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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 15 février 1994

AFFAIRES COURANTES

LOI SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS

    Projet de loi C-12. Les motions visant à la présentationetà la première lecture sont réputées adoptées 1343

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE PONT DE L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD

    M. Harper (Calgary-Ouest) 1349
    M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 1359
    Mme Stewart (Brant) 1359
    M. O'Brien (London-Middlesex) 1369
    M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 1371

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

L'EXCELLENCE DANS L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES, DE LATECHNOLOGIE ET DES MATHÉMATIQUES

LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

    M. Leroux (Shefford) 1376

LA RÉVOCATION DES DÉPUTÉS

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 1376

L'EXCELLENCE DANS L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES, DE LATECHNOLOGIE ET DES MATHÉMATIQUES

LES OSCARS

LA SEMAINE MULTICULTURELLE

MONSEIGNEUR WILLY ROMÉLUS

MME MICHELLE MORTON

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 1377

BOURSES CANADA

LA FORMATION PROFESSIONNELLE

LES JEUX OLYMPIQUES D'HIVER

LE CHILI

L'ÉCONOMIE

    M. White (North Vancouver) 1378

L'EXCELLENCE DANS L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES, DE LATECHNOLOGIE ET DES MATHÉMATIQUES

LES JEUX OLYMPIQUES D'HIVER

QUESTIONS ORALES

LE CRIME ORGANISÉ

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1380
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1380

L'EUTHANASIE

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

LE SANG CONTAMINÉ

LA FORMATION PROFESSIONNELLE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 1382
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 1382

LE SANG CONTAMINÉ

L'ENVIRONNEMENT

LE BUDGET

L'AIDE SOCIALE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 1384
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 1384

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 1384
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 1384
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 1384

L'IMMIGRATION

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LE MUSÉE D'HISTOIRE INDUSTRIELLE

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 1385
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 1386

LES EXPORTATIONS CANADIENNES

LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE DÉPUTÉ DE MARKHAM-WHITCHURCH-STOUFFVILLE

LE DÉCÈS DE M. IRÉNÉE PELLETIER

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1388
    M. Leroux (Shefford) 1389

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE PONT DE L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD

    Reprise de l'étude de la motion 1390
    M. Hill (Prince George-Peace River) 1398

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

LE PONT DE L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD

    Reprise de l'étude de la motion 1404

SUSPENSION DE LA SÉANCE

    Suspension de la séance à 18 h 26 1414

REPRISE DE LA SÉANCE

    Reprise de la séance à 18 h 30 1414

MOTION D'AJOURNEMENT

LA PETITE ENTREPRISE

    M. Mills (Broadview-Greenwood) 1414

LA CHAMBRE DES COMMUNES

LES ESSAIS DE MISSILES DE CROISIÈRE

L'AUTOROUTE ÉLECTRONIQUE

    M. Mills (Broadview-Greenwood) 1417

LES SOINS DE SANTÉ


1343


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 15 février 1994

La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

LOI SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS

L'hon. David Anderson (au nom du ministre de l'Industrie) demande à présenter le projet de loi C-12, intitulé Loi modifiant la Loi sur les sociétés par actions et d'autres lois en conséquence.

(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

[Traduction]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le Président: Toutes les questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LE PONT DE L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD

L'hon. David C. Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique) propose:

Attendu que l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du Gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée,
La Chambre des communes a résolu d'autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le Gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe.
ANNEXE
MODIFICATION DE LA CONSTITUTION DU CANADA
1. La cédule des Conditions de l'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard est modifiée par insertion, après le passage suivant:
«Et telles autres dépenses relatives aux services qui, en vertu de «l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867», dépendent du gouvernement général, et qui sont ou pourront être alloués aux autres provinces.»
de ce qui suit:
«Qu'un ouvrage de franchissement reliant l'île et le continent remplace le service de bateaux à vapeur visé par la présente cédule.
Qu'il est entendu que la présente cédule n'empêche pas l'imposition de droits pour l'utilisation de cet ouvrage, ni l'exploitation de celui-ci par l'entreprise privée.»
Titre
2. Titre de la présente modification: Modification constitutionnelle de 1993 (Île-du-Prince-Édouard).
-Monsieur le Président, je suis heureux que vous ayez lu une bonne partie de la modification que nous avons l'intention de débattre aujourd'hui. Vous remarquerez que cette modification se rapporte d'une façon très précise aux conditions de l'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard au Canada.

Je tiens à informer le nouveau Président qui prend place au fauteuil que nous allons débattre une modification très explicite. J'espère donc qu'en faisant leurs observations, les députés ne s'écarteront pas de la question à l'étude et, bien sûr, qu'ils n'aborderont pas toute la question de la réforme constitutionnelle.

Il y a 130 ans, les Pères de la Confédération se sont réunis à l'Île-du-Prince-Édouard pour créer le Canada. Grâce à leur génie, le pays a prospéré tout au long du XXe siècle. Aujourd'hui, l'Île-du-Prince-Édouard demande qu'on apporte une légère mais importante modification aux conditions de son adhésion au Canada. Il s'agit d'une amélioration qui permettra à la plus petite province canadienne de prendre la place qui lui revient dans le XXIe siècle.

(1010)

Au nom du gouvernement du Canada, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre une proposition formelle qui vise à modifier les conditions de l'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard au Canada et qui aura sûrement la faveur de tous les députés au cours du débat qui commence.


1344

La modification, même si elle est brève et directe, est importante pour l'Île-du-Prince-Édouard, pour toute la région atlantique et pour le Canada.

La modification proposée définira le cadre constitutionnel nécessaire pour remplacer le service de traversiers entre l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick par un ouvrage de franchissement du détroit de Northumberland. Plus important encore, elle prévoira la construction future d'un pont.

L'ouvrage de franchissement permettra à l'Île-du-Prince-Édouard de participer pleinement à l'économie du Canada. Il va stimuler à court terme l'économie du Canada atlantique et permettre vraiment d'espérer une réelle croissance économique à long terme.

La construction d'un pont de béton de 13 kilomètres suppose de nouvelles compétences, une nouvelle technologie, de nouveaux emplois, un nouvel enthousiasme et de nouvelles perspectives d'avenir.

La modification dont le Parlement est aujourd'hui saisi va permettre la réalisation d'un projet financièrement sûr qui témoigne d'une politique publique judicieuse en matière de transport et qui fixe de nouvelles normes d'examen, d'évaluation et de gestion des facteurs environnementaux.

Le gouvernement fédéral est tenu par les Conditions de l'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard de 1873 d'assurer des communications continues entre l'île et la terre ferme.

Depuis la naissance de la Confédération, cette obligation a été remplie au moyen d'un service de traversiers. La province de l'Île-du-Prince-Édouard souhaite désormais renforcer, moderniser et améliorer considérablement les moyens par lesquels l'île est reliée en permanence au reste du Canada.

C'est pourquoi le gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard se sont engagés au moyen d'un accord à apporter à la Constitution la modification qui s'impose pour que le service de traversiers soit remplacé par un pont.

La modification dont nous sommes aujourd'hui saisis est la dernière d'une série de mesures législatives visant à permettre à l'Île-du-Prince-Édouard d'aller de l'avant à cet égard. Au printemps de 1993, le Parlement a débattu et adopté le projet de loi C-110, Loi concernant l'ouvrage de franchissement du détroit de Northumberland.

Je m'en voudrais de ne pas rendre hommage ici aux députés de mon caucus qui ont participé à ce débat au terme duquel la Chambre a jugé bon d'adopter le projet de loi C-110.

Je tiens à féliciter tous les députés qui ont participé à ce débat, dont certains sont ici présents et dont certains siègent en face. Je les en remercie sincèrement.

En juin 1993, le Parlement de l'Île-du-Prince-Édouard a adopté une résolution autorisant cette modification. En octobre, un accord est intervenu entre le gouvernement fédéral et la Strait Crossing Development Inc. en vue de la construction d'un pont entre l'Île-du-Prince-Édouard et le continent.

L'accord constitue une démarche novatrice, prudente et intelligente pour la construction d'une infrastructure publique. Il innove en matière de partenariat entre le gouvernement et le secteur privé. L'investissement de l'argent des contribuables est limité, mais aussi protégé.

Les Canadiens n'auront pas à payer la note si des retards ou des dépassements de coût surviennent dans cette affaire. La contribution fédérale consistera en une subvention totale de 35 versements annuels de 42 millions de dollars chacun, indexée au taux d'inflation et effectuée au titre du développement du secteur privé.

En vertu de la Constitution, le gouvernement du Canada a une obligation envers la population de l'Île-du-Prince-Édouard, mais la formule limite les coûts et limite sa responsabilité financière à 35 ans.

À l'opposé, le maintien du service de traversiers pendant une période indéfinie imposerait des coûts indus et imprévisibles aux contribuables sans espoir de pouvoir les réduire un jour. Comme le premier ministre l'a expliqué très clairement dans le livre rouge du Parti libéral et dans le récent discours du Trône, la priorité première du gouvernement, c'est la création d'emplois. La mesure que nous étudions et la construction du lien routier créeront des emplois.

(1015)

Aux termes de l'entente, 96 p. 100 des emplois sur le chantier de construction du pont seront accordés à des Canadiens des provinces atlantiques. Au total, 3 500 emplois seront créés pendant la durée de la construction, soit plus de trois ans et demi. À côté de cela, au moins 2 000 emplois indirects seront aussi créés. Il est clair que cela reflète la priorité du gouvernement en matière de création d'emplois.

Par ailleurs, il est aussi précisé dans l'entente que 70 p. 100 du matériel devra être fourni par des Canadiens de l'Atlantique. Étant donné l'ampleur et la complexité du projet, il y aura d'importantes retombées qui donneront à ces Canadiens la possibilité d'acquérir de nouvelles compétences en construction, en gestion et en protection de l'environnement.

Le plus encourageant, c'est que les retombées économiques continueront de se faire sentir pendant longtemps. Les intervenants de l'industrie touristique estiment qu'après l'ouverture du pont, le nombre de visiteurs sur l'île augmentera d'environ 25 p. 100. Il est évident que cela débouchera sur la création d'emplois et stimulera l'industrie hôtelière qui est d'une importance vitale pour l'Île-du-Prince-Édouard, et pour d'autres provinces aussi.

Uniquement en économisant du temps, l'industrie du camionnage de l'Île-du-Prince-Édouard pourra économiser environ 10 millions de dollars par année. Monsieur le Président, vous êtes un homme sage et érudit, et vous avez probablement beaucoup voyagé. Si vous avez déjà fait un voyage à l'Île-du-Prince-Édouard ou si vous en faites un prochainement, vous comprendrez rapidement pourquoi l'association des camionneurs est tellement en faveur de cette initiative. Ils n'auront plus à faire la file pour attendre que le traversier les transporte de l'autre côté, ce qui représente non seulement une économie de temps pour eux, mais aussi une économie d'argent. Ce projet aura d'impor-


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tantes retombées économiques pour ce secteur de notre économie.

Grâce à ce pont, les agriculteurs et les pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard seront beaucoup plus certains de pouvoir acheminer leurs produits. Ce projet favorisera la croissance de l'industrie manufacturière et de l'industrie de la transformation dans cette province.

Les entreprises de l'Île-du-Prince-Édouard pourront accroître leur rentabilité. Si l'économie de l'île est plus concurrentielle, les jeunes insulaires auront un avenir plus prometteur. Je suis certain que c'est là un objectif que tous les députés de la Chambre, quelle que soit leur affiliation politique, voudront appuyer avec enthousiasme.

Il n'est pas étonnant de constater que, depuis que l'idée d'un raccordement permanent a été lancée pour la première fois il y a plusieurs années, l'appui de la population a augmenté au point où, aujourd'hui, plus de 70 p. 100 des insulaires sont en faveur de la construction d'un pont. Cela ne veut pas dire seulement les habitants de l'île du Cap-Breton, mais aussi les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est un point que je tenais à préciser.

Le pont est un projet enthousiasmant pour l'Île-du-Prince-Édouard et le Canada atlantique. Je sais que certaines personnes ont encore des inquiétudes à cet égard. Je vais essayer de faire mon possible pour calmer ces inquiétudes ici, ce matin, et pour répondre peut-être aux questions que les députés voudraient me poser.

Je vais d'abord profiter de l'occasion pour réaffirmer les engagements consacrés dans un accord tripartite entre le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et le gouvernement du Canada.

Les travailleurs des traversiers qui perdront leur emploi en juin 1997 lorsque le service sera abandonné seront traités équitablement. Ils auront le premier choix pour ce qui est des emplois liés à l'exploitation et à l'entretien du pont. D'excellentes indemnités de départ seront par ailleurs négociées en sus des dispositions déjà prévues dans leur contrat de travail actuel. Nous travaillerons en étroite collaboration avec les travailleurs des traversiers pour qu'ils puissent se recycler dans de nombreux secteurs de l'économie locale qui bénéficieront de la présence du pont.

(1020)

Les pêcheurs touchés par les travaux de construction dans certaines parties du détroit de Northumberland seront indemnisés pour le manque à gagner. Dans le cadre de l'entente, le promoteur a versé dans un fonds de fiducie 10 millions de dollars qui seront administrés conformément à un plan essentiellement élaboré par les pêcheurs.

Je veux aussi réaffirmer l'engagement du gouvernement à fournir, par l'entremise d'un autre organisme dont je suis responsable, soit l'Agence de promotion du Canada atlantique, une aide financière pour des initiatives commerciales solides, cela, afin d'aider les localités de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick dans les mois et les années qui viennent. Nous prendrons les dispositions qui s'imposent pour aider les personnes et les localités touchées, par souci de justice et d'équité. Je ne saurais toutefois insister trop sur le fait que le projet de construction du pont présentera de nombreux avantages dans l'immédiat et à long terme. Il favorisera l'essor d'une économie de plus en plus dynamique, dans l'intérêt des habitants du Canada atlantique. En fait, ce projet est excellent non seulement pour la population de l'Île-du-Prince-Édouard ou du Canada atlantique, mais j'oserais même dire à la Chambre des communes, pour l'ensemble des Canadiens.

Les fonctionnaires de mon ministère ont fait de l'excellent travail lorsqu'ils ont rédigé l'entente; ils se sont en effet assurés que les contribuables n'aient pas à payer de coûts imprévus, inutiles ou injustifiés. C'est le promoteur qui assume tous les risques, y compris ceux qui concernent le financement, la conception, la construction, l'entretien et l'exploitation.

Je sais que des gens, peut-être des députés ici présents, se sont inquiétés de ce que les vrais propriétaires de deux entreprises participant au projet n'aient pas été canadiens. Personnellement, je suis convaincu qu'il s'agit d'un projet essentiellement canadien qui aura d'importantes retombées positives sur la population de notre pays. Il est vrai que la Northern Construction Company et la GTMI sont des filiales canadiennes de sociétés étrangères, mais elles sont toutes les deux très actives au Canada depuis plus de 30 ans.

Ces détracteurs, où qu'ils se trouvent-et je ne dis pas qu'il y en a ici à la Chambre des communes-n'estimeraient-ils pas ridicule que nous refusions à des sociétés comme GM, Ford et Chrysler le droit de participer au projet sous prétexte qu'elles sont des filiales ontariennes ou canadiennes d'une société mère étrangère? À mon avis, ce serait faire preuve de malhonnêteté intellectuelle. Comme nous sommes à l'heure de la compétitivité mondiale, je suis certain que les députés d'en face reconnaîtront comme moi l'importance du projet pour les Canadiens de l'Atlantique et de l'ensemble du pays.

En outre, il faudrait féliciter le promoteur d'avoir réuni des spécialistes techniques de niveau international. La vérité, c'est que le promoteur de l'ouvrage de franchissement, la société Strait Crossing Development, est une entreprise appartenant entièrement à des intérêts canadiens et dont le siège social se trouve à Calgary, en Alberta. Qui en bénéficiera le plus de ce projet? Ce sont, clairement, les Canadiens.

Le promoteur a été tenu de déposer tous les coûts du projet dans un compte en fiducie à la date de la conclusion du contrat plus un fonds pour éventualités de 10 p. 100, jusqu'au quasi-achèvement des travaux de construction du pont. Le promoteur a déposé un cautionnement d'exécution de 200 millions de dollars, de même qu'un cautionnement de conformité de 35 millions et un cautionnement de paiement de la main-d'oeuvre et des matériaux de 20 millions. Tous ces cautionnements sont soutenus par des garanties auprès des sociétés mères. Le marché a été conclu de telle façon que les sociétés mères fournissent le soutien financier nécessaire au promoteur.


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(1025)

Je tiens à souligner que c'est le promoteur, non les contribuables canadiens, qui sera entièrement responsable des dépassements de coûts. Si toutefois le projet n'est pas achevé au plus tard le 31 mai 1997, le promoteur devra payer le coût d'exploitation du service de traversiers jusqu'à ce que le pont soit prêt et en service. Une fois le pont en service, le promoteur devra l'exploiter et l'entretenir à la satisfaction du gouvernement fédéral avant d'avoir accès aux recettes provenant du péage.

Le droit à payer pour emprunter le pont sera comparable à celui qui est exigé pour utiliser le service actuel de traversiers. Au cours des 35 prochaines années, les droits ne pourront augmenter d'une année à l'autre de plus des trois quarts du taux annuel d'inflation. Grâce à ces dispositions et d'autres encore, le gouvernement a fait tout ce qu'il pouvait pour veiller à ce que les contribuables soient bien protégés avant, pendant et après la construction du pont.

Je veux de même m'efforcer de répondre franchement à toutes les questions et les réserves honnêtes que les Canadiens ont soulevées à propos de cet ouvrage de franchissement. C'est dans cet esprit que je voudrais aborder la question des incidences que ce projet pourrait avoir sur l'environnement.

Cette question a été soulevée tout au long des cinq dernières années, tout au long des 60 derniers mois. Je sais qu'un certain nombre de députés à la Chambre sont inquiets à ce sujet. Je n'ai pas l'intention de passer longuement en revue toutes les études environnementales et toutes les révisions supplémentaires qui ont été entreprises à cet égard; je me contenterai de dire qu'elles furent très nombreuses, plus d'une centaine, et ont pour la plupart été très approfondies.

J'allais demander l'indulgence de la Chambre et apporter la pile de six pieds d'études réalisées sur ce projet, mais cela m'a semblé un peu encombrant. Il aurait été plutôt coûteux pour le gouvernement du Canada, notamment pour la Chambre des communes, de faire réimprimer intégralement toutes ces études dans le hansard.

Comme vous le savez, monsieur le Président, si vous avez consulté la transcription d'un autre débat sur la question, j'ai parlé à la Chambre d'un certain nombre d'études, non pas dans leur totalité, mais en résumé, afin de lui montrer l'importance de ces travaux pour répondre à un certain nombre de préoccupations d'ordre environnemental.

Ce que je dépose aujourd'hui avec la permission de la Chambre, c'est la liste, en anglais et en français, de toutes les études effectuées, qui sont excessivement nombreuses. Si des députés souhaitent les consulter, je suis sûr que mon ministère pourra les leur procurer pour qu'ils puissent les parcourir, les étudier le soir, les emporter chez eux le week-end, et peut-être demander à leur parti politique ou au groupe auquel ils appartiennent d'en faire un examen indépendant. Ils nous diront peut-être ce qu'ils en pensent dans quelques mois ou quelques années; ils nous diront si cette centaine d'études étaient appropriées ou non.

Je demanderais le consentement de la Chambre afin de déposer ces deux documents pour que les députés puissent s'y reporter ultérieurement

Le président suppléant (M. Kilger): D'accord?

Des voix: D'accord.

M. Dingwall: Monsieur le Président, si les députés le jugent bon, je suis disposé à apporter cette pile de six pieds de documents. Si les députés le souhaitent, ils pourraient me le faire savoir par une note. Je suis prêt à le faire pour que tous comprennent que nous n'avons rien à cacher, qu'il n'y a pas eu de tractations secrètes à propos de ce projet.

Je tiens à souligner que ce projet a fait l'objet du processus de consultation le plus ouvert, le plus transparent qui soit. Il y a eu plus de 80 séances publiques auxquelles ont participé plus de 10 000 personnes, ce qui est déjà remarquable en soi. Je suis d'avis que ce projet établit la norme d'examen des effets environnementaux et qu'il deviendra un modèle de gestion environnementale de projets de taille et de portée analogues.

(1030)

Il n'y a pas de doute, et il ne devrait y avoir aucun doute dans l'esprit de quiconque, que certains Canadiens n'approuvent en aucune circonstance la construction d'un lien permanent, que ce soit à cause de l'environnement, d'une opinion ou d'un parti pris personnel, de considérations financières ou autres. Cependant, la vaste majorité des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard qui ont voté lors d'un référendum démocratique tenu par suite de l'approbation de leur assemblée législative se sont prononcés en faveur de la construction de ce lien permanent. Nous, en tant que Parlement national, devons reconnaître ce fait, tout comme les députés d'en face voudront le reconnaître, j'en suis certain, dans les interventions qu'ils feront sous peu.

À la fin d'août, en réponse à une contestation, la Cour fédérale du Canada a statué que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux avait dépassé de loin les attentes habituelles en ce qui a trait au respect de la ligne directrice fédérale concernant l'examen des effets environnementaux. Le juge Cullen a déclaré dans sa décision:

Les critères acceptés et appliqués par Travaux publics Canada dans son auto-évaluation étaient plus que satisfaisants et respectaient la ligne directrice [sur les effets environnementaux].
Quoi qu'il en soit, je peux assurer à la Chambre que cela ne signifie pas pour autant que nous cessons de nous préoccuper de l'environnement. Mon ministère, de même que d'autres organismes fédéraux et provinciaux compétents, continueront de surveiller les effets environnementaux pendant et après la période de construction pour garantir le respect de l'entente et intervenir s'ils le jugent nécessaire.

L'ouvrage de franchissement est un projet extrêmement intéressant et audacieux. Il prend des proportions historiques et il est une nouvelle contribution à l'ouverture de ce pays, à son rapprochement et à son édification.

La construction de ce pont de 13 kilomètres, le plus long pont à enjamber des eaux qui, en hiver, se transforment en glace, est effectivement un projet ambitieux, tout comme l'a été l'aménagement de la voie maritime du Saint-Laurent, de la route transca-


1347

nadienne et des chemins de fer du Canada. Tous ces projets sont dictés par le désir de rapprocher davantage les Canadiens.

Ce projet montre bien que le Canada est capable de faire preuve d'imagination dans sa manière d'envisager la coopération entre l'industrie et le gouvernement pour la réalisation d'un important projet d'intérêt public. C'est un parfait exemple de partenariat.

Et j'ose espérer qu'en plus de ses autres mérites, le projet de construction d'un pont reliant l'Île-du-Prince-Édouard au continent serve de modèle dans le monde entier pour de futures coentreprises du genre! Une collaboration plus étroite entre le secteur public et le secteur privé est aujourd'hui un excellent moyen de stimuler les investissements et de créer les emplois dont nous avons tant besoin.

Au cours de la campagne électorale, les chefs des différents partis politiques n'ont cessé de parler d'un partenariat entre l'industrie et le gouvernement. On ne saurait trouver, pour illustrer ce point, de meilleur exemple que le lien permanent reliant l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick.

Le pont de Northumberland est un excellent projet, un projet très important. L'actuelle première ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, l'honorable Catherine Callbeck, a déclaré:

Ce projet va donner à l'économie un élan fantastique [. . .]et créer le climat économique stable dont ont besoin les entreprises de cette province pour survivre.
De l'avis de Jim Larkin, de l'association du tourisme de l'Île-du-Prince-Édouard, ce pont est vraisemblablement la clé de l'avenir pour cette province. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, l'honorable Frank McKenna, pour sa part, a dit:

Je suis fermement convaincu que l'histoire jugera favorablement la construction d'un ouvrage de franchissement reliant l'Île-du-Prince-Édouard et le continent, qu'il faut saisir l'occasion et opter pour le progrès dans le Canada atlantique.
De toute évidence, la vaste majorité des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard considèrent ce pont comme un projet important qui leur permettra de participer à la relance économique du pays, d'améliorer leur propre sort et celui de leurs familles. Ce pont redonnera de l'espoir à l'Île-du-Prince-Édouard et à toute la région de l'Atlantique. Une économie solide dans la région de l'Atlantique est essentielle pour renforcer l'économie du Canada.

(1035)

Les Canadiens de la région de l'Atlantique savent très bien, dans leur for intérieur, que ce pont n'est qu'une partie de la solution, mais, comme sir Winston Churchill l'a dit, on ne peut saisir les maillons de la chaîne du destin qu'un par un.

Pour terminer, je prie instamment les députés de tous les partis et tous les députés indépendants d'appuyer la modification que nous examinons aujourd'hui. Je les implore de donner à la plus petite province du Canada, l'Île-du-Prince-Édouard, ainsi qu'au reste du Canada atlantique, la possibilité de renforcer leur économie. Je les supplie de donner à une nouvelle génération de Canadiens qui vivent à l'Île-du-Prince-Édouard la possibilité de devenir partenaires à part entière dans l'économie canadienne et de leur offrir de meilleures perspectives d'avenir.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, dans cette affaire, nous nous trouvons en face d'une situation qui plonge ses racines très loin, puisque c'est lors de l'entrée de l'Île-du-Prince-Édouard dans la Confédération canadienne, en 1873, que des conditions ont été posées par l'Île-du-Prince-Édouard, conditions qui ont été agréées par le gouvernement fédéral et les autres membres de la Confédération, à l'époque, et dont l'essentiel visait l'établissement et le maintien d'un lien de communication entre l'île et le continent pour que l'Île-du-Prince-Édouard puisse, d'une façon ou d'une autre, faire partie de la vie collective canadienne.

Ce lien a été établi, bien sûr, sous la forme de ce qui existait à l'époque: les bateaux à vapeur. C'est ainsi qu'on a formulé, dans les conditions, le genre de lien qui existerait. Et depuis lors, le gouvernement fédéral a, d'année en année, respecté l'engagement pris dans la Constitution et qui aujourd'hui s'élève à une subvention de l'ordre de 28 millions de dollars. Cet engagement, respecté d'année en année, s'est traduit par une subvention annuelle qui, aujourd'hui, s'établit en dollars constants à 28 millions de dollars.

On est donc en face d'une situation qui n'est pas à zéro. Il ne s'agit pas d'une province qui demande au gouvernement fédéral de construire un pont à partir de zéro. Le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard, dans l'évolution normale des choses pour s'adapter au temps, demande que ce lien, qui était sous forme de bateaux à vapeur autrefois, pour ensuite prendre la forme, bien sûr, de navires plus modernes, puisse maintenant se traduire par un lien plus efficace, plus continu sous la forme d'un pont.

Autrement dit, il y a, et je vais peut-être surprendre mon ami le ministre, qui s'est enflammé contre les oppositions anticipées de la part du Bloc québécois, il y a de la part du Bloc québécois une considération favorable à cette affaire, et je regrette que le ministre ait perdu une précieuse énergie, énergie ministérielle et rhétorique, qu'il aurait dû consacrer à d'autres dossiers puisque le Bloc québécois, ayant examiné l'affaire, considère qu'il s'agit là d'une question économique acceptable, d'un montage financier raisonnable et d'une mesure d'équité dans l'ensemble canadien, tel qu'il existe présentement.

Alors, si on regarde du point de vue économique, nous comprenons qu'un pont va bien sûr augmenter l'activité économique de l'île, nous comprenons qu'en effet le tourisme va s'améliorer; et je n'ai pas attendu l'invitation pressante du ministre pour aller sur l'Île-du-Prince-Édouard, j'y suis allé bien avant qu'il ne m'y invite, en tant que ministre, autrefois, et aussi en tant que citoyen en vacances l'an dernier. C'est une île magnifique, et je sais très bien que le tourisme va s'améliorer considérablement s'il y a un pont qui permet d'y accéder en tout temps et facilement. Et, de ce point de vue, du point de vue économique, nous convenons qu'en effet il y a un avantage considérable pour le gouvernement et pour les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le montage financier est la question sur laquelle, je crois, le gouvernement devrait se pencher avec le plus de vigilance. Il est vrai que le montage financier est ingénieux, en ce sens qu'il n'est pas vraiment très onéreux pour le gouvernement fédéral puisque la subvention, qu'il faut verser de toute façon, qu'il faudra toujours verser et qui se situe maintenant à 28 millions de dol-


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lars, est portée à compter de la fin de l'ouvrage, en 1997, à 41,9 millions en dollars constants. Il y aura, bien sûr, des ajustements d'inflation mais il y en aura, de toute façon, sur les 28 millions de dollars.

(1040)

Alors, c'est une augmentation annuelle, à compter de 1997, de l'ordre de 14 millions de dollars environ, que le fédéral devra continuer de verser à l'Île-du-Prince-Édouard, ce qui ne paraît pas exagéré dans le contexte des avantages anticipés.

Il faut saluer cette initiative que constitue la prise en charge, par le secteur privé, de la construction et de l'opération du pont. Là-dessus, il faut faire une réserve: je pense que tous les parlementaires devraient exiger que le gouvernement soit extrêmement attentif et surveille bien la façon dont les travaux vont se dérouler.

Je comprends que c'est l'entrepreneur privé qui assurera la poursuite des travaux, mais il faudrait absolument que le gouvernement s'occupe d'une façon très immédiate de la surveillance de l'opération. Qu'arrive-t-il s'il y a un dépassement de coûts? Je crois que c'est la question la plus inquiétante. Car les coûts pourraient se mettre à déraper, c'est un ouvrage extrêmement considérable de l'ordre de 13 kilomètres de long dans un bras de mer, dans des conditions où la glace se forme en grande quantité durant l'hiver, avec une grande pression sur les piliers. Qu'arrive-t-il s'il y a des dépassements de coûts?

Les documents que nous avons en main ne nous permettent pas de voir quelle serait la responsabilité du gouvernement dans ce cas. Légalement, il semble bien qu'elle se limite à garantir des versements annuels, mais qu'arrive-t-il si, en cours d'exécution, les entrepreneurs se trouvaient en situation financière difficile?

On sait ce qui est arrivé avec le tunnel de la Manche. Bien sûr, l'envergure de l'ouvrage ne se compare pas à celui qui est anticipé, mais il reste que c'est un ouvrage extrêmement considérable, 13 kilomètres de pont, dans des conditions climatiques extrêmement difficiles. Qu'arrive-t-il? Je crois que le gouvernement devra nous donner des éclaircissements là-dessus et nous dire ce qui arrivera et quelles mesures il prendra pour s'assurer qu'il n'y aura pas de dépassements de coûts.

Du point de vue environnemental, je ne connais pas le dossier aussi bien que le ministre qui a certainement été à même de le voir d'une façon immédiate. Les ministres ont des accès aux dossiers que n'ont pas les membres de l'opposition, mais à l'époque où j'étais ministre de l'Environnement, je m'étais assuré qu'une évaluation environnementale très stricte soit faite. Je pense que cela a été fait et le ministre a raison de dire que les précautions les plus considérables ont été prises.

Il faut cependant inciter le gouvernement à la prudence durant la construction, parce qu'il peut y avoir des événements qui vont affecter l'environnement. Le ministre nous a dit qu'il prendrait des dispositions, je ne sais pas lesquelles. Il faudrait peut-être savoir quelles dispositions seront prises à ce sujet.

Il y a aussi après la construction, durant le cours de l'opération. Nous savons que les pêcheries seront affectées, en particulier en ce qui concerne le homard, et qu'il y a des formes de compensation prévues. Il faudrait en savoir un peu plus, je crois, dans le débat à venir, sur ce que le gouvernement entend faire à ce sujet.

[Traduction]

À l'intention de nos amis de l'Île-du-Prince-Édouard, je vais maintenant m'exprimer en anglais. Nous croyons qu'il s'agit d'une mesure équitable, d'une mesure de progrès, d'une mesure capable de promouvoir le développement économique de cette province canadienne. Voilà pourquoi nous appuyons la résolution.

[Français]

Je voudrais aussi attirer l'attention du gouvernement sur un problème de rédaction, je crois, dans l'amendement constitutionnel qui nous est présenté. Il y a un problème de concordance entre le texte français et le texte anglais.

Il m'apparaît que cela pourrait créer des problèmes juridiques, considérables même, puisque nous savons que maintenant, à la suite des amendements de 1982, en vertu de l'article 56, je crois, de la Constitution actuelle, les deux textes ont force de loi. Les deux versions, française et anglaise, ont force de loi.

Il n'en est pas ainsi pour la Constitution de 1982 puisque malgré des engagements pris en 1982, nous attendons toujours la version française officielle ayant force de loi de la Constitution canadienne. Petite question qu'on peut se poser en passant, comment se fait-il que dans un pays comme le Canada, qui professe le bilinguisme, nous n'ayons pas encore la Constitution en français? Petite question sur laquelle nous reviendrons un jour.

Mais il reste que l'amendement qui sera adopté aujourd'hui aura force de loi dans les deux langues puisque maintenant, nous sommes sous le régime de la nouvelle Constitution. Or, si on regarde la résolution, on voit que le texte anglais est formulé comme suit:

(1045)

«That a fixed crossing joining the Island to the mainland may be substitued for the steam service referred to in this schedule».

[Français]

Il est donc dit que cet ouvrage «may be substituted», alors que le texte français dit:

Qu'un ouvrage de franchissement reliant l'île et le continent remplace le service de bateaux [. . .]
Autrement dit, dans le texte anglais, c'est un engagement facultatif, une possibilité; c'est la faculté que le gouvernement a de remplacer l'ancien service par un pont. Tandis qu'en français, le gouvernement a l'obligation de le faire. Donc, il y a des nuances extrêmement importantes. Je suis un peu étonné de voir que les services juridiques du gouvernement n'aient pas vu cette nuance si grave qui, certainement, serait en mesure, dans certaines éventualités, de créer des problèmes juridiques extrêmement considérables.


1349

Je ne sais pas si le gouvernement avait l'intention de se lier d'une façon formelle, comme dans le texte français, ou de se ménager une porte de sortie, comme dans le texte anglais. Je ne sais pas ce qu'il veut faire. Peut-être devrait-il nous dire quel texte il choisit entre les deux et faire en sorte que les deux versions reflètent la même réalité juridique.

Je voudrais également ajouter que, si cette mesure est bonne pour l'Île-du-Prince-Édouard-et elle l'est-, si le gouvernement fédéral est en mesure, d'une façon que j'estime raisonnable, de prendre des engagements financiers qui permettent d'assurer un développement économique important à l'Île-du-Prince-Édouard pour les 125 000 personnes qui y résident, on peut se demander pourquoi il n'y a pas dans ce gouvernement fédéral, qu'il n'y a plus dans l'État fédéral ce genre de projets qui, dans le passé, ont provoqué des enthousiasmes et des réactions considérables au point de vue de l'essor économique, et je pense en particulier au TGV, au train à grande vitesse.

Je me dis que si le gouvernement, avec raison, pour 125 000 personnes, a cru devoir s'engager dans ce grand projet que nous appuyons, pour les 16 millions de personnes qui vivent au Québec et en Ontario, pour unir le coeur économique du Canada avec les États-Unis, qui est le plus grand marché économique pour nous tous, il serait peut-être avantageux de regarder l'établissement d'un lien, d'un autre lien, d'un lien de communication ferroviaire, avec la très haute technologie que permet le TGV dans le cadre de ce projet.

Je ne vais pas étendre la discussion, certains de mes collègues en parleront d'une façon plus immédiate, mais j'inciterais le gouvernement à aller plus loin sur la voie dans laquelle il s'engage aujourd'hui, pour faire en sorte que de grands projets qui ont du bon sens, qui sont réalistes, qui préparent l'avenir puissent être lancés.

Enfin, je ne peux pas m'empêcher de remarquer que, compte tenu d'une nécessité évidente, le gouvernement a décidé de rouvrir la Constitution. Nous savons que le premier ministre et le gouvernement se répandent en protestations de ne pas parler de Constitution: «Nous ne toucherons pas à la Constitution. Loin de moi la tentation de toucher à la Constitution», qui est un sujet tabou, sauf lorsque les nécessités requièrent qu'on aborde ce sujet.

Il se trouve qu'aujourd'hui il y a nécessité et le gouvernement, d'une façon pragmatique et réaliste, décide de faire ce qu'il faut faire. Ce n'est pas un péché de toucher à la Constitution quand il le faut. Et comme il le faut, on le fait, et nous l'appuyons aujourd'hui.

Je sais qu'en ce qui a trait au Québec, au projet que nous, les membres du Bloc québécois, préconisons, il ne s'agit pas de rouvrir la Constitution pour faire la souveraineté du Québec; elle se fera par le Québec, dans une décision démocratique en temps et lieu. Mais parlant, par exemple, du gouvernement autonome des autochtones, un très grave débat que nous vivons maintenant, des questions extrêmement aiguës, extrêmement graves sont soulevées; je crois que le chef des nations autochtones canadiennes, M. Mercredi, a raison de dire que c'est un cas où il faudrait ouvrir la Constitution. Et nous pensons que le gouvernement, s'il a pu se soumettre à cette nécessité économique dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, devrait également se soumettre à cette nécessité encore plus impérieuse, nécessité politique, nécessité sociale, nécessité éthique, je dirais, de poser les gestes qui vont, à long terme, régler le problème autochtone.

On ne peut pas continuer dans les conditions actuelles; nous en connaissons de multiples rebondissements à tous points de vue. D'abord, du point de vue social, le spectacle de ce qui se passe dans certaines réserves, les difficultés extrêmes dans lesquelles vivent les populations doivent nous convaincre qu'on ne peut pas apporter de solutions à la pièce, qu'il faut apporter des solutions en profondeur et que l'établissement d'un gouvernement autonome, dans les cadres, avec les conditions qui conviennent, devrait être un impératif soumis au gouvernement et il devrait y répondre avec le même réalisme qu'il le fait aujourd'hui vis-à-vis des nécessités d'établir un lien entre l'Île-du-Prince-Édouard et le continent.

(1050)

Je voudrais terminer en faisant mien l'un des arguments invoqués par le ministre. Le ministre, pensant peut-être que le Bloc québécois allait s'objecter à cette mesure, nous a invités à renoncer à toute objection, en respectant le voeu démocratique exprimé par les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard, dans le cadre d'un référendum. Il a lancé un appel pressant, je dirais un appel émotif, au respect de l'opinion publique lorsqu'elle s'exprime par un référendum tenu d'une façon démocratique.

Nous sommes tout à fait d'accord avec le ministre aujourd'hui et nous lui demanderons de le prouver en temps et lieu, si le Québec prend la décision que nous souhaitons qu'il prenne.

[Traduction]

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour parler de la résolution constitutionnelle portant sur l'article 43 de la Loi constitutionnelle et modifiant les articles 1 et 2 de la cédule des conditions de l'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard. Cette mesure législative vise naturellement à autoriser le remplacement d'un traversier, comme le prévoyait l'accord original, par un pont.

Cette résolution est le produit d'un gouvernement qui a promis de ne pas toucher à la Constitution, ni même d'effleurer des questions relatives à la Constitution. Telle est, à nos yeux du moins, la position du gouvernement actuel. Mais cette façon d'agir est-elle conforme à sa position?

Il convient en effet de signaler que c'est déjà le deuxième amendement constitutionnel à être proposé depuis le rejet de l'Accord de Charlottetown, sans compter bon nombre de mesures constitutionnelles subsidiaires qui ont été soit adoptées, soit étudiées, en vue de la mise en oeuvre de certains éléments de cet accord. Pensons à la question de l'autonomie gouvernementale des autochtones ou à celle du partage des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux et des chevauchements.

La position qui prévoit qu'on ne parlera pas de la Constitution, qu'on ne modifiera pas la Constitution et qu'on n'abordera pas de questions relatives à la Constitution semble donc de plus en plus devoir se limiter à un cas, à savoir la réforme du Sénat. En ce qui concerne le Sénat, pas question de parler de la Constitution,


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que ce soit directement, indirectement ou autrement. Or, tout le reste semble être négociable.

Puisque nous parlons aujourd'hui de la Constitution, je vais profiter de l'occasion pour exprimer quelques-uns de nos motifs de préoccupation à ce sujet. Certains de mes collègues en feront autant, j'en suis convaincu. Je veux parler précisément de notre position à l'égard du Sénat et de certaines réformes qui pourraient être apportées à cette institution, notamment hors du cadre constitutionnel.

La Chambre sait parfaitement, bien sûr, que notre parti est en faveur d'un Sénat triple E. Nous croyons que le Sénat devrait être élu, qu'il devrait être absolument efficace, qu'il devrait avoir plein droit d'opposer son veto aux mesures législatives, qu'il devrait être égal et qu'il devrait se composer d'un nombre égal de représentants de chaque province.

Cette modification vise à mettre la Constitution à jour puisque la situation actuelle est, nous le reconnaissons, bien différente de ce qu'elle était en 1873. Remplacer un traversier par un pont semble raisonnable. Pourquoi alors ne pas admettre que certaines réalités politiques et institutionnelles sont également très différentes de ce qu'elles étaient en 1867?

Si vous vous souvenez de notre histoire constitutionnelle, vous vous rappellerez que, en 1867, les Pères de la Confédération avaient établi un système parlementaire compatible avec la théorie politique de leur époque. La théorie politique qui prévalait aux XVIIIe et XIXe siècles était très différente de celle d'aujourd'hui. Ils avaient créé un Parlement tripartite: la Couronne et deux chambres législatives, le Sénat et la Chambre des communes.

C'était un modèle courant à cette époque et qui le reste de nos jours, surtout dans le monde anglo-américain. Au Royaume-Uni, il y a la Chambre des lords et la Chambre des communes. Aux États-Unis, il y a le Sénat et la Chambre des représentants. Il y a eu une époque où nos provinces elles-mêmes avaient deux chambres législatives: un Conseil législatif et une Assemblée législative. La chambre haute a maintenant disparu dans toutes les provinces, mais il en reste des traces à l'Île-du-Prince-Édouard.

(1055)

En 1867, une chambre haute efficace était une chambre qui n'était pas élue. Le point de vue était très différent de celui d'aujourd'hui, de même que la théorie sur la représentation et le gouvernement. Je ne m'étendrai pas là-dessus.

Je dirai simplement qu'une chambre haute, que ce soit au Canada ou ailleurs, avait plusieurs caractéristiques. Historiquement, la chambre haute avait pour fonction principale de représenter la classe des propriétaires fonciers. On constate que l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui portait sur les qualifications des sénateurs, exigeait que les candidats aient des propriétés de 4 000 $, ce qui était une somme élevée à l'époque.

Il y avait également d'autres fonctions importantes que le Sénat du Canada était censé remplir. Ce devait être la Chambre de second examen objectif. Autrement dit, elle avait pour rôle d'assurer l'équilibre des pouvoirs qu'on prévoit dans de nombreux accords constitutionnels non seulement au Canada, mais également dans d'autres pays. Ce second examen objectif équivalait à un système d'équilibre des pouvoirs qu'on voit non seulement dans la constitution canadienne, mais dans de nombreuses autres constitutions. Comme je l'ai signalé à certains auditoires, ce n'est peut-être pas tout à fait par hasard, à l'époque de notre premier ministre fondateur, qu'en anglais, on utilisait l'expression sober second thought pour bien signaler que les intéressés devaient être sobres.

À cet égard, le Sénat avait d'importantes caractéristiques qui reflétaient cette fonction. En général, il ne pouvait pas présenter de projets de loi, et certes pas des mesures financières; c'était et c'est encore une prérogative de notre Chambre. Les gens étaient nommés au Sénat pour la vie. Ils étaient choisis. On s'attendait à ce que des gens bien différents siègent au Sénat et à la Chambre des communes. On peut le constater à l'article 29 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Une troisième fonction confiée à notre Sénat découlait de l'histoire récente aux États-Unis; il s'agissait de la protection des partenaires dans la fédération, de leur rôle au sein de cette dernière.

Chose certaine, la Constitution de 1867 n'établissait pas un Sénat égal, j'en conviens. Par contre, elle ne prévoyait certes pas de façon explicite un Sénat constitué selon le mode de la représentation en fonction de la population. Il s'agissait plutôt d'un Sénat dans lequel il y avait trois régions, ce qu'on appelait alors les divisions à l'article 22. À ce moment-là, cela reflétait très bien l'équilibre du pouvoir régional au sein du pays. Les provinces d'Ontario et de Québec recréées par la Confédération étaient constituées en régions et les deux provinces maritimes ensemble formaient une autre région.

Comme le Sénat n'était pas élu, contrairement à la situation aux États-Unis, ses membres étaient nommés, non pas par les gouvernements provinciaux, mais par le Cabinet, par le pouvoir exécutif qui à cette époque-là était censé être beaucoup plus diversifié sur les plans politique et régional et en ce qui concerne les personnalités qu'on y retrouvait, et l'importance des divers ministres de premier plan.

Au départ, les sénateurs étaient choisis par un gouvernement au sein duquel les lignes de parti n'étaient pas aussi claires que de nos jours. Le gouvernement lui-même était constitué de gens aux convictions politiques diverses et cela se reflétait également dans la composition du Sénat. Les choses ont beaucoup changé à cet égard.

Le Sénat était censé être et était en fait une institution politique extrêmement efficace. Il avait les pleins pouvoirs législatifs qui demeurent dans la Loi constitutionnelle actuelle. Il détenait un véritable pouvoir au Cabinet et dans le cadre du processus législatif. Cinq des 13 ministres formant le premier Cabinet étaient des sénateurs, ce qui représentait 30 p. 100 de l'ensemble. À l'heure actuelle, la proportion est de un sur 30. De nombreux Canadiens seraient sidérés d'apprendre que deux premiers ministres venaient du Sénat. Ils siégeaient au Sénat plutôt qu'à la Chambre des communes. Bien entendu, en Grande-Bretagne il


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était tout à fait courant à l'époque qu'un lord soit aussi premier ministre et membre des Communes.

(1100)

Dès le début, des figures politiques importantes ont siégé au Sénat, qui représentait déjà bien la diversité canadienne. Le plus important chef libéral de l'époque, M. George Brown, a été nommé au Sénat après avoir perdu aux élections de 1867.

Maintenant, les choses ont changé. Nous avons une idée mieux définie et plus démocratique de ce qu'est un gouvernement et, pour que le Sénat soit efficace, il faut qu'il soit élu, comme toute autre assemblée politique. Ce n'est pas un problème exclusif au Sénat. Je signale qu'aujourd'hui, si la Chambre des communes fonctionnait encore telle qu'elle a été constituée en 1867, on serait loin de la considérer comme une institution démocratique. Reste à savoir si la Chambre des communes est vraiment efficace et démocratique, mais je laisserai cela pour une autre occasion.

En 1867, les députés étaient bien élus, mais seulement par les propriétaires fonciers de plus de 21 ans. Seuls les hommes étaient admissibles au statut d'électeur et, dans certaines provinces et à certaines époques, on imposait aussi des restrictions pour des raisons raciales.

Aujourd'hui, nous n'aurions jamais l'audace de croire que c'est un moyen approprié d'élire les députés, ni que la Chambre peut ainsi être représentative. C'est pourquoi nous avons modernisé les Communes, mais sans en faire de même pour le Sénat. Pourquoi? C'est très simple. Nous avons modernisé les Communes parce que c'est le centre du pouvoir de l'Ontario et du Québec. Nous n'avons pas modernisé le Sénat, parce que cette institution visait à représenter les autres régions du pays, qui occupaient une place moins importante dans la Confédération.

Pour appuyer mon argument, je me contenterai de faire remarquer à mes électeurs et à tous ceux qui suivent le débat aujourd'hui l'alliance entre l'Ontario et le Québec qui imposera cette modification à la Constitution.

C'est intéressant de voir ce qui est arrivé aux chambres hautes au cours de notre siècle, non seulement dans le contexte anglo-américain, mais partout dans le monde. Les chambres qui étaient fondées presque exclusivement sur des principes remontant à une ère prédémocratique se sont atrophiées ou ont disparu. Ainsi, si elle existe encore, la Chambre des lords de Grande-Bretagne a été dépouillée de la plus grande partie de ses pouvoirs et n'est plus qu'une relique d'un temps révolu.

Dans nos provinces, les conseils législatifs, qui étaient les chambres hautes provinciales, servaient des fins exclusivement prédémocratiques et ont maintenant disparu. Le dernier fut aboli en 1968, au Québec.

Les chambres qui avaient été créées selon le principe de la représentation régionale au sein d'une fédération ont toutefois survécu et, d'une façon générale, elles ont progressé sous forme d'assemblées législatives. Aux États-Unis et en Australie, le Sénat est devenu une assemblée élue qui détient aujourd'hui beaucoup de pouvoir.

Aux États-Unis, nous savons ce qui est arrivé à ce chapitre. Au début, le Sénat américain n'était pas une assemblée élue. Le mode de sélection s'est graduellement élargi au point que certains États ont commencé à faire élire les sénateurs par la population, avant même que le permette une modification constitutionnelle. Le Sénat américain était déjà en grande partie élu lorsque cette modification a été adoptée.

Au Canada, le Sénat a résisté, mais sa modernisation a ralenti. Nous avons tenté d'approfondir les théories, mais à un rythme très lent. Nous n'avons jamais essayé de resserrer le critère sur la propriété qui caractérisait initialement le Sénat. On trouve toujours ce critère dans les documents, mais, de nos jours, on considère généralement bien modeste un critère exigeant la propriété de biens fonciers de 4 000 $.

En 1915, nous avons reconnu l'Ouest. En effet, l'Ouest faisait partie de la Confédération depuis environ 45 ans quand nous avons décidé qu'il était temps de reconnaître officiellement sa présence pour assurer une représentation régionale à la Chambre. On avait parfois nommé des sénateurs de diverses provinces, mais c'est en 1915 qu'une quatrième division est apparue au Sénat pour reconnaître l'Ouest. Bien sûr, on a ajouté depuis des représentants de Terre-Neuve et des territoires.

(1105)

En 1965, nous avons décidé de mettre un terme aux nominations à vie au Sénat. Nous savons qu'il y a un tout petit nombre de sénateurs nommés à vie, mais nous avons alors procédé à une réforme.

L'année 1989-1990 a été marquée par la première élection d'un sénateur, le regretté Stan Waters, qui était membre de mon parti, un bon ami et, comme nous l'espérions, un précurseur. Comme cela avait été le cas aux États-Unis, les opposants au Sénat élu et à la représentation régionale ont protesté contre l'élection du sénateur Waters, ont déclaré que cette façon de procéder était impossible, inconstitutionnelle et illégale. Bref, les obstacles étaient innombrables.

C'est incroyable tout ce qu'on peut faire au Canada, dans n'importe quel pays, dans n'importe quel régime politique, lorsqu'on le veut. C'est incroyable combien d'excuses et d'obstacles on peut trouver lorsqu'on veut contrarier fondamentalement la volonté d'agir.

Dans les observations qu'il a présentées aujourd'hui, le ministre a, à ma grande surprise, vanté les mérites du pont de l'Île-du-Prince-Édouard parce que la construction en avait été approuvée par référendum. Combien de fois, depuis la rentrée parlementaire, le gouvernement a-t-il décrié les référendums et nous a-t-il mis en garde contre le danger qu'ils présentent? Lorsque le gouvernement tient à réaliser quelque chose, un référendum devient une avenue possible.


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Bref, je ne vais certes pas appuyer cette modification hypocrite. Je soupçonne bien des députés de mon parti de partager mon point de vue à cet égard. Je ne vais pas appuyer une modernisation sélective de notre fédération. Je ne vais pas appuyer une façon de voir qui veut qu'on réponde à certains besoins et qu'on n'en respecte pas d'autres pour des motifs bassement politiques.

Il importe de réformer le Sénat. Cette réforme est une solution fédéraliste aux problèmes régionaux qui assaillent notre pays. Je dirai que dans ma région, par exemple, il existe des problèmes beaucoup plus graves que certaines personnes ici présentes ne semblent le croire. Un Sénat élu, idée que j'ai tout particulièrement fait valoir, est une partie de solution qui ne demande même pas que l'on rouvre la Constitution. Elle n'exige qu'un sens fondamental de la justice. Sans ce sens de la justice, qu'on ne compte pas sur mon appui ni sur celui de ma circonscription ou des contribuables que je représente. Qu'on ne s'attende pas à ce que nous venions quémander des faveurs de ce genre alors qu'on ne prend pas au sérieux nos préoccupations en la matière.

