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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 30 novembre 1995

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-363. Motions de présentation et depremière lecture 16999
    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 16999

PÉTITIONS

LA RÉFORME SOCIALE

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 16999

L'HORMONE DE CROISSANCE BOVINE

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

    Projet de loi C-110. Motion visant à la deuxième lecture 17000
    M. Harper (Calgary-Ouest) 17005

L'ÉTUDE DES CRÉDITS

    Adoption de la motion 17008

LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

    Projet de loi C-110. Reprise de l'étude de la motionde deuxième lecture 17008
    M. Hill (Prince George-Peace River) 17011
    M. Lavigne (Beauharnois-Salaberry) 17018
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 17021
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 17024
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 17026
    M. Leroux (Shefford) 17028
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 17029

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

L'ENVIRONNEMENT

LES CONJOINTS DE MÊME SEXE

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 17031

LE CAMP D'INTERNEMENT DE RIPPLES

    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 17031

LA SEVEC

LE CONGRÈS DE LA FTQ

L'ENVIRONNEMENT

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 17032

VISION INTERNATIONALE

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DU VIH-SIDA

LES ARTISTES SOUVERAINISTES

    Mme Dalphond-Guiral 17033

LES DROITS DE LA PERSONNE

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 17033

LE PRÉSIDENT DE LA CSN

LE MOIS DE LA SENSIBILISATION AU DIABÈTE

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

PETER JACOBS

LE CHEF DE L'OPPOSITION OFFICIELLE

    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 17034

QUESTIONS ORALES

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17034
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17034
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17035
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17035
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17035

L'UNITÉ NATIONALE

    M. Harper (Calgary-Ouest) 17036
    M. Harper (Calgary-Ouest) 17036
    M. Harper (Calgary-Ouest) 17036

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    Mme Gagnon (Québec) 17036
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17036
    Mme Gagnon (Québec) 17037
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17037

L'UNITÉ NATIONALE

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17037
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17038

LES AFFAIRES INDIENNES

    M. Hill (Prince George-Peace River) 17038
    M. Hill (Prince George-Peace River) 17038

LE SRI LANKA

LE DÉFICIT

    M. Speaker (Lethbridge) 17039
    M. Martin (LaSalle-Émard) 17039
    M. Speaker (Lethbridge) 17039
    M. Martin (LaSalle-Émard) 17039

TÉLÉFILM CANADA

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 17040
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 17040

L'ÉCONOMIE

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 17040
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17040
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 17040
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17040

LA SITUATION DE LA FEMME

L'IMMIGRATION

LE VIH ET LE SIDA

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 17041
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 17042

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

LA SÉCURITÉ DU TRANSPORT AÉRIEN

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

    Projet de loi C-110. Reprise de l'étude de la motionde deuxième lecture 17043
    M. Leblanc (Longueuil) 17051
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 17055

AVIS DE MOTION CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE TEMPS

ÉTUDE À L'ÉTAPE DE LA DEUXIÈME LECTURE

    M. Leblanc (Longueuil) 17059
    M. Leblanc (Longueuil) 17061
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 17062

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELSRECUEILLIS PAR CERTAINES PERSONNES MORALES

    Projet de loi C-315. Reprise de l'étude de la motion dedeuxième lecture 17063
    M. Hill (Prince George-Peace River) 17063
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 17066
    Mme Brown (Oakville-Milton) 17070

MOTION D'AJOURNEMENT

LE COMITÉ PRÉSIDÉ PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES

LA COMPAGNIE D'ASSURANCE-VIE LA CONFÉDÉRATION


16999


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 30 novembre 1995


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, et en conformité avec le paragraphe 36(8) du Règlement, la réponse du gouvernement à sept pétitions.

* * *

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing, NPD) demande à présenter le projet de loi C-363, Loi modifiant le Code criminel (prostitution de mineurs).

-Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui pour présenter ce projet de loi d'initiative parlementaire à l'étape de la première lecture. Il prévoit qu'un citoyen canadien doit être jugé au Canada lorsqu'il a exploité sexuellement des enfants à l'étranger.

Nous savons qu'il existe une industrie du sexe dont le chiffre d'affaires s'élève à des milliards de dollars, surtout en Asie. D'autres pays, surtout le Royaume-Uni et la Suède, ont pris des mesures pour s'assurer que leurs citoyens qui commettent des crimes contre les enfants, ce qui constitue sûrement l'un des crimes les plus haineux qu'on puisse imaginer, sont jugés dans leur pays d'origine.

L'article 35 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, que le Canada a aidé à mettre en oeuvre, précise que les gouvernements doivent s'assurer que les enfants sont protégés contre toutes les formes d'exploitation sexuelle.

Je recommande à la Chambre d'adopter ce projet de loi. Je voudrais féliciter l'organisation appelée «End Child Prostitution in Asian Tourism», qui déploie d'énormes efforts pour mettre un terme à ce commerce.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

PÉTITIONS

LA RÉFORME SOCIALE

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, je voudrais présenter à la Chambre une pétition qui est signée par des gens de toute la région de la capitale nationale: Ottawa, Nepean, Gloucester, Orléans, etc. Elle porte sur les avantages accordés aux conjoints de même sexe.

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Madame la Présidente, la pétition que je présente aujourd'hui vient d'électeurs de Yorkton-Melville. Voici ce qu'elle dit: «Nous, les soussignés, souhaitons attirer l'attention de la Chambre des communes et du Sénat sur le fait qu'une minorité faisant beaucoup de bruit invite le Parlement à mettre sur pied un double système de commercialisation du blé et de l'orge.

Par conséquent, vos pétitionnaires demandent au Parlement de faire en sorte que la Commission canadienne du blé conserve le monopole de la commercialisation du blé et de l'orge. Ils invitent également le Parlement à élargir le monopole de la commission en lui confiant tous les grains et les oléagineux.»

(1005)

L'HORMONE DE CROISSANCE BOVINE

M. John Solomon (Regina-Lumsden, NPD): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter une pétition au nom de mes électeurs de Regina-Lumsden qui sont inquiets et qui s'opposent à l'autorisation de l'hormone de croissance synthétique connue sous le nom de BGH ou BST qu'on injecte aux vaches pour accroître la production laitière.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de prendre des mesures pour empêcher l'entrée de cette hormone au Canada en imposant un moratoire sur son utilisation et sa vente jusqu'à l'an 2000. Ils veulent également que le Parlement examine les questions de santé et d'économie toujours sans réponse dans le cadre d'un examen indépendant et transparent.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

17000

La présidente suppléante (Mme Maheu): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


17000

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) propose que le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Madame la Présidente, le projet de loi C-110 remplit l'un des trois engagements pris par le premier ministre lors de la campagne référendaire. Le premier ministre s'était engagé à ne pas modifier la Constitution canadienne sans le consentement de la population du Québec. Cependant, ce projet de loi va beaucoup plus loin car il garantit que tout changement constitutionnel n'aura pas lieu sans un consensus régional.

Soyons très clairs, cette initiative, la résolution sur le caractère distinct du Québec, ainsi que l'initiative qui suivra demain, ne représentent d'aucune façon la somme globale de nos propositions en réponse au référendum ainsi que sur la question de l'unité nationale. Nous devons plutôt considérer ces trois engagements comme des premiers pas importants.

[Traduction]

C'est devant une foule de plus de 100 000 Canadiens, fiers de l'être, rassemblés à Montréal, que le premier ministre a promis des changements. Il a pris un engagement qu'il vient maintenant d'honorer.

Ce jour-là, il a fait clairement comprendre que la mise en oeuvre d'éventuels changements nécessiterait l'appui de ces mêmes Canadiens et de leurs amis qui étaient venus de tous les coins du pays à Montréal. Le temps du renouveau commence dès maintenant.

Nous avons besoin de l'appui de ces Canadiens-là et de ceux de partout au Canada pour consolider la confiance de la majorité des Québécois qui ont voté non à la séparation le 30 octobre.

La série de mesures que nous prenons cette semaine marque un nouveau début et une réaffirmation de notre désir de demeurer unis.

[Français]

Ce projet de loi doit être considéré dans le contexte de ce renouvellement. Hier, le premier ministre a parlé de façon éloquente devant les députés de cette Chambre sur la résolution reconnaissant le caractère distinct de la société québécoise.

Cette résolution représente un engagement solennel, le respect d'une promesse, ainsi qu'une expression sincère de respect de la part de cette assemblée législative à l'endroit des citoyens du Québec. Il est vrai que cette résolution ne satisfera pas le Parti québécois ni le Bloc québécois.

(1010)

Malheureusement, comme nous le savons, rien, à l'exception du démantèlement de ce pays, ne parviendrait à les satisfaire. Cependant, comme le premier ministre l'a si bien dit hier, il est beaucoup plus facile de détruire que de construire. Ce gouvernement est uniquement intéressé à construire un Canada plus fort et plus uni.

[Traduction]

Comme le premier ministre l'a assuré hier, la résolution qui demande à la Chambre de reconnaître la réalité que le Québec constitue une société distincte n'est absolument pas conçue pour empiéter sur les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones et n'y déroge aucunement. Cette position inclut le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Nous reconnaissons la situation juridique particulière des peuples autochtones, y compris la protection des droits ancestraux ou issus de traités tels que définis dans la Constitution.

Mon collègue, le ministre du Développement des ressources humaines, déposera demain un projet de loi transformant le régime d'assurance-chômage en un régime d'assurance-emploi. Cela représentera la dernière étape d'une pratique que notre gouvernement a établie au cours des deux années qui ont suivi notre arrivée au pouvoir, une pratique de coopération pour mettre fin au double emploi avec les autres paliers de gouvernement dans nos efforts pour réaliser nos objectifs communs, soit la création d'emplois et la croissance économique.

Nous avons réaffirmé notre engagement pendant la campagne référendaire. Demain marquera une étape importante dans ce processus permanent.

[Français]

Lors de la campagne référendaire, nous avons garanti à la population du Québec que la Constitution de ce pays ne serait pas modifiée sans son consentement. Ceci était un engagement solennel. Le gouvernement du Québec nous cause de l'obstruction dans nos efforts de moderniser la fédération, et demeure seul à l'écart. Il refuse de participer.

Alors que le Canada entame ce processus de renouvellement, nous avons besoin de moyens pratiques afin d'assurer les Québécois que nous ne procéderons pas sans eux. Ce que nous avons fait est de donner un engagement politique très fort, appuyé par la force d'une loi, à l'effet que nous allons utiliser notre veto vis-à-vis de tout changement que les Québécois ou les gens de toute autre région croient aller à l'encontre de leur meilleur intérêt. Ceci ne fait que reconnaître la réalité. Il ne donne rien d'adopter des changements qui ne bénéficient pas d'appui considérable de toutes les régions du pays.

[Traduction]

Je voudrais aborder brièvement la teneur du projet de loi C-110. Je tiens à souligner dès le départ que cette mesure législative n'amorce pas ni ne représente un changement constitutionnel. Il est impératif de souligner que l'adoption de cette mesure par le Parle-


17001

ment n'entraînera pas un changement de la formule de modification prévue dans la Constitution de notre pays.

Toutes les dispositions de la Partie V faisant appel à l'accord des provinces sous diverses formes, selon la nature de la modification proposée, demeureront entièrement comme elles sont actuellement. En particulier, la formule générale de modification exigeant l'approbation des deux tiers des provinces représentant 50 p. 100 de la population canadienne demeurera exactement comme elle est actuellement.

Le projet de loi a cependant pour objet d'accorder un droit de veto sur les modifications constitutionnelles de telle façon qu'aucun changement ne se fasse sans un consensus régional. À plus simplement parler, le gouvernement fédéral prévoit dans la loi qu'un tel appui ne sera pas assuré à moins que certaines conditions ne soient respectées, dont l'appui de toutes les régions du Canada.

Je voudrais m'arrêter quelques instants pour exposer sommairement ce qui est déjà bien connu des députés, à savoir les dispositions de la formule actuelle de modification figurant à la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982, qui demeureront inchangées après l'adoption du projet de loi.

(1015)

Chaque province a déjà un droit de veto sur bien des catégories de modifications constitutionnelles proposées. Par exemple, chaque province a un droit de veto sur tout changement exigeant le consentement unanime, soit sur tout changement intéressant les questions abordées à l'article 41 de la Loi constitutionnelle. Celles-ci comprennent la charge de Reine, celle de gouverneur général et celle de lieutenant-gouverneur; la représentation des provinces à la Chambre des communes et au Sénat; l'usage du français ou de l'anglais; et la composition de la Cour suprême du Canada.

Conformément à l'article 41, chacune des provinces, de Terre-Neuve, à l'Est, à la Colombie-Britannique, à l'Ouest, a un droit de veto absolu et inconditionnel sur toute modification portant sur ces questions.

Le deuxième type de modification envisagée dans la Constitution et le deuxième type de veto prévu à la partie V sont définis à l'article 43. Lorsque les modifications proposées intéressent une ou plusieurs provinces, mais pas toutes, les provinces intéressées ont un droit de veto absolu et inconditionnel sur toute modification de ce genre. Cela s'applique notamment aux changements du tracé des frontières interprovinciales ou encore à la modification permettant l'aménagement du lien fixe entre l'Île-du-Prince-Édouard et la terre ferme. De tels changements ne peuvent pas intervenir sans l'accord de la province ou des provinces intéressées.

Le troisième type de changement qui est visé par un droit de veto de fait est prévu au paragraphe 38(1) concernant la formule d'amendement en général. Le paragraphe 38(3) prévoit que toute province peut se dissocier de toute modification approuvée par sept provinces représentant 50 p. 100 de la population si cette modification suppose une réduction de tout pouvoir, droit ou privilège provincial. Conformément à ce paragraphe, le droit de veto s'exerce de façon négative puisque la province protestataire se dissocie de la modification proposée. Conformément à l'article 40, où le pouvoir de se dissocier concerne la culture ou l'éducation, le gouvernement fédéral doit fournir une compensation financière à la province qui se dissocie.

Il est donc évident que toutes les provinces, de l'Île-du-Prince-Édouard à l'Alberta, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve, ont un droit de veto direct ou indirect sur toutes les catégories ou presque de modification constitutionnelle.

Le seul secteur où il n'existe pas de droit de veto à l'heure actuelle, c'est celui où la formule d'amendement s'applique mais où les dispositions du paragraphe 38(3) permettant de se dissocier ne valent pas, soit, autrement dit, lorsqu'il s'agit de modifications qui n'enlèvent pas de pouvoirs aux provinces. Il s'agit donc de modifications visant, par exemple, à augmenter les pouvoirs des provinces, à élargir le territoire des provinces existantes, ou concernant les autres questions énumérées à l'article 42 de la Constitution.

Le projet de loi C-110 a pour objet de prévoir un droit de veto régional pour tout changement pour lequel chacune des provinces ne bénéficie pas déjà d'un droit de veto direct ou indirect. Le nouveau droit de veto régional prévu dans ce projet de loi ne sera pas assuré par une modification constitutionnelle, mais plutôt par un engagement du gouvernement fédéral à n'apporter que des changements qui feront l'objet d'un consensus régional.

En fait, le gouvernement fédéral met en place une série de critères d'utilisation de son propre pouvoir de veto. La formule d'amendement des sept-50 vaut toujours. Le projet de loi C-110 est simplement une discipline que le gouvernement fédéral s'impose lui-même.

[Français]

Un retour dans le passé nous permet de constater que l'idée de veto régional a reçu à plusieurs reprises l'appui de nombreux adeptes responsables. En effet, à la Conférence constitutionnelle de Victoria, en 1971, le gouvernement fédéral et les dix gouvernements provinciaux se sont entendus sur une formule d'amendement constitutionnel qui, en termes généraux, était très semblable à celle retrouvée dans le projet de loi C-110.

Cette approche fut ultimement rejetée, mais pour d'autres raisons, et par une décision subséquente.

(1020)

Cependant, souvenons-nous que la formule Victoria, telle qu'elle était appelée à l'époque, avait originellement obtenu l'appui des onze gouvernements du Canada.

De façon semblable, le rapport du comité Beaudoin-Edwards en 1991 incluait une proposition presque identique à celle que nous retrouvons dans ce projet de loi. De plus, le Parti libéral du Canada a, lors des assises de son congrès à Hull en 1992, adopté certaines résolutions spécifiques en matière de formule d'amendement, dont


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une qui est identique à celle qui est contenue dans cette nouvelle mesure législative.

Tel que mes collègues de cette Chambre pourront l'attester, ce projet de loi prévoit expressément qu'aucun ministre de la Couronne ne pourra mettre de l'avant une résolution qui propose un amendement à la Constitution, à moins que celle-ci bénéficie de l'appui de la majorité des provinces. Alors, cela nous mène à la question suivante: Que veut dire exactement l'expression «le consentement des provinces»?

Permettez-moi de commencer en disant que cela reviendra au gouvernement fédéral de déterminer ce que cette expression veut dire lorsque chaque nouvelle situation se présentera. Selon les circonstances, le gouvernement fédéral pourrait interpréter qu'il y a consentement lorsque, à titre d'exemple, il y a une expression de consentement par le gouvernement provincial du jour, une résolution de l'assemblée législative ou une expression directe de consentement de la population par voie référendaire.

[Traduction]

Certains peuvent prétendre que le projet de loi C-110 est inconstitutionnel parce qu'il constitue une tentative unilatérale du gouvernement libéral de modifier la Constitution. Je puis dire à la Chambre que j'ai bien réfléchi à cette question avant d'attester que le projet de loi, tel que déposé hier, est bien constitutionnel.

J'ai la sincère conviction que le projet de loi C-110 est valide. Il ne modifie aucunement la Constitution. En fait, il est un complément aux dispositions de modification de la Constitution.

Il importe de faire remarquer que la Chambre des communes est la seule assemblée législative du pays à disposer d'un droit de veto sur presque tout genre de changement constitutionnel. En effet, aucune modification ne peut, en pratique, être adoptée si la Chambre des communes s'y oppose.

Le projet de loi C-110 n'est que l'expression, sous forme législative, de la politique du gouvernement canadien en ce qui a trait aux circonstances dans lesquelles il appuiera des modifications constitutionnelles dans les cas où les provinces n'ont pas déjà un droit de veto.

À mon humble avis, ce projet de loi est du même ordre que les lois provinciales par lesquelles certaines provinces s'engagent à souscrire à des propositions de modifications constitutionnelles uniquement après la tenue d'un référendum où la population de la province donne son accord. Il s'agit, en l'occurrence, de lois adoptées par l'Alberta et la Colombie-Britannique, qui imposent cette contrainte à ces gouvernements provinciaux.

Ainsi, ce projet de loi n'a pas pour objet ni pour effet de modifier, directement ou indirectement, la Constitution. Il ne fait qu'établir le cadre dans lequel le gouvernement canadien pourrait appuyer des modifications constitutionnelles.

L'autre question qui est soulevée, c'est celle de savoir s'il y a quatre ou cinq régions dans l'optique du projet de loi. Comme le premier ministre l'a dit dans ses observations, hier, d'aucuns ont déjà prétendu que le projet de loi ne traitait pas la Colombie-Britannique de manière équitable. Je voudrais souligner que tel n'est pas le cas.

Les modifications proposées représentent un progrès marqué pour la Colombie-Britannique dans le processus constitutionnel, car elles constituent la plus claire reconnaissance jusqu'à maintenant de l'importance grandissante de la Colombie-Britannique au sein du Canada. La voix de la population de la Colombie-Britannique est entendue à Ottawa et dans tout le Canada. Cela ne fait aucun doute.

(1025)

La Colombie-Britannique étant la plus grosse province de l'Ouest, elle aura, de toute évidence, un poids plus lourd au moment de déterminer s'il y a consensus régional aux fins du projet de loi C-110. Si l'on tient compte de la population des quatre provinces de la région, on voit bien que la Colombie-Britannique, avec le soutien d'une seule autre province, pourrait bloquer toute modification constitutionnelle envisagée par le projet de loi C-110. Cela renforce beaucoup son rôle dans le processus de modification de la Constitution. Actuellement, les changements visés par le projet de loi C-110 seraient possibles même si trois provinces de l'Ouest dont la population totale représente plus de la moitié des habitants de la région s'y opposaient.

On prévoit que la population de la Colombie-Britannique représentera plus de 50 p. 100 de la population totale des provinces de l'Ouest vers le début du prochain siècle. Cela signifie que, aux termes du projet de loi C-110, elle pourra, à elle seule, empêcher de modifier la Constitution. Ce sera pour elle une grande amélioration et cela constitue une reconnaissance importante de sa place au sein de la confédération.

Il convient de garder les choses dans une juste perspective. Dans le projet de loi, nous parlons d'un droit de veto. Un droit de veto n'est pas le droit de modifier la Constitution, mais le droit d'empêcher qu'elle soit modifiée. Nous parlons donc ici de la capacité d'une région d'empêcher que la Constitution soit modifiée.

Je rappelle aux députés que la Constitution exige que le premier ministre convoque la tenue d'une conférence de tous les premiers ministres avant avril 1997 pour discuter de la formule de modification prévue à la Partie V. La question du droit de veto de la Colombie-Britannique pourrait très bien être inscrite à l'ordre du jour de cette conférence pour y être discutée en profondeur.

[Français]

Il y en a qui prétendent que ce projet de loi aura pour effet de rendre impossible la tâche de tout gouvernement qui désirera changer la Constitution du Canada. Je ne suis pas du tout d'accord.

En premier lieu, la formule d'amendement demeure exactement telle qu'elle est aujourd'hui. La partie no 5 demeure donc inchangée. La formule d'amendement générale exigera toujours l'appui de sept provinces regroupant plus de 50 p. 100 de la population cana-


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dienne. Tout ce qui est requis par ce projet de loi est qu'un consensus régional devra être démontré avant que le gouvernement canadien aille de l'avant avec tout changement.

Il est difficile de concevoir comment le gouvernement canadien supporterait un changement constitutionnel si celui-ci n'avait pas l'appui de toutes les régions. Le projet de loi C-110 requiert que la majorité des provinces, nommément six d'entre elles, manifestent leur appui ou leur consentement face aux changements proposés avant qu'Ottawa participe.

Il va de soi que ce nombre est inférieur à celui exigé par la partie no 5 de la Constitution. De plus, il est impératif de souligner qu'il n'y a aucun seuil de population qui est exigé.

[Traduction]

À mon sens, le projet de loi C-110 renforcera le tissu constitutionnel du Canada, non pas en modifiant la Constitution, mais plutôt en énonçant clairement à quelles conditions la Constitution peut être modifiée.

Le projet de loi reflète l'importance des régions du Canada et garantit leur participation au processus de renouvellement de la Constitution. En un sens, le projet de loi est un pont parce que nous pouvons nous attendre à ce que la formule de modification évolue au cours années à venir. Il ne fait aucun doute qu'elle sera un jour réexaminée et améliorée. Entre-temps, le gouvernement fédéral présente un projet de loi qui fera en sorte que la Constitution ne pourra être modifiée qu'avec l'accord de toutes les régions du Canada.

Comme je l'ai dit en commençant, le projet de loi et les autres initiatives que le gouvernement a prises cette semaine ne sont pas ses seules mesures en faveur de l'unité nationale. Elles ne représentent qu'une première étape. Elles marquent un nouveau départ et nous avançons avec espoir et optimisme pour l'avenir de notre pays. Restons dans cet esprit et mettons le Canada au-dessus de tout le reste. Le Canada avant tout!

(1030)

Je recommande à la Chambre d'adopter le projet de loi et j'invite tous les députés à l'appuyer.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Madame la Présidente, nous voici donc en train de poursuivre la discussion des récentes tentatives du premier ministre en matière de modifications constitutionnelles. Je crois que la contribution qui sera apportée dans l'histoire juridique constitutionnelle du Canada et du Québec par le projet de loi C-110 ne sera pas extrêmement considérable. Ça fera bien une page de plus dans les statuts des lois fédérales, mais ça en restera là.

Mais avant d'aborder d'une façon plus immédiate le contenu du projet de loi C-110, je voudrais, si vous me permettez, essayer de détruire un mythe-c'est très difficile de détruire un mythe, il a une façon extraordinaire de durer-le mythe du fait que le droit de veto du Québec aurait été perdu par René Lévesque. J'ai entendu encore hier, le premier ministre redire à la Chambre qu'il fallait redonner au Québec son droit de veto, puisque René Lévesque l'avait abandonné. Ça, ça se dit couramment sur la Colline, ici à Ottawa. C'est une vérité de La Palice même, alors que c'est tout à fait contraire à la réalité.

