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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 16 octobre 1995

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION

    Projet de loi C-309. Motion de deuxième lecture 15369
    M. Mills (Red Deer) 15369
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 15373
    M. Mills (Red Deer) 15376

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

    Projet de loi C-64. Reprise de l'étude de la motionde troisième lecture 15377

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA MONNAIE ROYALE

    M. Harper (Churchill) 15394

L'ÉCONOMIE QUÉBÉCOISE

LE CERTIFICAT DE MÉRITE DU PRIX BÉNÉVOLAT CANADA

LE CONGRÈS DU NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

LE CANCER DU SEIN

LA FEMME ENTREPRENEURE DE L'ANNÉE

LE PRIX DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

LES SUBVENTIONS ET CONTRIBUTIONS

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

L'ÉCONOMIE QUÉBÉCOISE

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

    Mme Gagnon (Québec) 15397

LE SÉNAT

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

    Mme Ringuette-Maltais 15398

QUESTIONS ORALES

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15398
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15398
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15398
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15399

LES SOINS DE SANTÉ

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15399
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15400
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15400

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15400
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15400

L'ENQUÊTE SUR LES INCIDENTS EN SOMALIE

ÉLECTIONS CANADA

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15401
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15401

LES NOMINATIONS FAITES PAR LE GOUVERNEMENT

L'IMMIGRATION

LES CARIBOUS DE LA PORCUPINE

LES PÊCHES

L'IMMIGRATION

LE CODE CRIMINEL

LE FONDS D'INVESTISSEMENT DE L'ATLANTIQUE

LE CONSEIL POUR L'UNITÉ CANADIENNE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15405

LA JUSTICE

LES SOINS DE SANTÉ

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15406

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

L'HONORABLE AUDREY MCLAUGHLIN

RECOURS AU RÈGLEMENT

PROJET DE LOI S-9-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LE MOIS DE L'HISTOIRE DES FEMMES

    Mme Gagnon (Québec) 15412
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 15413

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Motion d'adoption du 90e rapport 15414
    Adoption de la motion 15414

PÉTITIONS

L'EUTHANASIE

L'ORIENTAION SEXUELLE

L'UNITÉ NATIONALE

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

QUESTIONS AU FEUILLETON

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

    Projet de loi C-64. Reprise de l'étude de la motionde troisième lecture 15415
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 15417
    M. Mills (Red Deer) 15438
    Report du vote sur la motion 15440

MOTION D'AJOURNEMENT

LES ESPÈCES EN VOIE DE DISPARITION

L'AGRICULTURE


15369


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 16 octobre 1995


La séance est ouverte à 11 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.) propose: Que le projet de loi C-309, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information (divulgation des résultats des sondages d'opinion) soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, la plupart des Canadiens croient que le Canada est le pays où il fait le mieux vivre, mais cela ne veut pas dire qu'ils acceptent le statu quo et refusent les changements. Ils veulent des changements constructifs et leur désir le plus pressant est d'avoir un gouvernement plus transparent et plus responsable.

La transparence suppose le libre échange de renseignements entre le gouvernement et les citoyens. Elle signifie aussi que le gouvernement informe la population au lieu de la manipuler. La transparence oblige le gouvernement qui utilise l'argent des contribuables pour sonder l'opinion des Canadiens à permettre à chacun de connaître les résultats des sondages au moment opportun.

Les Canadiens qui veulent avoir accès aux résultats des sondages ne devraient pas être obligés de franchir toutes sortes d'obstacles bureaucratiques pour y arriver. À la différence du Parlement précédent, qui était très porté sur le secret, le Parlement actuel doit changer le système. Les Canadiens ne doivent plus jamais être témoins de situations comme celle qui s'est produite sous le gouvernement Mulroney, lorsque le Commissaire à l'information du Canada a dû poursuivre le premier ministre en justice pour l'obliger à divulguer les résultats de sondages payés avec l'argent des contribuables.

Le gouvernement du secret, qui est chose courante à Ottawa, doit disparaître dans les plus brefs délais car la population ne l'accepte plus. Les Canadiens ne veulent plus faire aveuglément confiance aux politiciens car l'expérience leur a appris qu'un gouvernement laissé à lui-même abuse.

Un gouvernement peut choisir parmi des renseignements importants ceux qu'il divulguera afin de manipuler l'opinion publique et mousser ses propres priorités. De fait, le gouvernement Parizeau, au Québec, a récemment donné un exemple parfait de ce genre de pratique. La situation ne mettait pas en cause des sondages d'opinions, mais portait sur un ensemble d'études, financées avec l'argent des contribuables, sur les conséquences de la séparation du Québec.

Comme le savent sans doute déjà tous les députés, le gouvernement Parizeau s'est rendu compte que certaines études soulevaient de sérieux doutes sur la viabilité d'un Québec indépendant. Ces études signalaient, à juste titre, les embûches économiques qui seraient inévitablement liées à la séparation et cela n'a pas plu au gouvernement Parizeau. Au lieu de publier toutes les études financées avec l'argent des contribuables, M. Parizeau n'a publié que celles qui renforçaient sa propre position.

(1105)

D'où l'importance de rendre publics en temps opportun les résultats de tous les sondages. Outre que cette manipulation de la part du gouvernement Parizeau est malhonnête, elle illustre bien la nécessité de mettre en place une mesure législative visant à empêcher ce genre de comportement.

Le gouvernement actuel n'a pas été aussi secret que le précédent. Donc si les libéraux croient vraiment à l'idée d'un gouvernement transparent, ils ne devraient pas avoir peur de joindre l'acte à la parole. En adoptant une loi obligeant le gouvernement à faire preuve de transparence, le Parlement peut montrer à tous les Canadiens que les temps ont changé et que le droit des citoyens de savoir ce que fait leur gouvernement est fondamental. Si ce Parlement veut vraiment que le gouvernement soit transparent, tous les députés devraient consentir à ce que le projet de loi C-309 fasse l'objet d'un vote et l'adopter.

Le projet de loi modifie la Loi sur l'accès à l'information de façon à veiller à ce que tout ministère, conseil ou commission fédéral qui fait faire un sondage d'opinion en avise le ministre désigné et le président de la Chambre des communes. Le ministre désigné est alors obligé de soumettre à la Chambre des communes les résultats du sondage ainsi que de lui faire tenir un rapport décrivant la nature du sondage, contenant un exemplaire des questions posées et un résumé des réponses données et indiquant la période durant laquelle le sondage a été effectué, ainsi que le coût.


15370

Le ministre est tenu de déposer ce rapport à la Chambre dans un délai maximum de 15 jours à compter de la date à laquelle le sondage a pris fin. Si la Chambre ne siège pas, le rapport est déposé dans les mêmes délais auprès du Commissaire à l'information, publié dans la Gazette du Canada, puis présenté à la Chambre des communes dans les cinq jours qui suivent la reprise des travaux.

Si le projet de loi C-309 faisait l'objet d'un vote et était adopté, les résultats de tous les sondages d'opinion faits à la demande d'organismes fédéraux seraient rendus publics dans les meilleurs délais, ce qui permettrait de disposer des résultats alors que l'information est encore pertinente. C'est ce qu'exigent les Canadiens.

J'espère que je me trompe, mais je m'attends à ce que les députés libéraux s'opposent au projet de loi. Les députés d'en face savent très bien qu'ils ont affirmé, entre autres promesses électorales, que la transparence allait être le mot d'ordre des libéraux. Je doute qu'ils soient prêts à tenir parole.

Cette réticence des libéraux à honorer les promesses de leur livre rouge a été clairement démontrée, plus tôt au cours de l'année, quand ils ont été les seuls à la Chambre à voter contre la motion M-304, rejetant par le fait même la notion de transparence. J'avais proposé cette motion qui devait rendre le Parlement et les sociétés d'État sujets à examen en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. À cette époque, on m'avait dit que ce n'était pas le bon moment d'adopter cette motion, parce que la loi était en cours d'examen et que l'on devait apporter des modifications majeures à la Loi sur l'accès à l'information. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut la réviser. Je me demande si l'on me servira les mêmes raisons sur la question dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Bien qu'on ait garanti aux députés libéraux que la motion M-304 ne comportait rien qui les oblige à divulguer des renseignements concernant leur bureau ni rien qui nuise aux avantages concurrentiels des sociétés d'État, les ministériels ont voté contre à l'unanimité. C'est particulièrement étrange, compte tenu que beaucoup d'entre eux m'avaient dit qu'ils étaient favorables à la motion et qu'il croyaient que c'était une très bonne idée. Nous savons tous ce qui s'est passé. Plutôt que de laisser leurs membres voter à leur guise sur la question, les huiles du parti sont intervenues et ont fait claquer leur fouet. Même si le whip du gouvernement avait donné sa parole à la Chambre que les députés libéraux étaient libres de voter selon leur conscience sur les initiatives parlementaires, il a quand même dit quoi faire à ses collègues, qui ont fait ce qu'on leur demandait, comme d'habitude.

Je me permets maintenant d'anticiper sur les arguments que serviront mes collègues d'en face. Je prédis qu'ils diront que, depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement a modifié les politiques du Conseil du Trésor en matière de communications et de gestion de l'information pour régler les problèmes inhérents à la divulgation de recherches sur l'opinion publique. Je prévois que l'on vous dira que ces lignes directrices et ces promesses du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux rendent le projet de loi C-309 inutile. Le problème est déjà résolu vous dira-t-on, mais ce n'est pas vrai.

(1110)

Il est vrai que les modifications des lignes directrices du Conseil du Trésor ont bricolé le vieux système Mulroney, mais cela ne signifie pas que le problème est résolu. Il ne l'est pas, et le gouvernement le sait très bien. Les coupures de presse révèlent quantité de problèmes dans le nouveau système amélioré des libéraux. Deux récentes manchettes du Globe and Mail le disent très clairement: «Les règles des libéraux sur les résultats des sondages ne diffèrent guère de celles des conservateurs», «Les libéraux permettront encore que les sondages restent secrets». Dans un article du Free Press de Winnipeg intitulé «On copie Mulroney», on dit:

Le ministre des Travaux publics, David Dingwall, a qualifié les nouvelles lignes directrices de percée. En fait, ce n'est guère que la politique de Brian Mulroney, un peu réchauffée, à laquelle on a ajouté une sauce rouge pour lui donner un goût artificiel. Ces lignes directrices n'exigeront pas des ministres qu'ils révèlent les renseignements obtenus avec l'argent des contribuables si, à leur avis, cette information peut être considérée comme des conseils au gouvernement.
Qu'est-ce que cela signifie, conseils au gouvernement? Par tradition, les conseils restent enfermés dans un coffre inexpugnable jusqu'à ce que le ministre change d'endroit ou jusqu'à ce que le support jaunisse et se désintègre.

Laissez-moi passer à un article très intéressant du Toronto Star, un journal normalement prolibéral, publié après que les nouvelles lignes directrices du Conseil du Trésor aient été mises en place. Il s'intitule: «Les libéraux limitent l'accès aux résultats des sondages». On peut y lire:

Les gouvernements conservateurs précédents ont été vertement critiqués, parce qu'ils gardaient secret le résultat des sondages effectués avec l'argent des contribuables, ce qui avait été le cas, par exemple, des sondages sur la Constitution. Maintenant, le gouvernement libéral semble résolu à faire encore mieux pour retarder la publication des sondages ou en cacher les résultats.
Nous parlons de millions de dollars d'argent des contribuables dépensés en sondages d'opinion qui ne sont pas divulgués au public ni même à la Chambre. L'auteur de cet article, Ken Rubin, qualifie, à juste titre, le nouveau plan du gouvernement de frauduleux. Il décrit ainsi ce nouveau processus boiteux:

Tout d'abord, la période d'attente avant la publication des résultats des sondages, qui peut aller jusqu'à 90 jours, va bien au-delà de la période de 30 jours, déjà trop longue, prévue par la Loi sur l'accès à l'information. Dans certains cas, la publication n'interviendra que bien après les 90 jours.
Deuxièmement, cette période de 90 jours pour la divulgation des résultats ne commence qu'après la réception d'un rapport final écrit de l'entreprise de sondages. Cela en dépit du fait que les résultats sont fournis au gouvernement immédiatement, parfois des mois en avance, soit verbalement soit sous la forme d'un projet écrit.
Troisièmement, il arrive que l'on ne publie qu'un rapport sommaire des résultats des sondages, ce qui ne fournit pas l'essentiel de la recherche que l'on trouve d'habitude dans les tableaux techniques.
Quatrièmement, certains sondages continueront d'être tenus secrets par le biais d'une exception partielle ou totale pour les résultats de sondages, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.
Il appartiendra au ministre de décider.

Cinquièmement, les lignes directrices du Conseil du Trésor encouragent formellement les ministères à envisager de demander des exceptions en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Cette politique part du principe que les sondages d'opinion ne sont pas financés par le public pour ne pas fournir les résultats des réponses aux questions posées par le gouvernement.
Sixièmement, les pratiques du Conseil du Trésor conduiront les ministères fédéraux les plus progressistes à y penser à deux fois avant de publier certaines données de sondage considérées comme sensibles. Après tout, les ministères doivent aller au Conseil du Trésor pour financer leur sondage et leur recherche.

15371

Septièmement, une fois que le gouvernement a décidé de publier les résultats d'un sondage, celui-ci n'est plus visé par la Loi sur l'accès à l'information. Cela signifie que les intéressés pourraient perdre leur droit de se plaindre jusqu'à la Cour fédérale du fait qu'ils n'ont reçu les résultats des sondages qu'après des délais considérables.
Il y a beaucoup d'autres choses dans ce rapport, mais nous voyons tous les problèmes qu'entraîne cette nouvelle mesure législative. La modification des lignes directrices du Conseil du Trésor était une ruse du gouvernement, non pas une tentative honnête pour résoudre un problème existant. C'est inacceptable et nous demandons des mesures beaucoup plus concrètes.

(1115)

Je ne prétends pas qu'à lui seul le projet de loi C-309 pourra éliminer les problèmes causés par le manque d'ouverture du gouvernement. C'est impossible. Personne ne peut affirmer une telle chose. Toutefois, si cette mesure législative était adoptée, ce serait un pas dans la bonne direction.

Le régime actuel peut bien parler de la transparence du gouvernement, mais tant que nous ne serons pas disposés à apporter des changements par voie législative, ce ne seront que des paroles en l'air. Le moment est venu d'obliger le gouvernement, par voie législative, à faire preuve de transparence.

Avec l'espoir très sincère que les députés de cette Chambre auront le courage de passer à l'action, j'aimerais demander le consentement unanime de la Chambre pour que le projet de loi C-309 puisse faire l'objet d'un vote. Si tel est le cas, tous les députés pourront alors faire connaître leur opinion dans ce dossier des plus important.

Le président suppléant (M. Kilger): Le député a-t-il le consentement unanime de la Chambre?

Des voix: Non.

Mme Susan Whelan (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour féliciter le député d'avoir présenté cette proposition visant à étendre l'application de la Loi sur l'accès à l'information.

Je crois fermement que la transparence du gouvernement est essentielle si nous voulons que la population continue de nous respecter, nous, les politiciens, et d'avoir confiance dans son gouvernement. L'engagement du Parti libéral envers le principe de la transparence est sans réserve.

Je ne suis pas convaincue que la modification proposée soit nécessaire. Je crois que la loi donne déjà accès aux sondages d'opinion. L'article 4 de la loi stipule que toute personne a un droit d'accès à tous les documents des institutions fédérales. On peut donc avoir accès aux sondages d'opinion dans la mesure où ces sondages constituent des documents visés par cette loi. Si certains résultats de sondages ne sont pas divulgués à la population, c'est que, dans des circonstances précises, quelqu'un invoque des intérêts légitimes qui entrent en conflit avec le droit d'accès. Il est à remarquer que la loi maintient un équilibre fort complexe entre toute une panoplie d'intérêts. Je crains qu'une modification visant un aspect précis et limité de la loi ne perturbe cet équilibre entre les divers éléments de cette mesure législative.

En 1992, la Section de première instance de la Cour fédérale s'est prononcée sur la question de la diffusion des sondages d'opinion dans la cause du Commissaire à l'information contre le premier ministre. Cette cause portait sur les sondages d'opinion commandés au cours des négociations constitutionnelles précédentes. La décision de la Section de première instance de la Cour fédérale, rendue le 19 novembre 1992, nous éclaire au sujet de la divulgation d'informations de cette nature.

Outre l'article 4 de la loi, il existe aussi un document, publié par le Secrétariat du Conseil du Trésor à l'intention des institutions fédérales, qui renferme des lignes directrices sur la diffusion des résultats de sondages d'opinion. En juillet dernier, on a apporté les modifications suivantes à la politique du Conseil du Trésor concernant les communications. Premièrement, les institutions gouvernementales doivent faire tout leur possible pour assurer la divulgation des résultats de sondages d'opinion à l'extérieur du processus de résolution officiel prévu dans la Loi sur l'accès à l'information.

Deuxièmement, dans le respect de l'esprit de la Loi sur l'accès à l'information, on encourage les institutions à rendre public le rapport final d'un sondage d'opinion dans les 30 jours suivant la réception des résultats et à ne se prévaloir du délai maximal de 90 jours que pour obtempérer à des exigences strictement liées à la publication.

Troisièmement, lorsqu'il décide de ne pas divulguer le rapport final en réponse à une demande d'accès à l'information, le ministre doit envoyer une lettre au commissaire à l'information pour lui faire connaître sa décision en mentionnant la disposition de la Loi sur l'accès à l'information dont il s'est prévalu. Une copie de la lettre doit être envoyée au Conseil du Trésor qui veille à la mise en en oeuvre de cette politique.

Étant donné l'interprétation dont l'article 4 de cette mesure législative a été l'objet, lors d'une récente affaire judiciaire ayant trait aux sondages d'opinion et compte tenu de la nouvelle politique gouvernementale qui guide les institutions gouvernementales en ce qui concerne la divulgation des résultats de sondages d'opinion, j'estime que, à l'heure actuelle, il n'existe aucun problème lié à la divulgation des sondages d'opinion qui exige une modification particulière.

Une autre raison qui m'amène à ne pas souscrire au projet de loi C-309, c'est que le ministre de la Justice a annoncé son intention de réviser la Loi sur l'accès à l'information. Je crois comprendre que cet exercice portera notamment sur les modalités de divulgation ou de non-divulgation des résultats de sondages d'opinion.

Je suis persuadée que le ministre de la Justice révisera la loi de façon à rendre le gouvernement plus transparent, grâce à un accès accru à l'information sur les sondages d'opinion. Je ne suis pas sûre que le projet de loi C-309 modifierait la loi comme il se doit.

Voilà une douzaine d'années que la loi a été adoptée. Un comité parlementaire et le Commissaire à l'information ont formulé des recommandations en vue d'une réforme en profondeur. J'estime qu'il est temps d'examiner tous les aspects de la loi.

(1120)

De plus, j'ai des réserves au sujet de certains détails de cette proposition. Je crois qu'il est superflu d'aviser le ministre désigné


15372

et le président de la Chambre des communes de tout sondage d'opinion commandé, ainsi que de déposer au Parlement ou auprès du commissaire à l'information et de faire publier dans la Gazette du Canada les rapports sur les résultats de tout sondage d'opinion.

Il aurait suffi, pour les députés, de prévoir que tous les résultats des sondages d'opinion devaient être rendus publics. Les médias, les citoyens et les parlementaires connaissent très bien le processus relativement facile qu'on doit suivre pour présenter une demande d'accès et, quoi qu'il en soit, aux termes de la politique du Conseil du Trésor, il faut diffuser de façon informelle les résultats des sondages d'opinion. Les nouvelles exigences en matière de présentation de rapports, qui font double emploi, accroissent simplement les lourdeurs administratives et les coûts, ce que nous pouvons difficilement nous permettre à l'heure actuelle.

Ce que je reproche également au projet de loi C-309, c'est qu'il s'appliquerait à toute entité, qu'il s'agisse d'un ministère, d'une direction, d'un bureau, d'un conseil, d'une commission, d'un office, d'un service, d'une personne morale ou de tout autre organisme constitué par une loi du Parlement ou conformément à celle-ci, ou par une proclamation, un décret ou tout autre texte pris par le gouverneur en conseil ou sous son autorité.

En définissant les institutions qui sont visées par la modification proposée de cette façon, on va tout à fait à l'encontre de la façon dont le reste de la Loi sur la l'accès à l'information est structuré. La loi s'applique à toutes les institutions gouvernementales figurant à l'annexe, ce qui représente environ 140 institutions. Si on énumère les institutions, c'est pour que tout le monde sache exactement les institutions qui sont visées et celles qui ne le sont pas. Or, faute d'une liste dans ce cas-ci, on risque de créer une certaine confusion en ce qui concerne l'application ou non de la loi à une institution donnée. Il faudra alors peut-être s'en remettre aux tribunaux pour savoir si la loi vise une institution en particulier dans une situation donnée.

À la suite de l'adoption du projet de loi C-309, certaines institutions qui ne sont pas visées par la loi seront assujetties à la modification proposée. Ainsi, la Société canadienne des postes, qui échappe à l'application de la loi, sera visée par le nouveau paragraphe 5(1) proposé.

Je m'inquiète également de la définition de la notion de «sondage d'opinion», que je trouve extrêmement large. Elle peut comprendre toutes les formes de recherche quantitative ou qualitative menée auprès du public à l'aide d'un questionnaire prédéterminé ou d'une entrevue structurée. Une bonne proportion de cette recherche serait d'un intérêt public très limité.

Le projet de loi C-309 est inutile, selon moi. La Loi sur l'accès à l'information donne déjà accès aux sondages d'opinion. Des précédents récents guident le gouvernement au sujet de la divulgation des résultats de ces sondages. Il existe aussi une politique gouvernementale sur la divulgation des résultats des sondages. Enfin, le ministre de la Justice a dit avoir l'intention de réformer la Loi sur l'accès à l'information.

Dans ces circonstances, je ne pense pas qu'il convienne ou qu'il soit nécessaire d'apporter une modification spéciale sur la question particulière des sondages d'opinion. Je vois aussi d'un mauvais oeil le fait que le projet de loi prévoie d'importantes nouvelles exigences bureaucratiques sur le plan de la présentation de rapports, s'écarte de la façon dont le reste de la loi définit les institutions gouvernementales et pourrait peut-être s'appliquer à des recherches d'un très faible intérêt public. Pour toutes ces raisons, je ne peux souscrire à ce projet de loi.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi C-309, déposé le 22 février 1995 par le député de Red Deer, vise à modifier la Loi sur l'accès à l'information. Son objectif principal est d'obliger le gouvernement à divulguer les résultats et les méthodes de sondage qu'il commande par la voie des divers organismes.

Le gouvernement devra, dans l'éventualité de l'application d'une telle mesure législative, présenter à cette Chambre un rapport sur les résultats des sondages d'opinion qu'il commande.

Nous appuyons une telle démarche législative puisqu'elle favorise la transparence et l'exercice démocratique du pouvoir. Le débat sur les sondages d'opinion et la nécessité d'accroître la transparence de cet outil portent en grande partie sur la question de savoir s'ils minent le processus démocratique en influant sur le comportement de la société en général.

Des recherches récentes prouvent que la publication de ces sondages peut influer sur un scrutin serré, l'incidence la plus marquée, par exemple, se faisant sentir vers la fin de la campagne. La publication des sondages d'opinion peut avoir une incidence positive ou négative sur le moral des militants bénévoles et des donateurs.

(1125)

Les stratèges des partis politiques déplorent qu'il soit difficile de regagner le terrain quand les médias ont décidé, sur la foi des sondages, qu'un parti n'est plus dans la course. Les sondages d'opinion peuvent être mal interprétés à dessein, si l'information technique communiquée à leur sujet est trop incomplète pour permettre l'évaluation de la validité des résultats.

On le voit, l'utilisation secrète de ce puissant instrument qu'est le sondage d'opinion est un premier pas vers l'arbitraire du politique et cette pratique représente un danger pour la démocratie. Ce qui apparaît comme un instrument hautement scientifique et lui donne son caractère d'autorité devient, entre les mains des politiciens sans scrupules, un outil de propagande et de manipulation politique. C'est le cas, par exemple, du groupe pour l'unité canadienne, une unité spéciale du Conseil privé de ce présent gouvernement.

Au service de la coalition du non, le Bureau des relations intergouvernementales, installé dans une tour du centre-ville d'Ottawa, essaie de mettre en oeuvre la vision des forces du non, du statu quo, de l'endettement et de l'appauvrissement de l'ensemble des Québécoises et des Québécois, et même des Canadiens. Cette unité antiréférendaire, se nourrissant à même les fonds publics, est dotée d'un budget de plus de trois millions de dollars. Cet argent sert en partie à commander des sondages d'opinion dont les méthodes et les résul-


15373

tats servent à orienter le processus démocratique du référendum québécois.

Ce groupe de l'unité canadienne, beaucoup plus obscur et secret que ne l'était le Centre sur l'unité canadienne pendant la campagne de 1980, commande des sondages sur une base hebdomadaire et les utilise à sa façon pour manipuler l'opinion démocratique. En effet, étant donné le caractère secret de ces sondages, rien n'empêche ce gouvernement d'utiliser des méthodes scientifiquement douteuses et ainsi commander des résultats qui vont influencer le vote.

Rien n'empêche également le gouvernement de ne divulguer que les sondages qui font son affaire et d'éliminer ceux qui pourraient être moins favorables à sa vision négative. Les sondeurs jouent un rôle qui influe, non seulement sur le contexte électoral, mais aussi sur l'élaboration des politiques. Les gouvernements s'appuient sur les sondages d'opinion pour définir leurs positions sur différentes questions controversées et pour déterminer la priorité des dossiers. Ainsi, les ministres fédéraux prennent l'initiative de commander des sondages pour tester la réaction du public à diverses options. En somme, le gouvernement ne se soucie plus du contenu de ses politiques et s'attache à la forme qu'elles prennent, et cela, sur la base des sondages d'opinion. La fameuse réforme Axworthy en est un bel exemple.

Les sommes allouées par le gouvernement fédéral aux sondages d'opinion sont astronomiques. Au cours de la période de 19 mois seulement allant d'avril 1990 à novembre 1991, des dépenses totalisant plus de 10 millions de dollars ont été approuvées par le ministère des Approvisionnements et Services et engagées par le gouvernement fédéral pour la réalisation de sondages d'opinion. Or, cette somme n'inclut pas les contrats adjugés directement par les ministères.

Pour toutes ces raisons, il est donc essentiel que la transparence devienne l'objectif majeur des gouvernements démocratiques, lorsqu'ils utilisent les sondages d'opinion. Le projet de loi C-309 préconise des mesures efficaces pour assurer la transparence des gouvernements lors de l'utilisation des sondages d'opinion. Ainsi, le rapport présenté à la Chambre des communes devra indiquer la nature du sondage d'opinion, les questions posées et un sommaire des réponses données, le nom de la personne ou de la firme chargée d'effectuer le sondage d'opinion et, enfin, le coût de ce sondage d'opinion. C'est un projet de loi qui pourrait changer l'allure de cette démocratie à la canadienne.

(1130)

Puisque nous discutons des sondages, permettez-moi de commenter très brièvement les résultats du sondage réalisé pour Le Journal de Montréal et le Globe and Mail par la firme Léger et Léger et dévoilés samedi dernier, avant-hier.

À deux semaines du rendez-vous référendaire, le camp du oui affiche un solide 49,2 p. 100 contre 50,8 p. 100 pour le camp du non. En quelques semaines, nous avons arraché cinq points aux fédéralistes, réduisant l'écart à seulement 1,6 point.

Ces progrès considérables sont dûs en grande partie à ce que les journaux appellent «l'effet Bouchard». Il faut souligner que nous avons gagné deux points seulement au cours de la dernière semaine.

Avant la répartition des indécis, 45 p. 100 des répondants affirment qu'ils voteront oui à la question référendaire, tandis que 42,4 p. 100 disent qu'ils voteront non.

Je souligne que chez les francophones, au chapitre des décisions fermes, 52,2 p. 100 des répondants déclarent qu'ils voteront oui contre seulement 34,3 p. 100 qui diront non.

Cette montée des appuis pour le camp souverainiste, pour le camp du changement, s'explique pour plusieurs raisons. Nous avons les chefs les plus populaires, les plus crédibles, les plus aimés au Québec, soit M. Bouchard, M. Parizeau et M. Dumont. Loin derrière eux viennent les porte-parole du camp du non, soit le premier ministre du Canada, la ministre du Travail, M. Johnson et M. le député de Sherbrooke.

Nous allons gagner le 30 octobre prochain, car nous véhiculons un projet de société juste et équitable pour tous, un projet de générosité, de compassion pour les plus démunis de la société, les chômeurs, les assistés sociaux, les immigrants, les réfugiés, les retraités, etc., tandis que le projet de société de ce gouvernement, des libéraux, des conservateurs et des réformistes est de favoriser le grand capital, les nantis. Le programme des ministres des Finances et du Développement des ressources humaines, de Mike Harris, en Ontario, et de Ralph Klein, en Alberta, c'est de protéger les riches et de négliger les pauvres.

Je conclus en disant que le Bloc québécois appuie le projet de loi C-309.

[Traduction]

M. Dennis J. Mills (Broadview-Greeenwood, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais prendre la parole pendant quelques minutes pour appuyer le projet de loi d'initiative parlementaire du député de Red Deer qui a fait un excellent travail sur cette question.

J'ai eu le privilège, en 1980-1981, de travailler au projet de loi initial concernant l'accès à l'information. Je croyais à l'époque, et je crois toujours, que l'intention du gouvernement de l'heure était de faire exactement ce que propose ce projet de loi d'initiative parlementaire.

Au cours des 13 ou 14 dernières années, tout le processus d'accès à l'information s'est heurté à un régime bureaucratique qui retarde le traitement des demandes au maximum. En tant que ministériel, j'ai eu beaucoup de mal, à plus d'une occasion, à tirer parti du processus d'accès à l'information.

Le député de Red Deer désire que ce projet de loi soit renvoyé à un comité. Il n'a pas demandé à la Chambre de l'accepter tel quel. Si de légères modifications s'imposent, le comité pourra les apporter.


15374

(1135)

Le gouvernement et la Chambre auraient avantage à engager un débat de fond sur l'accès à l'information. Ce que le député dit dans ce projet de loi rejoint beaucoup ce qu'on trouve dans le livre rouge du gouvernement qui expose l'engagement que nous avons pris d'avoir un gouvernement beaucoup plus transparent, plus responsable et plus ouvert.

Jour après jour, le premier ministre témoigne de cette transparence. Nous savons tous que des sondages sont effectués et que ceux-ci donnent des résultats. Nous n'avons rien à cacher lorsque nous faisons faire ces sondages. Ils sont tous faits d'une manière plus raffinée, pour favoriser l'intérêt public et profiter à tous les Canadiens.

Nous, de ce côté-ci de la Chambre, préconisons que les députés s'efforcent d'élaborer et de formuler leurs propres suggestions. Nous en avons ici un exemple probant. Le député de Red Deer a proposé que tous les sondages d'opinion publique soient présentés au Parlement d'une manière beaucoup plus responsable, et je lui donne mon appui à cet égard.

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir en faveur du projet de loi C-309, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information (divulgation des résultats des sondages d'opinion).

Quand j'examine ce projet de loi, je trouve qu'il a du sens. D'ailleurs, tous ceux qui croient au processus démocratique conviennent sûrement que c'est une mesure parfaitement logique. Des sondages sont effectués quotidiennement auprès des Canadiens par des médias, des associations, des universités et surtout des ministères.

Ces groupes présentent deux principales différences. Premièrement, le gouvernement est le seul qui bénéficie du financement des contribuables canadiens. Deuxièmement, c'est surtout le gouvernement qui ne donne pas facilement et rapidement accès aux résultats de ses sondages. Cette situation n'est-elle pas paradoxale? L'an dernier, dans un éditorial du Free Press de Winnipeg, on a pu lire ce qui suit:

Pendant la campagne électorale de l'automne, les libéraux ont promis la transparence et l'ouverture du gouvernement. Quelle différence peut faire la victoire!
Oui, la victoire fait vraiment toute la différence. Nous savons tous que le gouvernement conservateur précédent était obsédé par les sondages d'opinion. Il a consacré à ce chapitre en 1992 une somme inégalée de 140 millions de dollars. Cet argent a été remis en grande partie aux amis du Parti conservateur, c'est-à-dire à la maison de sondage Decima.

Heureux ceux qui travaillaient pour Decima en 1992. Je comprends pourquoi le gouvernement libéral a critiqué les conservateurs pendant la campagne électorale. Avant 1992, les dépenses consacrées aux sondages étaient de l'ordre de 10 millions de dollars. Ce chiffre étant passé à 140 millions de dollars, il aurait été difficile de ne pas en faire un thème électoral?

Je ferai un bref rappel historique. Il est important que la Chambre sache pourquoi les libéraux argumentent contre le projet de loi C-309. Les libéraux soutiennent qu'il n'y a pas de problème quand on compare leur politique en la matière à celle des progressistes conservateurs. C'est peut-être vrai. Aucun gouvernement, espérons-le, ne dépensera jamais autant que les conservateurs l'ont fait pour les sondages qu'ils ont fait effectuer en 1992.

Il est cependant essentiel de comprendre que le gouvernement libéral ne fait pas grand chose pour changer l'ancienne façon de mener des sondages établie par le gouvernement conservateur. Le Winnipeg Free Press écrivait l'année dernière:

La tradition veut que les avis découlant des sondages restent enfermés dans une voûte à l'épreuve des bombes jusqu'à ce que le ministre meure ou que le papier sur lequel ils sont écrits jaunisse et se désintègre.
(1140)

Cette tradition est encore bien vivante chez les libéraux. En mai 1994, le gouvernement libéral a présenté ce qu'il a décrit comme une solution de rechange à cette tradition. Il a présenté une série de mesures en matière de sondage dont le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux a dit qu'elles étaient fondées sur les «principes de transparence et d'ouverture». Il n'y a de transparent que la volonté du gouvernement libéral de dire aux Canadiens ce que les libéraux veulent bien leur faire savoir. Et il n'y a d'ouvert que le portefeuille des contribuables canadiens qui paient pour le voile du secret dont le gouvernement entoure ses activités de sondage.

Le projet de loi C-309, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information, interdit la manipulation flagrante de l'information publique recueillie par les ministères. Il obligerait tout ministère ou service qui commande un sondage d'opinion à en informer le ministre compétent. Celui-ci devrait à son tour communiquer aux Communes les résultats du sondage en donnant de l'information sur quatre aspects clés:premièrement, la description de la nature du sondage; deuxièmement, le texte des questions posées et un résumé des réponses reçues; troisièmement, la période où le sondage a eu lieu et, quatrièmement, le coût du sondage.

Ce semble être là une évolution logique. Nous ne devrions pas avoir à légiférer pour obliger les ministres à déposer les résultats des sondages. À titre de représentants principaux des ministères dans un régime démocratique, ils devraient divulguer au public toute l'information recueillie par les ministères. Dans l'état actuel des choses, les ministres choisissent de divulguer seulement les résultats qui servent le mieux leurs politiques.

Le gouvernement prétendra avoir répondu à toutes les préoccupations que les Canadiens peuvent avoir à propos de l'accès aux sondages. Il dira que, en mai 1994, il a publié des lignes directrices pour faire en sorte que l'information soit rendue publique. En décembre dernier, le Toronto Star a ainsi décrit ces lignes directri-


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ces: «Un nouveau mécanisme frauduleux d'accès à l'information». Il a parfaitement raison.

Lorsqu'il a présenté ces lignes directrices, le gouvernement libéral s'est bien gardé d'attirer l'attention sur quelques attrapes. Il n'a pas dit qu'il se réservait le droit de ne pas révéler les résultats de certains sondages. Il peut se prévaloir de ce droit si le ministre en cause estime que cette divulgation risque de nuire à l'intérêt public ou aux relations fédérales-provinciales. À mon avis, cela laisse au ministre la possibilité d'agir à sa guise. Ce qui, aux yeux d'un ministre, peut paraître contraire à l'intérêt public peut en fait être perçu par les citoyens canadiens comme des renseignements nécessaires.

M. Kenneth Rubin, spécialiste en matière de documentation de l'État, qualifie ces directives de «tellement vagues qu'il est difficile de les critiquer de façon précise. Cependant, il existe des règles précises régissant la non-divulgation des résultats des sondages et c'est ce que les conservateurs appliquaient.» Les directives vagues actuellement en vigueur ne sont une bénédiction que pour les ministres, car ils peuvent les interpréter à leur avantage.

Les ministres et leurs amis des maisons de sondage profitent d'un autre avantage, puisqu'ils ont 90 jours pour diffuser les résultats des sondages. Cette période de 90 jours est tout à fait absurde. Au bout de 90 jours, il est probable que la question étudiée n'ait plus aucun intérêt pour les Canadiens. Pendant cette période de 90 jours, le gouvernement a très souvent, par le passé, utilisé les renseignements à son avantage.

La période de silence de 90 jours peut même être prolongée, puisque les maisons de sondage présentent souvent au gouvernement un simple exposé oral ou un bref résumé des résultats. Rien n'oblige le gouvernement à diffuser les résultats du sondage avant d'avoir reçu un rapport définitif par écrit. Dans les faits, cela peut prolonger le délai de 90 jours de plusieurs mois. Dans le rapport annuel qu'il publiait en juin dernier, le Commissaire à l'information du Canada qualifiait ce processus d'échappatoire aux dimensions monumentales.

Même là, si la période de 90 jours ne suffit pas, le ministre peut demander qu'elle soit prolongée indéfiniment. En fait, un ministre peut refuser de diffuser les renseignements aussi longtemps qu'il le désire. Le gouvernement peut également utiliser la disposition de la loi qui lui permet de prolonger le délai afin d'éviter la critique ou encore des poursuites judiciaires. Lorsque le gouvernement décide de diffuser les résultats du sondage, le sondage ne peut plus faire l'objet d'un examen approfondi aux termes de la Loi sur l'accès à l'information. Cela veut dire que les gens n'ont plus la possibilité de s'adresser à la Cour fédérale pour se plaindre de la qualité de l'information ou des délais.

(1145)

Si tout cela ne suffit pas, les ministres ont encore d'autres moyens de s'assurer que la population canadienne ne soit pas informée des résultats exacts des sondages. Ils peuvent enjoindre à leurs amis des maisons de sondage de ne publier que des résumés des résultats et de garder les vraies données pour eux.

Un autre moyen original d'éviter la population consiste pour le gouvernement à acheter des trousses générales de sondage à des entreprises qui en fournissent aussi à d'autres organismes. Les résultats de tels sondages demeurent la propriété de la maison de sondage et n'ont pas à être publiés même si cette information a été payée avec les deniers publics.

Le projet de loi C-309 permet de supprimer toutes ces échappatoires en offrant une façon simple de traiter la publication des résultats des sondages. Il exige des ministres qu'ils déposent les résultats d'un sondage devant la Chambre des communes dans les 15 jours suivant l'achèvement de celui-ci. Si la Chambre ne siège pas, le rapport doit être déposé auprès du commissaire à l'information, publié dans la Gazette du Canada, et déposé devant la Chambre des communes à la reprise des travaux de celle-ci. Ce n'est que la simple logique et c'est démocratique. Le projet de loi C-309 supprime toute imprécision permettant au gouvernement d'abuser du système.

Dans son rapport annuel pour 1995, le commissaire à l'information écrit que, comme les libéraux avaient promis de surpasser de beaucoup les conservateurs, beaucoup de Canadiens s'attendaient à un gouvernement assez sûr de lui-même pour ne rien leur cacher. Il est parfaitement clair pour moi que le gouvernement actuel n'est pas plus franc que le précédent. Et je ne suis pas le seul à le croire. Le commissaire à l'information, qui est un spécialiste en la matière, ajoute lui-même dans son rapport qu'il était peu réaliste de compter sur une nouvelle ère marquée au coing de la transparence absolue. Le commissaire à l'information n'est manifestement pas satisfait de la façon dont le gouvernement tient sa promesse d'une transparence accrue. Les Canadiens non plus, d'ailleurs.

Le commissaire à l'information et le Parti réformiste ne sont pas les seuls à reprocher au gouvernement son manque de transparence. Le Sun d'Ottawa a visé juste, l'automne dernier, lorsqu'il a publié ceci: «Qui sait, un de ces jours, le gouvernement tiendra peut-être même un sondage sur la question de savoir s'il devrait être tenu de divulguer les résultats de tous les sondages d'opinion. Dites-lui ce que vous pensez, mais ne lui demandez pas les résultats. Vous risqueriez de vous faire dire de vous mêler de ce qui vous regarde.»

Les questions et l'objet des sondages regardent les Canadiens. Les Canadiens ont le droit de savoir quelle est l'opinion du peuple canadien. Ils ont le droit de savoir ce que le gouvernement fait des résultats des sondages. Ils ont le droit de savoir si les ministères fédéraux ont de bonnes raisons de tenir des sondages ou s'ils en tiennent pour que le parti ministériel se fasse du capital politique. Enfin, les Canadiens ont le droit de savoir combien le gouvernement dépense et à quoi.

Le président suppléant (M. Kilger): Chers collègues, avant la reprise du débat, je tiens à souligner la situation particulière dans laquelle je me trouve actuellement, situation qui survient de temps à autre. Je sais qu'il est contraire à notre usage de signaler la présence de certaines personnes de la tribune. Je tiens toutefois à dire aux membres du groupe de la St. Timothy Catholic School que je signalerais leur présence si l'usage m'autorisait à le faire.

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Monsieur le Président, c'était joliment tourné, si je puis dire.


15376

Mes observations seront brèves. Je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-309. C'est un plaisir de le faire. Je crois que la réforme de la Loi sur l'accès à l'information est indispensable et qu'elle se fait attendre depuis longtemps. J'appuie de tout coeur le projet de loi C-309, même si je crois qu'il ne va pas assez loin. Pour assurer la transparence des activités gouvernementales, le moment est venu de revoir les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information.

Je me suis maintes fois prévalu de la Loi sur l'accès à l'information, notamment pour obtenir des données historiques. Comme l'a dit le député de Broadview-Greenwood, la loi élaborée à l'origine n'est pas celle qui est actuellement mise en application. La loi qui devait à l'origine rendre accessibles des documents gouvernementaux est maintenant souvent invoquée pour empêcher la divulgation de ces documents.

Je félicite le député de Red Deer d'avoir présenté ce projet de loi et je l'assure de mon appui. J'espère que c'est la première étape d'une réforme en profondeur de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

(1150)

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais reconnaître les députés d'en face qui appuient ce projet de loi. Quant aux députés qui ne l'appuient pas, je voudrais savoir pourquoi ils sont contre le projet de loi. Pourquoi n'y a-t-il pas consentement unanime à ce que ce projet de loi puisse faire l'objet d'un vote?

Quand ils étaient dans l'opposition, ces gens-là s'en prenaient constamment aux conservateurs. Ils disaient que nous devions modifier la Loi sur l'accès à l'information, rendre le gouvernement plus transparent, permettre aux contribuables canadiens, qui payent la note, d'avoir accès à l'information. Pourquoi les libéraux ont-ils changé d'idée après avoir été élus? Pourquoi cette différence?

Cela s'explique fondamentalement par notre conception erronée du gouvernement. C'est parce que les trois partis traditionnels ont une conception élitiste du gouvernement où tout vient d'en haut. Le parti qui accède au pouvoir ne cherche guère à consulter la population sur l'élaboration des politiques et des lois. Nous avons un gouvernement qui veut tout diriger et contrôler. Il veut avoir de l'information pour pouvoir formuler ses messages et faire accepter ses orientations, mais il ne tient pas vraiment à demander l'avis des gens sur l'élaboration de ces dernières. Dans ce milieu, il n'est donc pas particulièrement utile de communiquer l'information au public. Il est de loin préférable pour le gouvernement de garder l'information pour lui et de l'utiliser à ses propres fins plutôt que de permettre à la population canadienne d'y avoir accès.

Le projet de loi sur le contrôle des armes à feu, qui est largement honni par les Canadiens, en est un parfait exemple. Le gouvernement refuse de le reconnaître. Il se sert des sondages pour déterminer de quelle manière il pourra faire accepter cet odieux projet de loi. Il n'est pas vraiment intéressé à connaître le point de vue des Canadiens d'un océan à l'autre, qui sont réellement offusqués par ce projet de loi.

Je suis d'avis que cette situation ne changera vraisemblablement pas. Il y aura toujours des partis de l'opposition qui déploreront le manque d'accès à l'information, qui ridiculiseront et condamneront le gouvernement du jour pour ne pas avoir modifié les règles relatives à l'information. Cependant, dès qu'ils arriveront au pouvoir, ces mêmes partis agiront de la même manière à moins que nous ne modifions de manière fondamentale notre conception du gouvernement.

Voilà quelque chose que le Parti réformiste du Canada prend très au sérieux. Non seulement nous venons ici avec une série de politiques et de principes que nous voulons présenter aux Canadiens, mais nous croyons aussi qu'il doit y avoir des changements fondamentaux dans la façon dont le Canada est gouverné. Les Canadiens ordinaires doivent avoir davantage voix au chapitre au moyen de référendums, d'initiatives populaires et d'un processus de révocation des députés, de façon à ce que les politiques et les mesures législatives du gouvernement reflètent les opinions et les désirs de la population.

Tant que ces changements fondamentaux ne seront pas apportés, tant qu'on ne s'éloignera pas de cette façon élitiste de gouverner où il est n'est pas utile de diffuser au grand public l'information recueillie, nous n'aurons jamais les améliorations que nous aimerions tous voir. À mon avis, les députés d'en face parlent d'accroître l'accès à l'information, mais la situation ne s'améliorera pas tant que nous ne changerons pas tout le système.

(1155)

Le président suppléant (M. Kilger): Comme aucun autre député ne veut la parole, je me demande si la Chambre accepterait que nous procédions comme ceci. La motion est inscrite au nom du député de Red Deer. L'entente est que personne d'autre ne prendra la parole après que le député de Red Deer aura clos le débat. Si le député veut se prévaloir de son droit de réponse, il a deux minutes, pas plus, pour clore le débat sur la motion no M-309 inscrite à son nom.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, il ressort du débat qu'il existe un consensus général sur la nécessité de réformer la Loi sur l'accès à l'information. Je suis prêt à croire que le ministre de la Justice veut sincèrement modifier cette loi et qu'il le fera.

Le problème, c'est que le ministre de la Justice a déjà beaucoup de dossiers à régler et je ne pense pas vraiment qu'il trouvera le temps de s'occuper des changements à la Loi sur l'accès à l'information au cours de la présente législature. Par conséquent, il appartient, à mon avis, à ceux d'entre nous qui croient qu'il faut modifier la loi de continuer de mettre des idées de l'avant et de faire valoir la volonté des Canadiens de rendre le gouvernement plus ouvert. La population réclame cette ouverture. Elle l'exige. Nous, les parlementaires, devons obéir à la volonté de la population. J'exhorte tous les députés à appuyer les changements et à exercer des pressions sur leur parti pour que ces changements se fassent.

15377

Je remercie la Chambre de m'avoir donné la possibilité d'aborder la question. Je remercie tous les députés qui ont pris la défense du projet de loi. Nous devons continuer le combat et nous assurer que le ministre de la Justice trouvera le temps de modifier la Loi sur l'accès à l'information.

Le président suppléant (M. Kilger): Je remercie tous les députés pour leur collaboration.

Le temps prévu pour l'étude des initiatives parlementaires est écoulé. Conformément à l'article 96 du Règlement, l'article est rayé du Feuilleton.

______________________________________________


15377

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 6 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-64, Loi concernant l'équité en matière d'emploi, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de prendre la parole au sujet du projet de loi C-64, contre lequel j'entends voter.

Le projet de loi C-64 remplace la Loi de 1986 sur l'équité en matière d'emploi, qui visait les employés des sociétés d'État et ceux du secteur privé régis par une loi fédérale, et étend la portée de l'équité en matière d'emploi en y incluant les banques, les sociétés aériennes, les chemins de fer et les télécommunications, qui comptent environ 5 p. 100 des travailleurs canadiens.

Selon le gouvernement, le projet de loi a pour objet de «réaliser l'égalité en milieu de travail de façon que nul ne se voie refuser d'avantages ou de chances en matière d'emploi pour des motifs étrangers à sa compétence et, à cette fin, de corriger les désavantages subis, dans le domaine de l'emploi, par les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les personnes qui font partie des minorités visibles, conformément au principe selon lequel l'équité en matière d'emploi requiert, outre un traitement identique des personnes, des mesures spéciales et des aménagements adaptés aux différences». L'emploi doit être à l'image de l'ensemble de la population canadienne.

Je voudrais citer un article de l'éditorialiste en chef, paru vendredi dans le Globe and Mail. Cet article, qui traite de l'importance du mérite, ne vise pas directement les institutions fédérales, mais il se rapporte assurément au projet de loi dont nous sommes saisis. L'article s'intitule «Pourquoi insister sur le mérite?» et en voici le texte:

Le nouveau gouvernement conservateur de l'Ontario a déposé un projet de loi qui a pour objet d'abroger la Loi sur l'équité en matière d'emploi, adoptée un an plus tôt. Tous les Canadiens, de quelque condition ou milieu qu'ils soient, devraient s'en réjouir.
En dépit des dénégations de ses partisans, la loi sur l'équité en matière d'emploi imposait indéniablement des quotas. Les employeurs devaient se fixer des objectifs d'emploi qui fassent en sorte que la main-d'oeuvre soit à l'image de la composition raciale et des proportions de femmes et d'hommes de l'ensemble de la collectivité. Elle avait aussi un caractère clairement discriminatoire. En obligeant les employeurs à favoriser les membres de groupes désignés, elle les forçait à faire preuve de discrimination envers ceux du groupe non désigné, c'est-à-dire les hommes de race blanche aptes au travail.
Et ce ne sont pas là les pires aspects de cette loi. Son plus grand méfait est cependant la remise en cause implicite du principe du mérite.
Les appels en faveur de l'importance du mérite ont une connotation élitiste de nos jours. Pourtant, le mérite a toujours été perçu très favorablement par les personnes désavantagées, qui y voient un moyen d'améliorer leur condition. Depuis des générations et même des siècles, les personnes défavorisées réclament qu'on cesse de les considérer comme des phénomènes particuliers et qu'on évalue leurs capacités en tant qu'individus. Elles veulent qu'on les considère comme des personnes, qu'on les juge d'après ce qu'elles peuvent faire, et non sur les apparences.
Les défenseurs de l'équité en matière d'emploi rejetteraient tout cela du revers de la main. Dans leurs moments honnêtes, ils affirment que le principe du mérite n'a tout simplement pas fonctionné, que les personnes défavorisées sont encore défavorisées, qu'il est utopique de vouloir créer un monde sans préjugés de couleur ou de sexe et que nous avons besoin d'autre chose. Ainsi, plutôt que de ne tenir aucun compte de l'origine ethnique des gens lors de l'embauche et de la promotion, nous allons établir des chiffres à cet égard. Plutôt que d'encourager les employeurs à engager la personne la plus qualifiée, nous allons leur demander de trier leurs employés comme autant de bonbons multicolores. Plutôt que d'encourager les nouveaux immigrants à s'intégrer à l'ensemble de la société, nous leur demanderons de se définir en fonction de leur race.
Dans une société diversifiée où le niveau d'immigration est important, c'est terriblement dangereux d'agir ainsi. Conçue par des gens bien intentionnés dans le but d'encourager l'intégration, l'équité en matière d'emploi agit plutôt à l'encontre de cet objectif. Cela encourage les Canadiens à se regrouper selon certaines caractéristiques et à alimenter cette obsession malsaine face aux questions de race et de sexe, qui obnubile la société canadienne dans les années 90. Cette obsession a déjà atteint les universités, les musées, les associations d'écrivains et les groupes de femmes. Le projet de loi C-79 aurait légalisé cette obsession. Tous les Canadiens devraient crier «Bon débarras!»
(1200)

Ce texte ne porte pas directement sur le projet de loi C-64, mais je crois que les mêmes arguments sont valables dans ce cas. La nouvelle loi sur l'équité en matière d'emploi s'appliquera immédiatement à quelque 230 000 employés du Conseil du Trésor. Toutes les entreprises régies par le gouvernement fédéral et celles qui comptent plus de 100 employés et qui exécutent des marchés fédéraux y sont soumises.