[Français]

M. Gagliano: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. J'aimerais vous faire part que dorénavant, conformément à l'article 43(2) du Règlement, les députés du parti ministériel se partageront la période de 20 minutes prévue pour les discours à raison de 10 minutes chacun, et cinq minutes pour la période de questions et observations.

Le président suppléant (M. Kilger): Je remercie le whip du gouvernement. Nous reprenons donc le débat avec le secrétaire d'État aux Anciens combattants.

[Traduction]

L'hon. Lawrence MacAulay (secrétaire d'État (Anciens combattants)): Monsieur le Président, je suis très heureux d'appuyer l'amendement constitutionnel proposé par mon collègue de Cap-Breton-Richmond-Est.

La modification à la Constitution aura des répercussions considérables sur l'Île-du-Prince-Édouard. Elle mettra un terme aux discussions qui se poursuivent dans cette province depuis probablement plus de 100 ans, en rendant possible la construction d'un lien permanent avec le continent.

Au cours des années 1960, nous avions même entrepris les préparatifs à la construction de l'ouvrage de franchissement ou du pont-jetée comme on l'appelait à l'époque. La résolution à l'étude aujourd'hui abolira l'un des derniers obstacles à la construction du pont devant enjamber le détroit de Northumberland.

Pendant la campagne électorale et dans le dernier discours du Trône, le gouvernement a bien précisé qu'il fallait redonner du travail aux Canadiens pour régler le principal problème socio-économique du Canada. La pénurie d'emplois constitue notre principal problème socio-économique.

(1110)

Nous nous sommes engagés à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour appuyer la création d'emplois, stimuler l'activité économique et redonner à tous les Canadiens confiance dans leur avenir.

Notre promesse s'applique également au Canada atlantique qui, plus que toute autre région du pays, a été durement frappé par le taux de chômage élevé et a souffert de désespoir.

Les députés savent très bien que la construction de ce nouveau pont à l'Île-du-Prince-Édouard relancera toute l'économie du Canada atlantique, en ouvrant de nouvelles perspectives d'emploi et en favorisant l'activité économique.

Fait encore plus important à noter, la construction du pont aura des répercussions à long terme dans la région et en particulier dans l'Île-du-Prince-Édouard. Le projet représente un investissement à long terme dans l'infrastructure des transports, ce qui devrait sûrement stimuler l'emploi et le développement régional.

L'absence d'un ouvrage de franchissement ou d'un lien fiable entre l'île et le reste du Canada a pendant longtemps nui aux activités commerciales et industrielles dans l'Île-du-Prince-Édouard.

À ce sujet, la première ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, Catherine Callbeck, a récemment déclaré:

Toute l'histoire de l'Île-du-Prince-Édouard tourne autour de son isolement par rapport au continent. L'annonce de la construction de l'ouvrage de franchissement modifiera radicalement les relations entre notre province et le reste du Canada. À mon avis, ce changement améliorera les choses.
Le projet de construction du pont enjambant le détroit de Northumberland aura des répercussions considérables et immédiates sur l'économie du Canada atlantique en général et celle de l'Île-du-Prince-Édouard en particulier. Au Canada atlantique, le projet créera des centaines d'emplois directs au cours de chacune des quatre années que durera la construction ainsi que de nombreux emplois indirects.

Aux termes du contrat signé par le gouvernement fédéral et l'entrepreneur, plus de 90 p. 100 des emplois iront à des habitants du Canada atlantique.

Plus de 90 p. 100 des emplois seront accordés aux habitants d'une région où le taux de chômage est élevé et qui a besoin d'emplois. Toute la région connaîtra un grand essor de l'emploi et des milliers de travailleurs trouveront un travail bien rémunéré et auront la possibilité d'exercer et d'améliorer leurs aptitudes professionnelles. Les hommes et les femmes de métier de l'Île-du-Prince-Édouard pourront améliorer leurs compétences.

Mais il n'y a pas que les emplois directs. L'entente prévoit aussi que 70 p. 100 des achats devront être effectués dans la région. À cet égard, les besoins seront énormes. Il faudra des milliers de tonnes de béton, de l'acier d'armature, des câbles, des métaux ouvrés, divers éléments manufacturés, de même que de nombreux services.


1353

Étant donné que tout le projet coûtera environ 850 millions de dollars, les salaires et les achats payés par les promoteurs se traduiront par l'injection de plus d'un demi-milliard de dollars dans l'économie locale au cours des quatre prochaines années. L'une des régions les plus économiquement défavorisées du Canada recevra plus d'un demi-milliard de dollars. Cela devrait donner un bon élan à l'économie du Canada atlantique qui en a grand besoin.

Tout cet argent frais aura aussi un effet sur les secteurs du détail et des services du Canada atlantique qui pourront prendre de l'expansion et offrir de nouveaux emplois.

Étant donné les répercussions positives du projet, il n'est pas étonnant que la majorité des habitants de l'île l'appuient. L'industrie touristique de l'Île-du-Prince-Édouard elle aussi recevra une très forte impulsion.

(1115)

L'industrie touristique est absolument essentielle à la santé économique de l'Île-du-Prince-Édouard. La part du produit intérieur brut que cette industrie représente dans cette province est plus élevée que dans toute autre province du Canada.

On a étudié attentivement les effets que le raccordement permanent aura sur le tourisme et on a conclu que le nombre de visiteurs augmenterait dès la première année. Selon certains chiffres, cette augmentation serait d'environ 25 p. 100. Il y aura certainement des touristes qui se rendront là-bas durant la phase de construction pour voir comment les travaux se déroulent. Il y aura aussi beaucoup de touristes qui se rendront à l'Île-du-Prince-Édouard et ailleurs au Canada atlantique une fois la construction du pont terminée parce que ce sera vraiment quelque chose à voir.

Une augmentation du nombre de touristes aura des effets positifs importants sur l'industrie des services de l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple dans les secteurs de l'hébergement, de la restauration, du spectacle, des loisirs, de l'artisanat local, de la fabrication et du commerce de détail. Ce projet favorisera de nouveaux investissements dans l'infrastructure touristique de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le tourisme n'est certes pas la seule industrie qui profitera de ce raccordement permanent. L'accès à une liaison plus fiable, plus rapide et, à la longue, moins coûteuse avec le continent rendra certainement l'industrie agricole et l'industrie des pêches de l'Île-du-Prince-Édouard plus concurrentielles et devrait les aider à élargir leurs marchés. Même si les avantages directs iront à la région de l'Atlantique, il est également vrai que ce projet apportera beaucoup à l'ensemble du Canada.

Pour être couronnée de succès, la relance économique que notre gouvernement veut stimuler doit toucher toutes les régions du pays. En donnant aux Canadiens de l'Atlantique la chance de travailler pour renforcer leur infrastructure dans le secteur des transports et de créer des possibilités économiques à long terme, nous faisons du Canada un pays plus fort.

La façon la plus efficace de contenir la croissance des dépenses sociales dans notre pays, c'est de redonner des emplois aux travailleurs. C'est exactement l'objectif que notre gouvernement cherche à atteindre et c'est exactement ce que ce projet nous permettra de faire. Ce projet donnera des emplois aux travailleurs du Canada atlantique et les aidera à améliorer leurs compétences professionnelles. Il stimulera l'industrie touristique de l'Île-du-Prince-Édouard et améliorera grandement le système de transport dans cette province parce que les gens n'auront plus à attendre longtemps pour prendre le traversier.

On a grandement besoin de l'argent qui sera injecté dans l'économie sur une période de quatre ans, soit plus d'un demi-milliard de dollars, ainsi que du raccordement permanent lui-même, projet dont nous parlons depuis plus de 100 ans à l'Île-du-Prince-Édouard.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, mon chef a présenté à cette Chambre, plus tôt, la position de notre parti relativement à cet ouvrage. En résumé, le député de Lac-Saint-Jean souscrivait aux impératifs économiques du parti au pouvoir en ce qui a trait à cet ouvrage. Il prenait aussi acte du fait que le ministre intéressé se reconnaissait soumis à un référendum, lorsque la volonté populaire s'exprime.

Dans le cas de l'ouvrage qui nous intéresse aujourd'hui, ce pont de 13 kilomètres qui va relier l'Île-du-Prince-Édouard au continent, on dit partout ici, surtout du côté du parti ministériel, que cela favorisera la création d'emplois, la stimulation de l'économie, ce, avec quoi nous sommes tout à fait d'accord. Sauf que j'aimerais demander au député qui vient de prendre la parole, faute par son ministre d'être présent en ce moment, si une directive officieuse sera donnée à l'effet de ne pas engager sur ce travail-là ou sur ce projet-là des Canadiens ou des Québécois du centre-de l'Ontario ou du Québec-comme cela se fait officieusement actuellement pour le projet Hibernia à Terre-Neuve? On sait que sur ce projet, les Québécois ont été systématiquement exclus du travail. Donc, j'aimerais qu'on apporte, à la population du Québec en particulier, ainsi qu'à la population canadienne en général, une précision à cet effet. Est-ce que la mobilité de la main-d'oeuvre sera contrecarrée par une disposition quelconque légale ou autre, concernant ce travail-là?

(1120)

[Traduction]

M. MacAulay: Monsieur le Président, je remercie mon collègue. Le ministre est sûrement tout à fait capable de parler en son nom propre. Je suis convaincu que Travaux publics Canada ne s'occuperait jamais d'un projet stipulant qu'aucun travailleur du Québec ou d'ailleurs ne peut y occuper un emploi.

J'ai dit que nous représentons une région où le taux de chômage est probablement le plus élevé au pays. Nous avons besoin d'emplois, et ce projet crée des emplois dans notre propre région. Le fait est que nous avons la main-d'oeuvre et que nous avons le projet. Jamais nous ne voudrions exclure qui que ce soit. Les emplois se trouvent dans la région, et le projet aussi.


1354

Je voudrais surtout remercier le chef de parti du député pour son appui au projet. Quand il viendra en vacances dans l'Île-du-Prince- Édouard, il trouvera sûrement beaucoup plus facile de s'y rendre dans quelques années. Il sera le bienvenu pour y travailler ou pour nous visiter.

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester): Monsieur le Président, je veux d'abord féliciter le ministre d'avoir proposé cette résolution à la Chambre aujourd'hui. C'est un pas de géant pour l'Île-du-Prince-Édouard, pour le Canada atlantique et pour l'ensemble du Canada. Le Canada atlantique vient de se mettre à l'heure du XXIe siècle. Je suis très fière de faire partie du gouvernement qui présente cette résolution aujourd'hui.

Ma circonscription, celle de Cumberland-Colchester, englobe la partie nord de la Nouvelle-Écosse et est limitée par le détroit de Northumberland de l'Île-du-Prince-Édouard. Je voudrais poser une question au député qui vient de parler du service de traversiers qui effectue actuellement la navette entre Wood Islands, à l'Île-du-Prince-Édouard, et Caribou, en Nouvelle-Écosse. C'est un moyen de transport que peuvent emprunter depuis un certain temps déjà les touristes qui viennent en Nouvelle-Écosse. Je me demande quelles répercussions aura le pont qui reliera l'Île-du-Prince-Édouard au Nouveau-Brunswick.

M. MacAulay: Monsieur le Président, je remercie ma collègue, la députée de Cumberland-Colchester, de soulever cette question importante qui était bien entendu au nombre de mes préoccupations durant les pourparlers sur le raccordement permanent. J'ai dit que l'affluence touristique augmentera d'environ 25 p. 100. Il y aura donc plus de circulation. Il ne fait aucun doute que nous bénéficierons des infrastructures principales et du raccordement permanent, ainsi que du service de traversiers qui relie Wood Islands et Caribou et qui est extrêmement important.

Je suis évidemment très heureux que, aux termes de l'article 14, le Canada reconnaisse maintenant l'importance et le caractère particulier du service de traversiers entre Wood Islands et Caribou et qu'il souligne que la construction et l'exploitation du raccordement permanent ne diminuent en rien l'importance de ce service. Ce service qui relie l'Île-du-Prince-Édouard à la Nouvelle-Écosse est en effet primordial.

[Français]

L'hon. Fernand Robichaud (secrétaire d'État (Affaires parlementaires)): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt et certainement avec plaisir que je me lève pour appuyer l'amendement constitutionnel qui est proposé et qui permettra la construction d'un lien fixe, soit d'un pont entre la province de l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick.

Vous comprendrez, monsieur le Président, que ce projet est d'intérêt tout à fait particulier pour les gens de Beauséjour, parce que justement, un point d'attache de ce pont se trouve dans la circonscription de Beauséjour, soit dans la communauté du Cap-Tourmentin. Quand vous voudrez avoir accès au pont en venant de la Nouvelle-Écosse, vous passerez par Port Elgin pour vous rendre au Cap-Tourmentin, et si vous venez du Nouveau-Brunswick, vous allez passer par Moncton, Shediac, Cap-Pelé, Port Elgin, Cap-Tourmentin. Alors, les gens qui vont se servir de ce pont passeront par chez nous.

(1125)

Comme le ministre l'a souligné, c'est un projet majeur, comme on n'en a jamais vu par chez nous. On parle d'un projet de 840 millions de dollars sur une période de trois à quatre années.

Ce projet, bien sûr, va être créateur d'emplois, on parle de 900 à 1 000 emplois par année pour quelques années. Je vous assure que les gens de mon comté sont heureux de voir ce projet aller de l'avant pour la simple raison que, étant donné la situation actuelle dans la province et en fait dans tout l'Atlantique, où il y a un effondrement de l'industrie de la pêche, surtout pour les pêcheurs de poisson de fond, tous les efforts qui visent à créer de l'emploi sont bien reçus et bien vus. De plus, on nous assure, et nous en sommes certains, que 96 p. 100 des travailleurs proviendront de la région de l'Atlantique, sans exclure pour autant aucun travailleur des régions d'ailleurs. Et vous allez comprendre que les gens de chez nous vont faire tout en leur pouvoir pour se mériter un emploi sur ce projet.

On dit aussi que 70 p. 100 de l'approvisionnement nécessaire à ce projet se fera dans la région atlantique par des entrepreneurs de notre région. Et à cet effet, la Commission économique du sud-est du Nouveau-Brunswick a embauché une personne, avec le concours de l'APECA, l'Agence pour la promotion économique du Canada atlantique, qui verra à informer tous les entrepreneurs du coin afin qu'ils soient en position pour offrir leurs services, qu'ils détiennent toute l'information qui pourrait leur être nécessaire.

J'ai suivi un peu la préparation de ce projet parce que cela fait longtemps qu'on parle d'un pont, et je dirais même que dans mon comté, il existe un viaduc qui avait été érigé et une route d'accès qui avait été construite vers la fin des années 1950 lorsqu'on parlait d'un projet de raccordement de l'île au Nouveau-Brunswick. Cela fait longtemps qu'on en parle, même que les gens de chez nous se demandaient si ce n'était pas là qu'un rêve que de parler d'un pont. Mais il semble bien que cette fois-ci, cela va se concrétiser, et nous le souhaitons.

Lorsque je dis que cela fait longtemps qu'on en parle, je dois ajouter qu'il a été aussi préparé avec beaucoup de soin. Il y a eu une série de rencontres publiques afin d'informer les gens de toute la région atlantique sur la façon dont on allait procéder quant aux méthodes de construction et aussi pour rassurer les gens qui avaient des préoccupations au niveau de l'environnement. Je dois vous dire que beaucoup de personnes et de groupes ont manifesté cette préoccupation de l'environnement. Je vous assure, monsieur le Président, ainsi que tous les députés de cette Chambre, que comme les gens de mon comté, je suis aussi très préoccupé par l'environnement.

Alors, comme je le disais, je partage en fait cette préoccupation, mais je suis assuré, d'après tout ce que j'ai entendu, tout ce qui a été dit, et bien sûr d'après toutes les études qui ont été faites également. Le ministre n'exagérait pas lorsqu'il disait qu'il y avait des études qui représentaient une pile de documents d'environ six pieds de hauteur; c'est vrai. Il y en a eu, ils sont là, pour


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être vus par tout le monde. Alors, je suis certain que toutes les précautions ont été prises pour s'assurer que l'environnement sera protégé.

(1130)

Je sais aussi que tous les travaux qui se dérouleront dans les chantiers, du côté du Nouveau-Brunswick ou du côté de l'Île-du-Prince-Édouard, seront régis par des procédures strictes, autant sur la terre ferme que sur le détroit de Northumberland, soit sur la mer.

Les travailleurs devront suivre des procédures sévères et surveillées par un comité chargé de s'assurer que toutes les précautions sont prises vis-à-vis de l'environnement. Il est un peu rassurant, en fait, que l'entrepreneur et tous les sous-traitants devront surveiller leur façon de procéder et respecter l'environnement.

Bien sûr, même si nous prenons toutes les précautions, il se pourrait que certains groupes d'individus soient affectés, et je pense particulièrement ici aux pêcheurs. Afin d'offrir une certaine protection à ces groupes, particulièrement aux pêcheurs, parmi lesquels les pêcheurs de pétoncle et de homard seront les plus affectés, on a mis sur pied un comité qui verra à mettre en place un programme de compensation. Depuis le tout début, c'est ce que nous avions exigé, autant les citoyens, les pêcheurs que les associations du coin, qu'il soit mis sur pied un programme de compensation avant le début des travaux, afin de s'assurer que s'il devait y avoir des effets néfastes pour la pêche, que ces gens-là seraient compensés pour leurs pertes.

Même si le mécanisme final n'a pas été déterminé, il y a actuellement un comité composé de pêcheurs, de représentants de l'association des pêcheurs, de fonctionnaires qui étudient ce problème.

Lorsque je parlais des pêcheurs de homard, les gens du Cap-Tourmentin seront d'abord les plus affectés parce qu'on devra libérer un corridor à travers le détroit, où la construction va se faire, et les pêcheurs des autres collectivités, en s'éloignant du Cap-Tourmentin, soit de Murray Corner, de l'Aboiteau, de Cap-Pelé, de Shediac, et en montant dans le détroit de Northumberland, de Cocagne, Bouctouche, et même en allant jusqu'à chez nous, pourront sentir les effets de la construction. Je ne crois pas que ces effets soient considérables, du moins je l'espère, mais si ça devait les affecter, on aura certainement en place un mécanisme pour les compenser.

Je n'ai parlé que des pêcheurs de homard, mais il y a aussi les pêcheurs de pétoncle, car il y a des bancs de pétoncles qui seront affectés par la construction de ce pont.

[Traduction]

Un groupe sera directement touché par la construction du pont. Ce sont les familles des travailleurs du traversier. Ceux-ci perdront leur emploi lorsque le pont sera achevé. Le service de traversiers emploie plus de 400 travailleurs à l'heure actuelle, mais le pont ne donnera qu'environ 60 ou 70 emplois. Je tiens à assurer à ce groupe ainsi qu'aux députés que tous les efforts seront déployés pour offrir aux personnes directement touchées des indemnités de départ et une formation de façon à réduire au minimum les effets de la perte d'emplois. J'ai communiqué avec Marine Atlantique à ce sujet. La direction a entamé des discussions, avec les syndicats pour essayer de concevoir un programme propre à atténuer les effets de la perte d'emplois.

(1135)

Je suis prêt à collaborer par tous les moyens pour veiller tout d'abord à ce que les emplois créés à l'ouverture du pont soient offerts aux travailleurs du traversier et à ce que les travailleurs sans emploi reçoivent des indemnités de départ acceptables.

[Français]

En conclusion, j'appuie ce projet. Je l'appuie, parce qu'il sera créateur d'emplois et donnera un nouvel essor à l'industrie touristique. Bien sûr, mon collègue de l'Île-du-Prince-Édouard disait tout à l'heure que l'industrie touristique de l'Île-du-Prince-Édouard connaîtrait un nouveau développement. J'en suis heureux, mais nous, de Beauséjour, allons essayer, en offrant des facilités touristiques-le pays de la Sagouine, que vous connaissez bien, le Parc de l'Aboiteau qui est en voie d'aménagement et les autres projets actuellement considérés-, de retenir les visiteurs, soit lorsqu'ils iront sur l'île, soit sur leur chemin de retour. Nous allons les inviter à passer quelques heures, quelques jours chez nous.

[Traduction]

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester): Monsieur le Président, je suis d'accord avec le député pour dire que nous avons pris grand soin de nuire le moins possible, par ce projet, à l'environnement et à la pêche. Nous avons cherché à faire en sorte que ce projet soit digne d'admiration et de la plus grande qualité.

Cela dit, à propos de recyclage ou de sécurité d'emploi pour ceux qui perdront leur poste, il m'a été signalé, au cours de discussions sur le développement économique avec les municipalités dans ma région, que nous pourrions peut-être offrir sur place nos programmes de formation. Ceux et celles qui travaillent à ce nouveau projet auraient ainsi l'occasion d'améliorer leurs compétences de base, leurs connaissances de l'informatique et d'acquérir les autres compétences nécessaires en prévision de leur emploi suivant. Le député a-t-il songé à cela, dans ses réflexions sur les programmes de formation?

[Français]

M. Robichaud: Monsieur le Président, je remercie ma collègue de ses commentaires et de sa question. Je tiens à l'assurer que tous les efforts seront faits pour garantir que tous les programmes gouvernementaux, autant du gouvernement que des associations du coin, seront mis à la disposition des travailleurs afin de les encourager et de leur permettre de se trouver un emploi, autant lors de la construction, de la réalisation de ce projet, que dans les opportunités qui seront créées après la fin des travaux de ce pont. Tous les efforts seront mis de l'avant pour s'assurer que nous puissions profiter au maximum de ce projet.

M. Osvaldo Nunez (Bourassa): Monsieur le Président, je suis d'accord avec l'amendement à la Constitution et avec la construction de ce pont. Je pense que cela développera énormément le tourisme. J'ai déjà visité l'Île-du-Prince-Édouard et c'est l'une des plus belles îles au monde, et je connais plusieurs pays.


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(1140)

J'ai une question à vous poser à propos de la création d'emplois. À moyen terme, c'est un projet créateur d'emplois, mais à long terme, il y aura des pertes d'emplois, car si chaque année, il y a 400 travailleurs qui travaillent pour le traversier, dans cinq ans, ils vont disparaître ces 400 emplois-là pour être réduits à une cinquantaine d'emplois. Est-ce que vous avez examiné cette question? Quelles sont les propositions alternatives? Avez-vous consulté les syndicats?

Le président suppléant (M. Kilger): Je sais que le secrétaire d'État aux Affaires parlementaires a trouvé la période de 10 minutes très courte, et je tiens simplement à lui rappeler que la période des questions et commentaires est encore plus courte. Alors, un bref commentaire du secrétaire d'État serait apprécié.

M. Robichaud: Monsieur le Président, je tiens à remercier les députés d'en face pour leur appui à cet amendement. Ils ont, en fait, signifié leur appui au projet en général.

Malheureusement, comme le député le disait, les gens qui travaillent actuellement pour le système de traversiers, quelques-uns d'entre eux, ou devrais-je dire plusieurs, ne trouveront pas d'emploi sur le pont.

Comme je le disais tantôt dans mon discours, Marine Atlantic, la compagnie qui fait fonctionner le système de traversiers, a déjà communiqué avec les syndicats afin de s'organiser pour minimiser les effets, lorsque le pont sera ouvert, afin que ces gens se trouvent d'autres emplois.

Bien sûr, il y a des efforts qui sont faits par les commissions économiques et les communautés de la région afin d'essayer de développer le secteur touristique qui pourrait offrir à ces gens-là des possibilités d'emplois. Mais je vous assure que tous les efforts seront faits pour aider ces gens à se resituer, lorsque le pont sera ouvert, afin qu'ils puissent se trouver d'autres emplois.

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, même en étant d'accord sur le fond avec le gouvernement, les interventions que nous faisons ici nous montrent que l'approche qui est utilisée par ce dernier est bien différente de celle qui pourrait être utilisée par les députés de ce côté-ci de la Chambre.

Au-delà de l'accord qu'on peut donner à ce projet, nos préoccupations sont évidemment de l'ordre de l'impact qu'un tel projet peut avoir dans les différents milieux. Il m'apparaît, à première vue en tout cas, j'oserai le dire, que le gouvernement n'est pas très bien outillé à ce stade-ci pour répondre à toutes les questions, à tous les problèmes qui risquent de se présenter dans le projet qui nous est soumis.

Tout d'abord, je dois dire, après avoir écouté le ministre ce matin, que j'ai trouvé plutôt étonnant qu'avant même de connaître la position de l'opposition officielle sur le projet, il ait décidé, ou tout comme en tout cas, quand on regarde ses arguments, il ait décidé que nous serions contre le projet. C'est bizarre, je ne sais trop par quel processus mental il est passé pour en arriver à la conclusion, avant même que nous ayons pu nous prononcer sur le sujet, avant même que le débat n'ait commencé, qu'il ait pu arriver à la conclusion que nous serions contre.

Peut-être a-t-il oublié, ou n'a-t-il jamais écouté l'opposition officielle quand elle garantissait aux électeurs canadiens que le souci de la justice distributive et de l'équité nous guiderait toujours dans l'analyse que nous ferions de l'ensemble des éléments qui seraient soumis à notre considération dans cette Chambre. Peut-être le ministre a-t-il oublié cela ou peut-être ne l'a-t-il jamais su! Monsieur le Président, donnons-lui le bénéfice du doute et avertissons-le pour l'avenir. Que le ministre n'ose plus jamais penser à la place de l'opposition officielle, considérant le fait qu'il semble déjà suffisamment préoccupé à essayer de comprendre la nature des dossiers qu'il soumet à cette Chambre. Il n'a pas de réponses à toutes les questions, il a à travailler encore sur ces dossiers, et il serait important qu'il le fasse. L'opposition va faire son travail, et le ministre doit faire le sien.

(1145)

Je suis particulièrement, agréablement surpris, dirais-je, de l'approche de nos amis d'en face qui disent qu'ils portent, je dirais, la plus haute considération aux résultats d'un référendum qui a eu lieu à l'île-du-Prince-Édouard et qui révèlent que les citoyens de cette province sont très intéressés par le projet, le souhaitent vivement et le considèrent comme étant un progrès social important. Cette préoccupation de respecter la volonté populaire des citoyens, émise par le biais d'un référendum, mérite d'être mise en évidence et mérite aussi d'être rappelée à nos amis d'en face pour l'ensemble des référendums qui peuvent éventuellement être tenus dans ce pays et comporter des incidences importantes pour l'avenir des collectivités.

Mes plus grandes préoccupations, en ce qui me concerne, sont d'ordre environnemental. Je comprends et je m'associe au projet qui est devant nous. Je comprends son intérêt, à première vue, pour les citoyens de l'Île-du-Prince-Édouard, mais je ne peux qu'émettre certaines réserves, qui existent et qui sont là, relativement surtout au phénomène des glaces. Je ne suis pas un expert de ce genre de choses, mais on m'indique qu'il pourrait y avoir une accumulation importante de glaces à une certaine période de l'année aux abords de ce pont, modifiant de ce fait l'écologie du secteur en question et ayant une incidence, possiblement très importante, sur les pêches. Je pense que le gouvernement reconnaît cette dimension préoccupante en allouant, sauf erreur, un plan de redressement de 10 millions, pour permettre une transition auprès des pêcheurs qui travaillent dans cette région. C'est donc dire qu'on reconnaît un impact important sur les pêches.

Je suis de ceux qui sont sensibles à ce genre de situation; je suis de ceux qui auraient souhaité approfondir la question environnementale. Je suis préoccupé, je sais qu'une cause a déjà été inscrite en justice, que certains jugements ont été rendus, qu'il y a eu une deuxième possibilité pour la cour de se prononcer sur la qualité des études environnementales qui ont été faites. Mais je dois dire qu'il me semble que pour un projet de cette envergure, qui risque d'avoir des impacts très importants-on n'a pas besoin d'être un expert en environnement pour le comprendre-, toute la question environnementale aurait pu être grattée davantage, aurait pu obtenir davantage de réponses, d'éclaircissements. Il y a des points d'interrogation en ce qui me concerne sous cet aspect, il y a pour l'avenir d'un certain nombre de pêcheurs des éléments négatifs. Il y a peut-être aussi sur le plan


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climatique, peut-être aussi sur le plan social, des conséquences négatives qui pourront découler de ces changements importants.

J'aurais aimé, en tout cas, que le gouvernement, au lieu de procéder un peu à la hâte, j'oserais le dire, que ce dernier aille plus loin et soit en mesure de nous donner plus d'assurance que ces questions-là ont été traitées avec soin. Ce ne sont pas les gens de l'Ontario non plus que les gens d'Ottawa qui vont avoir des problèmes avec ce pont, si jamais problème il y a, non plus que les gens de Montréal ou de Vancouver, mais bien les gens de cette région-là, qui est une région fragile sur le plan économique, qui est une région à faible densité de population. Et tout impact important, tout mégaprojet dans ce secteur-là peut, oui, avoir des répercussions extrêmement positives si le projet évidemment est adéquat, mais pourrait aussi avoir des répercussions négatives si, par hâte de le réaliser, on n'a pas pris soin d'examiner tous les aspects du problème.

(1150)

Quant aux questions environnementales, je trouve qu'on les évacue un peu rapidement. J'ai l'impression qu'on a essayé d'arriver à cette échéance en bousculant un peu les intervenants. Bref, cette préoccupation, je souhaite qu'elle soit enregistrée à ce stade-ci.

Concernant le financement, c'est la plus grande inquiétude que suscite ce projet. On évalue les coûts du pont en question qui est, disons-le, un mégaprojet, aux environs de 850 millions de dollars. Soit! Huit cent cinquante millions, ce ne serait pas la première fois, pour un projet de cette envergure, pour lequel il n'existe pas beaucoup de précédents, qu'on se tromperait dans l'évaluation des coûts.

D'autant plus que mes informations sont à l'effet qu'une étude de la firme Wood-Gordon avait révélé, l'an dernier, que le coût pourrait se situer aux alentours de 1,3 milliard de dollars. Comment expliquer qu'on puisse aujourd'hui, avec certitude, dire que le coût sera de 850 millions, alors que c'est un projet relativement novateur et que, pour ce même projet, des experts ont déjà affirmé que le coût pourrait être d'au moins 50 p. 100 plus élevé que le chiffre qu'on nous présente aujourd'hui?

Je ne veux pas servir ici cet argument pour empêcher que le projet se fasse, mais j'aimerais au moins signaler à cette Chambre, au gouvernement et aux honorables députés d'en face, que ce ne serait pas la première fois dans ce pays qu'un mégaprojet dépasse de façon considérable les sommes initiales prévues par le gouvernement et que le gouvernement se retrouve gros-jean comme devant dans l'obligation, à même les impôts des contribuables, à même les taxes des citoyens, que le gouvernement se ramasse, dis-je, dans l'obligation de pelleter des millions dans un projet, parce que l'évaluation initiale n'était pas bonne.

Je pense qu'on ne peut pas terminer ce débat sans que le ministre responsable, qui d'ailleurs devrait être parmi nous, car il serait intéressant qu'il soit ici. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Je tiens à rappeler à tous les députés la tradition qui exige qu'on ne passe pas de commentaires sur l'absence d'un député. Nous connaissons tous les exigences de notre disponibilité de temps. Je tiens simplement à rappeler à tous les députés qu'on ne mentionne pas l'absence d'un autre député.

M. Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, je veux bien ne pas mentionner l'absence de la personne, mais j'aimerais savoir si quelqu'un en face pourra répondre aux questions qu'on se pose.

Si la question vaut la peine d'être débattue, il serait important qu'on puisse avoir un interlocuteur valable pour répondre à ces préoccupations. Je pense que le sens du Parlement, je me permettrai de vous le rappeler, le sens du Parlement est vraiment de permettre aux parlementaires de faire connaître des points de vue sur des projets.

Je crois que la motion qui est devant nous aujourd'hui est de nature à demander la collaboration de l'opposition. D'ailleurs, un certain nombre de discours faits jusqu'à présent sollicitent cet appui. On l'accorde, mais encore faudrait-il, et c'est important, que les personnes concernées aient au moins le souci de répondre aux préoccupations qui sont les nôtres.

Je veux bien ne pas mentionner l'absence ou la présence, mais je souhaite, et je suis certain d'être en concordance avec le Règlement à cet égard, je souhaite vivement que quelqu'un puisse apporter une réponse, que quelqu'un nous écoute pour pouvoir donner des détails et des explications sur cette question.

Donc, je reviens à la question du financement. Ce ne serait pas la première fois, dans ce pays, qu'un projet coûterait plus cher que prévu. De quelles façons le gouvernement a-t-il prévu financer les dépassements de coûts, s'il y en a? J'imagine qu'un gouvernement responsable a prévu une façon de procéder. Si c'est le cas, j'aimerais qu'on nous la transmette, qu'on nous explique qui assume des responsabilités, si ça s'avérait un projet désastreux au plan de la construction. Il serait important qu'on le sache.

(1155)

Monsieur le Président, vous comprendrez que, compte tenu de la situation, il y a eu une époque où, peut-être, ces questions-là avaient moins d'importance, compte tenu de la solidité financière du gouvernement, mais dans un contexte où on s'apprête à couper dans des programmes sociaux ou dans des programmes de santé, un peu partout, par manque d'argent, parce qu'on a un déficit d'au-delà de 40 milliards annuellement, on se préoccupe de cette question-là à ce stade-ci. Le gouvernement doit avoir prévu une façon de financer les dépassements s'il y a lieu et qu'il nous la fasse connaître.

Concernant l'entretien, une autre préoccupation qui nous appartient est la suivante. Je n'ai pas vu, dans les documents qui m'ont été accessibles, d'estimation. Probablement qu'elle existe, mais je ne l'ai pas vue. J'aimerais que le gouvernement puisse répondre à la question suivante: À combien sont estimés annuellement les coûts d'entretien de cette structure? Seraient-ils assumés par le consortium qui gérera ce pont-là? Y a-t-il des coûts maximums prévus? S'il y a des dépassements à ces coûts d'entretien ou des bris majeurs, qui en est responsable? Est-ce que le gouvernement endosse une certaine responsabilité là-dedans ou est-ce que, tout simplement, les promoteurs assumeront tous les imprévus et les aléas qui pourraient survenir? Il serait important que nous le sachions.


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Quoiqu'il ne s'agisse pas du même type de structure, on sait qu'un pont au-dessus de l'eau salée est une structure qui risque d'être endommagée beaucoup plus facilement que partout ailleurs. Les coûts d'entretien risquent donc d'être proportionnels à l'emplacement de ce pont-là, au fait qu'il est extrêmement long et dans une situation, on l'admettra, peu facile, en plein golfe Saint-Laurent et soumis à des variations de température et à des conditions climatiques particulièrement difficiles. Il serait donc intéressant qu'on nous donne toutes les informations relatives aux responsabilités assumées par le gouvernement quant à l'entretien ou quant à un bris majeur possible de la structure, une fois celle-ci en place.

Voilà donc un certain nombre de questions qui méritent des éclaircissements. Je pense que ce projet-là est trop important, économiquement, pour la région qu'il dessert pour qu'on puisse se permettre de ne pas en faire un succès, un succès de construction, un succès d'opération.

Je sais que mes collègues d'en face semblent d'accord avec l'approche que je propose en disant: «Oui, il faut que ce soit un succès», mais il ne s'agit pas de le dire, il ne s'agit pas d'exprimer la pensée magique qu'on veut que ce soit un succès de construction, que ce soit un succès au plan social et économique, que ce soit un succès au plan de l'entretien, que ce soit un succès pour l'entreprise qui va l'opérer, que ce soit un succès pour le gouvernement qui va regarder circuler les gens et qui va relier ainsi une province isolée avec le continent. On veut bien que ce soit un succès dans tous ces aspects-là, mais il ne s'agit pas d'avoir la pensée magique pour que ce soit ainsi.

Il faut que le gouvernement agisse de façon responsable, et c'est pour ça qu'il doit donner des explications, qu'il doit fouiller, gratter le moindre aspect qui peut faire problème ou sur lequel on pourrait se poser des questions pour éviter que, encore une fois, ce gouvernement ne se lance dans une aventure sans fin dont le résultat, malheureusement, serait de mettre à contribution encore une fois l'ensemble des contribuables canadiens, dans quelque chose, en plus, qui ne fonctionne pas bien.

Alors, il y a beaucoup de questions qui restent sans réponse, et je crois qu'il appartient à cette Chambre, au cours de ce débat, de donner ces réponses-là.

(1200)

En terminant, j'aimerais bien que des personnes mandatées par le ministre puissent répondre à toutes ces questions, et faire part de mon inquiétude de voir que les emplois-mon collègue de Bourassa y a fait allusion tout à l'heure-qui sont liés actuellement au service de traversiers, tout près de 400 emplois, bref 350 emplois en gros, risquent de disparaître, puisque évidemment le pont ne nécessitera pas autant d'employés que le nécessite un service de traversiers.

Je comprends bien qu'il y ait pu y voir des discussions avec plein de monde. Vous savez, avant que ne ferme une entreprise, il y a toujours plein de discussions entre les centres de main-d'oeuvre, tout ce beau monde-là, les corporations de développement économique, pour trouver des solutions, recycler du monde, etc. Le résultat en est que les emplois nets sont diminués considérablement dans ce secteur, un secteur qui en a grandement besoin.

Il n'est pas évident que les gens vont trouver facile sur le plan social de vivre cette mutation négative qui fait disparaître des emplois. Est-ce que le pont apportera une équivalence positive en termes d'emplois pour les gens de l'île, pour les gens du Nouveau-Brunswick? Peut-être, on le souhaite. Mais c'est loin d'être garanti, et il m'apparaît qu'il y a beaucoup de zones grises dans toute cette question de l'emploi. Et le gouvernement aurait avantage aussi à faire en sorte de gratter cette question-là et de trouver des réponses un peu plus complètes que celles qu'on a eues jusqu'à maintenant.

[Traduction]

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Monsieur le Président, j'ai une courte remarque à faire sur le discours du député.

D'abord, il me semble y avoir un peu de confusion entre le député et le chef de l'opposition quant aux effets sur l'environnement et l'évaluation à cet égard. Nul doute qu'ils s'expliqueront sur cette apparente divergence.

Je voudrais également faire remarquer que le ministre a déjà répondu, dans son discours initial, à nombre des questions que le député voulait lui poser. Je ne sais pas si le député était présent à ce moment-là. Peut-être s'entretenait-il avec un collègue. Nombre des questions posées avaient trait, à ma connaissance, à des points déjà soulevés par le ministre et ayant sans doute échappé au député.

Le député a signalé l'absence du ministre. Je tiens à lui faire remarquer que tout juste derrière le ministre siège son secrétaire parlementaire, le député de Saint-Boniface. J'estime qu'il importe pour tous les députés de reconnaître le formidable soutien que les ministres reçoivent de leurs secrétaires parlementaires. Ces derniers assument des responsabilités supplémentaires et font un travail colossal, notamment, en ce qui concerne les questions du genre de celle soulevée par le député.

Je ne veux certes pas demander l'impossible aux secrétaires parlementaires, mais j'estime que ceux-ci ont la compétence voulue pour étudier très attentivement les questions de ce genre.

Pour ma part, je compte sur une secrétaire parlementaire, qui se trouve tout juste derrière le député de Saint-Boniface et qui m'est d'un très grand secours dans les débats sur des questions comme celles-ci. Quand le député de Saint-Boniface et elle prennent la parole sur des points particuliers, ils le font au nom de leur ministre. J'estime d'ailleurs qu'ils ont autant d'éloquence que les ministres, voire davantage. Nous sommes très heureux du soutien qu'ils nous offrent.

Je ne doute pas que le député voudra dissiper l'impression qu'il a laissée que, d'une certaine façon, le secrétaire parlementaire n'est pas en mesure de répondre aux questions qu'on lui pose. Je sais parfaitement bien que le secrétaire parlementaire est tout à fait capable de répondre d'une manière détaillée et précise aux questions. Je ne doute pas que le député, qui est un partisan de l'équité dans cette enceinte, trouvera les réponses tout à fait acceptables.


1359

Il est important de souligner que, si le ministre des Travaux publics vient à s'absenter, son secrétaire parlementaire peut le remplacer au pied levé. C'est la même chose dans mon cas. J'ai dû aller à Vancouver hier, mais je n'ai eu aucune crainte à confier toutes les questions liées à mon ministère à ma secrétaire parlementaire qui, je le répète, possède toute la compétence voulue.

Le député reconnaîtra sans doute qu'en cas d'absence des ministres, et cela arrive de temps en temps, on peut faire pleinement confiance aux secrétaires parlementaires. Si le député n'était pas à la Chambre et qu'il n'ait donc pas entendu les réponses aux questions qui l'intéressent, nous serions. . .

(1205)

Le président suppléant (M. Kilger): Je me demande si je pourrais demander la collaboration des deux côtés de la Chambre au sujet de l'absence et de la présence des députés. Comme chacun sait, les horaires des députés sont si chargés qu'ils ne peuvent pas être à la Chambre tout le temps. Je demande donc aux députés de faire preuve de respect les uns envers les autres à cet égard.

Je présume que le ministre n'a plus rien à ajouter.

[Français]

Le député de Roberval a-t-il quelque chose à ajouter aux commentaires du ministre du Revenu?

M. Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, c'est inquiétant qu'un membre du Cabinet réussisse à démontrer que ce qu'il voulait entendre, il l'ait entendu.

Il y a des choses que je n'ai jamais dites dans mon intervention et on vient me prêter certains propos. Je n'ai jamais dit que le secrétaire parlementaire était incapable de répondre aux questions. Je n'ai jamais dit cela! Mais est-ce ce que le ministre a compris? Ce serait, pour le ministre, une façon inquiétante de se comporter dans cette Chambre. Je n'ai jamais dit cela. Par contre, j'ai soulevé un grand nombre de questions auxquelles le ministre n'a pas du tout apporté d'explications dans son discours.

Or, le ministre du Revenu vient nous dire que le ministre a répondu à toutes les questions posées par le député. Ou bien le ministre n'entend que ce qu'il veut entendre ou il y a un problème d'interprétation, de compréhension. Mais il y a un problème quelconque.

J'ai posé des questions qui méritent d'avoir une réponse. Si le secrétaire parlementaire est capable d'y répondre, qu'il se lève et qu'il réponde. C'est pour cela que, considérant l'importance du temps de cette Chambre, j'ai pris la peine de consacrer 20 minutes à questionner le projet de façon raisonnable, correcte, convenable, en style parlementaire. Je ne veux pas me faire reprocher d'avoir donné mon aval à un projet alors que j'avais, en toute conscience, des préoccupations. Cet aval, je l'accorde, tout en disant au ministre qu'on aimerait avoir des explications. Cela me semble normal; c'est ainsi que se font normalement les débats en Chambre et j'aimerais qu'on y donne une suite plus sérieuse que de dire que j'ai dit des choses qui n'ont jamais été prononcées.

Je ne comprends pas l'approche du ministre et je ne suis pas sûr qu'il la comprenne lui-même, si je regarde la façon dont il m'a répondu.

[Traduction]

Mme Jane Stewart (Brant): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt l'intervention du député qui a duré 20 minutes, ainsi que le discours du chef de son parti.

Tous deux reconnaissent qu'il s'agit d'une modification à la Constitution. En fait, la reconnaissance, par le gouvernement, du référendum qui s'est tenu sur l'île et de l'importance de ce référendum semble les réjouir.

On dirait qu'ils veulent se servir de cette discussion pour créer un précédent en vue d'autre chose. Ils n'ont fait aucun commentaire, cependant, sur ce qu'a dit le ministre à propos de l'importance de cet ouvrage de franchissement non seulement pour les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard, mais aussi pour tous les Canadiens.

S'ils veulent se servir de la discussion d'aujourd'hui comme d'un précédent en vue d'autre chose, qu'ils se rappellent qu'il est important que les questions examinées à la Chambre profitent à tous les Canadiens. Je crois que certaines des initiatives que le député pourrait proposer dans l'avenir ne profiteront pas à l'ensemble des Canadiens.

À mon avis, la direction prise par son parti et les efforts qu'il fait pour renforcer la position du Québec ne sont ni dans l'intérêt de tous les Canadiens, ni dans celui de tous les Québécois. Cependant, j'hésite à me prononcer en leur nom. Je voudrais simplement faire remarquer cela au député et lui rappeler que lorsque le ministre a parlé de cet ouvrage de franchissement, il a beaucoup insisté sur son importance pour le pays tout entier.

(1210)

[Français]

M. Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, je suis absolument abasourdi. Je suis sidéré et j'ai beaucoup de difficulté à réagir à l'intervention que vient de faire la députée, alors qu'elle est en train de nous expliquer qu'un référendum, lorsqu'il est tenu pour une question qu'elle juge d'intérêt national, doit être respecté, mais que, éventuellement, un référendum qui pourrait être tenu sur une question, donc qu'elle ne juge pas d'intérêt national, n'aurait pas la même valeur ou ne devrait pas intéresser cette Chambre de la même façon.

M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul): C'est vrai!

M. Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, j'entends des commentaires à l'effet que c'est vrai. C'est grave ce qui vient d'être dit. Si le respect de l'exercice démocratique pour les gens d'en face. . .

Une voix: On doit l'écouter?


1360

M. Gauthier (Roberval): Oui, vous devez l'écouter. Si le respect d'un geste démocratique pour les députés d'en face n'a d'intérêt que dans la mesure où il sert leurs fins, bien, il est temps que le chat sorte du sac.

Je pense que dans ce pays, le respect des valeurs démocratiques, quel que soit le résultat de la consultation démocratique, doit être respecté, quelles qu'en soient les conséquences. Si jamais, de ce côté, des députés de la Chambre croyaient qu'on peut bafouer le résultat d'un exercice démocratique quand il ne sert pas nos intérêts politiques, je les inviterais à en discuter avec leur premier ministre. Ils ont comme un problème à l'intérieur du caucus. Je ne suis pas sûr que l'honorable premier ministre pourrait être très fier de savoir que ses députés ne comptent respecter les référendums que lorsque le résultat fait leur affaire. On en prend bonne note.

[Traduction]

M. Joe McGuire (Egmont): Monsieur le Président, je suis très heureux de pouvoir me prononcer sur cette modification aujourd'hui, sachant pertinemment que la construction de cet ouvrage de franchissement fait bel et bien partie du programme du gouvernement. Il ne nous reste plus qu'à adopter cette résolution portant modification des conditions de l'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard au Canada.

Je tiens à remercier mon collègue, l'honorable député de Cap Breton-Richmond-Est et ministre des Travaux publics. Ardent défenseur des intérêts du Canada atlantique, il mérite, à coup sûr, la gratitude de l'ensemble des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard pour tout ce qu'il a fait en faveur de la construction de cet ouvrage de franchissement. Pour ma part, j'y suis favorable depuis le début puisque j'ai voté en faveur lors du plébiscite de 1988.

À l'intention de tous les députés présents, je voudrais apporter une précision sur un point qui a été soulevé par le député de Roberval et deux autres députés. L'Île-du-Prince-Édouard n'a jamais tenu un référendum sur ce projet. Certes, elle a tenu un plébiscite là-dessus, mais ce sont deux choses différentes. Le référendum a un caractère exécutoire, pas le plébiscite.

Désireux de connaître l'opinion de ses concitoyens au sujet de l'éventuelle construction d'un ouvrage de franchissement, le premier ministre de l'époque, M. Ghiz, avait organisé un plébiscite. Il n'était donc pas lié par les résultats de l'exercice. Il voulait tout simplement savoir si l'opinion publique était en faveur ou pas de son initiative. Si les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard lui avaient fait savoir qu'ils étaient contre l'ouvrage de franchissement, il était tout disposé à abandonner les démarches entreprises.

Les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard ne se sont jamais prononcés par voie de référendum sur l'ouvrage de franchissement. S'il y a encore des députés d'en face ou de ce côté-ci qui le croient, je répète qu'il n'en fut rien.

Depuis que la Chambre a donné son aval au projet le 15 juin dernier en adoptant le projet de loi C-110, ma décision d'appuyer la construction de cet ouvrage n'en est que plus inébranlable. Même si le projet n'en est encore qu'à ses débuts, on voit déjà un vent d'espoir et d'optimisme souffler sur l'île. Un représentant de l'industrie de la construction a déclaré que les retombées du projet n'étaient pas seulement de nature économique. On ne parle que de cela.

Je me rends compte que les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard n'étaient pas, ne sont pas et ne seront probablement jamais unanimement en faveur de la construction du pont. En 1988, lors du plébiscite, les résultats étaient d'environ 60 p. 100 et 40 p. 100. Depuis, l'appui au projet a augmenté constamment. Selon des estimations récentes, 75 à 80 p. 100 des habitants sont favorables à la construction d'un lien permanent. On a déployé tous les efforts pour offrir aux opposants légitimes du projet l'occasion d'exposer leurs motifs devant le comité législatif.

(1215)

Au cours des audiences du comité législatif de la Chambre des communes, en mars dernier, nous nous sommes efforcés de favoriser un équilibre entre le nombre de témoins qui étaient favorables au lien permanent et ceux qui s'opposaient à ce projet.

Plus de 200 nouveaux députés à la Chambre n'ont pas participé à ces débats de la trente-quatrième législature, lorsque nous avons adopté le projet de loi C-110 autorisant la mise en oeuvre du projet. Quand cette mesure législative a été adoptée ici, la question que soulèvent le député de Roberval et d'autres députés avait déjà été débattue et avait été consignée dans tous les comptes rendus, que ce soit ceux du comité législatif ou les débats de la Chambre de mars, mai et juin derniers. Bon nombre des questions qu'on soulève aujourd'hui ont déjà été débattues et nous y avons répondu de notre mieux. Si les députés désirent faire la lecture des débats qui ont été tenus à la Chambre lorsque le projet de loi C-110 portant sur le lien permanent a été adopté, qu'ils le fassent.

Aujourd'hui, notre principale préoccupation est la modification de la Constitution. Le projet de loi visant à construire un lien permanent a déjà été adopté. Je peux comprendre que les députés soient curieux et qu'ils posent des questions aujourd'hui.

Comme je l'ai dit plus tôt, malgré l'opposition de certains milieux locaux, l'appui au projet a continué d'augmenter parmi les insulaires. Nous sommes ici aujourd'hui pour franchir le dernier obstacle juridique et adopter une modification à la Constitution, ordonnée par les tribunaux, qui autorisera un ouvrage de franchissement, un pont, à la place du service de bateaux à vapeur prévu par les conditions d'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard. Cette modification résulte de la décision de 1992 de madame la juge Reed.

Je désire rappeler à la Chambre que le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard a déjà adopté cette modification constitutionnelle à l'unanimité. Ce projet est appuyé par les trois gouvernements de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et du Canada. En adoptant cette mesure, nous disons oui au Canada atlantique.

Vu que le service de traversiers n'a pas toujours toute l'efficacité souhaitée, ce projet permettra au gouvernement fédéral de s'acquitter de sa responsabilité qui est d'assurer un service de transport et de communication adéquat entre l'île et le continent. Ce projet permettra à l'Île-du-Prince-Édouard de s'intégrer au réseau qui a ouvert d'autres parties du Canada à la croissance et


1361

au développement. C'est un projet qui témoigne de l'esprit de notre État fédéral.

C'est pour cela que je suis heureux d'être ici aujourd'hui et de défendre une fois de plus ce projet de pont. On a maintes et maintes fois fait l'historique de l'idée et du choix d'un pont. Tout cela est bien connu. De nombreux débats ont eu lieu, et on a fait maintes études. Comme je l'ai dit, nous sommes déjà passés par là au printemps et au début de l'été, l'an dernier.

Cela étant dit, je vais parler de l'objet du débat d'aujourd'hui, qui est de modifier les conditions d'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard. Je tiens à mettre au compte rendu le texte original de ces conditions d'adhésion. Le voici:

Que le gouvernement du Canada se chargera des dépenses occasionnées par les services suivants [. . .]un service convenable de bateaux à vapeur, transportant les malles et passagers, qui sera établi et maintenu entre l'île et les côtes du Canada, l'été et l'hiver, assurant ainsi une communication continue entre l'île et le chemin de fer Intercolonial, ainsi qu'avec le réseau des chemins de fer du Canada;
La modification d'aujourd'hui prévoit un ouvrage de franchissement, un pont, à la place du service de bateaux à vapeur. Comme la majorité des députés le savent, nous n'avons plus de trains à l'Île-du-Prince-Édouard. Tout ce que nous faisons ainsi, c'est raccorder notre réseau routier à celui du reste du Canada.