J'ai noté que le ministre de la Justice s'est bien gardé de répéter une pareille énormité, lui qui connaît le droit et la jurisprudence. Nous savons bien maintenant que la raison pour laquelle le Québec se trouve dans la situation de vulnérabilité que nous lui connaissons en matière de modifications constitutionnelles, c'est que la Cour suprême, dans un jugement qui a été rendu en 1982, le deuxième des jugements qui ont été rendus sur les référés constitutionnels, à l'occasion du rapatriement de 1982, a statué que le droit de veto du Québec, ce droit de veto que le Québec pensait avoir, ce droit de veto que tout le monde croyait que le Québec avait et qui avait toujours été respecté parce que, dans la perception générale, on ne pouvait pas modifier, sans le consentement du Québec, la Constitution canadienne, n'a jamais existé.

Et la Cour suprême a dit, après avoir analysé la Constitution: «Tout ce qui existe en matière d'éléments qui peuvent me permettre de retracer l'existence d'un droit de veto, je conclus que le Québec n'a pas de droit de veto et n'en a jamais eu». Ça, c'est un jugement de la Cour suprême du Canada. De sorte qu'il faudrait peut-être s'interdire, à l'avenir, de dire que s'il y a, au centre des débats constitutionnels, la nécessité pour le Québec d'obtenir un droit de veto, ce n'est pas parce que René Lévesque aurait été négligent au point de le laisser tomber, c'est qu'il n'a jamais existé d'après la Cour suprême. La preuve en est que, en 1982 en particulier, lors du deuxième référé, le gouvernement du Québec tentait de bloquer le rapatriement unilatéral, lui qui était maintenant isolé, tentait de bloquer le rapatriement unilatéral en invoquant son droit de veto.

Vous vous souviendrez que, dans une première tentative, dans le premier référé de 1981, le Québec, avec la compagnie de sept autres provinces, avait réussi à bloquer le rapatriement, cette fois-ci en convainquant la Cour suprême que, pour rapatrier la Constitution d'une façon aussi considérable et faire des changements considérables, il fallait une mesure raisonnable de consentement des provinces. La Cour suprême avait conclu que huit provinces qui n'étaient pas d'accord et seulement deux provinces d'accord avec le fédéral, ce n'était pas la mesure raisonnable qu'il fallait du consentement requis pour autoriser le rapatriement et les modifications constitutionnelles qu'il portait.

Et c'est dans cette deuxième tentative, où le Québec s'est trouvé seul, qu'il a essayé de bloquer le rapatriement, qu'il a invoqué son droit de veto. Alors, au centre du référé constitutionnel de 1982, celui qui a fait l'objet d'un jugement un peu avant la signature du rapatriement, mais c'est en 1982, la Cour suprême a conclu: «Cette fois-ci, l'argument ne tient pas, puisque le Québec n'a pas le droit de veto.»

Alors, je voudrais simplement le dire pour que ça apparaisse quelque part dans le hansard, ici, dans cette marée d'affirmations gratuites voulant que René Lévesque ait perdu le droit de veto, qu'il y a quelqu'un un jour qui s'est levé, en l'occurrence le chef de l'opposition officielle qui a fait partie des équipes d'avocats de l'époque, pour rappeler que la Cour suprême n'a jamais dit que René Lévesque avait perdu le droit de veto. Au contraire, elle a dit que nous n'en avions jamais eu. D'où le débat actuel, qui vient


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s'inscrire dans une longue série série de tentatives avortées, d'édicter, d'introduire dans la Constitution canadienne, un droit de veto.

(1035)

Le ministre de la Justice a brossé, tout à l'heure, un tableau rapide des différentes tentatives qui ont été faites, en passant par Victoria, en particulier, la Commission Pepin-Robarts, les différents groupes de travail qui ont été formés à l'occasion des débats constitutionnels qui ont précédé l'Accord de Charlottetown, pour rappeler qu'il y a eu plusieurs formules, que la formule qui apparaît dans le projet de loi C-110 s'inspire d'une façon à peu près similaire de la formule de Victoria, oùle Québec est traité comme une région et pourrait donc, si le gouvernement a raison de dire qu'il s'agit d'un droit de veto, disposer d'un droit de veto à lui seul.

Mais qu'en est-il en réalité? Je soumets, et le ministre de la Justice, lui-même, a été prudent pour ne pas l'affirmer, qu'on ne peut, en aucune façon, affirmer que ce projet de loi confère un droit de veto au Québec en particulier, ou à d'autres provinces ou d'autres régions. Il n'est aucunement question de prétendre en quoi que ce soit qu'il y ait, dans ce projet de loi, une portée d'octroi de droit de veto, pour deux raison fondamentales.

La première, c'est qu'un droit de veto, cela n'existe que si tout le monde veut l'octroyer. À partir du moment où quelqu'un s'opposerait à ce que soit octroyé un droit de veto, celui-ci n'existe pas. Il est de l'essence même de la mécanique d'octroi d'un droit de veto que tout le monde concerné dise oui. Il faut unanimité, l'unanimité de toutes les législatures provinciales et du gouvernement fédéral. En l'occurrence, tout ce que nous avons devant nous, c'est le voeu du gouvernement fédéral. Où sont les appuis des législatures provinciales du Canada? Nulle part.

Ce que nous avons, par exemple, ce sont des annonces qui nous font clairement comprendre qu'au moins deux provinces et peut-être plus ont refusé de souscrire à ce projet de droit de veto. Il suffirait qu'il y en ait une qui le refuse pour qu'il n'existe jamais.

C'est donc dire que, au seul plan de la façon de créer un droit de veto, il y a un vice fondamental. Nous sommes, en réalité, en face de l'absence des conditions requises pour que soit conféré un droit de veto.

La deuxième raison, qu'est-ce-qu'un droit de veto? Un droit de veto, c'est une garantie absolue, c'est quelque chose en plus qui est inscrit dans la Constitution, qui ne peut être retiré sans l'accord de tout le monde, et qui fait en sorte que l'une ou l'autre des parties intéressées peut bloquer quoi que ce soit en termes de changement constitutionnel.

Donc il faut que cela lie tout le monde, et ce, en vertu d'un effet contraignant de la Constitution, la loi suprême du pays. En l'occurrence, ce projet de loi, où ira-t-il après avoir été adopté par la majorité de la Chambre? Il ira se perdre quelque part dans les livres des statuts de lois du fédéral. Il restera là. Il ne sera jamais dans la Constitution, il ne sera jamais invoqué pour lier qui que ce soit en dehors de cette Chambre, parce que justement, ce n'est pas un droit de veto.

On me dira: «Oui, mais le Parlement fédéral, lui, sera lié; l'État fédéral sera lié, puisqu'une loi aura été adoptée.» Mais non. Il sera lié aussi longtemps que la loi restera dans les statuts des lois fédérales. Mais même ce gouvernement cessera de lier, le jour où le ministre se lèvera, ou un autre ministre, pour proposer qu'on retire ce projet de loi et qu'on le remplace par une autre loi. Un loi remplace une loi. Il est de l'essence même du processus législatif qu'une loi soit changée par une autre loi, par le même instrument, le même véhicule, qui est, en l'occurrence, la Chambre des communes.

De toute façon, nous savons bien que les gouvernements, fort heureusement, ne sont pas éternels, qu'il y a des élections en démocratie, qu'il y en aura d'ici deux ou trois ans, sans doute, ici au niveau fédéral et qu'un autre gouvernement sera porté au pouvoir, peut-être formé du même parti, mais pourquoi pas peut-être, formé d'un parti différent. Et certainement que le Bloc québécois ne sera pas sur les rangs pour vouloir prendre le pouvoir à Ottawa. De sorte que le seul autre parti en cette Chambre qui a des chances et une logique de prise de pouvoir, est le Parti réformiste. Quel serait le premier projet de loi présenté par le Parti réformiste si jamais il forme le pouvoir? Celui de retirer le projet de loi C-110. Ce qui veut dire que le projet de loi C-110 n'est rien. C'est de la fumée, un écran de fumée, un miroir.

(1040)

De sorte que, madame la Présidente, vous me permettrez de vous faire grâce de passer trop de temps à répéter que ce projet de loi n'apporte absolument rien dans le débat, que ce n'est tout au plus qu'une parade, une sorte de diversion que le gouvernement libéral oppose à ceux qui lui reprochent de ne rien faire dans le dossier constitutionnel, d'avoir promis des choses et de tromper la population. M. le premier ministre se réserve ainsi de pouvoir dire, pendant les deux ou trois ans qui vont venir-ce sera un peu fatiguant-de nous rebattre les oreilles en nous disant: «Nous avons accordé le droit de veto au Québec par la loi C-110. Nous avons accordé le droit de veto au Québec par la loi C-110. Nous avons accordé le droit de veto au Québec par la loi. . . » Cela deviendra fatiguant, ce ne sera pas vrai, mais il va le dire tout le temps. Il va le dire tout le temps.

Tous les initiés, tous les gens qui se penchent, qui ont encore le courage de se pencher de temps en temps sur le dossier constitutionnel, qui vainquent leur fatigue intellectuelle pour repenser à ces choses, savent bien que le projet C-110 est une chose qui vient s'inscrire dans le vocabulaire politique mais qui ne change, en aucune façon, la substance du problème que le Québec et le Canada ont à cet égard. Et je pense que le premier qui le sait, c'est le ministre de la Justice qui, tout à l'heure, en termes je crois, très sobres, d'une façon très factuelle, je dirais professionnelle, a décrit sa démarche en en marquant très clairement les limites, faisant en sorte même, de rassurer le Canada anglais.

J'ai remarqué que dans le texte anglais en particulier, il s'est évertué à bien rappeler à tout le monde que ça ne change pas la Constitution: «Et surtout n'allez pas croire qu'il s'agisse d'une modification à la Constitution. Mais non, nous ne toucherons pas à la Constitution, ce n'est qu'une discipline que le gouvernement fédéral s'impose à lui-même.» «Une discipline», j'ai entendu le mot tout à l'heure en anglais, «une discipline» que le gouvernement


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fédéral s'imposera avant de trop accorder au Québec, bien sûr. Le gouvernement fédéral présente en anglais cette démarche comme une façon de s'empêcher, une façon de résister à ses élans qui pourraient vouloir donner trop au Québec.

Ce qui me fait penser et ce qui nous rappelle qu'il y a un effet pervers quand même, par rapport à ce projet de loi C-110. L'effet pervers étant que, par un drôle de paradoxe qui fait que notre Constitution canadienne est tellement compliquée et qu'elle est tellement tordue à certains égards, par une sorte de paradoxe, ce projet de loi C-110, qui ne remédiera en rien aux problèmes que nous avons, aura quand même pour effet de rendre encore plus difficiles les transferts de pouvoir que le gouvernement fédéral pourrait vouloir faire au Québec.

Je vois venir le jour où les gens se lèveront de ce côté-ci de la Chambre pour poser des questions, pour demander au premier ministre: «Allez-vous la transférer la main-d'oeuvre au Québec, avec les vrais pouvoirs dans la Constitution? Allez-vous l'inscrire dans la Constitution, le transfert de la main-d'oeuvre? Allez-vous inscrire tel transfert? Allez-vous faire suivre les ressources monétaires qui s'y attachent?» Et il répondra: «Je ne peux pas. La loi C-110 m'en empêche. Je me suis imposé une discipline. Je me suis interdit de transférer quoi que ce soit au Québec.» Comme c'est une personne qui respecte la loi, le premier ministre ne pourra plus rien faire pour le Québec, lui qui voulait tellement en faire.

Je termine par la conclusion même du ministre de la Justice qui nous a dit: «Écoutez, ce n'est peut-être pas grand-chose»-il a raison-«mais ce n'est qu'un premier pas. Ce sera bonifié, ce sera amélioré. Nous allons continuer de travailler. Nous savons que le comité, c'est important. Le comité que préside le ministre des Affaires intergouvernementales pour explorer, comme il le dit, les avenues des changements, va imaginer d'autres choses aussi ingénieuses que le projet de loi C-110.» Mais il nous dit: «N'allez pas vous décourager tout de suite, c'est vrai qu'il n'y a pas grand-chose là-dedans, mais on va améliorer.» Or, dans l'histoire des négociations et des discussions constitutionnelles entre le Québec, le gouvernement fédéral et l'ensemble du Canada, il n'est jamais arrivé qu'une proposition initiale ait été bonifiée. Au contraire, toutes les propositions initiales qui ont été déposées ont été diminuées, rapetissées, amenuisées, fragmentées, laminées pour enfin arriver à presque rien. Alors là on nous dit: «Non, non, là, on commence petit, on va finir gros.» On en parlera quand ce sera gros.

(1045)

Pour le moment, je pense qu'on devra se contenter de dire que cet exercice factice ne convainc personne, que nous n'allons pas lui donner une crédibilité en votant en faveur du projet de loi, au contraire, que nous allons voter contre et que nous allons passer, au Québec, à un agenda qui est plus immédiat, plus pressant, plus sérieux et qui est plus impératif par rapport à la nécessité de redresser les finances publiques, et de s'occuper d'emploi, de s'occuper d'éducation et de culture.

On verra pour la suite des choses.

Des voix: Bravo!

[Traduction]

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, je prends la parole aujourd'hui pour me prononcer sur le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, et pour exprimer clairement notre opposition à ce projet de loi dans sa version actuelle. J'en profite également pour proposer des choses que, je l'espère, le gouvernement voudra bien considérer afin de rendre cette mesure législative plus acceptable.

[Français]

En prenant la parole, je voudrais dire que nous, du Parti réformiste, nous opposons certainement à cette mesure qui donne à certaines provinces un veto sur des amendements constitutionnels quand elle nie le veto aux autres. Plus important, elle nie à la population canadienne un rôle dans les amendements constitutionnels par un référendum.

[Traduction]

Je dois avouer que, depuis deux ou trois mois, je me demande bien ce que nous faisons ici exactement et la raison de notre présence lorsque nous abordons le dossier de l'unité nationale.

J'avais préparé un discours assez long sur la formule de modification constitutionnelle et sur certains aspects historiques. Je ne vais probablement pas le prononcer aujourd'hui. Je voudrais plutôt m'attarder sur certains autres points qui, à mon sens, méritent d'être abordés.

Quand je dis que je me demande pourquoi nous sommes ici, c'est que, en tant que porte-parole de mon parti pour les affaires intergouvernementales, je veux exprimer certaines des frustrations qui nous habitent. Lundi matin, le gouvernement ne savait même pas qu'il allait faire une annonce à propos de l'unité nationale. Nous avons communiqué avec le gouvernement, et le cabinet du ministre des Affaires intergouvernementales nous a confirmé la chose. De toute évidence, personne à la tribune de la presse n'était au courant.

L'annonce a été faite lundi après-midi. Même hier matin, il était impossible d'obtenir un exemplaire de ce projet de loi. On nous a dit que le processus de rédaction, qui suit le dépôt d'un avis, était extrêmement complexe. Puis, nous avons obtenu ce projet de loi qui tient sur une seule et même page. Il ne fait aucun doute que la rédaction a nécessité beaucoup de temps et nombre de décisions fort complexes, si bien qu'il n'a été possible d'en prendre connaissance que quelques minutes avant son dépôt.

Nous savons ce qui s'est passé quand nous avons voulu qu'une modification constitutionnelle soit apportée à Charlettown. Nous nous sommes retrouvés avec 60 articles. Il a fallu des mois, et cela n'a même pas donné lieu à un texte juridique. C'est exactement ce qui se passe ici actuellement.

Ce qui est encore plus important, c'est qu'il s'agit d'un projet de loi qui porte sur la formule de modification. La formule de modification est une question importante. Franchement, je ne pense vrai-


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ment pas que ce projet de loi ait grand-chose à voir avec une formule de modification de la Constitution. Je ne crois pas que cette position ait été mûrement réfléchie.

À en juger d'après les remarques qu'ont faites le premier ministre et la vice-première ministre, lorsque nous leur avons posé des questions durant la période prévue à cette fin, il est clair qu'ils ont des préoccupations autres que la formule de modification. Nous obtenons rarement des réponses qui tentent de justifier ou d'expliquer pourquoi cette formule particulière serait bonne.

De toute évidence, ce qui préoccupe le gouvernement, c'est que les Canadiens refusent de voir la nature des événements survenus dans la province de Québec et l'aboutissement de tout cela. Le déni de la réalité que l'on constate depuis longtemps dans notre pays, c'est qu'il y a une solution très simple au problème et qu'il y aura, d'une façon ou d'une autre, certains compromis de nature constitutionnelle ou non constitutionnelle; il suffit que nous les présentions. Ils vont satisfaire les demandes historiques du Québec, ils vont donner toute une raclée aux séparatistes, et tout le mouvement va s'effondrer. Tous les problèmes seront ensuite réglés.

(1050)

Nous avons entendu cette histoire ad nauseam depuis 30 ans. Des efforts ont été déployés en ce sens et, franchement, ils semblent avoir détérioré la situation. Le plus remarquable date de 1982, lorsque neuf gouvernements provinciaux et de nombreux Canadiens étaient convaincus qu'il fallait adopter d'importantes dispositions constitutionnelles contre le gré du gouvernement séparatiste du Québec. C'était la façon de résoudre notre problème d'unité et de donner suite aux engagements que le premier ministre de l'époque avait pris envers les Québécois, durant la campagne référendaire. Nous savons évidemment que cela a mené à une crise beaucoup plus profonde que celle qui existait à l'origine.

Comme la crise ne cesse de dégénérer, les gouvernements, et en particulier le Parti libéral, tentent de trouver des ennemis du Canada partout. Maintenant, les ennemis du Canada ne se trouvent plus seulement au Québec, au sein du mouvement séparatiste. On nous dit qu'il y a des ennemis du Canada en aussi grand nombre en Alberta que dans le Cabinet du premier ministre de Terre-Neuve. Il y a des ennemis en Colombie-Britannique. Il y a partout des ennemis qui refuseront de faire abstraction de leurs vues étroites pour sauver notre pays.

Passons maintenant à la formule d'amendement, car je voudrais indiquer clairement notre position. Le Parti réformiste n'acceptera aucun changement à la formule d'amendement pour la ratification fédérale, à moins qu'il ne soit soumis à un référendum national. Peu importe qu'il y ait quatre, cinq ou dix régions ou autant de régions que de circonscriptions.

Il ne suffit pas d'avoir la voix de dix premiers ministres provinciaux. Nous voulons 30 millions de voix, nous voulons que la population du Canada se prononce dans un référendum national portant sur les modifications constitutionnelles du fédéral. Si l'on nous donne cela, nous serons beaucoup plus souples en ce qui concerne la nature du processus géographique d'approbation au niveau fédéral. Nous avons une formule d'amendement constitutionnel qui définit l'approbation provinciale et cette formule nous satisfait.

À mon avis, la position qu'a présentée le ministre de la Justice n'a aucun sens. Le gouvernement dit que ce n'est pas une nouvelle formule d'amendement constitutionnel. En effet, ce n'est pas une formule d'amendement constitutionnel puisque ce ne sera pas dans la Constitution. C'est tout à fait clair, sauf que l'intention déclarée du gouvernement est d'intégrer ces propositions à la Constitution à un moment donné.

Le gouvernement propose une nouvelle formule pour les amendements constitutionnels qui modifie le mode de ratification par les provinces. Nous avons déjà une formule dans la Constitution, celle que l'on appelle la formule sept-cinquante. Il y a des difficultés avec la formule sept-cinquante, et le ministre les a parfaitement exposées.

La raison de cette formule c'est que les provinces avaient décidé qu'elles ne voulaient pas qu'un gouvernement particulier ait un droit de veto, parce que c'était trop risqué vu la concentration des pouvoirs exécutifs que nous avons dans ce pays. Je reviendrai là-dessus plus tard.

De toute évidence, la nouvelle formule viole ce que les provinces elles-mêmes voulaient lorsqu'elles ont choisi la formule d'amendement actuelle. Le ministre de la Justice a essayé de nous dire qu'il n'était pas inconstitutionnel de la part du gouvernement fédéral de vouloir modifier unilatéralement la formule de ratification par les provinces, même si c'est de façon non constitutionnelle. En un sens il a raison, puisque le gouvernement fédéral peut déléguer ses pouvoirs.

La raison pour laquelle il voudrait déléguer ses pouvoirs aux gouvernements provinciaux dans un domaine où ceux-ci ont déjà une formule ne m'apparaît pas clairement. Nous aurons deux rondes de ratification provinciale et aucune vraie ratification fédérale. Cela ne me paraît pas très clair. De toute façon, c'est ce que le fédéral propose de faire.

La délégation de pouvoirs proposée donnerait à certaines assemblées législatives provinciales plus de pouvoirs qu'à d'autres.

(1055)

C'est en fonction de cet argument que certaines assemblées législatives provinciales, dont celle de ma province, l'Alberta, voudront peut-être contester le projet devant les tribunaux et demander qu'il soit déclaré inconstitutionnel. L'Alberta pourrait contester la proposition et je l'encouragerais à le faire car, dans le domaine des pouvoirs gouvernementaux, toutes les provinces devraient être traitées également.

De même, le ministre de la Justice a affirmé, et je comprends mal pourquoi il invoque un tel argument, que la Constitution accorde déjà de nombreux vetos; c'est vrai. Il y a effectivement de nombreux vetos dans la Constitution. Il n'en demeure pas moins que,


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dans les domaines où il propose maintenant d'accorder des droits de veto, il entend accorder ces droits à certains gouvernements provinciaux et pas à d'autres. Cette proposition sera rejetée par la population dans bien des régions du pays et surtout dans l'ouest du Canada. Les gens de l'Ouest la rejetteront parce qu'elle reflète une vision qui ne correspond absolument pas à l'image qu'ils se font de leur pays.

Je suis né et j'ai grandi à Toronto, alors je comprends le point de vue des Canadiens du Centre. Malheureusement, ce n'est pas une perspective complète. Lorsqu'on regarde les régions, on dit qu'il y a l'Ontario et le Québec, les deux provinces originales, antérieures à la Confédération, puis il y a le Canada de l'Atlantique, une région peu peuplée, mais qui était la troisième selon la première Constitution, puis enfin il y a la région de l'ouest du Canada, des Rocheuses, des Prairies et du Grand Nord. Tout cela ne forme qu'une seule région.

Si nous demandons aux gens de l'Ouest de nous proposer les régions à inclure dans la formule d'amendement, je suis persuadé qu'ils nommeraient les Prairies, le Pacifique, le Nord et l'Est.

De toute évidence cette vision des choses va être rejetée encore davantage en Colombie-Britannique qu'ailleurs. Pourquoi? Parce que la Colombie-Britannique est de toute évidence une région distincte et solide, forte d'une économie dynamique, promise à un grand avenir, quoi qu'il advienne sur l'échiquier politique à l'échelle nationale. Elle est en plein essor. Sur le plan géographique et démographique, elle dépasse les provinces de l'Atlantique réunies. Elle ne va sûrement pas accepter d'être considérée comme faisant partie intégrante d'une quelconque région de l'Ouest. Pourquoi alors l'a-t-on définie ainsi? Il est important de se prononcer là-dessus parce cela reflète bien la nature inadéquate de l'idée qui sous-tend ce projet de loi.

Le ministre de la Justice a parlé de renouveau. Qu'est-ce que cette formule particulière a à voir avec le renouveau? Quand nous avons demandé quelle était la raison d'être de cette formule, on ne nous a pas parlé de renouveau. Le ministre et le gouvernement ont invoqué des raisons historiques.

En 1971, le gouvernement de la Colombie-Britannique, à l'occasion d'une offre constitutionnelle autrement plus importante qui devait être rejetée d'ailleurs, a accepté une formule reposant sur l'existence de quatre régions. En 1971, Ken Dryden était un jeune hockeyeur qui jouait pour les Canadiens de Montréal. Les États-Unis se battaient encore au Viêt-nam.

Le premier ministre provincial qui a signé cet accord, dont je ne voudrais pas ternir la mémoire, est depuis longtemps décédé, comme ont également disparu de la scène politique en Colombie-Britannique son gouvernement et son parti. Néanmoins, nous évoquons maintenant son nom pour expliquer la nécessité de proposer une nouvelle formule d'amendement constitutionnel en 1995.

Puis nous avons eu droit à une deuxième série de réactions. Ce matin, le ministre de la Justice a semblé reconnaître qu'en raison de sa population la Colombie-Britannique devrait avoir un droit de veto ou peu s'en faut. Autrement dit, tôt ou tard, la Colombie-Britannique représentera la majorité de la population de l'Ouest et disposerait alors d'un droit de veto.

Qu'est-ce à dire? Il s'ensuit qu'en vertu de la formule que le gouvernement propose, l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba n'auraient pas voix au chapitre en matière d'amendement constitutionnel. Elles peuvent être isolées dans le cadre de la formule des sept provinces représentant 50 p. 100 de la population et on n'aurait même pas à leur demander leur consentement pour respecter les exigences du projet de loi C-110. Il serait même inutile de connaître leur position.

(1100)

C'est tout à fait incroyable et cela explique la réaction de l'Alberta. Dans certains cercles, on demande un veto pour l'Alberta.