La hausse de coûts engendrée par cette loi aura pour effet d'en retarder indéfiniment l'application dans certains organismes tels que le SCRS, la GRC et les forces armées. En pratique, le projet de loi C-64 prévoit l'application d'objectifs numériques de distribution raciale et sexuelle qui visent à corriger ce que l'on croit être de la discrimination. Au fond, ces objectifs numériques sont des quotas. Si ces objectifs doivent être respectés, ils ont exactement les mêmes fonctions que des quotas.


15378

Le principe de l'équité en matière d'emploi est en vigueur depuis des années au sein de la fonction publique. En fait, ce sera difficile, ou même impossible, de le faire appliquer pour le moment, parce que le gouvernement a gelé l'embauche et coupe maintenant des postes. Les employés de la fonction publique qui sont déclarés excédentaires jouissent d'une sécurité d'emploi en béton étant donné qu'on leur garantit une autre offre d'emploi raisonnable au sein de la fonction publique.

Il est vrai que les hommes comptent encore pour plus de 50 p. 100 des fonctionnaires et que cela se reflète aussi au niveau de la direction. La plupart des cadres supérieurs au sein de la fonction publique été engagés il y a 25 ans, à l'époque où le gouvernement prenait de l'ampleur. La fonction publique reflète encore aujourd'hui la nation telle qu'elle était il y a un quart de siècle. Au cours des 25 dernières années, des femmes ayant à peu près le même niveau d'instruction et les mêmes aspirations que les hommes sont entrées sur le marché du travail.

Dans le secteur privé, les femmes ont réussi à pénétrer toutes les professions: médecine, droit, comptabilité, publicité, banques. Les progrès ont été impressionnants. Pourquoi? Parce que le monde a changé en ce qui concerne les femmes. Le sexe n'a plus une très grande influence sur les possibilités et la vie. Ce qui compte beaucoup plus, c'est le niveau d'instruction et les capacités. Indiscutablement, il y a du racisme et du sexisme. Cependant, la discrimination n'explique pas à elle seule les fréquentes inégalités qui existent entre certains groupes.

Le gouvernement et les Canadiens ont l'obligation d'ouvrir les portes aux personnes défavorisées qui ne sont pas toujours celles que l'on croit. Il ne s'agit pas simplement d'adopter des lois ou d'imposer des quotas. Le problème est plus difficile que ça. Les données et les statistiques actuelles ne sont pas suffisantes. La réduction de la fonction publique et les nouvelles lois ne vont pas toucher ou changer considérablement la physionomie de la fonction publique. La plupart des données et des statistiques proviennent d'enquêtes où il est demandé aux femmes, aux personnes handicapées, aux autochtones et aux membres de minorités visibles de s'identifier, mais l'exactitude de ces données est pour le moins douteuse.

Beaucoup de répondants ne se considèrent pas comme défavorisés ou ne veulent pas admettre qu'ils le sont. Les enquêtes visant des employeurs particuliers sont peu fiables. Dans beaucoup de cas, les gens ne se considèrent pas désavantagés à moins qu'on ne leur pose expressément la question et qu'on leur garantisse l'anonymat, par exemple dans le cas d'une enquête nationale.

(1205)

Le rapport de 1992-1993 sur l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique indique que le nombre d'employés appartenant à des minorités visibles et celui des personnes handicapées pourraient être respectivement une fois et demie et deux fois et demie plus élevés que les chiffres relevés.

Étant donné la distorsion au niveau des données concernant les groupes désignés sur lesquelles se fondent les conclusions, le nombre de personnes défavorisées dans les rangs des travailleurs pourrait être déjà plus élevé. D'un autre côté, les répondants ont tendance à se déclarer défavorisés car ils croient qu'il est à leur avantage d'être considérés comme tels. Par exemple, d'après un rapport annuel de 1994 relatif à la Loi sur l'équité en matière d'emploi, près de 2,3 millions de Canadiens se disent invalides, soit une augmentation de 30 p. 100 par rapport à 1986.

Pour des raisons d'austérité budgétaire, le gouvernement utilisera jusqu'en 2003 les résultats du recensement de 1991 concernant l'équité en matière d'emploi. Dans quelle mesure ces chiffres sont-ils fiables? Statistique Canada reconnaît qu'en 1991, 10 p. 100 de la population autochtone a échappé au recensement. Seulement 3 p. 100 des Canadiens ont déclaré être d'origine culturelle ou ethnique canadienne.

La Loi actuelle sur l'équité en matière d'emploi prévoit un examen complet tous les trois ans. Le dernier examen a eu lieu en 1992, mais celui qui devrait être obligatoirement entrepris cette année ne l'a pas encore été. En bref, le gouvernement propose une nouvelle mesure législative sans le bénéfice d'un tel examen.

Du fait de la diminution de la bureaucratie canadienne, cette mesure aura des effets directs minimes au sein de la fonction publique fédérale, mais elle aura des répercussions très nettes pour les entreprises employant plus de 100 personnes et désirant faire affaire avec le gouvernement fédéral. Quelles seront-elles exactement? En fait, il n'y a eu aucun examen complet de la question.

Selon le rapport minoritaire du Parti réformiste sur l'équité en matière d'emploi, la revue américaine Forbes est la seule source qui ait essayé de calculer le coût de l'action positive. Elle estime que la réglementation et la vérification de la conformité coûtent à elles seules entre 17 et 209 milliards de dollars par an. Depuis 1980, le coût de l'action positive aux États-Unis s'élève à 113 milliards de dollars par an, soit 4 p. 100 du PIB.

En 1992, le Conference Board du Canada a réparti les entreprises selon les trois catégories suivantes: petites, moyennes et grosses entreprises, précisant le coût annuel de l'équité en matière d'emploi pour chacune d'entre elles. Faute d'examen complet de la situation au Canada, le Parti réformiste, avec l'aide de la Bibliothèque du Parlement, a appliqué ces chiffres à l'ensemble des entreprises canadiennes. Si elles étaient toutes assujetties à la loi sur l'équité en matière d'emploi qui était en vigueur en Ontario et selon laquelle les entreprises employant plus de 50 personnes devaient soumettre un plan sur l'équité en matière d'emploi, le total des coûts directs s'élèverait à 1 035 223 000 $.

N'entrent pas dans les coûts directs, les coûts relatifs à la conformité, le coût d'opportunité et les autres coûts indirects. D'après l'étude publiée dans la revue Forbes, le coût total est six fois supérieur aux coûts directs. Selon ce principe, l'équité en matière d'emploi coûterait donc 6,5 milliards de dollars par an aux entreprises canadiennes. La Bibliothèque du Parlement a confirmé par écrit que nos chiffres étaient raisonnables.

En bref, c'est une taxe de plus qui pèse lourdement sur les entreprises. Le déficit et la dette étranglent déjà l'économie. Les contribuables ne sont pas en mesure de financer des dépenses supplémentaires, qu'elles soient directes ou indirectes. Le ministère des Travaux publics a déjà mis en oeuvre une stratégie d'approvisionnement qui s'applique à tous les ministères et accorde la préfé-


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rence aux entreprises autochtones qui soumissionnent l'exécution de tout contrat de deux millions de dollars ou moins.

En accordant un traitement de faveur aux entreprises autochtones pour les achats gouvernementaux, le gouvernement espère contribuer à l'instauration d'une base économique durable qui favorisera l'autonomie gouvernementale des autochtones. Cependant, l'équité en matière d'emploi stigmatise et laisse croire à une infériorité en raison de la race ou du sexe. Les programmes d'équité n'abolissent pas la discrimination fondée sur la race ou le sexe dans les milieux de travail, ils l'institutionnalisent.

Dans son article «Does counting bodies add up to fairness», Brian Lee Crowley explique les conclusions d'une étude de 1987. Lorsque les femmes reçoivent des promotions en vertu d'un programme axé non pas sur la compétence mais plutôt sur le sexe, elles sous-évaluent constamment leur rendement, elles refusent de s'attribuer le crédit approprié pour leurs réalisations, elles ont moins tendance à demeurer dans leurs postes de direction et elles considèrent ne pas avoir suffisamment de qualités de chef. Autrement dit, cette situation diminue leur valeur à leur propre yeux.

(1210)

Dans d'autres domaines, par exemple l'éducation et les écoles de droit, si l'on accepte des candidats mal préparés aux défis qui les attendent, cela favorise les échecs et la dépendance vis-à-vis des programmes gouvernementaux, au détriment de la juste concurrence.

Le printemps dernier, la Cour suprême a déclaré très clairement que la charte était destinée à protéger les droits individuels et non les droits des groupes. L'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés stipule que «tous les canadiens sont égaux devant la loi et ont droit au même bénéfice de la loi». Il ajoute plus loin que «les programmes gouvernementaux doivent être libres de toute discrimination fondée sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.»

Dans la cause Miron, madame le juge McLaughlin déclare que le but ultime est la protection de la dignité et de la liberté de la personne et que ces droits sont violés chaque fois qu'on refuse d'accorder une chance à quelqu'un à cause des caractéristiques présumées d'un groupe ou de l'application de stéréotypes au lieu d'accorder cette chance en fonction des circonstances ou du mérite et des capacités de la personne.

Cette décision percutante affirme clairement que toute personne a le droit d'être jugée en fonction de ses mérites et non en fonction des caractéristiques du groupe auquel elle appartient.

On trouve deux messages très clairs dans le rapport minoritaire des réformistes présenté en parallèle avec le rapport du comité permanent intitulé «L'équité en matière d'emploi: respect du principe du mérite». D'une part, les concours d'embauche fondés sur le principe du mérite sont gages d'égalité et de productivité, et, d'autre part, la loi sur l'équité en matière d'emploi va à l'encontre des droits fondamentaux de la personne. J'encourage tous les députés de la Chambre à lire ce rapport. Loin de privilégier le statu quo, il contient des faits pertinents sur lesquels on a tendance à ne pas remarquer.

Politiquement parlant, l'équité en matière d'emploi donne l'impression d'être le moyen tout indiqué pour assurer l'équité en milieu de travail. C'est un moyen à la mode. Le gouvernement éprouve certes les plus grandes difficultés à s'engager dans de nouvelles orientations, à dépasser le statu quo. Nous l'admettons.

En ce qui concerne l'exemple que j'ai cité de tout à l'heure, soit l'abrogation de la loi sur l'équité en matière d'emploi par le gouvernement Harris, on crie à l'injustice. D'aucuns n'aiment pas le changement et sont incapables d'envisager de nouvelles approches innovatrices axées sur l'égalité des chances.

Le gouvernement entend maintenant faire adopter une nouvelle mesure législative sans avoir procédé à un examen en bonne et due forme. J'ai dit tout à l'heure que certains ministères devaient être exemptés, notamment celui de la Défense. Le ministère de la Défense nationale a effectué une étude de diversité qui pourrait constituer et constituera probablement une étape vers l'action positive. Lors de la révision de la politique en matière de défense, les députés libéraux ont préconisé l'adoption de quotas de recrutement. Selon la politique antiraciste des Forces canadiennes, les programmes d'action positive sont exclus des catégories pouvant être classées comme raciste.

Dans les années 1970, la promotion de milliers de francophones a été faussée du fait qu'il a fallu aller plus bas dans les listes de promotion pour trouver une personne possédant les antécédents requis. Je ne parle pas ici de sauter 10, 15 ou 20 noms, mais d'au moins 40. Il en va de même à l'heure actuelle pour les femmes, même si c'est à un degré moindre. Onze pour cent des effectifs des Forces canadiennes sont maintenant des femmes.

Si tous les Canadiens sont égaux devant la loi, nous devons cesser d'appuyer des lois qui privilégient les groupes désignés. Essentiellement, elles les supposent médiocres. Le mérite devrait être le principe fondamental. Tout ce qui porte atteinte au principe du mérite, que ce soit dans le civil ou dans l'armée, est une mauvaise politique. Les études de diversité montrent clairement que le gouvernement s'apprête à fonder les programmes de recrutement ou de promotion sur d'autres principes que le mérite.

Le rôle du gouvernement devrait consister à assurer dans le secteur public l'égalité des chances plutôt que l'égalité des résultats. Il appartient au gouvernement de prévoir une norme en matière d'enseignement secondaire qui soit accessible à tous, d'encourager les établissements postsecondaires locaux qui sont plus indulgents, d'accorder des prêts à coût raisonnable aux étudiants nécessiteux ainsi que des bourses et des subventions fondées sur les besoins et l'excellence et de dispenser dans le secteur public des cours de formation psychosociale qui font prendre conscience de l'égalité, de la dignité et de la valeur inhérentes de tous les membres de la société.

Nous devrions veiller à ce que les lois contre la discrimination soient appliquées. Le gouvernement devrait donner l'exemple en élaborant des régimes d'examen objectifs, en faisant largement connaître tous les postes vacants et en prévoyant des installations pour les personnes handicapées, partout où elles travaillent. Comme l'a souligné le juge McLachlin, la protection de la dignité et de la liberté de chaque être humain est importante pour tous.

(1215)

Nous n'avons pas tous les mêmes aptitudes. Cependant, ceux qui désirent poursuivre des études ou acquérir une formation professionnelle ne devraient pas se heurter à des obstacles discriminatoires. Ceux qui poursuivent ce long cheminement méritent de récolter les fruits de leur travail acharné.


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De toute évidence, légiférer en matière d'équité ne permet pas d'atteindre les buts recherchés. C'est un processus coûteux et injuste. Le mérite devrait être l'unique critère d'engagement dans un milieu libre de toute entrave arbitraire à l'engagement ou à la promotion. Il faut rétablir le mérite comme unique fondement de l'engagement et de la promotion dans la fonction publique.

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, j'entends souvent des députés réformistes parler de la Loi sur l'équité en matière d'emploi de l'Ontario. Ils essaient de dire aux Canadiens que nous parlons de la même loi.

Je voudrais profiter de l'occasion pour mettre les choses au point au sujet de certaines des idées fausses que répandent les réformistes. D'abord, je tiens à préciser que notre projet de loi interdit explicitement l'imposition de quotas. Une autre différence fondamentale réside dans le fait que le projet de loi C-64 renferme une approche tout à fait unique face à la planification des ressources humaines. La loi ontarienne repose davantage sur les droits de la personne, des plaintes pouvant venir de tierces parties. J'ajouterai que, aux termes de la loi ontarienne, n'importe qui peut déposer une plainte, qu'il s'agisse de groupes d'intérêts, de demandeurs d'emploi, d'employés, de syndicats, de sociétés privées ou publiques ou de tout particulier. Il n'y a aucune disposition en ce sens dans notre loi.

En ce qui concerne les règles et règlements reliés aux deux mesures législatives, l'Ontario a établi les obligations des employeurs dans le menu détail et a prévu des règlements fort précis. Par contre, le projet de loi C-64 est beaucoup moins normatif et minimise le fardeau de la réglementation en limitant les nouveaux règlements à quelques domaines essentiels. On reproche justement à la loi ontarienne de conférer un pouvoir très large en ce qui concerne l'adoption de règlements.

Il y a une différence marquée dans la portée des lois fédérale et ontarienne. La loi ontarienne a une beaucoup plus grande portée. Ainsi, en Ontario, toutes les entreprises privées ayant 50 employés ou plus sont visées, alors que, aux termes du projet de loi C-64, le nombre d'employés est de 100. Rappelez-vous également que la loi ontarienne touche 17 000 employeurs environ, alors que notre loi vise à peu près 350 employeurs, dont beaucoup sont des leaders dans le monde des affaires.

Pour mettre en oeuvre sa loi, l'Ontario a établi deux nouveaux organismes gouvernementaux indépendants: la Commission de l'équité en matière d'emploi et le Tribunal de l'équité en matière d'emploi. Les députés savent que le projet de loi C-64 va se servir de deux organismes gouvernementaux existants, c'est-à-dire le ministère du Développement des ressources humaines et la Commission canadienne des droits de la personne.

J'espère sincèrement avoir aidé le député à comprendre la différence fondamentale entre les lois provinciale et fédérale.

Si cela ne suffit pas, je rappellerai aux députés les résultats extrêmement intéressants d'un sondage. En gros, deux tiers des entrepreneurs ontariens ont répondu à un sondage effectué tout de suite après les dernières élections en Ontario et ont déclaré qu'ils souhaitaient qu'on réforme ou conserve la loi actuelle sur l'équité en matière d'emploi de cette province. Les entrepreneurs veulent qu'on réforme la loi, mais pas qu'on l'abroge. À peine 8 p. 100 ont affirmé qu'ils mettraient un terme à leurs projets d'équité en matière d'emploi si la loi était abrogée, alors que 69 p. 100 ont dit que cela n'aurait aucune répercussion sur leurs initiatives en la matière.

Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de formuler ces observations. Je pense qu'il est important que, dans le cadre de ce débat, les réformistes soient capables de regarder les faits et la vérité en face.

(1220)

M. Frazer: Monsieur le Président, ces propos étaient fort instructifs. Cependant, que nous suivions des lignes directrices ou un programme d'équité en matière d'emploi à l'intention de divers groupes, nous parlons toujours de contingents. Si nous disons que 5, 10, 20 ou 30 p. 100 de la population fait partie de certaines catégories, il s'ensuit que ces personnes obtiendront des emplois en fonction de ces pourcentages. C'est avilissant. C'est comme si on disait à ces gens: «Peu importe vos aptitudes, vos capacités ou votre rendement potentiel, vous aurez un emploi parce que vous appartenez à tel groupe.» À mon avis, non seulement cela entraîne la discorde, mais c'est aussi absolument injuste.

Comme je l'ai dit dans mes observations précédentes au sujet de l'étude faite sur les femmes, on a découvert que la pratique qui est maintenant établie dans le régime de recrutement de l'administration publique fédérale, soit d'accorder un certain nombre d'emplois à des femmes, sape en réalité leur confiance en elles. Elles se disent qu'elles ont peut-être obtenu leur poste parce qu'elles sont des femmes, et non parce qu'elles le méritent, qu'elles sont qualifiées et compétentes. Elles s'évaluent de la mauvaise façon et ne se sentent pas à la hauteur, car elles ont bénéficié d'un traitement de faveur lors de leur engagement.

Le Parti réformiste désire des chances égales pour tous, sans égard à la race, à la couleur, au sexe ou à la langue. Qu'on leur donne une chance équitable d'obtenir un emploi. S'ils sont à la hauteur, ils donneront un bon rendement; sinon, ils ne devraient pas occuper le poste.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, il va sans dire que j'appuie la position du député à l'égard de ce projet de loi.

Ce que les libéraux d'en face ne comprennent pas, c'est le principe qui sous-tend cette mesure. En effet, les ingénieurs sociaux du Parti libéral essaient d'inscrire dans la loi l'obligation pour les entreprises canadiennes d'adopter des pratiques d'embauche fondées sur autre chose que le mérite ou la compétence.

Le Canada a pris de la vigueur parce que ses travailleurs ont étudié, suivi une formation et fait tout ce qui était possible pour être en mesure de soutenir la concurrence sur les marchés. Ils ont réussi et chacun d'eux en a été récompensé. Comme mon collègue l'a fait remarquer, ce projet de loi sapera l'esprit d'initiative des Canadiens, en exigeant que des groupes spéciaux bénéficient de considérations particulières. Que fait-on du mérite? Dans le projet de loi C-64, il n'y a pas la moindre mention du mérite.


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Le député me dit que les entreprises de l'Ontario appuient ce projet de loi, ou cette idée de l'équité en matière d'emploi, plutôt que le principe fondamental de l'embauche qui est le mérite individuel, et je trouve cela tout à fait insensé. Je voudrais bien que quelqu'un dans le monde des affaires qui a répondu à ce sondage vienne me dire qu'il ne se préoccupe pas vraiment du mérite ou de la compétence des employés, mais qu'il n'hésiterait pas à baser ses pratiques d'embauche sur ce projet de loi absurde que le Parti libéral veut nous faire adopter.

De grâce, que les ingénieurs sociaux d'en face arrêtent de se moquer de nous. Une telle mesure ne colle pas à la réalité.

L'hon. Ethel Blondin-Andrew (secrétaire d'État (Formation et Jeunesse), Lib.): Monsieur le Président, je suis fière de m'associer à cette mesure importante, le projet de loi C-64.

Je crois bien que le député d'en face ne sait pas ce que nous voulons dire quand nous parlons de mérite. J'ai travaillé durant de très nombreuses années auprès de membres des groupes cibles, des groupes sous-représentés. De 1984 à 1986, j'ai travaillé au sein de la Commission de la Fonction publique, où nous avons mis en oeuvre un certain nombre d'initiatives étant donné que ces groupes cibles y étaient sous-représentés de façon aussi flagrante.

Par exemple, ce sont les autochtones qui sont les moins bien payés par rapport à la moyenne nationale. Ils sont moins bien rémunérés que la moyenne de la population active. Les personnes handicapées souffrent elles aussi de sous-représentation flagrante. Il est très difficile pour une personne handicapée non dépourvue de mérites d'obtenir un emploi selon le système du mérite.

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Ces députés devraient chercher des moyens d'intégrer les membres des groupes sous-représentés au lieu de les garder exclus et marginalisés. Les autochtones qui réussissent à entrer dans le système occupent encore pour la plupart des emplois dans le secteur du soutien technique et administratif. C'est un fait, et cela n'a rien à voir avec le mérite. Ces gens-là ont des mérites, mais ils n'obtiennent pas de promotions. Même s'ils ont des mérites, c'est-à-dire les qualités, l'expérience et les compétences requises, ils sont moins bien rémunérés que les autres. Ça, c'est de l'inégalité. Tels sont les faits.

Ces députés devraient savoir qu'il n'y a rien de mal à partager une place égale dans le milieu du travail, coude à coude, avec une femme, un autochtone, une personne handicapée ou un membre d'une minorité visible. Il n'y a rien de mal à cela. Personne n'a dit que l'autochtone, la femme, la personne handicapée ou le membre d'une minorité visible devaient être stupides ou non qualifiés pour bénéficier du programme d'équité en matière d'emploi. Le projet de loi ne dit rien de tel.

Il dit au contraire que tout le monde aura maintenant la chance d'obtenir un emploi ou une promotion, la chance d'entrer en toute égalité dans le monde du travail, dont la discrimination systémique avait privé les membres des groupes cibles pendant plus de 125 ans. Les membres des quatre groupes cibles sont encore moins nombreux à être aussi bien rémunérés et à obtenir autant de promotions que les autres. Je ne vois pas pourquoi ces députés ne peuvent pas le comprendre.

L'autre jour, le député de Wild Rose a brossé un portrait assez peu flatteur de l'équité en matière d'emploi en évoquant le cas de son fils. J'ai trois enfants, mais je ne viendrai jamais plaider ici la cause de mes enfants. J'ai travaillé pour les faire instruire. Ils sont capables de se débrouiller tout seuls. Nous parlons ici d'une politique générale, pas de cas individuels.

Vous voulez un exemple concret? Écoutez ceci. Je connais dans ma circonscription un autochtone lourdement handicapé. Il est un aîné dans sa collectivité. En 1959, il travaillait dans une scierie avec ses quatre associés. Dans un grave accident survenu à une époque où il sciait du bois pour le gouvernement à un endroit appelé Rocher River, un de ses amis a été décapité et il a lui-même perdu un bras. Il fait des démarches pour obtenir une indemnisation quelconque, mais en vain. C'est là un problème d'équité en matière d'emploi, un problème d'égalité, un problème de droits de la personne.

Comme cet homme habitait dans un milieu dur et inclément, il a dû compter sur ses propres moyens. Il est allé dans un pensionnat de la région, mais il n'était pas instruit. C'était un trappeur. Ses enfants n'ont pas pu faire d'études ou n'ont pas pu les terminer, tout simplement parce que leur père devait les garder à la maison pour couper du bois, aller chercher de l'eau et accomplir toutes les tâches nécessaires à la survie. Je ne sais pas au juste ce qui a fait défaut dans le système. La femme de cet homme a travaillé toute sa vie et ne regrette rien, mais ce fut une existence extrêmement difficile.

Voilà le genre de chose dont nous parlons. Nous voulons envisager avec chaleur et compassion le labeur et les luttes du simple citoyen. Il ne s'agit pas de créer de grossières injustices et d'accorder des promotions à certains pour qu'ils dégringolent du haut de l'échelle.

Le discours des députés d'en face me semble très désobligeant et décourageant. Pourquoi ont-ils tant de mal à comprendre les luttes d'un homme comme celui de mon exemple et préfèrent-ils parler de gens qui disent qu'ils n'ont pas obtenu d'emploi parce que leur peau n'est pas de la bonne couleur. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit.

Il y a des handicapés, des femmes, des membres de minorités visibles, des autochtones, ou des personnes appartenant à plus d'une de ces catégories qui sont aux prises avec de graves difficultés. Et, d'après les statistiques nationales, lorsque ces personnes finissent par faire leur chemin, elles sont moins bien rémunérées que leurs collègues déjà en place. Pour un travail identique, elles touchent un salaire moindre.

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Il y a un autre problème. Ces gens commencent au bas de l'échelle. Par exemple, la plupart des autochtones obtiennent des postes de commis ou de techniciens, pas de cadres supérieurs. Les choses changent, mais très lentement.


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Nous avons besoin d'aide. Le projet de loi dont nous sommes saisis nous offre l'aide nécessaire, mais il ne fait du tort à personne. Je mets au défi les réformistes de me prouver le contraire. Les faits ne corroboreront pas leurs dires.

Au Canada, nous apprécions la diversité et appuyons les nombreuses collectivités sur lesquelles reposent notre stabilité sociale et notre force économique. Trop de Canadiens se retrouvent encore devant d'énormes obstacles à l'emploi qui les empêchent d'atteindre leur plein potentiel.

J'ai rencontré des groupes de personnes handicapées. J'ai vu ces gens. J'ai discuté avec eux. C'est bien beau d'être à la Chambre et d'être séparé de ces électeurs et il est bon parfois d'aller aux sources. Il est de notre devoir, en tant qu'élus, d'aller aux sources et d'être à l'écoute de ces gens, au lieu de les critiquer et d'éliminer les possibilités qui pourraient s'offrir à eux.

C'est ridicule. Nous devons aider ces gens. Ils ont moins de chances que nous. Dans le cas des personnes handicapées, la mobilité et le milieu de travail peuvent poser des problèmes. Il faut nous attaquer à ces problèmes.

Ceux qui vivent dans des régions où le taux de chômage est élevé ou dans des régions extrêmement pauvres, comme c'est le cas de certains autochtones, sont très marginalisés sur le plan social. Ils n'ont pas de moyens de transport. Ils ont de nombreuses barrières à franchir, certaines sont institutionnalisées et d'autres systémiques. C'est vrai. C'est un fait indéniable. Il faut regarder les choses en face.

L'homme dont j'ai parlé a perdu un bras et a dû travailler la terre pendant de nombreuses années malgré ce handicap. Il m'a dit: «Mon bras doit valoir 100 000 $.» N'importe quelle compagnie d'assurance vous dirait: Comment peut-on évaluer la valeur d'un bras ou d'un membre? On donne une valeur à la vie. On donne une valeur à la capacité de cet homme de subvenir aux besoins de sa famille afin que ses enfants puissent poursuivre leurs études et que sa femme puisse rester à ses côtés pour élever leurs enfants. Cela n'a pas été possible pour cette famille. Voilà le genre de situations attribuables aux inégalités, aux barrières et aux obstacles que nous observons.

Le rapport annuel de 1994 sur l'application de la Loi sur l'équité en matière d'emploi traçait un portrait plutôt sombre des personnes handicapées, des membres des minorités visibles, des femmes et des autochtones. Depuis 1991, les emplois des travailleurs visés par la loi accusent une baisse beaucoup plus marquée que ceux des autres travailleurs.

Les membres des groupes désignés se sont accrus en nombre, mais peu nombreux sont ceux qui ont réussi à entrer sur le marché du travail. Ils ne constituent aucune menace. Croyez-moi, vous n'avez rien à craindre pour vos emplois. Ils ne vont pas vous les enlever. Tout ce qu'ils veulent, c'est une occasion de faire quelque chose, d'être indépendants.

Les députés d'en face se plaignent constamment de ce que les gens sont trop dépendants de l'assistance sociale, de ce qu'ils vivent aux dépens du système. Voici l'occasion pour eux d'aider ces gens à réintégrer le marché du travail, à être indépendants, à retrouver leur dignité, à décrocher un emploi, à faire vivre leur famille.

Les membres des groupes désignés sont encore au bas de l'échelle aux plans social et économique. Non seulement ils n'ont pas de possibilités, mais encore beaucoup comptent parmi les plus pauvres. Il n'est pas juste que, depuis 1987, l'écart salarial entre les membres des minorités visibles et les autres travailleurs à plein temps se soit élargi dans le cas des hommes, mais soit demeuré à peu près le même dans le cas des femmes. Les choses ne changent pas vraiment.

Pourquoi les menaces? Pourquoi chercher à faire naître la peur dans le coeur du Canadien moyen? Il est tellement tentant de s'exprimer de cette manière. C'est tellement facile d'employer un langage coloré, provocateur et grossier pour exagérer une situation et la faire passer injustement pour réelle. Ce n'est pas correct. On ne devrait pas faire cela. Qu'on laisse les faits parler d'eux-mêmes! Il y a quelque chose qui cloche sérieusement lorsque des femmes talentueuses et instruites continuent d'être trop représentées dans le travail de bureau, les ventes et les services, mais pas assez dans la haute direction et les emplois techniques.

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Comment peut-on qualifier notre société de compatissante et de passionnée lorsque les personnes souffrant d'un handicap y sont privées de la possibilité de travailler et de la dignité qui vient avec? C'est un scandale national que les membres des premières nations ne comptent que pour 1,04 p. 100 de la main-d'oeuvre au Canada, qu'ils occupent les emplois les moins rémunérateurs et qu'ils se trouvent du mauvais côté de l'écart salarial avec les autres Canadiens.

Il est inacceptable que le taux de chômage soit deux fois plus élevé parmi les jeunes diplômés universitaires autochtones que parmi leurs homologues blancs de sexe masculin, eu égard aux obstacles que les premiers doivent surmonter lorsqu'ils entreprennent des études secondaires.

J'ai visité certains endroits où le taux de décrochage était supérieur à 85 p. 100. Les jeunes qui accèdent au système et qui réussissent leurs études secondaires et universitaires évoluent dans un environnement qui leur est complètement étranger. C'est différent et difficile. Je le sais, j'en ai fait l'expérience. C'est difficile pour eux. Ils ont besoin d'aide. Les critiques, l'opposition et la confrontation ne leur sont d'aucune utilité. Nous nous rendons à tous un bien mauvais service en laissant de côté des individus aptes au travail. C'est préjudiciable aux individus. C'est un gaspillage énorme de talents. Cela nuit à notre économie et cela diminue l'ensemble de notre société.

L'équité en matière d'emploi, c'est tout simplement la justice dans la répartition des emplois. Le projet de loi C-64 vise à garantir que nul ne se voit refuser des possibilités d'emploi ou des avantages pour des raisons qui n'ont rien à voir avec ses capacités. L'inégalité est en revanche une entrave pour notre économie. Le soutien du revenu passif coûte cher à tous les Canadiens, notamment aux individus visés. Il est impérieux d'adopter ce projet de loi.

D'ici la fin du siècle, deux tiers des nouveaux venus sur le marché du travail appartiendront aux quatre groupes désignés: les femmes, les autochtones, les membres des minorités visibles et les


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personnes handicapées. Notre pays a besoin de la richesse que constituent leurs talents. Nous ne pouvons plus nous permettre d'ignorer une partie de la population, quelle qu'elle soit.

Ces deux tiers des nouveaux venus seront-ils des chômeurs? Seront-ils des assistés sociaux? Seront-ils ceux qui se retrouvent dans un cul-de-sac, qui ne bénéficient d'aucune promotion, qui sont sans emploi et sans perspectives d'avenir?

Voilà les véritables questions auxquelles il faut répondre. Les ressources humaines sont nos plus importantes ressources naturelles. Notre pays a tout avantage à adopter des stratégies qui misent sur le potentiel sous-exploité de tout Canadien apte au travail.

L'équité en matière d'emploi améliore le marché du travail et favorise la productivité en encourageant une tolérance et une intégration accrues en milieu de travail. C'est là l'objectif du projet de loi C-64. C'est pourquoi je demande aux députés d'en face ce qu'il y a là de si répréhensible. Qu'y a-t-il de mal à faire en sorte que les membres des quatre groupes désignés évoluent côte à côte sur le marché du travail, avec le reste de la population? C'est ainsi que cela devrait être. Ces principes sont à la base de notre pays.

Nous formons une mosaïque. Nous ne favorisons pas l'assimilation à outrance. Le Canada n'est pas ce genre de pays. Contrairement à nos voisins du Sud, nous n'essayons pas de rendre tout le monde pareil. Nous avons tous notre personnalité propre à la Chambre, ce qui ne nous empêche pas de nous respecter les uns les autres. Il n'est pas nécessaire de partager le même point de vue idéologique pour se respecter les uns les autres. Ce n'est pas comme ça que devrait fonctionner notre pays dans l'avenir. Ce n'est pas comme ça que devrait fonctionner un pays aussi divers que le Canada.

Chacun d'entre nous profite de sa contribution à la société. Le Canada profite également des forces et des compétences que nous avons à lui offrir. En somme, nous profitons tous non seulement de meilleures conditions sociales, qui sont capitales, mais encore de la réalisation de notre potentiel économique national. C'est bon pour le Canada d'intégrer ces personnes dans la main-d'oeuvre. C'est bon pour le Canada et pour nous en tant que représentants élus que ces personnes soient indépendantes, intégrées et promues et qu'elles utilisent leurs compétences comme elles le devraient.

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Nous pouvons recréer notre pays pour qu'il reflète plus fidèlement ce que nous sommes en travaillant de très près avec un groupe désigné et en reconnaissant les contributions des membres de ce dernier à la prospérité économique et à notre riche diversité culturelle. Nous avons tous une contribution à faire, mais pour cela il faut que nous en ayons la possibilité.

Je remercie le ciel des possibilités qui sont offertes à ces personnes. J'ai vu comment cela fonctionnait. J'ai eu connaissance de programmes qui étaient clairement destinés à ces groupes, et je puis dire qu'ils donnent des résultats. Ces programmes ouvrent aux personnes handicapées des perspectives dans les banques et ailleurs. Qu'il s'agisse d'emplois de bureau ou d'autres situations, c'est quand même un départ. Nous le savons et nous travaillons à l'autre élément, soit celui qui consiste à donner des promotions à ces personnes si elles ont la compétence voulue; pourquoi pas? C'est normal.

Le fait d'avoir un emploi est un bon moyen de parvenir à l'égalité. Notre emploi nous procure un sentiment de satisfaction, de la dignité et le respect mutuel. Il nous donne également un salaire, qui nous permet d'assurer un meilleur niveau de vie à notre famille. Notre emploi renforce la confiance en soi ainsi que celle que les autres nous accorde. C'est cette égalité que recherchent les femmes, les personnes handicapées, les peuples autochtones et les membres des minorités visibles. Nous pouvons franchir une étape importante vers la réalisation de cet objectif en adoptant le projet de loi C-64. Ce faisant, nous nous approcherons de notre objectif qui consiste à stimuler notre économie et à renforcer notre pays à l'aide d'une main-d'oeuvre plus représentative. Nous pouvons contribuer au bien-être du Canada en aidant les défavorisés à s'assurer une vie meilleure pour eux-mêmes et les leurs.

J'invite mes collègues d'en face à porter un nouveau regard, un regard empreint de tolérance, sur ce que signifient l'égalité et l'équité. Il ne s'agit pas de s'élever au-dessus des autres et de devenir meilleur en les écrasant. Ce n'est pas ce que montrent les données. La situation est stagnante. Rien ne bouge. Ces gens-là ne menacent personne. Ils ont besoin de notre aide. Nous pouvons leur faire beaucoup de bien. Nous pouvons contribuer au bien-être du pays en les aidant à améliorer leur sort.

J'en appelle à mes collègues et à tous les autres Canadiens à porter un regard empreint de tolérance sur ce projet de loi et sur ces gens-là.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, je remercie la ministre pour ses observations. J'aimerais lui poser une ou deux questions.

Elle a raconté l'incident survenu à la scierie et je voudrais faire part de ma sympathie pour la famille touchée. Je peux très bien m'imaginer quel désastre cela peut représenter pour le revenu familial et quelle perte tragique c'est pour la famille. Je comprends également pourquoi l'homme qui a eu le bras amputé ne pouvait plus travailler dans le même secteur après cela. La ministre a dit que c'était là une question de droits de la personne. À mon sens, ce serait plutôt une question de handicap. Bien sûr, cet homme a subi cet accident et il lui a ensuite été impossible de travailler dans le même secteur pour assurer la subsistance de sa famille.

Vous pouvez me trouver naïve ou n'importe quoi d'autre, mais il m'est tout simplement impossible de voir comment, logiquement, l'équité en matière d'emploi pourrait régler le problème de cette homme. La députée pourrait-elle m'éclairer? Je déteste prétexter l'ignorance, mais il m'est tout à fait impossible de concevoir comment, si le projet de loi C-64 avait été en vigueur, la vie de cet homme aurait été changée.

N'aurait-il pas été plus sage pour l'entreprise concernée d'admettre que, puisqu'il possédait des compétences dans cette scierie, il aurait peut-être pu occuper un autre poste moins exigeant physiquement où il n'aurait pas eu besoin de ses deux bras? Si cet homme avait le mérite, les capacités et la compétence dans le secteur, il est certain que l'entreprise aurait pu lui trouver quelque chose. Com-


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ment l'équité dans l'emploi pourrait-elle, tout à coup, régler tous les problèmes du genre? Je ne vois pas.

Mme Blondin-Andrew: Je remercie la députée pour sa question. Je jugeais que, sur le plan professionnel comme sur le plan personnel, ce cas devait être rapporté et que c'était peut-être là la seule occasion que j'aurais de le faire en tant que députée. Cette histoire démontre aussi que cette personne, qui est autochtone et handicapée, comme je l'ai fait ressortir-et les députés pourront vérifier au hansard s'ils le veulent-a de nombreux combats à livrer. Beaucoup de programmes et de services sont offerts, mais aucun ne lui permet de remporter tous ses combats.

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Le projet de loi C-64 ne réglera peut-être pas son cas. Cependant, j'ai jugé que c'était un cas qui méritait d'être rapporté parce que c'est celui d'une personne de l'un des quatre groupes désignés. Cette personne peut se faire entendre par mon intermédiaire. Beaucoup de députés se font les porte-parole d'électeurs de leur circonscription.

J'ai profité de l'occasion qui se présentait parce que je n'ai pas souvent la chance de pouvoir faire des déclarations à la Chambre comme je le faisais au cours de la législature précédente. J'ai pensé que, parce que cette personne était un autochtone handicapé et que son cas était aussi précis, il méritait d'être connu. J'ai saisi l'occasion qui se présentait.

Pour ce qui est de l'équité en matière d'emploi, la députée aura compris, d'après tous les renseignements que j'ai donnés, que j'en étirais un peu la portée. Cependant, j'ai jugé qu'il convenait d'attirer l'attention sur le cas de cet homme pour qui les choses n'ont pas bien été jusqu'à maintenant.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à faire remarquer que les députés d'en face, particulièrement la députée qui vient de parler, confondent les pratiques d'embauchage discriminatoires avec l'équité en matière d'emploi.

Nous avons, au Canada, des lois qui interdisent les pratiques d'embauchage discriminatoires. Nous avons des lois qui interdisent aux employeurs de ne pas embaucher des gens compétents parce qu'ils sont membres d'une minorité visible ou parce qu'ils souffrent d'un handicap physique ou mental. Il y a des lois qui interdisent aux entreprises de faire de la discrimination contre les gens à cause de qui ils sont ou de ce qu'ils sont.

Ce projet de loi vise à faire en sorte que, si deux personnes ayant une formation et des compétences égales postulent le même emploi et si une de ces personnes se trouve à être membre d'un groupe désigné et l'autre non, celle qui est membre d'un groupe désigné sera avantagée par rapport à l'autre. Je ne vois pas la logique de ce projet de loi.

Le gouvernement essaie de dire à la libre entreprise comment embaucher ses employés. Le fait est que le gouvernement s'ingère déjà trop dans les affaires des entreprises et cela nuit à notre économie.

La députée a raconté une histoire très tragique. Elle a ramené cette question à un niveau personnel, et j'aimerais faire de même.

Mon fils aîné a des difficultés d'apprentissage. Il serait probablement considéré comme faisant partie de l'un des groupes désignés. Mon épouse et moi-même faisons notre possible pour voir à ce que notre fils reçoive la formation dont il a besoin, et je m'attends à ce qu'il devienne employable non pas parce qu'il est handicapé au niveau de son apprentissage, mais bien parce qu'il a les compétences nécessaires pour faire un travail donné.

Je ne veux pas que le gouvernement s'occupe de l'avenir de mon fils. Je veux que mon fils soit indépendant. C'est pourquoi je veux qu'il soit bien formé et qu'il soit capable de trouver et de garder un emploi.

(1250)

Ce n'est pas à l'État de décider de l'avenir de mon fils. En faisant cela, il enlève à mon fils son autonomie, sa capacité de fonctionner en tant que Canadien indépendant, d'acquérir des compétences et de mériter un emploi dans notre pays non pas à cause de son handicap, mais bien à cause de ses forces.

C'est pourquoi je suis fondamentalement contre ce projet de loi. Cette mesure législative diminuera la valeur des capacités et de la formation de certains individus et mettra ces individus dans une catégorie qui leur permettra d'obtenir un emploi à cause de qui ils sont et non à cause de ce qu'ils peuvent faire.

Mme Blondin-Andrew: Monsieur le Président, tout au long des pourparlers constitutionnels, j'ai appris des Canadiens quelque chose de très important. J'ai appris que le fait de traiter tout le monde de la même façon n'était pas nécessairement synonyme d'égalité. Les besoins diffèrent d'une personne à l'autre.

Je félicite mon collègue de ce qu'il a fait pour son fils. Cependant, nous ne parlons pas ici d'une seule personne, mais bien de quatre groupes désignés. Ces groupes sont désavantagés dans le système. Ce n'est pas quelque chose de très flagrant.

Je sais qu'il y a un processus d'appel. Si une personne estime avoir fait l'objet de discrimination, elle peut aller devant la Commission canadienne des droits de la personne. Cependant, si une personne est systématiquement marginalisée année après année et que les statistiques ne montrent aucune progression pour certains groupes désignés, on peut présumer qu'il y a un problème dans le système. Les employeurs peuvent marginaliser volontairement certains employés, mais ils peuvent le faire de façon très subtile. Ils peuvent rendre la vie difficile à un employé en ne tenant pas compte de ses désirs ou en ne lui accordant pas de promotion. Cela arrive parfois, mais c'est très difficile à prouver.

Comme je l'ai déjà dit, ces quatre groupes ont besoin de notre aide parce qu'ils sont sous-payés et parce qu'ils sont sous-représentés du point de vue des promotions. C'est là un point que le député ne devrait pas oublier. Il ne s'agit pas ici de faire de la discrimination, de rendre les gens plus dépendants ou d'embaucher des personnes qui n'ont pas le mérite ni les compétences nécessaires. Il s'agit de permettre aux personnes qui ont le mérite et les compéten-


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ces nécessaires de s'intégrer dans un système qui ne leur a pas permis de le faire auparavant. La porte leur a été fermée, et il faut faire quelque chose à ce sujet. Nous devons non seulement ouvrir nos coeurs aux membres de ces groupes désignés, mais aussi leur donner accès à l'emploi et à la formation.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, j'ai bien relevé les distinctions importantes dans les observations faites par ma collègue, qui a d'ailleurs un peu étiré les choses. L'équité en matière d'emploi ne réglera pas ces problèmes. C'est écrit dans le hansard à tout jamais. Je tiens cependant à dire que je suis sensible à la situation de cette famille du Nord.

Le débat actuel est intéressant et je demeure stupéfaite quand je lis le paragraphe 15(1) de la Charte des droits et libertés, qui stipule: «La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.»

Il me semble assez clair, et c'est sans doute le cas pour tous ceux qui écoutent, que la Charte canadienne des droits et libertés nous protège tous, indépendamment de notre race, sexe, langue, origine ethnique, et le reste.

Encore une fois, je me demande bien comment on peut faire ce saut incroyable, de la situation actuelle où la charte accorde à tous la même protection, au projet de loi C-64 qui concerne l'équité en matière d'emploi. J'attends toujours une réponse du gouvernement. J'ai entendu raconter certains cas sur un ton passionné, et on a parlé de toutes sortes de situations et de cas particuliers. Je pourrais en faire autant. Mais quand j'entends mes collègues dire que le projet de loi apportera une solution à tous ces problèmes, je demeure sceptique car je crois que la plupart des Canadiens qui suivent ce débat ne sont tout simplement pas prêts à faire ce saut.

(1255)

Étant donné la protection que nous garantit la Charte canadienne des droits et libertés, je me demande pourquoi la Chambre examine même cette question. Il ne semble pas y avoir de raison à cela. Je ne pense pas que cela va régler quoi que ce soit, que cela va rendre la vie plus facile aux gens. On se sert de l'institution même qui est censée protéger les droits fondamentaux des Canadiens en vertu de la Charte des droits et libertés pour éliminer l'un de ces droits. C'est dire: «Nous allons protéger cette personne, mais pas celle-là. Nous allons accorder un traitement spécial à l'une, mais pas à l'autre. Je suis désolé.»

Le projet de loi C-64 nie le droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, sans discrimination. Une fois que nous nous engageons dans cette voie, nous faisons mieux de faire attention. Comme le faisait valoir l'accord de Charlottetown, lorsque nous commençons à dire à certains groupes qu'ils ont le statut de société distincte, qu'ils ont droit à une attention spéciale pour telle raison ou que nous devrions avoir tant de femmes au Sénat, nous nous engageons dans une voie dangereuse qui risque d'être à sens unique.

Quand j'entends des histoires comme celles dont on parlait ce matin, je m'alarme. Je me demande où cela va nous mener. C'est exactement ce qui s'est passé avec l'accord de Charlottetown. Sur quelle pente cela nous mène-t-il? Allons-nous pouvoir revenir en arrière? Je ne crois pas que cela nous aidera beaucoup.

Ce projet de loi sanctionnera officiellement la discrimination à l'égard des groupes non désignés. Dès l'instant où nous désignons une personne, une autre n'est pas désignée. Dès l'instant où nous mentionnons un particulier ou son groupe, d'autres groupes sont lésés par omission. Pourquoi donc avons-nous, au Parlement, une telle obsession de faire en sorte que certaines personnes soient étiquetées? Je suis sûre que mon collègue d'en face, le ministre, ne croit pas qu'il soit souhaitable ou correct d'étiqueter les gens. Nous sommes pourtant saisis d'une mesure législative qu'il appuie et qui aura pour effet d'étiqueter les gens, laissant ainsi de côté ceux qui n'ont pas droit à une étiquette.

Il faut qu'il y ait apparence de discrimination à l'encontre des groupes désignés. Si cela se produit, il y a des problèmes. Dès que l'on soupçonne qu'un groupe est victime de discrimination, la patrouille de contrôle de l'équité s'empressera d'y voir. Elle est enthousiaste à l'idée de corriger ces torts et d'imposer des sanctions sévères. J'en ai le souffle coupé.

Pourquoi aurions-nous une police de l'équité en matière d'emploi? Nous sommes 53 femmes à occuper un siège à la Chambre. J'y reviendrai un peu plus tard. J'ai entendu certains de mes collègues à la Chambre, surtout au cours de la dernière législature mais aussi au cours de celle-ci, dire que 51 p. 100 des députés devraient être des femmes, puisque celles-ci représentent 51 p. 100 de la population. C'est ridicule. Je reviendrai au fait que je suis une députée, parce que j'ai les capacités et la compétence voulues, pas parce que je suis une femme.

La police de l'équité en matière d'emploi sera formée de personnes qui feront des vérifications ici et là pour s'assurer que tout le monde respecte les règles. Monsieur le Président, on se rend bien compte que cela ne peut que causer d'autres problèmes. Imaginez que quelqu'un soit toujours en train de vous dire que vous ne faites pas les choses correctement, que vous avez des pratiques d'embauche discutables pour votre bureau de la Chambre des communes.

Monsieur le Président, pouvez-vous imaginer la crainte, la nervosité et l'impression d'être toujours sous surveillance que vous ressentiriez? Je suis sûre que vous avez lu 1984, ouvrage dans lequel George Orwell prédit que la police nous épiera sans cesse. Je ne veux pas être alarmiste, mais il me semble que cette mesure législative va lui en offrir l'occasion. Elle nous conduit tout droit à la création d'un corps policier chargé de faire respecter l'équité en matière d'emploi. Ces policiers feront le tour des entreprises, vérifiant qu'elles engagent bien qui elles doivent et qu'elles suivent toutes les formalités administratives prescrites.


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La Commission canadienne des droits de la personne sera l'organisme responsable. Elle enverra la police de l'équité pour s'assurer que tout se déroule conformément au projet de loi C-64. Fait intéressant, aucun budget n'est prévu pour ce faire.

Tout d'un coup, voici qu'on constitue un nouveau groupe qui dit: «Nous sommes la police de l'équité et nous allons vérifier que tout le monde est embauché selon les règles. Les chiffres sont-ils bien ce qu'ils doivent être autour de la table? Le personnel de la Chambre des communes est-il représentatif?» Ce n'est pas pratique, c'est une pomme de discorde. Ça ne marchera pas.

Et la police de l'équité? Où va-t-on aller la chercher? Je n'en suis pas sûre. Je suppose qu'elle devra être intégrée dans un groupe approprié. Et qui surveillera la police? Aucun budget n'est prévu pour ces gens qui travailleront sous l'autorité de la Commission canadienne des droits de la personne. Et comment donc contrôler tout ça?

Nous voulons diminuer l'influence du gouvernement. Nous voulons que les gens soient libres d'aller où bon leur semble, d'embaucher ceux dont ils pensent qu'ils feront le mieux leur affaire et de faire pour le mieux.

(1300)

Sachant qu'il y aura toujours quelqu'un qui essaiera de gérer une entreprise, un ministère ou autre, rien ne nous fera dire, que nous soyons députés, sénateurs ou autre, que nous sommes vraiment inquiets et que nous voulons nous assurer que tout est fait comme il se doit. Je ne suis pas sûre que les gens qui seront agents de police de l'équité auront les qualifications nécessaires pour faire ce que le gouvernement leur demandera.

Ce que je trouve de plus étonnant en ce qui concerne cette mesure législative est ce qui s'est passé en Ontario. Je ne suis pas originaire de cette province, mais je m'y trouve fréquemment à cause de mon travail de députée. Ce fut un revirement des plus surprenants lorsque le gouvernement socialiste, au pouvoir depuis plusieurs années, a été défait en juin par les conservateurs, Mike Harris et toutes les valeurs qu'il représente. Mes collègues se souviendront que, l'année dernière, même le gouvernement socialiste du NPD n'a pas réussi à faire adopter ce genre de mesure législative en Ontario.

Je sais que mes collègues ici sont totalement en faveur du projet de loi C-64. Je voudrais poser une question à l'un d'entre eux qui viennent de l'Ontario. Si le gouvernement socialiste du NPD n'a pas réussi à faire adopter une loi sur l'équité en matière d'emploi, comment pouvons-nous espérer que les libéraux y parviennent? Je sais que mon collègue de Broadview-Greenwood est très inquiet à ce sujet. Même s'il vient du centre-ville de Toronto, une région un peu plus grande que Heinsburg, ma ville natale, j'aimerais qu'il réponde sérieusement à la question. Une telle mesure résoudra-t-elle les problèmes? Est-ce que cela donnera du travail aux gens? Est-ce que cela améliorera la situation de l'emploi? Je sais qu'il accorde une grande importance aux données sur l'emploi.

