens qui ont besoin de traitement actif à l'hôpital d'y avoir accès? Est-ce le genre d'accès qu'il souhaite garantir à la population canadienne?

M. Pagtakhan: Monsieur le Président, ce n'est évidemment pas le genre d'accès que je souhaite. Nous reconnaissons l'existence de ce problème et la nécessité d'y trouver une solution. Toutefois, la solution que proposent les réformistes n'est pas la bonne. C'est ce qui différencie le Parti réformiste du Parti libéral.

Nous devons examiner les vraies solutions et non pas proposer une solution qui engendrera un nouveau problème et finira par rendre l'accès aux soins de santé encore plus difficile.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, j'ai trouvé le dernier échange intéressant. Le député de St-Albert a parlé de son intérêt pour les soins infirmiers à domicile dans sa circonscription.

J'ai lu l'autre jour un article intéressant qui disait que la pratique médicale évolue vers un accroissement des services à domicile et que les bénéficiaires sont mieux soignés chez eux et montrent dans une certaine mesure un meilleur taux de guérison. Ce dont parle mon collègue n'est peut-être pas autant un problème qu'un élément de solution à certains problèmes que connaît le secteur des soins de santé.

M. Pagtakhan: Monsieur le Président, je remercie le député de ses observation et de sa question. Avant mon arrivée au Parlement en 1988, j'ai présenté un document à un congrès international sur la fibrose kystique qui se tenait en Australie. Le document portait sur les soins à domicile, sous forme d'injections intraveineuses d'antibiotiques, aux personnes atteintes de fibrose kystique. Ce genre de traitement est possible. Il a permis de réduire par six le coût des services de soins de santé, mais il a surtout permis d'améliorer la qualité des soins à ces malades.

Je félicite le député qui a su reconnaître l'importance des soins à domicile. Nous devons fournir les ressources nécessaires aux soins de santé et non pas adopter une approche erronée comme celle que proposent les réformistes.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, avant de venir à Ottawa, j'étais économiste, et je me suis intéressé aux aspects économiques des soins de santé. En 1992, j'ai publié deux articles sur la question dans la revue Medical Post.

Je voudrais aujourd'hui vous faire part des idées les plus importantes que j'ai retirées de ces études au sujet du problème des soins de santé et proposer certaines orientations qui s'en inspirent. Ce sont mes idées personnelles et pas forcément celles du Parti réformiste.

Je crois que le régime de santé public au Canada comporte une lacune fondamentale et c'est l'absence d'une franchise ou d'une coassurance. Ce problème pourra être surmonté assez aisément


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une fois qu'on aura mis de côté la rhétorique politique et idéologique.

Bien sûr, le régime éprouve aussi d'autres problèmes. Il n'y a pas de solutions toutes faites. Certains des problèmes soulèvent des questions fondamentales concernant la technologie, les incitatifs, les valeurs, la déontologie et la morale. Je ne parlerai pas de cela aujourd'hui.

(1725)

Je voudrais rappeler à tout le monde que la Loi canadienne sur la santé a créé un régime d'assurance énorme. Tous les Canadiens paient des primes par l'intermédiaire de leurs impôts. Les prestations sont fournies à tout le monde sans qu'il soit nécessaire de payer une franchise ou une co-assurance. Comme tout le monde le sait, notre régime nous a donné un monde merveilleux dans lequel tous les contribuables canadiens ont le droit de recevoir des soins médicaux ou autres services spécialisés ou d'être hospitalisés sans débourser un sou. Félicitations Canada.

À mon avis, une des raisons les plus importantes des problèmes financiers que notre régime connaît maintenant est l'absence de franchises ou de co-assurance. J'en suis venu à cette conclusion parce que l'absence de limites sur la demande, qui vient de la gratuité des services, a conduit à une forte augmentation de la demande. Ce n'est pas une opinion qui est universellement acceptée et c'est pourquoi je voudrais illustrer sa validité en me reportant à deux expériences historiques sur des régimes d'assurance publics qui ont échoué, en raison de l'absence de franchises et de co-assurance.

La première est celle du monopole gouvernemental pour l'assurance automobile créé par le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique, en 1972. Le régime, lancé à grands renforts de publicité, n'avait pas de franchise sur les réparations sous prétexte que même les petites égratignures ou les petites bosselures peuvent conduire à des problèmes plus graves. Par conséquent, on disait qu'il était sain d'encourager les réparations de ces dommages sans bourse délier, car on craignait que des propriétaires à courte vue ne fassent pas faire le travail si l'on imposait une franchise de 50 ou de 100 $. Le reste est connu de tout le monde. Cette politique a été annulée par le même gouvernement néo-démocrate bienveillant et prévoyant, car elle était tout simplement trop coûteuse.

La deuxième expérience concernait le gouvernement britannique qui, au début de la mise en oeuvre du régime de santé publique, avait soutenu que personne en Grande-Bretagne ne devrait souffrir faute d'argent pour payer des médicaments. J'ai entendu les mêmes arguments à la Chambre au sujet de l'accès aux soins de santé. Je me demande pourquoi les députés du Parti libéral n'ont pas parlé des médicaments dans leurs beaux discours. Après tout, certaines personnes souffrent parce qu'elles n'obtiennent pas automatiquement tous les médicaments qu'elles désirent. Elles doivent peut-être les payer.

La distribution de médicaments gratuits à tous n'a pas fait long feu. Les coûts étaient devenus beaucoup plus élevés que ne l'avait prévu une étude de la demande, étude qui avait été menée lorsque les gens payaient leurs médicaments. D'autres études ont montré que, si les médicaments sont gratuits, il est plus facile de retourner à la pharmacie pour s'en procurer que d'en chercher dans l'armoire. Les gens se retrouvaient donc avec d'énormes stocks de médicaments qu'ils jetaient finalement dans la cuvette des cabinets, ce qui coûtait extrêmement cher à la société.

Ces deux exemples sont instructifs pour le régime de santé canadien. La politique voulant que le régime de santé canadien soit exempt de franchises et de coassurances a été établie avec les motifs les plus nobles, comme c'était le cas pour l'assurance-automobile en Colombie-Britannique et la gratuité des médicaments en Grande-Bretagne.

Nous devons répondre aux besoins des plus démunis de la société et prévenir les graves problèmes qui risquent de surgir si on néglige les moins importants. On a mis fin à ces deux expériences en raison de la loi universelle de la demande. Le prix était trop faible et la demande est devenue trop forte. À mon avis, c'est exactement la même situation qui se produit au Canada après 20 ans d'existence du régime de santé, et c'est une des principales raisons pour lesquelles ce régime connaît des difficultés financières aussi graves.

Il existe une solution assez directe: l'adoption de frais modérateurs. Cependant, au Canada, on oppose une vive résistance à cette mesure.

(1730)

Nous avons entendu les arguments traditionnels, il y a quelques minutes. On se préoccupe de l'accessibilité des services pour ceux qui n'ont pas les moyens de se les payer et ceux qui, même s'ils en ont les moyens, sont assez stupides pour laisser les maladies suivre leur cours. Cela peut coûter beaucoup plus cher que s'ils s'en étaient occupé dès l'apparition des symptômes.

Certains avancent même l'argument plus audacieux que l'inconvénient d'avoir à aller chez le médecin et les risques associés à tout traitement médical agissent comme une franchise et une coassurance suffisantes. D'autres disent que l'effet dissuasif de telles dispositions est négligeable et pas très rentable. C'est la position adoptée par mon collègue de l'université de la Colombie-Britannique, M. Bob Evans, professeur en économie sanitaire, l'un des économistes les plus réputés et les plus respectés du Canada. Je ne suis pas d'accord avec lui.

Les arguments avancés contre l'usage de franchises et d'une coassurance se fondent sur une évaluation empirique de la façon dont elles seraient appliquées. Je veux maintenant décrire brièvement et proposer un modèle d'application d'un système de coassurance et de franchises. J'ai publié un article à ce sujet dans le Medical Post. Je peux le résumer rapidement de la façon suivante.

Après toute visite chez le médecin ou traitement médical, les Canadiens reçoivent un avis de coût du gouvernement, une carte les avisant que leur visite de telle date a coûté 30 $ à la société. À la fin de l'année financière, ils ajoutent à leurs revenus la valeur des services médicaux qu'ils ont utilisés, sur leur déclaration de revenus.


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Un tel système assurerait l'accessibilité des services aux pauvres. L'universalité serait préservée. Au bout du compte, il n'en coûterait rien aux démunis. Une des caractéristiques de notre régime les plus précieuses et fondamentales seraient préservée, et elle vaut la peine de l'être. Évidemment, les mieux nantis qui doivent payer de l'impôt assumeraient donc une partie du coût imposé à la société.

Je m'arrête maintenant sur un argument qu'on soulève toujours, dès que je traite publiquement de cette question. Bien sûr, il faudrait plafonner le montant que chacun ajouterait comme revenu à déclarer aux fins d'impôt. Sans m'engager, je dirais que personne n'aurait à verser plus de 5 ou 10 p. 100 de son revenu.

Une des plus importantes caractéristiques que tout régime de soins de santé doit présenter est la protection contre les répercussions catastrophiques de graves maladies. Cette protection serait préservée dans la proposition que je viens de faire.

Une de mes principales objections, c'est que ces incitatifs à verser un montant, ou, en un sens, une franchise et une coassurance, ne fonctionneraient pas. J'ai reçu dernièrement des renseignements sur des expériences menées ailleurs dans le monde. Je voudrais faire part de mes observations aux députés.

Voici ce que j'ai constaté. La plupart des économistes de la santé conviennent que la principale cause de la hausse des coûts de la santé, c'est que l'argent que nous consacrons aux soins de santé vient habituellement de la poche d'autrui. Il y a plus de dix ans, la société Rand a découvert que, lorsque les gens doivent payer eux-mêmes des soins de santé, ils dépensent 30 p. 100 de moins, sans que leur santé en souffre.

Il paraît qu'aux États-Unis, certains employeurs appliquent ce principe à titre expérimental. J'espère ne décourager personne en disant que l'expérience a été réalisée aux États-Unis.

