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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 27 septembre 1995

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA CONDUITE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

LES CRIMES AVEC VIOLENCE

LA FISCALITÉ

    M. Bernier (Beauce) 14917

LES FORÊTS

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LE PROJET DE LOI C-45

LA COMPAGNIE BOMBARDIER

LES CRIMES AVEC VIOLENCE

L'IMPÔT SUR LE REVENU

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

LA SOCIÉTÉ SAINT-JEAN-BAPTISTE

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LES VICTIMES D'ACTES CRIMINELS

L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 14920

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

QUESTIONS ORALES

L'UNION ÉCONOMIQUE CANADA-QUÉBEC

    M. Martin (LaSalle-Émard) 14921
    M. Martin (LaSalle-Émard) 14921
    M. Martin (LaSalle-Émard) 14922
    M. Martin (LaSalle-Émard) 14922
    M. Martin (LaSalle-Émard) 14922

LA JUSTICE

LE PARTAGE DE LA DETTE FÉDÉRALE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 14923
    M. Martin (LaSalle-Émard) 14924

CAMP IPPERWASH

L'UNION ÉCONOMIQUE CANADA-QUÉBEC

    M. Martin (LaSalle-Émard) 14925
    M. Martin (LaSalle-Émard) 14925

MANITOBA ENTERTAINMENT COMPLEX INC.

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 14925
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 14925
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 14925

L'UNION ÉCONOMIQUE CANADA-QUÉBEC

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 14926
    M. Martin (LaSalle-Émard) 14926
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 14926
    M. Martin (LaSalle-Émard) 14926

L'INFRASTRUCTURE

L'ENQUÊTE SUR LES INCIDENTS EN SOMALIE

L'UNION MONÉTAIRE CANADA-QUÉBEC

    M. Martin (LaSalle-Émard) 14927
    M. Martin (LaSalle-Émard) 14927

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

L'ENVIRONNEMENT

LES AFFAIRES INDIENNES

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

QUESTION DE PRIVILÈGE

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 14928
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 14929
    M. Speaker (Lethbridge) 14929

RECOURS AU RÈGLEMENT

LANGAGE NON PARLEMENTAIRE

    M. Speaker (Lethbridge) 14930

LE COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

AFFAIRES COURANTES

DÉCRETS DE NOMINATIONS

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 14932

JUSTICE ET QUESTIONS JURIDIQUES

    Adoption de la motion 14933

PÉTITIONS

LES DÉLINQUANTS VIOLENTS

LA DÉFENSE NATIONALE

LES AGRESSEURS SEXUELS

QUESTIONS AU FEUILLETON

DEMANDES DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISEEN LIBERTÉ SOUS CONDITION

    Projet de loi C-45. Reprise de l'étude de la motionde troisième lecture 14933
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 14943
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 14944

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

L'ÉCONOMIE SOUTERRAINE

    Motion M-382. Reprise de l'étude de la motion 14947

ANNEXE


14917


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mercredi 27 septembre 1995


La séance est ouverte à 14 heures.

_______________

Prière

_______________

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA CONDUITE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

M. Paul Steckle (Huron-Bruce, Lib.): Monsieur le Président, depuis 1980, chaque année au Canada, le Centre canadien de la statistique juridique recense plus de 100 000 accusations de conduite avec facultés affaiblies. En 1993, l'alcool causait un décès ou des blessures toutes les cinq minutes.

Au Canada, l'alcool au volant est la principale cause de décès ou de blessures d'origine criminelle. Le problème ne se limite pas aux voitures. Soixante-treize pour cent de toutes les personnes tuées dans des accidents de motoneige et de véhicule tout-terrain avaient bu. Soixante-dix-sept pour cent des accidents de bateau sont dû à l'alcool.

Aujourd'hui, je veux signaler la contribution de la coalition des mères contre la conduite en état d'ivresse, ou MADD Canada, qui, depuis 1981, travaille d'arrache-pied pour faire diminuer le nombre des décès et des blessures causés par la conduite avec facultés affaiblies et pour aider les victimes et les survivants de ces tragédies absurdes.

À cet égard, j'aimerais mentionner Lynne et David Magee ainsi que Barbara Rintoul, de Wingham, en Ontario, dont les fils ont été victimes d'un chauffeur ivre. À la mémoire de tant de jeunes vies si inutilement perdues, ces parents ont transformé la tragédie qui les a frappés en énergie créatrice, constituant la section de Huron-Bruce de MADD Canada.

J'aimerais les féliciter de la force de caractère dont ils ont fait preuve à un moment si. . .

* * *

[Français]

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Monsieur le Président, hier soir, des vandales se sont attaqués à ma résidence privée qui, pourtant, ne porte aucune identification partisane, en y barbouillant à la peinture le slogan du non. Malheureusement, il semblerait que je ne sois pas la seule victime de ce type d'argument plutôt excessif de partisans fanatisés. Il ne fait aucun doute que des gestes comme celui commis sur ma propriété découle directement des propos excessifs et intolérants qu'on a pu entendre au cours des derniers jours de la part des porte-parole du camp fédéraliste.

Les propos de Garcia, Maciocia et autres, qui parlent de traîtrise et d'écraser l'adversaire, n'ont pas leur place dans un débat civilisé et démocratique. Avant que la campagne référendaire ne tourne au vinaigre, il est plus que temps que Daniel Johnson ait le courage de rappeler à l'ordre ses porte-parole et de se dissocier fermement de leurs propos et gestes provocants. Aussi, lorsque le premier ministre se permet de dire: «Ils vont en manger une belle», il est évident que certains de ses partisans le prennent à la lettre.

* * *

[Traduction]

LES CRIMES AVEC VIOLENCE

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, Jesse Cadman, Sean Simmonds, Laurie Wood, Linda Williams, Chris Lussier, Paul McDaniel, Graham Niven, Sukhjit Sangha, Pam Cameron, Mindy Tran, Melissa Deley, Melanie Carpenter, et la liste se poursuit. Ce ne sont pas des mots abstraits, ce sont les noms de personnes qui avaient des familles et des groupes d'amis présents et aimants, ainsi que des espoirs, des rêves et des potentiels qui n'ont pas pu se réaliser à cause de notre système de justice pénale et du gouvernement qui leur a fait faux bond en n'instaurant pas des mesures correctives suffisamment vigoureuses.

Le gouvernement laisse en place un système de justice pénale où les peines sont trop peu sévères et la libération conditionnelle trop facile et ainsi, il ne rend pas justice aux victimes.

Steven Carpenter, sa famille et ceux qui appuient sa cause demandent que notre système de justice soit modifié. Il est temps que le gouvernement prête une oreille attentive aux gens et qu'il prenne des mesures concrètes et valables.

* * *

[Français]

LA FISCALITÉ

M. Gilles Bernier (Beauce, Ind.): Monsieur le Président, au moment où l'État est en déficit et que la dette grossit de façon astronomique, une étude de l'UQAM révèle que des milliards de piastres échappent au fisc en raison de nos généreuses lois fiscales envers les grandes entreprises canadiennes. L'étude, à laquelle participait le professeur Léo-Paul Lauzon, porte sur 767 grandes sociétés établies au Canada et démontre que nos lois fiscales per-


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mettent à quantité d'entreprises de ne payer aucun impôt en dépit d'importants profits.

Il faut, au moment où on s'apprête à faire une réforme de la sécurité sociale, couper moins dans les services essentiels et un peu plus dans les échappatoires fiscales de toutes sortes, y compris les impôts reportés. Il est grandement temps d'instaurer un impôt minimal aux entreprises. Je souhaite à tous les gouvernements la force et le courage de prendre les bonnes décisions.

* * *

[Traduction]

LES FORÊTS

Mme Colleen Beaumier (Brampton, Lib.): Monsieur le Président, jeudi, le 12 octobre, j'assisterai à une cérémonie dans ma circonscription de Brampton au cours de laquelle In-Touch Graphics annoncera sa participation active à la lutte contre le déboisement au Canada.

In-Touch Graphics s'engagera à planter trois arbres pour chaque arbre qu'il utilise pour ses besoins d'impression. Cela signifie la plantation de 3 100 arbres au cours des 12 prochains mois.

Les résidents de Brampton peuvent être fiers d'une entreprise locale qui prend cette initiative environnementale responsable. Toutes les sociétés canadiennes qui utilisent de grands volumes de papier devraient prendre exemple sur le civisme de cette compagnie.

Henry David Thoreau a écrit: «À quoi sert d'avoir une maison si elle n'est pas construite sur une planète tolérable?» C'est grâce à des initiatives responsables comme celle-là que les sociétés canadiennes peuvent faire leur part, de sorte que nous vivions sur une planète tolérable.

* * *

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le Président, hier soir le conseil municipal de St. John's a donné son appui unanime à l'initiative de contrôle des armes à feu du gouvernement, le projet de loi C-68. La résolution du conseil municipal était en réponse à une lettre du Conseil canadien de la sécurité.

La ville s'est dit d'accord avec le conseil de la sécurité lequel disait que si l'on n'adopte pas le projet de loi on sapera les efforts des gens qui travaillent dans le domaine de la justice criminelle, de la sécurité et de la santé mentale.

Les conseillers municipaux savent que le Parti réformiste refuse de reconnaître que la majorité des habitants de Terre-Neuve appuient des mesures plus strictes de contrôle des armes à feu. Comme le disait un membre du conseil des femmes de St. John's: «Des restrictions sur la possession des armes à feu ne peuvent que contribuer à améliorer la sécurité publique.»

Un certain nombre de manchettes du Evening Telegram de St. John's appuient également cette initiative du gouvernement: «Le contrôle des armes à feu au Canada, plus il sera strict et mieux cela vaudra», «Les tactiques alarmistes du lobby des armes à feu sont inefficaces» et «Un registre national des armes à feu? Bien sûr et le plus tôt sera le mieux».

Si le Parti réformiste et les sénateurs veulent réellement représenter la volonté des Canadiens de la région atlantique, ils doivent appuyer le projet de loi C-68.

* * *

LE PROJET DE LOI C-45

M. Harbance Singh Dhaliwal (Vancouver-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je suis fier de prendre la parole à la Chambre, cet après-midi, pour appuyer le projet de loi C-45, qui modifie la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Aujourd'hui, beaucoup de Canadiens qui ont été victimes de crimes sont venus sur la colline du Parlement pour exprimer leurs sentiments et leurs frustrations.

Le projet de loi C-45 prouve que le gouvernement libéral ne les a pas oubliés. Le projet de loi vise à rendre nos rues et nos foyers plus sûrs.

(1405)

Dans ses efforts soutenus pour renforcer les peines que doivent purger les contrevenants, le gouvernement a adopté le projet de loi C-37 et le projet de loi C-41, puis il a présenté le projet de loi C-45.

Bien qu'un système de justice rigoureux soit primordial pour rendre les contrevenants responsables de leurs actes, des peines plus sévères ne représentent que la moitié de la solution. La prévention est l'autre moitié.

Chaque année, les Canadiens dépensent environ neuf milliards de dollars en surveillance policière, en services privés de sécurité, en recours judiciaires, en services correctionnels et en assurances.

Des études, comme celle qui a été menée par High/Scope Perry, révèlent qu'un apprentissage actif de grande qualité. . .

* * *

[Français]

LA COMPAGNIE BOMBARDIER

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, les employés de l'usine de Bombardier à La Pocatière ont servi hier une leçon de démocratie à leur présidentM. Laurent Beaudoin. Les employés de l'usine n'entendent pas se faire dicter leur vote au référendum par le patron.

M. Beaudoin n'en est pas à ses premières armes pour ce qui est de tenter de manipuler ses employés afin qu'ils votent en fonction de ses opinions politiques. Déjà en 1992, il avait fait parvenir une lettre à ses employés leur indiquant qu'il était en faveur de l'Accord de Charlottetown. Ce geste avait été dénoncé par le directeur général des élections et M. Beaudoin avait par la suite été condamné pour avoir enfreint la Loi électorale du Québec.

M. Beaudoin disait, cette semaine, que le Québec sera un pays trop petit pour son entreprise qui y est pourtant née et y a grandi avec succès. Le Bloc québécois félicite les travailleurs de Bombardier à La Pocatière qui ont contribué à ce succès et les encourage à


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demeurer fermes dans leurs convictions. Comme disait un employé de l'usine, il ne faut pas mélanger le «travaillage» et le «votage».

* * *

[Traduction]

LES CRIMES AVEC VIOLENCE

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, pour la troisième fois en moins d'un an, je prends la parole à la Chambre pour évoquer le meurtre d'une jeune fille de Surrey. Aux petites heures du 6 septembre, Melissa Deley, âgée de 10 ans, dormait à poings fermés chez elle, jusqu'à ce que Bret Neff décide d'entrer par effraction dans la maison de Melissa.

Neff a quitté les lieux en apportant le téléviseur, le magnétoscope, la voiture familiale et Melissa. Quelques heures plus tard, Neff agressait sexuellement Melissa et la tuait.

Comme Fernand Auger avant lui, Neff a épargné beaucoup d'argent aux contribuables canadiens en s'enlevant la vie.

Cependant, il nous reste le souvenir de trois jeunes filles de Surrey enlevées au hasard par des étrangers dans la rue, au travail et à la maison, agressées sexuellement et assassinées.

À l'occasion de la Journée nationale des victimes, nous commémorons les victimes d'attaques brutales et lâches. Nous devons nous engager devant la Chambre à faire en sorte que Pamela, Melanie et Melissa ne soient pas mortes en vain.

* * *

L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, d'aucuns affirment que les seules certitudes que nous avons dans la vie sont la mort et les impôts. C'est vrai pour la plupart d'entre nous, mais pas pour les Canadiens suffisamment nantis qui se paient les services d'avocats capables de leur faire profiter des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu relatives aux non-résidents pour qu'ils puissent ainsi éviter de payer de l'impôt tirer parti du régime fiscal canadien qui favorise ce type d'évitement fiscal.

En devenant résidents de paradis fiscaux, ces riches n'ont pas, en vertu de la loi, à produire de déclarations de revenus ou à payer des impôts au Canada sur les sommes faramineuses qu'ils ont sorties du pays et ils sont assujettis à un taux d'imposition nettement moindre sur le reste de leurs revenus de placements au Canada. Pendant ce temps, rien ne les empêche, et c'est ce qu'ils font, de passer beaucoup de temps au Canada avec leur famille et leurs amis et de s'occuper de leurs affaires. Après avoir passé des années à se conduire ainsi, ils peuvent facilement décider de devenir des résidents canadiens à nouveau et jouir d'avantages comme l'assurance-maladie auxquels ils n'ont pas contribué.

À l'instar des Américains, les Canadiens qui profitent des paradis fiscaux devraient être obligés de continuer à produire des déclarations de revenus et à payer des impôts au Canada, même lorsqu'ils résident à l'étranger. Il faudrait dire adieu à ceux qui pratiquent l'évitement fiscal, mais leur demander tout d'abord de payer leurs impôts. Aux États-Unis, les Républicains qualifient ces gens de traîtres du fisc. Je voudrais signaler que les néo-démocrates partagent sur ce point l'opinion des Républicains.

* * *

[Français]

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, le ministre canadien des Finances a qualifié de «chimères séparatistes» le projet d'union économique et politique d'un Québec indépendant avec le Canada.

Même le chef péquiste, le 3 décembre 1993, évoquait des doutes sérieux quant à la possibilité qu'une telle association puisse exister avec le Canada au lendemain de la séparation du Québec, et je le cite: «Demander la lune, c'est imaginer qu'à l'occasion de la déclaration de la souveraineté du Québec, nous allons pouvoir négocier une foule de changements économiques et politiques avec le Canada [ . . . ]».

Le ministre des Finances a raison, l'union économique et politique après le référendum n'est pas possible parce que tout ce que veulent les séparatistes du Québec, c'est la séparation du Québec et à cela, notre réponse est non.

* * *

LA SOCIÉTÉ SAINT-JEAN-BAPTISTE

M. Denis Paradis (Brome-Missisquoi, Lib.): Monsieur le Président, nous apprenons que les sociétés Saint-Jean-Baptiste suivantes se sont jointes à la Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Sherbrooke pour manifester un témoignage de fierté sur leur appartenance au Canada.

(1410)

Il s'agit de la Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Valleyfield et de la Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Québec réunies en fin de semaine en Estrie avec la Société Saint-Jean-Baptiste de Sherbrooke, où tous ont entonné l'Ô Canada.

À tous ces hommes et ces femmes qui n'ont pas peur d'afficher leur fierté d'être québécois et canadiens; à tous nos ancêtres du Canada français qui ont bâti ce pays; à Wilfrid Laurier qui devint, il y a presque cent ans, le premier d'une longue série de premiers ministres du Canada originant du Québec; à mes amis du Bloc québécois qui rêvent de revenir siéger dans cette Chambre après les prochaines élections, j'aimerais dire que je suis fier, très fier, comme vous d'ailleurs, d'être québécois et canadien.

Mais pour cela, tous ensemble, disons non à la séparation.

* * *

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, le mot «confusion» illustre parfaitement bien toute la précaution que les leaders séparatistes ont mise à emballer leur projet de façon à le rendre le plus obscur possible.

À preuve, voyons ensemble certaines des conclusions du sondage Créatec qui a été rendu public cette semaine: 50 p. 100 des électeurs


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qui s'apprêtent à voter oui s'imaginent que la séparation ne sera faite qu'après la conclusion d'un accord avec le Canada; concernant la fameuse entente du 12 juin, seulement 19 p. 100 de la population sait à peu près en quoi elle consiste.

D'autre part, le sondage nous apprend, et c'est tragique, que 28 p. 100 des électeurs qui voteraient oui croient que le Québec souverain restera une province du Canada.

Toute l'opération séparatiste ne constitue en fait qu'un nuage de fumée destiné à masquer leur véritable objectif, séparer le Québec du Canada. Et cela, la population du Québec n'en veut pas, et elle dira non le 30 octobre prochain.

* * *

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Affaires étrangères a commis hier une énormité en évoquant la situation qui prévaut en ex-Yougoslavie.

Que voulait donc dire le ministre en déclarant, et je cite: «Nous, on ne s'est pas encore tués et entre-tués, et j'espère que l'exemple de l'ex-Yougoslavie ne s'appliquera jamais au Canada»? Cette déclaration, lourde de sous-entendus, exige des éclaircissements.

Le ministre des Affaires étrangères et le gouvernement canadien devraient avoir honte de faire de pareilles insinuations.

C'est pourquoi le Bloc québécois condamne très sévèrement ces paroles absolument insensées prononcées par le ministre alors en visite à l'ONU. L'irresponsabilité du ministre des Affaires étrangères nous en dit long sur le camp du non: l'intolérance, l'insulte et l'injure, voilà ce que le camp du non offre au peuple du Québec.

* * *

[Traduction]

LES VICTIMES D'ACTES CRIMINELS

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, les victimes d'actes criminels font entendre leur voix aujourd'hui sur la colline du Parlement.

Des Canadiens sont venus demander au Parlement de ne plus s'en tenir à des banalités et d'apporter de véritables modifications à notre système de justice pénale. La population tout entière est scandalisée, car elle considère que les tribunaux sont trop indulgents et que, pour les criminels, la libération conditionnelle et la libération d'office signifient maintenant qu'ils sont libres de récidiver.

À Calgary, où se trouve ma circonscription de Calgary-Nord, quatre femmes ont été tuées au cours de huit dernières semaines. On a ajouté à cela l'injure de libérer sous caution un des tueurs, moins d'une semaine après l'avoir accusé, de sorte qu'il circule librement dans la collectivité.

Les Canadiens ont le droit de demander pourquoi on ne les protège pas contre les voyous et les criminels.

Aujourd'hui, des gens de partout au Canada sont venus à Ottawa pour communiquer un message à leurs représentants élus. Les victimes d'actes criminels doivent passer en premier dans un système qui accorde la plus grande priorité à la sécurité publique. Les réformistes sont d'avis que les Canadiens s'attendent à cela et ne méritent rien de moins.

* * *

[Français]

L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, un Québec indépendant adhérerait-il aussi facilement que le prétendent les séparatistes au traité de libre-échange nord-américain, l'ALENA?

Le ministre canadien des Finances a déclaré hier qu'il n'en serait pas ainsi. Il a même prévenu que la réouverture des négociations avec nos partenaires américains et mexicains placerait plusieurs secteurs de l'économie québécoise en situation de vulnérabilité.

À ce propos, permettez-moi de citer James Blanchard, ambassadeur des États-Unis au Canada, et Mme Sandra Fuentes-Berain, ambassadrice du Mexique au Canada, qui ont tout à tour indiqué qu'aucune garantie n'existe concernant l'adhésion automatique d'un Québec indépendant à l'ALENA.

S'ils ont espéré faire taire le professeur Ivan Bernier en cachant son étude sur l'ALENA, ils ne pourront en faire autant avec tout le monde. Et il est bon, comme l'a dit le ministre des Finances hier, de briser le mythe qu'entretiennent les séparatistes à ce sujet.

* * *

(1415)

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

M. Patrick Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine, Lib.): Monsieur le président, hier le premier ministre péquiste déclarait, lors d'une entrevue à la radio, que la Commission de la capitale nationale du Canada avait fait parvenir à tous ses employés de Hull une lettre leur indiquant de ne pas entrer au travail le 31 octobre prochain si le oui l'emportait, ce que nous savons fort bien ne sera pas le cas.

Cependant, M. Parizeau a déclaré, et je le cite: «Avec des choses comme ça, on voit ce qui nous pend au bout du nez.» Après vérification, les faits évoqués par M. Parizeau se révèlent complètement faux et les responsables de son bureau ont même dû s'excuser. Après l'histoire du document constitutionnel que le premier ministre péquiste avait tenté d'associer au Parti libéral du Québec, le voici qui recommence avec une prétendue lettre qui, en fait, n'a jamais existé.

Le devoir de M. Parizeau devrait être avant tout d'expliquer son projet de séparation à la population plutôt que de participer à ces exercices destinés à faire peur au monde.

14921

[Traduction]

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je signale aux députés la présence à notre tribune de membres de l'association des anciens représentants et sénateurs du Congrès des États-Unis, qui sont nos invités.

Des voix: Bravo!

______________________________________________


14921

QUESTIONS ORALES

[Français]

L'UNION ÉCONOMIQUE CANADA-QUÉBEC

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, dans un discours apocalyptique prononcé hier à Montréal, le ministre des Finances a prétendu que le Canada ne pourrait pas assurer le maintien de l'union économique actuelle avec un Québec souverain parce que, a-t-il prétendu, les États-Unis en profiteraient pour renégocier l'ALENA. Il a aussi soutenu qu'un Québec souverain devrait subir de longs délais avant de devenir membre de l'Organisation mondiale du commerce qui a récemment remplacé le GATT.

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Le ministre reconnaît-il que la proposition de nouveau partenariat économique et politique que fera le Québec souverain au Canada s'inscrit tout à fait dans l'esprit du traité de l'Organisation mondiale du commerce et de l'ALENA et assurerait aux entreprises américaines les mêmes conditions d'accès aux marchés canadien et québécois qu'actuellement?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, si on est pour avoir une union économique et politique entre le Canada et le Québec, c'est-à-dire que le Canada donnerait à un Québec séparé des éléments privilégiés en comparaison avec d'autres pays, les Américains et les Mexicains insisteraient pour être à la table des négociations, comme le Canada a insisté lorsque le Mexique et les États-Unis voulaient avoir des négociations bilatérales; on a dit non. Il faut être à la table.

Voici les choses que le Canada risquerait de perdre s'il devait donner cette entente privilégiée au Québec: sa politique agricole, son exemption culturelle, la Commission canadienne du blé, le secteur des services financiers, les règles d'origine pour l'industrie de l'automobile, et encore plus important, les panels binationaux qui nous protègent contre les mesures de représailles des États-Unis.

Le Canada a, comme le chef de l'opposition l'a souligné hier, 33 milliards d'exportation au Québec, mais a pour 165 milliards d'exportation aux États-Unis, et c'est ça que le Canada ne pourrait jamais risquer de perdre. Ce n'est pas parce qu'il ne voudrait pas, c'est parce qu'il aurait trop à perdre.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je pense que nous pouvons tous voir que le ministre est dans le même état apocalyptique qu'hier, puisque le ministre en effet se permet de déformer grossièrement la réalité de la libéralisation du commerce ou des échanges entre États en faisant dire faussement à l'ALENA qu'il empêcherait une intégration plus poussée entre le Québec et le Canada, tel que le propose d'ailleurs le partenariat.

Le ministre reconnaît-il que ses affirmations gratuites sont contredites par les règles reconnues du commerce international, aussi bien que par une coutume constante qui autorise les pays souverains à conclure des accords régionaux plus élaborés en parallèle avec d'autres traités comme celui de l'ALENA? Ne reconnaît-il pas que cette doctrine a même été codifiée par l'article XXIV, paragraphe 4, du GATT?

(1420)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, comme dans toute chose, malheureusement, le mouvement séparatiste a été dépassé par les événements. Le GATT a été remplacé par l'OMC et, dans l'OMC, à l'article 12 sur l'accession, il n'y a pas de droits successoraux, il n'y a pas de principe statu quo ante.

Le problème, c'est que le Québec serait comme n'importe quel autre pays qui demanderait d'être membre, parce qu'il n'y a aucun précédent. Le Québec sera mis dans une position où il devra faire des concessions énormes, d'abord pour devenir membre de l'OMC et spécialement pour devenir membre de l'ALENA. C'est très clair.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, l'article XXIV, paragraphe 4, que je viens de citer, c'est celui justement qui a été négocié l'an dernier et qui est présentement en vigueur. C'est un article qui permet, même dans le cas d'une clause de traitement national, de faire en sorte qu'il y ait une dérogation automatique quand on veut conclure un accord parallèle entre deux pays, pourvu que ce soit pour libéraliser le commerce. Tout ça a été fait pour libéraliser le commerce, pas pour l'arrêter. C'est un peu drôle d'entendre un gouvernement, qui s'est battu comme un lion contre le libre-échange, contre nous, pour empêcher qu'il passe, l'invoquer actuellement.

Le ministre des Finances a aussi laissé entendre qu'au lendemain d'un oui, les Américains pourraient s'opposer à un traité de partenariat Québec-Canada. Admettra-t-il que les Américains, en personnes raisonnables et expérimentées, veilleront plutôt à éviter toute perturbation des flux économiques actuels entre le Québec et le Canada, d'autant plus qu'ils continueront de bénéficier des mêmes conditions de commerce et d'accès aux marchés québécois et canadien qu'actuellement? Ne voit-il pas que si les Américains interviennent, ce sera pour calmer les excités et les émotifs qui préten-


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dront refuser de négocier et se laisseront aller à des scénarios néfastes et alarmistes?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, au lieu de poser des questions enflammées et faire de tels discours, il devrait mettre cartes sur table. Nous sommes en train, maintenant, de parler de l'avenir des Québécois et des Québécoises. Et il a le droit, comme un des chefs du mouvement séparatiste, de dire la vérité aux Québécois sur les conséquences véritables de l'indépendance.