Il a fallu plus de 120 ans et plus de 90 études avant que l'on accepte le principe de ce changement qui, déjà, profite à la région atlantique. En 1988, le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard a cristallisé la question en tenant un plébiscite. Le résultat positif de cette consultation populaire a été le facteur déclenchant qui a fait passer de l'idée à la réalité. Les nombreuses études entreprises à la suite de ce plébiscite se sont penchées sur les préoccupations des gens et des gouvernements.

(1220)

Il est temps de reconnaître que ce projet, à l'origine du rapprochement entre les entreprises et la main-d'oeuvre à l'Île-du-Prince-Édouard, est extrêmement logique. Grâce à lui, les opposants politiques se sont ralliés à une cause commune. Cette mesure essentiellement parrainée par le gouvernement conservateur durant la dernière législature avait alors été appuyée par le Parti libéral.

L'organisation Islanders for a Better Tomorrow a mené la campagne en faveur de cet ouvrage de franchissement, et nous devons lui exprimer notre reconnaissance pour ses efforts. Ce groupe et tous les autres partisans de cet ouvrage estiment que ce projet est excessivement important pour l'avenir de l'Île-du-Prince-Édouard et pour celui du Canada atlantique. Il donnera à l'Île-du-Prince-Édouard la possibilité de jouer un rôle clé dans la relance économique du Canada atlantique. Il donnera à notre province la possibilité d'être reconnue pour autre chose que pour sa petite taille, ses paiements de péréquation et ses pommes de terre.

Ceux qui s'opposent à ce projet ont soulevé certaines questions au sujet de l'environnement, de la pêche et des employés de la compagnie de traversiers. Les tribunaux ont conclu que toutes les mesures raisonnables avaient été prises et que les effets négatifs que pourrait avoir sur l'environnement le pont qu'il était proposé de construire étaient négligeables ou pouvaient être réduits grâce à la technologie. En ce qui concerne la pêche, un accord qui a été conclu prévoit que les pêcheurs seront indemnisés pour toute interruption forcée ou toute perte d'accès entraînée par les travaux de construction.

Pour ce qui est des employés de la compagnie de traversiers, des discussions sont en cours. La brochure dit exactement quelles sont les mesures que nous sommes en train d'envisager en ce qui concerne, par exemple, le recyclage des travailleurs, les possibilités d'emploi, la retraite anticipée et ainsi de suite. Ces mesures seront mises en place au cours des prochaines années afin d'apaiser les préoccupations des employés de la compagnie, ce qui est un aspect important de tous ces entretiens.

La balance penche nettement en faveur du pont. L'activité économique connaîtra une croissance certaine durant la période de construction et aussi par la suite. Le pont créera des emplois et ce sera l'occasion d'acquérir de l'expérience. L'Île-du-Prince-Édouard a désespérément besoin d'emplois.

Le lien fixe constitue le plus important programme d'infrastructure jamais entrepris dans la région de l'Atlantique. Jamais nous n'aurons une occasion d'une telle ampleur. Il est temps de passer à l'action.

C'est dans cet esprit que j'aimerais terminer en citant un article de Rob Matthews, chroniqueur du secteur des affaires pour le Chronicle Herald de Halifax et pour le Mail Star qui disait, dans un article du 4 février, à peu près ce qui suit: «Ces questions ont fait l'objet de suffisamment d'études pour que nos représentants élus ou désignés décident si le pont est valable sur les plans politique, économique et environnemental. Il faut bien arrêter d'en discuter à un moment donné. Malheureusement, d'excellents projets sont parfois contrecarrés par ceux qui veulent absolument voir le processus aboutir à leur propre solution ou sinon, préfèrent choisir un autre processus qui leur donnera satisfaction. Les entrepreneurs et les gouvernements ont finalement compris que quel que soit le projet de construction, il se trouvera toujours quelqu'un pour s'y opposer. De nos jours, il n'existe plus de consensus sur aucun sujet. Il en va de même pour les évaluations publiques alors qu'on retrouve toujours les mêmes voix et les mêmes personnalités qui se disputent le feu des projecteurs. Ils refusent d'accepter la réalité ou sont incapables de comprendre que la création d'emplois et le développement se font dans l'action et non dans la paralysie. Le lien fixe comporte d'importants avantages pour l'avenir. Plus on se hâtera d'y accéder, mieux ce sera.»

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis): Monsieur le Président, le député à donné sa définition des mots référendum et plébiscite et en soulignant entre autres que, dans ce cas-ci, c'était simplement un plébiscite et que le gouvernement comme tel n'était pas obligé de se soumettre au résultat, mais il rappelait-on le voit aujourd'hui-que, même s'il n'était pas exécutoire selon sa définition, le gouvernement s'est plié à la volonté populaire en réalisant ce travail.


1362

Le deuxième élément que j'aimerais soulever concerne la circulation. Pour être allé à plusieurs reprises à l'Île-du-Prince-Édouard, le pont entraînera sûrement une augmentation de la circulation. Pour rejoindre, par exemple, les îles de la Madeleine, tout le monde sait qu'on doit traverser toute l'île du Prince-Édouard pour prendre le traversier à Souris. Est-ce que le député serait en mesure de nous indiquer des études qui pourraient nous rassurer quant à l'augmentation de circulation qui pourrait occasionner des retards à se rendre aux îles de la Madeleine? Peut-il nous répondre là-dessus?

(1225)

[Traduction]

M. McGuire: Monsieur le Président, en ce qui concerne la question du député relativement au plébiscite, je peux lui dire que le gouvernement fédéral n'a participé d'aucune façon à ce plébiscite. Ce fut un plébiscite mené strictement à l'intérieur de l'Île-du-Prince-Édouard dans le but de donner au gouvernement, dirigé par le premier ministre Ghiz à l'époque, une indication quant à la position des insulaires face à un lien fixe avec le continent. Ça n'avait donc rien à voir avec le gouvernement fédéral; ce dernier n'était même pas indirectement intéressé au projet à cette époque. La réponse c'est donc que le plébiscite visait à sonder l'opinion publique, pour ainsi dire; il devait déterminer ce que les gens de l'île pensaient du pont.

Pour ce qui est des îles de la Madeleine, qui font partie de la belle province de Québec, je crois qu'un pont faciliterait énormément les déplacements. Le député n'aurait plus à attendre à Cap-Tourmentin pendant parfois de longues périodes. Il lui suffirait d'arriver en automobile, d'emprunter le pont et de poursuivre jusqu'à Surrey pour prendre le traversier vers les îles de la Madeleine. Une fois le pont construit, on pourrait donc passer plus de temps dans les îles.

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake): Monsieur le Président, je serai bref. J'aimerais demander quelques clarifications au député d'Egmont qui vient de me précéder.

J'ai visité sa circonscription à plusieurs reprises. C'est une région magnifique. Je l'envie un peu, lui qui représente une si belle circonscription. Je suis sûr qu'il serait lui aussi jaloux de la mienne. Je l'invite à m'y rendre visite quand il le voudra.

J'aimerais qu'il clarifie deux choses. La première a trait au plébiscite. Je semble me souvenir que la question posée laissait entendre que le lien fixe pourrait prendre la forme aussi bien d'un tunnel que d'un pont. Peut-il confirmer ce souvenir?

La deuxième chose concerne ce qu'il vient de dire à propos de l'amendement constitutionnel dont nous sommes saisis aujourd'hui et dont il aurait déjà été question à l'assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard. Je n'étais pas au courant et je me demande si le député pourrait préciser si cet amendement a fait l'objet d'une décision de la part de l'assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard, y compris la partie portant sur l'imposition de droits de péage et la privatisation possible de l'ouvrage.

M. McGuire: Monsieur le Président, j'invite le député à visiter à nouveau l'île du Prince-Édouard; j'y convie également tous les députés de cette Chambre. Il n'y a pas de plus bel endroit à visiter en été. Par contre, je ne m'attends pas à ce qu'il y vienne en hiver, pas plus que je n'aimerais me rendre dans sa circonscription en cette saison.

La question posée pour le plébiscite ne parlait pas d'option. La possibilité d'un tunnel n'apparaissait pas sur le bulletin de vote. On y demandait tout simplement: «Êtes-vous en faveur d'un lien fixe?» Parmi les entrepreneurs qui ont présenté des soumissions pour le lien fixe, certains avaient avancé l'idée d'un tunnel au tout début; un seul a approfondi la question et en a conclu que cette option coûterait beaucoup trop cher et qu'elle ne valait pas la peine d'être explorée plus avant, le pont étant l'option la moins coûteuse.

La question d'un tunnel n'est donc vraiment pas entrée en ligne de compte lors du plébiscite. Les entrepreneurs qui ont étudié l'aspect technique de la chose ont estimé que cette option comportait également de nombreux risques pour l'environnement. Elle n'était pas économiquement viable.

En réponse à la seconde question du député, je dirai qu'au printemps dernier, l'assemblée législative a adopté, à l'unanimité, une résolution avalisant la modification des conditions de l'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard au Dominion du Canada dont nous sommes saisis aujourd'hui. C'est chose faite, mais ce n'est qu'une résolution. L'assemblé législative avait été avisée par madame la juge Reid-tout comme nous l'avons été nous-mêmes, ce qui explique notre présence ici aujourd'hui-que le remplacement du service de traversiers par un pont ne pouvait se faire légalement sans que soit modifiée la Constitution.

(1230)

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, c'est un grand privilège pour moi de participer à ce débat aujourd'hui et plus particulièrement de suivre le député d'Egmont qui défend depuis si longtemps dans cette enceinte les intérêts de sa province de l'Île-du-Prince-Édouard et la construction d'un raccordement fixe.

Avant de poursuivre, monsieur le Président, je voudrais vous féliciter pour votre nomination. C'est un plaisir de vous voir à ce poste. Je suis persuadée que vous allez très bien vous en sortir et que vous pourrez compter sur notre entière collaboration à tous.

En ce qui concerne ce débat, j'ai le privilège de siéger dans cette enceinte et de représenter une circonscription de la région de l'Atlantique depuis plus de cinq ans; je suis intervenue à d'innombrables reprises et j'ai abordé des questions qui avaient un grand intérêt et qui étaient même essentielles pour les gens de notre région. Souvent, lorsque nous examinons les possibilités qui s'offrent en matière d'emplois, de création d'un climat plus favorable aux entreprises, d'exploitation de certaines ressources naturelles et le reste, nous nous heurtons à des murs à cause de notre faible population. À l'instar de toutes les régions du pays, nous sommes confrontés à des problèmes de distance, etc.

C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'interviens aujourd'hui pour appuyer cette modification constitutionnelle tendant à permettre la construction d'un raccordement fixe entre le Nouveau-Brunswick et l'île du Prince-Édouard.


1363

De nombreuses raisons militent en faveur de ce projet. Je sais que des députés de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick intéressés de beaucoup plus près que moi par la question en ont déjà parlé, mais je voudrais simplement m'arrêter sur un domaine dans lequel, selon moi, ce raccordement fait une grande différence. J'ai trouvé très intéressante l'intervention du député qui a questionné mon collègue d'Egmont au sujet de la circulation et de la façon de se rendre aux îles de la Madeleine, et c'est ce sur quoi je veux m'arrêter.

Malgré tous les problèmes et les inconvénients auxquels nous sommes confrontés, tous les gens de la région de l'Atlantique pensent que nous sommes les plus chanceux du pays, particulièrement si nous vivons en Nouvelle-Écosse, ou à l'île du Prince-Édouard, qui est un endroit de choix pour passer ses vacances. Je tiens à dire que le Nouveau-Brunswick l'est également, mais nous aimons nous rendre à l'île du Prince-Édouard pour ses plages, ses merveilleux terrains de golf, sa très bonne nourriture, ses excellents restaurants et le reste.

Je vais à l'île du Prince-Édouard en tant que touriste depuis que je suis toute petite. J'appelle parfois en plaisantant ce raccordement fixe le pont des pignons verts pour nous rappeler pourquoi une visite à l'île du Prince-Édouard est presque une expérience religieuse pour les jeunes Canadiennes en particulier, car c'est la patrie d'Anne de la maison aux pignons verts et de cette remarquable auteure et féministe canadienne Lucy Maud Montgomery.

J'ai passé de nombreuses heures dans mon enfance, dans mon adolescence et lorsque j'étais adulte à attendre dans une automobile, généralement à Cap-Tourmentin, que le traversier arrive. Je me rappelle d'une visite en particulier à ce temps-ci de l'année et je comprends facilement que Joe ne veuille pas aller à the Battlefords en février. Se rendre à l'île du Prince-Édouard en février peut être toute une expérience également lorsqu'on est à la merci du traversier du détroit de Northumberland pris par les glaces.

Je me rappelle avoir assisté à une réunion pour lancer une campagne politique extrêmement célèbre. Les jeunes libéraux des provinces de l'Atlantique se réunissaient à Charlottetown en 1968 pour choisir le candidat qu'ils allaient appuyer à la direction de ce grand parti politique. Certains d'entre nous venant de Halifax se sont dirigés vers Cap-Tourmentin. Si on considère que nous étions en février, nous nous sommes assez bien tirés d'affaire. Cela nous a pris quatre heures environ à partir de Halifax. Nous avons ensuite attendu six heures que le vieux Abegweit arrive au quai. Nous avons embarqué et alors que normalement il faut 45 minutes environ pour effectuer la traversée par beau temps, nous sommes arrivés sept heures et demie plus tard à l'île du Prince-Édouard. Comme nous étions un groupe d'étudiants, nous nous sommes quand même beaucoup amusés sur ce traversier.

Une voix: Je peux le croire.

(1235)

Mme Clancy: Absolument. Nous n'avions pas vraiment d'objection à ce que la traversée soit prolongée de près de sept heures.

Je me souviens que par une matinée lumineuse, nous étions attendus par l'un des plus illustres fils de l'Île-du-Prince-Édouard, soit le premier ministre de l'époque, M. Alec Campbell. Aujourd'hui, bien sûr, il est devenu le juge Campbell, de la cour suprême de l'île. Ce jour-là, le premier ministre n'était vraiment pas content. Il savait que nous étions restés pris dans les glaces durant sept heures au beau milieu du détroit. Il en a profité pour faire un discours sur-le-champ. Il avait rassemblé passablement de monde, comme c'est généralement le cas quand les politiciens de l'île parlent. Il dénonçait le fait que le traversier ne respectait pas l'entente constitutionnelle qui prévoyait l'obligation d'établir un mode de transport adéquat entre le continent et l'île du Prince-Édouard.

Il y aura 26 ans ce mois-ci que cela s'est produit et je m'en souviens encore très bien. Depuis lors, chaque fois que je suis allée à l'île du Prince-Édouard, ce qui fut presque toujours en été ou par la voie des airs, j'ai repensé au discours rempli de passion que le premier ministre Campbell avait alors prononcé.

J'ai souvent discuté de la question depuis, comme le député d'Egmont peut en témoigner, parce que j'étais sceptique au début face à un tel projet. Le député d'Egmont, le secrétaire d'État aux Anciens combattants, deux autres premiers ministres de l'Île-du-Prince-Édouard-Mme Callbeck et son prédécesseur, M. Ghiz-et le député de Malpèque ont tous contribué à me convaincre que c'était la chose à faire, non seulement pour les habitants de l'île, non seulement pour les habitants de la région de l'Atlantique, mais pour tous les Canadiens. Le pont nous donnera le lien de communication dont nous avons besoin et que nous méritons. Cette voie de communication nous donnera accès au berceau de la Confédération, qui compte parmi les plus beaux sites du Canada.

Les nouveaux députés constateront bientôt ce que nous savons, nous qui sommes à la Chambre depuis un certain temps déjà, c'est-à-dire que le fait d'être parlementaire donne une idée très spéciale de l'ensemble du Canada, ce pays uni qui s'étend d'une mer à l'autre et à l'autre.

Aller visiter Charlottetown, où les Pères de la Confédération se sont d'abord réunis pour discuter de ce qui allait se produire en 1867, laisse une impression très particulière et sympathique de la lutte que les politiciens ont livrée à l'époque par le biais de discussions, de négociations et de décisions, pour réaliser ce qu'il y avait de mieux pour leurs concitoyens et pour les Canadiens d'aujourd'hui. Les jeunes des neuf autres provinces bénéficieraient d'une telle visite au berceau de la Confédération; en fait, visiter tous les coins de ce magnifique pays profiterait à tous les Canadiens, jeunes et vieux.

Même si le tourisme compte parmi les principales industries de l'île du Prince-Édouard et même si ce ne sont pas les traversiers qui empêchent les Canadiens de visiter cette belle province, je pense qu'au seuil de l'an 2000, la logique veut que nous y garantissions l'accès de la façon la plus raisonnable, la plus sûre et la plus économique. C'est pourquoi, en notre qualité de députés de la Nouvelle-Écosse, mes collègues et moi appuyons totalement les députés de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick.

Je tiens aussi à attirer l'attention de la Chambre sur le fait que ce pont, cet ouvrage de franchissement créera un nombre d'emplois incroyable. À l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, tout le monde s'est engagé à créer des emplois avec une ferveur presque spirituelle, si je peux dire. Nous n'aimons pas être considérés comme les parents


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pauvres au sein de la Confédération. Nous n'apprécions pas la désignation de provinces moins nanties.

(1240)

Cet ouvrage de franchissement donnera lieu à une expansion économique et favorisera les affaires et le tourisme. Je l'approuve et je félicite ceux qui ont décidé d'aller de l'avant avec ce projet.

Mme Roseanne Skoke (Central Nova): Monsieur le Président, c'est avec intérêt que j'ai écouté les observations de ma collègue, la députée de la Nouvelle-Écosse.

En tant que députée de Central Nova, je puis vous dire que la question d'un ouvrage de franchissement intéresse tout particulièrement mes électeurs. Il est reconnu que le pont de Northumberland, l'ouvrage de franchissement entre l'Île-du-Prince-Édouard et la terre ferme, serait une source de possibilités et de progrès économiques pour l'île du Prince-Édouard et pour tout le Canada atlantique. Cet ouvrage créera des possibilités d'emploi pour les Canadiens de l'Atlantique, tant au cours de sa construction que dans son entretien ultérieur. Il stimulera le tourisme et sera une source de progrès économique.

Toutefois, dans Central Nova, on a exprimé des inquiétudes au sujet de la concurrence qui existe entre l'ouvrage de franchissement, à une extrémité de l'île, et le service de traversiers, à l'autre extrémité. Les employés du service de traversiers dépendent de ce moyen de transporter des marchandises, des insulaires et des touristes entre Caribou et Wood Island. Les chantiers navals et les Métallurgistes unis d'Amérique comptent sur la construction de nouveaux traversiers et sur l'entretien des traversiers existants pour gagner leur vie.

Je tiens à dire aux gens de Central Nova que les conflits d'intérêts entre les deux extrémités de l'île, entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, et entre les travailleurs de la construction et les employés de traversiers et de chantiers navals sont très facilement conciliables.

L'ouvrage de franchissement va créer des possibilités d'emploi et de tourisme pour tous les Canadiens de la région de l'Atlantique. Il ne diminuera en rien l'importance du service de traversiers entre Wood Island et Caribou. Le maintien et l'amélioration du service de traversiers entre Caribou et Wood Island vont créer des possibilités touristiques et économiques pour Central Nova et pour toute la Nouvelle-Écosse.

Par conséquent, au nom des gens de Central Nova, j'appuie la motion qu'a proposée ce matin le ministre des Travaux publics. Je remercie mon éminente collègue pour ses observations.

Mme Clancy: Monsieur le Président, je tiens à féliciter la députée de Central Nova, cette magnifique circonscription qui, pour la première fois depuis des années, peut se vanter d'être représentée par un membre du Parti libéral. Je félicite la députée d'avoir été élue et pour les observations qu'elle a présentées ce matin.

J'ai parlé des avantages que l'ouvrage de franchissement présente pour le tourisme, mais j'ai négligé de signaler à quel point le service essentiellement saisonnier de traversiers entre Caribou et Wood Island est aussi un grand atout pour le tourisme. Les traversiers qui assurent ce service sont construits dans les chantiers navals du comté de Pictou et il n'y a rien que nous souhaitions tous davantage que le maintien de ce service. Sans compter que c'est un merveilleux moyen de se déplacer entre l'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse et de goûter les charmes de deux des plus beaux endroits au monde, à savoir l'Île-du-Prince-Édouard et le comté de Pictou.

La députée est tellement décidée à défendre la cause de ses électeurs que ceux-ci peuvent être assurés que ce service sera maintenu dans l'intérêt de l'industrie touristique comme du monde des affaires et que les deux points d'entrée à l'Île-du-Prince-Édouard, soit par le Nouveau-Brunswick et par la Nouvelle-Écosse, peuvent fort bien coexister dans l'intérêt de tous les Canadiens.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, en mai 1873, le gouvernement de sir John A. Macdonald a adopté une loi visant à accueillir l'Île-du-Prince-Édouard au sein de la Confédération. Un mois plus tard, son cabinet approuvait un décret dans lequel il promettait un «service convenable de bateaux à vapeur, transportant les malles et passagers, qui sera établi et maintenu entre l'île et les côtes du Canada, l'été et l'hiver, assurant ainsi une communication continue entre l'île et le chemin de fer Intercolonial, ainsi qu'avec le réseau des chemins de fer du Canada».

Le contenu de ce décret fait désormais partie de notre Constitution. La promesse a été tenue pendant 121 ans. Aujourd'hui, tant le gouvernement fédéral que le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard désirent modifier la formulation de la disposition sans toutefois toucher à la promesse elle-même. Le gouvernement fédéral sera ainsi tenu de construire un ouvrage de franchissement au lieu d'offrir un service de traversiers.

(1245)

Je tenais donc, dès le début, à rappeler l'intention de nos ancêtres. Leur intention était très claire. Ils voulaient obliger le gouvernement fédéral à assurer une communication continue entre l'île et le continent. Le mode de transport était précisé, il s'agissait d'un service de traversiers. Le gouvernement fédéral tient à confirmer qu'il a l'intention d'agir en ce sens. Cependant, de nos jours, on veut modifier le mode de transport mentionné dans la Constitution.

Le Parti réformiste du Canada ne veut pas argumenter contre les avantages que représente un pont pour l'Île-du-Prince-Édouard. Le projet a été approuvé dans le cadre d'un plébiscite provincial et d'une résolution.

L'ouvrage de franchissement a été la cible des écologistes et des ingénieurs qui prétendent que le pont sera nocif pour l'environnement ou dangereux. Le projet a eu mauvaise presse; il a fait l'objet de débats publics et de contestations judiciaires. Malgré tout, il ne reste plus aujourd'hui qu'à modifier cette disposition de notre Constitution. Il ne fait aucun doute que le pont apportera


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la prospérité aux provinces maritimes et favorisera l'essor économique de l'Île-du-Prince-Édouard.

Nous ne protestons pas aujourd'hui contre le fait qu'un pont remplacera un service de traversiers. Le Parti réformiste ne veut qu'une chose, la prospérité pour toutes les provinces de l'Atlantique. Cependant, le cabinet fédéral ne devrait pas s'empresser aujourd'hui d'adopter un décret visant à modifier la disposition en question. Pour ce faire, il lui faudrait apporter une modification à la Constitution, texte fondamental pour notre pays, puisqu'il détermine notre régime politique et plus précisément la nature des relations entre les provinces et le gouvernement fédéral.

Je parle à deux groupes différents aujourd'hui. Aux habitants de l'Île-du-Prince-Édouard, je veux dire que je comprends pourquoi ils ont besoin de ce pont ou pourquoi ils le veulent. Ce sera une bonne chose pour la province et je crois que beaucoup de Canadiens appuient la construction du pont.

Le deuxième groupe, ce sont les membres du gouvernement. À eux, je voudrais dire que ce qu'ils tentent de faire à la Chambre aujourd'hui est à la fois incorrect et mal inspiré. Je m'explique.

Le gouvernement du Canada invoque l'article 43 de la Constitution du Canada dont je vous lis un extrait:

Les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du Gouverneur général [. . .]
Le gouvernement fédéral tient pour acquis qu'il peut aller de l'avant sans problème en invoquant cet article et que la question ne concerne que lui et deux ou trois provinces. Mais est-ce bien vrai? Se pourrait-il que la construction d'un pont entre l'Île-du-Prince-Édouard et le continent concerne toutes les provinces du Canada et pas uniquement les provinces maritimes? À mon avis, même si la modification ne s'applique pas directement à toutes les provinces du Canada, elle aura des répercussions senties dans chacune d'entre elles et, par conséquent, il se pourrait que le gouvernement pose un geste illégitime.

Si des modifications sont nécessaires, il serait plus juste et plus régulier d'invoquer l'article 38 de la Loi constitutionnelle, car il a au moins le mérite de donner à tous les Canadiens la possibilité d'exprimer leur point de vue.

En quoi les autres provinces sont-elles concernées? Le projet n'en est pas un à frais partagés uniquement entre le gouvernement fédéral et une seule province. Les fonds qui servent actuellement à payer le service de traversiers proviennent du Trésor fédéral. Qui alimente le Trésor? Toutes les provinces ou quelques-unes uniquement? Actuellement, toutes les provinces paient les traversiers de l'Île-du-Prince-Édouard et elles sont heureuses de le faire.

Cependant, le pont, dont le coût est évalué à au moins 850 millions de dollars, sera payé par tous les membres de la fédération parce que le gouvernement fédéral versera 43 millions de dollars par année pendant les 35 prochaines années à ses propriétaires. Ce sont là des sommes appréciables. De telles dépenses de fonds publics nécessitent l'approbation de tous les Canadiens.

Cependant, il y a un autre problème. Le gouvernement, par voie de modification constitutionnelle, s'engage à respecter l'esprit de la disposition initiale, rédigée en 1873, qui est de garder l'île en communication constante avec le continent.

Que se passera-t-il si des problèmes surviennent? Que se passera-t-il si le coût du pont dépasse de plus de 10 p. 100 les prévisions? Un autre député a déclaré que le coût de ce pont pourrait bien doubler. D'autres projets, ailleurs dans le monde, comme le tunnel sous la Manche, et plus près de nous, comme Hibernia, ont connu des dépassements de coûts majeurs. Nous connaissons tous la fiche peu reluisante des précédents gouvernements fédéraux pour ce qui est des dépassements de coûts. Nous nous serons engagés à payer pour ce pont, peu importe les problèmes.

Et si, Dieu nous en préserve, le pont s'écroulait? Le gouvernement aurait l'obligation constitutionnelle de le reconstruire. Je pose ici une très sérieuse question. La modification constitutionnelle obligera tous les membres de la fédération à fournir et à entretenir pour toujours un lien routier entre l'île et le continent.

(1250)

Si le pont devient inutilisable pendant certaines périodes durant l'hiver ou s'il survient des problèmes majeurs, l'objectif visé par cette modification constitutionnelle sera quand même respecté. Le gouvernement devra assurer une liaison continue avec le continent. Autrement dit, si l'ouvrage de franchissement s'avère inutilisable, le gouvernement devra fournir un service de traversiers.

Mis à part la question du droit constitutionnel, le gouvernement ne pourrait pas permettre qu'une province entière soit coupée du continent pendant une certaine période. Si le pont s'avérait inutilisable, un service de traversiers devrait être fourni et, en cas de conflit, je crois que les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard pourraient, au besoin, recourir aux tribunaux pour obtenir ce service.

Le député de Lac-Saint-Jean a fait remarquer le problème de concordance qui existe entre le texte français et le texte anglais de cette modification lorsqu'il a mentionné qu'il s'agit d'un engagement facultatif dans la version anglaise et d'une obligation dans la version française. Cela reste encore vague. Cependant, je crois que ce point est discutable. Nous serons obligés d'assurer une liaison continue.

Dans ce cas, le coût de cette liaison continue avec le continent serait double. C'est un engagement beaucoup plus important que le gouvernement voudrait nous le faire croire. C'est un engagement qui devrait faire l'objet d'une résolution dans chacune des assemblées législatives provinciales du Canada, conformément aux arrangements prévus à l'article 38 de la Constitution.

Même s'il me semble clair que le gouvernement agit de façon incorrecte, peut-être même illégale et certainement imprudente, je ne propose pas de solution juridique. Les modifications constitutionnelles ne devraient jamais être imposées de force simplement parce que c'est la solution la plus pratique. Si le gouvernement insiste pour procéder de cette façon, il y a un moyen simple de résoudre le problème. Dans la décision rendue en mars der-


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nier, la juge Reed de la Cour fédérale du Canada a dit que la suppression du service de traversiers devait être sanctionnée par une modification constitutionnelle. Jusque-là, nous sommes d'accord. Cependant, la juge n'a pas donné d'instructions à la Chambre des communes quant à la formulation de la résolution qui prévoirait cette modification.

Beaucoup d'entre nous estiment que ce n'est pas la bonne façon de procéder pour modifier la Constitution, je le répète, mais si le gouvernement doit le faire, il devrait reformuler sa résolution sans préciser de quelle façon la liaison continue avec le continent serait assurée. Pour être très clair, la modification devrait tout simplement promettre une liaison continue avec le continent, point.

De cette façon, le gouvernement aurait la latitude voulue pour choisir un mode de transport moins coûteux dans l'avenir, tout en menant à bien son projet de pont actuel.

En l'occurrence, le gouvernement du Canada n'engagerait pas toutes les provinces à fournir un raccordement permanent en tout temps et à n'importe quel prix, et le Canada ne serait pas légalement tenu de fournir à la fois un pont et un service de traversiers.

Mais même si cet argument juridique est important, ce n'est pas sur lui qu'est fondée notre opposition à cette résolution. Elle s'appuie sur une considération beaucoup plus profonde qu'une simple subtilité juridique. La Constitution du Canada définit les relations entre les provinces et le gouvernement fédéral. La formule de modification est le moyen dont nous disposons pour redéfinir ou modifier ces relations. Si nous les redéfinissons, nous devons nous assurer de prendre en considération toutes les parties. Nous voulons tenir compte de chacune d'elles pour qu'elles continuent d'entretenir de bonnes relations entre elles. Ce ne sont pas les subtilités juridiques, mais les relations qui sont la pierre angulaire des pays. Il faut donc préserver ces relations à tout prix, notamment à ce moment-ci de l'histoire canadienne, sinon ce sera la fin de la fédération.

Le Parti réformiste du Canada estime qu'il existe une meilleure solution pour préserver les relations à l'échelle de notre pays et mettre à profit la sagesse de chaque Canadien. Cette solution permettrait à la population de ratifier une modification à la Constitution dans le cadre d'un processus qui part de la base, et non pas du haut de la pyramide comme c'est le cas aujourd'hui; chaque Canadien que la question intéresse pourrait participer à l'élaboration des ententes constitutionnelles et avoir finalement son mot à dire lors d'un référendum.

Le gouvernement procède aujourd'hui comme il l'aurait peut-être fait il y a 50 ans, en adoptant simplement une résolution demandant à la Grande-Bretagne de modifier l'AANB. Cette façon de procéder n'est plus acceptable pour les Canadiens.

Je pense à l'Empire romain. Avant d'entreprendre quoi que ce soit d'important, les Romains priaient le dieu Janus. Janus était un dieu à deux visages qui regardait à la fois le passé et l'avenir. Les Romains espéraient que ce dieu les guide et leur fasse voir leurs erreurs du passé pour éviter de les répéter dans l'avenir.

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Ce dieu-là est passé dans les livres d'histoire avec l'Empire romain, mais je crois que nous pouvons apprendre quelque chose de ce concept. Quand il s'agit de modification à la Constitution, si nous ne tenons pas compte de ce que nous avons connu ces dernières années, nous faisons une grave erreur à la Chambre des communes.

Les électeurs canadiens ne tolèrent plus les politiciens qui sont atteints de ce qu'on appelle la fièvre outaouaise dès qu'ils sont élus. Cette maladie produit entre autres symptômes, comme nous l'avons déjà dit, une ouïe sélective, une mémoire défaillante et l'incapacité de discerner le simple bon sens des Canadiens ordinaires. La fièvre outaouaise a tué un gouvernement et un parti national il y a quelques mois à peine. Le gouvernement actuel n'a-t-il pas tiré la leçon des erreurs des conservateurs?

Je crains vraiment que la Chambre et le gouvernement actuel ne s'embarquent dans un programme législatif, incluant ces modifications à la Constitution, qui présente les premiers symptômes de la fièvre outaouaise.

Le ministre des Finances parle en effet d'éliminer les échappatoires fiscales et d'élargir l'assiette fiscale dans le budget qu'il va bientôt présenter. Il donne une apparence agréable à une vilaine réalité en disant que les Canadiens souhaitent voir instaurer une équité accrue dans le régime fiscal, ce qui est simplement une autre façon de dire que le gouvernement veut faire cracher les contribuables. Cela, au moment où ces derniers supplient le gouvernement de cesser de les pressurer pour commencer à les écouter quand ils lui demandent de réduire ses dépenses.

Sur un autre point, beaucoup d'électeurs, dont notamment ceux de Markham-Whitchurch-Stouffville, réclament le droit de révoquer leur député, mais leurs appels tombent dans les oreilles de sourds. Nous ne voyons rien venir concernant ce droit de révocation. Pourquoi cela? Comment se fait-il que personne n'écoute ces appels?

Nous voyons maintenant le gouvernement promettre également une autonomie gouvernementale mal définie pour les autochtones, même après que les Canadiens eurent rejeté complètement l'Accord de Charlottetown. Comment est-ce possible?

Le gouvernement a beaucoup d'avance sur les électeurs. Peut-être même qu'il fait la course sur une piste différente, je ne sais pas. La Chambre doit cesser de faire avancer uniquement le programme du gouvernement et se mettre à faire avancer à grands pas le programme des citoyens.

Il n'est pas étonnant que les Canadiens aient une attitude négative envers les gouvernements en général. Si le gouvernement ne veut pas écouter les Canadiens et assainir les finances publiques, comment peut-on croire qu'il agira avec sagesse en matière constitutionnelle, à propos de questions qui sont à la base de la Chambre des communes?

La Constitution a été la source de beaucoup de maux inutiles dans notre pays. Cela a commencé avec son rapatriement en


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1981, une mesure unilatérale qui a donné lieu aux conférences constitutionnelles pleines de rancoeur du milieu des années 80. Ces conférences ont engendré les désastres politiques que furent l'Accord du lac Meech et celui de Charlottetown. Elles ont provoqué la naissance du Bloc québécois et d'un véritable mouvement séparatiste qui menace de diviser notre pays.

Et que voyons-nous aujourd'hui? Encore un autre projet de modification à la Constitution, pratiquement sans aucun débat national ni aucune consultation avec qui que ce soit sauf l'Île-du-Prince- Édouard, et que le gouvernement veut faire passer à la barbe des parlementaires comme s'il n'était absolument rien arrivé pendant la dernière décennie. On dirait que le gouvernement n'a rien appris des erreurs du passé.

Non seulement cela, mais le gouvernement ne tient pas compte, quand ça fait son affaire, des voix de millions d'autres Canadiens qui ont fait savoir par leurs votes et autrement qu'ils réclament d'autres modifications à la Constitution, des modifications qu'ils estiment au moins aussi importantes, sinon plus, que celles qui sont proposées en l'occurrence.

Nous demandons depuis longtemps des modifications comme la réforme du Sénat, la reconnaissance du droit de propriété que réclame déjà une bonne partie de la population, des changements constructifs comme l'imposition d'un plafond constitutionnel aux dépenses publiques, une mesure qui garantirait que des dirigeants politiques indisciplinés ne puissent plus jamais dilapider l'héritage de nos enfants.

L'an dernier, le gouvernement conservateur défait est revenu à la charge avec une modification constitutionnelle intéressant le Nouveau-Brunswick, tout juste après le rejet de cette même modification, qui faisait partie de l'Accord de Charlottetown. Le Parti réformiste avait voté contre cette modification. Voici maintenant que le gouvernement libéral veut nous forcer à accepter des changements pour l'Île-du-Prince-Édouard. Le Parti réformiste rejette encore une fois ce processus qui ne tient aucun compte de l'avis de millions de Canadiens et qui constituerait une source de honte pour le gouvernement.

Cette petite modification n'est pas une mince affaire. Elle revêt une grande importance. Elle nous rappelle combien la Constitution a été incorrectement traitée depuis 15 ans. Le Parti réformiste s'oppose donc à cette modification pour trois motifs principaux. J'ai déjà parlé assez longuement du premier. Il est tout simplement imprudent d'approuver sans hésiter un engagement permanent pour un pont dont on ne connaît pas les détails.

(1300)

Le deuxième motif a trait à la consultation. Pour satisfaire les électeurs et préserver les liens de la fédération, le gouvernement devrait chercher à connaître le point de vue de chacune des provinces et de chacun des citoyens par voie de référendum.

Le troisième motif nous est dicté par le bon sens. Il faut commencer par le commencement et ne pas demander à la Chambre d'aborder à la légère des sujets lourds de conséquences. Il y a d'autres questions constitutionnelles importantes à régler en même temps.

En résumé, le Parti réformiste serait très heureux si, un jour, au terme d'un processus de consultation qui convienne, la Chambre traitait d'un ensemble équilibré de modifications constitutionnelles populaires, constructives qui comprendraient une reformulation de la modification intéressant l'Île-du-Prince-Édouard.

Pour l'heure, la population canadienne s'attend à participer aux décisions les plus importantes que doit prendre la Chambre. C'est de la folie que d'abuser encore de la patience des électeurs avec cette modification constitutionnelle.

Je demande donc au premier ministre de reconsidérer le processus par lequel la Chambre a été saisie de cette décision. Je presse tous les députés à faire une distinction très nette entre les décisions hâtives et les décisions sages fondées sur l'amour et le bien-être du pays.

Mes préoccupations et celles de nos électeurs méritent une plus large audience que celle qu'elles ont dans une Chambre des communes presque vide.

Il ne s'agit pas ici d'un simple projet de loi d'ordre administratif. Toute modification que nous apporterons deviendra un élément permanent de la Constitution. Nos petits-enfants subiront, dans cent ans, les conséquences des obligations que nous prenons aujourd'hui. Ce projet de loi ne devrait pas être étudié entre un projet de loi sur la taxe d'accise et un autre sur les activités portuaires. Pareil processus banalise la Constitution du Canada, les fondements mêmes de notre pays.

L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion du Canada atlantique): Monsieur le Président, j'ai une observation qui sera suivie d'une brève question.

Je n'ai pas entendu toute l'intervention du député, mais j'ai remarqué certaines de ses formulations. Si je le cite mal, j'espère qu'il fera ce qui s'impose et l'expliquera à la Chambre.

Le député a dit qu'on essayait de faire passer ce projet en douce à la Chambre, que la guillotine allait tomber plutôt rapidement alors qu'il s'agit d'une décision d'une importance colossale pour le Canada, pour le monde entier et même pour les autres planètes, si on veut. Je paraphrase, bien sûr. Le député est un nouveau venu à la Chambre, mais cela ne vous donne pas le droit de présenter sous un faux jour, de façon flagrante. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Le ministre est un parlementaire de grande expérience. Il veillera à adresser toutes ses observations à la présidence.

M. Dingwall: Monsieur le Président, j'expliquais au député par votre entremise que d'être un néophyte ne lui donne pas le


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droit de dénigrer de manière flagrante et sélective certains des débats qui se sont déroulés ici il y a moins d'un an. Il laisse entendre que ce projet épouvantable qui est proposé au Parlement a été concocté dans les coulisses, alors qu'il en est question depuis cinq bonnes années.

Je ne peux pas comprendre pourquoi le député voudrait donner cette impression à ses électeurs. Il y aurait peut-être lieu de revoir la capacité du député de se souvenir de tous les faits et de tous les débats qui se sont déroulés à la Chambre.

Voici ma question. Le député ne juge-t-il pas normal que les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard, qui ont décidé il y a plus de 130 ans de se joindre à la Confédération, et qui viennent de se prononcer de la manière la plus démocratique, par un référendum, puissent modifier les conditions de leur entrée, qui remonte à plus de 130 ans? Le député est-il en train de dire à la plus petite province du Canada, à ce groupe de citoyens, qu'ils n'ont plus un droit que possèdent tous les autres Canadiens en Colombie-Britannique, en Alberta, au Manitoba et partout ailleurs?

(1305)

Le député essaie-t-il de dire, indirectement, que, parce qu'on est une petite province peu peuplée, on n'a pas les mêmes droits que les autres provinces? N'est-ce pas ce qu'il est en train de dire?

M. Strahl: Monsieur le Président, je suis absolument touché. Je ne sais pas pourquoi le ministre se met dans de tels états chaque fois que je prends la parole. C'est la deuxième fois qu'il s'en prend aussi vivement à moi. Je ne sais pas pourquoi exactement.

Je vais reprendre un par un les différents points qu'il a soulevés en essayant de n'en oublier aucun. Il m'a dit que je ne devrais pas dans mes remarques faire appel à ma mémoire sélective, mais que je devrais repenser aux entretiens approfondis que nous avons eus l'an dernier.

Ce que j'essayais de faire ressortir dans mon intervention, c'est précisément que je n'ai pas oublié les consultations que nous avons eues l'an dernier. Je n'ai pas oublié que d'autres députés à la Chambre, des députés de tous les partis, étaient en faveur de l'Accord de Charlottetown, à l'exception du Parti réformiste-et peut-être aussi du Bloc. Le Parti réformiste du Canada comprenait suffisamment les Canadiens pour savoir qu'ils l'avaient rejeté catégoriquement.

Je ne me dissocie pas de ces entretiens. Bien sûr que je me souviens de tout ça, et le ministre devrait également s'en souvenir. Bien sûr que nous voulons tous que les discussions se tiennent au grand jour. Bien sûr que nous voulons tous que les décisions se prennent dans le cadre d'un référendum. Si le ministre pense que je suis nerveux à l'idée d'être révoqué, je l'invite, lui et le gouvernement, à introduire une mesure législative sur la révocation dans les meilleurs délais. Nous la mettrons à l'épreuve. Ce n'est pas ici que ça va arriver.

C'est à Markham que ça va d'abord arriver. J'en suis persuadé. En fait, je m'attends à ce que des milliers de gens se rassemblent ce soir pour en décider. Si le ministre veut présenter ce type de mesure législative, il aura l'appui de tous les députés de ce côté-ci de la Chambre. Je commence à m'emporter moi-même. Cependant, je l'ai dit clairement, si le ministre avait écouté.

Je ne suis pas opposé à l'idée d'un pont. Ce pont est peut-être une excellente idée. Par contre, les Canadiens n'appuient pas l'idée que le gouvernement modifie la Constitution en apportant des changements ici et là et qu'il décide ce qui lui plaît. S'il doit y avoir une réforme constitutionnelle, ils veulent la ratifier personnellement. Ils l'ont prouvé au moment de l'Accord de Charlottetown. Ils n'accepteront rien de moins. Si le gouvernement veut tâter le pouls des Canadiens, qu'il n'ait pas peur d'organiser un référendum. Les Canadiens répondront à tout ce qu'il désire savoir. Il se peut très bien qu'au cours de ce référendum, ils approuvent cette modification. J'espère qu'ils le feront. En tous cas, tous les Canadiens doivent prendre part à cette décision, faute de quoi le Parti réformiste n'appuiera pas ce projet qui, à mon avis, n'a pas l'approbation de tous les Canadiens.

M. Dingwall: Monsieur le Président, le député fait preuve d'une mémoire sélective. Il devrait reconnaître qu'il a tout à fait tort de parler d'une réforme sélective de la Constitution.

Les gouvernements du Canada, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick ont conclu un accord tripartite. Ils l'ont dûment signé après que les électeurs intéressés ont été consultés comme il fallait. Après qu'un référendum a eu lieu à l'Île-du-Prince-Édouard, la Cour fédérale du Canada a fait savoir que pour donner à l'accord son plein effet juridique à court et à long terme, il fallait absolument modifier dans la Constitution les conditions liant l'Île-du-Prince-Édouard et le gouvernement du Canada.

Il est facile de se lever pour accuser le gouvernement d'adopter une réforme sélective de la Constitution, mais encore faut-il avoir raison, ce qui n'est pas le cas. La décision de la Cour fédérale est on ne peut plus claire. Si l'on veut qu'un accord à caractère exécutoire conclu de bonne foi par les trois parties ait un effet juridique durable, il faut modifier les conditions qui les liaient jusqu'ici et inscrire dans la Constitution les modifications ainsi apportées. Tout est là.

(1310)

Je m'étonne que le député, qui a pourtant tout son bon sens, refuse de reconnaître ce fait important. Voilà pourquoi, aujourd'hui dans cette enceinte et il y a quelque temps à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard, il a fallu proposer cet amendement constitutionnel. C'était la condition sine qua non pour que l'accord dûment conclu entre les trois provinces et le gouvernement du Canada revête un caractère exécutoire et ait un effet juridique durable.


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M. Strahl: Monsieur le Président, je sais que le ministre a dit qu'il n'avait pas écouté tous les discours précédents. Voici peut-être la partie qu'il a oubliée.

J'ai bel et bien mentionné que la décision de madame la juge Reed exige qu'une modification soit apportée à la Constitution. Je ne me suis pas opposé à cela non plus. Cependant, nous parlons ici d'un processus. Il est faux de croire qu'une modification à la Constitution ne touche pas toutes les provinces et tous les Canadiens, car il s'agit du document fondamental qui nous guide. On ne peut pas dire que cette modification touche uniquement l'Île-du-Prince-Édouard, alors que le gouvernement fédéral du Canada doit verser dans le projet 43 millions de dollars et quelques par année ou peut-être plus. Ce projet touche tous les Canadiens.

C'est la raison pour laquelle nous avons répété maintes fois qu'il fallait approuver une modification constitutionnelle par référendum national exécutoire. Les référendums ne m'effraient pas. Le gouvernement en a parlé à plusieurs reprises et a dit que le processus référendaire qui avait eu lieu dans l'Île-du-Prince-Édouard lui avait beaucoup plu, que ce processus avait été positif, que les habitants y avaient participé massivement et que leur appui au projet, qui était de 60 p. 100, est maintenant passé à 70 p. 100. J'en félicite les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard.

J'estime qu'il ne faut pas avoir peur de consulter les Canadiens sur les questions constitutionnelles. Lorsqu'on leur demande leur opinion, ils la donnent, comme ils l'ont fait l'année dernière pour l'Accord de Charlottetown. Ils la donneront encore une fois. Si on leur présente un processus de consultation appropriée, de bas en haut, ils approuveront les modifications qui s'imposent, et je crois qu'ils approuveront celle-ci. Ce à quoi je m'oppose, c'est au processus qu'on emploie dans ce cas-ci.

M. Pat O'Brien (London-Middlesex): Monsieur le Président, contrairement à ce qu'ont fait aujourd'hui la plupart des députés d'en face, tant du Bloc que du Parti réformiste, je voudrais faire quelque chose d'intéressant et parler de la motion dont nous sommes saisis.

M. McGuire: Quelle bonne idée!

M. O'Brien: Je ne veux pas parler du Sénat. Je pense qu'il vaut mieux s'en tenir à la motion que le ministre a présentée à la Chambre, la motion dont nous sommes saisis, au lieu d'écouter le Bloc nous menacer de la tenue prochaine d'un référendum dans sa province et de l'opinion qui pourrait être exprimée à cette occasion ou encore, comme l'ont fait plusieurs membres du Parti réformiste, nous parler du Sénat et de la nécessité de tenir des référendums tous les jours.

Le référendum que nous avons eu le 25 octobre 1993 a été très décisif. Les Canadiens ont exprimé très clairement leur vision de ce pays. Ils l'ont fait avec une telle clarté que le gouvernement a dû occuper certains sièges de l'autre côté de la Chambre. Inutile, donc, de mettre en doute les pouvoirs et les capacités de ce gouvernement.

Je félicite le ministre de l'examen attentif et très poussé qu'il a fait de ce projet. Le ministre a aujourd'hui donné à la Chambre d'excellentes explications au sujet du pont enjambant le détroit de Northumberland. Je le remercie et je le félicite de la retenue dont il a fait preuve en entendant les commentaires exprimés par des députés de l'autre côté qui étaient franchement déplacés et tout à fait hors de propos.

En tant que député de la circonscription de London-Middlesex, en Ontario, je voudrais aujourd'hui appuyer la motion. Je déplore que certains députés d'en face, dont le député de Calgary-Ouest qui a pris la parole un peu plus tôt aujourd'hui, défendent des points de vue aussi régionaux. L'heure n'est pas aux objections étroites et mesquines que nous avons entendues aujourd'hui. Elle est à l'édification de cette nation et non à sa destruction. Il n'est pas question ici d'une confrontation entre l'Ouest et l'Île-du-Prince-Édouard ou le Canada atlantique, mais d'un projet d'importance nationale qui profitera, c'est certain, à l'Île-du-Prince-Édouard et au Canada atlantique. Cependant, en profitant à cette région du Canada, il profitera au Canada tout entier. C'est pourquoi je suis fier de l'appuyer.

À l'heure actuelle, le Parti libéral est le seul vrai parti national à la Chambre, ce qui explique peut-être pourquoi nous voyons les choses dans une perspective nationale, et non une perspective régionale et extrêmement limitée comme les partis d'en face, le Bloc et le Parti réformiste.

(1315)

Nous avons entendu cet argument stupide au sujet de la réouverture de la Constitution. On dit que si nous sommes disposés à le faire dans le cas présent, eh bien nous devrions pouvoir procéder ainsi pour toute autre question. C'est tout à fait ridicule de présenter cela à la Chambre comme un argument sérieux. Il s'agit fondamentalement d'une modification d'ordre administratif qui a été ordonnée par un juge afin de rendre possible ce projet. Il n'est pas question de retomber dans tout le cauchemar constitutionnel dans lequel nous avons été plongés pendant trop longtemps au Canada au cours des dernières années; la situation est tout à fait différente.

Je trouve que nos vis-à-vis tiennent des propos qui n'ont rien de pertinent ou qu'ils essaient encore d'enfourcher leur dada.

Je voudrais m'en tenir à la motion dont nous sommes saisis. Le gouvernement s'est lancé dans un processus très ouvert et transparent pour la construction de ce pont. Il y a eu des consultations publiques intenses. C'est l'un des processus les plus démocratiques qu'on ait jamais vus au Canada au sujet d'une décision majeure de ce type. Pourtant, certains soulèvent encore des objections.

On s'est entendu avec le secteur privé pour mener à bien ce projet. La société privée retenue assumera la majeure partie des risques financiers et dans le cadre de ce partenariat, toute la population canadienne profitera de ce projet. La SCDI possédera et exploitera le pont pendant 35 ans. Cela va tout à fait dans le sens de l'idée de partenariat que notre gouvernement a présentée dans son livre rouge et à laquelle les Canadiens ont souscrit de tout coeur.

Le processus a été très ouvert. Le projet est basé sur un partenariat avec le secteur privé et manifestement, on va en retirer tout un éventail d'avantages économiques.


1370

Les Canadiens ont voté pour un gouvernement conscient de la nécessité de créer des emplois au Canada. C'est là le message qu'ils ont envoyé en octobre 1993. Comme le ministre l'a signalé plus tôt, ce projet créera un certain nombre d'emplois qui font cruellement défaut; il est en effet question de 3 500 emplois sur trois ans et demi dans le cadre de la construction du pont lui-même. Il y aura en plus 2 000 emplois indirects une fois le projet terminé et 96 p. 100 de ces nouveaux emplois seront occupés par des Canadiens de la région de l'Atlantique.

Poussé par un esprit de clocher, je pourrais m'occuper strictement des besoins des gens du sud-ouest de l'Ontario ou en parler dans mon intervention d'aujourd'hui. Je ne pense pas que ce soit là mon rôle en tant que député. Je crois que nous n'avons été que trop témoins de cette façon mesquine d'aborder la politique aujourd'hui, non pas de ce côté-ci de la Chambre, mais parmi nos collègues d'en face malheureusement.