Qu'on me permette de décrire le contexte. Les entreprises que je vais nommer ont prévu pour leurs employés des régimes d'assurance-maladie qui sont supérieurs à ceux dont bénéficient tous les Canadiens. Ils jouissent d'une assurance-maladie au premier risque et d'une assurance contre les catastrophes. Ils ont un emploi, et on s'occupe très bien d'eux.

(1735)

Voici l'expérience: le magazine Forbes paie à chaque employé, jusqu'à un maximum de 1 000 $ par année, 2 $ pour chaque dollar de réclamation au titre de frais médicaux qu'ils n'encourent pas. Chaque fois qu'ils prennent en considération ce qu'il en coûte de consulter le médecin et décident de ne pas y recourir pendant l'année, ils peuvent gagner jusqu'à 1 000 $ de revenu additionnel. Résultat, les dépenses de santé de Forbes ont diminué de 17 p. 100 en 1992 et de 12 p. 100 en 1993.

Autre exemple: la Dominion Resources, un holding d'entreprises de services publics, dépose dans un compte de banque 1 620 $ par année pour 80 p. 100 de ses employés qui choisissent une franchise de 3 000 $ au lieu d'une franchise de montant inférieur. Résultat, la société n'a connu aucune hausse de prime depuis 1989, alors que les employeurs font face à des hausses annuelles de 13 p. 100.

Autre exemple encore: la compagnie d'assurance Golden Rule dépose 2 000 $ par année dans un compte d'épargne à usage médical pour ses employés qui choisissent une franchise familiale de 3 000 $. Résultat, en 1993, la première année d'application du régime, les dépenses de santé ont été inférieures de 40 p. 100 à ce qu'elles auraient été autrement.

Prenons le syndicat des United Mine Workers, qui se préoccupe beaucoup du bien-être de ses membres. L'année dernière, ces derniers avaient un régime d'assurance-maladie doté d'une couverture au premier dollar pour la plupart des services médicaux. Cette année, ils ont accepté un régime doté d'une franchise de 1 000 $. En contrepartie, chaque employé reçoit une prime de 1 000 $ au début de l'année et peut conserver le montant qu'il n'a pas dépensé. Résultat, les mineurs continuent de jouir d'une couverture au premier dollar plus l'assurance contre les catastrophes et le reste, mais la première tranche de 1 000 $ qu'ils dépenseront viendra de leur poche plutôt que de l'employeur.

Ces régimes sont populaires auprès des employés parce que, premièrement, ceux-ci peuvent faire des économies qui sont à la mesure de leurs propres efforts. Deuxièmement, ils ne sont pas portés à éviter de recourir aux services médicaux comme cela se produit dans le cas de la franchise classique. Enfin, les employés peuvent habituellement se servir des économies réalisées pour s'offrir des services non assurés par les régimes classiques, et ils ne sont pas normalement limités à certains médecins comme c'est le cas dans les régimes gérés par l'employeur.

Nous avons là de solides preuves que la formule de participation aux frais avec franchise marche bien, à la satisfaction des intéressés.

Permettez-moi d'expliquer à ma manière les grands avantages de cette approche. Ces expériences ont permis à des employés de constater clairement par eux-mêmes que, dans une foule de circonstances, ils seraient allés chez le médecin si cela ne leur avait rien coûté. Mis en face du coût réel d'une visite chez le médecin, ils ont préféré garder leur argent.

Il importe de savoir que, dans le cadre de ces formules d'économie que je viens de décrire, chacun conserve une protection pleine et entière en cas de maladie grave. Les employés font leurs choix avec leur propre argent. Nous avons simplement éliminé la distorsion qu'entraîne l'absence de franchise. Le système amène les participants à croire que la visite chez le médecin ne leur coûte rien, ni à eux ni à la société, alors qu'elle n'est pas gratuite.

Comme nous pouvons le constater, les participants préfèrent cette formule pourvu qu'on leur donne le choix, la liberté de choisir. De plus, elle permet des économies. C'est là une occasion que le Canada devrait saisir. Des modifications s'imposent, bien entendu, car nous tenons à préserver l'universalité, l'accessibilité et tous les autres aspects dont nous venons de discuter.


11911

(1740)

Permettez-moi de conclure en disant que ces expériences bien documentées montrent clairement l'efficacité que nous pourrions obtenir en adoptant les formules de la franchise et de la participation aux frais dans le régime canadien, grâce au système fiscal que j'ai esquissé. Il pourrait d'ailleurs être modifié et comporter des incitations encore plus grandes si tous les contribuables avaient droit à une exemption d'impôt de 1 000 $ dont serait déduit le coût des services médicaux. Peu après la mise sur pied d'un tel système, les gens s'en rendraient compte et prêteraient attention à ces choses-là.

Mais ce ne sont là que des détails. Je voudrais profiter du débat d'aujourd'hui sur la réforme possible du régime de soins de santé pour proposer le prélèvement d'une franchise ou la participation aux frais dans le cas des services médicaux courants, le tout administré par le régime fiscal, dans le cadre d'un système qui continuerait de garantir l'accessibilité à tous et la protection contre des frais médicaux exorbitants.

Je le répète, il est possible que le système-que j'ai proposé dans un article publié dans le Medical Post et que préconise aussi le Fraser Institute pour favoriser la concurrence et contribuer à réduire les frais que doit assumer le gouvernement, ce système qui a également été approuvé par d'autres médecins qui m'ont écrit après la parution de mon article-permette au Canada de préserver les grandes qualités du système déjà en place, incite les gens à être plus efficaces et empêche la disparition du système qui pourrait s'effondrer à cause des dépenses excessives qu'il entraîne.

Le président suppléant (M. Kilger): Questions ou observations. Je veux simplement rappeler à la Chambre qu'à 17 h 46, je suspendrai le débat pour passer aux initiatives parlementaires.

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, comme le temps est limité, je vais poser deux questions très directes au député.

Le système qu'il propose est un système de primes en fonction des services demandés. À mon avis, cela entre en contradiction avec la politique officielle de soins de santé préventifs chère aux Canadiens. Ainsi, quelqu'un qui a mal à la tête et qui ne consulte pas un médecin ou des services de santé peut finir pas développer un anévrisme qui sera évidemment beaucoup plus coûteux à soigner pour le régime de soins de santé. C'est simplement une observation, mais elle a un rapport avec ma question précédente.

Le député a abordé une autre question encore plus importante, celle des franchises. Je me demande si le député a discuté de cela avec ses collègues, dont son chef qui, durant la campagne de 1993, a dit vouloir établir bien clairement que le Parti réformiste ne préconisait pas de soins de santé privés, de franchises ou de frais modérateurs. Je crois que le député devrait vérifier ces faits et peut-être consulter son chef. Pourrait-il répondre à cela?

M. Grubel: Monsieur le Président, je remercie le député de cette observation ridicule.

Il s'agit d'une solution qui a du potentiel, indépendamment de ce que mon chef a dit il y a un an. Je présente cela à titre d'opinion personnelle. Chaque fois que je participe à une émission de radio ou que j'expose cette idée publiquement, on me demande pourquoi nous ne la mettons pas en application. Nous ne le faisons pas à cause d'observations ridicules comme celle que je viens d'entendre.

M. McTeague: C'est votre chef qui a dit cela.

M. Grubel: Mon chef n'avait pas eu l'occasion d'entendre ce que j'avais à dire lorsqu'il a fait cette déclaration. Il faut du temps pour diffuser des idées.

Je crois qu'il serait dans l'intérêt des Canadiens que les députés d'en face fassent preuve d'un peu d'ouverture d'esprit. Ils prendraient peut-être connaissance d'idées qui ne leur sont peut-être jamais venues à l'esprit et qui auraient les effets escomptés tout en préservant le régime.

Permettez-moi de lire quelque chose. Certains détracteurs disent que les comptes concernant les services médicaux aux États-Unis inciteront les gens à éviter les soins de santé préventifs. Pourtant, l'expérience prouve le contraire.

Je me demande si le député aurait l'obligeance d'écouter.

Grâce à ces comptes, des fonds sont immédiatement disponibles lorsque des besoins médicaux existent. Cela permet aux gens d'acheter des services dont ils se priveraient peut-être s'il y avait une franchise traditionnelle nécessitant un déboursé immédiat. Par conséquent, les raisons que le député invoque pour dénigrer ce plan ne sont tout simplement pas fondées. Nous préserverions ce que nous avons actuellement. Il ne s'agit pas d'un régime assorti d'une franchise traditionnelle.

Par ailleurs, il est évident que je suis disposé à continuer d'appuyer un régime qui ne prévoirait pas de coassurance ou de franchise si nous pouvions trouver des façons de le financer.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est maintenant 17 h 46, j'ai le devoir d'informer la Chambre que, conformément à l'article 81 du Règlement, le débat sur la motion est terminé.

J'ai une déclaration à faire au sujet de l'heure réservée aux initiatives parlementaires demain, le vendredi 28 avril 1995. J'ai reçu un avis écrit du député de Winnipeg Transcona dans lequel ce dernier nous informe qu'il ne pourra pas présenter sa motion pendant la période réservée aux initiatives parlementaires demain.

[Français]

Comme il n'a pas été possible de procéder à un échange de position sur la liste de priorité, conformément à l'alinéa 94(2)a) du Règlement, je demande au greffier de porter cette affaire au bas de la liste de priorité.

Conformément à l'article 94 du Règlement, l'heure réservée aux affaires émanant des députés prévue pour demain sera donc suspendue et la Chambre poursuivra l'étude des affaires dont elle sera alors saisie.

11912

[Traduction]

La Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

_____________________________________________


11912

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LOI SUR LE MAINTIEN DE LA PAIX

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.) propose: Que le projet de loi C-295, Loi visant à pourvoir au contrôle par le Parlement des activités de maintien de la paix du Canada et modifiant la Loi sur la défense nationale en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, je suis très heureux aujourd'hui d'avoir l'occasion de prendre la parole sur le projet de loi C-295, que j'appellerai le projet de loi sur le maintien de la paix. Ce projet de loi offre une chance en or aux députés de réfléchir sur les efforts de maintien de la paix du Canada. Je me réjouis particulièrement du fait que le leader parlementaire du gouvernement ait dit, le 6 avril, qu'il avait l'intention de traiter tous les projets de loi d'initiative parlementaire comme des questions faisant l'objet d'un vote libre. Autrement dit, les députés pourront prendre position uniquement en fonction des mérites de ce projet de loi.