Alors, si vous voulez citer les choses que les Américains, monsieur le Président-oui, je vous regarde et je préfère vous regarder, monsieur le Président-attaquent aujourd'hui, et ce ne sont pas des rêves, ce sera la politique agricole, l'industrie laitière au Québec, l'exemption culturelle qui existe aujourd'hui au Québec, c'est-à-dire le cinéma, la télévision, la radiodiffusion, les livres et les revues, le textile, l'accès préférentiel au marché des États-Unis, les politiques d'achat du gouvernement du Québec et Hydro-Québec, les panels binationaux. Il y a toute une liste.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, dans son discours hier à Montréal, le ministre des Finances a affirmé qu'un Québec souverain aurait des difficultés à adhérer à l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, qui a remplacé dernièrement le GATT. Le ministre des Finances a déclaré que le Québec devrait faire la file derrière les 32 pays qui ont fait une demande pour devenir membre de l'OMC.

Le ministre des Finances reconnaît-il qu'en vertu de la clause d'accession à l'Organisation mondiale du commerce, l'admission du Québec sera d'autant plus rapide qu'elle sera facilitée par le fait que le Québec répond déjà aux conditions d'accession?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, voilà le problème. Je viens d'énumérer une liste de pratiques au Québec qui ne seront pas acceptées par les autres pays de l'OMC. C'est exactement le point.

(1425)

Ce sont ces points qui seront contestés par les États-Unis, la Communauté européenne et d'autres pays. C'est pour cela que le coût d'adhésion à l'OMC et l'ALENA sera si cher.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, visiblement, le ministre des Finances ne sait pas de quoi il parle.

Je lui pose la question suivante. Comment le ministre des Finances peut-il soutenir que le Québec devra prendre un numéro pour accéder à l'OMC, quand il sait-et j'espère qu'il le sait-que les 32 pays sont en attente parce qu'ils n'ont pas une économie de marché; que le Québec rencontre déjà les exigences de l'OMC; et qu'en plus le Québec n'est pas trop petit, et on n'est pas des incapables non plus, puisqu'on constitue le huitième partenaire commercial des États-Unis? Le sait-il au moins, monsieur le Président?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, l'Arabie Saoudite et Taiwan ont des économies de marché. Ils sont en attente. Hier, M. Landry a dit que ce n'était que des pays de l'est de l'Europe qui étaient en attente.

Mais je vais vous dire quelque chose: Taiwan est en Asie; l'Arabie Saoudite est en Arabie. Je sais fort bien qu'il faut donner des leçons d'économie au mouvement séparatiste. Là, on voit qu'il va falloir leur donner des leçons de géographie.

* * *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, des centaines de Canadiens se sont réunis aujourd'hui devant le Parlement.

Ce n'est pas par souci au sujet du référendum ou des traités commerciaux qu'ils sont venus manifester. Ils étaient animés d'une inquiétude plus profonde au sujet de la sécurité de leurs enfants et de tous ceux qui leur sont chers. Ce sont des gens ordinaires et ce qu'ils demandent est très simple. Ils veulent que le gouvernement protège mieux la vie et les biens des Canadiens contre les criminels. Ils veulent que les droits des victimes priment ceux des criminels.

Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Que se propose-t-il non pas de dire, mais de faire pour le père de Melanie Carpenter et toutes les victimes de violence qui estiment que, au Canada, l'État, le droit, le gouvernement, la Commission nationale des libérations conditionnelles et le système de justice les ont laissés tomber de façon tragique?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai eu l'insigne honneur d'adresser la parole à ce rassemblement sur la colline du Parlement il y a une heure ou deux. J'ai été honoré de rencontrer hier matin Steve Carpenter, le père de Melanie, et Maurice Rose, dont le fils a été assassiné à Montréal.

Comme je l'ai dit aux personnes rassemblées sur la colline du Parlement aujourd'hui, depuis que j'occupe le poste de ministre de la Justice, je me suis fait un devoir de rencontrer les victimes d'actes criminels et leur famille, non pas parce que c'est facile-c'est au contraire souvent terriblement difficile-mais parce que je crois que, à cause du drame qu'elles ont vécu, elles peuvent nous éclairer. Elles ont un point de vue à faire partager sur la réforme de la justice pénale, et ce point de vue m'a aidé à accomplir mon travail.

Lorsque je me suis adressé à ce groupe aujourd'hui, j'ai rappelé certaines des mesures que le gouvernement a prises depuis 15 mois. Pendant cette période, nous avons apporté davantage de réformes sérieuses dans le système de justice pénale que n'importe quel autre gouvernement fédéral ne l'a fait avant nous, autant qu'on puisse se souvenir.

Le chef du tiers parti et ses collègues veulent savoir ce que nous avons accompli. Permettez-moi de rappeler au chef de ce parti ce que nous avons fait, souvent malgré les objections et l'opposition de sa formation. Nous avons apporté des modifications significatives à la Loi sur les jeunes contrevenants, nous avons ajouté au Code criminel des dispositions sur l'analyse génétique, nous avons fait


14923

adopter des mesures sérieuses de réglementation des armes à feu, nous avons amélioré le régime des libérations conditionnelles, nous avons renforcé le processus de détermination de la peine en matière pénale et nous avons rendu illégale la défense fondée sur l'intoxication volontaire.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, si le ministre avait fait toutes ces choses merveilleuses pour les victimes de violence, il n'y aurait pas des centaines de personnes rassemblées devant le Parlement aujourd'hui.

(1430)

Les victimes de violence écoutent poliment le ministre énumérer tout ce qu'il fait, censément, mais elles se préoccupent davantage de ce que le gouvernement ne fait pas. Il n'a pas abrogé l'article 745 du Code criminel; il n'a pas institué de registre des délinquants sexuels avant septembre, comme le solliciteur général l'avait promis; il a refusé de prévoir dans le projet de loi C-45 un véritable dédommagement des victimes; dans tout ce que le ministre a proposé à la Chambre, il n'y a aucune trace de mesures visant à affirmer les droits des victimes.

Mis à part les modifications superficielles qu'il a énumérées, que prévoit faire le ministre pour modifier le système de justice de manière que nos quartiers soient plus sûrs, mieux protégés contre les criminels violents, les délinquants sexuels et les meurtriers?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ce que j'ai énuméré, ce ne sont pas des mesures dont nous parlons, mais des mesures que nous avons déjà prises.

Au lieu de simplement parler d'une liste de droits des victimes, ce dont le tiers parti raffole, au lieu de proclamer une déclaration des droits des victimes qui fait bonne impression sur le plan politique, nous préférons faire respecter ces droits, comme nous l'avons fait.

Au cas où le chef du tiers parti ne le saurait pas, je lui signale que nous avons modifié le Code criminel pour permettre des déclarations des victimes lorsqu'elles sont disposées à en faire, pour prévoir la restitution des biens volés, pour protéger l'identité des victimes et des témoins de délits sexuels et d'extorsion, pour imposer des suramendes compensatoires. Nous avons encore modifié le Code criminel pour que les tribunaux puissent ordonner le dédommagement des victimes, modifié la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour faire place au rôle des victimes dans les services correctionnels fédéraux. Voilà la liste des mesures prises dans l'intérêt des victimes.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le ministre parle de faire respecter des droits. Au Canada, il y a un conflit de plus en plus net entre les droits de victimes d'actes criminels, et des victimes potentielles, et ceux des prévenus et des personnes condamnées pour crime. Dans un nombre de plus en plus grand de cas, la balance de la justice penche en faveur des criminels violents, des délinquants sexuels et des meurtriers. Cela ne peut pas continuer. Lorsqu'il y a opposition entre les droits, ce sont ceux des victimes qui doivent primer ceux des criminels.

Ma question portera sur les droits, puisque le ministre a soulevé la question. Lorsque les droits des victimes entrent en conflit avec ceux des accusés ou des personnes condamnées pour crime, que fait-il pour que les droits des victimes l'emportent dans le droit canadien?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le premier droit de toute victime, le plus fondamental, est aussi le premier et le plus fondamental de tout citoyen, soit le droit à un système de justice pénale juste, attentif et fort. Cela a été notre objectif dès que nous avons formé le gouvernement.

Avant de conclure, je suis forcé de remarquer que, pour un parti qui professe un tel attachement aux droits des victimes, il est bien étrange que le Parti réformiste fasse la sourde oreille lorsque des groupes de défense des droits des victimes, dont CAVEAT, et sa dirigeante, Priscilla de Villiers, lui demandent avec éloquence d'appuyer nos propositions de réglementation des armes à feu.

* * *

[Français]

LE PARTAGE DE LA DETTE FÉDÉRALE

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, la dette fédérale approche les 600 milliards de dollars. Le gouvernement du Québec a clairement indiqué qu'une fois devenu souverain, le Québec assumera sa part de responsabilités face à la dette fédérale. Hier, dans son discours, le ministre des Finances, en fermant la porte à toute négociation avec un Québec souverain, est resté étrangement silencieux quant au partage de la dette fédérale.

(1435)

Le ministre des Finances reconnaît-il que l'énorme dette du gouvernement fédéral obligera, au nom de ses propres intérêts et responsabilités, le gouvernement fédéral à entamer des négociations dès le lendemain du référendum, avec le Québec, en commençant par le partage de la dette?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le jour après le référendum nous allons tous ensemble continuer à bâtir le Canada parce que c'est très clair qu'au référendum ce sera le non qui l'emportera.

Si je comprends bien, est-ce que le député est en train de répéter les paroles malhabiles de M. Campeau il y a trois ou quatre mois, de Mme Dionne-Marsolais ce matin, qu'un Québec indépendant n'acceptera pas sa juste part de la dette canadienne? Est-ce que c'est cela que le député est en train de dire?

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, c'est exactement le contraire que je viens de dire. Je viens d'expliquer au ministre, et je vais lui réexpliquer pour être bien sûr qu'il a compris, à moins qu'il n'ait pas de réponse à donner, et que ce soit pour cela. Je vais lui expliquer.

Le gouvernement du Québec a affirmé très clairement son intention d'assumer ses responsabilités face à l'énorme dette fédérale. Le


14924

ministre hier a passé sous silence toutes les questions à ce sujet en disant qu'il ne négocierait pas avec le Québec, en fermant toutes les portes, dans tous les domaines. Il n'a pas abordé la question de la dette.

Le ministre des Finances admettra-t-il que, face aux pressions des milieux financiers, il n'a pas d'autre choix que de négocier avec le Québec, dès le lendemain d'un oui, parce que le Canada est incapable. . .

Le Président: Chers collègues, durant la période des questions je donne autant de temps que je peux aux questions qui sont posées, mais quand cela dépasse un peu, même des questions qui sont hypothétiques. . .

Une voix: Le discours du ministre est hypothétique.

Le Président: Soit que l'on a des discours qui sont hypothétiques ou des questions qui sont hypothétiques.

Une voix: Ah, ah!

Le Président: Je vous demanderais, mes chers collègues, s'il vous plaît, quand vous abordez des questions, de poser des questions qui ont à voir avec ce qu'il faut faire en administration du gouvernement. Maintenant si le ministre des Finances veut répondre à cette question, il le peut.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, je vais répondre parce qu'ils ont assez de difficulté à poser des questions.

Si le député veut poser des questions hypothétiques, on peut en poser des questions hypothétiques. Si la dette d'un Québec séparé était triplée ou pire, quelle sera la hausse des taux d'intérêt qu'il faudra subir, nous les Québécois? Quelle sera la hausse d'impôt qu'il faudra accepter? Quelles seront les coupures dans les services sociaux? Des coupures draconiennes.

[Traduction]

Le Président: Je invite à revenir à des questions concrètes et à des réponses concrètes.

* * *

CAMP IPPERWASH

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, il n'y a pas que le référendum qui soit d'actualité au Canada. L'ordre public continue de péricliter dans notre pays.

Non seulement des criminels violents errent dans nos quartiers et dans nos rues, mais certaines régions n'ont presque plus de services policiers. C'est le cas d'Ipperwash. Les agressions sexuelles, les coups de feu sur les gens, les incendies criminels, les introductions par effraction ne font pas l'objet d'enquêtes. En fait, Ipperwas. . .

(1440)

Le Président: Je sais que le député a un certain problème de voix. Je pourrais peut-être l'aider en lui demandant de poser sa question.

M. Hanger: Monsieur le Président, la liste des victimes ne fait que s'allonger, à Ipperwash. Quand le solliciteur général prendra-t-il des mesures pour que la loi s'applique de la même façon à tout le monde, y compris les autochtones militants?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, selon le gouvernement fédéral, la loi s'applique de la même façon à tout le monde.

Nous devrions féliciter le professionnalisme et le savoir-faire de la GRC, qui a fait fonction de police provinciale pour le compte du procureur général de la Colombie-Britannique et qui a réussi, sans violence et sans pertes de vie, à désamorcer la situation au lac Gustafsen, où les personnes impliquées sont actuellement traduites devant les tribunaux et font face à des accusations au criminel.

La situation à Ipperwash exige l'application du Code criminel par les autorités policières locales, c'est-à-dire la Police provinciale de l'Ontario, comme le sait sans doute le député.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, le ministre devrait le dire aux gens qui vivent dans cette localité. Ils ne font plus confiance à la police, surtout que le gouvernement libéral refuse d'agir.

Les gens en sont réduits à s'armer pour se protéger, parce qu'ils ont été abandonnés par le gouvernement fédéral et craignent pour leur vie. Le ministre manque à ses obligations envers les Canadiens, parce qu'il cherche à plaire aux groupes d'intérêts spéciaux.

Pourquoi le solliciteur général permet-il à un groupe de voyous armés et organisés d'intimider le gouvernement fédéral, la police et les habitants d'Ipperwash?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral ne permet pas qu'on se conduise de la sorte. Il est tout à fait disposé à offrir, à la demande du solliciteur général de l'Ontario, M. Runciman, des services de soutien, conformément aux ententes permanentes en vigueur.

Entre-temps, le problème relève uniquement de la Police provinciale de l'Ontario. Si le député estime que ses amis conservateurs de l'Ontario ne font pas leur travail, il devrait le leur dire directement.

* * *

[Français]

L'UNION ÉCONOMIQUE CANADA-QUÉBEC

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le ministre des Finances a dit hier qu'une union économique entre un Québec souverain et le Canada n'existerait pas, allant


14925

jusqu'à dire que même s'il le voulait, il ne pourrait pas y avoir d'union économique.

Ma question est bien concrète. Le ministre des Finances reviendra-t-il à la raison en admettant que le marché québécois est le deuxième marché en importance du Canada, que 400 000 emplois au Canada dépendent des échanges commerciaux avec le Québec et que l'Ontario à elle seule fait un surplus net de 4 milliards de dollars dans ses échanges commerciaux avec le Québec?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, c'est une bonne raison pour le Québec de rester au Canada. Ce que j'ai dit hier est très clair: cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de commerce entre le Québec et le Canada. Ce que j'ai dit, c'est qu'il n'y aura pas d'union économique entre le Québec et le Canada, tel que mentionné dans la question référendaire, et la raison est très claire. Quoiqu'il y ait 33 milliards de dollars en exportations du reste du Canada vers le Québec, il y a 165 milliards de dollars d'exportations aux États-Unis et le Canada ne pourra jamais mettre cela à risque.

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, à la suite de ce que je viens de dire et de ce que le ministre vient de dire lui-même, finira-t-il par admettre enfin que le maintien de l'union économique est non seulement souhaitable, mais incontournable pour les deux partenaires que sont le Canada et le Québec, d'autant plus qu'il sait très bien que les États-Unis trouveront leur bénéfice, parce que le maintien de cette union leur donnera les mêmes conditions d'accès aux marchés canadien et québécois qu'actuellement?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, les députés ont beaucoup de difficulté à comprendre. Aujourd'hui, le Canada fait partie de l'ALENA. C'est signé, c'est ratifié. Alors, les exemptions culturelles, la politique agricole, les panels binationaux, tout ça, pour le Canada, c'est en place et ça va rester.

Le seul problème, c'est si le Canada voulait avoir ou était prêt à négocier une union économique, cela mettrait tout ça à risque.

(1445)

La distinction entre le Québec et le Canada, c'est que, pour le Québec, s'il veut devenir membre de l'ALENA, ce sont les politiques agricoles qui disparaissent, ce sont les exemptions culturelles qui disparaissent, ce sont les panels binationaux qui disparaissent, ce sont les politiques d'achat qui disparaissent.

Aujourd'hui, le Québec fait partie de l'ALENA et ça marche bien. Si le Québec se sépare et désire devenir membre de l'ALENA par la suite, il met en risque toute la fondation de l'économie québécoise. C'est ça, vraiment, mettre cartes sur table.

* * *

[Traduction]

MANITOBA ENTERTAINMENT COMPLEX INC.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, il paraît que le ministre du Développement des ressources humaines a profité de la mauvaise situation financière des Jets de Winnipeg pour remplir les poches des donateurs à sa campagne électorale.

Le ministre a en effet accordé 533 000 $ à la société Manitoba Entertainment Complex Inc. Est-ce que l'argent que le ministre a donné à cette société a quoi que ce soit à voir avec les contributions que son président a versées au ministre pour sa campagne électorale de 1993?

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Je demanderais aux députés d'éviter, dans la formulation de leurs questions, d'expliquer pour quelles raisons telle ou telle chose a pu se produire. Le ministre peut répondre à la question.

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, abstraction faite de l'exagération et de la note de diffamation dont la députée a coloré sa question, je suis certainement heureux d'y répondre. Cela me donne l'occasion de tirer au clair un article trompeur qui est paru dans les journaux.

Je ne pourrais mieux y répondre qu'en citant la réaction du directeur général régional de Développement des ressources humaines à Winnipeg, qui a fait remarquer que ce projet avait pour enjeu 1 400 emplois que la ville risquait de perdre, qu'il faisait appel aux trois paliers de gouvernement, municipal, provincial et fédéral, et qu'il concernait des centaines de représentants du secteur privé, c'est-à-dire presque toutes les grandes entreprises de Winnipeg, de même que des dizaines de milliers de citoyens de la ville qui tenaient tous à ce qu'on préserve ces emplois et le développement économique de la ville. Le programme visait simplement à faire en sorte qu'on déploie tous les efforts voulus pour s'assurer que le projet était réalisable et qu'il s'agissait d'un bon investissement public à faire.

Cela n'a rien à voir avec les contributions à ma campagne. La députée devrait avoir un peu plus de bon sens que cela. Elle devrait retirer cette allégation.

Des voix: Bravo!

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, l'apparence même de mauvais usage de l'argent des contribuables est inacceptable. Je voudrais poursuivre ma question.

Des voix: Oh, oh!

(1450)

Le Président: Chers collègues, je vous mets en garde contre la tentation de prêter des intentions dans vos questions. La députée peut maintenant poser sa question.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre. Chers collègues, comme nous le savons tous, la période des questions peut donner lieu à des rappels au Règlement, que je me ferai bien sûr un devoir d'entendre à la fin de la période des questions.

J'inviterais la députée de Calgary-Nord-Est à poser sa question. La parole est à la députée de Calgary-Nord-Est.


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Je regrette, je croyais que la députée m'avait indiqué qu'elle renonçait à la poser. Vous me pardonnerez cette méprise. Dieu merci, il n'y a qu'un mercredi par semaine. La parole est à la députée de Calgary-Nord-Est.

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, c'est Calgary-Sud-Est, non Calgary-Nord-Est.

Le Président: Je m'excuse. La députée de Calgary-Sud-Est.

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, ma question est posée en toute sincérité et porte sur ce que j'ai soulevé.

Le ministre peut-il expliquer à la Chambre pourquoi il semble avoir profité de la mauvaise situation financière d'une équipe de hockey dans sa circonscription pour remplir les poches des donateurs à sa campagne électorale?

Le Président: Je donne la parole à la députée de Rimouski-Témiscouata.

* * *

[Français]

L'UNION ÉCONOMIQUE CANADA-QUÉBEC

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le ministre des Finances a écarté la possibilité d'une union douanière entre le Canada et le Québec, et je cite: «Si le Québec se séparait, quel intérêt aurait le Canada à satisfaire les besoins du pays étranger qu'il serait devenu?»

Le ministre des Finances sait fort bien que le Canada aura tout intérêt à maintenir l'union douanière actuelle. Doit-on comprendre de ses propos d'hier que c'est lui-même, personnellement, qui entend imposer des entraves à la libre circulation des biens canadiens vendus sur le marché québécois, notamment par des contrôles aux frontières?

(1455)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, ce n'est pas moi, ce sont les articles de l'ALENA qui insisteraient pour qu'on offre exactement les mêmes avantages et privilèges aux Américains et aux Mexicains. Le Canada ne voudra pas, parce qu'il aura trop à perdre.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances est-il en train de nous dire qu'il souhaite personnellement mettre des bâtons dans les roues aux entreprises ontariennes qui vendent au Québec annuellement pour 1,3 milliard de dollars d'autos et de pièces d'autos, aux Albertains qui nous vendent 51 p. 100 de toute leur production bovine et à ses amis de Bay Street en les empêchant de vendre annuellement au Québec près de 3 milliards de dollars en services financiers?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, ce que je dis, c'est que le gouvernement canadien ne sera pas prêt à faire ce que le mouvement séparatiste est prêt à faire, c'est-à-dire mettre en péril toute la protection agricole; mettre en péril l'industrie de l'automobile; mettre en péril les panels binationaux; mettre en péril les exemptions culturelles.

Dites-moi, monsieur le Président, est-ce que la députée est prête à mettre en péril les protections pour la langue et la culture françaises que nous avons mises en place?

* * *

[Traduction]

L'INFRASTRUCTURE

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte, Lib.): Monsieur le Président, c'est, en effet, un mercredi magnifique. Ma question s'adresse au ministre chargé du programme d'infrastructure.

Les maires des municipalités de Carleton-Charlotte continuent de me faire savoir à quel point ils apprécient le programme d'infrastructure qui les a aidés à réaliser de nombreux projets dans l'intérêt de leurs localités et de leurs administrés.

Le ministre peut-il dire à la Chambre ce que l'an deux du programme d'infrastructure a donné aux municipalités canadiennes et à leurs administrés?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, cela fait près de deux ans que nous avons lancé le programme d'infrastructure en collaboration avec les municipalités et les gouvernements provinciaux. Le programme, que notre parti avait promis de mettre en place au cours de la dernière campagne électorale, est un véritable succès.

Jusqu'à maintenant, 93 p. 100 des six milliards de dollars qui, au départ, avaient été libérés par les divers ordres de gouvernement ont été alloués à quelque 11 000 projets dans tout le pays. Cela a permis de renforcer l'infrastructure de nos localités tout en attirant des investissements additionnels et, qui plus est, en donnant du travail à plus de 100 000 Canadiens, soit en créant les emplois dont notre pays a besoin. Voilà le genre de programme que les Canadiens veulent que notre gouvernement réalise.

* * *

L'ENQUÊTE SUR LES INCIDENTS EN SOMALIE

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens de toutes les régions de notre pays veulent que justice soit rendue dans l'enquête sur les incidents survenus en Somalie.

Lundi, l'ancien sergent et maintenant simple soldat Mark Boland s'est vu refuser le droit de comparaître devant la commission chargée d'enquêter sur les incidents survenus en Somalie. Apparemment, les hauts gradés sont autorisés à comparaître devant la commission parce que celle-ci «peut faire des déclarations révélant leur mauvaise conduite ou être une tribune où sont prononcées des allégations jetant le discrédit sur eux. Les personnes de grade


14927

inférieur comme M. Boland n'ont pas besoin de comparaître officiellement».

Le ministre de la Défense nationale croit-il lui aussi que le rang devrait automatiquement conférer un droit de comparution ou reconnaîtra-t-il que la participation aux événements et la connaissance de la situation devraient être les facteurs décisifs?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait maintenant savoir que la commission est maître de son mode de fonctionnement.

Le mandat de la commission est vaste. Je ne crois pas que quiconque ait contesté l'étendue de la compétence de la commission pour enquêter sur le déploiement des forces en Somalie. C'est à la commission qu'il appartient de décider qui comparaît ou non.

Quiconque s'estime lésé par les décisions que la commission prend au sujet de son mode de fonctionnement a des recours juridiques à sa disposition.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, la commission a dit ceci: «Notre mandat stipule très clairement que c'est de la chaîne de commandement et de ses dirigeants dont nous devons nous occuper.»

Mark Boland a reçu des ordres et il en a donnés. Il fait partie de la chaîne de commandement. Il sait des choses qui peuvent permettre de faire des liens aidant à établir les preuves dans cette affaire. Il doit toutefois pouvoir poser des questions. C'est en posant les bonnes questions, aux bonnes personnes, au bon moment qu'on pourra établir la vérité dans le cadre de l'enquête sur le déploiement des forces en Somalie.

(1500)

Le ministre va-t-il maintenant intervenir pour garantir que Mark Boland puisse comparaître devant la commission d'enquête sur les incidents survenus en Somalie?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, il n'appartient pas au ministre de la Défense nationale d'intervenir dans une enquête instituée en vertu de la Loi sur les enquêtes.

* * *

[Français]

L'UNION MONÉTAIRE CANADA-QUÉBEC

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Le ministre des Finances semble écarter l'idée d'une union monétaire entre un Québec souverain et le Canada. De plus, les ténors du non laissent planer des doutes quant à la capacité du Québec souverain de continuer à utiliser le dollar canadien.

Le ministre des Finances confirme-t-il qu'il est du plus grand intérêt pour le Canada non seulement de constater mais de souhaiter qu'un Québec souverain continue d'utiliser le dollar canadien, et cela notamment pour maintenir sa valeur?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Non, monsieur le Président, pas du tout, mais ce n'est pas là la question. La question est la suivante: Comment se fait-il qu'un Québec qui veut être indépendant veuille, en même temps, utiliser non seulement l'argent d'un autre pays, mais ce faisant, il lui donne tout le contrôle et l'influence qu'un pays doit avoir sur sa politique monétaire.

C'est cela la situation délicate dans laquelle le Québec va se trouver, l'outil fondamental dont le Québec va se priver.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances reconnaît-il que la pire chose qui puisse arriver au dollar canadien, ce serait que les Québécois qui sont propriétaires de cet argent, qui l'ont gagné à la sueur de leur front, décident de se défaire massivement du quart de la masse monétaire qu'ils détiennent déjà, soit 100 milliards de dollars, alors que l'intérêt mutuel et le bon sens favorisent nettement une union monétaire?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, qu'est-ce que cela donnerait au Québec de se retrouver dans une position comme mettons la France par rapport à la Bundesbank ou la banque d'un autre pays?