Nous devons reconnaître qu'il s'agit là d'un projet de loi important pour une région du pays qui a absolument besoin qu'on stimule son économie. Je vais l'appuyer; je suis heureux de voir qu'il va permettre de créer un grand nombre d'emplois.

En outre, ce projet va entraîner une augmentation de quelque 25 p. 100 du tourisme. On peut facilement comprendre les retombées sur le plan de l'emploi dans le secteur des services du fait que les Canadiens pourront plus facilement se rendre à l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai eu l'occasion de visiter cette très belle île à l'instar de beaucoup de députés, je l'espère, et j'entends y retourner. Ce sera un plaisir cette fois-ci d'emprunter le pont.

Certains s'inquiètent des employés des traversiers et de la perte de leur emploi. Bien entendu, c'est là une chose qui nous inquiète tous et je suis heureux de voir que dans la déclaration qu'il a déposée, le ministre a précisé très clairement qu'on allait traiter les intéressés de façon tout à fait équitable. Ce sont eux qui auront la priorité pour ce qui est des emplois reliés au pont. On va prévoir des indemnités de départ équitables pour les employés déplacés et au moment où nous nous parlons, on consulte les syndicats afin de veiller à ce que cela se produise.

Certains ont émis des réserves au sujet de l'environnement. Une des rares observations pertinentes de la part de nos vis-à-vis portait sur la question environnementale, mais elle faisait totalement fi du fait qu'on a procédé à une évaluation environnementale très complète afin de s'assurer que ce projet était respectueux de l'environnement. En fait, selon un juge de la Cour fédérale, le gouvernement a pris bien soin de respecter les critères pertinents en matière d'évaluation environnementale.

(1320)

Il n'y a franchement aucune preuve que ce projet présente des risques graves pour l'environnement. Bien au contraire, les 90 études et plus qui ont été faites de ses conséquences sur l'environnement ont abouti à la conclusion que ce projet était respectueux de l'environnement et qu'il n'aurait pas d'effets importants sur ce dernier.

On reconnaît cependant que les pêcheurs de la région risquent de ne pas pouvoir pêcher dans certaines eaux pendant les travaux de construction. En conséquence, un fonds de 10 millions de dollars sera constitué par l'entrepreneur pour dédommager ces pêcheurs.

L'analyse environnementale du projet a clairement prouvé qu'il ne nuirait pas à l'environnement; les pêcheurs de la région qui en souffriront temporairement seront dédommagés.

On a soulevé la question de la sécurité et de la conception du projet. Les normes les plus strictes ont été suivies. Aucune réfection majeure ne sera nécessaire avant un siècle. Le projet a été analysé par des ingénieurs indépendants qui n'y ont décelé aucune faille.

En ma qualité de député de London-Middlesex, j'essaie d'avoir un point de vue national de la chose. J'invite donc tous les députés de la Chambre, et en particulier les députés d'en face, à abandonner leur esprit de clocher, à faire preuve de courage et de vision à long terme et à appuyer un projet qui revêt une importance nationale. Avançons-nous vers le XXIe siècle, mus par la conviction que ce pays est le nôtre, d'un océan à l'autre, et que nous nous devons d'oeuvrer pour son unification, au lieu de braquer les régions les unes contre les autres.

Il serait agréable d'entendre les députés d'en face commenter la motion d'un point de vue un peu plus national que ce à quoi ils nous ont habitués jusqu'à maintenant.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne): Monsieur le Président, je voudrais adresser quelques propos à mon confrère d'en face,-il s'adresse souvent à nous comme étant en face d'eux-en deux questions.

D'abord, j'ai trouvé mesquine son introduction dans laquelle il disait: «Moi je vais dire quelque chose d'intéressant.» C'est dommage pour le ministre qui, je crois, a dit des choses intéressantes, c'est dommage pour le chef de l'opposition officielle et c'est dommage pour les autres intervenants. Effectivement c'était intéressant. Félicitations!

Je voudrais aussi souligner mon désaccord face à son opinion sur la pertinence de nos propos et je voulais le ramener à la Loi constitutionnelle de 1791 où ont été mises en place les bases du système représentatif des parlementaires. Les gens qui ont élu les députés du Parti réformiste, vous, ou nous du Bloc québécois savent très bien que la pertinence des propos qu'on a à tenir en Chambre dépend seulement de notre opinion. Là-dessus aussi je suis en désaccord avec mon confrère.

Je voudrais lui poser une question. Un de ses confrères a dit qu'il parlait d'un plébiscite dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, alors que le ministre parlait du référendum. Sur l'aspect du référendum, c'est vous qui l'avez amené et nous avons utilisé le terme que vous nous avez amené.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre s'il vous plaît! À l'ordre! Le député de Terrebonne, à l'ordre s'il vous plaît. Je voudrais tout simplement rappeler une fois de plus qu'il faut éviter les «vous» et il faut passer par l'intermédiaire de la


1371

Présidence dans vos questions et commentaires, à chacun et à chacune.

M. Sauvageau: Je m'excuse, monsieur le Président.

Ma première question qui s'adresse au député est la suivante: est-ce que c'est un référendum ou un plébiscite qu'il y a eu à l'Île-du-Prince-Édouard?

Face à sa grande déception, est-elle aussi grande parce qu'on appuie le projet? Aurait-il mieux aimé qu'on soit contre? Il parle de petite politique, d'envergure, et ainsi de suite, il semble très déçu. Est-ce qu'il est déçu qu'on appuie le projet, car c'est ce que je sens?

[Traduction]

M. O'Brien: Monsieur le Président, je me ferai un plaisir de répondre aux questions du député.

(1325)

Avant tout, je me permettrai de corriger ses propos. Ce que j'ai dit, c'est que, comme le ministre, j'avais l'intention de parler de la motion et que je trouvais intéressant de respecter le processus. J'ai toujours cru qu'il était de rigueur à la Chambre de s'en tenir à la motion dont nous étions saisis et non de se lancer dans un long plaidoyer concernant un éventuel référendum au Québec, qui n'a pas grand-chose à voir avec le sujet d'aujourd'hui. C'est un peu ce que j'ai dit en commençant, que j'allais tâcher de m'en tenir à la motion.

Quant aux questions du député, il a raison. J'ai déjà entendu qualifier de plébiscite le vote qu'on avait tenu à l'Île-du-Prince-Édouard, comme j'ai aussi entendu le mot référendum. Comme le député le sait certainement, d'aucuns pensent que ce n'est qu'une question de choix des mots, que les deux mots sont interchangeables. D'autres disent que non, qu'il y a vraiment une différence entre un plébiscite et un référendum.

Mes collègues de l'Île-du-Prince-Édouard ainsi que mes amis qui sont originaires de l'île parlent le plus souvent d'un plébiscite quand ils rappellent la consultation populaire de 1988, qui s'était soldée par un appui au projet, dans une proportion de 60 p. 100 contre 40 p. 100. Franchement, je pense que cette question relève un peu des sciences politiques ou de la sémantique.

Pour ce qui est de savoir si je suis déçu, non, je suis très heureux d'entendre le chef de la loyale opposition de Sa Majesté affirmer à la Chambre qu'il appuiera le projet. J'ai même entendu certains bloquistes dire au ministre qu'il ne devait pas toujours s'attendre à ce que les députés du Bloc formulent des objections. J'étais à la Chambre quand le ministre a prononcé son discours. Pas une fois je ne l'ai entendu faire allusion à l'un ou l'autre parti politique et à l'opinion qu'ils pourraient défendre. Il a simplement invité tous les députés à appuyer le projet et manifesté l'espoir qu'on ne soulèverait pas d'objections.

Nous sommes un peu las, de notre côté, d'entendre ce genre de commentaires gratuits. Voilà la raison de ma déception, mais je suis très heureux que le Bloc québécois ait jugé bon d'appuyer la motion. Ce serait encore mieux si ses membres s'en tenaient à en parler à la Chambre.

[Français]

M. Raymond Lavigne (Verdun-Saint-Paul): Monsieur le Président, l'un des aspects extrêmement positifs du projet du pont sur le détroit de Northumberland est qu'il constitue l'une des premières et des plus importantes initiatives en matière d'immobilisations à laquelle le gouvernement fédéral et le secteur privé collaborent étroitement.

Il y a dix ans encore, les exemples de collaboration de ce type en matière de travaux publics étaient extrêmement rares.

En pratique, et dans l'esprit du public, la démarcation entre les projets du secteur public et ceux du secteur privé était très nette. On présumait que les travaux publics, comme les routes, les égouts, la production d'énergie, seraient exécutés par les gouvernements et financés à partir des recettes fiscales. Cette perception a changé radicalement ces derniers temps.

Dans tous les pays industrialisés et à tous les niveaux de gouvernement, nous constatons que des sociétés privées et des consortiums entreprennent des travaux d'infrastructure qui étaient autrefois du domaine exclusif du secteur public.

Les dispositions peuvent varier, mais le principe de base est que le secteur privé prend les dispositions nécessaires en matière de financement et qu'il assume la plupart des risques à cet égard en contrepartie de la possibilité d'acquérir ou de louer l'installation et d'imposer des frais d'utilisation.

Il est très clair que les Canadiens modifient eux aussi leurs opinions sur cette façon de moderniser notre infrastructure. Une étude récente de l'Association canadienne de la construction a démontré, par exemple, qu'environ 58 p. 100 des Canadiens appuieraient l'idée de faire payer par les utilisateurs un réseau d'autoroutes dont la construction a été financée par le secteur privé au lieu d'imposer une taxe sur l'essence ou des droits spéciaux.

(1330)

Naturellement, l'une des principales raisons de ce changement d'attitude est le poids inquiétant de la dette actuelle pour tous les niveaux de gouvernement et la répugnance croissante des Canadiens à voir augmenter leurs impôts, parce que le gouvernement finance de nouveaux projets coûteux et de grande envergure. Mais nous devons quand même renouveler notre infrastructure, particulièrement dans le secteur du transport, des communications et de l'énergie, si nous voulons continuer à être concurrentiels dans le contexte économique mondial contemporain.

C'est pourquoi le principe du financement et de la construction par le secteur privé d'installations publiques dont nous avons grand besoin, devient de plus en plus attrayant.

Bien que, d'une manière générale, le public appuie cette idée, il manifeste cependant certaines inquiétudes valables pour ce qui est de la participation conjointe des secteurs public et privé à l'aménagement de l'infrastructure. Le public veut être certain qu'on ne lui demandera pas de renflouer des projets mal conçus et dont le financement laisse à désirer. Il veut être certain que les entrepreneurs privés respectent les normes environnementales. Il veut être certain qu'il sera à l'abri des coûts prohibitifs, une fois ces installations confiées au secteur public. Il veut être certain que ces décisions en matière de collaboration sont prises


1372

en toute transparence, dans l'intérêt du public et non pas dans celui des amis du gouvernement.

C'est dans ce contexte que le projet du pont sur le détroit de Northumberland prend une importance particulière à l'heure actuelle. Pendant la conception du projet, on a pris grand soin d'accorder toute l'attention voulue aux préoccupations du public. Le feu vert a été donné seulement après un examen public long et très franc. Le marché final a été signé seulement lorsqu'on a été assurés de la solidité du financement.

Le promoteur assumera presque tous les risques de la construction et de l'exploitation de l'installation. La structure tarifaire et les droits à payer seront soigneusement réglementés au moyen de dispositions législatives du gouvernement fédéral. Notre gouvernement s'est fermement engagé à appuyer le renouvellement de l'infrastructure du pays, tant du point de vue de la création d'emplois que de l'amélioraton de notre efficience et de notre compétitivité à long terme.

Le président du Conseil du Trésor, qui est à la tête de notre programme d'infrastructures, a publiquement demandé à l'entreprise privée de participer à cette initiative. En adoptant cette nouvelle méthode, je crois que nous pouvons, avec raison, considérer que le projet du pont franchissant le détroit de Northumberland constitue un excellent modèle de mise en oeuvre d'une entreprise conjointe et de protection de l'intérêt public. Ce projet a fait l'objet d'un examen environnemental extrêmement rigoureux et exhaustif.

Permettez-moi, monsieur le Président, d'ajouter quelques observations à ce que le ministre a dit au sujet de la qualité du projet sur le plan de l'environnement. Cette question a fait couler beaucoup d'encre. Pendant la majeure partie des cinq années d'élaboration du projet, la question du respect de l'environnement a été la principale préoccupation du gouvernement et du promoteur. Il est évident que ce projet a fait l'objet des études environnementales les plus poussées jamais entreprises pour un projet de cette envergure. En effet, 90 études ont été effectuées sur l'impact, comme le disait le ministre ce matin, qu'aurait le pont sur l'environnement. Dix mille personnes de chaque côté du détroit ont été consultées et les discussions ont été très franches et ouvertes. La population a eu maintes fois l'occasion de se prononcer sur les exigences du projet au cours des quelque 90 assemblées publiques qui ont été tenues.

(1335)

Ce projet respecte donc toutes les exigences, non seulement sur le plan technique, mais aussi sur le plan de l'environnement.

Laissez-moi vous rappeler les résultats de la dernière contestation juridique: la Cour fédérale a en effet conclu que le processus d'évaluation environnementale suivi par le gouvernement était allé beaucoup plus loin que ce qui était exigé.

Je crois que ce projet sera bien accueilli par ceux et celles pour qui il est primordial que l'on accorde autant d'importance à la qualité technique des ouvrages qu'à la protection de l'environnement.

C'est pourquoi également, je suis convaincu que ce projet établira de nouvelles normes en matière de consultations publiques et de respect de l'environnement.

Je suis particulièrement heureux de constater que même si les travaux de construction ont déjà commencé, cette très importante question continuera d'être au coeur des préoccupations du promoteur et des organismes de réglementation fédéraux et provinciaux.

L'entrepreneur sera tenu de suivre un plan de gestion et de protection très strict en matière d'environnement. Un suivi permanent sera assuré pour que le projet demeure sans danger pour l'environnement.

Je donne mon appui entier à ce projet, non seulement parce qu'il s'agit d'une bonne affaire, mais parce qu'il génère d'importantes activités économiques et de nombreux emplois, dont on a tant besoin, mais surtout parce qu'il s'agit d'un projet qui ne présente aucun danger pour l'environnement.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, la Chambre des communes est appelée aujourd'hui à accepter ou à refuser une motion du gouvernement du Canada pour amender la Constitution du Canada, en vertu de l'article 43.

Cet article permet à la Chambre des communes, et une province en particulier, de modifier la Constitution sur différents sujets qui, à mon avis, sont très diversifiés et ont une portée très vaste. Il aurait été intéressant que le gouvernement canadien et toutes les provinces puissent aussi trouver des processus facilitants pour le Québec qui, à cette époque, voulait adhérer à l'acte constitutionnel de 1982 par le biais des accords du Lac Meech et ainsi devenir un partenaire égal.

Pendant cet exposé, vous me permettrez de revenir sur la Constitution, car c'est justement ce dont il est question ici, malgré le fait que le premier ministre du Canada ne veuille plus en parler. Je voudrais pour le moment vous exposer certaines considérations relatives au projet de loi C-110 adopté en troisième lecture en septembre 1993.

Une partie de nos concitoyens sont inquiets du lien fixe ou mobile avec le Canada et ce, depuis de nombreuses années, et je dirais depuis l'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard à la Confédération canadienne. Quant à l'autre partie de la population, elle préfère conserver pour elle l'île telle quelle et actuellement vivre paisiblement dans le pays de leurs ancêtres.

Nos concitoyens de l'Île-du-Prince-Édouard désiraient tellement un lien avec la terre ferme qu'ils ont décidé, il y a quelques années, de régler ce problème lors d'un plébiscite. En effet, ce plébiscite, tenu en janvier 1988, donnait une majorité favorable à la mise en place de raccordements fixes entre les deux rives.

(1340)

Personne n'est contre cette volonté populaire, pas plus le gouvernement que l'opposition officielle. Mais attention, cette volonté est aussi valide pour les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard, que pour ceux de l'île de Vancouver, des Îles-de-la-Madeleine que ceux de l'île de Terre-Neuve, si la technologie d'un pont le permettait.


1373

Malheureusement, il y a des prérequis à la mise en place et au développement de mégaprojets. Vous me permettrez de dégager cinq prérequis que je considère primordiaux. Premièrement, il faut que ces projets soient réalisés en toute légalité; deuxièmement, il faut être en mesure de bénéficier des ressources financières nécessaires; troisièmement, il faut que l'environnement soit respecté; quatrièmement, il faut que le mégaprojet soit bénéfique à la population et aide à la création d'emploi; et finalement, il faut s'assurer que le même traitement puisse être donné à tous les citoyens canadiens.

Alors, j'aimerais examiner si les conditions que je viens d'énumérer sont bien présentes dans ce projet.

En ce qui touche la légalité, comme je le mentionnais au début de mon exposé, une partie de la population a autorisé par plébiscite le gouvernement provincial de l'Île-du-Prince-Édouard à aller de l'avant avec le projet. Mais attention, l'autre partie, regroupée au sein de la coalition Les amis de l'île inc., s'est fortement opposée à ce projet, et ce, pour différentes raisons. D'abord, les dangers pour la pêche au homard et au pétoncle, la migration des oiseaux, l'environnement et la tranquillité des citoyens de l'île.

Il ne faut pas minimiser ce regroupement qui s'oppose à ce projet. Il s'est adressé à la Cour fédérale, et cette dernière a émis une ordonnance obligeant le ministre des Travaux publics à mener une évaluation environnementale en conformité avec l'article 12 du décret, relative au plan détaillé que le promoteur projette de construire avant de prendre des décisions irrévocables et peut-être irréversibles pour l'environnement.

Le 22 avril 1993, l'évaluation environnementale spécifique, préparée par les consultants Jacques Whitford Environment, pour le compte de Strait Crossing Inc. et à la demande d'Ottawa, a été déposé.

Bien que cette étude démontre que ce projet n'est pas néfaste pour l'environnement, nous en convenons, les groupement Les amis de l'île inc. n'accepte pas la décision et inscrivit la cause en appel. La Cour d'appel maintient la décision de la première instance, ce qui fait, il semble, à ce moment-ci, que la légalité existe, mais il faut se poser des questions quant à sa moralité. Les opposants surveilleront les moindres gestes des développeurs durant la réalisation du projet.

Maintenant, passons aux ressources financières. Le Canada a dépassé, il y a quelques semaines, les 500 milliards de dette nationale, et ce, sans compter les dettes provinciales et municipales. Je serai très bref dans mon évaluation financière. Le gouvernement fédéral verse environ 21 millions annuellement à Marine Atlantique pour défrayer le coût du service de traversier entre l'Île-du-Prince-Édouard et le continent. Le service de traversier est adéquat et très bien intégré à l'environnement local.

Le gouvernement fédéral a annoncé, il y a quelques années, qu'il envisageait la construction d'un lien fixe à une condition principale: que les coûts ne dépassent pas le prix du service de traversiers pendant la même période. Or, le gouvernement fédéral s'apprête à fournir une subvention de 42 millions par année, en dollars de 1992, à l'entreprise privée pour la construction et la gestion du pont pour une période de 35 ans. C'est-à-dire près de 1,47 milliard en dollars constants pendant toute la durée du contrat. Dans ce contexte, nul ne peut prétendre que le projet de lien fixe s'autofinance. Le Canada a-t-il les moyens d'effectuer une dépense de 21 millions annuellement, en plus de ce qu'il verse déjà pour les traversiers?

Que l'Île-du-Prince-Édouard ait droit à un service de traversiers subventionné par tous les contribuables canadiens, nous n'avons pas d'objection en principe. Cette garantie a grandement facilité l'adhésion de l'île à la Confédération, et c'était un compromis constitutionnel historique.

Que le gouvernement fédéral continue de respecter pleinement ce droit constitutionnel, soit, même si je dois souligner aux députés de cette Chambre que ce même gouvernement ne s'est pas montré aussi galant par le passé, lorsqu'il était question des droits constitutionnels historiques du Québec. Rappelez-vous le coup de force de M. Trudeau en 1982. C'est ce qui fait que la marche du Québec vers sa souveraineté est irréversible.

(1345)

Maintenant, jetons un coup d'oeil à l'aspect de l'environnement. Malgré toutes les études effectuées et l'approbation de la Cour fédérale en première instance et en appel, il est indéniable que durant la construction, et probablement par la suite, il y aura des problèmes au niveau de la pêche au homard et au pétoncle suite aux mouvements de fond que créera cette mise en place d'un lien fixe. Preuve à l'appui de cette affirmation, 10 millions de dollars sont prévus annuellement en compensation pour les 240 pêcheurs touchés par la construction du pont. Et nous ne parlons que pendant la période de construction. Qu'arrivera-t-il de la pêche après la mise en place du lien fixe? Le gouvernement devra-t-il continuer à verser les 10 millions? Les pêcheurs devront-ils vivre de l'assurance-chômage? Viendront-ils grossir les rangs de pêcheurs chômeurs de toutes les provinces des Maritimes et du Québec?

J'aimerais maintenant vérifier la création d'emplois et les bénéfices qu'apportera ce mégaprojet aux populations de l'Île-du-Prince-Edouard et du Nouveau-Brunswick. Durant la construction de ce mégaprojet, il est tout à fait normal qu'en investissant plus d'un milliard, nous créerons temporairement de l'emploi et un semblant de prospérité.

Dans un premier temps, le promoteur devra, comme dans tout grand projet, importer de la main-d'oeuvre d'un peu partout en Amérique. Nous comptons bien que ce projet étant pancanadien, les travailleurs de l'industrie de la construction du Québec auront une place de choix dans l'aménagement du pont. Les travailleurs québécois, et il y en a plusieurs dans ma circonscription de Beauport-Montmorency-Orléans, sont reconnus pour leur compétence et leur disponibilité pour le développement de mégaprojets. N'oublions pas qu'ils ont oeuvré dans les plus grands chantiers hydro-électriques d'Amérique, sinon du monde entier. Je suis persuadé que dans un premier temps, le taux de chômage diminuera sensiblement dans les deux provinces concernées. Mais il faudrait se poser la question si c'est bien ce que désire le gouvernement du Canada et les populations de l'Île-du-Prince-Edouard et du Nouveau-Brunswick: des jobs temporaires.


1374

Déjà, le programme d'infrastructures municipales prévoit, un peu partout au Canada, incluant les deux provinces susmentionnées, des emplois temporaires pour relancer l'économie. Mais, le Canada ne peut continuer à vendre des rêves à sa population et à la retourner à ses problèmes lorsque les travaux temporaires sont terminés. Il y a plus. Créer des emplois temporaires, c'est un demi-mal, mais faire disparaître des emplois permanents, c'est un crime.

Actuellement, Marine Atlantique emploie 420 personnes dans des emplois permanents. Ces emplois existent depuis 1917. Après la fin des travaux du pont du détroit de Northumberland, il y aura une perte nette de 360 emplois permanents. Le promoteur n'aura besoin que de 60 personnes pour opérer le pont. Et ce, sans comptabiliser tous les emplois perdus dans les chantiers maritimes des provinces de l'Est et du Québec, dont la MIL Davie à Lauzon qui effectue la réparation et la construction des navires nécessaires à la population pour faire le lien entre l'Île-du-Prince-Édouard et le continent. Que devrons-nous faire avec ces 360 personnes? Négocier des allocations? Investir dans l'assistance pour le recyclage et le déménagement dans les cas nécessaires? C'est un problème sur lequel il faudra revenir lorsque nous voterons sur cette motion.

J'ai parlé des 360 emplois perdus, mais je n'ai pas parlé des manques à gagner des collectivités de Borden et de Cap-Tourmentin qui verront les activités de leur milieu diminuer considérablement. À cet effet, un fonds de développement spécial pouvant atteindre 20 millions est prévu. Ces 20 millions ne peuvent que soulager la population pour un temps limité. Qu'adviendra-t-il d'eux? De plus, ce montant vient grossir l'investissement gouvernemental.

Le dernier critère porte sur l'équité pour tous les Canadiens. Je voudrais informer cette Chambre que ma compréhension de notre mandat, c'est d'être équitables envers tous les citoyens que nous représentons. Bien que la construction de ce lien fixe soit financée en partie par l'entreprise privée, le gouvernement du Canada s'engage à verser une contribution annuelle totale de 41,9 millions de dollars, en dollars de 1992, qui sera indexée pour une durée de 35 ans, soit l'équivalent, comme je le mentionnais tout à l'heure, de 1,47 milliard.

(1350)

Cette subvention a permis à Strait Crossing Finance Inc. d'obtenir un financement par vente d'obligations privées de 660 millions, les obligations étant cotées 3A, soit la norme la plus élevée de garantie qui puisse être offerte aux banques. De plus, le gouvernement accepte de renoncer à la possibilité de retenir la subvention pour se rembourser auprès des entrepreneurs débiteurs, par exemple, dans le cas de défaut de paiement d'impôt, afin que les éventuels investisseurs jouissent du même niveau d'assurance que s'ils touchaient des emprunts d'État garantis.

Encore une fois je le répète, et je voudrais que mes honorables collègues de cette Chambre pensent sérieusement, lors du vote, que nous avons été désignés par nos concitoyens pour être équitables envers tous et toutes. Si d'autres provinces nous font une demande semblable, sommes-nous en mesure de leur appliquer le même traitement? Il n'est pas nécessaire de modifier la Constitution pour implanter un TGV de Québec à Windsor. Il en est de même pour doter les Îles-de-la-Madeleine d'un nouveau traversier construit aux chantiers maritimes de la MIL Davie à Lévis. Lorsque ces sujets seront présentés à la Chambre, il faudra avoir la même ouverture d'esprit que celle que nous avons vis-à-vis le pont reliant l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick. Dans notre décision, nous devrons toujours nous référer aux cinq principes que je viens d'aborder.

Je voudrais terminer cet exposé en sensibilisant mes collègues aux précautions que cette Chambre devrait toujours prendre lorsqu'elle dispose de l'argent qui lui est confié par les contribuables canadiens. Je suis persuadé que la partisanerie politique n'a pas sa place lorsqu'il s'agit de mettre en place des projets qui seront laissés en héritage aux générations à venir.

La Chambre des communes devrait aussi, comme le mentionnait ce matin le chef de l'opposition officielle, être à l'écoute des choix démocratiques des gens lors d'un plébiscite ou d'un référendum.

En terminant, je voudrais faire remarquer aux députés que le Bloc québécois est toujours heureux de parler de Constitution.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): J'aimerais remercier mon collègue pour son allocution. J'aurais trois questions à lui poser.

Si j'ai bien compris, mon collègue était en train de dire que c'était une mauvaise affaire, que de prendre environ 40 millions que coûtent les traversiers en ce moment et d'utiliser ce montant pour construire un pont sur une période de 35 ans, qu'après cela il n'y aurait pas d'autre subvention à donner, que c'était une mauvaise affaire. C'est ce que j'ai compris. Sinon, il pourra me corriger. C'est pour cela que je pose la question.

Il a aussi parlé de «jobs temporaires», pour le citer. Évidemment, lorsqu'on construit un pont, ça commence et ça finit. Les emplois qui existaient ne continueront pas pour ce projet-là. Mais n'est-il pas vrai qu'il y aura quand même la possibilité, une grande possibilité, si j'ose ajouter, de créer des emplois dans le domaine du tourisme, peut-être faire croître les échanges commerciaux, etc? Est-ce que mon collègue a oublié de mentionner ce genre d'emplois qui seront sans doute créés? Ou croit-il qu'aucun autre emploi ne sera créé du fait de ce nouveau pont?

Enfin, je trouve intéressant que mon collègue, qui d'une certaine façon attaquait un peu le projet, ait dit du même coup: Ayons une ouverture d'esprit, parce que lorsqu'il y aura d'autres projets, tel qu'un projet pour les Îles-de-la-Madeleine et d'autres projets qui pourraient profiter au Québec, il faudra être généreux. Écoutez, je veux bien être généreux pour vous, mais j'aimerais bien qu'on le soit également dans le cas qui nous occupe.

M. Guimond: J'ai bien noté les trois points que le député de Saint-Boniface a fait ressortir. Dans le premier point, il souligne qu'apparemment j'aurais mentionné que c'était une mauvaise affaire. Je ne sais pas si vous étiez présent au début de mon discours?

M. Duhamel: J'ai bien écouté.

M. Guimond: Vous étiez présent. Parfait.

1375

J'ai dit que je suis solidaire de mon parti à l'effet que nous sommes pour le projet, mais j'ai tout simplement ajouté que lorsqu'il s'agit de mégaprojets nous devons être prudents et tenir compte de certains principes ou de certains prérequis. Je soulevais l'interrogation et toute la démarche qui avait été suivie précédemment. J'ai cité les inquiétudes environnementales du groupement Les Ami(e)s de la terre, et autres.

(1355)

En conclusion, je ne suis pas contre le projet, je ne dis pas que ce soit une mauvaise affaire. Ce que je dis, c'est que nous devons être prudents quand il s'agit d'investir, dans une période difficile comme celle que nous vivons, 1,47 milliard de dollars, en dollars de 1992. C'est simplement un message de prudence que je transmets. Je ne suis pas contre le projet, pas plus que mon parti d'ailleurs, non plus que mon chef ce matin.

Au niveau des emplois temporaires, c'est le même raisonnement que le programme actuel d'infrastructures. Une fois que la rue est asphaltée, que le trottoir est bâti, il n'y a plus rien à faire. La rue ne sera pas réasphaltée en permanence pendant des années.

Donc, ce que je mentionnais, c'est qu'une fois le pont construit, il y aura création de 60 emplois permanents seulement pour opérer le pont, mais il y aura une perte de 360 emplois chez les gens des traversiers. Vous mentionnez le développement du tourisme à l'Île-du-Prince-Édouard, et je suis d'accord avec vous que cet élément. . .

Le président suppléant (M. Kilger): J'aimerais simplement rappeler à l'honorable député et à tous nos collègues en Chambre qu'on ne doit pas s'adresser les uns aux autres mais qu'on doit passer par l'intermédiaire de la Présidence.

M. Guimond: Monsieur le Président, j'étais parti dans une envolée oratoire et étant donné que je suis un passionné. . . Mais vous faites bien de me remettre à l'ordre.

C'est vrai qu'il y aura développement du tourisme à l'Île-du-Prince-Édouard et nous en convenons. La question sera de savoir, étant donné que nous sommes sur une île, la structure touristique est quand même plafonnée en raison de l'étendue géographique de l'Île-du-Prince-Édouard. Donc il y aura développement, j'en conviens avec le député, et je suis d'accord. Mais je parlais des emplois temporaires reliés à la construction du pont.

Quant à l'ouverture d'esprit, je suis persuadé que mon collègue comprenait ce que je voulais dire. Quand il sera temps de discuter, en cette Chambre ou en comité, de la nécessité d'un TGV entre Québec-Windsor et de donner la construction du traversier des Îles-de-la-Madeleine au chantier maritime de la MIL Davie, ce qui permettra de maintenir 10 000 emplois directs et indirects dans la région de Québec, j'espère qu'on fera preuve d'ouverture d'esprit. Dans ces cas, il s'agit de maintenir des emplois; c'est important de créer des emplois, mais c'est important aussi d'en maintenir. L'opposition officielle a démontré qu'elle n'était pas bornée, elle a fait preuve d'ouverture d'esprit et je suis persuadé que les gens d'en face démontreront la même ouverture d'esprit quand viendra le temps de discuter des deux dossiers dont je parlais, le TGV et le traversier.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Monsieur le Président, je voudrais juste une autre précision. Je crois que vous pouvez compter sur le Parti libéral pour démontrer une grande ouverture d'esprit. C'est quelque chose qui a toujours caractérisé ce parti et je crois que cela continuera.

Si j'ai bien compris les commentaires de mon collègue, il a dit être en faveur du projet, comme son parti d'ailleurs, mais il a aussi précisé que les amis de l'île avaient certaines craintes au sujet des répercussions possibles du point de vue environnemental.

Est-ce que mon collègue croit que ces craintes méritent, et évidemment, on doit être prudents, mais est-ce que cela mérite qu'on arrête un tel projet? Est-ce que les 90 études et les quelque 80 réunions sont suffisantes? Est-ce qu'on a assez de données pour pouvoir continuer, avec une certaine confiance que cela va bien marcher et qu'il n'y aura pas tellement de danger?

M. Guimond: Monsieur le Président, la réponse est non. On ne doit pas arrêter le projet, on doit le poursuivre. Je pense que nous avons clairement pris position, mais par contre, s'il n'y a pas d'impact sur les pêcheurs de homard et de pétoncle qui sont concernés par le projet, pourquoi a-t-on ressenti le besoin de les indemniser? C'est donc une indemnité versée pour rien.

Je ne veux pas dire que les inquiétudes du groupement étaient futiles, mais je voulais simplement dire que le groupement, même s'il a été débouté dans les instances judiciaires, devra demeurer vigilant pour faire en sorte que les études qui démontrent qu'il n'y aura aucune atteinte à l'environnement, le groupement devra continuer à surveiller si matériellement cela se concrétise. C'est ce que je voulais dire au niveau de l'environnement.

(1400)

[Traduction]

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Comme il est 14 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés.

_____________________________________________


1375

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

L'EXCELLENCE DANS L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES, DE LA TECHNOLOGIE ET DES MATHÉMATIQUES

M. Larry McCormick (Hastings-Frontenac-Lennox and Addington): Monsieur le Président, on a rendu hommage ce matin aux lauréats du prix du premier ministre pour l'excellence dans l'enseignement des sciences, de la technologie et des mathématiques. Les 17 enseignants exceptionnels ainsi honorés viennent de toutes les régions du pays et ont élaboré et mis en pratique des méthodes d'enseignement innovatrices.

L'un des prix a été décerné à M. Richard Hopkins, un enseignant de l'école secondaire du district de Napanee dans ma circonscription, qui a créé un programme de sciences appliquées et de technologie qui répond parfaitement bien aux besoins de la collectivité locale. Grâce à ce programme, les élèves acquièrent une expérience pratique précieuse. Le meilleur témoignage des


1376

talents extraordinaires de M. Hopkins est bien le fait que ce sont ses propres élèves qui ont proposé son nom.

Les récipiendaires sont à Ottawa aujourd'hui. Je demande donc à la Chambre de se joindre à moi pour féliciter ces 17 personnes, toutes parfaitement dignes de cette distinction.

* * *

LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

M. Jean H. Leroux (Shefford): Monsieur le Président, on pouvait lire, dans The Gazette d'hier un titre qui disait: Les catholiques anglophones sont démoralisés par la victoire du Bloc. Au nom de mon parti, le Bloc québécois, j'aimerais rassurer mes compatriotes anglo-québécois. Les Québécois nous ont élus pour que nous préparions la souveraineté du Québec. Il est peut-être temps pour les Québécois de langue anglaise de se joindre à nous et de participer davantage à la préparation de l'avenir du Québec.

Regardons ensemble vers l'avenir; ainsi, on pourra faciliter le processus de changement pour nous et pour le reste du Canada car, espérons-le, nous nous engagerons harmonieusement et à titre de partenaires dans une nouvelle alliance.

* * *

LA RÉVOCATION DES DÉPUTÉS

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, de nombreux habitants de la circonscription de Markham-Whitchurch-Stouffville ont dit vouloir entamer des procédures de révocation pour remplacer le député qu'ils ont élu à la Chambre.

La majorité des habitants de ma circonscription, Fraser Valley-Ouest, veulent que soit présentée une mesure législative à ce sujet pour veiller à ce que je sois, de même que mes successeurs, responsable devant eux.

Devant le refus du gouvernement libéral et du gouvernement conservateur d'être responsables devant les personnes qui les ont élus, ma collègue de Beaver River, en Alberta, a introduit à deux reprises un projet de loi sur la révocation.

Il est temps que les 295 députés à la Chambre tiennent compte des souhaits exprimés par le vaste nombre de Canadiens qu'ils représentent, qu'ils accordent aux électeurs les droits qu'ils méritent et qu'ils acceptent d'être responsables devant eux.

Reconnaissons tous la nécessité de défendre de notre mieux les intérêts des Canadiens et leur droit de nous révoquer si nous manquons à notre devoir. Engageons-nous tous envers la révocation!

* * *

L'EXCELLENCE DANS L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES, DE LA TECHNOLOGIE ET DES MATHÉMATIQUES

Mme Paddy Torsney (Burlington): Monsieur le Président, deux enseignants modèles du conseil de l'éducation de Halton ont été récompensés par le premier ministre pour l'excellence de leur enseignement en sciences, en technologie et en mathématiques.

Je voudrais aujourd'hui féliciter ces deux enseignants, M. Robert Loree et M. Keith Clark.

Pour mériter ce prix, un enseignant doit avoir exercé une grande influence sur le rendement et l'intérêt des étudiants en sciences, en technologie et en mathématiques. M. Loree a mis sur pied la fondation Science Can!, qui connaît un énorme succès et à laquelle ont participé plus de 10 000 étudiants de trois provinces. Pour sa part, M. Keith Clark a amené des enseignants à mettre au point un programme scientifique spécial à l'intention des élèves de 9e année.

Pour que le Canada puisse demeurer compétitif au XXIe siècle, il est essentiel de stimuler l'intérêt des élèves à l'égard des mathématiques, des sciences et de la technologie.

Je suis certaine que la députée d'Oakville-Milton, le député de Halton-Peel et tous les autres membres du gouvernement du Canada se joignent à moi pour féliciter Robert Loree, Keith Clark et les autres récipiendaires de ce prix formidable.

* * *

LES OSCARS

M. John Cannis (Scarborough-Centre): Monsieur le Président, en tant que membre du Comité permanent du patrimoine canadien, je voudrais signaler à la Chambre que, la semaine dernière, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences a annoncé les mises en candidature en vue de la cérémonie de remise des oscars de cette année qui aura lieu à Los Angeles le 21 mars.

Encore une fois, on a reconnu l'excellence dans la réalisation de films canadiens avec la mise en candidature de deux projets très prisés. Le premier, Le fleuve aux grandes eaux, mis en scène par Frédéric Back et réalisé par Hubert Tison, de la Société Radio-Canada, est en lice comme meilleur court métrage d'animation.

Le deuxième, The Broadcast Tapes of Doctor Peter, réalisé par David Papernay et Arthur Ginsberg, du réseau anglais de la Société Radio-Canada, à Vancouver, est en lice comme meilleur long métrage documentaire.

Je tiens à féliciter nos candidats et à reconnaître la qualité et le dévouement de nos radiodiffuseurs publics. Ils méritent notre appui total.

* * *

(1405)

LA SEMAINE MULTICULTURELLE

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est): Monsieur le Président, la Semaine multiculturelle bat son plein en Colombie-Britannique. Créée en 1984, cette manifestation est l'occasion de faire partager nos cultures et nos traditions. Tous les habitants de la Colombie-Britannique se rassemblent pour célébrer le multiculturalisme qui a joué un rôle si important dans cette province. L'enseignement multiculturel a permis d'éliminer bien des obstacles et constitue une arme efficace contre le racisme. La sensibilisation au multiculturalisme nous renseigne sur les autres et nous aide à nous comprendre et à nous apprécier mutuellement.


1377

Des conférences, des rencontres et d'autres manifestations multiculturelles vont se dérouler toute la semaine et permettre à tous les participants de se débarrasser de leurs préjugés et de pénétrer dans un monde merveilleux où nous sommes amenés à constater que nous sommes tous à la fois différents et semblables.

Le multiculturalisme, c'est l'affaire de tout le monde. Nous appartenons tous à une culture, à une ethnie. Imprégnons-nous donc de l'esprit de compréhension qui anime cette semaine spéciale pour tous les habitants de la Colombie-Britannique.

J'encourage donc tous les citoyens de cette province à fêter dans la joie et j'invite les députés à joindre leur voix à la mienne pour remercier tous les bénévoles qui ont travaillé pendant de longues heures à la protection et à la promotion de toutes les cultures du Canada.

* * *

[Français]

MONSEIGNEUR WILLY ROMÉLUS

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Monsieur le Président, je désire porter à l'attention de cette Chambre que la candidature de monseigneur Willy Romélus, évêque de Jérémie, en Haïti, a été récemment recommandée au Prix Nobel de la paix, par le professeur Roberto J. Miguelez, de l'Université d'Ottawa et que, depuis, de nombreuses organisations y ont également apporté leur appui.

Il est bon de rappeler que monseigneur Romélus mène, depuis plusieurs décennies déjà et au péril de sa vie, à laquelle on a maintes fois attenté, le combat pour la libération du peuple haïtien. Dès février 1984, monseigneur Romélus réclamait des élections sous supervision internationale en ce pays, et le 22 janvier 1993 il recevait la médaille du gouverneur général du Canada.

Devant cet état de faits, les députés du Bloc québécois ont décidé d'appuyer cette nomination en espérant qu'elle sera suivie par de nombreux autres députés.

* * *

[Traduction]

MME MICHELLE MORTON

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, je prends la parole à la Chambre aujourd'hui pour rendre hommage à une athlète canadienne exceptionnelle qui se trouve à habiter la circonscription de Calgary-Sud-Est que je représente. Membre de l'équipe olympique canadienne, Michelle Morton prend part cette semaine à la compétition de patinage de vitesse à Lillehammer.

Michelle est animée de l'esprit qui fait la force des Canadiens. Elle place haut la barre, travaille dur et cherche constamment à se dépasser. Souffrant périodiquement de crises d'asthme, elle a dû faire preuve d'un courage et d'une détermination hors du commun pour se hisser à la place qu'elle occupe au sein de cette équipe d'élite.

Sa persévérance et les talents qu'elle a déployés tant au niveau provincial que national lui ont permis de triompher des obstacles qui se dressaient entre elle et son rêve. Nous sommes donc tous fiers de sa performance.

Je me fais le porte-parole de tous les habitants de Calgary-Sud-Est pour lui formuler nos voeux de succès et lui dire toute notre admiration et notre affection.

Bravo, Michelle!

* * *

[Français]

BOURSES CANADA

M. Martin Cauchon (Outremont): Monsieur le Président, le vendredi 11 février dernier, j'ai eu l'honneur de représenter le gouvernement dans mon comté d'Outremont pour la remise des Bourses Canada à 97 boursières et boursiers de l'Université de Montréal. Le programme Bourses Canada souligne le mérite d'étudiantes et étudiants dans les domaines de sciences et génie. Lors de cette cérémonie, j'ai été à même de constater l'attachement qu'un bon nombre d'entre eux ont pour leur province certes, mais également pour le Canada. Après la remise des bourses, l'un des étudiants m'a demandé pourquoi la bourse qu'il recevait était imposable. Aux yeux des boursiers, le gouvernement donne d'une main et reprend de l'autre.

J'attire l'attention des ministres responsables, car ces étudiants sont de grands travailleurs qui sont porteurs de ces valeurs d'excellence que nous promouvons. Ils seront des acteurs de premier plan dans la société de demain et nous devons leur donner le maximum d'aide. Le programme Bourses Canada est une excellente initiative. Néanmoins, si on ne taxe pas les prix de loterie, n'y aurait-il pas lieu de revoir le principe de taxation des bourses aux étudiantes et étudiants?

* * *

[Traduction]

LA FORMATION PROFESSIONNELLE

M. Tony Valeri (Lincoln): Monsieur le Président, l'un des principaux points du programme des libéraux durant la campagne électorale était la création d'emplois. Or, on pourrait atteindre cet objectif notamment en appuyant et en renforçant le secteur des petites et moyennes entreprises.

Nous connaissons tous de petites entreprises qui ont eu de la difficulté à obtenir un financement adéquat. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante affirme que les marchés boursiers semblent avoir un parti pris en faveur des grandes entreprises. La seule façon de remédier au problème de capitaux propres des petites entreprises est de créer des incitatifs afin que les Canadiens investissent leurs économies dans les entreprises privées et aident ainsi à générer de la richesse et à créer des emplois dans les collectivités locales de tous les coins du pays.

(1410)

Alors que tant de Canadiens doivent se recycler, le gouvernement devrait commencer à reconnaître que la formation informelle donnée par les petites et moyennes entreprises représente une part importante du recyclage global. Le gouvernement doit mettre au point des programmes de formation qui aideront les petites entreprises à poursuivre le travail qu'elles font spontanément dans ce domaine.

Les fonds publics consacrés au développement des compétences devraient être réservés plutôt à l'alphabétisation et aux compétences de base. Il faudrait laisser un maximum d'autonomie


1378

aux collectivités locales afin qu'elles déterminent leurs propres besoins en matière de formation ainsi que les résultats désirés.

Si l'une de ces recommandations était adoptée, elle contribuerait à stimuler la reprise dans le secteur des petites et moyennes entreprises et, par conséquent, à stimuler la reprise de toute l'économie canadienne. Après tout, c'est exactement cela que les Canadiens ont demandé.

* * *

LES JEUX OLYMPIQUES D'HIVER

M. Jesse Flis (Parkdale-High Park): Monsieur le Président, dans un monde perturbé par de nombreux conflits, c'est facile d'oublier que les Jeux olympiques ont été créés pour rassembler les différentes nations dans un objectif pacifique. Les cinq anneaux du drapeau olympique symbolisent les cinq continents réunis pour se livrer une compétition sportive.

Malgré la guerre qui fait rage dans l'ancienne Yougoslavie, Lillehammer, en Norvège, est maintenant un symbole d'espoir que la paix revienne en Europe.

C'est pourquoi je suis très fier que l'un des habitants de Parkdale-High Park représente le Canada aux XVIIe Jeux olympiques d'hiver. Kennedy Ryan affrontera de jeunes athlètes des quatre coins du monde aux épreuves de ski acrobatique.

Faisons honneur à l'esprit des Jeux olympiques. Je félicite la famille Ryan et ses amis qui, tout comme moi, sont fiers de nos athlètes olympiques.

* * *

[Français]

LE CHILI

M. Osvaldo Nunez (Bourassa): Monsieur le Président, comme vous le savez, je suis un Québécois originaire du Chili, pays que j'aime de tout mon coeur et qui, on s'en souvient, a vécu une longue dictature militaire jusqu'en 1989, année de l'élection du gouvernement démocratique de M. Patricio Aylwin.

Le mandat de ce dernier se termine le 11 mars prochain, date de sa passation de pouvoirs au nouveau président élu en décembre 1993, M. Eduardo Frei.

Tous les pays ont été invités à envoyer une délégation à ces cérémonies d'investiture et, déjà, plus d'une vingtaine de chefs d'État ont confirmé leur présence à cet événement majeur.

Le Chili revêt une importance particulière pour le Canada et le Québec.

Dans ce cadre, il est souhaitable, et je le suggère fortement, que le Canada envoie lui aussi une délégation de niveau ministériel pour nous y représenter le 11 mars prochain.

* * *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Ted White (Vancouver-Nord): Monsieur le Président, je m'inquiète de voir que la valeur du dollar canadien a chuté de plus d'un demi-cent, hier, poursuivant ainsi la rapide descente qu'il avait amorcée après les dernières élections.

Depuis la fin d'octobre 1993, le dollar a perdu plus de deux cents et demi, ce qui fait monter le coût des importations et augmente le risque d'une hausse rapide des taux d'intérêt à court terme.

Le ministre des Finances n'a pas établi publiquement le niveau auquel il entend stabiliser le dollar ou les taux d'intérêt. Je lui demande de le faire le plus tôt possible afin que les entrepreneurs et les contribuables canadiens puissent planifier leurs dépenses futures.

Le ministre doit savoir que cette baisse de la valeur du dollar contribuera à la hausse du coût de la vie. J'espère qu'il ne veut pas se servir ainsi de l'inflation pour chercher à éviter une crise imminente due au problème de la dette au lieu de prendre des mesures concrètes visant à réduire les dépenses du gouvernement.

Ce que les Canadiens veulent est bien clair: coupez des pans complets de l'édifice gouvernemental et retirez les subventions à certains groupes d'intérêts plutôt que de hausser les impôts ou de permettre une baisse importante du dollar canadien.

* * *

L'EXCELLENCE DANS L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES, DE LA TECHNOLOGIE ET DES MATHÉMATIQUES

M. Ovid Jackson (Bruce-Grey): Monsieur le Président, je prends la parole pour attirer l'attention de la Chambre sur les 17 lauréats nationaux du prix du premier ministre pour l'excellence dans l'enseignement des sciences, de la technologie et des mathématiques, et pour leur offrir toutes nos félicitations.

Je tiens à mentionner tout particulièrement le nom de M. Douglas H. Cunningham, de l'école secondaire du district de la péninsule Bruce, à Lion's Head, un village de ma circonscription de Bruce-Grey, qui a reçu ce prix, au niveau local.

M. Cunningham, qui est un exemple d'enthousiasme et de perfection, sait instiller chez nos jeunes ces qualités si critiques à l'avenir et à la prospérité du Canada.

Je sais que l'école secondaire de Lion's Head, où il enseigne, est célèbre pour la qualité des élèves qui en sont diplômés, particulièrement dans le domaine des sciences. Les habitants de la circonscription de Bruce-Grey saluent M. Cunningham et le remercient de sa remarquable contribution.

Je sais que les députés de cette Chambre se joignent à moi pour féliciter, au nom de tous les Canadiens, les lauréats de ce prix bien mérité.

* * *

[Français]

LES JEUX OLYMPIQUES D'HIVER

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est): Monsieur le Président, un même sentiment de fierté a rempli le coeur des Canadiens et des Canadiennes lorsque Edi Podivinsky a remporté avant-hier, à Kvitfjell, en Norvège, la médaille de bronze en ski de descente pour hommes.

1379

[Traduction]

Edi n'est que le deuxième Canadien à remporter une médaille olympique en ski. Son exploit n'a d'égal que la victoire de Steve Podborski à la descente masculine aux Jeux olympiques d'hiver, à Lake Placid, en 1980. Cet exploit, Edi Podivinsky le doit à la détermination avec laquelle il a su vaincre l'adversité et la douleur physique. C'est un athlète à la hauteur des défis de son sport.

Le sport est au coeur de l'identité canadienne. Les Canadiens en retirent un sentiment de fierté, de respect mutuel et de confiance en eux.

Conscient de la richesse de notre patrimoine sportif, le gouvernement canadien est fier de participer au développement du sport et à la formation d'athlètes qui deviendront des héros à l'instar d'Edi Podivinsky.

[Français]

Au nom de tous les députés, j'aimerais transmettre mes sincères félicitations à Edi Podivinsky pour son exploit remarquable.

_____________________________________________


1379

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE CRIME ORGANISÉ

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, l'émission Le Point de Radio-Canada a diffusé hier soir un témoignage d'un contrebandier qui confirme les liens étroits établis entre les warriors et le crime organisé de Montréal.

Dans un autre article publié aujourd'hui par le journaliste Michel Vastel, nous apprenons que la GRC a annulé, cet automne, deux opérations policières qui devaient s'effectuer sur une réserve mohawk aux environs de Montréal.

Est-ce que le solliciteur général, ou le premier ministre, peuvent nous dire s'ils ont obtenu de la GRC des réponses aux questions que j'ai posées hier concernant la participation des warriors à certaines activités criminelles du crime organisé de Montréal?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, j'ai discuté du sujet avec le commissaire de la GRC ce matin. Il m'a informé que la GRC fait respecter la loi partout au pays et que la GRC n'a aucune connaissance d'un entrepôt de drogue sur une réserve autochtone dans la région de Montréal.

J'aimerais ajouter que l'on doit prendre très au sérieux les informations qui m'ont été fournies par le commissaire de la GRC qui est un des leaders de la force policière partout dans le monde.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, avec toute la déférence et le respect que nous avons pour le travail de la GRC, nous pouvons tout de même nous demander comment la GRC peut savoir ce qui se passe là-bas si elle n'y va pas.

Deuxièmement, je me demande comment on peut concilier la réponse du ministre avec le témoignage de cette personne qui était à la télévision hier soir et qui disait avoir visuellement pris connaissance des faits que je viens de rapporter.

Il y a le premier ministre qui dit: Nommez un nom! Qui, qui? Eh bien, je peux lui nommer le ministre Claude Ryan, du gouvernement du Québec, qui a été responsable pendant plusieurs années de la Sûreté du Québec, et qui a dit hier savoir depuis plusieurs années qu'il y avait une coopération établie entre le crime organisé et les warriors. Peut-être que la GRC pourrait parler à la Sûreté du Québec, ou que le solliciteur général pourrait parler à ses homologues québécois.