Dans tout le pays, on s'inquiète particulièrement du fait que cela donne un veto au gouvernement du Québec au moment même où il sera dirigé non pas simplement par des séparatistes, mais par le chef de l'opposition, le chef du Bloc québécois, qui va devenir bientôt le premier ministre du Québec. Non seulement il veut sortir le Québec de la confédération, mais, contrairement à René Lévesque, il n'est absolument pas disposé à accepter des modifications constitutionnelles, quelles qu'elles soient.

Durant la campagne référendaire et depuis, lorsqu'on l'a interrogé sur son discours prononcé à Verdun, le premier ministre a déclaré qu'il fallait faire confiance aux gens. Selon lui, nous devons faire confiance aux gens dans le cadre du référendum. Les Québécois ont rejeté la proposition de M. Parizeau. Maintenant, il ne leur fait pas confiance. Il est prêt à faire confiance au chef de l'opposition. Cette position va à l'encontre de ses déclarations précédentes sur la réforme constitutionnelle, ainsi que des résolutions que le Parti libéral a adoptées en 1992. Elle fait fi de la déclaration qu'il a faite depuis et qui dit qu'il faut faire confiance aux gens et remettre la Constitution au peuple. Elle est même contraire aux déclarations qu'il a faites récemment à la Chambre.

Il faut se demander pourquoi le premier ministre agit ainsi. Je vais essayer d'être juste envers lui. Cela fait 30 ans qu'il est en politique. Il a eu une carrière politique couronnée de succès. Personne ne le conteste. De temps à autre, il a su faire preuve d'un très grand jugement politique, peu importe ce que les gens disaient.

Il a déclaré qu'il allait faire confiance aux gens. Il a dit qu'il laisserait les Canadiens avoir leur mot à dire. Il a affirmé qu'il allait donner aux Québécois un droit de veto. Il fait maintenant le contraire. C'est l'Assemblée nationale du Québec, et non le peuple québécois, qui aura son mot à dire. En fait, il y a deux ou trois jours, lorsque je lui ai posé cette question, il a déclaré que c'était même plus démocratique, que c'était le reflet d'une véritable démocratie. Il a ajouté que les Québécois avaient choisi leurs représentants à l'Assemblée nationale et que c'était à eux qu'on s'en remettait.

J'ai mentionné à plus d'une reprise dans le passé que, si nous avions laissé la décision relative à la séparation du Québec à l'Assemblée nationale du Québec, la province serait maintenant un


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pays séparé. Ce sont les Québécois qui ont décidé maintes fois de ne pas se séparer.

Pourquoi le premier ministre agit-il ainsi? Je crois que c'est pour la raison même qu'on le critique. Il agit ainsi précisément parce qu'on donne alors un droit de veto au chef de l'opposition officielle, le chef du Bloc québécois. Le premier ministre peut alors intervenir et dire: «Je vous ai donné un veto. J'ai donné aux Québécois quelque chose par votre entremise, et vous l'avez rejeté. C'est vous le coupable.» C'est ce qu'il veut faire.

En quoi est-ce important? C'est important parce que, depuis 30 ans, le premier ministre lutte pour le Canada, au Québec, contre le mouvement nationaliste québécois. C'est un combat qui semble de plus en plus incertain puisque, au fil des décennies, l'appui à ce mouvement s'est accru.

Comme dans le cas de tout mouvement nationaliste, les nationalistes québécois affirment que quiconque a une loyauté plus large est un traître. Le premier ministre, qui se perçoit comme un Canadien, est une sorte de vendu.

Ce sentiment a atteint son point culminant au cours des deux dernières années, lorsque le premier ministre, un Québécois, est devenu le premier Québécois de notre histoire à être élu premier ministre sans avoir un appui important des milieux francophones du Québec. Il a été vexé, durant la campagne référendaire, lorsque ses interventions n'ont pas semblé beaucoup influencer la population.

(1105)

Le premier ministre a décidé de riposter. La riposte est tout à fait compréhensible de la part de quelqu'un qui est dans sa position, compte tenu des sentiments qu'il doit avoir, de la façon dont les événements se sont produits et du traitement dont il est l'objet à l'occasion, en particulier dans sa propre province. Vue ainsi, sa réaction est peut-être aussi celle que doit avoir face à la politique un Québécois fédéraliste.

Je doute que la motion qu'il propose soit satisfaisante. Nous savons tous que le chef de l'opposition est assez intelligent et il l'a montré encore une fois aujourd'hui. Il n'aura pas de mal à jouer avec la motion. C'est sûrement ce qu'il va faire. Peu importe que ses arguments soient justes ou non, il saura les faire valoir de façon efficace pour s'opposer à la motion.

Le premier ministre devrait aussi savoir par expérience qu'en politique, le succès dépend de la capacité de voir si ses sentiments personnels, ou de ses réactions personnelles, n'entrent pas en ligne de compte dans les décisions à prendre ou dans les intérêts qui sont en jeu.

Le Canada a besoin qu'on se penche sur une nouvelle formule constitutionnelle, comme nous devrions le faire maintenant. Le Canada a besoin d'une formule qui soit bonne pour le Canada et pour les Canadiens. D'après moi, ce projet de loi est boiteux pour de nombreuses raisons. En particulier, je considère qu'accorder un droit de veto au premier ministre du Québec n'est pas dans l'intérêt de tous les Canadiens, ni dans l'intérêt du Canada.

Ce qui est dans l'intérêt du Canada au niveau fédéral, c'est ce que nous avons: une formule de ratification provinciale qui peut difficilement être améliorée. Au niveau fédéral, nous avons besoin de tenir un référendum national. Nous devrions faire confiance aux Québécois, qui ont rejeté la séparation. Nous devrions faire confiance aux Canadiens, notamment à ceux qui sont allés à Montréal pour participer au rassemblement et non pour appuyer des projets de loi et des résolutions qu'ils n'avaient pas vus. Nous devrions nous fier à leur jugement. Nous devrions aussi faire confiance aux Canadiens qui n'ont pas participé au rassemblement de Montréal. Il y en avait des millions, dont un grand nombre ont d'abord pensé y aller, mais se sont ravisés en disant: «Si j'y vais, est-ce que je ne risque pas qu'on utilise mon nom pour promouvoir le programme d'un groupe de politiciens que je n'ai jamais appuyés?»

Les Canadiens du Québec et de l'extérieur du Québec ont leur mot à dire à propos des modifications constitutionnelles. Ce n'est qu'en leur faisant confiance qu'on arrivers à quelque chose. Nous allons certainement rejeter le projet de loi sous sa forme actuelle. Je demande au gouvernement de songer sérieusement à réexaminer cette mesure pour que les Canadiens aient leur mot à dire concernant une modification constitutionnelle au niveau fédéral.

* * *

L'ÉTUDE DES CRÉDITS

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Une consultation a eu lieu entre tous les partis de la Chambre. Vous constaterez qu'il y a unanimité au sujet de la motion suivante. Je propose:

Que, nonobstant le Règlement, dans l'éventualité où le vendredi 8 décembre 1995 un vote était demandé concernant une affaire relative à l'article 81 du Règlement, ce vote soit reporté à 15 minutes avant la fin de la période prévue pour les ordres émanant du gouvernement le lundi 11 décembre 1995, et qu'immediatement après le vote, la Chambre mette aux voix toutes les autres questions relatives aux travaux des subsides conformément au paragraphe 81(17) du Règlement.
Madame la Présidente, une copie de cette motion a été remise aux deux partis d'opposition présents à la Chambre. Vous constaterez que cette motion fait l'unanimité.

(La motion est adoptée.)

M. Boudria: Madame la Présidente, je désire indiquer que, conformément au paragraphe 43(2) du Règlement, les députés libéraux qui vont intervenir dans le débat sur ce projet de loi partageront à partir de maintenant leur temps de parole, chaque orateur ayant 10 minutes.

* * *

LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, soit lu une deuxième fois et renvoyé à un comité

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Madame la Présidente, il y a des moments déterminants dans l'histoire d'un pays. J'ai eu le privilège de vivre


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un de ces moments déterminants. Il ne s'agissait pas d'un programme politique. Il ne s'agissait pas du programme d'un politicien. Il s'agissait d'une décision spontanée de la population du Canada, à la veille d'un référendum très important au sujet de leur avenir, de se rendre au coeur du Canada, à Montréal, la ville qui incarne probablement le mieux le caractère distinct du Canada et le caractère distinct du Québec.

(1110)

Hier, j'ai parlé d'une femme qui se déplaçait en fauteuil roulant, que j'avais rencontrée dans l'ascenseur d'un hôtel et qui était venue de Peace River, en Alberta, avec son mari. Elle m'a dit:

[Français]

«Madame Copps, s'il-vous-plaît, moi je ne suis pas capable de parler en français, mais dites aux Québécois et aux Québécoises que le Québec est une partie importante de notre pays, le Canada, et que vous êtes distincts.»

Je sais que cela fait mal aux séparatistes de savoir que le Canada a un coeur suffisamment généreux, et pourquoi?

[Traduction]

Je me trouvais à Montréal avec 150 000 autres Canadiens venus de toutes les régions, convaincus que nous avons un pays qu'il vaut la peine de sauver. Ils croient que le Québec constitue une société distincte. Il y a une chose qui nous distingue de nos voisins du Sud, il y a une raison. . .

Des voix: Oh, oh!

Mme Copps: Il y a une raison qui fait que nous sommes différents et généreux. . .

[Français]

S'il y a une raison pour laquelle la semaine dernière nous avons pu adopter une loi sur les armes à feu, si nous avons un système de santé universel, c'est parce que, aux racines de notre histoire, quand nous avons pris la décision de devenir un pays, on a cru au principe fondamental de deux peuples.

Le député peut rigoler, mais mon ancêtre était un député dans le gouvernement de Louisbourg avant même que les anglophones ne viennent au Canada. Ma grand-mère maternelle est née en Angleterre. Nous sommes capables de trouver des solutions. C'est pourquoi l'an dernier, lors du jour de la fête du Canada, le chef de l'opposition a traité le Canada comme étant le pays le plus démocratique au monde.

[Traduction]

Les Canadiens savent que rien ne saurait satisfaire le Bloc québécois. Malheureusement, le Parti réformiste s'est montré incapable de comprendre ce que c'est que de bâtir un pays, incapable de mettre de côté les différends régionaux pour le bien du pays tout entier.

En réalité, si le Bloc québécois se faisait offrir le monde, il demanderait la lune. Lui donnerait-on la lune, il demanderait le soleil. S'il obtenait le soleil, c'est la galaxie qu'il réclamerait, puis l'univers. S'il possédait l'univers, il exigerait le ciel. Et s'il obtenait le ciel, il prétendrait que les anges sont mêlés à un complot fédéraliste pour centraliser les pouvoirs.

Des voix: Bravo!

Mme Copps: Nous avons écouté les partis d'opposition. C'est désolant. J'ai beaucoup plus foi et confiance dans le peuple du Canada et dans le bon jugement de ces 150 000 personnes.

[Français]

Les bloquistes voulaient savoir si des organisateurs avaient payé cela, qui avait pris l'autobus scolaire? Les travailleurs dans l'industrie de l'acier, chez moi, qui ne se sont jamais, d'aucune façon, impliqués dans la politique, ont voyagé par autobus scolaire pendant 10 heures afin de venir à Montréal, pour démontrer leur solidarité et reconnaître ce que vous savez et que nous savons. C'est un fait, le Québec est une société distincte, et c'est pourquoi, depuis le début de notre histoire, nous sommes différents. Pourquoi ai-je dit, lors de la campagne référendaire, que le coeur du Canada est le Québec?

(1115)

Parce que si nous sommes un peuple qui reconnaissons le respect de l'individu aussi bien que la reconnaissance de la collectivité, c'est grâce aux francophones. C'est grâce aux francophones qui ont survécu dans l'historique du monde de l'Amérique du Nord. Vous étiez seuls. Il y en a qui ont perdu leur langue, mais vous étiez seuls et vous avez survécu parce que vous connaissez ce que c'est que de créer une communauté. Vous avez endossé les principes du partage dans les caisses de dépôt, les coopératives. Ce que vous avez donné aux «fabriques» du Canada, c'est ce qui fait l'âme de mon pays.

Quand les gens nous disent: «Ne vous mêlez pas de nos affaires,» si je suis Canadienne, je ne suis pas Ontarienne, je ne suis pas Canadienne anglaise, je suis une Canadienne qui croit que mon pays, sans le Québec, ce n'est qu'une coquille vide. Mon pays, sans le Québec, perdra ce que nous avons fait ensemble. C'est vrai, on a des problèmes, on a toujours des problèmes. Mais est-ce que nous sommes des gens suffisamment généreux, ouverts, capables d'embrasser les changements qu'il faut faire.

[Traduction]

Le Canada n'est pas une entité dont chacun cherche à tirer le meilleur parti. Le Canada n'est pas un ensemble de pouvoirs à partager entre les politiques. Le Canada, c'est un pays à bâtir qui puisse donner espoir à tous ceux qui, dans le monde entier, veulent s'inspirer de son exemple. Au Canada, nous pouvons harmoniser nos différences.

Que se passe-t-il dans le monde, aujourd'hui? Des populations qui ont des différences bien plus profondes que les nôtres font d'énormes compromis et tournent le dos à des siècles d'amertume et de haine. La paix s'instaure au Moyen-Orient et en Irlande du Nord. Un processus de paix vient de s'amorcer en Bosnie. Des adversaires farouches tournent la page sur des décennies, voire des


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siècles de haine et de destruction et ils finissent par s'entendre. Dieu merci, nous n'avons pas des haines semblables à surmonter.

[Français]

La ville de Shawinigan est jumelée avec ma ville. C'est mon père, dans les années 1960, un gars du nord de l'Ontario qui parlait le français de la rue, qui a jumelé ma ville avec la ville de Shawinigan. Que veulent les travailleurs de Shawinigan et que veulent les travailleurs d'Hamilton? Ils veulent que nous ayons la capacité de donner le meilleur à nos enfants.

Ma grand-mère est une veuve qui a élevé six gars dans le nord de l'Ontario. Elle n'avait pas de sou. Elle n'était pas capable d'envoyer ses enfants à l'université. Ni mon père ni ma mère. Mais tous ses enfants sont allés, parce que nous avons cru, dans les années 1960, améliorer le sort du Canada pour donner plus de chance à plus de monde.

Oui, nous vivons des périodes précaires financièrement, et nous vivons des périodes où on devient de plus en plus repliés sur soi-même. Est-ce que c'est ça qui va donner la force à notre pays au XXIe siècle? Nous avons un pays actuellement qui est capable de le démontrer aux peuples du monde et aussi d'embrasser les vrais défis du XXIe siècle. J'en suis convaincue.

[Traduction]

Cette été, ma circonscription, Hamilton-Est, accueillera des familles de sa ville jumelle, Shawinigan. Cent cinquante familles de Shawinigan viendront à Hamilton pour fêter le 150e anniversaire de ma ville.

Je ne redoute pas la réaction du public à la société distincte et aux droits de veto. Je ne crains pas les réactions des citoyens. Les Canadiens ont dit très clairement et en grand nombre, à Montréal, qu'ils étaient prêts à accepter de vrais changements, à comprendre que le caractère distinct du Québec était un élément important du coeur, de l'âme du Canada.

Ce que nous entendons aujourd'hui, ce n'est pas la voix du peuple, mais celle des éminences grises et des politiques qui veulent morceler le Canada. Le Bloc québécois cherche à faire du Québec un pays distinct du Canada. Le Parti réformiste veut clairement un Canada amputé du Québec. Ce sont des manifestations de différences régionales: nous faire plus petits, nous morceler, donner un peu plus pouvoir à tel politicien, enlever un peu plus de pouvoir de tel autre côté. Est-ce une solution? Je sais ce qui va résoudre notre problème.

(1120)

[Français]

C'est si nous avons la capacité de langue, ce que nous avons eu des francophones du Canada, si nous avons la capacité d'accéder aux nouveaux défis reconnaissant la générosité de notre pays, l'historique de notre pays.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je regrette d'interrompre la ministre, mais son temps de parole est écoulé.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Madame la Présidente, aujourd'hui je peux comprendre l'émotion de la ministre puisqu'elle réalise un petit peu son impuissance à apporter quelque changement que ce soit à la situation qu'ils ont eux-mêmes créée.

Elle réalise également que tout ce qu'elle présente au nom de son gouvernement, puisqu'elle fait partie de ce gouvernement-là, ne représente pratiquement rien pour les Québécois et les Québécoises. Ce que je voudrais lui dire, cependant, c'est que les larmes qu'elle a versées aujourd'hui, elle aurait peut-être dû les verser au moment où son chef, l'actuel premier ministre du Canada, a tué l'Accord du lac Meech. Elle aurait dû verser des larmes.

Elle aurait dû verser des larmes également lorsque le premier ministre du Canada-à l'époque il était seulement un chef de parti-a rôdé alentour des négociations qui ont amené à l'Accord de Charlottetown. Elle aurait dû verser des larmes pour le convaincre d'écouter davantage le Québec.

Elle aurait dû également verser des larmes depuis deux ans, à chaque caucus que son gouvernement a tenu, pour dire non au Québec, aux revendications historiques du Québec. Elle aurait dû le faire.

Aujourd'hui, ses larmes sont un petit peu trop tard, et les seuls responsables de cette situation c'est elle-même et son gouvernement. Je pense que le chef de l'opposition l'a très bien dit hier et aujourd'hui, on n'a plus rien à attendre du Canada anglais. On n'a plus rien à attendre du gouvernement qui est en face de nous, parce que ce qu'on nous propose, à part des voeux pieux, et nous dire «on vous aime le Québec», ils ne présentent absolument rien.

De grâce, un peu moins de comédie, un peu moins d'émotions. Soyons très lucides dans nos remarques, dans nos approches qu'on a ici en cette Chambre et qu'on ait un débat très civilisé, comme nous du Bloc québécois on entend le faire.

Mme Copps: Madame la Présidente, j'étais là pour Meech. J'ai voté pour Meech. Je travaillais farouchement pour que l'accord du lac Meech passe, mais il y a une personne qui a malheureusement sauté du bateau avant la fin de Meech.

Je ne suis pas une grande amie, je ne suis pas le grand chum de Brian Mulroney, ça c'est évident. Mais le coup de couteau qu'a porté le chef de l'opposition quand lui-même, un mois avant la fin de Meech, a sauté du bateau. . .

M. Bouchard, quand on avait besoin de lui, quand la pression montait, il partait. Moi j'étais là jusqu'à la fin pour appuyer Meech. Celui qui n'était pas là, qui a démissionné sans même avoir le courage de parler directement à son grand chum, son grand ami Brian Mulroney, c'est Lucien Bouchard. Et si vous voulez en chercher une, ce n'est pas moi. . .

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Le temps de parole est écoulé. Les députés devraient désigner leurs collègues par leur titre officiel.


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[Français]

Mme Copps: Madame la Présidente, j'étais là jusqu'à la fin. Je savais que c'était dur, mais une chose est certaine à propos du chef de l'opposition, chaque fois que dans sa vie ça devient difficile il fout le camp. Il est parti du Cabinet fédéral un mois avant l'échec du lac Meech, sans même avoir la décence, la décence de parler directement au premier ministre Brian Mulroney parce que lui avait trop de pression.

M. Bellehumeur: Ce n'est pas vrai, il a donné sa démission après le lac Meech.

Mme Copps: C'est vrai. Excusez-moi, mais il a donné sa démission avant l'échec du lac Meech, un mois avant. Si vous voulez référer à l'histoire, qu'au moins vous la connaissiez. Moi je sais, je l'ai vécu, j'étais ici, et celui qui a sauté du bateau un mois avant la fin de Meech, c'était Lucien Bouchard.

(1125)

[Traduction]

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Madame la Présidente, le droit de veto repose sur le vieux principe selon lequel le Québec appuie le concept des deux peuples fondateurs.

La députée qui vient de prononcer un discours attendrissant accepterait-elle de commenter un sondage La Presse-Gallup publié ce matin qui nous apprend que 42 p. 100 des Québécois interrogés appuient le principe de l'égalité des dix provinces, mais que seulement 37 p. 100 d'entre eux croient au concept des deux peuples fondateurs? Le gouvernement s'accroche à des idées dépassées.

Mme Copps: Madame la Présidente, je voulais seulement faire remarquer que, pour pouvoir façonner l'avenir de notre pays, nous devons comprendre notre passé. Notre pays est généreux. Il jouit d'une réputation unique au niveau international. La langue maternelle du tiers des Canadiens n'est ni l'anglais ni le français. Je suis très fière de représenter les habitants de la circonscription de Hamilton-Est au Parlement. Comment expliquer notre grandeur d'âme?

La présidente suppléante (Mme Maheu): À l'ordre. Le temps de parole est écoulé.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat pour appuyer le projet de loi C-110. Si cette mesure législative vise un objectif prépondérant, c'est sûrement de mettre un terme à un conflit qui dure depuis 30 ans.

Depuis 35 ans, soit depuis la révolution tranquille au Québec, les plus grands esprits du Québec et d'Ottawa se concentrent sur le débat constitutionnel. C'est tellement amusant. Cela a fait vivre une armée de profiteurs, des constitutionnalistes et autres experts, des avocats bien rémunérés, des professeurs prêts à appuyer l'un ou l'autre des camps, des animateurs de tribunes libres, des journalistes qui ont grandi dans ce contexte, tous des gens qui regretteront la fin d'une époque, mais ce conflit doit se terminer.

Nous sommes confrontés à des problèmes plus importants de nos jours, des problèmes d'ordre économique, soit créer des emplois et promouvoir la croissance économique.

Même dans le domaine précis du gouvernement et de l'administration publique, on s'est trop préoccupé du problème du Québec, qui est défini de façon trop étroite, aux dépens d'une rationalisation et d'une modernisation du régime gouvernemental constitutionnel. Le temps est venu d'agir. Ce que l'on peut appeler les propositions Chrétien visent une refonte du régime qu'appuierait l'ensemble de la population.

Il est vrai que les propositions comprennent les deux éléments dont il a été question jusqu'à maintenant, la société distincte et ce qu'on a appelé, probablement à tort, le veto constitutionnel. Je ne siégeais pas au comité qui a rédigé ces propositions, mais, au cours d'une réunion libre du caucus où tous les participants peuvent exprimer leur point de vue, j'ai fait quelques suggestions qui rejoignent l'opinion de mes propres électeurs et des habitants de la Colombie-Britannique qui veulent un Canada uni et qui veulent que le Québec fasse partie de ce Canada.

S'il faut définir la société distincte, il faudrait réitérer ce qui est depuis longtemps une question de conviction, tout en étant reconnue dans la loi et acceptée par les Canadiens, comme le prouvent les grandes lois constitutionnelles internationales de 1759, 1763, 1774 et après. Si des changements sont apportés, ils ne devraient pas prendre la forme de modifications constitutionnelles officielles et, partant, être un obstacle à une modification ultérieure de la Constitution. C'est ce qui a été prévu. Ces questions sont traitées dans des lois du Parlement et, conformément à la souveraineté du Parlement et dans les limites constitutionnelles établies par la Constitution, elles peuvent être réexaminées et modifiées par des mesures législatives ordinaires.

(1130)

Dans un certain sens, ce sont là des problèmes d'hier. La mesure à l'étude a un objectif honorable, celui de régler ces problèmes pour nous permettre de nous attaquer à d'autres difficultés, de nous détacher de cette question qui nous a préoccupés exagérément depuis 35 ans et qui semble avoir parfois mobilisé de 85 à 90 p. 100 de nos énergies à Ottawa et à Québec, ce qui est beaucoup trop.

Comme le projet de loi C-110 traite de la modification de la Constitution et de son fonctionnement, la question suivante a été soulevée: comment les constitutions changent-elles? Nous devons honnêtement reconnaître que la modification constitutionnelle de 1982, le chapitre V, est une réforme manquée. Elle voulait apporter un changement, mais elle a échoué.

En vertu de l'ancien système traditionnel qui a finalement entraîné l'adoption d'une loi par le Parlement britannique, à la demande du Canada, la Constitution était très souple. De nos jours, elle est rigide, presque impossible à modifier. En fait, les deux seules mesures proposées depuis 13 ans, les accords du lac Meech et de Charlottetown, ont toutes deux échoué.

Nous nous trouvons donc dans la situation paradoxale où nous avons un régime constitutionnel rigide et où toute l'attention que nous consacrerons à cette question risquera d'être vaine, dans un certain sens.


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Les constitutions sont des documents vivants. Si elles ne le sont pas, elles sont un échec. Les constitutions évoluent. Grâce aux conventions et aux usages à caractère constitutionnel, une partie importante de notre droit constitutionnel change.

Je dirais que, par convention, le rôle du Sénat, à titre d'organe non élu, s'inspire de celui de la Chambre des lords. Quand on n'a pas été élu légitimement, on ne fait pas obstacle à des lois qui ont été adoptées par une Chambre basse élue démocratiquement. Je remarque que le Sénat a évité la question ces derniers jours. Nous devrions peut-être lui rappeler cela.