Lorsque le Canada est en pleine croissance et s'il y a une décroissance au Québec, la politique monétaire sera établie au Canada au détriment des Québécois.

Dites-moi à quoi ça sert de devenir indépendant si on donne à d'autres les outils de l'indépendance? Ça ne sert à rien.

* * *

[Traduction]

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, malgré tous les beaux discours du gouvernement au sujet de la nécessité de réduire les dépenses de la SRC, le rapport du vérificateur général a révélé en juillet que cette société était encore trop dépensière et qu'elle gaspillait beaucoup d'argent.

Lundi, lorsqu'on a fait circuler un document traitant du rapport annuel de la SRC et révélant que les dépenses discrétionnaires ont augmenté de 50 millions de dollars l'an dernier, on peut s'imaginer dans quelle mesure les contribuables ont eu le sentiment d'avoir été arnaqués.

Que fait le ministre à cet égard?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député d'avoir posé sa première question en tant que porte-parole de son parti pour le patrimoine.

La direction de la SRC a entrepris un examen très sérieux de sa structure financière. Les médias en ont fait état. La direction veut


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réduire toute forme possible de gaspillage, accroître l'efficacité de la société et faire de celle-ci l'un des radiodiffuseurs les plus modernes et efficaces dans le monde.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, tous les jours, les cotes d'écoute de la SRC sont en baisse. La SRC dépense plus d'argent. Le président de la SRC a demandé au ministre de lui donner un mandat en vertu duquel il aurait toute latitude quant aux réductions à faire.

Quand le ministre prendra-t-il ses responsabilités et confiera-t-il ce mandat au président de la SRC?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait savoir que nous avons justement demandé à un groupe de trois personnes de faire des recommandations relativement à ce mandat. Son voeu sera donc exaucé. Entre-temps, la SRC est gérée de manière indépendante, comme chacun sait.

* * *

(1505)

L'ENVIRONNEMENT

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, en vertu des modifications que la Chambre des communes a apportées à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale l'an dernier, la ministre de l'Environnement doit créer un fonds de participation du public.

La ministre peut-elle nous dire ce qu'elle a fait pour que les Canadiens, qui s'intéressent sérieusement à une évaluation environnementale, puissent obtenir des fonds pour y participer?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je veux suivre les traces du précédent ministre de l'Environnement, qui est maintenant le chef de l'opposition et qui a déclaré ceci à la Chambre le 5 avril 1990: «L'évaluation des répercussions sur l'environnement relève très clairement de la compétence du gouvernement fédéral.»

Cette compétence n'est pas contestée et ne peut pas être contestée. Notre gouvernement est même allé plus loin. Nous avons inclus dans la loi le principe d'un fonds de participation. Au cours du dernier exercice, environ 860 000 $ ont été mis à la disposition du public pour qu'il puisse participer au processus d'évaluation environnementale défini dans la loi par l'ancien ministre de l'Environnement.

* * *

LES AFFAIRES INDIENNES

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, le ministre des Affaires indiennes a l'occasion de rassurer ceux qui croient que le processus de règlement des revendications territoriales des Indiens est trop lent, trop complexe et trop incertain.

Le ministre des Affaires indiennes a-t-il examiné le rapport de 1994-1995 de la Commission des revendications des Indiens et répondra-t-il de façon positive à sa première recommandation, soit l'établissement d'un nouveau processus indépendant pour le règlement des revendications territoriales?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'ai beaucoup de respect pour le travail de la Commission des revendications des Indiens. Un des engagements que nous avons pris dans notre livre rouge est de rendre le processus plus efficace et plus juste.

Le problème que j'ai, et le député est au courant, c'est de déterminer si nous devrions établir un système judiciaire où les décisions sont exécutoires, ou bien un système complexe, semblable à celui que nous avons maintenant, qui est basé sur la médiation, mais où il faut d'abord essuyer un refus de la part de la Commission des revendications des Indiens.

Cette question n'a pas encore été réglée par les chefs. Dès que ce sera fait, nous serons certainement prêts à donner suite à la recommandation de la Commission des revendications des Indiens.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune de M. Vassillis Geranidis, député de Salonique en Grèce.

Je voudrais également signaler aux députés la présence à notre tribune du ministre des Travaux publics et des Transports de Terre-Neuve, l'honorable John Efford.

Des voix: Bravo!

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Président: Quelqu'un soulève la question de privilège. Je l'entendrai avant les rappels au Règlement. La question de privilège est soulevée par le ministre du Développement des ressources humaines. Il faut normalement donner avis de son intention de soulever la question de privilège. Est-ce que la question de privilège découle de la période des questions?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, pendant la période des questions, la députée de Calgary-Sud-Est à fait des déclarations qui comportaient des allégations concernant mon comportement et me prêtaient des intentions, ce qui est contraire au Règlement de la Chambre dans les deux cas.

Les opinions peuvent varier considérablement à la Chambre des communes et les députés peuvent certainement s'interroger sur le bien-fondé politique des actions d'un de leurs collègues.

Je siège à la Chambre des communes depuis 24 ans et on ne m'a jamais prêté d'intentions de la manière dont la députée l'a fait. Je lui demande de se rétracter et de me présenter ses excuses car je n'ai rien fait de répréhensible, contrairement à ses allégations. Je demande à la députée de tirer les choses au clair.


14929

(1510)

Le Président: Avant de passer au leader à la Chambre du Parti réformiste, car un autre député a été mentionné, peut-être la députée de Calgary-Sud-Est voudrait-elle intervenir avant que je donne la parole au leader du Parti réformiste?

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, sauf le respect que je dois au ministre du Développement des ressources humaines, je pose le même genre de questions que celles qui ont été posées au ministre du Patrimoine canadien concernant le même genre d'irrégularités. La lumière doit être faite. Je n'ai donc pas l'intention de me rétracter ni de m'excuser.

Le Président: Pour la même question de privilège, je donne la parole d'abord au whip du gouvernement, puis au leader parlementaire du Parti réformiste.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais me reporter au paragraphe 409, alinéa 7) du Beauchesne en ce qui concerne les calomnies à l'endroit de personnes à la Chambre, ceci en plus des allégations de la députée à l'endroit d'une autre personne qui, selon elle, se serait prêtée à des activités criminelles dans ses relations avec un ministre de la Chambre. Ces deux choses combinées me portent à croire que les propos en question étaient non parlementaires et que la députée devrait se rétracter.

Je demande instamment au Président de prier la députée de retirer immédiatement ce qu'elle a dit, y compris les propos qu'elle a tenus dans la question dont il s'agit.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, à propos de cette question de privilège, j'aimerais attirer votre attention sur la question qui constitue la partie essentielle de l'intervention de ma collègue à la Chambre.

Il est clair que la députée de Calgary-Sud-Est a posé une question précise, à savoir y avait-il un rapport entre les deux actions. Il n'y avait là aucune insinuation et cette question ne faisait pas rejaillir le discrédit sur le député lui-même. Je vous demande, monsieur le Président, d'en tenir compte avant de rendre une décision finale.

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais, à titre de référence pour la Chambre, citer le commentaire 409 du Beauchesne auquel faisait allusion le whip du gouvernement:

En 1975, le président a exprimé certains principes généraux afin d'apporter des éclaircissements aux règles et de supprimer l'accent mis sur le caractère négatif des conditions imposées jusque-là, par tradition, à ceux qui entendaient poser des questions:
et l'alinéa 7)

La question doit respecter les convenances de la Chambre en ce qui a trait aux insinuations, à l'imputation de visées ou aux calomnies à l'endroit de personnes à la Chambre, ou même ailleurs.
Monsieur le Président, à mon avis, la députée de Calgary-Sud-Est a fait exactement ce qu'elle ne doit pas faire en vertu des lignes directrices établies par l'un de vos distingués prédécesseurs. La députée ne peut s'en tirer à bon compte en donnant une forme interrogative à une déclaration déplacée et devrait se rétracter.

(1515)

Le Président: Je fais remarquer à mes collègues que, depuis quelque temps, nous avons tendance à employer des termes de plus en plus forts au cours de la période des questions, tant dans les questions que dans les réponses.

Voici ce qui s'est passé exactement, selon moi. La députée a été avertie de prendre garde au choix des mots qu'elle employait dans la formulation de sa question. Une fois cette mise en garde faite, j'ai tout de même considéré que la question était recevable, et le ministre a répondu à cette première question.

À mon avis, la deuxième question était nettement irrecevable et j'ai agi en conséquence en ne laissant pas le ministre y répondre.

Un député soulève maintenant la question de privilège pour demander que la députée retire ses paroles. La députée a répondu qu'elle ne croyait pas que ses paroles imputaient des visées au ministre.

En tant que Président, j'ai l'impression que plus on se permettra une telle attitude en formulant des questions qui ne portent pas clairement sur les responsabilités administratives de ceux à qui elles s'adressent, plus on s'enfoncera dans un bourbier.

J'aimerais bien qu'il existe une solution toute faite. Je ne crois pas que ce soit là une question de privilège. Ma décision est prise. Toutefois, au nom de la civilité et de la bonne conduite à la Chambre, je me permets de demander à la députée de Calgary-Sud-Est de revenir sur sa décision. Même si je ne crois pas qu'elle ait voulu imputer des visées à son interlocuteur, parce que le choix des mots a pu donner cette impression, je me demande si elle n'accepterait pas de reconsidérer ses propos et de retirer ses paroles telles que formulées.

Je donne la parole à la députée de Calgary-Sud-Est.

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, puis-je vous demander une explication?

Des voix: Non.

Des voix: Rétractez-vous!

Le Président: J'ai dit clairement que ce n'était pas une question de privilège. Ma décision est prise. Toutefois, afin que tous les partis à la Chambre puissent s'acquitter de leurs responsabilités d'une façon courtoise je demande à la députée-que sa question soit recevable ou non, parce que j'ai entendu ce qu'elle a dit, biensûr, -de bien vouloir retirer ses paroles ou toute accusation qu'elle aurait pu faire. La députée accepterait-elle cela?


14930

(1520)

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, malgré tout le respect que je vous dois, comme ce n'est pas une question de privilège, je ne vais ni me rétracter ni retirer mes propos.

Le Président: Chers collègues, j'ai pris une décision sur une question de privilège et cette décision reste. Je regrette beaucoup que la députée n'ait pas retiré ce qu'elle a dit, mais je préfère qu'on en reste là.

Je vais maintenant passer à un autre point. S'il y a un autre rappel au Règlement, en dehors de celui-ci, je vais l'entendre. Pour le moment, je voudrais que nous en restions là.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

LANGAGE NON PARLEMENTAIRE

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement en vertu des commentaires 485 et 486 de Beauchesne qui concernent le langage non parlementaire et également le langage qui porte atteinte à la réputation des députés.

J'ai entendu très clairement les propos du député de Willowdale qui a qualifié la députée de Calgary-Sud-Est de «slimeball», non seulement une fois, mais deux fois, et peut-être même trois fois, à la Chambre.

La députée de Burlington s'était longuement inquiétée à la Chambre de l'atteinte à la réputation des députés, hommes ou femmes. Ce genre de remarque aurait une certaine signification pour un homme, mais adressée à une femme elle en a une autre que je n'accepte pas. Je demande que ce soit retiré et que le député soit réprimandé.

Le Président: Je dois dire que la présidence n'a pas entendu cela et je ne sais pas si ce sera consigné dans le hansard. Nous pouvons vérifier.

Vu qu'un autre député a été nommé à la Chambre, et a été nommé directement, je demanderais au député de Willowdale s'il a quelque chose à dire à propos de ce rappel au Règlement.

M. Jim Peterson (Willowdale, Lib.): Monsieur le Président, je suis coupable et je retire ce que j'ai dit. Je vous demande quelle autre expression pourrait mieux exprimer mon aversion avérée pour ce genre de question à la Chambre des communes.

Le Président: Je peux dire au député de Willowdale que je n'ai pas entendu toute la fin et que je ne veux pas vraiment l'entendre. Est-ce que le député pourrait se contenter de se lever et de retirer ce qu'il a dit? Il a dit qu'il était coupable. Est-ce qu'il retire ce qu'il a dit, simplement cela?

(1525)

M. Peterson: Absolument, monsieur le Président. Merci.

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, étant donné la décision que vous venez de rendre quant aux mots employés par le député de Willowdale, j'aimerais attirer votre attention sur le commentaire 484 du Beauchesne dont voici un extrait:

3) Le Président ne permet pas qu'un député, à la Chambre des communes, se laisse aller à des critiques contre la Chambre en tant qu'institution politique, prête des motifs indignes aux actes d'un ou de plusieurs députés dans un cas particulier . . .
Monsieur le Président, à la lumière de ce commentaire et de votre récente décision quant au langage utilisé par le député de Willowdale, j'invoque respectueusement le Règlement en demandant que vous appliquiez le même principe à la question posée par la députée de Calgary-Sud-Est, qui a proféré une calomnie indigne contre un député en cette Chambre.

S'il est juste de demander au député de Willowdale de retirer ses paroles et s'il est juste pour lui de le faire, j'affirme respectueusement qu'il serait tout aussi juste de demander à la députée de Calgary-Sud-Est d'en faire autant et qu'il serait juste qu'elle obtempère à cette demande, dans le même esprit de conciliation et de bonne volonté.

Le Président: Je l'avais demandé plus tôt et malgré tout le respect que je porte au leader du gouvernement et à tous les députés à la Chambre, je tiens à dire que cette situation est bien déplorable.

J'ai rendu une décision à cet égard et je la maintiens. La présidence tente, dans toute la mesure du possible, de tout entendre durant la période des questions. Malgré ma décision, j'ai permis au leader parlementaire de poursuivre son intervention.

Si les députés pouvaient s'abstenir d'utiliser le genre de langage qu'ils ont employé, je crois que tous les partis à la Chambre s'en porteraient mieux.

Je voudrais pour l'instant clore cette discussion concernant la députée de Calgary-Sud-Est.

Le whip du Parti réformiste veut aussi invoquer le Règlement.

LE COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, mon rappel au Règlement porte sur un sujet différent, vous n'en serez sans doute pas pour autant soulagé.

Il concerne le commentaire 371(2) de Beauchesne qui précise qu'un rappel au Règlement a trait à l'interprétation des règles de procédure et que la présidence statue en la matière.

La règle en question est énoncée dans Beauchesne au commentaire 765(3) qui précise que les partis politiques doivent être représentés dans les divers comités proportionnellement au nombre de sièges qu'ils détiennent à la Chambre. Par conséquent, le Bloc québécois et le Parti réformiste devraient chacun avoir trois représentants au comité des affaires publiques.


14931

Je me hâte de dire que je ne cherche pas à faire intervenir la présidence dans une affaire qui relève d'un comité, ce qui serait contraire au commentaire 168(7) de Beauchesne. Ce que je demande à la présidence, c'est de faire respecter les règles de cette Chambre, et plus particulièrement celle qui est énoncée par Beauchesne au commentaire 765(3). Permettre à certains de faire fi des règles ou de les interpréter de façon erronée, comme c'est le cas ici, revient à bafouer Beauchesne et la Chambre.

J'ai vainement essayé de faire respecter le commentaire 765(3) de Beauchesne par les deux autres whips et par le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Leur position est que la présidence du comité des comptes publics constitue un poste distinct. Par conséquent, le Bloc québécois devrait avoir quatre postes, dont la présidence, et le Parti réformiste trois.

(1530)

Nous prétendons que c'est une erreur étant donné que le commentaire 781 de Beauchesne indique seulement que le comité doit être présidé par l'opposition, pas par l'opposition officielle. Nous invoquons également le paragraphe 106(2) du Règlement qui ne dit mot à ce sujet.

Étant donné que je n'ai obtenu satisfaction ni du comité ni des whips, je demande à la présidence de faire respecter les règles de la Chambre, et plus particulièrement le commentaire 765(3) de Beauchesne, peut-être en invoquant le commentaire 764 pour communiquer avec le comité.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, au début de ses observations, mon collègue s'est reporté au commentaire 317 de Beauchesne pour réclamer l'intervention du Président dans ce cas-ci. Je voudrais rappeler au Président que mon collègue a peut-être cité le commentaire 317 de façon sélective. Voici ce qu'on dit au commentaire 317(2):

Le rappel au Règlement a trait à l'interprétation des règles de procédure. Le Président de la Chambre ou d'un comité statue en la matière.
En d'autres termes, à la lecture du commentaire complet, la présidence sait qu'il faut soulever cette question au comité et non à la Chambre.

En l'espèce, il s'agit de la composition des comités et la question a été signalée au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Le député y a prétendu qu'il devrait y avoir un membre supplémentaire de son parti politique au sein du Comité des comptes publics.

Dans sa sagesse, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a décidé qu'il était conforme à la coutume et à l'accord intervenu au début de cette législature que le parti détenant la présidence du comité ait un membre de moins pouvant participer au débat puisque, comme monsieur le Président le sait mieux que quiconque à la Chambre, la coutume veut que le président du comité ne participe pas trop fréquemment aux débats. C'est ce qui été convenu au début de la présente législature et au début de la législature précédente et de celle d'avant.

Pendant ces législatures précédentes et pendant la législature actuelle, l'opposition officielle, qui préside normalement le Comité des comptes publics, a un membre supplémentaire pour compenser le fait qu'elle a un membre de moins pour le débat.

Enfin, j'ai moi-même signalé au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre que si on ajoutait un autre membre d'un autre parti au Comité des comptes publics, on détruirait tout l'équilibre à l'intérieur du comité. On devrait alors ajouter deux autres députés libéraux au comité pour parvenir à l'équilibre qu'on doit avoir au départ en vertu de la règle invoquée par le député en question.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, je ne citerai pas Beauchesne, parce qu'on peut lui faire dire beaucoup de choses dépendant des articles que l'on choisit. Une chose est certaine, c'est que lorsque nous avons négocié, il y a deux ans, au début de ce Parlement, et avec deux whips plutôt quant au Parti réformiste, parce nous en sommes au troisième-le whip du gouvernement n'était pas là à ce moment-là mais vous y étiez-nous avons négocié, les trois whips d'alors, j'en faisais partie, et nous avons soumis différentes propositions quant au droit de parole, quant à la période des questions orales, à la période des déclarations et à la composition des comités. Le Bloc québécois a même offert à cette époque cinq vice-présidences au troisième parti qui les a refusées parce que ce n'était pas des vice-présidences à leur goût.

Maintenant, ils changent d'idée. Je veux bien, mais il n'en demeure pas moins que des votes enregistrés ont été pris dans chacun des comités. Un rôle spécifique est accordé à l'opposition officielle dans les traditions du parlementarisme britannique. Nous en sommes conscients. Je voudrais faire remarquer au député du troisième parti que le Parlement de Québec fonctionnait dès 1791; c'est un des plus vieux parlements au monde, selon les règles du parlementarisme britannique également.

Nous avons compris que nous étions le deuxième parti, parce que nous avions, en termes de députés, le deuxième total le plus élevé.

(1535)

Si je pouvais terminer un peu dans le silence et que la députée de Beaver River se taisait.

Monsieur le Président, nous avions compris, à ce moment-là. Aurions-nous été le troisième parti que nous aurions réglé très rapidement en fonction de ce qui existait dans la législature précédente. Il me semble que c'est ce qui va de soi. On a dit souvent au départ que le Bloc québécois venait ici pour bloquer les travaux. C'est plutôt le contraire; c'est le troisième parti, le Parti réformiste, qui bloque le fonctionnement de cette Chambre avec des recours au Règlement, en remettant en question le fonctionnement des comités. Je pense que tout était clair; ce parti est troisième. Si un jour c'est autre chose, ce sera autre chose. Il sera peut-être quatrième, mais, d'ici à ce temps-là, il est troisième.

14932

Entre-temps, appliquons ce qui existait et débattons donc des vrais choses, car il y a des problèmes importants au Canada et au Québec, plutôt que se battre sur des choses qui ont été refusées par ce parti il y a deux ans, et deux whips plus tôt.

[Traduction]

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais apporter des précisions dans ce débat, étant donné que j'étais le whip du Parti réformiste à l'époque dont parle le whip du Bloc.

Je croyais savoir que les négociations et la discussion des questions entre les whips étaient de nature confidentielle. Or, voilà que le whip du Bloc lance des accusations et dénature les faits relatifs à ces négociations. Je proteste. Ce n'est pas le genre de comportement que l'on attend de quelqu'un de bonne volonté.

Monsieur le Président, comme vous le savez puisque vous avez pris part à ces discussions, la conversation touchant les présidences et les vice-présidences des comités a tourné autour de notre affirmation selon laquelle le Bloc a obtenu une part disproportionnée du temps de parole à la période des questions. Afin d'atténuer ces objections, le Bloc a offert les vice-présidences de certains comités de moindre importance.

À notre avis, le temps de parole à la période de questions et la proportion des questions posées n'ont rien à voir avec les vice-présidences de comités. Telle était notre objection à l'époque. Elle vaut toujours et on ne devrait pas y voir, de notre part, un manque d'intérêt pour les vice-présidences de comités. Nous croyons simplement que ces genres de compromis ne conviennent pas.

La Chambre compte deux partis d'opposition, l'un qui veut démanteler le pays et l'autre qui aimerait bien qu'on s'attaque aux vrais problèmes de l'heure. Nous croyons que, dans ces circonstances, il y aurait lieu de faire preuve d'équité et d'un souci de parité. C'est pourquoi nous invoquons ici le Règlement.

Le Président: Nous voilà engagés dans un débat qui s'éternise. Permettez-moi de faire quelques observations.

Comme chacun sait, aux termes du paragraphe 104(1) du Règlement la composition des comités relève de la compétence du Comité des affaires de la Chambre, et c'est à la Chambre de prendre une décision à cet égard. Le commentaire 781 de Beauchesne fait allusion à une coutume ou un usage qui s'est peu à peu répandu. C'est la Chambre qui a le dernier mot. Il devrait continuer d'en être ainsi tant que la Chambre n'en aura pas décidé autrement.

Des députés demandent au Président de rendre une décision qui aurait pour effet de casser la décision qu'a prise la Chambre. Je ne crois pas que le Président en a le pouvoir. Le Président est un serviteur de la Chambre.

Par conséquent, j'estime humblement que cette affaire devrait être laissée entre les mains du Comité des affaires de la Chambre puisque, conformément au paragraphe 104(1) du Règlement, c'est lui qui a le pouvoir d'arrêter la composition des comités. C'est ainsi, à mon avis, qu'il convient de régler cette affaire.

(1540)

M. Silye: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je voudrais juste savoir si le barbecue aura toujours lieu ce soir.

Le Président: Oui, et vous allez avoir du président bien cuit.

______________________________________________


14932

AFFAIRES COURANTES

[Français]

DÉCRETS DE NOMINATIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer aujourd'hui en Chambre, dans les deux langues officielles, des décrets annonçant des nominations faites récemment par le gouvernement.

Conformément au paragraphe 110(1) du Règlement, ces décrets sont réputés avoir été renvoyés aux comités permanents indiqués en annexe.

* * *

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 22 pétitions.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je propose:

Que le nom du député Darrel Stinson soit ajouté à la liste des membres associés du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
Le Président: La Chambre consent-elle à l'unanimité à ce que le secrétaire parlementaire présente sa motion?

Des voix: D'accord.

Le Président: La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

14933

[Français]

JUSTICE ET QUESTIONS JURIDIQUES

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je désire présenter une autre motion.

Je crois que vous obtiendrez le consentement unanime de la Chambre pour la motion suivante. Je propose:

Que trois députés et deux membres du personnel du Comité permanent de la justice et des questions juridiques soient autorisés à se rendre à Winnipeg, au Manitoba, le dimanche 1er octobre et lundi 2 octobre 1995, afin de participer au Congrès canadien de justice pénale.
[Traduction]

Le Président: La Chambre consent-elle à l'unanimité à ce que le secrétaire parlementaire présente sa motion?

Des voix: D'accord.

Le Président: La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

* * *

PÉTITIONS

LES DÉLINQUANTS VIOLENTS

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, j'ai le privilège de présenter une pétition au nom de mes électeurs de Surrey-Nord.

Les pétitionnaires font allusion aux meurtres tragiques de Pamela Cameron, Jessie Cadman et Melanie Carpenter. Steve, le père de cette dernière, organise aujourd'hui un rassemblement sur la colline du Parlement pour la Journée nationale des victimes.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'exhorter le gouvernement à déposer une mesure législative visant à protéger les Canadiens contre les délinquants dangereux et à haut risque.

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter une pétition signée par des habitants de la circonscription de Halifax-Ouest qui demandent au gouvernement de ne pas modifier le processus actuel d'appel d'offres concernant le déménagement du ministère de la Défense nationale.

LES AGRESSEURS SEXUELS

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je prends la parole pour présenter une pétition signée par 138 résidents des quatre provinces du Canada atlantique.

Alors que le gouvernement du Canada a mis en application la Charte des droits et que les droits des agresseurs sexuels récidivistes passent avant les droits des enfants innocents, comme le montre le cas de Sarah Kelly, de The Pas, les pétitionnaires demandent humblement au Parlement de légiférer pour faire de la sécurité de nos enfants une priorité.

Les pétitionnaires demandent que la Charte des droits soit modifiée pour que les résidents soient informés lorsque des agresseurs sexuels récidivistes sont libérés dans la collectivité.

* * *

(1545)

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

* * *

[Français]

DEMANDES DE DOCUMENTS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que tous les avis de motions portant production de documents soient réservés.

Le Président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


14933

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.) propose: Que le projet de loi C-45, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le Code criminel, la Loi sur le casier judiciaire, la Loi sur les prisons et les maisons de correction et la Loi sur le transfèrement des délinquants, soit lu pour la troisième fois et adopté.

-Monsieur le Président, je suis heureux de proposer la troisième lecture du projet de loi C-45. Cette mesure vise à mettre à jour notre système correctionnel et de libération conditionnelle.

[Français]

Lorsque j'ai parlé la dernière fois du projet de loi C-45 pour amorcer le débat en deuxième lecture, j'ai signalé qu'il faisait partie d'un cadre stratégique d'initiatives concurrentes à la réalisation du programme de notre livre rouge et qu'il confirmait notre volonté d'assurer la sécurité de tous les Canadiens dans les lieux publics et privés.


14934

[Traduction]

C'est un objectif que le gouvernement prend très au sérieux. Au cours de l'année, le gouvernement a maintes fois donné des preuves de cette volonté.