La question que je voudrais poser encore une fois au solliciteur général est la suivante: Est-ce qu'il peut nous indiquer qui, au niveau du gouvernement fédéral, au niveau politique ou autrement, a donné l'ordre d'annuler une importante opération policière, qui a été montée en décembre dernier, conjointement par la GRC et la Drug Enforcement Agency sur un territoire de réserve? Qui a annulé cette opération? En décembre dernier, il y avait un gouvernement ici.

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, c'est évident que je ne peux pas commenter les activités opérationnelles de la GRC. Est-ce que le chef du Bloc québécois désire, par ses questions, nuire à la possibilité d'avoir de bons résultats à de telles enquêtes. Je dois me demander pourquoi il me pose de telles questions actuellement.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, le leader de l'opposition se fait le relais de questions qui se posent partout au Canada, qui sont illustrées par des images télévisées, par des reportages dans les journaux. C'est une question extrêmement légitime. Nous avons le droit de savoir. Les électeurs et les électrices du Canada et du Québec ont le droit de savoir si la loi est respectée, s'il y a dans ce pays des zones interdites pour le respect de la loi. Et le solliciteur général a le devoir de répondre à ces questions.

(1420)

Et parlant de question, je lui en poserai une autre, encore plus pointue: Est-ce qu'il peut nous confirmer les allégations, parues dans les journaux d'aujourd'hui, voulant que le chef de l'escouade CHOC, chargée de la lutte anti-drogue à la GRC, empêche ses agents de poursuivre les filatures et les arrestations sur le territoire des réserves?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je peux assurer le chef du Bloc populaire, pardon, du Bloc québécois. Ce n'est pas tout à fait «populaire» en ce moment.

Des voix: Très populaire!

M. Gray: Donc, je peux assurer le chef du Bloc québécois qu'il n'y a aucune zone interdite dans ce pays, y inclus les réserves autochtones. Je ne peux pas confirmer les allégations de M. Vastel dans son article qui a paru aujourd'hui, mais je peux répéter que le gouvernement a bien l'intention de faire respecter


1380

la loi partout au pays. Et j'espère que j'aurai l'appui total du chef de l'opposition pour cette position de politique.

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, avec les déclarations de l'ex-ministre de la Sécurité publique du Québec hier, il devient évident que la seule personne au Canada à ne pas savoir que ni la GRC ni la Sûreté n'interviennent en territoire mohawk est le solliciteur général du Canada.

Alors que lui-même et son premier ministre nous disaient dans un débat que la situation était extrêmement délicate et qu'il fallait faire attention, pourquoi le solliciteur général nous dit-il que la GRC intervient en territoire mohawk sans aucun problème, alors que même le premier ministre nous parlait de la délicatesse et de la particularité de la situation il y a quelques jours?

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je tiens à répéter que le gouvernement ne tolère aucune zone interdite.

J'ignore ce qui se passait à l'époque où le chef de l'opposition faisait partie du cabinet conservateur. Il voudra peut-être nous l'expliquer. Je peux dire qu'il n'y a pas de zone interdite à l'heure actuelle. Le gouvernement entend faire respecter la loi partout au Canada. Qu'on ne voit pas les agents de la GRC à la télévision ne signifie pas qu'ils ne font pas leur travail pour faire respecter la loi sur les réserves ou ailleurs au Canada.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, alors même que les autorités de la GRC ont confirmé que non seulement les réseaux de contrebandiers servaient à la contrebande de la cigarette mais que la contrebande s'étendait à des produits de luxe comme les vêtements, les bijoux et l'alcool, comment le solliciteur général veut-il qu'on le croit lorsqu'il nous affirme que ces réseaux ne serviraient pas pour le trafic du produit le plus payant, la cocaïne?

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, j'ignore où se trouvait le leader parlementaire de l'opposition au cours des deux dernières semaines, parce qu'il aurait dû entendre le chef de notre parti, le premier ministre, et moi-même dire que ce qui nous poussait à agir sans tarder, après des années de laisser-faire, y compris la période où le chef de l'opposition faisait partie du cabinet conservateur, c'est qu'il existait des réseaux de contrebande non seulement pour le tabac, mais aussi pour l'alcool, les médicaments et les armes militaires de grande puissance.

Nous l'avons dit ici même à la Chambre et c'est pourquoi nous avons intensifié les activités de lutte contre la contrebande partout au Canada. Plutôt que d'agir comme elle le fait, l'opposition officielle devrait appuyer les efforts que nous déployons et qui vont bien au-delà de ce qu'on était prêt à faire à l'époque où le chef de l'opposition était de ce côté-ci, comme membre du cabinet conservateur.

* * *

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Comme nouveaux députés, nous avons assisté à de nombreuses séances d'information au cours desquelles on nous a présenté des énoncés de mission pour des ministères ou des programmes, des mandats et des énoncés d'objectifs. Nous avons remarqué que bien peu de ces énoncés faisaient allusion à la situation financière précaire du gouvernement ou aux intérêts des contribuables.

(1425)

Le premier ministre donnerait-il dès cette semaine à tous les dirigeants de ministères, d'organismes et de programmes l'ordre de revoir leurs énoncés de mission afin d'y insérer, comme objectifs explicites, la réduction du déficit et la maximisation des avantages pour les contribuables?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, si je le faisais cette semaine, je serais bien en retard. Je l'ai fait dès le premier jour, dès la formation du gouvernement.

Des voix: Bravo!

M. Chrétien (Saint-Maurice): J'ai demandé aux ministres de veiller à ce que le gouvernement soit économe et efficace et à ce que le contribuable obtienne les services qu'il paie par ses impôts.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, j'ai une question supplémentaire à poser au premier ministre.

Comme le premier ministre le sait, plus de 70 p. 100 des dépenses nettes du gouvernement sont des dépenses législatives sur lesquelles la Chambre ne se prononce pas chaque année.

Le premier ministre accepterait-il que ces dépenses législatives soient examinées par la Chambre et ses comités chaque année?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, le chef du Parti réformiste n'est pas sans savoir que des projets de loi découlant du budget seront proposés à la Chambre. Il pourra alors proposer des amendements. Si le député veut remettre en question les pensions de vieillesse, nous allons voter contre.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, j'ai une autre question supplémentaire. Nous obtiendrons peut-être quelque chose cette fois.

Le vérificateur général a signalé que les recettes fédérales provenant des droits imposés pour l'utilisation d'installations fédérales, de biens et de services du gouvernement dépassent les 3 milliards de dollars par année, mais qu'il n'y a aucun examen réglementaire ou parlementaire de ces droits.


1381

Le premier ministre ordonnerait-il au Conseil du Trésor de donner au Parlement un résumé des droits imposés aux usagers dans l'ensemble de l'administration publique, des recettes ainsi recueillies et des textes législatifs qui en régissent l'établissement?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure): Monsieur le Président, l'information sur les recettes est donnée avec des détails plus ou moins poussés à la fois dans les Comptes publics du Canada, qui viennent d'être déposés à la Chambre, et dans la partie III du budget des dépenses.

Nous tenons à être en mesure de donner aux parlementaires les renseignements qui peuvent leur être utiles. Nous sommes donc en train de revoir toute la question pour savoir comment améliorer la présentation et la divulgation de l'information et pour déterminer la nature des renseignements qui peuvent être utiles aux députés.

Je vais écrire aux comités parlementaires pour leur demander quelle information sur les droits aux usagers leur serait utile dans leurs délibérations.

* * *

[Français]

L'EUTHANASIE

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice. Le gouvernement conservateur, en 1991, a introduit le projet de loi C-261 au sujet de l'euthanasie et l'interruption de traitement, qui a été rayé du Feuilleton. Un autre débat sur une motion d'un député a eu lieu en mars 1993, et cette motion a été rejetée en Chambre.

Est-ce que le gouvernement, plutôt que de soumettre la question à un débat sans conséquence, déposera un projet de loi qui décriminalise, en certaines circonstances et à certaines conditions, l'assistance à une personne qui désire abréger ses souffrances en phase terminale?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, le gouvernement a l'intention d'offrir au Parlement l'occasion de tenir des discussions éclairées sur les problèmes importants et complexes que suscite cette question.

À une date que nous annoncerons plus tard et au moyen d'un processus que nous définirons en caucus et en cabinet, nous donnerons à la Chambre la chance d'étudier ces questions d'intérêt public et nous offrirons aux députés l'occasion d'exprimer leurs points de vue, probablement dans le cadre d'un vote libre. La Chambre pourra ainsi tenir des discussions éclairées dans le but de régler les problèmes que soulève cette question extrêmement délicate mais combien importante.

(1430)

En terminant, je voudrais rappeler à la députée que le vote tenu l'an dernier au sujet du projet de loi d'initiative parlementaire a eu lieu au moment même où la Cour suprême du Canada s'apprêtait à rendre une décision dans l'affaire Rodriguez. De nombreux députés estimaient que le Parlement devait attendre le jugement avant d'agir. Nous connaissons désormais la décision qui a été rendue. Nous savons que les juges pensent qu'il est de notre devoir de régler la question et c'est ce que nous avons l'intention de faire.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Monsieur le Président, le ministre reconnaît-il que de tenir un autre débat sans aboutissement législatif ne règle rien? D'autant plus que la Cour suprême a conclu que le législateur doit statuer et non pas se contenter de bavarder.

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, je peux garantir à la députée que nous trouverons une façon de tenir à la Chambre un débat significatif et non simplement des discussions purement théoriques. S'il nous faut, à cette fin, proposer une modification à la loi et tenir un vote libre, c'est exactement ce que nous ferons.

* * *

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense.

En 1983, quatre entreprises de déménagement ont été reconnues coupables de fixation des prix. Ces entreprises sont maintenant sous le coup d'un décret d'interdiction dont j'ai ici une copie. Et pourtant, ces entreprises sont les seules à pouvoir soumissionner les travaux de déménagement du ministère dont 900 autres sont somme toute exclues.

Le ministre peut-il dire ici si le processus d'appel d'offres du gouvernement actuel est contraire à la lettre ou à l'esprit du décret d'interdiction en question et partant, s'il n'est pas illégal?

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je n'ai certes connaissance d'aucune activité de mon ministère qui soit illégale. Je suis persuadé qu'il n'en est rien.

J'ai répondu à une question similaire que m'a posée, il y a quelques semaines, mon collègue, le député de Waterloo. L'affaire est à l'étude et j'en informerai la Chambre à la première occasion. Il serait quelque peu prématuré d'en parler pour le moment.

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, ma question supplémentaire s'adresse aussi au ministre. J'attends toujours une réponse à la question posée il y a deux semaines. Entre-temps, le processus d'appel d'offres du gouvernement en ce qui concerne les travaux de déménagement pour cette année a pris fin le 12 février.


1382

Le ministre peut-il nous assurer au nom de son ministère que les soumissions seront rendues publiques dès qu'elles auront été examinées?

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je crois que, conformément à l'entente qui a été conclue avec l'entreprise intéressée, toute modification au régime qui constitue une espèce d'expérience doit être apportée avant juillet de l'année précédente. L'ancien gouvernement n'ayant pas apporté de modification, nous avons donc jusqu'au 31 juillet de cette année pour nous occuper de cette affaire. Et je puis assurer au député que nous allons le faire.

* * *

[Français]

LE SANG CONTAMINÉ

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé. L'enquête sur le scandale du sang contaminé a commencé ses audiences hier à Toronto. On apprenait que les victimes ont seulement jusqu'au 15 mars pour accepter un règlement leur accordant une indemnité et renoncer à tous leurs droits de poursuite. Or, si les victimes ne signent pas cette entente, elles ne reçoivent aucune indemnité.

Est-ce que la ministre reconnaît que c'est un chantage éhonté, un véritable hold-up indigne d'une société civilisée?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Il faudrait que j'explique, monsieur le Président, que la date du 15 mars, en effet, est une date fixée par les provinces pour un programme provincial qui a été accepté par les provinces, et non pas le programme fédéral.

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, est-ce que la ministre est prête à s'engager, au nom d'un minimum de compassion et de décence, à verser une indemnité intérimaire sans exiger de la part des victimes de renoncer aux droits de poursuite?

[Traduction]

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, comme vous le savez, le juge Krever a reçu pour mandat d'examiner la sécurité du système canadien de gestion du sang et de formuler des recommandations sur les moyens de le rendre encore plus sûr. J'appuie entièrement ce mandat et je ferai tout en mon pouvoir pour que la commission d'enquête remplisse bien sa mission.

Pour répondre à la députée, je dois dire à nouveau que la date du 15 mars apparaît dans un programme provincial d'aide aux victimes du sang contaminé. La députée devrait peut-être poser sa question à un autre palier de gouvernement.

* * *

(1435)

LA FORMATION PROFESSIONNELLE

M. Monte Solberg (Medicine Hat): Monsieur le Président, une édition récente de l'émission de télévision Venture nous apprenait que le genre de formation que les chômeurs canadiens reçoivent du ministère du Développement des ressources humaines n'a pas augmenté mais plutôt diminué leurs chances de trouver un emploi.

Ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines. Le ministre déposera-t-il à la Chambre le document cité au cours de l'émission Venture et tiendra-t-il sans délai un débat libre sur l'avenir de la formation professionnelle au Canada?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je me demande bien où était le député, il y a environ une semaine, lorsque la Chambre a tenu trois jours de débat sur toute la question de l'emploi, de la formation et de la réforme de la sécurité sociale.

Je lui recommande de commencer à lire ses coupures de journaux et son hansard pour savoir ce que fait le Parlement avant de poser des questions.

M. Monte Solberg (Medicine Hat): Monsieur le Président, je suis convaincu que les Canadiens se réjouiront de cette réponse.

Lorsque l'examen des programmes sociaux sera terminé, le gouvernement fédéral aura englouti plus d'un milliard et demi de dollars dans un programme de formation qui, selon le ministère du Développement des ressources humaines lui-même, ne sert à rien. Pour éviter de perdre le temps des sans-emploi ou l'argent des contribuables, le ministre peut-il dire quelles mesures il entend prendre pour remédier immédiatement au problème?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je suis très heureux de faire savoir à la Chambre que, hier, j'ai eu une réunion avec tous les ministres provinciaux et territoriaux de l'emploi, de la formation professionnelle et des services sociaux. Nous avons abordé plusieurs sujets.

Nous nous sommes notamment entendus sur la nécessité de prendre immédiatement des mesures pour mettre fin au dédoublement des services, pour trouver où il y a des dépassements de coûts et pour déterminer par où nous pouvons commencer à rationaliser les programmes de formation, par exemple, pour économiser et pour mieux fournir les services.

Le député devrait être très heureux que nous ayons réussi à obtenir l'entière collaboration des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral dans une initiative visant à mieux former les travailleurs et à trouver des emplois pour tous les Canadiens.

* * *

[Français]

LE SANG CONTAMINÉ

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé. Dès l'ouverture de l'enquête sur le sang contaminé, hier à Toronto, le juge Krever a demandé de prolonger d'une année les travaux de cette enquête, et ceci, compte tenu de la complexité du dossier.

La ministre partage-t-elle l'opinion émise par le juge Krever, et conséquemment, compte-t-elle accorder une prolongation


1383

des travaux afin que soit faite toute la lumière sur cette question complexe?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, comme je l'ai dit tout à l'heure, cela m'inquiète beaucoup. On doit rassurer les Canadiens que leur banque de sang est sécuritaire. Il est entendu que le juge Krever a demandé pour un peu plus de temps et nous voulons prendre cela en considération, mais nous avons aussi bien hâte de voir son rapport. Alors, nous allons essayer de lui donner les réponses qu'il désire afin qu'on reçoive les résultats qui sont nécessaires aux Canadiens et aux Canadiennes.

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, je suis convaincu que la ministre est consciente qu'un témoignage bâclé réduirait évidemment la portée de cette enquête. Conséquemment, et par souci de cohérence, la ministre ne convient-elle pas qu'il faudra accorder les fonds nécessaires pour que la Société canadienne de l'hémophilie et la commission puissent faire toute la lumière sur le scandale que nous avons connu?

[Traduction]

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, c'est effectivement scandaleux que nos réserves de sang aient été contaminées comme ce fut le cas au début des années 1980. Il est essentiel que nous comprenions pourquoi c'est arrivé et que nous voyions à ce que cela ne se reproduise plus.

Le gouvernement précédent a accepté de verser des fonds qui étaient manifestement suffisants pour permettre qu'une enquête soit entreprise. Je sais que le Cabinet examinera attentivement la demande de fonds supplémentaires qui a été faite.

* * *

L'ENVIRONNEMENT

L'hon. Charles Caccia (Davenport): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre des Ressources naturelles.

Comme la ministre le sait, le dioxyde de carbone est une des causes principales des changements climatiques et pose une menace en tant que gaz à effet de serre.

(1440)

Étant donné que les gouvernements se sont engagés à réduire de 20 p. 100 les émissions de dioxyde de carbone d'ici l'an 2005, la ministre peut-elle dire à la Chambre quand elle sera en mesure d'annoncer un plan fédéral-provincial qui nous permettra d'atteindre cet objectif?

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles): Monsieur le Président, je remercie mon collègue, le député de Davenport, pour sa question qui porte sur un sujet d'intérêt international.

De façon générale, la démarche adoptée par notre gouvernement est axée sur la consultation, la collaboration et le partenariat. La stratégie que nous mettrons en place nécessitera la participation de tous les niveaux de gouvernement, du secteur privé et des Canadiens.

Comme le député le sait peut-être, lors d'une première réunion historique qui a eu lieu en novembre 1993, les ministres fédéraux et provinciaux responsables de l'énergie et de l'environnement ont chargé leurs fonctionnaires d'élaborer une stratégie et de faire des recommandations en vue de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre aux niveaux de 1990 d'ici l'an 2000 et de trouver des solutions de rechange qui permettront de réduire les émissions de tels gaz d'ici l'an 2005.

Je m'attends à ce que ce comité mixte présente son rapport en novembre 1994. Je suis certaine que le gouvernement sera alors en mesure d'élaborer des plans de travail précis relativement à nos engagements.

* * *

LE BUDGET

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le ministre a déclaré à la Chambre qu'il allait réduire dans le prochain budget la déduction autorisée pour frais de repas d'affaires afin d'assurer une plus grande équité fiscale. D'après les meilleurs calculs, cette modification fiscale pourrait menacer 24 000 emplois dans le secteur de la restauration.

Le ministre aurait-il l'obligeance d'expliquer aux Canadiens et aux travailleurs de ce secteur comment les effets probables de ce projet de mesure fiscale sont compatibles avec le slogan électoral de son parti qui a mené campagne en promettant «des emplois et encore des emplois»?

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales)): Monsieur le Président, la citation du député vient du gouvernement précédent.

Je voudrais confirmer que le ministre des Finances a fait une déclaration vendredi dernier à la Chambre pour annoncer qu'il présentera son budget mardi prochain; des mesures fiscales du genre de la modification dont il parle figureront dans ce budget si elles sont effectivement au nombre des modifications retenues.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur le Président, je fais allusion à l'annonce faite ici même qu'il s'agirait d'une mesure fiscale que le ministre prendrait dans son budget.

J'ai une question supplémentaire. Le ministre pourrait-il dire à la Chambre combien d'années-hommes seront créées par le programme d'infrastructure à très forte concentration de capitaux, et combien d'années-hommes. . .

Le Président: À l'ordre. Je me demande si le député ne pourrait pas poser sa question en des termes un peu plus généraux. Nous entrons dans les détails.

M. Grubel: Monsieur le Président, je vais tâcher d'être politiquement correct.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Il ne s'agit pas tant d'être politiquement correct que d'énoncer clairement sa question.

M. Grubel: Le ministre aurait-il l'obligeance de dire à la Chambre combien d'années-hommes et d'années-femmes seront créées par le programme d'infrastructure à très forte concentration de capitaux, et combien d'années-hommes et d'années-femmes seront perdues à cause de la diminution des dépenses dans le secteur de la restauration à très forte concentration de main-d'oeuvre?


1384

(1445)

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales)): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit, on connaîtra les détails du budget le 22 février.

Les modifications fiscales dont parle le député n'ont pas été annoncées à la Chambre. Si elles ont été retenues, elles seront annoncées dans le budget lui-même, et la réponse deviendra évidente à ce moment-là.

* * *

[Français]

L'AIDE SOCIALE

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines. Ce matin, les journaux, dans leur compte rendu de la rencontre fédérale-provinciale des ministres responsables des ressources humaines, nous informent que le gouvernement fédéral, dans le cadre de sa réforme des programmes sociaux, entend jouer un rôle prépondérant dans l'aide sociale en intervenant directement auprès des citoyens, faisant fi des compétences provinciales.

Le ministre osera-t-il nous confirmer qu'il envisage abolir les transferts aux provinces au chapitre de l'aide sociale, et qu'il désire lancer un programme de prestations directes aux Québécois et aux Canadiens?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je peux confirmer que, lors des discussions fort constructives que nous avons eues hier avec tous les ministres provinciaux, nous avons convenu d'examiner en profondeur un certain nombre de programmes sociaux dont bénéficient les Canadiens. Cette rencontre est la preuve éclatante que le fédéralisme fonctionne bien si on le veut et si on s'en donne la peine.

Les deux paliers de gouvernement sont impatients de conjuguer leurs efforts pour faire en sorte que les programmes sociaux de notre pays répondent efficacement aux besoins de tous les Canadiens.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, à Meech et à Charlottetown aussi il y avait eu des ententes très cordiales entre les ministres des différents niveaux de gouvernement. Comment le ministre peut-il expliquer que son gouvernement qui s'est fait élire en disant que la Constitution, on n'en parlerait plus, joue à deux mains dans la compétence des provinces?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'une députée qui a voté contre l'entente de Charlottetown utilise cet exemple. Nous avons l'intention de procéder différemment.

Les autorités fédérales et provinciales veulent travailler en collaboration, dans l'intérêt de tous les Canadiens, et je signale à la députée qu'il ne s'agit nullement d'une guerre de territoire ou d'une lutte de pouvoirs. Nous voulons travailler en collaboration afin d'utiliser le mieux possible nos très maigres ressources et d'en faire bénéficier tous les Canadiens.

C'est là notre objectif, et je me réjouis que ce soit aussi celui de tous les ministres provinciaux qui ont participé à la rencontre.

* * *

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le 1er janvier, le gouvernement a imposé à tous les travailleurs et employeurs du Canada une charge sociale de 7 p. 100, sous forme d'une hausse des cotisations à l'assurance-chômage qui, de l'avis de tous les économistes, entraînera des pertes d'emplois.

Comment cette hausse est-elle compatible avec les objectifs de création d'emplois décrits dans le livre rouge?

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales)): Monsieur le Président, la hausse des cotisations à l'assurance-chômage qui a été annoncée et est entrée en vigueur en janvier était infime, et le ministre a par la même occasion déclaré que les cotisations seraient gelées à ce niveau, compte tenu de l'objectif de création d'emplois du gouvernement.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, si une hausse des cotisations à l'assurance-chômage entraîne des pertes d'emplois, leur réduction devrait donc permettre la création d'emplois.

Quand le ministre compte-t-il annoncer une baisse des cotisations à l'assurance-chômage?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, en l'absence du ministre des Finances avec lequel j'ai eu maintes discussions intéressantes et constructives à ce sujet, j'inviterai le député à patienter un peu. Mardi prochain, le ministre des Finances présentera en effet un des documents à long terme les plus importants et significatifs qu'on ait vu déposés à la Chambre depuis longtemps.

* * *

(1450)

L'IMMIGRATION

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

À l'instar d'une foule d'autres députés, j'ai eu l'occasion de rencontrer des réfugiés de l'ancienne Yougoslavie. Ces gens-là sont dans un état pitoyable. Ils ont des parents éparpillés un peu partout dans l'ancienne Yougoslavie et dans les pays environnants.


1385

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration peut-il nous dire quels effets auront les modifications annoncées récemment sur les réfugiés en général et sur ceux de l'ancienne Yougoslavie en particulier?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de sa question et de l'intérêt qu'il porte à ce sujet.

Outre son rôle de gardien de la paix, que tous connaissent bien à la Chambre, le Canada s'est efforcé du mieux qu'il a pu, par ses politiques en matière d'asile et d'immigration, d'alléger les souffrances des victimes.

En 1992, le gouvernement précédent a prolongé un programme spécial par lequel des visiteurs provenant de l'ancienne Yougoslavie étaient admis au Canada dans le cadre de la politique de réunification des familles. Nous avons accepté de prolonger ce programme jusqu'au mois de juillet de cette année. Quelque 3 000 personnes ont profité de cette mesure. De plus, dans le cadre de la politique de la réunification des familles, nous avons autorisé des personnes à faire une demande à nos bureaux dans l'ancienne Yougoslavie. Quelque 8 500 personnes ont fait une demande.

Par ailleurs, nous avons fixé à 7 300 le nombre de réfugiés parrainés par le gouvernement et porté à 2 400 celui des réfugiés de cette catégorie venant de l'ancienne Yougoslavie; en outre, nous avons fixé une réserve de 400 réfugiés à laquelle nous n'hésiterons pas à recourir si la situation empire dans cette région du monde.

Nous avons bon espoir que la sagesse prévaudra très rapidement.

* * *

[Français]

LE COMMERCE INTERNATIONAL

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, nous avons assisté ces derniers jours à l'échec malheureux des négociations commerciales américano-japonaises. Si l'escalade verbale à laquelle nous assistons dégénère en véritable conflit commercial entre les deux pays, il est à craindre que le Québec et le Canada n'en subissent les contrecoups.

Ma question s'adresse au ministre du Commerce international. Le ministre n'appréhende-t-il pas des retombées négatives de ce conflit pour le Québec et le Canada?

[Traduction]

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Tout au long des négociations entre les États-Unis et le Japon, nous sommes intervenus, systématiquement et fréquemment, auprès des deux pays, afin de garantir que toutes les mesures commerciales qu'ils envisageraient bilatéralement n'auraient pas de répercussions sur les autres pays du GATT; en d'autres termes, nous avons tout fait pour préserver le principe du traitement de la nation la plus favorisée dans le cadre de ces arrangements.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, le ministre du Commerce international est d'accord avec notre analyse.

Ma question complémentaire s'adresse au premier ministre. Ne serait-il pas souhaitable qu'il intervienne personnellement auprès du président américain pour lui faire part des intérêts et des inquiétudes du Canada?

[Traduction]

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, les discussions auxquelles le député se rapporte sont rompues, comme il le sait probablement, et les Américains agissent unilatéralement pour protéger ce qu'ils considèrent comme étant leurs intérêts commerciaux. Le premier ministre n'a aucune raison d'intervenir dans cette situation.

Nous nous inquiétions surtout de savoir si les États-Unis et le Japon concluraient un accord, ce qui n'est pas le cas, et conviendraient de mesures susceptibles de nuire aux intérêts commerciaux du Canada. La situation ne s'est pas produite.

* * *

LE MUSÉE D'HISTOIRE INDUSTRIELLE

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Les Canadiens se souviendront que l'ex-premier ministre a puisé dans les deniers publics pour faire construire un pénitencier fédéral dans sa circonscription. Récemment, le gouvernement fédéral a contribué 4,5 millions de dollars au financement d'un musée d'histoire industrielle qui sera érigé à Shawinigan, dans la circonscription du premier ministre actuel.

Le premier ministre actuel a-t-il l'intention d'égaler ou même de surpasser les subventions fédérales que l'ex-premier ministre a versées à sa propre circonscription?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, permettez-moi de signaler au député que les autorités locales réclament ce projet depuis des mois. En fait, l'administration municipale, la province ainsi que tous les partis politiques du Québec appuient cette initiative à l'unanimité. Il est malheureux que le parti de mon collègue n'ait pas eu de candidats au Québec aux dernières élections, car j'ai l'impression qu'ils appuieraient le projet eux aussi.

(1455)

Le gouvernement fédéral versera une contribution modeste, par rapport à celles du secteur privé et du gouvernement provincial. Le projet permettra de créer des emplois et d'aménager un centre touristique susceptible d'avoir d'importantes retombées économiques dans toute la région, et non seulement dans la circonscription du premier ministre.


1386

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, nous entendons cela tellement de fois à la Chambre, que j'ai l'impression qu'il s'agit d'un engagement pris par d'anciens gouvernements ou d'autres groupes. Il reste que si le gouvernement peut annuler l'achat d'hélicoptères EH-101, il peut certainement éviter cette dépense de 4,5 millions de dollars.

Est-ce là la façon dont le premier ministre prend soin de sa circonscription, comme il avait promis de le faire l'automne dernier pendant la campagne électorale? Le premier ministre est-il en train de nous dire qu'il puisera dans l'argent des contribuables de toutes les régions du Canada de quoi verser à ses électeurs 4,5 millions de dollars?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, permettez-moi de rappeler au député que la subvention du gouvernement fédéral vient s'ajouter à de nombreuses autres contributions versées par le secteur privé. Le secteur privé investit trois fois plus d'argent que le gouvernement fédéral dans cette initiative.

Le musée créera des centaines d'emplois dans la région et profitera non seulement à la circonscription du premier ministre mais également à l'ensemble de la région.

Si le député se rend dans la région, il sera fier de constater que ce coin de pays tire avantage des dépenses globales du gouvernement canadien.

* * *

[Français]

LES EXPORTATIONS CANADIENNES

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international.

On apprend ce matin que, depuis dix ans, la position du Canada comme pays exportateur ne cesse de se détériorer. Les exportations canadiennes ont reculé, en proportion du total mondial, de plus de 5 p. 100 entre 1982 et 1992. Il s'agit là d'un manque à gagner de 7 milliards de dollars US, ce qui représente, selon Claude Picher du journal La Presse, le financement de 300 000 emplois pour le Canada.

Quelle action concrète ce gouvernement entend-il prendre pour redresser cette situation catastrophique des exportations canadiennes, cause importante de l'effondrement du niveau de l'emploi?

[Traduction]

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, les statistiques que cite le député montrent à l'évidence que la récession a été un phénomène mondial. En ce qui concerne plus particulièrement le Canada, toutefois, nous avons mis en place un certain nombre de mesures visant à permettre aux entreprises canadiennes de profiter des possibilités offertes par l'aboutissement des négociations de l'Uruguay Round et du GATT et par la mise en oeuvre de l'ALENA tel que nous l'avons élaboré lorsque nous avons pris le pouvoir.

Nos programmes et nos activités de promotion commerciale ont pour but non seulement d'exploiter les possibilités additionnelles résultant de la réduction des barrières commerciales, mais aussi de cerner de nouvelles possibilités, notamment en Asie, de l'autre côté du Pacifique, où nos amis, les Coréens, par exemple, nous offrent toutes sortes de nouvelles possibilités commerciales.

* * *

LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor.

Le Conseil du Trésor a pour politique de permettre à des fonctionnaires de suivre des cours à temps plein tout en touchant leur plein salaire. Récemment, une personne à l'emploi de l'Office national des transports a touché un salaire annuel de plus de 80 000 $ tout en fréquentant l'université à plein temps.

(1500)

Le ministre nous dira-t-il combien de fonctionnaires fédéraux sont en congé payé pour fréquenter l'université à l'heure actuelle au lieu d'accomplir le travail pour lequel ils ont été engagés?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure): Monsieur le Président, des employés participent à des programmes de formation afin de bénéficier de cette précieuse source d'information dans leur travail.

Je me ferai un plaisir d'examiner tous les cas particuliers qui préoccupent le député. Naturellement, notre gouvernement tient à ce que l'argent des contribuables soit dépensé à bon escient. Et l'argent consacré à la formation est certes dépensé à bon escient.

* * *

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

M. Joseph Volpe (Eglinton-Lawrence): Monsieur le Président, comme d'autres députés, vous connaissez l'importance de l'aéroport international Pearson pour l'économie canadienne. C'est l'un des éléments d'infrastructure les plus remarquables du Canada. Son importance pour l'économie du sud de l'Ontario et pour l'ensemble du Canada ne fait aucun doute.

Récemment, des articles de journaux nous ont donné une image un peu floue de l'avenir de ces installations de très grande valeur.

Le ministre des Transports aurait-il l'obligeance de préciser, à l'intention de tous les députés à la Chambre, quels sont les plans à court terme comme à long terme du gouvernement pour accroître le rendement de l'aéroport Pearson, en fait, pour accroître la valeur de cette infrastructure canadienne?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, je suis entièrement d'accord avec le député


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lorsqu'il dit que l'aéroport Pearson a une très grande importance économique, non seulement pour la région de Toronto, mais pour l'ensemble du Canada.

À court terme, disons cette année, il n'y aura pas de nouveaux travaux de construction à l'aéroport. Nous terminerons les travaux commencés l'an dernier dans le cadre d'un projet d'action rapide.

Je tiens à souligner que nous avons l'intention de tenir compte de l'avis des députés de la région de Toronto. Nous écouterons aussi les dirigeants des municipalités de la région et ceux de la ville de Toronto pour être bien certains que, lorsque nous faisons quelque chose à Pearson, nous faisons ce qu'il faut.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je veux signaler aux députés la présence à notre tribune de trois visiteurs de marque: Son Excellence Sung-Joo Han, ministre des Affaires étrangères de la République de Corée; l'honorable Jim Smith, ministre des Services communautaires et sociaux de la Nouvelle-Écosse; et l'honorable Dan Miller, ministre de la Main-d'oeuvre et de la Formation de la Colombie-Britannique.

Des voix: Bravo!

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE DÉPUTÉ DE MARKHAM-WHITCHURCH-STOUFFVILLE

M. Jag Bhaduria (Markham-Whitchurch-Stouffville): Monsieur le Président, je soulève la question de privilège pour clarifier une affaire qui a été au centre de débats non seulement à la Chambre, mais aussi dans tout le pays.

Cette affaire m'a empêché de jouer mon rôle de député de Markham-Whitchurch-Stouffville de manière efficace. C'est la première occasion que j'ai d'aborder la question à la Chambre.

Environ deux semaines avant que des allégations contre moi ne surgissent dans les médias, une personne anonyme m'a téléphoné pour proférer des menaces. Elle me demandait de retirer un appel contre le Conseil scolaire de Toronto, qui était en instance au niveau de la Cour d'appel, sans quoi mon nom serait étalé à la une des journaux et j'aurais à subir des conséquences terribles. Je n'ai tenu aucun compte de ces menaces, et c'est ainsi que je dois aujourd'hui prendre la parole dans ces circonstances à la Chambre.

Le chantage et l'intimidation ne doivent pas et ne vont pas brimer ma liberté de parole comme député. Depuis que ces menaces ont été proférées, des accusations au sujet de mes titres de compétence ont paru dans les journaux.

(1505)

Ces accusations ont gravement entaché ma réputation personnelle et professionnelle. En fait, les journalistes ont dépassé le stade des simples accusations pour mener une campagne en règle contre ma personne et d'autres sont entrés dans la ronde pour discréditer mes titres universitaires. J'ai été accusé, jugé, condamné et exécuté à cause de leur ignorance manifeste. Ils ont déclenché une véritable hystérie sans vérifier les faits, en ce qui concerne mes diplômes universitaires. Certaines accusations, comme celle d'avoir exagéré mes compétences, sont peu de choses auprès d'affirmations selon lesquelles j'aurais carrément menti au sujet de mes diplômes.

Je tiens à réfuter publiquement toutes ces accusations de mensonge, d'exagération ou de présentation inexacte de mes diplômes universitaires.

J'ai obtenu un baccalauréat en sciences, une maîtrise de sciences en physique, une maîtrise d'éducation en administration, un certificat d'études supérieures en éducation et enfin, mais ce n'est pas le moins important, un certificat attestant que j'ai fait des études intermédiaires en droit à l'Université de Londres, ce qu'indique la mention «LL.B. intermediate».

J'ajoute qu'aucun de ces titres n'est un diplôme honorifique ou un diplôme sans valeur venant d'un établissement non reconnu. Je dirai encore que la mention «LL.B. intermediate» ne désigne pas un diplôme. Elle indique simplement que j'ai terminé avec succès deux années d'études en droit à l'Université de Londres.

Pour lever tous les doutes à cet égard, je voudrais citer le passage pertinent du certificat que m'a fait parvenir le registraire de l'Université de Londres le 2 février 1994. Voici le texte: «Il est certifié par les présentes que Jag Bhaduria a réussi les examens intermédiaires en droit en 1976 dans les matières suivantes. . .» Et ainsi de suite. Je demande respectueusement le consentement unanime pour déposer ces documents.

On m'a également accusé de m'être présenté sous un faux jour ou de m'être fait passer pour un avocat. Je n'ai jamais été avocat et je ne me suis jamais présenté comme tel à quiconque. Même en terminant un diplôme de droit, je ne pourrais pratiquer le droit sans satisfaire à d'autres exigences. Il y a bien des gens en Ontario et dans d'autres provinces qui sont diplômés en droit, mais ne sont pas avocats.

Je puis comprendre la colère suscitée par ces accusations démentes, fausses et sans fondement. Je suis d'accord avec le très honorable premier ministre et je l'applaudis quand il dit qu'il ne prise pas le mensonge. Moi non plus. Aucun autre député non plus.

Comme je crois fermement dans la politique de l'honnêteté et dans l'intégrité des personnes élues à tous les niveaux, je réfute ces allégations fausses en présence de mes pairs à la Chambre. Nous n'avons pas à être des saints, mais nous devons tâcher de respecter ces principes. J'invite mes collègues à examiner mes diplômes universitaires et à peser ces accusations de manière rationnelle et judicieuse.

En guise de conclusion, je demande à la Chambre de veiller à ce qu'aucun Canadien ne soit soumis à des accusations aussi humiliantes que celles qui ont été lancées contre moi depuis que je suis député.


1388

Le Président: Je ne suis pas encore certain de comprendre le lien qui existe entre les explications qu'a données le député et son incapacité à exercer ses fonctions.

(1510)

Toutefois, comme je veux examiner les documents, je vais permettre au député de les présenter, mais pas de les déposer officiellement. Je vais étudier la question soulevée par le député et rendre une décision à la Chambre le plus tôt possible.

* * *

[Français]

LE DÉCÈS DE M. IRÉNÉE PELLETIER

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke): À l'instant même où je m'adresse à la Chambre, monsieur le Président, a lieu une cérémonie religieuse à l'église Saint-André-de-Madawaska, village natal de M. Irénée Pelletier, député de la circonscription de Sherbrooke de 1972 à 1984, qui est malheureusement décédé vendredi dernier.

Au moment de son décès, Irénée Pelletier était âgé de 54 ans. Il est issu d'une famille de 14 enfants-et plusieurs d'entre nous se reconnaîtront-de fait le 13e de ces enfants. Il a plusieurs réalisations à son actif.

Sur le plan des études, il a obtenu un baccalauréat de l'Université Saint-François-Xavier de Nouvelle-Écosse. Plus tard, il s'est distingué par un doctorat en sciences politiques de l'Université de Toulouse en France. La thèse de M. Pelletier à ce moment-là portait sur l'aide canadienne aux pays en voie de développement, et ce au tout début des années 1970.

Sur le plan personnel, il a eu une vie très remplie. Il a été membre des Forces armées. Il a aussi été très actif, il a voyagé beaucoup. À la suite de ses études, il est devenu professeur à la Faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke. En 1972, il devenait pour la première fois candidat du Parti libéral du Canada pour la circonscription de Sherbrooke. Il devait évidemment remporter cette élection à ce moment-là et répéter cet exploit en 1974, en 1979 et finalement en 1980.

Pendant la période où il a siégé à la Chambre des communes à titre de député de Sherbrooke, il a été très actif et s'est intéressé à plusieurs sujets. Il a présidé pendant plusieurs années le Comité permanent de l'expansion industrielle régionale. Il a également été secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture. Il a également été très actif à l'intérieur des différents groupes interparlementaires.

Il s'est beaucoup intéressé aux questions de paix et de désarmement. De fait-je m'en souviens parce qu'il me l'a raconté-il avait été appelé à prendre une décision personnelle, une décision très difficile au moment où la Chambre avait tenu un débat sur les missiles de croisière, décision qui avait fait en sorte qu'il avait dû voter contre son propre gouvernement devant une motion qui proposait à ce moment-là de faire l'essai de ces missiles.

Il m'avait raconté le déchirement qu'il avait ressenti devant ce débat et le fait qu'il avait dû finalement se résoudre à prendre une position très personnelle mais, qui soit dit en passant, reflétait sa très grande préoccupation pour les questions de famine, pour les questions touchant de près ou de loin les gens qui souffraient sur cette terre.

J'ai eu le privilège de croiser le fer avec Irénée Pelletier aux élections générales de 1984. Vous me permettrez de vous raconter une anecdote au sujet de l'élection qui en dit très long sur M. Pelletier. On avait fait faire, nous, deux sondages pendant la campagne. Le premier sondage nous révélait essentiellement deux choses: M. Pelletier était très populaire auprès de l'électorat de Sherbrooke, donc une mauvaise nouvelle pour les autres candidats; l'autre mauvaise nouvelle, c'était au tout début de la campagne, c'est que M. Pelletier allait gagner l'élection. Le deuxième sondage posait également les mêmes questions, et cette fois encore on apprenait la même chose.

(1515)

En fin de campagne, M. Pelletier était toujours aussi populaire auprès de l'électorat de la circonscription de Sherbrooke mais, cette fois, en raison d'une vague, on apprenait en même temps que cette vague qui allait balayer le Canada, allait également avoir son impact dans la circonscription qu'il représentait depuis 1972.

Aujourd'hui, c'est avec une certaine émotion que je me joins à ceux et celles qui l'ont connu pour dire à quel point nous allons regretter son absence. Après l'élection de 1984, j'ai rencontré Irénée Pelletier à plusieurs reprises. Il a toujours été d'une très grande générosité. Je l'ai vu quelques jours avant son décès. C'était un homme qui était engagé et qui a servi sa communauté comme nul autre n'a pu le faire. À Sherbrooke, on lui doit plusieurs réalisations dans plusieurs domaines parce qu'il a été un député très efficace mais, en plus de cela, il a toujours appuyé ceux et celles qui cherchaient à aider les plus démunis de notre société.

Il y a un service à Sherbrooke qui s'appelle Cercovie qui existe depuis plusieurs années, dont il fut l'un des instigateurs. Nous devons à Irénée Pelletier une fière chandelle pour cette réalisation-là.

Au nom de ma famille, mais surtout au nom de ceux et celles qui ont connu M. Pelletier et qui ont eu le privilège d'être représentés par lui à la Chambre des communes, je veux vous dire à quel point nous regrettons son départ. Je veux surtout offrir à sa famille nos condoléances les plus sincères, et terminer en disant que la circonscription de Sherbrooke et le pays tout entier perdent un homme d'une très grande valeur.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Madame la Présidente, je voudrais parler sur le même sujet. Je voudrais ajouter un mot pour offrir, moi aussi, mes condoléances à la famille de Irénée Pelletier, qui a été mon collègue ici, au Parlement, pendant 12 ans et qui était un excellent député.

Il était un homme qui, à mon sens, représentait très bien ce qu'est le Canada. Il était, comme on dit, un Brayon, il était né au Nouveau-Brunswick. Par contre, il avait obtenu son diplôme universitaire de Saint-François-Xavier en Nouvelle-Écosse. Ensuite, il avait obtenu un doctorat en sciences politiques en France pour enseigner ensuite à Sherbrooke.

Il est devenu député en 1972 et, comme le dit son successeur, il a été un excellent député. Il n'avait que des amis ici, il était extrêmement dévoué. Il était très travaillant et s'intéressait beaucoup aux affaires internationales. Mais, typiquement, il


1389

était très préoccupé par la pauvreté, et le développement régional était une chose qui l'impressionnait beaucoup et sur laquelle il voulait travailler. Il était rural, alors il a été secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture.

Des hommes comme ceux-là qui viennent au Parlement pour servir, ce sont de beaux exemples. Je voudrais, au nom d'Aline et de moi-même, au nom de mon parti, offrir à la famille Pelletier nos plus sincères condoléances. Je voudrais leur dire qu'ils peuvent garder de lui le souvenir d'un gentilhomme, un homme qui a très bien servi sa circonscription, qui a très bien servi sa province et très bien servi son pays.

M. David Berger (Saint-Henri-Westmount): Madame la Présidente, j'ai également servi avec Irénée Pelletier entre 1979 et 1984, et c'est avec un profond sentiment de tristesse que j'ai appris sa mort.

M. Pelletier était originaire de Saint-André-de-Madawaska au Nouveau-Brunswick. Ancien professeur d'université à Sherbrooke et détenteur d'un doctorat en histoire, il a représenté les Sherbrookois à la Chambre des communes, comme cela a été dit, pendant 12 ans, de 1972 à 1984.

En octobre 1975, il fut nommé secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture, l'honorable Eugene Whelan.

M. Pelletier était un grand défenseur du système canadien des offices de commercialisation.

[Traduction]

En 1977, lors d'une conférence du Conseil canadien de la distribution alimentaire, il a dénoncé la relation d'opposition qui existe souvent entre le gouvernement et l'industrie alimentaire.

(1520)

Il a déclaré: «Ce n'est qu'en adoptant une action concertée qu'on arrivera à avoir une politique alimentaire efficace appuyée par des programmes efficaces.»

[Français]

Un dossier lui tenait particulièrement à coeur et c'est celui de l'aide aux pays en développement. Il a d'ailleurs rédigé sa thèse de doctorat sur cette question. En 1976, avec les députés Andrew Brewin et Douglas Roche, il a fait une tournée à travers le Canada pour sensibiliser les Canadiens aux besoins des pays en développement.

Lors d'une déclaration, M. Pelletier disait, et je cite:

[Traduction]

«Les Canadiens ont la responsabilité non seulement chrétienne mais aussi humaine d'aider à corriger les inégalités et, si les pays industrialisés ne partagent pas leur richesse avec les pays en développement, ce sera le chaos. Quinze pour cent de la population mondiale contrôle près de 80 p. 100 de la richesse mondiale. Dans ces conditions, nous ne verrons jamais la paix dans le monde. Le Tiers-Monde n'acceptera tout simplement pas cette situation.»

[Français]

Après sa défaite électorale, en 1984, il s'est impliqué dans le milieu politique municipal et est devenu conseiller pour la municipalité de North Hatley, pour finalement être élu maire de cette municipalité.

Il y a trois ans, M. Pelletier est allé étudier à Rome dans le but de devenir prêtre. Ce désir de devenir prêtre était la consécration d'une carrière qu'il avait toujours voulu axer sur le dévouement.

En mon nom personnel et au nom de mes collègues, je désire offrir mes plus sincères condoléances aux membres de sa famille, à ses amis, ainsi qu'à tous ceux et celles qui l'ont côtoyé de près.

M. Jean H. Leroux (Shefford): Madame la Présidente, bien que je n'aie pas connu M. Pelletier, je désire reconnaître ses états de service au sein du gouvernement, de 1972 à 1984, et, en mon nom et ceux de mes collègues du Bloc québécois, offrir mes sincères condoléances à la famille et aux proches de M. Irénée Pelletier, ancien député de Sherbrooke.

[Traduction]

M. Nelson Riis (Kamloops): Madame la Présidente, à l'instar de mes collègues, je veux moi aussi rendre hommage à Irénée Pelletier. Il a été député à la Chambre durant les années 1970 et 1980, et nous gardons de lui le souvenir de quelqu'un qui était très populaire auprès de ses électeurs et qui, lorsque l'un d'eux venait à Ottawa, se mettait en quatre pour le présenter aux autres députés et plus particulièrement à ceux de l'Ouest, ce que j'ai personnellement toujours apprécié.

Comme en témoignent ses nombreuses réélections, il était très proche de ses électeurs. Nous nous souvenons tous que la question du développement outre-mer lui tenait beaucoup à coeur; il se préoccupait non seulement de la participation du Canada dans ce domaine, mais surtout de la misère dans laquelle vivait la population de nombreux pays où nous mettions en oeuvre des programmes d'aide.

Il faisait part de ses expériences de voyage et de ses connaissances à la Chambre; mais il nous racontait surtout ses expériences lorsqu'il rentrait de voyage, en soirée, devant un repas. C'était un être très dynamique et gentil et il était capable de beaucoup de compassion.

Je me joins donc à mes collègues pour dire que le décès de M. Pelletier laissera un grand vide dans nos coeurs. Nous prions aujourd'hui pour lui, sa famille et ses amis. Je le répète, la nouvelle de son décès nous a profondément attristés.

[Français]

M. Clifford Lincoln (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Madame la Présidente, j'aimerais prendre un bref moment pour rendre hommage au docteur Irénée Pelletier, à sa mémoire.

1390

J'ai eu l'occasion entre 1985 et 1989 de le connaître, de transiger avec lui plusieurs fois, et je pense qu'il n'était pas seulement un politicien, un académicien, mais surtout une personne d'une intégrité absolue, d'une chaleur humaine, quelqu'un qui s'intéressait à sa communauté, à son pays, à tout ce qui avait trait à la qualité de vie.

Je trouvais toujours en lui une personne qui essayait de travailler avec l'ensemble des intervenants pour rendre la vie commune et la qualité de vie meilleures, non seulement pour nous, mais pour les générations à venir. Je voudrais porter hommage à sa mémoire et offrir toutes mes sympathies à sa famille.

_____________________________________________


1390

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

(1525)

[Traduction]

LE PONT DE L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. George Proud (Hillsborough): Madame la Présidente, c'est la troisième fois que j'ai l'occasion de prendre la parole à la Chambre au sujet d'un aspect de la saga permanente de l'ouvrage de franchissement devant relier l'Île-du-Prince-Édouard et le continent.

À titre d'information pour les députés qui sont arrivés tout récemment à la Chambre, il s'agit d'une question qui figure depuis bien longtemps au sommet de l'agenda politique de la région de l'Atlantique. Le premier débat important au sujet de l'établissement d'un ouvrage de franchissement portait sur un projet de tunnel ferroviaire à la fin des années 1880. Puis on a parlé d'une combinaison de pont, chaussée et tunnel dans les années 1950 et 1960. Nous en sommes maintenant arrivés au stade où la construction elle-même d'un pont a commencé.

La décision de construire un pont entre l'Île-du-Prince-Édouard et le continent n'a pas été prise sans controverse. En fait, plusieurs contestations judiciaires ont été entreprises pour en empêcher la construction.

Je dois dire aux adversaires du projet que je respecte la passion avec laquelle ils ont défendu leur cause, mais je ne suis pas d'accord avec les positions qu'ils ont soutenues. Les gouvernements des provinces de l'Atlantique, le gouvernement du Canada et la vaste majorité des habitants de la région s'accordent pour dire qu'il faut aller de l'avant avec la construction d'un ouvrage de franchissement.

Les obstacles à la réalisation de ce projet se sont écroulés l'un après l'autre. Le dernier avatar de ce projet, si je peux m'exprimer ainsi, est apparu en 1987. Depuis, plus de 90 études ont été effectuées et d'innombrables assemblées publiques se sont tenues dans les trois provinces maritimes avec le public en général et avec des groupes d'intérêts spéciaux.

Or, on a dit, et c'est vrai, que la conception générique initiale du pont avait été rejetée par une commission d'évaluation environnementale. Une étude attentive de la conception spécifique du projet actuel de pont a cependant répondu à toutes les exigences.

Un comité spécial a été formé pour étudier l'incidence que pourrait avoir un tel pont sur la formation d'embâcles dans le détroit de Northumberland, et il en est arrivé à la conclusion que le pont n'aurait aucune incidence importante.

Les pêcheurs et les employés du service de traversiers craignaient que le pont ne compromette leur gagne-pain, et on a apaisé leurs inquiétudes grâce à une entente qui a été conclue la semaine dernière avec les pêcheurs de la région. Les pourparlers continuent avec les employés du service de traversiers. Je ne doute pas qu'eux aussi parviendront à une conclusion heureuse et mutuellement acceptable.

Les travaux ayant commencé, on remarque déjà un essor de l'activité économique dans la région de Borden à l'Île-du-Prince-Édouard. La construction du chantier pour la fabrication des piliers de béton du pont est commencée et a entraîné la création d'emplois tant à cet endroit que dans la ville de Borden, qui connaît une mini-fièvre immobilière.

