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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 29 novembre 1995

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE SERVICE D'ASSISTANCE CANADIEN AUX ORGANISMES

L'IMMIGRATION

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 16957

LA CONSTITUTION

LE COLLÈGE DE LAMBTON

LES PRODUITS DU TABAC

LES COURTIERS D'ASSURANCE

LES PROPOSITIONS DU PREMIER MINISTRE

    M. Bernier (Gaspé) 16958

LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

LE PARTI RÉFORMISTE

LA FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES DE LACOLOMBIE-BRITANNIQUE

LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE RÉGIONAL

    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 16959

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

L'UNITÉ NATIONALE

LA RECONNAISSANCE DU QUÉBEC COMME SOCIÉTÉ DISTINCTE

LES DROITS DE LA PERSONNE

    Mme Gagnon (Québec) 16960

LE CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS

LES DÉLINQUANTS DANGEREUX

QUESTIONS ORALES

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 16966
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 16966

LA TECHNOLOGIE DE POINTE

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 16967
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 16967
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 16967
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 16967

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 16967
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 16967

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 16968
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 16968

LES JEUNES CONTREVENANTS

LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

LE CODE D'ÉTHIQUE

LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

    Projet de loi C-110. Adoption de la motion deprésentation et de première lecture 16969

COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURES ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Proposition et adoption de la motion 16970
    Motion d'approbation du 105e rapport 16970
    Adoption de la motion 16970

LE CODE D'ÉTHIQUE

    Adoption de la motion d'adoption du rapport 16970

LE MAINTIEN DE LA PAIX

    Retrait de la motion 16970

PÉTITIONS

LA FISCALITÉ

QUESTIONS AU FEUILLETON

DEMANDES DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA RECONNAISSANCE DU QUÉBEC COMME SOCIÉTÉ DISTINCTE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 16971
    Mme Ringuette-Maltais 16985
    M. Leroux (Shefford) 16986
    Mme Ringuette-Maltais 16986
    M. Bernier (Gaspé) 16988

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI INTERDISANT L'EXPORTATION DES EAUX DU CANADA

    Projet de loi C-202. Motion de deuxième lecture 16990
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 16997

ANNEXE


16957


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mercredi 29 novembre 1995


La séance est ouverte à 14 heures.

_______________

Prière

_______________

Le Président: Chers collègues, nous allons maintenant chanter le Ô Canada sous la direction du député de Kingston et les Îles, et j'invite tous ceux qui sont présents à se joindre à nous.

[Note de l'éditeur: Tous les députés chantent l'hymne national.]

______________________________________________

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE SERVICE D'ASSISTANCE CANADIEN AUX ORGANISMES

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais rendre hommage à un de mes électeurs,M. Bruce Decker, de Grand Bend en Ontario, pour ses remarquables efforts à titre de bénévole.

M. Decker et sa femme viennent de rentrer au Canada après un séjour en Roumanie où M. Decker a mis son expertise au service d'un constructeur de locomotives pour lui montrer comment restructurer son service de marketing. M. Decker a offert ses services sous les auspices du Service d'assistance canadien aux organismes, un organisme bénévole qui, entre autres services précieux, fournit depuis 1967 des conseils aux nouvelles économies de marché en Europe centrale et en Europe de l'Est.

Le SACO est subventionné par le gouvernement du Canada par l'intermédiaire de l'ACDI. En plus de l'aide gouvernementale, le SACO bénéficie aussi de l'appui de centaines de sociétés canadiennes regroupant en tout 4 000 bénévoles. C'est ce genre d'engagement et de dévouement dont font preuve des milliers d'autres Canadiens qui a contribué à l'estime dont jouit le Canada dans le monde entier.

* * *

L'IMMIGRATION

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, où que vous soyez au monde, si vous voulez échapper à la loi, allez au Canada. Les contribuables s'occuperont de vous.

Prenez par exemple Melissa Harris, de Floride. C'est un suspect dans une affaire de double meurtre. Elle a passé la frontière et s'est rendue à Winnipeg. Elle a présenté une demande de statut de réfugié de la Floride, faut le faire, et aux frais des contribuables.

Il y a de quoi avoir honte du gouvernement libéral. Il n'y a pas de doute que le ministre de l'Immigration qualifiera cela, encore une fois, d'incident isolé. Si j'insiste, il dira simplement que, en tant que ministre, il n'a pas de pouvoirs sur la commission du statut de réfugié.

Les Canadiens devraient peut-être se pencher de plus près sur des politiques gouvernementales qui permettent à des criminels américains de réclamer le statut de réfugié, comme l'a fait Charles Ng. Qu'y a-t-il de plus important pour les Canadiens, la sécurité ou le capital politique des libéraux?

* * *

LA CONSTITUTION

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, le premier ministre a présenté des propositions post-référendaires bâclées qui, plutôt que de créer un consensus sur l'unité nationale, ne font qu'accroître les dissensions.

La formule d'amendement, qui propose la création de quatre régions, ne tient pas compte des opinions assez arrêtées de beaucoup de Canadiens de l'Ouest, qui pensent que les provinces des Prairies sont passablement différentes de la Colombie-Britannique, la troisième province du Canada en importance. Les rapports passés sur les questions constitutionnelles reconnaissaient l'importance de ce fait, puisqu'ils considéraient la Colombie-Britannique comme une région aux fins des amendements à la Constitution.

Cette proposition soulève une deuxième question majeure, soit les conséquences qu'elle aurait sur la création de nouvelles provinces. Actuellement, le territoire du Yukon, l'Arctique de l'Ouest et le tout nouveau Nunavut ne demandent pas le statut de province. Toutefois, il importe de ne pas adopter de mesures constitutionnelles qui empêcheraient la création de novelles provinces dans les années futures.

Je demande au premier ministre de préciser quelles seraient les conséquences de la formule d'amendement de son projet de loi pour ce qui est de la création de nouvelles provinces.

* * *

LE COLLÈGE DE LAMBTON

M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton, Lib.): Monsieur le Président, le Collège de Lambton, qui est situé dans la circonscription de Sarnia-Lambton que je représente, a récemment signé un accord de partenariat avec l'université polytechnique du Nicaragua. L'accord prévoit des programmes d'échange de professeurs et


16958

d'étudiants, l'établissement de liens de perfectionnement professionnel et de gestion, le partage du perfectionnement de l'enseignement, des échanges avec le secteur privé et des coentreprises entre nos deux pays.

Le Collège de Lambton travaillera en étroite collaboration avec ses partenaires du Nicaragua dans les domaines de la santé, du développement durable et de l'entrepreneurship. L'accord représente une réalisation majeure pour le programme international du collège, ainsi qu'une contribution importante au développement socio-économique du Nicaragua.

Je demande à l'Agence canadienne de développement international de se joindre aux entreprises du secteur privé qui participent au financement de cet important projet.

* * *

LES PRODUITS DU TABAC

M. Pat O'Brien (London-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, en tant que député de London-Middlesex, je désire ajouter ma voix à celle des très nombreux Canadiens qui demandent au gouvernement fédéral de prendre des mesures plus sévères contre les produits du tabac. Ces mesures pourraient prendre plusieurs formes, dont l'une serait de déclarer que le tabac est une substance dangereuse.

Je pense, comme beaucoup de mes électeurs, que l'utilisation du tabac représente actuellement la menace évitable la plus grave à la santé des Canadiens. À vrai dire, c'est beaucoup plus qu'une conviction, c'est un fait prouvé qui devrait amener les gouvernements à tous les niveaux à prendre des mesures pour contrer cette menace considérable pour la santé.

Je prie le gouvernement d'adopter une mesure législative qui placerait les produits du tabac parmi les substances dangereuses et qui réglementerait rigoureusement sa fabrication, sa commercialisation et sa distribution.

* * *

LES COURTIERS D'ASSURANCE

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Monsieur le Président, ces derniers mois, de nombreux courtiers d'assurance de Simcoe-Nord se sont adressés à moi pour exprimer leurs préoccupations. Ces petits entrepreneurs craignent, à juste titre, que les banques à charte ne soient autorisées à se lancer agressivement sur le marché des assurances.

On pourrait penser qu'il ne s'agit que d'un différend entre deux industries qui rivalisent entre elles pour la conquête d'un secteur commercial, mais c'est bien autre chose. Il y va de la survie de plusieurs centaines de petits bureaux de courtage disséminés aux quatre coins de notre pays. Il se pourrait également que les consommateurs de services d'assurance bénéficient d'une protection moins personnalisée, moins bien adaptée à leurs besoins à cause de représentants bancaires inexpérimentés qui auraient pour objectif de pousser la vente de régimes d'assurance prédéfinis et sans souplesse.

Notre gouvernement est très soucieux de créer les conditions nécessaires au développement et à la prospérité des petites et moyennes entreprises. J'espère que cette attitude positive prévaudra à l'égard des centaines de courtiers d'assurance du Canada.

* * *

[Français]

LES PROPOSITIONS DU PREMIER MINISTRE

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, nous avons tous constaté ce matin, en lisant la presse écrite, que les éditorialistes et autres observateurs des grands quotidiens se rangent presque unanimement contre les propositions du premier ministre. Que ce soit Alain Dubuc, de La Presse, Michel Auger, du Journal de Montréal, ou les éditorialistes du Soleil, du Citizen ou du Sun d'Ottawa, ils ne sont pas dupes des initiatives simplistes et superficielles faites par le premier ministre, lors de sa conférence lundi dernier.

(1405)

Pour eux, il s'agit d'une réaction improvisée, présentée en catastrophe pour sauver la face d'un gouvernement incapable de livrer la marchandise de ses promesses constitutionnelles faites lors du référendum québécois.

Les propositions du premier ministre sont rejetées au Canada anglais parce qu'elles offrent trop au Québec, et elles sont rejetées au Québec parce qu'elles sont nettement au-dessous de ses demandes minimales traditionnelles.

C'est la répétition de la réponse à l'entente de Charlottetown que tous ont rejetée.

* * *

[Traduction]

LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, cet après-midi, alors qu'il annoncera des initiatives pour apaiser le Québec, le gouvernement manifestera son mépris pour les habitants de la Colombie-Britannique. En associant la Colombie-Britannique aux provinces des Prairies pour lui accorder un droit de veto régional, le gouvernement fait preuve de sa profonde ignorance de notre population, de notre géographie et de notre histoire.

Il suffit de jeter un coup d'oeil sur un atlas quelconque pour se rendre compte que la Colombie-Britannique est une région géographique distincte. Contrairement à ce que croient les libéraux, il y a toute une différence entre la côte du Pacifique, nos nombreuses chaînes de montagnes, les champs de blé et les traces que laissent les petits mulots des Prairies.

Voilà déjà trop longtemps que le gouvernement fédéral exploite la Colombie-Britannique. Nous versons plus que notre part dans les coffres fédéraux, tandis que nous recevons beaucoup moins que nous ne le devrions sur le chapitre des dépenses fédérales ou de notre représentation à la Chambre.

Je suis d'accord avec les dirigeants de tous les partis provinciaux de la Colombie-Britannique, y compris le chef libéral Gordon Campbell qui a dénoncé cette proposition.

Dans sa volonté d'apaiser le Québec, le gouvernement. . .


16959

Le Président: La députée de Guelph-Wellington a la parole.

* * *

LE PARTI RÉFORMISTE

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens pourraient bien voir quelque chose qu'ils n'ont jamais vu auparavant: des réformistes souriants.

En effet, dans un document de stratégie réformiste qu'on a obtenu grâce à une fuite, après une présumée séance de remue-méninges, on invite les députés réformistes à sourire davantage en public. Il a fallu 50 personnes et deux années de discussions pour élaborer cette nouvelle stratégie révolutionnaire. Ses rédacteurs ont, sans aucun doute, dû répondre aux questions suivantes: Les gens reconnaîtraient-ils un réformiste souriant? Comment le fait d'être heureux affecterait-il leur politique qui consiste à tenir des propos alarmistes? Les réformistes accueilleraient-ils bien une personne joyeuse dans leurs rangs?

Nous savons que les réformistes auront peut-être du mal à s'adapter à cette nouvelle théorie du sourire. Heureusement pour eux, leur chef n'est pas tenu de donner suite à cette recommandation, mais malheureusement pour nous, nous n'aurons pas de réponse à la question la plus importante qui consiste à déterminer si les réformistes sont capables de sourire.

* * *

[Français]

LA FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le Président, cette année, la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique célèbre son 50e anniversaire.

Le mois dernier, la Fédération a tenu les célébrations du cinquantenaire et il y a beaucoup à célébrer, entre autres, six centres communautaires, deux caisses populaires bilingues, trois coopératives d'habitation, des libraires francophones, un journal hebdomadaire, un service d'éducation en français pour francophones, des services d'éducation et de formation pour adultes, des cours d'immersion pour étudiants, une compagnie professionnelle de théâtre, une chambre de commerce et des services en français au niveau de la cour.

Les 60 000 francophones qui demeurent à Maillardville, à Vancouver, à Prince George, à Kamloops, à Kelowna, à Powell River, à Nanaïmo et dans d'autres municipalités de la province sont fiers de leur patrimoine, de leur culture et des racines qui leur appartiendront toujours.

Je voudrais demander à mes collègues de se joindre à moi afin de souhaiter joyeux anniversaire et félicitations à la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique pour 50 ans de travail fructueux, engagement et dévouement à la cause de la francophonie hors Québec.

LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE RÉGIONAL

M. Patrick Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais annoncer aujourd'hui devant les députés de cette Chambre une excellente initiative mise de l'avant par le Bureau fédéral de développement régional en collaboration avec la Banque de développement du Canada.

En effet, la création d'un nouveau fonds doté d'un capital de prêts commerciaux de l'ordre de 25 millions de dollars, Idée-PME, illustre de façon remarquable les résultats positifs qu'il est possible d'obtenir lorsqu'on met à profit l'expertise de deux agences dans un partenariat innovateur. Ce partenariat, à vrai dire un mot qui plaît à mes amis d'en face, confirme bien la volonté du gouvernement du canada d'accroître le rendement des organismes économiques, qu'ils soient publics ou privés au Québec.

Cela confirme que les députés libéraux s'engagent à créer un climat d'affaires propice au développement de l'économie et la création d'emplois si importants pour les Québécois et un Québec au sein de la fédération canadienne.

* * *

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

M. André Caron (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre ne cessera de nous étonner. Le jour même où il présente une motion symbolique indiquant qu'il entend reconnaître que le Québec forme une société distincte, il nie complètement cette spécificité en faisant une offre sans contenu à toutes les provinces, indistinctement, dans le dossier de la formation de la main-d'oeuvre.

(1410)

Dans une séance d'improvisation hors du commun, il a même le culot d'utiliser la formation professionnelle pour tenter de démontrer sa bonne volonté, alors que son offre ne répond en rien au consensus québécois sur le transfert des pouvoirs et des ressources dans ce domaine.

À la première occasion qu'a le premier ministre de démontrer qu'il respecte le caractère distinct du Québec, il choisit plutôt de le traiter comme toute autre province. Faut-il lui rappeler que ce n'est pas la Saskatchewan ou Terre-Neuve qui réclament depuis des années le transfert de la formation professionnelle, c'est le Québec.

* * *

[Traduction]

L'UNITÉ NATIONALE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre nous prévient que notre nation va se désintégrer si le gouvernement fédéral cède certaines de ses responsabilités. Les soins de santé sont son exemple favori. Selon lui, si le régime de soins de santé change, le Canada cessera d'exister, comme si notre pays n'était rien de plus qu'un ensemble de pro-


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grammes sociaux. Pour les libéraux, les dépenses gouvernementales sont le ciment qui unit notre pays.

Les liens de l'unité sont plus forts que n'importe quel programme gouvernemental. Nous sommes sortis unis de deux guerres mondiales, d'une crise reliée à la conscription et d'une dépression qui a duré une décennie, non pas grâce à nos programmes, mais bien grâce à notre force de caractère et à notre grande détermination.

L'unité canadienne repose en grande partie sur des valeurs communes, comme la justice, la liberté, l'égalité, ainsi que les possibilités et les défis que présentent notre merveilleux pays. Si nous négligeons ces choses, nous perdrons effectivement notre pays.

Les libéraux devraient écouter. Des changements ayant pour objectif de réduire la taille du gouvernement fédéral, de restreindre son ingérence, sont essentiels si nous voulons préserver l'unité de la fédération.

* * *

[Français]

LA RECONNAISSANCE DU QUÉBEC COMME SOCIÉTÉ DISTINCTE

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, pendant la campagne référendaire, le premier ministre s'est engagé à reconnaître le Québec comme société distincte et, aujourd'hui, il propose de nouvelles mesures pour faire suite à cet engagement.

[Traduction]

Malheureusement, le tiers parti fait encore une fois passer son programme politique avant celui du Canada, en n'appuyant pas cette initiative qui contribuera à préserver l'unité canadienne.

Les manigances politiques du tiers parti sont aussi manifestes aujourd'hui qu'elles l'étaient en 1989, lorsque, dans un article paru dans la revue Maclean's, le chef de ce parti a comparé l'évolution constitutionnelle de notre pays au commerce de chevaux. Il était prêt, à l'époque, à échanger la clause de la société distincte contre autre chose. De toute évidence, cette forme de négociation d'un compromis contribue à susciter de plus grandes divergences entre les régions et les provinces, au lieu de créer un sentiment d'unité canadienne.

Quand le chef du Parti réformiste et ses collègues commenceront-ils à faire passer le Canada avant leurs aspirations politiques?

* * *

[Français]

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, c'est avec horreur que des milliers de Québécoises et Québécois ont vu l'émission Enjeux et ont pu constater les conséquences dramatiques de la politique de natalité pratiquée par la Chine. Un million de bébés de sexe féminin sont parqués annuellement dans des mouroirs, faute d'être nés garçon, et laissés pour compte. Elles meurent de négligence dans des pouponnières d'État.

En refusant de discuter des droits de la personne avec ses homologues chinois, sous prétexte que cela nuit aux relations commerciales, le premier ministre ferme les yeux sur cette pratique odieuse. Il est plus qu'urgent que ce gouvernement regarde de front la réalité des droits humains en Chine et dénoncent le viol des droits les plus fondamentaux des bébés chinois.

* * *

LE CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, le chef du Bloc québécois a reconfirmé une fois de plus hier qu'il n'est pas intéressé à travailler afin que le Québec soit reconnu comme société distincte à l'intérieur de la fédération canadienne.

Le chef du Bloc québécois a laissé entendre que ses préoccupations portent davantage sur la préparation de son couronnement à la tête du PQ et sa nomination à titre de premier ministre du Québec, que sur la défense des intérêts de tous les Québécois.

[Traduction]

En refusant d'accepter la proposition du gouvernement fédéral de reconnaître le Québec comme société distincte, le chef du Bloc a montré qu'il se préoccupe davantage de son accession à la direction du PQ que de la satisfaction des demandes des Québécois.

[Français]

La population du Québec découvre avec désolation que celui qu'elle avait vu comme le grand défenseur de ses intérêts est prêt à sacrifier la reconnaissance de la société distincte en échange du trône séparatiste du Québec. C'est ce qui explique pourquoi le chef du Bloc québécois ne veut plus dire oui à la société distincte.

* * *

[Traduction]

LES DÉLINQUANTS DANGEREUX

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, Phillipe Clement, Dean Cyr, Isaac Deas, Daniel Gingras, Clinton Suzack et Clinton Gayle. Qu'est-ce que tous ces noms ont en commun? Il s'agit de criminels condamnés qui, pendant qu'ils étaient sous surveillance, ont violé, tué ou torturé des Canadiens innocents.

Ce ne sont pas des cas isolés. La liste est beaucoup plus longue que celle que j'ai donnée. À chaque nom correspond celui d'au moins une victime dont la vie a pris fin de façon violente et tragique parce que son assaillant n'aurait pas dû être remis en liberté. Beaucoup de familles de ces victimes ont engagé des poursuites qui sont en instance. Elles veulent savoir pourquoi des criminels dangereux sont détenus dans des prisons sans barrières. Elles veulent

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savoir pourquoi des tueurs sans pitié obtiennent des permissions de sortie pour leur anniversaire, afin de se rendre dans des centres commerciaux accompagnés de gardiens sans armes. Elles veulent savoir pourquoi le processus décisionnel concernant les détenus en libération conditionnelle est établi par des amis politiques qui sont incompétents et qui coûtent la vie à des Canadiens innocents.

(1415)

Toutes ces atrocités relèvent du portefeuille du solliciteur général. Il est grand temps qu'il prenne ses responsabilités et se rende compte que, lorsqu'il s'agit de la sécurité des Canadiens, il n'y a pas de compromis à faire. Les Canadiens en sont assez de vivre dans la peur.

______________________________________________


16961

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le Globe and Mail nous informe des déchirements qui divisent le comité bidon que préside le ministre des Affaires intergouvernementales. Il s'agit du fameux comité qui doit se pencher sur les changements à apporter au régime fédéral pour donner suite aux promesses référendaires du premier ministre.

On apprend ainsi que d'un côté, cinq ministres, dont trois du Québec, réclament des changements en profondeur et que, de l'autre, quatre ministres ontariens persistent à croire que les Québécois se contenteront de gestes symboliques.

J'adresse ma question au ministre des Affaires intergouvernementales. Faut-il en déduire que ce sont les divisions profondes des membres de son comité qui ont poussé le premier ministre à annoncer ses propositions en catastrophe, avant même le dépôt du rapport du comité?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition officielle nous prête des motifs que nous n'avons pas. Nous travaillons sur les diverses façons dont la fédération pourrait être améliorée.

Nous avons discuté entre nous, oui, des questions de la société distincte et du droit de veto et on a déjà vu les premiers résultats que le premier ministre a annoncés. Nous discutons maintenant des autres questions, y compris la rationalisation des pouvoirs entre les provinces et le Canada. Nous allons soumettre nos recommandations au premier ministre quand elles seront prêtes.

Le fait que les ministres aient des opinions différentes sur divers sujets est tout à fait normal dans un parti comme le nôtre qui prêche la démocratie et qui la pratique.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, face aux très vives divisions qui règnent à l'intérieur du comité que préside le ministre, je lui demande s'il admettra que les initiatives creuses du premier ministre montrent qu'il a pris parti en faveur des quatre ministres de l'Ontario, lesquels croient satisfaire, avec une proposition de pacotille, la volonté de changement des Québécois.

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, dans notre comité, nous prenons en ligne de compte quels sont les intérêts du Canada, y compris ceux du Québec. Les ministres expriment leurs vues sur la base de leurs connaissances, leur expérience et leur jugement, ce qui est normal.

Ma conclusion en regard de la société distincte et du droit de veto, c'est clairement que nous sommes engagés sur une bonne voie pour faire des changements considérables dans la façon dont la fédération canadienne opère.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, j'ai entendu «engagés sur une bonne voie»; il suffit de lire les journaux pour voir que c'est la voie de l'échec.

Je demande au ministre s'il reconnaît que la démarche du gouvernement est très mal engagée, en effet, et que le gouvernement se dirige vers un autre cul-de-sac puisque, comme l'a illustré Charlottetown, toute proposition au Québec apparaît trop généreuse, vue du Canada anglais et insuffisante, vue du Québec.

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, notre comité a abordé les problèmes de l'unité dans l'optique que nous sommes restés ensemble pendant 128 ans et que nous avons toujours réglé nos problèmes, et dans l'optique également que la meilleure place où la langue française s'est développée, que j'ai personnellement vue pendant ma carrière, c'est alors que nous étions à l'intérieur du Canada.

La position de la société distincte qui est de plus en plus acceptée et qui va être incluse dans la résolution de la Chambre des communes est également une reconnaissance des aspects de la société distincte qui s'est faite à l'intérieur du Parlement canadien, à l'intérieur des provinces canadiennes et, encore une fois, elle s'est faite à l'intérieur du Canada. Les changements qui sont nécessaires peuvent et doivent se faire à l'intérieur du Canada. C'est d'ailleurs le message qui a été envoyé à tous les Canadiens, y compris à l'opposition officielle par le vote du 30 octobre dernier.

(1420)

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, certainement, à entendre le ministre des Affaires intergouvernementales, qu'il est devenu jovialiste, puisqu'il est le seul à se réjouir, à ce moment-ci, de la situation dans laquelle il s'est lui-même placé avec son gouvernement.

Dans la foulée des réactions suscitées par le dépôt des initiatives du premier ministre, les premiers ministre de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et même celui du Manitoba ont eu des mots très


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durs, tant à l'endroit des initiatives qu'à l'endroit de l'attitude même du premier ministre. De l'ensemble des réactions suscitées par les propositions du premier ministre émerge l'image d'un Canada de plus en plus divisé.

Le ministre des Affaires intergouvernementales se rend-il compte que les réactions suscitées par les propositions du premier ministre démontrent clairement qu'elles sont sérieusement compromises, au moment où on se parle, et que son gouvernement se dirige vers un cul-de-sac constitutionnel?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, au contraire. Sur la question de la société distincte, vous avez vu un grand nombre des premiers ministres canadiens, y compris ceux de l'Ouest, en particulier M. Filmon, qui ont donné leur accord. Sur ces questions, le premier ministre a indiqué que nous allions partir d'une résolution à la Chambre des communes, parce que nous ne pouvons pas faire plus au point de vue constitutionnel à présent, mais que nous avions le désir de la constitutionnaliser.

Ce qui se passe au sujet de la société distincte se passera également au sujet du droit de veto. Le premier ministre avait promis, pendant la dernière semaine de la campagne, qu'il agirait pour réinstaller le droit de veto du Québec que René Lévesque avait perdu. Nous allons le réinstaller, et c'est ça la façon de résoudre les problèmes qui existent au Canada. Nous avons un comité qui se penche actuellement sur les autres problèmes de la fédération et qui arrivera à des conclusions.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, est-ce que le ministre des Affaires intergouvernementales ne conviendra pas que ses propositions, les propositions de son gouvernement, divisent non seulement les membres de son propre comité, le comité bidon, mais divisent aussi le Cabinet, le caucus, en plus de diviser profondément le Canada tout entier?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, je recommanderais à l'opposition officielle de réconcilier le fait que, au Québec, l'opinion a été également divisée sur la question du oui et que le oui a perdu. Parce que, lorsqu'on parle d'opinion divisée, on voit une opinion divisée surtout au Québec à présent, mais il est clair également que c'est le non qui l'a emporté et que les Québécois ont signifié-et c'est une décision que vous devriez accepter, parce qu'elle est démocratique-les Québécois ont indiqué clairement qu'ils désirent des changements considérables, mais qu'ils les désirent à l'intérieur du Canada.

[Traduction]

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, une des leçons les plus évidentes du passé, c'est que les propositions d'unité sèment la discorde lorsqu'elles ont pour seul but d'apaiser une province ou un groupe de la société canadienne.

Au lendemain du référendum, les Canadiens ont exigé une nouvelle façon de considérer l'unité nationale et tous les Canadiens ont demandé instamment une refonte de la fédération.

Le premier ministre a répondu à cette demande en présentant non pas un programme canadien généreux et progressif, mais un programme québécois mesquin et régressif.

Ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales. Quand le gouvernement va-t-il présenter au Parlement un programme d'unité nationale qui répondra aux préoccupations et aux aspirations légitimes des Canadiens du Québec comme de l'extérieur du Québec?

[Français]

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, je crois que les Canadiens de toutes les régions du pays ont indiqué leur désir de garder un Canada uni.