Nous avons modifié la Loi sur les jeunes contrevenants pour répondre à un certain nombre de préoccupations qui avaient été exprimées à son sujet. En adoptant le loi C-41, nous avons modifié le processus de détermination de la peine pour mettre l'accent sur la protection du public, l'uniformisation des peines et les besoins des victimes.

Nous avons aussi fait de grands progrès en ce qui concerne le contrôle des armes à feu, le programme de protection des témoins et l'analyse de l'ADN. En outre, le gouvernement est à mettre au point un projet de loi concernant les délinquants à risque élevé, dont je parlerai plus longuement tout à l'heure.

De façon générale, nous voulons avoir un système correctionnel et de libération conditionnelle qui soit efficace. Il importe donc au plus haut point que nous examinions attentivement les problèmes soulevés et que nous cherchions des solutions concrètes susceptibles de produire les résultats voulus.

Certains délinquants violents ne pourront jamais devenir d'honnêtes citoyens. Pourtant, ce n'est pas en recourant plus souvent à l'incarcération pour d'autres types de délinquants et pour des périodes plus longues que nous assurerons la sécurité dans nos quartiers. L'expérience américaine le prouve certes.

Dans les cas où l'incarcération est jugée nécessaire par le tribunal, nous devons nous rappeler que la grande majorité des délinquants incarcérés pour une période déterminée réintégreront un jour ou l'autre la collectivité. Une mise en liberté qui survient à un moment propice de la peine et qui ne risque pas de compromettre la sécurité du public, un soutien et une surveillance pendant le reste de la peine de même que des programmes correctionnels adaptés semblent donc être des mesures qui assurent le mieux un comportement stable et honnête dans la société. J'estime que c'est ce qui, en dernière analyse, procure le plus de sécurité à long terme à nos collectivités.

(1550)

Le projet de loi C-45 est l'un des éléments de la solution du gouvernement à ces problèmes complexes que supposent l'existence d'un système de justice criminelle qui contribue à la protection de la population en général et à la sécurité de nos collectivités. Le projet de loi C-45 n'est pas à lui seul la solution définitive, mais je crois qu'il propose d'importantes réformes qui dénotent une progression.

Comme je l'expliquais devant la Chambre au cours du débat de deuxième lecture, le projet de loi prévoit trois grandes réformes. Il y a des cas où la protection de la population veut que le processus habituel de libération conditionnelle ne s'applique pas. Par conséquent, le projet de loi renforce le mécanisme de maintien en incarcération en répondant aux revendications de la population qui s'indigne de ce que les délinquants sexuels s'en prennent à des enfants, ce qui comprend des personnes de moins de 18 ans. Grâce à la loi, il sera beaucoup plus facile pour la Commission des libérations conditionnelles d'agréer à la demande du Service correctionnel et de garder ces personnes en prison jusqu'à la fin de leur peine. Dans les cas où il y a un risque qu'une nouvelle infraction soit commise contre un enfant, le délinquant peut s'attendre à purger la totalité de sa peine en prison sans aucune possibilité de libération conditionnelle.

Je répète que nous n'envisageons pas cette mesure parce que nous croyons que les infractions sexuelles contre les enfants sont plus graves que les infractions sexuelles contre les adultes, mais bien parce que les dispositions de la loi actuelle se sont révélées moins efficaces dans les cas mettant en cause des enfants.

Le deuxième élément de changement important du projet de loi concerne la crédibilité et la responsabilisation de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Au cours de la dernière année, il y a eu de nombreux changements dans les opérations de la commission. Le gouvernement a mis l'accent sur le recrutement de personnes ayant des connaissances et une expérience suffisantes. Je crois que les nominations qu'il a faites au cours de la dernière année le montrent clairement.

Les membres de la commission ont une tâche extrêmement difficile à accomplir, une tâche que peu d'entre nous ici serions disposés à assumer. Je crois que nous devrions louer leur dévouement, compte tenu des défis qu'ils ont à relever. La commission prend des milliers de décisions chaque année. Parfois, malgré la bonne volonté de chacun, il se produit des tragédies qu'on ne pouvait pas prévoir. Ce sont là des moments durs et sûrement très pénibles pour les personnes directement touchées.

Tous les efforts possibles sont faits et seront faits pour améliorer la qualité du processus décisionnel. À cette fin, la commission a récemment adopté un code de conduite ainsi que des normes de rendement. Elle a accordé une importance encore plus grande à la formation et à l'évaluation.

Le projet de loi C-45 prévoit que l'on peut examiner le rendement d'un membre de la commission et prendre des mesures de redressement quand des problèmes surgissent et qu'aucune autre mesure ne donne de résultats. Cette modification sera utile dans les cas où le rendement d'un membre de la commission tombe manifestement au-dessous des normes admises.

En vérité, je crois que la disposition en cause sera une réussite si l'on n'y recourt jamais. Cela peut paraître paradoxal, mais je le dis parce que si nous n'invoquons jamais cette disposition, ce sera la preuve que nous nommons des personnes de haut calibre, que nous leur fournissons la formation et le soutien nécessaires, et que des mesures correctives sont prises avant que des problèmes ne surgissent dans le rendement des membres de la commission, des problèmes qui obligeraient à invoquer la nouvelle disposition. Si la Chambre et le Sénat adoptent le projet de loi, et que celui-ci reçoit la sanction royale, comme je l'espère, la disposition pourra être invoquée en cas de besoin.

Le troisième élément de réforme dans le projet de loi est la disposition qui concerne la gestion des peines des délinquants qui


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commettent des crimes multiples ou qui récidivent au cours de leur peine, pendant qu'ils sont en liberté sous condition. Il est évident qu'il faut des dispositions plus rigoureuses pour ces criminels. Le projet de loi C-45 aidera à éliminer le risque que bon nombre de ces contrevenants deviennent immédiatement admissibles à la libération conditionnelle, comme cela arrive actuellement, même si on leur impose une nouvelle peine sévère.

(1555)

Le projet de loi C-45 corrigera dans une large mesure le problème de la confusion des peines, qui a été soulevé avec force préoccupations par de nombreuses organisations, y compris des corps policiers. J'espère que cela convaincra les députés d'appuyer le projet de loi.

Un quatrième élément de réforme contenu dans le projet de loi vise à donner à la Commission des libérations conditionnelles le pouvoir d'imposer des conditions de résidence aux contrevenants remis en liberté d'office qui sont susceptibles de commettre un crime avec violence, mais qui ne répondent pas aux critères permettant à la commission de les garder en détention jusqu'à la fin de leur peine à la demande du Service correctionnel du Canada. Il s'agit là d'un amendement apporté au projet de loi par le gouvernement au moment de l'étude article par article en comité pour donner suite aux recommandations formulées par l'Association canadienne des policiers, par la commission d'enquête Stephenson et par le comité permanent lui-même.

Le projet de loi C-45 a été l'un des premiers à suivre la nouvelle voie que j'ai proposée au Parlement et qui a été adopté au début de 1994. Je veux parler ici du renvoi au comité avant la deuxième lecture.

Le Comité permanent de la justice et des questions juridiques a consacré beaucoup de temps et d'efforts à l'examen du projet de loi. En un peu plus de trois mois, il a entendu plus de 60 témoins, qui avaient des opinions à exprimer sur ce projet de loi ainsi que sur le projet de loi C-41, qui concerne la détermination de la peine. Ces témoins représentaient 32 organismes, dont des groupes de défense des droits des victimes, des organismes policiers, des groupes professionnels, des groupes de femmes, des organismes autochtones ainsi qu'un éventail d'organismes bénévoles.

Au cours de l'examen article par article et de l'étude à l'étape du rapport à la Chambre, la semaine dernière, on a débattu un éventail beaucoup plus vaste de motions qu'on ne l'aurait fait vraisemblablement quand l'examen se faisait en comité seulement après la deuxième lecture.

Certains députés ont peut-être été déçus de voir que toutes les motions qu'ils avaient présentées n'ont pas été adoptées, mais ce nouveau processus a permis aux députés de discuter de questions qui, sans cela, auraient tout simplement été jugées irrecevables. Je remercie les membres du comité de la justice pour leur travail et je tiens à signaler que, au moins, certaines des propositions formulées par les députés, y compris les députés de l'opposition, ont été acceptées par le gouvernement.

J'ai mentionné, au début de mon discours, plusieurs autres mesures législatives importantes que le gouvernement a présentées pour que les Canadiens se sentent plus en sécurité dans leur foyer et dans les rues. Comme mon secrétaire parlementaire l'a mentionné à la Chambre la semaine dernière, le gouvernement a fait des progrès importants au cours des deux dernières années pour protéger le droit fondamental qu'ont tous les Canadiens de vivre dans des collectivités paisibles et sûres.

Je vais terminer mes remarques en mentionnant certaines initiatives qui ont été prises en dehors du cadre législatif.

En novembre dernier, j'ai annoncé l'instauration d'un système national fondé sur des améliorations apportées au Centre d'information de la police canadienne, le CIPC. Cette initiative servira à mettre à la disposition de différents organismes, partout au pays, de l'information susceptible de les aider à repérer les personnes reconnues coupables d'infractions d'ordre sexuel parmi celles qui s'offrent pour travailler auprès des enfants. Ces améliorations apportées au CIPC permettent maintenant aux organismes de scruter plus à fond les antécédents des personnes qui posent leur candidature pour effectuer du travail rémunéré ou bénévole auprès d'enfants ou d'autres personnes vulnérables.

Le gouvernement s'est engagé dans son livre rouge à prévenir que des enfants soient exploités sexuellement par des personnes en qui ils ont confiance, et il a respecté cet engagement. Les modifications nécessaires ont maintenant été apportées au CIPC, mais, comme je l'ai déjà dit, ces mesures ne deviendront vraiment efficaces que si les organismes qui travaillent avec les enfants sont mis au courant des changements, sont sensibilisés à la nécessité de scruter les antécédents des postulants de façon générale et se servent du nouveau système. Nous avons un rôle de leadership à jouer et une aide à apporter pour que cela se réalise.

Avec la collaboration des ministères de la Justice et de la Santé et de l'Association canadienne des centres d'action bénévole, nous nous affairons à produire des documents d'information et à donner aux organismes bénévoles d'un bout à l'autre du pays de la formation sur la sélection des bénévoles et des employés appelés à travailler auprès d'enfants et d'autres personnes vulnérables. Ces mesures nous aideront à faire comprendre aux gens qu'il importe de vérifier les antécédents pour protéger les enfants. C'est un but que nous partageons tous, j'en suis certain.

(1600)

Un autre bon exemple de ce genre de collaboration est le travail qui a récemment été effectué relativement aux délinquants à risque élevé. En janvier dernier, le ministre de la Justice et moi-même avons rencontré nos collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux à Victoria pour discuter du rapport de notre groupe de travail sur les délinquants à risque élevé.

[Français]

Non seulement avons-nous réussi à obtenir un consensus sur les recommandations formulées dans ce rapport en matière de justice pénale, mais nous avons également eu l'occasion de rencontrer ensemble des représentants des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la santé.


14936

[Traduction]

Nous avons donc pu avoir une discussion franche et utile sur les questions qui recoupent les domaines traditionnels de la justice pénale et de la santé mentale.

Nous devons considérer le problème des délinquants à risque élevé de façon globale. Cela signifie qu'il faut chercher des solutions qui font appel aux éléments des systèmes fédéraux, provinciaux et territoriaux.

Je crois qu'il a été utile que le groupe de travail examine l'ensemble du système. Il s'est penché sur les stratégies qui interviennent au tout début, aussi bien que sur les situations où les délinquants s'apprêtent à réintégrer la société. Dans le rapport, le groupe de travail a souligné la nécessité d'améliorer les mesures au début du processus pour que moins de problèmes surgissent en bout de ligne, quand le détenu est sur le point d'être mis en liberté, et les ministres ont appuyé cette position.

La mise en oeuvre des recommandations du rapport est en cours, et nous continuerons d'y faire participer pleinement nos partenaires provinciaux.

Certains éléments du rapport ont besoin d'être examinés plus en profondeur avant d'être mis en oeuvre, mais d'autres ont pu faire l'objet d'un suivi plus immédiat. Par exemple, j'ai récemment annoncé la mise en application d'un système de repérage qui aidera les procureurs à déterminer quels délinquants seraient susceptibles d'être déclarés dangereux.

La Chambre se souviendra que si, au moment de la condamnation, le tribunal détermine que l'accusé est dangereux, cette personne peut être emprisonnée indéfiniment. Dans un pays aussi étendu que le Canada, où il n'y a pas de réelles entraves à la mobilité, il n'est pas toujours facile pour un procureur qui se trouve à un bout du pays d'avoir accès à toute l'information qui pourrait avoir une incidence sur la façon de mener les poursuites dans un cas particulier. Le système de repérage, qui est lui aussi relié au Centre d'information de la police canadienne, nous aidera à assurer cet accès à l'information.

De même, est actuellement en cours un projet de recherche, celui des dossiers de la Couronne. Ce projet fournira de l'information concrète sur les facteurs qui peuvent être d'importants prédicteurs de la dangerosité et qui déterminent si l'on réussira ou non à faire déclarer un délinquant dangereux.

Le ministre de la Justice et moi-même sommes en outre à mettre au point des modifications législatives de façon à ce qu'il soit plus facile pour les procureurs de la Couronne d'invoquer les dispositions actuelles du Code criminel pour faire déclarer un individu «délinquant dangereux». Une des modifications clés consisterait à faire de la peine d'emprisonnement d'une durée indéterminée la seule peine pouvant être imposée aux personnes que les tribunaux ont déclarées «délinquants dangereux». Une autre prévoirait le recours à de nouvelles évaluations présentencielles du risque qui remplaceraient l'exigence selon laquelle le tribunal doit entendre la preuve de deux psychiatres, l'un pour la poursuite et l'autre pour la défense.

Une autre modification importante que nous envisageons d'apporter au Code criminel, conformément aux recommandations du groupe de travail, est la création d'une nouvelle catégorie de délinquants auxquels les tribunaux pourraient imposer une surveillance de longue durée d'au plus 10 ans, consécutive à la peine d'emprisonnement.

En mai dernier, M. Allan Rock et moi-même avons organisé un forum et invité des spécialistes des domaines constitutionnel et juridique, y compris des personnes qui travaillent auprès des corps policiers et des groupes de victimes, pour explorer la question des délinquants toujours considérés comme dangereux à la fin de leur peine. Le forum s'est révélé très productif et les observations qui y ont été faites nous aident à examiner certaines préoccupations fondamentales, telles que la question constitutionnelle, ainsi que la question de savoir comment nous pouvons identifier les délinquants qui risquent le plus de récidiver avec violence.

Nous travaillons à la conception de mesures législatives visant à régler cet important et troublant problème des délinquants présentant un risque élevé de récidive avec violence.

(1605)

Il faut admettre le système de justice pénale est un système. Les activités et événements qui se déroulent dans l'une de ses parties ont des répercussions sur toutes les autres.

[Français]

Une application plus rigoureuse de la loi impose un fardeau plus lourd aux tribunaux et aux services correctionnels. Les politiques en matière de poursuite peuvent faire augmenter ou diminuer le nombre de délinquants qui iront en prison ou serviront leur peine dans la société et l'existence de programmes communautaires peut déterminer ce que les tribunaux considéreront comme des peines réalistes.

[Traduction]

Des mesures qui peuvent être perçues comme positives à un endroit peuvent avoir des effets secondaires non voulus. Il est clair que le système de justice pénale est extrêmement complexe. De plus, ses différentes composantes relèvent de ministères et de paliers de gouvernement différents.

Néanmoins, c'est vraiment là un système qui a de meilleures chances de bien fonctionner s'il est bien intégré et coordonné. Il est évident que tous les paliers de gouvernement et tous les éléments du système, ainsi que les groupements de promotion sociale, les associations de policiers et les groupes de victimes doivent collaborer entre eux. C'est l'une des raisons qui expliquent pourquoi le gouvernement a créé, l'an dernier, un conseil national de la prévention du crime.

Je crois que nos premières démarches ont contribué à améliorer le système de justice pénale dans l'intérêt de tous les Canadiens ces dernières années. Je remercie les députés de tout le travail qu'ils ont accompli dans le domaine de la justice pénale et j'espère que nous pourrons poursuivre notre bonne collaboration.

J'exhorte les députés à adopter rapidement et intégralement ce projet de loi à l'étape de la troisième lecture afin que ses mesures bénéfiques et toutes ses composantes prennent effet sans trop tarder et que tous les Canadiens puissent être davantage en sécurité chez


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eux et dans les rues et que leurs enfants et eux jouissent d'une meilleure qualité de vie.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, au printemps dernier, nous avons débattu en cette Chambre du projet de loi C-41 sur la détermination de la peine. Ce projet de loi a reçu la sanction royale le 13 juillet dernier. Le projet de loi C-45 est le cousin législatif de C-41. Il s'inscrit dans une suite logique du projet de loi sur la détermination de la peine. L'un ne peut fonctionner sans l'autre, au risque de faire perdre toute cohérence à notre système de justice pénale.

Le projet de loi C-41 est maintenant devenu une sorte de carte routière de la magistrature en matière de sentence. Le projet de loi C-45 tente de faire de même pour les membres des commissions de libérations conditionnelles. Il s'agit d'une route à suivre, d'un modus operandi à respecter.

Voilà donc qu'aujourd'hui, le projet de loi C-45 franchit une nouvelle étape vers son adoption, soit celle de la troisième lecture en cette Chambre. Ce projet de loi a de l'ampleur, car il modifie la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le Code criminel, la Loi sur le casier judiciaire, la Loi sur les prisons et les maisons de correction et, enfin, la Loi sur le transfèrement des délinquants.

Le projet de loi C-45 ne réforme pas les grands principes qui gouvernent la détention des délinquants et c'est bien dommage. Cependant, le projet de loi C-45, malgré des lacunes évidentes, est un petit pas dans une direction qui s'impose. Le Bloc québécois a toujours eu à coeur la protection du public, et en particulier celle des enfants victimes d'agression sexuelle.

Cette protection nécessite une approche plus rigide en matière de libérations conditionnelles, du calcul de l'admissibilité lors de sentences consécutives ou concurrentes et des conditions nécessaires à la libération des détenus. Un coup de barre s'impose et le projet de loi C-45 n'offre qu'un bien trop minime changement de cap.

Les efforts en vue de réhabiliter les délinquants ne doivent plus s'effectuer aux dépens de la sécurité publique. Le solliciteur général a contracté l'habitude contagieuse de son homologue de la Justice, celle du compromis.

(1610)

Le gouvernement libéral, dans son livre rouge, promettait une plus grande protection de la population. Or, le projet de loi C-45 est silencieux en ce qui a trait à la protection d'une catégorie précise de victimes.

Je m'explique. Le projet de loi modifiera les critères qui servent à déterminer si l'auteur d'un crime à caractère sexuel contre un enfant doit purger sa peine au complet. Actuellement, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition permet à la Commission nationale des libérations conditionnelles de garder en prison des auteurs de crimes à caractère sexuel et d'autres criminels dangereux, jusqu'à la fin de leur sentence s'ils risquent de commettre un délit entraînant la mort ou causant un préjudice grave après leur remise en liberté.

Lorsque les victimes de crime sont des enfants, le préjudice grave peut ne pas apparaître avant un certain nombre d'années. La victime peut être trop jeune pour bien exprimer les répercussions des actes qu'elle a subis. Il est donc difficile pour la Commission des libérations conditionnelles de prouver qu'un enfant a subi un préjudice grave pour justifier le maintien en détention d'un criminel.

Le projet de loi C-45 à son article 42, permettra que dans le cas d'une infraction d'ordre sexuel contre un enfant, la Commission nationale des libérations conditionnelles n'ait pas à établir la réalité ou la probabilité du dommage. Il lui suffira d'être convaincue de la probabilité d'une infraction d'ordre sexuel contre un enfant avant l'expiration légale de la peine.

En d'autres mots, si la Commission est convaincue que le risque est trop grand, le prévenu est maintenu derrière les barreaux. Le fardeau de la preuve est substantiellement réduit.

Comme je le disais un peu plus tôt, il s'agit d'un petit pas dans la bonne direction. En effet, la mesure ne vise que les délinquants sexuels dont les victimes sont des enfants.

Qu'en est-il des femmes adultes agressées sexuellement? N'ont-elles pas droit à la même protection? Lorsqu'on parle de l'évaluation des dommages, se pourrait-il que le préjudice réel n'apparaisse que bien des années plus tard pour les femmes aussi? Si l'individu s'est attaqué à une femme, il pourra obtenir plus facilement sa libération que s'il s'est attaqué à un enfant.

Toute la population a besoin de protection, les enfants bien sûr, mais aussi ces autres victimes d'abus sexuels que sont les femmes. Le solliciteur général devrait relire le préambule du projet de loi C-72 au sujet du problème que posait la défense d'intoxication en matière notamment d'agression sexuelle. La victime dans l'affaire Daviault était âgée de 67 ans au moment de l'agression.

Pour son bénéfice et pour celui de ceux qui ont encore une fois ignoré les femmes victimes d'agressions sexuelles, voici ce que dit le préambule, de ce qui est maintenant devenu le chapitre 32 des Lois du Canada de 1995, et je cite: «Attendu: que la violence au sein de la société canadienne préoccupe sérieusement le Parlement du Canada; que le Parlement du Canada est conscient que la violence entrave la participation des femmes et des enfants dans la société et nuit gravement au droit à la sécurité de la personne et à l'égalité devant la loi que leur garantissent les articles 7, 15 et 28 de la Charte canadienne des droits et libertés; ( . . . ) que le Parlement du Canada entend promouvoir et assurer la protection des droits que les articles 7, 11, 15 et 28 de la Charte canadienne des droits et libertés garantissent à tous, notamment aux victimes et aux victimes potentielles des actes de violence.»

Voilà ce que ce gouvernement apporte à la population. Des mots creux, qui n'ont de sens que dans les esprits libéraux frappés de nombrilisme aigu.

Le gouvernement libéral se targue de vouloir protéger les victimes et les victimes potentielles, mais lorsque l'on voit les moyens qu'il préconise à cet effet, on constate que ce gouvernement continue à se payer notre tête.


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(1615)

Je demande au solliciteur général d'aller réciter ce magnifique préambule à des femmes victimes d'agression sexuelle. Je crois qu'il aurait une oreille très attentive.

Ce qu'une victime d'agression se doit de recevoir du solliciteur général, c'est l'assurance que son agresseur restera le plus longtemps possible derrière les barreaux et ne pas venir la hanter à cause d'une libération prématurée.

Ce que le solliciteur général lui dit aujourd'hui, c'est qu'elle n'aura pas la même protection que doit lui accorder la loi parce qu'elle était majeure au moment où elle a été agressée sexuellement.

En 1994, 31 690 affaires d'agression sexuelle ont été signalées au pays. Les victimes se répartissaient de la façon suivante: environ le tiers des victimes d'agression sexuelle avait moins de 12 ans, un autre tiers était âgé de 12 à 17 ans. Ce qui nous laisse plus de 10 000 victimes d'âge adulte. N'ont-elles pas, elles aussi, droit à la même protection? Est-ce que le solliciteur général aura finalement le courage d'avouer que sa promesse «d'une sécurité accrue dans les foyers et dans les rues» ne s'applique qu'à une catégorie de victimes et pas aux autres?

Le solliciteur général confiait à cette Chambre le 20 septembre 1994, et je cite: «Quant au projet de loi lui-même, je dirai qu'il est important, car il répond à des problèmes considérables de protection de la population à l'égard du système correctionnel et de la mise en liberté sous condition. Ce sont là des problèmes que le gouvernement a aussi promis de régler dans son livre rouge, dans le cadre de son programme visant à ce que les Canadiens soient plus en sécurité chez eux et dans la rue. Avec ce projet de loi, nous tenons promesse.»

Quand le solliciteur général affirme que son gouvernement a tenu promesse, je me demande à quelle promesse il fait référence. Certainement pas celle qui veut que tous et toutes puissent avoir droit à la même protection chez eux et dans la rue. Cette promesse-là, son gouvernement ne l'a pas tenue. Le projet de loi C-45 n'est que le premier balbutiement d'une solution.

Je n'accorderai au solliciteur général que la note de passage, car ce n'est pas la seule lacune dont souffre le projet de loi.

Le solliciteur général promettait toujours, le 20 septembre 1994, et je le cite: «Nous accroîtrons aussi la disponibilité des traitements offerts aux auteurs de crimes à caractère sexuel au sein de la collectivité et dans les pénitenciers.»

Théoriquement, la réinsertion graduelle et sous surveillance au sein de la collectivité, de même que des services d'aide et de soutien constituent, selon certains, les moyens les plus sûrs de remettre les criminels en liberté. Je dis bien théoriquement, car si le délinquant refuse les traitements auxquels il devrait se plier, il risque de demeurer une bombe qui n'attendra qu'une libération prématurée pour pouvoir exploser.

En effet, une autre grande lacune du projet de loi C-45 est le fait d'être silencieux sur les traitements que devrait subir l'individu trouvé coupable d'agression sexuelle, non seulement à l'égard d'un enfant mais de toute victime adulte. Il est faux de prétendre qu'en augmentant la disponibilité des traitements offerts l'on réussira du coup à diminuer les chances de récidives.

Je m'explique. L'actuelle Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoit, à son article 88, que l'administration de tout traitement est conditionnelle et subordonnée au consentement libre et éclairé du détenu, et je cite, «lequel peut refuser de le suivre ou de le poursuivre».

Les traitements dont il est question comprennent le traitement des troubles de la pensée, de l'humeur, de la perception, de l'orientation ou de la mémoire qui altèrent considérablement le jugement, le comportement, le sens de la réalité ou l'aptitude à faire face aux exigences normales de la vie.

Dans la majorité des cas, ces traitements visent des troubles de comportement qui sont la raison même de l'incarcération du délinquant.

(1620)

Or, si ces traitements demeurent facultatifs et subordonnés au bon vouloir du détenu, celui qui refuse les traitements refuse de changer son comportement, et à sa libération cet individu n'aura pas changé d'un iota.

Le silence du projet de loi C-45 sur ce sujet est pour le moins troublant. Rester muet quand il s'agit de s'attaquer au coeur du problème et pavoiser en prétextant que l'on tient promesse, voilà une attitude dont le présent gouvernement a fait sa devise. Car en matière de sécurité publique, le solliciteur général n'a certainement pas livré la marchandise.

Nous sommes en droit de nous questionner sur le silence du projet de loi C-45. Ses dispositions touchent plusieurs milliers de détenus qui se retrouvent en liberté dans nos communautés.