Je tiens simplement à signaler que l'interprétation que l'exécutif fait des conventions constitutionnelles est une façon de modifier une constitution. Les constitutions sont également modifiées par les décisions des tribunaux. En 1982, d'autres personnes et moi-même avons proposé au premier ministre Trudeau d'envisager la création d'un tribunal constitutionnel, comme il y en a maintenant dans presque toute l'Europe depuis la réforme post-communiste, en Allemagne et dans d'autres pays. Mais même sans l'existence d'un tel tribunal, l'interprétation judiciaire entraîne des changements constitutionnels.

Enfin, l'exercice du pouvoir des électeurs est une autre façon de modifier une constitution. Tout pouvoir constitutionnel vient du peuple. Il est clair que le pays a la capacité de se renouveler complètement grâce à une révision totale de sa constitution. Cela n'est pas défini dans la Constitution du Canada, mais c'est la source de pouvoir ultime.

Pour ceux que la lecture de cette mesure législative inquiète démesurément, et je dirais inutilement, ceux qui se demandent si nous nous sommes encore mis dans un carcan constitutionnel après les amendements de 1982, la réponse est non. Je crois que les Canadiens et les Britanno-Colombiens de la présente génération, dont beaucoup ont été mes élèves, que ces centaines de milliers de gens qui ont exprimé le désir d'avoir un Canada uni ont un rendez-vous avec la Loi constitutionnelle. Si ce n'est pas cette année, ce sera certainement avant la fin du siècle. Le multiculturalisme, qui fait du Canada un pays unique, un pays très distinct des autres pays du monde, est un bon exemple de collaboration. Je crois que ces gens finiront par demander une nouvelle constitution, mais pas maintenant. Ils doivent d'abord s'intégrer au processus politique, et c'est d'ailleurs en train de se faire.

En attendant, le gouvernement est déterminé à apporter des changements constitutionnels dans d'autres secteurs, s'appuyant sur le fait que le système peut être modifié par l'exemple de l'exécutif, par la discussion et la négociation, par des relations amicales et par un fédéralisme coopératif. Il est également question de transfert de pouvoirs, mais pas dans le sens de ces contestations judiciaires des années 60 et 70. Ce que le gouvernement cherche à faire dans le moment, c'est cerner les problèmes communs sur lesquels les trois niveaux de gouvernement doivent se pencher ensemble.

Nous avons vu cela dans le troisième élément de la stratégie présentée par M. Chrétien. La même chose se produira dans de nombreux autres domaines, notamment dans le système électoral et dans le cas de mesures prises par le Sénat dont il faudra peut-être saisir la Cour suprême. Nous ne pouvons pas le faire au moyen de la procédure de modification de 1982. Les villes ont un rôle à jouer. Nous tenons compte de la société transnationale dont le Canada fait partie et qui est la clé du XXIe siècle. Toutes ces choses sont bien actuelles.

(1135)

Le réponse du premier ministre au référendum du Québec peut obtenir un soutien suffisant à la grandeur du Canada. La réponse doit être celle du Canada tout entier. Quoi qu'il en soit, les changements constitutionnels vont se poursuivre. On mettra de plus en plus l'accent sur le fédéralisme coopératif, les concessions mutuelles et les discussions à tous les niveaux de gouvernement. Le fédéralisme se caractérise peut-être par le partage des pouvoirs et la prise de décisions en commun, mais, comme le disait le premier ministre Trudeau, c'est plus qu'une collection de centres commerciaux. Le fédéralisme suppose aussi un rôle national, des normes nationales.

Là est le défi. Le message à livrer est le suivant: agissons et mettons un terme à cette guerre de 30 ans. Attaquons-nous aux vrais problèmes économiques et sociaux. Par ce message, nous ferons honneur à tous ceux qui ont voté dans un sens ou dans l'autre au référendum québécois et nous aurons fait quelque chose que la population canadienne comprendra et approuvera.

M. Mac Harb (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Madame la Présidente, je tiens à féliciter mon collègue de son discours très éloquent.

J'ai eu la chance de voyager à l'étranger dans le cadre d'une mission commerciale et j'ai rencontré des représentants de différents pays. La première question qu'ils me posaient, c'était: «Que se passe-t-il au Canada?»

Les Canadiens, y compris ceux qui vivent au Québec, doivent prendre du recul en pensant au Canada. Il faut quitter le pays un bout de temps pour être en mesure de l'apprécier.

Annuellement, plus de dix millions d'habitants d'autres pays souhaitent venir au Canada. Comme moi, ils croient que c'est le meilleur pays du monde.

Cela me dépasse que mes collègues du Bloc québécois ne veuillent pas étudier la proposition du gouvernement et lui donner une chance de réussite. Donnez-nous une chance de la voir réussir. C'est ce qu'espèrent beaucoup de mes électeurs qui m'ont écrit ou téléphoné à mon bureau. Ils me demandent de prendre la parole à la Chambre pour exhorter mes collègues du Bloc québécois à faire un effort pour que ça réussisse.

Je veux demander à mon collègue libéral si ses électeurs qui viennent de différentes parties du monde lui ont communiqué leurs impressions. Certains d'entre eux lui ont-ils fait part de leur amour pour le Canada? Si oui, j'aimerais qu'il en parle à la Chambre.

M. McWhinney: Madame la Présidente, je suis heureux de répondre à mon collègue, qui est l'un des députés les plus réfléchis de notre parti et qui est très dévoué à la cause d'une nouvelle société canadienne pluraliste. Nous formons une collectivité de collectivi-


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tés, dans le sens où Martin Buber l'entendait. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que cette collectivité fonctionne. Les gens coopèrent. Les gens travaillent ensemble. Nous intégrons les nouvelles collectivités au processus politique.

J'ai dit l'autre jour au premier ministre que la Colombie-Britannique forme la société la plus distincte de toutes. Nous avons le plus grand nombre de collectivités nationales intégrées au processus politique et travaillant ensemble. Le message des habitants de la Colombie-Britannique, c'est que notre pays peut fonctionner avec une société pluraliste. C'est déjà le cas.

Nous comprenons le caractère distinct de la langue française et de la culture française au Québec. Nous sommes prêts à respecter cela. Toutefois, nous demandons le même respect de notre caractère distinct et de notre culture, et nous voulons la reconnaissance que tous ces éléments se trouvent réunis en une perspective nationale dans un grand Canada.

Je crois que, si le premier ministre reçoit ces messages du monde entier, c'est parce que nous avons réussi. Le Canada n'est pas la Bosnie-Herzégovine. Je pourrais nommer plusieurs pays du monde où le nationalisme se manifeste de façon intransigeante. Nous avons trouvé la formule gagnante et c'est le message que nous essayons de faire passer en abordant la question des modifications constitutionnelles pour changer le régime fédéral avant l'expiration du mandat de ce gouvernement.

(1140)

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Madame la Présidente, je voudrais demander quelque chose à M. le député de Vancouver Quadra. Vous savez que, en droit, on interprète souvent en disant que le plus comprend le moins. Mais là, avec le projet de loi qu'on nous apporte ce matin, il est en train de nous dire que c'est le moins qui comprend le plus.

Je m'y perds carrément. On a refusé beaucoup plus que ça dans l'Accord de Charlottetown, et là on nous dit qu'on répond aux voeux de ceux qui ont voté non en leur soumettant ça. Hier, on avait la notion de société distincte dans une déclaration insipide, incolore, sans saveur, à peu près comme on fait avec les motions lorsqu'on déclare la semaine nationale du scoutisme. La motion d'hier a à peu près le même effet. Aujourd'hui, on nous dépose un projet de loi, et je voudrais qu'il me dise en quoi il peut s'attendre à ce qu'on accepte ce qu'on a refusé déjà en 1992, et qui était encore plus consistant que ça?

M. McWhinney: Madame la Présidente, puis-je dire à l'honorable député que j'ai été conseiller constitutionnel auprès de plusieurs premiers ministres du Québec. J'ai été membre de la commission sur la langue française et les droits linguistiques à Québec. Moi, j'ai toujours compris la possibilité, la flexibilité immense du système fédéral, qui peut en même temps envisager une loi comme le Bill 22 du premier ministre Bourassa, et même le Bill 101, qui peuvent rester comme éléments essentiels du système gouvernemental du Québec mais aussi de notre système fédéral canadien.

Le message dans tout ça est que la flexibilité qui est dans le système constitutionnel y reste. Il faut avoir confiance en l'avenir. Nous sommes prêts à livrer au Québec tout ce qui est possible sous la Constitution actuelle, qui reste très flexible.

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Madame la Présidente, voici un bel exemple de la raison d'être du Bloc québécois à Ottawa. Nous sommes ici pour répondre aux affronts d'un gouvernement qui n'en finit plus d'insulter l'intelligence des Québécois et des Québécoises. Nous débattons bien malgré nous du projet de loi C-110, qui passera à l'histoire pour avoir été la dernière injure que le gouvernement fédéral aura fait subir au Québec.

Le projet de loi C-110 suggère une formule d'amendement de la Constitution canadienne. Il s'agit d'une simple loi fédérale avec ce que cela comporte de conséquences. Il ne modifie en rien la formule d'amendement de la Constitution, car les procédures de modification de la Constitution du Canada ne peuvent être modifiées que selon la procédure énoncée à l'article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982. J'y reviendrai d'ailleurs plus tard.

Ce projet de loi n'a pour effet que de restreindre le pouvoir discrétionnaire du gouvernement fédéral de proposer des résolutions qui autorisent les modifications constitutionnelles. Somme toute, le fédéral, dans sa magnanimité, prête aux provinces son droit de veto constitutionnel. Le projet de loi du premier ministre et de son acolyte de la Justice vient s'ajouter à la multitude de formules d'amendement constitutionnels qui sont déjà prévus dans la Loi constitutionnelle de 1982.

Un doctorat en droit constitutionnel sera nécessaire pour y voir clair. Tentons l'expérience et examinons, si vous le voulez bien, les mécanismes d'amendements déjà prévus dans la Constitution canadienne. Les articles 38 à 44 de la partie 5 de la Loi constitutionnelle de 1982 établissent quatre procédures juridiques pour modifier la Constitution. La formule d'amendements la plus exigeante ne s'applique qu'aux modifications fondamentales de la Constitution.

Les modifications de cette catégorie doivent être adoptées par le Parlement canadien ainsi que par des résolutions des assemblées législatives de chacune des dix provinces. C'est ce qu'on appelle la formule d'unanimité. Il y a aussi une autre procédure d'amendement qui porte sur les changements du partage des compétences législatives entre le Parlement fédéral et les législatures des provinces.

(1145)

Elle est aussi la procédure qui doit être suivie si on veut modifier la plupart des dispositions de la Charte des droits et libertés.

Ces modifications doivent être adoptées par le Parlement et par les deux tiers des provinces dont la population confondue représente au moins 50 p. 100 de la population totale des 10 provinces. C'est la formule d'amendement dite du 7/50. Selon cette formule, des modifications importantes de la Constitution peuvent être effectuées sans l'accord du Québec, car si l'Ontario fait partie des sept provinces


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nécessaires à l'adoption, l'exigence numérique concernant la population sera respectée.

La troisième formule d'amendement traite des modifications qui s'appliquent à une ou plusieurs provinces. Ces modifications s'appliquent notamment aux changements des limites territoriales des provinces et aux modifications des dispositions relatives à l'usage du français ou de l'anglais dans une province donnée.

La quatrième procédure est énoncée à l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982. Elle traite des changements apportés au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.

Voilà maintenant que le ministre de la Justice nous propose une cinquième formule d'amendement qui s'ajoute aux autres. Bien malin celui qui dorénavant voudra amender la Constitution.

Le projet de loi que présente le ministre de la Justice, en plus d'être un affront pour les Québécois, n'est rien de moins que le dernier clou dans le cercueil constitutionnel.

Il vient nous insulter en prétendant tenir les promesses que le premier ministre a faites pendant la campagne référendaire. Il nous prend pour des dindes et tente de nous farcir avec son droit de veto. Il en galvaude le concept et prête à quatre régions du Canada le droit de veto du fédéral.

S'il y a quelqu'un dans cette Chambre qui croit que le projet de loi C-110 représente autre chose qu'un prêt du fédéral aux provinces, il se trompe et royalement.

Non content d'ajouter à l'embrouillamini constitutionnel, le ministre pavoise devant la galerie en prétextant présenter une formule innovatrice. C'est du réchauffé, du déjà-vu.

Tout ce que nous sert le ministre est une version émasculée de la formule de Victoria de 1971 assaisonnée au goût du jour. Les mandarins fédéraux n'auront pas mis longtemps à montrer leurs vraies couleurs. La seule solution de ce gouvernement de tartufes est de dépoussiérer la formule de Victoria de 1971 et de l'éviscérer du droit de veto du Québec, une formule «nouvelle et améliorée». C'est de la supercherie.

Quand le premier ministre, par l'entremise de son ministre de la justice, dépose un projet de loi proposant un droit de veto régional doublé d'une motion portant sur le caractère distinct du Québec, il ajoute l'insulte à l'injure. Il se fout de tous les Québécois.

Cette formule d'amendement ne liera d'une façon juridique, ni l'actuel premier ministre canadien ni ses successeurs. Si par malheur elle devenait loi, ce serait une loi comme les autres qui pourra être abrogée en tout temps par le fédéral.

Mais comment débattre de quelque chose dont on ne veut plus parler? La formule de Victoria fait partie d'un nombre incalculable de négociations visant des réformes constitutionnelles. Elles se sont déroulées ad nauseam et n'ont abouti à rien sauf peut-être à priver le Québec d'outils lui permettant de s'épanouir à l'intérieur de la fédération canadienne.

On a tellement cherché à coincer le Québec qu'il en étouffe et qu'il ne peut survivre qu'en accédant la souveraineté. Le ministre de la Justice perd son temps et nous fait perdre le nôtre. Pensez-vous qu'après toutes les gifles qu'a reçu le Québec, qu'on va accepter une proposition semblable? Je me souviens. Comme tous les Québécois, «je me souviens».

Rappelons-nous l'amendement dit de St-Laurent, en 1949; de la formule Fulton, en 1960; de la formule Fulton-Favreau, en 1964; du rejet du Québec de la formule Fulton-Favreau; de la formule de Victoria, en 1971; des tentatives de Pierre Elliott Trudeau, en 1976; des conférences de 1978 et 1979; de la formule Pepin-Robarts; de la conférence de septembre 1980; du projet de rapatriement du 2 octobre 1980; du tristement célèbre rapatriement de la Constitution de 1982; de l'entente du lac Meech, en 1987; de Meech 2 en 1990 et de son rejet; de l'accord de Charlottetown en 1992, et de son rejet.

(1150)

On se souviendra de 35 ans d'échecs constitutionnels. Le dernier outrage que vient de subir le Québec en est un de trop. Le premier ministre du Canada, par l'entremise de son ministre de la Justice, signe aujourd'hui l'arrêt de mort de toute réforme constitutionnelle éventuelle.

Le premier ministre bombe le torse et s'enorgueillit de ses propositions vides de contenu. Il a la mémoire courte. Il devrait revoir l'enregistrement de son adresse à la nation qu'il nous a servie quatre jours avant le référendum du 30 octobre dernier.

Je n'oublierai jamais le spectacle d'un premier ministre désespéré qui ne savait plus quoi promettre pour obtenir des votes. Un homme repentant et humble.

Beaucoup ont cru dans cette tragédie grecque. Plusieurs sont tombés dans le panneau et ont cru aux promesses de changement du premier ministre. Aujourd'hui, le premier ministre pavoise. Il n'y a pas de quoi être fier. Le projet de loi C-110 est une grosse bulle qui crèvera bien assez tôt. Il y a des limites à tout.

L'intention véritable du premier ministre est de museler le Québec en empêchant toute modification constitutionnelle future. Son droit de veto n'est rien d'autre qu'une mascarade visant à noyer le Québec dans la mer canadienne. Un peuple «coast to coast». La nationalité mur à mur.

Ce projet de loi plagie la formule de Victoria de 1971. Dans un article intitulé Modifier la Constitution ou momifier le Québec paru dans Le Devoir du 15 mai 1971, Jacques-Yvan Morin commentait ainsi la formule de Victoria, et je cite: «Il n'est point besoin d'être grand clerc, ni même expert en arithmétique sociopolitique pour deviner à quelles difficultés insurmontables le Québec se heurtera dès qu'il voudra obtenir une modification de quelque importance. Non pas que le mode d'amendement proposé soit mauvais en soi-il serait parfaitement acceptable dans un État anglophone homogène-mais il ne tient pas compte des aspirations du Québec. Ou plutôt, il en tient compte pour leur mettre un frein.»


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Et je continue la citation: «En somme, les provinces anglophones et le pouvoir fédéral disent au Québec: Vous pouvez faire de grands projets tant que vous voulez et aspirer à un autogouvernement plus étendu, mais vous devrez passer par nous. La nouvelle formule se situe aux antipodes du droit de libre détermination des peuples. Sous un fédéralisme aux apparences bienveillantes se dissimulent en réalité des relents de colonialisme.»

Bien qu'écrit il y a de cela 24 ans, ce texte étonne par sa contemporanéité. C'est dire que le fédéral n'a pas évolué beaucoup depuis ce temps. Il veut toujours momifier le Québec. Dans l'intervalle, entre la formule de Victoria et l'entente du lac Meech, le Québec s'est fait passer tout un sapin constitutionnel en 1982.

On se souviendra qu'en 1980 Pierre Elliott Trudeau, premier ministre de l'époque, et Jean Chrétien, son fidèle lieutenant, avaient pris l'engagement solennel de renouveler la Constitution dans le sens des intérêts du Québec. La Constitution imposée aux Québécois en 1982 réduit les domaines de compétence exclusifs au Québec. De plus, Ottawa s'y est donné le pouvoir de modifier la Constitution sans l'accord du Québec. Le droit de veto du Québec a disparu. Et donc le Québec n'avait plus un mot à dire sur les changements constitutionnels pouvant affecter son avenir politique.

Le rapatriement unilatéral de la Constitution a réduit considérablement les pouvoirs législatifs du Québec en matière de langue et d'éducation. Depuis le rapatriement de la Constitution en 1982, le gouvernement fédéral ne s'est pas gêné. Il n'a pas cessé d'empiéter dans les domaines de compétence du Québec, notamment en développement régional, en formation de la main-d'oeuvre, en câblodistribution et dans plusieurs domaines culturels.

(1155)

Vient ensuite le moment où le fédéral noya le poisson dans le lac Meech.

Quand on parle du lac Meech, on parle de l'accord qui a été signé en juin 1987 par les onze premiers ministres du Canada. Cette entente était destinée à réintégrer le Québec dans la Constitution «dans l'honneur et l'enthousiasme». Là encore, le résultat a été révélateur de la mauvaise volonté du fédéral et des provinces anglophones.

Le Québec avait offert de signer la Constitution canadienne en autant que cinq conditions minimales soient respectées. Elles se résumaient ainsi: l'obtention d'un statut de société distincte pour le Québec; l'obtention de plus de pouvoirs en matière d'immigration; l'imposition d'une limite au pouvoir de dépenser du fédéral dans les champs de compétence du Québec; une participation du Québec au processus de nomination des juges de la Cour suprême du Canada; et finalement un droit de veto sur les changements constitutionnels.

En juin 1990, les provinces du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve et du Manitoba ont renié leur signature et ont ainsi torpillé l'entente. Malgré des négociations de dernière heure entre les premiers ministres en juin 1990, le Manitoba et Terre-Neuve ont refusé d'entériner l'Accord.

Au lendemain de l'échec, le premier ministre, qui nous sert un projet de loi qui ne vaut pas le papier sur lequel il est imprimé, a donné l'accolade à l'un des plus féroces adversaires de Meech, le premier ministre de Terre-Neuve, Clyde Wells. C'était la version canadienne du baiser de Judas. Je m'en souviens, madame la Présidente.

L'échec de l'Accord du lac Meech qui visait à répondre aux revendications minimales du Québec et à le ramener dans le giron constitutionnel dans «l'honneur et l'enthousiasme» a consacré le refus du Canada d'entre autres reconnaître le caractère distinct du Québec. Cette semaine, le premier ministre a poussé l'audace jusqu'à ramener le caractère distinct au rang de simple résolution des Communes, vide tout sens juridique.

On peut féliciter le premier ministre pour sa constance. Il demeure égal à lui-même, c'est-à-dire roublard.

Continuons notre périple constitutionnel. Au mois d'août 1992 vint l'entente de Charlottetown qui avait été signée par tous les représentants du Canada: dix provinces, deux territoires, quatre organisations autochtones et le gouvernement fédéral. Elle se voulait une réponse made in Canada aux revendications légitimes du Québec.

Cet accord se révélait une version édulcorée de celui de Meech et Meech le second. L'entente stipulait notamment la reconnaissance du Québec comme société distincte, le transfert au Québec de toutes les responsabilités concernant la culture, le retrait du fédéral des affaires municipales, du tourisme, des loisirs, du logement, des mines et des forêts.

Le 25 octobre 1992, les Québécoises et les Québécois ont refusé d'entériner l'Accord de Charlottetown dans une proportion de57 p. 100. Ils ont considéré, et ce à juste titre, que cet accord ne leur rapporterait que des miettes. Le reste du Canada a également rejeté l'entente. Les Canadiens anglais ont voté contre parce que, selon eux, on y faisait trop de concessions en faveur du Québec. Encore une fois, un magnifique exemple de l'amour manifesté par le Canada anglais à l'égard du Québec.

Malgré son engagement de négocier d'égal à égal avec le fédéral, Robert Bourassa a accepté de négocier avec les représentants des neuf provinces, des deux territoires, des quatre organisations autochtones et du fédéral. Il a même donné son approbation à cet accord qui accordait encore moins au Québec que ne le faisait l'Accord du lac Meech.

Depuis 35 ans, les demandes du Québec pour obtenir plus de pouvoirs dans les domaines culturel, social et économique ont constamment été rejetées par le reste du Canada.

Aujourd'hui encore, le fédéral se moque des Québécois avec son projet. Au gouvernement actuel je dis ceci: le cirque constitutionnel est bel et bien terminé; et cessez de faire les bouffons.


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M. Mac Harb (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, l'honorable députée a passé beaucoup de temps à parler du processus et a passé beaucoup de temps à nous donner une leçon d'histoire de ce qui est arrivé pendant les 30 dernières années.

Comme moi, il y a des millions et des millions de Canadiens qui n'étaient pas ici dans les trente dernières années.

(1200)

Ils n'étaient pas ici en 1947 ou en 1911. Il y a des millions et des millions de Canadiens qui sont arrivés après. Comme moi, ces millions-là et le reste du Canada sont intéressés à trouver une solution permanente. Ça ne nous intéresse pas, le processus. Ce qui nous intéresse, c'est l'objectif, c'est de trouver une solution confortable pour les populations francophones du Québec et les populations anglophones et allophones du reste du Canada.

Partout, dans tous les pays du monde on voit que les frontières commencent à tomber. Si on prend l'exemple de l'Union européenne, on voit que d'un jour à l'autre on est en train d'éliminer les frontières, y inclus la France.

Avec les technologies informatiques qui prennent place, on voit de moins en moins de frontières entre les pays du monde, que ce soit en Asie, en Europe, en Afrique ou en Amérique du Nord.

Je me demande pourquoi mes collègues n'arrêtent pas d'être si vicieux, si nouilles, si indécis. Pourquoi ne donnent-ils pas vraiment une position claire sur ce qu'ils veulent? Est-ce qu'on veut construire un pays, canadien, multiculturel, multi-ethnique, multicommunautaire pour tous les Canadiens? Ou bien est-ce que l'objectif final, c'est de séparer le Québec du reste du Canada?

Parce que, finalement, on perd beaucoup de temps ici à parler du processus et de l'histoire. Je n'étais pas ici en 1841. Ça ne m'intéresse pas ce qui est arrivé en 1841, 1857 et 1911. Ce qui m'intéresse c'est un pays moderne, le Canada qui est le meilleur pays du monde. Le meilleur pays du monde; deux fois les Nations Unies ont dit cela.

Je demande à mes collègues de se concentrer sur les vrais problèmes des Québécois et des Québécoises; les vrais problèmes sont l'économie, le taux de chômage, l'instabilité politique qui sont en train d'affecter beaucoup d'entrepreneurs qui pensent à venir au Québec pour investir, qui pensent à faire affaire avec le Québec. Grâce à mes collègues ici dans le parti séparatiste, ils sont en train de dire: on va attendre jusqu'à ce qu'on ait la stabilité.