[Traduction]

Les Canadiens de toutes les régions du pays sont venus s'exprimer à Montréal ont fait valoir l'opinion de tous les Canadiens, de la Colombie-Britannique aux Maritimes, en passant par l'Alberta et l'Ontario. Les Canadiens visent tous le même objectif: garder le Canada uni. Ils veulent que le gouvernement fédéral trouve le moyen de résoudre les problèmes actuels.

(1425)

Il est normal que les opinions diffèrent sur la façon de préserver l'unité canadienne, au point d'être parfois même contradictoires. Dans le cas qui nous occupe, il ne fait aucun doute que les Canadiens appuient les mesures que le premier ministre a présentées.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, au cours de la campagne référendaire, le premier ministre et le gouvernement fédéral ont montré qu'ils étaient dangereusement déconnectés des aspirations des Québécois. Avec ce programme québécois mal conçu, qui ne prévoit rien de plus que des vetos constitutionnels et la société distincte, le gouvernement montre qu'il est dangereusement coupé du reste du pays.

Il n'y a rien dans ces programmes d'unité qui réponde aux préoccupations de l'Ouest, du Nord, de l'Ontario ou du Canada atlantique. Et cela ne fait qu'aliéner les millions de Canadiens qui en ont assez de cette valse à deux temps que le gouvernement fédéral danse depuis 30 ans afin d'apaiser les séparatistes québécois.

Quand le gouvernement se décidera-t-il à changer d'orientation, à abandonner le statu quo et à mettre au point un programme vraiment canadien d'unité nationale, un programme qui saura satisfaire les préoccupations et les aspirations des Canadiens de l'extérieur du Québec comme des Canadiens du Québec?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je demanderai d'abord au député de reconnaître et d'admettre que les mesures annoncées cette semaine par le premier ministre ne sont que les premières d'une stratégie qui montrera bien, dans les mois à venir,


16963

que notre gouvernement a effectivement une vision nationale pour l'avenir de notre pays.

Ensuite, j'attire l'attention du député sur le fait que les termes du projet de veto qu'a déposé le premier ministre reflètent l'approche même du Parti réformiste à l'égard de sa vision d'avenir, à savoir que tout changement constitutionnel exige un consensus régional au Canada. En tant que parti régional, le Parti réformiste devrait appuyer cette façon de voir les choses, et je m'attends à ce qu'il le fasse.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, quel que soit le ministre qui présente les observations du gouvernement, celles-ci ne dénotent pas même un intérêt pour les demandes de changement constitutionnel et systémique des autres régions du pays.

Par exemple, cela fait deux ans que je siège ici et je n'ai encore jamais. . .

M. Young: Personne ne l'avait remarqué.

Mme Clancy: Révoquez-le!

M. Marchi: Qui êtes-vous? Un cow-boy?

Le Président: Le député de Calgary-Sud-Ouest est sur le point de poser sa question.

M. Manning: Monsieur le Président, au cours de cette période, nous n'avons jamais vu le gouvernement accorder la moindre priorité aux préoccupations et aux aspirations des Canadiens de la Colombie-Britannique, la troisième province la plus populeuse du Canada. La Colombie-Britannique n'est même pas représentée au Comité de l'unité et le gouvernement ne reconnaît pas qu'elle constitue en soi une région.

Le gouvernement est disposé à reconnaître le caractère distinct de la société québécoise. Quand reconnaîtra-t-il que la Colombie-Britannique est une province importante du Canada?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le chef du tiers parti persiste à vouloir donner l'impression que le point de vue de la Colombie-Britannique ne se reflète pas dans ces propositions, mais la réalité est toute autre.

Le député apprendra, s'il ne le sait pas déjà, que la formule d'amendement déjà prévue dans la Loi constitutionnelle de 1982 exige le consentement unanime des provinces pour que soit modifiée l'une ou l'autre des nombreuses questions énumérées à l'article 41 de la Constitution.

La Colombie-Britannique bénéficie d'un droit de veto à cet égard. La Colombie-Britannique, avec les autres provinces, peut mettre son veto à tout changement proposé à l'article 43 de la Constitution qui toucherait aux intérêts de la Colombie-Britannique ou de toute province adjacente.

(1430)

À l'instar de toute autre province, la Colombie-Britannique peut se dissocier de tout changement approuvé conformément à l'article 38. Le droit de veto que nous allons présenter cette semaine va permettre à la Colombie-Britannique et à toute autre province de l'Ouest d'opposer son veto à tout changement constitutionnel proposé.

Comment le chef du tiers parti peut-il alors laisser entendre que le point de vue de l'Ouest et de la Colombie-Britannique ne se reflète pas dans la Constitution?

* * *

[Français]

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales.

Le plus sérieusement du monde, le ministre des Affaires intergouvernementales a annoncé hier que le comité bidon qu'il préside et qui est divisé, selon l'aveu du ministre, continuera ses travaux malgré l'annonce des initiatives du premier ministre. Il entend même remettre des recommandations à ce dernier d'ici à Noël.

Doit-on comprendre que si le comité bidon poursuit ses travaux, c'est qu'il entend offrir davantage au Québec que ne l'a fait le premier ministre il y a à peine deux jours?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, l'opposition officielle a visiblement une obsession avec le mot «bidon» qui lui vient sûrement du fait que c'est elle qui l'a utilisé ou qui a donné le modèle avec les commissions régionales du Québec qui étaient vraiment des commissions bidon.

Le Bloc montre également que ses questions deviennent de plus en plus bidon parce que la réponse a déjà été donnée trois fois. Le comité a l'intention de faire ses recommandations au premier ministre avant Noël. Ce n'est pas quelques semaines qui vont nous troubler, mais il est clair que nous allons, dans notre rapport, considérer les autres options possibles pour régler les problèmes de la fédération qui peuvent exister maintenant en ce qui a trait aux programmes, aux activités, aux rôles et aux juridictions.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, si le mot «bidon» déplaît au ministre, c'est peut-être parce qu'il reflète la réalité.

Le ministre ne croit-il pas plutôt que l'annonce des initiatives du premier ministre sonne le glas des travaux de son comité, confirmant ainsi hors de tout doute qu'il s'agissait bien d'un comité bidon mis en scène simplement pour donner l'illusion qu'Ottawa s'apprêtait à offrir des changements au Québec? C'est ça, la réalité.


16964

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, nous avons eu un exemple d'études bidon avec les études Le Hir, si j'ai besoin de vous le rappeler. Alors si l'opposition et le Parti québécois désirent se remettre en mémoire de bons exemples de mauvaises études, ils l'ont exactement devant eux dans leur champ d'action.

Quant à notre comité, nous allons continuer encore une fois à examiner comment on peut résoudre les problèmes de la fédération, parce que notre but n'est pas de détruire le Canada; notre but est de le construire. C'est ce que la majorité des Canadiens et des Québécois nous ont demandé de faire, et, parce que nous respectons la démocratie, nous allons essayer de continuer à construire le Canada.

* * *

[Traduction]

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, les modifications que propose le premier ministre rappellent à certains d'entre nous l'accord de Charlottetown, qui a pourtant été carrément rejeté il y a trois ans. Le premier ministre ne devrait donc pas s'étonner de voir la Colombie-Britannique et l'Alberta, les deux provinces de l'Ouest les plus populeuses et les plus riches, refuser son offre.

Comment le premier ministre explique-t-il qu'il ait concocté un ensemble de mesures censées calmer les préoccupations du Québec, mais qui, du coup, insultent l'Alberta et la Colombie-Britannique?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la proposition à l'origine du projet de loi sur le droit de veto, qui sera déposé plus tard aujourd'hui, ressemble beaucoup à ce qu'on a appelé la formule de Victoria qui, en 1971, avait l'appui de la Colombie-Britannique.

Dans le contexte actuel de la Constitution, si un tel projet de loi n'était pas déposé, il serait possible de la modifier aux termes de l'article 38 de Loi constitutionnelle, même si la Colombie-Britannique et deux autres provinces de l'Ouest s'y opposaient et même si elles représentaient plus de 50 p. 100 de la population de l'Ouest.

Avec ce projet de loi, ce ne sera pas possible.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Justice se rapporte à la réalité de 1971. Je lui recommande de revenir à la réalité d'aujourd'hui.

(1435)

Il oublie que la situation change au Canada et que, dans une génération, la Colombie-Britannique sera aussi peuplée que le Québec. Il oublie aussi que les préoccupations des gens de l'Ouest ne peuvent plus être écartées. S'il ne le sait pas, il devrait aller faire un tour dans l'Ouest.

Pourquoi le premier ministre propose-t-il un droit de veto pour le Canada central, sachant fort bien que la population de la Colombie-Britannique ne l'approuvera jamais?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je doute que l'on puisse tenir pour acquis que le député parle au nom de la population de la Colombie-Britannique.

Je croyais que c'était le Parti réformiste qui avait proposé de changer la donne pour exiger qu'il y ait un consensus régional avant que toute modification constitutionnelle puisse être apportée. C'est précisément l'objet du projet de loi.

Je demande au député, étant donné qu'il représente une circonscription de la Colombie-Britannique, s'il a obtenu l'assentiment de ses collègues de l'Alberta pour proposer que la Colombie-Britannique jouisse, à elle seule, d'un droit de veto à l'égard de toute modification constitutionnelle.

* * *

[Français]

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales. Considérant l'engagement pris à la dernière minute par le premier ministre à quelques jours du référendum pour influencer les Québécois, puis la mise en place d'un comité bidon au mandat nébuleux et, enfin, l'annonce en catastrophe, lundi, de ses initiatives, il apparaît de plus en plus que le premier ministre improvise seul.

Compte tenu du tollé que provoquent ses initiatives partout au Canada, le ministre des Affaires intergouvernementales admet-il que le premier ministre agit seul dans ce dossier pour sauver sa peau face à un Parti libéral très divisé?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, au contraire. La clause sur la société distincte est une clause qui a été réclamée au Québec depuis longtemps, depuis des années, depuis des décennies, et elle l'a été pour un but qui est très important, qui est la sécurisation au Québec que peut leur apporter la reconnaissance, par le gouvernement fédéral, par la Constitution, d'une société qui a une langue parlée par la majorité de sa population, qui est différente de la langue majoritaire au Canada, et que, au Québec, il y a une culture unique, des traditions de droit civil uniques.

Ce que le Québec réclame depuis des années, à présent, la résolution du premier ministre du Canada lui apporte enfin la reconnaissance par le Canada tout entier, parce que le Parlement canadien est le seul endroit qui représente tous les Canadiens de toutes les régions. Mais le Parlement canadien s'est fait demander par le premier ministre d'approuver une résolution qui donne cette sécurisation, cette reconnaissance au Québec, que le Québec lui-même demande depuis des années.


16965

Le fait que la plupart des premiers ministres soient d'accord sur la société distincte prouve bien, une fois de plus, que les Canadiens sont maintenant. . .

Le Président: L'honorable députée de Laval-Est a la parole.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, le Parti libéral était déjà très divisé lors de Meech et de Charlottetown. Face aux propositions bidon du premier ministre et face à ses propositions bidon qui sont pires que Meech et Charlottetown, quant aux revendications du Québec, le ministre des Affaires intergouvernementales essaie de nous faire croire que c'est la lune de miel au Parti libéral, voyons donc!

(1440)

Compte tenu des divisions profondes au sein du comité bidon et du caucus, et alors que les initiatives soulèvent des réactions négatives partout dans l'Ouest et en Ontario, aux Maritimes, au Québec, le ministre des Affaires intergouvernementales est-il conscient que le premier ministre. . .

[Traduction]

Le Président: La parole est au député de Prince George-Bulkley Valley.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

Le Président: Chers collègues, je vous demanderais encore une fois, s'il vous plaît, de poser des questions plus courtes.

Si le ministre des Affaires intergouvernementales veut répondre à la question, je lui permettrai de le faire.

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je peux assurer la députée que le premier ministre a l'appui de tous les députés, aussi bien dans le caucus que dans le parti.

Ça fait mal aux bloquistes qui aimeraient réécrire l'histoire. Ça fait mal aux bloquistes que la plupart des Canadiens, à travers le pays, soient derrière le premier ministre dans sa reconnaissance. Mais nous, nous sommes conscients que les Canadiens sont capables d'aller au-delà de la politique et accepter ce qui est un fait, une réalité, la reconnaissance du Québec comme société distincte.

Ce qui est le plus malheureux, c'est que ce sont seulement les députés du Bloc québécois qui vont le refuser.

* * *

[Traduction]

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Le ministre du Revenu national, de la Colombie- Britannique, soutient que reconnaître le Québec comme société distincte ne représentera pas grand-chose; par contre, la ministre des Ressources naturelles, de l'Alberta, affirme que le statut de société distincte pour le Québec représentera quelque chose de très substantiel. Qui dit vrai?

J'aimerais que le premier ministre nous explique comment il entend promouvoir l'unité nationale d'un bout à l'autre du Canada alors qu'il a tant de mal à faire l'unité au sein même de son Cabinet.

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre fait preuve depuis quelques jours d'un leadership que les réformistes ne sont malheureusement pas en mesure de comprendre puisqu'ils ne comprennent ni le mot «Canada» ni le mot «leadership».

J'ai rencontré au cours de la manifestation de Montréal une femme en fauteuil roulant qui était venue de Peace River, en Alberta; je l'ai rencontrée dans un ascenseur, et elle m'a dit: «Madame Copps, je ne parle pas français, mais je sais que vous le parlez; je voudrais que vous disiez aux Québécois que je suis venue ici parce que j'aime mon pays, dont le Québec fait partie.» Cette femme est représentative de la vaste majorité des Canadiens qui appuieront le premier ministre et son leadership plutôt que la politique mesquine du Parti réformiste.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, parlant de politique mesquine, il apparaît clairement que le fédéralisme à l'ancienne des conservateurs et des libéraux est bien vivant en ce qui concerne le Canada central.

Par exemple, la ministre de l'unité dit que l'Ouest devrait sacrifier ses propres intérêts pour le bien du pays.

(1445)

J'aimerais que le premier ministre nous explique pourquoi les provinces de l'Ouest devraient sacrifier encore une fois leurs intérêts et appuyer un plan en faveur de l'unité visant uniquement à apaiser les séparatistes québécois.

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le député parle des provinces de l'Ouest et des régions. Le premier ministre a certes ouvert la porte à une configuration canadienne différente en ce qui concerne les régions. En examinant la proposition visant la reconnaissance de quatre régions, il se conforme en fait à une étude sur la Confédération préparée pour la Canada West Foundation par un certain Preston Manning, qui proposait de faire des provinces de l'Ouest une entité distincte.

Quand le député d'en face parle des cinq régions du Canada et se demande si l'Alberta ou la Colombie-Britannique forment une région distincte, je lui ferai remarquer que, d'après le leader parlementaire du Parti réformiste, la cinquième région du Canada est formée de la Colombie-Britannique, non de l'Alberta. Le chef du leader parlementaire du Parti réformiste répond pour sa part: «Pas nécessairement l'Alberta et la Colombie-Britannique. Tous les gouvernements provinciaux ont maintenant leur mot à dire dans la formule de ratification.»

Quand ils parlent de régions, j'aimerais que les députés réformistes établissent clairement s'ils veulent un statut régional pour l'Alberta ou pour la Colombie-Britannique.


16966

[Français]

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Le premier ministre annonçait avant-hier qu'au lieu de reconnaître la responsabilité du Québec en matière de formation professionnelle, comme tous le réclament depuis des années, Ottawa entend maintenir le plein contrôle des sommes d'argent qu'il dépense actuellement en matière de formation professionnelle en les versant directement aux chômeurs.

Le ministre confirme-t-il que la proposition gouvernementale dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre qui prévoit que le fédéral traitera directement avec les citoyens, en passant par-dessus la tête des provinces, empêchera celles-ci de se doter d'une véritable politique de formation de la main-d'oeuvre en fonction des besoins du marché du travail?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre a dit très expressément lundi que le gouvernement fédéral clarifiait grandement les responsabilités respectives de chacun et que nous transférions aux provinces un grand nombre de responsabilités qui relevaient jusqu'ici de divers programmes partagés.

En prétendant que l'ingérence sera encore plus grande, la députée défie la logique et dénature les faits. Nous apportons de très profondes modifications en faveur des provinces parce que nous pensons que c'est une bien meilleure manière de clarifier les rôles.

Par ailleurs, tout le monde reconnaît que, aux termes de la Loi sur l'assurance-chômage et conformément à l'accord constitutionnel de 1941 accepté par toutes les provinces, y compris le Québec, le gouvernement fédéral a assumé un rôle de fiduciaire à l'égard de ceux à qui s'adresse ce régime. Par conséquent, nous avons une responsabilité envers eux.

Il est temps que la députée se renseigne un peu plus sur la vraie Constitution du Canada.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, le ministre a tellement de difficulté à expliquer ses positions, qu'il se tourne toujours vers l'injure. Et c'est justement parce qu'au Québec, on comprend la Constitution du Canada, de par ses origines, qu'on dit que juridiquement, constitutionnellement, la formation de la main-d'oeuvre appartient au Québec.

Le ministre confirme-t-il justement que ce qu'il s'apprête à faire, en versant des sommes directement aux chômeurs, c'est de contrôler, de garder l'orientation des normes nationales, des choix, des besoins, malgré les droits du Québec?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, c'est le comble de l'absurdité de prétendre, comme la députée vient de le faire, que, dans le cadre du régime d'assurance-chômage auquel les travailleurs ont cotisé, nous n'avons pas la responsabilité de participer au versement des prestations. Les travailleurs versent des cotisations pour que nous puissions verser des prestations. C'est la raison d'être du programme.

En outre, le régime a fonctionné par le passé de telle manière que la responsabilité soit partagée dans l'ensemble du pays. Ainsi, les cotisations versées dans une région aident à payer les prestations accordées dans d'autres où le taux de chômage est plus élevé. C'est ce qui fait le génie de ce régime. Au Canada, nous avons appris à partager entre régions au lieu de dresser des murs et de nous isoler.

* * *

(1450)

[Français]

LA TECHNOLOGIE DE POINTE

M. Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État aux Sciences et à la Recherche et Développement.

Il est de notoriété publique que la technologie occupe une place de plus en plus grande dans l'économie mondiale et canadienne. Le secrétaire d'État pourrait-il informer cette Chambre quant aux mesures que le gouvernement a prises et qu'il entend prendre pour appuyer et renforcer le secteur de la technologie de pointe de l'économie canadienne?

L'hon. Jon Gerrard (secrétaire d'État (Sciences, Recherche et Développement), Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député d'Ottawa-Vanier de sa question.

[Traduction]

Cette question me donne l'occasion de signaler aux Canadiens qu'une très importante priorité du gouvernement actuel consiste à lancer le Canada dans l'ère des industries à forte intensité de connaissances. À cette fin, nous avons pris un certain nombre d'initiatives importantes pour financer et développer ce secteur: le deuxième plan spatial à long terme, CANARIE, PRECARN, TRIUMF, SchoolNet, le Programme d'accès aux collectivités, le réseau de technologie canadien, le programme de partenariats technologiques, le réseau de téléapprentissage des centres d'excellence. Dans l'Ouest et au Québec, il y a un fonds destiné aux nouvelles


16967

industries à forte intensité de connaissances et aux nouvelles idées; à London, en Ontario, un nouvel institut du CNRC a été créé; dans les Maritimes, l'APECA appuie les accords fédéraux-provinciaux en matière de technologie; à Ottawa, le développement technologique. . .

Des voix: Bravo!

* * *

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, les propositions du gouvernement fédéral à propos du Québec ne tiennent pas compte des demandes visant la décentralisation des programmes sociaux.

En cédant la formation de la main-d'oeuvre aux provinces sans leur donner les ressources s'y rapportant, le premier ministre montre qu'il a décidé de décentraliser la dette fédérale.

Le ministre du Développement des ressources humaines va-t-il reconnaître qu'en transférant les responsabilités sans céder les ressources qui s'y rapportent, il transfère une dette et non pas des pouvoirs?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre a dit très clairement que, lorsque nous déposerons l'ensemble des propositions que nous avons élaborées au sujet de l'assurance-emploi, ce que nous entendons faire vendredi, nous veillerons à ce que la responsabilité des provinces en matière d'éducation et de formation soit pleinement reconnue.

Nous serions très intéressés et disposés à travailler avec chacune des provinces pour faire en sorte que les prestations prévues dans le cadre du programme d'assurance-emploi soient ciblées, parfaitement adaptées et taillées sur mesure pour répondre aux besoins de chaque province et qu'il y ait une gamme complète de ressources qui garantit que les gens de chacune des régions ont ce qu'il faut pour réintégrer le marché du travail. Voilà ce dont il est question: travailler ensemble à redonner du travail aux gens.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, le député n'a pas compris ma question.

Pour que la formation de la main-d'oeuvre soit bien adaptée, il faut que les provinces aient un contrôle absolu et les ressources nécessaires. Le ministre reconnaîtra-t-il qu'il n'a nullement l'intention de lâcher les cordons de la bourse en vue de la formation de la main-d'oeuvre?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai pas l'intention de le faire parce que nous allons proposer vendredi un certain nombre de mesures et de programmes qui permettront aux provinces de s'acquitter de leurs responsabilités au chapitre de la formation.

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

On apprend ce matin, selon un article de la Presse canadienne, que la réforme de l'assurance-chômage qui sera déposée vendredi en cette Chambre prévoira que l'accès à des prestations sera conditionnel au revenu du ménage plutôt qu'au seul revenu du bénéficiaire. Une telle mesure aura pour effet d'exclure des milliers de sans-emploi de tout accès à des prestations d'assurance-chômage.

Le ministre confirme-t-il que sa réforme de l'assurance-chômage fera du revenu familial un critère déterminant dans l'admissibilité à des prestations d'assurance-chômage?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, le pauvre député confond tout. C'est pourquoi je lui propose d'attendre de savoir ce que nous allons proposer plutôt que de se fonder sur des nouvelles qui ne sont que spéculations.

Il me semble qu'on spécule beaucoup trop sur la teneur des mesures que nous proposerons avant même de les connaître. Je suis d'avis qu'il faut lire le menu avant de décider qu'il ne nous convient pas.

(1455)

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, le ministre pourrait au moins lire les journaux.

Et aujourd'hui, il pourrait au moins faire une chose, et c'est ce que je lui demande, reconnaît-il qu'en tenant compte désormais, non pas du revenu d'un chômeur mais plutôt de celui de sa famille, il exclura des milliers de femmes de tout accès au régime d'assurance-chômage, tout en continuant d'exiger d'elles qu'elles paient des cotisations au régime?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, si le député connaissait le dossier, il saurait sans doute que, par exemple, la prestation fiscale pour enfants, pour laquelle le gouvernement fédéral transfère directement 5,4 milliards de dollars pour aider les familles ayant des enfants, est fondée sur une formule tenant compte du revenu des familles. Par conséquent, la plupart des bénéficiaires, je dirais presque 80 p. 100, sont des femmes et surtout des enfants.

Il est à peu près temps que le Bloc québécois commence à s'inquiéter davantage des enfants et cesse d'enfourcher son dada, le séparatisme. La seule façon d'aider les enfants pauvres de notre pays, c'est que tous les gouvernements unissent leurs efforts.


16968

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, l'idée de confier la responsabilité des programmes de formation aux provinces n'est ni révolutionnaire, ni déraisonnable. En confiant cette responsabilité aux provinces, le ministre est-il prêt à leur donner aussi les points d'impôt correspondants?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, il n'est pas dans mes attributions de donner des points d'impôt.

M. Young: Ne le faites pas.

M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre): Mon collègue, le ministre des Transports, vient de me conseiller de ne pas le faire. Bien sûr, je suis toujours très intéressé par son point de vue et ses opinions.

Je vous explique la situation. J'invite le député à être présent à la Chambre vendredi. Nous expliquerons en détail comment nous entendons restructurer complètement le régime d'assurance-chômage du Canada, dans un premier temps, pour faire en sorte que les chômeurs qui ont besoin d'une aide financière puissent compter sur un soutien solide, et, dans un deuxième temps, ce qui est encore plus important, pour offrir une série d'avantages qui permettront aux sans-emploi de réintégrer le marché du travail.

C'est là la question clé: comment pouvons-nous remettre au travail des centaines de milliers de Canadiens. C'est l'objectif du gouvernement actuel et c'est l'objectif de la réforme que nous présenterons vendredi.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, je ne vois pas comment les provinces pourraient appuyer une mesure qui vise à leur confier la responsabilité d'un programme sans leur donner les points d'impôt correspondants.

Le ministre connaît-il la différence entre rationaliser et faire porter son fardeau par d'autres?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, ce que je sais, c'est que, lorsque nous parlons de décentralisation, il y a une grande différence entre la position des députés réformistes et ce que je perçois comme étant les préoccupations de beaucoup d'autres Canadiens.

Les Canadiens nous disent que nous ne gagnons pas beaucoup en nous contentant de transférer les ressources d'une bureaucratie à une autre. Nous devrions transférer les ressources aux gens eux-mêmes, au secteur privé, aux collectivités, à ceux qui sont les mieux placés pour prendre les décisions sur les moyens de réintégrer le marché du travail.

La philosophie fondamentale du Parti libéral consiste à accroître la capacité des individus d'exercer des choix face à leur propre avenir, et il n'y a pas de choix plus important que de permettre à des sans-emploi de trouver du travail.

LES JEUNES CONTREVENANTS

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Récemment, certains de nos collègues provinciaux ont discuté de la création de camps d'entraînement de type militaire destinés spécialement aux jeunes contrevenants. L'utilisation de ce genre de camp à des fins correctionnelles fait actuellement l'objet de beaucoup de recherches. Le ministre peut-il dire à la Chambre ce que ces recherches ont permis d'apprendre au sujet des camps d'entraînement de type militaire, des jeunes et de la récidive juvénile?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement est en faveur des mesures efficaces.

Des voix: Oh, oh!

M. Rock: Si on entend par camps d'entraînement militaire des installations gérées, financées et structurées adéquatement, conçues pour inculquer aux jeunes le sens de la responsabilité sociale et de l'appartenance à un groupe et pour les aider à acquérir l'estime de soi, dans le contexte d'un suivi adéquat, le gouvernement est d'accord. L'efficacité de cette approche a été démontrée dans le cas des installations gérées et financées adéquatement.

(1500)

Trop de gouvernements et de politiciens canadiens voudraient nous voir opter pour une solution qui évoquerait surtout le cinéma hollywoodien des années 30 où on voyait des détenus obligés de travailler enchaînés sous un soleil brûlant. Cette vision convient sans doute à des politiciens qui veulent flatter un certain électorat, peu nombreux du reste. Je sais que ce genre de politiciens existe. Toutefois, notre gouvernement préfère les mesures efficaces et l'efficacité se trouve dans une approche responsable de la justice juvénile au Canada.

* * *

LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Revenu national, qui est le principal représentant de la Colombie-Britannique au sein du Cabinet.

Les habitants de la Colombie-Britannique sont outrés du fait que, dans un premier temps, nous ayons été exclus du comité de l'unité du Cabinet et que, dans un deuxième temps on nous refuse le même droit de veto que l'Ontario et le Québec.

Je demande au ministre: Pourquoi la Colombie-Britannique a-t-elle été exclue du comité de l'unité du Cabinet? Deuxièmement, quand le ministre va-t-il enfin défendre les intérêts des habitants de la Colombie-Britannique au lieu de faire preuve de mépris à leur égard en leur disant que la Colombie-Britannique doit attendre d'avoir une population comparable à celle de l'Ontario et du Québec pour jouir de la même égalité que ces provinces. Quand va-t-il défendre les intérêts des habitants de la Colombie-Britannique?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je suis déçue de ce

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que les représentants du Nouveau Parti démocratique parlent de différences alors même que nous devons consolider la nation.