À titre d'exemple, la libération conditionnelle totale a été octroyée en 1993 à 10 317 détenus par les commissions nationale et provinciales des libérations conditionnelles. La libération conditionnelle totale est une forme de mise en liberté sous condition octroyée à la discrétion des autorités en matière de libération conditionnelle qui permet à un contrevenant de purger dans la collectivité une partie de la peine d'emprisonnement qui lui a été infligée.

Les commissions des libérations conditionnelles sont des tribunaux administratifs investis de pouvoirs en matière d'octroi, de refus, de modification, de cessation ou de révocation de libération conditionnelle à l'égard des détenus.

Le projet de loi C-45 comble ici une lacune que j'ai décriée maintes fois en cette Chambre. Il existe un pouvoir de surveillance général de la Cour fédérale sur la Commission nationale des libérations conditionnelles. Ce n'est pas suffisant. Il fallait que certains mécanismes de sauvegarde soient élaborés à même la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Le projet de loi C-45 prévoit enfin des sanctions disciplinaires et des mesures correctives à l'encontre des commissaires qui n'agiraient pas selon les règles de l'art avec compétence et diligence.

Le nouvel article 155.2 édicte que le président de la Commission peut recommander qu'une enquête soit effectuée sur un de ses membres. L'enquêteur fait rapport au solliciteur général et peut recommander la révocation, la suspension sans traitement s'il est


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d'avis que le membre en question est inapte à remplir utilement ses fonctions à cause par exemple d'un manquement à l'honneur ou à la dignité ou encore un manquement aux devoirs de sa charge.

La Commission nationale des libérations conditionnelles est un tribunal administratif investi de pouvoirs discrétionnaires imposants, le solliciteur général se devait d'appuyer nos revendications répétées. Pour une fois, le message s'est rendu de l'autre côté de cette Chambre.

Les réformistes quant à eux ne laissent présager rien qui vaille. Ils continuent de bomber le torse et se prennent pour les gladiateurs de l'arène parlementaire.

C'est facile de jouer au cow-boy quand vient le temps de parler de libération conditionnelle. Nos cow-boys de l'Ouest nous le rappellent chaque jour par leurs sorties tonitruantes sur des cas d'espèces qui malheureusement, j'en conviens, touchent encore trop souvent des victimes et leurs familles. C'est facile de se faire du capital politique sur leurs dos.

Nous avons compris que notre système de justice pénale n'est pas parfait et qu'il y aura toujours place à amélioration. Dans le cas qui nous préoccupe aujourd'hui, le projet de loi C-45 comporte certaines lacunes mais néanmoins il constitue un départ dans une direction que le Bloc a toujours préconisée.

Pour nos cow-boys de la réforme, il vaudrait mieux balancer tout le système pour rendre justice aux victimes. Le «Wild West» a une façon de faire bien à lui. Le député de Wild Rose en est l'exemple le plus criant. Lors du débat à l'étape du rapport, il invitait le secrétaire parlementaire du solliciteur général à visiter sa circonscription et à exposer les idées du gouvernement eu égard au projet de loi C-45. Il s'est exprimé en ces termes, et je le cite: «Si vous voulez vendre à mes électeurs de Wild Rose toutes vos merveilleuses solutions pour combattre le crime, venez, je vous souhaite bonne chance. Si vous pensez que j'ai une grande gueule, attendez de rencontrer les gens de ma circonscription.»

(1625)

Comme on peut le constater, les réformistes ont la science infuse et savent ce qui est bon pour le Canada. Voilà une raison de plus de vouloir se distinguer en tant que Québécois. Le Québec se distingue par son approche et ses méthodes, car il ne fait pas face à la même clientèle criminalisée. Les résultats probants démontrent que nous sommes sur la bonne voie et devrions servir d'exemple.

Le Québec, en 1994, a connu, au Canada, le taux le plus faible de crimes avec violence toutes catégories, incluant les agressions sexuelles, les voies de fait et les enlèvements. De même, le Québec a également la position enviable d'être bon dernier quant à d'autres infractions du Code criminel, notamment la violation des conditions de liberté sous caution, les crimes contre l'ordre public, les crimes d'incendie, la prostitution et les armes offensives.

Les solutions de l'Ouest ne conviennent pas au Québec. Le peuple québécois est un peuple pacifique. Il préconise le civisme, la tolérance et des solutions équilibrées à ses préoccupations légitimes en matière de sécurité publique. Le projet de loi C-45, quoique imparfait, mérite l'appui du Bloc québécois.

[Traduction]

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, je ne sais pas d'où la députée qui vient de prendre la parole tire ses informations au sujet de l'ouest. Elle voudrait peut-être visiter cette région. Je vis dans l'ouest et je ne correspond en rien à la description qu'elle a donnée à la Chambre. Je suis un peu stupéfaite par ce genre d'étiquetage simpliste. Cependant, la députée aura peut-être l'occasion de voir d'autres régions du pays un jour.

Nous discutons aujourd'hui du projet de loi C-45. Il a été présenté à la Chambre, a été examiné par un comité et en est maintenant à l'étape de la troisième lecture, ce qui signifie que, s'il franchit cette étape, il aura force de loi sous peu. Je voudrais donc faire une certaine analyse de ce projet de loi et voir s'il pourrait être amélioré.

Comme la Chambre le sait, le Parti réformiste a proposé de nombreux amendements à ce projet de loi, mais aucun n'a été accepté par le gouvernement. À notre avis, le projet de loi qui vise à rendre notre système de justice et notre système correctionnel plus efficaces, notamment pour ce qui est de la protection du public, aurait atteint son objectif beaucoup plus facilement grâce à ces amendements. Comme la plupart des députés le savent, l'an dernier, 78 bénéficiaires d'une libération conditionnelle ont récidivé. Ces gens ont tué des innocents, ils en ont terrorisé d'autres et sont entrés sans invitation dans leur domicile et leur vie.

Les Canadiens demandent depuis des mois l'adoption de mesures concrètes et rigoureuses pour enrayer cette situation. Nous étions donc impatients de voir si le projet de loi C-45 avait justement cet effet. Nous avons malheureusement constaté qu'il n'en était rien.

Le projet de loi C-45 est très technique. Il comprend beaucoup de détails administratifs sur le transfert des détenus, le calcul des peines et la façon de déterminer si quelqu'un est admissible à une libération conditionnelle ou non. Le projet de loi comporte cependant de sérieuses lacunes. Il convient de signaler que le ministère du Solliciteur général a examiné un projet de loi semblable pendant la dernière législature, sous le gouvernement conservateur. Les libéraux en présentent maintenant une version édulcorée, qui n'est pas aussi efficace ni aussi rigoureuse que l'originale. C'est extrêmement regrettable.

À notre avis, de nombreuses dispositions du projet de loi actuel auraient pu être beaucoup plus rigoureuses et avoir beaucoup plus de mordant. Nous aurions aimé que le gouvernement écoute ces propositions, mais il ne l'a malheureusement pas fait.

(1630)

Prenons par exemple le cas des personnes qui commettent des infractions pendant qu'elles sont en liberté conditionnelle. Les détenus qui bénéficient d'une libération conditionnelle n'ont pas à purger la totalité de leur peine et ont la chance de réintégrer la société et de redevenir d'honnêtes citoyens. Le projet de loi ne contient aucune disposition qui obligerait ceux qui abusent du


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privilège qui leur est accordé à purger le reste de leur peine plus la totalité de la peine qui leur serait imposée pour la nouvelle infraction commise. Même s'ils abusent des privilèges et des chances qui leur sont accordés en tant que libérés conditionnels, ils sont quand même admissibles à une autre libération conditionnelle pour leur seconde infraction. Nous ne sommes pas du tout d'accord.

Lorsque des délinquants montrent une première fois qu'il n'ont aucun respect pour le privilège que constitue la libération conditionnelle, qui leur offre la chance de ne pas purger la totalité de leur peine, pourquoi devraient-ils bénéficier d'un traitement aussi clément à leur seconde infraction? Combien de fois devront-ils être condamnés et bénéficier d'une libération anticipée avant que nous montrions que nous prenons très au sérieux les violations qu'ils commettent contre les droits des autres?

Le projet de loi ne contient aucune disposition en ce sens. Il aurait également dû exiger que tous les délinquants dangereux jugés capables de récidiver purgent la totalité de leur peine.

En tant que porte-parole en matière de justice, nous avons visité des prisons ces dernières semaines pour mieux connaître les divers aspects du système judiciaire. Lorsque je rencontre les administrateurs de prison, les représentants des gardiens et des détenus, j'aime leur poser la question suivante: «S'il y avait une chose que vous pouviez changer dans notre système judiciaire, quelle serait-elle?» La réponse s'accompagnait souvent d'une requête ou d'une supplication.

Les cadres et les employés dans les prisons savent bien qui parmi les détenus va probablement récidiver. Ils connaissent bien les détenus. Ils les côtoient chaque jour. Ils connaissent leurs attitudes et savent ce qu'ils pensent. Ils savent comment ces gens réagissent. Ils savent comment ils réagissent aux chances qui leur sont données. Ils disent: «Que l'on garde derrière les barreaux les personnes dont on sait pertinemment qu'elles vont récidiver.»

Ce projet de loi était une occasion en or pour le gouvernement de prévoir une disposition en ce sens. Le gouvernement ne l'a pas fait. Il ne l'a pas fait et n'a pas appuyé l'amendement en ce sens proposé par les réformistes.

Que des administrateurs et des gardiens de prison nous disent qu'il faut garder derrière les barreaux les personnes qui sont une menace pour la collectivité, et que notre gouvernement réponde: «Non, ça va. Qu'on les remette en liberté!», quelque chose ne va pas dans notre système judiciaire. Pas étonnant que les gens qui travaillent au sein du système soient tout aussi frustrés que les citoyens et les victimes de récidivistes.

D'autres personnes ont mentionné le problème de l'agression sexuelle qui n'est pas considérée en soi comme posant une menace ou un danger pour des adultes. Le paragraphe 129(3) du projet de loi stipule que la Commission des libérations conditionnelles peut ordonner qu'un délinquant ne soit pas mis en liberté avant l'expiration légale de sa peine si elle est convaincue que s'il est mis en liberté, le délinquant en question commettra soit une infraction causant un dommage grave à une autre personne, soit une infraction d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant.

La différence faite dans ce paragraphe entre une infraction causant un dommage grave à une autre personne et une infraction d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant ne nous plaît absolument pas. Nous aurions pensé que les délinquants dont on estime probable qu'ils vont commettre une agression d'ordre sexuel à l'égard de qui que ce soit devraient au moins purger la totalité de leur peine sans se voir accorder de mise en liberté, voire rester en prison indéfiniment comme nous l'avons proposé.

(1635)

Les infractions sexuelles commises contre des enfants sont les seuls crimes qui puissent avoir pour effet d'obliger leur auteur à purger la totalité de la peine. Nous nous interrogeons à ce sujet. Le gouvernement clame bien fort qu'il se veut prévenant et compatissant, surtout pour les femmes, mais il dit ensuite que les infractions sexuelles commises contre une femme adulte ne sont pas nécessairement considérées comme ayant causé un dommage grave. Il faut prouver qu'une infraction sexuelle commise contre une femme adulte entraîne un dommage grave.

Toute infraction sexuelle commise contre une femme, que celle-ci ait 8 ou 80 ans, lui cause par définition un dommage grave. Je suis très surprise que le gouvernement veuille faire une distinction et dire que les infractions sexuelles commises contre des enfants sont assez graves pour qu'un agresseur doive rester en prison mais que les agressions sexuelles commise contre les femmes plus âgées ne l'inquiètent pas beaucoup. Je ne suis pas d'accord. Je pense que tous les Canadiens devraient protester. Je trouve que le projet de loi fait là une distinction tout à fait inacceptable.

Les ministériels font beaucoup de cas du fait que le projet de loi confie plus de responsabilités à la commission des libérations conditionnelles. Pourtant, tout ce qu'il fait, c'est de permettre au président de la commission de demander une enquête lorsqu'une personne récidive pendant qu'elle est en liberté conditionnelle. Pouvons-nous imaginer que le président d'une commission ayant libéré un délinquant qui a récidivé soit vraiment la personne la mieux placée pour décider si les actions et les décisions de sa commission doivent faire l'objet d'une enquête? N'est-ce pas un peu confier à un loup la garde de la bergerie?

Lorsqu'une commission des libérations conditionnelles s'est trompée, qu'elle a laissé sortir quelqu'un qui est allé faire d'autres victimes, faut-il confier à son président le soin de déterminer si cette décision doit faire l'objet d'une enquête?

L'un des amendements que nous présentions visait à faire en sorte que toute décision d'une commission des libérations conditionnelles ayant permis à un délinquant de récidiver pendant qu'il était en libération sous condition fasse l'objet d'une enquête. Dans le projet de loi, seul le président de la commission peut demander cette enquête.

Les députés libéraux applaudissent cette mesure parce qu'elle restreint vraiment la liberté d'action de la commission des libérations conditionnelles, mais le public devrait savoir que ces restrictions manquent vraiment de mordant et que le pouvoir d'exiger des comptes de la commission n'appartient qu'à son président. Ce n'est certainement pas ce que le public a en tête quand il entend dire que cette mesure oblige la commission des libérations conditionnelles à


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rendre davantage de comptes et à faire l'objet d'une enquête quand elle commet une gaffe.

Ce projet de loi était vraiment l'occasion de faire un certain nombre de choses que réclame le public. Or, nos attentes ont été déçues. Ce projet de loi représente un véritable dilemme pour nous, les réformistes. Ce petit pas timide, presque insignifiant, ne va pas changer grand-chose. Le gouvernement aurait dû faire bien davantage pour redresser le système, pour faire en sorte que notre système de justice, notre système carcéral et notre système de mise en liberté sous condition répondent vraiment aux aspirations des Canadiens. Ce projet de loi ne fait rien de la sorte.

Que faire? Il n'y a rien là-dedans que nous ne puissions appuyer, car il n'y a rien que quelques ajouts de nature administrative qui peut-être feront une différence et peut-être n'en feront aucune. Comment appuyer un projet de loi qui aurait dû apporter des changements substantiels en faveur des Canadiens, du système de justice pénale et des réformes dont les libéraux aiment tant parler, eux qui avaient promis de l'action, alors qu'il n'y a rien là-dedans?

Lorsque le gouvernement présente un projet de loi qui aurait dû procéder résolument et efficacement aux réformes nécessaires, mais que, en fait, c'est un échec lamentable, comment peut-on l'appuyer? Comment peut-on dire qu'il vaut la peine qu'on l'appuie? Nous ne pouvons nous y résoudre.

(1640)

Pour les raisons que je viens de mentionner et pour d'autres que mes collègues mentionneront, nous disons au gouvernement que ce projet de loi est insuffisant. La Chambre ne peut l'appuyer. Ce n'est pas quelque chose dont nous pouvons dire qu'il atteint les objectifs attendus.

Nous demandons au gouvernement de le repenser et de nous donner un projet de loi qui procède aux réformes nécessaires. À ce moment-là, nous l'appuierons sans réserves.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis honorée de parler aujourd'hui de la motion de troisième lecture du projet de loi C-45, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ainsi que d'autres lois afférentes.

Selon de récents sondages et des lettres reçues de mes électeurs, le crime est l'une des principales inquiétudes des Canadiens, de nos jours. Les gens sont préoccupés par certaines questions fondamentales, comme l'unité nationale et le système de soins de santé, mais ils s'inquiètent aussi énormément de la criminalité dans notre société. Seules les questions concernant l'économie et le déficit semblent les préoccuper davantage. Il est clair que le gouvernement doit exercer son leadership dans ce domaine.

Nous nous sommes déjà engagés à nous attaquer à ce problème. Notre engagement à l'égard de la lutte contre le crime et la violence, par le truchement de mesures plus efficaces et de la réforme sociale, est clairement exprimé dans le livre rouge. L'automne dernier, le solliciteur général a présenté ce projet de loi dans le cadre d'une série stratégique d'initiatives visant une sécurité accrue, pour tous les Canadiens, à la maison comme dans les rues.

Je parlerai maintenant du deuxième secteur visé par les changements proposés dans le projet de loi C-45, c'est-à-dire la responsabilité des membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles. D'abord, permettez-moi d'expliquer brièvement le concept de la libération conditionnelle.

Le système de libération conditionnelle discrétionnaire du Canada est fondé sur le principe selon lequel toute réinsertion progressive et contrôlée dans la société vaut mieux, pour la sécurité de la population, qu'une libération soudaine. C'est une façon de gérer, par la surveillance et les conditions imposées, la transition entre la vie en institution carcérale et la vie en liberté au sein de la société. Les données corroborent ce principe.

Il est clair que les résultats de la Commission nationale des libérations conditionnelles sont fonction des décisions qu'elle prend. Par conséquent, la crédibilité et la responsabilité de la commission sont directement liées à la compétence et au jugement de ses membres, ainsi qu'à la qualité, à l'exactitude et à l'exhaustivité des informations qui lui sont fournies. Il est essentiel que les membres de la commission possèdent les compétences et les connaissances requises pour prendre des décisions judicieuses et ainsi assumer leurs responsabilités de manière professionnelle.

Leur tâche n'est pas facile, car ils doivent décider des conditions et du moment opportun de la libération d'un contrevenant de manière à protéger la société à long terme. Il est donc logique de choisir ceux qui doivent prendre de semblables décisions parmi les candidats les mieux qualifiés.

Comme mes collègues l'ont déjà mentionné, nous avons déjà fait d'énormes progrès dans ce domaine comme dans bien d'autres. Au cours des derniers mois, un nombre d'activités et d'événements importants ont eu lieu qui ont contribué à tracer une nouvelle voie pour la Commission nationale des libérations conditionnelles.

C'est en grande partie le résultat de la nomination d'un nouveau président, M. Willie Gibbs, qui a une expérience et une connaissance considérables du système de justice pénale. M. Gibbs a été choisi après un processus de sélection très rigoureux, et un système similaire est maintenant en place pour toutes les autres nominations. D'ores et déjà, des membres de la commission ont été recrutés en vertu de ces nouvelles dispositions. Il faut remarquer également que le Comité permanent de la justice et des questions juridiques a le pouvoir, qu'il a déjà utilisé, de convoquer les personnes nouvellement nommées pour les interroger.

Laissez-moi vous expliquer ces mesures un peu plus en détail. Ces dispositions concernant les nominations comprennent un ensemble de critères révisés auxquels doivent satisfaire tous les candidats. Ces critères portent principalement sur l'expérience et la connaissance en matière de justice criminelle et, en particulier, de systèmes de correction et de libération sous condition au Canada.

Les postes vacants à la Commission nationale des libérations conditionnelles font maintenant l'objet d'une publicité dans la Gazette du Canada où l'on précise les qualités et les compétences requises. Après une présélection, ceux qui satisfont le mieux aux critères sont reçus en entrevue par un comité présidé soit par le président, soit par le vice-président exécutif de la Commission


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nationale des libérations conditionnelles. Une liste des candidats sélectionnés est alors présentée au solliciteur général du Canada. Cette liste est examinée et envoyée au bureau du Conseil privé qui procède aux nominations.

Dans toutes les régions du Canada, les candidats ont été soumis à ce processus et de nouveaux membres de la commission, à plein temps ou à temps partiel, ont déjà été sélectionnés.

(1645)

Le fait que l'on ait révisé le processus de nomination ne signifie pas que les membres actuels de la commission sont incompétents, mais il signifie que le gouvernement du Canada reconnaît combien il est difficile d'être membre de la commission et reconnaît aussi qu'il doit s'assurer que les titulaires ont les connaissances et les compétences requises pour relever les défis que pose le poste.

En plus des améliorations que j'ai mentionnées, la Commission nationale des libérations conditionnelles a adopté un code d'éthique et des normes de performance afin de guider tous ses membres dans l'exercice de leurs fonctions. Les dispositions du code d'éthique touchent des domaines comme la promotion de l'intégrité et de l'indépendance, la conduite générale, les conflits d'intérêts, la prise de décisions, la conduite pendant les audiences, le développement professionnel continu, ainsi que le désaisissement et les rapports pour ne nommer que quelques points.

Ces normes et le code d'éthique ont été élaborés afin de mieux articuler la responsabilité individuelle des membres de la commission, en tant que preneurs de décisions, et afin de préserver l'intégrité de la commission elle-même. Ils signifient que les membres de la commission acceptent les idéaux les plus élevés de conduite professionnelle et la responsabilité pour toute décision qui touche directement les intérêts et la sécurité de collectivités entières, ainsi que les victimes, les condamnés et leur famille. Plus important encore, ces normes élevées favorisent le respect de la loi et aideront à améliorer la confiance du public.

Les propositions de modifications en vue de l'adoption d'un ensemble de mesures disciplinaires ont été faites afin de remédier au rendement fourni par les membres de la commission s'il vient à être inférieur à certaines normes admises. Le texte de loi autorise le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles à recommander au ministre qu'une enquête soit menée par un juge de la Cour fédérale afin de déterminer s'il n'y a pas lieu qu'un membre de la commission soit suspendu sans rémunération, démissionne de ses fonctions ou fasse l'objet d'autres mesures disciplinaires ou correctives. Il ne s'agit pas de prêter des intentions aux membres de la commission ou de recourir à des actions punitives quand un cas a mal tourné, malgré les meilleures volontés de tous. Cela consiste plutôt en un mécanisme d'examen qui intervient dans les cas où, de toute évidence, un membre ne se comporte pas conformément aux normes admises.

Le solliciteur général a dit espérer qu'on n'aura jamais recours à cette disposition. Je suis persuadée que c'est aussi le voeu que formulent tous les députés de la Chambre, ce qui serait la preuve que le nouveau processus de désignation et que l'effort de formation sont à la hauteur.

En outre, le solliciteur général a invoqué la nécessité d'améliorer la qualité du processus décisionnel en vigueur à la Commission nationale des libérations conditionnelles, un autre domaine où la commission ne cesse de s'adopter aux besoins fluants de façon à être en mesure de prendre les meilleures décisions qui soient. Parmi les mesures déjà mises en oeuvre, je citerais celles qui suivent.

Premièrement, la commission a créé un cadre national de formation. Les membres de la commission ont besoin de grandes lignes et d'une formation continue pour se tenir au courant des modifications apportées aux lois, politiques et procédures, de tout ce qui touche l'évaluation et la gestion des risques et, de façon générale, pour améliorer leur rendement.

Deuxièmement, l'étude de vérifications de cas précis concernant des enquêtes à l'échelle nationale sert d'outil de formation afin que les procédures prévues soient observés et que, dans l'exercice de ses fonctions, chacun se conforme à la loi. De plus, les résultats des enquêtes et les recommandations auxquelles ils donnent lieu viennent enrichir les systèmes d'évaluation du rendement.

Troisièmement, chaque année, tous les membres de la commission font désormais l'objet d'examens quant à leur rendement. La première ronde d'évaluations est maintenant terminée et elle a donné la chance à la commission de s'attaquer aux lacunes relevées, d'offrir la formation voulue et de prendre les mesures correctrices nécessaires dans certains cas.

Quatrièmement, on fournit aux membres de la commission une nouvelle trousse de formation sur l'évaluation du risque seulement. Cette trousse de formation cohérente met l'accent sur la façon dont les recherches, les théories et les opinions actuelles dans le domaine des sciences humaines et sociales peuvent aider les membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles à prendre des décisions touchant la gestion et la réduction du risque.

Il est évident que malgré les outils les plus récents et les plus précis d'évaluation du risque dont on dispose, des tragédies peuvent se produire et se produisent. Elles nous touchent tous profondément et nous devons réagir en cherchant des solutions pour éviter d'autres tragédies. Cependant, nous devons tous reconnaître que chaque cas représente des défis différents, souvent complexes, et que même la meilleure recherche peut conduire à des prévisions moins que parfaites sur les possibilités de récidive. Notre système correctionnel et de mise en liberté sous condition est basé sur des évaluations d'êtres humains par d'autres êtres humains. Même avec les meilleurs renseignements disponibles, la prévision du comportement humain n'a jamais été et ne sera jamais une science exacte.

Je crois qu'il est important pour les Canadiens de bien comprendre le succès du système de libération conditionnelle en fonction des taux de récidive. On parle d'une libération conditionnelle réussie lorsqu'un détenu purge toute sa peine sans qu'on révoque sa liberté conditionnelle. Les études de suivi effectuées pour le compte de la Commission des libérations conditionnelles, au cours des dernières années, montrent que le taux de réussite des libérations conditionnelles totales, c'est-à-dire des libérations accordées par la


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commission, est d'environ 70 p. 100. Selon ces études, quelque 15 p. 100 des détenus profitant d'une libération conditionnelle totale ont été réincarcérés après avoir violé une des conditions de leur libération, alors que 13 p. 100 ont commis un nouveau crime.

(1650)

Lorsqu'elle prend une décision, la commission se préoccupe d'abord et avant tout de la protection du public. Il faut remarquer que le coût annuel moyen d'incarcération d'un adulte au Canada est de 46 000 $, alors que la surveillance dans la collectivité coûte en moyenne 8 500 $ par année.

Il y a d'autres domaines dans lesquels nous pouvons collaborer pour minimiser le risque que posent les délinquants. Notamment avec les modifications qu'il apporte à la Commission nationale des libérations conditionnelles, il est clair que le projet de loi C-45 représente un pas en avant dans la réalisation de l'engagement que le gouvernement a pris d'assurer la sécurité du public. Les modifications à la Commission nationale des libérations conditionnelles n'ont pas été établies et ne seront pas mises en mesure en vase clos. Leur valeur est fonction de l'efficacité du système de justice pénale dans lequel elles sont mises en application. On doit continuer de déployer tous les efforts possibles pour collaborer avec d'autres organismes et avec les collectivités que nous représentons pour maximiser l'utilisation des ressources gouvernementales limitées et garantir ainsi la sécurité du public à toutes les étapes où le délinquant est en contact avec le système de justice pénale.

À titre de députée de London-Ouest, j'ai passé un certain temps dans ma ville à visiter les établissements et à rencontrer les intéressés dans notre système de libération conditionnelle. Comme le solliciteur général l'a signalé, pour que le système soit efficace, il faut avant tout qu'il soit bien intégré et coordonné.

Je suis persuadée que nous souhaitons tous pouvoir compter sur un système correctionnel et de mise en liberté sous condition efficient et professionnel. À cette fin, à l'instar de mes autres collègues à la Chambre, j'exhorte tous les députés à souscrire aux modifications contenues dans le projet de loi C-45.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une question concernant les statistiques et les données démographiques que la députée a présentées à la Chambre.