C'est une bonne bouffée d'air frais à la Chambre. J'espère sincèrement que les députés qui donneront leur avis sur le projet de loi aujourd'hui et qui voteront plus tard auront pris le temps de l'étudier à fond. La tenue de votes libres représente certes un peu plus de travail pour les députés, mais c'est un exercice démocratique qui contribuera à renforcer l'intégrité de la Chambre.

Le projet de loi C-295 est une bonne idée et mérite d'être appuyé par tous les partis parce qu'il ne supprimerait pas et même ne réduirait pas le rôle du Canada en matière de maintien de la paix dans le monde. Il ne ferait que confirmer et institutionnaliser le rôle du maintien de la paix dans la politique extérieure du Canada tout en raffermissant la place de notre pays dans le peloton de tête des Nations Unies.

Il ne réduirait pas non plus le pouvoir du gouvernement de prendre des décisions sur le déploiement des troupes canadiennes. Le projet de loi porte strictement sur le maintien de la paix et laisse au Cabinet le pouvoir d'agir sur une base temporaire. Cependant, il remet la responsabilité de nos engagements à long terme entre les mains du peuple canadien par l'intermédiaire de ses députés à la Chambre des communes.

Actuellement, aucune loi ne régit l'effort de maintien de la paix du Canada. Légalement, le maintien de la paix est encore perçu comme un à-côté, une fonction informelle que le Canada remplit en y réfléchissant pour ainsi dire uniquement après s'y être engagé. Cependant, le maintien de la paix est devenu l'une des manifestations les plus visibles des forces canadiennes. Il est certain que la réputation internationale du Canada s'appuie en grande partie, et de plus en plus, sur ses forces de maintien de la paix.

Cependant, la seule loi qui reconnaît cette réalité c'est la Loi sur la défense nationale, qui permet au Cabinet de faire prendre du service actif aux soldats canadiens et de les payer comme s'ils participaient à une guerre. Ce n'est qu'une exigence administrative à laquelle échappent toutes les questions modernes qui se posent au sujet du maintien de la paix.

(1750)

Je cite un passage du rapport de l'examen de la politique de la défense qui a été déposé l'automne dernier:

Les Canadiens n'accepteraient pas, et c'est tout à fait normal, que l'élaboration de la politique se fasse à huis clos et qu'on les mette devant le fait accompli. En outre, le gouvernement ne doit pas non plus envoyer les militaires à l'étranger sans tenir auparavant à ce sujet un débat public et sans que les Canadiens aient pleinement signifié leur accord. Nous voulons que, sauf en des circonstances exceptionnelles, tout déploiement soit précédé d'un débat au Parlement.
J'appuie sans aucune réserve cette recommandation qui a été formulée par un comité composé de membres de tous les partis à la Chambre des communes. Je présume que cela deviendra une politique du Parlement et je note que, le 29 mars dernier, le gouvernement a réservé trois heures pour tenir un débat sur le renouvellement de l'engagement du Canada dans l'ancienne Yougoslavie. Par là, le gouvernement a reconnu que le Parlement a effectivement un rôle à jouer lorsque vient le temps de prendre des décisions aussi importantes.

Malheureusement, on peut douter de l'efficacité de ce rôle puisque la question n'a pas été mise aux voix le 29 mars. Même si 20 députés ont pu prendre la parole à cette occasion, l'apport de l'ensemble des députés n'a pas été aussi efficace qu'il aurait pu l'être, car il ne s'agissait que d'un débat informatif pour le gouvernement. La motion présentée ne pouvait pas faire l'objet d'un vote. Nous n'avons aucune idée du genre de consensus qu'il y a au sein de la population canadienne. Le débat n'a pas été mené à son terme logique. Certaines personnes ont avancé que la décision avait été prise avant même que le débat ait commencé.

N'aurait-ce pas été mieux si, à la fin de ce débat durant lequel nous avons discuté du pour et du contre de cette mission de maintien la paix dans la plus publique des assemblées, nous avions pu voter? Les Canadiens méritent de connaître notre position sur cet important sujet. L'époque où la Chambre ne faisait qu'approuver les décisions déjà prises par les bureaucrates est maintenant révolue. Les Canadiens veulent être certains que ce sont leurs députés qui prennent les décisions à Ottawa.

En ne permettant pas aux députés de voter à la suite d'un débat sur une question aussi importante, on se retrouve avec une politique qui ne semble pas avoir de sens. La Bosnie est un bon exemple. En Bosnie, l'ONU a 44 300 casques bleus venant de 38 pays. C'est la plus importante mission que l'ONU ait jamais menée. Après trois ans, cette mission, qui coûte cher et qui met nos soldats canadiens en péril, se poursuit même si aucune des parties ne semble apprécier le travail des gardiens de la paix canadiens.

En juillet dernier, j'ai assisté aux funérailles du caporal Mark Isfeld, un soldat canadien tué par une mine dans l'exercice de ses fonctions de maintien de la paix dans l'ancienne Yougoslavie. Sa famille, ses amis et tous les Canadiens savaient que les participants aux missions de maintien de la paix risquent souvent leur vie. Mark est l'une des neuf personnes qui ont fait le


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sacrifice ultime pour servir leur pays dans cette région déchirée par la guerre.

Nos gardiens de la paix sont honorés de représenter le Canada dans des missions à l'étranger, et je suis honoré d'être représenté par eux. Cependant, il est essentiel de souligner que la mission en Bosnie ne pourra pas se terminer dans un avenir prévisible et que ses chances de succès semblent diminuer de plus en plus.

Je veux maintenant parler d'une situation différente. Il y a quelques semaines, un Canadien, l'ancien major-général Lewis MacKenzie, a fait enquête sur la plus longue mission de maintien de la paix du Canada. Nous sommes à Chypre depuis 30 ans, soit depuis 1965. La mandat initial de l'ONU était de trois mois seulement. Trois décennies plus tard, l'ONU pense enfin à se retirer, mais seulement parce que les autres pays commencent à se révolter. Évidemment, le Canada persévère.

Ces deux situations défient la raison. Ces missions consomment une part importante de nos ressources et ternissent la réputation des Nations Unies. Parallèlement à cela, nous voyons un pays comme le Rwanda, où il y a eu une tentative de génocide l'an dernier, ou encore le Burundi, où les querelles ethniques menacent de dégénérer encore une fois en massacre et peut-être même en une autre tentative de génocide. Pourtant, l'ONU et le Canada ont les mains liées en partie parce qu'une proportion importante de leurs ressources sont engagées dans beaucoup d'autres régions du monde.

Les différences évidentes entre ces missions montrent que le Canada n'aborde pas son rôle de maintien de la paix de façon rationnelle. Il nous manque un processus qui nous permettrait d'examiner ensemble le nombre croissant de demandes que nous recevons pour participer à des missions de maintien de la paix. Il nous faut un moyen d'établir l'ordre des priorités qui nous permette de décider de façon judicieuse des opérations auxquelles nous allons participer, de notre mandat une fois là-bas, du montant des fonds que nous allons consacrer et, ce qui est le plus important, du moment de notre retrait.

Le major-général MacKenzie a fait un excellente suggestion. Il a dit:

Peut-être que ce qu'il faut, c'est une date limite. Et si les Nations Unies disaient: on vous donne tant de temps, disons trois ans, pour régler votre problème. Après cela, nous nous retirons?
(1755)

Selon ce célèbre soldat de la paix, le Canada a besoin d'un nouveau mécanisme pour les décisions concernant les opérations de maintien de la paix. Cela nous aurait certainement été utile dans le cas de Chypre. Nous avons besoin de lignes directrices et de mécanismes qui permettent aux Canadiens, que ce soit les contribuables, les hommes et les femmes des Forces armées ou les députés, de savoir exactement à quoi le Canada s'engage quand il envoie des forces à l'étranger.

Le projet de loi sur le maintien de la paix nous assure le mécanisme dont nous avons besoin. J'en décrirai les éléments essentiels. C'est un projet de loi très simple, qui mérite l'appui de tous les députés.

En gros, il dit que, quand les Nations Unies demandent au Canada de participer à un effort multinational, le gouvernement devrait préparer une résolution et la proposer, par motion, à la Chambre.

Les éléments de cette résolution sont très simples: estimation du coût, lieu, durée et rôle de la mission. C'est tout. La Chambre aurait moins de cinq heures pour l'examiner. La résolution serait ensuite adoptée et la mission serait opérationnelle.

Si le gouvernement devait agir immédiatement, il pourrait le faire en se joignant à la mission sans en débattre et envoyer le contingent de soldats et le matériel nécessaires. Une mission de maintien de la paix est soigneusement définie dans ce projet de loi comme l'intervention simultanée de plus de 100 soldats envoyés pendant plus d'un mois à l'étranger sous mandat de l'ONU.

Cela signifie que l'envoi de soldats dans le cadre d'un mandat des Nations Unies ne devrait pas être sanctionné par une mesure législative. Le Cabinet doit avoir ce pouvoir. Cela signifie que moins de 100 militaires canadiens, affectés pour moins d'un an, ne constitueraient pas une mission, ce qui veut dire qu'ils pourraient être envoyés par le Cabinet.

L'envoi d'un millier de soldats, pour une mission de moins d'un mois, pour une intervention très rapide, n'exigerait pas une approbation du Parlement.

En cas d'engagements importants, pour de longues périodes, alors le projet de loi C-295 entrerait en oeuvre. Une fois que le Parlement a approuvé une mission de maintien de la paix, le plan de mission devient le mandat. Si le mandat expire, la mission cesse automatiquement et les troupes sont retirées. Si une situation exige que la mission soit prolongée, le processus de prolongation est également prévu par le projet de loi. Le gouvernement se contenterait de présenter à la Chambre des amendements au plan de mission, et celle-ci adopterait une nouvelle résolution.

Ce processus, à bien des égards, est conforme à une lettre que j'ai reçue en mai dernier du ministre de la Défense nationale et qui donnait les détails des critères d'engagement du Canada en matière de maintien de la paix. Il disait que nous devons avoir un mandat réalisable. Les principaux antagonistes doivent accepter la participation des Nations Unies. Est-ce que la chaîne de commandement est claire? Est-ce que la mission est adéquatement financée? Quel est le risque pour les soldats du maintien de la paix et quelles sont les règles d'engagement?