Qu'on se dépêche, qu'on se dépêche. Travaillez avec le premier ministre, avec le présent gouvernement, parce que c'est un gouvernement qui est prêt à mettre en place une solution permanente pour cette crise. C'est le temps. C'est le temps de laisser faire ce qui est arrivé il y a 2 000 ans, 200 ans, 20 ans, 30 ans. Qu'on parle maintenant de ce qui est devant nous.

Mme Venne: Monsieur le Président, je suis tout à fait étonnée d'entendre un membre du Parlement, un député, venir nous dire que le passé ne l'intéresse pas. Je vous avoue sérieusement que c'est inconcevable, quand on sait que, quand on analyse le passé, cela nous sert à éviter de commettre les mêmes erreurs.

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Le passé est garant de l'avenir.

Mme Venne: Comme le dit mon collègue, le passé est garant de l'avenir, effectivement.

C'est vraiment étonnant d'avoir cette conception de la société, mais je ne tiens pas à insister davantage. Je pense que ses paroles ont dépassé sa pensée.

Par contre, quand il nous demande si nous avons l'intention de construire un pays, bien là c'est évident qu'on lui répond oui. C'est notre but. On veut construire un Québec souverain, un Québec indépendant.

M. Paul Mercier (Blainville-Deux-Montagnes, BQ): Monsieur le Président, j'ai deux remarques pour mon honorable collègue d'en face, et premièrement une remarque concernant l'Union européenne. L'Union européenne, ce ne sont pas des frontières qui disparaissent, ce sont des États souverains qui restent souverains mais qui ont décidé de déléguer collectivement et souverainement certaines de leurs prérogatives et certains de leurs pouvoirs à une autorité commune, c'est-à-dire de faire ce que nous proposons de faire avec le Canada. Et ce qu'ils ont fait nous montre un exemple.

(1205)

J'ai une deuxième remarque à faire au sujet de ce premier pays du monde. Je suis tanné qu'on nous bassine les oreilles avec le Canada qui est le meilleur pays du monde. Si le Canada est un beau pays, ce n'est pas parce que c'est une fédération. C'est parce que les Québécois et les Canadiens sont des gens actifs, inventifs et dynamiques, et ce n'est sacré bon Dieu pas à cause de la fédération, parce qu'il y a d'autres fédérations qui ne sont pas prospères, comme la Russie et bien d'autres.

Ce n'est pas le régime qui fait que nous sommes ce que nous sommes, ce sont les Canadiens et ce sont les Québécois. Si le pays se partageait en deux, il aurait les mêmes qualités, parce que, quand on coupe un gâteau en deux, les deux morceaux sont aussi bons qu'avant.

Mme Venne: Monsieur le Président, je ne peux que féliciter mon collègue de Blainville-Deux-Montagnes pour son éloquence et vous dire que je souscris entièrement à ses propos.

[Traduction]

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je suis absolument ravie de prendre part au débat aujourd'hui.

Je trouve très intéressant de pouvoir prendre la parole au nom des habitants de Halifax et de la Nouvelle-Écosse après l'intervention passionnée de ma collègue de l'opposition officielle. Il ne fait aucun doute que ce pays est de tous les pays du monde celui où il fait meilleur vivre. Je ne vais pas discuter des raisons avec la députée, mais une vérité universelle est une vérité universelle et la vérité


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universelle, c'est que les Canadiens d'un océan à l'autre sont les gens les plus chanceux de la terre.

Je viens d'une région de ce pays qui a normalement la réputation d'être une région pauvre. Il est vrai qu'il est beaucoup de choses que nous n'avons pas en Nouvelle-Écosse. Cependant, l'une des choses que nous avons, l'une des choses que nous décidé d'avoir et que nous avons choisie, c'est la citoyenneté canadienne. Cette chose est pour nous la plus précieuse et nous y tenons énormément.

Ce n'est pas simplement parce que nous habitons en Nouvelle-Écosse, qui, à mon avis, est le meilleur endroit où vivre au Canada tout comme c'est, j'en suis consciente, le cas de Toronto et de ses environs pour mon collègue, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, celui du Manitoba pour mon collègue de Saint-Boniface, celui de London, pour mon collègue de London, celui de l'Alberta pour mon collègue là-bas. Nous considérons tous notre coin de pays comme notre joyau.

Aujourd'hui, c'est de la passion de ma collègue de la province du Québec que je veux parler. Je comprends cette passion et nous la comprenons tous, je crois, mais elle ne devrait pas nuire à notre confédération, ni à notre pays.

Samedi, j'ai assisté à une réunion dans ma circonscription. J'étais assise aux côtés d'un éminent homme d'affaires de la Nouvelle-Écosse. Il recueille des fonds pour toutes sortes de causes, entre autres pour le Parti libéral. Il m'a dit que le premier ministre et le ministre des Travaux publics lui avaient demandé de recueillir des fonds afin d'aider les étudiants et les personnes âgées qui voulaient se rendre à Montréal pour participer au rassemblement. Or, il sollicite des fonds depuis plus de 20 ans pour diverses causes de bienfaisance et des causes politiques et il n'a jamais réussi à amasser de l'argent aussi rapidement. Il n'a jamais vu une réponse aussi empressée et un tel désir d'aider de la part des gens qui étaient prêts à contribuer parce qu'il s'agissait de notre pays.

(1210)

Dans ma propre famille, les deux frères survivants de mon père se sont installés à Montréal après la Seconde Guerre mondiale et ils y ont fondé leur famille. Fait intéressant, mes cousins de Montréal forment un véritable microcosme du Canada. Certains d'entre eux ont un nom de famille irlandais, d'autres ont un nom anglais, certains ont un nom italien et quelques-uns ont un nom français.

Ma famille est purement canadienne, même si elle n'est pas pure laine. Mes cousins de la grande région de Montréal disent aux autres qu'ils sont des Québécois. Ils sont fiers de l'être et continueront, tout comme leurs enfants après eux, d'être de fiers Québécois.

Le but de ce débat, le but de cette résolution est de donner suite à une promesse que le premier ministre a faite aux Canadiens de tout le pays qui ont reconnu que le Québec est une partie intégrante et distincte de la fédération canadienne, une partie intégrante et distincte de l'identité canadienne. Perdre le Québec serait, pour la fédération, la même chose que perdre un bras, une jambe ou un oeil pour une personne.

Tout au long de ce débat, que nous tenons aujourd'hui et que nous poursuivrons au cours des prochains jours, il est extrêmement important que chacun d'entre nous écoute ce que les autres ont à dire et essaie de comprendre qu'une région du Canada ne cherche pas et n'a jamais cherché, du moins pas en ces temps modernes, à battre ou à humilier une autre région.

Ce jour-là, à Montréal, lorsque j'ai vu 150 000 Canadiens converger sur cette place, je savais que je participais à un événement très spécial. Je savais qu'approximativement-les chiffres sont difficiles à confirmer-40 000 Canadiens étaient venus d'autres régions du Canada. Il y avait 150 000 personnes au centre-ville de Montréal. Il est clair qu'une grande majorité d'entre elles étaient du Québec. C'était des gens qui disaient à leurs concitoyens: «Nous voulons demeurer avec vous. Nous voulons que vous nous disiez que vous comprenez que nous sommes différents.»

Nous comprenons, que nous soyons du Québec, de Terre-Neuve ou de Colombie-Britannique, qu'il y a chez nos concitoyens de la belle province, un caractère distinct. Nous savons qu'il y a la langue, même si elle est partagée par d'autres Canadiens francophones dans toutes les provinces et territoires. Nous savons qu'il y a la culture et que cette culture québécoise, qui appartient à la mosaïque canadienne, est incroyablement riche. C'est une chose dont tous les Canadiens profitent, et pas seulement ceux qui vivent au Québec. Nous savons qu'il y a le code civil, qui rend le Québec différent et distinct du reste du pays.

Tous, nous célébrons cette différence et nous célébrons le fait que nous puissions partager, que nous puissions construire un Canada qui soit un meilleur endroit où vivre, que ce soit en anglais ou en français, que nos ancêtres viennent d'Europe de l'Ouest, d'Europe de l'Est, du sous-continent africain, du Moyen-Orient ou qu'ils soient des autochtones. Rien de tout cela n'a quelque chose à voir avec le mieux-être de nos familles, de nos enfants et de nos collectivités. Je ne voudrais pas que mon ami là-bas soit vexé ou me comprenne de travers. Il reste que ce qui compte, c'est que le Canada soit le meilleur pays au monde, que l'on habite le Québec, le Manitoba ou la Nouvelle-Écosse. Il y a assurément des problèmes et nous devons travailler tous ensemble à les résoudre.

(1215)

La plupart d'entre nous à la Chambre ont eu l'occasion d'aller à l'étranger. Nous avons vu la fédération russe. Nous avons vu des pays dont certains habitants ne demandent pas mieux que de s'établir au Canada, que ce soit au Québec, en Ontario ou en Colombie-Britannique. Nous essayons aussi de les persuader de s'établir en Nouvelle-Écosse. Un jour, on découvrira qu'il fait bon y vivre. Ils souhaitent tous prendre part à ce rêve incroyable et merveilleux qu'est le Canada.

Je crois que nous comprenons tous le désir que nos collègues du Québec ressentent dans leur coeur et dans leur esprit d'être reconnus. Nous disons que tous les Canadiens ont un désir semblable, même s'ils habitent des régions différentes. Nous ne pouvons pas entretenir ce rêve incroyable et merveilleux, cette fédération, ce pays, en s'accusant mutuellement. On n'y arrivera pas en montrant un doigt accusateur ou en invoquant des motifs absolument sans fondement. Pour cela, il nous faut nous rapprocher les uns des


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autres, comme nous l'avons fait à Montréal en ce mémorable vendredi et comme tous les Canadiens, anglophones, francophones et allophones, doivent le faire encore et toujours.

D'aucuns l'ont dit, cette résolution est une étape vers la réalisation de cet objectif. Le gouvernement fédéral, le premier ministre et tous les ministériels croient sincèrement qu'il s'agit là d'une réponse aux attentes des Canadiens, y compris les Québécois.

[Français]

M. Laurent Lavigne (Beauharnois-Salaberry, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec attention les propos de la députée d'en face, et je voudrais relever quelques points de son discours.

Entre autres, elle a beaucoup insisté sur la manifestation d'amour qui nous est venue des gens de l'Ouest canadien, de Vancouver, de la Saskatchewan ou des autres provinces de l'Ouest particulièrement. Je voudrais lui souligner que je ne veux pas mettre en doute les sentiments amoureux que ces gens ont manifesté auprès des Québécois, sauf que la tâche leur a été très largement facilitée. On sait, par exemple, qu'un billet d'avion de Vancouver à Montréal doit coûter entre 2 000 $ et 3 000 $, et on les a eus pour quelque chose comme 150 $ ou 200 $. Si on demandait, par exemple, de défrayer l'inverse, si les Québécois voulaient aller visiter Vancouver, je ne sais pas si on nous ferait la faveur de nous offrir des billets à 150 $. C'est ce qui met un peu en doute l'amour, les sentiments amoureux qu'on nous a manifestés. C'était une belle occasion de venir visiter Montréal pour pas cher.

J'aimerais soulever une autre chose de son discours, c'est que la députée nous a parlé du grand Canada accueillant pour ses immigrants. Je vous le concède, Mme la députée, mais en quoi cela changerait-il la venue des immigrants si le Québec devenait souverain. Les immigrants qui voudraient aller à Vancouver, à Halifax, en Saskatchewan ou au Québec pourraient continuer à la faire.

(1220)

Nous, nous n'avons pas dit, dans notre projet de société québécoise, advenant que le Québec devenait souverain, qu'on mettrait une barrière à l'immigration. Je pense que les civilités que nous connaissons et l'accueil chaleureux qu'on connaît des Québécois feraient du Québec un très bon pays d'accueil pour nos immigrants. Je ne vois pas en quoi cela serait menacé. Pourquoi prétendre que le bon accueil des immigrants n'est possible qu'en demeurant dans le grand Canada dont vous parlez? Je ne comprends pas vos propos.

Est-ce que vous laissez sous-entendre que le Québec souverain ne serait pas un bon pays d'accueil pour ses immigrants? Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre? Est-ce que cette fédération canadienne est la panacée à tous les maux de cette Terre? Est-ce que, à l'extérieur de cette fédération canadienne, il n'y a pas possibilité pour un Québec souverain, par exemple, d'y trouver son compte et pour le Canada anglais d'y trouver le sien, plutôt que de faire comme on le fait depuis 30 ans et d'essayer, à travers toutes ces discussions constitutionnelles, de perdre du temps, de l'argent, de l'énergie?

Au Québec, à travers nos différents gouvernements provinciaux, de Jean Lesage jusqu'à M. Parizeau, on a fait mille et une tentatives pour y demeurer, dans le Canada. Cela a toujours été des échecs. Est-ce qu'on va encore continuer pendant 30 ans à parler du lac Meech, de Charlottetown et de problèmes constitutionnels? Nous en avons marre. Nous avons d'autres choses à faire. Tout a été essayé et cela a toujours donné de la bouillie pour les chats.

Jamais, jamais, on n'est venus à bout de s'entendre. Qu'est-ce qui pourrait vous faire croire que, en continuant le débat constitutionnel entre le Canada anglais et le Québec, on pourrait en arriver à des ententes? Moi, quand je regarde les 30 années, les essais qui ont été faits de part et d'autre, il n'y a rien qui me fait croire que, en continuant ce débat stérile, on pourrait arriver à quelque chose de positif. Je pense que, plutôt que de continuer à se chicaner dans la même maison, nous serions bien mieux d'être deux bons voisins.

Mme Clancy: Monsieur le Président, c'est dommage. Je n'ai pas parlé du refus d'immigrants en ce qui concerne le Québec. Il existe un bon accord, avec le gouvernement fédéral, au sujet de l'immigration.

[Traduction]

Je n'ai jamais laissé entendre que les immigrants n'étaient pas les bienvenus au Québec. J'ai fait allusion à la question des Québécois «pure laine» et, du même coup, aux observations de M. Parizeau. Cependant, je n'associe absolument pas tous les Québécois à ces remarques désobligeantes et cela ne change absolument rien au fait que les Québécois accueillent fort bien les immigrants.

L'autre chose regrettable réside dans le type de calomnies qu'a lancées mon collègue dans son introduction. Il est clair qu'il regarde du mauvais côté. Il aurait dû écouter mes observations. Il ne le sait peut-être pas, mais je ne viens pas de l'ouest du pays. J'ignore tout de la situation en ce qui concerne les compagnies aériennes.

Je me suis rendue dans l'ouest du pays à de nombreuses reprises, dans votre ville, monsieur le Président, et dans des villes plus à l'Ouest. Si le député l'ignore, même pour 50 $, prendre l'avion pour se rendre de Vancouver ou Calgary jusqu'à Montréal, participer ensuite à une manifestation de deux heures et rembarquer tout de suite après à bord d'un avion pour revenir à Calgary ou à Vancouver n'a rien de très agréable. C'est extrêmement épuisant. Si on ne fait pas cela par amour, alors il y a des milliers de gens de l'ouest du pays qui devraient peut-être se faire examiner.

Le député exagère vraiment lorsqu'il affirme que les gens ont profité de ces billets d'avion à très bas prix pour aller s'amuser à Montréal. Ce n'est pas que Montréal ne soit pas une ville agréable, mais je prétends que très peu de gens ont eu l'occasion de faire cela le vendredi. Les délais étaient très serrés.

De plus, comme le député m'a entendu le mentionner un peu plus tôt dans mes observations, mon bon ami, le collecteur de fonds, a recueilli tout cet argent très facilement. Les gens se sont précipités pour contribuer. Beaucoup de gens de la Nouvelle-Écosse sont venus à Montréal gratuitement, car ce sont des entreprises de la Nouvelle-Écosse qui ont fourni l'argent nécessaire. Je le répète, les gens n'ont absolument pas eu le temps de profiter de tous les


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avantages qu'offre Montréal. Ils se sont rendus là-bas pour exprimer du fond du coeur l'amour qu'ils éprouvent pour leur pays et le Québec.

(1225)

[Français]

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais débuter ce discours en regardant la situation dans laquelle nous nous trouvons en ce moment. Je crois que les Canadiens et les Canadiennes, incluant les Québécois et les Québécoises, comprennent davantage le rôle du premier ministre du Canada et de son gouvernement. Ils l'ont compris hier et ils le comprennent encore davantage aujourd'hui.

Lorsqu'on regarde ce qui se passe, nous avons dans ce coin-ci le Bloc québécois qui veut se séparer. On utilise des mots tels que «souveraineté» mais nous savons que cela veut dire la séparation. Il n'est donc pas étonnant qu'ils ne veulent pas accepter cette proposition, même la regarder, l'étudier, considérer des possibilités. Non. Ce qu'ils veulent, c'est leur propre pays. Net, clair, pas de négociations, pas de flexibilité, pas d'ouverture d'esprit, zéro, rien.

Dans l'autre coin, là-bas-et c'est cela que les Canadiens voient-nous avons l'autre extrême. Tout ce qu'avance le gouvernement c'est: «Non, non, non, ça en donne trop au Québec et aux Québécois.» Je trouve cela alarmant. Deux extrêmes, ici à la Chambre, qui ne veulent faire aucun effort pour regarder, étudier ce qui est proposé par le gouvernement.

[Traduction]

Comme je l'ai mentionné hier, j'ai relu un numéro de Maclean's de 1989. Dans un article de ce numéro, le chef du tiers parti a laissé entendre que le statut de société distincte avait des possibilités. En fait, il a déclaré de façon explicite qu'il ne fallait pas attacher trop d'importance aux mots quand on voulait vraiment régler des problèmes et aller de l'avant. Ce sont les mots qui ont été rapportés dans l'article.

Tout d'un coup, le chef du Parti réformiste change d'idée. Pourquoi avait-il cette opinion en 1989 et pourquoi ne parle-t-il plus aussi franchement aujourd'hui? La réponse est très évidente. D'après lui, ainsi que d'après ses conseillers, il semble y avoir une ouverture pour son parti, pour sa perception du Canada, pour son train de politiques particulières. Est-ce le Canada d'abord? Pas du tout. C'est le parti d'abord, quoi qu'il arrive au Canada. Je trouve cela fort regrettable.

C'est aussi avec intérêt que j'ai constaté que la question du droit de veto régional a déjà reçu l'appui des réformistes. Ces derniers ont demandé un droit de veto régional pour pouvoir s'opposer à certaines modifications. Le saviez-vous, monsieur le Président? J'ai trouvé cela très intéressant.

Nous proposons aujourd'hui d'accorder un droit de veto sans devoir procéder à une modification constitutionnelle, de manière à mieux protéger les provinces, à ajouter quelque chose sans rien retrancher. Pensez-vous, monsieur le Président, qu'ils vont l'interpréter de cette façon? Vont-ils essayer de dire aux Canadiens: «Ce n'est pas précisément ce que nous voulions, mais nous avons aujourd'hui une proposition qui n'en est pas si éloignée»? Non, évidemment. Pourquoi pas? Je vais vous le dire, monsieur le Président. C'est très simple. Encore une fois, c'est leur programme politique qui est en cause. C'est leur parti politique qui passe en premier, et non le Canada. C'est regrettable.

C'est ce qui poussent certains Canadiens à dire que les partis d'opposition poursuivent essentiellement le même but. Un parti déclare clairement. . .

[Français]

«Nous voulons nous séparer du Canada. Nous voulons notre propre pays.»

[Traduction]

. . .et l'autre parti déploie tous les efforts pour écraser, mettre de côté et éviter d'examiner ouvertement les propositions que font le premier ministre et le gouvernement du Canada.

Les contradictions pullulent dans leurs politiques. Ils laissent entendre qu'ils sont opposés à un droit de veto régional, mais il en ont inscrit un à leur programme. Ils veulent un droit de veto pour la Colombie-Britannique, mais pas pour l'Alberta. La dernière fois que j'ai vérifié, j'ai vu que les populations de ces deux provinces étaient presque équivalentes. Je suppose que c'est ce qu'ils veulent. Je l'ignore. Ils veulent peut-être que toutes les provinces aient un droit de veto. Ou encore, ils ne savent pas ce qu'ils veulent.

[Français]

Je vais revenir à la question de société distincte. Distincte, c'est bien défini, cela touche la langue, la culture et les institutions qui sont spécifiques au Québec. Je trouve cela tout à fait louable, tout à fait acceptable. Comme la grande majorité des Canadiens, s'ils ont mal jugé, ils verront, et bientôt.

(1230)

Ce qu'il y a d'intéressant, et vous le savez, c'est qu'en ce moment au sujet de la Constitution, on a besoin de l'unanimité sur un nombre de questions. On ne peut rien changer, sauf si on a l'unanimité des provinces sur une série de questions que j'élaborerai tout à l'heure.

On a aussi une autre clause où on a besoin de sept provinces qui représentent 50 p. 100 de la population avant qu'on puisse faire des changements. Cette proposition, ce projet de loi touche surtout cet élément, ce principe-là. C'est-à-dire qu'on ne peut pas déclencher la formule 7/50 sans avoir l'appui des quatre régions. Une de ces régions est l'Ontario, l'autre est le Québec, l'Ouest canadien, ce qui veut dire la Colombie-Britannique avec une autre province, et les provinces de l'Atlantique. Cela veut dire deux provinces qui représentent 50 p. 100 de la population.

Ce qui est tellement frustrant, c'est qu'on sait fort bien qu'on n'a pas changé la Constitution. On sait fort bien qu'on a ajouté quelque chose pour tout le monde. On sait fort bien qu'ils ont une proposition en main qui favorise ce genre de veto. Mais on sait fort bien qu'il veulent placer leur formation politique, leur parti avant le pays.

Ce que j'aimerais faire maintenant, avec les quelques minutes que j'ai toujours à ma disposition, c'est parler des questions qui sont les plus souvent posées. Pourquoi ne pas déposer une modification


17020

constitutionnelle, disent les commettants. Mais nous savons que le chef du Parti québécois, le premier ministre en puissance du Québec a déjà clairement indiqué qu'il ne veut aucune modification constitutionnelle. C'est clair.

Maintenant, l'objectif de ce projet de loi est de démontrer clairement, dans la foulée immédiate du référendum, quelle est la position des députés du peuple canadien sur cette question, et on va le savoir d'ici peu. Nous savons aussi que la Constitution oblige à convoquer une conférence des premiers ministres sur la procédure des modifications constitutionnelles d'ici à avril 1997. Et nous pourrons nous pencher sur des modifications constitutionnelles éventuelles à ce moment-là. Ce projet de loi serait un pont, il pourrait servir à combler le vide d'ici là.

Il y a d'autres questions.

[Traduction]

À quoi s'applique le projet de loi, par exemple, et quelles sortes de modifications éventuelles permettrait-il de bloquer? Il aura une véritable incidence sur les modifications assujetties à la règle dite de sept et cinquante, comme je l'ai dit, à savoir les changements à la division des pouvoirs en faveur des provinces, à certaines dispositions concernant les institutions fédérales, et à l'agrandissement ou à l'addition de provinces proposés dans certaines modifications d'ordre général.

On demande fréquemment aussi sur quel point la mesure à l'étude diffère de ce qui figure déjà dans la Constitution. Elle ne modifie pas la Constitution ni la formule de modification. Les critiques le savent, mais ils ne l'admettront évidemment pas. Elle indique simplement comment le gouvernement exercera son propre droit de veto, car il est disposé à le prêter. Voilà ce que fait la mesure à l'étude.

La Constitution accorde déjà d'importants droits de veto aux provinces prises individuellement. Par exemple, chaque province a un droit de veto sur les questions exigeant l'unanimité, comme la composition de la Cour suprême et la formule de modification elle-même. Chaque province a un droit de veto sur les changements qu'on propose d'apporter à ses frontières ou aux dispositions constitutionnelles qui la concernent particulièrement.

Il y a en outre le droit de refuser des modifications transférant au Parlement des domaines de compétence provinciale et de recevoir une compensation raisonnable si la modification a trait à l'éducation et à d'autres domaines culturels. Cela accorde un autre genre de veto à une province.

Le projet de loi crée un veto régional en ce qui concerne les changements aux institutions nationales, comme le Sénat et la Cour suprême, la création de nouvelles provinces et toutes les modifications visant à transférer des pouvoirs du Parlement aux provinces.

On se demande également si la Constitution accorde déjà des vetos provinciaux, et si le projet de loi prévoit un double veto. Il y a toutes sortes de modifications par lesquelles les provinces possèdent déjà un tel veto, en ce qui concerne par exemple les changements à la composition de la Cour suprême ou aux frontières d'une province. Elles sont expressément soustraites à l'application du projet de loi, comme en sont soustraites également les modifications sur lesquelles les provinces peuvent exprimer leur désaccord en vertu du paragraphe 38(3), soit les modifications dérogatoires à la compétence législative provinciale ou aux droits d'un gouvernement provincial.