Il affirme que c'est le cas, et je lui fais confiance, mais je ne suis pas convaincue que l'on puisse conclure à l'efficacité de cette mesure législative. Si un gouvernement socialiste néo-démocrate n'a pas réussi à faire adopter une mesure semblable, comment pourra-t-elle être adoptée à l'échelle du pays? Elle ne le sera pas.

Nous avons vu quel sort a été réservé au NPD et au socialisme. Lors de la législature précédente, je me souviens que les députés du NPD étaient assis ici en bas et moi à l'arrière. Que se passe-t-il à l'échelle de la planète? La tendance favorise une moins grande intervention du gouvernement dans nos vies. Nous constatons que le NPD est maintenant le quatrième parti à la Chambre. Nous verrons cette tendance se maintenir. C'est ce qui s'est produit en Ontario et dans tout le pays.

Les pratiques d'embauche sont une bonne chose, mais dès que certaines gens nous disent qu'il faut faire ceci ou cela, sinon il y aura des sanctions, nous savons, dans notre for intérieur, que ces gens sont déjà passés à l'histoire. C'est simple. Une mesure comme celle-ci n'a pas été acceptée en Ontario et elle ne le sera pas ici. La loi sur l'équité en matière d'emploi est contraire au principe du mérite.

Revenu Canada a publié un document intitulé «Plan d'action pour l'équité en matière d'emploi pour 1995-1996». Est-ce le début ou la fin d'un processus? L'année 1995-1996 sera-t-elle le tournant critique pour l'équité en matière d'emploi ou le début d'un processus qui nous mènera sur la voie de la division et du danger?

Dans ce document, un très bon exemple illustre comment les quotas d'embauche seraient mis en oeuvre et la présente discussion porte justement sur les quotas, même si le gouvernement refuse de l'admettre. Il affirme que nous ne parlons pas de chiffres ni de quotas, mais en réalité, il est question de chiffres, de quotas et de gestes symboliques.

Au chapitre sur les femmes on dit qu'elles sont sous-représentées dans certains groupes occupationnels, en particulier les vérificateurs, les gestionnaires et les cadres supérieurs. La solution au problème se trouve dans la déclaration discriminatoire ci-après. Elle est extraite du document: «Envisager le recrutement de femmes seulement, lorsque l'on adopte l'embauche à l'extérieur comme politique permanente.»

Si les hommes de cette Chambre ne peuvent pas voir de quoi il retourne, les femmes le voient sûrement. Est-ce que quelqu'un peut imaginer quelque chose d'aussi pathétique que de voir affirmer que l'on devrait envisager de recruter seulement des femmes lorsque l'on adopte l'embauche à l'extérieur comme politique permanente? C'est absolument ridicule.

Regardons notre propre situation à la Chambre des communes. Je suis une femme en politique, une des 53 députées sur les 295 membres de cette assemblée. Oui, nous sommes sous-représentées à la Chambre des communes, mais travaillons à améliorer la situation. Il y avait 40 femmes lors de la précédente législature. Nous sommes maintenant 53. Ma collègue, ici, est une nouvelle députée, ce qui est très bien puisque cela nous rend plus nombreuses. Est-ce qu'elle ne préfère pas travailler avec un groupe plus petit, mais réellement déterminé, plutôt que d'avoir 51 p. 100 de femmes élues simplement parce qu'elles étaient femmes?

Nous voulons ici des gens qui ont une compétence. Je l'ai déjà dit dans cette chambre et je n'ai pas honte de le répéter. Si j'allais quelque part dans ma circonscription et si je disais: «Bonjour, M. Mills, je m'appelle Deborah Grey et je suis votre députée. Je suis votre candidate du Parti réformiste. Je vous demande de voter pour


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moi, parce que je suis une femme.», je m'attendrais à ce qu'il m'invite chez lui, qu'il me fasse asseoir, qu'il me donne une tasse de café et me dise: «Bon, soyons sérieux, maintenant.» C'est ridicule, mais c'est pourtant là où nous conduirait cette mesure législative.

(1305)

Monsieur le Président, vous avez vu tout comme moi, puisque vous êtes du côté du gouvernement et que vous étiez ici lors de la précédente législature, lorsque les gens se préparaient à présenter leur candidature, toutes les tractations avant les élections de 1993. Certaines femmes de votre parti, du NPD et du regretté Parti conservateur, n'ont même pas eu à se soumettre au processus de mise en candidature. Certaines estimaient que certaines circonscriptions leur revenaient de droit. Elles n'ont pas eu à se présenter à un processus de mise en candidature, parce qu'elles ont été nommées. Mes collègues savent cela. Ils ne peuvent absolument pas le nier.

Quelques femmes, ici, sont devenues candidates sans opposition. Est-ce correct? Est-ce ce qu'on entend par équité en matière d'emploi? Absolument pas.

J'ose croire que les deux femmes qui siègent à la Chambre en ce moment et moi-même avons été élues parce que nous étions compétentes. En est-il bien ainsi? Tout à fait. Nous avions des aptitudes, nous avions un certain talent et nous allions faire des députées on ne peut plus efficaces. Ce n'est pas parce que les chefs des partis ont dit qu'il fallait avoir plus de femmes. Le NPD accorde des fonds supplémentaires aux gens.

Lors d'assemblées de mise en candidature, on a dit à des hommes qu'ils n'avaient pas la moindre chance d'être candidats parce que certains sièges destinés aux néo-démocrates, aux libéraux ou encore aux conservateurs étaient réservés aux femmes. Penchez-nous sur les chiffres et voyons les résultats de cette approche. Bien des gens ont été désignés. J'ignore le nombre de femmes qui ont posé leur candidature, qui ont été désignées dans des circonscriptions, mais qui n'ont pas été élues.

Pour les libéraux, 36 sur 178. Cela représente 20 p. 100 de leur groupe. Nous reconnaissons le fait et nous nous en réjouissons, car il s'établissait avant à 13 p. 100. Je suppose que c'est un bon départ. Il est intéressant de noter qu'il était auparavant de 13 p. 100, et cela, sans qu'on fasse appel à l'équité en matière d'emploi. Au sein du Bloc québécois, il y a 8 femmes sur 53 députés, soit 15 p. 100. Chez les réformistes, mon groupe, nous sommes 7 sur 52, soit 14 p. 100. Le NPD en a fait élire une, soit une proportion de 11 p. 100 puisqu'ils sont 9. Enfin, chez les conservateurs, les chiffres sont éloquents, puisque la moitié du groupe est de sexe féminin, et je l'en félicite.

J'ajouterai qu'un record a été établi en 1989, lorsque le Parti réformiste avait une députation exclusivement féminine puisque j'étais la seule députée. Les députés voient-ils comment on peut jouer avec les chiffres? C'est tout à fait ridicule.

Ce qui s'est produit et ce qui est regrettable, c'est qu'il y a eu beaucoup plus de femmes candidates dans le cadre de ces élections, mais qu'elles n'ont pu se faire élire pour le gouvernement libéral. Pourquoi? Parce qu'on a dit à beaucoup d'entre elles qu'elles devaient se présenter dans telle ou telle circonscription. Elles savaient qu'elle n'avaient aucun espoir de l'emporter.

Quelqu'un a dit qu'elles n'étaient que des figurantes, qu'elles ne pouvaient même pas rêver d'être élues. C'est vrai. Je connais au moins deux cas en Colombie-Britannique, où des collègues néo-démocrates voulaient poser leur candidature, mais n'ont pu le faire. Je pense qu'elles savaient fort bien qu'elles n'allaient pas remporter l'élection dans la circonscription en question. Le Parti réformiste a obtenu la plupart des sièges dans toute la Colombie-Britannique, à l'exception du Lower Mainland.

Rien ne pourrait être plus navrant que de voir mon chef de parti ou quelqu'un d'autre me dire de me présenter dans telle circonscription, plutôt qu'une autre. On me ferait comprendre que je n'ai pratiquement aucune chance de gagner, mais qu'on veut une femme pour cette circonscription. Je répondrais non alors. Je ne veux pas participer à cela. Si je ne peux mener une véritable campagne du seul fait que je suis une femme, je ne me prêterai pas à ce genre de pratique et j'espère que ces gens feront de même.

Agnes Macphail est une de mes héroïnes à la Chambre. Selon moi, c'était une femme remarquable. Je suis persuadée que tous les députés, hommes et femmes, dans cette enceinte, seront d'accord là-dessus. Elle a été la première femme jamais élue à la Chambre.

J'étais nerveuse en 1989 lorsque j'étais la seule réformiste dans cette enceinte. C'est également le cas de certains nouveaux députés quand ils arrivent ici, car la Chambre est un endroit plutôt impressionnant. Nous étions tous terrifiés à notre arrivée.

Agnes Macphail a été élue, en 1921, à titre de candidate du Parti progressiste. Elle a siégé à la Chambre avec les progressistes de 1921 à 1935, représentant la circonscription de Grey-Sud-Est et elle est passée ensuite au CCF, représentant alors la circonscription de Grey-Bruce, comme on l'appelait alors, de 1935 à 1940.

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Si Agnes Macphail était parmi nous aujourd'hui, j'adorerais entendre ce qu'elle aurait à dire au sujet de l'équité en matière d'emploi et du fait que le gouvernement essaie de faire adopter envers et contre tous le projet de loi C-64.

À l'époque ou Agnes Macphail était députée, on ne pouvait pas compter sur les micros et les députés devaient parler d'une voix forte pour se faire entendre. Mme Macphail est vraiment mon héroïne. Une de ses répliques reste gravée dans ma mémoire. Un jour, un député lui a demandé: «Alors, Agnes, vous a-t-on déjà pris pour un homme, ici, à la Chambre?» Elle lui a rétorqué: «Non, et vous?»

Quelle belle répartie. Je ne crois réellement pas que l'équité en matière d'emploi lui aurait été très utile. Je pense qu'elle serait absolument scandalisée par ce projet de loi C-64. Quelqu'un lui avait demandé si on l'avait déjà prise pour un homme. Quelle question ridicule. Nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis cette époque-là.

Ce matin, j'étais à la résidence du gouverneur général pour la présentation des médailles décernées à six femmes qui ont accompli un travail magnifique dans l'affaire «personne», avec les cinq femmes célèbres de l'Alberta. Cette cérémonie était merveilleuse. Je ne sais pas au juste pourquoi la députée d'en face rit. C'est dommage qu'elle n'ait pas assisté à la cérémonie, car ce sont des


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femmes exceptionnelles qui ont reçu la médaille du gouverneur général aujourd'hui. C'était tout simplement excellent. Elles ont toutes travaillé à l'affaire «personne» et étaient toutes récompensées pour leur travail.

Il était intéressant de les entendre raconter que Nellie McClung, Emily Murphy et toutes ces femmes exceptionnelles de l'Alberta n'étaient même pas reconnues comme des personnes dans les années 20. Elles ont porté leur cause devant la Cour suprême, qui l'a rejetée. Elles n'ont même pas réussi à se faire désigner comme des personnes. Puis, en 1929, elles sont allées au Conseil privé, en Angleterre, et se sont présentées devant le chancelier de l'époque, lord Sankey. Voici la décision qu'elles cherchaient à faire renverser: «Les femmes sont des personnes dans les questions de peines et de sanctions, mais ne sont pas des personnes dans les questions de droits et de privilèges.»

Emily Murphy avait trouvé cela difficile à avaler et quelqu'un contestait sa requête, elle qui était magistrat. Imaginez, elle était magistrat en Alberta. Bien sûr, on lui a opposé qu'elle n'était pas une personne. Cinq personnes ont interjeté un appel. Le 18 octobre 1929, lord Sankey, Grand chancelier, a reconnu que les femmes étaient des personnes.

Il est pathétique de constater qu'on puisse étouffer de rire à la Chambre en entendant cela. Je rends hommage à ces femmes pour ce qu'elles ont fait en 1929. C'est grâce à elles que nous pouvons siéger à la Chambre des communes et que les femmes sont traitées comme des personnes. Il va sans dire que nous avons ensuite acquis le droit de vote.

Des mesures de ce genre sont importantes. J'aimerais savoir ce que ces femmes en penseraient. Emily Murphy a fait valoir le droit de propriété des femmes mariées. Dans ce temps-là, si une femme possédait des biens immobiliers avec son mari et que ce dernier mourait, c'était bien regrettable pour elle. Elle perdait son titre de propriété.

Les choses ont nettement progressé depuis. Je l'apprécie vraiment. Il faut s'en réjouir. Je crains que ce projet de loi nous mette dans une situation très dangereuse et qu'il nous divise d'une façon irrémédiable.

Je répète aux gens d'en face que, peu importe le rire, le mépris ou la moquerie, ce n'est pas comme cela qu'ils régleront leurs problèmes. Le NPD a été incapable de faire adopter une telle mesure en Ontario. Le projet de loi sera adopté à toute vapeur à la Chambre des communes, mais il soulèvera des vagues et il aura des répercussions qui feront frémir tous les Canadiens.

L'équité en matière d'emploi sera une source de rancoeur, parce qu'on supposera que les membres des groupes désignés auront obtenu leur emploi, non pas en raison du mérite, mais bien à cause d'une obligation légale. On considérera les membres des groupes désignés comme étant inférieurs et incapables de soutenir la concurrence. Le projet de loi est condescendant, hiérarchique et élitiste. Il donne à entendre que les groupes désignés ont besoin d'un ordre supérieur qui intervienne en leur faveur. Il est incorrect et mauvais. Cela me désole de voir que le gouvernement fera tout pour faire adopter le projet de loi C-64.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, la députée a mentionné le nom de Agnes Macphail. Je suis en train de lire les mémoires de Eugene Forsey. Pour le bénéfice des députés qui ne se souviennent pas de Eugene Forsey, je rappelle que celui-ci était un pilier du Nouveau Parti démocratique. Il avait un sens aigu de la justice pour la société canadienne, lorsque cette notion était importante, comme c'est le cas aujourd'hui.

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Dans ses mémoires, Eugene Forsey parle de Agnes Macphail. Les Canadiens qui suivent ce débat à la télévision ne savent probablement pas qu'un buste de Agnes Macphail se trouve juste à l'extérieur de la Chambre des communes. Nous voyons ce buste chaque fois que nous empruntons le couloir de l'opposition.

Agnes Macphail était présente au congrès de fondation de la Fédération du Commonwealth coopératif, à Regina, dans les années 1920. À cette occasion, une motion avait été déposée dans la plus pure tradition socialiste afin que 50 p. 100 des membres de chaque comité de la fédération soient des femmes. Les femmes allaient bénéficier du principe d'équité au sein du parti. Un équilibre allait être assuré. Peu importe le comité, la moitié de ses membres allaient être des femmes.

Eugene Forsey rapporte que c'est à ce congrès que Agnes Macphail prononça le plus court discours de sa carrière. Celle-ci déclara que ce qu'elle avait accompli elle l'avait fait en raison de qui elle était, et non pas parce qu'elle était de sexe féminin. Pour Agnes Macphail, le fait d'être une femme n'était ni un avantage ni un inconvénient. Elle voulait être jugée en tant que personne capable d'atteindre ses objectifs par ses propres moyens. Elle estimait que tous devaient être traités de cette façon.

J'ai jugé bon de faire part de cette anecdote aux députés.

Je ne dis pas que les libéraux ont de mauvaises intentions en proposant cette mesure. Ils ont le coeur à la bonne place, mais leur cerveau n'est peut-être pas correctement branché.

J'aimerais avoir l'opinion de la députée de Beaver River relativement au principe selon lequel nous devrions nous efforcer de prévenir la discrimination et nous servir des moyens disponibles au pays pour sensibiliser la population, plutôt que d'adopter une mesure législative contraignante. Ce qu'il faut, c'est discuter de la façon d'adopter des valeurs pour notre pays, des valeurs que tous les Canadiens peuvent partager, des valeurs qui ont trait à la prévention de la discrimination et au fait que tous les Canadiens sont égaux, peu importe leur date d'arrivée au pays, la couleur de leur peau, ou leur sexe. Ce sont ces valeurs qu'il faut promouvoir, et non pas rédiger des lois.

Mme Grey: Monsieur le Président, j'ai apprécié l'anecdote au sujet d'Agnes Macphail. Elle avait compris que cela ne mènerait nulle part qu'on dise: Nous allons accorder un traitement spécial à Agnes Macphail ou Nous allons verser une allocation pour payer la gardienne d'enfants à la femme qui se portera candidate.


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Lorsque je me suis portée candidate, je l'ai fait en pensant que quelqu'un quelque part pourrait voter pour moi parce qu'il estimait que je pouvais lier deux ou trois phrases ensemble, parce que j'aime mon pays et parce que j'étais déterminée à devenir députée. Je me réjouis de pouvoir dire que cela est arrivé non seulement une fois, en 1989, mais de nouveau, avec une majorité accrue, en 1993. Je l'apprécie, mais jamais je n'aurais pu faire campagne en disant: «Je suis une femme, élisez-moi» ou «réélisez-moi.» Je ne serais pas capable non plus de recevoir un financement spécial de mon parti. Et si quelqu'un voulait me disputer l'investiture dans la circonscription de Beaver River, je ne voudrais pas que mon chef de parti lui dise: «Non, vous ne pouvez pas vous présenter contre Deborah parce qu'elle est la députée en titre et que je veux la garder à la Chambre.» C'est ridicule.

Il nous faut encourager les assemblées d'investiture ouvertes à tous ceux qui veulent se porter candidats. C'est le gage d'une bonne course, et c'est démocratique. Il n'y aurait rien de pire pour la véritable démocratie qu'un chef de parti qui dirait: «Non, désolé, vous ne pouvez vous porter candidat, car j'ai déjà décidé qu'Unetelle allait être notre candidate dans telle circonscription.»

Nous devons consacrer nos énergies à éduquer les gens. C'est, et de loin, la chose la plus bénéfique que nous puissions faire. Nous ne réussirons pas à débarrasser le Canada de tous ses problèmes en adoptant des lois. C'est une drôle d'idée. Nous avons constaté à maintes reprises que cela ne marche tout simplement pas. Ça ne marche pas quand un gouvernement dit: «Nous avons toujours raison et nous allons prendre toutes ces merveilleuses mesures», surtout quand le concept général d'équité en matière d'emploi vient de lui exploser en pleine figure. Les députés de l'Ontario le savent. Ils viennent de constater dans leur propre province que cela n'a pas marché.

(1320)

Comment donc pouvons-nous penser pouvoir régler ces questions par des lois? Nous devons passer notre temps à éduquer les gens. Il s'agirait par exemple de donner l'exemple ici même à la Chambre, en ne tolérant pas les entourloupes politiques de la part des dirigeants des partis qui manigancent et imposent des candidats appelés à devenir éventuellement députés. La Chambre des communes serait sans doute un bon endroit où commencer ce travail d'éducation.

Un beau mercredi, parce que presque tout le monde est là pour la période des questions, j'aimerais demander à tous ceux qui n'ont pas eu d'adversaire pour l'investiture de leur parti de lever la main. Ne serait-il pas instructif de voir combien de députés ont été consacrés candidats sans opposition. Je parie que des députés auraient trop honte pour lever la main. Je sais que j'aurais honte, pour ma part.

J'aurais honte, en effet, si mon chef de parti me disait: «Deb, nous allons vous réserver telle circonscription de sorte que personne d'autre ne puisse vous disputer la candidature.» Si un journaliste me demandait à combien d'adversaires je faisais face à mon dernier congrès d'investiture, je devrais lui répondre que j'allais avoir deux ou trois adversaires, mais j'ai reçu la bénédiction de mon parti et les deux autres candidats n'ont pas pu se présenter contre moi. Pouvez-vous vous imaginez à quel point cela ferait peine à entendre? Pensez au message que cela enverrait au reste du pays. Mon collègue le sait bien. Quel message cela enverrait-il au reste du pays? Un message très déplorable. Voilà le genre d'éducation qu'il faut promouvoir.

Permettez-moi de corriger ce que j'ai dit un peu plus tôt au sujet d'une police de l'équité en matière d'emploi qui surveillerait ceux d'entre nous qui embauchent du personnel. J'avais tort à ce sujet et je l'avoue. Cependant, le projet de loi dont nous sommes saisis ne s'applique pas à la Chambre des communes. Je demande aux spécialistes d'en face de me corriger si j'ai tort. Le projet de loi s'applique-t-il au personnel de la Chambre des communes?

Y a-t-il quelqu'un, même dans la tribune, qui pourrait m'expliquer pourquoi diable la Chambre des communes est exemptée? Le projet de loi est assez bon pour le reste de la fonction publique, mais la Chambre est exclue. Par le simple fait d'exclure les gens qui travaillent ici, nous avons encore une fois péché par omission. Dès qu'il y a péché par action, puisque nous dressons la liste des gens visés, il y a, par le fait même, péché par omission, puisque la mesure législative ne s'applique même pas à la Chambre des communes. Les gens qui regardent le débat à la télé devraient bien comprendre la situation. Il est tout simplement incroyable que la Chambre des communes soit exemptée. Tout à coup, nous redevenons des gens spéciaux.

Nous nous lançons encore dans une initiative dangereuse qui sème la discorde, une initiative bonne pour le reste du pays, mais dont nous sommes exemptés. Cela me rappelle tout le débat sur la pension des députés. Même s'ils réduisent la pension de bien des gens et s'excusent d'avoir à licencier 45 000 fonctionnaires, les députés refusent de réviser leur régime de pension. Au lieu de maintenir une cotisation de l'État de 6 $ contre 1 $ pour le député, nous allons accepter une réduction et nous allons nous contenter de 4 $ contre 1 $. Les députés s'en tirent.

Voilà un autre groupe qui, tout à coup, obtient un traitement de faveur. Les députés sont très cultivés et je suis certaine qu'ils se rappellent le roman de George Orwell, Les Animaux, et cette phrase qu'on y trouve: «Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres.» S'il est une mesure qui reflète bien cette idée, c'est bien le projet de loi C-64. Et aussi le régime de pensions des députés, qu'aucun autre Canadien ne pourra jamais obtenir.

Le président du Conseil du Trésor le sait fort bien. J'ai pris la parole à ce sujet dans des assemblées publiques, et je sais qu'il l'a fait lui aussi. Si, dans ces assemblées, il avait demandé à ceux qui pouvaient prétendre à un régime de pension semblable de lever la main, personne ne l'aurait fait. Mais on peut parfaitement exhorter quand même tous les autres Canadiens à se serrer la ceinture.

Le député vient de crier que j'allais recevoir 100 000 $ au lieu des 1,4 million de dollars que je pourrais toucher. J'ignore où il est allé pêcher ce chiffre. Je tiens à préciser que je récupère simplement mes cotisations. Le président du Conseil du Trésor a dit que je devais accepter le régime tel quel ou rien du tout. Voilà l'alternative. Il me refusait une contribution paritaire de l'État, ce à quoi tout le monde a droit. Le régime de pensions des fonctionnaires fédéraux ne s'applique pas à nous; aux termes de ce régime, l'employeur doit


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verser au moins la moitié des cotisations. Je n'obtiens pas cela. Je récupère mes 32 000 $ de cotisations, avec des intérêts de 4 p. 100. Aucun fonds mutuel ne me donnerait aussi peu, depuis 1989. Je récupère donc 32 000 $ que je peux verser dans mon REER, et environ 16 000 $, tout comme lui, sauf qu'il ne les verse nulle part, sinon pour acquérir une pension qui sera très généreuse, car nous avons à peu près le même âge. Il récupère 16 000 $, montant sur lequel je vais devoir payer des impôts de 46 p. 100, ce qui est mon taux d'imposition.

(1325)

Voilà de quoi il retourne. J'aimerais bien recevoir 100 000 $, et j'en ferais ce que je peux, mais ce ne sera pas le cas, puisque je me suis retirée du régime. Chose certaine, je vais avoir la conscience en paix, car je saurai que, au moins, je n'ai pas spolié le contribuable.

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole en tant que co-auteur de ce projet de loi pour ce qui concerne les fonctionnaires fédéraux, la fonction publique du Canada.

Je me permets tout d'abord de remercier mon collègue, le ministre du Développement des ressources humaines, de présenter ce projet de loi qui vise le secteur public aussi bien que le privé, puis les membres du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées pour leur importante contribution à ce débat.

[Français]

Le rapport principal du Comité reflète la sagesse collective de ceux qui ont témoigné.

[Traduction]

Tous ont qualifié le programme d'équité en matière d'emploi de mesure raisonnable et équilibrée qui est de nature à renforcer notre tissu social.

Les Canadiens comprennent très bien ce qu'est l'équité. Ils savent que, pour qu'une société soit harmonieuse et bien équilibrée, tous ses membres doivent avoir la possibilité de contribuer à son évolution aussi bien qu'avoir part à ses avantages. C'est ce qu'il faut comprendre, dans ce projet de loi, par équité en matière d'emploi.

Comme nous venons tout juste de l'entendre, on reproche au programme d'équité en matière d'emploi de susciter la discrimination au travail. En fait, c'est tout le contraire. Le programme d'équité en matière d'emploi permet à tous d'avoir également droit au travail. Personne n'est avantagé ni favorisé en quoi que ce soit conformément au projet de loi dont nous sommes aujourd'hui saisis. Prétendre le contraire, c'est vraiment se méprendre sur les principes établis dans le projet de loi C-64.

Le programme d'équité en matière d'emploi vise simplement à faire que la diversité qui caractérise la société se reflète dans les lieux de travail. Il faut donc supprimer les obstacles aux possibilités d'emploi afin que la population en général se reflète mieux dans la population active. Ces obstacles sont souvent camouflés dans des systèmes et des pratiques établies depuis longtemps.

Par exemple, sans raison sinon par tradition, tous les agents de police doivent mesurer six pieds, la plupart des femmes n'étant donc pas concurrentielles. Des obstacles systémiques de ce genre ont déjà été la règle au Canada et pourtant, rares sont les personnes qui soutiendraient aujourd'hui qu'ils ont du sens, si jamais ils en ont effectivement eu.

Permettez-moi de donner un autre exemple, peut-être moins évident. Si un comité de recrutement ou d'avancement était composé de trois personnes toutes de sexe masculin, toutes diplômées de la même université et toutes à peu près du même âge, on pourrait, en toute légitimité, se demander si le comité serait très ouvert aux points de vue de personnes ayant des valeurs, des expériences et des traditions différentes. Il faut une plus grande diversité au sein des jurys de sélection pour éviter que les compétences de certains candidats ne soient sous-estimées.

Nous devons prendre des mesures pour encourager un accès équitable aux possibilités d'emploi et d'avancement dans la fonction publique. Cela peut vouloir dire, par exemple, créer des postes de formation afin que ceux qui sont désavantagés puissent acquérir les compétences et l'expérience nécessaires pour être sur un pied d'égalité avec les autres candidats. Il est dans l'intérêt de notre société que nous mettions pleinement à profit tout le capital humain disponible.

[Français]

La main-d'oeuvre canadienne a changé de visage.

[Traduction]

Elle a subi des changements spectaculaires. Les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les membres d'une minorité visible constituent maintenant la part la plus importante des nouveaux venus sur le marché du travail. En dix ans seulement, la proportion des femmes sur le marché du travail est passée de 40 à 45 p. 100. Cette fluctuation de 5 p. 100 représente quelque 750 000 femmes. L'équité en matière d'emploi aide le marché du travail à s'adapter aux changements de cette ampleur.

(1330)

Il serait peut-être utile de parler plus concrètement de la création d'un environnement qui mette à profit la diversité. La fonction publique du Canada est un excellent exemple. La diversité de la main-d'oeuvre ne signifie pas seulement faire travailler ensemble des gens ayant des antécédents différents. Embaucher un employé qui a un handicap ne suffit pas si on ne l'aide pas à établir des relations avec ses collègues. Il est inacceptable de ne pas tenir compte de l'aide et de la formation dont les femmes ont besoin pour avoir de l'avancement au sein d'une organisation. La diversité dans une organisation nécessite la reconnaissance des différences et des aménagements adaptés à celles-ci.


15391

Le Conseil du Trésor a publié un document intitulé «Médias substituts: L'accès pour tous». Cette publication donne des détails sur la production de documents à l'aide de supports de substitution pour les personnes handicapées. Il peut s'agir d'imprimés à gros caractères ou de bandes audio. Les supports de substitution sont utiles aux fonctionnaires tout en servant mieux le public.

Le Conseil du Trésor a également publié une série d'articles sur les meilleures pratiques ainsi que des guides pour aider les gestionnaires à mettre en oeuvre l'équité en matière d'emploi. Deux de ces articles les plus récemment publiés portent sur les femmes et les personnes handicapées. Les deux ont trait à des pratiques dont l'efficacité a été prouvée dans un éventail d'organismes d'un bout à l'autre du pays.

De plus, nous venons tout juste de publier des guides sur la gestion relative aux employés souffrant de difficultés psychiatriques et de troubles du développement. Nous avons également publiés des guides portant sur la conservation des effectifs autochtones.

Pour veiller à la mise en oeuvre efficace de l'équité en matière d'emploi, les ministères et organismes doivent établir un plan en la matière qui soit assorti d'objectifs et d'échéanciers. Il ne s'agit pas de quotas, mais d'objectifs qu'ils s'efforceront d'atteindre. Cependant, le principe du mérite prévaut toujours.

Les plans sont des documents publics, tout comme le sont les rapports sur les résultats obtenus dans le cadre desdits plans. Ceux-ci n'entrent en vigueur que s'ils tiennent compte de l'avis des employés. Ces avis sont fournis par des groupes de consultation relevant du secrétaire du Conseil du Trésor, mais la plupart d'entre eux viennent de comités consultatifs formés par les ministères.

Le point de vue des syndicats de la fonction publique est également important. Je voudrais attester de l'esprit de collaboration dont font preuve les syndicats dans les questions liées à l'équité en matière d'emploi. Nous tenons à poursuivre cette collaboration. Nous ne doutons pas que les dispositions de cette loi porteront fruit.

Nous avons établi ce cadre afin de faire progresser l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique des années 90. Ce cadre fait clairement entrer l'équité en matière d'emploi au nombre des bonnes pratiques de gestion des ressources humaines et de planification commerciale. Le projet de loi à l'étude dotera le programme de bases juridiques solides. Nous ne rompons pas radicalement avec le passé, nous jetons un pont vers l'avenir.

Il importe de se rappeler que si, en parlant de diversité, nous faisons référence à des groupes, l'accent reste véritablement sur l'individu. Ce n'est pas un groupe qui est recruté pour occuper un poste de commis ou qui est promu à la haute direction, mais un individu. Peut-on s'opposer à l'idée de donner la chance à chacun des membres de notre société de faire valoir ses qualités et son mérite? Certains prétendent que l'équité en matière d'emploi encourage la sélection des candidats en fonction de leur sexe, de leur origine ethnique ou de leur état de personne handicapée plutôt qu'en fonction de leur mérite. Je ne suis pas d'accord avec eux.

Ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que les nominations dans la fonction publique sont régies par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qui consacre le principe du mérite. C'est tout à fait différent de la loi ontarienne dont la députée de Beaver River parlait tout à l'heure. Le principe du mérite est inscrit dans la loi fédérale. L'application de cette loi est confiée à la Commission de la fonction publique, qui est un organisme indépendant qui relève directement du Parlement.

Les progrès enregistrés dans le domaine de l'équité en matière d'emploi se sont faits en respectant le principe du mérite. C'est un des principes sur lesquels a été édifiée une fonction publique impartiale et hautement professionnelle. Ce grand principe dans la gestion des ressources humaines ne sera pas compromis.

(1335)

L'équité en matière d'emploi n'est pas affaire de préférences. C'est un moyen d'instaurer une justice qui, sans cela, n'existerait pas. Il y a plusieurs années, le Conference Board du Canada a publié un document intéressant sur l'équité en matière d'emploi. Dans l'introduction, on dit que les femmes, les minorités visibles et les personnes handicapées représentent près de 60 p. 100 des personnes qui arrivent sur le marché du travail au Canada. On pouvait lire aussi plus loin que ces nouveaux venus sur le marché du travail au Canada sont une ressource vitale et que leur entière participation est essentielle à la capacité des organisations de comprendre les besoins d'un marché qui évolue rapidement et de répondre à ces besoins. C'est ce que disait le Conference Board.

Pour atteindre ce but, les organisations ont besoin de politiques solides et de pratiques équitables. Par exemple, selon le Conference Board, si elles veulent attirer les minorités, c'est une bonne idée d'annoncer les possibilités d'emploi non seulement dans les médias ordinaires, mais aussi dans les médias ethniques. La conclusion tirée par le Conference Board relativement à la culture était particulièrement importante. Les organisations qui font de la formation d'intervieweur ont trouvé que c'était là une mesure particulièrement efficace pour augmenter le niveau d'emploi chez les groupes désignés.

J'ai dit clairement que l'équité en matière d'emploi n'est pas une forme de discrimination. Ce n'est pas de la discrimination à rebours en milieu de travail. L'équité en matière d'emploi vise plutôt à accroître les possibilités en éliminant les obstacles et en établissant des politiques et des programmes qui répondent aux besoins des groupes désignés.

[Français]

L'équité en matière d'emploi consiste à inclure tout le monde, pas à exclure certaines personnes.

[Traduction]

Personne ne devrait se voir refuser l'accès à l'emploi ou à l'avancement pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la compétence et les capacités. C'est ce que le projet de loi C-64 vise à empêcher, et c'est pourquoi j'appuie cette mesure législative aujourd'hui.


15392

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt les commentaires de mon collègue d'en face sur la mesure législative à l'étude et plus particulièrement celui qu'il a formulé dans l'autre langue officielle; je trouve qu'il a très bien fait cela. La langue était peut-être belle, mais je ne peux pas en dire autant du contenu.

Fait à noter, le ministre vient juste de nous dire que cette mesure sur l'équité en matière d'emploi a pour pierre angulaire la justice. Elle ne prévoit pas de contingentement. Elle vise à créer des possibilités sans discrimination fondée sur la race, sur le sexe ou sur la couleur de la peau.

Permettez-moi de vous lire certains des objectifs énoncés dans le guide d'équité en matière d'emploi du ministère de la Justice qui ne sont pas des contingents. Le tableau que j'ai sous les yeux a pour titre «Nouveaux objectifs d'équité en matière d'emploi». Il ne s'agit pas de contingents, mais bien d'objectifs. Ce que cette nouvelle mesure législative fait, c'est transformer ces objectifs non quantitatifs en contingents, en rendant passibles d'amende les entreprises qui n'atteignent pas les objectifs fixés. Selon moi, cela ressemble étrangement à un contingent. D'ailleurs, avant d'aller plus loin, je vous ferai remarquer que la loi qui abroge la loi ontarienne de 1993 sur l'équité en matière d'emploi et dont le gouvernement de l'Ontario se sert pour abroger cette dernière a pour titre loi visant à abroger la loi sur le contingentement des emplois. Étrange, n'est-ce pas?

En tout cas, laissez-moi vous lire ces objectifs d'équité en matière d'emploi tirés d'un document provenant du ministère de la Justice: promotions, femmes, par catégorie d'emploi, 93 p. 100; autochtones, 1,7 p. 100; personnes handicapées, 2,8 p. 100; personnes qui font partie des minorités visibles, 2,7 p. 100.

(1340)

Je continue. Pour ce qui est du recrutement, les objectifs sont les suivants: autochtones, 2,2 p. 100; personnes handicapées, 2 p. 100; personnes qui font partie des minorités visibles, 4,4 p. 100. En ce qui concerne les femmes, l'objectif global est de 43,8 p. 100, soit 39,9 p. 100 dans la catégorie administrative et 49,3 p. 100 dans la catégorie technique.

J'aimerais que le ministre me dise une chose: si l'on rend obligatoires par une loi et par le risque d'être mis à l'amende-une amende pouvant atteindre 50 000 $- par la police de l'équité ces chiffres fixés comme objectifs, peut-on encore parler d'objectifs? Si cela ne constitue pas un contingent, je ne sais pas ce que cela prendrait.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de donner la parole au ministre, je signale à la Chambre que nous avons achevé la cinquième heure de débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi. À partir de maintenant, les députés pourront prendre la parole pendant dix minutes, sans période de questions ou d'observations.

M. Eggleton: Monsieur le Président, les objectifs numériques font depuis longtemps partie des programmes d'équité en matière d'emploi. Ce ne sont pas des quotas. Notre système n'est pas le même qu'aux États-Unis, où les employeurs doivent obligatoirement tenter d'atteindre certains niveaux numériques. Nous fixons plutôt des objectifs. Or, il peut arriver, pour toutes sortes de raisons, que ces objectifs ne soient pas réalisés. Les employeurs qui, en dépit d'efforts sincères, ne réussissent pas à atteindre leurs objectifs ne sont pas frappés d'amendes.

Nous nous attendons plutôt à que chaque employeur compare la composition de son effectif à celle de l'ensemble de la main-d'oeuvre active et prenne des mesures pour l'équilibrer. Voilà ce que nous tentons de faire. Nous n'avons pas encore atteint l'équilibre.

Les autochtones, les personnes handicapées et les minorités visibles sont sous-représentés dans la fonction publique fédérale. Ils le sont également dans les sociétés qui sont régies par le gouvernement fédéral et qui sont aussi visées par le projet de loi. Leur nombre est plus élevé dans l'ensemble de la main-d'oeuvre active. Ces gens ont beaucoup de difficulté à entrer dans le système.

Le projet de loi vise justement à leur permettre de mettre un pied dans la porte. Ils doivent cependant obtenir un emploi sur la base du mérite. Ce principe régit toujours l'application de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique fédérale.

Nous nous fixons des buts, des objectifs. Je trouve regrettable que le député ne comprenne pas cela. Ce fait est connu depuis longtemps. Je me souviens que lorsque j'étais maire de Toronto, nous établissions des objectifs semblables. Nous ne les atteignions pas toujours et il y avait à cela des raisons. Les gens faisaient de leur mieux.

Au fil du temps, nous faisons des progrès. Nous n'atteindrons pas tous nos objectifs du jour au lendemain, surtout pas dans le contexte actuel de la réduction des effectifs. Il faudra plus de temps pour atteindre les objectifs, mais le projet de loi nous y aidera sans avoir recours aux quotas et sans renoncer au principe du mérite. Ce projet de loi n'est pas comparable à la loi ontarienne que le gouvernement provincial a décidé, pour une raison ou pour autre, d'abroger. Il ne s'agit pas du tout du même genre de mesure législative. Notre projet de loi maintient le principe du mérite.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, je trouve plutôt paradoxal que le président du Conseil du Trésor nous dise que le principe du mérite est maintenu. Rappelons-nous sa mise en candidature et la façon dont il a dû se battre lorsque le premier ministre l'a choisi lors des élections pour faire campagne dans sa circonscription plutôt que de passer par le processus normal de mise en candidature et prouver à ses électeurs qu'il était digne d'eux étant donné qu'il avait été désigné candidat.

La question que je voudrais poser au président du Conseil du Trésor est celle-ci. S'il veut atteindre les quotas ou les objectifs dont il parle-peu importe le terme qu'il préfère-il y a essentiellement deux stades où il peut influer sur la composition de la fonction publique fédérale: à l'étape du recrutement et à l'étape du renvoi. Il n'a aucun contrôle sur les fonctionnaires qui décident eux-mêmes de quitter.

Le président du Conseil du trésor pourrait-il nous dire s'il a l'intention d'atteindre ses objectifs, comme il dit, en incitant certaines personnes à accepter un départ anticipé ou une retraite anticipée-où il va finir-pour en arriver à une représentation et à une composition qui se rapprochent des objectifs qu'il a fixés?


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(1345)

Quand lui-même et le Conseil du Trésor vont se lancer dans cet exercice de réduction des effectifs, ceux qui dominent la fonction publique à ce stade-ci vont-ils trouver un avis de congédiement sur leur bureau parce qu'il veut atteindre les objectifs qu'il a fixés?

M. Eggleton: Monsieur le Président, il est certain que le processus de mise en candidature dans York-Centre n'a rien à voir avec les objectifs d'équité en matière d'emploi. Toutefois, j'ai été candidat et j'ai gagné beaucoup plus d'élections que le député ne le pense. Environ 11. Lors des dernières élections, la population de York-Centre m'a donné une majorité de plus de 20 000 voix. J'ai gagné dans tous les bureaux de scrutin. Je pense que les électeurs de York-Centre ont parlé clairement, comme ils l'ont fait dans toutes les parties du pays en élisant une solide majorité libérale qui représente toutes les régions du pays et non un certain nombre.

En ce qui concerne les compressions de personnel, ce n'est certainement pas cela qui va nous détourner de nos objectifs en matière d'équité. Il est évident qu'il y a beaucoup de gens dans les quatre groupes cibles qui vont être touchés par les compressions. Étant donné que nous fonctionnons selon le principe du mérite, il est certain que le principe de l'ordre inverse du mérite sera respecté.

Nous surveillons la situation très attentivement, parce que nous voulons essayer de maintenir la situation du mieux que nous le pouvons. Après tout, nous n'avons pas suffisamment d'autochtones, de personnes handicapées ou de représentants des minorités visibles, pas plus que nous avons assez de femmes dans les groupes de direction. Par conséquent, je ne veux pas aggraver la situation. Si nous pouvons faire quelque chose en restant dans les limites du principe du mérite, comme le Parti réformiste ne cesse de nous le demander, nous le ferons. Nous surveillons la situation très étroitement.

Je suis heureux de pouvoir dire que, d'après le rapport qui a été publié la semaine dernière par le Conseil du Trésor sur les 8 000 postes qui ont été éliminés, l'équilibre n'a pas été rompu. En fait, dans certains des groupes visés, la réduction a été un peu plus faible. La seule exception à cela serait le groupe des personnes handicapées. Ce serait en grande partie du fait qu'un nombre proportionnellement plus grand d'entre elles auraient profité des propositions de retraite anticipée, l'âge plutôt que l'handicap ayant motivé leur décision, mais, de toute façon, c'est le résultat d'une décision consciente de leur part.

Je suis très heureux de dire que sur les 8 000 personnes et plus qui ont quitté, et en particulier ceux qui étaient dans des postes indéterminés ou permanents, aucun n'est parti contraint et forcé. Ils sont tous partis volontairement. Je pense que cela montre que nous essayons de traiter les gens qui quittent la fonction publique d'une façon juste et humaine, tout comme nous traitons ceux qui continuent à faire fonctionner les programmes et les services.

Après tout, il nous faut parvenir à cette réduction du personnel. Ce n'est pas que nous aimions particulièrement cela. Le député nous critique, mais en même temps, lui et son parti veulent réduire le déficit. Tout cela fait partie de notre volonté d'améliorer la situation économique, de façon à réduire le déficit. Cependant, nous traitons les gens d'une façon juste et raisonnable. Parallèlement, nous gardons un oeil sur nos objectifs d'équité en matière d'emploi.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-64, qui porte sur l'équité en matière d'emploi.

L'équité devrait être l'un des plus grands idéaux des Canadiens, et je crois que c'est le cas. Il y a toutefois une grande différence entre l'équité que propose le gouvernement et celle que nous voudrions avoir dans notre pays, en tant que Canadiens.

Je me reporte à l'époque des pionniers, à la colonisation de l'Ouest, parce que je suis de Saint-Albert, juste à côté d'Edmonton. À cette époque, l'équité représentait les possibilités d'accès. En parlant de l'équité, on devrait toujours penser aux possibilités d'accès plutôt qu'aux résultats. Des dizaines de milliers de personnes ont afflué dans notre pays, et continuent à le faire, en raison des possibilités de succès qu'il offre. Elles y trouvent une possibilité de prospérer et de faire leur marque, ce qu'elles n'auraient pu faire dans d'autres pays. Selon moi, c'est le genre d'équité que veulent les Canadiens.

Grâce au travail acharné des pionniers, nous avons maintenant un pays dont nous pouvons être fiers. Nous avons bâti un pays qui reconnaît l'égalité de tous les citoyens. C'est l'un des grands principes du Parti réformiste. Cela signifie que nous ne sommes pas d'accord avec l'ajout de qualificatifs au nom de Canadien. Il n'y a qu'une sorte de Canadiens dans notre pays et ce sont les Canadiens ordinaires, qui travaillent dur et qui font marcher le pays.

(1350)

Il y a quelques semaines, le Journal d'Edmonton a publié une lettre sur l'équité en matière d'emploi. Elle brossait en quelque sorte un tableau extrême de la situation. Elle présentait une situation fictive où les hommes et les femmes seraient égaux aux olympiques. Évidemment, à l'épreuve de la course, il fallait que 51 p. 100 des gagnants soient des femmes et 49 p. 100, des hommes. Comment y arriver? En ajoutant des poids aux jambes des hommes ou par d'autres trucs du genre. L'idée en soi est ridicule, mais on peut tirer une morale de cette histoire. Si nous voulons des résultats égaux, nous devons pénaliser quelqu'un. C'est l'idée que je veux dégager. Si nous voulons que les résultas soient égaux, il faut pénaliser ceux qui l'emporteraient naturellement afin que les autres puissent avoir leur part.

Notre position est que, au lieu de pénaliser les gagnants, nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour donner à chacun l'égalité des chances grâce à l'éducation. C'est l'éducation qui détermine si quelqu'un va réussir. Ce n'est pas si cette personne est blanche ou noire, de sexe féminin ou masculin, handicapée, invalide ou autre. Le fait est que si elle a fait des études, elle a des chances de réussir.

Selon une étude dont les résultats ont été publiés la semaine dernière, dans notre pays, la vaste majorité des gens qui occupent les 10 p. 100 supérieurs de l'échelle salariale attribuent leur succès ni à qui ils sont ou à ce qu'ils sont, ni encore à leurs antécédents familiaux ou au fait qu'ils viennent d'une famille riche. Le facteur déterminant de leur succès est leur formation. C'est pour cette raison que la Chambre devrait faire en sorte que les gens aient la possibilité de réussir du fait de leur formation, au lieu de fixer des quotas qui pénaliseront ceux qui désirent réussir, ceux qui sont prêts

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à travailler très fort pour réussir, ceux qui vont beaucoup plus loin que les autres et qui veulent réussir. Pourquoi les retenir? Pour quelle raison? Malheureusement, parce que c'est la façon de faire du gouvernement.

Nous voulons nous assurer qu'on pourra retourner à l'époque où le labeur était gage de prospérité au lieu que celle-ci soit garantie par une mesure législative.

Si nous voulons éliminer les échecs, comme tente de le faire de plusieurs façons ce projet de loi, il faudra payer. Le prix à payer est celui du succès. Si nous ne permettons pas à certains de réussir pour éviter que d'autres échouent, nous ramènerons tout le monde au plus petit dénominateur commun. Nous avons vu ce qui s'est produit en Europe de l'Est, en Russie. Parce qu'ils ont refusé la réussite individuelle, c'est tout le pays qui a échoué.

Ce projet de loi correspond à un seul pas dans cette direction, mais les réfomistes croient que les Canadiens seront beaucoup plus satisfaits et auront davantage confiance en la capacité du Canada de se sortir de ses difficultés financières si nous laissons avancer ceux qui ont la volonté de réussir et d'aider les autres et si nous assurons la formation de ceux qui n'ont pas encore mis le pied sur l'échelle de la réussite.

Un de mes électeurs est venu me voir plusieurs fois. Il voudrait être membre de la Gendarmerie royale. Dans l'ouest du Canada, la GRC est une institution hautement respectée. Tous les habitants connaissent les policiers de la GRC. La réputation de ce service de police canadien est même mondiale. Les membres de la GRC sont reconnus et admirés partout au monde.

Cet électeur veut donc être un agent de la GRC. Il travaille comme bénévole au sein de la GRC pendant 600 heures chaque année. Il a réussi les examens et il remplit les conditions d'embauche; il possède un diplôme universitaire. Le seul obstacle à son embauche au sein de la GRC est le fait qu'il est un homme de race blanche. Voilà le seul obstacle. D'autres membres de sa famille font déjà partie de la GRC. Il désire ardemment être accepté dans la GRC, mais, étant donné qu'il est un homme de race blanche, il ne peut pas réaliser son rêve parce que le gouvernement a fixé des cibles, que j'appelle des quotas, et refuse ainsi l'accès à une personne qui deviendrait un policier de premier ordre pour le pays. Nous lui avons volé son rêve.

(1355)

Voilà pourquoi nous devons admettre que ce projet de loi n'est pas valable et reconnaître qu'il faut encourager les gens à avancer au lieu de leur interdire l'accès à certains postes.

La semaine dernière, pendant notre congé, j'ai assisté à trois cérémonies de remise des diplômes dans ma circonscription. À deux d'entre elles, j'ai présenté la médaille du gouverneur général et j'ai pu m'entretenir avec des gens au sujet de l'éducation. Je les encourage fortement à poursuivre leurs études car, à cette époque de technologie avancée, nous avons besoin de toute l'éducation possible.

Si nous disons aux jeunes que leur niveau d'instruction, leur degré de motivation et les atouts dont ils ont besoin pour réussir importent peu parce qu'ils se trouvent à faire partie de la mauvaise catégorie, nous leur transmettons le mauvais message et nous avons reçu le mauvais message de ceux qui ont bâti notre pays. À bien des égards, c'est cette mentalité qui explique pourquoi nous sommes tellement endettés. Nous nous sommes égarés en cours de route et c'est bien dommage pour notre pays.

Plus tôt, la députée de Beaver River a soulevé un point intéressant lorsqu'elle a dit que ce projet de loi sera imposé aux entreprises et à la fonction publique, mais que la Chambre des communes en sera exemptée. Pourquoi devrait-elle l'être? Pourquoi nous, à notre habitude, devrions-nous pouvoir dire aux gens de ne pas faire ce que nous faisons, mais de faire ce que nous disons?

C'est la raison pour laquelle le Parti réformiste s'oppose carrément à ce projet de loi. J'appuierais volontiers tout ce que le gouvernement pourrait faire pour que l'équité soit fondée sur l'éducation dans notre pays.

Le Président: Comme il est 14 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés, en conformité de l'article 31 du Règlement.

______________________________________________


15394

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA MONNAIE ROYALE

M. Elijah Harper (Churchill, Lib.): Monsieur le Président, en tant que député de Churchill, capitale de l'ours polaire du Canada, je voudrais féliciter la Monnaie royale d'avoir choisi l'ours polaire pour figurer sur le revers de notre nouvelle pièce de 2 $.

En plus d'être un symbole de force distinctif du Canada, l'ours polaire constitue également une des attractions touristiques les plus connues au Manitoba. J'aimerais inviter tous les députés de la Chambre et tous les Canadiens à se rendre dans le Nord, à Churchill, pour voir de leurs yeux l'animal dont on s'est inspiré pour frapper la toute nouvelle pièce d'argent du Canada.

* * *

[Français]

L'ÉCONOMIE QUÉBÉCOISE

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, on pouvait lire dans Le Devoir de ce matin que le géant américain de l'informatique, la firme Améridata, a l'intention d'intensifier sa pénétration du marché québécois, peu importe le résultat du référendum. Le président d'Améridata Canada, M. Jan Kaminski, affirme et je cite: «Nous sommes en affaires et le résultat du référendum nous importe peu.»

De son côté, la firme torontoise Falconbridge ne s'inquiète pas non plus du résultat du référendum. Elle vient d'annoncer un investissement de 500 millions de dollars au Québec. M. Pugsley, président d'une filiale de Falconbridge, résume ainsi la situation et je le


15395

cite: «On fait des affaires au Québec depuis 50 ans. C'est une bonne place pour faire des affaires. C'est business as usual

À la campagne de peur de M. Johnson et du camp du non, il se trouve des entreprises qui, elles, répondent par des décisions d'investissements.

* * *

[Traduction]

LE CERTIFICAT DE MÉRITE DU PRIX BÉNÉVOLAT CANADA

M. Hugh Hanrahan (Edmonton-Strathcona, Réf.): Monsieur le Président, à titre de député d'Edmonton-Strathcona, j'ai été très heureux d'apprendre que Mme Thérèse Chicoine, une de mes électrices, a été choisie récipiendaire du certificat de mérite dans le cadre du prix Bénévolat Canada. Ce certificat est décerné chaque année aux personnes qui se sont dévouées sans compter à l'amélioration de la santé et du bien-être social de leurs concitoyens.