Les lois ne sont qu'une codification de ce qui est nécessaire et raisonnable. Les choses que le ministre a mentionnées sont à la fois raisonnables et nécessaires. Maintenant, il est temps de codifier ces exigences dans une loi qui permette au Parlement d'avoir une participation importante et efficace.

Je peux penser à des avantages importants de cette idée. Le premier est la participation. Grâce au processus politique, ce sont les Canadiens eux-mêmes qui décideraient des priorités du Canada, qui décideraient de l'endroit où le Canada devrait agir dans le monde. Il y aurait un avantage particulier pour le gouvernement, en ce sens qu'il pourrait présenter au Parlement un plan de maintien de


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la paix, qui lui permettrait de mesurer le soutien à la motion avant de s'engager sur la scène internationale.

De plus, le débat permettrait à tous les partis politiques de s'exprimer officiellement, par un vote, sur une proposition. Ayant accepté une mission, un parti serait beaucoup moins enclin à critiquer plus tard un plan qu'il a aidé à finaliser.

Le deuxième avantage, c'est la préparation et la coordination. Le gouvernement, ainsi que nos partenaires internationaux sauraient exactement, à l'avance, ce que le Canada est prêt à faire dans chaque situation et les autres nations pourraient se préparer en conséquence. Le personnel de la Défense nationale pourrait mieux se préparer à une mission s'il en connaissait les paramètres à l'avance.

Le troisième avantage est budgétaire. En imposant un plafond au coût de toutes nos missions, nous saurions exactement ce que le pays devrait allouer pour le maintien de la paix; en ces temps d'austérité financière, il est vital de pouvoir déterminer à l'avance quels seront nos coûts.

Si le gouvernement était obligé de redemander de l'argent à la Chambre, les obstacles politiques auxquels il se heurterait dans certains cas l'obligeraient à faire plus attention à l'argent qu'il dépense et aux sommes engagées.

Les gouvernements doivent rendre compte de l'argent qu'ils dépensent. Le gouvernement actuel doit reconnaître que le budget du maintien de la paix est semblable aux plans de dépenses des ministères qui doivent être présentés à la Chambre. Il faut absolument que nous nous en tenions au budget alloué par le Parlement.

(1800)

D'aucuns prétendront que la situation politique change tellement rapidement que le Canada ne peut prendre des engagements fermes très longtemps à l'avance. À cela, je répondrais que des engagements fermes pris longtemps à l'avance pourraient avoir une influence positive sur les décisions politiques et militaires prises par d'autres.

Des décisions fermes nous permettront d'être maîtres de notre destinée, de tracer notre propre voie au lieu de nous laisser mener par le bout du nez par des événements extérieurs. Comme l'a dit le général MacKenzie, en adoptant longtemps à l'avance une ligne de conduite ferme mais généreuse, il se pourrait même que nous poussions les belligérants à résoudre leurs différends assez rapidement.

Quoi qu'il en soit, le projet de loi laisse beaucoup de latitude. Il permet au gouvernement de faire des corrections en cours de route, comme par exemple, de prolonger un mandat de maintien de la paix. Cela dit, nous tous qui avons été élus à cette Chambre savons que notre premier devoir n'est pas de satisfaire les désirs d'autres nations. Le premier devoir du gouvernement est de convaincre le peuple canadien que nos engagements à l'étranger sont nécessaires et financièrement prudents, avant de nous lancer sur tous les continents pour éteindre le feu que d'autres ont mis aux poudres. Si on veut que la fonction de maintien de la paix du Canada continue à être légitime aux yeux des Canadiens, il faut qu'elle continue à recueillir l'approbation du public.

Nous avons également besoin d'un projet de loi portant sur d'autres aspects de la fonction de maintien de la paix du Canada. Ils sont couverts dans ce projet de loi. Il parle de la structure de commandement des forces canadiennes et exige que nos troupes soient placées sous commandement canadien. Nous savons que l'une des choses que l'on reproche le plus aux forces des Nations Unies est la qualité médiocre du commandement. Selon nous, les Canadiens, et surtout les soldats canadiens, se sentiront plus en sécurité sous le commandement de l'un des leurs.

Même sur ce point, nous avons fait en sorte que le projet de loi offre une certaine latitude. L'article 6 précise que, s'il le désire, le Cabinet peut déléguer cette chaîne de commandement à un autre organisme pour des périodes de six mois à la fois. Au moins, de cette façon, le Cabinet aurait à prendre consciemment la décision de placer nos troupes sous le commandement de quelqu'un d'autre.

Nous avons aussi parlé de la neutralité de nos forces armées. La neutralité est un bien très précieux dans notre monde. Une fois détruite notre réputation de neutralité, il est très difficile de la rétablir. Le Canada est reconnu, et accueilli à travers le monde, pour sa justice, son impartialité et son objectivité. Nous ne devrions jamais donner l'impression que nous participons à l'installation et à la destitution de gouvernements, même des gouvernements non démocratiques, sur l'ordre des Nations Unies. Notre rôle n'est pas de prendre position dans les différends politiques.

Notre tâche, notre rôle, notre fonction de maintien de la paix est de faire respecter les cessez-le-feu et d'acheminer l'aide humanitaire et, ainsi, de gagner le respect à long terme des gens de tous les côtés au lieu de briser les liens de neutralité sans voir plus loin et de nous mettre à dos la moitié d'une population. Notre tâche est délicate. Nous pourrons l'accomplir uniquement si nos forces armées maintiennent la neutralité traditionnelle de leur rôle de maintien de la paix.

Il a été question de l'utilisation de la force meurtrière et de situations de maintien de la paix où nos casques bleus ont eu honte d'eux-mêmes et ont été profondément frustrés de ne pas pouvoir se protéger et protéger les autres. Mon projet de loi contribue à résoudre cette difficulté en permettant aux casques bleus d'utiliser une force meurtrière en cas de légitime défense, pour défendre des civils innocents ou pour faire cesser des violations graves des droits de la personne lorsque la force meurtrière semble être le seul moyen efficace de le faire.

À quoi sert une armée? Une armée sert à en combattre une autre. C'est sa seule raison d'être. Même les casques bleus sont des soldats qui se déplacent dans une zone dangereuse afin de contrer d'autres forces armées. Toutefois, nous menons un combat différent de celui des antagonistes. Nous sommes des guerriers qui séparons d'autres guerriers afin de rétablir la paix et qui prenons tous les risques pour mettre fin au conflit et faire renaître l'espoir là où il n'y en a plus guère.

Nous ne pouvons demander à nos soldats d'intervenir dans ce genre de situations sans aucune protection. Même si nous devons recourir le moins possible à la force meurtrière, celle-ci est justifiée, je pense, dans les situations que je viens de décrire, afin d'empêcher ces situations de dégénérer. Cela dit, je reconnais qu'il s'agit d'une question délicate.

Permettez-moi de résumer en vous entretenant de l'identité du Canada. Notre pays est jeune. À ce titre, sa personnalité, si je puis m'exprimer ainsi, est encore en développement. Différentes étiquettes sont accolées à différents pays. Par exemple, lorsque nous songeons à la Suisse, la notion de neutralité nous vient immédiatement à l'esprit. De même, l'Allemagne est perçue


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comme une nation industrielle, tandis que la Suède semble être le modèle de l'État providence.

À quoi les gens associent-ils le Canada? Je pense que les autres nations perçoivent depuis longtemps le Canada comme un pays pacifique, porté sur la coopération et animé par une volonté de promouvoir la stabilité dans le monde. Nous proposons une option originale, c'est-à-dire une solution autre que la défaite ou la victoire.

(1805)

Les Nations Unies ont sollicité notre aide en tant que gardiens de la paix. Le Canada s'acquitte bien de ce rôle, tout en jouissant de l'appui de la population. Il y a 40 ans que nous le faisons avec fierté et générosité. Le fait de remplir ce rôle a contribué à définir notre nature et à façonner notre identité. Nous sommes aussi devenus plus à l'aise dans l'exercice de cette responsabilité au sein de la communauté internationale.

Nous sommes des gardiens de la paix. Ce rôle nous vaut l'estime de la communauté internationale tout entière. Une mesure législative sur les activités de maintien de la paix officialiserait et renforcerait le statut dont jouit le Canada dans l'esprit et dans le coeur des Canadiens. Je ne connais pas de rôle plus noble que celui de gardien de la paix et je ne peux songer à une mesure législative plus louable qu'une loi visant à faire de cette fonction une caractéristique officielle de l'identité du Canada.

Un proverbe dit que l'on récolte ce que l'on sème. Si c'est le cas-et ce l'est-, songez à ce que nous récolterons si nous préservons la paix. Les nations pacifiques sont plus portées à coopérer. La paix favorise la santé, la prospérité, la longévité, les bonnes relations ainsi que de meilleures conditions de travail. Promouvoir la paix, c'est promouvoir tout ce dont l'humanité a besoin pour prospérer.

Outre ces avantages tangibles, la paix engendre aussi l'espoir, puisque ce sentiment précieux est communiqué par ceux qui maintiennent la paix. J'ose espérer que tous les députés de la Chambre jugeront à-propos d'officialiser notre rôle de gardien de la paix et qu'ils voteront en faveur d'une étude en comité de ce projet de loi sur les activités de maintien de la paix du Canada.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de me prononcer sur le projet de loi C-295, Loi visant à pourvoir au contrôle par le Parlement des activités de maintien de la paix du Canada et modifiant la Loi sur la défense nationale en conséquence.

Je suis persuadé que le projet de loi a été inspiré par des députés soucieux du bien-être du personnel des Forces canadiennes et qui souhaitent doter le gouvernement d'un processus décisionnel judicieux et valable.

Malheureusement, après un examen attentif du projet de loi, j'en suis venu à la conclusion que, si l'on adoptait cette mesure, la situation ne ferait qu'empirer. Voilà pourquoi je m'y oppose.

Avant d'entrer dans les détails, je voudrais formuler une observation générale qui vaut en bonne partie pour la mentalité qui se dégage des rangs de nos collègues du Parti réformiste. Il s'agit de la tendance que je perçois dans ce projet de loi et qui consiste à s'inspirer de modèles américains pour tout ce qui touche les questions d'intérêt public.