La semaine dernière, un marché de 40 millions de dollars a été attribué à une entreprise du Nouveau-Brunswick pour la production et la livraison de béton sur le chantier, ce qui créera quelque 50 emplois supplémentaires. La construction battra son plein l'an prochain, entraînant des retombées économiques d'une très grande importance pour l'Île-du-Prince-Édouard et le reste de la région.

Le début des travaux a mis en évidence une importante carence de notre actuel réseau de transport. Compte tenu de la configuration de l'île, il faut transporter le gravier et le remblai du Nouveau-Brunswick pour la construction aux chantiers de Borden. Le trafic de camions qui en a résulté a rendu nécessaires d'autres allers-retours du traversier cette année. L'accroissement du trafic de camions a occasionné des retards. Il va sans dire que les produits de consommation sont livrés par camion à l'Île-du-Prince-Édouard et que tout retard entraîne des hausses de prix pour le consommateur.

(1530)

En raison du froid intense qui a sévi dans la plus grande partie du Canada, d'énormes embâcles se sont formés dans le détroit de Northumberland. Certaines traversées ont duré plus de cinq heures, alors qu'en été il ne faut que 45 minutes environ.

Cela montre que nous avons grandement besoin d'un meilleur système de transport pour expédier les biens que nous produisons et faire venir nos produits de consommation. Le rétablissement et la prospérité économiques de l'Île-du-Prince-Édouard reposent sur l'existence d'un lien de transport efficace et sûr avec le reste du pays. Nous ne pouvons plus prendre à la légère la question du transport de nos biens vers les marchés. Le monde est devenu très concurrentiel et nous devons livrer concurrence au plus haut niveau si nous voulons réussir.


1391

Il y a quelques jours, j'ai parlé à la Chambre de la nécessité de poursuivre les paiements de péréquation afin d'aider les régions plus pauvres du Canada à survivre pendant qu'elles développent leur économie. Ce projet de lien permanent est un des grands projets de construction au Canada à l'heure actuelle et, lorsqu'il sera terminé, il aura pour effet durable d'améliorer le réseau de transport dans notre région.

Nous ne retirerons pas des avantages uniquement à court terme de cet apport de capitaux dans notre économie. Nous en bénéficierons pendant de nombreuses années. La construction du pont permettra de créer dans le Canada atlantique un bassin d'experts qui seront sollicités partout dans le monde pour réaliser des projets analogues. Le pont lui-même établira sur notre marché une stabilité qui est inexistante pour l'instant. À l'avenir, les gens pourront planifier. Ils pourront fixer des délais et les produits pourront parvenir aux marchés.

Les quelques dernières années n'ont pas été faciles dans le Canada atlantique. Notre taux de chômage est le plus élevé parmi toutes les régions du Canada. J'ai dit ici, il y a également quelques jours, qu'il n'y aurait pas un seul politicien dans le Canada atlantique qui ne serait pas heureux que des fonds de péréquation sortent de notre région pour venir en aide à d'autres régions au lieu d'y rentrer pour nous rapprocher des normes nationales. C'est ce que vise ce projet. Il vise à créer des perspectives qui permettront à l'Île-du-Prince-Édouard et au reste du Canada atlantique d'être économiquement indépendants.

Notre région regorge de ressources et nous sommes à une journée de route de millions de gens qui recherchent des produits et des services de qualité. Nous devons être prêts à nous attaquer à ces marchés, mais nous devons disposer des moyens nécessaires pour pouvoir livrer concurrence.

Depuis mon entrée en politique il y a une vingtaine d'années, nous entendons parler de deux possibilités de relance du Canada atlantique. On a toujours dit que nous devions d'abord ajouter plus de valeur à nos produits et que nous devrions ensuite prolonger la durée de notre saison touristique. Ces deux possibilités seront plus faciles à réaliser lorsque ce pont sera terminé et que le réseau de transport s'en trouvera amélioré.

La construction de ce pont représente notre meilleur espoir à court et à long terme d'améliorer radicalement la conjoncture économique dans l'Île-du-Prince-Édouard et les autres provinces maritimes. C'est la raison pour laquelle nous, à la Chambre, devons montrer que nous continuons d'appuyer ce projet. C'est également la raison pour laquelle nous tenons un débat ici aujourd'hui.

Le transport a toujours constitué l'une des plus grandes préoccupations dans le Canada atlantique. À l'époque des bateaux à voiles, nous étions à la fine pointe du progrès mondial, mais durant les mois d'hiver, on ne peut pas naviguer bien loin. L'ère des bateaux à voiles a laissé place à celle des bateaux à vapeur et il a fallu faire des changements. Puis, en 1873, l'Île-du-Prince-Édouard a adhéré à la Confédération et, pendant de nombreuses années, le lien entre la province et le continent a pris la forme de bateaux à vapeur l'été et de bateaux à glace munis de rames l'hiver.

La construction du chemin de fer a amené l'Île-du-Prince-Édouard dans le régime fédéral et les Pères de la Confédération ont eu l'astuce d'inscrire dans la Constitution l'obligation pour le gouvernement du Canada de doter la province d'un service de transport par bateaux à vapeur. Pour l'époque, on ne pouvait pas trouver meilleur moyen de transport, ni meilleure disposition à inscrire dans la Constitution. On a jugé bon alors de faire figurer dans la Constitution une disposition relative au meilleur moyen de transport existant. C'est précisément ce que vise la modification présentée aujourd'hui. Elle actualise la Constitution et ses dispositions sur le chapitre du transport.

(1535)

Il s'est trouvé des gens pour affirmer-certains même devant la Cour fédérale-qu'il ne fallait pas modifier cette disposition. C'étaient des adversaires de la construction de l'ouvrage de franchissement. Or, leur argument n'est désormais pas plus valide que celui qui allègue qu'il n'aurait pas fallu modifier certaines de nos lois qui régissaient jadis la conduite automobile.

La Constitution est quelque chose de vivant. Les constitutions doivent s'adapter aux temps qui changent et aux nouvelles technologies qui transforment notre existence quotidienne. On se demande si la mise en place du service de traversiers qui assure la navette entre l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick s'est faite dans les règles prévues par la Constitution, puisque voilà bien des années que le bateau à vapeur a cédé la place au bateau à moteur diesel.

Cette modification permettra aux habitants d'une province canadienne, l'Île-du-Prince-Édouard, de se retrouver sur un pied d'égalité avec les autres Canadiens. La transcanadienne de l'Île-du-Prince-Édouard débouchera sur celle du Nouveau-Brunswick et les insulaires pourront ainsi acheminer eux-mêmes leurs produits vers les marchés, et tout cela, rapidement et efficacement.

Une époque formidable s'annonce pour le Canada atlantique. Notre région entre dans une nouvelle ère de prospérité, et tout cela, grâce à la fois aux politiques économiques régionales mises en oeuvre par le gouvernement actuel et à la réalisation de ce projet d'envergure.

J'exhorte tous les députés à souscrire à cette modification constitutionnelle pour faire en sorte que la Constitution canadienne, vu son incidence sur le système de transport desservant l'Île-du-Prince-Édouard, accède au XXIe siècle.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse): Madame la Présidente, c'est avec plaisir que je veux faire quelques commentaires à la suite de l'intéressante intervention de mon collègue qui vient de prendre la parole.

C'est toujours avec intérêt que, de ce côté-ci de la Chambre, nous avons l'occasion de constater le sort réservé à certaines provinces du Canada, particulièrement à la province de l'Île-du-Prince-Édouard qui a pu négocier ses conditions de l'union au Canada et qui, aujourd'hui, voit se concrétiser un projet qui a été, pendant longtemps, discuté parmi la population insulaire et celle


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du reste du Canada, particulièrement sur le plan fédéral, qui va faire aujourd'hui ces investissements.

Devant la volonté exprimée par la population de l'Île-du-Prince-Édouard et devant la volonté fédérale d'investir dans ce secteur, je pense que notre devoir est de prendre acte de la décision qui a été prise par la population de l'Île-du-Prince-Édouard dans une décision démocratiquement prise, sachant les tenants et les aboutissants de la question qui était devant elle. Il ne nous appartient pas de suppléer notre jugement au leur. Nous devons tout simplement le respecter et le prendre pour acquis, tout comme c'est avec une certaine envie que l'on veut regarder, de ce côté-ci, les conditions qui ont permis l'entrée de la Colombie-Britannique dans la fédération canadienne et la promesse qui fut faite d'établir un chemin de fer d'un océan à l'autre et, plus près de nous, les engagements qui furent pris lors de l'entrée de la province de Terre-Neuve dans la fédération canadienne, en 1949, les longues négociations sur les conditions de l'union.

Malheureusement, nous, du Québec, n'avons pas eu à négocier vraiment nos conditions d'entrée dans l'union. Nous avons été, par le biais du Parlement de Westminster, incorporés par voie législative à une union des colonies britanniques de l'Amérique du Nord. Notre voix au chapitre a été fort limitée, en 1867. Aucun référendum n'a été tenu au Québec en 1867, malgré les demandes répétées de l'opposition libérale de tenir un tel référendum.

C'est pourquoi nous espérons que, d'ici quelques mois, à l'instar de nos amis de l'Île-du-Prince-Édouard, nous pourrons enfin prendre une décision sage, éclairée et positive relativement à notre destin national et à notre désir de régler à l'amiable avec le Canada les conditions de l'accession du Québec à sa pleine souveraineté.

(1540)

[Traduction]

M. Proud: Madame la Présidente, je remercie le député de son intervention dans ce débat constitutionnel auquel il veut que je participe. Je tiens à ajouter que cette modification constitutionnelle a été proposée en raison des modifications constitutionnelles bilatérales qui sont autorisées dans le cas d'une seule province à la fois. C'est pourquoi c'est arrivé au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve et que cela se produit aujourd'hui à l'Île-du-Prince-Édouard.

C'est parce que l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard a adopté l'an dernier une résolution en ce sens qu'on demande aujourd'hui à la Chambre d'adopter une résolution similaire. Je suis sûr que le député et les membres de son parti sont d'accord sur ce projet et qu'ils ne verront aucun problème à adopter cette motion.

Pour ce qui est de se lancer dans un débat constitutionnel sur le reste du pays, je laisse ce soin à des personnes mieux qualifiées.

[Français]

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Madame la Présidente, il me fait plaisir de prendre la parole sur ce projet de loi, c'est-à-dire ce changement constitutionnel.

[Traduction]

Je suis heureux de parler en faveur de cette résolution qui éliminera un des derniers obstacles au projet de construction d'un pont enjambant le détroit de Northumberland. Auparavant, je voudrais répondre à certaines questions qui ont été soulevées aujourd'hui. Ni le ministre ni moi n'avons eu le temps de le faire.

Certains députés se rappelleront qu'un député réformiste avait mis en doute le processus suivi par le gouvernement en ce qui concerne cette initiative. Je tiens à rappeler à ce collègue et aux autres députés qu'un juge a ordonné que soit apporté un changement constitutionnel, précisant que ce changement devrait être effectué en vertu de l'article 43. Il est important de préciser tout cela au cas où certains penseraient que le gouvernement ne s'est pas conformé à l'avis donné.

J'ai été quelque peu surpris d'entendre ce député suggérer avec un certain plaisir que le gouvernement n'avait reçu que de mauvais conseils, qu'il aurait même procédé de façon illégale. J'aimerais bien savoir d'où il tient cette information. Vraisemblablement d'une source peu fiable.

Je veux également souligner que les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard ont adhéré à la Confédération. Ils l'ont fait à une condition. Il est juste de leur part de vouloir modifier cette condition. Il est juste qu'ils décident de modifider les conditions auxquelles ils ont accepté au départ d'adhérer à la Confédération.

[Français]

Ce matin, le Bloc québécois a fait référence à une firme qui indiquait que les dépenses seraient de l'ordre de 1,3 milliard de dollars sur ce projet, si j'ai bien compris le commentaire évidemment. Si c'est effectivement ce qu'on a dit, c'est un commentaire erroné parce que cette même firme, en 1988, avait dit que même si le projet coûtait 1,3 milliard de dollars, que ce serait un bon projet qui en vaudrait la peine. Donc, il y a une grande différence.

Je voulais aussi souligner qu'on avait quand même une source crédible, un ingénieur indépendant, qui avait certifié que le coût de ce projet se chiffrait à environ 840 millions de dollars. C'est une personne indépendante qui a certifié ce coût.

Je dois ajouter un autre commentaire. S'il y avait des coûts supplémentaires, par exemple, et si on ne pouvait pas retenir le projet à l'intérieur des coûts estimés, qu'est-ce qui se passerait? Je crois qu'on a peut-être donné l'impression que ce serait le gouvernement qui serait pris. Non, au contraire, c'est le secteur privé qui devrait absorber ces coûts supplémentaires.

Finalement, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a eu des questions soulevées au sujet des conditions environnementales créées par le projet. Je veux simplement rappeler à tous mes collègues qu'il y a eu au-delà de 90 études, au-delà de 80 rencontres, en plus de deux jugements qui ont indiqué que le gouvernement était quand même très raisonnable en ce qui concerne l'impact environnemental. Évidemment, il n'y a jamais de garantie, mais si on regarde tous les mégaprojets, du point de vue financement, du point de vue environnemental, le gouvernement est extrêmement prudent, extrêmement responsable envers celui-ci.


1393

(1545)

Finalement, il y a eu cette question au sujet des travailleurs. Il est regrettable-et je partage cette inquiétude avec mes collègues des deux côtés de cette Chambre-que des hommes et des femmes seront déplacés. C'est vraiment très malheureux. Je veux rappeler que c'est la priorité de ce gouvernement et, je l'espère, de tous les collègues de la Chambre, de tenter de trouver des moyens de répondre aux besoins de ces hommes et de ces femmes.

Dans le cas du nouveau pont, ces travailleurs auront la préférence au moment de l'embauche, de même que certaines personnes pourront bénéficier de programmes de retraite. Des programmes de formation et de recyclage seront prévus. J'y tiens, et j'espère qu'on travaillera très fort ensemble afin de s'assurer que ces hommes et ces femmes ne se retrouveront pas sans travail après la création du pont.

[Traduction]

Maintenant que j'ai répondu à ces questions qui, à mon avis, nécessitaient quelques précisions, je voudrais passer très rapidement à quelques-uns des points principaux que je juge importants.

Notre gouvernement a dit clairement pendant la campagne électorale et dans le récent discours du Trône que le plus grand défi économique, politique et social du pays était de remettre les Canadiens au travail. Nous sommes résolus à prendre toutes les initiatives possibles pour appuyer la création d'emplois, stimuler l'activité économique et rétablir l'espoir et la confiance de tous les Canadiens dans l'avenir. Ce projet aidera à atteindre ces objectifs.

Il n'y a pas d'endroits qui aient de plus grands besoins que le Canada atlantique car, plus que toute autre, cette région souffre depuis trop longtemps d'un chômage trop élevé, ce qui se traduit par la dépendance et le désespoir. Tout le monde devrait voir avec joie cette initiative dans une partie économiquement très touchée du pays.

Le projet de construction d'un pont enjambant le détroit de Northumberland aura un effet immédiat et important sur l'économie du Canada atlantique, en général, et de l'Île-du-Prince-Édouard, en particulier. Le reste du pays peut espérer aussi quelques retombées à long terme de ce projet.

Les députés se souviendront que nous avons estimé le nombre d'emplois directs à 1 000 pendant chacune des quatre années de la construction, soit un total de presque 3 000 années-personnes, ce qui est beaucoup. Aux termes du contrat entre le gouvernement fédéral et l'entrepreneur, plus de 95 p. 100 de ces emplois reviendront à des gens des provinces atlantiques. Vu le nombre de chômeurs, ce sera très important pour cette région et pour l'ensemble du Canada.

Ce projet stimulera considérablement l'emploi dans la région. Il donnera à des milliers de travailleurs l'occasion de gagner de l'argent, puis de pratiquer et d'améliorer leurs compétences professionnelles. Les emplois directs ne sont cependant qu'une partie des choses.

Le contrat spécifie aussi que quelque 70 p. 100 des biens acquis devront venir de la région. C'est considérable, car il faudra des milliers de tonnes de ciment, des câbles d'acier pour armer le béton, de l'acier formé, des pièces manufacturées et bien d'autres choses. Vu que le projet total est estimé à 840 ou 850 millions de dollars, on peut calculer que les salaires et les achats injecteront dans l'économie des provinces atlantiques un demi-milliard de dollars sur cinq ans. Cela devrait certainement relancer l'économie d'une région de ce grand pays qui en a singulièrement besoin.

Il faut bien se souvenir que ce projet de pont n'est en rien un programme de création d'emplois qui serait destiné à aider les provinces les plus pauvres pendant une brève période. Il est certain qu'une fois le pont construit les emplois disparaîtront, mais il y aura des retombées. On estime, par exemple, qu'il en résultera une augmentation du tourisme. Les possibilités d'affaires seront également meilleures, et je pourrais continuer.

[Français]

Je considère personnellement que les propos tenus par l'honorable ministre ont été très instructifs et des plus convaincants aujourd'hui. Il est évident que le projet du pont constitue une très bonne affaire pour les contribuables de ce pays. Conformément aux conditions stipulées dans l'Acte d'union avec la province de l'Île-du-Prince-Édouard et le gouvernement fédéral, ce dernier est clairement tenu de financer un mode de raccordement quelconque, que ce soit un pont ou un système de traversiers entre l'île et le continent.

Dans le cas d'un service de traversiers, les contribuables canadiens devront dépenser au moins 42 millions de dollars, chaque année, au cours des 35 prochaines années, pour permettre l'exploitation du service de traversiers Marine Atlantique. Ce montant comprend le coût d'exploitation des traversiers, le coût d'entretien et les dépenses en capital, par exemple, pour l'achat de nouveaux brise-glace pendant cette période. Après 35 ans, les subventions accordées par le gouvenrement fédéral devraient se poursuivre et augmenteraient en raison de la demande de service. Comme l'a mentionné le ministre, cela entraînerait des dépenses incontrôlées, sans aucun répit en perspective, et cela n'est pas une bonne affaire pour les contribuables de ce pays.

(1550)

Permettez-moi d'ajouter quelques observations à ce que le ministre a dit au sujet de la qualité du projet sur le plan de l'environnement. Cette question a fait couler beaucoup d'encre pendant la majeure partie des cinq années d'élaboration du projet. La question du respect de l'environnement a été la principale préoccupation du gouvernement et du promoteur. Il est évident que ce projet a fait l'objet d'études environnementales les plus poussées jamais entreprises pour un projet de cette envergure. En effet, comme je l'ai mentionné, il y a eu au-delà de 90 études, 80 rencontres, et la population a eu l'occasion à maintes reprises de se prononcer sur les exigences du projet au cours des quelque 85 assemblées publiques. Ce projet respecte toutes les exigences, non seulement sur le plan technique mais aussi sur le plan de l'environnement.


1394

En terminant, je demande à mes collègues d'appuyer ce projet parce qu'il est sain; il répondra aux besoins de la région, besoins économiques, touristiques et autres, et on l'approche d'une façon qui me semble tout à fait appropriée.

[Traduction]

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake): Madame la Présidente, les commentaires que le secrétaire parlementaire a faits m'inspirent une ou deux questions que je voudrais bien lui poser car il est le mieux placé pour répondre. Je reviendrai à la motion quand je prendrai la parole pendant la période de débat.

Dans ses observations préliminaires, le secrétaire parlementaire a mentionné que la modification que nous examinions aujourd'hui avait été ordonnée par les tribunaux. Le secrétaire parlementaire sait sûrement que la Cour fédérale a eu certaines choses à dire au sujet de ce projet. Comme l'a mentionné l'ancien ministre des Travaux publics, madame la juge Reed a déclaré qu'il n'était pas nécessaire de modifier la Constitution, tant que le service de traversiers n'aurait pas été remplacé. Or, bien que ce service n'ait pas encore été remplacé, nous voulons modifier la Constitution.

Par ailleurs, la Cour fédérale a déclaré que le ministre des Travaux publics n'avait pas respecté les exigences prévues à l'article 12 du processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement et a conclu qu'aucune décision irrévocable ne devrait être prise, tant que ce point ne serait pas réglé. Le gouvernement estime-t-il que les exigences prévues à l'article 12 du processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement ont été respectées ou considère-t-il maintenant que cette modification de la Constitution n'est pas nécessairement une décision irrévocable?

Enfin, le ministère a invoqué les emplois et l'économie comme principales raisons pour donner suite à ce projet. Pourtant, dans ma circonscription, le ministère des Travaux publics est en train de fermer trois immeubles fédéraux que possède et qu'occupe le gouvernement fédéral et songe à détruire ces immeubles, ce qui entraînera des pertes d'emplois dans les Prairies et dans le Canada rural, et cela, pour épargner de l'argent.

Je me demande comment on peut justifier la fermeture d'immeubles dans ma circonscription et la perte d'emplois que cela va causer et, parallèlement, investir des fonds dans un projet pour créer des emplois à l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Duhamel: Madame la Présidente, en ce qui concerne le premier point, à savoir que la Cour fédérale a signalé qu'une modification était nécessaire, mais sans préciser quand, je pense que c'est tout à fait exact. Il faut le faire, et cela va l'être très bientôt, j'espère. Le dernier obstacle aura donc été levé. Je pense que nous sommes en train de couper les cheveux en quatre, et je ne veux nullement blesser mes collègues en disant cela. On allait le faire. Il fallait le faire. On est en train de le faire. C'était la voie à suivre.

Quant aux décisions soit-disant irrévocables, cela n'existe pas. Nous venons de modifier la Constitution, ou du moins, nous sommes sur le point de le faire. Aucune décision n'est irrévocable. Je crois cette mesure pertinente. Cette mesure-ci est nécessaire, comme je l'ai démontré plus tôt.

(1555)

En ce qui concerne l'environnement, je ne connais aucun autre projet qui ait fait l'objet de tant d'études d'impact. Bien sûr, la perfection n'est pas de ce monde, et il se peut que certaines choses aient été omises; je ne suis pas naïf à ce point. Il y a eu plus de 90 études et quelque 80 audiences. Même nos collègues du Bloc sont en faveur de ce projet, bien que nombre de personnes aient fait remarquer que le groupe les Amis de l'île avait, à juste titre, certaines préoccupations. J'estime que le gouvernement et le ministre se sont montrés extrêmement reponsables dans ce dossier. Nous ne pouvons laisser traîner les choses.

Quant à la fermeture des édifices dans la circonscription du député, je ne sais s'il y a perte d'emplois, mais la situation m'attriste, que ce soit à l'Île-du-Prince-Édouard, en Saskatchewan, à Vancouver ou n'importe où au Canada.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia): Madame la Présidente, mes collègues ont traité des répercussions juridiques et politiques de la question à l'étude. J'aimerais revenir un peu en arrière et examiner l'hypothèse de base.

Avons-nous vraiment besoin d'un pont de 13 kilomètres sur le détroit de Northumberland? Pourquoi voulons-nous construire ce pont? Les avantages sont-ils supérieurs aux coûts? Un pays au bord de la faillite comme le Canada peut-il s'offrir un tel projet? Ces questions font l'objet d'un débat depuis 30 ans, mais malgré l'entente signée en octobre dernier, comme on peut le voir ici à la Chambre, le débat est loin d'être clos.

Débarrassons-nous tout d'abord du mythe que cette entreprise sera financée par le secteur privé. Il s'agit d'un projet gouvernemental typique et le projet est structuré de telle sorte que les détenteurs d'obligations ne prendront aucun risque; les exploitants du privé rembourseront le capital et les intérêts à partir d'une subvention égale à 100 p. 100 des coûts, soit 42 millions de dollars par année, indexés sur le taux d'inflation, pendant 35 ans. Et il faut comparer cela à la subvention actuelle. Je suis en désaccord avec le député qui a déclaré, il y a quelques instants, que la subvention s'élevait à 42 millions de dollars. La subvention actuelle est de 21,7 millions, comme on peut le lire dans les Comptes publics. Par conséquent, le programme proposé doublerait virtuellement la subvention.

Les intérêts sur l'émission d'obligations initiale de 662 millions de dollars s'élèveront à environ 700 millions de dollars, gracieuseté du contribuable canadien. La seule différence entre l'entente du 7 octobre et une soumission traditionnelle de Travaux publics, c'est que des fonds publics seront dépensés sans qu'on soit obligé de rendre des comptes à la population.

Et ce n'est pas tout. Quatre-vingt-cinq pour cent des capitaux propres seront détenus par des filiales de multinationales étrangères, Morrison Knutson des États-Unis et GTM International de France. Je ne sais pas ce que l'acronyme GTM représente, mais je soupçonne que ça puisse vouloir dire grand tabac monétaire car leur succès financier ne fait aucun doute.


1395

Pendant que nous rembourserons la dette, les exploitants pourront utiliser à leur guise les revenus nets générés par les péages, notamment en les expédiant à l'extérieur du pays. Comprenez-moi bien; je n'ai rien contre les investissements étrangers. En fait, je les accueille avec plaisir. Toutefois, je m'oppose vigoureusement à ce que les étrangers viennent réaliser des profits chez nous sans investissements ni risques qui vaillent.

Et ce n'est toujours pas tout. Le consortium doit déposer un cautionnement d'exécution de 200 millions de dollars, mais la prime en sera capitalisée dans le coût du projet de sorte que c'est encore une fois le contribuable qui devra la payer puisqu'elle fera partie des paiements de subvention.

Si le projet de loi proposait la construction d'un lien entre deux régions très densément peuplées ou le long d'un axe routier principal, il serait plus facile à justifier, mais il est totalement illogique de demander à chaque famille de dépenser 25 000 $ pour rendre relativement plus facile l'accès aux routes pour une petite enclave de 130 000 personnes.

On pourrait, pour une fraction du coût, mettre en service des traversiers plus grands, plus rapides et plus aptes à affronter les glaces que ceux qui sont utilisés à l'heure actuelle. De tels traversiers haut de gamme n'imposeraient pas un fardeau discriminatoire aux gens de l'Île-du-Prince-Édouard.

(1600)

Il reste des questions sans réponse au sujet de la supériorité technique d'un pont élevé, balayé par le vent, comparativement à un traversier stable et bien conçu. Même les partisans du pont s'entendent pour dire que toute tempête suffisamment forte pour empêcher les traversiers d'assurer le service forcerait également la fermeture du pont. Ce qui est pire, c'est que même si les vents ne sont pas assez violents pour arrêter la circulation, les véhicules seront forcés de rouler très lentement et les semi-remorques ne pourront emprunter le pont à vide.

Tout camionneur venant de Boston chercher un chargement de pommes de terre devra, en l'absence d'un service de traversiers, se préparer à attendre dans son semi-remorque que le vent tombe un peu.

En tant qu'ingénieur, je sais très bien que pratiquement tout est possible sur le plan technique si on a la volonté nécessaire et s'il n'y a pas de limite aux ressources disponibles. Il suffit de prendre une idée et d'y consacrer toujours plus d'argent. Cependant, le fait que ce soit possible ne veut pas nécessairement dire que ce devrait être fait.

Certains pourraient invoquer la mémoire de John Maynard Keynes pour justifier ces énormes dépenses publiques visant principalement à stimuler l'économie de la région. Keynes n'avait jamais envisagé une situation dans laquelle près d'un tiers des recettes d'un gouvernement serviraient à payer l'intérêt sur la dette. Si nous avions suivi à la lettre ses conseils et accumulé des excédents ou au moins remboursé notre dette en période de vaches grasses, je serais peut-être d'accord pour dire qu'un accroissement des dépenses gouvernementales pourrait avoir certains avantages sur le plan économique.

Malheureusement, durant les années 1970 et au début des années 1980, lorsque la conjoncture économique était excellente, le gouvernement du Canada et, en fait, la plupart des gouvernements du monde ont accumulé des dettes, non pas pour en retirer des avantages à long terme, mais plutôt pour financer leurs dépenses courantes. Comme les familles dépensières, ils ont emprunté de l'argent tout d'abord pour payer l'épicerie et ensuite pour acheter du champagne et du whisky. Ils n'ont pas respecté la doctrine du bon vieux Keynes et ils nous ont imposé un carcan financier qui ne nous laisse aucune liberté de mouvement.

Je ne souscris certes pas à cela, mais permettez-moi de me faire l'avocat du diable; supposons qu'on accepte le principe selon lequel on peut créer des emplois aux dépens du bien de l'économie dans son ensemble. Si le fait de dépenser de l'argent emprunté est une façon efficace de stimuler l'économie, manifestement, on pourrait consacrer cet argent à des projets offrant des avantages à long terme plus importants à un plus grand nombre de personnes. Même les gens de l'Île-du-Prince-Édouard ne sont pas unis sur cette question. Plus de 40 p. 100 d'entre eux ont clairement signifié qu'ils ne voulaient pas de ce cadeau. C'est sans précédent. Généralement, les gens feront tout en leur pouvoir pour obtenir un projet gouvernemental pour leur région, car ils ont l'impression que c'est gratuit.

Enfin, comme dans le cas de la transaction touchant l'aéroport Pearson, cette entente sur le pont a été menée à terme dans les derniers jours du gouvernement conservateur. Ce pourrait être une répétition de l'aéroport Mirabel ou du Stade olympique. Prenons le temps d'examiner soigneusement ce que nous faisons.

Le dernier projet de pont entre l'Île-du-Prince-Édouard et le continent était plus avancé que celui-ci lorsque le gouvernement de l'époque y a mis un terme en 1969. Nous devrons, bien entendu, dédommager l'entreprise exploitante et les détenteurs d'obligations, mais nous devrions encore pouvoir nous retirer sans trop de mal de ce projet avant qu'il n'ait pris un élan irrésistible.

Le petit levier que nous avons à notre disposition dans cette enceinte, c'est de refuser d'approuver la modification constitutionnelle proposée. Ne touchons pas à la Constitution. Offrons un service de traversiers de première qualité à vie, comme nous l'avions promis, et cessons de vouloir absolument terminer un autre monument à Brian Mulroney.

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn): Madame la Présidente, le député a parlé de réduction des coûts et a émis des doutes quant à la pertinence de ce projet, pour des raisons pratiques, mais surtout à cause du coût et de ceux qui vont écoper de la facture en bout de ligne. Je me demande si le député pense la même chose de tous les projets fédéraux qu'on pourrait réaliser dans sa circonscription. Par exemple, on envisage d'y construire un pavillon de ressourcement pour les autochtones, alors qu'il n'y a pas beaucoup d'autochtones dans sa circonscription qui, en outre, n'est pas très accessible. Croit-il, de la même façon, que ce projet devrait être mis en veilleuse et faire l'objet d'autres études et qu'on devrait peut-être même renoncer à le réaliser?

(1605)

M. Morrisson: Madame la Présidente, je suis tout à fait d'accord avec le député.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Madame la Présidente, très rapidement, je veux être bien sûr de


1396

la position du député. Je crois bien avoir compris que le parti du député n'appuie pas ce projet. Le Bloc l'appuie, mais pas le Parti réformiste. Je tâche toujours de bien saisir les différences, au-delà des différences de langue. Or, c'est ce que j'ai compris.

Mon collègue essaie de faire des tours de passe-passe au sujet de la subvention de 21,7 millions de dollars. Il sait très bien que le chiffre que j'ai cité englobe les coûts en capital et les autres frais. En tant qu'ingénieur, il le sait. Essayons de jouer franc jeu.

J'aimerais savoir sa définition d'une enclave. Selon moi, enclave est un terme assez péjoratif et je suis sûr qu'il n'a pas voulu décrire l'Île-du-Prince-Édouard comme une sorte de territoire étranger encerclé de tous côtés.

Finalement, j'ai noté une certaine contradiction. L'un de ses collègues a proposé qu'on tienne un référendum et qu'on agisse suivant la volonté populaire. Maintenant, le député s'oppose à l'idée d'un référendum. Qui parle au nom du Parti réformiste? Quelle est la ligne de pensée du parti?

M. Morrison: Madame la Présidente, je suis ravi que le député ait soulevé la question du référendum.

Tout d'abord, ce n'était pas un référendum, mais un plébiscite. Ensuite, les termes de ce plébiscite étaient très clairs et disaient: «Seriez-vous d'accord si ce projet s'avérait plus économique qu'un meilleur service de traversiers et s'il ne comportait aucun risque environnemental?» Puisque ces critères ne sont pas respectés, je propose que, si nous y tenons, c'est un vrai référendum exécutoire que nous devrions nous empresser de tenir, pour voir jusqu'où nous pourrions aller.

Quant à la désignation d'enclave pour l'Île-du-Prince-Édouard, le député la trouve péjorative. C'est son droit. De toute évidence, il consulte un dictionnaire différent du mien.

M. Duhamel: C'est un dictionnaire d'usage courant.

M. Morrison: La province est entourée d'eau. Or, l'eau est indiscutablement un obstacle pour la plupart des modes de transport. C'est dans ce contexte que j'emploie le terme enclave.

M. Wayne Easter (Malpèque): Madame la Présidente, le député a mentionné qu'il était peut-être temps d'avoir un service de traversiers de première classe. J'ignore s'il connaît bien l'Île-du-Prince-Édouard et la quantité des échanges de produits et de biens matériels qui s'y font avec l'extérieur. Or, le service de traversiers laisse à désirer depuis quelques années.

En fait, à propos de l'efficience économique, j'ai discuté aujourd'hui avec des camionneurs qui disent attendre de trois à cinq heures pour embarquer sur le traversier. Il y a parfois de 50 à 80 camions qui attendent en file. Un traversier ne peut recevoir que 13 véhicules et l'autre, 45 tout au plus. Le député comprend sûrement que la situation ne peut durer. Nous croyons qu'un ouvrage de franchissement est la solution.

Quand on pense aux camionneurs, à l'essence et aux heures qu'ils gaspillent puisqu'il leur faut une journée de plus pour se rendre jusqu'aux marchés, c'est un désastre pour l'industrie du camionnage ainsi que pour l'industrie agricole.

Qu'est-ce que le député entend par service de traversiers de première classe? J'espère que le service actuel n'en est pas un exemple.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je regrette, mais la période des questions ou des observations est terminée.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Madame la Présidente, c'est pour moi un honneur de prendre ici la parole au sujet de la modification constitutionnelle concernant le lien fixe entre l'Île-du-Prince-Édouard et la terre ferme.

Je répète qu'il est ici question d'une modification constitutionnelle. Certains des députés qui ont pris la parole ici aujourd'hui semblent avoir glissé très rapidement sur cet élément d'information.

(1610)

Je voudrais commencer par citer le hansard du 19 mai 1992, lorsque la Chambre était encore plongée dans le débat de questions constitutionnelles. Voici: «Le référendum devrait être un élément permanent du processus de révision constitutionnelle. Il ne peut se limiter à quelques provinces ou à l'une d'elles. Le référendum doit être national de façon à ce que l'ensemble des Canadiens de toutes les régions du pays puissent exprimer leur opinion sur la même question». Ce point de vue très démocratique que je partage est celui de l'actuel ministre des Travaux publics.

Je ne m'oppose nullement à la construction d'un ouvrage de franchissement. Les mérites et les inconvénients de ce pont ont été largement examinés et débattus à l'Île-du-Prince-Édouard et d'un bout à l'autre de notre pays, dont ici même, à la Chambre des communes. Les retombées économiques et les coûts en ont tous été analysés. Les considérations environnementales en ont dûment été pesées. Et, ce qui importe le plus, les Canadiens de l'Île-du-Prince-Édouard ont donné leur consentement dans le cadre d'un plébiscite tenu en 1988.

Le problème, c'est qu'il est encore question d'une modification constitutionnelle, de quelque chose qui va toucher chacun des Canadiens.

En guise d'illustration, je demanderais aux députés de songer à un triangle, un triangle qui présente une large base et un sommet en pointe. C'est ainsi que mon parti et moi-même estimons que ces questions devraient être abordées, soit partant d'une vaste consultation pour aller vers une possibilité de consensus. En présentant cette motion, le gouvernement se trouve à renverser le triangle de sorte que les Canadiens n'ont plus voix au chapitre. Il viole un principe d'une importance primordiale pour le Parti réformiste ainsi que pour des millions de Canadiens.

Nous savons tous que madame la juge Reed a décidé que ces travaux nécessitaient qu'on modifie la Constitution canadienne. Cependant, la motion dont la Chambre est saisie actuellement comporte deux défauts majeurs. Premièrement, elle est trop précise. Elle parle d'un ouvrage de franchissement qui sera désormais prévu dans la Constitution canadienne. Deuxièmement, la motion devrait simplement s'en tenir à ce qui était prévu


1397

à l'origine dans les conditions de l'union, soit que le gouvernement se chargera d'assurer une liaison fiable et régulière entre l'Île-du-Prince-Édouard et le continent, sans donner de détails précis sur la façon dont cette liaison sera assurée. Mon collègue, le député de Fraser Valley-Est, a parlé longuement de cette question.

Je trouve illogique que le gouvernement décide de rouvrir la Constitution et de la modifier seulement lorsque cela fait son affaire.

Je voudrais mentionner une autre citation. Le 3 février dernier, le premier ministre du Canada a dit ceci à la Chambre: «Personne au Canada -il a bien dit personne au Canada-ne veut que l'on discute de la Constitution.» Et nous voilà ici aujourd'hui, en train de discuter de la Constitution.

Nous avons tous été témoins du rejet de l'Accord de Charlottetown et nous savons ce que les Canadiens en pensent. Voilà encore une preuve que le gouvernement du Canada fait passer ses intérêts avant ceux des Canadiens. Il a choisi d'apporter certaines modifications à la Constitution. Les Canadiens n'acceptent pas cette façon de procéder.

Je maintiens que toute modification à la Constitution devrait être approuvée par l'ensemble des Canadiens au moyen d'un référendum. La Constitution devrait définir des grands principes et non des moyens précis de respecter ces principes, des moyens comme un ouvrage de franchissement.

(1615)

La Constitution devrait reconnaître l'engagement du Canada à maintenir les communications avec l'Île-du-Prince-Édouard et à assurer l'accès à cette province, indépendamment des moyens retenus pour y parvenir.

Nous risquons de prendre pour le Canada des engagements constitutionnels qui ne seront pas dans l'intérêt de tout le pays. La technologie peut évoluer. Nous devons réaliser que tout change rapidement de nos jours. Nous serons toujours liés par cet engagement concernant le raccordement permanent s'il est inclus dans la Constitution.

Il y a des choses sur lesquelles nous n'avons pas de prise et qui peuvent changer. Je puis donner aux députés l'exemple du Florida Sunshine Skyway et du pont de la baie de Chesapeake. On sait qu'ils ont été fermés pendant des périodes de plusieurs mois. Les éléments nécessaires sont-ils en place pour ce projet de raccordement permanent?

Si nous modifions la Constitution, il faut que ce soit pour des raisons valables. Nous avons tous entendu le discours chargé d'émotion du ministre des Travaux publics. Personnellement, j'estime que les Canadiens doivent sentir qu'ils ont leur mot à dire au sujet de cette modification constitutionnelle.

Je tiens à mentionner en terminant que cette motion ne vise pas simplement à autoriser la construction d'un pont. Elle vise à modifier un document fondamental qui régit le fonctionnement de notre pays, soit la Constitution.

En l'occurrence, il y a effectivement un pont qui est jeté sur les eaux troubles de la véritable démocratie canadienne.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Madame la Présidente, je veux m'assurer que le député comprend la même chose que moi au sujet de cette modification constitutionnelle.

Il y a 130 ans, l'Île-du-Prince-Édouard a décidé de faire partie du Canada à une certaine condition, soit celle d'être desservie tous les jours par un service de traversiers.

Au fil des ans, un certain nombre d'options ont été étudiées, comme celle d'un raccordement fixe. Un projet semblable a maintenant été amorcé. La Cour fédérale a rendu une décision où elle dit qu'à moins d'entente constitutionnelle précisant que le service de traversiers serait remplacé par un raccordement fixe-c'est tout ce qu'elle dit-, le gouvernement pourrait être forcé de construire un pont et de maintenir le service de traversiers.

Les subventions telles que je les ai définies pour le service de traversiers seront utilisées pour payer le pont. Après cela, il n'y aura plus de contribution du Canada.

Est-ce que le député veut dire que les élus de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et du Canada ne devraient pas déterminer qu'il convient de remplacer le service de traversiers par un pont? C'est du moins ainsi que je comprends la modification.

Il l'interprète différemment. Peut-il me dire en quoi son interprétation diffère de la mienne? J'ai lu la modification à plusieurs reprises et c'est tout ce j'ai pu en tirer.

M. Hart: Madame la Présidente, en réponse à la question, mon interprétation, c'est que l'intention d'il y a 130 ans consistait à assurer la communication et le transport.

J'estime que la motion ne devrait pas traiter directement de raccordement fixe à cause de ce que j'ai dit dans mon discours. La technologie peut changer. Je crois qu'on se trompe en supposant que cela n'entraînera pas de frais pour les Canadiens à un moment donné dans l'avenir.

Nous allons insérer cette disposition dans la Constitution. Il faut donc garantir que le raccordement fixe sera conservé longtemps.

M. Milliken: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. À la suite de discussions entre les partis, je pense que vous trouverez qu'il y a consentement unanime pour adopter la motion suivante:

(1620)

Que, au plus tard quinze minutes avant l'heure ordinaire de l'ajournement quotidien le jeudi 17 février 1994, le Président interrompe les travaux de la Chambre et mette aux voix, sur-le-champ et successivement, sans autre débat ni amendement, toute question nécessaire pour disposer de la motion du ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants portant sur la création d'un Comité mixte spécial (Affaire émanant du gouvernement no 8) et que, si un vote par appel nominal est demandé, ce vote soit différé jusqu'au mardi 22 février 1994, à 15 heures.
La présidente suppléante (Mme Maheu): Avons-nous le consentement unanime?


1398

Des voix: D'accord.

M. George S. Rideout (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole de nouveau à ce sujet. C'est une question difficile parce qu'elle comporte une modification constitutionnelle, mais je trouve néanmoins intéressants les arguments avancés qui font de cette modification une affaire si importante.

Il s'agit seulement de remplacer un moyen par un autre de relier l'Île-du-Prince-Édouard au reste du Canada. Le libellé était peut-être trop restrictif au départ, mais nous avons ici la possibilité de le réviser. Pourtant, ils s'en trouvent pour dire que nous voulons apporter à la Constitution une modification d'une telle envergure qu'elle va bouleverser le tissu de la nation. Je suis un peu déçu, car, à mon avis, il ne s'agit pas d'un changement fondamental.

Il s'agit simplement de remplacer un moyen par un autre de relier l'Île-du-Prince-Édouard au continent et de rapprocher ainsi les habitants de cette province de ceux du reste du Canada. À mon avis, l'expression «ouvrage de franchissement» n'est pas vraiment la bonne. Il évoque des chaussées, des tunnels et tout un réseau. Or, c'est un pont dont il s'agit, un pont important, certes, mais simplement un pont qui est censé relier l'Île-du-Prince-Édouard au reste du Canada.

Au lieu d'utiliser un service de traversiers, nous allons utiliser un pont. Je ne vois pas ce qu'il y a de compliqué dans le moyen choisi pour rapprocher les Canadiens les uns des autres.

Si nous devons nous disputer à propos de certaines questions, soyons justes. Des députés de l'autre côté sont en train de dire que la subvention qui va aller à la construction de ce pont sera le double, du montant de la subvention actuelle.

Il faut tenir compte, dans ces chiffres, de l'affectation de capitaux. Par conséquent, quand on compare les subventions, on arrive à un montant égal, qu'il s'agisse de l'ouvrage de franchissement, c'est-à-dire du pont, ou du service de traversiers.

Il faut aussi reconnaître que si le pont n'est pas construit, il faudra faire l'acquisition de nouveaux traversiers et dépenser beaucoup d'argent pour garder ces traversiers en bon état au cours des 35 prochaines années.

Il ne s'agit pas ici d'établir une comparaison entre ne rien faire et se lancer dans ce projet particulier.

Il faut aussi, je pense, examiner la situation et ses conséquences pour le Canada atlantique, les répercussions à court terme d'une activité économique intense et les fonds importants que cela exige. Soixante-dix pour cent des matériaux utilisés pour ce projet vont provenir du Canada atlantique, ce qui va profiter à une région qui, à l'heure actuelle, connaît l'un des taux de chômage les plus élevés du pays.

Nous allons assister, dans le Canada atlantique, à la création de 2 675 emplois dans le secteur de la construction, ce qui va être très profitable. Quatre-vingt-dix pour cent et plus des travailleurs seront des personnes qui habitent actuellement dans le Canada atlantique ou qui vont y habiter.

Il ne s'agit pas d'un projet qui va durer seulement cinq ans, puis disparaître. Les retombées de ce projet, pour le tourisme, vont être énormes. Selon les prévisions, on s'attend à une augmentation de plus de 25 p. 100 dans le secteur de l'industrie touristique.

Ce projet va permettre de réaliser d'importantes économies, ce qui, j'en suis sûr, va plaire au Parti réformiste. Des ministériels nous ont parlé des retards et des coûts de transport. Toute industrie dont les affaires dépendent du transport se réjouira donc de la réalisation de ce projet. On estime en effet à environ dix millions de dollars par an les économies qui pourront être réalisées.

En outre, ce projet va permettre de créer certains emplois hautement spécialisés. En réalité, la construction d'un projet comme celui-là produit des retombées, soit des emplois spécialisés sur le plan technique et du côté de la main-d'oeuvre, où des gens apprennent à travailler sur un site de construction comme celui-là.

(1625)

En ce sens, nous aurons un double avantage: l'avantage à court terme de la construction proprement dite et l'avantage à long terme sur le plan touristique, soit des économies de transport, ainsi que la mise au point d'une nouvelle technologie et la création d'une main-d'oeuvre compétente qui pourra exporter ses connaissances et ses aptitudes vers les autres pays du monde.

Je dis aux prophètes de malheur qui prétendent que ce n'est pas le temps de mettre ce projet en oeuvre et que nous devrions y réfléchir, que nous y réfléchissons depuis au moins 35 à 40 ans. Je pense qu'il est temps d'agir. C'est là un projet que le Canada atlantique a créé. Il sera profitable au Canada atlantique. Je vois les députés d'en face hocher la tête. Ils se soucient plus de leur région que d'aider le Canada atlantique à se relever par lui-même.

Je dis aux députés: Appuyez ce projet avec nous pour que le Canada atlantique devienne un des participants les plus vigoureux à la Confédération. N'essayez pas de nous garder à la ferme ou emprisonnés dans l'île. Il suffit d'apporter une légère modification à la Constitution. Nous avons besoin de votre appui et non de vos propos négatifs.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River): Madame la Présidente, j'ai écouté l'intervention du député avec intérêt.

Comme je viens de Colombie-Britannique, que l'île de Vancouver fait partie de cette province, et qu'il y a une circulation énorme de passagers et de marchandises entre cette île et le continent, je me demande s'il pourrait expliquer aux habitants de Colombie-Britannique comment il se fait que cette province est capable d'entretenir une activité économique d'une telle intensité et d'offrir un service de traversiers en conséquence.


1399

Je ne vois aucun inconvénient à ce qu'on construise un pont si c'est vraiment la solution la plus économique, mais je suis loin d'en être convaincu.

J'aimerais seulement que le député explique aux gens de Colombie-Britannique comment cela se fait que l'île de Vancouver soit très bien desservie par des traversiers, mais que l'Île-du-Prince-Édouard ait besoin d'un lien fixe.

M. Rideout: Madame la Présidente, le député d'en face vient de mettre le doigt sur l'un des aspects uniques du Canada, à savoir qu'il y a des différences entre nous. De toute évidence, les gens de l'île de Vancouver préfèrent être desservis par traversier, et ceux de l'Île-du-Prince-Édouard préfèrent avoir un pont.

Et si un jour, les habitants de l'île de Vancouver veulent un pont, qu'ils s'adressent à leur gouvernement provincial.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse): Madame la Présidente, je suis un peu surpris de la tournure du débat surtout de la part du Parti réformiste, eux qui se sont fait, pendant la campagne électorale, pendant la campagne référendaire de 1992, les champions d'un Sénat basé sur l'égalité, égalité politique d'un Sénat, une représentation égale pour toutes les provinces, y compris, nous disait-on, pour l'Île-du-Prince-Édouard.

Mais quand on en arrive à l'égalité économique, et ici je rejoins les propos de mon collègue, l'honorable député de Saint-Boniface, qui nous a fait une brillante démonstration des aspects économiques, avec les arguments qui ont été apportés par les membres du gouvernement, avec les propos tenus par chacun de mes collègues du Bloc québécois également. Je me demande effectivement où veut-on en venir? Pourquoi y aurait-il dans ce pays, qui est encore le Canada actuel, des régions qui seraient traitées différemment à cause de leur population, parce que ce que je crois entendre c'est qu'on veut un peu punir l'Île-du-Prince-Édouard parce que la population qui n'est que de 120 000 ou 130 000 personnes ne justifierait pas la construction de cet ouvrage qui a requis tant d'années d'études, les impacts environnementaux qui ont fait l'objet de multiples analyses et de décisions rendues par les tribunaux. S'il y a une décision qui a été prise après qu'une vue d'ensemble ait été faite dans l'Atlantique, c'est probablement celle-là. Que nous aimions ou que nous n'aimions pas la question du pont, du tunnel ou d'un lien fixe entre l'Île-du-Prince-Édouard et le continent est quant à moi non pertinent à la question.

(1630)

La population de l'île-du-Prince-Édouard s'est prononcée et nous devons respecter cette décision. Alors, ma question à l'honorable député est celle-ci: Pourquoi ne veut-il pas respecter la décision des gens de l'Île-du-Prince-Édouard?

[Traduction]

M. Rideout: Madame la Présidente, je suis d'accord avec le député d'en face sur ce qu'il vient de dire. Ce débat a pris une drôle de tournure. J'espère que mes collègues d'en face vont ouvrir les yeux, se rendre à l'évidence et donner leur appui à ce projet de pont. À ce qu'on m'a dit, l'un des avantages d'être réformiste, est de pouvoir voter selon sa conscience. J'espère donc que certains d'entre eux vont se raviser et nous appuyer dans ce très utile projet.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir, à savoir: l'honorable député de Kamloops-La petite entreprise; l'honorable député de Wetaskiwin-La Chambre des communes; l'honorable député de Burnaby-Kingsway-Les essais de missiles de croisière; l'honorable député de Hochelaga-Maisonneuve-L'autoroute électronique; l'honorable députée de Yukon-Les soins de santé.

[Traduction]

M. Wayne Easter (Malpèque): Madame la Présidente, j'interviens aujourd'hui pour souscrire à cette modification constitutionnelle qui tend à permettre au gouvernement fédéral de respecter les termes de l'entente constitutionnelle conclue avec l'Île-du-Prince-Édouard en prévoyant un mode de transport qui répondra aux besoins de l'an 2000 et au-delà.

Je voudrais préciser au départ que l'assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard a adopté à l'unanimité la modification constitutionnelle nécessaire en juin dernier en étant persuadée que le Parlement du Canada ferait de même le plus tôt possible. Notre Parlement respecte cet engagement et je suis heureux de voir l'appui que cette modification reçoit des deux côtés de la Chambre.

Je sais certes que cet appui s'explique en partie par le fait que beaucoup d'autres Canadiens vivant sur le continent veulent être reliés à nous, plutôt que le contraire. Cependant, j'encourage tous les députés à venir à l'Île-du-Prince-Édouard avant et après la construction de ce raccordement fixe et à dépenser quelques-uns de leurs dollars durement gagnés, car ils pourront ainsi manger les meilleures pommes de terre cultivées au Canada, ainsi que notre homard et profiter de superbes paysages. Je m'écarte quelque peu du sujet en vantant les mérites de notre merveilleuse île. Nous voulons certes qu'elle garde son cachet.

Ce nouveau pont aboutit dans ma circonscription à Borden. Je suis tout à fait conscient de la controverse passée et présente qui entoure ce projet. Ce sont d'abord et avant tout les gens de ma circonscription et plus directement les habitants de la localité de Borden qui subiront les répercussions de la construction et de l'exploitation de ce raccordement fixe.