Mme Chicoine joue un rôle-clé dans l'administration et la prestation de services d'urgence au sein de l'équipe d'intervention de la Société canadienne de la Croix-Rouge. En outre, elle a contribué à la fondation de la clinique de donneurs de moelle osseuse non apparentés. La liste de ses accomplissements en tant que bénévole se prolonge presque sans fin et constitue un testament en faveur du Canada.

Je suis persuadé que mes collègues voudront profiter de l'occasion pour féliciter Mme Thérèse Chicoine.

* * *

LE CONGRÈS DU NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

M. John Solomon (Regina-Lumsden, NPD): Monsieur le Président, je suis très fier aujourd'hui de prendre la parole à la Chambre au nom du caucus néo-démocrate afin de féliciter notre nouveau chef, Alexa McDonough.

Alexa a été élue au congrès du NPD qui a eu lieu en fin de semaine à Ottawa. En effet, plus de 1 800 délégués ainsi qu'un millier de visiteurs et d'invités se sont réunis pour engager le NPD sur la voie du renouvellement.

Nous prévenons les libéraux et les réformistes que les néo-démocrates des quatre coins du pays ne font désormais qu'un dans la lutte contre leur entreprise de démolition de l'assurance-santé et des autres programmes sociaux, et qu'ils renouent leurs efforts en vue de créer des emplois pour les Canadiens et de les doter enfin d'un régime fiscal qui soit équitable.

En la personne de notre nouveau chef, Alexa McDonough, les Canadiens ont un nouveau porte-parole pour forcer le gouvernement à rendre compte des mesures destructives qu'il impose aux Canadiens. Un choix s'offre maintenant aux Canadiens. Ils peuvent se joindre à nous pour réclamer un Canada plus compatissant, un Canada plus généreux, en un mot, un Canada pour les Canadiens.

* * *

LE CANCER DU SEIN

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, le mois d'octobre est le Mois du cancer du sein, ce qui nous donne la possibilité à tous de nous rappeler qu'en 1995, on estime qu'on diagnostiquera le cancer du sein chez 17 700 Canadiennes et que 5 400 d'entre elles mourront de cette terrible maladie.

On peut supprimer la principale cause des morts attribuables au cancer parmi les femmes, le cancer du sein, en lançant des campagnes d'information et de sensibilisation, en faisant la promotion de saines habitudes et en obtenant l'appui de la collectivité. Il faut également pouvoir continuer à compter sur la collaboration des personnes qui ont réussi à vaincre le cancer, des professionnels de la santé et des gouvernements pour s'attaquer aux problèmes que pose le cancer du sein et pour trouver, en fin de compte, un moyen de guérir cette maladie.

Il est probable que nous connaissons tous une personne qui a eu le cancer du sein à un moment donné. Je vous invite donc à venir au foyer de la Chambre des communes où on rend hommage aux victimes du cancer du sein cette semaine. Nous rendrons ainsi hommage aux nombreuses Canadiennes qui ont combattu courageusement cette maladie, mais qui ont perdu le combat. En leur mémoire, nous devons continuer d'appuyer celles qui luttent pour leur vie.

* * *

LA FEMME ENTREPRENEURE DE L'ANNÉE

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur un prix qu'on a remis cette fin de semaine à la femme entrepreneure de l'année. Ce prix est une initiative de la Faculté de gestion de l'Université de Toronto et il est parrainé par des organisations comme le Financial Post.

Dans la catégorie de la compétitivité internationale, c'est Paula Lishman, mon électrice, amie et cliente, qui a obtenu le prix. Je connais Paula depuis de nombreuses années. On la respecte dans le monde entier pour ses modèles originaux de fourrures réversibles.

Paula représente bien le combat des petites et moyennes entreprises et plus particulièrement celui des femmes, au Canada, pour se faire un nom et se gagner la confiance de la communauté financière. Grâce à ses efforts, elle a réussi à s'implanter sur le marché mondial et à créer d'excellents emplois à Durham et au Canada en général. Je sais à quel point elle a éprouvé des difficultés, car j'ai été son comptable et je me suis rendu avec elle rencontrer de nombreux directeurs de banque.

Sa persévérance face à l'adversité est une leçon pour tous les chefs de petites et moyennes entreprises. Je suis fier et heureux qu'on reconnaisse, à leur juste valeur, les mérites de Paula Lishman.


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(1405)

LE PRIX DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Monsieur le Président, je suis certaine que je parle au nom de tous les députés en rendant hommage aux six femmes remarquables qui se sont vu remettre, ce matin, à Rideau Hall, le Prix du gouverneur général de 1995 en commémoration de l'affaire «personne».

Nous félicitons Marthe Asselin Vaillancourt, de Jonquière, au Québec, pour les efforts soutenus qu'elle a déployés dans le domaine de la prévention de la violence faite aux femmes, aux enfants et aux personnes âgés.

Nous félicitons le Dr May Cohen, de Burlington, en Ontario, qui a été une pionnière et une figure de proue dans le domaine de la santé des femmes.

Nous félicitons le Dr Ruth Flowers, de Makkovik, au Labrador, pour son dévouement à la qualité de vie des femmes et son action communautaire dans ce domaine.

Nous félicitons Sheila Kingham, de Victoria, en Colombie-Britannique, qui croit au pouvoir de l'action collective et défend inlassablement la cause des femmes qui vivent en milieu rural.

Nous félicitons Carolyn G. Thomas, de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, pour le courage exemplaire dont elle fait preuve dans la défense des droits de la personne.

Nous félicitons Alice E. Tyler, d'Edmonton, en Alberta, qui met en valeur la promotion de la femme par son art.

La Chambre félicite ces femmes remarquables qui, chacune à sa façon, ont grandement contribué à faire avancer la cause de l'égalité des femmes.

Le Président: Je prierais ces femmes remarquables de se lever. Nous aimerions vous rendre honneur.

Des voix: Bravo!

* * *

[Français]

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, le gouvernement canadien nous inonde de publicité subliminale en pleine campagne référendaire et Radio-Canada n'y voit rien de problématique. Le camp du non affirme, dans ses messages publicitaires, que les leaders souverainistes prétendent être les seuls vrais Québécois, alors qu'ils n'ont jamais affirmé une chose pareille. Pourtant, Radio-Canada permet la diffusion de cette publicité.

Mais quand la publicité du oui illustre le refus systématique des fédéralistes d'entendre les demandes du Québec, alors là, ça ne passe pas. Radio-Canada se souvient subitement de son code d'éthique et refuse la diffusion de ce message publicitaire. Cette décision incompréhensible surprend même le Comité des télédiffuseurs du Canada, qui en approuve la diffusion.

La vérité, c'est que la publicité du oui était si efficace que les officines gouvernementales ont exigé son rejet. C'est là le geste d'un camp qui panique et qui n'a rien à proposer au Québec.

* * *

[Traduction]

LES SUBVENTIONS ET CONTRIBUTIONS

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement a perdu la maîtrise des finances publiques. Je prends une fois de plus la parole à la Chambre pour demander au gouvernement libéral pourquoi il ne pratique pas l'austérité budgétaire en cette période difficile.

Le gouvernement ne permet pas au Parlement de limiter les dépenses publiques, mais il cherche encore à gagner la faveur des certains groupes d'intérêts au moyen de subventions et de contributions totalisant 11 milliards de dollars, et cela à l'insu de la population dans la plupart des cas.

J'ai publié le premier numéro de mon rapport sur le gaspillage, dans lequel je mets en évidence certaines de ces dépenses, dont un grand nombre sont injustifiables. C'est ainsi que les Métallurgistes unis d'Amérique touchent 108 000 $, le Congrès du Travail du Canada, 10 000 $, et la Chambre de commerce du Canada, 4,5 millions de dollars.

Le Parti réformiste préconise que l'on cesse de financer les groupes d'intérêts. Nous ne voyons pas pourquoi la somme de 11 milliards de dollars qui leur est versée sous forme de subventions et de contributions ne pourrait pas, à tout le moins, être réduite de moitié.

* * *

[Français]

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Monsieur le Président, afin de contrer la faiblesse de son argumentation séparatiste, le chef du Bloc québécois a décidé hier d'utiliser les grands moyens. Il a déclaré, et je le cite: «Le oui a quelque chose de magique. D'un coup de baguette, nous allons provoquer la solidarité des Québécois.»

Délaissant le bâton du pèlerin, le chef du Bloc québécois vient de s'armer de sa toute puissante baguette magique pour convaincre la population de voter pour la séparation du Québec. Cette déclaration loufoque du chef séparatiste illustre bien l'état de désespoir qui anime le camp du oui à deux semaines du référendum.

Au rythme où vont les choses, il ne faudrait pas se surprendre de voir, d'ici la fin de la campagne, les leaders séparatistes sillonner le Québec, à cheval sur un balai.

* * *

L'ÉCONOMIE QUÉBÉCOISE

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River, Lib.): Monsieur le Président, le quotidien La Presse, dans son édition d'aujourd'hui, rend publique une étude réalisée par le Centre d'études stratégiques et internationales de Washington sur l'impact écono-


15397

mique de la séparation du Québec et sur l'effet qu'elle aurait sur les différents accords commerciaux existants.

D'entrée de jeu, l'auteur de l'étude annonce qu'un Québec indépendant n'aurait aucun des droits ou des obligations découlant de la présente participation du Canada à plusieurs accords commerciaux avec les États-Unis, dont l'ALENA, l'Organisation mondiale du commerce et le Pacte de l'automobile. Un Québec séparé du Canada devrait négocier sa participation à tous ces traités.

(1410)

Cette étude confirme les propos tenus récemment par notre ministre des Finances. Un Québec indépendant devra renégocier l'ensemble des traités internationaux dont il jouit déjà du fait de son statut de province canadienne.

Le prix à payer pour l'obsession séparatiste est beaucoup trop élevé, et le 30 octobre la population du Québec dira non.

* * *

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition a laissé entendre que des pouvoirs magiques contribueraient à resolidariser les Québécois et les Québécoises au lendemain du référendum.

Il a déclaré lors d'une assemblée dans un cégep, et je cite: «Le oui a quelque chose de magique. D'un coup de baguette, nous allons provoquer la solidarité des Québécois. Il n'y aura plus de souverainistes ou de fédéralistes et j'aurai la certitude de négocier pour tout le monde.» Abracadabra, dit le chef de l'opposition.

Nous sommes heureux d'apprendre que le chef séparatiste se préoccupe maintenant du lendemain du référendum, et de la magie, bien sûr. Cependant, nous aimerions qu'il s'engage, lui et sa baguette magique, à adopter la même attitude et à prêcher les mêmes vertus de réconciliation au lendemain de la victoire du non.

* * *

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, le sénateur Jacques Hébert a fait preuve, la semaine dernière, d'un manque de respect inqualifiable à l'égard des Québécoises. Il a bêtement traité Mme Josée Legault, politologue, de «vache séparatiste».

Lorsque M. Hébert s'attaque aux femmes de conviction en les insultant de façon indigne, il leur démontre encore une fois que le Parti libéral du Canada et le camp du non ne sauraient en aucun cas répondre à leurs aspirations le lendemain du 30 octobre. Elles sont en effet chaque jour plus nombreuses à appuyer la souveraineté du Québec, et ce genre de déclaration grossière ne peut que confirmer leur choix.

M. Hébert, membre du Parti libéral du Canada et whip du gouvernement au Sénat, doit s'excuser publiquement auprès des Québécoises et retirer ses propos offensants.

* * *

[Traduction]

LE SÉNAT

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, le Parti réformiste a présenté hier ses nouvelles propositions concernant la Confédération, soit 20 mesures pour moderniser et décentraliser le Canada.

Une des modifications proposées vise le Sénat, où toutes les nominations résulteraient d'un processus électoral semblable à celui qui a été utilisé en Alberta en 1989.

Il convient de rappeler aujourd'hui que, le 16 octobre 1989, Stan Waters s'est illustré à un double titre dans notre histoire. Il est devenu le premier sénateur élu au Canada et le premier membre du Parti réformiste à siéger au Sénat. Son décès en septembre 1991 a laissé un siège vacant que le premier ministre a comblé en ayant recours à une nomination politique, comme d'habitude.

Les Canadiens sont fatigués d'entendre constamment les libéraux déplorer que l'échec de l'accord de Charlottetown prive à jamais le Canada d'un Sénat élu. C'est de la foutaise! Le processus électoral a été appliqué en Alberta et il pourrait l'être partout au Canada.

Je sais que les partis traditionnels s'opposent à la disparition de la Chambre des faveurs politiques. Comment récompenseraient-ils leurs vieux amis, comme ils l'ont fait en nommant quatre libéraux au Sénat la dernière fois? Personnellement, j'enverrais paître ces gens.

Au seuil du XXIe siècle, démocratisons tout cela et dotons-nous d'un Sénat élu.

* * *

[Français]

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition officielle a déclaré le 14 octobre dernier, et je le cite: «Pensez-vous que cela a du bon sens qu'on ait si peu d'enfants au Québec. On est une des races blanches qui a le moins d'enfants.»

En quoi la couleur de la peau des enfants qui naissent au Québec a-t-elle à voir avec la présente campagne référendaire?

Après que plusieurs membres du camp du oui aient laissé entendre que les non-francophones habitant au Québec n'auraient pas les mêmes droits que les francophones de souche, voici que le chef bloquiste soulève maintenant les questions de race et de couleur.

Les Québécois et les Québécoises ne sont pas racistes. Ils connaissent bien les valeurs de tolérance, de paix sociale et de justice, et ils voteront non le 30 octobre prochain.

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LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

Mme Pierrette Ringuette-Maltais (Madawaska-Victoria, Lib.): Monsieur le Président, le chef du Bloc québécois a décidé au cours des derniers jours d'axer sa campagne sur la clientèle féminine. Mais le message qu'il livre aux femmes du Québec est pour le moins douteux.

Il a déclaré, et je cite: «Pensez-vous que cela a du bon sens qu'on ait si peu d'enfants au Québec. On est une des races blanches qui a le moins d'enfants, cela n'a pas de sens, cela veut dire qu'on n'a pas réglé les problèmes familiaux.»

La déclaration du chef de l'opposition officielle est tout à fait inconvenante et elle fait insulte au libre-choix qu'exercent depuis des années les femmes du Québec quant à la maternité.

(1415)

S'il pense que dans un Québec séparé, les femmes vont docilement se soumettre aux exigences démographiques du gouvernement, le chef de l'opposition se trompe magistralement. La séparation ne se fera pas sur le dos des femmes du Québec; le 30 octobre prochain, elles voteront non.

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15398

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, dans une supplique désespérée, M. Daniel Johnson invoque l'engagement pris en 1992 par le Parti libéral du Canada de reconnaître le caractère distinctif du Québec pour se persuader lui-même d'une pseudo-volonté de changement constitutionnel. Or, le premier ministre du Canada lui a dit non le 11 septembre dernier, et je cite: «La société distincte? On est distinct, pas besoin de l'écrire dans la Constitution. Quand vous me regardez, quand vous m'écoutez parler en anglais, vous savez que je suis distinct.»

Ma question s'adresse au premier ministre. Je lui demande s'il entend rappeler à M. Daniel Johnson que le gouvernement fédéral n'a aucunement l'intention de modifier la Constitution pour reconnaître le caractère distinctif du Québec, comme il l'a lui-même déclaré, le premier ministre du Canada, le 11 septembre dernier.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, à deux reprises les Canadiens ont eu à se prononcer là-dessus. Je me rappelle très bien, à Charlottetown, qu'il y avait la société distincte dans l'Accord de Charlottetown. Moi j'ai voté pour, monsieur le Président. Le chef de l'opposition a voté contre. Le chef du Bloc québécois a voté contre; les membres du Parti québécois ont voté contre; Jacques Parizeau a voté contre. Nous, on a accepté.

Ils ont refusé, mais aujourd'hui, ils le demandent. Je trouve cela un peu ridicule. Comme on l'a dit, présentement, la question n'est pas le débat constitutionnel. Actuellement, on doit répondre à une question posée par le chef de l'opposition et son ancien chef, le premier ministre du Québec, qu'on doit se séparer.

À la question: «Doit-on se séparer?» la population du Québec va répondre non. Il n'est pas question, présentement, de discuter de Constitution, il s'agit de répondre à la question posée par le chef de l'opposition.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le changement à la Constitution, ce n'est pas assez important pour qu'on en parle au moment où ça fait l'objet fondamental du débat sur l'avenir du Québec. C'est un peu étrange.

Le premier ministre vient de parler de Charlottetown. Il sait très bien que la clause Canada dans Charlottetown vidait de tout contenu qu'elle pouvait avoir la reconnaissance du caractère distinctif du Québec, puisqu'elle subordonnait cette reconnaissance au caractère du principe fondamental de l'égalité des provinces.

Je lui demande ceci: Confirme-t-il que c'est au nom du principe sacro-saint de l'égalité des provinces qu'il refuse de reconnaître le Québec comme société distincte, comme le souhaite aujourd'hui en vain M. Johnson qui, lui, se refuse de tirer les leçons de Meech et de Charlottetown?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, M. Johnson a voté pour la société distincte lors du référendum de Charlottetown, alors que le chef de l'opposition a voté contre la société distincte lorsqu'on a eu un référendum. M. Parizeau a voté contre la société distincte lorsqu'on a eu un référendum. C'est un drôle de retour des choses aujourd'hui. Pourquoi n'ont-ils pas réfléchi à ce moment-là?

Ce qu'ils voulaient, c'est voter contre pour continuer à se plaindre, pour amener un référendum sur la séparation. Nous en aurons un dans deux semaines à compter d'aujourd'hui et les gens vont répondre à une question sur la séparation des Québécois du reste du Canada à ce moment-là. Les gens du Québec savent que leur avenir, c'est de rester membres de la fédération à part entière de ce grand pays qu'est le Canada.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, si le premier ministre a voté pour Charlottetown, c'est justement parce que la reconnaissance du caractère distinctif du Québec ne voulait rien dire. C'est pour cela qu'il a voté pour et c'est pour ça que nous avons voté contre.

Je demande au premier ministre comment il peut penser que les Québécoises et les Québécois vont lui faire confiance après ce qu'il a fait au lendemain du non de 1980, alors qu'il a fait la job au Québec en l'isolant et en lui imposant une constitution que le Québec refuse toujours de signer.

(1420)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition se complaît à parler de choses du passé. Je n'ai rien à cacher. À cette époque, nous étions une colonie juridique de la Grande-Bretagne, il fallait faire le rapatrie-


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ment de la Constitution. Nous n'avions pas de charte des droits et des libertés au Canada, ce que nous voulions. À cette époque, dans la Constitution, il n'y avait pas de reconnaissance des deux langues officielles, le français et l'anglais, en tant que langues officielles du Canada, ce qui fut fait en 1980, il y a 15 ans.

Le pays a continué à progresser mais il est toujours en 1980 alors qu'on s'en va vers le XXIe siècle. Il dit qu'il a la solution, qu'il a la baguette magique. Vous savez, la baguette magique qui a fait pouf, et les études de Le Hir sont disparues; pouf, et sont disparus les dangers de la séparation; pouf, et sont disparues les préoccupations de tout le monde, du premier ministre du Canada jusqu'aux leaders des autres pays. Et soudainement, encore pire, pouf, et le chef du non, M. Parizeau, est disparu.

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Manifestement à court d'arguments pour défendre la cause fédéraliste, le sénateur libéral Jacques Hébert, whip du gouvernement au Sénat, a tenu des propos grossiers, méprisants et inacceptables en qualifiant la politologue Josée Legault, et je cite, de «vache séparatiste».

Le premier ministre se dissocie-t-il publiquement des propos inacceptables de son vieil ami Jacques Hébert et présente-t-il, au nom du Parti libéral du Canada, ses excuses aux femmes qu'il a offensées par ces propos?

Le Président: À mon avis, chère collègue, les responsabilités administratives du gouvernement ne s'étendent pas au Sénat. J'invite mon honorable collègue à reformuler la question, et peut-être que ce sera acceptable.

Mme Venne: Monsieur le Président, étant donné le caractère inacceptable de ces propos et étant donné la charge du sénateur, qui a été nommé par le premier ministre pour occuper des fonctions officielles, je demande au premier ministre s'il va le relever de ses fonctions officielles.

M. Chrétien (Saint-Maurice): Monsieur le Président, j'aimerais répondre . . .

Le Président: Une minute. Je vais permettre la question, et le premier ministre va être capable de donner la réponse.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, si ces propos ont été tenus, je les déplore. C'est tout ce que je peux dire. Je n'étais pas là. On dit que c'était lors d'une conversation privée. Ce ne sont pas des propos qui ont été tenus publiquement, mais s'ils ont eu lieu, je les déplore.

Tout le monde fait des erreurs, peut-être que le sénateur en a fait une à ce moment-là; j'en ai également fait. Il s'agit d'un sénateur qui a très bien servi le Parlement, qui a très bien servi la société québécoise. Il a pu faire une erreur, cela arrive, et je le regrette.

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, il ne s'agit pas de déplorer des propos, il s'agit de s'en dissocier.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: L'honorable députée de Saint-Hubert, une question supplémentaire.

Mme Venne: Merci, monsieur le Président. Il ne s'agit pas de déplorer des propos, il s'agit de s'en dissocier, et c'est ce qu'on demande aujourd'hui au premier ministre. Est-ce qu'il se dissocie des propos tenus par le sénateur Hébert à l'égard de la politologue Mme Legault?

(1425)

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais bien mieux que les excuses viennent de M. Lucien Bouchard aux sujets racistes et sexistes qu'il a faits . . .

[Traduction]

Le Président: En faisant des observations, nous n'avons pas l'habitude de nous adresser les uns les autres par notre nom. Je trouve les échanges un peu vifs. La parole est maintenant au député de Macleod.

* * *

LES SOINS DE SANTÉ

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, la ministre de la Santé a échoué dans sa tentative visant à éliminer les cliniques semi-privées au Canada. Deux des plus grandes provinces au pays n'ont tout simplement pas tenu compte de ses propos, tandis que quatre autres se sont carrément opposées à un financement réduit du régime d'assurance-maladie et à des files d'attente plus longues.

Cela dit, il n'est jamais trop tard pour faire preuve de collaboration. Nous demandons à la ministre de mettre fin à ces querelles inutiles. Nous lui demandons de collaborer avec les provinces afin d'effectuer une réforme du secteur de la santé qui donne la priorité aux patients plutôt qu'aux bureaucrates.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je signale au député que la ministre de la Santé défend quelque chose qui a été approuvé par la Chambre des communes, à savoir les cinq principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé.

Nous sommes tous d'accord avec la ministre que ces principes doivent être protégés et, contrairement au Parti réformiste, nous ne voulons pas d'un système à deux niveaux. Cela dit, la ministre a convenu de discuter avec les provinces de certains problèmes précis, afin de voir comment celles-ci peuvent agir d'une façon tout à fait conforme aux principes qui régissent le régime d'assurance-maladie. La ministre a l'appui de tous les députés de notre parti.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, si le premier ministre veut des exemples précis, il devrait écouter les patients dans tout le pays dont les noms figurent sur des listes d'attente. À l'heure actuelle, les listes d'attente des patients ayant des problèmes cardiaques sont plus longues que jamais. Pourquoi


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en est-il ainsi? Tout simplement parce que ces personnes n'ont pas le choix. La ministre ne leur laisse aucune autre possibilité.

La ministre a-t-elle autre chose à dire à ces Canadiens que de leur enjoindre d'attendre leur tour et de se la fermer?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait savoir que l'administration courante des services médicaux relève exclusivement de la compétence provinciale. Nous n'administrons pas d'hôpitaux. Cette responsabilité incombe aux gouvernements provinciaux.

Les gens d'en face disent constamment qu'il faut cesser de dépenser et couper partout; par conséquent, j'ai bien de la difficulté à comprendre pourquoi ils voudraient maintenant que nous augmentions le financement accordé aux provinces. J'invite le député à dire que c'est ce qu'il souhaite et à préciser le montant supplémentaire que le gouvernement fédéral devrait verser aux provinces. Je l'écoute.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre continue de dire que nous n'avons pas besoin de plus d'argent pour le système, mais combien faudra-t-il encore couper?

Cette solution rigide et centraliste ne fonctionnera pas. En fait, c'est à cause de gouvernements comme celui-ci que nous avons tant de problèmes avec le régime d'assurance-maladie, et aussi avec le Québec.

Les provinces savent que ce décret sur les cliniques semi-privées ne donnera pas de résultats. Je demande au premier ministre de renoncer à cette approche. Quant le premier ministre se joindra-t-il aux provinces pour effectuer une véritable réforme dans le secteur des soins de santé?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons tenu un forum sur cette question. Nous avons des spécialistes qui relèvent de mon autorité et qui examinent la façon de procéder à une réforme du régime d'assurance-maladie. Il est certain que ce dossier pose un problème. J'en suis conscient. Nous avons écrit dans notre livre rouge que cette question allait être étudiée. Nous avons constitué un comité d'experts qui écoutent ce que les Canadiens ont à dire.

Dans l'intervalle-et nous avons été très clairs là-dessus-nous devons réduire les coûts du régime de façon à ce que ceux-ci représentent environ 9 p. 100 du PIB, au lieu de 10 p. 100 comme c'est actuellement le cas. Nous y parviendrons, mais cela ne sera pas facile.

Les gouvernements provinciaux font aussi leur juste part. Ils font des compressions et nous devons profiter un peu de ces mesures, étant donné que le gouvernement fédéral a un problème de déficit. Certaines provinces font des compressions de 500 millions de dollars; par conséquent, nous devons aussi pouvoir faire des compressions si nous voulons assurer un équilibre au Canada. Nous avons des discussions permanentes avec les provinces concernant cette question. Je suis heureux d'apprendre que le Parti réformiste ne souhaite pas que le gouvernement consacre plus d'argent au régime d'assurance-maladie.

(1430)

[Français]

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, B.Q.): Monsieur le Président, le camp du non montre combien il est désespéré quand il déforme de la façon dont on vient de le faire les propos que j'ai tenus samedi en prétendant qu'ils avaient un côté sexiste.

Je demande au premier ministre s'il pense, comme moi, ainsi que je l'ai dit samedi, que l'État doit mettre en place des conditions socio-économiques qui donnent aux couples qui veulent des enfants, et qui n'en ont pas parce que ce n'est pas possible, la possibilité d'en avoir.

Je demande au premier ministre s'il pense, comme moi, qu'il faut créer des conditions socio-économiques qui accordent aux couples qui veulent des enfants la possibilité d'en avoir. Je lui demande s'il pense, comme moi, qu'il faut leur donner le choix en créant des conditions qui favorisent à la fois leur épanouissement et celui des enfants.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je pense que le chef de l'opposition essaie de se rattraper pour l'impair terrible qu'il a commis lorsqu'il a parlé, vu qu'on est au Québec, que nous sommes des Blancs. Ensuite, il faisait en somme du Québec . . .

Vous savez, dans les propos du chef de l'opposition, ce qui est inquiétant, c'est que pour être de bons Québécois, il faut être plutôt blanc que coloré, il faut parler français certainement plutôt que de parler l'anglais. Si on est séparatiste, on est des bons Québécois; si on est des fédéralistes, on ne l'est pas. Si on est une femme, peut-être qu'elle devrait avoir plus d'enfants.

La question est un choix personnel pour chacune d'entre elles. On peut favoriser des politiques à ce sujet, mais ne pas les mettre dans un contexte de races et de relations qui nie l'égalité de l'homme et de la femme dans la société.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, B.Q.): Monsieur le Président, c'est tout simplement effrayant qu'un premier ministre s'abaisse à déformer des propos d'une façon aussi extraordinaire. C'est inacceptable. Tout le monde sait qu'il y a un problème de natalité au Québec et que ça concerne tous les gouvernements. Tout le monde sait qu'il y a, au Québec, et on en connaît tous, beaucoup de couples qui voudraient avoir des enfants mais qui ne peuvent pas le faire.

Alors, je lui demande s'il ne se rend pas compte qu'il faudra créer des mesures adéquates de soutien financier, des mesures de garderies généralisées, et je lui demande s'il ne voit pas que, en menaçant de couper les programmes sociaux comme il a commencé à le faire et comme il va le faire de plus en plus après le non, il va contre les besoins et les intérêts des femmes et des couples?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, puisqu'on m'accuse de ne pas bien citer le chef de l'opposition, je vais vous lire ce qu'il a dit: «Pensez-vous que cela a du bon sens qu'on ait si peu d'enfants au Québec? On est une des races blanches qui a le moins d'enfants. Cela n'a pas de bon sens.» Est-ce que les Québécois sont des gens de race blanche? Il y a des Québécois de toutes les couleurs, de toutes les religions.


15401

Est-ce que le choix d'avoir des enfants est la responsabilité de l'État et des femmes elles-mêmes? C'est là que le chef de l'opposition a commis un impair et il a démontré clairement quelle mentalité le domine lorsqu'il parle de ces problèmes.

* * *

[Traduction]

L'ENQUÊTE SUR LES INCIDENTS EN SOMALIE

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre et le ministre de la Défense nationale ont tous deux déclaré qu'ils voulaient aller jusqu'au fond des incidents survenus en Somalie. Ils se sont engagés à prendre des mesures après que la commission d'enquête aura présenté son rapport.

Or, aux termes de l'article 69 de la Loi sur la défense nationale, un procès pour la plupart des infractions d'ordre militaire doit commencer dans les trois ans qui suivent la prétendue perpétration de l'infraction. Comme la commission d'enquête ne doit pas faire rapport avant juin 1996, il semble que les fautes de discipline et de commandement remontant à la fin de 1992 et au début de 1993 ne seront pas jugées.

Le ministre était-il au courant de cette prescription quand il a ordonné la tenue d'une enquête? Comment prévoit-il exactement aller jusqu'au fond de l'affaire si on ne peut même pas porter d'accusations?

(1435)

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement est parfaitement au courant des dispositions de la Loi sur la défense nationale touchant le délai de prescription applicable aux infractions non criminelles. La commission d'enquête sur les événements de Somalie doit sûrement elle aussi être au courant de ces dispositions.

Quant aux accusations, nous ne présumons pas que d'autres accusations seront portées, mais cela n'est pas exclu non plus. J'invite le député et son parti à laisser la commission faire son travail, et nous ferons le nôtre au gouvernement. C'est ainsi que nous servirons la justice.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement libéral a pris un an pour annoncer la tenue d'une enquête publique, et presque une autre année entière s'est écoulée avant que la commission d'enquête ne commence à entendre des témoins.

En novembre dernier, j'ai demandé au ministre de suspendre les procédures en cour martiale et de passer immédiatement à la tenue de l'enquête. Il a refusé. Comment le ministre peut-il expliquer aux Canadiens qu'à cause de ses retards, il y aura déni de justice en raison d'un détail technique?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, à la différence du Parti réformiste, nous vouons un profond respect au système judiciaire du Canada.

Le député sait très bien que nous avons été empêchés d'ordonner la tenue de l'enquête parce qu'il y avait des procédures de cour martiale en instance, lesquelles ont été suivies de pourvois en appel. Jusqu'à ce que la Cour suprême rende sa décision concernant la mine Westray en mai dernier, nous ne pouvions pas mettre une commission d'enquête en branle sans courir le risque de voir annuler les accusations contre les gens qui passaient alors en jugement.

Si j'avais fait ce que le député nous recommandait de faire et que les gens qui ont par la suite été accusés et jugés coupables n'avaient pas été assujettis au système judiciaire, le député aurait été le premier à hurler à la Chambre des communes que justice n'avait pas été faite par la faute du gouvernement.

* * *

[Français]

ÉLECTIONS CANADA

M. Michel Gauthier (Roberval, B.Q.): Monsieur le Président, toute la carrière politique du premier ministre repose sur un fil conducteur. Chaque fois que le Québec a voulu s'affirmer, il s'est placé en travers de son chemin pour l'en empêcher. On vient d'apprendre qu'Élections Canada a mis en branle tout le processus nécessaire à la tenue d'un référendum pancanadien. Il ne s'agit sans doute pas là d'une initiative spontanée d'Élections Canada.

Doit-on comprendre que dans son refus de reconnaître le verdict des Québécois lors du référendum, le premier ministre se prépare à tenir un référendum pancanadien pour renverser la décision démocratique des Québécois?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai pas parlé au président des Élections. S'il a décidé de préparer tout l'appareil, il y aura certainement des élections d'ici deux ou trois ans. Pour le moment, je n'ai pas d'autre plan que celui que nous avons tous, c'est de gagner le référendum dans deux semaines.

M. Michel Gauthier (Roberval, B.Q.): Monsieur le Président, comme le premier ministre a pu constater qu'il était de moins en moins probable, dans son cas, qu'il gagne le référendum au Québec, je lui repose la question. Réalise-t-il qu'en restant vague à souhait quant aux manoeuvres d'Élections Canada, il laisse planer un doute quant à ses intentions démocratiques?

Je lui pose à nouveau la question: Est-ce que le premier ministre écarte cette idée de la tenue d'un référendum pour contrer la décision démocratique que prendront les Québécois dans quinze jours?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le président des Élections est un fonctionnaire qui se rapporte directement à la Chambre des communes. Le député n'a qu'à l'appeler et lui demander pourquoi il s'est préparé à faire des élections. Il pourrait y avoir des élections n'importe quel jour. Je pourrais me lever demain matin et dire: Il y a des élections.

C'est cela le privilège d'un premier ministre.

Des voix: Oh, oh!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Eh bien oui. Écoutez, il faut au moins que vous soyez ici encore deux semaines, parce que vous ne reviendriez pas.

Appelez le président des Élections et demandez-lui. Quant à moi, c'est sur le référendum que nous travaillons à l'heure actuelle. On n'a pas eu besoin de mettre dehors le chef du non. M. Johnson fait un excellent travail. On n'a pas été obligés de changer nos stratégies parce qu'on dit clairement aux citoyens que tous les propos du chef de l'opposition, ou supposées structures qu'il pourrait développer


15402

en négociant avec on ne sait pas qui; on dit tout simplement aux Québécois: Ce sont des gens qui sont des séparatistes, qui n'ont pas le courage de leur opinion et qui veulent essayer de vous vendre quelque chose que vous ne voulez pas acheter.

* * *

(1440)

[Traduction]

LES NOMINATIONS FAITES PAR LE GOUVERNEMENT

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, en mai dernier, le ministre de la Justice, tentant de justifier les nominations politiques proposées par le ministre du Revenu à des postes de procureur de la Couronne dans l'île de Vancouver, a déclaré que la compétence était le seul critère.

L'un de ces amis des libéraux a donné la semaine dernière une belle preuve de sa compétence. Il s'est présenté devant un tribunal de Nanaïmo sans aucune préparation, incapable de présenter sa cause, et c'est ainsi que le non-lieu a été prononcé dans une grave affaire de drogues. D'après le ministère de la Justice, c'est cela, de la compétence?

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ce que le ministre de la Justice a dit de ces nominations vaut toujours.

Dans l'incident auquel le député fait allusion, le nouveau mandataire, peut-être à cause d'un imbroglio administratif, a été incapable d'obtenir les dossiers pour le tribunal. Ce n'était aucunement un problème de compétence. Le ministre de la Justice examine l'affaire.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, les tribunaux étaient saisis de cette affaire depuis septembre 1993, soit depuis deux années entières.

Mis à part cet incident, un autre procureur nommé par les libéraux s'est présenté en cour la semaine dernière, à Victoria, et a été incapable même de présenter un argument de droit. Il y a eu ordonnance de non-lieu.

Dans une deuxième cause, toujours à Victoria, les témoins de la Couronne se sont présentés, mais, chose curieuse, le procureur n'était pas là. Ordonnance de non-lieu.

Quand le ministère de la Justice va-t-il se réveiller?

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, si le mandataire ne reçoit pas l'information ou les dossiers, il ne peut pas faire son travail, si le tribunal n'accepte pas de reporter la cause. Si tel est bien le cas ici, comme je le crois, on ne peut certainement rien reprocher au mandataire.

Je le répète, le ministre de la Justice est en train d'examiner l'affaire.

* * *

[Français]

L'IMMIGRATION

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, B.Q.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Le ministère de la Citoyenneté accélère l'émission des certificats de citoyenneté au Québec depuis le début de la campagne référendaire. Or, à aucune élection récente, fédérale ou provinciale, n'a-t-on observé une opération d'une telle magnitude pour l'émission de certificats de citoyenneté. Plus de 15 000 nouveaux citoyens vont pouvoir voter lors du référendum grâce à ce processus accéléré.

Comment le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration peut-il justifier pareil empressement à accélérer le traitement de demandes de citoyenneté au Québec, alors que ses fonctionnaires ont confirmé que jamais auparavant une opération de cette ampleur n'avait été menée à la veille d'une élection, où que ce soit au Canada?

[Traduction]

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, la façon dont nous traitons les demandes de citoyenneté au Québec à la veille du référendum n'est pas différente de la façon dont nous agissons avant toutes les élections provinciales.

Mon ministère a agi pareillement au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et en Ontario. Si l'on compare le nombre de demandes de citoyenneté traitées en Ontario au cours de l'année des dernières élections, on observe une hausse de 45 p. 100.

Le député nous demande-t-il de ralentir le processus? Juge-t-il qu'il n'est pas bon de veiller à ce que les personnes puissent exercer leur droit démocratique de voter? Que veut-il insinuer au juste?

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, B.Q.): Monsieur le Président, il m'a fallu un an pour devenir citoyen et le ministre n'a pas agi de la même façon avant les élections en Ontario et au Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le ministre admettra-t-il que l'explication de son intérêt soudain pour la démocratie se retrouve dans la lettre qu'il envoie aux nouveaux citoyens leur demandant, et je le cite: «de contribuer à l'édification d'un Canada fort et uni»?

[Traduction]

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, le député se trompe dans les deux cas.

Le gouvernement ne présume pas la façon dont les nouveaux arrivants ou les immigrants se prononceront. Il semblerait que les députés d'en face présument que les nouveaux immigrants voteront


15403

à l'encontre des souhaits de leur parti. Cela ne fait pas partie de mes fonctions en tant que ministre de la Citoyenneté. Mon devoir est de veiller à ce que les gens aient le droit de voter, que ce soit à un référendum, aux élections provinciales ou aux élections fédérales. Nous n'avons pas à nous excuser d'agir de la sorte.

(1445)

Deuxièmement, le député m'accuse d'envoyer des lettres discutables à tous les nouveaux citoyens. Permettez-moi de citer l'ex-secrétaire d'État du gouvernement précédent, aujourd'hui chef du Bloc québécois. Dans une lettre, il disait: «En mon nom et au nom du premier ministre, je vous félicite d'avoir obtenu aujourd'hui la citoyenneté canadienne. Votre gouvernement est ravi que vous ayez choisi, parmi tous les États du monde, le Canada comme nouveau pays.»

* * *

LES CARIBOUS DE LA PORCUPINE

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River, Lib.): Monsieur le Président, le Congrès américain envisage d'adopter un projet de loi autorisant l'exploitation pétrolière et gazière des terrains de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine, dans la réserve faunique nationale de l'Arctique, en Alaska. Une étude multipartite favorise la protection des terrains de mise bas de la harde, qui migre du Yukon vers l'Alaska et vice versa.

Le ministre des Affaires étrangères peut-il dire à la Chambre ce que le gouvernement fédéral a fait pour protéger les terrains de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, le Canada a manifesté sa vive opposition à la proposition du Congrès. J'ai écrit, en fait, à Warren Christopher à ce sujet. Ma collègue, la ministre de l'Environnement, a aussi adressé une lettre à son homologue américain. Le premier ministre s'est entretenu là-dessus avec le président Clinton.

Nous comptons certes que la proposition du Congrès sera modifiée. Sinon, le président exercera son droit de veto.

* * *

LES PÊCHES

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.

Quand les libéraux ont annoncé la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique en mai 1994, ils ont dit que c'était le meilleur programme qui soit. Des fonds importants ont été affectés à la réduction de la capacité de l'industrie et au recyclage.

Or, le gouvernement a déjà puisé dans les fonds consacrés au recyclage. En outre, la semaine dernière, le ministre a annoncé une diminution du financement 300 millions de dollars destiné au programme de rachat, qui est au coeur même de la réduction de la capacité, parce que les prestations versées dans le cadre de cette stratégie échappent à tout contrôle, causant un énorme déficit.

Le ministre n'admettra-t-il pas à la Chambre et aux pêcheurs de la région de l'Atlantique que la Stratégie du poisson de fond est un échec total et qu'elle ne fera rien d'autre que perpétuer la dépendance sur le plan des revenus?

L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je n'admettrai rien de la sorte.

Le Parti réformiste devrait vraiment revoir sa stratégie. En effet, les députés de ce parti passent le plus clair de leur temps à exiger la suppression pure et simple de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique ainsi que de toute forme d'assurance-chômage. En fait, si on lit entre les lignes, c'est la disparition du Canada atlantique qu'ils préconisent la plupart du temps.

Ce que le Parti libéral a annoncé la semaine dernière, de concert avec mon collègue, le ministre du Développement des ressources humaines, c'est la mise en oeuvre de la composante du programme qui prévoit la mise à la retraite anticipée des pêcheurs âgés de 55 à 64 ans; c'est la première ronde du programme de retrait des permis. Le ministre du Développement des ressources humaines communiquera bientôt les détails liés à la retraite anticipée des travailleurs d'usine.

Nous sommes en bonne voie d'atteindre notre objectif de réduction de 50 p. 100 de la capacité. La rétablissement des pêches de l'Atlantique, à long terme, est bien amorcé.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, ce n'est pas notre programme, mais le leur, et ils ne sont pas en voie d'atteindre leurs objectifs.

Des pêcheurs de la région de l'Atlantique m'ont dit qu'un déficit de 400 millions de dollars était projeté en ce qui concerne la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique parce que, franchement, à peu près n'importe qui peut toucher les prestations. Un propriétaire d'usine de transformation m'a dit qu'un tiers de ses employés avaient quitté leur emploi pour s'inscrire au programme. Un autre pêcheur m'a dit que tout ce qu'il fallait pour avoir droit aux prestations, c'était se présenter au bureau du programme avec des bottes de pêcheur aux pieds.

(1450)

Le ministre admettra-t-il que la stratégie a été un échec lamentable parce qu'elle a été complètement mal gérée et qu'elle ne parviendra guère maintenant à réduire la capacité de l'industrie?

L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, il est tragique qu'étant le porte-parole de son parti pour cette question depuis peu de temps, le député perpétue des mythes plutôt destructeurs au sujet d'une région du pays. Le député affirme qu'il suffit de se présenter au bureau avec des bottes de caoutchouc aux pieds pour avoir droit aux prestations. Voilà le genre d'humour cruel et tordu qui ne fait rien pour régler les problèmes de la région de l'Atlantique.

La réalité, c'est que sur les 39 000 personnes admissibles, seulement 25 000 ont en fait demandé de l'aide dans le cadre de la stratégie en question. Les autres ont réussi à se replacer dans le secteur de la pêche ou ailleurs. Quatorze mille travailleurs admissibles, selon les critères, sont partis prendre un nouveau départ ailleurs. Des milliers d'autres se sont inscrits à des programmes de


15404

formation alors que bien des milliers encore sont en train de quitter l'industrie et de prendre un nouveau départ dans la vie.

Si le député avait vraiment à coeur le sort du Canada atlantique, s'il avait vraiment à coeur le sort du secteur de la pêche, il prendrait plus que soixante secondes ou une visite d'une journée pour trouver une nouvelle solution aux problèmes de cette région et il s'adresserait à la Chambre avec davantage de compassion et, franchement, d'intelligence.

* * *

[Français]

L'IMMIGRATION

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

L'opération d'accélération du traitement des demandes de citoyenneté dans le cadre du référendum québécois, et mise en place uniquement au Québec, laisse bien peu de temps pour procéder à l'enquête de sécurité nécessaire avant d'accepter de nouveaux citoyens canadiens.

Comment le ministre de la Citoyenneté peut-il justifier que dans le contexte du référendum québécois, les enquêtes de sécurité qui sont nécessaires avant d'accorder la citoyenneté canadienne, qui deviendra québécoise, prennent tout à coup quatre fois moins de temps qu'auparavant?

[Traduction]

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, le vice-premier ministre du Québec, leur âme soeur, a dit ceci:

[Français]

«Nous devons présumer de la bonne foi du fédéral, le droit de vote est sacré.»

[Traduction]

Nous ne court-circuitons pas le traitement des demandes. Celles-ci sont traitées en bonne et due forme, et nous tenons compte de l'imminence de toute élection provinciale ou fédérale, y compris du prochain référendum, comme nous avons tenu compte de celui de 1980, pour accélérer, si c'est possible, le traitement des demandes en vue d'accorder le droit de vote aux personnes visées.

Ainsi, en Ontario, durant la période qui a précédé les élections provinciales de 1994, 107 000 demandes ont été traitées, ce qui représente une augmentation de 49 p. 100 par rapport aux 72 000 demandes traitées en 1993.

Au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et dans les autres provinces, la même chose s'est produite. Nous n'essayons pas de savoir à quel camp les gens risquent d'accorder leur vote pour déterminer si nous traiterons leur demande ou non, et il est honteux que ce parti prétende le contraire.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, le ministre dénature les propos tenus par le ministre Landry. Oui, le droit de vote est sacré et c'est justement parce que le droit de vote est sacré que toutes les précautions doivent être prises pour que les personnes qui acquièrent la citoyenneté soient celles qui doivent le faire.

Quelles garanties le ministre peut-il donner qu'Immigration Canada n'escamote pas d'étapes essentielles avant de permettre à un immigrant d'être reçu citoyen canadien?

[Traduction]

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, j'ai essayé d'expliquer à la députée et au porte-parole de son parti en matière de citoyenneté et d'immigration que tout est fait en conformité de la loi et dans le respect de la tradition.

En fait, si elle vérifie auprès de son voisin, le porte-parole de son parti en matière d'immigration et de citoyenneté, la députée constatera que celui-ci nous a déjà reproché de traiter les demandes trop lentement. Ils nous reprochent maintenant notre rapidité. Qu'ils se branchent!

* * *

(1455)

LE CODE CRIMINEL

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, la semaine dernière, en Colombie-Britannique, deux femmes ont été tuées par leurs conjoints, qui étaient visés par des ordonnances restrictives en raison d'actes de violence commis contre leurs femmes. Celles-ci craignaient pour leur vie et s'étaient tournées vers le système de justice canadien, mais ce système les a abandonnées.

Il est évident que les ordonnances restrictives sont inefficaces sans moyens énergiques pour les faire respecter. L'imposition du port d'un bracelet électronique aux partenaires violents aiderait à avertir les victimes possibles et les corps policiers de l'imminence du danger.

Le gouvernement modifiera-t-il le Code criminel de manière à permettre un usage plus répandu des systèmes de surveillance électronique pour faire appliquer plus efficacement les ordonnances restrictives, les ordonnances de bonne conduite et pour protéger les victimes de harcèlement criminel?

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, les événements tragiques comme ceux dont vient de parler la députée ne sont pas nombreux, mais un seul est encore un de trop.

Le ministre de la Justice étudie la question afin de déterminer ce que son ministère pourrait faire de plus.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, je rappelle au gouvernement que les cas de femmes tuées par des partenaires violents ne sont pas isolés.

Au cours des huit dernières semaines, à Calgary, où se trouve ma circonscription, quatre femmes ont été tuées par les conjoints dont elles s'étaient séparées. Il faut faire quelque chose.

Le gouvernement a-t-il commencé à étudier l'utilisation de moyens techniques modernes pour protéger les citoyens canadiens contre ce type de violence?


15405

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la députée a parfaitement raison: un incident de ce genre est un incident de trop. Il est trop fréquent que des Canadiennes soient tuées par des partenaires violents.

Comme je viens de le dire, le ministre de la Justice étudie la question. Nous évaluons la possibilité d'utiliser des bracelets électroniques. Nous travaillons en collaboration avec le solliciteur général et avec d'autres ministères afin de trouver un moyen permettant de réduire radicalement le nombre de tragédies du genre.

* * *

LE FONDS D'INVESTISSEMENT DE L'ATLANTIQUE

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

Je crois comprendre qu'on aura bientôt fini de mettre au point les derniers détails du fonds d'investissement de l'Atlantique et que les provinces et les banques ont exprimé leur appui à l'égard de ce fonds. Les députés du troisième parti n'hésitent peut-être pas à critiquer cette idée, mais les habitants du Canada atlantique sont bien conscients de la nécessité de mettre du capital à la disposition des petites entreprises dans notre région.

Le ministre dira-t-il à la Chambre qu'il ira de l'avant avec le fonds d'investissement de l'Atlantique?

L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, Lib.): Monsieur le Président, je sais que cette question a toujours intéressé le député. Il devrait savoir, ainsi que les autres députés, que le Canada atlantique est la seule région du pays à ne pas avoir un fonds de capital-risque.

Avec la collaboration des quatre premiers ministres des provinces atlantiques et du gouvernement du Canada, le secteur privé, y compris les banques à charte, est en voie de mettre sur pied ce qui sera connu sous le nom de fonds de capital-risque de l'Atlantique.

Je tiens à dire à la Chambre que ce fonds, qui vise à aider les petites et moyennes entreprises et à accroître l'infrastructure humaine dans ce secteur au Canada atlantique, sera administré et exploité par des gens du secteur privé qui habitent le Canada atlantique.

* * *

[Français]

LE CONSEIL POUR L'UNITÉ CANADIENNE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, fort d'une subvention d'au moins quatre millions de dollars d'Ottawa, le Conseil pour l'unité canadienne poursuit son opération d'inscription massive de citoyens hors Québec, sous de fausses représentations. Le Conseil les incite à dire qu'ils ont l'intention de revenir au Québec d'ici deux ans, même si ce n'est pas le cas. Résultat, plus de 15 000 inscriptions hors Québec, soit quatre fois plus que lors de l'élection de l'an dernier, dont 4 000 inscriptions en double.

Comment le premier ministre peut-il justifier que le Conseil pour l'unité canadienne encourage des milliers de personnes hors Québec à s'inscrire illégalement sur la liste électorale?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est un organisme qui reçoit évidemment une subvention du gouvernement, mais qui reçoit aussi des subventions du secteur privé et qui invite les gens qui ont le droit de voter à s'inscrire.

(1500)

Il n'y a aucun doute que si le non gagne dans deux semaines, il y aura beaucoup de gens qui ont quitté le Québec qui voudront y revenir, parce que cela deviendra une place très intéressante. Et la stabilité politique étant revenue au Québec, ils seront très heureux de revenir dans notre belle province.

* * *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Dans l'affaire Royer, le jury a décidé que l'accusé pouvait avoir une intention spécifique, qu'il n'était pas extrêmement intoxiqué et qu'il savait exactement ce qu'il faisait lorsqu'il a tué Sharon Mohamed et tenté de tuer la mère de Sharon, Shadikan.

Le gouvernement a discuté de cette question et a décidé à l'unanimité que l'intoxication n'est pas une excuse. Quand le gouvernement fera-t-il adopter une mesure législative qui rendra définitive la décision d'un jury qui a entendu toutes les preuves pertinentes et qui ne permettra pas à une assemblée nommée comme la Cour suprême du Canada de renverser des décisions qui sont conformes aux désirs de la population et du Parlement du Canada?

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je ne peux pas faire de remarques précises au sujet de l'affaire Royer étant donné que la Cour suprême en est maintenant saisie.

Cette affaire est différente de l'affaire Daviault en ce sens qu'il s'agit d'une infraction d'intention spécifique alors que, dans l'affaire Daviault, il s'agissait d'une infraction d'intention générale.

Je tiens à dire au député que le ministre de la Justice examine la possibilité d'agir en tant qu'intervenant dans cette affaire si la Cour suprême du Canada décide de l'entendre.

* * *

LES SOINS DE SANTÉ

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.