Je puis assurer le député que non seulement le ministre travaille avec acharnement à veiller à ce que la Colombie-Britannique soit bien représentée au Cabinet, mais aussi que la proposition de veto régional faite par le premier ministre, qui est de loin meilleure que la formule d'amendement actuelle, permet aux habitants de la Colombie-Britannique d'avoir à l'avenir une influence plus directe qu'ils n'en ont eu par le passé sur la forme à donner à la Constitution. Le premier ministre n'a jamais exclu la possibilité que la Colombie-Britannique soit d'une certaine façon reconnue un jour.

Je peux dire que, du moins de ce côté-ci de la Chambre, pas un député ne demande que la province de la Colombie-Britannique ou celle de l'Alberta soit reconnue comme une région, contrairement au Parti réformiste.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le président: Je voudrais signaler aux députés la présence à la tribune de membres du Comité sénatorial des affaires étrangères et de l'assemblée des députés du Parlement roumain.

______________________________________________


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AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 13 pétitions.

* * *

[Français]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le 104e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre au sujet des rapports des commissions fédérales de délimitation des circonscriptions électorales déposés à la Chambre et renvoyés au comité, le jeudi 25 juin 1995.

[Traduction]

J'en profite, tandis que je présente le rapport, pour remercier les députés qui ont siégé aux sous-comités. Ces sous-comités ont accompli le travail du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre à l'étape des audiences. Ils ont été présidés avec compétence par les députés de Cumberland-Colchester, Leeds-Grenville, Dauphin-Swan River et Pontiac-Gatineau-Labelle.

(1505)

En tout, 81 objections ont été déposées, et les sous-comités ont entendu les députés qui désiraient témoigner pour s'expliquer sur ces objections. Je sais que tous les députés qui ont témoigné devant les sous-comités ont grandement apprécié les efforts de leurs membres.

Monsieur le Président, conformément à l'article 22 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, les documents du comité légalement exigibles pour présentation au directeur général des élections du Canada seront aussi déposés aujourd'hui.

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le 105e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, concernant les membres et les membres associés du Comité permanent des finances.

[Français]

Si la Chambre donne son consentement, j'ai l'intention de proposer l'adoption du 105e rapport plus tard aujourd'hui.

[Traduction]

LE CODE D'ÉTHIQUE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le deuxième rapport du Comité mixte spécial sur un code d'éthique.

Le rapport recommande un changement du nom français du comité.

[Français]

On recommande que le nom du comité en français soit modifié pour se lire ainsi: «Comité mixte spécial sur un code de conduite».

[Traduction]

Si la Chambre est d'accord, je proposerai l'adoption de ce deuxième rapport du comité plus tard aujourd'hui.

* * *

LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles.

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURES ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je pense que vous constaterez qu'il y a consentement


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unanime pour que la motion suivante soit mise aux voix sans débat ni amendement.

Je propose:

Que les noms des députés suivants soient ajoutés à la liste des membres associés du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre: Stephen Harper et Ted White.
(La motion est adoptée.)

[Français]

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je crois que vous obtiendriez le consentement unanime pour que la motion suivante soit mise aux voix sans débat ni amendement.

Je propose, appuyé par le whip en chef du gouvernement: Que le 105e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre aujourd'hui, soit adopté.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

LE CODE D'ÉTHIQUE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande le consentement unanime de la Chambre pour présenter une motion d'adoption qui, je pense, sera elle aussi adoptée sans débat ni amendement.

Je propose que le deuxième rapport du Comité mixte spécial sur un code d'éthique, présenté à la Chambre plus tôt aujourd'hui, soit adopté.

(La motion est adoptée.)

* * *

(1510)

LE MAINTIEN DE LA PAIX

L'ordre du jour appelle: Initiatives ministérielles

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si vous consultez la Chambre, je crois qu'elle sera d'accord pour que la motion no 22 figurant parmi les initiatives ministérielles et proposée au nom du ministre de la Défense nationale soit retirée du Feuilleton.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

(La motion est retirée.)

* * *

PÉTITIONS

LA FISCALITÉ

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je tiens à présenter une pétition qui circule dans tout le Canada. Cette pétition en particulier est signée par un certain nombre de Canadiens de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest.

Les pétitionnaires désirent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que tenir maison et prendre soin d'enfants d'âge préscolaire constituent une profession honorable dont on ne reconnaît pas toute la valeur pour notre société. Ils affirment aussi que la loi de l'impôt sur le revenu est discriminatoire à l'égard des familles qui décident de s'occuper elles-mêmes de leurs enfants d'âge préscolaire et de leurs membres qui sont handicapés, atteints d'une maladie chronique ou âgés.

En conséquence, les pétitionnaires prient le Parlement de prendre des mesures pour supprimer la discrimination fiscale à l'endroit des familles qui décident de s'occuper elles-mêmes de leurs enfants d'âge préscolaire et de leurs membres qui sont handicapés, atteints d'une maladie chronique ou âgés.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

* * *

[Français]

DEMANDES DE DOCUMENTS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que tous les avis de motion portant production de documents soient réservés.

[Traduction]

M. Williams: Monsieur le Président, le 14 juin 1995, j'ai inscrit au Feuilleton un avis de motion réclamant la production d'une copie des plans opérationnels et des aperçus de dépenses préparés par les ministères et les organismes. Ce sont les documents que le gouvernement entendait publier aux termes de la nouvelle politique sur les aperçus de dépenses et les plans opérationnels qu'on était censé déposer au printemps. À la fin des vacances d'été, nous attendions encore certains de ces documents et c'est pourquoi j'ai fait inscrire une motion au Feuilleton.

Nous attendons toujours que le gouvernement soumette ces documents. Ce ne sont pas de nouveaux documents. Ce sont ceux que les ministériels ont proposé de déposer dans le cadre de la nouvelle procédure d'examen des dépenses gouvernementales.

Quand pouvons-nous nous attendre à recevoir les documents que nous aurions dû avoir depuis des mois?

M. Milliken: Monsieur le Président, à ma connaissance, on a soumis ces documents aux divers comités permanents de la Chambre. Chose certaine, tous ceux auxquels je siège et qui ont la

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moindre responsabilité à l'égard de ces documents les ont reçus. Je suis surpris de voir que le député soulève cette question, mais je m'engage à examiner la question et à lui donner une réponse le plus tôt possible.

______________________________________________


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LA RECONNAISSANCE DU QUÉBEC COMME SOCIÉTÉ DISTINCTE

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.) propose:

Que
Attendu que le peuple du Québec a exprimé le désir de voir reconnaître la société distincte qu'il forme,
(1) la Chambre reconnaisse que le Québec forme, au sein du Canada, une société distincte;
(2) la Chambre reconnaisse que la société distincte comprend notamment une majorité d'expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil;
(3) la Chambre s'engage à se laisser guider par cette réalité;
(4) la Chambre incite tous les organismes des pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement à prendre note de cette reconnaissance et à se comporter en conséquence.
-Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole à la Chambre des communes pour lancer le débat sur la motion présentée par le gouvernement visant à reconnaître le Québec comme société distincte au sein du Canada.

(1515)

Durant la campagne référendaire au Québec, j'ai pris trois engagements. Premièrement, de reconnaître que le Québec constitue, au sein du Canada, une société distincte; deuxièmement, de ne procéder à aucun changement constitutionnel qui affecte le Québec, sans le consentement des Québécois; et troisièmement, d'entreprendre des changements qui permettent de rapprocher les services et la prise de décisions des citoyens.

Moins d'un mois après le référendum, le gouvernement tient parole et remplit ses engagements. Je tiens à rappeler à tous que la majorité des Québécois ont dit, le 30 octobre dernier, qu'ils veulent que le Québec continue à faire partie du Canada et qu'ils veulent également du changement à l'intérieur du Canada. Le gouvernement du Canada a compris ce message, et la résolution dont nous débattons aujourd'hui, ainsi que les projets de loi sur le droit de veto et la réforme de l'assurance-chômage témoignent du respect du gouvernement du Canada pour le choix des Québécois.

En rejetant le projet de séparation mis de l'avant par le Parti québécois et les députés de l'opposition officielle, les Québécois ont demandé à leur gouvernement provincial de se comporter comme un partenaire à part entière et de travailler avec nous à l'évolution de la fédération canadienne. Il est malheureux pour les Québécois que leur gouvernement et l'opposition officielle n'aient pas retenu ce message. Ils refusent de se plier au voeu de la majorité et de représenter tous les Québécois, pas seulement ceux qui disent comme eux.

En fait, il y a quelques minutes, à l'Assemblée nationale du Québec, le Parti québécois a refusé de reconnaître les résultats du référendum, sur une motion présentée par l'opposition qui demandait à l'Assemblée nationale de reconnaître les résultats de celui-ci. Il est malheureux que le chef de l'opposition officielle, probablement le prochain premier ministre du Québec, en soit resté à son discours de campagne référendaire. Le référendum est passé. Les Québécois ont voté pour le Canada, pour le changement à l'intérieur du Canada. Il serait temps que certains députés de cette Chambre s'en rendent compte.

[Traduction]

Notre gouvernement a tiré les leçons qui s'imposaient. Le résultat du référendum du 30 octobre dernier nous aura appris qu'il ne faut pas tenir le Canada pour acquis. Le Canada que nous avons bâti mérite d'être défendu contre ses détracteurs. Le Canada mérite que l'on veille sur son évolution. C'est ce que nous entendons faire.

Les démarches que nous avons amorcées lundi s'inscrivent dans ce cadre. Toutes nos actions ne visent qu'un seul but: assurer l'unité et l'évolution du Canada pour répondre aux aspirations de tous les Canadiens.

[Français]

La motion que nous débattons aujourd'hui vise à faire reconnaître par les représentants élus du Canada que le Québec forme une société distincte au sein du Canada. Comme Québécois et francophone, je comprends et je partage le désir de mes compatriotes de faire reconnaître notre différence.

(1520)

La motion mise de l'avant par notre gouvernement va à l'essence même de ce qui constitue la différence du Québec. La motion stipule que cette société distincte comprend, et je cite: « . . . notamment une majorité d'expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil;».

Cette définition de ce qui constitue la différence québécoise est juste, elle est fidèle à la réalité et non limitative. La majorité des Québécois, j'en suis sûr, se reconnaîtra dans cette définition de la société distincte. Nos traditions, notre culture, notre régime de droit et notre âme française s'y retrouvent.

[Traduction]

Le débat que nous engageons aujourd'hui sur cette motion donne l'occasion aux membres de l'opposition officielle de faire preuve de solidarité avec leurs concitoyens. Ils ont l'occasion de poser un geste positif, d'appuyer la reconnaissance par la Chambre de la société distincte qu'est le Québec.


16972

Je m'en voudrais de ne pas saisir l'occasion pour parler directement aux Québécois qui, depuis le 30 octobre dernier, depuis les déclarations fâcheuses de M. Parizeau, depuis les gestes malencontreux de M. Landry, sont inquiets et se sentent mal à l'aise chez eux.

Le Québec est composé en majorité de francophones. C'est ce qui le distingue. Mais le Québec est aussi composé de Québécois qui sont venus de partout au monde. Ils sont des Québécois et des Canadiens à part entière. Au nom du gouvernement du Canada, je tiens à leur dire que nous ne les oublions pas. Je veux les assurer de notre appui. Ils peuvent compter sur nous.

[Français]

Le Canada est un pays où l'on respecte la diversité, où l'on peut reconnaître et affirmer nos différences. Nous rejetons l'idée qu'un pays doive exiger de ses citoyens une identité unique et uniforme.

La réalité canadienne fait place à la reconnaissance du Québec comme société distincte au sein du Canada. La réalité canadienne inclut la réalité québécoise.

Nous demandons aujourd'hui aux députés de cette Chambre de reconnaître que le Québec constitue, au sein du Canada, une société distincte.

[Traduction]

Pendant la campagne référendaire, les assemblées législatives de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, et de Terre-Neuve ont adopté des résolutions reconnaissant que le Québec se distingue, au sein du Canada, par sa langue, sa culture et son régime de droit.

Les Canadiens ont aussi témoigné de leur attachement au Québec durant la campagne référendaire. Partout au pays, des manifestations spontanées à l'appui du Québec au sein du Canada ont eu lieu.

Aujourd'hui, je demande aux Canadiens, qui ont démontré leur attachement au Québec pendant la campagne référendaire, d'appuyer l'initiative de notre gouvernement visant à reconnaître explicitement le Québec comme société distincte.

[Français]

Fort de l'appui des Canadiens, fort de l'appui des gouvernements des autres provinces, fort de l'appui des députés de cette Chambre, je suis convaincu que si le gouvernement du Québec le souhaite, nous pourrons enchâsser cette reconnaissance de la société distincte du Québec dans la Constitution canadienne.

(1525)

Mais l'heure n'est pas aux pourparlers constitutionnels puisque le gouvernement du Québec et puisque le chef de l'opposition officielle lui-même ont indiqué qu'ils refusent de participer à de telles discussions. C'est pourquoi le gouvernement a décidé de démontrer aux Québécois qu'il est possible de reconnaître leur société pour ce qu'elle est en demandant à la Chambre de voter en faveur de cette motion.

Une fois adoptée, cette résolution aura un impact sur la façon dont les textes de loi seront adoptés à la Chambre des communes. Le pouvoir législatif, je le rappelle, sera lié par cette résolution, le pouvoir exécutif également. Il s'agit d'une reconnaissance réelle et dynamique inscrite au coeur même de la gouverne de notre pays.

Je crois que la majorité des Québécois recherchent ce type d'assurance et de garantie, et le chef de l'opposition officielle n'a qu'un geste à poser pour leur indiquer qu'il respecte leur vote en faveur des changements au sein du Canada. Malheureusement, il a déjà indiqué que ce n'est pas son intention.

Par ailleurs, le chef de l'opposition officielle se plaît souvent à rappeler ceux qui n'ont pas soutenu Meech. Chaque fois la mémoire lui fait défaut. Je voudrais lui rappeler que son collègue assis à côté de lui, le député de Roberval, était député à l'Assemblée nationale en 1987, et il a voté contre Meech.

Le parti dont il veut prendre la direction a voté contre Meech et contre Charlottetown et s'apprête à rejeter, pour une troisième fois-pour une troisième fois de suite-la reconnaissance du fait que le Québec forme une société distincte au sein du Canada.

Le parti qu'il dirige encore aujourd'hui s'apprête à faire de même. L'histoire le retiendra.

[Traduction]

En ce qui a trait aux peuples autochtones du Canada, mon gouvernement a déclaré publiquement qu'il respectait leurs aspirations. Nous reconnaissons la position juridique unique dans laquelle sont les peuples autochtones, y compris la protection de leurs droits, ancestraux ou issus de traités, dans la Constitution canadienne, y compris le droit inhérent à l'autodétermination.

Cette résolution par laquelle nous demandons à la Chambre de confirmer la réalité que le Québec forme une société distincte, ne cherche d'aucune façon à empiéter sur les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones et ne le fait pas. Cette position reconnaît le droit inhérent à l'autodétermination.

[Français]

Le Québec a longtemps réclamé un veto sur les modifications à la Constitution canadienne pour s'assurer de participer à part entière à l'évolution de la Constitution et pour le protéger de modifications qui pourraient diminuer les pouvoirs, droits et privilèges de l'Assemblée nationale et du gouvernement du Québec.

Le gouvernement du Canada reconnaît la légitimité de ces demandes. D'ailleurs, si nous en sommes rendus là, c'est parce qu'en 1981, le gouvernement péquiste de l'époque a abandonné sa revendication traditionnelle d'un droit de veto en faveur de la formule d'amendement actuelle. Et en ce qui nous concerne, notre formation politique, notre parti politique a toujours, toujours appuyé le droit de veto pour le Québec.


16973

Par ailleurs, le gouvernement du Canada reconnaît également qu'une modification constitutionnelle est une affaire très sérieuse. Elle devrait reposer sur un large consensus. Aucune région du Canada ne devrait être exclue.

(1530)

[Traduction]

C'est pourquoi ce projet de loi exige que le gouvernement du Canada obtienne, au préalable, le consentement du Québec, de l'Ontario, de deux provinces de l'Ouest et de deux provinces de l'Atlantique, représentant 50 p. 100 de la population dans chacune de ces deux régions, avant de proposer une modification constitutionnelle au Parlement.

Certains avanceront que cette proposition ne respecte pas le principe de l'égalité des provinces. À cela, je répondrai que l'égalité des provinces signifie que toutes les provinces ont le même droit de faire des lois, de prendre des décisions et d'établir des politiques visant à servir les intérêts de leurs populations respectives.

Notre proposition ne change pas cette réalité. Comme le ministre de la Justice l'a dit au cours de la période des questions, pour modifier la Constitution par le mode de révision actuel, il faut quatre petites provinces pour faire échec à une modification, mais seulement deux grandes pour en faire autant. Cela montre que le poids démographique est déjà pris en compte dans notre Constitution actuelle.

D'autres diront, et vous les aurez déjà entendus, que ce projet de loi ne rend pas justice à la Colombie-Britannique. À cet égard, je veux m'adresser directement aux citoyens de cette province. En vertu du veto constitutionnel accordé à l'ouest du Canada par ce projet de loi, la Colombie-Britannique se verra accorder un droit de regard sur la Constitution plus important que jamais auparavant dans l'histoire du Canada. Puisque la population de la Colombie-Britannique représente presque la moitié de la population de l'Ouest, celle-ci pourra exercer une influence sans précédent. Certains essaient de qualifier de recul un progrès aussi important. Nous ne devons pas les croire, car c'est tout le contraire. C'est plutôt le début d'une nouvelle ère où la Colombie-Britannique sera plus forte au sein du Canada.

Notre gouvernement, en étendant son droit de veto au Québec, à l'Ontario, à l'Atlantique et à l'Ouest, puise son inspiration directement dans les grands principes de notre démocratie. C'est un geste concret et tangible qui vient réaffirmer la volonté du gouvernement de prendre les moyens utiles et essentiels pour protéger toutes les régions du Canada face à des modifications constitutionnelles éventuelles.

[Français]

À une époque où toute société moderne doit composer avec un monde et un environnement en constante évolution, un monde où les frontières disparaissent, le Canada doit s'adapter. En conséquence, la troisième initiative mise de l'avant par notre gouvernement au début de la semaine vise à répondre au désir exprimé par l'ensemble des Canadiens que leur gouvernement se rapproche des citoyens.

[Traduction]

La réforme que le ministre du Développement des ressources humaines déposera à la Chambre dans quelques jours est un exemple de l'approche pragmatique que nous voulons suivre pour clarifier les rôles et responsabilités du gouvernement du Canada.

Mais soyons clairs: nous n'abandonnerons pas notre responsabilité constitutionnelle d'aider les sans-emploi à retourner sur le marché du travail. Et nous continuerons d'agir pour remettre les Canadiens au travail en partenariat avec tous ceux qui partagent cet objectif.

Il est important de reconnaître et de respecter la responsabilité des provinces dans les domaines de l'éducation et de la formation de la main-d'oeuvre.

[Français]

Nous comprenons que les travailleuses et les travailleurs ont besoin de formation pour conserver ou se trouver un meilleur emploi et nous sommes prêts à les aider. Mais nous ne le ferons qu'avec le consentement des provinces et en respectant les priorités propres à chacune. Nous mettons de l'avant une proposition de partenariat et nos partenaires principaux, dans ce domaine, sont les provinces. Au Canada, nous surmontons nos difficultés grâce à un esprit de compromis et au respect mutuel.

(1535)

L'esprit de coopération et de partenariat dont nous nous inspirons devrait nous motiver à continuer à bâtir ce pays dans une atmosphère de générosité et de respect. Les gestes que nous posons aujourd'hui c'est le changement sans révolution, c'est le progrès sans rupture.

[Traduction]

Dans les derniers jours de la campagne référendaire, des gens d'un bout à l'autre du Canada ont démontré leur amour pour leur pays comme je ne l'avais jamais vu au cours de mes 32 ans de vie publique. Ils ont uni leurs voix pour clamer leur profond attachement au Québec, pour manifester sans équivoque leur volonté de garder le pays uni.

J'ai dit aux Canadiens que je ne les laisserais pas tomber. Monsieur le Président, aujourd'hui je suis fier de me présenter devant vous, de me présenter devant tous les Canadiens, pour dire que je ne les ai pas laissé tomber et que je sais que, à leur tour, ils ne laisseront pas tomber le Canada.

[Français]

Je m'adresse ici à mes compatriotes du Québec, vous qui avez fait preuve de votre engagement auprès du Canada, je vous dis que nous ici à la Chambre des communes, et d'un bout à l'autre du pays, allons démontrer que vous avez eu raison de nous faire confiance. Vous avez eu raison de croire que le Canada peut changer et changera dans le sens de vos aspirations et celles de tous les Canadiens, que le Québec peut prendre toute sa place fièrement au sein du Canada.

Dans les jours qui viennent, nous entendrons parler des gens qui ne défendent que leur propre intérêt. Nous connaissons le programme des séparatistes. Ils veulent détruire le Canada.


16974

D'autres, ailleurs au pays, pensent que c'est en divisant, en attaquant, en montant les Canadiens les uns contre les autres qu'ils se rendront populaires et qu'ils atteindront le pouvoir.

[Traduction]

Ce n'est pas la façon de faire des Canadiens et ce ne l'a jamais été. Les Canadiens sont plus forts, plus ouverts, et conciliants. Dans les moments critiques, ils prennent le parti du Canada. C'est ce que je leur demande de faire au cours des prochains jours, au cours des prochaines semaines.

Il est plus facile de passer à l'attaque que de travailler de concert. Il est plus facile de crier à tue-tête que d'écouter. Il est plus facile de détruire que de bâtir. Oui, c'est plus facile, mais ce n'est pas acceptable pour nous, pour nos enfants, pour notre pays. Ceux qui crient, attaquent et démolissent ont tous eu leur mot à dire. Maintenant, les Canadiens veulent continuer à bâtir leur pays. Les initiatives que nous déposons aujourd'hui et que nous déposerons dans les jours qui suivent nous remettrons sur la bonne piste. Je sais que les Canadiens, qu'ils soient en Colombie-Britannique, au Québec, à Terre-Neuve ou dans le Nord, nous appuieront dans cette démarche.

(1540)

[Français]

C'est pourquoi j'invite tous les députés de cette Chambre à appuyer la motion du gouvernement qui veut que la Chambre des communes du Canada reconnaisse le Québec comme société distincte au sein du Canada.

Des voix: Bravo!

Le Président: Chers collègues, avant d'accorder la parole à l'honorable chef de l'opposition, je céderai la parole à l'honorable député de Sherbrooke qui désire invoquer le Règlement.

M. Charest: Monsieur le Président, j'en appelle au Règlement au sujet de l'ordre des discours de cet après-midi. Vous comprendrez que la résolution présentée à la Chambre aujourd'hui est d'une nature exceptionnelle et que la Chambre, dans les circonstances, a l'habitude de faire preuve d'une certaine flexibilité.

Alors j'aimerais, avec votre permission, monsieur le Président, demander le consentement cet après-midi, et je pense que ma collègue du Nouveau Parti démocratique fera de même, afin d'obtenir la permission de pouvoir prendre la parole après le leader du Parti réformiste d'une part et, d'autre part, dans l'hypothèse où le temps normal se serait écoulé, que la Chambre consente à ne pas voir l'heure, de telle sorte que chacun d'entre nous puisse se prononcer sur la résolution que vient de présenter le premier ministre.

[Traduction]

Le Président: Je vais donner maintenant la parole au whip du gouvernement puis j'entendrai les deux autres rappels au Règlement.

M. Boudria: Monsieur le Président, j'ai consulté mes collègues au sujet de cette question plus tôt aujourd'hui. Je suis heureux de signaler que nous acceptons cette proposition et que nous sommes disposés à faire la même offre à la députée de Yukon si elle le désire.

Le Président: Je vais donner la parole au leader du Parti réformiste au sujet du même rappel au Règlement.

M. Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, nous avons étudié cette question et nous estimons que nous devrions suivre l'ordre habituel des discours en ce qui a trait à la résolution. Si le gouvernement veut renoncer à deux de ses interventions en cours de route, c'est son affaire. À notre avis, nous devrions suivre l'ordre habituel des discours, sans modifier l'ordre des travaux.

(1545)

[Français]

M. Gauthier: Monsieur le Président, à la suite de la demande du député, je rappellerai simplement que mes collègues, à une époque pas si lointaine, ont demandé des consentements pour des débats très importants pour le Québec et il les a toujours refusés. Que le député, aujourd'hui, subisse le Règlement et goûte à sa propre médecine.

[Traduction]

Le Président: Le député de Sherbrooke et la députée du Yukon ont tous deux demandé le consentement unanime. Il semble que la Chambre l'ait refusé. Nous passons maintenant au chef de l'opposition.

Mme McLaughlin: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je comprends que vous avez tranché la question, mais je voudrais faire un rappel au Règlement, car j'estime regrettable, à un moment où nous essayons d'examiner l'avenir du pays, que le Bloc et le Parti réformiste n'acceptent pas la proposition du député de Sherbrooke.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, nous venons d'entendre le discours du premier ministre. Je crois qu'il convient de souligner que ce discours tranche singulièrement avec l'attitude que le premier ministre a adoptée depuis deux ans. Je dirais même que, pendant la campagne de l'élection générale de 1993, y compris durant les deux années qui ont suivi en cette Chambre, le premier ministre a adopté une attitude extrêmement dure, extrêmement rigide et constante, il faut le reconnaître, c'est-à-dire qu'il ne parlait pas de Constitution, qu'il ne jugeait pas à propos de suggérer quelque changement que ce soit, que le Canada tel qu'il est lui plaisait parfaitement.

Il a adopté une attitude semblable durant les premières semaines de la campagne référendaire, au point qu'il s'est reposé, dans un sommeil réparateur, jusqu'à la dernière semaine de la campagne référendaire et, lorsqu'il s'est éveillé, c'est pour constater que le oui était en train de prendre une avance considérable, que le oui menaçait le non d'une victoire. Il a alors réagi de façon très nerveuse, de façon très improvisée et de façon précipitée.

Il a fait organiser rapidement, à Verdun, une assemblée extrêmement importante, le 24 octobre, où il a tenu ces propos-c'était le nouveau premier ministre-où il disait, et je cite: «Nous garderons


16975

ouvertes toutes les autres voies de changement, y compris les voies administrative et constitutionnelle. Tout changement des compétences constitutionnelles ne se fera qu'avec le consentement des Québécois.»

Depuis la très mince victoire du non, de retour en cette Chambre, nous avons vu que c'est l'improvisation qui régnait de façon systématique au sein du gouvernement fédéral, premièrement, par la mise en place de deux comités dont on ne sait pas encore ce qu'ils font, et qui sont d'ailleurs court-circuités par le débat que nous avons aujourd'hui, et l'un d'eux étant présidé par le ministre des Affaires intergouvernementales, présumément pour proposer et imaginer des avenues de solution à la situation et au blocage constitutionnel actuels. Deuxièmement, bien sûr, l'annonce qui a été faite en catastrophe, ce dernier lundi, par le premier ministre sur cette initiative d'une résolution qui comporterait une reconnaissance symbolique du Québec comme société distincte, un prétendu droit de veto ainsi qu'une nébuleuse délégation d'activités dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre.

(1550)

La question qui se pose est: «Comment expliquer un tel revirement de la part du premier ministre, de quelqu'un qui a si constamment combattu la notion du caractère distinct du Québec?»