Cette tendance déforme la vision et, pour ma part, je ne crois que nous puissions fonder la politique canadienne sur les penchants et les obsessions de nos voisins les Américains, malgré tout le respect et l'admiration que nous leurs vouons. Nous sommes différents d'eux; leurs besoins et leurs objectifs divergent des nôtres.

Le gouvernement s'est efforcé d'élaborer une politique de défense particulière au Canada. Des députés de tous les partis ont en effet siégé au comité mixte spécial qui a produit un rapport remarquable. Je ne parle pas ainsi par pure gloriole mais en toute modestie. À mon avis, 95 p. 100 du rapport se retrouve dans le livre blanc. Il s'agit d'une politique canadienne en matière de défense; elle reflète les besoins et les aspirations du Canada. Quant à moi-et je suis persuadé que je ne suis pas le seul à penser ainsi-, j'aimerais que cela demeure.

Le projet de loi C-295 limiterait la prérogative, la rapidité et la discrétion de l'État pour ce qui est de déterminer la contribution du Canada aux opérations raisonnables de maintien de la paix des Nations Unies. Comme les autres opérations militaires, les opérations de maintien de la paix relèvent du ministre de la Défense nationale, en vertu de la Loi sur la défense nationale. Celle-ci stipule que le ministre est responsable de l'administration et de la direction des forces canadiennes ainsi que de toutes les questions de défense nationale. Ce projet de loi retirerait cette responsabilité et cette discrétion non seulement au ministre mais aussi au gouvernement, en ce qui concerne les opérations militaires.

Par conséquent, ce projet de loi nuirait à la rapidité avec laquelle le gouvernement peut répondre aux demandes d'aide des Nations Unies dans les opérations de maintien de la paix ainsi qu'à la rapidité avec laquelle il peut donner suite aux modifications du mandat en matière de maintien de la paix.

L'un des principaux problèmes dont ont parlé bon nombre d'anciens commandants canadiens aux Nations Unies, c'est que la communauté internationale tarde trop avant d'intervenir quand survient une crise. Récemment, le major-général Roméo Dallaire a parlé avec ferveur et éloquence de la nécessité d'intervenir rapidement en cas d'urgence et a dit qu'il aurait pu sauver des dizaines de milliers de vies s'il avait obtenu les soldats dont il avait besoin dès qu'il les avait réclamés.

Le projet de loi C-295 ajouterait au processus de décision une autre étape qui retarderait encore plus l'intervention du Canada dans ces situations. Nous devrions traiter les urgences comme telles et agir le plus rapidement possible. Ce projet de loi créerait également une structure inefficace pour la gestion des opérations internationales des Forces canadiennes. Toutes les opérations éventuelles sont évaluées d'après une série de lignes directrices qui portent, entre autres, sur tout le contexte politique et la politique étrangère, les exigences générales de la mission et, naturellement, notre propre puissance militaire.


11916

(1810)

[Français]

Pour aider le gouvernement à évaluer les divers facteurs à considérer avant de décider s'il convient de participer à une mission, le Livre blanc sur la défense de 1994 prescrit certains principes généraux. Ces lignes directrices sont le fruit de l'expérience que nous avons acquise en maintien de la paix depuis une quarantaine d'années. Elles illustrent aussi, d'une manière prudente mais pragmatique, la nouvelle conception de la situation mondiale suite à la fin de la guerre froide.

Le Livre blanc a fait ressortir les principes clés qui doivent présider à la conception de toutes les missions de paix. Ces principes sont les suivants: premièrement, il doit y avoir un mandat précis et traduisible dans la réalité; deuxièmement, il doit y avoir une autorité responsable bien identifiée et acceptée de tous; troisièmement, la composition nationale des forces militaires doit être adaptée aux besoins de la mission et il doit y avoir un processus de consultation efficace entre les pays participant à la mission; quatrièmement, dans le cas de missions faisant appel à des ressources militaires et civiles, il doit y avoir une autorité responsable clairement désignée, une répartition précise des compétences par souci d'efficacité et des modalités de mise en oeuvre communément acceptées; cinquièmement, la participation canadienne doit être acceptée de toutes les parties au conflit, sauf en cas d'opérations d'imposition de la paix ou d'intervention en vue de défendre des États membres de l'OTAN.

[Traduction]

L'expérience du Canada permet de croire également que les missions réussies sont celles qui respectent certaines conditions opérationnelles essentielles. Le député en a mentionné quelques-unes. L'importance des troupes envoyées, leur formation et leur équipement devraient correspondre à l'objectif visé et ce, tout au long de la mission. De plus, il faut bien définir les opérations et avoir une structure efficace de commandement et de conduite des opérations, ainsi que des règles d'engagement claires.

Pour revenir sur un autre aspect, je crois que le projet de loi C-295 enlèverait au Canada le contrôle de ses forces et créerait plutôt une structure de commandement et de conduite des opérations qui ne pourrait absolument pas marcher. L'objet du projet de loi me pose certains problèmes à cet égard.

Les militaires canadiens participant, à l'heure actuelle, à des opérations de maintien de la paix sont toujours commandés par un Canadien. Le commandement des Forces canadiennes n'est plus laissé à un commandant allié ou des Nations Unies comme c'était le cas durant les Première et Seconde Guerres mondiales. Les unités canadiennes et nos militaires ne peuvent être placés que sous le contrôle opérationnel et non le commandement opérationnel des Nations Unies ou d'autres commandants multinationaux pour des tâches bien précises.

La différence pratique entre les deux, c'est que lorsqu'on déploie des Forces canadiennes sous le contrôle opérationnel de non-Canadiens, ceux-ci ne peuvent modifier la tâche qui leur est confiée ni changer dans une large mesure leur secteur d'opérations. Ainsi, les Nations Unies devraient obtenir l'approbation du Canada pour déplacer, au besoin, de la Croatie à l'ancienne république yougoslave de Macédoine, les Forces canadiennes membres de la FORPRONU. Cet accord ne serait pas nécessaire dans le cadre d'un commandement opérationnel.

D'un autre côté, un commandant étranger qui n'exerce qu'un contrôle opérationnel ne peut déployer à des endroits différents des éléments d'une même unité. Ainsi, le commandant de la FORPRONU qui a le contrôle opérationnel des Forces canadiennes ne peut décider unilatéralement, par exemple, d'affecter la compagnie B du 2e bataillon du PPCLI à un bataillon britannique. Un déploiement de ce genre exigerait l'approbation du Canada. Par contre, si nos troupes étaient placées sous son commandement opérationnel, cette approbation ne serait pas nécessaire.

À l'heure actuelle, les commandants des contingents canadiens relèvent directement du Chef d'état-major de la Défense en ce qui concerne la contribution canadienne à la mission globale et les tâches effectuées dans le cadre de toute opération à l'étranger. Le paragraphe du projet de loi C-295 qui prévoit que le commandant des troupes canadiennes pourrait être placé sous le commandement des Nations Unies ou d'un organisme international va à l'encontre de la pratique actuelle et fait en sorte que nous aurons moins de contrôle, et non plus, sur nos troupes. Or, mon instinct me dit que c'est loin d'être l'objectif du projet de loi.

(1815)

[Français]

Le projet de loi C-295 limiterait la possibilité pour le Canada de contribuer des forces à un effectif d'intervention rapide en attente. Les députés sont sans doute au courant de l'initiative prise par le ministre des Affaires étrangères et moi-même en vue d'examiner les conséquences à court, à moyen et à long terme d'une force d'intervention rapide des Nations Unies, ainsi que la possibilité d'une contribution éventuelle du Canada à cet effort.

Une fois de plus, je reviens au plaidoyer du major général Dallaire en faveur d'une intervention rapide dans le cas du Rwanda et d'autres crises internationales. Que le Canada participe ou non à une mission donnée, une fois la décision prise de participer, la rapidité d'exécution est souvent primordiale. Si ce projet de loi était adopté, les freins seraient appliqués dans presque toutes les situations de crise.

[Traduction]

En résumé, je regrette de ne pouvoir appuyer le projet de loi C-295, car je sais que mon collègue y a consacré beaucoup d'efforts. Je le remercie de ses observations. Cependant, sous prétexte de donner au Parlement du Canada le pouvoir de mieux contrôler les opérations internationales de maintien de la paix, je crois qu'on a tendance à confondre certaines notions fondamentales dont j'ai parlé. On réduit le contrôle du Canada sur ses casques bleus à l'étranger et on restreint de façon marquée le principal avantage du gouvernement, c'est-à-dire sa capacité de déplacer nos ressources et de les adapter à des exigences changeant rapidement dans des situations dangereuses.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, c'est dans le cadre du projet de loi C-295 que je prends la parole aujourd'hui. Ce projet de loi vise à promouvoir le contrôle par le Parlement des activités de maintien de la paix auxquelles le


11917

Canada participe et à modifier en conséquence la Loi sur la défense nationale.

Le projet de loi C-295 comporte principalement trois objectifs: premièrement, assurer un plus grand contrôle parlementaire à l'égard de la participation des forces canadiennes aux missions de maintien de la paix; en second lieu, limiter l'action des forces canadiennes à un rôle neutre et non à un rôle de combat lors de ces missions; et enfin, contrôler l'assujettissement des forces canadiennes à un commandement des Nations Unies ou à celui d'une autorité extérieure au Canada.

Je tiens à souligner d'entrée de jeu que les députés de l'opposition officielle se réjouissent d'avoir l'occasion de discuter de telles modifications aux activités de participation des forces canadiennes au maintien de la paix. Nous tenons d'ailleurs à remercier le député de Fraser Valley-Est de nous offrir l'occasion de prendre la parole relativement à ces questions.

Plusieurs des éléments contenus dans le projet de loi C-295 vont dans le sens des préoccupations qui ont été exprimées par le Bloc québécois, et ce, autant lors des débats tenus en cette Chambre que dans une opinion dissidente qu'a émise l'opposition officielle à l'occasion du réexamen de la politique étrangère canadienne.