J'entends constamment les ministériels parler, surtout dans le dernier discours, de taux de succès: succès de la commission des libérations conditionnelles et aussi succès de la gestion de la criminalité. Que fait la députée, que fait le gouvernement, des cas qui ne sont pas couronnés de succès? Par exemple, j'ai reçu dans ma circonscription un appel téléphonique d'un membre de la commission des libérations conditionnelles qui n'a pas cessé de parler du taux de succès de 87 p. 100. Je lui ai rappelé que cela signifie un taux d'échec de 13 p. 100 et que ce sont les échecs qui affectent beaucoup de familles.

Quand le gouvernement se penchera-t-il sur le problème des échecs au lieu de se fier aux statistiques du ministère qui connaît ce problème? Ces statistiques portent, comme d'habitude, sur les taux de succès. La députée pourrait-elle répondre à cela?

Mme Barnes: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.

Le régime de libération conditionnelle est très difficile à comprendre pour ceux qui n'y jouent pas un rôle direct ou à qui on n'a pas tout expliqué.

Des échecs se produiront toujours dans tout régime inventé et géré par des humains. Malheureusement, nous ne sommes pas les clones d'un être parfait sur cette planète et des erreurs seront commises. Nous devons nous efforcer de créer le meilleur régime possible.

Les lois changeront et continueront de changer. À mon avis, aucun des ministres qui tentent de répondre aux préoccupations de la population et de s'adapter à la réalité de notre système de justice ne cessera d'offrir des lois qui s'amélioreront sans cesse avec le temps. Nous avançons un pas à la fois. Cependant, je voudrais souligner au député que cette loi renferme des articles concernant les décisions en matière de libération conditionnelle, et c'est un fait que le régime de libération conditionnelle de notre système de justice permet des interventions plus réussies lorsque des gens obtiennent une libération conditionnelle que s'ils se retrouvent démunis le jour où ils retournent dans la société, sans avoir bénéficié d'une libération conditionnelle.

(1655)

En fait, notre taux de succès est alors beaucoup plus élevé que si une personne purge sa peine en entier avant de retourner dans la société parce que la société n'a pas les services de gestion nécessaires et l'aide et les moyens que cette loi et nous sommes en mesure d'offrir. Nous avons un meilleur taux de succès avec ce régime de libération conditionnelle. Heureusement pour les Canadiens, c'est ce que disent les statistiques et elles sont exactes.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, j'ai lu avec beaucoup d'attention l'exposé de la députée. Je le trouve intéressant, surtout en ce qui concerne les améliorations au sein de la Commission des libérations conditionnelles. Je trouve qu'il faut en améliorer le fonctionnement et le système de nomination. J'espère que le gouvernement va respecter sa parole, parce que concernant les commissaires à la CISR, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, on nous a promis aussi qu'il n'y aurait pas de nominations partisanes, que ce serait basé seulement sur la compétence, mais ce n'est pas encore le fait entièrement.

Ma question porte sur l'application de ce projet de loi. Pourquoi ne s'applique-t-il pas aux délinquants sexuels dont les victimes sont des femmes majeures? Comme la députée de Saint-Hubert l'a dit, l'année dernière, plus de 10 000 cas concernaient des adultes et pas seulement des enfants victimes d'agression sexuelle.

[Traduction]

Mme Barnes: Monsieur le Président, je remercie mon vis-à-vis. Je tiens à donner des précisions à cet égard, parce qu'on pourrait croire que nous sommes moins préoccupés par les agressions sexuelles commises contre des adultes. Ce n'est pas le cas.


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En réalité, nous voulons un traitement égal, mais nous savons que la plupart des femmes qui sont victimes d'une agression sexuelle à l'âge adulte identifient très vite les effets de cette agression et elles sont habituellement capables d'en parler. Dans ce cas, la victime est en mesure de donner à la commission des libérations conditionnelles des renseignements qui sont versés au dossier de préparation du cas. Elle peut communiquer des renseignements qui aident à faire valoir ses arguments. Par contre, cela ne se passe pas ainsi dans le cas de jeunes victimes d'agressions sexuelles. Il arrive souvent que de jeunes enfants soient agressés sexuellement. Ces enfants éprouvent beaucoup de difficulté à en parler et ils gardent parfois le silence sur ce qui s'est passé.

Dans le projet de loi qui est à l'étude, nous avons pris des mesures pour corriger cette situation. Il n'est pas question de minimiser la gravité d'une agression, mais bien d'inscrire dans la loi une disposition qui nous aide à comprendre vraiment l'effet du grave dommage causé à la victime.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir d'intervenir pour la cinquième fois au sujet du projet de loi C-45.

Avant de m'arrêter sur des points précis qui ne sont pas inclus dans cette mesure et que, en fait, le gouvernement a refusé d'y inclure, je voudrais relever deux ou trois paroles qui ont été prononcées à la Chambre aujourd'hui.

D'abord, la députée d'en face soutient qu'il faut faire un pas à la fois. C'est bien la façon de procéder des libéraux: un pas à la fois. Je me demande pourquoi ce gouvernement est incapable de franchir un grand pas de temps à autre, au lieu d'avancer par petits pas. Quel problème oblige le gouvernement à avancer toujours à pas de tortue? Un exemple éloquent à cet égard, c'est la Loi sur les jeunes contrevenants dont le ministre de la Justice a parlé à midi devant les édifices du Parlement. Il a vanté l'excellent travail que les libéraux avait accompli à l'égard de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je ne suis pas du tout d'accord. C'est un échec retentissant. On n'a qu'à demander l'avis des groupements de victimes d'actes de violence qui ont eu affaire avec la Loi sur les jeunes contrevenants. Ils n'hésiteront pas à dire que cette loi est un échec lamentable. Un pas à la fois, ce n'est pas suffisant de nos jours.

(1700)

J'ai encore deux ou trois observations à faire. Dans une intervention sur ce projet de loi, le solliciteur général a déclaré: «Les crimes à caractère sexuel contre des enfants sont plus graves que ceux dont les victimes sont des adultes.» Où le gouvernement libéral est-il allé chercher cette idée?

En contradiction avec cette déclaration, je pourrais citer de nombreux cas dont je me suis occupé où des adultes avaient été victimes de crimes sexuels révoltants. Je pense notamment à Joan, une femme de 63 ans qui suit le débat maintenant. Nous avons dû nous présenter devant le tribunal avec le saligaud qui l'avait attaquée. Je ne pense pas du tout que Joan, qui a subi une agression sexuelle, conviendrait que les agressions sexuelles contre des enfants sont plus graves que celles commises contre des adultes. On ne peut accepter une telle affirmation de la part d'un gouvernement, encore moins d'un gouvernement libéral.

La députée vient de déclarer: «La plupart des femmes qui sont victimes d'une agression sexuelle à l'âge adulte identifient très vite les effets de cette agression.» Selon ce raisonnement alambiqué, une agression sexuelle est plus grave si elle est commise contre un enfant qu'elle ne l'est contre un adulte. D'où vient cet argument? La plupart des adultes se rendent compte des effets d'une agression sexuelle. Est-ce là une raison de minimiser les effets d'une agression sexuelle contre une personne adulte? Quelle sorte de logique avons-nous donc à la Chambre des communes?

Les députés peuvent bien hocher la tête, mais nous marchons dans la bonne voie.

Une voix: Celle de l'extrême-droite, oui.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Dans la bonne voie, merci.

Le solliciteur général a rappelé qu'il avait fait modifier la Loi sur les jeunes contrevenants et s'est félicité des modifications que le gouvernement y avait apportées. Il a ensuite parlé de la réglementation des armes à feu, un autre échec épouvantable dans la lutte contre la criminalité. Nous devons maintenant comprendre que la Chambre a déjà été saisie auparavant de la plus grande partie des dispositions du projet de loi. Nous pouvons le reconnaître au Canada: il a été présenté par le parti qui est maintenant devenu fossilisé. Cela nous montre bien d'où viennent ces deux partis, car ils partagent les mêmes dispositions. Il n'y a aucun changement ni aucun plan.

La Commission nationale des libérations conditionnelles aura quand même certains comptes à rendre. Quand j'ai posé ma question à l'orateur précédent, je l'ai fait pour une raison bien claire. C'est à cause des nombreuses discussions que j'ai eues avec des membres de la Commission des libérations conditionnelles et parce que j'avais assisté à plusieurs de ses audiences. J'ai du mal à accepter une partie du raisonnement du gouvernement parce qu'il insiste sur le taux de succès. C'est bien beau, mais le taux de succès ne rend pas justice aux victimes du taux d'échec.

Quand un membre de la Commission me téléphone pour me dire que le taux de succès est de 87 p.100, je lui dis de réfléchir à ce que représente le taux d'échec de 13 p. 100. Il s'agit d'individus qui sortent de nos prisons.

Voyons brièvement les mesures que le Parti réformiste a proposées au gouvernement et dont celui-ci n'a pas voulu dans son projet de loi C-45. Voyons si les Canadiens seraient d'accord avec le gouvernement libéral. Nous avons dit: «Pourquoi ne pas obliger le contrevenant à verser une indemnité à ses victimes et à payer les frais médicaux des personnes qu'il a agressées sexuellement?» Notre proposition a-t-elle été acceptée par le gouvernement? Non, bien sûr. Et pourquoi? Demandez-le à un libéral. Si les Canadiens demandaient aux députés de ce côté-ci de la Chambre ce que nous en pensons, nous affirmerions que l'obligation pour certains contrevenants de rembourser une partie des frais engagés pour leur hébergement et leur nourriture ne suffit pas à régler les problèmes des victimes.

(1705)

C'est ce gouvernement qui verse encore aux détenus des prestations de la sécurité de la vieillesse, des prestations du Régime de pensions du Canada, des paiements de supplément de revenu garanti et des remboursements pour la TPS. Et ce gouvernement est résolu à nous faire croire qu'il exigera un remboursement de 30 p. 100 des


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frais engagés pour l'hébergement et la nourriture de certains détenus. Voyons donc.

Nous avons proposé d'abolir la libération d'office pour les contrevenants violents. Le gouvernement nous a-t-il appuyés? Non. Qu'y a-t-il de mal à refuser de mettre en liberté d'office des contrevenants violents? Le gouvernement sait fort bien que la plupart des détenus récidiveront lorsqu'ils seront libérés. Si le gouvernement ne veut pas croire les statistiques, il n'a qu'à consulter les directeurs de prison et les détenus. Ils lui confirmeront la situation.

Nous avons dit: «Pourquoi ne pas veiller à ce que les criminels purgent toute leur peine si leur libération conditionnelle est révoquée ou suspendue?» Qu'y a-t-il de mal à cela? Les libéraux ne sont pas d'accord. Autrement dit, si un détenu qui a obtenu une permission de sortir sans surveillance commet un autre crime, il est réincarcéré. Sa libération conditionnelle est révoquée, mais il a le droit de faire une autre demande de libération conditionnelle. Si les contrevenants libérés sous condition commettent de nouveau le même crime ou un crime similaire, croyez-vous qu'ils se sont réintégrés à la société? Croyez-vous qu'il soit sage de leur permettre de faire une nouvelle demande de libération conditionnelle? Bon sang.

Le vice-président: Je demande au député de bien vouloir s'adresser à la présidence. Je lui en serais reconnaissant.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, il y a quelque chose qui ne marche pas dans ce raisonnement. Lors d'une audience d'une commission des libérations conditionnelles à laquelle j'ai assisté, on examinait le cas d'une personne détenue pour n'avoir pas respecté les conditions de sa libération. C'était un faussaire. Qu'avait-il fait? Il avait obtenu une libération conditionnelle et en avait profité pour préparer sa prochaine escroquerie. Qu'est-il arrivé? La décision a été révoquée, évidemment. Avait-il le droit de ressortir de prison? Absolument; il peut demander une autre libération conditionnelle.

Si le gouvernement est incapable de se rendre compte qu'il n'y a pas réadaptation, s'il ne se rend pas compte que cette personne recommencera et que c'est faire du tort aux victimes que d'autoriser de nouveau sa libération, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Ça ne semble pourtant pas sorcier.

Nous avons dit que nous ferions ce qu'il faut pour obtenir que les criminels restent en prison durant toute la durée de leur peine si leur libération conditionnelle était révoquée ou suspendue. Le gouvernement nous a dit qu'il ne peut pas nous accorder cela.

Parlons maintenant de l'établissement d'un registre des agresseurs sexuels d'enfants. Nous avons proposé la constitution d'un registre complet. Le gouvernement dit: «Non. Ne faites pas ça. Le Centre d'information de la police canadienne s'en chargera». Le CIPC est le système administré par la police.

(1710)

Qu'ont donc les libéraux à ne pas vouloir reconnaître le fait que tout le monde est inquiet face au problème des délinquants sexuels et veut et devrait avoir le droit de savoir? Tout le monde devrait avoir ce droit.

Où que j'habite au Canada, avant de laisser sortir mes enfants, je veux savoir si mon voisin n'est pas un délinquant sexuel. Ce n'est pas normal que la police soit seule à le savoir. La police ne va rester toute la journée à surveiller la porte de ce type.

Une voix: Ils sont trop occupés à enregistrer les armes à feu.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Que la police intervienne une fois que le délinquant a commis une nouvelle infraction d'ordre sexuel, cela va de soi. La meilleure défense pour les victimes est de savoir qui habite à côté de chez elles ou au bout de la rue.

C'est pourquoi nous avons dans ce pays des chefs de file comme Sandra Cunningham. Elle était aujourd'hui à l'extérieur à écouter les belles paroles du ministre de la Justice. C'est elle qui imprime le tri-cities child care guide. Elle imprime les photos, le modus operandi et les dossiers des pédophiles. C'est nécessaire.

Je sais que les députés de l'autre côté ne pas tellement d'accord parce que, probablement, c'est empiéter sur les droits des pédophiles.

Alan Winter venait de ma circonscription. Les libéraux ont qualifié ces incidents d'incidents isolés. Il y a plus d'incidents isolés dans ma circonscription que dans la plupart des autres circonscriptions. La dernière fois qu'on a fait le compte des enfants victimes d'agressions de la part d'Alan Winter, il y en avait 31. Alan Winter a été incarcéré en tant que délinquant dangereux. Il en a pris pour 16 ans. À l'insu de toutes ses victimes, il a été remis en liberté après 5 ans. Personne ne savait qu'il était sorti de prison. Il n'y avait pas de registre. Je ne suis même pas sûr que la police était au courant. Si elle l'a découvert, ce n'est que parce d'autres victimes ont voulu porter plainte contre lui et que la police a alors constaté qu'il n'était plus en prison. C'est insensé. Il ne s'agit pas de sectarisme politique, mais bien de la réalité. Ce sont des problèmes réels, des problèmes véritables.

Nous aurions aussi exigé que les décisions de la Commission des libérations conditionnelles fassent obligatoirement l'objet d'un examen lorsqu'un contrevenant violent libéré avant expiration de sa peine commet un autre crime violent alors qu'il est en liberté sous condition. Cette proposition a été rejetée par le gouvernement.

J'ai parlé de Wayne Perkin à la Chambre plus d'une fois. La motion no 19 ne pouvait pas être plus appropriée dans le cas de ce dernier. Ce bon vieux Wayne a frappé à la porte d'une dame, à Aldergrove, dans ma circonscription, et l'a convaincue d'aller chercher une tondeuse à gazon dans sa remise. Quand elle y est entrée avec lui, qu'a-t-il fait? Il lui a donné des coups de marteau sur la tête, lui a attaché les mains derrière le dos, lui a fait une injection de cocaïne et l'a violée. Ce n'était pas une agression sexuelle, comme disent les avocats, mais bel et bien un viol.

Et à quoi Wayne a-t-il été condamné par le système judiciaire canadien? À six ans. Sa victime elle, ne sera jamais plus la même.

(1715)

La Commission des libérations conditionnelles l'a remis en liberté avant l'expiration de sa peine, cette bonne vielle commission. Qu'a fait Wayne? Peut-être qu'un miracle s'était produit et qu'après deux ou trois ans, ce bon vieux Wayne avait changé, qu'il avait appris à maîtriser sa colère. Alors, on l'a laissé sortir.

M. Dhaliwal: Ne vous mettez pas trop en colère.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Comment ne pas se mettre trop en colère? De quoi ces gens pensent-ils que nous parlons en ce moment? Ce bon vieux Wayne s'est introduit dans l'appartement


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d'Angela Richards, lui a injecté de la cocaïne. Du déjà-vu, n'est-ce pas? Il l'a tuée de 20 coups de couteau.

Au moment du prononcé de la peine, j'étais assis dans la salle du tribunal et je me suis dit que quelqu'un d'autre devrait être avec la cinquantaine d'entre nous qu'on avait laissé entrer et qui pleuraient. Il manquait quelqu'un. Où donc était cette Commission des libérations conditionnelles qui l'avait laissé sortir? Angela Richards serait en vie aujourd'hui. La commission aurait dû être présente dans la salle et aurait dû nous entendre pleurer. Il aurait dû y avoir un examen obligatoire. Les responsables auraient dû être congédiés et mis à la porte aussi rapidement qu'ils avaient laissé Wayne Perkin sortir de prison.

Que voulons-nous voir dans ce projet de loi? Nous voulons que les décisions de la Commission des libérations conditionnelles fassent obligatoirement l'objet d'un examen lorsqu'un contrevenant violent est remis en liberté avant expiration de sa peine et qu'il commet un autre crime violent alors qu'il est en liberté sous condition. Est-ce trop demander? Quelle est la réponse en face? «Ce n'est pas nécessaire.»

Le cas de Wayne Perkin serait-il unique? Les députés d'en face savent qu'il ne l'est pas. Je ne comprends vraiment pas pourquoi les députés de l'arrière-ban ne font pas pression sur le Cabinet pour obtenir qu'il change d'avis sur certains points.

C'est comme creuser des trous dans le sable d'une plage; l'eau n'arrête pas de filtrer et le sable n'arrête pas de retomber dans le trou. Comment obtenir de ce gouvernement qu'il écoute? Combien faut-il de personnes à la Chambre des communes pour faire entendre raison au gouvernement libéral? Serait-ce qu'il veut simplement se placer pour avoir une bonne bagarre lors des prochaines élections? Nous verrons bien qui l'emportera sur ce point.

J'ai parlé de cela l'autre soir, mais il vaut la peine de décrire à nouveau le genre de mentalité qui prévaut dans les services correctionnels, aujourd'hui. Si je peux me souvenir des 23 raisons qui font que le crime paie dans ce pays, je vais les réciter. Nous parlons ici de facturer un détenu 30 p. 100 pour sa nourriture et son logement. Ce n'est pas 70 p. 100, ni 100 p. 100, mais 30 p. 100. Ils ne doivent pas avoir grand-chose derrière les portes de cette prison.

Voyons ce qu'un détenu obtient en prison et ce que nos personnes âgées, ou encore ceux qui ont peu ou pas de revenus, obtiennent à l'extérieur. Nous savons qu'en prison on est nourri et logé. Nous savons qu'on peut avoir des services-conseils, ce qui est une bonne chose. Les cours pour apprendre à maîtriser sa colère fonctionnent tout le temps, dit-on. Les détenus ont le droit de refuser de travailler. On leur distribue des préservatifs gratuitement, n'oublions pas cela. Le détenu a le droit d'appeler son avocat de l'aide juridique quand il le désire. Il est ironique que nous ayons, aujourd'hui, un gouvernement qui a dû demander une injonction pour empêcher Clifford Olson de poursuivre la Couronne. Au dernier compte il avait intenté 30 poursuites.

(1720)

On leur donne du désinfectant pour les aiguilles. Dans ma circonscription on appelle cela le projet Javel. Dans nos prisons, aujourd'hui, on distribue aux détenus des bouteilles d'une once d'eau de Javel pour empêcher la propagation du VIH. Ce qu'ils font avec cette eau de Javel c'est stériliser les aiguilles qu'ils utilisent pour la cocaïne.

Attendez une minute, il me semble que c'est le même genre de logique que nous avons lorsque nous parlons de la Commission des libérations conditionnelles. Il y a un meilleur moyen. Il faut interdire et prévenir la présence de drogues dans les prisons. En principe, les détenus n'ont pas le droit de boire de l'alcool dans les prisons; alors, selon cette même logique tordue, on devrait peut-être fournir aux prisonniers du Coke diète et des glaçons au cas où ils voudraient servir des alcools allongés.

Nous ne devons pas oublier les revenus additionnels que peuvent recevoir les détenus. Ils reçoivent des prestations de sécurité de la vieillesse. J'ai connu le cas d'un détenu reconnu coupable de deux meurtres qui recevait des prestations de sécurité de la vieillesse. Ma grand-mère ne serait pas du tout contente de savoir cela. Ils ont droit au Régime de pensions du Canada, au supplément de revenu garanti et aux remboursements de la TPS.

C'est terriblement frustrant de passer près du pénitencier Ferndale, à quelques milles de la maison chez moi, et de voir un terrain de golf de 9 trous. Le citoyen respectueux des lois, lui, doit se rendre plus loin et payer 30 $ ou 40 $ pour jouer au golf. Lorsque j'ai demandé au directeur de cette prison pourquoi les prisonniers profitaient ainsi d'un terrain de golf de 9 trous, il m'a répondu que cela contribuait à leur réhabilitation, que les détenus devaient apprendre à vivre à l'extérieur. Il faudrait remettre les choses en perspective. Bien des gens ne jouent pas au golf car c'est un sport dispendieux. Nous devons tous payer pour jouer au golf.

Si le gouvernement tente de réhabiliter les détenus, je crois qu'il s'y prend mal. Si les députés croient que tout ceci n'est que de la rhétorique réformiste, posez donc la question aux employés des établissements correctionnels. Ils vous diront que, dans certains cas, ce n'est qu'une perte de temps. Ce n'est pas juste.

Si l'on compare les gens de l'extérieur aux détenus, on se demande parfois lesquels sont punis. Les détenus coûtent cher en impôts et sont source de frustration. Après vérification, nous avons constaté que le prix des paquets de cigarettes à l'intérieur des prisons était inférieur, de 42 cents à 1,62 $, au prix demandé à l'extérieur, dans les magasins.

En ce qui concerne le projet de loi C-45, je crois que le gouvernement fait entièrement fausse route.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, à en juger par les observations du député réformiste, on pourrait croire que nous ouvrons les portes des prisons et que nous libérons les détenus partout dans le pays pour qu'ils commettent des meurtres et sèment la destruction, alors qu'en fait nous resserrons le régime, nous le rendons plus rigoureux et nous nous préoccupons davantage de la protection des Canadiens.

(1725)

Je présume que si les députés du Parti réformiste avaient rédigé ce projet de loi, il serait parfait et aucun autre crime ne serait commis au Canada. Si les députés réformistes projettent de voter contre ce projet de loi, ils voudraient peut-être expliquer pourquoi ils veulent voter contre le fait de tenir les membres de la commission des libérations conditionnelles plus responsables des décisions

14947

qu'ils prennent et contre la détention prolongée de personnes qui présentent un danger pour la société et, surtout, pour les enfants.

J'estime qu'un crime commis contre un enfant est le crime le plus grave et le plus haineux qui soit. Je ne veux aucunement sous-estimer les torts horribles causés lors d'un crime contre qui que ce soit, surtout un crime de violence ou des crimes qui violent le caractère sacré de la personne, comme l'agression sexuelle ou le viol.

Lorsque s'ajoute à cela l'abus d'un enfant innocent, effectivement, je considère que c'est la chose la plus horrible qu'on peut faire. En tant que femme, je comprends bien. . .

Le vice-président: Le député de Fraser Valley-Ouest peut répondre.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, il est faux de supposer que les libéraux ouvriraient toutes grandes les portes et libéreraient ces prisonniers. Dans bien des cas, j'ignore même pourquoi ceux-ci voudraient reprendre leur liberté. C'était précisément ce que je voulais faire ressortir.

Il est parfois difficile de s'opposer à certains projets de la loi présentés à la Chambre. Le problème des mesures législatives du gouvernement libéral, c'est que ces députés ne font leur travail qu'à moitié, alors que nous estimons que le gouvernement doit aller jusqu'au bout.

Que faire alors? Nous faisons face à un dilemme: appuyer ce projet de loi ou demander au gouvernement de parfaire son travail. Le gouvernement nous rend la tâche difficile lorsqu'il s'agit d'accorder notre appui. C'est vraiment malheureux car, comme je l'ai dit, certaines modifications proposées dans ce projet de loi sont loin d'être déraisonnables.

La députée a fait valoir qu'un crime commis à l'égard d'un enfant est le crime le plus grave qui soit. Là n'est pas la question. Que la victime soit un enfant ou un adulte, cela ne change pas grand-chose à l'affaire; il faut réagir avec sévérité dans les deux cas. Il ne faut pas se limiter à l'enfant. On doit infliger une peine sévère dans les crimes contre l'adulte tout aussi bien que contre l'enfant. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il rien fait en ce sens? Voilà est la question.

Le gouvernement ne règle les questions qu'à moitié. S'il allait jusqu'au bout, tenait compte de certains éléments et luttait contre la criminalité avec plus de conviction, comme le demandent les Canadiens, nous de ce côté-ci de la Chambre l'appuierions volontiers.

[Français]

Le vice-président: Comme il est 17 h 30, la Chambre abordera maintenant l'étude des Affaires émanant des députés selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________


14947

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

L'ÉCONOMIE SOUTERRAINE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 18 mai 1995, de la motion: Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait envisager le recours aux moyens suivants pour éliminer l'économie souterraine: a) un programme élargi d'information publique afin de sensibiliser les Canadiens à la question et de les encourager à prendre part à la solution; b) une amnistie restreinte, pour les intérêts et les pénalités qu'il doit, au contribuable qui déclare de son propre chef du revenu auparavant non déclaré; c) un crédit d'impôt pour les contribuables qui effectuent des travaux de rénovation ou d'amélioration domiciliaire afin d'encourager la production des documents de base et de faciliter la communication de l'information.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole sur la motion du député de Mississauga-Sud concernant l'économie souterraine. Je veux, dans un premier temps, parler du sens de sa proposition et commenter les trois points, parce qu'il y a trois suggestions dans cette proposition.

Je vais d'abord signaler qu'on appuie le sens de sa proposition, parce que je pense que tout le monde est d'accord là-dessus, qu'il faut prendre des moyens pour lutter contre l'économie souterraine. Il y a toutes sortes de chiffres qui circulent, toutes sortes de débats qui ont eu lieu, parfois exagérés, parfois non, mais il y a évidemment beaucoup d'argent perdu par le gouvernement.

Évidemment, les citoyens ne sont pas les seuls responsables de cette situation. C'est un système fiscal de plus en plus complexe, de plus en plus mal accepté par les contribuables qui les a conduits à se sentir justifiés d'utiliser l'économie au noir.