D'abord, il faut dire qu'il y a la conjoncture, n'est-ce pas? Le premier ministre a été extrêmement surpris, pour ne pas dire bouleversé, par la montée presque irrésistible du oui durant la dernière partie de la campagne référendaire. C'est la peur, la peur qui est une réaction extrêmement salutaire, qui est le début de la sagesse d'après l'Évangile, qui lui a fait imaginer ces propos soudains qu'il a tenus le 24 octobre et dans les derniers jours de la campagne référendaire.

Surtout, ce revirement qui nous surprend ne doit pas nous étonner puisque ce n'est pas un revirement. En effet, la proposition ne veut rien dire et elle s'inscrit dans la droite continuité de toutes les positions politiques qui ont été adoptées jusqu'à maintenant par le premier ministre depuis le début de sa carrière, ici au gouvernement fédéral et au niveau de la scène fédérale. On peut faire dire ce qu'on veut aux mots et l'expression «société distincte du Québec» n'échappe pas à ces vicissitudes. On peut également y apporter des distorsions.

On a beaucoup galvaudé d'ailleurs l'expression «caractère distinctif du Québec». Peut-être faudrait-il nous souvenir que son apparition dans le vocabulaire constitutionnel, dans le paysage politique canadien et québécois, date en réalité de février 1965, dans le rapport préliminaire de la Commission Laurendeau-Dunton, où l'expression a été employée d'une façon un peu descriptive, sans contenus politique et juridique. Ensuite, on la retrouve vraiment dans un sens plus formel, d'abord en 1970, quand, en septembre,M. Bourassa, alors premier ministre nouvellement élu du Québec, qui est venu assister à une conférence constitutionnelle, a vraiment employé l'expression dans le sens qu'on lui donne à peu près depuis l'époque.

Mais c'est surtout à compter de 1985 qu'elle a connu une carrière plus précise, cette expression, puisqu'on la retrouve dans le programme politique du Parti libéral du Québec, de juin 1985, donc à l'aube des élections qui devaient avoir lieu quelques mois plus tard. Elle est présentée, cette reconnaissance du caractère distinctif du Québec, comme un préalable à toute adhésion du Québec à la Constitution de 1982.

Il faut donc voir le contexte. Dans le contexte de 1982, un coup a été porté au Québec, que l'on connaît et qui a été ressenti très durement par tout le monde, y compris par le Parti libéral du Québec qui a toujours refusé de l'entériner, cette Constitution et qui l'a même condamnée, dans un vote en novembre 1981, à l'Assemblée nationale. Le Parti libéral du Québec, en 1985, essayant de dénouer l'écheveau, essayant de ramener les choses à la surface, a proposé que le Québec pose, comme condition préalable à la signature de cette Constitution de 1982, celle du premier ministre, celle qui porte toujours en blanc le nom du Québec, dans sa toute dernière page, au bas, qu'on pose comme condition préalable, avant toute négociation, qu'il y ait la reconnaissance inconditionnelle, par le gouvernement fédéral et par toutes les provinces du Canada, du caractère distinctif du Québec.

Ensuite, bien sûr, il y eu le 3 juin 1987 et la signature de l'Accord du lac Meech, le véritable accord, le vrai lac Meech, pas celui dont parle toujours le premier ministre, qui est le sien, celui qu'il a fait diluer par la suite et dont je parlerai tout à l'heure, mais le véritable Accord du lac Meech. Le 3 juin 1987, tous les premiers ministres du Canada, ceux de chaque province et celui du gouvernement fédéral, s'entendent pour la première fois dans l'histoire pour signer un accord constitutionnel qui permettrait au Québec de sauver l'honneur, de réintégrer la famille constitutionnelle et ensuite, de pouvoir aborder dans l'enthousiasme, d'où les mots «honneur et enthousiasme» qui répondent à deux phases. D'abord l'«honneur», on réintègre la famille la tête haute parce qu'on a reconnu notre caractère distinctif, et deuxièmement, l'«enthousiasme» dans la redéfinition du partage des pouvoirs entre le Canada et le Québec.

Je rappelle un contexte qui me paraît extrêmement important, puisque cela explique très bien à quel point la proposition d'aujourd'hui qui est totalement inacceptable et ne tient pas le coup, ne sera jamais retenue, même dans les livres d'histoire, sauf peut-être dans un bas de page quelque part. C'est une tentative vraiment minimaliste, qui n'a aucune comparaison avec celles qui ont été faites auparavant pour essayer de régler le problème canadien et québécois.

Dans l'accord de Meech de juin 1987, qu'est-ce qu'il y avait? Rappelons-le. Il y avait d'abord l'enchâssement de l'Accord dans la Constitution. Ce n'est pas rien, quand même, que l'enchâssement d'un accord formel dans la Constitution. Cela veut dire que ça porte des conséquences. Cela veut dire que les tribunaux sont obligés d'en tenir compte, de l'appliquer. Ils sont liés par l'effet des dispositions qui sont introduites dans la Constitution.

(1555)

Puis, vous noterez que la formulation est extrêmement forte. Tellement forte, d'ailleurs, qu'elle a déplu profondément au premier ministre qui l'a combattue depuis, avec toute son énergie. La formulation est que, dorénavant-et ici je décrirai. Tout à l'heure, je citerai le texte exact. . .


16976

Mme Copps: Oh, oh!

M. Bouchard: J'aimerais que la vice-première ministre me laisse faire mon discours. C'est peut-être l'un des derniers discours qu'elle aura le plaisir d'entendre de moi en cette Chambre. Peut-être pourrait-elle me laisser le prononcer?

Monsieur le Président, l'Accord du lac Meech de juin 1987, rappelons-le, c'est important, faisait obligation aux tribunaux, de la Cour suprême en descendant, d'interpréter toute la Constitution, donc, y compris la Charte, et je cite: «en concordance avec la reconnaissance de ce que le Québec forme au sein du Canada une société distincte.» Il n'y a aucun qualificatif, il n'y a pas de définition du contenu qui comporte dès lors une limitation; il y a simplement l'affirmation forte, claire et nette de ce principe qu'on voulait reconnaître.

Donc, il y avait un effet contraignant de produit pour les tribunaux. Dorénavant, les tribunaux devaient la connaître, la mettre en application, et tout cela imprégnait la Constitution d'un nouvel esprit. Toutes et chacune des dispositions de cette Constitution, avec les amendements, avec tout ce qui remonte à 1867, se trouvaient colorées de quelque chose de nouveau, qui était la reconnaissance du caractère distinctif du Québec. Cela introduisait en plus, de façon formelle en termes d'instrument juridique, un nouveau critère d'interprétation pour l'ensemble des dispositions.

Quand je dis des dispositions dans l'ensemble, je vise aussi les dispositions de la Constitution du premier ministre, celle de 1982. L'année 1982, rappelons-nous, a fait beaucoup de choses. Et une des choses que 1982 a introduites dans le paysage juridique et politique du Canada et du Québec, c'est que, pour la première fois, on tentait-et on l'a fait, effectivement-d'introduire dans la Constitution la notion d'une nation unique, d'une nation canadienne.

C'est la première fois qu'on voit apparaître dans les textes constitutionnels et dans les textes juridiques, l'affirmation qu'il n'y a au Canada qu'une seule nation, la nation canadienne. Bien sûr, le corollaire, c'était que le peuple québécois se trouvait implicitement, sinon expressément, nié dans son existence. Parce que, jusque-là, il y avait beaucoup de discussions, mais la Constitution de nos ancêtres, celle que nous avons acceptée, nous, les Québécois, pas l'autre, celle du premier ministre, prévoyait que l'esprit qui présidait était qu'il y avait deux peuples, deux peuples fondateurs.

Ce n'était pas écrit comme cela d'une façon expresse, mais c'était la conception qu'avaient nos ancêtres quand ils ont accepté de signer le pacte confédératif de 1867. Autrement, jamais, jamais le Bas-Canada n'aurait accepté de signer la Constitution. C'est ce qui a convaincu les parlementaires québécois, à l'époque, d'entrer dans cette Confédération, parce qu'ils avaient l'idée que les Canadiens français, comme on les appelait à l'époque, pourraient se promener partout au Canada, être partout chez eux, être partout égaux à l'autre peuple fondateur.

Qu'arrive-t-il en 1982? Justement, l'introduction d'un principe qui a sapé fondamentalement cette conception du Canada que beaucoup de Québécois avaient, et beaucoup de Québécois qui étaient fédéralistes encore.

Justement, l'Accord du lac Meech revenait là-dessus. L'Accord du lac Meech prévoyait que, en outre du premier critère d'interprétation que constituait la reconnaissance du caractère distinctif du Québec, il y aurait un deuxième critère, un deuxième critère qui était le fait qu'on reconnaissait-je vais lire le texte, il est très court-«l'existence des Canadiens d'expression française concentrés au Québec, mais présents aussi dans le reste du pays, et des Canadiens d'expression anglaise, concentrés dans le reste du pays mais aussi présents au Québec», et que cette existence constituait une caractéristique fondamentale du Canada.

Voilà un principe extrêmement important qui se trouve consacré dans les textes de Meech. C'est-à-dire qu'il y a une dualité. Et je suis convaincu que beaucoup d'avocats, avec un peu d'imagination, auraient été capables de plaider devant les tribunaux que cela impliquait la reconnaissance de deux peuples et non pas d'un seul peuple canadien dans lequel l'existence et l'identité du Québec se trouvaient confondues et, par conséquent, annihilées. Ça, c'était dans Meech.

Donc, quand on dit que Meech était quelque chose qui avait quand même des dents, c'est vrai que c'était important. En plus, Meech reconnaissait quelque chose de très important, soit que la reconnaissance du caractère distinctif du Québec n'était pas subordonnée à la Charte des droits et libertés. Ça, c'est un principe extrêmement considérable, qui a convaincu beaucoup de Québécois d'accepter l'Accord du lac Meech, malgré que beaucoup de souverainistes le contestaient. Mon ami à côté, le député de Roberval, le contestait; moi, je l'ai accepté. Beaucoup de souverainistes comme moi ont décidé, à l'époque, de donner une chance au fédéralisme-ça s'est appelé le beau risque-et d'appuyer M. Mulroney dans cette démarche qui nous conduisait à une reconnaissance de quelque chose qu'on n'avait jamais accepté encore.

(1600)

Reconnaissons que cela, c'est quelque chose de très important, parce que cela a été le début de la crise qui a divisé profondément le pays, qui a divisé le Cabinet conservateur, qui a abouti à ma démission, à la démission de plusieurs députés conservateurs et qui fait qu'il y a aujourd'hui le Bloc québécois. Donc, c'est important de noter que le Meech original, non seulement reconnaissait le caractère distinctif du Québec sans le limiter, mais faisait en sorte que cette reconnaissance n'était pas subordonnée, n'était pas assujettie à la prééminence de la Charte des droits et libertés, qui est le bébé du premier ministre, comme on le sait.

Si quelqu'un sait que le premier Meech, justement, laissait intact le principe de la reconnaissance distinctive du Québec face à ce qui pourrait arriver par l'application de la Charte des droits, c'est bien le premier ministre. C'est d'ailleurs pour cela qu'il s'y est opposé farouchement. Je pense que beaucoup de gens se rappellent que dans l'itinéraire politique du premier ministre, il y a un discours très important qui est un jalon dans sa pensée et dans sa carrière politique et c'est le discours qu'il a prononcé le 16 janvier 1990, ici à Ottawa, à l'université, où il a sonné le glas de Meech.

On pourrait dire: «Pourquoi? Il n'était même pas député». Attention. Il n'était pas député, mais il était candidat, je pense pas encore déclaré, au leadership. Il n'était pas encore candidat déclaré, mais tout le monde sait que la déclaration formelle est précédée d'inten-


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tions. Tout le monde savait que cet ancien député, cet ancien ministre qui s'est levé, ce jour-là, le 16 janvier 1990, devant des étudiants de cette université, ici à Ottawa, avait toutes les chances d'être le prochain premier ministre du Canada et qu'en conséquence, sa parole avait du poids.

Ce qu'il a dit alors est très important, parce que cela a été la charge fatale contre l'Accord du lac Meech. Le premier ministre avait beaucoup de crédibilité et il en a encore je crois chez l'ensemble des Canadiens, peut-être plus même au Canada anglais. Ce n'est pas un reproche que je lui fais, mais à l'époque, en tout cas, au Canada anglais, où il y avait beaucoup d'opposition sourde et latente à l'Accord du lac Meech, sa voix a été entendue comme étant extrêmement efficace pour détruire toute base politique au succès de l'Accord du lac Meech.

Ce qu'il a fait alors, c'est qu'il a invoqué les droits fondamentaux. Il a invoqué les droits fondamentaux, il a invoqué la nécessité de préserver l'efficacité de la Charte des droits. Il a dit ceci, et je cite: «En proposant que le caractère distinct de la société québécoise soit affirmé dans une clause d'interprétation de la Constitution», critère d'interprétation efficace, comme je l'ai dit, et je continue: «il coupe, en pratique, le pays en deux, le Québec d'un bord, les neuf autres provinces de l'autre». Et dans ce texte, le premier ministre s'acharne à démontrer qu'il ne faut pas faire de la reconnaissance du caractère distinctif du Québec un principe d'interprétation, parce que cela a trop de portée, parce que cela va réduire l'efficacité de l'intervention des tribunaux en vertu de la Charte des droits et qu'en conséquence, il faut changer radicalement dans son essence, dans sa substance, l'Accord du lac Meech.

Ces propos de janvier 1990 du premier ministre éclairent de façon presque aveuglante le comportement subséquent qu'il a eu et la séquence des positions qu'il a adoptées, parce qu'elles s'inscrivent toutes dans la même ligne par la suite. Tout son effort a consisté à diluer la reconnaissance du caractère distinctif du Québec.

Pourquoi le premier ministre, qui est un homme honnête, qui a le sens des responsabilités publiques, qui veut le bien du Canada-et je ne doute pas qu'il veuille aussi le bien du Québec-pourquoi le premier ministre a-t-il jeté une pareille clé anglaise dans les rouages qui nous amenaient, à l'époque, à un moment de grâce, à un moment d'entente, à un moment de concordance? Pourquoi l'a-t-il fait? Il l'a fait, je le soumets en toute déférence-je peux me tromper, mais je propose des explications-il l'a fait d'abord parce que, pour lui, je respecte son opinion, pour lui, le Canada, c'est une nation. Pour lui, il n'y a au Canada, qu'un seul peuple, le peuple canadien, dont font partie toutes sortes de composantes, en particulier une composante qui s'appelle le Québec.

(1605)

Pour lui, la conclusion, et c'est un autre principe qui est le sien, le Québec est une province comme les autres. Le Québec est un des petits poussins sagement rangés autour de la poule fédérale.

Des voix: Ah, ah!

M. Bouchard: Mais c'est un homme logique, monsieur le Président. Je n'irais jamais contester sa logique, puisque sa logique l'amène à conclure ainsi, ce qui est une caractéristique de sa position, et les raisons pour lesquelles il s'oppose au caractère distinctif du Québec dans son vrai sens, c'est sa logique l'amène à conclure qu'il n'y a qu'un seul gouvernement national, qu'il n'y a qu'un seul vrai gouvernement, le gouvernement d'Ottawa, celui qui incarne les valeurs, les grandes décisions, qui doit déterminer tout ce qui se passe au Canada en termes d'orientations fondamentales et que les provinces, oui, elles sont dans la Constitution, que voulez-vous qu'on fasse, elles sont déjà là.

On a parlé des provinces dans la Constitution, il faut bien les tolérer les provinces, mais on va leur couper les vivres, on va les serrer. Ça va mal au fédéral? Les finances vont mal? On coupe l'argent aux provinces. On garde les impôts, on garde les points d'impôt, on ne baisse pas les taxes.

Les provinces, en fait, ce sont des accommodements qui sont respectés comme tels, mais des instances, des instances de gestion, d'immenses municipalités, peut-être, dans l'esprit du premier ministre et de ceux qui pensent comme lui, et de son mentor,M. Trudeau, qui se sont acharnés à imposer à la réalité une fiction du Canada.

Ces gens-là vivent avec une imagination de ce que le Canada devrait être. Pour eux, le Canada ce devrait être très simple: un cercle, le gouvernement fédéral, l'État fédéral, et tout autour vous mettez des petits carrés, des petits points, ce n'est pas grave, mais quelque chose qui s'appelle les provinces; mais au centre, un État nation, au fond. Et on a très souvent vu, dans leurs discours et dans leurs attitudes, une sorte de fatigue à voir la présence des provinces, les provinces qui ont des ambitions, qui ont des identités, des aspirations, que ce soit au Québec ou au Canada. Là-dessus, je sais que le Parti réformiste a des doléances qui sont très souvent fondées.

Alors, on peut comprendre maintenant pourquoi cet homme raisonnable, cet homme responsable a posé le geste qu'il a posé en 1982. Je ne crois pas qu'on puisse le justifier, mais en 1982, cet homme qui avait cette idée du Canada est allé jusqu'à l'imposer au Québec.

Jamais, moi qui ai étudié un peu l'histoire, et beaucoup. . .

Des voix: Oh, oh!

M. Bouchard: Oui, j'ai étudié, j'ai étudié un peu l'histoire, et je suis modeste en disant un peu. Il y en a d'autres au Québec qui ont étudié l'histoire. N'oubliez pas que le slogan du Québec est «Je me souviens». C'est la longue mémoire du Québec qui explique sa survivance à son identité.

Il m'est arrivé, à moi et à beaucoup de gens au Québec, quand j'étais étudiant-je n'étais pas souverainiste quand j'étais étudiant, mais j'étais critique à l'endroit de la Confédération-je l'ai écrit. J'ai été directeur d'un journal étudiant, je l'ai écrit, et tout, mais jamais il ne m'est arrivé de penser que le Canada, une démocratie, que le Canada anglais, un peuple tolérant, ouvert, respectueux des droits des autres, pourrait un jour, se servir de son poids pour écraser la volonté du Québec, déchirer la Constitution qui a été convenue par nos ancêtres en 1867, et lui substituer une autre Constitution qui


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n'est pas celle du Québec, qui a été imposée au Québec, que le Québec a répudiée, que toutes les instances démocratiques du Québec ont répudiée, que tous les partis politiques du Québec ont répudiée, y compris les partis fédéralistes.

Jamais je n'aurais pu penser qu'on pourrait faire une chose comme celle-là dans mon pays. Et ce que je dis au premier ministre, c'est ceci: Il trouve que je parle trop souvent de 1982, je comprends qu'il n'aime pas qu'on en parle. Je comprends, je peux le comprendre là-dessus, mais je voudrais lui dire que ce jour ensoleillé, où, en compagnie de Sa Majesté la Reine d'Angleterre, forte de son statut de Reine du Canada, il s'est trouvé avec M. Trudeau, M. Ouellet, sur les parterres du Parlement ici, à signer le rapatriement de 1982, cette nouvelle Constitution, que ce jour où le Canada en général était en liesse, ce jour de grand triomphe, que c'est ce jour-là qu'on a tendu le ressort de l'accession du Québec à la souveraineté.

(1610)

Autrement dit, on comprend maintenant que par la suite, pour quelqu'un qui revenait aux affaires, à la tête du pays, dans la position de la magistrature suprême, on comprend que l'Accord du lac Meech, dans sa première version, dans la version qui avait été signée par tous les premiers ministres et du Canada et des provinces, était une menace à son oeuvre. Il l'a perçue comme une terrible menace, comme une oeuvre de sape à ce qu'il avait construit, même au prix de l'empiétement des droits collectifs du Québec.

Alors, qu'est-ce qu'il a fait? Il a lancé une opération dérapage, dérapage contrôlé, c'est-à-dire qu'il a bien vu qu'il ne fallait pas s'opposer à l'expression «reconnaissance du caractère distinctif du Québec». Le caractère du Québec est distinct, il ne fallait pas nier ça, cela aurait été un peu ridicule d'ailleurs de dire que le Québec n'est pas distinct, avec tout ce qu'il nous distingue très apparemment, profondément en plus. Donc, il a gardé l'expression, mais il a tout fait pour la vider de son contenu.

C'est là que son travail politique a été efficace. D'ailleurs, c'est un homme qui est efficace et redoutable en politique. Je suis de ceux qui éprouvent le plus grand respect pour son efficacité politique et elle a été démontrée dans ce qu'il a réussi par rapport à la notion du caractère distinctif du Québec. Qu'est-ce qu'il a fait, à ce moment-là, après le discours de janvier? Il a fait en sorte qu'il est devenu irrémédiable, aux yeux de M. Mulroney, premier ministre à l'époque. . .

Mme Copps: Ton ami.

M. Bouchard: Pardon?

Une voix: Ton chum, ton ami.

M. Duceppe: Ils n'ont pas de classe.

M. Bouchard: Monsieur le Président, on me dit que M. Mulroney était mon ami comme si c'était un reproche qu'on me faisait. Oui, il a été mon ami pendant 30 ans.

Mme Copps: Qu'est-ce que vous avez livré là?

Des voix: Oh, oh!

M. Bouchard: Qu'est-ce que vous avez à dire contre M. Mulroney? Qu'est-ce qu'elle a à dire contre M. Mulroney? Qu'elle le dise. Qu'est-ce qu'elle a à dire?

Une voix: Qu'elle se lève.

M. Bouchard: Je crois que ce n'est pas le lieu pour mêler les questions personnelles, les animosités que peut avoir la vice-première ministre contre une personne dans ce débat présent.

Je rappelle des faits: à l'époque, cet homme, qui s'appelleM. Brian Mulroney, était premier ministre du Canada. Il avait réussi à faire signer l'Accord du lac Meech, le 3 juin. Cela n'avait jamais été réussi au Canada, une chose comme celle-là. Jamais. Il est évident que le premier ministre n'est pas en route pour réussir non plus actuellement.

L'opposition qu'a montée le nouveau premier ministre, le candidat éventuel et ensuite déclaré à la tête du Parti libéral du Canada, à l'époque, a convaincu M. Mulroney et l'entourage dont je ne faisais plus partie à ce moment-là, d'après ce que j'ai compris, qu'il fallait négocier avec l'actuel premier ministre. Et sans que beaucoup de gens le sachent, moi, je ne l'ai pas su, les gens ont décidé de se rapprocher des positions du futur premier ministre, pour faire en sorte que lui, qui contrôlait des chefs de partis politiques libéraux provinciaux qui bloquaient l'Accord du lac Meech, pourrait lever l'obstacle et faire en sorte qu'on signe l'Accord du lac Meech, mais un nouvel Accord du lac Meech.

C'est durant les travaux de la commission dite Charest que l'accord s'est fait. L'accord, ça a été de diluer Meech. Alors que le caucus du Parti conservateur du Québec, à l'époque, dont j'étais le responsable, avait pris l'engagement que jamais on ne changerait Meech dans sa substance essentielle, on s'est retrouvé, dans les dernières journées du mois de mai, je crois, avec l'annonce qu'il y avait un rapport Charest auquel souscrivait le Parti conservateur, auquel souscrivait le Parti libéral, qui faisait en sorte que la reconnaissance du caractère distinctif du Québec se trouvait diluée de façon telle que la Charte des droits puisse s'appliquer à la reconnaissance du caractère distinctif du Québec, ce qui avait pour effet de l'aseptiser.

C'est là que j'ai démissionné. J'ai démissionné avec d'autres, par principe, parce que je n'étais pas venu à Ottawa pour appuyer les thèses de l'actuel premier ministre, j'étais venu pour le combattre.

Alors, cela a donné lieu, en juin 1990, à Meech II, le deuxième Meech, le Meech dilué, le Meech eau de vaisselle, le Meech du premier ministre, qui en plus a été refusé par les Canadiens anglais parce que c'était encore trop. À Terre-Neuve, au Manitoba et dans l'opinion générale du Canada anglais, les sondages aux deux tiers montraient que c'était encore trop pour le Québec, alors que c'était devenu inacceptable pour le Québec, même pour ceux qui l'avaient appuyé jusque-là.

(1615)

Ensuite ce fut Charlottetown, où cela a baissé encore; Charlottetown, ce fut encore moins. Là, on s'est mis à vouloir définir la reconnaissance du caractère distinctif du Québec; en définissant, on limitait, bien sûr. Et là, on s'est mis à comparer cela au même pied que l'égalité que les provinces; distinct, mais égaux aux autres. Tout


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le monde était distinct. Il y en avait pour tout le monde là-dedans. C'était l'auberge espagnole. Cela ne voulait plus rien dire. Cela a été rejeté par le peuple. Pas par moi, pas par les méchants séparatistes, mais par tout le peuple du Québec, par tout le peuple du Canada anglais.

Donc «exit» Charlottetown.

Qu'en est-il maintenant de la mouture de cette semaine? Qu'en est-il de ce qu'on nous propose maintenant. Je dois dire que j'ai un compliment à adresser au premier ministre: c'est la dernière et la mieux réussie de ses tentatives de dilution de reconnaissance du caractère distinctif. Parce qu'alors, ça ne prendra même pas d'avocat pour annexer une opinion légale à la résolution pour dire que ça ne veut rien dire.

Rappelez-vous, dans les épisodes un peu loufoques des accords du lac Meech, le Meech 2, il y avait encore un doute; il y avait encore des gens qui se demandaient: «Peut-être que cela veut encore dire quelque chose.» Alors il y a des avocats qui ont signé une opinion légale pour dire que ça ne voulait rien dire et ils l'ont brochée à l'Accord du lac Meech.

Alors dans ce cas-là, on pourrait même se passer de payer des honoraires à des avocats. Il n'y a rien à annexer à cela. Il suffit de lire pour comprendre que ça ne veut rien dire. Là, on n'a pas pris de chance.

Pourquoi? D'abord, ça laisse intacte la notion d'un seul peuple canadien en vertu de la Constitution de 1982. Autrement dit, le premier ministre a préservé sa Constitution, celle qui n'est pas celle du Québec, celle qu'on n'a pas signé mais que lui a signé sur les parterres du Parlement. Sa Constitution est intacte.

Il n'y a qu'une nation canadienne; le Québec fait partie de tout cela et qu'il se débrouille là-dedans, qu'il se fonde là-dedans. L'identité du peuple du Québec, pour ça, vous repasserez.

Ensuite, il faut noter quand même qu'il s'agit d'une simple résolution. Une simple résolution. Qu'est-ce que c'est, en termes de droit, qu'une résolution d'un Parlement, d'une Chambre des communes? C'est un voeu qui est formellement exprimé par un groupe de parlementaires, mais ça ne porte aucun effet juridique. Il n'y a pas un tribunal qui est lié par cette résolution. Un avocat ne pourrait même pas la déposer devant un tribunal, qui ne voudrait pas la connaître, parce que cela n'existe pas une résolution en termes de droit. C'est nul.

Une voix: Des voeux pieux.

M. Bouchard: Un voeu pieux. Et je dirais même, en plus, que même la Chambre n'est pas liée par cette résolution. Si la Chambre votait la résolution, bien sûr contre le vote du Bloc, mais si la Chambre, forte de sa majorité, imposait l'adoption de la résolution, le lendemain matin, elle n'est aucunement liée. Elle pourrait faire tout ce qu'elle voudrait, cette Chambre. Imaginez en plus si le gouvernement changeait. Qu'est-ce que feraient nos amis du Parti réformiste avec la résolution, comme avec le supposé droit de veto qui viendrait? On en parlera demain de celui-là.

C'est donc un mirage. Cette résolution est un mirage. Je ne dirai pas fumisterie, ce serait un peu fort, parce qu'une fumisterie est une chose dont on ne se rend pas trop compte et que là on la lit et on se rend compte. Donc ce n'est pas une fumisterie, c'est un mirage.