(1235)

La formule de veto régional fera-t-elle qu'il sera plus difficile pour le Québec de se séparer? Comme beaucoup, on peut déduire de la formule d'amendement constitutionnel telle qu'elle existe à l'heure actuelle qu'il faudrait le consentement de toutes les provinces pour que le Québec puisse se séparer.

Comment la formule de veto régional fonctionnerait-elle dans la pratique? C'est une question particulièrement importante, car elle est au coeur même du sujet. Si au moins six provinces, dont l'Ontario et le Québec, deux provinces de l'Atlantique représentant plus de 50 p. 100 de la population des provinces de l'Atlantique et deux provinces de l'Ouest représentant plus de 50 p. 100 de la population de l'Ouest, signifient leur accord au moyen d'une résolution, d'un référendum ou d'une adhésion gouvernementale, etc., le gouvernement fédéral sera libre de déposer des motions de résolution au Sénat et à la Chambre des communes. Si l'une ou l'autre des régions n'accorde pas le consentement nécessaire, le gouvernement fédéral ne déposera pas de motions de résolution même si au moins sept provinces représentant plus de 50 p. 100 de la population adoptent, conformément à la formule d'amendement actuelle, des motions de résolution autorisant la modification.

On a parlé des combinaisons de provinces qu'il faudrait pour que l'Ouest et l'Atlantique aient un droit de veto conformément à la formule régionale. Je tiens à en reparler, car c'est important. Dans les provinces de l'Atlantique, il faudrait, pour la Nouvelle-Écosse, s'associer au Nouveau-Brunswick ou à Terre-Neuve pour avoir un droit de veto. Le Nouveau-Brunswick devrait s'associer à la Nouvelle-Écosse ou à Terre-Neuve, et Terre-Neuve, à l'une ou l'autre de ces provinces. L'Île-du-Prince-Édouard n'aurait de veto qu'en étant associée à deux des trois autres provinces.

Dans l'Ouest, la Colombie-Britannique aurait un droit de veto en association avec l'une au l'autre des autres provinces de l'Ouest. L'Alberta l'aurait en association avec la Colombie-Britannique, mais pas avec la Saskatchewan ou le Manitoba seulement. La Saskatchewan et l'Alberta n'auraient pas droit à elles deux à un droit de veto.

[Français]

Il est important de noter que ce n'est pas un nouveau veto. Cela indique simplement comment nous exerçons notre veto au niveau fédéral.

J'en arrive à la fin de mon discours, mais c'est dommage, j'en avais tellement beaucoup plus à dire. Mais je veux m'arrêter avec, peut-être, un dernier commentaire.

J'ai débuté mon discours en disant que ces propositions de la société distincte, ce projet de loi, le veto, sont un élément dans une série d'éléments afin de construire davantage un meilleur pays, un pays où les gens travaillent ensemble et s'entendent davantage.


17021

Le vice-président: Malheureusement, le temps de parole est expiré. Y a-t-il consentement unanime de donner au député plus de temps?

Des voix: Non.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, je pense qu'on a assez entendu notre ami de Saint-Boniface. Il aura l'occasion, pendant la période des questions et commentaires d'aller plus loin dans sa pensée profonde quant au projet de loi que nous avons devant nous.

Je voudrais faire un commentaire et par la suite je lui permettrai de réagir à celui-ci.

J'ai suivi très attentivement les propos de notre collègue de Saint-Boniface, et c'est plus souvent qu'autrement, je dirais habituellement, un homme qui fait preuve de sérieux, qui a occupé des fonctions importantes au Manitoba. Donc il connaît le sens des mots, les concepts, il est en mesure de bien comprendre et de manipuler les différents concept. Il ne peut donc pas ignorer la portée du projet de loi que nous avons devant nous actuellement.

Je suis étonné, pour ne pas dire davantage, de voir à quel point il ajoute de la confusion dans ce débat. Une chose est très claire, il l'a répétée à maintes reprises pendant son intervention, en anglais comme en français: Le projet de loi qu'on a devant nous actuellement ne change rien à la situation actuelle. Donc, statu quo, aucun changement. Si ce projet de loi ne change rien, pourquoi est-il déposé en cette Chambre? J'aurai l'occasion d'intervenir au cours de la journée pour expliquer ce point de vue.

(1240)

Vous allez probablement être étonné de voir les motifs qui font en sorte que le gouvernement nous amène ce projet de loi maintenant. Mais, ce que je veux souligner, c'est la partie confuse de l'intervention du député de Saint-Boniface, lorsqu'il insiste pour dire et laisser entendre, d'une part, que ce projet de loi va vraiment changer la situation actuelle et que dorénavant on pourra clamer haut et fort que les Québécois et les Québécoises ont maintenant un droit de veto sur tous les changements constitutionnels à venir. Cela est faux.

Et il dit en même temps que c'est le statu quo, que cela ne change rien, et que, rassurez-vous, bonnes gens du Canada anglais, bonnes gens de l'extérieur du Québec, il n'y aura aucun changement. Tout ce qu'on fait, tout ce que cela va avoir comme implications, c'est que, lorsque l'actuel gouvernement fédéral aura à prendre une décision, il imposera alors des règles qui sont différentes, il va tenter de savoir si les changements qu'il souhaite apporter ont l'appui d'un certain nombre de provinces, de certaines régions du Québec, du Canada. C'est cela qu'il nous dit. Mais dans le fond, il insiste pour dire qu'il n'y a aucun changement.

Moi, j'aimerais que le député de Saint-Boniface nous dise quelle partie de son discours il faut croire. À quelle partie de son discours il faut donner de la crédibilité? Celle qui s'adresse aux Québécois et qui leur dit: Vous allez avoir un droit de veto? Ou celle qui s'adresse aux gens à l'extérieur du Québec, et qui leur dit: On ne change rien?

Est-ce que le député pourrait nous clarifier cette situation?

M. Duhamel: Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je réponds à l'honorable député.

Lorsqu'on parle d'ajouter à la confusion, je vous assure que ce n'était pas mon intention. Je regrette si je l'ai fait, mais je crois que j'avais été clair en indiquant que, en ce moment, par exemple, les provinces avaient un veto. Toutes les provinces en ont un sur certaines questions. J'ai dit que sur d'autres questions, cela nous prenait sept provinces avec 50 p. 100 de la population. J'ai dit que ce projet de loi est celui qui serait déclenché pour voir si on pouvait activer cette formule 7/50.

Mais, lorsqu'on parle de confusion, je sais fort bien que mon collègue, qui vient de m'accuser d'avoir posé un tel geste, comprend la situation. C'est cela qui est vexant, et si ce n'était pas si drôle, je serais vraiment fâché.

C'est lui qui ajoute à la confusion, parce qu'il essaie de prétendre que ce que j'ai dit était faux. Je l'invite à vérifier mes notes, je l'invite à vérifier le hansard, je l'invite à se lever en cette Chambre et contredire de façon publique, s'il le veut, tout ce que j'ai dit qui est contradictoire. Il n'y a pas de contradiction. C'est le statu quo constitionnel. Il y a un nouveau mécanisme pour s'assurer que certains éléments de la Constitution soient utilisés d'une certaine façon, mais de nier que cela n'augmente pas le pouvoir du Québec, de l'Ontario ou des autres provinces, dépendant de la formule, c'est faux, et il le sait.

L'autre chose que je voulais ajouter, c'est qu'il n'a pas parlé de société distincte. Là aussi, je suppose qu'il va m'accuser d'ajouter à la confusion. Bien, il n'y a pas de confusion. On reconnaît le Québec comme société distincte au point de vue de langue, culture et certaines institutions qui sont uniques au Québec. Ce n'est pas compliqué, et c'est tout à fait juste.

J'aimerais que mon collègue essaie de m'aider-et je serais prêt à poser le même geste-à clarifier nos termes. Il est injuste, incorrect d'utiliser un terme tel que Canada anglais. Le Canada anglais n'existe pas. On a un pays qui s'appelle le Canada, on a un nombre de provinces, et il les connaît aussi bien que moi, des territoires.

Lorsqu'il fait un tel commentaire, il essaie d'ancrer dans la pensée des Québécois qu'il y a juste un secteur du pays, du Canada, qui parle français. Bien moi, je le parle avec fierté, avec coeur. Vous savez, il y a en a chez moi qui le parle mieux que moi. Il y en a même à l'ouest de chez moi qui le parle mieux que moi, il y en a un bon paquet. Et j'étais pour lui rappeler-je sais qu'il n'a pas besoin d'un tel rappel, mais juste au cas où-que dans les provinces de l'Atlantique, il y a un paquet de gens qui parlent français, avec coeur et avec fierté.

(1245)

Lorsque mon collègue fait un tel commentaire, lorsqu'on parle de Canada anglais, on induit en erreur, parce que c'est faux, ce n'est


17022

pas correct. Il faut dire qu'il n'est pas le seul à le faire. J'aimerais qu'il s'engage aujourd'hui, avec ses collègues, à corriger son comportement en ce qui concerne ce terme.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je rappelle à la présidence que je vais partager le temps qui m'est imparti avec le député de Végréville.

En participant à ce débat sur l'unité, je suis très conscient que je représente tous les gens d'Edmonton-Sud-Ouest. Je les représente tous, qu'ils aient voté pour moi ou pour quelqu'un d'autre. À mon avis, il est absolument essentiel que les députés se souviennent qu'ils représentent chaque habitant de leur circonscription et que les 295 d'entre nous, ensemble, représentons tous les Canadiens, qu'ils aient voté pour nous ou non.

Quand je rentrerai chez moi ce soir, je verrai ma nouvelle petite-fille que je n'ai pas vue beaucoup parce que j'ai passé énormément de temps au Parlement, dans la capitale nationale. Tout ce que je fais, je le fais en pensant à mes petits-enfants et à mes enfants. Il me semble raisonnable que nous, à la Chambre, nous tournions résolument vers l'avenir.

Le drame, c'est que bien des Canadiens sont représentés à la Chambre par des députés qui regardent résolument en arrière. Même si nous reconnaissons tous que le passé est garant de l'avenir, nous ne pouvons vivre dans le passé. Il ne mène nulle part. Le passé est mort. Il ne recèle rien pour nous. Si, en tant que peuple, nous continuons de vivre dans le passé, nous n'embrasserons jamais l'avenir qui appartient à nos enfants.

Notre génération et celles qui l'ont précédée ont, comme par enchantement, imposé aux générations futures une dette qui s'est accumulée durant de nombreuses années. En outre, nous leur avons légué des relations qui, durant toute ma vie d'adulte, ont été hargneuses entre les différentes composantes de notre pays.

Le reste du Canada a essayé, à diverses occasions, d'acheter ou d'obtenir de manière coercitive l'affection du Québec, au moyen de modifications constitutionnelles et de changements quasi constitutionnels et en lui octroyant carrément des fonds ou des avantages, comme l'infâme contrat d'entretien des CF-18 accordé au Québec. Rien de tout cela n'y a fait. Sur le plan constitutionnel, nous en sommes toujours au même point qu'il y a 30 ans.

Les principaux protagonistes du débat actuel viennent tous du Québec. Tous ces fichus protagonistes viennent de cette province. Le premier ministre vient du Québec. Ses principaux conseillers aussi. Le chef du Bloc québécois vient du Québec. Tous les députés bloquistes viennent évidemment de cette province. Il faut se demander pourquoi le reste des Canadiens doivent assister, impuissants, au spectacle de ces protagonistes qui tentent sempiternellement de défaire le noeud gordien qu'ils ont eux-mêmes noué. C'est comme si le chef du Bloc québécois et le premier ministre représentent tous deux le passé. Ils sont tellement tournés vers le passé qu'ils sont incapables de regarder vers l'avenir et de voir dans quelle mesure le Canada et le Québec ont progressé depuis la Révolution tranquille.

(1250)

Je me demande moi-même pourquoi, au nom du ciel, nous essayons de satisfaire les séparatistes. Pourquoi essayons-nous de satisfaire des gens qui veulent briser le pays au détriment des fédéralistes? Pourquoi sommes-nous myopes au point de risquer l'avenir du pays, de l'Ouest afin de satisfaire les séparatistes du Québec, qui en voudront toujours plus?

Il nous incombe de prévoir l'avenir, et non de vivre dans le passé. Nous sommes responsables envers nos enfants, nos petits-enfants et leurs enfants, et non envers nos grands-parents et nos grands-parents. C'est l'avenir qui importe, pas le passé.

Je voudrais citer officiellement un passage d'un livre intitulé The Rights of Man, de Thomas Paine, un des rédacteurs de la Constitution américaine. La Constitution américaine existe toujours, quelques centaines d'années après son adoption, parce qu'elle est flexible, parce qu'elle permet à toutes ses composantes de croître. Voici ce que Paine dit dans son livre:

Il faut répondre aux besoins des vivants et non des morts. Quand l'homme meurt, son pouvoir et ses souhaits meurent avec lui. Ne participant plus aux choses du monde, il ne peut plus choisir ses gouvernants ni dire comment le gouvernement doit être organisé et administré.
Les députés reconnaîtront le corollaire de cette déclaration, quand il dit: «La présomption selon laquelle on peut gouverner après sa mort est la plus ridicule et la plus insolente des tyrannies.» Ce que Paine a voulu dire par là, c'est que chaque génération a le droit et la responsabilité de gouverneur pour son époque et qu'elle ne doit pas plus lier les mains des générations subséquentes que notre génération ne doit être tournée vers le passé. Cela nous amène à la question de savoir si un droit de veto est raisonnable dans un État fédéral comme le nôtre, s'il est raisonnable qu'on puisse, dans quelque circonstances que ce soit, lier les mains des générations à venir.

Tout le monde avait une raison pour voter contre l'accord de Charlottetown. C'était la mienne. Je ne pensais pas qu'il était responsable pour notre génération de lier les générations futures relativement à une Constitution inflexible au point de ne pouvoir être modifiée. Est-ce un héritage à laisser aux générations à venir? Avons-nous si peu confiance en nos enfants et en nos petits-enfants que nous léguerions une Constitution coulée dans le béton?

Cela nous amène à la partie deux de la formule de modification du premier ministre, la nouvelle formule de modification. Si nous voyions ce pays de l'extérieur et si nous le voyions comme une toile blanche, que ferions-nous pour qu'il fonctionne? Puisque notre pays s'étend sur 5 000 milles d'un océan à l'autre et n'est habité que par 30 millions de personnes, il est certainement assez grand pour tout le monde. Nous pouvons sûrement trouver le moyen de vivre


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ensemble en paix et en harmonie, dans le respect mutuel. Cela n'est certainement pas impossible.

Dans le débat sur la formule de modification ou le droit de veto, nos suggestions partent du principe que tous les êtres humains, au Canada et partout dans le monde, sont égaux. Nous sommes tous égaux justement parce que nous sommes des êtres humains. Lorsque nous nous réunissons sous un pommier ou dans une salle et que nous définissons les droits des habitants du pays, nous ne le faisons pas en différenciant les hommes des femmes, les anglophones des francophones ou les noirs des blancs. Nous nous réunissons et, à partir de nos points communs, nous pouvons gérer les affaires publiques parce que nous sommes des êtres humains, parce que c'est dans notre intérêt à tous.

(1255)

Comment, alors, ferions-nous fonctionner le pays si nous repartions de zéro? À mon avis, si un groupe se sent menacé et a l'impression que le seul moyen d'assurer son avenir, c'est de disposer d'un droit de veto pour empêcher que tout changement soit apporté sans son consentement aux questions se répercutant sur la langue, la culture, le code civil ou les moyens qui lui ont permis d'évoluer différemment, qu'y a-t-il de mal à cela? Le reconnaître, c'est admettre l'évidence: le Québec forme une société distincte. Cela est clair.

Comment pouvons-nous reconnaître cela sans, en même temps, donner l'impression aux autres Canadiens qu'ils sont moins distincts ou, en un sens, moins favorisés? Nous le faisons au moyen d'une formule de modification fondée sur les régions, mais il importe surtout que cette formule soit ratifiée par la population dans le cadre de référendums et non pas par le Parlement ou par les assemblées législatives.

Cela tient à une raison très importante. La plupart des parlements et des assemblées législatives peuvent compter une majorité de députés ayant fait leur choix, mais cette majorité peut avoir été élue par une minorité d'électeurs. C'est le cas aujourd'hui du Parlement fédéral où les libéraux, qui n'ont obtenu que 43 p. 100 des voix aux élections, détiennent une confortable majorité de sièges à la Chambre.

La seule façon de nous assurer que des changements constitutionnels reçoivent l'approbation de la population canadienne est de les lui faire ratifier dans le cadre d'un référendum. C'est une raison d'une importance capitale.

Les régions sont importantes parce qu'elles ont toujours été homogènes. L'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba ont toujours été appelées la région des Prairies. Tout le monde sait cela. Personne n'a jamais employé cette expression pour désigner la Colombie-Britannique. Cette province connaît une forte croissance et sa population égalera celle du Québec dans une génération. L'Alberta croît plus rapidement, mais elle est contrebalancée par la Saskatchewan et le Manitoba. Puisque ce système fonctionne, pourquoi devrions-nous être liés par une formule de modification proposée par des gens qui viennent de sortir d'un long sommeil et qui nous proposent en plus de laisser tomber la formule de Victoria? Ce n'est pas ainsi que nous concevons le fédéralisme souple.

Pour terminer, je voudrais parler des raisons pour lesquelles nous nous trouvons aujourd'hui dans un tel pétrin. Comment en sommes-nous venus à légitimer le concept des deux nations? Comment ce concept a-t-il pu être reconnu?

Le Canada a eu la chance d'avoir d'éminents citoyens. L'un d'entre eux s'appelait Eugene Forsey. Il était un constitutionnaliste reconnu à la fois par ses amis et ses ennemis comme l'un des plus éminents de sa profession au Canada. Il avait toujours été un supporter du Nouveau Parti démocratique. En 1961, il a quitté ce parti à cause du concept des deux peuples fondateurs. Il n'y a jamais eu deux peuples fondateurs, mais une seule nation depuis le commencement.

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, au cours d'une conférence de presse préparée et tenue à la hâte, le premier ministre a annoncé les projets de changement du gouvernement libéral.

Ce que propose le premier ministre est à la fois négatif et propre à créer des dissensions. Il offre au Québec le statut de société distincte, ce que l'expérience des accords du lac Meech et de Charlottetown a révélé être porteur de dissensions. Il offre le droit de veto aux régions du Canada, ou la capacité d'empêcher le changement plutôt que la capacité de susciter le changement. On a pourtant tellement besoin de changement au Canada.

Le premier ministre donne aux provinces la compétence en matière de formation de la main-d'oeuvre. C'est peut-être un pas dans la bonne direction, mais il n'est pas allé assez loin. Il a offert aux provinces d'en assumer la responsabilité à condition qu'il continue à tenir les cordons de la bourse.

(1300)

Le projet de loi C-110 propose de diviser le Canada en quatre régions: les provinces de l'Ouest, c'est-à-dire la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, l'Ontario, le Québec et les provinces de l'Atlantique. Le projet de loi donne à ces quatre régions un droit de veto sur toute modification constitutionnelle, y compris les changements aux institutions nationales, la création de nouvelles provinces et les mesures modifiant la répartition des pouvoirs. Actuellement, seule la Chambre des communes a un droit de veto sur la plupart des modifications constitutionnelles.

Ce projet de loi n'est pas en soi une modification constitutionnelle, ni même une formule de modification. C'est simplement un code de conduite inapplicable pour le gouvernement fédéral. Ce projet de loi garantit que le gouvernement fédéral s'opposera à toute modification de la Constitution, même venant d'Ottawa, à moins que les quatre régions ne donnent leur consentement.

La proposition de départager le pays en quatre régions est une gifle à l'ouest du Canada. Si l'Ouest-l'arrière-pays, comme semble le considérer le gouvernement libéral-est tout entier regroupé comme une région, des problèmes vont manifestement se poser. Si la population de la Colombie-Britannique vient un jour à dépasser les populations de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Alberta, ce qui est tout à fait vraisemblable, l'Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan perdront leur voix au chapitre des modifications constitutionnelles.


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Premièrement, ces provinces perdront leur influence au profit de la Colombie-Britannique qui, si elle devient plus populeuse que les trois autres provinces réunies, aura, à elle seule, une majorité en vertu du projet de loi C-110.

Deuxièmement, étant donné la procédure de ratification actuelle des gouvernements provinciaux, toute modification pourra recueillir un appui suffisant de la part de sept provinces, sans qu'il ne soit nécessaire d'avoir le consentement de l'Alberta, de la Saskatchewan ou du Manitoba. De toute évidence, les provinces des Prairies sont perdantes en vertu de cette proposition.

Selon cette mesure législative, si une région refuse de donner son consentement, elle oppose son veto à la réforme constitutionnelle. De par son imprécision, ce projet de loi permettra au Québec d'opposer son veto à toute réforme constitutionnelle par le truchement d'un avis écrit par le premier ministre, d'une résolution votée par l'Assemblée nationale du Québec ou d'un référendum provincial.

Ce projet de loi accordera un droit de veto à toute réforme constitutionnelle que la province du Québec ou celle de l'Ontario contesteront. Cela donne à l'actuel premier ministre séparatiste du Québec un droit de veto sur toute modification constitutionnelle. Est-ce logique? Je reviendrai sur cette question au cours de mon intervention.

Ce projet de loi ne fait pas partie de la Constitution et, par conséquent, la formule de modification actuelle s'applique toujours. Si on y ajoute la nouvelle formule, non seulement le Canada central aurait un droit de veto, mais l'unanimité risquerait en plus d'être de rigueur.

Le projet de loi C-110 crée un système selon lequel toute modification de la Constitution serait ratifiée par les provinces en deux étapes, et le fédéral n'aurait quasiment pas son mot à dire. Dans le système actuel, chaque province a son mot à dire. Le gouvernement fédéral, agissant, on suppose, au nom d'un Canada uni, de l'ensemble du Canada, joue un rôle nécessaire et vital dans le processus.

Aux termes de cette mesure législative, le gouvernement propose de déléguer l'importante responsabilité de modifier la Constitution, non pas aux Canadiens, mais aux assemblées législatives provinciales. Les provinces seront consultées deux fois, une fois en fonction de la vieille formule de modification et l'autre par le gouvernement fédéral cherchant à déterminer s'il doit exercer son droit de veto en réponse aux préoccupations des provinces.

Les provinces s'occuperont de leurs propres intérêts et le gouvernement fédéral s'assurera que les intérêts des provinces sont respectés. Le droit de veto fédéral étant délégué aux provinces, personne ne s'occupera des intérêts d'un Canada uni, d'un Canada indivisible, tel qu'il doit être.

(1305)

Est-ce que le gouvernement ne voit pas que les Canadiens méritent mieux? Ils méritent des propositions mûrement réfléchies et non une chose qui a été décidée à huis clos. Ils veulent des propositions transparentes et non quelque chose qui tombe d'un gouvernement centralisateur. Ils méritent des propositions qui soient innovatrices, pas les restes réchauffés des accords manqués du lac Meech et de Charlottetown.

Contrairement à cette approche négative, qui divise les gens, le Parti réformiste, dans sa proposition de nouvelle confédération offre aux Canadiens un Canada renouvelé et amélioré. Cette proposition comprend un plan destiné à moderniser et décentraliser le gouvernement fédéral en transférant certains pouvoirs aux provinces et à la population, tout en renforçant d'autres pouvoirs fédéraux.

La proposition comprend également un plan pour renouveler certaines institutions fédérales. En vertu de cette proposition en 20 points, le Parti réformiste garantirait le contrôle provincial sur les ressources naturelles, la langue et la culture. Il modifierait le rôle du gouvernement fédéral en ce qui concerne les services sociaux administrés par les provinces, comme l'aide sociale, l'enseignement et la santé. Il favoriserait des accords de coopération, plutôt que d'imposer des normes unilatéralement et de les faire appliquer en menaçant de ne pas verser la part du gouvernement fédéral.

De plus, notre proposition entraînerait une décentralisation accrue des pouvoirs par un réaménagement complet des institutions fédérales, comme le Parlement, le Sénat, la Cour suprême et la Banque du Canada.

Ces mesures donneraient le pouvoir à la population et aux provinces, car c'est là qu'il doit résider. Il en résulterait une réduction des dédoublements et des interférences d'Ottawa dans des domaines où ce n'est ni nécessaire ni souhaitable. Les Canadiens s'inquiètent depuis longtemps de la concentration de trop de pouvoirs dans les mains de l'exécutif fédéral et du cabinet. Notre proposition donnerait aux Canadiens le nouveau système de gouvernement plus responsable qu'ils réclament depuis longtemps. Je pense que les Canadiens veulent des changements. Ils ne veulent pas de nouveaux affrontements constitutionnels. Notre proposition pourrait se réaliser sans rouvrir les vieilles blessures constitutionnelles.