Si on prend les trois éléments de sa proposition, le premier point parle d'un programme élargi d'information publique. Effectivement, je crois que tout le monde peut être d'accord là-dessus, mais il ne faudrait pas arriver avec quelque chose de compliqué et pas une bureaucratie de paperasse pour expliquer aux gens les effets néfastes.

Je pense que les gens sont assez sensibilisés. Cela ne peut pas nuire et ça va dans le sens de la responsabilité des citoyens. Je pense qu'on a tous un devoir, en tant qu'élus, de faire la promotion de la responsabilité des individus. On doit aussi donner l'exemple. Il faudra peut-être sensibiliser aussi certains députés du Parlement, certains ministres à des mesures qu'ils adoptent ou qu'ils prennent qui font en sorte de conduire les gens vers un rejet du système fiscal.

Le deuxième point est une amnistie restreinte pour les intérêts et les pénalités que le contribuable se verrait diminuer ou enlever, parce qu'on parle d'amnistie restreinte pour les intérêts et les pénalités lorsqu'il y aurait des divulgations volontaires.

Il existe déjà actuellement dans le système une possibilité d'amnistie pour les divulgations volontaires en ce qui concerne les pénalités. Pour les intérêts, il faut être prudent. Il faut être prudent, parce que ce devrait être temporaire, balisé dans le temps. Si ce n'est pas temporaire, eh cette année, je peux m'amuser à ne pas déclarer un revenu et à partir du moment où je me fais prendre, on ne me chargera pas les intérêts. J'aurais pu utiliser cet argent-là pendant un an ou deux avant que le ministère réussisse à me trouver.

L'amnistie, s'il y en a une, devrait être définie, avoir un caractère temporaire pour dire qu'on repart à zéro, on remet les compteurs en place et à partir de là, dans l'avenir, on va arranger les choses.


14948

Le troisième point, c'est une piste intéressante à explorer. Quand on parle d'économie au noir, d'économie souterraine, ce qui nous vient souvent à l'esprit, c'est le domaine de la construction. Il y a énormément de travaux au noir parce qu'on a des règles très compliquées. Il y a d'autres conséquences, mais c'est un domaine où il y en a beaucoup et il va falloir un jour reprendre le contrôle de ce secteur parce qu'il se perd beaucoup de revenus. C'est difficile pour les entrepreneurs qui veulent travailler légalement parce que la pression est très forte. De tous bords, de tous côtés, il y a des gens qui font les choses de façon illégale.

Quand on parle de donner un crédit d'impôt pour les contribuables, ça peut être une piste. Il faudrait évaluer jusqu'où on est prêts à aller, jusqu'à quel point le crédit est intéressant par rapport à l'économie au noir, parce que c'est le calcul que les gens vont faire, et quels seraient les coûts pour le gouvernement par rapport aux entrées de revenus que générerait le crédit. Si le crédit n'est pas assez généreux, qu'il ne fonctionne pas, ça nous coûtera plus qu'avant, il n'y en a que quelques-uns qui vont l'utiliser. Mais c'est un bon point de départ. Il y a là une piste à explorer.

Cependant, ce doit être fait en extrême collaboration avec les provinces et je pense, entre autres, au cas du Québec. Chaque province peut avoir ses propres règles dans le domaine de la construction, ce doit être fait en cohérence avec la façon dont on veut ramasser des revenus dans ce secteur.

C'est une proposition qui va dans le bon sens et on va appuyer la proposition du député de Mississauga-Sud. Mais j'aimerais parler aussi d'autres sujets qui me préoccupent quand on parle d'économie souterraine.

Il y a eu tout un débat dans cette Chambre, au Canada et au Québec, lorsqu'est arrivée la mise en vigueur de la TPS. Beaucoup de gens attribuent l'accélération de l'utilisation de l'économie souterraine à l'entrée en vigueur de la TPS. Il faut bien rappeler que la TPS n'est pas une nouvelle taxe au départ. C'est une taxe qui en a remplacé une autre que les gens ne voyaient pas, qui était cachée, mais la TPS est venue remplacer une taxe qui existait déjà. Là où elle présente un élément nouveau, c'est la taxation des services.

Quand on parle d'économie souterraine et qu'on parle de taxation des services, c'est un problème parce que les services, c'est ce qu'il y a de plus facile à contourner. Un menuisier, un plombier, un électricien vient chez vous, ne charge pas l'heure de travail, c'est très difficile de savoir s'il en a effectivement fait, ou pas, ou combien de temps il a travaillé. Depuis qu'on a décidé d'aller davantage dans la taxation des services, il y a un élément qu'on ne réussit pas vraiment à contrôler parce que tout repose sur la bonne foi des gens, des gens qui trouvaient que les gouvernements les taxaient suffisamment. Cette nouvelle taxe a créé une accélération du mécontentement.

C'est étrange, j'avais vu un sondage, alors qu'on faisait l'étude sur la TPS-qui n'a toujours pas été modifiée, mais je vais y venir-les gens font plus d'effort pour éviter la TPS qu'ils n'en feront pour éviter l'impôt sur le revenu. Pourtant les taux d'impôt sont souvent de 30, 35, 40 ou 45 p. 100. Donc sur un dollar gagné, c'est 30, 35, 40 ou 45c. qu'on perd, tandis que les taxes combinées au Québec, TVQ et TPS, c'est 14 p. 100, Mais les gens vont faire plus d'effort pour éviter la taxe sur les produits et services parce qu'elle les a choqués, et ils ont eu beaucoup de difficulté à l'accepter.

(1735)

Ceux qui ont beaucoup contribué à cela, c'est le Parti libéral qui est en face de nous. Quand la TPS a été adoptée, ils avaient fait tout un combat, ils en ont même fait un engagement majeur lors de la dernière campagne électorale en disant que cette taxe serait abolie. Après, tout bas, ils disent vouloir la remplacer par autre chose. Rendus au pouvoir, ils disent ne pas pouvoir se priver de 15, 16 ou 17 milliards de dollars de revenu, dépendant des années. Il faut trouver autre chose. Comment trouver autre chose et en même temps essayer de faire croire aux gens qu'on leur avait enlevé la taxe? Les citoyens ne se sont pas laissés berner et en parlent à leurs collègues, j'en suis sûr, parce que quand ils ont des caucus ce sont des sujets qui reviennent fréquemment, apparemment. Leur engagement n'a pas été respecté parce qu'ils se sont contraints de ramasser ces revenus et cela est à l'encontre de leur engagement électoral.

Cela a été répété en cette Chambre par le premier ministre, qui avait dit et je vais le citer de mémoire, mais je ne pense pas me tromper: «Nous haïssons cette taxe et nous allons l'abolir.» Cela fait deux ans et, selon moi, discuter d'une taxe, la remplacer ou l'abolir, cela peut prendre un certain temps à partir du moment où la décision est prise. L'application, dans la réalité, peut prendre un délai minimum de six mois et en général d'au moins un an, le temps d'expliquer, de faire comprendre et d'essayer de la faire accepter.

Donc, deux ans de mandat de faits, et après trois ans de mandat, car cela va prendre au moins un an, il n'y aura pas eu de changement encore, parce qu'on n'est pas capable de s'entendre avec les provinces sur la réforme de la taxation.

Il y a un problème, quand on crée des attentes dans la population, quand on veut faire ce type de changements et qu'on ne les fait pas. Il n'y a rien qui fait en sorte d'augmenter leur confiance dans le système fiscal, mais encore moins dans ceux qui le conçoivent et dans ceux qui ont à le gérer. Il va falloir, à un moment donné, que ces gens-là agissent. C'est beau d'avoir de telles motions, je n'ai rien contre le député qui la dépose, mais il va devoir faire pression auprès de ses collègues au Revenu, ses collègues aux Finances, sur le Cabinet pour qu'ils respectent leurs engagements et qu'ils déposent des choses sur la table parce qu'on ne voit rien poindre à l'horizon.

Pendant qu'ils parlent de fiscalité, je veux aussi parler d'une autre chose. Au Québec, il est arrivé à un moment donné que les visions économiques étaient différentes et le gouvernement du Canada faisait preuve peut-être davantage d'initiatives sur le plan économique dans la période d'après-guerre. Il avait durant la guerre pris beaucoup de pouvoir sur le plan fiscal des provinces, notamment au Québec. Il ne les a jamais redonnés par la suite.

Tout cela a fait que, au Québec, on en est arrivé à un système de double collection de revenus. On a Revenu Québec, Revenu Canada, chacun va chercher des revenus, chacun ses rapports d'impôts,


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on doit remplir deux déclarations chaque année, parce que la fiscalité peut être un puissant outil de développement économique. Chaque gouvernement, au travers de sa fiscalité, y imprègne sa vision des choses, ce qui fait que pour le contribuable, il est extrêmement compliqué de s'y retrouver. Très peu de contribuables sont capables de faire leurs déclarations de revenu, non parce qu'ils manquent de talent ou de compétence mais parce que c'est très difficile. Je suis convaincu que dans cette chambre il n'y en a pas beaucoup qui font eux-mêmes leurs déclarations. Pourtant nous sommes les législateurs et ceux qui définissent les lois et les politiques.

Il y a donc un sérieux problème qui a, à travers le temps, toujours contribué à des affrontements entre le Québec et le Canada parce qu'au Québec on aurait voulu contrôler pleinement notre fiscalité comme un outil de développement économique. Ce qu'on ne fait pas et ce qu'on voudrait faire. Plutôt que d'avoir deux systèmes, en plus de tout cela pour les citoyens qui nous écoutent, en plus de payer des impôts à Québec et à Ottawa, il y a des mécanismes de paiements de transfert pour redonner de l'argent d'un gouvernement à un autre. Donc on envoie de l'argent via les impôts à Ottawa qui reviennent en paiements de transfert dans certains cas, pas toujours dans les proportions que l'on voudrait et cela est lourd, compliqué, et cela prend beaucoup de monde.

Donc pour conclure, parce qu'il me reste un trentaine de secondes, je tiens à dire que la motion du député est un pas dans le bon sens, mais j'aimerais qu'il rappelle à ses collègues et que ses collègues se rappellent qu'ils ont un engagement majeur en matière fiscale et qu'ils devront mettre sur la table des choses concrètes bientôt, et on l'espère, avant que les Québécois prennent une décision le 30 octobre, de ce qu'ils veulent faire sur le plan fiscal à l'avenir, notamment en ce qui concerne la TPS.

[Traduction]

M. John Maloney (Erie, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de parler à la Chambre, cet après-midi, de la motion no 382 parrainée par le député de Mississauga-Sud. Je voudrais également profiter de l'occasion pour féliciter mon collègue de son travail dans ce domaine.

L'économie souterraine à laquelle s'attaque cette motion est extrêmement importante et a des conséquences pour les Canadiens dans tout le pays. On a écrit beaucoup de choses au sujet de la taille, de la portée, de la nature et des causes de l'économie souterraine.

(1740)

Comme les députés le savent probablement, les estimations sur la taille de cette économie varient beaucoup, selon la méthodologie utilisée, allant de 2,5 ou 3 p. 100 du PIB à plus de 20 p. 100. Cela représente de 20 milliards à 140 milliards de dollars par année.

Plus l'économie souterraine est active, moins les gouvernements peuvent percevoir des recettes. L'économie souterraine crée une concurrence injuste pour les entreprises honnêtes. Elle entraîne la suppression d'emplois. Ainsi, les contribuables honnêtes sont forcés de payer plus que leur juste part d'impôt.

Nous savons tous que l'élimination du déficit et le remboursement, en fin de compte, de la dette fédérale dépendront principalement de la croissance économique et de la création d'emplois à long terme. Il est vrai que des compressions de dépenses peuvent contribuer à la réduction du déficit, mais pourquoi devrions-nous continuer de sabrer dans les programmes, alors qu'on pourrait plutôt percevoir les impôts dus?

Nous devons chercher des solutions. Il est essentiel de s'attaquer à l'économie souterraine dans le cadre de cette solution globale.

Pour beaucoup de particuliers et d'entreprises, l'économie souterraine est devenue une façon facile d'éviter de payer des impôts. Lorsque ces gens effectuent leurs transactions financières de façon cachée, ils n'apportent pas leur contribution aux programmes socio-économiques du Canada. Ils ne paient pas pour les services qu'ils utilisent. Au lieu de cela, les autres Canadiens sont forcés de payer davantage.

Les gens qui participent à l'économie souterraine ont peut-être le sentiment que leur situation financière justifie leurs actions. Ils peuvent faire valoir que leur dernière augmentation remonte à plusieurs années, que le régime fiscal est trop complexe ou injuste. Il se peut aussi qu'ils soient simplement poussés par la cupidité. Ils considèrent qu'ils trompent seulement le ministère du Revenu et qu'il s'agit d'un crime sans victime. Or, en fin de compte, nous sommes tous victimes de l'économie souterraine, ce que je n'apprécie pas beaucoup.

Je demande aux députés, ainsi qu'à tous les Canadiens, de songer au coût réel de l'économie souterraine. Il est énorme. Il se traduit par une réduction des services essentiels, une augmentation des impôts qu'ils devraient payer autrement, une concurrence injuste et une baisse du niveau de vie du contribuable honnête.

Comment l'économie souterraine affecte-t-elle l'entreprise légitime qui essaie d'être compétitive? L'Association canadienne des constructeurs d'habitations est inquiète. En effet, les gens qui rénovent les maisons et se soustraient à l'impôt et aux taxes sont avantagés de façon injuste par rapport aux entrepreneurs honnêtes. Une entreprise honnête est désavantagée du fait qu'elle ne peut soutenir la concurrence de l'entreprise qui satisfait les besoins du consommateur sans percevoir de taxes. Au bout du compte, il y a une concurrence déloyale et une perte d'emplois.

Je demande aux députés de se mettre à la place de l'entrepreneur qui observe les règles, qui perçoit les taxes et les verse au gouvernement. Comment réagiraient-ils si un contrat leur échappait, parce qu'un autre entrepreneur moins scrupuleux présentait une soumission plus alléchante? Personnellement, je serais certainement furieux et j'insisterais pour que le gouvernement prenne des mesures pour rectifier la situation.

N'oublions pas que le consommateur malhonnête, qui paye le prix le plus bas en argent comptant, déjoue le système et participe à l'évasion fiscale. Ce consommateur tire avantage de toute la gamme de services gouvernementaux, mais ne paie pas sa juste part. Il ne


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fait que participer à une transaction qui met en danger nos services de santé et d'éducation ainsi que nos divers programmes économiques et sociaux qui sont essentiels. Il agit d'une manière imprévoyante, injuste et illégale, voire criminelle.

L'économie souterraine fait perdre des recettes au gouvernement et, comme je l'ai dit, menace nos programmes essentiels dans les domaines sociaux et économiques, et force les Canadiens honnêtes à acquitter davantage d'impôts.

La motion dont la Chambre est saisie comporte trois parties. Elle propose au gouvernement de sensibiliser les Canadiens à la question et de les encourager à prendre part à la solution. Je conviens que les Canadiens doivent connaître les effets graves de l'économie souterraine, la manière dont elle touche chacun d'entre nous et les moyens à prendre pour la réduire. Je conviens également que le gouvernement ne peut s'attaquer tout seul au problème. Au Canada, nous devons tous faire notre part pour remplir nos responsabilités.

Nous devons avertir nos concitoyens des graves répercussions de l'économie souterraine et leur dire comment ils peuvent aider à l'éliminer. Nous devons chasser le mythe selon lequel «tout le monde le fait». Nous devons insister en disant que l'évasion fiscale est un crime et qu'il y a des victimes, contrairement à ce que d'aucuns soutiennent. Tous les Canadiens sont victimes. L'évasion fiscale mène à la perte d'emplois, la hausse du déficit, l'alourdissement du fardeau fiscal des contribuables honnêtes et une concurrence déloyale qui accule souvent des entreprises honnêtes à la faillite. Nous devons faire bien comprendre que ceux qui fraudent l'impôt escroquent les contribuables honnêtes et les nécessiteux. Nous devons faire savoir que Revenu Canada reçoit chaque année 14 000 appels de Canadiens qui dénoncent des fraudes fiscales. Ils seraient beaucoup plus nombreux à appeler si seulement ils savaient qu'on donnera suite à leur appel.

(1745)

Pour que tout le monde sache que le gouvernement tient vraiment à poursuivre ceux qui fraudent délibérément l'impôt, le ministre du Revenu national fait connaître les condamnations prononcées dans les cas de fraude fiscale. La publicité accrue dont les fraudeurs font l'objet et l'embarras résultant du fait d'être condamné à payer une amende ou à purger une peine de prison en plus d'avoir à payer les impôts dûs plus les intérêts et les pénalités, tout cela a eu un effet dissuasif.

Pendant l'année dernière, les fonctionnaires de Revenu Canada ont consulté activement les particuliers et les associations d'un bout à l'autre du Canada sur les question de la fraude fiscale, de l'économie souterraine et de la contrebande. Revenu Canada a sollicité et obtenu l'appui de ces groupes. Avec l'Institut canadien des comptables agréés, par exemple, le ministère a mis sur pied un comité de travail chargé d'étudier les causes de l'économie souterraine, d'examiner les techniques de vérification et d'identifier la formation qui permettrait de dépister les revenus non déclarés ou déclarés en partie, de même que les possibilités de réduire le coût et le fardeau administratif que représente l'observation de la loi pour les entreprises et les particuliers.

Ces groupes font comprendre à leur tour à leurs membres les risques auxquels ils s'exposent en s'adonnant à l'économie souterraine. Chaque citoyen et chaque entreprise a un rôle à jouer pour éliminer l'économie souterraine. Les particuliers peuvent commencer par refuser de traiter avec les entreprises et les gens de métiers qui veulent se faire payer comptant. Les entreprises peuvent faire leur part en refusant qu'on exécute des travaux non comptabilisés. Oui, tous les Canadiens doivent faire leur part, les entreprises aussi bien que les particuliers. Il faut, tout simplement, qu'ils disent non.

Le député propose en deuxième lieu d'accorder une amnistie restreinte, applicable aux intérêts et aux pénalités que doit le contribuable, quand celui-ci déclare volontairement un revenu auparavant non déclaré. Mon collègue a souligné que cette amnistie s'applique uniquement aux intérêts et aux pénalités, non à l'impôt dû. La meilleure façon de procéder consiste à encourager l'observation volontaire de la loi. Cela fonctionne bien, car 95 p. 100 de toutes les recettes fiscales sont perçues sans qu'il soit nécessaire de prendre des mesures d'exécution. Revenu Canada a actuellement en place un programme de révélation volontaire qui permet de renoncer aux pénalités lorsqu'une vérification officielle n'a pas encore été mise en marche. Toutefois, les intérêts seraient toujours exigibles.

Nous devons nous prononcer en faveur d'une amnistie, car il est très important de donner à ceux qui profitent de l'économie souterraine l'occasion de régulariser leur situation. Nous devons affirmer bien clairement que l'économie souterraine n'est pas un phénomène économique normal et que les Canadiens ne continueront pas à tolérer des pratiques commerciales malhonnêtes à leurs dépens. C'est l'occasion, pour l'entrepreneur, de se mettre en règle.

Le troisième élément de la motion de mon collègue est un crédit d'impôt qui serait accordé aux contribuables au titre des travaux de rénovation de leur maison afin d'encourager la production des documents de base et de faciliter la communication de l'information. Pour obtenir un crédit d'impôt au titre de la TPS payée sur les travaux de rénovation, le contribuable devrait produire la facture originale avec sa déclaration de revenu. L'objectif visé est de créer des preuves documentaires dans un domaine où il y a des abus que la plupart des gens connaissent bien. C'est un bon moyen de renseigner le public sur ce type de criminalité, de décourager l'économie souterraine et d'aider les entreprises honnêtes qui sont disposées à produire une facture.

J'ai parlé avec certains de mes électeurs de l'économie souterraine. Ceux qui se conforment à la loi et paient leurs impôts ne sont pas enchantés de payer plus d'impôts parce que d'autres trichent. Les entrepreneurs qui essaient de gagner honnêtement leur vie n'aiment pas être désavantagés face à la concurrence d'entreprises et d'hommes de métier qui se font payer en liquide pour échapper au fisc. Mes électeurs craignent également que le gouvernement, à cause de ces pertes de recettes fiscales, ne puisse plus maintenir les programmes sociaux et économiques si importants pour notre bien-être.

Je vais appuyer la motion de mon collègue. Je tiens à ce que tous les impôts justes soient perçus pour que le contribuable honnête


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n'ait pas à porter le fardeau d'une fiscalité plus lourde et à se contenter de programmes moins généreux. L'économie souterraine n'est pas la norme, et elle n'est pas acceptable aux yeux des Canadiens.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais commencer mon intervention en félicitant le député de Mississauga-Sud qui a proposé cette motion. Je reconnais que la motion vise à régler le grave problème que pose la fraude fiscale au Canada, surtout dans le cas de la TPS.

Comme la TPS cristallise tout le mécontentement et tout le malaise que suscite le régime fiscal, le simple citoyen canadien ne considère pas qu'il commet un vol lorsqu'il se soustrait à la TPS. Lorsqu'il évite de payer la TPS, il ne considère pas qu'il vole ses concitoyens.

(1750)

En proposant sa motion, le député d'en face a porté à l'attention de la Chambre une question très importante. Le contrat social qui nous lie tous se fonde sur le principe de l'équité, sur le fait que nous paierons tous notre juste part et que nous le ferons plus ou moins de bon gré, en autant que tout le monde paie sa juste part.

Lorsqu'on songe au fait que la TPS est une taxe incroyablement impopulaire et au fait que le contribuable moyen a peine à joindre les deux bouts et n'aime pas de toute façon payer des taxes et des impôts, on comprend pourquoi il est tenté de se soustraire aux taxes. Lorsque les gens se soustraient au paiement des taxes qu'ils doivent, ils imposent leur fardeau à d'autres personnes. Ce n'est pas juste.

Je tiens à féliciter le député d'en face qui propose cette motion. Les députés sont au courant de la situation, mais pour la gouverne des Canadiens qui suivent le débat, j'aimerais signaler qu'une motion présentée à la Chambre ne lie pas le gouvernement. C'est tout simplement une façon de signaler au cabinet un problème sur lequel il devrait se pencher. Même si la motion fait l'objet d'un vote, elle n'est pas exécutoire. Je suis sûr que le député aimerait bien que la motion soit exécutoire, mais elle ne l'est pas.

Il y a bien d'autres choses qui se font en politique, à l'intérieur et à l'extérieur de la Chambre des communes, qui ne lient pas le gouvernement. Il y a, par exemple, les promesses électorales. Les députés se souviendront sûrement que, au cours de la dernière campagne électorale, le Parti libéral a fait bien du tapage autour de sa promesse d'abolir la TPS, cette taxe si détestée. En fait, je me souviens très bien d'avoir été ridiculisé par mon adversaire libéral durant la campagne électorale, parce que j'avais dit que nous ne pourrions supprimer la TPS sans la remplacer par une autre taxe. La TPS rapporte 18 milliards de dollars de recettes. Nous ne pouvons pas simplement la faire disparaître comme par magie. Nous devons être réalistes.

Deux ans plus tard, la TPS est toujours en place et elle n'est toujours pas modifiée. Voilà qui m'amène à parler de nos réserves à appuyer cette motion. Nous devons faire plus que simplement soigner les symptômes. Nous devons guérir le rhume.

Nous pensons nous aussi que la TPS a mené à une économie souterraine en pleine expansion. Le simple fait d'offrir une amnistie restreinte n'incitera toutefois pas les gens à cesser de fonctionner dans la clandestinité. Même si on ne faisait rien d'autre de ce qui est proposé dans cette motion, il serait bon qu'on laisse savoir aux gens qu'en ne payant pas de TPS ou en travaillant clandestinement, ils commettent un vol qui ne sera pas toléré dans notre pays. Il ne serait pas mauvais d'utiliser certaines des publicités lénifiantes que nous voyons actuellement d'un océan à l'autre pour dire ceci: «Un instant. Si vous travaillez clandestinement, vous volez votre voisin.»

Certains députés qui ont déjà pris la parole nous ont demandé comment nous aimerions travailler dans le secteur de la construction ou de la rénovation et nous faire ravir des contrats par un concurrent qui se fait constamment rétribuer clandestinement.

Il y a un an, j'ai fait exécuter des travaux de rénovation importants chez moi. Essayez de faire faire des travaux et de payer la TPS. Ce n'est pas une mince tâche. Dans l'industrie de la construction et de la rénovation, nombreux sont ceux qui vont refuser du travail s'il leur faut fournir des reçus. Et je ne parle pas de toutes les entreprises de services qui fonctionnent dans la clandestinité. Nous savons tous que cela existe.

Le problème, c'est que cela ressemble à une limite de vitesse sur une autoroute. Vous filez sur une autoroute à 110 kilomètres/heure et, pour aucune raison apparente, la limite est de 80 kilomètres/heure et il y a là un radar. Eh bien, nos concitoyens vont se laisser guider par leur bon sens. La réaction à la TPS a été une réaction viscérale aux taux d'imposition dans notre pays. C'est pour cela plus que pour toute autre chose qu'on ne paie pas la TPS. Le Canadien ordinaire ne considère pas cela comme un crime.

(1755)

Plutôt que de chercher des aménagements, plutôt que de soigner le symptôme au lieu de la maladie, le député d'en face devrait entreprendre une démarche bipartite avec d'autres députés de la Chambre afin de voir si l'on ne pourrait pas régler le problème sous-jacent du régime fiscal, à savoir qu'il décourage le réinvestissement. Comme le sait pertinemment le député de Mississauga-Sud-beaucoup mieux que moi, compte tenu de son expérience de comptable agréé-le régime fiscal décourage les Canadiens de réinvestir leurs profits. Cela pose un problème beaucoup plus grave que la TPS.

Si je conteste ce projet de loi, ce n'est pas à cause de son idée maîtresse, que je juge honorable et bien orientée, à savoir que les gens doivent sortir de l'économie parallèle. Je ne le conteste pas non plus à cause de l'amnistie restreinte qu'il accorde aux personnes qui veulent en sortir. Il est bon de leur offrir la carotte, mais il faut aussi se munir d'un bon bâton.


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Ce qui m'ennuie, c'est qu'on offre un crédit d'impôt à la rénovation. On pourrait tout aussi bien résoudre le problème en permettant, par exemple, que les gens aient recours pour cela à leur REER, comme ils peuvent déjà le faire pour s'acheter une première maison. Ils pourraient, selon le capital investi dans leur maison, se servir de leur REER pour effectuer des rénovations, mais seulement s'ils présentent un reçu officiel montrant qu'ils ont payé la TPS. On s'assurerait ainsi que le Trésor public ne débourse pas deux fois, soit une fois pour le REER et une autre fois pour le crédit d'impôt. Qu'arrive-t-il si les gens font les travaux eux-mêmes ou quelque chose du genre?