Rappelons brièvement les positions du Bloc québécois sur la question que nous abordons aujourd'hui. En premier lieu, soulignons que l'opposition officielle considère qu'un des rôles primordiaux des forces canadiennes sur la scène internationale doit être de soutenir les opérations de maintien de la paix et d'y participer activement. C'est là l'un des fleurons internationaux du Canada qui lui a valu sa réputation.

Néanmoins, nous croyons que les interventions futures auxquelles le Canada sera appelé à participer devront être soumises à des critères plus précis. Les récentes missions de maintien de la paix ont connu, on s'en souviendra, des difficultés dont le Canada doit prendre bonne note. Pensons aux missions au Rwanda ou en ex-Yougoslavie ou encore à la situation en Haïti qui nous a rappelé la nécessité d'appuyer nos interventions sur une légitimité démocratique et sur une planification rigoureuse.

(1820)

Les exemples de conflits que je viens d'évoquer ont clairement démontré l'importance de définir préalablement, sous l'égide des Nations Unies, des objectifs et des ordres de mission précis. Le Bloc québécois a également reconnu la nécessité de donner aux forces canadiennes une configuration spécialisée, afin de sauvegarder la crédibilité de nos interventions.

Parallèlement, le Canada devrait, croyons-nous, réviser ses alliances militaires actuelles, afin de les adapter aux missions stratégiques, conformément aux besoins de l'ONU. Cette approche fournirait un souffle nouveau à ces organisations et actualiserait leur utilité dans la préservation de la sécurité et la solution des conflits. Elle permettrait également au Canada d'atteindre ses objectifs de sécurité collective, lesquels sont cruciaux pour sa propre sécurité territoriale.

De plus, l'opposition officielle considère que le Canada doit favoriser la création d'un contingent permanent mis à la disposition de l'ONU pour accomplir ses missions de paix à l'étranger. Les effectifs que le Canada consacre à ses missions de paix devraient être plafonnés. Malheureusement, le projet de loi C-295 reste muet sur cette question.

Finalement, comme nous l'avons maintes fois répété, entre autres lors de notre opinion dissidente, nous croyons que le Canada devrait soumettre à un vote à la Chambre des communes ses décisions de participer à des missions de paix et ce, dans des délais rapides, lorsque le temps le permet. Vous comprendrez aisément que nous sommes heureux de constater que certaines de nos propositions ont trouvé écho dans le projet de loi présenté aujourd'hui. Néanmoins, certains articles nous apparaissent plus problématiques et nous aimerions émettre quelques commentaires pour tenter d'en bonifier le contenu.

Ainsi, à l'article 4 du projet de loi C-295, on ne semble pas prévoir la situation possible où les forces canadiennes seraient amenées à participer à des opérations de maintien de la paix à un moment où les parlementaires ne siègent pas en cette Chambre. Pourtant, en ce qui a trait au décret visant à placer l'officier des forces canadiennes sous le commandement des Nations Unies ou d'un organisme international représenté par un officier d'un autre État, le projet de loi prévoit, au paragraphe 6(3), que le décret pourrait être déposé à la Chambre des communes dans les trois premiers jours de séance après la reprise. Ne serait-il pas opportun de prévoir les mêmes dispositions à l'article 4?

De plus, l'article 4 ne prévoit aucune mesure relative au renouvellement du mandat confié aux forces canadiennes. Peut-être serait-il important et prudent de prévoir l'ajout d'une telle mesure. Toujours à l'article 4, plus exactement au sous-alinéa 4(1)(V), on demande que le ministre de la Défense précise le montant maximal des dépenses devant être engagées pour la mission.

Nous comprenons bien la nécessité d'une telle disposition. La situation financière canadienne exige d'agir de façon responsable. Toutefois, plutôt que de rapatrier immédiatement les militaires après l'épuisement du montant des dépenses approuvées par la Chambre, cet article devrait prévoir la possibilité d'augmenter, mais toujours par résolution de la Chambre des communes, les ressources prévues à une opération dans des cas exceptionnels. Pensons à l'aide humanitaire d'urgence.

Nous nous interrogeons également quant à la portée du paragraphe 5(3). Ce paragraphe mentionne trois cas où les forces canadiennes seraient autorisées à faire usage de force meurtrière. Nous devons nous assurer que les militaires canadiens participent à des missions de maintien de la paix plutôt qu'à des missions d'imposition de la paix. Ne serait-il pas plus sage de soumettre les règles précisant les circonstances de recours à la force à des conditions fixées par l'ONU? Autrement, nous pourrions assister à une situation où la participation des militaires canadiens aux missions de paix serait assujettie à des conditions différentes des autres forces nationales. Ces questions démontrent l'importance de préciser la portée du paragraphe 5(3).


11918

Pour ce qui est de l'article 6, deux observations s'imposent. Premièrement, nous voulons enlever toute allusion à d'autre endroit au paragraphe 6(3). Comme vous le savez, le Bloc québécois considère qu'il faut abolir l'autre Chambre au plus vite, car son maintien constitue un gaspillage de fonds publics.

(1825)

Comme dernière modification au paragraphe 6(4), nous croyons que le renouvellement par décret devrait être soumis à la Chambre des communes et non au gouverneur en conseil. Cet amendement est conforme à l'esprit même du projet de loi qui tente de faire participer davantage les parlementaires au processus de décision relatif aux activités de maintien de la paix.

En terminant, j'aimerais encore une fois remercier mon collègue de Fraser Valley-Est de nous avoir permis de débattre de cette importante question. Je l'assure que le Bloc québécois appuie les principes fondamentaux inclus dans le projet de loi C-295. C'est la raison pour laquelle nous appuierons le projet de loi en deuxième lecture.

Nous souhaitons que les interrogations soulevées par l'opposition officielle soient considérées sérieusement afin qu'il soit possible de bonifier le projet de loi avant son adoption en troisième lecture.

[Traduction]

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir participer au débat sur le projet de loi C-295, Loi visant à pourvoir au contrôle par le Parlement des activités de maintien de la paix du Canada et modifiant la Loi sur la défense nationale en conséquence.

Je prendrai quelques instants, cet après-midi, pour situer le projet de loi dans son contexte, c'est-à-dire la nature de la participation actuelle du Canada aux activités de maintien de la paix et la façon dont nous gérons cette participation. Je voudrais également examiner un certain nombre de dispositions précises du projet de loi et expliquer les raisons pour lesquelles je ne peux pas appuyer les changements qui y sont proposés.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements qui se sont succédé au Canada ont soutenu qu'un environnement international plus sûr constituait la clé de la sécurité et de la prospérité du Canada. En tant que participant responsable sur la scène internationale et que nation commerciale importante, le Canada est préoccupé par l'effet d'entraînement possible de conflits locaux et par les dangers qu'ils risquent de poser pour le reste de la communauté internationale. Par ailleurs, les Canadiens désirent qu'on allège ou supprime les grandes souffrances humaines dans les situations où tout indique qu'une aide extérieure pourrait changer les choses.

À cette fin, le Canada s'est efforcé, de concert avec d'autres pays, de créer un environnement international stable. Un des moyens auxquels il a recouru est le maintien de la paix, une méthode de gestion et de résolution multilatérales des conflits qui s'est révélée extrêmement utile au cours des années et dans laquelle le Canada excelle.

La contribution du Canada aux activités de maintien de la paix repose sur la conviction qu'un ordre mondial stable, soutenu par un large consensus multinational, constitue le meilleur fondement de la paix et de la sécurité à long terme du Canada. C'est pourquoi nous offrons des effectifs militaires bien entraînés et dotés du matériel nécessaire à des fins de maintien de la paix et d'autres opérations de cet ordre.

Cependant, notre engagement à l'égard du maintien de la paix ne doit pas être tenu pour acquis. Le Canada examine soigneusement toutes les demandes d'aide pour des missions de maintien de la paix et rejette celles qu'il ne considère pas pertinentes. Nos états de service sont inégalés dans ce domaine, mais cela ne veut pas dire que nous acceptons automatiquement de participer à toutes les missions. Le Canada a refusé de participer à la troisième mission de vérification de l'ONU en Angola, au groupe d'observateurs de l'ONU dans la bande d'Aouzou et aux missions d'observation en Géorgie et au Libéria. Au cours des dernières années, le Canada a aussi grandement réduit ses contingents à Chypre, au Sahara occidental, en Somalie et au Salvador, ou les a même retirés.

Traditionnellement, la communauté internationale a toujours compté sur le Canada pour trouver des ressources pour le maintien de la paix, non seulement parce que notre politique extérieure favorise notre engagement, mais aussi parce que nos forces armées sont souples, multifonctionnelles et aptes au combat. Notre personnel est bien entraîné et convenablement équipé. Il jouit en outre d'une expérience très impressionnante. Le monde en est arrivé à compter sur le Canada pour les missions de maintien de la paix.

La participation canadienne doit cependant être toujours placée dans un contexte international plus vaste. Notre décision de nous joindre à une mission est une décision unilatérale et tout changement dans notre façon de faire serait aussi unilatéral. Toutefois, la mission elle-même est toujours multilatérale et complexe. Si nous décidons de participer à une mission, ayant alors plusieurs partenaires qui modifient notre perception des choses, nous ne sommes plus qu'un élément d'une équipe. C'est une considération importante, parce que les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU ne sont pas toujours absolument précises et ne font pas nécessairement état de tous les objectifs, fonctions ou rôles associés à une mission. Les décisions évoluent au fur et à mesure que les circonstances changent.

Je veux maintenant m'attarder sur certaines dispositions du projet de loi C-295 qui, selon moi, sont inapplicables.

(1830)

En vertu de l'article 8 du projet de loi C-295, la contribution du Canada doit prendre fin dès que les objectifs d'une mission donnée ont été atteints. Le projet de loi ne précise pas comment concilier les objectifs de l'ONU avec ceux énoncés dans la résolution. Or, le retrait d'un contingent canadien à une date d'échéance arbitrairement fixée aurait deux conséquences peu souhaitables. Premièrement, la contribution canadienne dans son ensemble ne servirait à rien advenant un retrait prématuré. Deuxièmement, une conséquence plus grave serait qu'un retrait pourrait nuire à la mission dans son ensemble, menaçant ainsi la paix et la sécurité.