15406

Lorsqu'il était dans l'opposition, le premier ministre a dénoncé la politique des soins de santé des conservateurs. Il s'est opposé à la réduction des paiements de transfert aux territoires et aux provinces. Il s'est également opposé au projet de loi C-91, qui a fait monter en flèche le prix des médicaments d'ordonnance. Il a déclaré qu'il protégerait les soins de santé plus que par de simples paroles.

Malheureusement, certains Canadiens l'ont cru mais aucun changement n'a été apporté au projet de loi C-91 et les paiements de transfert ont été réduits. La véritable cause des problèmes qui affectent les soins de santé au Canada est la politique libérale.

Le premier ministre va-t-il enfin cesser de laisser le ministre des Finances définir la politique de santé et va-t-il offrir une vision aux Canadiens et assurer un financement stable aux provinces et aux territoires, pour que les Canadiens aient vraiment un système national de soins de santé?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'informerai certainement le ministre des Finances que la députée du Yukon est mécontente de ce qu'il fait.

La députée du Yukon a démissionné de son poste de chef du NPD. Je saisis l'occasion de la féliciter, au nom de tous les députés, pour avoir si bien servi son parti et la Chambre. Ses interventions étaient toujours d'une très grande qualité et très utiles à la Chambre des communes. Nous n'étions évidemment pas toujours d'accord sur tout, mais je ne m'attendais pas non plus à ce que ma collègue m'approuve en tout.

Au nom de tous, je félicite la députée pour son bon travail.

Des voix: Bravo!

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune du président de l'Assemblée nationale de Slovénie, Son Excellence Jozef Skolc.

Des voix: Bravo!

(1505)

Le Président: Je voudrais également signaler la présence à notre tribune d'une délégation de présidents et vice-présidents d'assemblées provinciales d'Afrique du Sud.

Des voix: Bravo!

Le Président: Avant de rendre hommage à la députée du Yukon, je voudrais signaler la présence, à la tribune, de Mme Alexa McDonough, députée de l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse et nouveau chef du Nouveau Parti démocratique.

Des voix: Bravo!

L'HONORABLE AUDREY MCLAUGHLIN

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureuse aujourd'hui de rendre hommage à l'honorable Audrey McLaughlin, un être remarquable, un formidable avocat des intérêts de notre société, qui sait faire preuve d'une très grande modération mais aussi d'une très grande conviction dans ses observations et ses remarques.

Audrey McLaughlin est un de ces remarquables leaders et modèles de comportement, qu'il s'agisse de la politique canadienne ou du rôle des femmes dans la politique. Elle nous a toutes soutenus par sa présence. Elle est le symbole de tout ce qui nous définit, de ce à quoi nous aspirons et des motifs de nos aspirations, que ce soit sur le plan de l'égalité des chances, de l'égalité d'accès, de l'égalité à laquelle nous donnent droit nos compétences, nos capacités et nos personnalités. C'est une femme qui possède tous ces attributs.

Elle est en tout le symbole des raisons qui nous rassemblent ici. Elle a contribué pour une large part à donner un nouveau ton et un nouveau fond au débat. C'est pour moi, qui pendant des années ai partagé l'autre côté de cette Chambre avec elle, l'une des choses les plus importantes que j'ai pu remarquer. Audrey a toujours su faire valoir son point de vue de façon très délibérée et modérée. La plupart du temps, elle n'était pas d'accord sur le déroulement des travaux de la Chambre et pourtant, elle ne s'est jamais montrée désagréable dans sa façon de faire valoir son point de vue et d'exprimer ses convictions profondes.

La compagnie de Mme Audrey McLaughlin lors du voyage que nous venons d'effectuer à Beijing où se tenait la quatrième conférence mondiale sur les femmes a été pour nous un grand privilège. Sa présence au sein de notre délégation, une délégation représentative de la diversité du Canada, pas seulement de la diversité sur le plan des opinions politiques, mais aussi de la diversité de la géographique de notre pays et de la diversité de notre peuple, a été un message pour le pays hôte.

Mme McLaughlin est un porte-parole éloquent pour les autochtones de sa région, en fait pour tous les gens qui l'ont élue à la Chambre et pas seulement pour les autochtones mais pour tous ceux qu'elle représente avec une telle sincérité et un profond engagement à l'égard de leurs intérêts et de leur bien-être. Nous lui devons nos vifs remerciements.

Chaque fois qu'Audrey faisait une déclaration ou posait une question, elle le faisait de façon très holistique. Elle n'a jamais regardé les choses à la loupe, une chose que j'apprécie peut-être plus que la plupart des députés. J'aime cette façon d'aborder les choses, parce qu'elle met l'accent sur l'aspect humain de la réalité, sur le quotidien. Audrey savait nous rappeler, efficacement et en peu de mots, toute l'importance du quotidien.

En tant que femme, elle a fait une oeuvre de pionnier. En 1989, 68 ans après l'élection d'Agnes MacPhail à la Chambre des communes, la députée est devenue la première femme du Canada, et même la première en Amérique du Nord, à diriger un parti politique


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national. En tant que femme, elle représente bien l'expérience féminine, ayant souvent joué de nombreux rôles différents qui entraient en concurrence les uns avec les autres. C'est bien sûr une politicienne, mais elle fait mentir l'expression qui nous fait dire de certaines personnes qu'elles sont bien trop gentilles pour être en politique.

(1510)

En tant que chef, elle a su partager ses pouvoirs et son leadership, parce qu'elle croit au partage des tâches. C'est aussi un modèle pour les autres femmes. Nous en avons la preuve indéniable à la Chambre, monsieur le Président, et vous venez de nous le faire remarquer. Nous sommes tous heureux de reconnaître Alexa McDonough en tant que nouveau chef du Nouveau Parti démocratique. Nous lui souhaitons beaucoup de succès dans ses nouvelles fonctions, qui seront certainement délicates et difficiles à accomplir. J'espère qu'elle n'aura pas trop de difficulté à combiner les rôles de politicienne et de citoyenne ordinaire.

L'activiste Audrey McLaughlin a siégé à de nombreux conseils d'administration et a toujours apporté un éventail de perspectives intéressantes à ces conseils. Audrey McLaughlin est aussi mère de deux enfants et, pour qu'elle puisse siéger à la Chambre, il a fallu qu'elle obtienne également leur appui. Elle a en outre joué son rôle de fille de façon particulièrement remarquable, et nous en avons été les témoins émus.

C'est au nom d'innommables femmes et enfants des quatre coins du Canada que nous vous saluons, Mme McLaughlin. Nous vous souhaitons beaucoup de succès dans vos activités futures.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je voudrais joindre la voix de l'opposition officielle à celle du porte-parole gouvernemental pour rendre tous les hommages qui sont dus à Mme Audrey McLaughlin au moment où elle fait le passage de la vie d'élue à celle de citoyenne privée.

Je voudrais lui dire que nous l'avons tous aimée, admirée et que nous continuerons de lui porter toute l'estime qu'elle mérite. Je dois dire que je me suis trouvé assis dans les rangs des bancs de l'opposition entre 1990 et 1993 alors que le Bloc n'était pas un parti reconnu et j'ai pu travailler de près, puisque j'étais dans le même coin de la Chambre, avec Mme McLaughlin comme chef de l'opposition. Je dois dire que j'en ai tiré des leçons que j'essaie de mettre en pratique chaque jour.

Je crois que nous devons saluer cette grande dame qui quitte la direction du Nouveau Parti démocratique et qui entre dans une autre vie, dont je sais qu'elle sera également très productive, et lui dire à quel point nous la regretterons. Sa sensibilité sociale, ce qu'elle a montré ici à la Chambre, est quelque chose qui s'est préparé longtemps dans sa vie. Elle est venue à la politique après avoir été travailleuse sociale; elle a travaillé dans le domaine de la santé, dans le domaine de l'enfance. Alors, quand elle parlait de ces causes en Chambre, elle savait de quoi elle parlait et on le sentait dans la sincérité de ses propos.

Je voudrais dire aussi et rappeler qu'il s'agit de la première femme qui ait présidé un grand parti fédéral. Elle a ouvert la voie à toutes celles qui viendront après elle. Il faut reconnaître que cette voie, elle l'a bien ouverte, puisque maintenant, c'est une autre femme qui va présider son parti.

Je ne veux pas qu'elle quitte la Chambre tout de suite, mais je sais que cette décision qu'elle a prise d'abandonner la direction d'un grand parti comme celui du NPD est très importante. Je souhaite qu'elle soit extrêmement active en politique tout le temps, parce que le parti qu'elle a dirigé, celui que dirigera et que dirige maintenant depuis la fin de semaine Mme McDonough, est un parti qui, au Canada anglais, représente des valeurs en lesquelles nous croyons tous, au Bloc québécois, mais pas seulement au Bloc québécois.

Nous savons que les valeurs sociales au Canada anglais sont très importantes et que le Canada anglais a livré un long combat pour y arriver. Il faudra donc qu'il y ait un parti en cette Chambre tout le temps, et je souhaite que le NPD le soit, pour défendre ces valeurs.

Alors, je voudrais réitérer les regrets que nous éprouvons à voir Mme McLaughlin quitter la direction du Nouveau Parti démocratique. Je voudrais lui dire que nous souhaitons qu'elle reste longtemps active. De toute façon, nous savons qu'elle travaillera dans la lignée des Stephen Lewis et des Ed Broadbent, auprès desquels elle est allée à la bonne école.

[Traduction]

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, au nom du Parti réformiste, j'aimerais moi aussi féliciter la députée de Yukon.

Nous siégeons ensemble dans cette Chambre depuis de nombreuses années. Bien qu'ayant des idées politiques très différentes, nous avons beaucoup en commun. Nous avons toutes deux été élues à la Chambre lors d'élections partielles, situation captivante s'il en est. La députée de Yukon a été élue en 1987 et moi, en 1989. Nous appartenons à la gent féminine, ce qui nous donne un point de vue différent. Quand on est une femme sur la scène politique fédérale, on apprend beaucoup de choses. Nous sommes toutes les deux très loin de chez nous et nous avons été appelées à servir dans cette enceinte.

(1515)

Ottawa est très loin de ces circonscriptions reculées de l'Ouest ou du Grand Nord. Nous somme donc très loin de ceux que nous aimons, qui nous manquent si cruellement.

Nous avons siégé comme indépendantes dans cette Chambre. Nous avons également ça en commun. Cela donne une perspective particulière et la possibilité de se rendre compte que les choses ne vont pas toujours comme on le voudrait à la Chambre des communes. Ce fut un bon apprentissage pour nous deux.

Le plus intéressant et ce qui m'a probablement le plus impressionnée quand je suis arrivée ici et que je me promenais, seule députée de mon parti, c'est la vision d'Audrey en tailleur et Reeboks qui faisait des emplettes au marché Byward. Audrey, cela m'a bien impressionnée. Je me suis dit voilà un chef de parti qui a le sens pratique et qui n'hésite pas à mettre ses Reeboks si elle a à se rendre


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loin de la colline du Parlement. J'ai toujours admiré ce trait de caractère chez elle. Elle sera toujours dans mes pensées lorsque je traverserai le marché, mes Reeboks aux pieds.

Lorsqu'on vient au Parlement de si loin, on sacrifice une bonne partie de sa vie privée. Je le sais, Audrey, c'est difficile d'être si loin de chez soi et de mettre en attente un grand nombre de relations personnelles pendant qu'on vient ici pour servir le peuple canadien.

Je veux vous en remercier au nom de mon parti et au nom de tous les Canadiens qui vous en savent gré. Ils ne le disent pas tous les jours, mais ils vous sont reconnaissants d'avoir sacrifié tant de choses. Nous tenons à vous remercier et à vous dire que nous apprécions à sa juste valeur tout ce que vous avez fait. Je vous remercie de sa contribution à la vie du Canada et au processus politique canadien; je vous remercie également de l'énorme sacrifice que vous avez consenti à faire pour votre pays. Bonne chance dans toutes vos entreprises. Que Dieu vous garde, Audrey.

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, ce week-end, le NPD s'est choisi un nouveau chef. Mes collègues et moi-même avons été honorés d'accueillir notre nouveau leader, Mme Alexa McDonough, à la tribune de la Chambre aujourd'hui.

Les membres du caucus du NPD attendent avec impatience le jour où Mme McDonough et bien d'autres collègues se joindront à eux en cette Chambre pour faire valoir leur vision du pays et du monde.

Au cours des six dernières années, la députée du Yukon, l'honorable Audrey McLaughlin, a représenté cette vision en cette Chambre et partout au Canada. En ma qualité de président du caucus fédéral du NPD, j'ai l'honneur de rendre hommage aujourd'hui à Mme McLaughlin au nom de tous mes collègues et aussi, j'en suis convaincu, au nom de tous les employés de la colline, des députés du parti et des nombreux autres Canadiens qui ont eu l'occasion d'apprécier à leur juste valeur la députée du Yukon et sa façon de faire de la politique.

Comme certains de ses prédécesseurs, Audrey a vécu, ici à la Chambre des communes, certains instants qui resteront à jamais gravés dans les esprits et les coeurs des néo-démocrates comme autant de symboles de notre perspective différente sur ce qui est inacceptable ou inévitable selon la sagesse traditionnelle, que ce soit l'ALENA, la privatisation, la déréglementation ou tout une série d'autres questions. Votre leadership durant notre opposition à la guerre du golfe a constitué un moment déterminant pour de nombreux néo-démocrates.

Et puisque nous parlons de courage, je tiens à rappeler votre appui pour l'Accord de Charlottetown. Vous avez appuyé la mesure la plus favorable pour le pays, même s'il fallait, pour ce faire, prendre une position politiquement dangereuse pour votre parti.

À titre de première femme chef d'un parti fédéral, vous avez marqué l'histoire, à telle enseigne que notre parti a pu choisir une autre femme comme nouveau chef, sans que cela ne pose problème. Grâce à vous, l'époque où le sexe d'une personne pouvait influer sur les résultats d'un congrès à la direction d'un parti est peut-être bien révolue au Canada. C'est ainsi que ce doit être et, pour toutes ces raisons, les Canadiens qui attachent de l'importance à l'égalité des sexes lui doivent beaucoup.

La députée du Yukon n'est plus notre chef, mais nous sommes ravis qu'elle continue d'être notre collègue, désormais à l'abri des revers de fortune qui assombrissent parfois l'existence des chefs de partis politiques. Nous savons que la population du Yukon sera la grande bénéficiaire, car Audrey aura la possibilité d'accorder toute son attention à une partie du Canada que, de toute évidence, elle aime et qu'elle nous a fait connaître, au caucus NPD, comme elle l'a fait connaître ailleurs également.

J'irais jusqu'à dire que la phrase d'un océan aux autres a toujours été voulue par Audrey, car c'est une façon de reconnaître le nord du Canada et notre façade sur l'océan Arctique. Je dirais, Audrey, que vous avez changé le vocabulaire de la politique canadienne d'une façon qui nous a forcé à reconnaître le nord du Canada et la circonscription que vous représentez si bien.

(1520)

Si je puis me permettre une note personnelle, je me souviens de la joie que vous avez eu à emmener le caucus NPD au Yukon, pour une retraite. Je me rappelle encore mieux l'expérience du traîneau à chiens, grâce aux soins d'Audrey qui s'est assurée que nous puissions tous profiter de cette grande tradition nordique. Les chiens étaient un peu fatigués après m'avoir tiré.

Depuis les élections de 1993 et l'annonce de son intention de se retirer comme chef, la députée du Yukon a consacré une grande partie de son temps et de son énergie au processus de renouvellement de notre parti, un processus auquel elle avait décidé de s'attaquer et qui a aidé à rendre de la vigueur au NPD.

Dans ce domaine comme dans tous les autres, Audrey a acquis l'affection de nombreux néo-démocrates avec son sourire bienveillant, ses mots d'encouragement et sa capacité de se souvenir de toutes les faces et de tous les noms des nombreuses personnes que rencontre un chef de parti dans le cadre de ses fonctions.

Finalement, il y a un mot qui semble venir à l'esprit de tout le monde lorsque nous parlons de la députée du Yukon et c'est la dignité: dignité dans son attitude face aux demandes quotidiennes de la politique. Je me souviens qu'Audrey a patiemment enfilé les bottes de caoutchouc de mon fils Daniel pour aller voir personnellement les terrains et les maisons inondés du sud de Transcona, dans ma circonscription. Mais plus que tout la dignité face à des circonstances difficiles, la dignité face à une défaite électorale, la dignité face aux critiques et la dignité dans le passage de la torche au nouveau chef.

Pour tout cela et pour beaucoup d'autres choses, Audrey, nous vous remercions.

[Français]

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, j'apprécie beaucoup l'occasion de pouvoir reconnaître la députée de Yukon. Députée distinguée et élégante, députée qui a


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été chef de son parti, députée féminin qui a été la première femme à devenir chef d'un parti national. Pour cela, je lui dis bravo et mes félicitations.

J'ai eu l'occasion de visiter le Yukon et j'ai apprécié le travail que la députée de Yukon, Mme McLaughlin, a fait là-bas. C'est un endroit difficile à visiter, c'est un endroit difficile à desservir. C'est un endroit immense et c'est sûrement l'endroit le plus éloigné du pays, de la capitale du Canada. Pour cela, je lève mon chapeau à une personne qui probablement, pendant plusieurs fins de semaine, est allée visiter ses commettants et ses commettantes et est revenue travailler chaque semaine.

J'ai trouvé la chef du Nouveau Parti démocratique toujours affable, aimable, distinguée et élégante. Elle avait toujours le temps de parler, peu importe le parti auquel on appartenait. Elle avait toujours un sourire et un bon mot à dire. Elle va nous manquer. Elle a servi son parti avec enthousiasme. Elle connaissait ses dossiers. Elle parlait très bien en Chambre, dans les deux langues officielles.

J'ai toujours apprécié le fait qu'elle reconnaissait les deux principaux groupes du Canada, et la façon dont elle voulait toujours représenter tous les gens, tout le peuple, de façon à toujours pouvoir améliorer la qualité de vie. J'apprécie le fait d'avoir pu siéger en Chambre avec une collègue depuis 1988 et je me rappellerai d'elle qu'elle aura été une personne extraordinaire. Bravo madame!

[Traduction]

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont tenu des propos si aimables à mon endroit. Je veux remercier également les membres du caucus néo-démocrate de leur soutien et des remarques bienveillantes qu'ils ont faites aujourd'hui.

J'ai été très fière de diriger un parti politique qui prend constamment fait et cause pour les travailleurs canadiens, pour ceux qui veulent un vigoureux programme national de santé, pour les Canadiens qui croient réellement en un régime fiscal équitable et des accords commerciaux justes. Notre parti refuse d'abandonner les pauvres, les malades et les vulnérables, à une période où cette tendance semble très en vogue.

(1525)

[Français]

Malheureusement, c'est un temps où la vie politique est peut-être un peu suspecte, il y a moins de respect pour les politiciens et les politiciennes. Mais malgré tous les problèmes de notre pays, je suis fière d'être députée et fière de travailler pour mon pays et mon territoire, le Yukon. Nous sommes un pays diversifié avec un fort sens de son histoire, un pays construit par les Premières nations, les francophones, les anglophones et les allophones.

[Traduction]

Notre pays est diversifié et comprend un grand nombre de cultures, et les défis seront nombreux au cours du XXIe siècle. Tous les Canadiens devront apporter leur contribution pour que, forts de ce patrimoine, nous avancions avec fierté et espérance vers l'avenir.

Le processus politique m'a parfois réduite au désespoir et je me suis demandé si nous pouvions vraiment relever ces défis, mais si imparfait que soit notre régime, je n'ai jamais douté que nous étions engagés dans la noble voie du service à la population. C'est pour cette raison que je me sens privilégiée de demeurer députée du Yukon et de continuer d'être au service du Canada et de mes électeurs. J'attends avec impatience de travailler avec notre nouveau chef, Alexa McDonough.

Le Président: Comme d'habitude, la présidence a le mot de la fin.

Je n'autorise pas souvent les députés à enfreindre le Règlement, mais je remarque qu'un bon nombre d'entre eux ont dit «Audrey» en parlant de la députée du Yukon.

Audrey, la plupart d'entre nous sont honorés d'être ici, dans cette magnifique Chambre des communes. Au nom de nos collègues qui m'ont choisi comme président, je vous dis, Audrey, que vous honorez cet endroit de votre présence, et nous sommes reconnaissants de vous avoir parmi nous.

Des voix: Bravo!

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

PROJET DE LOI S-9-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé par le député de Gander-Grand Falls le 4 octobre 1995 au sujet de la recevabilité quant à la procédure du projet de loi S-9, Loi modifiant la Loi de 1984 sur la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts.

Le député a alors signalé à la présidence la possibilité que le projet de loi venant du Sénat, qui avait reçu la deuxième lecture à la Chambre et avait été renvoyé au comité, ait pour effet d'imposer des dépenses au gouvernement du Canada.

Comme tous les députés le savent, selon le paragraphe 79(1) du Règlement et l'article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867, il n'est loisible à la Chambre d'adopter aucune résolution, adresse ou projet de loi pour l'appropriation d'une partie quelconque d'un revenu public ou d'aucune taxe ou impôt à un objet qui n'aura pas, au préalable, été recommandé à la Chambre par un message du gouverneur général. En bref, il faut obtenir la recommandation royale.

De plus, l'article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 dit:

Tout bill ayant pour but l'appropriation d'une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d'impôts, devra originer dans la Chambre des communes.
Il incombe à tous les députés d'être vigilants à cet égard et d'examiner soigneusement les projets de loi, d'où qu'ils proviennent.

Le projet de loi S-9 ne vient pas d'arriver à la Chambre. Le message du Sénat a été reçu le 3 mai 1995. Le projet de loi a été lu


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pour la première fois le 14 juin, lu pour la deuxième fois et renvoyé au Comité permanent des finances le 21 septembre.

Bien que le projet de loi arrive maintenant à la Chambre pour l'étape du rapport et celle de la troisième lecture, la présidence accepte l'explication donnée par le député pour avoir attendu si tard dans le processus législatif pour soulever cette question, puisque son rappel au Règlement se fonde sur des renseignements reçus au cours des délibérations du Comité des finances sur le projet de loi.

(1530)

Je rappelle à tous les députés le commentaire 319 de la sixième édition de Beauchesne qui prescrit que les rappels au Règlement doivent être soumis à la présidence le plus tôt possible.

Je remercie le député de Gander-Grand Falls d'avoir soulevé la question. Je remercie également les députés de Willowdale, de Regina-Lumsden et de York-Sud-Weston ainsi que le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la chambre de s'être intéressés à la question et d'avoir exposé à la présidence leurs points de vue sur ce qu'on décrit dans la 21e édition de Erskine May comme «le pouvoir le plus important conféré à quelque organe du corps législatif, c'est-à-dire le droit d'imposer des taxes aux citoyens et de voter les sommes nécessaires au service public».

Je tiens à donner à la Chambre l'assurance que je considère cette question comme très grave et que j'ai soigneusement étudié la situation.

[Français]

Dans son intervention, l'honorable député de Gander-Grand Falls a soutenu que les dispositions du projet de loi S-9 imposaient des dépenses au gouvernement en diminuant les impôts sur les profits réalisés par les sociétés multinationales américaines au Canada. Il a aussi mentionné que le projet de loi exigerait du gouvernement qu'il paie un crédit d'impôt aux personnes assujetties aux droits de succession aux États-Unis. En conséquence, le gouvernement subirait, et je cite «une perte constante de recettes fiscales à l'avenir». L'honorable député de York-Sud-Weston a aussi mentionné ce point.

Dans son intervention, l'honorable député de Gander-Grand Falls a mentionné deux décisions rendues par mon prédécesseur, le Président Lamoureux, le 12 novembre 1969 et le 12 juin 1973. J'ai très soigneusement examiné ces décisions. Dans les deux cas, les projets de loi venaient du Sénat et comportaient manifestement des dispositions exigeant des dépenses de la part du gouvernement. Aussi, le Président Lamoureux a, à bon droit, statué que ces projets de loi enfreignaient les privilèges de la Chambre des communes. Les deux projets de loi ont été mis de côté. Cependant, à mon avis, ces deux précédents ne s'appliquent pas aux circonstances de notre cas.

[Traduction]

Selon mes recherches, le changement de fond à la Convention fiscale Canada-États-Unis semble avoir trait à la réduction des taux des retenues d'impôt applicables à différents types de paiements, par exemple aux dividendes payés par une société résidente dans un pays à une société de l'autre pays et détentrice de plus d'une proportion déterminée des actions comportant droit de vote de la première société.

Le projet de loi aura aussi pour effet d'accorder certains dégrèvements fiscaux de manière rétroactive, et il pourrait y avoir des remboursements à faire pour les impôts payés en vertu de la loi dans sa version présente, si le projet de loi S-9 est adopté par la Chambre et reçoit la sanction royale.

Le projet de loi ne comporte pas d'affectation de recettes fiscales, mais il prévoit plutôt l'exemption de certains impôts normalement exigibles ou leur réduction, de manière rétroactive dans certains cas.

[Français]

Les députés le savent, lorsque la Chambre étudie des mesures fiscales, les députés peuvent proposer des amendements à ces projets de loi, pourvu que ces amendements ne dépassent pas la portée des charges imposées au public, n'augmentent pas leur valeur, ni n'étendent leur incidence.

[Traduction]

Il ne peut être proposé d'amendement qui augmenterait le taux d'un impôt ou étendrait son incidence à de nouvelles classes de contribuables sans une recommandation de la Couronne. Les comités qui étudient des mesures analogues peuvent aussi proposer de semblables réductions. Je renvoie les députés aux commentaires 988 à 991 de la sixième édition de Beauchesne sur ce point.

Le commentaire 992, qui traite aussi des pouvoirs des comités de la Chambre relativement aux projets de loi d'impôt, dit ceci:

Tant que l'impôt en vigueur n'est pas augmenté, on peut proposer au comité chargé de l'examen du projet de loi n'importe quelle modification de la réduction proposée et la proposition est considérée non pas comme une demande d'augmentation des charges imposées aux contribuables, mais comme un moyen de déterminer dans quelle mesure ces charges seront allégées.
(1535)

Il faut aussi se rappeler que des députés peuvent prendre et ont déjà pris l'initiative de projets de loi qui diminuaient les impôts. Le Sénat peut aussi le faire. En outre, il existe depuis longtemps une coutume voulant que le gouvernement présente ces projets de loi à l'autre endroit, à sa discrétion.

Le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre a souligné dans son intervention que le projet de loi S-9 n'est pas une mesure comportant l'appropriation d'une partie quelconque du revenu public, ou d'aucune taxe ou impôt et que, en conséquence, il n'exige pas de recommandation royale. Il n'y aura pas de dépense de derniers publics, bien que des sommes déjà perçues de citoyens canadiens en vertu des lois fiscales du Canada pourront leur être remboursées.

Comme l'a signalé le secrétaire parlementaire, le remboursement de recettes fiscales déjà perçues n'est pas une affectation de deniers publics. En conséquence, le projet de loi pouvait être présenté d'abord au Sénat.

En conclusion, il n'y a pas eu manquement aux articles 79 et 80 du Règlement, puisque le projet de loi S-9 n'impose pas de taxe, ni n'affecte de fonds publics à quelque fin que ce soit. Puisque le projet de loi libère des sommes qu'il aurait permis de percevoir, il n'affec-

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te pas de fonds, mais il renonce à des revenus qu'il aurait permis de percevoir, n'eût été de ces modifications.

Encore une fois, je remercie le député de Gander-Grand Falls pour son empressement à sauvegarder les privilèges de la Chambre en portant cette question à mon attention.

______________________________________________


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AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, et conformément à l'article 36(8) du Règlement, la réponse du gouvernement à trois pétitions.

* * *

[Traduction]

LE MOIS DE L'HISTOIRE DES FEMMES

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, nous commémorons aujourd'hui l'affaire personne-le point culminant du Mois de l'histoire des femmes.

C'est l'occasion de célébrer l'apport des femmes à la société canadienne et d'affirmer notre fierté devant les progrès remarquables accomplis par le Canada sur la voie de l'égalité pour les femmes, ainsi que dans la lutte contre le racisme et le sexisme.

[Français]

Les Pères de la Confédération ont tracé le plan initial du Canada en 1867. Toutefois, ce n'est qu'en 1921 que les femmes ont obtenu le droit de vote.

Néanmoins, tout au long de l'histoire, les femmes du Canada, sur tous les plans et sous toutes les formes, ont contribué à façonner les valeurs de notre grand pays: la démocratie, la tolérance, la générosité, la justice et le respect des droits de la personne et des minorités.

Nous célébrons aujourd'hui la cause de cinq femmes déterminées de l'Alberta qui, en 1929, ont remporté devant les tribunaux une cause qui allait transformer la vie de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens. Ce jugement faisait en effet des femmes des «personnes» en regard de la Constitution, ce qui leur donnait le droit de siéger au Sénat.

Aujourd'hui, les femmes n'ont jamais été si nombreuses à être représentées au Parlement du Canada. Et les femmes n'ont jamais été si nombreuses à être représentées à la Chambre des communes et au Sénat. Grâce à la Charte des droits et libertés, la Constitution du Canada garantit maintenant aux femmes et aux hommes l'égalité des droits et des libertés en tant que partenaires à part entière dans notre société.

[Traduction]

Les femmes ont fait énormément de chemin sur la voie de l'égalité. Et ce chemin est synonyme de progrès pour le Canada et pour toutes les Canadiennes et tous les Canadiens.

(1540)

Aujourd'hui, nous sommes conscients que les questions qui intéressent les femmes sont des questions sociales. Nous reconnaissons et comprenons que l'égalité des femmes sert au mieux les intérêts du Canada. Nous devons mettre à profit tout notre talent, toutes nos ressources dans tous les domaines de l'activité socio-économique et culturelle pour mieux relever les défis qui nous attendent au siècle prochain. C'est pour cette raison que nous devons soutenir notre effort afin d'atteindre notre objectif mondial-soit l'universalité des droits de la personne pour les femmes-parce qu'il s'agit de droits inaliénables, solidaires et indivisibles.

Le gouvernement a approuvé un plan d'action pour garantir que l'on accorde à l'égalité des femmes toute l'importance qu'elle mérite. Le plan fédéral pour l'égalité des sexes, l'égalité entre les femmes et les hommes, que nous avons déposé avant d'aller assister à la quatrième conférence mondiale des femmes, aborde les vrais questions de l'heure. Je parle des mesures visant à donner aux femmes une certaine liberté d'action sur le plan financier, à apporter un soutien aux femmes entrepreneurs, à promouvoir l'équité en matière d'emploi pour que les femmes aient des chances égales sur le marché moderne de l'emploi. Toutes ces mesures et bien d'autres encore, combinées aux mécanismes de soutien social, peuvent aider les femmes et leur famille à sortir de la pauvreté.

Il ne fait aucun doute que la famille est l'unité de base de la société et qu'elle doit être soutenue. Nous avons besoin de familles en santé, de familles pleines de vitalité, et l'indépendance économique des femmes peut aider à réaliser cet objectif. L'indépendance économique peut permettre aux femmes d'échapper à la violence au foyer. Il existe un rapport direct entre la dépendance économique et la violence. Ce n'est qu'une des raisons pour lesquelles nous continuerons à travailler à l'élimination de la violence, qui limite les possibilités données aux femmes de contribuer pleinement à la vie de notre société. Nous avons pris des mesures telles qu'un contrôle plus strict des armes à feu, des nouvelles dispositions interdisant le harcèlement avec menaces et l'octroi de subventions fédérales aux refuges pour femmes battues.

Pour que les femmes aient une emprise sur leur réalité économique, il faut reconnaître et apprécier à sa juste valeur le rôle important du travail non rémunéré que font les femmes en tant que personnes au foyer dispensatrices de soins bénévoles et personnes qui veillent sur nos aînés. Ce travail a une grande valeur dans une société de partage et de compassion comme la nôtre.

[Français]

C'est pourquoi le recensement de 1996 comprendra une question sur le travail non rémunéré.

Le plan fédéral donne également aux femmes une place centrale dans le processus décisionnel du gouvernement. Il exige que, lorsque les responsables élaborent une politique, un programme ou un texte de loi, ils tiennent compte de ses répercussions sur les femmes aussi bien que sur les hommes. Il ne faut pas oublier que nous représentons la moitié de cette société. On n'est pas une société d'intérêts, on est une société participante de deux sexes, hommes et femmes.


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Nous avons aussi un plan mondial, le Programme d'action pour l'égalité des femmes qui a été adopté à la Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes tenue récemment à Beijing.

Je suis fière de pouvoir déclarer que le Canada a joué un rôle de chef de file dans la conclusion, à Beijing, d'une entente formulée en termes énergiques sur les droits des femmes et des filles, une position qui a été ratifiée par 189 nations sur place.

[Traduction]

De plus, je suis fière de signaler que le leadership du Canada en matière d'égalité lui a valu deux prix. Le premier est un prix prestigieux des Nations Unies pour la promotion de l'alphabétisation, que l'on doit aux efforts déployés au Nouveau-Brunswick. Le Canada s'est également vu décerner le prix mondial du pays où la situation de la femme a le plus progressé au cours des dix dernières années. La Fédération internationale des femmes de carrières libérales et commerciales a attribué ce prix au Canada en reconnaissance de progrès soutenus et remarquables dans la promotion de l'égalité des femmes. Ce fait a été reconnu, et le prix attribué suivant l'examen approfondi des progrès constatés dans 110 pays, examen au cours duquel le Canada n'a pas été pris en défaut. En fait, il s'est mieux classé que tous les autres.

La voie de l'avenir est clairement tracée. Les Canadiens et les Canadiennes doivent continuer d'avancer sur le chemin d'un véritable partenariat entre hommes et femmes. C'est une nécessité dans une société mondiale de plus en plus complexe.

En terminant, je voudrais féliciter de tout coeur les six femmes à qui on a rendu hommage aujourd'hui. Chacune d'entre elle a été une pionnière à sa façon. Elles ont toutes contribué à faire échec à la violence et à bâtir une société intégrée et accueillante. Nous leur devons une fière chandelle. Je leur fais mes meilleurs voeux.

(1545)

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends la parole pour souligner cette victoire des femmes qui concrétisait, comme le notait ma collègue, l'honorable secrétaire d'État, un progrès des femmes en vue de leur égalité. La victoire judiciaire de 1929 fut une étape importante dans cette démarche égalitaire et j'en conviens. Elle en constituait une balise significative en terme de vie démocratique.

Cette victoire a été suivie, comme on le sait, d'autres victoires peut-être moins percutantes, mais tout aussi importantes: la percée des femmes sur le marché du travail; l'augmentation de leur niveau de scolarité, leur présence dans les emplois non traditionnels; l'établissement des garderies; leur présence aux divers conseils d'administration, et j'en passe. Oui, les femmes canadiennes et québécoises ont cheminé et il faut les en féliciter et les inciter à continuer.

Je profite de l'occasion pour expliquer à mes collègues pourquoi les femmes québécoises décideront très bientôt de continuer à cheminer à leur manière. Bien qu'elles aient, comme je viens de le souligner, accompli des progrès certains, les Québécoises pourront aller un peu plus vite en solo, délivrées du joug fédéraliste.

Les Québécoises seront bien protégées par la Charte québécoise des droits de la personne, où on réaffirmera l'égalité et leurs droits. Elles continueront à être bien servies par le régime de droit civil où elles ont un statut et des droits égaux à ceux des hommes.

Dans un Québec souverain, les Québécoises seront assurées de la survie et du dynamisme de leur langue et de leur culture. Elles n'auront pas à s'inquiéter de la continuité des générations en cette matière, et je sais que c'est une des préoccupations des femmes au Québec: la culture, la langue, l'éducation et l'emploi. Les Québécoises continueront à progresser dans un régime politique démocratique, où elles rédigeront à armes égales la constitution de leur nouveau pays, où leurs droits à l'égalité seront réaffirmés.

Les Québécoises gagneront encore dans un régime démocratique québécois, où les droits sociaux seront au coeur des interventions de l'État. Elles pourront bénéficier d'une politique familiale axée sur leurs besoins et ceux de leurs enfants, politique pleinement libérée des contraintes imposées par le régime fédéral actuel qui empêche toute pleine concertation des politiques.

Mme Finestone: Vraiment!

Mme Gagnon (Québec): Je vous en prie, madame la secrétaire d'État.

Dans un Québec souverain, libéré des visées centralisatrices du fédéral, les femmes bénéficieront sans aucun doute d'une politique de plein-emploi, assortie d'une politique sociale, consciente des impacts de leur participation au monde du travail. Je parle ici des politiques en matière de garde, de conditions de travail respectueuses des responsabilités familiales, d'équité en matière d'emploi. Où sont les places en garderie tant promises par le fédéral? On les avait promises et on les attend encore. Pourtant, nous payons une somme au fédéral pour que ces places en garderie soient faites.

Les Québécoises profiteront d'un régime unique de planification et de formation en matière de main-d'oeuvre. Elles profiteront d'un système dans lequel les pouvoirs sont décentralisés vers les régions, sources premières de l'activité humaine et commerciale.

Enfin, les Québécoises pourront continuer à progresser loin des perpétuelles chicanes et tracasseries constitutionnelles et concentrer leurs énergies à l'amélioration de leur qualité de vie, de celle de leurs enfants, de leur conjoint, de leurs concitoyennes et concitoyens. C'est ce qu'ont demandé les participantes à la marche des femmes contre la pauvreté, la marche Du pain et des roses de juin dernier, au nom de toutes les Québécoises. C'est ce que le gouvernement du Québec leur propose et s'est engagé à promouvoir.

Pour conclure, les Québécoises accéléreront leur marche vers l'égalité en se débarrassant maintenant d'un palier de gouvernement qui s'apprête à les sacrifier à l'autel économique, qui s'apprête à leur imposer des coupures dans les chèques de pension de vieillesse et d'assurance-chômage, en basant les prestations d'assurance-chômage et de pension de vieillesse, dans la nouvelle réforme des programmes sociaux, sur le salaire familial. Elles se débarrasseront d'un palier de gouvernement inutile, coûteux, plus soucieux de l'intérêt des grosses corporations que de la facture d'épicerie des chefs de familles monoparentales.


15413

Je fais ici appel au sens pratique et aux talents d'administratrices de nos Québécoises pour réaliser qu'il y a là une économie à faire en éliminant les chevauchements et les dédoublements.

(1550)

C'est en se prenant en main, c'est en devenant autonomes que les Québécois, tout comme le Québec, progresseront dorénavant, en toute amitié envers leurs consoeurs canadiennes et sans oublier les progrès déjà accomplis. Cependant, il en reste beaucoup à faire, et je crois que le gouvernement fédéral devrait s'attaquer d'abord à l'égalité économique de celles-ci.

Encore aujourd'hui, les femmes de la fonction publique gagnent encore 70 p. 100 du salaire des hommes. Il faut emboîter le pas, et j'invite le gouvernement à passer des belles paroles aux actes.

On dit que l'indépendance économique des femmes est importante et pourrait faire baisser la violence faite envers elles. J'invite le gouvernement à adopter des mesures pour que les femmes aient le même salaire que les hommes lorsque celles-ci ont les mêmes responsabilités que ceux-ci. J'invite le gouvernement à réfléchir sur le plan d'action pour l'égalité des femmes.

L'étude que Mme la ministre nous mentionnait tout à l'heure, le plan fédéral, donne également aux femmes une place centrale dans le processus décisionnel du gouvernement. Il exige que, lorsque les responsables élaborent une politique, un programme ou un texte de loi, ils tiennent compte de ses répercussions sur les femmes aussi bien que sur les hommes.

J'inviterais le gouvernement à être très vigilant quant aux réformes du ministre des Ressources humaines quand on veut, par exemple, diminuer les prestations d'assurance-chômage, les pensions de vieillesse, et de fixer la prestation que celles-ci doivent recevoir en fonction du salaire familial. On sait très bien que ce sont les hommes souvent qui déterminent, qui ont un meilleur salaire, et on s'est battu contre cela.

Qu'est-ce-que cela veut dire pour une femme, qui est rendue à recevoir son chèque de pension de vieillesse à 65 ans, si son conjoint gagne un certain salaire? Cela veut dire que c'est souvent pour la première fois de sa vie qu'une femme reçoit un chèque. Ce chèque représente aussi l'indépendance économique, une petite indépendance économique des femmes.

[Traduction]

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureuse d'intervenir à la Chambre aujourd'hui pour souligner l'affaire «personne» de 1921, particulièrement dans le contexte du débat d'aujourd'hui où on observe une grande diversité d'opinions.

Je voudrais féliciter toutes les femmes qui ont reçu aujourd'hui le prix du Gouverneur général: Marthe Asselin Vaillancourt, Mary Cohen, Ruth Flowers, Sheila Kingham, Carolyn Thomas et Alice Taylor. On reconnaît les efforts qu'elles ont déployés pour faire du Canada un endroit où tous les citoyens sont traités avec égalité. Ces femmes représentent tout ce qu'il y a eu de bien dans notre histoire.

Voyez les progrès qui ont été réalisés dans la société canadienne depuis 1929, lorsque les femmes ont eu le droit de vote pour la première fois. Aujourd'hui, je me reporte, en fait, à ces cinq Albertaines qui ont contesté avec succès la pratique de l'époque pour obtenir le droit de vote pour les femmes.

La secrétaire d'État a parlé brièvement de l'importance de la famille dans la société. C'est un message qu'on oublie parfois lorsqu'on s'attarde tout simplement sur les questions touchant les femmes. En tant que parti, nous affirmons la valeur et la dignité de la personne à titre individuel et l'importance de renforcer et de protéger l'unité familiale qui est essentielle au bien-être des individus et de la société. On peut espérer que c'est un principe qui fait l'unanimité de tous pour que nous puissions enfin progresser.

On entend constamment dire que les femmes font les choses différemment et adoptent des approches différentes face à la communication. Eh bien, c'est vrai et peut-être plus encore dans le cas des femmes dont nous reconnaissons les mérites aujourd'hui en leur décernant le prix du Gouverneur général pour leur contribution à la société.

Examinons l'histoire et, en particulier, la vie d'Agnes MacPhail et de Nellie McClung, des femmes extraordinaires. Elles ont ouvert la voix aux femmes d'aujourd'hui et elles y sont parvenues parce qu'elles étaient déterminées, qu'elles avaient des convictions très fortes et qu'elles savaient trouver des moyens originaux pour faire comprendre leur point de vue.

Ces femmes, qui ont été les premières à prôner le droit de vote pour les femmes, avaient le sens de l'humour, une vision réfléchie du monde et, dans l'ensemble, elles pouvaient bien se sortir de situations difficiles. Lors d'une manifestation qui a eu lieu en 1915, lorsque quelqu'un a crié à Nellie McClung que le premier ministre quitterait la politique si une femme était élue un jour, Nellie n'a pas perdu contenance. Au lieu de cela, elle a répondu: «Cela prouve l'effet purificateur qu'une femme aurait sur la politique.»

(1555)

Mme McClung n'était pas une personne sensible et timide. Elle était impartiale, joviale et déterminée. Ce sont des qualités qui caractérisent les Canadiens, tout comme d'ailleurs ma collègue du Yukon à qui la Chambre rend hommage aujourd'hui.

Il nous faut encore travailler pour assurer l'égalité des chances pour tous. Nous pouvons ne pas être d'accord sur l'égalité des résultats, mais, que nous soyons d'accord ou pas, quand il s'agit de s'engager dans le débat en tant que femmes, nous devons toujours nous battre pour transmettre notre message.

Mme McClung a organisé des manifestations pour faire valoir son point de vue à son époque. Plus récemment, une députée a raconté qu'elle avait relevé ses jupes pour monter sur un pupitre afin de faire valoir le sien. Une autre députée, elle, a dû s'asseoir sur le capot d'une voiture sport pour en faire autant. John Crosbie et le mouvement féministe moderne hochent encore la tête en signe de refus.

Quand Agnes Macphail est entrée à la Chambre des communes, pour la première fois, en 1921. en tant que première femme élue députée du Canada, un employé de la Chambre des communes a tenté de l'arrêter à la porte de la Chambre. Elle a poursuivi son chemin alors que l'autre criait: «Vous ne pouvez pas entrer pas ici,


15414

mademoiselle!» Une fois à l'intérieur, Mme Macphail a été émue de trouver un bouquet de roses sur son pupitre, mais elle a été humiliée d'apprendre plus tard que c'était la pénalité qu'un député avait dû payer pour avoir parié qu'elle mordrait la poussière dans sa circonscription ontarienne.

Depuis que les femmes ont obtenu le droit de vote en 1929, d'énormes progrès ont été accomplis. Un certain nombre d'entre eux ont été d'une lenteur extraordinaire à venir, mais ce sont aujourd'hui des droits acquis. Nous avons vécu des époques où les femmes et les hommes travaillaient chacun de leur côté pendant que les choses changeaient. Nous sommes enfin arrivés à une époque où tout le monde reconnaît que les hommes et les femmes, égaux entre eux, peuvent créer le genre de pays que nous souhaitons tous avoir.

J'aimerais, à mon tour, féliciter toutes les nouvelles récipiendaires des prix du Gouverneur général.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le 90e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre concernant la composition des comités.

Avec le consentement de la Chambre, je proposerai l'adoption de ce rapport plus tard aujourd'hui.

[Français]

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si la Chambre donne son consentement, je propose, appuyé par l'honorable député d'Ottawa-Centre, que le 90e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre aujourd'hui, soit adopté.

(La motion est adoptée.)

* * *

[Traduction]

PÉTITIONS

L'EUTHANASIE

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, aux termes de l'article 36 du Règlement, je voudrais déposer une pétition signée par de nombreux résidants de la région d'Ottawa sur l'euthanasie.

L'ORIENTATION SEXUELLE

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai le plaisir de présenter une pétition venant d'électeurs de Prince George-Bulkley Valley sur une opinion qu'entretiennent la majorité des Canadiens d'un bout à l'autre du pays. La pétition porte sur la crainte que les privilèges accordés par la société aux couples hétérosexuels soient un jour étendus aux couples homosexuels.

Les pétitionnaires prient le Parlement de ne modifier ni le Code des droits de la personne, ni la Loi canadienne sur les droits de la personne, ni la Charte canadienne des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe ou l'homosexualité et, notamment, de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

Cette pétition a circulé à l'initiative de l'église baptiste de College Heights de Prince George. Je suis fier de dire que je l'approuve totalement.

(1600)

L'UNITÉ NATIONALE

M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton, Lib.): Monsieur le Président, en vertu de l'article 36 du Règlement, j'ai le plaisir de présenter une pétition venant du comté de Haliburton.

Les résidants du comté de Haliburton et les visiteurs qui ont signé cette pétition attirent l'attention de la Chambre sur l'importance de l'unité nationale dans notre pays à l'heure actuelle.

C'est pourquoi ils demandent au Parlement d'inviter le gouvernement à faire comprendre au chef du Parti réformiste qu'il faut promouvoir l'unité nationale étant donné la situation très regrettable dans laquelle se trouve notre pays aujourd'hui.

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, aux termes de l'article 36 du Règlement, je voudrais présenter une pétition qui circule partout au Canada. La pétition est signée par des Canadiens de Mississauga, en Ontario.

Les pétitionnaires font remarquer à la Chambre que gérer un foyer et prendre soin d'enfants d'âge préscolaire, c'est pratiquer une profession honorable dont la valeur n'est pas reconnue par la société.

Ils déclarent également que la Loi de l'impôt sur le revenu est discriminatoire envers les familles qui choisissent de prendre soin à la maison d'enfants d'âge préscolaire, de personnes handicapées, de personnes âgées ou de malades chroniques.

Les pétitionnaires prient donc le Parlement de prendre des initiatives pour éliminer la discrimination fiscale contre les familles qui décident de prendre soin chez elles d'enfants d'âge préscolaire, de personnes handicapées, de personnes âgées ou de malades chroniques.

* * *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, on répondra aujourd'hui à la question no 193.

15415

[Texte]

Question no 193-M. Hanger:

Pour l'exercice 1994-1995, combien en a-t-il coûté au total au ministère de la Santé pour fournir des soins de santé aux revendicateurs du statut de réfugié au Canada, quelle somme prévoyait-on consacrer à ces soins dans le Budget des dépenses ou le Budget des dépenses supplémentaire de 1994-1995, et comment le ministère de la Santé prévoit-il combler tout manque à gagner attribuable au dépassement des coûts relatifs aux soins de santé fournis aux réfugiés?
L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Mentionnons d'abord qu'à la suite de la signature d'un protocole d'entente entre l'ancien ministère de la Santé nationale et du Bien-être social et celui de l'Emploi et de l'Immigration le 1er mars 1993, les ressources du Programme provisoire de santé fédéral, autrefois intitulé le Programme des services de santé non assurés, ont été transférées à Citoyenneté et Immigration Canada, de Santé Canada, commençant en 1993-1994. Il a aussi été convenu, à ce moment-là, que Santé Canada continuerait à livrer le programme pour le ministère. Ultérieurement, Citoyenneté et Immigration Canada a assumé la responsabilité du PPSF à compter du 1er avril 1995.

Au cours de l'exercice 1994-1995, Citoyenneté et Immigration Canada a dépensé, dans le cadre du Programme provisoire de santé fédéral, 7,1 millions de dollars en services de santé, principalement pour des demandeurs du statut de réfugié dans l'ensemble du Canada. Jusqu'au 1er janvier 1995, l'Ontario était la seule province qui fournissait des services de santé aux demandeurs du statut de réfugié. Suite à la décision récente du gouvernement de l'Ontario de ne plus fournir ces services aux demandeurs du statut de réfugié et étant donné qu'à compter du 1er avril 1995, seuls les services d'urgence ou essentiels seront fournis dans le cadre du PPSF, on estime que le coût total du programme augmentera de 15 millions de dollars pour une dépense totale reliée au programme de 22,5 millions de dollars en 1995-1996. Nous prévoyons que ce niveau de dépenses se maintiendra au cours des années suivantes.

En attendant l'approbation du Conseil du Trésor, des fonds additionnels seront obtenus pour le programme à travers le processus du Budget des dépenses supplémentaire en raison du retrait de l'Ontario de ne plus fournir ces services aux demandeurs du statut de réfugié. En particulier, les niveaux de référence du ministère pour 1995-1996 seront augmentés de 15 millions de dollars, de même que ceux des années suivantes.

Un montant de 7,5 millions de dollars a été prévu pour ce poste de dépenses dans le Budget des dépenses et le Budget des dépenses supplémentaire de 1994-1995.

À l'heure actuelle, en raison des appropriations additionnelles du CIC qui ont été obtenues, résultant du retrait de l'Ontario, le programme ne souffre pas d'une insuffisance de fonds. Si les coûts devaient dépasser les fonds disponibles par suite d'une augmentation des bénéficiaires du programme et de l'état de santé de ces personnes ou à la suite de la modification du barème provincial sur lequel sont fondés les paiements, on prévoit que des fonds supplémentaires seront obtenus à travers le processus du budget.

[Français]

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si la question no 146 pouvait être transformée en ordre de dépôt de document, ce document serait déposé immédiatement.

[Texte]

Question no 146-M. Axworthy:

En ce qui concerne les mesures prises par le gouvernement pour réduire la contrebande de cigarettes au Canada, annoncées le 8 février 1994, a) quelles sont les prévisions, le cas échéant, qui ont été faites en ce qui concerne (i) l'augmentation de la consommation de cigarettes dans l'ensemble de la population, (ii) l'augmentation du tabagisme chez les jeunes Canadiens, (iii) les répercussions de ce phénomène sur la mortalité et la morbidité futures, et si elles ne l'ont pas été, pourquoi b) quelles sont les prévisions, le cas échéant, qui ont été faites en ce qui concerne les prochains niveaux de contrebande de cigarettes et la part de marché des cigarettes de contrebande en 1994, 1995, 1996 et 1997 et à combien évalue-t-on la perte de revenus attribuable à la vente de cigarettes de contrebande en 1994, 1995, 1996, 1997 et, si de telles prévisions n'ont pas été faites, pourquoi ne l'ont-elles pas été?
(Le document est déposé.)