Les propositions qui ont été faites démontrent une fois de plus un manque de démocratie de la part du gouvernement. Nous avons déjà vu ce manque de démocratie dans les mesures législatives. Par exemple, le projet de loi C-41, le projet de loi C-68 sur le contrôle des armes à feu à l'égard duquel les députés qui ont osé voter contre le gouvernement. . .

Le vice-président: Je regrette, mais le temps du député est expiré.

[Français]

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je désire quand même vous souligner, et surtout informer les gens qui nous écoutent ici aujourd'hui, que c'est une journée historique pour les Canadiens, et bien entendu l'ensemble des Québécois.

Hier, le premier ministre nous a fait l'annonce de la reconnaissance du Québec comme société distincte. Évidemment, on parlait d'une résolution. Aussi, aujourd'hui on a décidé que nous allions parler d'un droit de veto pour le Québec et, bien entendu, pour trois autres régions du pays.

On a aussi vécu au Québec, ces derniers mois, ces dernières années d'ailleurs, un débat qui a forcément obligé la population de faire un choix. Et le choix des Québécois, lors du référendum qui


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s'est tenu le 30 octobre dernier, ce que les Québécois ont démontré, ils ont voté pour demeurer au sein de la fédération canadienne.

Je suis un de ceux qui reconnaît que les débats étaient très difficiles parfois et que, malheureusement, le chef de l'opposition ne s'est pas gêné pour diviser les Québécois.

(1310)

Je crois qu'on en tire quelques conclusions. C'est que les gens veulent du changement. Mais certains, surtout les Québécois, veulent du changement sans passer par la rupture. Je crois que c'est un fait indéniable du référendum, surtout des résultats et surtout de l'interprétation que nous en avons faite lorsqu'on en a parlé avec les sondeurs. On remarque que tout près des deux tiers des Québécois ont le désir que le gouvernement du Québec s'accorde et s'entende avec le gouvernement du Canada afin d'aller de l'avant avec le changement; non seulement changer la Constitution, mais surtout s'occuper de questions économiques et de création d'emplois.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention et d'intérêt le discours prononcé par le chef de l'opposition hier après-midi en cette Chambre. J'ai trouvé regrettable que ce chef de l'opposition, qui s'est toujours voulu un genre de porte-parole pour une partie de la population québécoise, ne désire pas reconnaître que le Québec est une société distincte, qu'il n'est pas prêt à nous appuyer, nous le gouvernement canadien et l'ensemble des Canadien, et d'enfin reconnaître le Québec comme société distincte, soit par sa langue, par ses lois, par sa culture. Je trouve inadmissible qu'un chef, qu'un député québécois qu'est le chef de l'opposition ne se range pas derrière nous afin de défendre les vrais intérêts de la province et de ceux que nous représentons.

Depuis quelque temps et surtout aujourd'hui, j'ai comme l'impression que plusieurs députés de l'opposition vont nous faire encore le cas, le procès du fédéralisme, mais on ne tiendra pas compte, malheureusement, des progrès du Québec au sein de la fédération canadienne depuis les 130 dernières années.

On sait fort bien qu'au Québec on n'est que sept millions de parlant français, de francophones. J'apprends aussi qu'il y a tout près de 800 000 ou d'un million d'allophones, d'anglophones et ainsi de suite qui sont, bien entendu, des membres à part entière du Québec.

Cependant, au sein de la fédération canadienne, en dépit des difficultés constitutionnelles que nous avons connues ces dernières années-dont je ne suis pas un responsable-nous savons fort bien que le Québécois moyen ait su faire des gains incroyables, si on fait la comparaison avec d'autres sociétés et d'autres pays qui sont malheureusement moins nantis que le Canada et que les résidants de la provinces de Québec.

Je crois que la fédération canadienne a quand même permis d'établir les bases de la société distincte que nous avons. Nous avons créé un réseau de télécommunications, soit par des offices fédéraux de toutes sortes, par exemple Radio-Canada dans les années 1930 et l'Office national du film. On a quand même permis au Québec de s'occuper de questions culturelles et surtout de signer des ententes non seulement avec les autres provinces, mais même avec des pays étrangers afin de renforcer et de garantir la présence du français chez moi, c'est-à-dire au Québec. Et avec la coopération étroite du gouvernement canadien, nous avons su s'assurer le rayonnement de la culture francophone, non seulement au Québec mais ailleurs au pays.

Il ne faut pas oublier qu'il y a d'autres régions du pays où on retrouve des francophones. Justement, j'arrive d'un voyage d'affaires dans l'Ouest canadien. J'ai rencontré des francophones hors Québec en Alberta et au Manitoba. Ce sont des communautés dynamiques, des communautés qui s'appuient beaucoup sur la présence du gouvernement fédéral et sur la bonne entente qui existe avec les autres communautés environnantes, notamment la communauté anglophone.

Je trouve regrettable que, lors du référendum, on ait voulu exclure, isoler le fait français hors Québec.

(1315)

Vous savez, il y a tout près de un million de francophones hors Québec. Il y a tout près de 450 000 jeunes anglophones qui sont inscrits dans des cours d'immersion. Je crois qu'on a voulu réduire cette présence pour des raisons purement symboliques, mais surtout pour des visées politiques qui ont été tout à fait véhiculées par l'opposition.

Je crois qu'il est important de dire aux Québécois que nous ne sommes pas seuls au pays, que nous avons quand même ces francophones hors Québec. D'ailleurs, justement, on a eu le privilège d'entendre un de ces députés, du Manitoba, s'exprimer ici en cette Chambre, dans les deux langues officielles, bien entendu. J'ai souvent eu l'occasion d'entendre des députés soit de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et, de plus en plus, ce que je trouve remarquable ici, au pays, et surtout dans cette Chambre, c'est qu'il y a énormément de députés qui sont d'origine non seulement anglophone, mais surtout des gens qui sont de provenance soit italienne ou autre-je crois qu'il y a certains députés qui viennent de tous les coins du globe-mais qui s'expriment davantage et avec aisance dans la langue de Molière.

Si on compare le Canada d'aujourd'hui, surtout cette Chambre des communes, la composition même de cette Chambre des communes, surtout de ce côté-ci de la Chambre, je crois que le bilinguisme a permis au français de faire une percée importante dans l'ensemble du Canada et, bien entendu, de permettre ce rayonnement qui est tout à fait important. Quelqu'un m'avait envoyé une note, et cette note me dit justement qu'il ne faut pas se gêner pour parler des francophones, et d'ailleurs, on m'encourage à le faire.

Ce que j'ai vu, lors de ce référendum, c'est qu'on a quand même tiré une conclusion importante, et je crois qu'on l'a vu de plus en plus dans les médias, c'est qu'il y a un constat au Québec. On reconnaît de plus en plus l'existence de ces francophones hors de la province, qui ont un rôle très important à jouer. C'est vrai que je m'écarte beaucoup du sujet aujourd'hui, mais je voulais seulement faire la démonstration que nous, les Québécois francophones, on n'est pas les seuls. On doit s'occuper et on doit travailler, on doit coopérer étroitement avec ceux qui veulent s'assurer du rayonnement du français dans l'ensemble du pays.

Je crois et je suis convaincu que, avec l'appui non seulement des gens du Québec, mais des gens de l'extérieur, nous allons enfin reconnaître que le Québec est une société distincte. Et par ce fait même, nous voulons inviter le chef de l'opposition à nous appuyer. C'est très important non seulement pour les Québécois, mais pour les francophones hors Québec, qui peuvent désormais s'appuyer-et pourquoi pas-sur la présence et, bien entendu, sur la participa-


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tion du gouvernement du Québec dans cette fédération canadienne. C'est ça, que nous voulons.

Je crois que les Québécois et l'ensemble des Canadiens en ont assez des débats constitutionnels, mais je crois que nous devons saisir l'occasion de reconnaître le Québec pour ce qu'il est et de, bien entendu, monsieur le Président, avant que vous ne vous leviez. . .

Le vice-président: Malheureusement, cher collègue, votre temps de parole est expiré.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, je voudrais donner l'occasion au député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine de terminer son intervention, puisque j'ai compris par sa réaction qu'il aurait souhaité avoir encore quelques minutes. Alors, le fait qu'on passe à la période de commentaires va certainement lui permettre de poursuivre.

Mais, j'aimerais faire quelques remarques au sujet de son intervention, puisque, comme il l'a mentionné à juste titre, ce que le député a tenté de faire pendant les quelques minutes de son allocution, c'est de nous dire à quel point, au Canada anglais-malgré le fait que notre collègue de Saint-Boniface refuse qu'on utilise cette expression-à quel point on nous aimait et à quel point on reconnaissait l'importance du fait francophone, puisqu'il a insisté sur le fait que plusieurs jeunes Canadiens et Canadiennes, maintenant, suivaient des cours de langue française, ce qui est la réalité et ce qui est une bonne chose.

(1320)

Il est également reconnu qu'au Québec, c'est l'endroit où on retrouve le plus grand nombre de personnes pouvant s'exprimer dans les deux langues, en français et en anglais. Sur le plan individuel, tout le monde reconnaît l'importance de posséder et la langue française et la langue anglaise. J'ajouterai qu'en Europe, ce n'est pas deux langues que la plupart des gens parlent, mais trois, quatre et même davantage, et parfois des langues très compliquées, beaucoup plus compliqués que le sont le français et l'anglais.

Cela étant dit, et avec tout le respect que je peux avoir pour nos collègues d'en face, cela ne règle absolument pas la situation politique au Canada. Cela ne règle pas le problème constitutionnel dans lequel on est empêtré depuis des décennies et des décennies, problème constitutionnel qu'on a essayé de régler de toute sortes de façons, entre fédéralistes. C'est important de le souligner, puisqu'à chaque fois qu'on se lève en cette Chambre, du côté du gouvernement, c'est pour nous dire que ce sont les séparatistes qui empêchent les changements constitutionnels. Actuellement, c'est le seul argument qu'on utilise pour dire que, malheureusement, on ne peut changer la Constitution. Le premier ministre, presque les larmes aux yeux, comme la vice-première ministre avec ses larmes de crocodile, sont en train de nous dire: «On ne peut pas amener de changements constitutionnels, le chef de l'opposition officielle, qui va devenir le premier ministre du Québec, a dit tout de suite qu'il n'en voulait pas.»

C'est là l'essentiel du débat. Même si je reconnais les faits soulevés par le député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine, quant à l'importance de l'élément francophone, je souhaiterais qu'il nous donne un peu plus de substance quant au projet de loi comme tel.

M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine): Monsieur le Président, je remercie le député d'en face pour son ouverture et sa générosité, et j'espère que d'autres députés vont faire de même.

Dans le contexte actuel, il est indéniable que le Canada a su faire dans la paix ce que d'autres pays ont malheureusement su faire dans la guerre. Ce que je trouve extraordinaire de ce pays, c'est que oui, on est toujours en négociations constantes, parce qu'on fait partie d'un système flexible, qui n'est pas rigide.

Malheureusement, on voit ce qui se passe en France et même aux États-Unis. Quand il est temps de faire des changements, pour faire progresser la société, ces gens font malheureusement face à des constitutions souvent difficiles, rigides, qui ne permettent pas des changements convenables et surtout des changements qui doivent, bien entendu, s'adapter à la réalité de cette fin de siècle.

Le député vient tout juste de nous dire, de répéter ce que tous les Québécois sont conscients aujourd'hui, c'est que le chef de l'opposition, une fois qu'il deviendra premier ministre du Québec, refuse toute entente constitutionnelle avec le Canada. La seule chose qu'il veut, et c'est clair et limpide, c'est la séparation, la fin du Canada.

Une des réussites de ce dernier siècle est bien entendu une réussite sûrement sur le plan politique et économique, mais à la condition qu'on puisse compter sur l'appui de l'opposition et l'appui du chef de l'opposition, futur premier ministre du Québec, à reconnaître le Québec comme étant une société distincte, et bien entendu à son droit de veto dans cette fédération canadienne.

[Traduction]

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui à la Chambre pour parler d'un sujet qui me tient à coeur. Cependant, je voudrais aborder différemment la question en parlant de ma propre circonscription.

Ma circonscription se situe à la source du lac Ontario, près de Hamilton. Elle est probablement l'une des plus anglophones de notre pays. Pourtant, le premier Européen à fouler le sol de ma circonscription fut René Robert Cavelier de La Salle. Il y est arrivé en 1682. Voyageant en canot, il a d'abord traversé le port de Hamilton, puis il a grimpé les escarpements en empruntant un ruisseau pour se rendre dans un village indien près de ce qui est maintenant la ville de Waterdown.

(1325)

Dans ma circonscription, on trouve partout des signes, des vestiges des explorateurs français. À deux milles à peine de mon village, se trouve le ruisseau Fairchild. Il rappelle les coureurs des bois qui ont exploré la rivière Grande et ses affluents au XVIIe siècle.


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La Salle était exceptionnel. Je ne suis pas surpris de voir que mes collègues du Bloc sont si fiers de leur héritage lorsque je pense à cet homme qui est venu dans la région de Hamilton en 1682 et qui, pendant dix ans par la suite, a exploré tout le sud de l'Ontario à la recherche de la rivière Ohio, qui le mènerait vers l'Orient, croyait-il. Il a été le premier à construire un bateau pour faire la traite des fourrures sur le lac Érié près des chutes Niagara. Il est aussi devenu un entrepreneur remarquable en faisant le commerce de la fourrure à Kingston, qui s'appelait Fort Frontenac, à cette époque.

Je précise tout cela pour souligner que les premiers colons de la Nouvelle-France étaient animés du plus grand esprit d'aventure qu'on puisse trouver.

Que penser de moi, en tant qu'anglophone? J'ai un héritage comparable à celui-là. Parmi mes ancêtres du côté maternel de la famille, on trouve des loyalistes. Ils se sont établis aux États-Unis au XVIIe siècle et ont émigré vers la région que j'habite maintenant, celle justement que La Salle avait explorée, pour fuir les Américains après la révolution américaine. Mes ancêtres, tout comme ceux de mes collègues du Bloc québécois et du Québec, avaient aussi un esprit d'aventure remarquable.

Je pourrais parler de mon propre père. Il est arrivé au Canada en 1924, après avoir quitté l'Angleterre à l'âge de 17 ans. Encore une fois, il y a ce sentiment que nous partageons. Nous le partageons, peu importe que nous soyons francophones ou anglophones. Nous partageons ce sentiment typiquement canadien qu'est l'esprit d'aventure, l'entraide et la soif des défis.

Lorsque j'étais jeune, j'ai voulu traverser le désert du Sahara pour me rendre à Tombouctou. J'ajouterai que, au cours de ma traversée de la Méditerranée, j'ai fait la connaissance d'un autre jeune homme. Nous nous sommes reconnus à cause de nos passeports. Il était du Québec. Un autre jeune Canadien, un Québécois, s'était lancé dans la même aventure que moi. Nous accomplissions là quelque chose qui nous unit en tant que peuple, que nous parlions l'anglais ou le français, en tant que personnes animées d'un véritable esprit d'aventure.

Monsieur le Président, si vous parcouriez maintenant le monde, vous trouveriez de jeunes Canadiens, francophones et anglophones, aux quatre coins du globe qui partagent ce même goût de l'aventure.

Je le mentionne, car le séparatisme, le mouvement actuel qui vise à faire sortir le Québec de la Confédération, ne s'inscrit pas dans les belles traditions de nos ancêtres. C'est une réaction défensive. Il érige des murs. Le séparatisme d'aujourd'hui est inspiré davantage par la peur que par la bravoure. C'est tellement dommage. Ce qui a fait de notre pays la nation la plus riche au monde et la nation commerciale la plus prospère au monde, c'est l'esprit d'aventure dont nous avons hérité de nos ancêtres, francophones comme anglophones.

Pour reprendre ma leçon d'histoire là où je l'ai laissée, La Salle n'a pas découvert la rivière Ohio. Une dizaine d'années plus tard, après avoir sillonné le sud de l'Ontario, se livrant avec succès au commerce des fourrures, il traversa le Mississippi et explora le fleuve sur toute sa longueur. Arrivé à destination en 1682, il prit possession du territoire au nom de la France. Ainsi naissait la Louisiane.

La Louisiane devint une colonie française beaucoup plus riche que le Québec. Elle longait les Antilles. À cette époque, les ressources étaient beaucoup plus abondantes dans cette région qu'au Nord, pays de froid et de glace. Qu'est-il arrivé à la Louisiane? En 1803, Napoléon la vendit aux Américains. Les Américains ne sont pas aller s'installer là-bas pour transformer la Louisiane en une province de langue anglaise. Ils ont simplement laissé faire et n'ont pas touché à la langue et la culture de la Louisiane. Or, il y a eu, comme de nos jours, un énorme boom économique en Amérique du Nord. L'Ouest s'ouvrait, à l'instar du Mississipi, et il y avait des entrepreneurs partout.

(1330)

Cette liberté dont jouissait la Louisiane, en tant qu'État américain, au lieu de la protection sur laquelle elle pouvait compter lorsqu'elle était une colonie française, a conduit cet État à perdre la majeure partie de sa culture française en un siècle. L'anglais a remplacé le français. Maintenant, nous avons une ancienne colonie française qui était plus grosse que le Québec et qui n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était sur le plan de la culture française.

Je prétends que c'est le type de danger que présente la séparation du Québec de nos jours. Même si certains de nos collègues bloquistes ne sont peut-être pas d'accord avec cette vision de l'histoire, si le Québec existe encore, c'est que la Grande-Bretagne et le Québec ont conclu des accords au début, tout de suite après la conquête. Cet esprit de compromis est une caractéristique de la société canadienne depuis lors.

L'autre chose qui fait de nous tous des Canadiens, c'est le fait que, depuis des siècles, nous réussissons à concilier nos différences. Notre différence la plus fondamentale résidait dans la langue parlée non seulement au Québec, mais également dans le nord de l'Ontario et en Acadie. Quoi qu'il en soit, c'est ce qui a soutenu le Québec toutes ces années.

Nous arrivons maintenant au projet de loi C-110 et à la résolution sur la société distincte. Je crois que ces deux choses sont très importantes et je vais vous dire pourquoi. Il y a, au Québec, un mouvement séparatiste qui est toujours présent et qui le sera toutjours. Il n'y a rien de mal à cela, mais, à l'heure actuelle, on constate qu'il est beaucoup plus fort. Il y a plus de Québécois que jamais auparavant qui ont peur de perdre leur langue et leur culture. Nous, dans le reste du Canada, nous ne pouvons nous permettre de voir cela se produire, car, tant que le Québec conservera sa langue, sa culture et ses traditions, le reste du Canada devra être prêt à faire des compromis et à faire une place à quelque chose qui est une différence essentielle.

Cela fait de nous une société vraiment tolérante et généreuse. C'est pourquoi le reste du monde nous considère comme le meilleur pays du monde où vivre, non pas parce que nous parlons anglais ou français, mais parce que nous nous tolérons les uns les autres et que nous avons un sentiment de générosité qui remonte à des siècles.


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J'espère que les Québécois écoutent cela et comprennent que le mouvement séparatiste va nous nuire à tous. Nous serons tous durement frappés, que nous parlions anglais ou français.

Le débat est une bonne chose. Il est toujours utile de venir au Parlement ou d'aller n'importe où ailleurs au Canada pour examiner nos différences et en arriver à nous comprendre les uns les autres, une fois de plus. La séparation n'est pas la solution. Le projet de loi C-110 et la résolution sur la société distincte constituent une forme d'assurance, de la part de tous les Canadiens, que nous devons rester ensemble et nous respecter les uns les autres.

[Français]

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le discours prononcé par mon collègue d'en face.

J'aimerais lui dire dans un premier temps que la souveraineté, pour nous du Québec, ce n'est pas de faire, de poser, de placer des frontières, des barrières, des murs entre nous et le reste du monde, au contraire. Je pense que les souverainistes du Québec ont démontré, par la proposition de partenariat qu'ils ont faite au reste du Canada, qu'ils étaient ouverts, qu'ils voulaient discuter et qu'ils voulaient à ce moment-ci de leur histoire, un changement.

(1335)

Alors, j'espère que le député a compris ça lui aussi. Il nous a parlé, dans son discours, d'autres endroits dans le monde où il y a des francophones. La Louisiane en est un. On sait que l'empereur Napoléon a vendu la Louisiane aux Américains et que, à ce moment-là, la petite communauté qui était là a décidé de se laisser assimiler tant bien que mal.

Aujourd'hui, le fait français en Louisiane, c'est du folklore. Il y a encore certaines personnes qui parlent français, mais il y en a très peu. Il faut comprendre qu'ils étaient, à ce moment-là, aux États-Unis d'Amérique, que la loi et la langue du pays, c'est l'anglais et, tant bien que mal, ils ont été à peu près assimilés. Or, nous du Québec, nous ne souhaitons pas ça, nous ne voulons pas ça.

Ce que nous voulons, c'est contrôler-et ça, ça passe par la souveraineté-les instruments économiques et politiques qui permettent et qui permettront au Québec de se développer et de s'assurer un avenir. Il va falloir recommencer le processus, expliquer, comme a dit le député, que la souveraineté est quelque chose qui ne mourra pas. Mais, j'aimerais dire au député que la souveraineté des Québécoises, des Québécois et du Québec, c'est quelque chose de positif, c'est quelque chose de dynamique.

C'est un mouvement qui nous entraîne vers le troisième millénaire, d'une façon positive. Un peuple qui décide de s'assumer lui-même, ça, c'est extraordinaire. Je me souviens, le soir du référendum, de Claude Ryan, qui a été le chef du Parti libéral du Québec, qui disait: «Il faudrait que le reste du Canada reconnaisse le Québec comme peuple distinct dans la Constitution canadienne.» Or, actuellement, vous savez, ce qu'on nous propose, c'est une motion de la Chambre qui n'a de valeur que si elle veut bien être respectée par la majorité. Alors, je pense que l'on discute de choses qui sont tout à fait différentes de ce que le Québec veut avoir comme offre.

Nous n'avons pas peur de perdre notre langue et notre culture, et la souveraineté qui, comme je le disais tout à l'heure, est positive, fait que nous n'avons pas peur. Mais il faut d'abord être intelligent, il faut se donner des moyens, et les moyens pour assurer notre survivance, c'est la souveraineté du Québec. Comme je l'ai dit hier dans une intervention, au moment de la Confédération canadienne, il y a eu une entente. Nous sommes 125 années et quelques plus tard et c'est le temps pour le reste du Canada de comprendre qu'il y a va de l'avenir et de la survie même de tout ce territoire canadien.

Donc, j'aimerais que le député commente là-dessus et qu'il essaie de comprendre la position des Québécois, qui est très positive.

[Traduction]

M. Bryden: Monsieur le Président, je remercie le député. Je lui ferai remarquer que la souveraineté, telle qu'il la décrit, et le séparatisme expriment un repli sur soi. Il admettra que le mouvement séparatiste élève des murs autour du Québec.

M. Leroux (Shefford): C'est inexact.

M. Bryden: Oh si, c'est exact.

M. Leroux (Shefford): Non.

M. Bryden: Ce sont des murs de protection. . .

M. Leroux (Shefford): Vous voyez des murs. Nous n'en voyons pas.

M. Lincoln: Toute la difficulté est là.

M. Bryden: Il y a des murs et le reste du monde les voit. Le député doit savoir que ces murs tomberont sans la protection du Canada.

C'est ce qui s'est produit en Louisiane. Les forces économiques, commerciales et mondiales ont détruit la culture française en Louisiane. La même chose se produira au Québec, si la province ne peut plus compter sur le Canada et sur des anglophones comme moi qui croient que nous partageons une tradition. Nous sommes généreux les uns envers les autres.

Si le Québec rejette le reste du Canada, y compris les Canadiens qui parlent français. . .

M. Leroux (Shefford): C'est inexact.

M. Bryden: Eh oui, ce sera la fin.

M. Leroux (Shefford): C'est complètement faux ce qu'il dit là.

M. Bryden: La leçon dont le député devrait tirer parti, c'est celle de la Louisiane.

M. Leroux (Shefford): Ça, c'est au siècle passé.

M. Bryden: En Louisiane, il a suffi d'une soixantaine d'années et la Louisiane avait des droits d'État. C'était une fédération souple et la fédération américaine était bien plus souple à ce moment-là aux États-Unis que ne l'est aujourd'hui la fédération canadienne. Il a suffi d'une soixantaine d'années pour que la culture française de la


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Louisiane cède sous la pression des forces économiques et commerciales.

(1340)

À mon avis, si le Québec se sépare et rejette le véritable partenariat qui existe dans la confédération canadienne aujourd'hui, surtout compte tenu de la présence des Américains juste au sud de la frontière, je doute qu'une seule personne continue de parler français dans la communauté des affaires au Québec. Ce serait honteux parce que ce serait la disparition d'une culture.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le président, il me fait plaisir d'intervenir dans ce débat, puisqu'il me semble important de bien situer les intentions du gouvernement en déposant le projet de loi C-110. Je n'ai pas l'intention, dans les quelques minutes qui vont suivre, de réagir à l'interprétation de l'histoire que fait le député libéral qui m'a précédé. Je lui conseillerais simplement de faire un ménage dans ses revues historiques. Faire une comparaison ou un rapprochement entre la Louisiane et le Québec est non seulement un non-sens, mais une insulte à la réalité québécoise.