Depuis 1885, alors qu'il était question d'un tunnel à l'époque, on parle de la possibilité d'un lien fixe entre l'Île-du-Prince-Édouard et le continent. Je dois reconnaître que j'étais au départ en faveur d'un tunnel et qu'on a dû me convaincre qu'un pont était préférable. Je tiens à ajouter cependant qu'à l'heure actuelle, les études et tout le reste viennent soutenir cette solution et que la population de l'Île-du-Prince-Édouard appuie très fortement la construction d'un pont.


1400

(1635)

J'ai presque toujours été indirectement touché par le service de traversiers entre Borden et Cap-Tourmentin. Mon père était employé de CN Rail et par la suite de Marine Atlantique; il a travaillé pendant 32 ans sur ce traversier, comme matelot puis comme quartier-maître. Depuis l'âge de 12 ans, comme bien des jeunes, je montais à bord du traversier simplement pour le plaisir de faire un aller-retour. J'ai donc connu de très près les retards et les attentes de 18 heures parfois alors que le traversier était coincé dans les glaces. Grâce à cette expérience, je connais très bien le caractère unique de cette région. Je ne crois pas qu'on puisse trouver ailleurs au monde la même combinaison de vent, de marées et de glaces qui existe à l'endroit même où l'on veut construire ce pont.

C'est pourquoi il n'a pas été facile de me convaincre et c'est pourquoi j'ai examiné ce projet d'un oeil très critique. J'ai lu les diverses études effectuées du point de vue de l'environnement, des états des glaces, des pêcheries, de l'incidence socio-économique, etc. Ce matin, le ministre nous a fait part de l'ampleur et du nombre de ces études. Je peux certainement affirmer à la Chambre qu'on a mené de très vastes consultations publiques à l'Île-du-Prince-Édouard sur ces études et sur le pont.

Durant la campagne électorale, j'ai retrouvé un certain optimisme lorsque j'ai appris que le projet deviendrait réalité car cela signifiait qu'on pouvait prévoir une certaine reprise de l'activité économique durant la construction et une meilleure infrastructure de transport une fois celle-ci terminée. Bien sûr, il existe certaines inquiétudes et je ne crois pas qu'on puisse les cacher sous le tapis. Les employés des traversiers, les pêcheurs et les habitants de Borden s'inquiètent. On ne peut pas les balayer du revers de la main. Ce sont des préoccupations très vives pour ces gens, et il faut s'en occuper. À la suite des études, le gouvernement a pris des mesures pour régler les sujets d'inquiétude sur un certain nombre de questions. Je veux faire savoir à la Chambre la façon dont on s'y prendra.

Pour ce qui est des pêcheurs, l'examen environnemental a permis au gouvernement de conclure que la construction et la présence d'un pont n'auront aucune répercussion importante sur l'environnement et sur les pêches. Pour contrer les éventuelles difficultés, on a demandé à l'entrepreneur de constituer un fonds d'indemnisation de 10 millions de dollars. Ce fonds sera administré conformément aux dispositions convenues et au processus mis en place en collaboration avec un comité de liaison sur les pêches, composé en majorité de pêcheurs.

Quant aux employés des traversiers de Marine Atlantique, il y en aura certainement un bon nombre qui perdront leur emploi. C'est la dure réalité. Le gouvernement s'est engagé à voir à ce que ces employés soient traités convenablement et équitablement. Ils auront la priorité dans le choix des emplois au sein des services d'exploitation et d'entretien du pont. Une indemnité de fin d'emploi équitable sera négociée entre Marine Atlantique et le syndicat des travailleurs. Le gouvernement offrira des cours de recyclage et de l'aide financière en cas de déménagement. Un comité consultatif mixte a été mis sur pied et chargé de la coordination des activités relatives au recyclage des employés des traversiers.

Les habitants de Borden manifestent aussi des préoccupations et on s'en occupe de façon continue. Une des dernières études réalisées portait précisément sur la proposition présentée par SCI et ce projet a passé l'épreuve avec succès. En outre, je veux signaler un passage intéressant dans le jugement rendu par le juge Cullen de la Cour fédérale dans l'affaire intentée par le groupe les Amis de l'île pour empêcher la réalisation du projet. Je pense qu'il vaut la peine de lire à la Chambre cette déclaration qu'il faisait au sujet des études scientifiques: «Les preuves scientifiques sur lesquelles s'appuie le ministère fédéral des Travaux publics montrent que toutes les répercussions environnementales possibles ou réelles seront négligeables.

(1640)

Les intimés, SCI et Travaux publics, ont accepté ces conclusions, avec raison, de sorte que la décision de Travaux publics était correcte en droit et n'a certes pas été prise dans un vide juridique.

D'autres orateurs ont parlé de l'incidence économique du projet et des retombées; je ne vais donc pas revenir sur les données et les chiffres. Longtemps après l'achèvement des travaux en 1997, il devrait toutefois y avoir des avantages financiers, des économies au chapitre des coûts pour l'industrie du camionnage et une livraison plus sûre des produits des industries de l'agriculture, des pêches et de la fabrication. Après tout, le transport est indispensable à la commercialisation, car il permet de livrer les marchandises jusque sur les marchés. Nous avons quatre ans devant nous et, en interrogeant un orateur plus tôt cet après-midi, j'ai mentionné qu'il existait actuellement de graves problèmes à cet égard; il y a des retards importants dans la livraison de nos produits jusque sur les marchés.

Le gouvernement s'est engagé à faire en sorte que les risques pour l'environnement et pour les pêches soient minimes. Il s'est engagé à garantir une aide à tout travailleur de Marine Atlantique qui sera déplacé à cause des travaux, soit au moyen de programmes de recyclage, d'aide à la réinstallation et de retraite anticipée.

Je m'arrête sur un dernier point. Un nombre croissant des insulaires craignent que la construction de l'ouvrage de franchissement jointe à la perte possible du service de contrôle aérien sur l'île n'entraînent une dégradation du statut de la province. Nous devrions peut-être revoir complètement l'infrastructure des transports de la région atlantique, de telle sorte que les intéressés puissent participer à l'élaboration d'un système qui profitera à la région pendant plusieurs décennies.

Bref, ce projet est un investissement dans notre avenir et la modification qui est proposée aujourd'hui permettra au Canada de réaliser cet investissement.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia): Madame la Présidente, je m'étonne un peu parce que je sais que le député est un ardent nationaliste sur le plan économique. Je le vois maintenant défendre vigoureusement un projet qui versera des centaines de millions de dollars dans les poches de deux énormes multinationales. C'est un peu contradictoire.

Plus tôt, il a été question des retards dus aux glaces. Je conviens avec le député qu'avec les traversiers, même les plus


1401

perfectionnés, il y a des retards dus aux glaces qu'un pont éviterait. Par contre, avec les traversiers, nous n'aurions pas les retards dus au vent, que ce soit en hiver ou en été, que nous risquons de subir avec ce pont.

Personnellement, le seul pont du genre que je connaisse est celui qui enjambe les détroits de Mackinaw. Or, ce pont est souvent fermé parce que les mauvaises conditions météorologiques le rendent impraticable. Les conducteurs font alors un détour de une ou deux centaines de milles, mais il est plutôt difficile de contourner le détroit de Northumberland. Encore une fois, j'essaie de m'en tenir à l'aspect pratique du projet. J'aimerais entendre les observations du député à cet égard.

M. Easter: Madame la Présidente, en ce qui concerne le projet de l'Île-du-Prince-Édouard, nous considérons certainement l'investissement et l'activité économique à très court terme.

Ce matin, le ministre a souligné la création d'emplois. À son avis, 70 p. 100 des dépenses nécessaires à la réalisation de ce projet seront effectuées dans la région atlantique et 90 p. 100 des emplois seront occupés par des gens de la région. Les dépenses créeront donc une expansion économique dès le début des travaux.

Quant aux retards dus aux glaces, en faisant notre étude, nous nous sommes inquiétés des dommages que les glaces pourraient causer au pont. Tous les spécialistes nous ont dit que le pont résisterait à la pression des glaces.

(1645)

Il y a toutefois une autre question qui inquiète vraiment les pêcheurs. Si le pont retient les glaces dans le détroit, on se demande quel effet ce retard pourrait avoir sur la pêche au homard, car, si l'eau reste froide, le homard restera inactif plus longtemps. On craint donc qu'il y ait des répercussions sur le homard.

Or, les études ont clairement montré que tout retard dû aux glaces serait très limité et que s'il y a un effet sur la pêche au homard, il serait négligeable.

M. Morrison: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Le député a mal compris ma question. Lorsque je parlais des retards causés par la glace, je voulais parler des retards au niveau du service de traversiers à cause des glaces accumulées dans le chenal. Je ne pensais pas au dégagement tardif des glaces.

M. Easter: Madame la Présidente, je voudrais apporter une précision à ce sujet. Nous connaissons très bien les perturbations dans le service de traversiers que peut entraîner l'amoncellement des glaces. Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt cet après-midi, les camionneurs doivent attendre de trois à cinq heures de plus ces temps-ci, à cause de l'amoncellement des glaces aux terminus et du grand nombre de camions qui empruntent le traversier. Les services de traversiers étant perturbés par les glaces, il devient extrêmement difficile d'acheminer les produits au marché dans les délais prescrits et de façon efficace.

M. Rock: Madame la Présidente, je voudrais faire une déclaration à la Chambre et je me demande si je peux obtenir le consentement unanime de la Chambre à cette fin.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Madame la Présidente, je suis reconnaissant envers mes collègues qui ont donné leur consentement.

Je voudrais profiter de l'occasion, cet après-midi, pour aborder les questions que le chef de l'opposition a soulevées ce matin, au cours du débat. Il a formulé certaines réserves en ce qui concerne la traduction et les différences possibles entre la version française et la version anglaise de la modification à la Constitution. Le ministère de la Justice m'a fait parvenir l'avis de spécialistes en matière de rédaction des textes législatifs.

Le ministère de la Justice est d'avis que le texte français, rédigé au subjonctif, et plus particulièrement le mot remplace, conjugué au subjonctif, expriment une possibilité. Autrement dit, selon le ministère de la Justice, le texte français correspond exactement à la version anglaise, où l'on retrouve l'expression may be substituted.

Je remercie le chef de l'opposition d'avoir soulevé cette question. Nous respectons ses objections, mais nous croyons qu'elles ne sont pas fondées. Je suis heureux d'avoir eu l'occasion d'éclairer toute interprétation erronée à laquelle le texte aurait pu se prêter.

[Français]

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi): Madame la Présidente, il me fait plaisir d'intervenir sur cet amendement. Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique soumet à cette Chambre un amendement constitutionnel, en vertu de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Je suis à peu près l'un des derniers orateurs. J'espère que je recevrai l'attention du secrétaire parlementaire du parti gouvernemental, puisque j'aurai tout de même à expliquer des choses qui ont déjà été dites. Par contre, à la fin de mon discours, je soumettrai à cette Chambre quelques opinions qui devront être analysées par la suite.

L'amendement prévoit qu'un ouvrage de franchissement reliant l'Île-du-Prince-Édouard et le continent remplace le service de traversier reliant Cap-Tourmentin à Borden. Il faut se rappeler que l'une des conditions d'entrée dans la Confédération de l'Île-du-Prince-Édouard en 1873, était qu'un service convenable de bateaux à vapeur transportant les malles et passagers soit établi et maintenu entre l'île et les côtes du Canada, l'été et l'hiver, assurant ainsi une communication continue entre l'île et le chemin de fer Intercolonial, ainsi qu'avec le réseau des chemins de fer du Canada.

(1650)

On constate en 1873 que les conditions d'entrée dans la Confédération promettant un service convenable de bateaux à vapeur ne sont pas respectées.


1402

En 1877, Ottawa convient d'accorder une subvention pour l'établissement d'une liaison par bateau à vapeur. Le Northern Light fait la traversée du détroit de Northumberland.

Dès le début des années 1880, l'idée d'un tunnel sous le détroit était proposée pour maintenir la communication pendant toute l'année. L'avènement de traversiers brise-glace en 1917-1918 résout le problème, et on abandonne momentanément ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui le lien fixe. Ce n'est qu'à partir de ce moment que le service de traversiers sera offert l'année durant.

L'amendement prévoit qu'un ouvrage de franchissement reliant l'Île-du-Prince-Édouard et le continent remplace le service de traversiers reliant Cap-Tourmentin à Borden.

D'emblée, il est pour le moins significatif que nous ayons à débattre d'un amendement constitutionnel puisque le gouvernement actuel se refuse à toute discussion à l'égard de ce qui constitue la loi suprême de notre pays, telle que l'édicte l'article 52.

Le comité judiciaire du Conseil privé de Londres, dans un arrêt célèbre, a comparé la Constitution canadienne à un arbre capable de croître à l'intérieur de sa limite naturelle. Force est de constater que l'histoire nous indique une direction autre. Il aura donc fallu plus d'un siècle pour que nous débattions ici en Chambre de l'établissement d'un pont reliant le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard.

Quand bien même on veut taire le débat constitutionnel, il ressurgit, parce qu'il s'inscrit dans un processus évolutif. Aussitôt fixée, l'image d'un pays se transforme. L'amendement constitutionnel demandé en vertu de l'article 43 de la Loi de 1982 est partie intégrante des articles 38 et suivants qui établissent la procédure de modification de la Constitution du Canada. Cela ne peut que ramener à notre souvenir l'année 1982 et ses réminiscences douloureuses pour le Québec. On ne peut se rappeler que le rejet de l'accord du lac Meech, le refus, par tous les Canadiens et Canadiennes, de l'entente de Charlottetown.

L'amendement soumis par le gouvernement nous indique qu'il n'est pas possible de reléguer aux oubliettes le débat constitutionnel et qu'il est inutile de tenter de figer artificiellement ce qui, par définition, est en mouvance.

L'amendement constitutionnel permettra à l'Île-du-Prince-Édouard d'être en liaison avec le continent par ce que l'on appelle un lien fixe. Et j'en suis très heureux pour cette population.

Des représentants du gouvernement fédéral et le consortium international Strait Crossing Development Inc. ont signé un contrat de 840 millions de dollars pour la construction du pont. Le coût de construction du pont est d'environ 800 millions de dollars. Un financement d'environ 40 millions couvrira les frais d'intérêt pendant la période de la construction qui s'étendra sur trois ans.

C'est sûr qu'il y a des répétitions par rapport aux discours que nous avons entendus depuis le début de la journée. Par contre, les faits sont là.

Le pont envisagé est d'une longueur de 13 kilomètres. Cette superstructure, ce mégaprojet remplacera le service de traversiers entre Cap-Tourmentin, au Nouveau-Brunswick, et Borden, à l'Île-du-Prince-Édouard.

(1655)

Il faut convenir que cette province avait obtenu des garanties constitutionnelles quant au lien avec le continent. C'est Marine Atlantique, société d'État qui, actuellement, assure la navette. Le financement, la construction et l'exploitation du pont reliant le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard a été confié à Strait Crossing Development, compagnie canadienne. Cette compagnie recevra une subvention annuelle fédérale de 41,9 millions de dollars de 1992, et cet argent sera indexé au cours des 35 prochaines années et ce, à partir de 1997. Ceci équivaut à près de 1,5 milliard de dollars. Cette société a obtenu un financement par vente d'obligations privées de 660 millions de dollars, les obligations étant cotées 3A, soit la norme la plus élevée de garantie qui puisse être offerte aux banques.

Même en étant d'accord avec cet amendement, puisque nous sommes liés par l'une des conditions d'entrée dans la Confédération de l'Île-du-Prince-Édouard en 1873, permettez-moi tout de même d'avoir certaines retenues sur le projet. Le coût du service du traversier, aujourd'hui opéré par Marine Atlantique, société d'État, est de l'ordre de 28 millions. Il y a là certes un écart considérable entre les prestations. Le pont deviendra ensuite la propriété du gouvernement fédéral. L'entente prévoit que le gouvernement fédéral deviendra propriétaire de l'ouvrage en l'an 2032. Quel sera l'état du pont à ce moment? C'est une question que l'on peut certainement adresser à la Chambre. Le gouvernement a-t-il les garanties nécessaires qu'on lui remettra à ce moment-là un pont en bon état et qu'il n'aura pas à investir pour prolonger sa vie utile?

Le taux des droits de péage, la première année, correspondra à celui qui prévaut pour le traversier, soit 11,05 $. Par la suite, l'augmentation du taux ne devra pas excéder 75 p. 100 du taux d'inflation. Le promoteur percevra les droits de péage. Ici la question se pose: Est-ce un engagement ferme ou la porte est-elle ouverte, ou encore entrouverte, pour renégocier ces taux advenant un achalandage moindre que prévu?

Au niveau des retombées économiques, environ 2 675 années-personnes seront employées durant les années de construction, soit de 900 à 1 000 emplois par an, avec une saison de construction d'environ neuf mois. La main-d'oeuvre, comme on l'a dit tantôt, proviendra dans une proportion de 96 p. 100 du Canada atlantique. Mais après la construction, est-ce que ce sera le retour au cercle vicieux de l'assurance-chômage, du bien-être social? Les retombées touristiques seront-elles suffisantes pour éviter ce retour à ce cercle vicieux?

Le gouvernement reconnaît qu'environ 420 employés permanents de Marine Atlantique perdront leur emploi lorsque le pont sera ouvert à la circulation, mais que seulement 60 emplois


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seront créés. Il y aura donc une perte nette de 360 emplois. D'autres coûts sont à prévoir, à savoir la négociation d'allocations de service des employés touchés ainsi que l'assistance pour le recyclage et le déménagement dans les cas nécessaires. Nous n'avons pas les réponses à ces questions.

(1700)

On devra compter 10 millions de dollars pour compenser les pêcheurs. Une entente fédérale-provinciale concernant la construction du pont et du détroit a été signée entre le gouvernement du Canada, la province de l'Île-du-Prince-Édouard et la province du Nouveau-Brunswick.

L'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick recevront chacun 20,4 millions pour la réfection de leur réseau routier. Est-ce qu'il y aura autant d'équité pour tout le Canada? Enfin, un fonds de développement spécial pouvant atteindre 20 millions de dollars sera versé aux collectivités de Borden et de Cap-Tourmentin.

Les matériaux pour la construction du pont seront achetés à 70 p. 100 à l'Île du Prince-Édouard; la livraison des produits de la pêche et de l'agriculture sera améliorée, j'en suis certain. L'on prévoit une augmentation du tourisme de 25 p. 100. Est-ce que ceci repose sur de véritables études, des études qui nous prouvent la faisabilité du projet? Enfin, l'industrie des transports de l'Île-du-Prince-Édouard économisera, selon le Parti libéral, 10 millions par année. Permettez-moi d'en douter.

On ne peut évidemment pas passer sous silence les interrogations qu'a soulevées la construction d'une telle structure sur la navigation et le transport maritime, la faune, le poisson, les oiseaux migrateurs, l'agriculture et les glaces.

Il ne faudrait pas que ce projet devienne un deuxième Hibernia où plus d'un milliard de dollars de fonds publics et privés ont été engouffrés jusqu'à maintenant puisque l'implication du gouvernement fédéral dans ce projet comportait des «faiblesses fondamentales», comme le soulignait le vérificateur général dans son rapport de 1992. Il décrivait ce projet Hibernia «un risque élevé qui provient de l'incertitude des prix comme des factures technologiques et environnementales.» Nous espérons que les mêmes éléments ne viennent pas frapper la construction du pont.

Pour ce qui est de la construction de ce pont, il faudrait que des rapports de qualité soient fournis au Parlement et surtout au public tout au long de la réalisation de ces travaux pour permettre des correctifs au fur et à mesure s'il y a lieu. Un calendrier d'échéanciers devrait être soumis au Parlement, et un comité spécial de la Chambre devrait pouvoir suivre le développement du projet dans tous les domaines (financement, exécution des travaux, échéanciers, études environnementales), et faire rapport à la Chambre dans des délais précis.

En prenant ces remarques en considération, le Bloc québécois croit pouvoir répondre, en appuyant cet amendement, à une demande qui persiste depuis de nombreuses années. J'espère que le projet de construction du pont de l'Île-du-Prince-Édouard repose sur des assises solides compte tenu que cette infrastructure nous reviendra de plein droit dans 35 ans.

Pour en faire une bonne affaire, il faut que ce projet contienne un ensemble complet d'objectifs clairs et mesurables, qu'une coordination suffisante de la surveillance des retombées économiques soit mise en place, qu'une limitation des dommages environnementaux soit retenue tout au long des travaux, que les droits des pêcheurs soient sauvegardés tout au long du processus.

Nous, du Bloc québécois, espérons que le ministre prendra en considération les points que je viens d'énumérer et qu'il transmettra à la Chambre, dans quelque temps, une réponse favorable à la création de ce comité spécial de la Chambre puisqu'il y va d'investissements considérables et qu'une surveillance sérieuse doit être faite pour respecter les deniers des contribuables canadiens et ainsi pouvoir préserver des emplois à long terme, des emplois structurants, des emplois bien rémunérés pour les jeunes, je l'espère.

(1705)

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River): Madame la Présidente, premièrement, j'aimerais féliciter les députés de l'opposition officielle, du Bloc québécois, pour leur facilité à prendre n'importe quel sujet qui est discuté ici à la Chambre et le tourner à leur avantage, soit le seul débat qui les concerne, leur seul but et objectif qui est l'indépendance et la séparation du Québec.

Des voix: Bravo!

M. Serré: Je suis content qu'ils applaudissent quand je parle de séparation et d'indépendance, parce que là, je vois que vous nous donnez un message clair et net qui n'est pas confus, que c'est bien l'indépendance du Québec que vous voulez, et non la souveraineté du Québec. Alors, je suis content de voir la réaction de mes honorables collègues du Bloc québécois.

Je perçois la raison pour laquelle ils approuvent ce projet de loi, parce qu'ils se disent qu'étant donné qu'il y a eu un plébiscite à l'Île-du-Prince-Édouard, alors on doit respecter la volonté du peuple. Ils établissent un parallèle avec un éventuel référendum au Québec. J'aimerais faire la distinction.

Le projet en question est un pont, un lien, un projet qui veut unir le Canada, qui veut bâtir le Canada, qui veut tisser des liens. L'éventuel référendum du Québec est un projet qui veut détruire les ponts, qui veut détruire les liens de ce pays. Ce n'est pas un amendement constitutionnel que ces gens-là désirent, c'est la destruction pure et nette de notre pays, et là-dessus, je ne serai jamais d'accord.

M. Fillion: Madame la Présidente, je dois sincèrement remercier l'honorable député du commentaire qu'il a fait. Nous avons dit, et nous l'avons maintenu pendant toute la campagne électorale, et cela a été publicisé autant au Canada anglais qu'au Canada français, au Québec ou ailleurs, que le mandat du Bloc québécois était et sera, tout le temps que nous serons ici à la Chambre, celui de préparer la souveraineté du Québec.

Des voix: Bravo!

M. Fillion: Nous ne nous sommes pas cachés pendant la période électorale pour le dire, pour l'expliquer. Notre chef, ainsi que d'autres députés, sont prêts à aller expliquer cette position au Canada tout entier.


1404

Notre action, notre position, aujourd'hui, n'est pas celle de vouloir détruire ce qui existe, mais bien de voir à une certaine équité. Il y avait quelque chose qui n'était pas équitable vis-à-vis l'Île-du-Prince-Édouard et aujourd'hui, on tente de réparer cette erreur-là qui dure depuis plus de 100 ans. Donc, nous recherchons également cette même équité au niveau de la province de Québec dans différents domaines ou sphères du gouvernement fédéral. Je pense que c'est un peu cela qui ne plaît pas à nos distingués députés ministériels de voir que, pour une fois, la voix du Québec soit entendue à l'intérieur de cette Chambre pour y défendre ses intérêts, sauvegarder ses intérêts, tout en donnant à l'ensemble du Canada des positions qui sont précises, claires et nettes.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je donne donc la parole à l'honorable député de Davenport pour une question ou un commentaire.

M. Caccia: Non, madame la Présidente, je désire faire un discours.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Dans ce cas, je ne peux vous accorder la parole.

M. Ménard: Je désire faire un commentaire, madame la Présidente.

La présidente suppléante (Mme Maheu): D'accord, mais est-ce que vous êtes à votre place?

Je m'excuse, et je ne moque pas de vous, mais il est essentiel que vous soyez à votre place si vous désirez prendre la parole. Cela s'est déjà produit deux fois que les députés n'étaient pas à leur place pour faire leur intervention.

Une voix: Il est à sa place.

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Je n'ai jamais été aussi à ma place, madame la Présidente.

(1710)

Je voudrais faire un commentaire sur ce qu'a dit notre collègue qui, vous en conviendrez, a fait un excellent discours. Je ne pouvais pas m'empêcher de faire le lien avec l'intervention du député précédent.

J'imagine que si l'opposition officielle avait fait quelque obstruction que ce soit à collaborer avec le gouvernement sur cette motion, dont on saisit pleinement l'importance pour la qualité de vie des gens de l'Île-du-Prince-Édouard, vous auriez vu la litanie d'injures sur l'antidémocratie, le non-respect du référendum et notre refus de contribuer à ce que l'on puisse s'exprimer démocratiquement dans ce pays.

À présent qu'on collabore, cela procède quand même d'une certaine audace intellectuelle que de se lever dans cette Chambre et de nous dire que parce qu'on collabore avec le gouvernement, on a un biais, on n'est pas démocratiques et que finalement on veut détourner le débat.

Il faut qu'on se comprenne bien-et c'était le commentaire et le sens de l'intervenant précédent-il ne peut pas y avoir deux types de démocratie dans ce pays: une qui fait l'affaire du Canada anglais et des ministériels, et une qui fera l'affaire du gouvernement.

L'appui de l'opposition officielle va nettement dans le sens d'inviter le gouvernement à poser le geste qu'il faut poser pour la collectivité de l'Île-du-Prince-Édouard. Mais il est clair que l'on pense que dans ce pays, quelle que soit l'issue du référendum, nous devons en accepter les résultats. Et l'Assemblée nationale qui a été la première dans ce pays à proposer une loi sur les consultations populaires en 1980, nous, les nationalistes qui avons participé à ce référendum, avons respecté le verdict.

Le verdict ne nous était pas favorable, mais il y a une démocratie, et que l'on soit gagnant ou perdant, quand on va aux urnes, il faut accepter l'issue qui en découle. Nous acceptons la décision de l'Île-du-Prince-Édouard. Et je peux davantage dire que dans les prochaines années, quand il y aura un référendum pour décider démocratiquement de l'accession du Québec à l'indépendance, j'espère que notre ami et collègue saura respecter la démocratie, de même que les parlementaires d'en face.

M. Fillion: Madame la Présidente. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): On ne va pas commencer un débat entre deux collègues du même parti. Voulez-vous faire un court commentaire?

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi): Madame la Présidente, mon commentaire sera court puisque le temps alloué aux questions et commentaires tire à sa fin.

J'aimerais dire au secrétaire parlementaire de prendre en considération les questions contenues dans mon discours. Je suis certain, je ne veux pas en faire un débat nationaliste, je suis certain qu'au ministère des Travaux publics on étudiera chacune de ces questions et qu'on tentera d'y apporter des réponses et de créer ce fameux comité spécial de la Chambre pour voir à l'ensemble du projet.

* * *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

L'hon. Fernand Robichaud (secrétaire d'État (Affaires parlementaires)): Madame la Présidente, tel qu'annoncé par le leader du gouvernement à la Chambre jeudi dernier, j'aimerais confirmer que demain, soit le 16 février, sera un jour désigné et que le Feuilleton devrait refléter cette désignation.

* * *

[Traduction]

LE PONT DE L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD

La Chambre reprend l'étude de la motion.

L'hon. Charles Caccia (Davenport): Madame la Présidente, pour améliorer la circulation des personnes entre la magnifique Île-du-Prince-Édouard et le continent, il existe, me semble-t-il, une solution de rechange plus sûre et moins coûteuse, préférable au plan environnemental et plus créatrice d'emplois à long terme que le pont proposé. Cette solution de rechange réside dans un service de traversiers amélioré.

Laissez-moi vous donner un aperçu des avantages d'un service de traversiers amélioré comparativement à un pont de 14 kilomètres qu'il faudra garder ouvert l'hiver et au début du printemps dans des conditions climatiques très difficiles.


1405

Un service de traversiers amélioré coûterait environ 36 millions de dollars par année, somme qui irait au remplacement permanent des navires et à la constitution d'un fonds de capital et d'emprunt afin que le fonds d'amortissement du traversier soit soutenable.

(1715)

En comparaison, le pont proposé coûterait 42 millions de dollars par année pendant 35 ans, ce qui, si je ne m'abuse, fait au total 1,47 milliard de dollars. On épargnerait donc quelque 210 millions de dollars sur 35 ans avec le service de traversiers amélioré.

Il faut ajouter à cela le coût de construction de routes additionnelles. De telles dépenses ne seraient pas nécessaires dans le cas du service de traversiers amélioré, mais elles atteindraient quelque 41 millions de dollars dans le cas du pont. Encore là, on pourrait épargner 41 millions de dollars.

Puis, il y a l'indemnisation des municipalités de Borden et de Cap-Tourmentin. Elle ne serait pas nécessaire dans le cas d'un service de traversiers amélioré, mais elle est estimée à 20 millions de dollars pour le lien fixe.

Le service de traversiers amélioré ferait donc économiser ces 20 millions de dollars. Tout compte fait, l'option du service de traversiers entraînerait des économies de quelque 271 millions de dollars, sans compter les dépassements de coûts qui ont été estimés à 550 millions de dollars, et sans compter les prestations d'assurance-chômage, les cours de formation ni le déplacement des employés de traversier, estimés au total à quelque 25 millions de dollars.

Après avoir comparé les deux options au plan financier, permettez-moi de les comparer brièvement sur la question des emplois. Dans le cas du service de traversiers amélioré, des emplois pour quelque 8 200 années-personnes seraient probablement créés au cours des 35 prochaines années pour la réfection et la construction de traversiers. Par contre, pendant la même période, le pont ne générera que l'équivalent de 2 400 années-personnes en emplois dans le secteur de la construction.

Après 35 ans et une fois que le pont aura été construit, la situation de l'emploi sera ainsi: 400 emplois annuels et 325 emplois d'été pour l'exploitation du service amélioré de traversiers. Ce sont là des chiffres fournis par le syndicat. Par contre, l'exploitation du pont ne créera que de 60 à 80 emplois environ. Essentiellement, les scénarios concernant l'emploi favorisent les traversiers parce que ceux-ci fourniraient plus d'emplois que le pont proposé, à savoir 5 800 années-personnes de plus pendant les 35 prochaines années et, par la suite, au moins 340 emplois de plus en hiver et 645 emplois de plus en été.

Pour ce qui est du processus démocratique suivi pour arriver à la décision de construire un pont, il faut dire que l'on avait demandé à la population de se prononcer sur un raccordement permanent, ce que beaucoup avaient traduit par un tunnel ou un pont. Il n'y a pas eu de consultation portant précisément sur la construction d'un pont. D'après mes renseignements, le résultat du vote a été très serré, puisque 51 p. 100 des personnes ont voté en faveur du raccordement, 46 p. 100 ont voté pour l'amélioration du service de traversiers et 3 p. 100 n'ont pas exprimé d'opinion.

(1720)

Avant de terminer, je veux m'arrêter brièvement aux évaluations environnementales. Ces études, maintes fois citées, ont été effectuées par le ministère qui parraine le projet, Travaux publics. Dans son rapport, une commission d'évaluation environnementale recommandait de ne pas construire de pont. On n'a pas tenu compte de ses recommandations.

Ceux d'entre nous qui croient à l'importance croissante des évaluations environnementales ont la responsabilité de demander au moins la création d'une commission pour évaluer à nouveau la proposition et faire ressortir les inconvénients du pont, puis pour déterminer s'il y a lieu d'aller de l'avant avec le projet.

Ce qui m'inquiète beaucoup avec ce projet, c'est ce qui se passera dans 35 ans, lorsque les promoteurs privés cèderont le pont aux pouvoirs publics. De toute évidence, les structures de l'ouvrage se seront érodées. L'eau salée a un effet corrosif. La population héritera d'un pont qu'il faudra entretenir et qui aura vraisemblablement besoin de beaucoup de réparations. En outre, en plus d'avoir payé pour la construction, les Canadiens auront investi 1,47 milliard de dollars en 35 ans dans cet ouvrage. Il est probable que la prochaine génération de politiciens et de décideurs hériteront de structures rouillées et la population canadienne devra se débrouiller avec cela.

Pour toutes ces raisons, je crois qu'il serait préférable, dans l'intérêt du public, d'améliorer le service de traversiers.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly): Madame la Présidente, j'ai l'impression que le parti dans lequel j'évolue a pris par surprise le parti au pouvoir en lui accordant son appui dans le projet dont nous discutons présentement. J'ai comme l'impression que le parti au pouvoir avait compté sur l'opposition du Bloc québécois et possiblement sur celle du Parti réformiste pour retirer un projet de loi qui ne semble pas lui plaire du tout. Les propos du député qui vient de s'exprimer me portent à pencher dans ce sens.

Je pense que le Parti libéral qui est au pouvoir avait faitdes promesses aux gens des Maritimes, notamment à ceux de l'Île-du-Prince-Édouard, pour essayer de gagner des votes- 125 000, c'est important-en leur faisant une promesse qui, espérait-il, ne serait pas appuyée par les autres partis de la Chambre des communes. Je crois qu'on les a pris un peu au dépourvu en les appuyant. Je demande au député qui vient de prendre la parole si ce n'est pas un moyen honorable d'essayer de se retirer de ce guêpier en prônant un traversier, lui, alors que son parti, son ministre et aussi l'adjoint de son ministre, semblaient pourtant bien favorables à cette histoire de pont. Je demanderais au parti au pouvoir de dire à l'opposition s'ils veulent un pont, oui ou non? On ne le sait plus!


1406

(1725)

M. Caccia: Madame la Présidente, je suis étonné que le député se sente un peu perdu ou ne comprenne pas que le Parti libéral, dans une tradition de liberté d'esprit et de différence d'opinions, permet franchement un débat ouvert sur une question d'importance publique comme celle-là. J'espère qu'un même esprit de liberté d'expression règne aussi au sein du parti du député. Certains députés du Bloc québécois, comme le bien distingué critique en matière d'environnement, ont eu la liberté et l'occasion aujourd'hui d'exprimer leur opinion, particulièrement sur le développement soutenable et sur la protection de l'environnement.

J'ai écouté avec grand intérêt l'intervention du député qui prend une position parallèle, si vous voulez, à la mienne, et qui va donner à la Chambre un point de vue qui va enrichir la totalité des débats de cet après-midi.

M. René Laurin (Joliette): Madame la Présidente, ce sera un bref commentaire, simplement pour rappeler ceci aux députés du parti au pouvoir: tant mieux s'ils peuvent avoir la liberté de s'exprimer sans nécessairement suivre la ligne de parti. Toutefois, je rappelle qu'au sein du Bloc québécois, le consensus avait été fait avant les élections. On savait, nous, avant, ce sur quoi on était d'accord et ce sur quoi on ne l'était pas. On a réglé nos problèmes avant, puis quand on est venu ici on est venu ici en «bloc», et, aujourd'hui, on pense en «bloc».

Alors, si le parti au pouvoir avait fait cette réflexion avant, peut-être que vous auriez pu faire à vos électeurs des promesses qui auraient eu l'air plus sincères et qu'aujourd'hui vous n'auriez pas besoin de présenter en vous divisant les uns des autres.

M. Caccia: Madame la Présidente, je ne suis pas connaissant du fait que, dans les programmes du Bloc québécois, avant l'élection, l'ensemble des membres du parti avait pris position en faveur de la construction du pont. Mais si une telle position a bien été prise, je serais très content de la voir, si le député veut me la montrer un de ces jours.

[Traduction]

M. John English (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires intergouvernementales et président du Conseil privé): Madame la Présidente, si je prends la parole aujourd'hui pour appuyer cette résolution, ce n'est pas une question de discipline de parti. J'ai écouté avec grand intérêt les remarques de mes collègues et cela montre bien que notre parti est prêt à accepter divers points de vue. Ma décision n'a pas été influencée par le fait que je suis assis à côté de la députée de Halifax et du député d'Egmont, qui appuient tous deux énergiquement cette résolution.

Nous avons entendu aujourd'hui, durant ce débat, de très bons arguments en faveur de cet ouvrage de franchissement et en faveur de cette modification constitutionnelle. Sur le plan de l'emploi, nous avons entendu que ce projet créera 5 300 emplois sur une période de trois ans. Par ailleurs, nous avons entendu que 70 p. 100 des approvisionnements viendront du Canada atlantique.

Nous avons également entendu que le tourisme augmentera d'environ 30 p. 100 durant la construction du pont et d'environ 25 p. 100 par la suite, et je tiens à signaler à mon collègue de Davenport que le tourisme est certainement un facteur à considérer. C'est un stimulant économique important pour une province et une région qui ont beaucoup souffert au cours des dernières décennies.

(1730)

Un député d'en face a mentionné que le projet a été appuyé lors d'un plébiscite en 1988. Nous avons aussi entendu que des consultations ont été demandées en 1988, il y a six ans. On peut certainement dire que 80 réunions publiques sur une période de six ans représentent une consultation suffisante.

Nous avons entendu d'autres députés de l'Île-du-Prince-Édouard, y compris le député d'Egmont, dire qu'il faut attendre le traversier de trois à cinq heures pour se rendre à l'île. Nous avons également entendu la députée de Halifax décrire comment elle a dû passer le temps pendant sept heures sur un traversier qui ne pouvait pas se rendre de l'autre côté.

Ce sont tous là des arguments frappants qui m'ont convaincu sans l'ombre d'un doute que cette proposition mérite d'être appuyée.

Je viens de l'Ontario, comme beaucoup de mes collègues du parti ministériel. Je viens d'une province qui, grâce à sa contribution aux recettes générales, participera à ce projet. J'ai entendu plusieurs remarques aujourd'hui qui m'ont amené à penser que le principe fondamental selon lequel nous partageons certaines responsabilités dans ce pays n'est pas toujours reconnu.

Étant donné que ce projet touche toutes les régions du Canada, qu'il nécessite qu'on modifie la Constitution et qu'il exige qu'on puise dans le Trésor public, quelqu'un a dit qu'il devrait être examiné en regard des intérêts de l'ensemble du Canada. Ce député, qui vient de la Colombie-Britannique, devrait se rappeler qu'il y a eu, dans le passé, de nombreux cas de ce genre dans sa province.

Lorsque la Colombie-Britannique est entrée dans la Confédération, les conditions d'admission de la nouvelle province comportaient une entente sur la construction d'un chemin de fer grâce à des subsides atteignant 50 millions de dollars, une somme énorme à l'époque, égale au total des recettes fiscales générales du Canada. Cela figurait dans la loi constitutionnelle, tout comme le service de traversiers y figurait en 1873.

Nous avons une obligation similaire. Quand une modification constitutionnelle concerne si clairement une province, ou deux en l'occurrence, dans l'intérêt de l'efficacité de fonctionnement de la Constitution, de telles modifications à caractère bilatéral devraient pouvoir être adoptées sans nécessiter de très longues consultations ou négociations en matière constitutionnelle.


1407

Les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard attendent depuis longtemps la construction d'un pont ou l'établissement d'un raccordement fixe avec le continent. Nous avons entendu un député rappeler tout à l'heure que c'est il y a plus d'un siècle, dans les années 1880, qu'on a parlé pour la première fois d'un raccordement fixe. L'idée est revenue sur le tapis dans les années 1950 et 1960. Dans ces cas-là, le projet ne s'est pas réalisé. Beaucoup d'autres projets se sont réalisés entre-temps, dont le chemin de fer du Canadien Pacifique, les chemins de fer transcontinentaux qui ne servaient pas, semble-t-il, les intérêts les meilleurs de l'Île-du-Prince-Édouard.

Cette province compte 138 000 habitants, comme quelqu'un l'a mentionné tout à l'heure, c'est-à-dire une population plus nombreuse que celle de la province de Saskatchewan, qui faisait partie des Territoires du Nord-Ouest, quand fut pris l'engagement de construire le Canadien Pacifique ou le Grand Trunk Pacific Railway comme s'appelait à l'époque le Canadien National.

Ce n'est pas simplement parce que la province compte 130 000 habitants qu'on ne devrait pas honorer par les moyens les plus modernes possible l'engagement que le pays a pris envers cette île merveilleuse; ce n'est pas un argument valable. Ce projet me semble être une façon très moderne de reconnaître l'engagement que nous avons pris de maintenir des liens de communication et de transport avec l'Île-du-Prince-Édouard.

Ce matin, j'ai fait le tour du ministère des Affaires étrangères et j'ai vu les systèmes de communications qu'on y remplace à un coût très élevé. La personne qui dirigeait la visite m'a dit qu'il fallait tout simplement le faire. C'est indispensable, parce que ce lien avec le reste du monde doit être aussi moderne que possible. Dans ce cas-ci non plus nous n'avons pas le choix. Nous avons en fait une obligation encore plus grande, une obligation morale de réaliser ce projet.

En résumé, je dirai que ce raccordement permanent stimulera l'économie de la province qui a besoin actuellement du montant de subventions fédérales le plus élevé par habitant. Il créera des emplois. Il stimulera l'économie grâce aux achats ainsi qu'aux emplois directs et à long terme qui seront créés dans l'industrie touristique.

(1735)

Nous avons tous connu l'Île-du-Prince-Édouard grâce à Anne et la maison aux pignons verts. Nous devrions tous avoir la chance de visiter cette province canadienne merveilleuse et unique. Actuellement, notre pays affiche sur le plan du tourisme un déficit courant d'environ 10 milliards de dollars. C'est un déficit énorme, qui nous coûte très cher à long terme. L'Île-du-Prince-Édouard est une région canadienne où le tourisme est florissant; avec ce pont, il le sera encore plus.

Pour cette raison-et en cela, je ne partage pas le point de vue de mon collègue, le député de Davenport-j'estime qu'à long terme, le projet sera légitime et réalisable du point de vue économique. Les avantages seront indirects et à plus long terme, mais ils sont importants pour les gens de l'Île-du-Prince-Édouard.

Comme l'ont mentionné certains députés, la subvention versée sera supérieure à celle qui est accordée actuellement, mais elle ne sera pas plus élevée que le coût de remplacement des traversiers.

Enfin, j'estime important de respecter les engagements à long terme qui ont été pris envers l'Île-du-Prince-Édouard et de relier cette province au continent de la manière la plus efficace et la plus moderne possible. Il me semble que cette proposition nous permet d'honorer nos obligations.

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette): Madame la Présidente, j'ai trouvé fort intéressants les propos du député au sujet de l'efficience. Je me demande s'il sait que le transport par eau ou par mer est dix fois plus économique que le transport par camion. Quel est le coût supplémentaire du transport routier entre l'île et le continent?

Le député a-t-il fait une étude de ces coûts?

M. English: Madame la Présidente, je n'ai pas fait d'études moi-même, mais je sais que le transport par eau coûte beaucoup moins cher sur les très longues distances. Cependant, quiconque a attendu un traversier au lieu d'utiliser un pont vous dira que le deuxième est beaucoup plus facile et plus efficace que l'autre.

Les députés de l'Île-du-Prince-Édouard nous ont parlé de leur expérience des traversiers. Nous avons entendu parler de plaintes au sujet du service de traversiers où l'attente dure de trois à cinq heures. Le système actuel n'est pas efficace. Je ne pense pas que nous respections l'obligation que le Canada a prise en 1873 et qu'il a réitérée à plusieurs reprises depuis cette date.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia): Madame la Présidente, le député a fait allusion au désagrément qu'il y a à devoir attendre les traversiers. J'ai attendu bien des traversiers dans ma vie. J'ai aussi attendu que s'ouvrent les ponts dont les conditions météorologiques avaient entraîné la fermeture. Ça s'équivalait. C'était aussi pénible d'attendre dans un cas comme dans l'autre.

Le député a parlé du tourisme. Dans ce cas, je me demande pourquoi, compte tenu du boom touristique annoncé, les exploitants d'entreprises touristiques de l'île font campagne pour le maintien en service du traversier desservant la Pointe-au-Caribou, même si l'on construit le pont. C'est que, selon eux, le touriste cherche le tourisme. Autrement dit, il ne s'agit pas pour le touriste de se rendre du point a au point b comme un sac de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard s'en allant au marché. Le touriste goûte le voyage en traversier. C'est ce que j'ai appris en lisant une étude effectuée par un éminent économiste des Maritimes, M. Peter Townley de l'Université Acadia, qui ne rate pas une occasion de démolir ce monument dédié à la vanité.

(1740)

M. English: Madame la Présidente, moi aussi, j'ai attendu des traversiers et dû attendre pour traverser des ponts. Le fait est que,


1408

selon des études portant sur le cas qui nous occupe, ce moyen est plus efficace.

Par ailleurs, en ce qui concerne le tourisme, il est peut-être vrai qu'à certains endroits, la présence d'un traversier peut présenter un intérêt touristique de quelque importance, mais on est loin du sac de pommes de terre à bord d'un traversier dont parle le député. Je crois que la plupart des touristes seraient en désaccord.

Les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard ne semblent pas voir les choses sous cet angle non plus. Le nombre des touristes va augmenter. L'activité économique va s'intensifier. Toutes les études semblent corroborer cette opinion. Les insulaires ont aussi exprimé cet avis lors du plébiscite.

Le député a peut-être raison sur un point, mais pas sur l'ensemble de la question.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Madame la Présidente, c'est réellement un honneur pour moi que de participer à ce débat sur la modification de la Constitution canadienne qui traite des conditions d'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard.

J'ai eu deux occasions de visiter l'Île-du-Prince-Édouard. Mes séjours là-bas ont été trop courts. La première fois, j'y suis arrivé par avion et la deuxième, par traversier.

Cette île est magnifique et ses habitants ont bien des raisons d'en être fiers. Elle compte beaucoup d'agriculteurs. Plus tôt, nous avons entendu le député de Malpèque, qui a le même problème que moi, je l'ai remarqué. Il oublie de boutonner son veston lorsqu'il prend la parole à la Chambre. Il doit s'agir d'une faiblesse chez ceux d'entre nous qui avons gagné notre vie à cultiver la terre. Je voudrais juste mentionner aussi que c'est à Charlottetown, dans l'Île-du-Prince-Édouard, que j'ai mangé la meilleure chaudrée de palourdes de toute ma vie.

Je ne m'oppose pas à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, à la construction, ni même au principe de ce projet. Je crois qu'il est temps d'examiner le processus et les coûts et de déterminer s'il s'agit là de la bonne décision pour le Canada à l'heure actuelle.

D'autres orateurs, notamment de notre caucus, ont soulevé certaines questions constitutionnelles. Je suis tout à fait d'accord avec le député de Calgary-Ouest, qui a demandé pourquoi cette question est tellement importante qu'on relègue au second plan la réforme du Sénat.

Aux yeux du gouvernement, la réforme du Sénat semble un sujet tabou à la Chambre, alors que des modifications à la Constitution qui touchent l'Île-du-Prince-Édouard et qui ont touché les lois linguistiques du Nouveau-Brunswick au cours de la dernière législature semblent ne poser aucun problème. Il semble que les droits de propriété soient un sujet tabou à la Chambre et qu'on ne puisse pas en parler. Par contre, le principe de l'autonomie gouvernementale des autochtones semble tout à fait approprié et a été longuement examiné à la Chambre.

Je ne veux pas m'étendre sur les questions constitutionnelles. Je pense que la crise financière est une question primordiale pour la plupart des Canadiens et je m'en tiendrai donc surtout à l'aspect financier de ce projet, ainsi qu'à la nécessité pour nous, Canadiens et députés, d'établir un ordre de priorités.

Les mégaprojets sont merveilleux. Ils font les manchettes. Un de ces projets vient d'être réalisé dans ma circonscription. Plusieurs élections générales ont eu lieu avant que ce projet qu'on nous avait promis ne soit terminé. Finalement, aux élections générales de 1988, on nous l'a encore promis. Cette fois, il a enfin été réalisé, mais a coûté considérablement plus cher que ce qui avait été prévu au départ. En fait, certains gouvernements, incapables de faire face au coût estimatif, ont essayé de se retirer du financement de ce mégaprojet. Mais, encore une fois, les mégaprojets font les manchettes. Ils attirent les votes. Ils attirent l'attention.

Malheureusement, l'allégement fiscal en faveur de la classe moyenne ne semble pas jouir de la même popularité. Il ne semble pas faire les gros titres. En somme, les politiciens et les gouvernements ont tendance à oublier cet aspect quand ils prévoient les travaux de la Chambre et introduisent des mesures législatives.

Quelques milliers d'emplois très coûteux semblent davantage attirer l'attention. D'après ce j'ai pu déterminer, le coût de chaque emploi créé-des emplois temporaires, précisons-le-s'élève à environ 310 000 $ par année-personne, ce qui, à mon avis, est plutôt cher.

Par contre, le gouvernement ne semble pas en mesure de parvenir à trouver une stratégie qui réduirait le chômage à long terme. Il semble que cela occupe une place moins importante dans l'ordre de ses priorités. C'est un problème que l'on semble souvent oublier. Nous savons tous que c'est le secteur privé qui est créateur d'emplois et que, pour qu'il en crée, il suffit de réduire le fardeau fiscal des petites entreprises. C'est alors qu'elles pourront créer des emplois et diminuer le taux de chômage, actuellement à un niveau intolérable.

(1745)

Hibernia est un autre mégaprojet. Pas de problème. Cela attire l'attention, cela attire des voix, donc on y va. Pourrions-nous plafonner les dépenses du gouvernement? Oh non, ce ne serait pas raisonnable!

Je pense qu'il est temps que le gouvernement définisse franchement ses priorités et qu'il les fasse connaître aux Canadiens. Nous avons eu trop de ces projets qu'on ne saurait critiquer. Il y en a plein dans le fameux livre rouge. Le vérité toute nue, c'est que le pays a 500 milliards de dettes. C'est 500 000 millions de dollars et ce n'est plus le moment de dire: «J'aimerais faire ceci ou je voudrais faire cela.» Non, il est temps de décider ce que nous devons faire pour maintenir un niveau de vie décent et transmettre à nos enfants un héritage dont nous pourrons être fiers.

Il est temps que, en tant que dirigeants de ce pays, nous écoutions les Canadiens et nous sachions ce que sont leurs priori-


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tés. Ensuite, nous tenterons de répondre à ces priorités par nos décisions et nos mesures législatives.

Depuis quelques années les réformistes écoutent les Canadiens pour essayer de savoir ce que ces priorités peuvent être. Nous pensons connaître assez bien ce que la population considère important et ce qu'elle serait prête à abandonner, du moins pour un temps. D'ailleurs, je rappelle à la Chambre que notre caucus est passé de 1 à 52. Ce n'est pas une mince réussite et ce n'est pas non plus par accident. C'est parce que nous avons su écouter les Canadiens et répondre adéquatement à leurs craintes pendant la campagne électorale. Maintenant, notre rôle à la Chambre est de répondre à ces craintes.

Supposons que les priorités des Canadiens soient aussi celles des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard. Je sais que ce que je dis ne restera pas dans ces quatre murs, les gens de l'Île-du-Prince-Édouard me regardent. Cela ne m'inquiète pas, car je sais que leurs aspirations ne sont pas différentes de celles de la plupart des autres Canadiens. Je voudrais donc parler des priorités qui sont, à mon avis, celles des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard.

Je sais que la plupart des Canadiens attachent un importance considérable à la santé. Je voudrais parler un peu de ce qui se passe dans ma province de Saskatchewan. Nous avons eu des gouvernements qui aimaient les monuments, qui aimaient construire des hôpitaux. Proportionnellement, nous avons probablement plus d'hôpitaux que n'importe quelle autre province. Malheureusement, nous n'avons pas d'argent aujourd'hui pour assurer le fonctionnement de ces hôpitaux. Nous n'avons probablement pas mis nos priorités à la bonne place. En fait, je suis sûr que nous ne les avons pas mises à la bonne place.