Cela démontre une méconnaissance profonde des Québécoises et des Québécois. Je pense que, quelque part à Ottawa, quand ça fait quelques années qu'on est là-cela risque de m'arriver puisque ça fait un bout de temps que je suis ici-on devient un peu déconnecté par rapport au Québec. C'est comme la dynamique naturelle des choses. Il y a comme une sorte de bulle de verre au-dessus de cette colline qui fait que, respirant toujours le même oxygène, voyant toujours les mêmes visages et écoutant toujours les mêmes voix, lisant toujours les mêmes journaux, parlant toujours aux mêmes journalistes, qui nous entendent, toujours les mêmes, on finit par se déconnecter un peu-je n'exagérerai pas quand même-de ce qui se passe sur le terrain.

Rappelez-vous dans cette Chambre, le soir où la résolution de Charlottetown a été adoptée. Je me souviens, c'était un moment extrêmement solennel, bien sûr. Toute la Chambre s'est levée debout pour adopter Charlottetown, tous les partis, tous les députés. Il n'y avait que six ou sept députés. . . La députée de Beaver River était avec nous, les députés du Bloc, dans le coin, le long du rideau, et nous, presque un peu gênés de le faire, on a voté contre. Je me suis dit ce soir-là: Est-ce qu'il se pourrait que le Bloc, ayant été trop longtemps à Ottawa, soit déconnecté, n'ait pas compris que le peuple canadien, que le peuple québécois veut cet Accord de Charlottetown? Est-ce que ça se pourrait que je me trompe? Est-ce qu'on peut se tromper, nous, les quelques députés du coin, les marginaux, les parias du coin le long des rideaux? Est-ce qu'on peut se tromper, alors que tout ce monde-là, qui sont des gens intelligents, qui prennent l'avion tous les jours pour aller dans leur comté, qui rencontrent tout le monde, qui ont accès aux dossiers, qui sont conseillés par des gens extrêmement intelligents, les gens du Conseil privé, est-ce que ça se pourrait que ces gens-là aient tous tort?

(1620)

C'était le cas, ils avaient tort. Le peuple leur a donné tort. Donc, je dis qu'il y a quelque chose dans l'atmosphère d'Ottawa qui déconnecte les gens de la réalité, certainement, par rapport à celle du Québec. Comment le premier ministre peut-il croire que les Québécois et les Québécoises vont être contents de se faire dire par lui: «Vous êtes distincts, je reconnais que vous êtes distincts?» Comment peut-il s'imaginer que cela va nous plaire, à nous, les Québécois? S'il y a une chose qu'on sait nous, c'est qu'on est distinct. Ça fait un bout de temps qu'on le sait qu'on est distinct.

Ce qu'on veut, par exemple, c'est d'avoir les moyens de prendre nos décisions de façon distincte, d'orienter l'avenir du Québec dans le sens de sa distinction, dans le sens de ce qu'il est différent des autres, de nos différences. C'est ça qu'on veut, c'est ça qu'on n'a pas. Il n'y a rien comme ça dans la résolution, absolument rien.

Ce que je dis, au fond, c'est que le premier ministre et son gouvernement mènent la politique de l'autruche. À force de refuser de regarder la réalité en face, ils finissent par sombrer dans une


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espèce de surréalisme. La preuve, c'est que de Meech 1 à Meech 2, de Meech 2 à Charlottetown, c'est une pente descendante: on offre de moins en moins au Québec. On est fatigué, peut-être de l'effort précédent; comme on est fatigué, on en offre un peu moins.

Alors, on essaie Meech 1; ça ne marche pas. Là, on en offre un peu moins au Québec, Meech 2; évidemment, ça ne marche pas. Ensuite, on en offre encore moins dans Charlottetown; c'est rejeté par le peuple dans un référendum. Qu'est-ce qu'on fait? On fait une autre tentative et on en offre encore moins que Charlottetown. Et on s'imagine que ça va passer au Québec. On s'imagine même que les Québécois sont passionnés par ce débat. Ils ne le sont pas. Je suis certain qu'ils ne vont pas nous écouter aujourd'hui et demain. Je suis convaincu qu'ils pensent à autre chose qui les préoccupe plus maintenant que cela.

Ça c'est devenu le débat du premier ministre maintenant, qui découvre sur le tard la clause de société distincte, qui se réveille la nuit pour penser au caractère distinctif du Québec. Trop tard, monsieur le premier ministre, trop tard, c'est fini. Vous pouvez dormir tranquille la nuit, rêver à autre chose qu'au caractère distinctif du Québec, ça c'est dans le passé, dans le passé politique.

Quand je dis qu'il y a quelque chose de surréaliste dans la démarche gouvernementale, qu'on en juge, qu'on en juge! D'une part, comme je viens de le démontrer, les offres du fédéral sont de moins en moins significatifs, s'amenuisent de plus en plus au fur et à mesure de chaque tentative.

Au même moment, dans un mouvement inverse, les exigences du Québec s'accentuent et se collent de plus en plus à la réalité de peuple que le Québec s'est constituée. Pourquoi? Il suffit de regarder ce qui s'est passé depuis quelques années. En mai 1980, à une question molle sur quelque chose qui se limitait finalement au mandat de négocier, de tenter de négocier la souveraineté-association, 40 p. 100 des Québécois donnent leur appui. En 1992, avec Charlottetown, on rejette l'accord qui avait été conclu par tous les partis et par tous les gouvernements, y compris par le gouvernement du Québec que M. Bourassa dirigeait à l'époque. En 1995, la souveraineté, sur une question dure, c'est-à-dire qu'au lendemain d'un oui, c'était la capacité légale, politique de proclamer la souveraineté, a obtenu 49,4 p. 100 des appuis du Québec.

Pendant que le Québec prend son essor du côté de la souveraineté et qu'il réalise de plus en plus son statut de peuple et veut l'assumer avec les moyens qui doivent lui être tributaires, le gouvernement fédéral, lui, abaisse ses offres. On va se surprendre que ça ne marchera pas. Est-ce qu'on va se surprendre de cela? Personne au Québec, en tout cas.

Ce que je dis en réalité, c'est que tout le débat sur le caractère distinctif du Québec a largement perdu sa pertinence immédiate.

(1625)

Pourquoi? D'abord, parce que, au Québec, tout le monde sait que c'est impossible pour le Canada anglais d'agir avec la cohésion suffisante pour proposer quelque chose d'acceptable au Québec là-dessus. Le Canada anglais, cette Chambre en est une démonstration, pour une fois. Je parlais de l'autre Chambre, qui était déconnectée du peuple canadien et québécois. Au moins, cette Chambre nous montre que, au Canada anglais, il y a de fortes divergences sur la vision du premier ministre.

Donc, les Québécois, qui voient tout cela et qui savent ce qui se passe au Canada anglais et qui ont vécu 30 années d'efforts stériles, savent bien qu'il n'y a rien qui va venir en termes de quelque chose de positif, qui répondrait à des attentes fondamentales dans le domaine de la reconnaissance du caractère distinctif du Québec. De plus, c'est dépassé, parce qu'il faut comprendre que l'expression «caractère distinctif du Québec», dès le départ, était un compromis. C'était le mot que, par courtoisie politique, par rectitude politique, je dirais, M. Bourassa a employé pour ne pas employer le vrai mot, «peuple du Québec».

Il savait que de dire «peuple du Québec reconnu», ça serait un épouvantail pour le gouvernement fédéral, pour le Canada anglais et que, donc, ça ne passerait jamais. Alors, M. Bourassa, qui a le sens des mots, qui a dû lire les vieux rapports de la Commission Laurendeau-Dunton, a trouvé cette expression, l'a mise dans son discours et a fini par en faire une des conditions de l'adhésion du Québec à la Constitution de 1982.

Mais, le Canada anglais a bien vu dans cela. Les gens ont beaucoup d'instinct. Moi, je crois que la population a un instinct politique très sûr. C'est le cas de la population du Québec, c'est le cas de la population du Canada anglais. Le Canada anglais a très bien senti, peut-être plus ou moins consciemment, que, en arrière du mot «société distincte du Québec», se profilait l'expression «peuple du Québec» et que c'est pour cela qu'ils ont refusé un accord. C'estt pour cela qu'ils vont toujours refuser comme ils l'ont fait jusqu'à maintenant. Si on leur demande à eux, et si le Québec ne prend pas les moyens pour que ça soit reconnu, ils vont toujours refuser, ils ne vont jamais permettre à un premier ministre du Canada de faire en sorte que la reconnaissance devienne une réalité juridique.

Mais, je viens de dire que j'incite le premier ministre au réalisme. Je voudrais lui dire que je voudrais aussi prêcher par l'exemple et que nous aussi, les Québécois, nous avons maintenant bien l'intention de pratiquer le réalisme. D'abord, tout le monde est fatigué au Québec, de parler de Constitution. Tout le monde n'en peut plus d'entendre ces expressions qui se succèdent d'année en année, de mois en mois, qui changent, statut particulier, fédéralisme asymétrique-ça, c'est une belle trouvaille, asymétrique. On n'a jamais su ce que ça voulait dire, par exemple, mais en tout cas, on nous l'expliquera un jour-fédéralisme équitable, souveraineté culturelle, société spécifique, et puis il y avait «Égalité ou indépendance» puis «Maîtres chez nous», mais tout ça, pour tourner en rond.

Les Québécois savent que tout a été essayé, qu'on a épuisé les pages du dictionnaire, puis que, finalement, ça ne mène nulle part, ces histoires-là. Donc, il y a, par une sorte de réalisme, une grande fatigue vis-à-vis de ces débats. Deuxièmement, il se trouve que nous avons, au Québec, des priorités plus pressantes, des priorités qui sont du côté des finances publiques. L'état des finances publiques au Québec-qui est en meilleure condition que celui du fédéral, mais ce n'est pas mon problème, parce que moi, je ne suis pas


16981

chargé de gérer les finances fédérales, peut-être aurai-je la confiance du Parti québécois pour me préoccuper de celles du Québec-mais l'intégrité des finances du Québec, c'est une obligation fondamentale, et pas uniquement pour des questions de bon comportement, de politesse, de gestion et de bonne manière administrative.

Non. Au Québec, la question de redresser les finances publiques, c'est vrai au fédéral aussi, j'en suis convaincu, c'est une question de restaurer la capacité du choix. Si nous ne redressons pas les assises financières de l'État, il n'y aura plus de choix pour personne. C'est inutile de faire des débats sur l'environnement, sur la Constitution, sur l'avenir des régimes politiques, sur les politiques d'exportation, sur l'aide sociale, ou de le faire sur quoi que ce soit, si on ne fait pas en sorte que l'État puisse avoir des choix.

Un État qui est étouffé par ses finances publiques ne peut plus respirer, ne peut plus remplir son rôle fondamental, de sorte que nous, au Québec, si le Parti québécois me donne sa confiance, nous allons nous occuper de tout cela. Je ne perdrai pas de temps à lire les propositions constitutionnelles du premier ministre, dès lors qu'elles seront de cet acabit. Des priorités, il y en a d'autres, mais on en parlera plus à Québec. Mais il se peut qu'on soit appelé à en discuter, parce que, comme on vit encore dans le régime fédéral, je peux le comprendre. Et j'ai entendu l'appel, l'autre jour, du premier ministre, qui était prêt à discuter des choses dans l'intérêt des Québécois et des Canadiens, mais dans l'intérim, ce qui sera de l'intérêt du Québec trouvera en moi, si j'ai la confiance du Parti québécois, une oreille attentive.

(1630)

Ce que le Québec veut finalement, au niveau constitutionnel-on en parle une dernière fois, peut-être demain encore, parce que le premier ministre a encore une autre proposition à nous faire demain; tout à coup, il devient très actif, hyperactif dans le domaine constitutionnel-mais dans le domaine constitutionnel, disons-le tout de suite, soyons clairs, ce que le Québec veut, ce dont le Québec a besoin, il sait qu'il ne peut pas l'attendre du fédéral ni du Canada anglais. Il sait qu'il ne pourra que se le donner lui-même, que le prendre lui-même, et que dans la mesure où l'avenir du peuple du Québec, le remède à ses problèmes actuels est à faire en sorte qu'il puisse épanouir son identité dans les domaines économique, social, culturel, dans la mesure où il faut qu'il passe par le statut de peuple. Il le sait maintenant, parce que le message lui vient du Canada anglais, en particulier par la résolution insuffisante d'aujourd'hui, que c'est lui qui devra se décerner le statut de peuple.

De sorte que nous n'avons rien à demander et nous n'avons rien à quémander auprès du gouvernement fédéral et du Canada anglais. Nous ne le disons pas de façon arrogante, nous le disons de façon adulte. Nous avons atteint une sorte de maturité politique qui nous vient des leçons que nous tirons de toutes ces années de discussions stériles, de virages en rond, que tout le monde connaît au Canada anglais et qui éprouve d'ailleurs, à leur endroit, la même fatigue et la même désillusion que nous. De sorte que le Québec sait bien qu'il a un rendez-vous avec lui-même, que ce rendez-vous sera référendaire et qu'il portera sur la souveraineté du Québec pour qu'il assume son statut de peuple.

Je voudrais dire au premier ministre qu'il se pourrait, peut-être pas dans cette Chambre, mais éventuellement, si j'accède aux responsabilités que je solliciterai bientôt, ou alors quelqu'un d'autre, mais qui sera premier ministre du Québec, il se pourrait qu'il se retrouve en face de lui et je le souhaite. Je le souhaite. Personnellement, ce que je souhaite, dans l'intérêt du Québec et du Canada, je sais que j'ai plus de difficultés à convaincre le Canada que le Québec de cela, mais ce que je souhaite, c'est qu'un premier ministre du Québec se retrouve, un jour, assis en face de son vis-à-vis fédéral pour discuter des régimes politiques justement.

Mais je ne voudrais pas que ce premier ministre soit seul, comme les autres qui l'auront précédé, qui ont échoué, qui l'ont payé durement eux-mêmes et qui, parfois, l'ont fait payer durement au Québec, et même qui ont tendu très fortement les rapports qui doivent exister entre le Québec et le reste du Canada. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas envoyé de bons négociateurs, comme on dit. Ce n'est pas parce que les gens qui sont venus négocier ici pour le Québec, comme premiers ministres, n'étaient pas compétents. Je dirais que nous avons envoyé les meilleurs. Personne ne pourrait être meilleur négociateur que l'a été René Lévesque pour négocier pour le Québec.

Mais là, la combinaison va changer, car les premiers ministres qui viendront dorénavant parler de constitution, parler de régime politique, ils viendront parce qu'ils auront un mandat du peuple du Québec. Ils ne viendront pas avec l'idée d'exercer des représailles, d'être agressifs, d'être négatifs. Non. Ils vont venir avec respect mais avec assurance, avec l'assurance que confère à quelqu'un qui est premier ministre, chef d'un État, la responsabilité que lui a conférée le peuple par un mandat de souveraineté. Autrement dit, on discutera d'égal à égal. C'est là qu'on va s'entendre. Autrement, c'est impossible de s'entendre. Tant que le Québec viendra ici comme une province comme les autres, jamais il n'y aura d'entente, parce que ceux qui sont venus ici et qui ont échoué, au nom du Québec, ce n'étaient pas toujours des séparatistes, comme dit le premier ministre, c'étaient très souvent, je dirais le plus souvent, des fédéralistes. Il n'y a jamais eu d'entente non plus.

Pourquoi? Parce que les fédéralistes québécois sont d'abord et avant tout des nationalistes québécois. Ils sont bien conscients que le Québec ne peut s'épanouir que comme collectivité et que, comme collectivité, il doit en avoir les attributs en termes de ressources, de moyens et de capacité de définir ses propres politiques.

Donc, je ne dis pas que nous ne parlerons plus, au contraire. Nous sommes appelés à nous parler tout le temps. Nous sommes des voisins, des partenaires par l'histoire, par toutes sortes de liens. Nous sommes condamnés, je dirais, à nous parler. Il faudra donc, et ça, c'est un conseil que je donnerais en toute modestie au premier ministre, il faudrait donc qu'on fasse attention de ne pas miner le capital de bonne foi qui reste encore. Si on continue de se garrocher des résolutions comme celle-là et de discuter à partir de vétilles comme celles que nous avons devant nous, on va encore créer de fausses perceptions, on va encore alimenter peut-être du ressentiment. Faisons attention.


16982

(1635)

Opérons une sorte de trêve où nous nous occuperons de nos affaires premières. Au Québec, je viens de dire ce que nous avons à faire. Je ne sais pas quand nous pourrons revenir. Cela peut être plus vite que le premier ministre ne le pense. Qui sait. Cette fois-ci, on ne va pas l'avertir un an à l'avance. Ménageons le climat qui devra présider le moment où nous aurons cette vraie rencontre, cette vraie discussion, où nous devrons et où nous pourrons, pour une première fois, regarder avec réalisme, avec lucidité, mais avec une chance de réussir, une définition d'un nouveau partenariat entre le Canada et le Québec.

Des voix: Bravo!

M. Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, j'interviens sur un rappel au Règlement.

Chaque jour, le premier ministre doit faire face à nos questions, y compris sur cette motion. Est-ce que nous pourrions obtenir une période de questions pour chaque député qui parle dans cette Chambre? Je demande le consentement unanime et le consentement du Bloc québécois pour poser des questions après ce discours important du chef du Bloc québécois, peut-être le discours le plus long de ce siècle. J'espère que le Bloc québécois aura le courage d'accepter nos questions.

Le Président: Ce n'est pas une question de courage, nous avons des règles ici. L'honorable député a demandé le consentement unanime. L'avons-nous?

Des voix: Non.

Le Président: Il n'y a pas de consentement unanime.

[Traduction]

Nous allons poursuivre le débat. Je dis cela simplement pour que nous comprenions tous. Le chef du Parti réformiste disposera de 20 minutes, en raison du Règlement, puis il y aura une période réservée aux questions et aux observations.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je participe aujourd'hui au débat sur la motion du premier ministre, qui invite la Chambre à reconnaître que le Québec forme au sein du Canada une société distincte.

Permettez-moi tout d'abord de rappeler à la Chambre pourquoi nous étudions une telle motion en ce moment. Comme les députés le savent, le mois dernier, le premier ministre est venu à un cheveu de perdre le référendum sur la séparation du Québec. D'une manière générale, on reconnaît maintenant deux principales raisons à cela.

La première, c'est que les forces fédérales n'ont pas fait d'effort soutenu pour expliquer clairement, avant la tenue du référendum, les conditions que le Canada poserait dans l'éventualité d'une tentative de séparation. Les séparatistes ont donc pu alimenter la fausse idée selon laquelle un Québec séparé adhérerait simplement à une union économique nouvelle et meilleure avec le Canada; ainsi, plus de 30 p. 100 des gens qui ont voté oui le 30 octobre pensaient qu'ils pourraient se séparer et conserver néanmoins tous les avantages d'être Canadiens.

La deuxième raison concerne les changements demandés par le Québec. Le premier ministre et le camp du non ont grossièrement sous-estimé les changements réels et généralisés demandés par le Québec. Au lieu de contrer le rêve séparatiste avec une vision fédéraliste d'un Canada nouveau et meilleur, les fédéralistes ont proposé le statu quo plus quelques bricoles administratives.

C'est seulement durant la dernière semaine de la campagne que, vu la tournure des événements, le premier ministre s'est senti obligé d'offrir au Québec quelque chose qui pourrait être interprété comme un changement. Il n'a pas offert une vision nouvelle du fédéralisme du XXIe siècle, ni une réorganisation des pouvoirs fédéraux et provinciaux demandée par bien des gens du Québec et de l'extérieur de cette province.

Ce que le premier ministre a offert, ce sont des restes du gouvernement Mulroney, deux propositions qu'il a ressuscitées et qui étaient prévues dans les accords décriés du lac Meech et de Charlottetown. Ces propositions concernent l'idée d'un veto dont disposerait le gouvernement du Québec à l'égard de toute modification constitutionnelle et la clause relative à la société distincte, le sujet de la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Je rappelle à la Chambre que le Parti réformiste préconise une approche fondamentalement différente pour contrer la menace séparatiste et préserver l'union fédérale. Notre approche se compose de deux volets. Dans le premier, nous proposons vingt modifications au système fédéral qui peuvent être apportées sans négociations constitutionnelles. Ces modifications renforceront le pouvoir du gouvernement fédéral de préserver l'union économique, la position des provinces relativement aux ressources naturelles, aux services sociaux, à la culture et à la langue et réformeront les institutions fédérales pour les rendre plus représentatives et comptables.

(1640)

Parallèlement, nous exerçons des pressions en faveur de l'élaboration d'une position canadienne sur les conditions de la séparation, conditions qu'exigerait le Canada pour toute tentative de sécession d'une province.

J'ai fait le serment, en tant que chef politique fédéral, de tout faire pour que les fédéralistes n'engagent pas une autre partie de bras-de-fer avec le Québec aussi mal préparés, mal équipés et mal dirigés que la dernière fois.

La prochaine fois, et ce sera la dernière, nous combattrons les rêves et les illusions des séparatistes quant à une vision fédéraliste de l'avenir en leur disant la vérité toute crue sur la signification de la séparation.

Par conséquent, je suis fondamentalement en désaccord sur la stratégie ou le manque de stratégie du premier ministre sur l'unité nationale, et j'estime que cette motion et les autres composantes de la proposition du premier ministre nous ramènent en arrière.


16983

Cela dit, nous nous sommes penchés, mes collègues et moi, sur la motion du premier ministre afin de déterminer si elle pouvait être modifiée de manière à permettre la reconnaissance juridique du caractère distinct du Québec sur les plans historique, linguistique et culturel, sans que cela n'entraîne les conséquences néfastes qui se sont traduites par le rejet des tentatives précédentes pour en arriver au même but.

J'ai trois amendements à proposer. Je presse le gouvernement d'étudier attentivement ces amendements parce que, à notre avis, ils sont absolument essentiels si on veut que la motion ait au moins 50 p. 100 de chances d'être acceptée à l'extérieur du Québec.

Le premier amendement porte sur la sauvegarde de l'égalité des provinces. Pendant les discussions sur l'Accord du lac Meech et celui de Charlottetown, comme nombre de députés s'en souviendront, la principale objection soulevée à l'encontre de l'inclusion de toute clause sur la société distincte pour le Québec, c'est que cela conférerait au Québec des pouvoirs qui ne seraient pas accordés aux autres provinces. Autrement dit, on craignait et on craint toujours que la clause de la société distincte ne viole la notion d'égalité des provinces.

Dans les observations qu'il a faites il y a quelques instants, le premier ministre s'est empressé de nous assurer que ce n'est pas là l'intention du gouvernement fédéral; il n'a pas l'intention, avec cette motion, d'accorder des pouvoirs spéciaux ou un statut particulier au Québec. Si le gouvernement est vraiment sincère, il n'hésitera pas à appuyer notre premier amendement à la motion, soit l'insertion d'une affirmation claire selon laquelle rien dans cette résolution ne doit conférer ou être interprétée comme conférant à l'assemblée législative ou au gouvernement du Québec des pouvoirs législatifs ou exécutifs, des droits de propriété, un statut ou d'autres droits ou privilèges qui ne sont pas conférés à l'assemblée législative ou au gouvernement des autres provinces.

Cet amendement est absolument indispensable pour concilier la motion dont nous sommes saisis et le principe de l'égalité des provinces. Il est nécessaire pour que les assemblées législatives de la plupart des provinces approuvent des motions analogues.

Notre deuxième proposition porte sur la protection des droits des minorités au Québec. Une des préoccupations légitimes des minorités au Québec, soit de la minorité anglophone, de la minorité autochtone et d'autres minorités ethniques, et le premier ministre lui-même a mentionné cela, c'est que la reconnaissance du Québec comme société distincte pourrait être invoquée par un gouvernement séparatiste trop zélé pour réduire leurs droits, notamment leurs droits en matière d'éducation et leurs droits à la liberté d'expression.

Les craintes de ces minorités ont été provoquées le soir du référendum, lorsque le premier ministre du Québec a blâmé les groupes ethniques d'avoir fait échouer le référendum, laissant entendre qu'ils ne faisaient pas partie de la société distincte que forme le Québec. Les craintes de ces minorités seront aggravées, et non apaisées, par le paragraphe 2 de la motion du premier ministre, car ce paragraphe dit que la société distincte que forme le Québec comprend notamment une majorité d'expression française, mais ne dit pas qu'elle comprend les minorités du Québec.

(1645)

Il y a quelques minutes, le premier ministre a dit que «les Québécois qui sont venus de partout au monde sont des Québécois à part entière. Ils peuvent compter sur nous». Mais la réalité est qu'il a oublié de les inclure dans la définition de la société distincte qu'il donne à l'alinéa 2 de sa motion.

Le premier ministre va se hâter d'assurer à ces Québécois qu'il n'est pas dans les intentions du gouvernement fédéral de permettre au gouvernement québécois d'exploiter le statu de société distincte du Québec pour limiter les droits des minorités. Pas un seul fédéraliste dans cette Chambre et certainement pas un seul libéral ne voudrait voir la clause de la société distincte servir au gouvernement québécois pour justifier la cause du nationalisme ethnique.

Si tel est le cas et si le gouvernement est sincère, il ne pourra qu'accepter le deuxième amendement à sa motion, à savoir l'ajout d'un énoncé clair précisant que rien dans cette motion ne diminue ni ne doit être interprété comme diminuant de quelque façon que ce soit les droits et les libertés de tout résident du Québec.

Cet amendement est essentiel à la protection des droits des minorités au Québec.

M. Chrétien (Saint-Maurice): C'était dans Charlottetown.

M. Manning: Mais ce n'est pas dans la motion.

La troisième proposition vise à protéger l'intégrité du Canada. Il faut apporter une autre modification à la motion du premier ministre pour éviter qu'elle n'appuie la cause des séparatistes lors du prochain référendum sur la séparation. Le premier ministre n'ignore pas que depuis plus de 20 ans, les séparatistes ne cessent de répéter aux Québécois que, du fait de son caractère distinct, le Québec devrait être un État souverain. Nous l'avons encore entendu aujourd'hui. En confirmant la première partie de cette phrase, ce que fait la motion du premier ministre, le gouvernement fédéral court le risque d'en légitimer la deuxième partie.

À nouveau, je prends pour acquis la bonne volonté et les bonnes intentions du premier ministre qui va s'empresser de nous assurer qu'il n'est pas dans les intentions du gouvernement fédéral de permettre au gouvernement séparatiste du Québec d'utiliser la clause de la société distincte pour légitimer la division du Canada. Si le gouvernement est sincère, il ne pourra qu'accepter notre troisième amendement à la motion, à savoir l'ajout d'un énoncé clair précisant que rien dans cette motion ne nie ni ne doit être interprété comme niant que le Canada constitue une nation indivisible.

[Français]

En terminant, j'incite le premier ministre à ne pas talonner l'ancien premier ministre conservateur qui a rassuré les Québécois que ces propositions étaient acceptables dans le reste du Canada quand, en effet, elles ne l'étaient pas.


16984

J'invite le premier ministre à dire aux Québécois que cette motion ne sera pas endossée par la majorité des Canadiens à l'extérieur du Québec, pas plus que par les provinces. Ce n'est qu'en modifiant cette motion que les perspectives d'acceptation augmenteront.

[Traduction]

Si le gouvernement est prêt à modifier la motion selon les propositions, le Parti réformiste appuiera la motion amendée, même s'il demeure convaincu que celle-ci ne contribuera pas ou presque pas à l'unification de la fédération. Toutefois, si le gouvernement rejette ces amendements, s'il fait passer son engagement envers la société distincte avant l'égalité des provinces, s'il considère que son engagement envers la société distincte est plus important que l'unité et l'intégrité du Canada à titre de nation unique, alors nous voterons contre la motion et nous encouragerons tous les loyaux citoyens du Canada à s'opposer aussi à cette motion.