11919

J'ai aussi des réserves à propos des dispositions du projet de loi qui concernent le service actif. En vertu du projet de loi, les membres des Forces canadiennes assignés à une mission de maintien de la paix seraient réputés en service actif à tous égards. Le projet de loi modifierait la Loi sur la défense nationale de sorte que les officiers et les militaires du rang assignés à une mission de maintien de la paix assujettie à la Loi sur le maintien de la paix seraient réputés en service actif à tous égards.

Cette disposition est carrément inutile. En vertu d'un décret daté du 6 avril 1989, tous les membres de la Force régulière n'importe où au Canada ou à l'étranger et tous les réservistes à l'extérieur du Canada sont actuellement réputés en service actif. En outre, tous les membres de la Force régulière ont toujours été réputés en service actif depuis

Il n'existe donc aucune raison juridique de prendre un décret spécial plaçant les militaires en service actif pour qu'ils puissent participer à une mission donnée de maintien de la paix. Ces décrets ne représentent qu'une convention parlementaire. Toutefois, même à ce titre, leur utilisation reflète certainement la volonté du gouvernement de consulter plus fréquemment le Parlement sur la portée générale de la politique et de la pratique du Canada au chapitre du maintien de la paix.

Comme les députés le savent, depuis que le gouvernement actuel est en place, il y a eu deux débats importants sur des engagements internationaux concernant des missions de paix: le premier, le 21 septembre 1994 et le second, le 29 mars dernier à peine.

Le projet de loi C-295 ne traite pas comme il le faut la portée des opérations de paix onusiennes ni des mesures prises par le Conseil de sécurité des Nations Unies, en vertu du chapitre 7. Mais c'est surtout à un troisième élément du projet de loi que je m'oppose vraiment.

Les définitions et la structure imposées par le projet de loi ne sont pas conformes aux obligations des traités internationaux et de la charte des Nations Unies. En essayant d'englober la vaste gamme des opérations susceptibles d'être autorisées ou ordonnées au moyen de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, la définition du terme «opérations de maintien de la paix», inscrite à l'article 2 du projet de loi, est très imprécise.

Dans son rapport de juin 1992 au Conseil de sécurité, le Secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros Boutros-Ghali, a défini les quatre termes suivants: diplomatie préventive, réalisation de la paix, maintien de la paix et édification de la paix. Tous ces termes correspondent à des principes du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Chacun de ces principes peut supposer l'utilisation d'une force militaire et le fait la plupart du temps. Toutefois, le personnel civil, notamment les membres du personnel électoral et de la police civile, participent de plus en plus aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Le projet de loi C-295 est insatisfaisant, parce qu'il ne fait pas une nette distinction entre les opérations visées et ne présente pas non plus une logique précise concernant les règles qui s'appliquent uniquement aux Forces canadiennes.

J'en ai aussi contre l'article qui traite des règles d'engagement. Le projet de loi C-295 crée des obligations légales trop simplistes en ce qui a trait aux règles d'engagement et au recours à la force. Des règles d'engagement sont toujours communiquées aux membres des Forces canadiennes qui participent à des opérations internationales. Ces militaires s'acquittent souvent de leur mandat en vertu de règles d'engagement des Nations Unies, même si ces règles sont toujours définies en collaboration avec les autorités au Quartier général de la Défense nationale, ainsi qu'avec le commandant du contingent canadien.

Par conséquent, les règles d'engagement de l'ONU reflètent dans une large mesure la position du Canada en ce qui a trait à la structure, à la terminologie ainsi qu'à l'interprétation du mandat. Il peut arriver que les Forces canadiennes s'acquittent de leur rôle en vertu de règles canadiennes, tout en laissant aux Nations Unies le contrôle global d'une opération internationale. C'est notamment le cas lorsque l'ONU tarde à fournir un ensemble acceptable de règles d'engagement.

Aux termes du paragraphe 5(3) du projet de loi, le recours à la force n'est autorisé qu'en cas de légitime défense. Toutefois, cette exception ne peut, à moins d'être expressément autorisée par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, s'étendre à la protection de civils, même si ceux-ci sont exposés à une force meurtrière, au danger imminent de recours à une telle force, ou à une violation grave des droits de la personne. Il faut examiner soigneusement toutes les règles d'engagement en tenant compte des détails du mandat. Ce mandat peut parfois exiger des États qui ont une présence sur place qu'ils recourent à la force pour des raisons autres que celles qui sont énoncées dans le projet de loi.

Le projet de loi C-295 traite aussi de façon inacceptable de la question de la neutralité. La règle générale énoncée à l'article 5(1) et portant que les Forces canadiennes doivent être neutres et ne pas engager le combat est contredite plus loin, aux alinéas 5(3) a), b) et c) du projet de loi. En fait, l'alinéa 5(3) c) viole les dispositions sur la neutralité, étant donné qu'il autorise le recours à la force pour protéger un groupe de civils contre les agissements d'un autre. Il peut y avoir des cas où le combat est le seul moyen de rétablir la paix. Je le répète, si ce projet de loi était appliqué, il restreindrait la marge de manoeuvre des Forces canadiennes dans des situations qui sont souvent très volatiles et imprévisibles.

(1835)

Je conclurai en disant que la même argumentation vaut pour l'ensemble du projet de loi. En effet, les dispositions du projet de loi C-259 enlèvent des possibilités et une marge de manoeuvre au gouvernement du Canada dans la gestion des opérations de maintien de la paix dont il assume la responsabilité.

J'exhorte tous les députés à considérer avec soin les conséquences de ce projet de loi sur la capacité des Forces canadiennes d'accomplir les tâches qui leur ont été confiées. La proposition part sans doute d'une excellente intention, mais elle nuirait selon moi à la capacité du Canada d'entreprendre des opérations de maintien de la paix.

Par respect pour le travail admirable que les Forces canadiennes font au jour le jour et par souci pour leurs intérêts, je ne peux pas appuyer le projet de loi.


11920

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre aujourd'hui la parole à la Chambre pour appuyer le projet de loi C-295 proposé par mon collègue, le député de Fraser Valley-Est.

Je voudrais parler plus particulièrement de l'article 4, portant sur l'approbation de la Chambre des communes. Comme chacun le sait à la Chambre, au grand chagrin du gouvernement libéral, le Parti réformiste adhère vigoureusement au principe selon lequel la Chambre doit rendre des comptes aux Canadiens, et pas seulement sur le plan budgétaire. Tout ce que nous faisons à la Chambre doit refléter les désirs et les attentes de la population. Ce n'est que dans les circonstances les plus extrêmes que le Parlement devrait agir sans consulter les électeurs. C'est particulièrement vrai quand des vies canadiennes sont en jeu.

L'année dernière, j'ai eu l'honneur de faire partie du Comité mixte spécial chargé d'examiner la politique de défense du Canada. Au cours de cette année de réflexion intense et de consultation auprès des Canadiens, nous avons fait un certain nombre de recommandations dans notre rapport intitulé «La sécurité dans un monde en évolution». En voici une des recommandations:

Les Canadiens n'accepteraient pas, et c'est tout à fait normal, que l'élaboration de la politique se fasse à huis clos et qu'on les mette devant le fait accompli. En outre, le gouvernement ne doit pas non plus envoyer les militaires à l'étranger sans tenir auparavant à ce sujet un débat public et sans que les Canadiens aient pleinement signifié leur accord. Nous voulons que, sauf en des circonstances exceptionnelles, tout déploiement soit précédé d'un débat au Parlement.
Cette recommandation a reçu l'aval de tous les membres du comité, y compris ceux qui siègent aujourd'hui en face. Bien qu'il y ait eu des débats de dernière minute sur le maintien de la paix en ex-Yougoslavie et que le livre blanc du gouvernement sur la défense nationale ait accepté plusieurs des recomman-dations du comité mixte spécial, le ministre et le gouvernement n'ont pas tenu compte de cette recommandation-là.

À l'heure actuelle, le Cabinet a tout pouvoir pour désigner les militaires à mettre en activité de service pour les opérations de guerre ou de maintien de la paix. Si le Parlement ne siège pas, l'article 32 de la Loi sur la défense nationale exige que la Chambre se réunisse 10 jours après qu'on a mis les militaires en activité de service. Il est bizarre que le gouvernement ne soit pas obligé de tenir un débat à ce sujet. La notion de responsabilité brille par son absence. Les Canadiens n'ont pas leur mot à dire quand il s'agit d'envoyer nos militaires dans une situation où ils risquent leur vie.

L'article 4 du projet de loi C-295 établit une méthode d'examen parlementaire exhaustif, conformément à l'esprit du rapport du comité mixte spécial, et rend le gouvernement responsable de tous les engagements pris en ce qui concerne les opérations de maintien de la paix. L'article 4 précise qu'«il est interdit aux Forces canadiennes de servir dans des opérations de maintien de la paix ou d'y être engagées ou encore de continuer de servir dans de telles opérations après l'arrivée du terme fixé par la Chambre des communes ou après épuisement du montant des dépenses approuvées par elle à cette fin conformément aux dispositions suivantes: le ministre de la Défense doit proposer, par motion, à la Chambre des communes une résolution» énonçant cinq critères qui doivent être débattus.

Il est essentiel de tenir ces débats. Depuis la fin de la guerre froide, le gouvernement a mis plus de troupes en activité de service qu'il n'en avait mis depuis la guerre de Corée. Bien que nous soyons très fiers de la réputation que se sont bâtis les Canadiens, sur la scène internationale, en tant que gardiens de la paix et parfois même artisans de la paix, les missions auxquelles nous participons deviennent de plus en plus dangereuses, tandis que leur objectif devient de moins en moins clair. Les Canadiens devraient être fiers de leurs Casques bleus, car leurs troupes sont vraiment les meilleures au monde.

(1840)

Le premier critère mentionné dans la résolution vise à autoriser la participation à une mission précise de maintien de la paix. C'est extrêmement important. Il faut dire à la Chambre des communes en quoi consiste la mission précise de maintien de la paix.

Lorsque je discute des questions relatives à la défense nationale avec mes électeurs, nombreux sont ceux qui me demandent en quoi consiste notre mission précise dans les zones dangereuses comme l'ex-Yougoslavie. Ils me demandent aussi pourquoi nous ne retirons pas nos troupes puisque les combattants attaquent nos soldats et les prennent en otages. Ils semblent ne constater chez les combattants de cette nation en crise aucune volonté de faire la paix et se demandent ce que nous faisons réellement pour régler le conflit.