Je me demande si les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard seraient prêts à échanger leur système de soins de santé contre un pont les reliant au continent. Ce serait intéressant de connaître leur opinion là-dessus. Je voudrais bien savoir si les députés d'en face se sont posé la question.

On s'inquiète également du financement de l'éducation permanente, surtout de l'enseignement postsecondaire qui est important pour les jeunes de toutes les provinces du Canada, y compris ceux de l'Île-du-Prince-Édouard.

Voulons-nous construire un pont pour permettre aux jeunes de l'Île-du-Prince-Édouard d'aller aux États-Unis faire des études supérieures de qualité ou voulons-nous accorder une plus grande priorité à l'éducation dans notre pays, même si cela signifie que nous devons refuser les fonds nécessaires à la construction d'un pont reliant le Nouveau-Brunswick à l'Île-du-Prince-Édouard?

Je pense aussi à la qualité de vie de nos aînés. Je ne sais pas si les personnes âgées seraient prêtes à échanger le Régime de pensions du Canada contre un pont ou la sécurité financière durant leur retraite contre un autre mégaprojet. Ce sont de telles décisions, de telles priorités que nous devons examiner.

Étant moi-même un petit entrepreneur et un agriculteur, je dois comparer les avantages que présente la réalisation de mégaprojets et ceux que présente une structure fiscale qui me permette de vivre, de prospérer et de faire des bénéfices raisonnables. Ce sont là les priorités dont je dois tenir compte.

Le Canada traverse une crise financière. Si nous nous retrouvions dans une situation identique, en tant que particuliers, nous ferions bien attention de prendre les bonnes décisions. Malheureusement, les gouvernements ne semblent pas toujours aussi prudents dans leurs décisions. Bien souvent, ils songent à s'acheter un yacht au lieu de payer leur hypothèque. Le gouvernement canadien doit non seulement payer son hypothèque, mais il doit aussi réduire le déficit afin de ne pas perdre totalement le contrôle de cette dernière.

(1750)

Ce déficit et cette dette ont aussi des répercussions sur les gens de l'Île-du-Prince-Édouard et je suis convaincu que s'ils ont un pont que le pays ne peut plus entretenir, si leur économie ne justifie plus l'utilisation d'une telle infrastructure, ce sera dé-solant et il ne sera pas facile d'expliquer cette situation aux prochaines générations.

Voilà le genre d'illustrations qu'il faut faire pour les Canadiens si nous voulons prendre de sages décisions. Nous ne voulons pas que le Fonds monétaire international prenne ces décisions à notre place. Nous ne voulons pas qu'il baisse notre cote de crédit, ce qui augmenterait le coût de l'emprunt de tous ces dollars dont on aura tant besoin si les gouvernements continuent à financer de grands mégaprojets lorsque nous aurons dépassé le seuil du demi-billion de dollars.

Mais j'ai assez fait le prophète de malheur. Je ne crois pas qu'il soit temps de nous blâmer, mais il certainement temps de prendre les décisions appropriées.

À titre de membres du Parti réformiste, nous avons parlé aux Canadiens et leur avons dit qu'à notre avis les gouvernements devaient réduire leurs dépenses et que l'un des secteurs où l'on pouvait certainement réduire les dépenses était celui des mégaprojets. Cette position a été favorablement accueillie dans toutes les régions du pays, notamment dans la région de l'Atlantique où nous avons reçu un appui remarquable même si nous étions relativement nouveaux et inconnus dans cette partie du Canada.

Nous avons prêché le même message de responsabilité financière, nous avons préconisé que la priorité soit accordée aux choses vraiment importantes comme la santé, l'éducation, le soin des aînés et l'espoir pour nos jeunes.

Nous ne voulons pas ternir notre réputation de pays à niveau de vie élevé, où l'on traite bien les gens et où l'on satisfait les principaux besoins des Canadiens.

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake): Madame la Présidente, je suis très content de pouvoir participer à ce débat sur une importante proposition de la Chambre. Il s'agit en fait d'une modification à la Constitution du Canada, portant plus


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précisément sur les dispositions de l'entente avec l'Île-du-Prince-Édouard.

Grâce à cette modification, un ouvrage de franchissement reliant l'île et le continent pourra être construit et il sera entendu, d'après la motion, que rien n'empêchera l'imposition de droits pour l'utilisation de cet ouvrage, ni l'exploitation de celui-ci par l'entreprise privée.

Ce débat est d'un grand d'intérêt pour moi et ce, pour différentes raisons. La première, évidemment, c'est que j'ai beaucoup d'affinités avec l'île, des affinités qui se sont accentuées un peu plus chaque fois que j'y suis allé, soit par traversier, soit par avion. Les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard sont des gens aimables et généreux qui sont très attachés non seulement à leur île, mais aussi à la Confédération et à ce pays qui est le nôtre, le Canada.

Tous les députés reconnaissent que ce ne sont pas tous les insulaires qui sont favorables à ce lien permanent. On en trouve aussi un grand nombre qui gagnent leur vie en mer, dans le détroit de Northumberland, comme pêcheurs. Il y a encore des terriens qui sont très heureux de leurs conditions de vie à la ferme. Ils apprécient le calme de leur mode de vie rural et sont assez satisfaits du service de traversiers.

Je suis très heureux d'avoir pu être présent à la Chambre quand le député de Davenport a parlé avec tant d'éloquence des solutions de rechange que le gouvernement a préféré écarter. L'une de ces solutions consisterait à moderniser le service de traversiers de telle façon qu'on éviterait certains des problèmes environnementaux que créerait l'ouvrage permanent.

(1755)

C'est en partie l'autre raison pour laquelle je suis heureux d'intervenir aujourd'hui, car au cours de la précédente législature, j'ai consacré beaucoup de temps à la question des évaluations environnementales qui me préoccupe beaucoup.

Le député de Davenport a parlé de la nécessité de tenir compte de ce que veut dire une évaluation environnementale lorsqu'on examine l'avenir de projets importants discutés et menés à bien au Canada.

Il y a de nombreux projets de ce genre en cours à l'heure actuelle, qui n'ont pas été soumis à une évaluation environnementale; dans d'autres cas, après avoir évalué les projets en appliquant des lignes directrices très strictes en matière d'environnement, on s'est aperçu qu'ils laissaient beaucoup à désirer à cet égard.

Ce sur quoi je veux m'arrêter sous peu dans mon intervention, c'est l'incapacité du gouvernement précédent et, semble-t-il, du gouvernement actuel, de mettre en place un processus d'évaluation environnementale permettant de s'assurer que des projets comme le pont qui va être construit dans le détroit de Northumberland n'auront pas de répercussions écologiques néfastes.

J'hésite à mentionner dans cette enceinte le nom du précédent premier ministre. Le projet de loi C-110, Loi concernant l'ouvrage de franchissement du détroit de Northumberland, qui a été débattu en juin dernier et adopté par la Chambre, était en fait l'une des toutes dernières lois adoptées par le gouvernement précédent avant l'ajournement de l'été qui a abouti au déclenchement d'élections fédérales et à l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement.

Le bilan du gouvernement précédent en matière d'environnement laissait beaucoup à désirer. Je suis très surpris que le nouveau gouvernement reprenne exactement là où l'ancien gouvernement avait laissé, surtout dans le cas d'un projet auquel on aurait dû mettre un terme si on avait retenu les recommandations découlant de la seule évaluation environnementale fédérale de nature générale effectuée à ce sujet. Cependant, j'y reviendrai tout à l'heure.

Je reconnais qu'on doit prendre des mesures pour améliorer l'accès à l'Île-du-Prince-Édouard, pour faciliter le transport des produits entre l'île et le continent, ainsi que les déplacements des touristes et des habitants de l'île.

Lorsque la Chambre a été saisie du projet de loi C-110, Loi concernant l'ouvrage de franchissement du détroit de Northumberland, qui donnait le feu vert au projet de construction avant que cette modification constitutionnelle ne soit apportée, le débat dans cette enceinte a été marqué par M. Jim Fulton, le député de Skeena à l'époque, qui avait beaucoup de choses à dire.

Pour la gouverne de la Chambre, je voudrais répéter certains de ses propos. M. Fulton fut longtemps le porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d'environnement et, en cette qualité, il a bien servi notre parti et la nation tout entière. Son discours sur le projet de loi C-110 fut l'une de ses dernières interventions en cette Chambre avant qu'il ne prenne sa retraite. À la façon dont il avait abordé le sujet, on savait combien il lui tenait à coeur et aussi combien le processus d'évaluation environnementale était, à ses yeux, important pour notre pays.

Comme je l'avais dit à l'époque, et cela avait été repris avec véhémence, le pont n'a jamais fait l'objet d'une évaluation publique. Toutes ces études dont parle le gouvernement, les 90 ou 91 études qui ont été faites, l'ont été par des parties ayant des intérêts dans le détroit de Northumberland ou dans la construction du pont. Le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement dont j'ai ardemment défendu l'inclusion dans la nouvelle loi canadienne sur l'évaluation environnementale exigerait que des projets de ce genre fassent l'objet d'une évaluation environnementale indépendante.

(1800)

M. Fulton a dit que le projet de construction du pont n'avait jamais fait l'objet d'un examen public. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, lorsque le bureau d'évaluation et d'examen en matière d'environnement a pris connaissance du projet dans son ensemble, il l'a rejeté.

La Cour fédérale a ordonné qu'il n'y ait aucune décision irrévocable par le gouvernement tant que les dispositions du processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement n'auraient pas été respectées. Les députés se rappellent qu'on a aussi évité le PEEE dans le cas du projet Kemano il y a quelques années. La Cour fédérale a conclu que dans le projet Kemano II, le gouvernement avait agi illégalement et inconstitutionnellement. Nous avions voulu éviter cette situation dans le cas du projet du détroit de Northumberland. Ce n'est évidemment pas ce qui s'est produit.


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Je remercie également M. Fulton pour les remarques qu'il a faites à la Chambre en juin dernier concernant le projet de la rivière Oldman. En examinant ce projet, on s'aperçoit que la société SCI y participait, comme c'est le cas aujourd'hui pour l'ouvrage de franchissement. Pour construire le barrage sur la rivière Oldman, la SCI s'était alors associée au gouvernement de l'Alberta et à la section fédérale du Parti conservateur pour livrer une lutte sans relâche contre la population, jusqu'à ce que le plus haut tribunal du pays ordonne finalement la tenue d'une évaluation environnementale du projet.

Quand cette évaluation a été réalisée, on a ordonné le démantèlement du barrage, parce que le projet n'était pas justifié tant sur le plan financier qu'environnemental. Cette même société qui ne croyait pas dans le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement en Alberta ne participe pas davantage à un tel processus dans le cas du projet pour le détroit de Northumberland.

Cette question m'inquiète beaucoup parce que, comme le député de Davenport l'a dit précédemment, nous devons désormais accorder une attention extrême au processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement chaque fois que nous envisageons un projet. Il s'agit d'un processus qui doit susciter la confiance, autrement les projets visés seront toujours remis en cause par le public et leur utilité pour ce qui est de servir l'intérêt de la collectivité sera compromise.

Avant de terminer, je voudrais préciser ce que, selon moi, un bon processus d'évaluation en matière d'environnement doit englober. À mon avis, ce n'est pas une bonne chose que d'adopter cette modification constitutionnelle aujourd'hui, compte tenu des nombreuses questions soulevées relativement à ce projet, notamment du point de vue de l'environnement. Des députés de tous les partis ont fait allusion aujourd'hui à certaines de ces préoccupations. Toutefois, aucun d'entre eux, à l'exception du député de Davenport, ne s'est vraiment opposé au projet.

Permettez-moi encore une fois de citer M. Fulton, l'ancien député, qui a dit ceci le 15 juin:

Tant que les Canadiens ne sauront pas quelles sont les conséquences de la construction du pont, si ces conséquences peuvent être atténuées et, dans l'affirmative, quels seront les coûts de ce projet, nous ne pouvons pas examiner cette question d'une manière sérieuse et intelligente. Pourtant, le gouvernement fait adopter le projet à la vapeur par la Chambre, l'Île-du-Prince-Édouard obtient une modification constitutionnelle, tandis que la SCI se prépare à ramasser la manne.
Je pense que nous aurions tout intérêt à tenir compte de ces observations aujourd'hui.

Le processus idéal d'évaluation en matière d'environnement au Canada doit tenir compte de nombreux facteurs. Ce processus devrait s'inspirer de certains des principes énoncés ci-après. J'ai déjà insisté sur cet aspect: l'évaluation doit être faite par un organisme indépendant et libre de toute influence politique. De même, la décision rendue doit être finale et exécutoire.

Cela ne me surprend pas vraiment, mais il est quand même révélateur que cette modification constitutionnelle au sujet d'une structure qui touche l'environnement soit présentée par le ministre des Travaux publics, c'est-à-dire le ministère qui a le plus d'influence sur le projet et qui tient expressément à ce que celui-ci soit réalisé.

En fait, ce projet devrait être perçu comme un projet environnemental plutôt qu'une initiative à caractère économique. Le gouvernement ne devrait pas le traiter comme un projet économique.

(1805)

Si nous désirons créer des emplois à l'Île-du-Prince-Édouard ou dans le nord de la Saskatchewan, nous pouvons trouver toutes sortes de projets à financer et à mener à terme. La construction du pont à l'Île-du-Prince-Édouard doit être liée aux questions de l'environnement, de l'économie de la région, des besoins des localités et à d'autres choses du genre.

Avant de donner le feu vert au projet, il faudrait en analyser un aspect important, soit l'évaluation environnementale. La décision devrait revenir à un organisme indépendant, ne subissant aucune pression politique ou influence quelconque. Elle ne devrait pas être confiée à des consultants rémunérés par le promoteur du projet et chargés de faire croire que le projet est sans danger pour l'environnement.

Il faudrait aussi en profiter pour donner une définition plus large au terme «environnement» qui s'applique à une grande diversité d'initiatives. Dans la Loi sur l'évaluation environnementale, que le gouvernement n'a pas encore promulguée, d'ailleurs j'en profite pour mentionner que j'attends avec impatience que la ministre de l'Environnement dépose à la Chambre une toute nouvelle Loi sur l'évaluation environnementale comprenant les modifications proposées au cours de la dernière législature par le député de Davenport, les membres d'autres partis et moi-même, dans le but de régler ces questions, donc, dans la Loi sur l'évaluation environnementale, la définition des effets environnementaux a été élargie et inclut les répercussions en matière sanitaire et socio-économique. Nous devons veiller à ce que des projets similaires à l'ouvrage de franchissement soient soumis au processus d'évaluation environnementale.

Les effets environnementaux peuvent également englober le patrimoine immobilier et culturel ainsi que l'exploitation des terres et des ressources à des fins traditionnelles par les autochtones du Canada. Naturellement, la décision que la Cour suprême a rendue récemment dans l'affaire du barrage de la rivière Oldman contribue à renforcer la définition de l'environnement et à l'élargir pour inclure les moyens de subsistance des collectivités.

Il faudrait également tenir compte du processus d'évaluation environnementale dans l'élaboration des politiques et des programmes. Autrement dit, tout projet que le ministère des Travaux publics voudrait entreprendre devrait être soumis à une évaluation environnementale. Le gouvernement précédent n'a jamais voulu accepter cette proposition. J'espère que, aux termes du nouveau projet de loi que déposera le nouveau gouvernement, la nouvelle ministre acceptera d'appliquer ce processus aux mesures et programmes gouvernementaux.


1412

Il faudrait nous en remettre le moins possible à la discrétion des décideurs. C'est en prenant nos responsabilités dans le domaine environnemental que nous regagnerons la confiance de la population. On ne peut pas afficher un processus strict d'évaluation environnementale et se permettre de n'en tenir aucun compte plus tard en prenant des décisions injustifiables.

Les amendements que les néo-démocrates ont proposé d'apporter, au cours de la dernière législature, au projet de loi C-13 ont beaucoup contribué à améliorer cet aspect et à supprimer le pouvoir discrétionnaire énorme que prévoyait le projet de loi antérieur, selon lequel le ministre ou l'autorité responsable n'étaient tenus d'agir que s'ils estimaient que l'environnement risquait de subir des dommages. Ce pouvoir discrétionnaire a été supprimé pour la plus grande partie et une évaluation ou des mesures s'imposent si la réalisation d'un projet est susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants.

Cela doit maintenant être éprouvé devant les tribunaux, mais se trouve ainsi grandement supprimée une échappatoire qui existait antérieurement dans les lignes directrices utilisées pour l'évaluation du projet de pont et à laquelle l'industrie pouvait recourir pour influencer les politiciens.

Les promoteurs doivent justifier le projet et en démontrer la nécessité, et des solutions de rechange devraient être envisagées dans le cadre du processus d'évaluation. Ce qu'on n'a jamais envisagé dans ce processus, c'est une amélioration du service de traversiers existant. Il y a ici une autre option; on pourrait injecter des fonds et conserver des emplois. Le processus d'évaluation de ce projet n'en a pas tenu compte. C'est là le genre de choses que devrait prévoir un nouveau projet de loi sur l'évaluation environnementale.

Je crois aussi très fermement que la population devrait jouer un rôle important dès le début et souvent tout au long du processus, y compris au niveau de l'aide financière et de la publicité. Je reconnais et conviens qu'on a beaucoup débattu à l'Île-du-Prince-Édouard du détroit de Northumberland et du pont et peut-être même du projet de tunnel que le député de Malpèque dit avoir d'abord appuyé. Il ne fait aucun doute que toute la question des débats publics sur des projets comme celui qui nous occupe aujourd'hui est très importante. L'élément clé, c'est que le débat s'est articulé autour de questions économiques et que les questions d'environnement ont été complètement écartées.

(1810)

Nous avons été contraints de passer sous silence la question environnementale et de prendre notre décision en ne tenant compte que des questions économiques parce que le gouvernement et les promoteurs nous ont dit avec une belle constance de ne pas nous inquiéter de l'environnement parce que, selon leurs études, ce n'était pas un enjeu important.

Pourtant, la commission fédérale qui a examiné le projet a dit de le refuser, de ne pas construire de pont. Beaucoup de questions soulevées à la Chambre aujourd'hui ont trait à l'environnement. Elles sont restées sans réponse satisfaisante pour les gens les plus directement touchés. L'importance d'un débat public approfondi ne fait aucun doute, mais il doit porter sur tous les aspects de la question.

J'ai une haute opinion du processus d'évaluation des répercussions environnementales et de ce qu'il signifie pour le Canada. J'estime que ce processus n'a pas eu lieu dans le projet de pont sur le détroit de Northumberland. Je suis très déçu que le gouvernement n'ait pas décidé d'enclencher rapidement le processus d'évaluation environnementale. Cela aurait évité beaucoup des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui.

Madame la Présidente, je vous remercie de votre attention et j'espère que les délibérations des députés sur la modification constitutionnelle porteront fruit.

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon): Madame la Présidente, mon collègue a soulevé un certain nombre de questions très pertinentes. Il a également signalé que le nouveau gouvernement libéral a simplement choisi de suivre les politiques du gouvernement conservateur qui l'a précédé, et je suppose que bien des Canadiens diront: «Plus ça change, plus c'est pareil!»

Mon collègue a soulevé un point très important au sujet de l'environnement. Une grande partie du débat sur l'ouvrage de franchissement à l'Île-du-Prince-Édouard portait évidemment sur des questions environnementales. Je sais que mon collègue connaît très bien ce domaine, et c'est pourquoi je veux lui demander s'il ne serait pas temps d'intégrer dans le processus environnemental qu'il vient de décrire une nouvelle forme de «comptabilité verte», comme on entend souvent. Autrement dit, ne devrions-nous pas examiner les projets en tenant compte non seulement des coûts directs et du financement, mais aussi d'autres facteurs comme les effets sur la santé, les effets sur l'environnement et d'autres effets auxiliaires qui pourraient entraîner des coûts additionnels pour le public?

Je voudrais demander à mon collègue s'il appuie cette idée d'utiliser une nouvelle forme de comptabilité pour des projets de grande envergure comme celui-ci.

M. Taylor: Madame la Présidente, je remercie de sa question la députée du Yukon. Elle m'a souvent appuyé dans différents dossiers environnementaux, et je sais que la question de l'environnement lui tient à coeur. Ses observations au sujet d'une économie respectueuse de l'environnement non seulement sont importantes, mais elles tombent aussi à point nommé. Je suis très heureux qu'elle ait soulevé ces questions et je me réjouis de pouvoir en parler un peu à la Chambre dans le cadre de ce débat.

Pendant trop longtemps nous avons associé la notion de développement durable aux pays en voie de développement, mais pas assez à nos activités. À mon avis, nulle considération n'est plus importante que celle du développement durable lors de toute prise de décision gouvernementale. Si nous engageons des fonds dans un projet, les répercussions à long terme que ce projet aura, non seulement sur les gens, mais sur la planète tout entière, doivent être sérieusement prises en considération.


1413

J'ai assisté à une conférence il y a quelques semaines. Au départ, les discussions devaient porter sur les industries respectueuses de l'environnement et sur ce que le Canada peut faire pour se donner la technologie et les compétences qui lui permettront d'être à la hauteur du défi que présentent ces nouvelles industries dans notre pays. Les discussions qui portaient sur certaines industries se sont rapidement étendues à l'ensemble de l'économie. Les participants ont commencé à parler d'un économie respectueuse de l'environnement où les décisions sont prises en fonction du critère de la durabilité.

(1815)

Les possibilités de développement ne sont pas infinies. Elles sont limitées. Nous devons pouvoir reconnaître ces limites et les respecter. C'est malheureusement le constat que nous avons fait au sujet de la pêche à la morue sur la côte atlantique.

Ces remarques valent aussi pour les forêts du nord de l'Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique. Si nous ne tenons pas compte des répercussions de nos décisions au regard du développement durable, nous nous privons évidemment de toute possibilité de poursuivre nos activités dans ce secteur. À titre de parlementaires, nous devons commencer à tenir compte de la notion d'économie respectueuse de l'environnement lorsque nous prenons des décisions.

J'ai parlé cet après-midi avec le président du comité de l'environnement et je lui ai suggéré que le comité devrait examiner cette notion et les moyens de faire en sorte que nos décisions économiques tiennent davantage compte de la notion de développement durable à long terme au Canada. Le président du comité m'a donné une réponse très positive et conforme à ce qui s'est dit lors de la conférence environnementale de Rio où il a été question de donner un nouveau souffle à l'économie mondiale en prenant des décisions tenant compte de l'environnement. Il serait peut-être possible d'entamer des discussions à ce sujet au Canada et de faire en sorte que pareille notion soit prise en considération non seulement dans le domaine de l'environnement, mais aussi sur le plan économique.

Je remercie la députée de sa question. Elle était importante et tombait à point nommé.

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona): Madame la Présidente, j'ai une question à l'intention du député de The Battlefords-Meadow Lake, mais j'aurais tout d'abord une observation à faire.

Une des ironies que présente ce projet, compte tenu de son incidence environnementale, c'est que nous avons entendu dans le discours du Trône le gouvernement parler de son intention d'établir des infrastructures soucieuses de l'environnement. Je me demande si le gouvernement songeait à ce projet en parlant d'infrastructures soucieuses de l'environnement. Cela me paraît certes contestable. Il me paraît éminemment discutable que cette mesure et le mégaprojet auquel elle donne le feu vert aient effectivement quelque chose à voir avec une infrastructure soucieuse de l'environnement.

Si le gouvernement se préoccupait tellement de l'environnement, il aurait été beaucoup plus sage de sa part, comme je ne saurai jamais trop le faire remarquer, d'investir de l'argent dans la réfection des chemins de fer du pays plutôt que de laisser le CN et le CP conjuguer leurs efforts pour continuer à démanteler et à réduire le réseau ferroviaire de notre pays. Voilà ce qui représente à mon avis une véritable infrastructure soucieuse de l'environnement.

Je trouve affligeant d'entendre parler d'infrastructure soucieuse de l'environnement alors qu'on donne le feu vert à des projets de ce genre et qu'on laisse se détériorer nos chemins de fer.

Si nous nous préoccupons vraiment des émissions de gaz à effet de serre, si nous tenons vraiment à rejeter moins d'émissions d'hydrocarbures dans l'atmosphère, nous devrions songer sérieusement à reréglementer notre système de transport pour adopter un parti pris en faveur du chemin de fer. À l'heure actuelle, nous avons plutôt un parti pris contre le rail. Nous devrions à tout le moins neutraliser les partis pris.

Je préférerais un parti pris en faveur du rail, car ce serait un parti pris en faveur de l'environnement. Le gouvernement doit cesser de laisser les chemins de fer réagir aux effets de la déréglementation. Il doit commencer à reconnaître que la déréglementation n'a pas donné de bons résultats et qu'il faut reréglementer, peu importe le nom qu'on donne à l'opération. L'ancien ministre conservateur des Transports ne voulait pas reréglementer. Il voulait étalonner. C'est bien joli. Peu importe qu'on appelle cela de l'étalonnement, de la réglementation, de l'ostentation et le reste, pourvu qu'on en revienne à un système permettant de stimuler le trafic ferroviaire et de faire disparaître des routes ces camions qui ont de plus en plus l'air de trains. On voit en effet sur les routes des camions qui ressemblent de plus en plus à des trains. Ils voudront probablement passer sur ce pont une fois qu'on l'aura construit, pour en revenir à la motion à l'étude.

(1820)

Le temps est venu de bâtir de véritables infrastructures soucieuses de l'environnement. J'aimerais entendre le député de The Battlefords-Meadow Lake nous dire ce qu'il pense à ce sujet.

M. Taylor: Madame la Présidente, il me suffira d'une minute pour dire au député, qui s'est exprimé avec beaucoup d'éloquence, que je suis entièrement d'accord sur tout ce qu'il a dit.

En fait, j'ai moi-même un fort penchant pour le chemin de fer. Je voudrais donner à la Chambre un exemple qui illustre les propos du député. Ma belle-mère, qui a travaillé pour une compagnie de camionnage au Canada pendant la majeure partie de sa vie, a mis sur son frigo de beaux petits aimants et un dessin montrant un train arrêté au passage à niveau pendant que passe un camion qui tire des remorques entières de marchandises. Le train a dû s'arrêter pour laisser passer les camions.

Le programme d'infrastructure du gouvernement porte sur les routes, les réseaux d'égout et de distribution d'eau. Mais il n'y a pas un dollar pour les trains. C'est un oubli profondément regrettable.

1414

La présidente suppléante (Mme Maheu): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

La présidente suppléante (Mme Maheu): Convoquez les députés.

[Français]

Et la sonnerie s'étant arrêtée:

SUSPENSION DE LA SÉANCE

Le président suppléant (M. Patry): À la demande du whip en chef du gouvernement, le vote est reporté à 18 h 30 demain.

(La séance est suspendue à 18 h 26.)

_______________

REPRISE DE LA SÉANCE

La séance reprend à 18 h 30.


1414

MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LA PETITE ENTREPRISE

M. Nelson Riis (Kamloops): Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat sur l'économie souterraine et la reconnaissance que les Canadiens en général ont perdu foi dans notre régime fiscal et qu'entre 60 et 100 milliards de dollars de transactions commerciales se font maintenant au noir.

L'autre jour, j'ai demandé au ministre si le gouvernement prenait des mesures particulières pour inciter ces gens-là à exercer leur activité au grand jour, à devenir des participants légitimes à l'activité économique et dans quelle mesure le gouvernement peut créer des programmes pour les encourager à le faire.

Pourquoi le régime fiscal rebute-t-il autant les gens? Pourquoi le régime fiscal décourage-t-il autant les gens qui travaillent fort, qui exercent leur activité dans le secteur du commerce, des mines, des aciéries, de l'agriculture, de la pêche? J'estime que tout s'éclaire quand on lit le bulletin d'interprétation IT-518 de Revenu Canada. Ce bulletin a été adressé récemment à plusieurs entreprises et particuliers. Il donne des conseils sur tout ce qu'on peut utiliser comme déduction d'impôt, en toute légitimité, notamment en ce qui concerne les divertissements.

Par divertissements-et la liste n'est pas exhaustive-, on entend des billets de théâtre, de concerts, d'événements sportifs ou autres. Quiconque loue une loge privée dans un centre sportif ou achète du champagne pour ses amis peut déduire cela de ses impôts. Quiconque loue une chambre d'hôtel pour divertir des gens peut déduire cela de ses impôts. Quiconque achète des boissons alcooliques pour un salon peut déduire cela de ses impôts. Quiconque fait une croisière dans les Antilles, dans le Pacifique Sud ou en Grèce peut déduire cela de ses impôts. Quiconque invite des amis à un défilé de mode peut également déduire cela de ses impôts. Je suppose que les gens veulent ainsi être plus à la mode dans leur habillement.

Quiconque invite des gens à une boîte de nuit, madame la Présidente, ou à un événement sportif, à une partie de hockey, de football, de baseball ou autre; quiconque fait un voyage de pêche avec des amis dans le nord du Canada, du Québec, de la Colombie-Britannique ou ailleurs; quiconque fait un voyage de chasse dans le nord de l'Ontario, de la Saskatchewan ou du Québec; quiconque fait des choses semblables peut déduire cela de ses impôts. Quiconque fait un voyage de chasse ou prend des vacances de trois semaines au Labrador ou ailleurs sous prétexte de parler affaires peut déduire cela de ses impôts.

Je ne dis pas qu'il y a quelque chose de terriblement sinistre là-dedans, mais simplement que des gens peuvent aller à la pêche, à la chasse, faire du camping, aller à un match de football ou louer une chambre pour divertir des amis, tout cela à l'aide du régime fiscal. Les contribuables doivent assumer une partie des coûts parce que si certaines personnes peuvent déduire jusqu'à 80 p. 100 de leurs frais d'invitation d'amis à un match de hockey, qui occupent des loges privées et boivent du champagne gratuitement, et ne paient donc que 20 p. 100 de ces dépenses, le reste des spectateurs doivent tout payer et se contenter de saucisses chaudes.

(1835)

Je conclurai en disant qu'à la lecture de pareil bulletin de Revenu Canada, il ne faut guère s'étonner que les contribuables se révoltent autant contre le régime fiscal, qu'ils considèrent comme injuste, inéquitable et partial.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Madame la Présidente, je dirai en commençant que je suis d'accord avec la plupart des propos du député. Nous savons que c'est la TPS qui stimule le développement de l'économie souterraine depuis trois ans. Je crois que la plupart des députés le reconnaîtront. Et je ne parle pas des tracasseries administratives auxquelles sont soumises les petites entreprises


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De ce côté-ci de la Chambre, nous avons déclaré notre intention d'éliminer la TPS. L'autre jour, il a été annoncé devant le Comité des finances qu'une étude commencerait tout de suite et qu'à la fin de juin nous aurions une liste d'options de remplacement plus justes, plus simples et plus efficaces.

Récemment, en réduisant les taxes sur le tabac, ce qui éliminait un incitatif à la contrebande, le gouvernement a démontré qu'il était sérieux lorsqu'il parlait d'une offensive contre l'économie souterraine. On a déjà constaté une réduction de la quantité de tabac qui entre au Canada en contrebande, ce qui prouve l'efficacité de cette politique.

Le ministère des Finances travaille en étroite collaboration avec Revenu Canada pour chercher des façons de rationaliser et de simplifier le système.

Je veux également dire que nous devons faire très attention avant de dire que certaines de ces déductions fiscales ne sont que des privilèges spéciaux pour les riches. Je partage l'opinion du député pour ce qui est des loges au Skydome, mais les excursions touristiques et les excursions de pêche que le député a mentionnées sont des mesures qui ont été mises en place dans le but d'aider les exploitants de petites entreprises touristiques. Si on éliminait soudainement toutes ces mesures, le député verrait que cela pousserait beaucoup de gens au chômage. Je crois que nous devrions être très prudents dans notre façon d'aborder ces déductions, car je sais que le député ne voudrait certainement pas voir souffrir une industrie dont il est lui-même si fier parce qu'on a éliminé certains avantages fiscaux sans réfléchir aux conséquences.

Nous reconnaissons que nos lois fiscales présentent de graves défauts. Nous prenons bien note de tous les points que le député a soulevés aujourd'hui et espérons pouvoir nous pencher sur ces questions dans un avenir rapproché.

LA CHAMBRE DES COMMUNES

M. Dale Johnston (Wetaskiwin): Madame la Présidente, le sujet dont je veux parler tombe à point, puisqu'on vient justement de remettre à plus tard un vote que nous devions avoir il y a quelques minutes.

L'autre jour, j'ai demandé au premier ministre de me dire quand il avait l'intention d'annoncer que le gouvernement ne considérerait pas le rejet d'une motion ministérielle, y compris une mesure financière, comme un vote de défiance à l'égard du gouvernement, à moins que celui-ci ne soit immédiatement suivi de la présentation d'une motion officielle de censure.

Il est temps, au Canada, de libérer les députés du carcan de la ligne de parti. Selon moi, notre Chambre des communes est probablement l'assemblée parlementaire la plus stricte du monde. Nous ne devons pas oublier que nous sommes ici pour représenter les Canadiens. Nous avons le mandat de représenter cette grande nation, et non de répondre aux voeux des partis politiques.

Il est aussi grand temps de démentir ce mythe que le gouvernement doit remporter tous les votes ou démissionner. Le rejet d'une mesure ministérielle, même si elle concerne les dépenses, ne signifie pas automatiquement la défaite du gouvernement.

(1840)

Le premier ministre, le Cabinet et les bureaucrates formulent des politiques et dictent les mesures à prendre en affirmant toujours qu'on n'a rien à craindre, qu'ils savent ce qu'ils font et ce qui convient le mieux. Il est maintenant temps que les électeurs jouent un plus grand rôle auprès du gouvernement.

Depuis trop longtemps déjà la politique passe avant tout. Dorénavant, il faut donner la priorité aux gens. Et comment y arriver? Nous pouvons briser les entraves et laisser les députés voter librement à la Chambre des communes. Par exemple, si une mesure ou une motion budgétaire mise aux voix est rejetée, on pourrait la renvoyer à un comité qui la modifierait et l'améliorerait avant de la présenter de nouveau à la Chambre. Si le gouvernement perd alors la motion de défiance, il devrait alors démissionner et déclencher des élections générales. Le peuple canadien veut une démocratie plus directe et j'encouragerais le premier ministre à se conformer à ce désir.

La Constitution comporte des dispositions à cet effet. Il suffirait que le premier ministre se lève à la Chambre et déclare que le gouvernement ne considérera pas le rejet d'une motion ministérielle, même s'il s'agit d'une mesure de dépense, comme l'expression d'une défiance à l'égard du gouvernement à moins que ce rejet ne soit immédiatement suivi d'une motion de défiance en bonne et due forme.

Mme Jean Augustine (secrétaire parlementaire du premier ministre): Madame la Présidente, le 2 février 1994, le député de Wetaskiwin a posé au premier ministre une question sur les votes libres.

Le député devrait reconnaître que ce gouvernement a fait plus pour la cause de la réforme de la Chambre des communes au cours des 100 premiers jours de son mandat que le gouvernement précédent en neuf ans.

Le lundi 7 février, le leader du gouvernement à la Chambre a présenté à la Chambre un projet de réforme comportant de nombreux changements qui, de l'avis de ce gouvernement, aideront à rétablir, chez les Canadiens, la confiance et le respect à l'égard de leurs institutions.

Je tiens à souligner que la question des votes libres n'est pas visée actuellement par le Règlement de la Chambre. Il s'agit plutôt d'une question dont doit discuter chaque parti et dont doivent discuter les députés de chaque parti.

C'est pourquoi le député remarquera qu'à la partie (vii) de la motion du leader du gouvernement à la Chambre, il est fait mention du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre pour l'examen des votes libres à la Chambre des communes et d'autres questions importantes.

Par conséquent, je demande au député et à son parti de participer pleinement à ce processus. Il est sûrement d'accord avec moi lorsque je dis que la tâche qui nous attend consiste à renforcer les


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bases du système et à redonner un rôle plus actif à tous les députés.

LES ESSAIS DE MISSILES DE CROISIÈRE

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Madame la Présidente, le 20 janvier 1994, j'ai posé à la Chambre une question concernant la décision que le gouvernement devait prendre sur les essais de missiles de croisière au Canada.

Cette question portait à la foi sur les essais eux-mêmes et sur la crédibilité du gouvernement, vu les promesses que les libéraux avaient faites lorsqu'ils étaient dans l'opposition. Même si c'est un gouvernement libéral qui avait signé le premier accord d'essai, dans l'opposition le parti a adopté une position bien différente.

Pendant la dernière campagne électorale, les libéraux se sont engagés par écrit à mettre un terme au programme d'essais. On avait parlé d'organiser des audiences publiques où pourraient venir témoigner les gens du Nord, les groupes pacifistes, les autochtones et d'autres.

Qu'est-il advenu de ces promesses? Il n'y a pas eu d'audiences parlementaires. En fait, dans le débat on n'a entendu qu'un seul représentant du Nord, le député de Nunatsiaq. Il s'est prononcé avec éloquence contre les essais de missiles de croisière. Il a dit qu'il parlait aussi au nom de sa collègue de Western Arctic.

Naturellement, ma collègue du Yukon a fréquemment exprimé avec éloquence, tant à la Chambre qu'à l'extérieur, son opposition aux essais de missiles de croisière. Le Parti réformiste lui était en faveur des essais.

[Français]

Je dois avouer que j'ai été vraiment frappé et déçu de la position prise par le Bloc québécois sur cette question. Je vous avoue que je n'étais pas très surpris, parce que M. Lucien Bouchard est allé à Washington pour rassurer les Américains qu'un Québec indépendant serait un allié fidèle et loyal, qu'il n'y aurait pas de changement dans les politiques du Canada, des politiques qui sont obéissantes envers les États-Unis.

(1845)

C'était triste, mais, en même temps, aujourd'hui, il y a deux heures, j'ai entendu un député du Bloc dire: «Maintenant, le Bloc pense en «bloc».» Si c'est vrai, c'est triste.

[Traduction]

Il n'existe aucune obligation juridique de quelque nature que ce soit d'effectuer de tels essais. Le ministre a dit que c'était un geste de politesse envers les États-Unis. À mon avis, il y avait une autre solution. Il fallait refuser. Nous avons un mécanisme d'examen de la politique étrangère. Nous avons un mécanisme d'examen de la politique de défense.

Songeons plutôt au renforcement des institutions multilatérales. Oeuvrons pour la paix. Songeons à mettre fin aux essais à basse altitude au-dessus du territoire innu, comme certains libéraux l'ont réclamé à maintes reprises. Aujourd'hui même, j'ai rencontré Daniel Ashini et Elizabeth Penashue, deux Innu, qui ont décrit les dommages causés par ces essais effectués au-dessus de leurs terres.

Appuyons le projet de la Cour internationale de justice. Il s'agit d'un projet très important auquel le Canada est convié à participer et qui vise à présenter à la Cour internationale de justice un mémoire pour justifier l'interdiction de l'emploi des armes nucléaires en droit international.

Voilà le genre de solutions que le gouvernement actuel aurait pu apporter. Voilà le genre de solutions qu'il nous aurait fallu adopter si nous avions une politique étrangère vraiment indépendante. À ce propos, l'amiral américain à la retraite, Eugene Carroll, un des experts les plus respectés en la matière, a dit que toute mesure que prendrait le gouvernement pour faire cesser ces essais serait considérée comme «une affirmation de l'indépendance du Canada» et n'aurait pas de répercussions négatives.

Voilà ce que nous pensions que les libéraux avaient promis de faire quand ils étaient dans l'opposition. Voilà ce qu'ils disaient qu'ils allaient faire dans leur livre rouge. Pourtant, ils ne font rien de tel.

Espérons que ces essais seront les derniers et que le Canada va enfin se doter d'une politique étrangère indépendante, fondée sur le maintien de la paix, la protection de l'environnement et le respect des peuples autochtones et des autres habitants du Nord.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Monsieur le Président, lorsque j'étais dans l'opposition et que je posais des questions au gouvernement, je n'obtenais jamais de réponse. Je peux dire au député qu'il va obtenir une réponse. En fait, il a répondu à sa propre question, de sorte que je pourrais m'asseoir maintenant.

Quoi qu'il en soit, le député sait que, en 1993, deux mois avant les élections, le gouvernement précédent a autorisé ces essais. Ils devaient avoir lieu le 25 janvier 1994. Après que nous sommes arrivés au pouvoir et lorsque nous étions dans l'opposition, nous avions promis un débat parlementaire sur ce sujet.

M. Robinson: Des audiences publiques.

M. Mifflin: Nous avions promis un débat parlementaire à ce sujet. Lorsque le gouvernement a été formé, nous avons tenu un débat là-dessus dans un délai raisonnable, en fait le 26 janvier. Vingt-neuf députés ont participé au débat et une trentaine ont participé à la période de questions et d'observations.

Je dois dire que la majeure partie des participants au débat et aux observations étaient favorables aux essais. Le gouvernement a donc pris sa décision et, le 3 février, il a annoncé que les essais pourraient se poursuivre. Nous prévoyons qu'ils auront lieu ce mois-ci.

En même temps, le gouvernement canadien a fait clairement savoir au gouvernement des États-Unis qu'il ne devait présumer d'aucune issue du débat parlementaire et des audiences publiques sur la politique de défense et sur la politique étrangère au cours desquels on se penchera, et le député a raison, sur les vifs sentiments que ces essais suscitent toujours chez les Canadiens. C'est un des sujets que nous aborderons.

1417

Je rappelle au député que c'est moi, en tant que secrétaire parlementaire ayant mené ce débat, qui avais promis de lui donner la parole à environ 19 h 30. En fait, il l'a prise à 19 h 43. Je suis certain qu'il a été reconnaissant au gouvernement de l'heure pour sa collaboration et sa crédibilité.

[Français]

L'AUTOROUTE ÉLECTRONIQUE

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Madame la Présidente, j'aurais souhaité que le ministre de l'Industrie soit avec nous. Je ne doute pas du talent de son secrétaire parlementaire, mais j'aurais souhaité que le ministre soit présent parce que, lorsque je l'interrogeais le 4 février dernier sur la question de l'autoroute électronique, je dois dire qu'il a été plutôt évasif, qu'il a été plutôt avare de commentaires. À cet égard, la communauté est plutôt inquiète, parce qu'on ne sait pas trop où se dirige le gouvernement. On a l'impression que le ministre de l'Industrie n'est pas vraiment dans le coup et comme on dit chez nous, on a l'impression qu'il a le pied sur le «brake».

(1850)

Or, l'autoroute électronique est un sujet très important, parce que c'est une formidable aventure qui pourrait relier tous les Canadiens avec le réseau international, comme avec le réseau national et qui pourrait nous mettre en contact avec des banques de données dans les hôpitaux, les écoles et avoir quantité d'accès à l'information.

C'est un sujet important qui ne pourra pas faire l'économie d'un débat. J'aurais souhaité poser la question au ministre, car lorsqu'on lui pose la question en Chambre, on a l'impression qu'il s'en remet complètement à l'entreprise privée et qu'il est dans son intention ou dans son esprit de ne pas engager de capitaux de l'État.

Quand on regarde ce qui s'est passé au niveau des États-Unis, si on veut que le Canada, qui a un passé très honorable au niveau des technologies, des communications et des télécommunications, puisse s'engager sur la voie de l'autoroute électronique, il faudra que le ministre donne des indications claires, qu'il investisse de l'argent.

J'étais inquiet d'apprendre qu'il voulait constituer un comité consultatif. Vous comprendrez que mon inquiétude réside dans le fait que l'an dernier, il y a déjà un comité qui s'est penché sur les questions, dont le président, M. Ostry, président de TV Ontario, a déposé un rapport qui indique très clairement les moyens que le gouvernement doit prendre pour mettre en oeuvre cette autoroute électronique, tant au niveau législatif que réglementaire.

Je me demande si le ministre, qui est un peu mollusque dans le dossier, n'essaie pas de faire diversion en voulant recréer un comité consultatif, dont on ne sait pas trop la finalité. J'espère que le secrétaire parlementaire sera en mesure de nous dire très clairement à quoi ce comité va servir. Quelles sont les intentions du gouvernement? Y aura-t-il des fonds publics? Va-t-il être capable d'être ce rassembleur, d'asseoir autour d'une même table l'entreprise privée, le milieu institutionnel et les partenaires publics pour finalement appeler de tous ces voeux l'avènement de l'autoroute?

Je voudrais lui faire une mise en garde, parce que cette autoroute électronique pourrait aussi être un formidable outil de centralisation, dans la mesure où il y aura des retombées sur le plan de l'éducation et de la formation.

J'espère qu'on peut compter sur le secrétaire parlementaire, qui parlera au nom du ministre, pour donner à cette Chambre, sur la foi de son honneur, les garanties que dans la mise en oeuvre de l'autoroute électronique, on respectera les juridictions des provinces et on s'assurera que les communications qui vont nous lier à Internet se feront aussi en français. Je sais que c'est une préoccupation pour lui. Là-dessus, j'aurais tendance à céder la parole à l'honorable secrétaire parlementaire.

[Traduction]

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Madame la Présidente, tout d'abord je peux assurer le député que le ministre de l'Industrie n'a pas son pied sur le frein en ce qui concerne cette question. Au contraire. Il a le pied en plein sur l'accélérateur et, comme le gouvernement l'a annoncé, nous allons nous lancer à plein gaz dans ce projet de superautoroute de l'information.

Je voudrais rappeler à la Chambre que nous avons annoncé dans le discours du Trône que nous allions mettre en oeuvre une stratégie canadienne à l'égard de la superautoroute de l'information. Le 2 février, le secrétaire d'État (Sciences, Recherche et Développement) s'est engagé au nom du gouvernement fédéral à l'égard d'un certain nombre d'objectifs et de principes devant servir de guide à la mise au point de la démarche à suivre.

Nous avons parlé du conseil consultatif car c'est une question très importante. C'est une question complexe et nous voulions être sûrs que le conseil puisse compter sur toute une série de groupes et d'organisations pour l'aider à formuler la stratégie du Canada dans ce domaine particulier. Par ailleurs, nous voulons nous assurer que tous les secteurs, des syndicats aux consommateurs, en passant par l'éducation soient représentés, et pas seulement celui de l'industrie.

Le conseil, qui est en cours de constitution, sera bientôt annoncé. Il fournira des avis au gouvernement et pourra être consulté en direct. Et je peux dire au député que le gouvernement va mettre des ressources considérables au service de cette superautoroute de l'information, de la communication interactive.

En ce qui nous concerne, nous commençons déjà à distribuer des renseignements. Nous allons procéder à des essais d'abord dans la région de Toronto, puis dans les autres régions. Nous sommes à la recherche d'idées pour des centres d'accès à l'information. Que le député se rassure, le gouvernement est très sérieux et a l'intention d'agir très vite. Nous nous réjouissons de sa contribution.

(1855)

LES SOINS DE SANTÉ

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon): Madame la Présidente, mon intervention fait suite à la question que j'ai posée à la ministre de la Santé le 10 février 1994 au sujet des soins de santé et de sa position sur la réduction des taxes sur l'alcool que l'Association des distillateurs canadiens commençait à préconiser le lendemain de la réduction des taxes sur les cigarettes.

1418

En fait, la ministre n'a pas répondu à ma question. Elle s'est abstenue également de répondre relativement à la réduction des taxes sur les cigarettes et au projet fédéral d'imposer les prestations d'assurance-maladie des employés.

Eh bien, c'est inadmissible lorsque c'est l'avenir de notre régime de soins de santé au Canada qui est en jeu. Au cours des deux prochaines années, nous allons entreprendre un débat très complet sur cette question dans tout le pays. Il me semble qu'en refusant de prendre position, notamment en réponse à ma question sur la réduction des taxes sur l'alcool, la ministre de la Santé ne se porte pas à la défense de notre régime de soins de santé.

La baisse des taxes fédérales sur le tabac va manifestement entraîner des coûts importants pour l'économie. On prévoit que cela va accroître de plus de 300 millions de dollars par année le déficit fédéral et ces chiffres ne tiennent pas compte des recettes perdues par les provinces et les territoires qui décideraient de suivre cet exemple et de réduire leurs taxes également.

Manifestement, alors que les gens s'inquiètent de notre endettement et du déficit au Canada, le gouvernement crée de nombreux autres problèmes en prenant cette décision plutôt étrange d'adopter une politique spéciale pour tenter de résoudre le problème extrêmement complexe que constitue la contrebande. Nous ne pouvons tout simplement pas compter sur une ministre de la Santé prête à exposer clairement son point de vue relativement aux soins de santé au Canada.

Si on en croit les prévisions les plus prudentes, chaque année, les maladies reliées au tabac coûtent, en fait, au régime de soins de santé du pays près de 9,6 milliards de dollars, les coûts indirects s'élevant à quelque 15 milliards de dollars. Manifestement, ce refus de prendre position sur ces questions menace la survie de notre régime.

On a formulé bien des observations à ce sujet. Il y a un grand nombre d'opinions sur la question. Chose certaine, les Canadiens doivent pouvoir s'attendre à ce que la ministre de la Santé protège leur santé avec vigueur.

Je peux garantir à tous les Canadiens que le Nouveau Parti démocratique continuera d'être un ardent défenseur d'un régime de soins de santé fort répondant aux besoins de tous les Canadiens.

Un commentateur, Dalton Camp, a dit de cette politique que, manifestement, elle se rapprochait de la position du Parti réformiste trop rapidement.

Je voudrais donc simplement poser la question suivante à la secrétaire parlementaire: Le gouvernement a-t-il l'intention de rembourser aux provinces et aux territoires les recettes perdues à la suite de l'adoption de cette politique de réduction des taxes sur les cigarettes et peut-être sur l'alcool?

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé): Madame la Présidente, comme l'a dit l'honorable députée, la question est extrêmement complexe et il est impossible d'y donner une réponse simpliste.

Je commencerai par le sujet des cigarettes de contrebande. Lorsque le 8 février, le premier ministre a annoncé à la Chambre son plan national d'action contre le tabac, il a dit très clairement que la contrebande menaçait la sécurité de nos communautés et le gagne-pain des marchands honnêtes. La contrebande de cigarettes est un problème de plus en plus complexe parce qu'il touche au tissu même de l'identité canadienne, tout entièrement dévouée à la paix, l'ordre et au bon gouvernement. Il affecte la sécurité de nos communautés, l'ordre public, l'économie et, comme l'a dit la députée, la santé des Canadiens.

Le crime organisé contrôle 95 p. 100 de la contrebande de cigarettes dans ce pays. Il fait également le commerce illicite d'alcool, de drogues et d'armes à feu. Le tabac et l'alcool sont des drogues contrôlées, tout comme l'est le commerce des armes à feu, et nous aurions perdu le contrôle de ces substances contrôlées si nous n'avions pas agi immédiatement pour mettre un frein à la contrebande de cigarettes, et aussi d'alcool.

Pour ce faire, le gouvernement a pris des mesures sans précédent. En passant, je rappelle à la députée que ce problème n'a rien de nouveau. Il dure depuis des années. Le gouvernement précédent a fait comme s'il n'existait pas. Mais nous, nous sommes immédiatement passés à l'action. Nous avons pris des mesures sans précédent. Nous avons augmenté le nombre des agents de la GRC et des douanes qui luttent contre ce fléau. Ils ont de nouvelles ressources à leur disposition et ont recours à des méthodes nouvelles pour réprimer la contrebande et surveiller les contrebandiers dès maintenant.

La députée s'en est prise au manque de réaction de la ministre de la Santé, mais la ministre de la Santé est une personne très responsable qui travaille d'arrache-pied à l'élaboration de l'importante stratégie en matière de santé que nous connaissons. Nous avons investi dans la prévention et la promotion à peu près 185 millions de dollars provenant des taxes versées par l'industrie du tabac. Nous avons déjà lancé une campagne publicitaire visant les jeunes et proclamé la Loi sur la vente du tabac aux jeunes; nous envisageons une mesure législative interdisant les petits formats destinés aux jeunes et pensons relever la limite d'âge; nous surveillons de plus près la vente de cigarettes aux mineurs. La ministre a répondu.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je suis désolée, mais votre temps de réponse est épuisé.

Comme il est 19 heures, la Chambre s'ajourne à 14 heures demain, conformément au paragraphe 24 (1) du Règlement.

(La séance est levée à 19 heures.),