Je ne crois tout simplement pas qu'il faille offrir des crédits d'impôt pour amener les gens à respecter la loi. Il faut respecter la loi parce que c'est la chose à faire. Il faut faire passer le message, offrir l'amnistie comme carotte et prévoir un gros bâton pour ceux qui violent la loi. Ce ne sera pas pour inciter les gens à faire ce qu'il faut parce qu'on va les payer pour le faire; ils vont le faire parce que c'est la seule chose à faire et parce que la collectivité ne tolère plus qu'on viole la loi.

Je rappelle que le gouvernement libéral a promis de nous débarrasser de la maudite TPS. Et pourtant, deux ans plus tard, je la paye encore chaque fois que j'achète quelque chose. Je serais très étonné qu'elle disparaisse dans le cours de la présente législature.

M. McCormick: Vous serez étonné.

M. McLelland: Je serais très étonné, mais ravi. Les députés d'en face disent que je serai étonné, ce que je prends pour une confirmation de la promesse qui a été faite au cours de la campagne électorale de nous débarrasser de la TPS. Vous l'avez entendu ici en premier. Les libéraux promettent toujours de nous débarrasser de la TPS.

C'est à espérer qu'ils la remplaceront pas un impôt uniforme et qu'ils collaboreront pour cela avec nous et d'autres, y compris des députés d'en face, tel le député de Broadview-Greenwood, qui travaille depuis des années à mettre au point un impôt unique. Il semble que ce soit finalement le bon moment de le faire. Efforçons-nous tous de guérir la maladie et non le symptôme.

M. Larry McCormick (Hastings-Frontenac-Lennox and Addington, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui au sujet de la motion M-382 qu'a présentée le député de Mississauga-Sud. Mon collègue a fait des recherches poussées sur l'économie souterraine, et je trouve important de le reconnaître.

J'ai beaucoup réfléchi à la question parce que nombre de mes électeurs sont directement touchés par l'économie souterraine. Ce sont des gens qui exploitent des entreprises légitimes. Ils m'ont expliqué comment les prétendus entrepreneurs au noir font du tort à leurs entreprises. Ils veulent que le gouvernement intervienne avant qu'il ne soit trop tard. Ce n'est pas avec ces prétendus entrepreneurs au noir que j'ai fait mes débuts dans les affaires.

Plus l'activité est grande dans l'économie souterraine, moins il y a de recettes pour les gouvernements. L'économie souterraine livre une concurrence déloyale aux entreprises légitimes. Des emplois sont perdus et les contribuables honnêtes sont forcés de payer plus que leur juste part d'impôts. Pour nombre de particuliers et d'entreprises, l'économie souterraine est devenue une manière commode de se soustraire à l'impôt, de ne pas payer sa juste part d'impôts.

(1800)

En faisant leurs transactions financières dans l'économie souterraine, les entrepreneurs au noir évitent de faire leur contribution aux programmes socio-économiques du Canada. Ils ne paient pas pour les services qu'ils obtiennent. Ce sont en fait les autres Canadiens comme vous et moi qui sont forcés de payer davantage.

J'invite tous les députés et tous les Canadiens à songer au coût réel de l'activité de l'économie souterraine. Ce coût est élevé. J'estime qu'il est astronomique. Il se traduit par une réduction des services essentiels, par des impôts anormalement élevés, une concurrence déloyale et un niveau de vie moindre pour l'honnête contribuable. Si tous les Canadiens payaient leur juste part d'impôts, il en résulterait une diminution des impôts pour tous. Il n'y a rien de nouveau là-dedans et il suffit d'y penser pour se rendre compte que tous en profiteraient.

Comment l'économie souterraine nuit-elle à la compétitivité des entreprises légitimes? Beaucoup de groupes nous ont donné leur avis. L'un des principaux est évidemment l'Association canadienne des constructeurs d'habitations, qui se dit très inquiète. Les rénovateurs de maisons qui se soustraient à l'impôt jouissent d'un avantage injuste par rapport aux entrepreneurs honnêtes. Nombre d'entreprises légitimes dans ma circonscription, Hastings-Frontenac-Lennox and Addington, sont menacés par des entrepreneurs au noir.

Dès le départ, les entreprises honnêtes subissent un désavantage concurrentiel parce qu'elles ne peuvent pas faire aux clients la même offre que les autres qui ne font pas payer les taxes. Donc, les entreprises légitimes subissent une concurrence injuste et beaucoup d'emplois disparaissent.

Mon collègue, le député de Mississauga-Sud, a proposé dans sa motion des moyens précis pour attaquer l'économie souterraine. Il préconise une amnistie restreinte visant les intérêts et les pénalités aux contribuables qui déclarent volontairement des revenus auparavant non déclarés. Si l'on engageait plus d'enquêteurs à contrat ou à commission, les gens comprendraient que le gouvernement est sérieux et ils déclareraient leurs revenus.

On aurait recours à des enquêteurs supplémentaires tant que ce serait rentable. Il nous faut faire savoir à la population que, lorsqu'ils paient un fournisseur en espèces sans qu'il y ait de facture, ils encouragent la fraude, car ils refusent de faire affaire avec ceux qui émettent des factures et aident, à leur tour, les entreprises des honnêtes citoyens.

Le crédit d'impôt équivalent à la TPS sur les rénovations domiciliaires pourrait être administré très simplement. Il suffirait que le contribuable présente la facture originale avec sa déclaration d'impôt ou séparément. On créerait ainsi le besoin d'établir des pièces


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justificatives. Nous savons tous que des abus sont commis et il est temps de s'y attaquer.

Un crédit d'impôt serait un bon moyen de sensibiliser la population au crime et de décourager les transactions au noir. Un contribuable soutiendrait les entreprises honnêtes qui acceptent de produire des factures.

La politique de divulgation volontaire de Revenu Canada permet aux particuliers, aux sociétés, aux entreprises, aux fiducies, aux organismes sans but lucratif, aux organismes de charité et à d'autres de faire une déclaration pour corriger tout écart dans les déclarations qu'elles ont présentées au ministère. Cette politique repose sur un principe simple. Lorsqu'une divulgation est faite volontairement avant qu'un ministère commence une vérification financière ou lance une autre mesure officielle, il n'y a aucune pénalité et aucune autre sanction, comme des poursuites pour fraude fiscale.

Le contribuable n'a qu'à payer les impôts ou les droits qu'il n'a pas payés ainsi que les intérêts accumulés. C'est juste puisque l'intérêt reflète la valeur réelle des sommes dues et le fait que ceux qui n'ont pas payé leurs impôts à temps ont joui de l'usage des fonds.

Avec sa politique de divulgation volontaire, Revenu Canada adopte la plupart du temps une attitude responsable face aux recouvrements. Des ententes peuvent être conclues avec le gouvernement pour le remboursement des sommes dues selon des modalités n'imposant pas un fardeau trop lourd aux contribuables.

Une personne peut faire une divulgation volontaire en communiquant directement avec un bureau de Revenu Canada ou en demandant à son comptable ou à son avocat de le faire à sa place. Une divulgation sera jugée volontaire si elle est faite avant que Revenu Canada ait commencé une vérification ou lancé une autre mesure de recouvrement.

(1805)

Je sais par expérience que ce que nous obtenons ne vaut pas plus que ce que nous avons payé. Lorsque nous acceptons des services non déclarés, nous pouvons nous attendre à du travail de moins bonne qualité et à des matériaux de moins bonne qualité parce que ces entreprises n'ont pas à respecter les règlements de l'industrie et ne les respecteront donc pas.

De plus, il ne faut surtout pas oublier que les consommateurs n'ont pas la protection et les garanties qu'ils auraient s'ils avaient un bon de commande ou une facture en bonne et due forme. Lorsque le client profite de l'économie souterraine, il n'a aucun recours et aucune protection.

Il y a un peu plus d'un an, une dame âgée habitant un village près de chez moi a vu trois hommes arriver chez elle en camionnette. Ils ont frappé à sa porte et lui ont dit que, comme l'hiver avait été dur, ils voulaient inspecter sa maison pour voir s'il y avait des petites réparations à faire. Ils lui ont également dit qu'elle économiserait beaucoup d'argent si elle faisait faire ces travaux par eux. Ils ont ensuite passé une demie-heure à inspecter la maison dans ce village, qui s'appelait à l'origine Rogues Hollow.

Après avoir inspecté la maison, ils ont frappé de nouveau à la porte et ont dit ceci: «L'hiver a été très dur et le mur arrière de votre maison est endommagé. Les briques sont en train de tomber. De plus, votre cheminée est prête à s'effondrer. Selon notre estimation, ces travaux coûteront 6 200 $, mais, si vous nous payez comptant, nous pouvons faire tout cela maintenant. Nous sommes des professionnels et nous pouvons faire ces réparations pour vous aujourd'hui pour 3 100 $.» C'est une histoire vraie. Ces hommes ont fait des travaux d'une valeur de 300 $, 400 $ 500 $ ou 600 $, ce matin-là, et la dame leur a donné les 3 100 $ qu'ils avaient demandés.

Elle était malade le jour suivant. Elle m'a téléphoné à la maison pour me demander quoi faire, mais, encore une fois, elle avait payé comptant. Combien de fois devrons-nous nous faire prendre au piège par ces gens-et je dis cela particulièrement pour les personnes âgées-avant de nous rendre compte que ce sont des escrocs?

Les députés d'en face dont j'ai entendu le discours ont parlé de la taxe la plus haïe dans l'histoire du Canada et de la façon dont elle a contribué à la prospérité de l'économie souterraine. Il est vrai que, lorsque la TPS est arrivée, l'économie souterraine a tout simplement explosé. Lorsque la TPS est arrivée, les petites entreprises, comme le commerce de détail que mon épouse Rita et moi-même exploitions, ont vu leur fardeau administratif s'accroître encore davantage. Nos ministres nous ont dit que, lorsque nous changerons la TPS, nous réduirons le fardeau administratif des petites entreprises. J'attends impatiemment ce moment et je me fais un devoir de rappeler à mes ministres l'engagement qu'ils ont pris.

Mes collègues d'en face ont parlé de la TPS. Notre gouvernement a enfin reconnu l'importance des petites entreprises. Le gouvernement libéral reconnaît que nos emplois viendront des petites entreprises. Récemment, le ministre de l'Industrie a annoncé que des microprêts seraient accessibles. Il s'agit de prêts de moins de 5 000 $ pour les petites entreprises. Je crois que cela fera une grande différence, et nous pouvons maintenant encourager les entreprises souterraines à devenir des entreprises légitimes.

La motion à l'étude propose au gouvernement de sensibiliser les Canadiens à la question et de les encourager à prendre part à la solution. Il est vrai que les Canadiens ont besoin de connaître la gravité du problème de l'économie souterraine et de savoir ce qu'on peut faire pour l'atténuer. Je félicite le député de Mississauga-Sud pour ses efforts en vue de stimuler la discussion sur cette question. Je prie instamment tous les députés de la Chambre de transmettre le message à leurs électeurs, ce que je ferai moi-même. J'exhorte les députés à parler à leurs électeurs de l'économie souterraine, de la gravité de ce problème et de ce qu'on peut faire pour l'atténuer.

Je suis également d'accord pour dire que les gouvernements ne peuvent pas régler le problème à eux seuls. Nous devons tous faire notre part et prendre nos responsabilités. Je prie instamment tous les députés d'appuyer la motion no 382.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Mississauga-Sud d'avoir saisi la Chambre de cette importante question, qui exige l'attention des députés des deux côtés. Nous ne devons pas sous-estimer l'importance de l'économie souterraine.


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Je suis sûr que d'autres députés ont déjà parlé avec des électeurs de la difficulté de concurrencer ceux qui oeuvrent dans l'économie souterraine et qui insistent pour être payés comptant. Plus l'économie souterraine croît, moins le gouvernement encaisse de recettes.

L'économie souterraine impose une concurrence déloyale aux commerçants honnêtes. Elle fait perdre des emplois et oblige les contribuables à supporter plus que leur juste part. Le gouvernement est déterminé à assurer l'équité fiscale et il a mis au point une stratégie pour assurer le respect de la loi. En novembre 1993, le ministre du Revenu national a annoncé un train de mesures pour lutter contre l'économie souterraine et l'évasion fiscale. Le ministère a resserré ses liens avec le secteur privé et les provinces.

(1810)

Au cours de la dernière année, Revenu Canada a consulté plus de 240 groupes, ce qui a aidé le ministère à définir ses stratégies, à repérer les secteurs d'inobservation de la loi et à examiner des mesures pour en accroître le respect.

Des accords de coopération ont été conclus avec toutes les provinces. Ces accords ont permis la tenue de vérifications conjointes avec les provinces et l'échange de stratégies de vérification, de matériel de formation et d'expertise. Le ministère a renforcé sa capacité de reconnaître les non-déclarants et les non-inscrits, il a accru le nombre de vérifications et fait en sorte qu'elles ciblent davantage les secteurs d'activité où la non-observation est la plus fréquente.

Les secteurs de la construction et de la rénovation domiciliaire font l'objet d'une attention particulière. Pendant les consultations qu'ils ont tenues avec les représentants de l'industrie et du commerce, les fonctionnaires de Revenu Canada ont appris comment l'économie souterraine fait perdre des revenus et des emplois. Les consommateurs y perdent en renonçant aux garanties et à la qualité que des entreprises réputées peuvent leur offrir. Les travailleurs qui sont à la recherche d'emplois stables et sûrs sont également lésés.

Le gouvernement a pris des dispositions pour répondre aux besoins de l'industrie, qui est aux prises avec des entrepreneurs au moir. La raison est simple. Aucune entreprise respectueuse des règles ne devrait avoir à subir la concurrence déloyale de ceux qui ne respectent pas la loi. Les contribuables honnêtes ne doivent pas être désavantagés par les tricheurs.

Revenu Canada a chargé des équipes de vérification spéciales d'examiner les transactions. Le ministère examine les petites annonces et visite les chantiers de construction pour tenter d'obtenir des renseignements sur les non-déclarants et les non-inscrits. Avec l'information qu'il peut tirer des registres financiers des cours à bois et des fournisseurs de matériaux de construction, Revenu Canada peut vérifier si les gens qui achètent des matériaux paient les impôts qu'ils doivent sur les travaux qu'ils accomplissent.

On a aussi tiré profit de renseignements obtenus de simples citoyens, qui sont souvent des clients insatisfaits des travaux effectués par une personne qu'ils ont payée comptant et dont ils n'ont pu obtenir qu'elle corrige ce qui leur déplaisait.

Revenu Canada collabore avec l'association des détaillants de bois et matériaux de construction de l'Ontario. Cette association a accepté d'afficher, dans ses magasins affiliés, un avertissement prévenant les consommateurs des pièges que comporte le travail au noir.

Le ministère consulte aussi régulièrement l'Association canadienne des constructeurs d'habitations. Plus précisément, Revenu Canada et l'ACCH ont mis sur pied un groupe de travail chargé de coordonner les efforts entrepris pour contrer le travail au noir dans le secteur de la rénovation domiciliaire. Le groupe de travail cherche à trouver des moyens, pour l'ACCH et ses sections locales, d'aider Revenu Canada à identifier les entreprises qui contribuent à l'économie souterraine. L'ACCH et Revenu Canada peuvent aussi collaborer pour veiller à ce que les Canadiens connaissent les risques qu'ils encourent en acceptant de faire du travail non déclaré. Le ministère consulte tant les sections locales de l'ACCH que ses instances nationales.

La mesure prévue dans le budget de février concernant l'établissement d'un système de déclaration des paiements versés aux sous-traitants de l'industrie de la construction est la conséquence directe des consultations faites auprès de représentants de l'industrie de la construction. Cette mesure et d'autres dispositions du budget donnent plus de poids à l'engagement du gouvernement à donner un régime fiscal juste aux Canadiens et des conditions équitables aux entreprises.

Revenu Canada examine maintenant avec des représentants des associations industrielles et professionnelles ainsi qu'avec des représentants des associations de comptables professionnels et des associations juridiques la façon dont le système de déclaration devrait fonctionner et les autres mesures qui pourraient être prises. Le gouvernement veut faire en sorte de mieux faire respecter la loi mais sans pour autant accroître la charge et le coût pour les entreprises.

La motion du député de Mississauga-Sud renferme une proposition qui prévoit un crédit d'impôt pour les contribuables qui effectuent des travaux de rénovation ou d'amélioration domiciliaire afin d'encourager la production des documents de base. J'appuie l'intention de cette proposition. C'est une chose que le gouvernement veut peut-être envisager, mais il faut reconnaître que la mise en oeuvre de cette mesure entraînerait des coûts.

Revenu Canada est en train de revoir les remboursements de la TPS qui ont été effectués au titre de travaux de rénovation substantiels ainsi que les crédits de taxe provinciale sur les ventes afin de s'assurer que les contribuables ont bien fait les demandes de déduction appropriées. Ces documents de base sont très utiles.

(1815)

Je remercie le député d'avoir présenté cette motion qui nous permet d'examiner une question d'intérêt primordial pour les Canadiens.

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'avoir l'occasion de dire quelques mots sur la motion no 382 présentée par le député de Mississauga Sud. Je voudrais commencer par féliciter mon collègue de cette initiative.

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La question qui fait l'objet de cette motion est d'une grande importance pour les Canadiens de tout le pays. Pour beaucoup de particuliers et d'entreprises, l'économie souterraine est devenue un moyen facile d'éviter de payer des impôts et, ainsi, de ne pas payer sa juste part.

Ceux qui profitent de l'économie souterraine ont peut-être l'impression que leur situation financière justifie leur geste. C'est peut-être parce qu'il y a plusieurs années qu'ils n'ont pas eu d'augmentations de salaire. C'est peut-être parce qu'ils estiment que le système fiscal est trop complexe ou trop injuste. C'est peut-être aussi par avidité. Ils voient cela comme un crime sans victime, puisque c'est le ministère du Revenu qu'ils volent.

Quand ces gens participent à l'économie souterraine, ils n'apportent pas leur contribution en faveur des programmes sociaux et économiques du Canada. Ils n'assument pas les coûts des services dont ils se prévalent. En revanche, les autres Canadiens sont forcés de payer davantage.

Chaque fois que quelqu'un participe à l'économie souterraine, c'est autant d'argent qui n'ira pas aux soins de santé et à l'éducation. C'est une recette fiscale qui ne sera peut-être jamais perçue.

D'une façon ou d'une autre, nous sommes tous victimes de l'économie souterraine. Le prix à payer, c'est la compression des services essentiels, l'augmentation indue des impôts, la concurrence déloyale et la baisse du niveau de vie des contribuables honnêtes. C'est tout simplement un comportement injuste et qui manque de vision.

La motion dont la Chambre est saisie invite le gouvernement à sensibiliser la population à ce problème et à l'encourager à s'y attaquer. Je reconnais que les Canadiens doivent connaître la gravité du phénomène qu'est l'économie souterraine et les moyens de la réduire. Je reconnais également que les gouvernements ne sauraient régler le problème tout seuls. Nous devons tous faire notre part dans ce domaine.

Certes, le gouvernement a dégagé les solutions à apporter à ce problème et à d'autres que connaissent actuellement les Canadiens, mais il ne peut agir seul. Il nous faut comprendre le problème et ses répercussions. C'est précisément pour cette raison qu'en novembre 1993 le ministre du Revenu national a fait de la sensibilisation un des éléments-clés de son plan d'action visant à combattre l'économie souterraine.

Les fonctionnaires de Revenu Canada ont consulté beaucoup de particuliers et d'associations dans tout le Canada. Ces groupes transmettent à leurs membres le message sur l'urgence de lutter contre l'économie souterraine. Chaque citoyen, chaque entreprise a un rôle à jouer dans l'effort d'élimination de l'économie souterraine.

Les particuliers peuvent commencer à refuser de traiter avec des entreprises et des gens de métier qui exigent d'être payés en espèces. Les entreprises peuvent faire leur part en refusant les demandes de travail au noir.

Pour s'assurer que tout le monde sait que le gouvernement entend bien poursuivre ceux qui fraudent délibérément le régime fiscal, le ministre du Revenu national publie les condamnations pour évasion fiscale. La publicité accrue entourant ces causes a un effet dissuasif.

Le nombre de Canadiens qui s'adressent au ministère pour rectifier, de leur propre chef, leur déclaration d'impôt a doublé simplement au cours de la dernière année. De plus, le nombre de fraudes fiscales possibles dénoncées chaque année par le public a augmenté de quelque 19 000 cas.

(1820)

Comme les députés le savent, le régime fiscal canadien est basé sur la nécessité pour les contribuables de déclarer volontairement leur revenu et de payer leurs impôts. Un régime d'autocotisation volontaire est la façon la plus efficace pour un gouvernement de percevoir les impôts dus.

Un des fondements d'un bon régime fiscal réside dans le fait, réel ou perçu, que chacun paie sa juste part d'impôt. On ne demande à personne de payer plus qu'il ne faut. Or, l'économie souterraine mine l'équité du régime fiscal.

Peu importe l'étendue de l'économie souterraine, il est indéniable qu'elle existe et que le tort qu'elle fait à la société canadienne va de la concurrence déloyale pour les entreprises honnêtes à la hausse d'impôts pour les contribuables honnêtes, à la fermeture d'entreprises, au chômage et à la perte de recettes dont le gouvernement a besoin pour financer le programme économique et social du Canada. C'est un problème que nous ne pouvons pas négliger.

Je crois cependant que nous réalisons des progrès dans notre lutte contre l'économie souterraine et les autres formes d'évasion fiscale. Je félicite le député de Mississauga-Sud pour les efforts qu'il déploie afin de promouvoir la discussion de cette question. J'invite certainement tous les députés à appuyer la motion.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à féliciter moi aussi mon collègue de Mississauga-Sud d'avoir proposé cette motion sur une question à laquelle tous les Canadiens accordent beaucoup d'importance.

Ce que les Canadiens veulent plus que toute autre chose dans le régime fiscal, c'est qu'il soit juste. Tout le monde devrait payer sa juste part.

L'économie souterraine augmente le fardeau des contribuables respectueux de la loi qui, volontairement, déclarent honnêtement tous leurs revenus chaque année. En ayant recours à l'économie souterraine, une partie de notre société dit qu'elle va faire des affaires, profiter de l'économie du pays, mais ne pas y contribuer.

Cela nous fait du tort à plusieurs points de vue. Bien sûr, ceux qui ne déclarent pas ce qu'ils ont gagné évitent de payer l'impôt sur le revenu. Ils ne paient pas non plus la TPS ni la taxe de vente provinciale sur le travail effectué. Lorsque cela arrive, tous les gouvernements et tous les Canadiens sont perdants.

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Il suffit de siéger ici tous les jours pour entendre parler des pressions financières énormes qui s'exercent sur le gouvernement et sur tous les Canadiens. Nous savons que l'on cherche en ce moment à réduire le plus possible les dépenses. Cela amène à prendre des décisions très difficiles qui ne vont pas nécessairement améliorer la situation de l'économie ou le niveau de vie. Toutefois, nous savons qu'elles s'imposent, et cela, parce qu'il y a, depuis un certain nombre d'années, un déséquilibre marqué entre les dépenses publiques et les recettes publiques.

Cette motion vise directement les recettes. On ne s'entend peut-être pas sur l'ampleur de l'économie souterraine et le manque à gagner que supposent les revenus non déclarés, mais personne ne niera qu'il s'agit de sommes considérables, dont la croissance a été dramatique ces dernières années.

Combien nous en coûte-t-il lorsque les gens ne paient pas leur juste part d'impôt? Nous avons tous entendu des électeurs dire qu'ils s'inquiétaient pour l'avenir de notre système de santé. Nous entendons parler de listes d'attente dans les hôpitaux et de fermetures d'hôpitaux. Il ne fait aucun doute que c'est là une question d'actualité en Ontario et dans la région de la capitale nationale.

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Nous entendons parler de la réduction des prestations d'assurance-chômage versées aux personnes qui en ont besoin. On nous dit qu'il manque de fonds pour aider les personnes dans le besoin à traverser les périodes difficiles. Nous entendons parler de la réduction des services communautaires s'adressant aux enfants. Nous entendons parler d'une pénurie de ressources qui empêche le Canada de jouer le rôle important qu'il a toujours joué dans le développement international. Et le reste et le reste.

La motion offre la possibilité de charger un comité parlementaire de trouver des moyens pour corriger une situation déplorable. Les gens qui s'enrichissent en ne payant pas leurs impôts sur le revenu abusent de leurs concitoyens. Comment pouvons-nous remettre ces gens dans le droit chemin en les convainquant de payer ce qu'ils doivent pour ne pas faire payer aux autres plus que leur juste part? Si on récupérait l'argent actuellement perdu, il serait possible de prendre les mesures nécessaires à l'édification d'une société prospère et saine pour tous les Canadiens.

Nous connaissons tous des gens qui ont fait faire des travaux à leur maison. Récemment, j'en ai fait faire chez moi et, en tant que députée, j'ai insisté pour avoir une facture renfermant le détail de la TPS. Cependant, je peux comprendre quelqu'un dont le revenu est gelé depuis cinq ans ou qui a dû changer d'emploi pour en accepter un moins bien rémunéré, ou encore qui se retrouve au chômage et doit nécessairement faire effectuer des travaux à sa maison. Je peux comprendre pourquoi on cherche à obtenir le meilleur prix possible pour un travail donné, même si on soupçonne que la personne à qui l'on confie ce travail ne paie pas d'impôts et, partant, ne fait pas la contribution qu'elle devrait faire en tant que citoyen canadien.

Cette motion donne au gouvernement l'occasion d'agir. Je voudrais rendre hommage à un de mes électeurs qui m'a fait part d'une suggestion il y a quelques années, laquelle j'ai transmise au ministre des Finances et au ministre du Revenu national. Il s'agissait de s'assurer que quiconque effectue des travaux de rénovation soit un entrepreneur légitime payant ses impôts. Cela pourrait être fait de diverses manières.

Cette motion donne l'occasion au comité parlementaire d'envisager une variété de moyens que le gouvernement pourrait prendre pour veiller à ce que la vaste majorité des Canadiens, qui sont honnêtes-et notre régime fiscal est vraiment fondé sur l'honneur-et qui respectent le régime, ne soient pas pénalisés au profit de la poignée de ceux qui choisissent de ne pas payer leur juste part.

[Français]

Le vice-président: La période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée. Conformément au Règlement, l'ordre retombe au bas de la liste de priorité au Feuilleton.

Comme il est 18 h 30, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, à 10 heures, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 30.)