Je propose donc:

Qu'on modifie la motion en ajoutant immédiatement après le mot «conséquences» ce qui suit:
5) Il n'y a rien dans la présente résolution qui:
i) confère ou puisse être interprété comme conférant à la législature ou au gouvernement du Québec des pouvoirs législatifs ou exécutifs, des droits de propriété, un statut ou tous autres droits ou privilèges non accordés à la législature ou au gouvernement des autres provinces;

ii) diminue ou puisse être interprété comme diminuant de quelque façon que ce soit les droits et les libertés des habitants du Québec;

iii) nie ou puisse être interprété comme niant que le Canada constitue une seule nation.

(1650)

Le Président: Chers collègues, nous entendrons des questions et des commentaires pendant dix minutes. Je vais prendre ces amendements en délibéré et je rendrai une décision à la Chambre au plus tard durant la séance de demain, lorsque j'aurai examiné les amendements attentivement.

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.): Monsieur le Président, je suis intrigué par l'intérêt que porte subitement le député aux minorités du Québec. Si l'on examine le programme du Parti réformiste, on constate que l'une de ses principales propositions est l'abrogation de la Loi sur les langues officielles. En fait, ce parti ne veut pas seulement abroger cette loi, mais aussi la remplacer par une politique selon laquelle le Québec serait à majorité francophone et les autres provinces, à majorité anglophone.

Je me rappelle avoir débattu de ce point à plusieurs reprises avec le représentant du Parti réformiste au comité des langues officielles et avoir affirmé que cette proposition était très hostile envers les minorités du Québec. Ce parti propose un genre de bilinguisme géographique; on accorderait le bilinguisme peut-être à la ville de Montréal et à une autre petite partie du Québec, mais le reste de la province serait entièrement francophone. En passant, ce programme abandonnerait entièrement les minorités francophones des autres provinces.

L'approche adoptée aujourd'hui par le chef du Parti réformiste m'intrigue, mais ne me surprend pas entièrement. Il semble vouloir saisir toutes les occasions d'accumuler du capital politique.

Son intervention signifie-t-elle qu'il retire les propositions faites dans son programme, qui visaient à abolir la Loi sur les langues officielles et à établir des droits linguistiques géographiques, et qu'il propose maintenant l'adoption d'une politique pancanadienne qui reconnaîtrait le bilinguisme?

La Loi sur les langues officielles est équilibrée car en reconnaissant les droits des anglophones du Québec, elle reconnaît aussi les droits des francophones hors Québec, y compris ceux de l'Ontario, de l'Ouest et des Maritimes. Est-ce là ce que propose le chef réformiste, ou propose-t-il que cette disposition soit aujourd'hui appliquée aux minorités du Québec et demain à d'autres groupes?

Je tiens aussi à lui rappeler que la résolution ne modifie ni la Constitution ni la loi; la proposition est présentée à la Chambre sous forme de résolution formelle et d'engagement envers les Québécois, mais ce n'est ni un amendement constitutionnel, ni une modification législative. Par conséquent, les modifications que le chef réformiste propose d'apporter à la Loi sur les langues officielles feraient plus de tort aux minorités du Québec que ce qu'il propose aujourd'hui sous forme d'amendement à cette résolution.

M. Manning: Monsieur le Président, dans les observations du député, il y avait à peu près trois questions.

Le premier point, nous reconnaissons que cette motion n'est pas une motion constitutionnelle. Cependant, il faut reconnaître aussi que les principaux membres du gouvernement ont laissé entendre que, si elle était adoptée par la Chambre, elle pourrait être incluse dans la Constitution à une date ultérieure. C'est pour cela que nous la scrutons comme nous le faisons.

Le deuxième point, en ce qui concerne les droits des minorités, dans le domaine de la langue, le Parti réformiste propose que ce soient les provinces et les associations privées qui aient compétence. Ce serait plus populaire au Québec que la politique actuelle du gouvernement. La deuxième chose que nous disons, c'est que le rôle du gouvernement fédéral devrait se limiter à la protection des droits des minorités dans les domaines de la race, de la langue et de la culture.

(1655)

En vertu de la politique linguistique, le gouvernement fédéral n'est plus un joueur et un arbitre, il est simplement un arbitre et il peut assurer une meilleure protection en jouant seulement ce rôle.

Le troisième point, c'est que si le député est sincère, et je pense qu'il l'est lorsqu'il dit vouloir protéger les droits des minorités au Québec, il devrait certainement inciter ses collègues à appuyer au moins le deuxième des amendements que nous avons proposés.


16985

M. Harbance Singh Dhaliwal (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'entendre le député dire qu'il appuie les droits des minorités. Toutefois, il ne faut pas juger les gens par ce qu'ils disent, mais par ce qu'ils font.

Le parti du député a défendu une position qui a été jugée contraire à la Charte des droits, à savoir l'interdiction du port du turban par les Sikhs membres de la Gendarmerie royale. Son parti était contre cela et disait que le turban ne devrait pas être autorisé à la GRC. Récemment, les tribunaux ont décidé qu'interdire le port du turban serait contraire à la Charte des droits.

Je voudrais demander au chef du troisième parti s'il appuierait cette décision des tribunaux et s'il appuie la présence de Sikhs portant le turban au sein de la GRC.

M. Manning: Monsieur le Président, cette question n'a rien à voir avec le débat d'aujourd'hui. Ce que nous disons c'est que le Parti réformiste est en faveur de la défense des droits de la personne et en faveur de l'utilisation du pouvoir du gouvernement fédéral pour y parvenir.

Nous prétendons que lorsque le gouvernement est à la fois un joueur et un arbitre dans une politique, que ce soit la politique multiculturelle ou la politique linguistique, c'est sa capacité d'arbitre qui en souffre. Là encore, je dirais au député que s'il veut juger sur les actes et non sur les dires, s'il est réellement inquiet des droits des minorités, il appuiera le deuxième des amendements que nous avons présentés.

M. Murray Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe, Lib.): Monsieur le Président, hier et aujourd'hui, le tiers parti et son chef ont parlé de notre proposition au sujet des régions du Canada. Nous en avons proposées quatre. Il a dit qu'elles devraient être au nombre de cinq.

La question que je pose au chef du tiers parti est celle-ci: la cinquième région est-elle la Colombie-Britannique ou l'Alberta?

M. Manning: Monsieur le Président, c'est la Colombie-Britannique.

L'autre point que le député ne saisit pas et qui sera soulevé lorsque nous discuterons de ce projet de loi, c'est que la question plus importante est celle d'accorder un veto constitutionnel à la population ou au gouvernement. Nous savons que tous les députés ici présents ont été gênés par la volte-face du premier ministre sur cette question. Un jour, il a dit à la Chambre qu'il entendait accorder ce veto à la population du Québec. Puis hier, il a dit que non, il allait l'accorder au gouvernement du Québec. Il va accorder à un gouvernement séparatiste un veto sur la Constitution du Canada.

Si le député veut poser des questions au sujet de ce projet de loi, il devrait les adresser au premier ministre.

[Français]

Mme Pierrette Ringuette-Maltais (Madawaska-Victoria, Lib.): Monsieur le Président, vous pouvez être assuré que je ne me lève pas pour chanter. Mais en tant que Canadienne française, il me fait grand plaisir de prendre la parole en ce moment historique sur la motion du premier ministre reconnaissant que la population de la «belle province» forme, au sein de notre pays, une société distincte et faisant en sorte que notre législation et nos actions soient guidées et conséquentes de cette réalité.

(1700)

Il y a quelques semaines, les Canadiens et Canadiennes d'un océan à l'autre à l'autre ont témoigné leur appui au Québec par la démonstration à Montréal, ainsi que par de nombreuses autres actions.

Notre premier ministre, en notre nom, et en son nom en tant que Québécois fier et honnête Canadien, confirme son engagement de reconnaître la société distincte du Québec. Je l'applaudis en mon nom, au nom des gens de Madawaska-Victoria, et surtout au nom de l'ensemble de la population canadienne, confiante dans la force, la détermination et la vision positive de son leadership pour l'avenir de notre pays, l'avenir de nos enfants, où qu'ils soient dans ce beau et grand pays.

Pendant la période référendaire, j'ai fait du porte à porte au Québec. J'ai aussi écouté les grands discours émotionnels mais dépourvus de vérité qu'ont prononcés tour à tour les magiciens séparatistes du Québec. Comment, dans une société démocratique et moderne, peut-on essayer d'endormir, comme à l'époque de Duplessis, les Québécois et les Québécoises?

Les péquistes ont même dépensé des millions pour faire des études cachées, pour voir s'ils ne pouvaient pas avoir une dose additionnelle de somnifères afin de faire gober tous leurs discours à la population québécoise.

De son grand fauteuil d'empereur, le chef du Bloc a même osé brimer la liberté des femmes du Québec, ah! seulement les blanches et de préférence de souche, en leur disant qu'elles devaient être enceintes et dans la cuisine. Je peux vous assurer que si de telles convictions avaient été prononcées envers les femmes du Nouveau-Brunswick ou du Canada, la société, non pas seulement les femmes, mais la société canadienne dans son entier se serait révoltée et détrônerait ce chef, peu importe son allégeance politique.

Tout à l'heure, j'ai écouté le discours du chef de l'opposition, du chef du parti bloquiste. Je dois vous dire que s'il était en mon pouvoir de lui offrir une plaque, un trophée pour la façon théâtrale, tout à fait théâtrale avec laquelle il prononce ces mots séparatistes, je lui en donnerais, je lui en ferais cadeau aujourd'hui, parce que, effectivement, il a fait un beau coup de théâtre cet après-midi.

J'ai noté certains propos de ce grand comédien. Il a parlé de revirement de la position du premier ministre concernant la société distincte du Québec. Eh bien, ce grand comédien, qui parle d'autres politiciens qui font des revirements, devrait regarder toute son histoire d'allégeance politique au cours des 20 dernières années, alors que tantôt, lorsque l'opportunisme politique se prêtait au fédéralisme, il se branchait à tous les discours fédéralistes, mais lorsque ça se prêtait à un discours séparatiste, il se branchait à un discours séparatiste.

Alors, encore une autre fois, les 20 dernières années d'histoire de ce grand comédien feront en sorte que dans les vrais livres d'histoire du Québec, il sera reconnu probablement, encore une autre fois, comme le comédien no 1 face à la population québécoise et à son avenir.


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(1705)

Je peux comprendre le grand désarroi du chef du Bloc québécois qui, aujoud'hui en cette Chambre, doit décider si, oui ou non, il appuie le fait que la population québécoise soit reconnue comme une société distincte, au moment où il fait des grands discours politiques pour entreprendre une autre grande aventure, un autre virage vers l'horizon provincial au Québec. Je peux reconnaître son désarroi.

Honnêtement, est-ce qu'il y croit, oui ou non, à la société distincte pour les Québécois et les Québécoises? Est-ce qu'il y croit, ou va-t-il tenter, encore une fois, pour des gains politiques personnels, d'utiliser des ruses pour flatter à sa guise la population québécoise?

J'aimerais également rappeler au chef du Bloc que lorsqu'on parle de respect, lorsqu'on veut du respect pour la population du Québec, évidemment, il faut aussi avoir du respect pour l'ensemble de la population canadienne, comme moi, Canadienne française qui vit au Nouveau-Brunswick et non pas dans un Canada anglais comme le grand maître de cette terminologie, l'ancien premier ministre Mulroney, lui a très bien enseigné à dire à répétition. Il a tout de même aussi mentionné le fait de déchirer la Constitution. Il a été un très bon élève, il faut dire, de l'ancien premier ministre du Canada.

Le leadership qui est exercé aujourd'hui peut être suivi par le leadership des premiers ministres provinciaux qui, à prime abord, défendent leurs clochers. J'aimerais leur rappeler qu'il n'y a pas de clocher sans église et qu'il ne peut y avoir d'église sans fondation. Depuis notre fondation en 1867, le Québec est reconnu, non pas dans une terminologie telle quelle, mais il est reconnu-lisez la Constitution de 1867-de par les institutions. Alors, chaque pilier de cette fondation soutien et compose notre pays, le Canada.

Mes souches québécoises datent de 1642 dans la région de Boucherville et je suis une fière Canadienne française comme plus d'un million de nous qui vivons dans l'ensemble du pays et qui sommes solidaires et fiers, avec les sept millions de Québécois et Québécoises.

Je suis de ceux et celles qui désirent bâtir et non détruire, qui s'ouvrent aux grand défis planétaires de l'an 2000. L'ère est au grand rassemblement et non à l'isolation, comme certains politiciens égocentriques le véhiculent.

Je n'ai pas chanté, même si mon coeur et ma tête sont en harmonie avec cette motion.

Le vice-président: Je suis désolé, mais le temps de parole de la députée est expiré.

La Chambre consent-elle à accorder quelques minutes de plus à la députée?

Des voix: Oui.

Le vice-président: D'accord. Vous avez encore deux minutes.

Mme Ringuette-Maltais: Monsieur le Président, je vous remercie et je remercie mes collègues de cette expression de grande démocratie en cette Chambre.

Je remercie notre premier ministre d'honorer ses engagements et ceux des Canadiens et des Canadiennes de tout le pays. Effectivement, et contrairement à ces magiciens et raconteurs d'histoires d'horreur, nous agissons avec reconnaissance, respect et honneur avant, pendant et après la question du 30 octobre, que cela plaise ou non aux éléments séparatistes qui aimeraient tricher les Québécois et Québécoises d'un avenir prometteur avec l'ensemble du Canada.

(1710)

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de la députée du Nouveau-Brunswick et je dois vous dire que c'est vrai, de notre côté, on a beaucoup de fierté. On a beaucoup de fierté pour notre chef, parce que notre chef, en cette Chambre, il a le courage de dire la vérité. Tous les députés du Bloc québécois sont fiers de leur chef, parce que, pendant la campagne électorale, le chef du Bloc québécois a dit des choses vraies et il a replacé les événements historiques dans leur contexte et il nous a donné une fierté d'être députés du Bloc québécois.

La députée nous a parlé de bâtir, elle a dit vouloir bâtir et non détruire. Or, l'objectif du Bloc québécois, de tous les souverainistes au Québec, c'est également de bâtir, mais de bâtir le Québec, notre patrie, notre pays, de telle sorte qu'il réponde à nos aspirations à nous. En même temps, un autre de nos objectifs est de travailler avec le reste du Canada.

Nous avons proposé une formule de partenariat avec le reste du Canada. C'était extraordinaire. Les Pères de la Confédération canadienne, qui représentaient le Bas-Canada, nous diraient que nous avons raison, plus de 120 ans plus tard, de proposer un changement au nord des États-Unis, en Amérique du Nord, parce que le système actuel ne fonctionne plus.

La proposition du premier ministre en est un exemple. Il n'est même pas capable d'aller chez ses vis-à-vis provinciaux et essayer d'avoir quelque chose qui pourrait être enchâssé dans la Constitution. Tout ce qu'on nous propose, c'est une motion de la Chambre qui ne veut à peu près rien dire, qui vaut à peu près le papier sur lequel elle est écrite.

Donc, je pense que c'est important de ne pas dire n'importe quoi en cette Chambre, d'avoir un peu de respect pour le Québec. Le Québec a été une des quatre provinces qui ont fondé ce pays et, maintenant, c'est le temps de passer à autre chose. Le reste du Canada devrait le comprendre.

Mme Ringuette-Maltais: Monsieur le Président, remarquez que je n'ai pas retenu de question comme telle des propos de mon collègue d'en face, mais toutefois, dans ses propos, il a indiqué qu'il y avait un manque de volonté du premier ministre de vouloir enchâsser les principes de la société distincte à l'intérieur de la Constitution, alors même que le chef de l'opposition a déclaré publiquement qu'il ne voulait plus rien toucher de la Constitution.

Alors, il faut quand même avoir une certaine logique. On ne peut pas dire des choses publiquement un jour et vouloir interpréter le contraire un autre jour. Aussi, le collègue du Bloc a aussi indiqué qu'il désirait un partenariat avec le Canada. La fédération canadienne est un partenariat entre les dix provinces et les territoires. On ne


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peut pas avoir un plus grand exemple de partenariat que ce qu'on a aujourd'hui.

Par exemple, la Communauté européenne est en train de monter une fédération comme celle que nous avons, parce qu'ils ont bien vu le succès que nous avions avec ce type de partenariat. Alors, lorsque j'entend. . .

Une voix: Bien voyons donc!

Mme Ringuette-Maltais: Il faut croire que la vérité choque certaines personnes en cette Chambre. Lorsque j'entends des députés dire que le système ne fonctionne pas, j'aimerais demander quelque chose au député, lorsqu'on parle que le système ne fonctionne pas, de responsabilités, de juridiction.

(1715)

Moi, venant du Nouveau-Brunswick, je trouve cela tout à fait inacceptable. Je ne peux pas comprendre que la population du Québec puisse aussi accepter cela. C'est un problème sérieux, sérieux au Québec-et c'est d'une juridiction uniquement provinciale-le taux de décrochage scolaire. C'est tout à fait inacceptable.

Alors, au moment où l'ensemble de la planète se dirige vers un phénomène grandiose, vers l'éducation, peu importe l'âge, peu importe la région, on ne fait rien au Québec. Et ça, c'est d'une juridiction uniquement provinciale.

Quant aux propos du collègue d'en face, je crois qu'il y aurait bien lieu pour lui de regarder sincèrement les politiques de son gouvernement.

M. Clifford Lincoln (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de conviction que j'appuie la résolution du premier ministre pour consacrer la reconnaissance du Québec au sein du Canada comme une société distincte par sa langue, sa culture, sa tradition et sa majorité francophone.

Je suis profondément attaché au Canada. En même temps, j'ai choisi de plein gré de vivre au Québec. J'ai choisi de contribuer de mon mieux, de mon possible, à la vie du Québec, à l'amélioration dans la mesure de mes moyens du Québec et de sa qualité de vie. C'est au Québec que j'ai choisi d'élever mes enfants, de les faire profiter de ce qui est vraiment le bercail du Canada, le foyer même de son histoire, de sa culture, le coeur même de son patrimoine, de sa dualité.

Je vis à Montréal. Montréal c'est le joyau urbain du Canada. Montréal, malgré toutes les difficultés de parcours constitutionnel et autres, malgré tous les essais pour diviser francophones et anglophones, Montréal reste une ville où la dualité canadienne se fait sentir dans la plus grande harmonie de tous les jours, où anglophones et francophones vivent tous les jours de leur vie, au travail, dans les faubourgs, dans la ville, dans une quiétude, dans la paix, dans l'harmonie réelle.

Montréal est unique à cause de cette dualité culturelle et linguistique, mais aussi grâce à l'apport de tellement d'autres communautés qui sont venues se joindre à nous et qui sont venues donner à Montréal un environnement tout à fait unique, celui d'une ville cosmopolite, une ville accueillante, une ville chaleureuse, une ville extraordinaire.

J'ai eu l'honneur, après une carrière dans les affaires, de choisir d'oeuvrer en politique et de débuter ma vie politique à l'Assemblée nationale du Québec, parce que je voulais faire de mon mieux pour contribuer à faire en sorte que le Québec puisse réaliser toutes ses aspirations.

J'ai travaillé dans mes convictions avec deux collègues ici, le collègue de Beauharnois-Salaberry, le collègue de Roberval, à l'Assemblée nationale, chacun à notre façon pour faire avancer les intérêts du Québec. On ne s'entendait pas, on ne voyait pas de la même façon, mais tous nous travaillions parce que nous pensions que notre objectif commun était de faire avancer le bien-être des citoyens du Québec.

C'est au sein de mon mandat à l'Assemblée nationale du Québec que j'ai eu l'opportunité de défendre l'Accord du lac Meech, de voter pour l'Accord du lac Meech qui consacrait, qui devait consacrer pour la première fois dans la Constitution canadienne la reconnaissance du Québec comme société distincte, qui ferait intégrer le Québec à la Constitution de 1982.

J'ai entendu le chef de l'opposition avec beaucoup de respect, avec tout le respect que je lui dois, nous expliquer comment et pourquoi lui et le Parti québécois n'avaient pas adhéré à l'Accord du lac Meech, pourquoi ils avaient voté contre l'Accord du lac Meech et ensuite contre l'Accord de Charlottetown.

(1720)

Malgré toutes ses explications, je suis convaincu que la raison fondamentale est que, quel que soit l'accord, quelle que soit la proposition qui soit présentée à l'un ou l'autre des partis, le Parti québécois ou le Bloc, qui est foncièrement voué à l'indépendance du Québec, va le rejeter. Quelle que soit la proposition qui sera devant les indépendantistes pour mieux faire marcher le Canada, pour rebâtir le Canada, pour renouveler le Canada, il est logique que ces partis, le Bloc québécois et le Parti québécois, la rejettent. Comme l'a souligné lui-même le chef de l'opposition l'autre jour devant la presse, il n'est pas intéressé à recevoir des propositions parce qu'il a dit: «Moi, je suis souverainiste.»

C'est de bonne guerre, mais qu'on ne nous fasse pas accroire qu'on a considéré ces propositions avec objectivité parce que, fondamentalement, on n'y croit pas, on ne les veut pas.

J'ai trouvé également assez ironique que le chef de l'opposition fasse la leçon au premier ministre en lui disant: «Pendant que vous vous occuperez de Constitution, j'ai autre chose à faire; je redresserai les finances publiques au Québec.» Quelle ironie. Nous savons très bien que le dessein même du chef du Bloc québécois en fondant ce parti était une question constitutionnelle, soit de vouloir séparer le Québec du Canada.

Avant son élection et depuis l'élection, et tous les jours en Chambre, la question constitutionnelle domine. Pour ce qui est du Parti québécois, l'allié du Bloc québécois à Québec, naturellement, pendant toute la campagne électorale, on a parlé de la question constitutionnelle et de la séparation du Québec. On a vécu cela avant l'élection, pendant l'élection du Parti québécois et durant toute la vie du gouvernement du Parti québécois jusqu'au référen-


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dum. Tout ce dont on a parlé, c'est de Constitution, de séparation et d'indépendance.

Aujourd'hui, le chef de l'opposition a le toupet de venir nous dire: «On va laisser la Constitution de côté, on va se mettre aux affaires publiques.» Pourtant, c'est bien le gouvernement du Parti québécois qui a dit, pendant la campagne électorale, qu'il allait choisir une autre façon de gouverner, de bien mener les choses publiques. Tout ce qu'on a fait au Québec, tout ce que le Bloc québécois a fait ici depuis son élection, c'est de parler de l'indépendance du Québec. Rien n'est censé marcher. Tout ce qui a trait au fédéral, tout ce qui a trait au Canada, naturellement, ça ne marche pas.

Tous les jours en Chambre, c'est la même chose.

[Traduction]

Aujourd'hui, Montréal, moteur de l'économie du Québec, où est concentrée 50 p. 100 de la population québécoise, est gravement malade. Dans bien des quartiers de la ville, l'économie se meurt. L'investissement se tarit. Les baux sont réduits ou annulés. Quiconque connaît et suit ce qui se passe à Montréal aujourd'hui vous dira qu'elle est une ville malade. Son économie est dans une situation désespérée.

Entre-temps, qu'avons-nous fait? Nous avons dépensé du temps et de l'argent à des commissions, à des études et à de la propagande, au lieu de nous occuper du bien-être des citoyens du Québec. Aujourd'hui, on nous dit que c'est enfin ce qu'on va faire.

[Français]

Je vais voter avec conviction pour cette résolution parce que je crois fermement que la place du Québec, qui est le coeur, l'âme même du Canada, est au Canada et que les destinées du Québec et du Canada sont liées à jamais. C'est pourquoi, le jour de ce vote, je vais me tenir debout avec fierté et conviction et voter en faveur de la résolution du premier ministre, et j'invite tous nos collègues à l'appuyer fortement.

(1725)

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, je sais que c'est un jour solennel et, si je puis utiliser l'expression, c'est un peu le réveil du Canada auquel nous assistons. Ce réveil se produit par l'annonce, la résolution du premier ministre. Je vais vous avouer que ça me fait sourire un peu. On s'est fait traiter de tous les noms pendant deux ans, depuis qu'on est ici. Le sobriquet préféré qu'on nous accorde souvent, c'est les séparatistes, mais au bout de deux ans, on arrive à accoucher de cette résolution que nous qualifions vide de sens.

Mais, pourquoi dit-on qu'elle est vide de sens? Pourquoi les députés d'en face s'étonnent-ils de notre réaction, de la position que l'on prend face à tout cela? Je m'étonne, ou peut-être que je comprends maintenant. Quand le premier ministre dit qu'il n'écoute pas Radio-Canada parce qu'il veut bien dormir, il s'est privé d'une source d'information. Si le premier ministre avait écouté tous les médias d'information, sans faire de ségrégation envers l'un ou l'autre des médias d'information qui diffusent au Québec et s'il lisait tous les journaux, il saurait d'ores et déjà que le Québec a déjà dit haut et fort, clairement et fermement ce qu'il veut.

Ce qu'on voit ici aujourd'hui ne répond pas à cela. Et il ne faudrait pas s'étonner de la réponse que l'on fait. J'ai des confrères de l'Atlantique qui comprennent parfaitement ce que je veux dire, parce que ça fait deux ans que je les instruis de ce qu'est la souveraineté, que je leur explique la différence entre les termes «souverainiste» et «séparatiste». C'est une période de questions et commentaires, et je pense que je choisis plutôt le volet commentaires ce soir.

J'ai passé deux ans à leur expliquer la différence entre souverainiste et séparatiste. Vous étiez là, monsieur le Président, à ce moment-là, lorsqu'on avait soulevé la question en Chambre, et je leur avais appris ce que le Québec veut être, parce que si on veut faire de l'information aux gens, on répète ce que les gens veulent dire comme message, alors je leur avais dit qu'être souverainiste, c'est être capable de s'affirmer, de s'accepter soi-même.

Je pense qu'ils ont compris un peu ce que ça voulait dire, être souverainiste, ou s'affirmer. Ils utilisent même cette expression dans un projet de loi. On dit qu'on veut affirmer la souveraineté du Canada sur ses océans, et je n'ai rien contre ça, mais on nous l'a reproché pendant deux ans.

Quoi penser maintenant lorsque les députés d'en face se lèvent et essaient de nous faire la morale? On nous a dit que les commissions régionales sur l'avenir du Québec étaient des choses bidon. Ils se sont privés encore une fois d'une source d'information incommensurable. Monsieur le Président, je vois que votre impatience commence à grandir. Je quitterai à ce moment-là le micro en disant que je serai présent pour continuer l'éducation de mes confrères d'en face sur ce que le Québec veut vraiment, mais qu'ils n'ont vraiment pas choisi la bonne façon aujourd'hui.

M. Lincoln: Monsieur le Président, très brièvement. Tout d'abord, peut-être que l'honorable député devrait consulter son chef, qui lui a dit qu'il n'y avait aucune différence, parce qu'il s'est décrit lui-même, à Washington, comme un séparatiste. Je pense qu'il a cru que souverainiste et séparatiste, ça veut dire la même chose. Il s'est targué d'être séparatiste. Il a été très fier de l'appellation, à Washington. Alors, moi j'ai pensé qu'il n'y avait pas de différence, prenant le mot du chef de l'opposition.