Cela m'amène à parler du deuxième critère. Aux termes du projet de loi C-295, la résolution définirait les objectifs, le rôle et les fonctions de la mission. C'est important quant aux nouveaux rôles de maintien de la paix que nous assumons.

Dans l'ancienne Yougoslavie, il arrive souvent que les objectifs visés ne soient pas clairs. Le rôle de maintien de la paix qui consiste à maintenir à distance les belligérants pendant qu'ils négocient la conclusion d'une paix définitive ou le maintien d'un cessez-le-feu n'existe pas en Bosnie. Dans un tel conflit où, de toute évidence, les belligérants ne veulent pas faire la paix et considèrent nos troupes comme des occupants, il est difficile de déterminer avec exactitude quels sont nos objectifs.

S'il faut envoyer nos Casques bleus dans des situations dangereuses comme celle-là, il est impératif que le Parlement adopte une résolution précisant les objectifs que nos troupes tenteront d'atteindre.

Les troupes canadiennes ne doivent pas être des pions dans quelque conflit que ce soit. Leur rôle doit être clairement énoncé. Cela est particulièrement important lorsque les communications entre les forces de maintien de la paix du Canada et la population du pays sont faibles.

Selon le troisième critère, la résolution nomme l'État ou la région où la mission se déroulera. Seul le Parlement devrait avoir le pouvoir de déterminer où nos troupes peuvent aller.

Selon le quatrième critère, la résolution précise la période de validité de l'autorisation. Il est essentiel que le Parlement soit en mesure de décider de la date exacte où la mission prendra fin.

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Certaines de nos missions semblent ne jamais avoir de fin. Dans l'ancienne Yougoslavie, c'est une mission de six mois, mais dans d'autres cas, comme à Chypre, notre mission a duré 30 ans.

En conférant au Parlement le pouvoir de déterminer la date à laquelle l'autorisation prend fin, le projet de loi donne au Parlement la possibilité d'annuler ou de renouveler la mission. Le Parlement sera ainsi en mesure d'évaluer la mission et de déterminer si nous avons atteint nos objectifs. Il peut aussi réévaluer le conflit et déterminer si sa portée a changé et si nous avons encore un rôle à jouer.

Le cinquième critère, qui se rapproche du quatrième, précise le montant maximal des dépenses à être engagées pour la mission. Les missions de maintien de la paix, comme toute autre activité que le gouvernement entreprend, doivent être assorties de limites financières. Le budget de notre pays n'est pas illimité. Nous devons déterminer ce que nous pouvons nous permettre.

L'article 4 prévoit aussi que la Chambre doit consacrer au moins cinq heures de débat à la résolution avant qu'elle ne soit mise aux voix. Comme tout projet de loi, la résolution peut être adoptée avec ou sans amendement et elle peut aussi être rejetée.

Le moment est maintenant venu que le Parlement commence à rendre compte à la population canadienne de la mise en service actif de nos soldats. C'est nous qui devons prendre cette décision, car ceux qui les représentent au Parlement sont leurs porte-parole.

J'exhorte donc tous les députés à appuyer le projet de loi C-295.

Le président suppléant (M. Kilger): L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. Conformément au paragraphe 93 du Règlement, l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

_____________________________________________

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MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

L'ACCÈS À L'INFORMATION

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.): Monsieur le Président, le 13 mars, j'ai demandé au ministre de la Justice s'il ordonnerait la tenue d'un examen complet de la Loi sur l'accès à l'information comme l'a recommandé le commissaire à l'information dans le rapport marquant son 10e anniversaire. Le ministre a répondu qu'il envisageait la tenue d'un tel examen et qu'il espérait présenter des réformes au moment opportun.

(1845)

En 1986-1987, j'étais membre du comité de la justice qui a fait une étude approfondie de cette loi au terme de laquelle il a produit un rapport intitulé Question à deux volets. Ce rapport contenait 87 recommandations. Malheureusement, aucune n'a été mise en oeuvre par le gouvernement conservateur.

Récemment, le commissaire a fait des recommandations semblables dans trois documents qui sont: La Loi sur l'accès à l'information: dix ans après, La Loi sur l'accès à l'information: examen critique et Technologie de l'information et gouver-nement ouvert.

Le principe qui sous-tend cette loi, c'est que les Canadiens devraient avoir accès aux renseignements concernant leur gouvernement ainsi qu'aux renseignements compilés et gardés par le gouvernement, qui sont évidemment payés avec l'argent des contribuables.

Pendant des années avant l'adoption de la Loi sur l'accès à l'information, la politique générale du gouvernement consistait à refuser toute demande de renseignements, à quelques exceptions près. Le but de la Loi sur l'accès à l'information était évidemment de renverser ce processus. Il y aurait des exceptions, bien sûr, pour la sécurité nationale, la protection des renseignements personnels et le Cabinet, mais, en règle générale, l'information serait accessible.

Le rapport intitulé Question à deux volets concluait que la loi renfermait des défauts majeurs qui devaient être corrigés. Comme je l'ai dit, le comité a fait 87 recommandations à cet égard.

La première de ces recommandations était que toutes les institutions gouvernementales, y compris la majeure partie du processus parlementaire, soient assujetties à la loi.

La deuxième recommandation était que toutes les sociétés d'État, à l'exception de la SRC, devraient être assujetties à la loi. À l'heure actuelle, elles ne le sont pas.

La troisième recommandation était que toute personne se trouvant au Canada, pas uniquement les citoyens et les résidents, ait accès à la loi.

La quatrième recommandation était que la loi reconnaisse explicitement le statut des coordonnateurs de l'accès à l'infor-mation dont le rôle dans les ministères est de faciliter l'application de la loi, et de leur donner le rang de cadre supérieur.

Cinquièmement, il y avait plusieurs recommandations concernant les exceptions. Nous disions que les exceptions devaient satisfaire à un critère de détermination du préjudice. Nous recommandions également que certaines exceptions soient plus précises.

En ce qui concerne les documents confidentiels du Cabinet, nous disions que les exceptions devaient être couvertes par la loi et qu'elles devaient être discrétionnaires et en fonction du genre de document. Autrement dit, les documents confidentiels du Cabinet n'échappaient pas automatiquement à la loi.

Nous avons également dit que le commissaire à l'information devrait être habilité à rendre des ordonnances exécutoires dans certains cas, quoique son rôle devrait continuer à se limiter à la recommandation de mesures appropriées. Nous avons recommandé de restreindre l'utilisation que les organismes extérieurs peuvent faire du numéro d'assurance sociale.

Nous avons recommandé que le délai de réponse aux demandes de renseignements soit ramené de 30 à 20 jours et que des mesures soient prises afin de protéger les dénonciateurs au sein du gouvernement du Canada.

Ce sont là certaines des recommandations faites dans le rapport de 1987-1988, intitulé Une question à deux volets. Je

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voudrais encore une fois ce soir demander au gouvernement si et quand il a l'intention de donner suite aux recommandations faites dans ce rapport ainsi qu'aux recommandations faites récemment par le commissaire à l'information dans son rapport décennal.

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce a demandé quelles étaient les intentions du gouvernement quant à la réforme de la Loi sur l'accès à l'information.

Cette loi existe maintenant depuis 12 ans, et la société a changé énormément depuis sa promulgation. À cette époque, l'accès à l'information était un concept nouveau et il était considéré comme audacieux d'accorder, en vertu d'une loi, le droit à l'accès aux informations du gouvernement.

Nous sommes maintenant tout à fait dans l'ère de l'information. Les Canadiens achètent de plus en plus d'ordinateurs et de modems et ils vont bientôt assister à la convergence de l'informatique et de la télédiffusion. Si quelqu'un possède un téléviseur, il pourra sous peu extraire des informations de toutes les banques de données de la planète. Le réseau Internet a complètement transformé nos notions antérieures quant à l'accès à l'information.

Un comité parlementaire a étudié la Loi sur l'accès à l'information en 1987. Le commissaire à l'information a émis de nombreuses recommandations quant à la réforme de cette loi à l'occasion du dixième anniversaire de celle-ci. Le commissaire à l'information a aussi publié des études qu'il avait commandées sur des domaines connexes, notamment la technologie de l'information et le gouvernement transparent.

Le gouvernement fédéral a récemment adopté un plan pour l'amélioration des services gouvernementaux grâce aux nouvelles technologies et il a créé le conseil consultatif sur l'autoroute de l'information qui doit présenter un rapport au ministre de l'Industrie au printemps.

Les gouvernements fédéral et provinciaux ont lancé divers projets-pilotes visant à fournir plus d'informations et de services gouvernementaux par le truchement de médias électroniques. Aux États-Unis, le département de la Justice a publié un projet de document de consultation sur l'accès électronique à l'information gouvernementale.

Ces initiatives rendent beaucoup plus de documents gouvernementaux accessibles que par le passé. Les renseignements sont fournis sans qu'on ait besoin d'avoir recours à la Loi sur l'accès à l'information, et il en résulte beaucoup moins de bureaucratie et un accès beaucoup plus rapide, à un coût quasiment nul pour les citoyens.

Tous ceux qui ont fait des commentaires sur la Loi sur l'accès à l'information sont d'accord pour dire que ce qu'il faut surtout, c'est modifier l'attitude, de façon que beaucoup plus de renseignements sur le gouvernement soient disponibles de façon systématique, sans que les citoyens aient besoin de demander d'y avoir accès par le biais d'un processus coûteux et parfois très lent régi par la Loi sur l'accès à l'information.

Il y a eu des progrès. Il n'y a pas de doute que la Loi sur l'accès à l'information a besoin d'être modifiée. Le ministre a promis que le gouvernement proposerait certaines réformes.

Le Parti libéral promettait dans son livre rouge un gouvernement beaucoup plus transparent. Le ministre a dit que le ministère de la Justice travaillait à déterminer quels sont les domaines où l'on pourrait faire des réformes. Nous devons prendre le ministre au mot. Des réformes sont en route et, même si nous n'avons pas de détails et de dates précises, elles seront présentées en temps et lieu.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 38 du Règlement, la motion portant que la Chambre s'ajourne est maintenant réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain 10 heures, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 52.)