[Français]

M. Milliken: Monsieur le Président, je suggère que les autres questions soient réservées.

Le vice-président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


15415

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-64, Loi concernant l'équité en matière d'emploi, soit lu pour la troisième fois et adopté.

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, le projet de loi C-64, c'est-à-dire la nouvelle Loi sur l'équité en matière d'emploi, vise à régler des problèmes qui existent depuis longtemps dans la loi actuelle, ainsi qu'à remplir les engagements pris par le gouvernement dans le livre rouge. Cette mesure s'inscrit dans les initiatives prises par le gouvernement pour créer une société ouverte et englobante.

Le projet de loi reflète les valeurs du gouvernement, à savoir le respect et la compréhension. Il se fonde sur l'équité. Il vise à assurer des règles du jeu équitables. Par-dessus tout, cette mesure fait en sorte que tous les Canadiens qui se reconnaissent comme tels et qui sont qualifiés aient des chances égales de postuler des emplois dans le secteur public fédéral, en fonction de leur mérite.

La loi continue d'englober 350 employeurs du secteur privé et sociétés d'État qui exercent leur activité dans des secteurs sous réglementation fédérale, notamment les banques, les communica-


15416

tions et les transports. Ce projet de loi étend immédiatement la portée de la Loi sur l'équité en matière d'emploi à la fonction publique. La nouvelle loi s'appliquera aussi aux Forces canadiennes et à la GRC.

Il existe actuellement quatre groupes désignés, qui continueront de l'être: les autochtones, les membres de minorités visibles, les femmes et les personnes handicapées. Le principe de la déclaration volontaire est réaffirmé, et le projet de loi renferme des définitions des groupes désignés.

Le projet de loi prévoit des mesures d'exécution et stipule que la Commission canadienne des droits de la personne à le mandat d'effectuer des vérification sur place de la conformité à l'équité en matière d'emploi. Il confère aussi la responsabilité administrative du Programme de contrats fédéraux au ministre du Développement des ressources humaines. Il fait appel au Tribunal canadien des droits de la personne qui, lorsqu'il entendra des plaintes liées à l'équité en matière d'emploi, deviendra le tribunal de l'équité en matière d'emploi. Ce tribunal entendra les appels des employeurs ainsi que les renvois de la CCDP, et il veillera à l'exécution de la loi.

Les groupes désignés dans la loi continuent d'être sous-représentés et sous-évalués au sein des organismes fédéraux et des industries régies par le fédéral.

Une étude a été récemment effectuée par Krishna Pendakur, de l'Université Simon Fraser, et par Ravi Pendakur. Cette étude, intitulée «Earning differentials among Ethnic Groups in Canada», révèle que les membres de minorités visibles qui sont nés au Canada et qui ont des compétences égales à ceux de Canadiens de race blanche gagnaient environ 11 p. 100 de moins que ces derniers. De même, les immigrants faisant partie de minorités visibles gagnent 15 p. 100 de moins que les blancs nés au Canada.

(1605)

Nous connaissons bien également l'expression plafonnement voilé, c'est-à-dire les obstacles qui se dressent entre les postes de cadres supérieurs et bien des femmes et des membres de minorités visibles dans ces sociétés et ces organismes. On s'attaque à ce problème en appliquant des dispositions législatives plus efficaces pour assurer l'équité en matière d'emploi.

Nous avons également découvert, grâce à notre partenariat avec la Fondation canadienne de la publicité, avec la Fondation Asie-Pacifique du Canada et avec le Conference Board du Canada, qu'il était bon pour les affaires d'être sensible à la diversité et d'y réagir favorablement. Cela a du bon sens du point de vue économique et c'est la bonne chose à faire. Les entreprises qui sont sensibles à la diversité de la réalité canadienne, c'est-à-dire la population canadienne, et les entreprises dont la direction s'est engagée de haut en bas à refléter la population du pays, ont la clé de l'avenir: la sécurité économique. C'est une réalité qui se manifeste aux niveaux local, national et international.

Un accès plus équitable, la promotion au mérite et l'égalité des chances sont la clé pour toutes les entreprises qui veulent soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux. Les divers éléments de notre population canadienne reflètent souvent les cultures des nouveaux marchés mondiaux et les connaissent bien. Pourquoi ne pas faire de notre diversité un précieux avantage concurrentiel pour notre profit mutuel? Le monde international des affaires est multiculturel, multilingue et multiracial. Ceux qui voyagent un tant soi peu le savent bien; ceux qui oeuvrent dans le monde international des affaires le savent bien également.

Appliquer la règle de l'équité en matière d'emploi constitue un outil important pour effectuer un véritable changement institutionnel, ce qui sert les intérêts les meilleurs de tous les Canadiens et incite les gens à s'identifier eux-mêmes.

Le projet de loi à l'étude est une mesure généreuse. Il reconnaît la réalité du monde canadien des affaires. Il clarifie les obligations existantes et contribue à élargir le cercle de l'inclusion dans notre population active à tous les niveaux. Il n'oblige pas les employeurs à prévoir de nouveaux postes, à engager ou à promouvoir des incompétents ni à aller à l'encontre du principe du mérite dans le secteur public. Il favorise l'équité et le principe du mérite. Les députés d'en face devraient se souvenir de tout cela et dire la vérité lorsqu'ils parlent de ce que prévoit le projet de loi.

Celui-ci favorise l'équité et le principe du mérite. Il encourage la qualité, non la quantité. Le projet de loi ne prévoit l'embauche d'aucun contingent de membres de groupes désignés qui soient incompétents.

[Français]

Depuis le dépôt en première lecture du projet de loi sur l'équité en matière d'emploi, les députés du Parti réformiste ont beaucoup à dire à ce sujet.

En fait, il serait plus exact d'affirmer qu'ils ont beaucoup à dire contre ce projet de loi. Ils rejettent cette loi, et s'ils la rejettent, c'est que, ou bien ils sont contre les mesures favorisant l'équité dans le domaine de l'emploi, ou bien ils ne saisissent pas la nature ni la portée de cette loi.

[Traduction]

Les députés doivent comprendre que cela ne se fera pas simplement si nous croisons les doigts ni si nous espérons que nous atteindrons nos objectifs d'accessibilité, d'équité et de justice et que nous donnerons une chance aux personnes qui s'identifient à des minorités et qui veulent être reconnues et faire partie de la grande famille canadienne.

Pour y arriver, la CCDP a notamment pour responsabilités d'informer la population et de la conscientiser à la réalité multiculturelle canadienne. Cela permettra aux entreprises visées par cette loi de modifier petit à petit leurs effectifs. Nous avons élargi la représentation avec des encouragements et de l'information plutôt que par la contrainte. C'est ce qu'il faut faire pour les travailleurs compétents du Canada, à savoir supprimer tout possible obstacle systémique à la représentation de notre diversité.

Enfin, je tiens à citer l'exemple de la Banque de Montréal qui, en tant qu'entreprise, a prouvé sa détermination à créer un environnement de travail équitable, à faire que ses effectifs reflètent la collectivité qu'ils desservent et à montrer qu'elle croit dans l'équité, un cercle élargi et le service aux masses qu'elle veut compter dans sa clientèle.


15417

(1610)

Elle a publié le rapport de son groupe de travail sur la promotion des membres de minorités visibles dont je recommande une lecture attentive. Ce groupe de travail était chargé de cerner les obstacles à l'avancement des membres des minorités visibles qui, soit dit en passant, font partie de leur entreprise et gagnent bien leur vie, et d'établir des plans d'action visant à supprimer ces obstacles à une plus grande mobilité ascendante.

Le groupe de travail a recommandé que la banque perfectionne le processus de planification de sa main-d'oeuvre de telle sorte que celle-ci reflète à tous les niveaux la diversité de la collectivité. Il a recommandé une participation accrue des minorités visibles aux postes de direction et la suppression des obstacles à l'avancement de ces personnes et des autres employés. Il a recommandé que la banque prenne des mesures pour que ses employés planifient eux-mêmes leur carrière et que ses effectifs soient de plus en plus compétents grâce à une sélection impartiale des candidats. Enfin, il a recommandé qu'elle permette à tous ses employés, quelle que soit leur origine, d'acquérir les connaissances, la compétence, l'attitude et le comportement essentiels au succès au sein d'une main-d'oeuvre diversifiée.

Quand on y regarde de près et que l'on constate toute la justesse de la démarche que traduit ce projet de loi sur l'équité en matière d'emploi, la déclaration volontaire, la reconnaissance de ce que nous sommes en tant que peuple, la richesse de notre diversité d'une région à l'autre du Canada, il est de plus en plus logique qu'un nombre croissant de Canadiens se déclarent d'une origine autre que britannique ou française. C'est le cas de la plupart d'entre nous.

Le projet de loi va contribuer à établir le cadre dans lequel tous les Canadiens auront la même chance et le même intérêt de participer à la prospérité économique de leur pays.

J'appuie sans réserves ce projet de loi. J'espère que tous les députés voudront comme moi assurer que le Canada continue de donner au monde l'exemple d'une société vraiment juste, équitable et prospère.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'aborder à la Chambre un sujet qui a suscité jusqu'à maintenant des discussions animées.

Comme le précise son préambule, le projet de loi C-64, Loi concernant l'équité en matière d'emploi, a été présenté par le gouvernement dans le but de réaliser l'égalité en milieu de travail et de corriger les désavantages subis par certains groupes.

Selon le principe d'égalité qui sous-tend ce projet de loi, il faudrait évaluer le succès en fonction des résultats obtenus. De cette définition découle notre opposition au projet de loi. Deux camps s'opposent dans le cadre de ce débat: celui pour qui l'égalité est un processus et celui pour qui l'égalité est un résultat à viser.

Le premier camp, dont je fais partie, concentre ses énergies sur l'offre. Il encourage la formation et l'éducation, met l'accent sur les valeurs et les habitudes, fait la promotion d'un milieu ouvert favorisant la spécialisation, la récompense selon le mérite et l'élimination de toute discrimination fondée sur des facteurs extérieurs. Il accepte les résultats obtenus dans un milieu qui fonctionne ainsi, dans un milieu où les résultats ne sont pas déterminés à l'avance et où les personnes ont la capacité de bâtir leur avenir. Il croit aux mesures correctives, mais préfère aider que ceux qui en ont vraiment besoin.

Ceux pour qui l'égalité est un résultat à viser, donc ceux qui appuient ce projet de loi, ne se contentent pas de veiller à l'égalité d'accès à l'emploi, car ce n'est pas suffisant. Ils préfèrent manipuler un processus, intervenir sciemment pour obtenir des résultats qui leur semblent justifiés. Ils façonnent des lois pour veiller à ce que leur intervention manifeste ne fasse pas l'objet de contestations juridiques. En fait, le gouvernement s'est déjà protégé en insérant dans la Constitution une disposition lui permettant de passer outre au principe de l'égalité pour pouvoir prendre des mesures importunes et parfois coercitives afin d'atteindre ses objectifs. Je parle de l'article 15.2 de la Charte, qui rejette purement et simplement ce que prévoit sa disposition complémentaire, l'article 15.1, qui garantit que la loi s'applique également à tous les Canadiens.

À mon avis, la définition de l'égalité est au coeur même de ce débat. Contrairement à l'égalité des résultats qui est décrite dans le projet de loi C-64, l'égalité des chances favorise un milieu où les résultats sont prédéterminés, ce qui permet à la société de récompenser l'esprit d'entreprise et les initiatives. L'égalité des chances est la pierre angulaire d'une culture prospère, créatrice et florissante. Elle sert de fondement à l'épanouissement et à l'accomplissement personnels. Ce qui importe surtout, c'est qu'elle permet aux gens de croire en eux-mêmes et de prendre conscience qu'ils sont les seuls maîtres de leur destin.

(1615)

Le projet de loi C-64 compromet cette conception de l'égalité des chances, en valorisant davantage une intervention préméditée visant à modeler les résultats. Cette mesure est préjudiciable à tous les Canadiens et ne saurait être appuyée.

Examinons les objectifs de l'équité en matière d'emploi. Les objectifs mêmes sur lesquels se fonde ce projet de loi sont imparfaits, vagues et contradictoires. L'idée d'égalité, les objectifs quantitatifs et la notion de diversité sont truffés de problèmes. Le projet de loi C-64 préconise l'égalité des uns au détriment des autres. Les objectifs quantitatifs sont foncièrement imparfaits. Le fait d'établir des objectifs quantitatifs ne signifie pas que le principe d'égalité soit respecté pour autant.

Il y a une énorme différence entre reconnaître que certains groupes se sont de tout temps heurtés à des obstacles et supposer que toutes les iniquités sociales sont imputables à la discrimination.

Nous devons nous demander si les hommes et les femmes occuperaient tous les emplois en nombre égal, dans un monde où ils seraient parfaitement libres de le faire. La réponse est probablement


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non. Dans le même ordre d'idées, les représentants des minorités ethniques seraient-ils en nombre égal dans tous les milieux de travail? Encore une fois, la réponse est probablement non. Un jeu des nombres limite simplement les choix et nuit au principe de l'équité.

La recherche d'une diversité idéale est encore un autre objectif vague. Quelqu'un sait-il ce que signifie vraiment la diversité dans ce contexte? Comme quelqu'un l'a dit à juste titre, cela renvoie simplement à la langue de bois de celui qui n'expose rien de plus que ses bonnes intentions.

Comment peut-on seulement commencer à envisager sérieusement d'adopter une telle mesure législative puisque ses fondements mêmes reposent sur de mauvais principes? Il est très dangereux de commencer une tâche lorsque nos objectifs sont faussés par les contradictions et l'imperfection. Si notre sens des valeurs et notre orientation ne sont pas clairs, nos efforts seront immanquablement inutiles.

Il faut également se demander si nous avons vraiment besoin de l'équité en matière d'emploi. Ces dernières années, certaines données sont venues faire planer des doutes sur les motifs fondateurs de l'équité en matière d'emploi. Je ne voudrais cependant pas que l'on pense qu'en citant ces données je nie l'existence du racisme et de la discrimination. Je tiens cependant à ce qu'il soit bien clair que la discrimination et le sexe seuls ne suffisent pas à expliquer la grande disparité des situations dans lesquelles se retrouvent différents groupes. La culture, la religion et la famille sont d'autres facteurs qui tiennent certaines personnes à l'écart de certaines professions.

Par exemple, l'économiste Thomas Sowell a constaté que les mariages entre adolescents étaient plus répandus chez certains groupes ethniques. Il soutient que les femmes qui se marient très jeunes ne font pas d'études postsecondaires, ce qui limite donc l'éventail des emplois auxquels elles peuvent accéder. Il ne faut donc pas parler d'objectifs numériques et de délais, mais de cultures et d'éducation.

Des données récentes tirées d'une étude faite en 1995 par Statistique Canada renforcent cette idée. On peut vraisemblablement expliquer que les minorités visibles soient moins susceptibles que les autres Canadiens de se retrouver dans les postes de gestion par le fait que, en moyenne, les membres de ces minorités sont plus jeunes que les autres. Ils sont cependant aussi susceptibles que les autres Canadiens de se retrouver dans les professions libérales. Essentiellement, le rapport confirme que, à tous les niveaux de l'économie, le taux d'emploi des minorités visibles est comparable à celui des autres Canadiens.

Comment, dans ce cas, justifier le projet de loi C-64? Comme les autres lois sur l'équité en matière d'emploi, le projet de loi C-64 traite les membres des minorités visibles comme des groupes homogènes dont les caractéristiques, la composition et l'histoire sont les mêmes. C'est une aberration. Par exemple, les données révèlent que 13 p. 100 des Nippo-Canadiens occupent des postes de gestion et 19 p. 100 des professions libérales tandis que seulement 8 p. 100 font des métiers manuels et 9 p. 100 travaillent dans le secteur des services. Ces pourcentages seront nécessairement différents de ceux, disons, des Philippins ou des Indiens. Le fait que tous les groupes soient différents explique pourquoi ils ne sont pas représentés également sur les lieux de travail.

Existe-t-il des solutions de remplacement à l'équité en matière d'emploi? Beaucoup d'éléments de preuve permettent de croire que des programmes fondés sur l'égalité des chances feraient très bien l'affaire. Beaucoup de ces solutions de rechange sont déjà mises en pratique dans le monde du travail au Canada. Nous pouvons régler le problème de la discrimination systémique qui existe dans de nombreux secteurs sans imposer de quotas. Par exemple, en tant que législateurs fédéraux, nous pouvons faire plus pour favoriser les pratiques d'embauchage équitables dans les secteurs public et privé et nous avons divers moyens à notre disposition. Nous pouvons améliorer la formation, ce qui comprend des programmes de formation spéciale pour les groupes désignés, des programmes de recyclage scolaire, des programmes d'apprentissage et, enfin, des programmes de sensibilisation transculturelle pour tous les employés afin de créer un climat de travail positif.

(1620)

Nous pouvons aussi chercher à éliminer les barrières systémiques en adoptant, par exemple, des politiques favorisant les heures flexibles pour aider les femmes qui ont des jeunes enfants, les personnes handicapées qui ont des besoins spéciaux en matière de transports et les travailleurs dont les devoirs religieux peuvent entrer en conflit avec les heures normales de travail, et en prévoyant d'autres mesures de soutien comme des garderies et de nouvelles règles relatives aux congés parentaux.

Nous pouvons mettre davantage l'accent sur les réalisations individuelles afin qu'on tienne compte avant tout de la formation, du rendement, des connaissances, des aptitudes et des compétences de la personne dans toutes les décisions liées au travail.

Mes remarques ont porté sur l'égalité des chances, sur les objectifs confus du projet de loi C-64 et sur le besoin d'une telle mesure législative, mettant en relief les problèmes que présentent l'équité en matière d'emploi et le projet de loi C-64. Les socio-démocrates ont toujours cherché à établir des liens qui transcendent la race et le sexe dans leur recherche d'une citoyenneté commune et de l'égalité des droits.

Par contraste, les politiques du gouvernement renforcent la notion selon laquelle les intérêts des hommes et des femmes et des divers groupes ethniques sont distincts et concurrentiels. Le projet de loi C-64 nous conduit-il vraiment vers la société meilleure à laquelle nous aspirons? Je ne crois pas.

[Français]

Le vice-président: Je désire informer la Chambre qu'en raison de la déclaration ministérielle, les ordres émanant du gouvernement seront prolongés de 20 minutes aujourd'hui.

[Traduction]

Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir prendre la parole à la Chambre au sujet du projet de loi C-64, dont nous sommes saisis.

En écoutant les députés à la Chambre aujourd'hui, je crains que certains des députés d'en face n'aient pas vraiment saisi notre vision du Canada et ne comprennent pas non plus l'objet du projet de loi.


15419

J'ai suivi avec grand intérêt les progrès réalisés dans l'équité en matière d'emploi au fil des ans, et je crois que l'équité en matière d'emploi est un élément essentiel à la création d'un Canada meilleur.

Le projet de loi C-64 a été renvoyé au Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées. Ce comité a entendu des témoins très variés et, dans son rapport, il appuie les nouvelles dispositions du projet de loi C-64 et recommande d'autres amendements. La loi s'applique à toutes les sociétés sous réglementation fédérale qui comptent 100 employés ou plus. En vertu du projet de loi C-64, tous les ministères, organismes, bureaux et commissions de la fonction publique fédérale seront assujettis aux normes déjà imposées aux sociétés sous réglementation fédérale.

Parmi les nouvelles mesures que prendront les libéraux pour renforcer la Loi sur l'équité en matière d'emploi, mentionnons l'assujettissement de la fonction publique fédérale et de ses organismes et commissions à la loi. Nous donnerons aussi à la Commission canadienne des droits de la personne le pouvoir législatif d'entreprendre des enquêtes sur les questions touchant l'équité en matière d'emploi.

Le gouvernement fédéral s'efforce d'éliminer la discrimination au travail et dans l'embauche depuis l'adoption de la loi de 1970 sur les droits de la personne. En 1993, le gouvernement libéral de l'époque s'est rendu à l'évidence que les mesures volontaires en vue d'assurer l'équité au travail ne suffisaient pas à entraîner des changements importants pour les femmes, les autochtones, les membres des minorités visibles et les personnes handicapées. Il a essayé d'atteindre cet objectif au moyen de mesures volontaires, mais cela n'a pas marché.

Lorsque le ministre des Ressources humaines a déposé le projet de loi C-64 à la Chambre le 12 décembre 1994, il a dit ceci: «Cette initiative constitue un grand pas en avant dans l'atteinte de l'équité en matière d'emploi pour les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles.»

La plupart d'entre nous venons à la Chambre avec un discours préparé mais, en écoutant les députés à la télévision depuis mon bureau, j'ai entendu tellement de déclarations infâmes des députés d'en face que je m'éloigne de mes notes pour répondre à certaines de leurs remarques. Une des remarques qui me préoccupent le plus avait trait aux quotas.

Ce projet de loi ne porte pas sur des quotas. Ces députés citaient constamment la Charte des droits et libertés. Ce projet de loi ne va certes pas à l'encontre de la Charte des droits et libertés.

Le principe du mérite énoncé dans ce projet de loi est et devrait être le seul critère d'embauche. Je crois que quiconque voit le projet de loi autrement ne le comprend pas.

Je veux parler de la députée de Beaver River, qui a fait un long discours pour dire que si elle était à la Chambre, c'était à cause de sa compétitivité et de sa compétence et non parce qu'elle était une femme. Je ne dis pas le contraire. J'aimerais croire qu'il en a été de même dans mon cas.

(1625)

On travaille dur, on fait ce qu'il faut, tout comme les autres candidats à une charge publique, et on est élu. Que dire de tous les autres qui voudraient aussi poser leur candidature et qui sont tout aussi compétents que moi? C'est peut-être ce qui explique l'existence du mouvement féministe. N'ai-je pas la responsabilité d'aider quelqu'un qui ferait un excellent député à la Chambre des communes? Si cette personne possède la compétence et le mérite et a une raison de siéger ici, mais n'a pas la confiance en soi nécessaire pour y arriver, ne mérite-t-elle pas d'avoir de l'aide? Je dis que oui. Je prends cet exemple simple pour montrer que tous n'ont pas la compétence voulue pour parvenir à la Chambre des communes.

Je voudrais maintenant revenir aux femmes fortes et parler d'une situation que j'ai vécue avant d'être élue à une charge publique. J'ai occupé une charge élective pendant dix ans avant de siéger à la Chambre des communes. Je remplissais des fonctions administratives au sein d'un organisme et j'ai posé ma candidature à un poste. Je ne l'ai pas obtenu. L'agent des ressources humaines m'a dit que j'étais plus qualifiée que celui qui avait été choisi et que j'avais également plus d'ancienneté, mais que le poste lui serait accordé parce qu'il avait une femme et deux enfants.

J'avais un mari et cinq enfants. Je ne comprenais pas pourquoi on me préférait cet homme. Rien ne justifiait qu'on lui donne le poste. Examinons le cas d'un membre d'une minorité visible. Toujours dans cette même organisation, le directeur des ressources humaines m'a demandé de faire une présélection des candidats ayant postulé un emploi dans mon service. Je lui ai remis une liste de trois personnes. L'une d'elles était Jamaïcaine. Il m'a dit: «Je ne suis pas sûr que notre organisation soit prête à engager une femme noire.» Voilà pourquoi notre aide et notre soutien sont nécessaires.

C'était il n'y a pas très longtemps. Je n'ai pas toujours été ici. Nous avons fait beaucoup de chemin. Cependant il nous est arrivé à tous d'être empêchés d'avancer pour de mauvaises raisons. Nous avons tous des exemples de cas de ce genre.

Quelqu'un d'en face a dit que les jeunes blancs allaient se révolter. Mon Dieu, voilà des années que les jeunes blanches ou les jeunes noires ou que sais-je encore auraient dû se révolter et elles ne l'ont jamais fait jusqu'ici. Il est temps qu'elles le fassent!

J'étais membre du Comité des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées. Nous avons vu des personnes handicapées venir ce plaindre de ce que l'on portait constamment atteinte à leurs droits. Je vais vous raconter l'histoire d'un agriculteur en Saskatchewan.

Cet agriculteur avait perdu les deux bras dans un accident de travail. Il avait des prothèses à partir des coudes. Il s'en remettait sur son fils et sa femme pour l'aider avec les travaux agricoles. Quand il a comparu devant le comité, il nous a dit: «Quand j'achète


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une moissonneuse-batteuse, je dois payer environ 60 000 $ de plus que mon voisin valide pour en avoir une que je puisse faire fonctionner avec mes prothèses.» Est-ce juste?

Cet homme était en affaires et il était victime de discrimination, étant donné le coût d'adaptation de la machine à ses besoins, parce qu'il avait deux bras artificiels. Cet homme avait besoin de notre aide. Nous devrions l'en assurer. J'adore raconter toutes ces anecdotes, mais je me suis passablement écarté du sujet.

La société canadienne d'aujourd'hui est très différente de ce qu'elle était il y a 50 ans ou même seulement 20 ans. Aujourd'hui, nous, en tant que femmes, voulons être autonomes financièrement, et il faut que nous le soyons. Nous voulons savoir par ailleurs que celles qui ne le sont pas ont droit à un traitement égal. Dans notre société, les peuples autochtones réclament l'autonomie et les personnes handicapées, la complète intégration. Les néo-Canadiens veulent aussi participer pleinement à toutes les facettes de la société canadienne.

(1630)

La société canadienne n'est plus la même. Ces quatre groupes expriment des besoins précis, et il faut y répondre. Notre société exige la contribution de tous ses citoyens, et cette mesure législative vise à répondre aux besoins de la société nouvelle.

C'est par l'équité en matière d'emploi que nous garantirons que les compétences et les capacités de tous les Canadiens sont utilisées pleinement et c'est par l'équité en matière d'emploi que nous éliminerons éventuellement le coût social et économique de l'attitude actuelle, qui marginalise un grand nombre de Canadiens. En faisant en sorte que ces quatre groupes occupent la place qui leur revient au sein de la main-d'oeuvre canadienne, nous créerons une société plus vibrante et plus productive.

Ce projet de loi ouvrira la voie à une société plus juste et plus équitable en nous forçant à revoir notre conception quant à la manière de faire des affaires. Il nous amènera à remettre en question notre procédure d'embauche qui nous a toujours permis, par le passé, de trouver des gens qualifiés. Je vous citerai des exemples qui montrent que ça ne marche pas toujours.

Ce projet de loi nous sensibilisera à ce qu'éprouvent les gens qui sont incapables de se trouver du travail simplement parce qu'ils ne peuvent pas monter l'escalier qui mènerait à leur bureau.

Le projet de loi nous encouragera aussi à faire des concessions quand un père ou une mère a besoin de s'absenter pour s'occuper de ses jeunes enfants. Il nous apprendra en outre que ces gens avec qui nous craignons d'avoir de la difficulté sont bien souvent nos meilleurs employés.

C'est pourquoi j'encourage tous les députés à voter fortement en faveur de ce projet de loi et ainsi, à voter fortement en faveur d'une meilleure nation.

Le vice-président: Collègues, je vous demanderais de bien vouloir adresser vos remarques à la présidence qui se sent souvent très seule pendant ce genre de débat.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole au sujet du projet de loi C-64. Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais dire, au nom de tous les députés du Parti réformiste, que nous désapprouvons entièrement et totalement toute pratique discriminatoire en matière d'embauche. Nous ne partageons pas l'hypothèse selon laquelle une personne appartenant à l'un des quatre groupes mentionnés dans le projet de loi C-64 se verrait refuser un emploi du fait de son appartenance à l'un de ces groupes. Les propos dans ce sens que nous avons entendus plus tôt de la part des orateurs libéraux sont parfaitement aberrants.

Par ailleurs, je désapprouve le fait que quelqu'un puisse être embauché en raison de son appartenance à l'un de ces quatre groupes, et je sais que bon nombre de mes collègues sont du même avis. Qu'il n'y ait aucune équivoque concernant ce que les députés réformistes essayent de signifier à la Chambre aujourd'hui.

Je suis très heureux d'avoir été ici lorsque Mme Alexa McDonough a été présentée à la Chambre aujourd'hui. Elle vient d'être élue présidente du Nouveau Parti démocratique non pas parce qu'elle est une femme, mais je suppose parce que les délégués au congrès du NPD ont vu en elle la meilleure candidate pour le poste. Je l'en félicite.

Aujourd'hui, à la Chambre, nous avons entendu parler, de la bouche du député d'Edmonton-Strathcona, d'une certaine Mme Chicoine qui a reçu le certificat de mérite du prix Bénévolat Canada non pas parce qu'elle est une femme, mais en raison de l'enthousiasme avec lequel elle accomplit ce en quoi elle croit.

Un peu plus tôt, nous avons entendu parler, de la bouche d'un député d'en face, d'une femme qui venait juste de recevoir une médaille du mérite entrepreneurial à un concours international, pour un processus de son invention concernant l'utilisation de la fourrure. Elle n'a pas reçu cette médaille parce qu'elle était une femme. Elle l'a reçu en raison de sa créativité, de sa formation, de son travail et de son dévouement à son entreprise.

(1635)

Nous avons entendu parler de ces femmes de l'Alberta honorées aujourd'hui à Ottawa pour les services rendus à leur pays. On leur a rendu hommage non pas parce qu'elles sont des femmes, mais plutôt parce qu'elles ont cru passionnément en une cause, se sont préparées à l'action et ont réussi. Elles ont réussi parce qu'elles voulaient réussir et non pas parce que c'était des femmes.

Je crois que si les principes du projet de loi C-64 étaient appliqués à ces femmes à qui nous avons rendu hommage à la Chambre aujourd'hui, elles seraient probablement insultées car ces principes pourraient faire croire qu'elles ont accompli leur tâche et ont reçu ces honneurs simplement parce qu'elles sont des femmes et non à cause de leurs efforts individuels.


15421

Tous les députés à la Chambre, y compris les libéraux, même s'ils refusent de l'admettre, savent que le projet de loi C-64 imposera des règles sur l'équité en matière d'emploi à la fonction publique et aux entreprises de plus de 100 employés faisant affaires avec le gouvernement fédéral. J'emploie le mot «imposera». Ils utilisent l'expression «équité en matière d'emploi» créée par le juge Rosalie Abella en 1984. Cette expression est fort utile pour nos ingénieurs sociaux libéraux car elle est plus trompeuse et moins menaçante que l'expression «action positive».

Aux États-Unis, on nomme les choses par leur nom et l'on dit action positive. Voilà ce que signifie l'équité en matière d'emploi. Ici on utilise cette expression pour que l'idée semble moins menaçante.

Nous savons tous que l'action positive, ou l'équité en matière d'emploi, selon ce que vous préférez, ne donne aucun résultat positif aux États-Unis. En fait, la Cour suprême des États-Unis a récemment porté un coup très dur à l'action positive. Elle a statué en faveur d'une entreprise du Colorado qui avait intenté une action contre le gouvernement américain parce que ce dernier avait attribué un contrat à une entreprise à contrôle hispanique, alors qu'elle offrait plus de compétences et avait présenté une soumission plus basse. Le gouvernement avait agi ainsi à cause de l'action positive ou de l'équité en matière d'emploi. Naturellement, le gouvernement justifiait son geste par sa politique sur l'action positive.

Cette récente décision de la Cour suprême ne met pas fin à l'action positive aux États-Unis, mais j'ose espérer, comme tous ceux qui croient que l'emploi devrait être fondé sur le mérite, qu'elle signalera le retour éventuel à la logique et à la justice.

Les Américains ont fait l'expérience de ces politiques d'action positive et ils en ont constaté les effets néfastes. Ici au Canada, le gouvernement libéral est bien décidé à maintenir cette politique. Est-ce que l'on n'apprend pas des expériences des autres pays?

Nous ne pouvons même pas trouver de bon sens et de justice dans notre propre Constitution. Le paragraphe 15.(2) de la Charte des droits et libertés inscrit l'équité en matière d'emploi dans la Constitution. Par contre, si nous lisons tout le paragraphe, nous remarquons qu'il permet de déroger au paragraphe 15.(1) qui est destiné à protéger l'égalité de tous les Canadiens.

La Charte de 1982 est rédigée de façon typiquement libérale. Elle promet quelque chose, mais seulement si l'État peut avoir un contrôle absolu. C'est une situation assez effrayante lorsqu'on y pense. La promesse d'égalité ne vaut que lorsque l'État a décidé où et quand il y aura égalité. Est-ce que cela ne vous fait pas peur, que l'État ait la possibilité de déterminer où et quand il y aura égalité dans ce pays? C'est pourtant le résultat du paragraphe 15.(2) de la Charte.

Maintenant, nous avons le projet de loi C-64, une manifestation du paragraphe 15.(2), un projet de loi qui fait de la discrimination arbitraire contre un groupe en faveur d'un autre. Pourtant, les libéraux vont nous dire que ce projet de loi n'entraînera pas de discrimination. Parce que certains groupes sont mieux traités que d'autres, cela ne signifie pas que c'est de la discrimination. C'est de l'équité. C'est la définition libérale du mot équité. Leur vocabulaire de génie social ne s'arrête pas là. Il va beaucoup plus loin. Les libéraux prétendent que le projet de loi C-64 ne fixera pas de quotas, mais des objectifs numériques.

(1640)

Comme David Frum l'écrivait récemment en parlant des objectifs numériques et des libellés trompeurs. «Il est vrai également que les entrepreneurs de pompes funèbres parlent de bière, plutôt que de cercueil, et de cher disparu plutôt que de cadavre. Est-ce que cela fait que la tante Adèle parait un peu moins morte?»

Nous devons nous demander si nous avons vraiment besoin du projet de loi C-64. Qu'en est-il véritablement de cette discrimination systématique dont parlent constamment les champions du projet de loi C-64 en faveur de l'équité en matière d'emploi? Où sont les preuves? Où sont les statistiques et les chiffres éloquents? Il n'y en a pas. En fait, le Conseil économique du Canada que, j'en suis sûr, les libéraux considèrent comme un organisme respectable, a effectué des études en 1991 et en 1992. Selon ces études, le Canada n'a pas de mal à assimiler les nouveaux venus et rien ne prouve qu'il y ait discrimination salariale systématique. Qui plus est, un rapport publié cet été par Statistique Canada montre que les minorités visibles jouissent de taux d'emploi et de taux de rémunération comparables à ceux des autres Canadiens.

Voilà pourquoi nous demandons à voir les preuves. La discrimination systématique ne règne pas en maître sur le marché du travail au Canada, comme voudraient nous le faire croire ces adeptes de sociologie appliquée que sont les libéraux. Or, en préconisant l'adoption du projet de loi C-64 sans preuve à l'appui, on dirait que le gouvernement libéral et sa cohorte de groupes d'intérêts spéciaux qui l'ont aidé à assurer son élection, voudraient déclarer les entreprises canadiennes coupables simplement en portant une accusation contre elles.

J'oublie que ces députés libéraux ont fait la preuve qu'ils ne connaissent pas grand-chose à l'ordre public. C'est la raison pour laquelle le principe qui veut que l'on soit innocent jusqu'à preuve du contraire ne signifie rien à leurs yeux.

En fin de compte, l'équité en matière d'emploi, qu'il serait plus juste d'appeler «action positive», ne profite à personne. Les gens qui ont été victimes de la loi sur l'équité en matière d'emploi réclament son abolition et préconisent le retour au mérite comme seul critère d'embauche et de promotion.

Comme à son habitude, le gouvernement laisse entendre qu'il sait ce qui est le mieux pour la population, dans les secteurs économique, judiciaire ou social, et voilà pourquoi il n'aura de cesse de nous dicter ses quatre volontés. L'actuel gouvernement libéral, comme c'était le cas des gouvernements libéraux des 30 dernières années, est résolu à tenir tête aux Canadiens libres et indépendants. J'estime que le projet de loi C-64 est une autre tentative en ce sens. C'est pourquoi je m'y oppose.


15422

[Français]

Le vice-président: Conformément à l'article 38, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir, à savoir: l'honorable député de The Battlefords-Meadow Lake-Les espèces en voie de disparition; l'honorable député de Mackenzie-L'agriculture.

[Traduction]

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir intervenir aujourd'hui. J'ai pris en note certaines observations formulées plus tôt par les députées de Beaver River et de Calgary-Sud-Est, ainsi que par le député réformiste qui vient d'intervenir. Je pense que leurs interventions sont typiques de ce que les réformistes font dans le cadre d'un débat, surtout en ce qui concerne ce projet de loi. Ils refusent de lire ou, du moins, de reconnaître le contenu réel de ce projet de loi.

(1645)

Si ce projet de loi s'appliquait dans un vide, si nous ne faisions aucun autre effort dans n'importe quel autre secteur de la société ou dans n'importe quelle autre mesure législative pour améliorer le sort des Canadiens, je pourrais alors m'y opposer également. En fait, ce projet de loi fait partie d'un tout. C'est un élément du programme que nous avons établi dans notre livre rouge. C'est une des mesures législatives que nous entendons adopter pour améliorer le sort des Canadiens, c'est-à-dire rendre nos collectivités plus saines, plus prospères et plus sûres.

Nous avons essayé de prendre d'autres mesures pour aider les gens qui n'ont pas les mêmes avantages que le député qui vient d'intervenir. Nous avons amélioré nos programmes de prêts aux étudiants dans le but d'encourager la venue de femmes, par exemple, dans des domaines qui ne les intéressaient pas dans le passé. Nous avons également un programme de prêts aux étudiants qui encourage la participation des personnes handicapées.

Nous procédons à une réforme de nos programmes sociaux pour faire disparaître les barrières systémiques qui existent pour les mères chefs de famille monoparentale qui n'ont pas la formation voulue et qui sont incapables aussi de retourner au travail, car elles n'ont personne pour s'occuper de leurs enfants. Nous examinons le secteur des garderies comme forme de programme social à l'appui de nos efforts pour redonner du travail aux gens.

Le projet de loi C-64 est un bon exemple de la façon dont le Parti libéral tient ses promesses. Dans le livre rouge, nous avons déclaré que nous allions donner plus de poids à la Loi sur l'équité en matière d'emploi et c'est exactement l'objet du projet de loi C-64. Cette mesure législative est profondément ancrée dans la conscience de notre pays. Dans notre constitution, on dit que «la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi.»

Bien entendu, les réformistes en général et, chose certaine, le dernier député à intervenir, n'apprécient pas beaucoup la charte, car ils pensent qu'on devrait limiter la protection offerte aux citoyens, restreindre l'application de la charte et faire en sorte que seuls ceux qui, selon eux, le méritent puissent bénéficier de cette protection.

La Charte canadienne des droits et libertés reconnaît précisément les droits des gens à titre individuel et précise plus particulièrement que des programmes spéciaux s'imposent pour ceux qui sont victimes de discrimination dans notre société. C'est là le but de ce projet de loi, après tout.

En fin de compte, ce projet de loi découle du fait qu'il y a des gens qui, de nos jours, éprouvent des difficultés sur le marché du travail à cause d'accidents à la naissance ou d'accidents dans leur vie, c'est-à-dire à cause de leur couleur, de leur race, de leur sexe, ou d'un handicap quelconque.

Nous croyons que l'équité en matière d'emploi veut dire bâtir une société plus généreuse et plus juste. Elle reflète les principes fondamentaux qui nous sont chers à tous et cherche à établir des règles équitables, tout en offrant aux employeurs des plans d'emploi pratiques et raisonnables.

L'équité en matière d'emploi a été conçue sous un gouvernement libéral qui s'est inspiré au départ des travaux du juge Abella et de sa commission. Elle reflète l'engagement de longue date que notre parti a pris envers la justice et l'égalité pour tous les Canadiens, et non seulement pour les privilégiés.

Pourtant, beaucoup insistent pour émettre la fausse hypothèse que l'équité en matière d'emploi dans l'administration publique fédérale est une copie conforme de la politique d'action positive des États-Unis ou du projet de loi de l'Ontario. On a pu le constater dans les observations du dernier orateur et dans celles de la députée de Beaver River.

Ces députés prétendent que les Américains et les Ontariens rejettent maintenant du revers de la main les efforts pour légiférer dans le domaine de l'équité en matière d'emploi. Ce n'est tout simplement pas vrai. Le projet de loi C-64 n'est pas une politique d'action positive à l'américaine. Il n'a rien à voir avec l'imposition de règlements sévères proposée dans le projet de loi du précédent gouvernement néo-démocrate de l'Ontario.

Le projet de loi C-64 porte réellement sur l'équité dans la répartition des emplois. Il ne porte pas sur des contingents. Il vise des règles d'emploi plus équitables. Il ne parle pas de traitement de faveur. Il traite d'équité dans la gestion des ressources humaines. Il ne porte pas sur des règlements complexes ou des fardeaux administratifs plus lourds pour les entreprises.

Ce projet de loi fait au Canada, à Ottawa, n'a aucune des caractéristiques des lois anti-discriminatoires que nous pouvons trouver ailleurs. Il n'a certainement pas pour objectif de jeter le blâme ou de corriger les torts du passé.

(1650)

Les réformistes se plaisent à établir des comparaisons avec l'expérience des États-Unis, mais notre projet de loi diffère des mesures législatives américaines concernant l'action positive, car notre expérience et notre histoire sont différentes de celles des États-Unis à des égards importants. Notre projet de loi n'a rien des excès du programme américain, comme des contingents inflexibles pour les emplois, des contingents sur les admissions dans les collèges, des contingents sur les préférences d'appel d'offres et des contrats réservés aux minorités dans les marchés de l'État. Ce n'est pas ce qu'on trouve dans le projet de loi.


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Le projet de loi C-64 n'est pas punitif. Au lieu de pénaliser les travailleurs, il encourage les employeurs à reconnaître les talents des femmes, des autochtones, des personnes handicapées ainsi que des membres des minorités visibles, qui forment ces prétendus groupes d'intérêts dont parlait le député qui a pris la parole avant moi, et à puiser à même ces ressources largement inexploitées. Ces quatre groupes désignés représentent 60 p. 100 de la population canadienne.

Les réformistes ont également fait état de l'expérience qu'a vécu l'Ontario, mais ils arrangent les faits à leur façon. Il n'est pas question de contingentement dans le projet de loi. Il existe en Ontario un mécanisme de mise en cause qui est la pièce maîtresse de la mesure ontarienne. La nôtre se veut plutôt un document de planification pour le développement des ressources humaines.

Contrairement à la nôtre, la mesure ontarienne comporte de très vastes pouvoirs de réglementation. Sont assujettis à cette dernière tous les employeurs du secteur privé qui ont 50 employés ou plus; elle s'applique dont à 17 000 employeurs ontariens. Par contre, le seuil fixé dans la mesure fédérale se situant juste au-dessus de 100, notre projet de loi ne s'applique qu'à 350 employeurs. Le projet de loi ontarien crée de nouveaux organismes et tribunaux aux fins de l'application de cette loi, pas le nôtre.

D'après un sondage omnibus effectué auprès des gens d'affaires tout de suite après les élections en Ontario, le milieu des affaires était d'accord avec l'équité en matière d'emploi, mais pas avec ce projet de loi en particulier. Notre projet de loi, qui s'inspire d'un modèle fort différent, est beaucoup meilleur.

Un autre élément clé du système que nous avons élaboré est le fait que nous croyons fermement à l'établissement d'objectifs souples que les entreprises seront vraisemblablement capables d'atteindre. Notre projet de loi énonce des dispositions claires et simples. On n'y trouve pas de filières de réglementation compliquées ou qui se chevauchent comme dans la loi américaine, ni le genre de fardeau en matière de réglementation qu'impose la mesure ontarienne. L'application est simplifiée et rentable, sans compter qu'elle repose sur des solutions négociées plutôt que de ruineuses contestations.

Le principal défaut que l'on trouve aux autres systèmes est justement le fait qu'ils reposent sur le principe de la contradiction. Le projet de loi C-64 mise sur le consensus, le compromis. Nous avons, au Canada, une belle tradition qui consiste à amener les gens à travailler ensemble en harmonie. Le projet de loi est réaliste. Il est bien pensé. Il vise à remédier au problème de manque d'équité en milieu de travail. Il propose une solution purement canadienne pour arriver à tirer pleinement profit de la très grande diversité de nos effectifs.

Je fais allusion ici au même principe d'équité qui amène maintenant un grand nombre de sociétés à modifier leurs pratiques d'embauche dans le sens de la diversification. Certains de ces employeurs sont venus nous dire que cela peut donner d'excellents résultats. M. Bob Sutherland, le vice-président aux ressources humaines à la Banque royale du Canada, nous a dit ceci: «Il ne fait aucun doute qu'il a été avantageux pour la Banque royale de mettre la main sur un grand nombre d'éléments forts talentueux de la population active qu'elle n'aurait jamais découverts autrement».

M. Dan Branda, le PDG de Hewlett-Packard Canada, a confié à un journaliste du Globe and Mail que la diversité est un impératif incontournable en affaires parce qu'elle donne un certain avantage quand il s'agit d'attirer les meilleurs employés et les plus brillants. Le projet de loi sur l'équité en matière d'emploi inspire-t-il des craintes à ces gens-là? Pas du tout.

L'équité en matière d'emploi vise à donner à tous les Canadiens la chance de jouir de la dignité et de la sécurité que procure un salaire. Par-dessus tout, nous mettons en pratique les valeurs qui font que nous sommes tous si fiers d'être canadiens, à savoir l'équité, la justice et l'égalité non seulement pour quelques privilégiés, mais pour tous.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir participer au débat en troisième lecture du projet de loi C-64, Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Le ministre du Développement des ressources humaines a décrit la nouvelle loi sur l'équité en matière d'emploi en ces termes: «Cette initiative est un grand pas en avant dans l'atteinte de l'équité en matière d'emploi pour les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles.»

À l'instar du ministre du DRH, le président du Conseil du Trésor a laissé entendre que cette loi est essentielle pour assurer l'équité au travail.

Je crois que le gouvernement libéral essaie de nous jeter de la poudre aux yeux en nous faisant croire qu'il nous mène vers le progrès alors qu'il veut retourner à l'âge des ténèbres.

(1655)

C'est ce que je pense parce que les gouvernements qui ont fait l'expérience de l'équité en matière d'emploi ont découvert que cela ne donnait pas les résultats escomptés, peu importe les termes employés. Vous avez beau dire que cela n'est pas tout à fait la même chose que le programme américain d'équité en matière d'emploi ou que la loi de Bob Rae. Ce que nous voulons savoir, c'est si ça marche. Ça n'a pas marché aux États-Unis. Le principe a été rejeté par les électeurs de l'Ontario et même par le Parti libéral de l'Ontario.

Entre-temps, les députés fédéraux vont de l'avant avec le projet de loi C-64 concernant l'équité en matière d'emploi. Il y est question d'objectifs numériques. Le projet de loi traite de quotas et, comme il s'agit d'une loi fédérale, il s'applique à l'échelle du pays.

Il est injuste et draconien. Il va à l'encontre de la volonté des Canadiens et de l'opinion de ceux qui ont fait l'expérience de l'équité en matière d'emploi sous toutes ses formes et qui ont découvert qu'elle ne donnait pas les résultats escomptés.

Le gouvernement libéral a décrit l'équité en matière d'emploi en des termes qui cachent l'objet réel du projet de loi. La députée qui m'a précédé a dit que ce n'est pas ce que nous pensons. C'est une espèce de projet de loi édulcoré.

Il s'agit d'équité en matière d'emploi. C'est le titre du projet de loi et c'est ce dont il est question ici. Les députés d'en face devraient avoir le courage de se lever et de déclarer qu'ils proposent l'équité en matière d'emploi, plutôt que d'affirmer qu'il s'agit d'un nouveau principe que nous n'avons jamais appliqué et que nous ne saisissons pas vraiment.


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Le gouvernement parle de garantir l'équité et la justice en milieu de travail pour tous les Canadiens. J'en doute fort. D'après moi, il faut absolument fournir à la Chambre une définition impartiale et générale de l'équité en matière d'emploi. Nous avons choisi une définition dont tous les députés devraient reconnaître la justesse.

L'équité en matière d'emploi est un train de mesures axées sur les résultats que les ministères ou les entrepreneurs, aux termes de contrats avec le gouvernement, prennent pour garantir les mêmes possibilités d'emploi à tous. Un programme d'équité en matière d'emploi comporte des objectifs qui visent à corriger divers problèmes, notamment celui de la sous-utilisation de la main-d'oeuvre. De plus, il peut aussi y être question d'aide sous forme de remboursement, d'ancienneté rétroactive, d'objectifs d'appoint ou d'échéanciers.

Je pourrais en parler longuement, mais je tiens à faire brièvement remarquer la manipulation non progressive que suppose ce projet de loi, ou les objectifs et les échéanciers que les ministériels vont sûrement fixer dans le but d'atteindre les objectifs quantitatifs dont il est question.

Cette définition fait ressortir l'objet de la mesure législative. Les libéraux ont sûrement des échéanciers qui indiquent le pourcentage des emplois que des femmes, des autochtones, des personnes handicapées et des membres de minorités visibles doivent occuper d'ici une certaine date. On peut considérer les politiques d'équité en matière d'emploi comme étant axées sur les résultats, ce qui signifie que la représentation proportionnelle, peu importe les compétences, est vraiment au coeur du projet de loi.

La position du Parti réformiste à l'égard de cette mesure est la suivante: une politique d'équité en matière d'emploi est inutile, inefficace, très coûteuse et impopulaire. Les gouvernements échouent parce qu'ils essaient de mettre en oeuvre une politique aussi discriminatoire et importune. Elle nuit à la fois aux groupes désignés et à ceux qui ne le sont pas. Pour reconnaître que les Canadiens sont égaux, il faut affirmer que l'embauche et l'avancement sont fondés uniquement sur le mérite, et non sur le sexe, la race ou un autre facteur du genre.

En matière d'emploi, la concurrence fondée sur le principe du mérite est la clé de l'égalité et de la productivité. Le Parti réformiste ne s'oppose pas à l'on aie recours à des programmes de publicité et de formation pour recruter des femmes ou des membres de minorités visibles qui ont les compétences voulues. Mais les candidats ainsi recrutés devront se mesurer aux autres et respecter des critères d'embauche et d'avancement qui sont non discriminatoires, sans égard à la couleur ou au sexe.

Le Parti réformiste est d'avis que la discrimination est un outrage inspiré par la haine et doit être éliminée de nos milieux de travail. Cependant, on n'y parviendra pas au moyen d'un programme ou d'un projet de loi sur l'équité en matière d'emploi mis au point par le gouvernement fédéral. Les entreprises privées qui ont conclu des marchés de services avec le gouvernement et les ministères disposent des mécanismes voulus pour éliminer les pratiques discriminatoires. Tout problème qui n'est pas réglé par l'entreprise ou le ministère peut faire l'objet d'un appel auprès des commissions des droits de la personne du fédéral ou des provinces, selon les termes du Code des droits de la personne.

Les entreprises privées, en particulier, ont intérêt à maintenir des effectifs représentatifs, parce que cela fait du sens en affaires. Selon Fazil Mihlar, du Fraser Institute:

La solution au problème réside dans le fait que le recrutement fondé sur la discrimination coûte de l'argent aux entreprises; donc, si un employeur refuse de recruter le meilleur candidat pour un poste donné, la productivité de l'employeur en faute va forcément en souffrir, ce qui se traduira par une baisse des bénéfices. Plus une industrie est compétitive, moins les entreprises qui en font partie sont susceptibles de faire preuve de discrimination.
(1700)

En fin de compte, les compagnies sont capables d'assurer l'équité en matière d'emploi sans que les gouvernements n'aient à imposer des lois.

Je pourrais vous entretenir de l'expérience américaine. Nous avons déjà été critiqués dans cette Chambre pour l'avoir fait, mais si le temps me le permet, je vais encore le faire.

Nous avons effectué des recherches sur la composition de la Chambre, suite aux élections fédérales de 1993. Les résultats sont intéressants et révélateurs.