Pour ce qui est de parler, comme s'il dirait, lorsque le député parle du Québec, que «c'est tout le Québec», je vais rappeler au député que, le jour du référendum, il y a plus de 49 p. 100 qui ont voté pour son option, et la majorité a voté pour l'option contraire. Donc, il me semble que la majorité a dit, pour le moment, que les faits sont ceci. Mais si un jour ça change, ça changera. Mais pour le moment, ce qui est arrivé, c'est que nous avons gagné un référendum démocratique, tout à fait démocratique, malgré une question complètement floue.

Nous avons gagné un référendum où le Québec a clairement exprimé le choix de suivre la voie tracée par le premier ministre de reconnaître la société distincte, de donner un droit de veto au


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Québec et de mettre en ordre les juridictions des compétences. C'est ce que nous allons faire et c'est ce que nous faisons en ce moment.

[Traduction]

M. Boudria: J'invoque le Règlement, monsieur le Président.

Le vice-président: Comme il est 17 h 30, nous passons maintenant à l'étude des initiatives parlementaires. Si nous consentons à entendre le rappel au Règlement, nous pourrions peut-être nous entendre pour prolonger l'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires, de sorte que les députés ne soient pas privés de leur temps de parole.

Des voix: D'accord.

M. Boudria: Monsieur le Président, comme les députés le savent, il y a quelques instants, le chef du Parti réformiste a présenté un amendement à la motion principale.

J'ai pu examiner l'amendement et je voudrais dire brièvement au Président que je soutiens que cet amendement est irrecevable. La motion confère. . .

Une voix: Cela s'inscrit dans le débat sur la motion.

M. Boudria: Je ne débats pas la motion. J'en conteste la recevabilité. Je crois savoir que monsieur le Président rendra une décision à ce sujet demain matin. Nous avons l'habitude, lorsqu'une motion est présentée à la Chambre, de faire valoir que. . .

Le vice-président: Comme je l'ai dit plus tôt, cette période de temps sera ajoutée à celle réservée à l'étude des initiatives parlementaires. On ne peut pas interrompre le député pendant qu'il fait un rappel au Règlement. Lorsqu'il aura terminé, je donnerai la parole à d'autres députés à propos du même rappel au Règlement.

M. Boudria: Monsieur le Président, l'amendement en question porte sur le fait d'accorder à l'assemblée législative ou au gouvernement du Québec de nouveaux pouvoirs exécutifs, des droits de propriété, etc. Il parle également de privilèges non accordés à l'assemblée législative ou au gouvernement des autres provinces.

Nos précédents parlementaires précisent certaines choses. Plus exactement, au commentaire 579 de la page 183 de la sixième édition de Beauchesne, on dit ce qui suit:

(1) Un amendement qui aborde une question étrangère à la motion principale n'est pas pertinent et ne peut être présenté.
(2) On ne doit pas, dans un amendement, soulever une question nouvelle qui ne peut être étudiée que sur présentation d'une motion distincte précédée d'un avis.
C'est à partir de ces deux points que je crois que cet amendement est irrecevable. J'ai signalé qu'il introduit, au paragraphe (1), deux nouveaux concepts dont il n'est pas question dans la motion initiale.

Monsieur le Président sera également guidé par la décision de 1923 où l'Orateur de la Chambre, à l'époque, avait décidé que le fait d'exiger le rapport d'un comité parlementaire comme condition préalable à l'acceptation d'une initiative particulière était une nouvelle notion, car il n'en était pas question dans la motion principale et que cela était donc irrecevable. De même, je prétends que le paragraphe (1) de cette motion d'amendement est irrecevable.

[Français]

Deuxièmement, j'aimerais porter à votre attention que le 16 octobre 1970, le député Baldwin avait proposé, à l'époque, la motion suivante: Que la motion soit modifiée par le retranchement d'une série de mots, et il ajoutait ce qui suit: «. . .le gouvernement présente immédiatement des propositions législatives pour satisfaire aux conditions énoncées dans la motion.»

C'était un élément totalement nouveau qui n'était pas dans la proposition initiale. Donc, cela allait à l'encontre des règlements.

Alors pour ces deux raisons, je vous présente l'argument que, lorsque vous rendrez votre décision demain matin, l'amendement proposé par le chef du Parti réformiste est irrecevable.

(1735)

M. Duceppe: Monsieur le Président, de toute évidence, vous ne pourriez trancher immédiatement sur cela. C'est pour cela que le whip de l'opposition vous demande de le faire demain matin, prenant la soirée pour y réfléchir.

Je vous soumets que le recours au Règlement aurait dû être fait avant 17 h 30, lors du débat sur la motion. Si on a accepté d'entendre le recours au Règlement, ce n'est pas pour étendre un débat qui ne pouvait plus l'être, sinon, on ne donnera plus jamais d'unanimité pour qu'il y ait des recours au Règlement en dehors de la période réservée à un tel débat.

Je vous soumets que le recours au Règlement portant précisément sur le débat qui nous concerne devrait être fait demain, ou la prochaine fois que nous débattrons de cette résolution. Alors, bien entendu, le Président qui occupera le fauteuil ne pourra rendre sa décision sur place, parce qu'il faut y réfléchir. Vous ne pourriez pas le faire immédiatement aujourd'hui, pas plus qu'il ne pourrait le faire immédiatement à ce moment-là, sinon la tactique serait trop facile. On veut gagner du temps en la soumettant en dehors de la période réservée, en vous disant de le faire demain matin. Et demain matin, il sera trop tôt.

Je vous soumets que sur le recours au Règlement, on devrait agir. On saura qu'il y en a un qui vient, mais on devra faire comme si on ne l'avait pas entendu. Qu'il se situe dans la période réservée à ce débat, sinon, on va passer à côté des règles par amusement et pour arriver de façon indirecte à ce qu'on ne pourrait faire directement.

[Traduction]

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, même si je comprends, dans une certaine mesure, ce que le whip du Bloc québécois vient de dire, vous avez permis un débat sur cela à la suite de la demande faite par le whip du gouvernement, et je voudrais répondre à ses observations.

Je tiens à garantir à la Chambre que nous avons non seulement vérifié le contenu de la motion nous-mêmes, mais que nous l'avons

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également soumis aux services du greffier avant que l'honorable chef du Parti réformiste ne la présente.

Le whip en chef du gouvernement prétend que l'amendement ne se rapporte pas à la motion dont la Chambre est saisie. Bien entendu, aux termes du commentaire 568 de Beauchesne, la pertinence est un critère. Je voudrais vous expliquer très brièvement pourquoi cet amendement est pertinent:

(5) Rien dans la présente résolution ne peut:
(1) conférer ou être interprété comme conférant à la législature ou au gouvernement du Québec des pouvoirs législatifs ou exécutifs, des droits de propriété, un statut ou tous autres droits ou privilèges non accordés à la législature ou au gouvernement des autres provinces.

Le troisième paragraphe de la motion du gouvernement précise que «la Chambre s'engage à se laisser guider par cette réalité», c'est-à-dire la réalité du caractère distinct du Québec.

Au quatrième paragraphe, on dit que la Chambre «incite tous les organismes des pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement à prendre note de cette reconnaissance et à se comporter en conséquence».

Étant donné que nous demandons non seulement à la Chambre, mais également aux organismes des pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement de se laisser guider par cette réalité dans leur conduite, il est clair qu'ils ont tout un éventail d'options quant à la façon de mettre en oeuvre cette directive. Le paragraphe (1) de l'amendement parle simplement d'une voie précise qu'ils pourraient suivre et qu'on ne doit pas envisager. Ainsi, il se rapporte parfaitement à la motion.

Aux termes du commentaire 569 de Beauchesne, on peut amender une motion en insérant ou en ajoutant d'autres mots. Le commentaire 567 précise qu'il est également possible d'apporter un amendement ayant pour objet de faire en sorte qu'une motion soit accueillie plus favorablement. Là encore, étant donné que l'intention déclarée du chef du Parti réformiste est de rendre cette motion acceptable, non seulement pour les députés, mais également pour une plus large partie de la population canadienne, son amendement est parfaitement recevable.

J'espère que le gouvernement fera tout en son pouvoir pour satisfaire tous les Canadiens dans ce qui est, après tout, une motion sur l'unité du pays. Je crois qu'on ferait ainsi un meilleur usage du temps qu'en décidant que l'égalité des provinces, l'égalité des citoyens ou l'intégrité même du pays sont des questions irrecevables à la Chambre des communes.

Le vice-président: Je remercie les trois députés de leurs interventions. Je reconnais qu'il aurait peut-être mieux valu traiter ce rappel au Règlement au cours du débat, plutôt que pendant l'heure réservée aux initiatives parlementaires. Quoi qu'il en soit, le Président est saisi de l'affaire. Ayant été entendues ce soir, les interventions seront consignées dans les «bleus» et le Président aura eu l'occasion de les étudier toutes les trois avant de rendre sa décision demain. C'est une des raisons pour lesquelles le Président était désireux d'entendre les interventions ce soir.

Il est certainement 17 h 30. La Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.


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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI INTERDISANT L'EXPORTATION DES EAUX DU CANADA

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD) propose: Que le projet de loi C-202, Loi visant à interdire l'exportation des eaux du Canada par voie d'échanges entre bassins, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, je suis heureux de constater la présence d'autant de collègues à l'heure réservée aux initiatives parlementaires. C'est qu'ils s'intéressent beaucoup à la question. Je les en remercie et je remercie également mon collègue, le député de Regina-Lumsden, d'avoir appuyé cette motion. Je sais qu'il s'intéresse depuis fort longtemps aux aspects dont il est question dans le projet de loi C-202, tout comme bien d'autres députés de la Chambre qui, ces derniers jours, ont communiqué avec moi pour m'exprimer leur appui et pour me faire savoir qu'ils souscrivaient au principe sur lequel repose cette mesure législative qui en est à l'étape de la deuxième lecture et qu'ils se prononceraient en sa faveur.

Si ce projet de loi est adopté, le Canada disposera d'une loi interdisant à toute société ou à tout organisme de faire passer nos eaux d'un bassin canadien à un bassin américain, dans le cas qui nous occupe, en vue de les exporter.

On peut s'interroger sur les raisons qui motivent la présentation de ce projet de loi à ce moment-ci. Il y a quelques jours, un des responsables des aspects environnementaux de l'Accord de libre-échange nord-américain a fait un discours à Montréal.

Il a déclaré que la forte consommation d'eau et la pollution pourraient être à l'origine de différends dans le cadre de l'ALENA. Il a invité les Canadiens à mieux gérer leurs ressources en eau et a dit que, même si le Canada avait la souveraineté de ses eaux, ces ressources représentaient une richesse mondiale, au même titre que les forêts tropicales humides de l'Amazone, de sorte que tous les êtres humains en dépendaient. Autrement dit, le continent nord-américain compte sur les eaux canadiennes.

Il a terminé son discours de la façon suivante:

On fera de plus en plus pression sur le Canada pour qu'il augmente ses exportations vers les États-Unis, à mesure que la rareté se généralisera. Les Canadiens ont donc intérêt à encourager leurs voisins du Sud à mieux gérer, eux aussi, leurs ressources en eau.
Le 9 novembre dernier, à Montréal, un des principaux responsables de l'ALENA a averti les Canadiens qu'une pénurie d'eau risquait de se produire aux États-Unis et que, de toute évidence, les Américains considérait le Canada comme une source pour alléger la pression dans l'avenir.

Nous tenons également à reconnaître que les projets de détournement des cours d'eau n'ont rien de nouveau. Ces projets existent depuis un certain temps. Par exemple, tout le monde connaît le projet du canal GRAND. M. Simon Reisman, qui était un de nos principaux négociateurs avec les États-Unis, s'en était évidemment fait le promoteur enthousiaste.


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Un autre projet, appelé North America Water and Power Alliance, plus connu sous le sigle NAWAPA, originaire lui aussi de la Californie, prévoyait d'immenses travaux de détournement des fleuves de l'ouest du Canada vers les États du sud-ouest des États-Unis et le nord du Mexique.

Il y avait un projet visant à acheminer par canalisation de vastes quantités d'eau des Grands Lacs vers les plaines intérieures des États du sud-ouest afin de réalimenter leur réservoir aquifère épuisé. C'est un projet qui remonte à 1984. Quelques années plus tard, on a proposé d'alimenter en eau l'immense population de la ville de New York grâce aux eaux du lac Ontario. Quelques années plus tard encore, on a conçu un projet prévoyant le percement d'un canal de 400 milles reliant le lac Supérieur au fleuve Missouri, dans le Dakota du Sud, au coût de 30 milliards de dollars.

Il y a eu également le projet de construction d'un canal reliant le lac Érié à la rivière Ohio, encore une fois pour acheminer de l'eau et permettre la navigation entre les deux pays. Il existe également un plan financé par des fonds fédéraux, prévoyant le percement d'une galerie au fond du lac Michigan afin d'en acheminer l'eau à travers les couches du sous-sol rocheux pour alimenter les villes du sud de l'Illinois.

(1745)

J'ai ici une liste. Je pourrais énumérer indéfiniment ces projets, mais je voulais simplement faire remarquer qu'il existe une longue liste de projets conçus au cours des deux dernières décennies, spécialement quand la dérivation de cours d'eau stimulait l'esprit d'entreprise chez certains personnages très créatifs, surtout pour acheminer de l'eau canadienne vers les États-Unis.

Quiconque a voyagé dans le sud-ouest des États-Unis et le nord du Mexique reconnaîtra que les ressources en eau y sont actuellement exploitées au maximum. Le fleuve Colorado se tarit souvent avant même d'atteindre l'océan parce que toute son eau est épuisée. De même, on pourrait probablement traverser le Rio Grande à El Paso sans même se mouiller les genoux, ce qui montre que cet immense réseau hydrographique sert exclusivement à répondre aux besoins domestiques, agricoles et industriels en eau.

Nous reconnaissons également que presque tous les principaux réservoirs aquifères du sud-ouest des États-Unis et du nord du Mexique sont quotidiennement épuisés. Quand on voyage dans la région et qu'on y parle aux responsables des ressources en eau pour l'avenir, presque tous présument que le Canada deviendra un jour leur salut. Cette eau douce du Canada, que les Mexicains et les Américains estiment gaspillée, sera détournée d'une façon ou d'une autre pour être utilisée dans le sud-ouest des États-Unis et le nord du Mexique.

Nous reconnaissons aussi que la région du sud et du sud-ouest des États-Unis se caractérise par un développement industriel important, une grande expansion agricole et une explosion démographique marquée. Il y a eu une vaste industrialisation du Mexique, surtout dans la zone des maquiladoras où, dans les derniers mois seulement, des centaines de nouvelles entreprises ont vu le jour, et elles ont toutes besoin d'eau. Il est clair qu'on aura de plus en plus besoin, et beaucoup plus vite qu'on ne le croyais il y a quelques années à peine, de très grandes quantités d'eau. Je puis dire que nos voisins et amis américains se tournent presque exclusivement vers le Canada pour combler leurs besoins en eau.

Je pense qu'il est juste de dire que cela fait plus de 20 ans qu'on espère que le problème disparaisse de lui-même. Jusqu'à tout récemment encore, aucun ordre de gouvernement n'avait pris de décision finale dans l'espoir que le problème ne se pose jamais. Je songe tout particulièrement aux gouvernements de la Colombie-Britannique et de l'Ontario-il y en a peut-être d'autres, mais je ne saurais les mentionner ce soir-qui ont adopté un projet de loi visant à interdire les exportations d'eau.

Il faut reconnaître que la gestion des ressources en eau relève au Canada de deux ordres de gouvernement. Conformément à la Loi constitutionnelle, les provinces ont un droit de regard direct sur de nombreux aspects de la gestion de l'eau dans les limites de leur territoire. Elles peuvent donc légiférer en matière d'approvisionnement en eau des particuliers et des entreprises, de réduction de la pollution, de développement hydroélectrique, d'irrigation, d'utilisation de l'eau à des fins récréatives, etc.

Toutefois, toujours conformément à la Loi constitutionnelle, le gouvernement fédéral a compétence sur les pêches dans les eaux intérieures comme dans l'océan et sur la protection des eaux et notamment des bassins hydrographiques. En outre, le Parlement a le pouvoir résiduel de légiférer pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du pays et, partant, de réglementer le commerce. Le gouvernement fédéral a la responsabilité d'entretenir des rapports avec les autres pays et c'est extrêmement important en ce qui concerne l'eau, car les ressources canadiennes en eau sont dans des bassins hydrographiques situés près de la frontière.

Il y a fondamentalement deux domaines de compétence: une compétence provinciale sur le territoire de la province et, parce l'eau pourrait faire l'objet d'un commerce international et que le commerce international relève de la compétence fédérale, le gouvernement fédéral doit aussi avoir compétence en la matière.

Je le répète, des provinces ont choisi la seule option à leur disposition et ont adopté une loi interdisant la vente d'eau entre bassins hydrographiques. Tout cela est bien joli, mais le gouvernement fédéral doit agir aussi. On a dit qu'il existe une politique fédérale. Il y a des années de cela, soit en 1987, le gouvernement fédéral a déposé une politique de l'eau qui se voulait essentiellement un énoncé d'intentions pour l'avenir. Elle n'a aucun fondement législatif. Aucun règlement, aucune loi ne s'y rattache. C'est simplement une politique, rien de plus. Cette politique stipule que «le gouvernement du Canada prendra toutes les mesures possibles dans la limite des pouvoirs que lui confère la Constitution pour interdire l'exportation des ressources en eau du Canada par voie d'échange entre bassins.»

(1750)

À l'époque, j'étais à la Chambre et je pensais que nous allions enfin faire des progrès dans ce domaine. J'étais absolument aux anges lorsque, le 25 août 1988, le projet de loi C-156 a été déposé à la Chambre. Il s'intitulait «Loi visant la préservation des ressources en eau du Canada» et avait pour objet d'interdire l'exportation ou le détournement des eaux limitrophes à des fins d'exportation. Nous pensions que la Chambre allait enfin adopter une mesure législative qui montrerait la volonté du Canada dans ce domaine. Malheureuse-


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ment, le projet de loi C-156 est mort au Feuilleton et n'a jamais été représenté. Aujourd'hui, il n'existe aucune mesure législative fédérale interdisant l'exportation aux États-Unis, par voie d'échange entre bassins, des ressources en eau du Canada pour la vente éventuelle au Mexique. C'est le but du projet de loi C-202.

Ce qui m'a amené à présenter ce projet de loi, c'est un certain nombre de projets, dont un proposé par ma circonscription au sujet de la rivière Thompson Nord. Ce projet avait pour but de détourner environ 50 p. 100 du débit des eaux de la rivière Thompson Nord vers le bassin du fleuve Columbia et le faire passer par plusieurs bassins aux États-Unis pour finalement vendre l'eau à la région de Los Angeles. Ce projet a été officiellement soumis au gouvernement provincial de la Colombie-Britannique, mais les gens s'y sont opposés, car qu'il n'existait pas de loi fédérale. Ils craignent, bien entendu, que l'ALENA n'ait ouvert la voie à ce genre d'entreprise. J'y reviendrai dans un moment.

Très vite, beaucoup de localités s'associaient dans un mouvement de protestation. Au cours des derniers mois, j'ai déposé à la Chambre des pétitions totalisant 123 000 noms de personnes de diverses localités des quatre coins de la Colombie-Britannique et de différentes régions du Canada, mais surtout de Kamloops, Heffley Creek, Raleigh, Westsyde, Barrière, McLure, Avola, Vinsula, Clearwater, Black Pines, Chu Chua, Birch Island, Blue River, Louis Creek, Whispering Pines et de nombreuses autres localités de ma circonscription, pour ne rien dire des villes, villages et régions rurales de partout ailleurs en Colombie-Britannique, d'une bonne partie de l'Alberta et d'autres régions, surtout dans l'Ouest. Cette proposition a soulevé une réaction négative magistrale.

Il est arrivé que des gens disent que l'ALENA nous protège de ce genre de choses. Je veux réfuter cette affirmation. L'eau est un produit aux termes de l'ALENA. J'insiste sur le mot «produit». On pourrait aussi parler de marchandise. L'article 102 de l'ALENA définit ainsi les objectifs de l'accord: «. . .éliminer les obstacles au commerce des produits et des services entre les territoires des Parties et faciliter le mouvement transfrontières de ces produits et services; augmenter substantiellement les possibilités d'investissement sur les territoires des Parties; créer le cadre d'une coopération trilatérale, régionale et multilatérale plus poussée afin d'accroître et d'élargir les avantages découlant du présent accord.»

Essentiellement, ça dit que l'ALENA vise à éliminer les obstacles au commerce des produits. L'eau est un produit, et c'est donc l'un des principaux objets de l'Accord de libre-échange nord-américain.

Le texte se poursuit avec une description plus précise. C'est important de prendre un peu de temps pour examiner cela. À l'article 201 de l'ALENA, les produits d'une Partie sont définis comme des produits selon les termes de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, maintenant l'Organisation mondiale du commerce. Cela signifie que tout produit visé par un code tarifaire du GATT est soumis à toutes les dispositions des accords eux-mêmes, à moins qu'il soit nommément exclu dans un texte particulier.

Monsieur le Président, vous vous souviendrez qu'un certain nombre de catégories de produits ont été nommément exclues de l'ALENA. Les billes brutes, la bière et deux ou trois autres éléments ont été précisés comme étant exclus de l'Accord de libre-échange nord-américain.

Une voix: Qu'en est-il de l'eau?

M. Riis: L'eau n'est pas du nombre. On a fait la preuve qu'on n'avait jamais discuté du cas de l'eau. Les négociateurs l'ont maintenant admis. Les politiciens qui ont participé aux négociations ont dit que l'eau n'a même jamais été mentionnée sérieusement.

(1755)

Par conséquent, pour comprendre sur quoi s'appuie l'inclusion de l'eau dans les accords commerciaux, il faut tout d'abord examiner la section pertinente du système harmonisé de codification des marchandises du GATT. Le système harmonisé de codification des marchandises que le GATT a adopté aux fins du Tarif des douanes et à d'autres fins comprend les numéros suivants: «2201: Eaux, y compris les eaux minérales naturelles ou artificielles et les eaux gazéifiées, non additionnées de sucre ou d'autres édulcorants ni aromatisées; glace et neige.» Il y a ensuite le no 2201(90) et une liste de toutes les autres eaux.

Pour clarifier ce système, des notes explicatives du système harmonisé de codification des marchandises du GATT ont été adoptées par les signataires du GATT, dont une qui prévoit que le numéro en question couvre l'eau naturelle ordinaire de tout genre autre que l'eau de mer, cette eau demeurant assujettie à ce numéro qu'elle soit ou non clarifiée ou purifiée.

Je pourrais continuer de citer de nombreux paragraphes et parler des aspects techniques de l'ALENA, mais ce que cet accord prévoit essentiellement c'est que l'eau, en vertu de l'Organisation mondiale du commerce et de l'ALENA, est considérée comme une marchandise ou un bien. Évidemment, cela suscite de vives inquiétudes.

À mon avis, comme l'ALENA ouvre actuellement la porte à ce type d'exportation et compte tenu du fait que nous devons traiter les entrepreneurs américains et canadiens de la même manière et les soumettre aux mêmes règles du jeu en raison de l'ALENA, il est juste de dire que nous ne pouvons faire de discrimination entre les Américains et les Canadiens, que puisque les Canadiens détournent actuellement des eaux dans leur pays, qu'ils en exportent et qu'ils en vendent sous diverses formes, un entrepreneur américain peut maintenant s'appuyer sur l'ALENA et faire de même, c'est-à-dire exporter de l'eau de la rivière North Thompson en Colombie-Britannique vers un bassin de Los Angeles.

À mon avis, c'est également clair sur le plan du droit international. Je ne suis pas un spécialiste du droit international, mais je me suis entretenu avec nombre d'entre eux. Ils disent que si un différend survient dans ce domaine, les assemblées législatives provinciales n'auront pas beaucoup de poids. Même le corps législatif national n'en aura pas beaucoup, ce qui ne nous empêche pas


16993

d'examiner cette question ce soir. Les dispositions d'un accord commercial international entre trois pays souverains revêtiront une importance suprême en cas de différend. Évidemment, un groupe spécial de règlement des différends prendra en considération le fait que les trois signataires de l'Accord de libre-échange nord-américain ont convenu, conformément aux annexes dont j'ai parlé, que l'eau est un bien, au même titre que le charbon, la morue, le blé ou autre chose, qui peut être acheté et vendu entre les trois pays.

Par conséquent, pour ces raisons et pour nous donner, au moment opportun, un peu de poids devant un mécanisme international de règlement des différends, nous devrions adopter ce projet de loi de manière à indiquer très clairement la position des Canadiens à cet égard.

En terminant, je dirai simplement ceci. Je crois que l'eau est quelque chose de spécial pour les Canadiens. Je pense que nous nous entendons tous pour dire que l'eau est un bien différent de la morue, du bois d'oeuvre, du nickel et ainsi de suite. C'est presque comme le sang. C'est la vie du Canada. L'eau revêt un sens très spécial pour les Canadiens.

J'exhorte mes collègues à adopter ce projet de loi afin d'envoyer un message très clair pour expliquer que c'est là la position du Canada.

[Français]

M. Clifford Lincoln (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député de Kamloops d'avoir présenté ce projet de loi qui nous met devant l'évidence de la ressource naturelle tellement précieuse qu'est l'eau pour nos communautés, pour notre pays.

Nous partageons tout à fait l'objectif du député de préserver nos ressources en eau et d'essayer de contrôler de la façon la plus catégorique les exploitations d'eau du Canada. En même temps, je le dis avec tout le respect que j'ai pour le député, nous pensons que son approche est une approche beaucoup trop étroite, que l'on devrait regarder toute la question de la dimension de l'eau comme ressource d'une façon beaucoup plus large, d'une façon beaucoup plus intégrée.

Nous pensons que toute la question de l'eau doit être vue dans son sens le plus large possible.

(1800)

[Traduction]

L'eau est notre plus précieuse ressource. Nous disposons des plus grandes réserves en eau douce du monde entier. Nous devons les utiliser sagement. Nos emplois, notre économie, notre qualité de vie, notre environnement, notre agriculture, nos forêts, tout cela dépend de nos réserves en eau. Toutes nos autres ressources ne peuvent se passer de l'eau.

Il est clair que nous devons avoir la maîtrise de nos exportations d'eau. Parallèlement, nous devons faire plus qu'examiner les échanges, les exportations d'eau entre bassins. Par exemple, aujourd'hui, une grande partie de nos exportations d'eau se font à l'aide de supernavires-citernes dans lesquels on charge de l'eau de nos régions côtières, de nos lacs, de nos ruisseaux et de nos rivières pour la transporter dans d'autres régions du continent et ailleurs. Nous devons également nous pencher sur ce genre d'exportation. Nous devons en outre nous pencher sur des types de drainage de ressources en eau, comme l'extraction de nos réserves d'eau souterraines, qui pourraient aller vers le sud.

Je suis certes d'accord sur la teneur du projet de loi C-202, qui va dans le même sens que la politique du gouvernement fédéral en matière d'eau, lequel s'oppose lui-même aux exportations d'eau au moyen d'échanges entre bassins. Nous devrions aborder toute la question de l'eau d'une manière globale en tenant compte non seulement des exportations en tant que telles, mais encore de l'utilisation de l'eau, des économies d'eau, de la conservation, de la conception, des effets de l'usage de l'eau sur nos écosystèmes de façon générale, des effets de nos divers processus, de l'industrie manufacturière et d'autres sur l'eau. Il faut également tenir compte de la question de la compétence, de l'apport, évidemment, des gouvernements provinciaux, des municipalités qui nous approvisionnent en eau d'un océan à l'autre.