Je commence avec le Parti réformiste. Notre parti a réussi à faire élire 29 p. 100 des candidates désignées pour le représenter. Ce résultat a été obtenu sans aucune manipulation ou intervention. Par comparaison, nous ne sommes parvenus à faire élire que 25 p. 100 de nos candidats masculins. En d'autres mots, le quart des hommes qui ont été nommés pour représenter notre parti ont été élus à la Chambre. Un pourcentage plus élevé, soit 29 p. 100, des femmes désignées pour être candidates du Parti réformiste sont parvenues à se faire élire lors des élections fédérales de 1993. Je répète que ce résultat a été obtenu sans aucune manipulation de la part du chef de notre parti et sans aucune directive du genre: Faites-en sorte de nommer des femmes candidates. Nous voulons que notre parti soit représenté par un grand nombre de femmes.

Les membres de notre parti qui ont choisi des femmes candidates ont choisi d'excellentes personnes qui ont reçu l'appui des électeurs. En fait, ces femmes ont connu plus de succès que les candidats masculins.

Dans le cas du Parti libéral, les chiffres sont sensiblement les mêmes. Toutefois, les libéraux ont eu plus de difficulté à faire élire des femmes que des hommes. Comme vous le savez, les libéraux ont fait élire un nombre beaucoup plus élevé de députés à la Chambre. Ainsi, 60 p. 100 des candidats masculins ont été élus. C'est la raison pour laquelle le Parti libéral forme un gouvernement majoritaire.

Avec toute la manipulation, avec le contournage du processus d'investiture du candidat dans la circonscription et la consécration de candidates vedettes, ils ont fait élire 59 p. 100 de leurs candidats féminins, soit 1 p. 100 de moins que les candidats masculins qu'ils ont fait élire. La sagesse de la direction du Parti libéral ne corres-


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pondait pas à celle des électeurs des diverses circonscriptions qui ont voté pour le candidat qu'ils jugeaient le meilleur.

Cela démontre que tout le concept d'équité en matière d'emploi, les tripotages de quotas et de résultats, non fondés sur le mérite mais sur des objectifs numériques, tout cela ne marche pas et a même nui aux libéraux lors des dernières élections.

Je vois que mon temps de parole tire à sa fin. Je voudrais parler du parti qui a fait le plus de bruit autour du concept de l'équité en matière d'emploi au Canada, le NPD. Les néo-démocrates ont évidemment recommandé des quotas très rigoureux. Ils disent que les conseils et comités de leur parti doivent comporter un nombre égal d'hommes et de femmes, de haut en bas, au-dedans comme au-dehors et ainsi de suite.

Ils ont présenté 100 candidates, dont une a été élue, leur chef de parti, qui était la candidate la plus en vue qu'ils aient proposée aux électeurs canadiens. Ils ont fait élire un pour cent de leurs candidats féminins. Ils n'ont pas eu de bien bons résultats non plus du côté des candidats masculins, mais ils en ont tout de même fait élire 4 p. 100. Cela, de la part d'un parti qui dit qu'il faut assurer l'équité en matière d'emploi, qu'il faut en faire une loi et graver ce précepte dans la pierre.

Au lieu d'avoir le gouvernement de ce côté-ci et l'opposition de ce côté-là, ils voudraient presque avoir les hommes d'un côté et les femmes de l'autre en s'assurant qu'ils soient en nombre égal. Voilà l'approche qu'ils ont adoptée touchant l'équité en matière d'emploi, mais cela ne marche tout simplement pas. Cela n'a pas marché pour leur parti.

Pourquoi les libéraux, qui sont des gens intelligents et qui forment un parti plus que séculaire, voudraient-ils nous faire adopter le projet de loi C-64, qui tentera d'imposer aux entreprises et aux ministères du gouvernement un concept qui ne marche pas en pratique, qui ne marche même pas dans leur propre parti, qui a été un échec partout où il a été mis à l'essai et qui est, oh horreur, discriminatoire de par sa nature même et avilissant pour les gens mêmes qu'il est censé aider?

J'aime bien voir des membres des minorités visibles et des femmes parmi les députés à la Chambre et dans le monde des affaires; ils y sont parce qu'ils excellent vraiment dans ce qu'ils font. J'ai beaucoup de respect pour eux, qu'ils soient noirs, blancs, jaunes ou rouges, qu'ils soient hommes ou femmes ou qu'ils soient handicapés d'une façon ou d'une autre. J'ai beaucoup de respect pour les gens qui ont réussi par leurs propres moyens. S'ils sont là grâce à des quotas imposés par un gouvernement fédéral ou s'ils obtiennent un poste uniquement parce qu'ils appartiennent à une certaine catégorie, cela leur enlève de la valeur.

(1705)

Le gouvernement devrait retirer son projet de loi parce qu'il n'est pas bon, parce qu'il est immoral et parce qu'il ne marche pas.

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de pouvoir commenter le projet de loi C-64, qui tend à modifier l'actuelle Loi fédérale sur l'équité en matière d'emploi, notamment en proposant des modalités d'exécution. La mesure vise les sociétés du secteur privé comptant 100 employés ou plus qui traitent avec le gouvernement fédéral. Par conséquent, des centaines, voire des milliers, de sociétés privées seront touchées, en fait, toutes celles qui décrochent des marchés de l'État.

Je parle à titre de député ministériel qui est mécontent de ce projet de loi. J'estime en effet qu'il est de mon devoir d'agir de la sorte, même si je suis peut-être une voix isolée parmi tous mes collègues ministériels. Je dois exprimer à propos de ce projet de loi de très graves réserves.

À mon avis, le projet de loi C-64 est entaché de grosses imperfections. C'est un projet de loi qu'on veut faire adopter précipitamment, sans avoir procédé à l'étude soigneuse que mérite toute mesure législative proposée à la Chambre.

Je dois dire pour commencer que je ne doute aucunement de la noblesse des intentions du gouvernement ni de la sincérité de ses motifs. Le renforcement de la Loi sur l'équité en matière d'emploi figurait au nombre des engagements que le Parti libéral a pris avant les dernières élections. On ne peut faire de reproches à un gouvernement qui s'efforce de tenir ses promesses. Le respect des engagements est une chose que tous les Canadiens admirent et applaudissent. En outre, il y aurait mauvaise grâce à s'opposer à cette volonté de garantir à tous les Canadiens des chances égales en matière d'emploi, à les protéger contre la discrimination fondée sur le sexe, la race ou un handicap sans importance sur le plan du travail. Il s'agit assurément d'une noble intention.

Cependant, le fait même que le projet de loi C-64 découle d'une promesse est peut-être l'une des raisons qui ont fait que le projet de loi a pu se rendre jusqu'à cette étape-ci sans qu'on examine de manière satisfaisante les énormes problèmes qu'il provoquera vraisemblablement. Le projet de loi est tout à fait contraire à certains des concepts les plus fondamentaux en matière de justice et d'équité et ne fait que réunir les conditions favorables à la discrimination, ce qu'elle cherche pourtant à éliminer.

Je me dois de croire-et je le crois-que les choses sont allées aussi loin parce que les bureaucrates chargés de rédiger le projet de loi, article par article, ont agi dans le but de permettre au gouvernement de respecter rapidement ses promesses plutôt que d'essayer de concevoir une mesure législative respectable. J'ai du mal à croire que des professionnels auraient pu rédiger un texte aussi mal ficelé.

Je ne suis pas avocat, mais il n'est pas nécessaire d'avoir fait son droit pour reconnaître les lacunes du projet de loi C-64. Tous les Canadiens savent que l'essence même de notre démocratie, de nos libertés, repose sur les concepts que nous sommes tous égaux devant la loi et que nous avons tous droit à un procès juste et équitable. Le projet de loi C-64 ne respecte pas ces deux principes.

Examinons le droit à un procès équitable. Selon le projet de loi C-64, les employeurs visés doivent dresser un plan d'équité en matière d'emploi et faire rapport tous les ans des progrès réalisés. Je vous fais grâce des détails, il me suffit de mentionner que le projet


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de loi C-64 décrit minutieusement les responsabilités que doivent assumer les employeurs afin d'atteindre l'équilibre recherché et d'embaucher des autochtones, des femmes, des membres des minorités visibles et des personnes handicapées.

Pour veiller à ce que les employeurs respectent leurs obligations, le projet de loi C-64 prévoit la nomination d'agents d'application, soit la création d'une sorte de police de l'équité en matière d'emploi gérée par la Commission canadienne des droits de la personne. Ces agents auront le pouvoir de se rendre dans les locaux de l'entreprise et de demander à voir les livres afin de vérifier si la société a un plan d'équité en matière d'emploi et prend les mesures qui s'imposent pour atteindre ses objectifs. Déjà là, nous avons un problème. Monsieur le Président, je vous rappelle le tollé général qui s'est élevé au Canada lorsque le gouvernement a proposé dans le projet de loi C-68 sur le contrôle des armes à feu des dispositions similaires autorisant des agents à faire des perquisitions. Pourtant, le gouvernement semble, ici, faire la même chose.

Les défenseurs de ce projet de loi allégueront, ce qui n'a pas encore été fait au cours d'audiences publiques ou encore à la Chambre, que ces agents d'application font un travail similaire à celui des inspecteurs qui vont chez vous vérifier les ascenseurs ou relever le compteur de gaz. Toutefois, le projet de loi C-64 accorde à ces agents d'application des pouvoirs extraordinaires. Toute entreprise qui refuse de leur faire voir ses plans ou ses livres peut être traînée en cour, mais pas devant n'importe quelle cour, au sens où l'entendent les Canadiens. La cour appelée à déterminer si l'entreprise est coupable ou innocente et à lui imposer, le cas échéant, une amende pouvant aller jusqu'à 50 000 $ est un sous-tribunal du Comité du tribunal des droits de la personne, dont le président peut nommer une à trois personnes pour entendre une cause en particulier. Ces gens-là n'ont pas à réussir l'examen du Barreau ni à être examinés sous tous les angles par les représentants élus du peuple. Le président du Comité du tribunal des droits de la personne choisit qui il veut.

(1710)

On fait bien de parler ici d'un tribunal. Le vocable est très ancien puisqu'il remonte au temps des Romains, mais c'est au Moyen-âge et à l'époque de la Révolution française qu'il a acquis le sens de cour judiciaire où des gens étaient traînés devant des juges-citoyens qui décidaient des peines selon leur humeur du moment.

Conformément au projet de loi C-64, le seul véritable critère à satisfaire pour faire partie d'un tribunal de l'équité en matière d'emploi, c'est d'être familiarisé avec la théorie et la pratique de l'équité en matière d'emploi. N'est-ce pas la plus belle invitation à la partialité qu'on ait jamais vue? La tentation de nommer des militants de l'équité en matière d'emploi ne sera-t-elle pas tout simplement trop forte? Ces juges ne seront-ils pas davantage préoccupés de faire ce qui est politiquement correct que d'être juste à l'endroit de l'accusé, de l'entreprise qui conteste l'évaluation d'un agent d'application?

Pire, les décisions des tribunaux établis par le projet de loi C-64 seront sans appel. Le projet de loi prévoit spécifiquement qu'une entreprise qui est reconnue coupable par le tribunal ne peut interjeter appel devant aucun autre tribunal, sauf pour des détails techniques. Les décisions du tribunal sont sans appel. Qui a jamais entendu parler d'une telle chose? Même les personnes qui sont reconnues coupables de meurtre peuvent interjeter appel, mais pas un employeur qui a omis de déposer, à la satisfaction d'un tribunal d'équité en matière d'emploi, un programme d'équité en matière d'emploi.

Je signale, toutefois, que la décision d'imposer une amende à une entreprise doit être prise par le ministre du Développement des ressources humaines. Le rôle du tribunal se résume à l'approuver ou non. Parlons franchement. Le ministre du Développement des ressources humaines dont il est question ici n'est pas le ministre lui-même, mais les bureaucrates qui travaillent sous sa direction. Si une amende est imposée, elle le sera par le sous-ministre, le sous-ministre adjoint ou un adjoint du sous-ministre adjoint. La décision sera prise par les bureaucrates sur la recommandation de la Commission des droits de la personne.

Je suis absolument persuadé que l'actuel ministre du Développement des ressources humaines aura toujours le contrôle sur son ministère et examinera personnellement toute proposition visant à imposer une amende à un employeur du secteur privé, mais comment être assuré que quelque futur ministre du Développement des ressources humaines n'abandonnera pas, faute de temps, de telles décisions à son sous-ministre ou à son sous-ministre adjoint, par exemple? Cela risque d'être pire que le tribunal. La décision de pénaliser une entreprise viendra au bout du compte des bureaucrates. Ce sont eux qui décideront. Je crois certes que la fonction publique du Canada est la meilleure du monde, mais je doute qu'elle comprenne bien les problèmes des employeurs du secteur privé et qu'elle éprouve de la compassion pour eux.

Il s'agit là d'une autre réalité. Sans vouloir être cynique, j'estime que ces modifications proposées à la Loi sur l'équité en matière d'emploi pourraient donner des pouvoirs importants même à des gestionnaires de niveau inférieur. Des entreprises en concurrence pour de lucratifs marchés de l'État pourraient être arrêtées net par la menace de plaintes relativement à l'équité en matière d'emploi. Elles pourraient être tenues en otages par des personnes peu scrupuleuses. Pareille chose n'arrivera peut-être jamais, mais si dans 95 p. 100 des cas les gens sont honnêtes, il faut se méfier des 5 p. 100 qui ne le sont pas.

Si une entreprise tente d'obtenir un marché de 100 millions de dollars et qu'un agent d'application trouve tout d'un coup que son plan d'équité en matière d'emploi n'est pas satisfaisant, qu'arrivera-t-il? Le projet de loi C-64 ne prévoit aucune disposition pour surveiller les agents chargés de l'application de la politique.

L'autre principal problème avec le projet de loi C-64 a trait au fait qu'il exempte les employeurs qui n'engageraient que des autochtones. Je pourrais consacrer autant de temps à ce problème, car il est aussi fondamental et capital. Je me contenterai de dire qu'un projet de loi qui vise à éliminer la discrimination ne fait que la rendre acceptable quand il exempte un important groupe de Canadiens du fait uniquement de leur race. Cela va tout à fait à l'encontre du principe voulant que tous sont égaux devant la loi. Il vaut mieux rejeter en bloc une loi si celle-ci renferme une disposition qui traite


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un Canadien différemment d'un autre du fait de caractéristiques acquises à la naissance plutôt que de sa compétence. C'est pourtant ce que fait le projet de loi C-64. C'est malheureux, car il sème ainsi les graines de la colère et de la discorde.

Cela saute aux yeux pour moi. Je dois admettre toutefois que je ne suis qu'un profane dans les questions juridiques, à l'instar de la majorité des députés qui ont étudié ce projet de loi au comité. Évidemment, je veux savoir ce que les juristes ont à dire au sujet de ce projet de loi. Est-ce qu'ils partagent mes appréhensions? Il n'y a pas moyen de le savoir. Outre l'Association nationale de la femme et du droit, aucun groupe de juristes n'a comparu devant le comité. Je pense qu'ils n'ont jamais été invités. Cependant, les groupes d'intérêt spécial, qui sont financés par l'État, étaient tous bien représentés.

(1715)

Voici le dilemme dans lequel nous nous trouvons en tant que députés ministériels. Je constate que le projet de loi C-64 comporte des problèmes de nature juridique, mais aucun juriste n'a été consulté, semble-t-il. C'est une erreur que de laisser les tribunaux décider après l'adoption d'un projet de loi. Nous sommes censés régler les problèmes avant.

Je ne pense pas que cela ait été fait. Le problème, c'est que je ne puis rien faire d'autre que d'en parler. Le projet de loi a été renvoyé au comité après la première lecture, et a franchi l'étape du rapport et la deuxième lecture avant d'être mis aux voix en cinq jours de séance consécutifs à la Chambre des communes. Le tout a pris cinq jours de séance consécutifs, c'est tout.

Il n'y a pas eu de séances du comité après la deuxième lecture, comme c'est normalement la coutume. Mes appréhensions n'ont pu être dissipées parce que nous n'avons pas invité des experts à comparaître devant le comité pour répondre à nos questions.

J'aurais bien aimé entendre le point de vue de l'Association du Barreau canadien sur ce projet de loi. Ce n'est plus possible maintenant. J'aurais aimé faire du lobbying auprès de mes collègues députés pour les inciter à étudier le projet de loi et exprimer leur opinion. Ce n'est plus possible maintenant. J'aurais aimé savoir ce qu'en pensent des juges à la retraite ayant beaucoup d'expérience sur ce plan. Ce n'est plus possible maintenant.

Je suis un nouveau député et je trouve cela curieux. Je n'avais jamais imaginé que les lois puissent se faire ainsi.

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Monsieur le Président, je dois dire qu'il est agréable et rafraîchissant d'entendre un député libéral parler de certaines lacunes d'un projet de loi au lieu de simplement en traiter superficiellement en s'enthousiasmant et en prétendant qu'il ne présente aucun problème. C'est rafraîchissant. Je félicite le député d'avoir fait part de ses observations et d'avoir eu le courage de dire ce qu'il pense.

Je suis heureux de pouvoir participer au débat sur le projet de loi C-64, qui vise à mettre en oeuvre l'équité en matière d'emploi. Ce projet de loi vise à assujettir au principe de l'équité en matière d'emploi la fonction publique fédérale et les entreprises d'au moins cent employés qui font affaire avec le gouvernement fédéral, par l'établissement de contingents d'embauche fondés sur la race et le sexe.

Les Canadiens ont, à juste titre, plusieurs réserves au sujet de ce projet de loi. Celui-ci est en effet contradictoire, discriminatoire et condescendant. Ses principes sous-jacents portent atteinte aux valeurs les plus chères aux Canadiens, à savoir la justice et l'égalité pour tous.

À mon avis, l'embauche et l'avancement dans la fonction publique devraient se fonder sur un seul et unique principe, celui du mérite. Le gouvernement doit évidemment garantir l'égalité des chances et s'assurer que les concours de recrutement sont fondés sur le mérite, mais dans ce projet de loi, l'embauche et l'avancement en fonction de la race ou du sexe est en contradiction directe avec le principe du mérite. Si l'objectif c'est d'embaucher le meilleur candidat, la race ou le sexe ne devraient pas avoir d'importance.

Ce projet de loi est condescendant envers les groupes désignés. Il part du principe que ces groupes sont médiocres et que certains individus ne seront pas embauchés ou promus selon leurs mérites, de sorte que la seule façon de les faire embaucher ou bénéficier d'une promotion, c'est de privilégier leur race, leur sexe ou leur handicap. C'est insensé.

L'équité en matière d'emploi part du principe selon lequel, si quelqu'un fait partie d'une certaine catégorie, il a besoin d'aide, et ce n'est pas le cas. Le fait que quelqu'un soit un homme ou une femme, qu'il appartienne à une minorité visible ou qu'il soit handicapé ne signifie pas pour autant qu'il a besoin d'aide, et c'est faire preuve de racisme ou de sexisme que de sauter à de telles conclusions. L'accession aux postes de la fonction publique devrait de toute évidence dépendre du mérite et non pas de la couleur de la peau ou du sexe des candidats.

En outre, les principes directeurs fondés sur la race et le sexe peuvent avoir des effets préjudiciables sur le milieu de travail. Ils créent des tensions et du ressentiment entre les collègues de travail. L'égalité des chances consiste à donner les mêmes possibilités à chaque individu, indépendamment de sa race, de son sexe ou de sa religion, en ne privilégiant pas un groupe par rapport à un autre du fait de ses caractéristiques fondamentales.

(1720)

Les employés devraient avoir le droit à un milieu de travail sans discrimination et le gouvernement devrait protéger ce droit et non pas l'abolir, comme le fait le projet de loi. Dans cette mesure législative, il n'est pas question d'égalité, de justice ou d'embauchage du candidat le plus qualifié, mais bien d'un statut particulier dont pourraient bénéficier certains groupes en raison de leur race ou de leur sexe.

Tous les Canadiens devraient être égaux devant la loi. Le projet de loi viole ce droit fondamental. Pour cette raison seulement, le projet de loi ne devrait pas être adopté.

Les droits et les privilèges ne devraient pas être fonction de la race ou du sexe. L'idée qu'il doit en être ainsi a disparu au XIXe siècle, avec l'expansion universelle de la démocratie et des droits et libertés de l'individu. Le gouvernement parle de l'égalité des chances, mais parallèlement, il présente une mesure d'action positive qui va tout à fait à l'encontre de l'égalité. Comment le Canada peut-il prétendre être à l'avant-garde pour ce qui est de la protection légale des droits de la personne s'il présente une mesure comme celle-là?

Dans le passé, des gouvernements ont déjà adopté des programmes visant à faire bénéficier certains groupes d'une préférence. Le


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projet de loi C-64 établirait une loi et des règlements qui obligeraient les Canadiens à traiter les gens différemment selon leur race et leur sexe au moment de l'embauchage ou des promotions. Le gouvernement fait fi du respect et de la dignité de la personne pour préconiser l'implantation de pratiques racistes et sexistes. C'est un pas dans la mauvaise direction.

Personne ne devrait obtenir un poste ou se le faire refuser en raison de sa race ou de son sexe. Il est tout simplement inacceptable que des candidats soient évalués selon ces caractéristiques. Les employés doivent être jugés selon leur rendement.

L'embauchage d'employés selon leur race ou leur sexe est tout simplement inacceptable pour les Canadiens. Mais plus fondamentalement, le gouvernement n'a pas à influencer la façon dont les entreprises privées embauchent leur personnel. Les gouvernements ne doivent pas imposer leur volonté aux entreprises privées. Les Canadiens n'ont pas besoin et ne veulent pas de l'influence d'un gouvernement qui surveille le secteur privé comme Big Brother. Encore une fois, les libéraux ont sous-estimé la population canadienne. Les Canadiens ne veulent pas de cette ingérence digne de Big Brother dans leurs pratiques d'embauchage.

En outre, je m'inquiète du coût de cette mesure législative. Le gouvernement propose un programme qui pourrait coûter des milliards aux contribuables. Le total des coûts directs et indirects de l'équité en matière d'emploi pourrait atteindre plus de six milliards de dollars, près de 1 p. 100 de notre produit intérieur brut, parce qu'il touchera beaucoup d'entreprises et de personnes.

Où sont les priorités du gouvernement? Il ne peut pas garantir les fonds de pension des personnes âgées, mais il est prêt à dépenser six milliards de dollars pour l'équité en matière d'emploi. C'est fondamentalement immoral.

Cette mesure législative n'a pas sa place parmi les priorités du gouvernement. Les Canadiens seront scandalisés des sommes énormes qui seront versées au titre de ce programme parce que l'équité en matière d'emploi est inutile. Le gouvernement prétend que ce projet de loi élimine les barrières, mais ce n'est pas le cas. Au contraire, il crée des barrières.

Il est évident qu'on ne doit pas faire de discrimination contre les femmes, les minorités visibles et les personnes handicapées dans les pratiques d'embauchage. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement réagit de façon si exagérée pour essayer de corriger un problème qui, de l'avis de tous les Canadiens, n'en est tout simplement pas un.

Les élections en Ontario se sont jouées sur la question de l'équité en matière d'emploi, et les libéraux ont été défaits parce qu'ils ont essayé d'imposer cette politique à l'électorat.

Par ailleurs, cette mesure législative est contradictoire. Le projet de loi C-64 dit que personne ne devrait se voir refuser l'accès à l'emploi ou à l'avancement pour des raisons autres que la compétence. Pourtant, l'essence même de cette mesure législative contredit cet énoncé. Le projet de loi promeut la discrimination et donne de l'importance à des facteurs comme la race et le sexe dans le milieu de travail.

Tous les Canadiens doivent avoir des chances égales d'obtenir des emplois sans qu'on tienne compte de facteurs comme la race, le sexe ou le fait d'être handicapé. Les Canadiens ne devrait pas se voir refuser l'accès à l'emploi ou à l'avancement pour des raisons qui n'ont rien à voir avec leur compétence.

Je dois aussi signaler qu'on ne répare pas une injustice par une autre injustice. Beaucoup de jeunes aujourd'hui ont déjà suffisamment de facteurs qui jouent contre eux dans leur recherche d'un emploi. L'équité en matière d'emploi réduira encore davantage les chances des jeunes à qui les pratiques d'embauchage préférentiel ne s'appliquent pas, non pas parce qu'ils n'ont pas les compétences ou les aptitudes nécessaires, mais bien à cause de leurs caractéristiques héréditaires. Tout jeune qui a le malheur de n'appartenir à aucune de ces catégories sera tout simplement laissé sur le carreau.

(1725)

Les candidats à un emploi ne devraient pas être tenus de préciser la couleur de leur peau, leur origine ethnique, leur sexe ou leur religion. Il est illégal de demander à une personne son âge ou son état civil, mais on peut poser des questions au sujet de sa race? Qu'est-ce qui ne va pas là-dedans?

Un sondage Gallup mené récemment a révélé que 74 p. 100 des Canadiens sont contre l'équité en matière d'emploi. Si nous faisions un sondage aujourd'hui, je suis certain que nous arriverions aux mêmes résultats. En fait, les élections en Ontario sont la preuve la plus récente et la plus convaincante que les Canadiens rejettent l'équité en matière d'emploi et sont prêts à rejeter tout gouvernement qui propose une telle politique. Quand le gouvernement cessera-t-il d'écouter les groupes d'intérêts et commencera-t-il à écouter les Canadiens?

Pour conclure, je dois demander pourquoi le gouvernement s'entête à vouloir faire adopter des mesures législatives qui vont à l'encontre des désirs de la majorité des Canadiens. Le gouvernement précédent avait commis la même erreur, et nous savons tous le prix qu'il a dû payer pour ne pas avoir écouté. La question est la suivante: les libéraux sont-ils prêts à écouter ou vont-ils imposer à la population canadienne un projet de loi qu'elle ne veut pas et subir le même sort que les conservateurs? L'avenir le dira.

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de participer au débat sur le projet de loi C-64, Loi concernant l'équité en matière d'emploi.

[Français]

Lorsque j'écoute les honorables députés d'en face, j'ai parfois l'impression qu'à leurs yeux, l'équité en matière d'emploi n'est qu'un jeu de nombres. Ce n'est pas le cas. Le gouvernement a appliqué une approche holistique à l'équité en matière d'emploi. Contrairement à ce que semblent croire les membres du Parti réformiste, nous ne nous contentons pas d'additionner ou de soustraire des nombres.

[Traduction]

Au contraire, l'adoption du projet de loi C-64 facilitera l'application de la Loi sur l'équité en matière d'emploi et nous permettra de poursuivre la lutte contre la discrimination systémique pour faire en sorte que la composition de la fonction publique fédérale reflète la diversité de la société canadienne.

Il importe de signaler que le gouvernement n'est pas seul à vouloir une population active diversifiée. Un nombre croissant d'employeurs appuient l'équité en matière d'emploi. Ils ne la consi-


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dèrent pas comme un simple exercice statistique, contrairement à ce que semblent faire les députés réformistes.

L'équité en matière d'emploi nous aide à construire une société harmonieuse. Les employeurs apprennent à gérer la diversité. En apprenant à gérer une main-d'oeuvre diversifiée, les entreprises pourront mieux tirer parti des connaissances variées de travailleurs de provenances sociales et économiques diverses.

Il existe déjà de bons exemples, comme le cours concernant les qualités de commandement, qui aide les gestionnaires à comprendre les différences de chaque employé et à diriger des équipes constituées de personnes de diverses provenances. Un autre employeur recueille de l'information sur les expériences négatives de ses employés afin de trouver la meilleure façon d'améliorer leur situation.

Certains employeurs offrent une formation sur vidéo pour aider des employés ayant des difficultés d'apprentissage et des troubles visuels à améliorer leur compétence en informatique. D'autres établissent un calendrier flexible pour permettre à leurs employés qui désirent participer aux cérémonies de leur religion de le faire à des dates précises chaque année.

En somme, les employeurs s'efforcent de créer, avec l'aide de tous leurs employés, un milieu de travail productif et harmonieux qui soit à l'image de la diversité de la société canadienne.

À mon avis, c'est le Parti réformiste qui a une fixation sur les chiffres, et non le gouvernement. Ce projet de loi n'a rien à voir avec les quotas, mais avec l'égalité en milieu de travail. Prenons, par exemple, l'amendement concernant la déclaration volontaire que le gouvernement a accepté lors de l'examen du projet de loi à l'étape du rapport. En vertu de cet amendement, l'employeur a le droit de faire valoir que, si un groupe est sous-représenté, c'est parce que des personnes ne sont pas fait de déclaration volontaire et les agents d'observation sont tenus d'en tenir compte.

Je veux dire une chose à la Chambre au sujet de la déclaration volontaire. Celle-ci a encouragé des membres de groupes désignés à se faire connaître. Autrefois, bon nombre d'entre eux essayaient de cacher à la société le fait qu'ils faisaient partie de groupes minoritaires. Il ne faut pas oublier que, pendant des années, les gens ont pensé qu'ils devaient garder pour eux leur handicap et leurs origines raciales. Les choses sont en train de changer.

Depuis 1987, les membres des groupes désignés sont plus nombreux à faire une déclaration volontaire parce qu'ils se sentent plus à l'aise de le faire.

(1730)

[Français]

Nous savons que la représentation des femmes et des membres des groupes de minorités visibles a augmenté considérablement. Dans le cas des autochtones et des personnes handicapées, l'augmentation a été plus lente, mais il y a tout de même eu une amélioration.

[Traduction]

L'équité en matière d'emploi ne consiste pas à additionner des chiffres et à les consigner dans un rapport statistique. Le Parti réformiste induit les Canadiens en erreur lorsqu'il parle ainsi de l'équité en matière d'emploi.

Le projet de loi C-64 met l'accent sur la réalité. Sa mise en oeuvre nous aidera à utiliser les ressources limitées d'une façon qui permettra à tous les Canadiens de mettre leurs connaissances et leurs compétences au service du Canada pour en faire un meilleur pays.

Bien des sociétés ont déjà pris des mesures positives en ce sens. La Société canadienne d'hypothèques et de logement a mis en place toute une série de mesures pour arriver à un effectif représentatif, y compris des initiatives spéciales à l'intention des autochtones et des personnes souffrant d'un handicap intellectuel.

[Français]

Orth-McNeil, une compagnie de produits pharmaceutiques à Don Mills, en Ontario, a adopté des horaires souples afin que ses travailleuses puissent travailler à domicile ou reprendre le travail à temps partiel au retour d'un congé de maternité. L'Université York, à North York en Ontario, cherche constamment à élargir la représentation des groupes désignés sur son campus.

[Traduction]

Même les petites et moyennes entreprises reconnaissent l'importance de l'équité en matière d'emploi. Ce midi, en venant à la Chambre des communes à partir de mon bureau de circonscription, à Orléans, je me suis arrêté dans un établissement de restauration rapide pour prendre une bouchée. La femme qui m'a servi avait un défaut d'élocution, mais j'ai été servi poliment, rapidement et comme il se doit dans un restaurant qui se respecte. Je n'ai que des compliments à faire au gérant de ce restaurant pour avoir appliqué le principe de l'équité en matière d'emploi, même pour un poste qui demande un contact direct avec la clientèle.

Le principe du projet de loi C-64 ne consiste pas à additionner des chiffres et à nous targuer d'aboutir à des nombres impressionnants. Ce projet de loi exige que nous fassions ce qu'il faut, c'est-à-dire que nous donnions à tous les Canadiens le sentiment qu'ils sont un élément de la société et qu'ils participent activement au développement d'une société juste et compatissante. Le projet de loi met un terme à la discrimination systémique dans les lieux de travail et assure à tous ceux qui sont en mesure de travailler qu'ils pourront trouver du travail. C'est là l'objet principal de cette mesure, et je suis heureux de faire savoir que je l'appuie sans réserves.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, je crois que le Canada est une mosaïque culturelle regroupant des citoyens de diverses origines ethniques et religieuses. Ces gens ont parfois surmonté d'énormes difficultés pour pouvoir venir vivre au Canada où tous les citoyens sont censés être égaux devant la loi.

Ce sentiment n'a pas toujours été partagé, ni favorisé au Canada. À diverses époques de notre histoire, certains groupes ont été la cible de discrimination et de persécution qui ont marqué notre passé, mais nous avons évolué et nous formons maintenant une société plus tolérante et plus civilisée.


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Je ne prône pas un Canada homogénéisé. Je prône l'égalité d'accès pour tous les Canadiens. Le projet de loi C-64 est un obstacle à cette égalité d'accès. En assurant l'accès à certains groupes, les libéraux limitent l'accès pour certains autres.

Il importe d'assurer aux Canadiens appartenant à des groupes traditionnellement défavorisés l'accès à l'éducation et à tous les autres avantages rattachés à la citoyenneté canadienne, mais cela ne signifie aucunement que certains groupes ou individus devraient profiter de conditions d'emploi spéciales non liées au mérite.

Selon le gouvernement, pour que la population active reflète fidèlement la composition de la société, certains groupes défavorisés doivent être spécialement protégés par des programmes gouvernementaux prévus par la loi. Cependant, il est excessif de légiférer à cet effet. Les libéraux n'obtiendront jamais l'équité en matière d'emploi en utilisant des moyens qui mènent à la dissension, même s'ils les imposent par une loi.

Si j'étais un employeur, je chercherais l'employé le plus compétent. Ce critère n'est pas lié à la race ou au sexe, mais uniquement au mérite. En vertu du plan proposé par le gouvernement, je ne pourrais plus chercher le meilleur employé, je devrais chercher le meilleur employé à l'intérieur d'un groupe désigné. Cela n'équivaut pas à l'égalité des chances prévue dans la loi. C'est un système de quotas imposés.

Selon le projet de loi, un employeur ayant un effectif d'au moins 100 personnes et faisant affaire avec le gouvernement fédéral doit s'assurer que cet effectif est représentatif de la population en général. Le gouvernement est obnubilé par les chiffres, les quotas et les statistiques, à tel point que le ministre de l'Industrie va faire faire un recensement d'après la race et même l'origine nationale des citoyens canadiens.

(1735)

Le Parti réformiste croit que la politique en matière d'immigration doit être aveugle en ce qui concerne la couleur de la peau. Une politique d'immigration qui tient compte de la race ou du pays d'origine est raciste. Si tel est le cas, que dire d'une mesure législative qui repose sur la race ou le pays d'origine? Je dirais respectueusement qu'elle est également raciste.

Le gouvernement voudrait nous faire croire que la sous-représentation des groupes désavantagés dans le milieu du travail est due à la discrimination. C'est ridicule. Au Canada, les citoyens sont libres de poursuivre la carrière de leur choix. Comment le gouvernement peut-il imposer un système qui quantifie l'accès à certains emplois? Si la discrimination contre un groupe désigné est répréhensible, elle l'est également à l'endroit de tous les Canadiens.

Choisir quelqu'un pour un emploi en se basant sur sa race ou son sexe est tout aussi répréhensible que ne pas choisir la même personne pour les mêmes raisons. Nous devons tous être égaux, indépendamment de notre race, notre langue, notre croyance, notre religion ou notre sexe.

Les pratiques d'emploi du Canada ont évolué jusqu'à un point où nous reconnaissons maintenant les erreurs du passé. J'ose espérer que nous avons aussi évolué suffisamment pour reconnaître que la fin de l'oppression d'un groupe ne passe pas par l'oppression d'un autre. Il y a encore place à beaucoup d'améliorations. Cependant, le projet de loi C-64 n'est certainement pas la réponse.

Je ne devrais pas m'attendre à ce que le gouvernement comprenne le principe de l'égalité d'accès. C'est un parti qui, au cours de l'histoire, a adopté certaines des mesures législatives qui nous ont le plus divisés. Selon un dogme libéral, en tant que pays, nous sommes censés trouver notre unité et notre force en nous concentrant sur nos différences et en faisant des exceptions pour ces différences.

Malheureusement, nous vivons dans un monde intolérant. Il suffit de regarder les nouvelles quotidiennes pour voir les atrocités qui sont commises chaque jour au nom de la différence. Pourquoi au Canada, un pays où il y a des possibilités extraordinaires, devrions-nous nous concentrer sur les différences de la population et légiférer des politiques d'emploi qui soient basées sur la race, le sexe ou le handicap physique.

Identifier un groupe particulier comme défavorisé, c'est donner l'impression que les membres de ce groupe sont incapables de réussir par eux-mêmes. De toute évidence c'est faux, et ce n'est pas rendre service à ces groupes.

Je devrais mentionner que de nombreuses femmes de ma circonscription m'ont parlé de cette question. Universellement, elles voient les quotas comme quelque chose qui diminue leur valeur personnelle, les compétences qu'elles ont acquises et leur éthique de travail. Elles veulent que l'on élimine l'intervention de l'État dans la population active, au lieu de la renforcer.

Quand le gouvernement verra-t-il les conséquences de ses gestes? De toute évidence, la population de l'Ontario a voté contre une mesure législative en matière d'équité d'emploi dont elle ne voulait pas. Est-ce que le gouvernement ne voit pas les divisions et l'animosité qu'il crée avec ses politiques? Je me demande si le gouvernement a pris en considération les effets à long terme de son système des quotas, parce qu'il y a un système de quotas. À quel stade est-ce que l'on inverse l'optique de la discrimination et que l'on se met de nouveau à promouvoir ceux que l'on a jugulés? C'est un effet cyclique et la seule solution c'est d'y mettre fin dès maintenant.

Le gouvernement devrait être proactif, et défendre l'égalité au sens le plus strict du terme. Il faut traiter tous les Canadiens de la même façon, les imposer de la même façon, les éduquer de la même façon. Aussi utopique que cela puisse paraître, c'est un pas progressiste vers l'avenir.

Tant que le gouvernement continuera de légiférer pour défendre une idéologie discriminatoire, on ne parviendra pas à atteindre ce qui est garanti par la Charte, à savoir l'égalité de tous devant la loi.

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de me prononcer aujourd'hui sur le projet de loi C-64, Loi concernant l'équité en matière d'emploi.

Je souscris à cette mesure législative. J'estime que c'est une étape importante vers la justice et l'équité au travail. Cela est particulièrement vrai pour les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les membres de minorités visibles, qui toutes représentent des segments de notre société qui n'ont pas toujours eu autant de chances que les autres. Ces groupes continuent de connaître des taux de chômage au-dessus de la moyenne, de toucher des


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salaires inférieurs à la moyenne et d'occuper souvent des emplois les moins bien rémunérés.

Ces dernières semaines s'est déroulé, à mon avis, un débat très utile sur l'équité en matière d'emploi qui nous aura permis de débattre une initiative qui contribuera à faire en sorte que tous les Canadiens aient des chances égales sur le marché du travail.

(1740)

Or, ce débat aura été marqué tout du long par un élément répétitif et perturbateur, à savoir l'effort que le Parti réformiste a sans cesse déployé pour pratiquer une politique de polarisation.

J'ai constaté au cours de ce débat que trop souvent des députés du troisième parti ont cherché à dénaturer le principe et les faits de l'équité en matière d'emploi. Ce faisant, ils ont opté pour une voie dangereuse. Au lieu de faire un pas important dans la bonne direction, ils ont préféré le statu quo. Au lieu de construire un Canada plus fort et plus ouvert, ils se livrent à de la désinformation dans le but de diviser les gens.

Avant de m'en prendre à leur politique de polarisation, j'aimerais faire quelques observations sur d'autres éléments de la position des réformistes au sujet de cette mesure législative. Selon l'élément-clé de leur position, les forces infaillibles du marché finiront bien par venir à bout des obstacles à l'emploi. C'est à cela que se ramène son additif minoritaire au rapport du comité permanent. Ils clament que le marché punira un employeur dont les pratiques en matière d'emploi sont fondées sur la discrimination systémique. Or, les forces du marché ne sauraient à elles seules faire disparaître la discrimination systématique. Les mesures volontaires visant à assurer l'équité en milieu de travail n'ont pas apporté de changements importants pour bien des gens.

Une autre dimension de la position du Parti réformiste consiste à nier la présence de discrimination systémique dans le milieu de travail. La discrimination ne découle pas seulement d'un préjugé conscient, mais également de pratiques et de mesures mises de l'avant par inadvertance. En somme, une politique apparemment neutre peut avoir un effet négatif sur certains groupes ou particuliers compte tenu de la race, du sexe ou de la présence d'un handicap.

L'expression «discrimination systémique» désigne un tel type d'obstacle non intentionnel à l'égalité. Cependant, si j'en crois les arguments présentés par les membres du tiers parti, ils croient qu'il n'y a qu'une seule sorte de discrimination. Selon eux, on peut parler de discrimination lorsqu'un employeur dit à une personne qu'il ne peut l'engager parce que c'est une femme, une autochtone ou une handicapée ou parce qu'elle fait partie d'une minorité visible. Or la discrimination systémique n'a rien à voir avec l'intention de faire de la discrimination. Les employeurs canadiens sont justes. De nombreuses organisations ont déjà reconnu l'existence d'une discrimination de ce genre dans leur milieu de travail et déploient d'énormes efforts pour l'éliminer.

Cela m'amène à mon dernier point, la politique de polarisation. Les députés du tiers parti ne cessent de discuter de cette question en des termes qui ne peuvent que créer la confusion et semer la division. Ils parlent de quotas, alors que le projet de loi les rejette de façon explicite. Ils affirment que le projet de loi favorise une nouvelle forme de discrimination, alors qu'il est évident qu'il n'en est rien. Ils disent qu'on s'attaque au principe du mérite. Pourtant, le projet de loi précise très clairement qu'aucun employeur ne sera jamais forcé d'engager une personne non qualifiée. Cela mérite d'être répété, car le tiers parti essaie de semer la confusion dans l'esprit des gens alors que le projet de loi dit clairement qu'aucun employeur ne sera jamais tenu d'engager une personne non qualifiée.

J'invite mes vis-à-vis à prendre le temps de s'asseoir et de lire le projet de loi. Ils devraient lire l'article 5 où on précise les obligations d'un employeur, l'article 6 où on signale ce qu'il n'est pas tenu de faire et l'article 10 où on définit au juste ce qu'on entend par un plan d'équité en matière d'emploi.

Le projet de loi C-64 invite les intéressés à faire des efforts raisonnables pour créer un milieu de travail où on respecte les gens. Lorsque j'écoute les arguments présentés par mes collègues d'en face, je m'aperçois clairement qu'ils ont choisi de faire fi de l'expérience de nombreux employeurs visés par la loi actuelle. Ces gens font fonctionner l'équité en matière d'emploi comme ce doit être fait. Ils voient cela comme un outil de planification des ressources humaines. Ils n'ignorent pas que la communication est un élément essentiel de tout programme efficace d'équité en matière d'emploi. Les gens doivent savoir ce qu'on entend ou pas par équité.

Lorsque les députés réformistes laissent entendre que ce projet de loi a pour objectif de retirer à certains des débouchés tout à fait légitimes pour les donner à d'autres qui ne le méritent pas, à quel type de réponse s'attendent-ils? Ils semblent vouloir provoquer une réaction de rejet. Au lieu de se concentrer sur les questions d'équité réelle en milieu de travail, ils portent plutôt leur attention sur la désinformation au sujet de l'objectif véritable du projet de loi. Ils cherchent à tabler sur les préoccupations réelles qu'ont de nombreux Canadiens au sujet de leurs emplois et de leur avenir.

(1745)

Soyons clairs. Le Parti réformiste veut faire des gains politiques à court terme en semant la peur.

Ce projet de loi répond à un vrai problème. Il réaffirme l'engagement du gouvernement à favoriser l'équité pour tous les Canadiens. Le gouvernement respecte son engagement et nous cherchons à faire des changements positifs au profit des Canadiens. Nous nous rendons compte que nier l'existence du problème ne le fera pas disparaître.

Pour conclure, le projet de loi C-64 ne vise pas à conférer un avantage injuste à certains groupes désignés. Il vise l'égalité et la suppression des obstacles à l'emploi. Lorsque ce projet de loi sera mis aux voix, je serai favorable à l'édification d'une société plus forte et plus englobante au Canada. Je voterai pour le projet de loi C-64. J'encourage tous les députés de la Chambre à en faire autant.

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, je suis bien heureux d'être de retour à la Chambre après notre semaine de congé. Les choses n'ont guère changé. Le mot «réforme» revient assez souvent dans la discussion. Vous m'en voyez ravi. Cela doit vouloir dire que les réformistes ont de bonnes idées.

Mes deux maximes préférées sont: c'est au fruit qu'on juge l'arbre et il faut mettre en pratique ce que l'on préconise. Cela fait des années que nous essayons de faire nommer des réformistes


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vice-présidents des comités de la Chambre, mais il semble que pour une raison quelconque le principe de l'équité ne vaut pas pour nous. Il y a dans nos rangs des gens compétents qui devraient occuper de telles fonctions, mais il semblerait que les règles du jeu ne sont pas celles que l'on croit. J'entends un député dire que c'est la démocratie revisitée par les libéraux. Attachons-nous à l'essentiel.

C'est avec plaisir que je prends la parole au sujet du projet de loi concernant l'équité en matière d'emploi. J'aimerais me faire l'écho de l'opinion formulée par mes collègues qui s'opposent à cette mesure législative offensante.

Le projet de loi vise à instaurer l'équité numérique dans chacun des groupes professionnels dans les organisations suivantes qui comptent au moins 100 employés: la fonction publique fédérale, les entreprises privées régies par le gouvernement fédéral ainsi que les entreprises qui travaillent à contrat pour le gouvernement fédéral. Le projet de loi devrait permettre de réaliser cet objectif grâce au contingentement des postes en fonction du sexe et de la race pour remédier à la position désavantageuse dans laquelle se trouvent certains groupes.

En application de ce projet de loi, toutes les entreprises visées seraient obligées de remplir une multitude d'exigences en matière de déclaration, dont celle de soumettre un état détaillé de leurs pratiques d'embauchage ainsi que la répartition selon la race de leurs effectifs. Ce sont là des obligations qui coûtent cher à remplir.

Le Parti réformiste est d'avis que tous les Canadiens sont égaux aux yeux de la loi et que tous sont en droit de ne pas subir de discrimination en milieu de travail. Personne ne devrait se voir refuser une chance d'emploi pour des raisons qui n'ont rien à voir avec leurs capacités intrinsèques. Le Parti réformiste estime en outre que le seul critère de sélection devrait être le mérite. Ignorer le candidat le plus qualifié pour remplir un quota fondé sur la race porte atteinte au principe du mérite et constitue un acte raciste.

Nous croyons en un système qui ne tient compte ni de la couleur ni du sexe des personnes. Les Canadiens qui désirent exercer une profession donnée ne devraient pas se heurter à la discrimination. Les personnes compétentes et disciplinées méritent d'être récompensées pour leurs efforts.

La principale hypothèse qui sous-tend la notion d'égalité dans le projet de loi C-64, c'est que l'égalité signifie une représentation numérique égale sur le marché du travail. Même dans un monde parfait, il semble peu probable que le pourcentage de membres des groupes désignés dans chaque segment du marché du travail corresponde exactement à leur pourcentage de la population active. Le gouvernement insiste pourtant pour faire de l'égalité numérique le standard de justice.

(1750)

Un rapport de 1993-1994 sur l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique affirme que l'auto-identification est à la base du programme d'équité en matière d'emploi. Cela soulève de sérieuses préoccupations quant à la fiabilité du processus d'auto-identification. Beaucoup de gens refusent de s'auto-identifier comme membre d'un groupe désigné parce qu'ils craignent d'être vus différemment par leurs collègues. Cette réticence pourrait fausser la base statistique. Si un nombre suffisant de gens refusent de s'auto-identifier, le taux de discrimination paraîtra plus élevé.

Par exemple, le greffier de la Chambre des Communes a montré les résultats d'un questionnaire d'auto-identification au comité permanent qui a étudié ce projet de loi. Le questionnaire a été envoyé à 1 700 employés de la Chambre. Seulement 23 p. 100 d'entre eux l'ont rempli et, sur ce nombre, moins de 50 ont indiqué être membres d'un groupe désigné. Il est évident que les données inexactes peuvent donner une apparence de non-respect.

Selon un rapport de 1992-1993 sur l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique, le nombre de membres de minorités visibles pourrait être sous-évalué d'une fois et demie, et celui des personnes handicapées, de deux fois et demie. De telles inexactitudes peuvent avoir des répercussions sur les employeurs. Si des membres de minorités visibles ne s'identifient pas comme tels, les rapports de l'employeur feront constamment état d'un milieu de travail non représentatif et, dans un tel cas, le non-respect ne reflétera pas la réalité.

Il y a aussi le fait que des employés seraient tentés de s'identifier faussement en répondant aux questionnaires. Comme aucune vérification n'a été faite, aucune étude n'a été effectuée sur la possibilité de tels abus. Toutefois, selon le rapport de 1994 sur la Loi concernant l'équité en matière d'emploi, en 1991, 2,3 millions de Canadiens ont fait état d'une incapacité, soit une hausse de 30 p. 100 par rapport à 1986. Le vieillissement de la population n'explique cette hausse qu'en partie.

Le projet de loi fournit aux Canadiens une bonne raison de faire état d'une incapacité. Il est troublant de constater que l'incapacité n'est pas définie de façon uniforme au Canada et qu'elle est souvent déterminée au cas par cas.

Un projet de loi de ce genre aboutit à la discrimination inversée. Pour lutter contre le racisme ou le sexisme, il fait appel à des moyens racistes ou sexistes.

En 1992, la GRC en Alberta a cessé pour un temps d'accepter les demandes d'emploi venant de jeunes blancs. La GRC met maintenant en oeuvre des programmes d'embauche préférentielle. Sur les 426 cadets à inscrire à la formation cette année, 74 p. 100 devront provenir de trois des quatre groupes désignés.

Les sondages réalisés au Canada ont constamment montré que les Canadiens s'opposent aux programmes d'équité en matière d'emploi. Un sondage Gallup de 1993 a indiqué que 74 p. 100 des personnes interrogées avaient déclaré que la compétence devait être l'unique critère d'embauche aux postes de gestion. Il faut se poser la question suivante: Quand le gouvernement commencera-t-il à écouter les Canadiens au lieu de leur imposer des lois qu'ils ne veulent pas?

Depuis deux ou trois ans, le programme des libéraux semble se résumer à ceci: «Pliez-vous à nos volontés; ne donnez pas suite aux demandes de vos électeurs.» Ce projet de loi montre encore une fois que le gouvernement libéral veut adopter de force des mesures législatives qui nuiront non seulement aux Canadiens, mais aussi à l'économie canadienne. Il est temps de se mettre à l'écoute des gens ordinaires, des entreprises qui sont à la base de notre économie,


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parce que ce sont eux qui possèdent les solutions aux problèmes du Canada et qui savent ce que les Canadiens veulent.

(1755)

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, le 3 octobre, dans cette Chambre, au début du débat sur les motions d'amendement au projet de loi C-64, le député d'Edmonton-Sud-Ouest a dit: «Le secteur privé a déjà des années lumières d'avance sur le gouvernement en matière de relations avec les minorités.»

Cette déclaration nous vient de l'un des esprits les plus éclairés du Parti réformiste. On peut se demander ce que les autres pensent lorsqu'on entend des propos aussi erronés. Cette déclaration est inexacte et même fausse. Le député n'a pas cherché à nous tromper. Il a tout simplement dit cela parce que, comme ses collègues, il ne sait pas de quoi il parle. Je veux faire une mise au point.

Notre plus récent rapport annuel a été déposé à la Chambre par le ministre du Développement des ressources humaines et le Président du Conseil du Trésor. Il révèle que, pour trois des groupes désignés, soit les femmes, les autochtones et personnes handicapées, les niveaux de représentation sont plus élevés au sein de la fonction publique fédérale que dans l'ensemble du secteur privé sous réglementation fédérale. Ce sont les faits.

La représentation plus faible des membres de minorités visibles au sein de l'ensemble de la fonction publique est en partie attribuable au fait que la fonction publique n'a pas d'équivalent du secteur bancaire, au sein duquel la représentation de ce groupe atteint 13 p. 100.

Des voix: Oh, oh.

M. Duhamel: Le Parti réformiste n'est pas au courant des faits parce qu'il n'écoute pas lorsque nous essayons de l'informer. Je vais continuer à présenter les faits aux réformistes, dans l'espoir qu'un jour ceux-ci finiront par comprendre.

Par contraste avec le secteur dont l'activité est régie par le gouvernement fédéral, les emplois dans la fonction publique ne sont pas aussi concentrés dans les grandes agglomérations urbaines, c'est-à-dire les régions métropolitaines où habitent la majorité des Canadiens et des minorités visibles. Les membres de ces minorités forment 8,3 p. 100 de la catégorie scientifique et professionnelle, relativement bien rémunérée, de la fonction publique.

Il faudrait également remarquer qu'à l'heure actuelle, un cadre supérieur sur cinq dans la fonction publique est une femme. Dans le secteur privé, cette proportion est d'un sur dix. Je suppose que les réformistes me diront que c'est mieux. Je suppose qu'ils me diront que c'est parce qu'elles ont joui d'un traitement de faveur. Non, elles n'ont pas été favorisées. C'est parce qu'on y applique des politiques ouvertes qui reconnaissent la discrimination systémique. Ce phénomène a été partiellement corrigé.

Le professeur Andrew Heed, de l'Université de Southern Queensland, en Australie, a publié une étude comparative sur les femmes occupant des postes de cadres supérieurs dans la fonction publique en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Australie, dans laquelle il concluait que le Canada était nettement le chef de file au chapitre de l'équité en matière d'emploi. Pourquoi les députés du Parti réformiste n'admettent-ils pas que nous sommes des chefs de file? Je sais pourquoi; c'est parce qu'ils ne peuvent jamais le reconnaître chaque fois que le gouvernement fait quelque chose de bien.

Qu'on ne s'y trompe pas. Il reste encore beaucoup à faire, mais nous faisons des progrès. Il s'agit de politiques saines. Il est dommage que certains les qualifient de discriminatoires pour se faire du capital politique.

[Français]

Maintenant, j'en viens à mes propos sur le projet de loi C-64. Certaines personnes ont une mauvaise conception de l'équité en matière d'emploi et du projet de loi C-64 en particulier. Elles croient, de façon erronée, à mon avis, que ce sont des expériences radicales en matière de politiques sociales. C'est à se demander s'il n'existe aucune connaissance ou appréciation des politiques passées et actuelles du gouvernement en vue d'aider les personnes défavorisées de notre société afin qu'il y ait une plus grande équité en milieu de travail.

Laissez-moi présenter les faits de sorte que ces personnes comprennent très bien les fondements historiques sur lesquels s'appuie ce projet de loi. Ils obtiendront ainsi une meilleure perspective, ils acquerront une appréciation plus juste de l'équité en matière d'emploi, j'espère.

Cette évolution de l'équité en matière d'emploi au niveau fédéral, je la présenterai en puisant sur l'expérience concrète vécue par la fonction publique.

[Traduction]

Ce que je vais dire va démontrer très clairement, et cela pourrait même être compris par ceux qui ne veulent pas le voir, que l'équité en matière d'emploi n'est pas une mesure révolutionnaire qui va cibler et punir les groupes qui ont pu bénéficier du système d'emploi dans le passé. Je veux au contraire dépeindre l'application de ce concept au Canada comme une politique sociale évolutionniste compatible avec la tradition d'équité et de dignité pour tous qui est si répandue dans l'ensemble de la société canadienne. Voici ce dont il s'agit.

(1800)

Permettez-moi de vous rappeler, à l'aide de quelques exemples, des événements historiques très importants.

La Commission royale d'enquête sur la situation de la femme a suscité les premiers efforts déployés par le gouvernement fédéral, pendant les années 70, pour traiter de façon systématique de la représentation au sein de la fonction publique.

Au début des années 80, le gouvernement fédéral a créé un programme visant à assurer la représentation équitable des femmes, des autochtones et des personnes handicapées au sein de la fonction


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publique. En 1985, les membres des minorités visibles ont été ajoutés aux groupes visés par ce programme.

Le gouvernement a aussi mis sur pied des programmes de mesures spéciales pour encourager le recrutement de personnes faisant partie des groupes désignés. Le gouvernement a mené un sondage, au moyen d'un formulaire d'auto-identification, dans l'ensemble de la fonction publique afin de recueillir les chiffres nécessaires pour la réalisation de ce programme.

[Français]

Et en 1986, suite au rapport de 1984 de la Commission royale sur l'égalité en matière d'emploi, parfois appelé le rapport Abella, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Le gouvernement a aussi instauré la politique du Conseil du Trésor sur l'équité en emploi.

En 1988, le gouvernement a établi le Groupe de travail sur les obstacles rencontrés par les femmes, dont le rapport, au-delà des apparences, est paru en avril 1990. Ce rapport préconisait un vaste éventail de mesures pour attirer, former et maintenir en poste les femmes à tous les niveaux. Il est à l'origine en particulier d'importantes propositions formulées dans le Livre blanc sur le renouveau de la fonction publique, Fonction publique 2000, et dans la Loi sur la réforme de la fonction publique déposée à la Chambre des communes.

En 1989, le Conseil du Trésor a instauré un programme annuel de prix du mérite de l'équité en emploi pour honorer les réalisations dignes de mention des ministères à l'égard des divers groupes désignés. La même année, le Centre canadien de gestion a ouvert ses portes. Entre autres choses, ce Centre appuie la mise en oeuvre d'objectifs clés d'équité en emploi, dont la gestion de la diversité des effectifs.

Aussi en 1989, le Conseil du Trésor a adopté une politique sur les services offerts aux personnes handicapées.

[Traduction]

En 1990, grâce aux conseils qui lui ont été fournis par un comité de sous-ministres, le secrétaire du Conseil du Trésor a fixé des objectifs visant l'égalité des membres des quatre groupes désignés, révisé les mécanismes d'imputabilité, évalué les progrès réalisés dans le cadre des stratégies et des initiatives nationales et donné des conseils aux ministères en ce qui concernait les stratégies et programmes de communications.

En mai 1992, le gouvernement a annoncé qu'il avait l'intention de légiférer dans le domaine de l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique, en modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques afin d'imposer à la fonction publique des obligations comparables à celles imposées aux employeurs régis par le gouvernement fédéral aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Le 18 juin 1992, le Parlement accorde la sanction royale à un projet de loi modifiant six lois fédérales visant les personnes handicapées, dont deux lois relevant du Conseil du Trésor. Il s'agissait de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le Parlement a modifié ces deux lois afin de faciliter l'accès aux dossiers du gouvernement et d'avoir, dans le cas de personnes souffrant d'une déficience sensorielle, des renseignements personnels sous une forme différente.

En décembre 1992, le Parlement a adopté la Loi sur la réforme de la fonction publique, qui modifiait diverses lois fédérales, y compris la Loi sur la gestion des finances publiques. En raison de ces modifications, le président du Conseil du Trésor est désormais tenu de déposer, tous les ans, au Parlement un rapport sur la situation de l'équité en matière d'emploi à la fonction publique au cours de l'exercice financier précédent.

[Français]

En 1993, le cadre de travail pour une meilleure équité en emploi dans la fonction publique des années 1990 a été publié. Ce cadre est le fruit de la réflexion du secrétaire du Conseil du Trésor, appuyé d'un groupe de sous-ministres. On y décrit une nouvelle approche à l'équité en emploi, à une époque où les ressources se font rares et où on demande de plus en plus aux gestionnaires et aux employés de rendre des comptes en axant le service sur le client et en puisant à l'interne leurs motivations afin de promouvoir une culture d'entreprises favorable.

En avril 1994, le Conseil du Trésor a approuvé la mise en oeuvre du nouveau programme des initiatives de mesures spéciales qui remplace les anciens programmes de mesures spéciales. Ce nouveau programme préconise davantage l'innovation et la souplesse pour accroître le taux de représentation des membres des groupes désignés et pour changer la culture d'entreprises au sein de la fonction publique.

[Traduction]

Finalement, en décembre 1994, le gouvernement a présenté le projet de loi C-64, Loi concernant l'équité en matière d'emploi, qui prévoit un seul régime légiféré pour les employés tant du secteur privé que du secteur public. Les employeurs assumeraient tous les mêmes obligations afin de garantir l'équité en matière d'emploi suivant un processus uniformisé. La Commission canadienne des droits de la personne serait autorisée à effectuer des contrôles d'application.

(1805)

[Français]

Voilà la réalité, ainsi que je viens de la décrire. J'espère que mes collègues d'en face cesseront d'utiliser ce terme, ce programme, pour essayer de prétendre qu'ils détiennent la clef de la vérité. J'espère que, finalement, ils s'arrêteront, regarderont et s'ouvriront les yeux et le coeur et admettront que sans de tels programmes, les femmes, les autochtones, les minorités visibles et d'autres groupes sous-représentés ne seraient pas traités de façon favorable.

Je pourrais parler longtemps, mais je crois quand même avoir exposé les faits. Si on a une ouverture d'esprit, tel qu'on le devrait en tant que députés, je suis convaincu que ces députés vont finalement approuver et appuyer ce projet de loi du gouvernement.


15435

[Traduction]

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, ce n'est pas avec plaisir que je prends la parole sur ce projet de loi. La coutume veut qu'on dise à la présidence et à la Chambre tout le plaisir qu'on a à être ici. Toutefois, je puis dire très franchement que ce projet de loi est horrible. Je n'arrive pas à croire que les députés d'en face vont appuyer un projet de loi dont le gouvernement conservateur a eu l'idée. Cela prouve, je suppose, que les libéraux et les conservateurs sont vraiment des âmes soeurs.

C'est avec intérêt que j'ai écouté le député du Manitoba dire avec une ardeur toute religieuse à quel point il appuie le projet de loi. Il a cité statut après statut prouvant d'une façon ou d'une autre que, grâce à cet excellent projet de loi, l'équité règnera dans tout le Canada pour le plus grand bonheur de tous les Canadiens. Malheureusement, ce n'est pas ainsi que les choses marchent.

Le député a souligné la nécessité d'avoir toutes sortes de mesures législatives et les merveilleuses choses que le gouvernement a réalisées en ce qui concerne l'équité en matière d'emploi. Bien avant que le gouvernement n'entre en jeu, des gens de divers pays se sont installés au Canada, s'y sont adaptés avec le temps, ont travaillé ensemble, puis ont fini par collaborer au sein du gouvernement.

Je suis persuadé que mon collègue, le député du Manitoba, pourrait nous raconter l'histoire de sa famille et son enfance dans les Prairies. Ma famille vient des Prairies. Lorsque les Prairies ont été colonisées, il y a de cela 75 à 100 ans, des gens sont venus de tous les coins du monde pour s'y installer. Ils étaient de langues et de cultures variées. Avec le temps, ils ont appris à se connaître, puis ils ont commencé à travailler ensemble et sont devenus non seulement des camarades de travail, mais encore des amis. Tôt ou tard, cela finit par se refléter dans la composition des gouvernements.

Je tiens à signaler à mes collègues d'en face que le gouvernement est presque toujours à la remorque de la société en ces matières. Je crois que c'est exactement ce qui s'est produit, il y a quelques années, lorsque le gouvernement a commencé à légiférer sur l'équité en matière d'emploi dans les entreprises relevant de la compétence fédérale. Je vous renvoie à une étude qui a été menée, il y a quelques années, dans le secteur de la radiodiffusion et qui a montré que la SRC était nettement en retard par rapport à certains radiodiffuseurs privés. Je veux parler de CITY-TV, à Toronto, dont les animateurs ont toujours été le reflet de la collectivité torontoise. La SRC était très en retard. Bien sûr, ce fut la panique générale parce que le gouvernement ne respectait pas la loi. La chaîne CITY-TV a toujours été en avance à cet égard.

J'ai travaillé pour la société à laquelle appartient CITY-TV. La loi nous a posé toutes sortes de problèmes, notamment parce les gens devaient déclarer volontairement faire partie de tel ou tel groupe. D'autres députés en ont parlé.

Dans la petite station de radio que je dirigeais, il y avait un autochtone qui refusait de se déclarer tel. C'était tout à son honneur. En effet, personne ne veut être considéré comme une victime. Ils disent qu'ils peuvent réussir seuls. En fait, comme ils occupent déjà un emploi, c'est bien la preuve que nous n'avons pas exercé de discrimination à leur égard.

(1810)

Les gens sont capables de réussir seuls. Ils n'ont pas besoin que le gouvernement les suive pas à pas et qu'il leur dise que, parce qu'ils sont des victimes, il va intervenir et écraser tous les autres pour leur assurer une place sur le marché du travail.

Je crois que la société est toujours nettement en avance sur le gouvernement dans ces dossiers. Si les gens veulent qu'on atteigne une certaine égalité, il leur faudra attendre quelques années. Ils réaliseront tôt ou tard qu'ils ont intérêt à embaucher des gens uniquement en fonction de leur mérite. En fait, c'est ce que font de nos jours de nombreuses entreprises prospères.

À mon avis, il est très difficile pour le gouvernement de gérer les entreprises à outrance, au point de leur dire qu'il est dans leur intérêt d'embaucher des personnes appartenant à tel ou tel groupe. Si je fais valoir cet argument, c'est parce que les gens qui appartiennent, par exemple, à une certaine minorité visible viennent peut-être d'un pays étranger où ils n'ont pas encore reçu de formation dans un domaine particulier. Tant qu'ils n'ont pas passé un certain temps dans notre pays, ils n'ont peut-être pas toutes les compétences nécessaires. C'est là que doit intervenir l'éducation. Il n'appartient pas au gouvernement de légiférer en cette matière. Laissons ces gens faire les études dont ils ont besoin et ils finiront tôt ou tard par se tailler une place dans les industries visées.

Il n'est pas nécessaire que le gouvernement intervienne, qu'il sévisse et qu'il décrète que, parce que 40 p. 100 de la population dans telle région est de race bleue, il faut embaucher des personnes de race bleue, même si elles n'ont pas nécessairement les compétences voulues. C'est insensé. Je crois que la plupart des gens considèrent cela comme dégradant. C'est d'ailleurs tout à fait dégradant. À mon avis, ces personnes vont progresser selon leur mérite. Nous n'avons pas besoin de mettre en place un système de contingents comme celui qui est proposé.

Mes amis d'en face hochent la tête et disent qu'il ne s'agit pas d'un système de contingents. Si on vous dit que vous devez embaucher quelqu'un appartenant à tel ou tel groupe pour satisfaire aux exigences de la loi, on vous impose en fin de compte un contingent. Les chiffres ne sont peut-être pas précisés, mais comme l'a signalé mon collègue, le député de Lisgar-Marquette, en 1992, en Alberta, la GRC recrutait tous ses employés en conformité de la loi sur l'équité en matière d'emploi, de sorte que personne d'autre ne pouvait poser sa candidature. Le projet de loi ne donne peut-être pas de chiffres précis, mais si sa portée est telle que l'on ne peut choisir que parmi cette catégorie, en fin de compte, on n'a pas le choix. On ne peut pas engager les gens qu'on veut, en fonction de la compétence. C'est ridicule. Cela n'a absolument aucun sens.

Je suis d'avis que le débat public est toujours la solution en pareil cas. Récemment, et je n'en croyais pas mes oreilles, j'ai entendu des députés proposer l'établissement d'un code linguistique à la Chambre des communes, l'établissement d'une sorte de tribunal bidon


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pour juger de ce qu'il convient de dire et de ne pas dire à la Chambre.

Le débat public tranchera toujours en pareil cas. Toutes les améliorations que nous avons observées dans notre pays en matière de tolérance envers les autres depuis 125 ans ne sont pas attribuables à la Chambre des communes. Elles sont attribuables à ceux qui, au cours de notre histoire, ont pris conscience que leur voisin était peut-être différent, mais qu'il était leur égal et, par conséquent, ils l'ont accepté. C'est un processus d'apprentissage. Cela fait partie du discours public. Cela fait partie du débat public et, dans tous les cas qui me viennent à l'esprit et où des lois ont été adoptées à la Chambre, y compris celle de 1929 qui reconnaissait enfin que les femmes étaient des personnes, je vous garantis que les politiques étaient à la remorque du public.

Il ne fait pas de doute qu'en 1929 les hommes et les femmes qui travaillaient côte à côte à la ferme dans les Prairies se respectaient les uns les autres. Ils se reconnaissaient les uns les autres comme des personnes. Mais ce n'est qu'en 1929 que la Chambre des communes s'en est rendue compte. C'est ridicule. Je le répète, nous sommes très en retard sur notre époque en présentant ce projet de loi à la Chambre des communes.

Ce qui est bon pour l'un l'est pour l'autre. Soulignons que la Chambre des communes, tout en donnant à entendre que la mesure législative est bonne pour les industries et les entrepreneurs réglementés par le gouvernement fédéral, ne s'y soumettrait jamais elle-même. Je ne vois pas mes vis-à-vis demander à être liés par le projet de loi, ce qui les obligerait à embaucher des gens de groupes précis. Ils hochent la tête et ont tout à coup l'air nerveux.

(1815)

Nous y revoilà. C'est comme le débat sur le régime de pension des députés. Bien sûr, nous devons réduire les pensions des personnes âgées mais, lorsqu'ils s'agit des députés, c'est différent. Pour une raison ou une autre, la mesure législative devrait s'appliquer à tout le monde sauf à nous. Ils hochent encore la tête. Cependant, ils sont tout à fait incapables d'expliquer pourquoi le projet de loi ne s'appliquerait pas à eux. Regardez-les. Ils en sont réduits à chahuter parce qu'ils ne peuvent pas justifier leur position. Ils ne peuvent pas expliquer pourquoi le projet de loi ne s'appliquera pas à eux. Cela en dit long sur leurs véritables sentiments. Ils trouvent que le principe est bon en théorie. Ils pensent qu'il est bon, lorsqu'il est appliqué à la population, mais lorsque vient leur tour, c'est une autre paire de manches.

Les gestes sont plus éloquents que les paroles. Que le gouvernement exempte les Communes de la mesure me fait penser qu'il n'est pas aussi convaincu de son bien-fondé qu'il le prétend. Pour le gouvernement, ce principe est bon en théorie pour les autres, mais pas pour lui.

Je crois que les Canadiens ont démontré qu'ils le rejetaient. Selon un sondage Gallup, 72 p. 100 des Canadiens ne veulent pas de ce genre de mesure législative. Nous avons vu un gouvernement ontarien en imposer une de force. Il est temps que le gouvernement cesse de s'occuper uniquement de ses propres intérêts et de ceux de quelques groupes particuliers ou de quelques bureaucrates complètement déconnectés de la population pour commencer à s'occuper des intérêts du Canada. Le gouvernement devrait se rebrancher sur la population, cela nous éviterait d'avoir à nouveaux à nous prononcer sur des projets de loi aussi idiots.

M. Peter Thalheimer (Timmins-Chapleau, Lib.): Monsieur le Président, je trouve ahurissant de voir à quel point les réformistes donnent aux Canadiens une image déformée du projet de loi C-64. Ils emploient continuellement des termes qui ne sont pas pertinents, qu'ils se rapportent à la forme ou à l'esprit du projet de loi.

Dans son rapport minoritaire, le Parti réformiste présente l'équité en matière d'emploi et l'action positive comme une seule et même chose. Pourtant, n'importe quel Canadien clairvoyant qui lira le projet de loi C-64 ou la Loi sur l'équité en matière d'emploi verra clairement qu'il s'agit de deux choses distinctes.

Je suppose que le Parti réformiste, soucieux de rester fidèle à sa vision républicaine, avec un petit «r», veut faire en toutes choses comme les Américains. Toutefois, l'équité en matière d'emploi est le moyen choisi par les Canadiens, soucieux d'équité et de justice, pour corriger les inégalités de chances que subissent certaines personnes, notamment les personnes handicapées, les autochtones, les minorités visibles et les femmes.

Bien entendu, nous savons pourquoi les réformistes emploient l'expression «action positive». L'action positive signifie pour eux traitement préférentiel. Les réformistes croient pouvoir en faire accroire aux Canadiens en employant des expressions compliquées pour rendre le projet de loi obscur et le faire dérailler.

Les Canadiens sont beaucoup plus intelligents que ne le croient les réformistes. Ils ne se laisseront pas embobiner par un discours embrouillé qui ne traite pas du véritable objet du projet de loi C-64.

Le rapport minoritaire des réformistes contient une section dont le titre est: «Les objectifs quantitatifs sont-ils en fait des quotas?» Je suis très heureux de pouvoir répondre non à mes collègues d'en face. Les objectifs quantitatifs ne sont pas de quotas.

Je voudrais expliquer brièvement aux députés réformistes la différence qui existe entre les quotas et les objectifs puisqu'ils ne semblent visiblement pas le savoir. Je signale tout d'abord que le projet de loi C-64 interdit au départ l'imposition de quotas. Aux termes du projet de loi, un quota s'entend de l'obligation d'embaucher ou de promouvoir un nombre fixe et arbitraire de personnes dans un délai donné.

(1820)

La plupart des Canadiens comprennent la différence entre les objectifs numériques et les quotas, même si le Parti réformiste ne la comprend pas. Les objectifs se fondent sur la disponibilité de personnes compétentes pour effectuer un travail donné. Les quotas sont déterminés de façon arbitraire.

Le projet de loi stipule clairement que les employeurs ne seront pas tenus d'engager des personnes non qualifiées. Les objectifs correspondent aux pourcentages du nombre prévu de personnes


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recrutées et promues, alors que les quotas correspondent en principe à un nombre fixe de postes.

Le projet de loi stipule expressément que les employeurs ne seront pas tenus d'établir des objectifs fixes et arbitraires. Les employeurs doivent prendre toutes les mesures raisonnables pour atteindre les objectifs. Les quotas doivent être atteints indépendamment des circonstances. Le projet de loi stipule clairement que l'employeur qui prend des mesures raisonnables pour atteindre ses objectifs sera considéré comme observant la loi.

C'est la façon canadienne de procéder. L'approche adoptée par le gouvernement pour réaliser l'équité en matière d'emploi peut être décrite comme fondée sur le flux. Autrement dit, nous demandons aux femmes et aux hommes bien intentionnés de collaborer les uns avec les autres pour atteindre les objectifs d'équité en matière d'emploi dans un délai raisonnable. Ce délai est flexible et dépend de la situation propre à chaque cas. Nous savons que tous les employeurs ne pourront pas progresser au même rythme, et la commission en tiendra compte.

Nous avons un mécanisme pour les quelques employeurs qui n'observent pas la loi. Nous savons par expérience que la majorité des employeurs se montrent très positifs pour ce qui est d'atteindre les objectifs fixés dans le projet de loi C-64 et la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Pourquoi le Parti réformiste déforme-t-il ce projet de loi et induit-il les Canadiens en erreur quant à son intention? Pourquoi agir ainsi? Les Canadiens sont favorables à l'égalité des membres des groupes désignés dans leurs milieux de travail.

Je puis assurer aux députés d'en face qu'ils ne se feront pas de capital politique en dénaturant l'esprit de cette mesure législative. L'objectif du projet de loi C-64 n'est pas d'imposer des difficultés excessives aux employeurs qui font un effort honnête pour respecter l'esprit de la nouvelle loi. Je le répète parce qu'il semble que les députés réformistes aient de la difficulté à comprendre. Nous demandons simplement aux employeurs de faire un effort raisonnable pour respecter les dispositions de la loi et nous ne nous attendons à rien de plus.

Je demande aux députés du Parti réformiste de reconsidérer leur faux argument sur la nécessité de respecter des quotas. Le projet de loi rejette précisément l'imposition de quotas. C'est aussi simple que cela.

Des études récentes nous ont appris que la majorité de ceux qui accéderont prochainement au marché du travail seront des représentants des groupes désignés. C'est une raison de plus de considérer l'équité en matière d'emploi comme une mesure sensée sur le plan économique. Ce projet de loi aiderait les employeurs à se concentrer sur les compétences de ces gens productifs et travailleurs.

Cette mesure législative est tout à l'avantage des Canadiens. Elle nous aidera à mettre sur pied une main-d'oeuvre diversifiée et hautement qualifiée qui donnera un avantage concurrentiel au Canada, dans un marché mondial qui évolue rapidement. C'est pour cette raison que je suis heureux de pouvoir marquer mon appui au projet de loi C-64.

M. Vic Althouse (Mackenzie, NPD): Monsieur le Président, j'interviens pour parler de ce projet de loi sur l'équité en matière d'emploi, une notion qui ne me crée aucun problème. Même si nous vivons dans une société évoluée, nous devons admettre que tous les éléments de notre société n'acceptent pas nécessairement les minorités visibles, les autochtones, les femmes et les personnes handicapées dans les milieux de travail ou dans la société de la façon que nous considérons généralement comme la plus appropriée.

Je ne m'oppose pas à ce que la société tente d'imposer par la loi, comme on le propose dans ce projet de loi sur l'équité en matière d'emploi, certaines règles visant à prévenir toute discrimination fondée sur l'un ou l'autre des motifs énumérés dans cette proposition.

Par conséquent, je suis essentiellement d'accord avec la notion d'équité en matière d'emploi et l'obligation pour un employeur d'assurer l'égalité d'accès à tous, peu importe les circonstances de leur naissance ou le handicap que la vie a pu leur imposer par la suite.

(1825)

Toutefois, il me semble que ce projet de loi ne tient pas compte de la mondialisation de l'économie et du nouvel ordre mondial dont nous sommes témoins; l'emploi y prend une forme très différente de ce dont traite ce projet de loi et la majorité des lois récemment adoptées. Ce genre de mesure législative vise un monde du travail divisé entre employeurs et employés, mais n'a pratiquement aucun effet dans ce nouveau monde où beaucoup de gens travaillent à leur compte ou à contrat et où la sous-traitance est devenue monnaie courante, à tel point qu'il y a parfois trois, quatre, voire même cinq paliers de sous-traitance.

Par conséquent, il est quasiment impossible d'offrir le genre de protection recherché par ce projet de loi. Si les députés ne me croient pas, ils n'ont qu'à aller voir ce qui se passe juste de l'autre côté de la porte de la Chambre. Il y a des travaux en cours au Parlement, le projet de la tour de la Paix, et une employée a été traitée de la façon la plus injuste qui soit, simplement parce que c'était une femme. La Chambre, sur le territoire de laquelle s'est produite cette injustice, semble incapable de faire quoi que ce soit à ce sujet, ou ne pas vouloir intervenir. C'est soumis au contrôle du Président, mais il ne semble pas capable de faire quoi que ce soit. Le contrat de travail a été accordé par le ministre des Travaux publics qui ne peut pas trouver 10 minutes de son temps pour discuter de cela avec moi et dont les représentants ont facilité l'éviction de cette femme et de ses collègues. Ils ont dû laisser leurs outils qu'ils ne peuvent pas récupérer.

Les fois où ils ont essayé de récupérer leurs outils, les employés de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada leur ont dit qu'ils perturbaient le chantier et qu'ils ne pouvaient avoir leurs outils, parce que l'entrepreneur actuel les utilise pour terminer le travail. Cet entrepreneur les a forcés à quitter le lieu de travail parce qu'ils insistaient pour continuer à travailler avec cette femme ingénieure.


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Si nous tenons à être crédibles à la Chambre quand nous disons que nous voulons nous attaquer aux inégalités sur le marché du travail, force nous est de reconnaître qu'il arrive très souvent dans ce nouvel ordre mondial que le marché du travail soit régi par des gens qui pratiquent à tel point la sous-traitance en chaîne qu'il est impossible d'imputer la responsabilité à l'employeur qui prend ce genre de décisions, même si elles sont arbitraires, injustes et illégales. Nous n'y pouvons rien.

Il s'ensuit que le sous-traitant a forcé les employés de la construction, les maçons qui travaillaient à la tour de la Paix, à quitter leur emploi parce qu'ils persistaient à avoir recours aux services d'une femme ingénieure. Il ne trouvait rien à redire à son travail. Son objection tenait simplement au fait que c'était une femme. Il l'a clairement laissé entendre. Il les a forcés à quitter leur emploi. Ils ont dû laisser là leurs outils, sans pouvoir les récupérer par la suite. Ils peuvent recourir aux tribunaux. Ils disposent de la procédure de recours. Je me suis entretenu avec des ministériels qui ont répondu: «Dans ce cas-là, il faut faire valoir la procédure de recours.»

Malheureusement, monsieur le Président, vous savez que dans ce cas-ci, la procédure de recours est pratiquement inutile, car ce n'est pas son employeur, l'entreprise de maçonnerie qui l'a engagée à titre d'ingénieure pour cette partie du projet, qui la force à quitter ce lieu de travail, mais bien l'entreprise qui était avant lui dans la chaîne de sous-traitance. La Commission ontarienne des droits de la personne a certaines difficultés à régler cette question.

D'autres m'ont donné des conseils. Certains ministériels juristes m'ont dit qu'il fallait s'adresser à la Commission canadienne des droits de la personne, que c'était manifestement elle qui devait intervenir, car il s'agissait d'un site fédéral et de travaux pour le Parlement fédéral. Pourtant, la personne qui l'a forcée à partir n'est pas son employeur et il semble que la Commission canadienne des droits de la personne ne puisse rien faire pour réparer cette injustice.

(1830)

J'ai soulevé brièvement cette question à l'étape de la deuxième lecture et je voudrais rappeler aux députés de tous les côtés que si on permet ce type d'injustice sur nos propres terrains littéralement et si on ne peut rien faire pour remédier à la situation, il y a lieu de se demander alors en quoi il est utile d'adopter le même type de loi en appliquant les mêmes exigences aux employeurs seulement à l'égard des employés, sans tenir compte des entrepreneurs et des sous-traitants, ainsi que de toutes les autres permutations qu'on voit avec les diverses entreprises.

Qu'accomplissons-nous? Nous accomplissons bien peu sauf peut-être donner l'impression que tout le processus est plutôt stupide et qu'il en va de même de tout le groupe de parlementaires siégeant à la Chambre des communes.

Je continue de prêcher depuis mon coin éloigné. Très peu de députés sont à la Chambre lorsque je fais ma petite diatribe sur ces questions, mais j'espère que les nouvelles oreilles qui l'entendent chaque fois communiqueront mon message au reste de leurs collègues, pour savoir s'il n'y a pas un moyen d'imposer le respect de la loi, peut-être pas partout au Canada, mais du moins certainement sur les quelques acres de terrain qui se trouvent devant le Parlement.

Il s'agit là d'une grave injustice qui tourne complètement en dérision tout le processus qui s'est déroulé au cours des 15 ou 20 dernières années pour favoriser l'équité en matière d'emploi, de sorte que les femmes puissent avoir un accès égal à des emplois d'ingénieur, de scientifique, de médecin ou d'avocat.

Cette femme songe apparemment à retourner laver la vaisselle, parce que c'est le seul emploi qu'elle peut trouver pour le moment. Elle avait un emploi d'ingénieur. Le sous-traitant qui a engagé son entreprise pour faire des travaux à la tour de la Paix l'a obligée à quitter parce qu'il s'opposait à ce que son employeur persiste à employer une femme ingénieur.

Pour ses efforts, et après s'être livré à ce genre de chose, ce même sous-traitant a été récompensé en obtenant un autre contrat de sous-traitance pour effectuer des travaux à toute la Chambre des communes, au lieu de la tour de la Paix seulement.

Je ne peux pas laisser passer un débat ou une discussion sur un projet de loi d'équité en matière d'emploi sans rappeler aux députés de la Chambre qui sont présents, et j'espère que certains des députés aux premières rangées des banquettes ministérielles prendront cette question à coeur, que nous avons permis qu'une grave injustice soit commise tout juste à l'extérieur de ces portes. Si nous voulons que toute loi que nous adoptons dans cet endroit soit prise au sérieux par les gens de l'extérieur d'Ottawa, nous devrions pouvoir appliquer la loi que nous avons déjà adoptée il y a de nombreuses années lorsque des travaux sont effectués à nos édifices, ici, sur la colline du Parlement.

En attendant, je crains d'être un témoin quelque peu sceptique de ce nouvel effort pour parvenir à l'équité en matière d'emploi.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, après avoir écouté le dernier exposé et plusieurs autres durant la journée, je crois qu'il prouve qu'une grande partie du problème relève de l'application des lois existantes.

Nous avons des lois contre la discrimination et il est évident que si ces lois étaient appliquées, nous n'aurions pas besoin d'aller plus loin ou de présenter de nouvelles lois.

On n'a pas beaucoup parlé de ce que pense le milieu des affaires. Comme je viens de ce milieu, je me dois de faire savoir aux députés ce que les dirigeants d'entreprise pensent du programme d'équité en matière d'emploi.

Je suis un peu contrarié par le fait que la Chambre étudie un projet de loi qui en fin de compte institutionnalisera la discrimination en milieu de travail. C'est, à mon avis, ce que fait le projet de loi C-64, et le gouvernement libéral devrait avoir honte de promouvoir ce genre de loi archaïque.

Beaucoup de députés réformistes ont pris la parole au sujet de ce projet de loi. La raison pour laquelle nous nous y opposons est tout à fait claire. Nous ne sommes ni racistes ni sexistes, et les gourous de la rectitude politique qui essaient de décrire ainsi les adversaires des programmes d'action positive devraient être condamnés publiquement pour leur comportement.

(1835)

Les réformistes savent que les Canadiens, dans leur immense majorité, sont tout à fait contre l'établissement de quotas discriminatoires pour ce qui touche l'embauchage et l'avancement des membres des groupes cibles tels que les minorités visibles. Pareille


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discrimination est mauvaise, peu importe le nom ou la forme qu'on lui donne pour la déguiser. Le fait d'employer des expressions comme «équité en matière d'emploi» ou «objectifs numériques» ne change rien. Tous les députés devraient pourtant le savoir.

À ceux qui soutiennent que des mesures comme celle-ci s'imposent pour corriger les erreurs du passé, je voudrais rappeler qu'on ne guérit pas le mal par le mal. À cause de la discrimination, certaines personnes n'ont pas eu la vie aussi belle que d'autres dans le passé. C'est terrible, mais nous avons quand même fait un bon bout de chemin depuis et nous sommes sur la bonne voie pour remédier à la situation. Nous avons réalisé beaucoup de progrès et maintenant les Nations Unies déclarent même que notre pays est le meilleur endroit pour vivre. J'en conviens.

Le genre de sociologie appliquée typique d'un État tentaculaire contenu dans ce projet de loi est tout à fait inacceptable. Les Canadiens demandent moins d'ingérence gouvernementale dans leur vie, pas plus. C'est particulièrement vrai en matière d'action positive. Le rôle du gouvernement consiste à assurer l'égalité devant la loi et à interdire la discrimination. Le projet de loi C-64 fait pourtant tout le contraire.

Ce projet de loi inscrit l'inégalité dans la loi. Il encourage la discrimination inversée. Pire encore, il répand une mentalité de victime dans la population. Les membres de minorités et les femmes devraient se voir comme des partenaires égaux qui aident à bâtir l'avenir du Canada. On devrait les encourager à livrer concurrence, à réussir et à faire vivre leur famille.

Le projet de loi C-64 est absolument terrible, parce qu'il envoie de faux messages. Il dit aux femmes et aux membres des minorités visibles qu'ils sont des victimes, qu'ils sont opprimés et que, en l'absence d'une loi spéciale, ils ne pourront jamais réussir dans notre société. Le message est non seulement faux, mais il est aussi extrêmement contre-productif et il ne fait rien pour bâtir le Canada du XXIe siècle.

Le projet de loi C-64 entraînera une multitude de problèmes, qui iront en augmentant, comme c'est le cas aux États-Unis depuis l'entrée en vigueur d'une loi de ce genre dans les années 1960. Les Américains doivent maintenant s'en débarrasser. Mais, ils devront en assumer les coûts sociaux et économiques, et régler de nombreux autres problèmes associés à ce genre de mesure législative.

Quant aux coûts sociaux de l'action positive, ils font légion. Pour commencer, le projet de loi favorise un nouveau climat de confrontation dans le milieu du travail. Cette confrontation se produit à deux niveaux, soit entre les travailleurs déjà embauchés et entre les candidats à un emploi.

Dans le cas des candidats à un emploi, la situation est très claire, compte tenu du programme d'action positive: Si un candidat ne fait pas partie d'un des groupes désignés, il est pénalisé. Dans le cas contraire, le candidat jouit d'un traitement préférentiel. Ainsi, on passe outre le très important principe du mérite, tout en engendrant du ressentiment à l'endroit des candidats qui font l'objet d'un traitement spécial. Ce ressentiment grandissant pourrait facilement entraîner une réaction fort négative à l'égard des membres de minorités visibles, qui ne sont pourtant vraiment pas la cause du problème.

Le problème, c'est que nous avons une mauvaise mesure législative. Le problème, c'est les initiatives sociales malavisées du gouvernement qui auront de graves répercussions.

Le premier grand problème social, c'est que, aux termes du projet de loi C-64, le mérite n'est pas le seul motif d'embauche. Une fois que le Canada sera engagé sur cette pente glissante, qui peut dire où il s'arrêtera.

Pour ceux qui ont déjà un emploi, l'équité en matière d'emploi pose d'autres problèmes graves. Les deux plus importants concernent les promotions et les mises à pied. Dans les deux cas, accorder la préférence à certains employés peut avoir des conséquences catastrophiques non seulement pour l'efficacité de l'entreprise, mais aussi pour l'harmonie en milieu de travail.

Imaginons une société qui compte une centaine d'employés et a du mal à joindre les deux bouts. En pareilles circonstances, la solidarité de toute l'équipe est essentielle. L'avenir même de l'entreprise en dépend. Supposons qu'il faut mettre à pied dix personnes. Si les lois du marché s'appliquent, la société doit se départir des dix personnes dont elle peut se passer le plus facilement. Mais, s'il faut respecter les principes de la promotion sociale, que fera-t-elle? Si on a l'impression que certains sont à l'abri des mises à pied, quel effet cela aura-t-il sur l'esprit d'équipe et la camaraderie? La réponse est évidente, et tous les députés le savent.

(1840)

La situation serait la même pour les promotions. Si les employés ont l'impression que les efforts de promotion sociale font obstacle à leur progression, ils vont se défendre, et c'est le genre de situation que nous voulons éviter. Le milieu de travail devrait donner la possibilité de réussir grâce à ses compétences et à son acharnement au travail. Il ne faut pas que les Canadiens y soient désavantagés ou au contraire promus à cause de leur couleur ou de leur sexe.

Outre ces coûts sociaux qui crèvent les yeux, le projet de loi entraîne également des coûts économiques. À en juger d'après la loi ontarienne touchant l'équité en matière d'emploi, par exemple, la Chambre de commerce a calculé qu'une entreprise comptant plus de 500 employés devrait dépenser 100 000 $ uniquement pour se conformer aux formalités administratives. Ce chiffre ne tient aucun compte des intangibles attribuables à l'embauche, la mise à pied et la promotion des travailleurs en fonction de la race, du sexe ou du handicap.

Aux États-Unis, et notamment en Californie, on a calculé que le coût total de l'action positive pouvait atteindre jusqu'à 4 p. 100 du PIB. C'est exactement la proportion des dépenses consacrées à tous les programmes d'éducation dans cet État. Même si c'était le double du chiffre réel, cela représente quand même des milliards de dollars perdus. À l'ère de la concurrence mondiale, nous devons devenir efficients. Nous ne devons pas lier les mains de nos entreprises.

Les États-Unis abandonnent maintenant ce système d'action positive parce qu'il ne marchait pas. C'était une de ces expériences sociales des années 1960. Ici en Ontario, également, le gouvernement Harris a décidé de mettre au rebut la loi mal foutue du gouvernement néo-démocrate précédent en matière d'action positi-

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ve. Pourquoi? Parce que la loi était trop coûteuse et qu'elle ne fonctionnerait pas. Le Parti libéral de l'Ontario est tout à fait d'accord et aurait, lui aussi, aboli ce programme s'il avait été élu.

Je me demande pourquoi les libéraux fédéraux sont si insensibles aux désirs de la population canadienne. Ils savent peut-être ce que les Canadiens veulent, mais n'en tiennent pas compte. Le gouvernement serait-il arrogant au point de penser qu'il sait mieux que la population elle-même ce qui est dans l'intérêt de tous? Les parangons de la rectitude politique qui siègent du côté des libéraux réagiront-ils pour sauver le pays de ses sottises?

Il y a plusieurs lacunes dans ce projet de loi, plusieurs questions que nous pourrions examiner. Malheureusement, il me reste peu de temps et il se fait tard. Je demande simplement à tous les députés de réfléchir au projet de loi C-64 et à l'institutionnalisation de la discrimination qu'il entraîne. Je demande à tous les députés de bien y penser avant de voter et d'analyser les répercussions que cela pourrait avoir sur ce grand et beau pays que nous appelons le Canada.

M. McClelland: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Avec le consentement unanime de la Chambre, pourrions-nous nous entendre pour dire qu'il est 18 h 51?

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: À la demande du whip adjoint, le vote est reporté à 17 heures, demain. Y a-t-il consentement unanime pour dire qu'il est 18 h 51?

Des voix: D'accord.


15440

MOTION D'AJOURNEMENT

(1845)

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LES ESPÈCES EN VOIE DE DISPARITION

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, le 11 juin 1992, le gouvernement a signé la Convention des Nations Unies pour la conservation de la diversité biologique, convention en vertu de laquelle il s'est engagé à légiférer pour protéger les espèces en voie de disparition.

Plus de trois ans se sont écoulés, et huit des douze provinces et territoires ne sont toujours pas assujettis à une loi fédérale ou provinciale en la matière. Il n'y a pas de temps à perdre. Au Canada, 244 espèces sont actuellement reconnues comme étant en voie de disparition. Le nombre d'espèces menacées a triplé depuis dix ans, et la liste continue de s'allonger.

Le 17 août dernier, la ministre de l'Environnement a fait un premier pas devant permettre au Canada d'honorer ses obligations lorsqu'elle a annoncé le dépôt d'un projet de loi sur la protection des espèces en voie de disparition et des espèces menacées au Canada. Malheureusement, le projet de loi présenté par la ministre ne respecte ni la lettre ni l'esprit de l'engagement international que le Canada a pris afin de protéger les espèces en voie de disparition. Il ne vise que les espèces vivant dans les parcs nationaux et sur d'autres terres fédérales bien précises. Cela ne couvre que 4 p. 100 de toute la superficie terrestre du Canada et exclut entièrement le Nord.

Le 28 septembre dernier, à la Chambre, j'ai demandé à la ministre si elle assurerait une protection efficace des espèces en voie de disparition en renforçant le nouveau projet de loi. La ministre a admis que la loi ne couvrait pas autant d'espèces que le voudrait le gouvernement et a attribué cela au fait que les gouvernements provinciaux ont compétence dans certaines régions. Les Canadiens qui s'inquiètent de la survie de ces espèces ne peuvent accepter cette excuse pour l'inefficacité de la loi. Une espèce menacée d'extinction est d'une importance nationale.

Le gouvernement fédéral a plus de pouvoirs que la ministre ne veut bien admettre la ministre. La protection efficace des espèces menacées exige l'intervention du gouvernement fédéral lorsque les provinces refusent d'agir. Par exemple, les dispositions de la proposition de la ministre ne s'appliqueraient qu'aux espèces vivant dans les océans canadiens et non aux espèces dulcicoles même si la Loi sur les pêches prévoit que les espèces dulcicoles sont clairement de compétence fédérale.

La loi proposée s'appliquerait également à toutes les espèces migratoires et non pas seulement à celles qui s'aventurent sur les terres fédérales. Quelques espèces auront la chance de faire l'objet d'un rapport sur leur réaction aux mesures, mais aucun délai n'est

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fixé. En outre, le gouvernement dressera des plans de réhabilitation des espèces touchées uniquement si le coeur lui en dit.

Une loi vraiment efficace exigerait des plans de réhabilitation pour toutes les espèces menacées et en danger et interdirait qu'on les tue ou qu'on leur fasse du mal. La perte de l'habitat est la première cause du déclin d'espèces au Canada et la principale menace pour environ 80 p. 100 des espèces menacées du Canada. Pour bien protéger ces espèces, la loi doit protéger leur habitat, dont elles ont besoin pour survivre.

Le gouvernement n'a nullement tenu compte de la recommandation du groupe de travail fédéral sur les espèces menacées qui consistait à interdire les activités ayant pour effet de détruire l'habitat d'une espèce menacée.

Ayant pris conscience de l'importance de déterminer les conflits possibles et de les résoudre avant que le développement commence, le groupe de travail a également recommandé que la loi exige des études et l'approbation préalables pour toute activité proposée pouvant avoir des effets sur une espèce menacée ou son habitat. Cette recommandation n'a pas été retenue même si l'expérience montre qu'aux États-Unis l'examen préalable permet d'éviter tout conflit possible entre le développement et les espèces menacées.

Je voudrais mentionner que paraît aujourd'hui, sur un sujet connexe, le deuxième livre de la Campagne sur les espaces menacées, qui est un rapport provisoire ou un manuel du propriétaire. Il est de la plus haute importance de ne pas oublier dans quelle mesure sont étroitement liés les espaces et les espèces menacés. Je presse tous les députés de lire le rapport provisoire et d'en appuyer les recommandations.

Le gouvernement dit qu'il est déterminé à protéger. . .

Le vice-président: Malheureusement, le temps de parole du député est écoulé.

M. Lyle Vanclief (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral tient sérieusement à protéger efficacement les espèces menacées d'extinction au Canada parce qu'elles font partie de notre riche patrimoine biologique.

Certains aspects du projet de loi ne touchent directement qu'un peu plus de 5 p. 100 de la superficie terrestre du Canada, mais la mesure s'appliquerait également aux régions marines et aux espèces terrestres sous la responsabilité du gouvernement fédéral, peu importe où elles se trouvent.

(1850)

Le projet de loi prévoit l'établissement d'une liste nationale de toutes les espèces menacées d'extinction au Canada, peu importe où ces espèces se trouvent. Ce registre permettrait au gouvernement fédéral de constituer un système national complet de protection des espèces les plus menacées, en collaboration avec les provinces et les territoires. Ainsi, des espèces comme l'ours polaire pourraient continuer d'orner non seulement nos pièces de monnaie, mais aussi nos vastes espaces septentrionaux.

Avec la collaboration des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, le projet de loi permettrait d'adopter une politique nationale rigoureuse de protection des espèces menacées d'extinction. Cela ne constituerait pas une ingérence dans un domaine de compétence provincial. Le gouvernement fédéral reconnaît les responsabilités communes, mais distinctes, des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux face aux espèces menacées d'extinction.

Le projet de loi vise à compléter et non à contrecarrer les mesures prises par les provinces et les territoires. Le gouvernement fédéral est prêt à faire sa part et encourage les gouvernements provinciaux et territoriaux à faire la leur pour parvenir à une politique véritablement nationale de sauvegarde des espèces menacées d'extinction. Nous sommes confiants d'obtenir leur soutien.

Les Canadiens sont moralement responsables des mesures à prendre pour que les prochaines générations profitent de la variété des espèces sauvages. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent assurer le leadership qui s'impose et prendre les mesures législatives nécessaires.

L'AGRICULTURE

M. Vic Althouse (Mackenzie, NPD): Monsieur le Président, le 3 octobre, j'ai posé une question au ministre de l'Agriculture, lui demandant de justifier les changements de politique qui semblent s'être produits relativement au paiement à titre gracieux de 1,6 milliard de dollars prévu dans le budget pour compenser la baisse du prix des terres qui découlerait de l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau. Ces 1,6 milliard de dollars devaient être versés aux propriétaires de terres, sans que ces derniers aient à payer d'impôt sur les gains en capital, ce qui veut dire que le paiement ne serait pas imposable pour l'année où il est reçu.

Depuis ce temps, un certain nombre de changements se sont produits. Certains avaient été mentionnés dans le discours du budget, mais d'autres viennent d'on ne sait où. Il s'agit notamment de changements visant à permettre aux locataires de terres de demander une part du paiement. Toutefois, les locataires qui réussiront à obtenir du propriétaire une part du paiement ne bénéficieront pas du même traitement. En effet, cette part sera considérée comme un revenu imposable pour l'année où l'argent est reçu.

Les locataires ne pourront pas appliquer ce paiement à d'autres terres ou à d'autres biens qu'ils possèdent. Ils seront donc traités différemment. Selon certains observateurs, comme environ 40 p. 100 des terres sont louées dans la plupart des provinces, cela semble être une façon plutôt astucieuse et détournée pour le gouvernement de faire payer de l'impôt sur de l'argent qui, selon ce qui avait été annoncé, ne devait pas être assujetti à l'impôt. C'est un des points que j'avais soulevés.

L'autre, c'est que la norme semblait très mal définie en ce qui concerne les terres admissibles. Au départ, on croyait que le paiement s'appliquerait à toutes les terres agricoles, c'est-à-dire les terres qui avaient déjà été cultivées ou qui l'étaient encore et qui

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perdraient de la valeur selon les estimations du gouvernement. Pourtant, à mesure que les détails du programme sont devenus plus clairs, on a appris que les terres consacrées aux cultures permanentes, aux cultures fourragères, à la luzerne et ainsi de suite ne sont pas admissibles. C'est ce qui a été décidé tout simplement.

Par contre, les terres consacrées aux cultures, comme l'orge et l'avoine, devant être utilisées pour nourrir le bétail, soit comme fourrage ou comme du grain, sont admissibles. Ce qui est encore plus étrange, les terres en jachère, qui ne sont pas cultivées, sont admissibles au même titre que les terres cultivées. Cela semble aller à l'encontre de tout ce que le ministère de l'Agriculture a essayé de faire comprendre aux agriculteurs aux cours des 10 ou 15 dernières années, c'est-à-dire de diversifier les cultures, d'opter pour des cultures qui protègent le sol contre l'érosion éolienne. Le ministère encourageait la culture continue pour conserver le chaume. À mon avis, les cultures fourragères sont également une forme de culture continue. Elles permettent de conserver le chaume et de protéger les terres. Elles s'inscrivent dans le cadre du programme de diversification pour la vente non seulement sur le marché intérieur, mais aussi sur les marchés extérieurs.

Le gouvernement et peut-être aussi certaines des organisations agricoles qui ont négocié avec le gouvernement n'ont pas inscrits ces agriculteurs sur la liste. Je voulais soulever cette question à la période des questions et encore une fois ce soir dans le cadre du débat d'ajournement.

M. Lyle Vanclief (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, le budget de février dernier comportait des propositions sur les indemnités au titre de l'élimination de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

À ce moment-là, le gouvernement a dit très clairement qu'il entendait consulter largement les représentants des milieux agricoles à ce sujet, de manière que le programme soit le plus juste et le plus commode possible.

Dans le budget, nous avons proposé que les terres admissibles aux fins du versement de ces 1,6 milliard de dollars soient celles produisant des grains visés par la LTGO et celles qui étaient en jachère. Cela constitue une approximation raisonnable des terres bénéficiant de la subvention de la LTGO. Cette proposition a été soumise aux représentants du monde agricole.

Au cours des consultations, les représentants ont accepté la proposition du gouvernement et convenu qu'il ne fallait pas tenir compte des terres consacrées à la production de fourrage. En incluant les terres consacrées aux cultures fourragères dans le paiement, on l'aurait considérablement dilué.

Pour ce qui est de déterminer qui toucherait le paiement, nous avons encore là soumis aux chefs de file du secteur agricole la proposition gouvernementale de payer les propriétaires terriens. Au cours des consultations qui ont suivi, ces dirigeants nous ont dit approuver la proposition, mais estimer que les personnes qui louent des terres agricoles devraient aussi être reconnues d'une façon ou d'une autre dans le programme.

Par suite de ce conseil, on a établi les méthodes de mise en oeuvre du programme de façon à s'assurer que les propriétaires et les locataires en arrivent à un accord sur la façon de transférer une partie des prestations aux locataires. On s'attend à ce que cela se fasse dans bien des cas au moyen d'une réduction des taux de location des terres agricoles.

Après de nombreux entretiens avec les chefs de file du secteur agricole, le gouvernement a pu faire adopter les propositions concernant les superficies admissibles et répondre aux préoccupations des groupes d'agriculteurs en ajoutant une disposition concernant les locataires dans les méthodes de mise en oeuvre du programme.

Le vice-président: Conformément à l'article 38 du Règlement, la motion d'ajournement étant adoptée d'office, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 57.)