Le gouvernement examine depuis un certain temps déjà toute la question de l'eau. Pendant une dizaine d'années, nous avons eu des consultations et des ateliers. Nous avons maintenant décidé d'accélérer les choses. Nous sommes en train de réexaminer toutes les politiques et les lois relatives à l'eau, après quoi nous tiendrons, l'an prochain, de larges consultations d'un bout à l'autre du Canada pour savoir de quelle manière nous devrions, selon les Canadiens et les divers paliers de gouvernement intéressés, aborder la question de l'eau d'une façon plus globale, y compris la question clé des exportations.

Nous souscrivons pleinement au principe du projet de loi. Par ailleurs, notre décision, c'est qu'il faut adopter une démarche bien plus globale. Nous voulons d'abord nous pencher sur la question des exportations d'eau, y compris les supers navires-citernes, l'extraction des eaux souterraines. Nous ne voulons pas nous limiter à l'étude d'une loi sur la question des exportations. Nous devons adopter une optique beaucoup plus large sur l'eau et penser en termes d'écosystèmes. Il nous faut traiter l'eau comme étant la ressource la plus précieuse de notre époque, du XXIe siècle et des générations qui nous suivront.

Pour les peuples autochtones du Canada, l'eau est l'essence de la vie. Ils voient l'eau, les ruisseaux, les lacs et les rivières comme étant les veines et les artères de l'organisme vivant qu'est la terre-mère. Pour eux, plus l'eau est pure, plus les artères et les veines de la terre-mère sont propres. Plus les artères et les veines sont saines, plus la terre-mère est saine.

(1805)

Je remercie le député de Kamloops d'avoir porté ce sujet à notre attention pour que nous en discutions. Je m'engage personnellement à ce que le gouvernement adopte une optique très large sur la question lors des consultations générales qui auront lieu l'an prochain et qui, espérons-le, conduiront à l'adoption d'une loi canadienne complète sur l'eau.


16994

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'interviens sur le projet de loi de mon collègue néo-démocrate intitulé Loi visant à interdire l'exportation des eaux du Canada par voie d'échanges entre bassins.

Le but de ce projet de loi déposé par le député de Kamloops est clairement évoqué en son titre: interdire que notre eau soit exportée par le moyen d'échanges entre bassins.

Bien des questions me viennent à l'idée et le projet de loi n'y répond pas. Ces interrogations me sont venues suite à la lecture d'un article du journal Le Devoir paru hier sous la plume de Louis-Gilles Francoeur. Son titre est assez révélateur; il s'agit d'une question et je vous la cite: «La recommandation de scientifiques; l'eau douce sous contrôle fédéral?»

Le journaliste parlait du rapport de l'Association canadienne des ressources hydriques et du Programme canadien des changements à l'échelle du globe qui recommande au gouvernement fédéral de s'impliquer dans la gestion des eaux douces en prenant notamment le contrôle des grands bassins hydrographiques comme le Saint-Laurent et les Grands Lacs.

Ce rapport, publié en août sous l'égide de la Société royale du Canada, propose au fédéral de revoir sa Loi sur les ressources en eau du Canada de 1970 pour l'adapter aux nouvelles perspectives et à la nouvelle conjoncture dans ce domaine.

Le projet de loi du député de Kamloops va dans le même sens, puisqu'il demande au fédéral de s'impliquer dans l'exportation de ses eaux.

Je poursuis sur le rapport abondamment cité dans l'article de Francoeur. On peut y lire que «l'évolution de la problématique porte à croire que la gestion des eaux douces, une ressource appartenant aux provinces, je le répète, une ressource appartenant strictement aux provinces, pourrait devenir un nouvel enjeu constitutionnel, comme beaucoup d'autres d'ailleurs relevant de la gestion de l'environnement. La gestion des ressources en eaux constitue par ailleurs un enjeu stratégique particulier au Québec en raison de l'importance de l'hydro-électricité.»

À la lumière de cet extrait, il est clair que les eaux douces et leur gestion sont sous la juridiction des provinces. Je ne sais pas si le député de Kamloops a consulté sa province, soit la Colombie-Britannique, avant de nous présenter son projet de loi. Je suis persuadée que sa province n'est pas d'accord pour se faire retirer cette juridiction. En fait, si sa province, comme toutes les autres d'ailleurs, décidait d'exporter de son eau par échanges entre bassins, ne pourrait-elle pas le faire, vu qu'il s'agit de sa juridiction?

Je ne vois pas comment le fédéral viendrait s'ingérer encore une fois dans le champ des provinces. Nous savons que c'est une manie des libéraux, spécialement en matière d'environnement, mais qu'un député néo-démocrate entre dans le bal en demandant que le fédéral mette ses grands sabots dans les compétences de sa Colombie-Britannique, ça, ça me dépasse. Je ne vois pas où le député veut en venir avec son projet. Protection des eaux? Conservation des eaux? Cette compétence relève des provinces. Le député ne fait-il pas confiance à son gouvernement provincial en cette matière?

D'ailleurs sa province, et il me corrigera si je me trompe, a elle-même clairement montré sa position à ce sujet avec son projet de loi 9, The Water Protection Act, déposé par son ministre Moe Sihota. J'aimerais bien que le député de Kamloops nous en dise davantage sur cette loi. D'entrée de jeu, le ministre Sihota avait nettement signifié son intention sur cet enjeu.

Dans un communiqué du 27 avril 1995, M. Sihota a dit, et je le cite:

[Traduction]

La clé, c'est que les provinces assument la responsabilité première de la mise en valeur, pas le gouvernement fédéral par l'intermédiaire de l'ALENA ou des États-Unis.
(1810)

[Français]

Je crois que c'est très clair. Le ministre Sihota veut s'occuper lui-même des eaux qui relèvent de sa juridiction. «Not the federal», comme il le disait si bien dans son communiqué. Si son propre ministre de l'Environnement dit vouloir contrôler toute cette question, tout en disant au fédéral de garder son nez dans ses affaires, alors pourquoi le député de Kamloops veut-il imposer une loi à sa propre province et aux autres? Ne conviendrait-il pas mieux de laisser à chacune des provinces, à l'image de la Colombie-Britannique, le soin de gérer la question des eaux qui lui appartiennent?

Et malheureusement, je n'ai pas regardé cet enjeu sous l'Accord de libre-échange nord-américain. Il faudrait certainement voir cette question d'exportation des eaux, de commerce des eaux, en rapport avec cet accord.

Je vois bien qu'on nous servira encore la sauce à l'approche écosystémique, c'est-à-dire visant le fonctionnement des grands systèmes vivant dans leur ensemble afin d'inciter Ottawa à s'ingérer dans le champ des provinces. Le rapport nommé précédemment demande même à Ottawa de développer une problématique de «bassins versants emboîtés». Ainsi, Ottawa devrait s'occuper des grands bassins versants, comme les Grands Lacs et le Saint-Laurent, alors que les provinces et les municipalités ajusteraient leur gestion des plus petits bassins aux politiques fédérales.

Je vous lis ici deux paragraphes de l'article de Francoeur qui sont fort révélateurs quant aux intentions d'empiétement du fédéral en cette matière. Je cite: «Ottawa propose par ailleurs de réduire le rôle des provinces, les propriétaires des ressources en eaux, en noyant leurs responsabilités constitutionnelles dans une mer d'intervenants. Ainsi, le rapport suggère de créer un consortium formé de pouvoirs publics-gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, administrations municipales-des Premières nations, d'universités, de collèges et d'entreprises privées qui auraient pour mandat de s'attaquer à divers problèmes, tant nationaux qu'internationaux, liés à l'eau. Le rapport des sociétés scientifiques propose,


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d'autre part, d'étendre les responsabilités fédérales aux estuaires, comme celui du Saint-Laurent, et au littoral, propriété provinciale, dans le cadre d'une approche axée sur les écosystèmes visant les bassins emboîtés.»

Voilà que ce rapport nous sert la même sauce que le gouvernement fédéral pour justifier une ingérence dans la juridiction des provinces. Les écosystèmes, la nation et l'internationalisation constituent les ingrédients, toujours les mêmes, qui poussent le fédéral à bousculer les provinces. Si Obélix fut le seul Gaulois à tomber dans la marmite de potion magique, les fédéralistes, eux, ont tous mijoté dans le même chaudron. Le député de Kamloops n'y échappe pas, car son projet de loi reflète tout à fait les vues centralisatrices que promeut le fédéral en environnement.

Le rapport ajoute enfin qu'Environnement Canada devrait améliorer la protection des écosystèmes d'eau douce en acceptant d'assumer la responsabilité des secteurs fédéraux des pêches en eaux douce. Or, depuis 1922. . .

M. Mills (Broadview-Greenwood): Oh, my God, it is unbelievable!

Mme Guay: Monsieur le Président, si les députés d'en face écoutaient, peut-être qu'ils apprendraient des choses.

Or, depuis 1922, c'est le Québec qui administre sur son territoire les poissons d'eau douce, ce qui a réglé ici l'incohérence d'un système où l'eau appartient aux provinces et les poissons à Ottawa.

Il ressort clairement de ce rapport que les eaux douces sont sous la juridiction des provinces. Et le ministre Sihota de la Colombie-Britannique en rajoute en légiférant sur l'aspect commerce, échanges des eaux provinciales.

Dans un document du fédéral intitulé Media Backgrounder Federal Water Policy-Executive Summary, il est bien indiqué que, et je cite:

[Traduction]

Les provinces sont directement responsables de nombreux aspects de la gestion de l'eau sur leur territoire. Elles tirent leur pouvoir de légiférer sur l'eau de leurs responsabilités constitutionnelles sur la gestion des terres publiques, sur le droit de propriété et les droits civiques, ainsi que sur les questions de droit du domaine privé. Par conséquent, les provinces ont le pouvoir de légiférer sur les questions concernant l'approvisionnement en eau des citoyens et des industries, la pollution de l'eau, la production d'électricité au moyen de centrales thermiques qui ne sont pas nucléaires et de centrales hydro-électriques, l'irrigation et l'utilisation des cours d'eau à des fins récréatives.
[Français]

Par ailleurs, au Québec, la thèse Gérin-Lajoie a toujours fait et continue de faire l'objet d'un consensus indéniable depuis 1965, à savoir, l'extension des compétences constitutionnelles du Québec à ses rapports internationaux.

(1815)

Si on amalgame tout cela, c'est à dire juridiction des provinces en matière d'eau, volonté des provinces de prendre charge de leurs rapports internationaux, comme la province du député de Kamloops le fait par sa Water Protection Act, et qu'on ajoute la médiocrité, voire la pauvreté du fédéral en matière d'environnement, il faut reconnaître que le projet de loi C-202 n'est pas un projet de loi souhaitable.

[Traduction]

M. Mills (Broadview-Greenwood): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je voudrais une précision. Lors d'un débat sur un projet de loi d'initiative parlementaire, est-ce que la parole passe d'un côté à l'autre de la Chambre?

Le vice-président: Habituellement oui, mais certains présidents laissent aux trois porte-parole une chance de parler en premier, et selon ma liste c'est le député de Peace River qui a maintenant la parole.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, ce projet de loi soulève pas mal d'intérêt. C'est certainement une chose à laquelle nous nous intéressons également depuis longtemps. Il s'agit de l'eau et des exportations d'eau.

Je suis heureux de parler du projet de loi C-202, Loi visant à interdire l'exportation des eaux du Canada par voie d'échanges entre bassins. Je sais que le député de Kamloops suit cette question depuis un certain nombre d'années. Étant donné qu'il vient de Colombie-Britannique, je peux comprendre son intérêt pour ce sujet.

Contrairement à ce que disait l'intervenante précédente, les rivières traversent souvent plus d'une province et leur bassin est souvent assez étendu.

Le Parti réformiste s'intéresse également à cette question des exportations d'eau. Dans notre feuille bleue de 1993, qui contient les principes, les politiques et la plate-forme électorale du Parti réformiste, nous déclarons notre appui à la position qui veut que, nonobstant l'inclusion de l'eau dans l'Accord de libre-échange Canado-américain et l'Accord de libre-échange nord-américain, nous maintiendrons le contrôle exclusif et sans restriction du Canada sur l'eau sous toutes ses formes, et que les deux ententes doivent être modifiées en conséquence.

La feuille bleue va même plus loin, puisqu'elle dit que tant que la politique fédérale relative aux accords de libre-échange n'aura pas commencé à être mise en oeuvre et que le Canada n'aura pas obtenu le contrôle de ses ressources en eau dans le cadre de ces deux accords, le Parti réformiste n'appuiera pas la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain.

Je pense que c'est clair. Toutefois, si on examine la recherche, on peut conclure que, dans certains cas, les deux positions peuvent se défendre. La première, c'est que l'ALE et l'ALENA accordent aux États-Unis une certaine part des eaux douces du Canada. La deuxiè-


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me c'est que les accords de libre-échange ne donnent pas aux États-Unis l'accès à nos eaux. Je voudrais envisager les deux positions. Je vais parler de la deuxième d'abord, parce que c'est la position officielle du gouvernement canadien.

L'eau n'a jamais été mentionnée pendant les négociations sur le libre-échange. Les accords de libre-échange sont des accords commerciaux, qui traitent des biens et des services qui font l'objet d'un commerce. L'eau embouteillée, naturellement, est un bien commercial, mais l'eau des rivières et des lacs n'est certainement pas une denrée commerciale. Donc, où est le problème?

De plus, le gouvernement canadien a modifié la mesure législative de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis en disant qu'aucune des dispositions de l'accord, comme celle sur le partage proportionnel, ne s'applique aux eaux naturelles de surface ou souterraines. Il n'y a que l'article 401, qui traite de l'élimination des droits de douane, qui parle de l'eau.

Il semblerait que nos eaux soient sûres. Dans une troisième tentative pour s'assurer qu'il n'y ait pas de malentendu ou de manoeuvres juridiques de la part des Américains, au mois de décembre 1993, les gouvernements du Canada, du Mexique et des États-Unis ont émis une déclaration conjointe selon laquelle: «L'ALENA ne crée aucun droit sur les ressources en eau naturelle de toute partie à l'accord. À moins qu'elle ne soit mise sur le marché et ne devienne une marchandise ou un produit, l'eau sous toutes ses formes n'est pas assujettie aux dispositions d'un quelconque traité commercial, y compris l'ALENA. Rien dans l'ALENA n'oblige une quelconque partie à l'accord soit à exploiter ses eaux à des fins commerciales, soit à exporter ses eaux sous quelque forme que ce soit. L'eau, dans son état naturel, que ce soit dans les lacs, les rivières, les réservoirs, les nappes aquifères, les bassins ou ailleurs, ne constitue pas une marchandise ou un produit, n'est pas commercialisée et, en conséquence, n'est pas et ne sera jamais assujettie aux dispositions d'un quelconque accord commercial.»

L'argument officiel ajoute que les droits et les obligations internationaux concernant l'eau dans son état naturel sont contenus dans des traités et des accords distincts qui ont été négociés à cette fin. Mentionnons, par exemple, le traité de 1909 entre les États-Unis et le Canada relatif aux eaux limitrophes et le traité relatif aux eaux limitrophes conclu en 1944 entre le Mexique et les États-Unis.

(1820)

Il semblerait que toute personne sensée conviendra qu'il n'y a plus rien à ajouter, que tout est clair comme de l'eau de roche. Bien sûr, nous ne sommes pas tous des avocats. Les avocats peuvent déceler des échappatoires et les exploiter. Bientôt, nous assisterons à une exportation de l'eau de l'autre côté de la frontière.

Permettez-moi de toucher un mot sur l'autre argument, celui qui veut que nous ayons fait une gaffe, que nous avons mis le point final à l'accord commercial sans exiger expressément l'exemption de l'eau dans nos rivières et nos lacs.

Selon cet argument, l'eau serait une marchandise aux termes de l'Accord de libre-échange et de l'ALENA. C'est pour cela que les deux accords commerciaux définissent une marchandise comme ce que l'on entend par marchandise dans le GATT ou Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Évidemment, l'eau fait l'objet d'une position très longue dans la liste tarifaire du GATT. Cette position, le numéro 22.01, s'établit comme suit: Eaux, y compris les eaux minérales naturelles ou artificielles et les eaux gazéifiées, non additionnées de sucre ou d'autres édulcorants ni aromatisées, glace et neige.

Une telle description porte à croire que les eaux naturelles de toutes sortes, autres que l'eau de mer, pourraient être classifiées au même titre qu'une marchandise. Puisque, selon l'accord de libre-échange, nous devons permettre à toutes les parties les mêmes droits concernant le commerce des produits et services, nous pourrions être obligés de donner aux États-Unis et au Mexique les mêmes droits à nos ressources en eau dont nous bénéficions.

Peu importe les avis juridiques, je suis d'avis qu'il faut tenir compte de l'accord parallèle signé par les trois gouvernements. L'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, et l'Accord de libre-échange nord-américain n'ont jamais été modifiés pour y faire état clairement de la souveraineté du Canada sur ses ressources en eau, ce que je considère comme une erreur. Mais, si jamais il y avait lieu de rouvrir l'accord pour y inclure un nouveau pays, il faudrait en profiter pour corriger cette erreur. Toutefois, nous sommes quand même protégés et je doute que nous soyons un jour forcés de vendre des ressources en eau à nos voisins qui connaissent des climats plus secs.

Bien sûr, nous pouvons toujours nous retirer de l'ALE ou de l'ALENA. Ce sera notre dernier recours, si nous n'arrivons pas à remplir toutes nos obligations. Nous avons le droit de nous retirer. Il suffit alors d'aviser par écrit nos partenaires six mois à l'avance.

Revenons au projet de loi dont nous sommes maintenant saisis. Je suis tout à fait d'accord avec son contenu et son objet. Je doute qu'un parti, quelle que soit ses principes politiques, soit favorable à l'exportation d'eau par voie d'échanges entre bassins. Non seulement une telle exportation menace notre souveraineté, mais elle comporte aussi des risques pour l'environnement. Les échanges entre bassins risquent d'introduire des parasites et d'autres organismes dans de nouveaux environnements et d'entraîner des effets très nuisibles. Un bon exemple, c'est la moule zébrée qui a été introduite dans nos Grands Lacs par des navires transocéaniques.

D'autres problèmes surviennent quand il y a une baisse du flux d'eau douce dans les estuaires, où l'eau salée se mélange à l'eau douce. L'équilibre salin est perturbé, de sorte que les oiseaux et les poissons de l'écosystème en souffrent. On signale aussi que les barrages entraînent un changement climatique et provoquent une contamination par le mercure dans la chaîne alimentaire.

Je conviens avec le député de Kamloops qui recommande d'effectuer des études plus poussées sur les échanges entre bassins. À cette fin, j'appuierais le renvoi du projet de loi C-202 au comité.

Même si je n'en suis pas certain que ce soit nécessaire ni que nous soyons suffisamment protégés, je me prononcerais en faveur de ce projet de loi. Nous pouvons l'adopter comme une garantie supplémentaire renforçant la protection de nos très précieuses ressources en eau.

16997

Le vice-président: Le député de Kamloops, qui a déjà pris part au débat, invoque le Règlement.

M. Riis: Monsieur le Président, un très bref rappel avant l'intervention du député de Broadview-Greenwood.

Compte tenu de ce que vient de proposer le député réformiste, pourrais-je vous demander, monsieur le Président, de voir s'il y a consentement unanime pour proposer une motion portant renvoi de la teneur du projet de loi au comité afin qu'on y poursuive l'étude de la question?

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

Le vice-président: Il est clair qu'il n'y a pas consentement unanime.

(1825)

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais remonter à la toute première intervention que j'ai faite à la Chambre des communes en 1988. Nous discutons précisément de la question que j'avais évoquée en exprimant mon opposition à l'accord de libre-échange, à savoir que l'accord s'appliquait également à l'eau.

Je tiens à féliciter le député de Kamloops d'avoir présenté cette mesure d'initiative parlementaire. Cette question devrait faire l'objet d'un débat général. Au fond, je crois que notre pays ne se soucie absolument pas de l'eau quand il s'agit de comprendre les complexités et la gravité de ce qui se passe autour de cette question.

Je suis allé étudier au Texas, au sortir de l'école secondaire, et j'ai depuis gardé contact avec quelques-uns de mes amis de l'époque. Alors que je faisais campagne pour la première fois, en 1988, pour me faire élire député, j'ai reçu un appel d'un de mes anciens camarades de collège, qui m'a dit qu'il y avait dans l'accord de libre-échange quelque chose qui avait trait à l'eau.

J'ai donc demandé plus de détails à mon excellent ami, Bert Edmondson. Il m'a dit que le négociateur en chef de l'accord de libre-échange pour le président Ronald Reagan, Clayton Yeutter, est un de ses amis personnels et qu'il avait passé toute sa vie à étudier la gestion des eaux en Amérique du Nord, en y consacrant même sa thèse de doctorat. Jeune attaché politique, il a travaillé pour le membre du Congrès Jim Wright, qui a passé la plupart de son temps à étudier la gestion des eaux d'Amérique du Nord.

Mon ami, même s'il vivait à Houston, même s'il était un Américain qui se souciait surtout du bien des États-Unis, m'a prévenu très amicalement qu'il devait y avoir dans l'accord de libre-échange quelque chose concernant la gestion des eaux d'Amérique du Nord.

J'en ai ensuite parlé avec d'autres qui étaient avocats et spécialistes, et qui s'y connaissaient beaucoup plus que moi dans ce dossier. J'allais me concentrer sur le chapitre 14, portant sur la question de l'investissement étranger sans entrave, chose à laquelle je m'opposais. Toutefois, quand je me suis rendu compte que l'accord avait également quelque chose à voir avec l'eau, je me suis vraiment intéressé à la question encore davantage.

Je me rappelle être intervenu de l'autre côté de la Chambre pour dire au premier ministre Mulroney à l'époque: « i l'accord de libre-échange n'a rien à voir avec l'eau, alors que la question suscite tant d'inquiétude, pourquoi ne demandez-vous pas à votre ami, le président Reagan, d'ajouter un protocole d'entente d'une page, signé par le président Reagan et par vous, le premier ministre Mulroney, stipulant que l'eau est soustraite à l'application de l'accord? Cela rassurerait tous les Canadiens d'un bout à l'autre du pays.» Comme l'a dit le député de Kamloops, toutes les mesures qu'on prend à la Chambre ou dans une assemblée législative provinciale sur le dossier général de l'eau sont assujetties à l'accord de libre-échange.

Je n'ai pas réussi à convaincre le premier ministre Mulroney d'obtenir un protocole d'une page sur l'exemption de l'eau, et le marché a été conclu.

Toutefois, dès le premier mois après mon élection, j'ai découvert que, en tant que député, j'avais accès à la bibliothèque du Parlement et à ses recherchistes. Je les ai appelé et leur ai demandé d'essayer pour moi d'en apprendre davantage sur la thèse de maîtrise de Clayton Yeutter. Elle portait apparemment sur toute la question de l'eau. Quatre mois plus tard environ, une copie de la transcription de l'Université du Nebraska-qu'on avait dû tirer d'une microfiche-atterrissait sur mon bureau. Elle comptait à peu près 700 pages sur la façon dont le service du génie de l'armée américaine allait réorganiser tout le réseau hydrographique de l'Amérique du Nord. Je me rappelle avoir ensuite écrit plusieurs fois à Clayton Yeutter pour le féliciter pour cette thèse magnifique sur la réorganisation complète du réseau hydrographique de l'Amérique du Nord. Je lui ai demandé de me dire, en tant que négociateur en chef de l'accord de libre-échange, si cela allait faire partie de l'accord.

(1830)

Je n'ai reçu de réponse à aucune de mes lettres. C'est pourquoi nous devons être vigilants à cet égard.

Je me rappelle que le député de Kamloops, dans l'opposition, avait présenté à la Chambre des milliers de pétitions visant à nous mettre en garde contre les échanges entre bassins. Il faut régler cette question.

Je dirai au député de Kamloops que son projet de loi d'initiative parlementaire va dans la bonne direction, mais qu'il est trop limité. Le député dit qu'il faut interdire les échanges entre bassins. Comme ne l'ignore pas mon collègue, le secrétaire parlementaire de la ministre de l'Environnement, il y a déjà un échange entre le lac Ontario et le Saint-Laurent. C'est une des raisons pour lesquelles Montréal peut demeurer un port. Si cet échange, qui découle d'une décision de la Commission mixte internationale, devait cesser, il n'y aurait pas de port à Montréal.

Il n'a évidemment jamais été question de cela au cours de la dernière campagne référendaire. Nos amis qui veulent fonder leur propre pays ne se rendent pas compte que ce sont le Canada et les États-Unis qui décident ensemble, de pays à pays, de l'écoulement de l'eau à partir du lac Ontario. C'est avec plaisir que nous faisons que Montréal est l'un des grands ports du monde et cela, pour ainsi dire, grâce à un échange entre bassins.

16998

Je suis heureux de participer à ce débat aujourd'hui. Il concerne un problème que nous devrons régler d'une manière globale d'ici trois à cinq ans.

Un chapitre d'un des livres qu'a écrits l'ancien premier ministre du Québec, Robert Bourassa, traite du canal Grand et de l'idée de recycler l'eau de la baie James en la faisant passer par-delà le mont Amos, dans le réseau de la baie Georgienne, par la rivière des Français, puis les Grands Lacs et, par le lac Michigan, aux États-Unis. Tom Kierans, un Terre-Neuvien qui a travaillé toute sa vie pour cette grande entreprise américaine qu'est la Becto Corporation, avait participé à la rédaction de ce chapitre. Personnellement, je trouve cette idée curieuse.

Ce que j'essaie de dire aujourd'hui, c'est qu'il s'agit là d'un problème que nous devrons régler. Dans quinze ans, nos voisins du sud, les Américains, ne pourront pas continuer sans l'eau du Canada. Cela ne fonctionnera tout simplement pas. Que ferons-nous?

Le député de Kamloops, qui revient sans cesse à la charge avec cette question, qui nous donne mauvaise conscience et qui nous invite à la réflexion, attire encore une fois ce soir notre attention sur une question très importante. J'espère que nous pourrons, avec mon collègue, le secrétaire parlementaire de la ministre de l'Environnement, et d'autres collègues, nous attaquer à ce problème d'une manière exhaustive dans un proche avenir.

Peut-être, comme le député l'a dit, y a-t-il de nombreux termes dans l'équation, dont beaucoup se rapportent directement aux premières nations et à l'environnement. Il y a différents types d'eaux et de processus, ainsi que bien d'autres facteurs dont il faut tenir compte. J'espère que nous pourrons en discuter bientôt.

Quant aux bloquistes, je leur dirai que l'eau n'est vraiment pas un enjeu provincial. Il suffit de voir que 65 p. 100 de nos cours d'eau se jettent dans la baie James. L'eau suit un cycle et, s'il y avait une raison justifiant que mes vis-à-vis transforment le Bloc québécois en Bloc canadien, elle serait certainement liée à l'eau.

Si nous n'avons pas un gouvernement national fort pour gérer nos ressources en eau dans l'intérêt de tous les Canadiens, toute notre société est menacée. Le meilleur moyen de protéger les précieuses ressources en eau pour les Québécois consiste à laisser le gouvernement du Canada travailler au nom de tous les Québécois. Le Québec seul n'a pas la même force ni les mêmes moyens d'action.

[Français]

Le vice-président: La période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée. Conformément à nos articles, l'ordre est rayé du Feuilleton.

[Traduction]

Comme il est 18 h 39, la Chambre s'ajourne à demain, 10 heures.

(La séance est levée à 18 h 39.)