J'aimerais plutôt orienter mon intervention sur le projet de loi C-110 qui concerne le droit de veto.

D'entrée de jeu, comme l'a souligné le chef de l'opposition officielle ce matin, quand on parle de droit de veto, habituellement, on parle d'une procédure ou d'une règle qui est majeure dans une constitution. Cette règle fait que, pour procéder à des changements de nature constitutionnelle, on ne peut le faire sans l'accord d'une partie. Dans le cas qui nous préoccupe, celui du Canada, il s'agit d'une partie du Canada sans l'accord d'un certain nombre de provinces et l'accord du gouvernement fédéral.

Donc, il s'agit d'une mesure importante. À tel point qu'au cours des 20 ou 25 dernières années, les fédéralistes ont discuté entre eux à plusieurs reprises de la nécessité d'en arriver à une formule d'amendement de la Constitution qui inclurait ce fameux droit de veto. Il suffit de rappeler, naturellement, la Charte de Victoria qui parlait d'un droit de veto régional, un peu semblable à celui auquel on se réfère dans le projet de loi C-110, et de la Commission Pepin-Robarts qui parlait d'un droit de veto régional, mais appuyé sur un référendum pancanadien où une majorité serait nécessaire dans chacune des quatre ou cinq régions du Canada.

La Loi constitutionnelle de 1982, celle qui nous régit actuellement, accorde un droit de veto, dans plusieurs domaines, pour modifier la Constitution et les institutions entre autres, à chacune des provinces canadiennes. L'Accord du lac Meech accorde également ce même droit de veto. Le Comité Beaudoin-Edwards parlait de ce même droit de veto régional. Et enfin, l'Entente de Charlottetown.

Ce que je veux démontrer en faisant ce rappel, c'est que la discussion entourant le droit de veto a toujours pris une place importante dans le discours politique canadien, dans le discours politique des fédéralistes, des fédéralistes sincères qui souhaitaient améliorer la situation canadienne et québécoise. Mais jamais on en est venu à une entente là-dessus qui fasse en sorte de respecter autant les droits des Québécois que les droits de l'ensemble des Canadiens. Jamais.

Donc, c'est pour cela qu'en 1982, en désespoir de cause, le gouvernement Trudeau a accordé un droit de veto à toutes les provinces, et c'est ce qui nous régit encore actuellement.

(1345)

Donc, si on veut accorder l'importance qu'a ce droit de veto, il faudrait donc que l'on puisse le faire en proposant des changements constitutionnels. Devant l'impossibilité de le faire, et non pas à cause de la présence éventuelle du chef de l'opposition à Québec, mais devant l'impossibilité d'en arriver à une entente dans les provinces anglophones, le premier ministre, réagissant aux résultats référendaires du 30 octobre, a décidé de déposer en cette Chambre un projet de loi qui n'a aucune portée constitutionnelle, un projet de loi qui, au surplus, contraindra le gouvernement actuel, s'il le veut bien- puisqu'en tout temps il peut modifier son projet de loi-de tenir compte de certains critères avant de proposer des changements constitutionnels.

Mais comme le premier ministre a déjà dit qu'il n'avait l'intention de faire aucune proposition tant et aussi longtemps que les méchants séparatistes seront au pouvoir à Québec, c'est donc dire que le projet de loi ne s'appliquera d'aucune espèce de façon.

C'est là que je veux démontrer l'intention du gouvernement et surtout du premier ministre. Ce projet de loi n'est qu'une supercherie, je dirais même une fourberie, puisqu'il induit les Québécois et les Québécoises en erreur, en leur laissant entendre que le droit de veto dont on parle est une garantie quant à l'avenir des droits constitutionnels du Québec.

C'est faux, archi-faux, puisqu'en même temps, à peu près tous les intervenants du parti gouvernemental ont tenu à dire dans leur discours, le premier ministre en premier, que le ministre de la Justice en déposant ce matin son projet de loi, que celui-ci ne changeait rien à la formule actuelle, c'est-à-dire le statu quo constitutionnel.

Il est important que les Québécois comprennent que ce que le gouvernement et le premier ministre veulent faire, c'est simplement faire perdre du temps en cette Chambre en nous arrivant avec un projet de loi à la hâte, qui n'a aucun effet.

Certains diront que mes propos sont durs à l'endroit du premier ministre. Je voudrais, si vous me le permettez, les appuyer sur ce que le premier ministre a dit dans le passé.

Regardons d'abord son discours de 1990, alors que le premier ministre actuel allait entrer dans la course à la chefferie du Parti libéral. L'actuel premier ministre, qui était candidat à l'époque, a déclaré, ici même à Ottawa, devant des étudiants de l'Université d'Ottawa, qu'il s'opposait, lui, comme candidat à la chefferie du Parti libéral, futur chef du gouvernement canadien, à toute forme de droit veto, pour une province ou pour l'autre. Il disait-je ne cite pas ses mots exacts-qu'une province qui, un moment donné souhaite mettre les bois dans les roues de changements à apporter à la Constitution, avec un droit de veto, pourrait le faire, sans nommer naturellement le Québec. Mais il est sûr que c'était au Québec qu'il pensait lorsqu'il a prononcé ces paroles, puisque c'est toujours le Québec qui a demandé des changements à la Constitution canadienne.


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Puisque quand on parle de droit de veto, on parle également de société distincte, on reconnaît en cette Chambre, par une motion, le principe, si l'on veut, de la société distincte, dit-on.

(1350)

Encore là, il s'agit d'une farce monumentale. Le premier ministre actuel tente de faire croire aux Québécois et aux Québécoises, et encore davantage aux Canadiens et Canadiennes, qu'il reconnaît le principe de la société distincte, alors que lui-même, pendant la campagne référendaire, a ridiculisé le principe de la société distincte en faisant un rapprochement à sa performance à lui au niveau linguistique, en disant: «On n'a pas besoin de mettre cela dans la Constitution, le principe de la société distincte, tout le monde sait que je suis distinct. On n'a qu'à m'écouter parler anglais.»

Le chef de l'Action démocratique avait vilipendé le premier ministre, à l'époque, sur ses propos, en disant qu'il s'agissait là de mépris à l'endroit des Québécois, quand on ramène la notion de société distincte à l'impossibilité ou à la difficulté de parler anglais. Et le premier ministre se donnait en exemple.

C'est ce que pense le premier ministre, de la société distincte. C'est ce que pense le premier ministre, du droit de veto, et aujourd'hui, parce qu'on dépose un projet de loi en cette Chambre, parce qu'on a devant la Chambre une motion sur la société distincte, on voudrait que les Québécois applaudissent et disent: «Eh bien, monsieur le Président, c'est réglé. Maintenant nous sommes reconnus comme société distincte, le Québec a son droit de veto, dépêchons-nous de passer à autre chose.»

Non. Non, les Québécois et Québécoises ne sont pas dupes. Ils comprennent très bien le leurre, la fourberie dont fait preuve le gouvernement fédéral actuel en déposant en cette Chambre cette loi et cette motion, et ils vont réagir fortement. En ce sens, le chef de l'opposition officielle, celui qui dans quelques mois dirigera le gouvernement du Québec, avait raison, a raison et aura raison de dire non à ce genre de supercherie, de dire non à ce genre de fourberie.

M. Mac Harb (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois on est en train d'entendre le chantage de mon collègue de l'opposition.

On a eu un débat référendaire pendant au moins deux mois. De temps en temps c'était très intensif, très émotionnel. Les gens ont parlé des deux côtés, ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre, ceux qui étaient pour le Canada et ceux qui étaient contre le Canada, ceux qui voulaient donner une autre chance au Canada et ceux qui ne voulaient pas donner une chance au Canada.

Ceux qui veulent donner une chance au Canada ont réussi. Le résultat démocratique du référendum était un oui pour donner une chance au Canada. Le leader de l'opposition, le soir où les résultats ont été annoncés, je l'ai vu moi-même, je n'étais pas au pays malheureusement, c'était un moment très émouvant. Je suis resté éveillé toute la nuit et j'ai regardé le leader de l'opposition à CNN International qui disait: «Il faut qu'on respecte le résultat démocratique du référendum.»

J'ai trouvé cela très intéressant, contrairement à ce queM. Parizeau avait dit, qu'il n'a pas voulu respecter le résultat. Alors, le leader de l'opposition et chef du groupe du oui du Québec avait dit qu'il faut qu'on respecte le résultat référendaire. Mais qu'est-ce qu'on voit aujourd'hui? C'est justement le contraire. Un manque de respect du résultat référendaire du Québec; un manque total de respect du principe démocratique fondamental du Québec, du Canada et de toutes les normes internationales.

Nulle part ailleurs, dans n'importe quel autre pays au monde on ne voit un groupe qui est dans le Parlement fédéral ici, un Parlement qui représente les populations du Canada, qui représente le peuple canadien d'un océan à l'autre.

(1355)

Nulle part, dans n'importe quel autre pays du monde, ne voit-on des gens comme ceux du côté de l'opposition qui se lèvent avec beaucoup de fierté puis qui parlent comme quoi ils veulent déchirer le meilleur pays du monde. Ils veulent déchirer, briser un pays magnifique, un pays extraordinaire.

Le premier ministre l'a dit, mes collègues de ce côté-ci l'ont dit à plusieurs occasions: ça n'arrivera pas, parce qu'on ne peut jamais briser le meilleur pays au monde. Ce que ce gouvernement a décidé et réussi à faire, c'est de soumettre des propositions tangibles, et on attend que les députés de l'opposition agissent de façon logique, qu'ils réagissent de façon logique, qu'ils respectent le résultat démocratique du référendum, qu'ils s'assoient à la table et qu'ils négocient avec honnêteté, sans hypocrisie, et qu'ils arrêtent d'utiliser les mots «souverainisme» et «indépendance». Qu'ils parlent d'une façon positive, comme quoi les Québécois et les Québécoises ont voté pour donner une chance au Canada.

Là, on aura un débat, un vrai débat. Là, on pourra vraiment parler de personne à personne. Alors, je demande à mon collègue s'il ne serait pas mieux pour lui et pour ses collègue du parti bloquiste de s'asseoir avec le gouvernement fédéral et de nous dire ce qu'ils veulent vraiment. Ils ne sont pas satisfaits de cela, mais que qu'est-ce qu'ils veulent au juste? Ils veulent entrer cela dans la Constitution, mais ils ne disent pas cela. Ils n'osent pas dire ce qui a du bon sens.

Toute la journée, tout ce que j'ai entendu, c'est du chantage, une leçon d'histoire, une autre explication de ce qui est arrivé il y a20 ans. Plusieurs députés de ce parti ont voté contre l'Accord du lac Meech et celui de Charlottetown. Je veux demander au député. . .

Le Président: Je pense que la question est posée et que l'honorable député a une minute pour répondre. On va lui donner la chance.

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le Président, je demanderais à mon collègue d'Ottawa-Centre de se rasseoir et de se rendormir, comme il l'a fait le soir du référendum puisque, de toute évidence, il n'a pas écouté les propos du chef de l'opposition officielle jusqu'au bout. Non seulement le chef de l'opposition et celui qui va devenir le premier ministre du Québec a dit qu'il allait respecter les résultats du référendum du 30 octobre en faisant en sorte qu'il allait s'attaquer aux problèmes qui confrontent actuellement le Québec, c'est-à-dire les finances publiques, mais ce

17031

qu'il a dit, c'est qu'on attendait du gouvernement fédéral qu'il passe maintenant à l'action et qu'il dépose des vrais changements.

Alors, qu'est-ce qu'on a devant nous? Je l'ai dit tout à l'heure: supercherie et fourberie. Quand on parlera de Constitution au Québec, ce sera pour parler de la Constitution du Québec, dans un prochain référendum.

______________________________________________


17031

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, la région de l'Atlantique est celle qui a le plus durement souffert des changements au régime d'assurance-chômage annoncés par le gouvernement dans son budget de 1994. La région de l'Atlantique a en effet perdu 634 millions des 2,4 milliards de dollars dont a été amputé le budget de l'assurance-chômage. Notre région, représentant 8 p. 100 de la population canadienne, a subi 27 p. 100 des compressions budgétaires à l'assurance-chômage. Nous apprenons maintenant que la même chose nous menace de nouveau.

Une forte proportion de l'économie régionale a un caractère saisonnier. D'accord, nous devons mettre en oeuvre des mesures qui permettront à l'économie régionale de croître et d'évoluer, mais les mesures que le gouvernement se propose d'appliquer n'y contribueront pas. Le premier ministre libéral du Nouveau-Brunswick a lui-même déclaré que les changements que le gouvernement se prépare à apporter à l'assurance-chômage auront un effet dévastateur sur notre région. Il a ajouté qu'ils feront simplement passer les gens de l'assurance-chômage à l'assistance sociale.

Je suis favorable à des mesures sérieuses pour contrôler notre déficit, mais nous devons aider les gens à s'aider eux-mêmes. Je crains fort que le plan du gouvernement en matière d'assurance-chômage ne permette pas de le faire. C'est pourquoi j'exhorte le gouvernement à le reconsidérer. C'est un plan qu'on attendrait plutôt de la part du Parti réformiste.

Le Président: La parole est au député de Davenport.

* * *

(1400)

L'ENVIRONNEMENT

L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, Environnement Canada a récemment accusé la société Noranda Forests Mill de Thorold, en Ontario, d'avoir commis 150 infractions à la Loi sur les pêches et au Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers.

Si nous voulons assurer un développement durable, nous avons besoin de règlements pour protéger les eaux, les pêches et la santé publique contre les activités nuisibles, et de les faire appliquer. Ce cas montre qu'Environnement Canada joue un rôle important pour veiller au respect de la réglementation fédérale en matière environnementale.

LES CONJOINTS DE MÊME SEXE

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, le Cabinet libéral accorde des droits aux conjoints de même sexe sans l'approbation des députés et l'appui du public.

J'interviens aujourd'hui pour dénoncer une directive libérale du Conseil du Trésor, ayant fait l'objet d'une fuite la semaine dernière, qui accorde un certain nombre de prestations de conjoint aux partenaires homosexuels et lesbiennes qui ne sont pas reconnus officiellement comme légalement mariés.

Au cours du débat sur la motion no 264 et lors du vote libre tenu à ce sujet à la Chambre en septembre dernier, les députés ont refusé de reconnaître légalement les conjoints de même sexe, en rejetant la motion par une forte majorité. Les dirigeants du Conseil du Trésor ont défié la volonté des députés en accordant aux couples homosexuels et lesbiens les mêmes droits qu'aux hommes et aux femmes légalement mariés.

Au nom de la majorité de mes électeurs, au nom de la majorité des Canadiens et au nom de la majorité des députés à la Chambre, j'exige que le gouvernement libéral soumette à un vote libre à la Chambre tout octroi de prestations gouvernementales aux conjoints de même sexe.

* * *

LE CAMP D'INTERNEMENT DE RIPPLES

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière, j'ai assisté à une cérémonie commémorant le camp d'internement de Ripples, près de Fredericton. Ce camp avait été construit, à l'origine, pour accueillir les réfugiés juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Plus tard, il a servi de camp d'internement. Le comité d'organisation espère ouvrir un jour le camp au public, ainsi qu'un musée, pour rappeler son existence.

Le Canada s'est toujours montré accueillant pour les réfugiés et il peut en être fier. L'histoire nous dit cependant qu'on a fait des erreurs. Il faut en tirer une leçon et en sortir grandis. Il faut respecter nos obligations internationales envers les opprimés du monde.

Il importe de se rappeler ce qui s'est passé au cours de la Seconde Guerre mondiale, parce que l'histoire doit être préservée. Je félicite Ed Caissie et le reste du comité de nous avoir rappelé à tous les horreurs de l'holocauste.

* * *

LA SEVEC

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, je veux souligner la réalisation de l'une de mes électrices, Mlle Amy Kaufman. Demain, Mlle Kaufman et cinq autres personnes des quatre coins du Canada se présenteront à la résidence du gouverneur général pour recevoir un prix à l'occasion du 60e anniversaire de la Société éducative de visite et d'échanges au Canada.

La SEVEC est une association sans but lucratif, dirigée par des enseignants, qui organise des visites et des échanges à des fins éducatives. Son but est de créer et de promouvoir des occasions d'apprentissage enrichissantes au Canada, pour développer des sentiments mutuels de respect et de compréhension.

Mlle Kaufman a passé deux semaines au Québec, l'an dernier, dans le cadre d'un programme de la SEVEC. Elle a été frappée à la


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fois par les similitudes et les différences qui existent entre nos deux peuples. Elle a été particulièrement impressionnée par le degré d'amitié et de compréhension qui peut se développer en si peu de temps. C'est une observation intéressante.

Je demande à tous les députés de se joindre à moi pour féliciter Mlle Kaufman, une valeureuse Canadienne.

* * *

[Français]

LE CONGRÈS DE LA FTQ

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, j'ai participé, ainsi que le chef de l'opposition officielle, à l'ouverture lundi du 24e congrès de la FTQ, la plus importante centrale syndicale au Québec.

Je tiens à souligner la participation de 1 500 délégués à ce congrès historique centré sur l'emploi, auquel ont été invités, pour la première fois, les présidents de la CSN et de la CEQ. Dans son discours très courageux, le président de la FTQ, Clément Godbout, a abordé les grands défis du syndicalisme d'aujourd'hui et de demain. Cette centrale veut lutter contre la montée de la droite et pour la réforme de la législation du travail, le partenariat syndical-patronal et pour l'obtention de pouvoirs accrus dans l'organisation du travail.

Il est donc important de saluer une initiative de la sorte qui permettra aux décideurs québécois d'amorcer une profonde réflexion sur le Québec de demain.

Enfin, je souhaite un prompt rétablissement à Fernand Daoust, ex-président de la FTQ, blessé dans un accident d'auto avant-hier.

* * *

[Traduction]

L'ENVIRONNEMENT

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, la décision de la ministre de l'Environnement de signer une ordonnance provisoire interdisant l'exportation de BPC aux États-Unis défie toute logique, surtout étant donné que l'agence américaine de protection de l'environnement a récemment renversé sa décision pour permettre l'importation de BPC à de fins de destruction.

Ce renversement de décision permet aux entreprises canadiennes de se débarrasser en toute sécurité et au prix le bas possible de leurs stocks de déchets contaminés par les BPC. La ministre devrait être ravie. Malheureusement, elle a décidé d'interdire les exportations de BPC aux États-Unis bien que le Canada exporte vers ce pays plus de 100 000 tonnes de déchets par an.

(1405)

Transporter les BPC à travers le Canada représente une distance beaucoup plus grande que les transporter aux États-Unis et coûte 150 millions de dollars de plus aux entreprises canadiennes.

Compte tenu du nombre écrasant d'informations en faveur de l'exportation de BPC aux États-Unis, je demande instamment à la ministre de reconsidérer sa position, de prendre les mesures qui se doivent et d'arrêter d'adopter une position protectionniste qui n'aide guère l'objectif primordial d'élimination des BPC.

* * *

VISION INTERNATIONALE

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais aujourd'hui faire part à la Chambre de la fin du programme Vision internationale pour 1995 et de la publication du rapport annuel.

En tant que président parlementaire, je suis heureux d'annoncer que cet organisme à but non lucratif a tenu dans tout le Canada des séminaires régionaux auxquels ont participé plus de 800 étudiants. Ces jeunes ont rencontré des experts de l'industrie et du gouvernement afin de discuter avec eux de questions relatives à la science, au commerce et à la technologie et afin d'acquérir les compétences nécessaires pour être concurrentiels dans cette nouvelle économie mondiale.

En outre, le programme d'initiation au commerce a permis à 18 participants de se rendre en août à Taïwan, en République de Chine. Je remercie les nombreux commanditaires du programme Vision internationale, notamment les Lignes aériennes Canadien International, la Banque canadienne impériale de commerce, Héritage Canada, L'Agence de promotion économique du Canada atlantique, l'Initiative fédérale du développement économique du Nord de l'Ontario et la société Western Star Trucking.

Je remercie aussi personnellement M. Jason Yuan et le personnel du bureau des affaires économiques et culturelles de Taïpei. Sans leur aide et sans la coopération du ministère des Affaires étrangères de la République de Chine et de la brigade des jeunes de Chine, notre mission commerciale à Taïwan aurait été impossible.

* * *

[Français]

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DU VIH-SIDA

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, demain, le 1er décembre, est la Journée internationale du VIH-SIDA. À cette même date l'an dernier, notre premier ministre était cosignataire de la déclaration de Paris.

J'aimerais porter à l'attention de cette Chambre que le Canada a apporté un suivi, à ce sommet en particulier, par l'établissement d'un groupe de travail sur la réponse internationale du Canada sur le VIH-SIDA.

J'aimerais, en cette journée tenue sur le thème Share rights, Share responsibilities, exprimer ma reconnaissance pour le rôle important que jouent des organismes non gouvernementaux tels que la Coalition interagence SIDA et développement, le Conseil internationale des ONG de lutte anti-sida, la Société canadienne du SIDA, l'Association canadienne de santé publique, le Global Network of People Living with HIV/AIDS, le réseau international francophone d'intervention SIDA et l'International Community of Women Living with HIV/AIDS.


17033

LES ARTISTES SOUVERAINISTES

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, les députés libéraux et réformistes du Comité du patrimoine ont déclarée ouverte la chasse aux sorcières. Voilà que les représentants de l'unité canadienne remettent en cause le fait que des artistes souverainistes, comme Marie Laberge, puissent bénéficier de subventions fédérales.

Décidément, le ridicule ne tue pas. Les souverainistes québécois continuent toujours d'envoyer leurs impôts à Ottawa. Chaque année le fédéral perçoit du Québec 30 milliards de dollars. Est-ce que les députés du Comité croient sérieusement que le fédéral pourrait nier l'accès à ses programmes à 50 p. 100 de la population du Québec? Comme le dit si bien Franco Nuovo du Journal de Montréal, les bourses du Conseil des Arts ne sont pas là pour «gratifier l'allégeance et les couleurs politiques des artistes mais pour saluer et soutenir le talent et l'excellence dans le monde des arts au Canada».

* * *

[Traduction]

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens ont appris avec stupéfaction que le président de la Commission des droits de la personne estime déplacé de commenter les atteintes aux droits de la personne en Chine. Sa tolérance concernant les avortements forcés et son incapacité de porter un jugement sur l'exécution de dissidents politiques ont révélé le mépris scandaleux dont il fait preuve à l'égard des droits des femmes, des droits à l'égalité et des droits de la personne.

Nous devons dire à la Chine que cette ligne de conduite est inacceptable. Le président de la Commission des droits de la personne doit agir comme un chef de file et non pas être à la remorque des autres. Il a l'obligation morale d'aider à faire changer les choses là où les personnes ne sont pas traitées humainement. Il doit le faire en présentant le Canada comme un modèle de tolérance fondée sur la démocratie, un champion des droits de la personne et un défenseur des exploités.

Nous ne pouvons rester à rien faire alors que des femmes, des enfants et d'autres êtres souffrent aux mains de gouvernements inhumains. Au lieu de démissionner devant pareille situation, Max Yalden devrait démissionner de ses fonctions. S'il refuse de le faire, le gouvernement devra le destituer de ses fonctions, car il n'a visiblement pas le courage nécessaire pour promouvoir et représenter dans le monde entier les valeurs qui sont chères au Canada.

* * *

(1410)

[Français]

LE PRÉSIDENT DE LA CSN

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, le très souverainiste Gérald Larose, président de la CSN, s'est livré à une charge à fond de train contre la stratégie économique du premier ministre du Québec, la qualifiant d'opération dévastatrice. Il a poursuivi en déclarant, et je le cite: «Nous avons la vague impression qu'à défaut d'avoir mis la main sur l'ensemble de nos leviers lors du référendum, le gouvernement du Québec veut aller au plus court et se ruer férocement sur les dépenses pour éviter de couler à pic.»

Cette volée de bois vert administrée au gouvernement péquiste par le chef syndical n'a cependant pas effleuré le prétendant au trône, qu'on se garde bien de se mettre à dos. Toute cette stratégie du chef syndical sent l'opportunisme à plein nez et mérite d'être dénoncée, lui dont l'organisation a toujours si largement profité de son affiliation au PQ.

* * *

[Traduction]

LE MOIS DE LA SENSIBILISATION AU DIABÈTE

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe, Lib.): Monsieur le Président, je profite de l'occasion qui m'est offerte pour rappeler aux députés que novembre a été proclamé Mois de la sensibilisation au diabète par l'Association canadienne du diabète.

Plus d'un million de Canadiens, dont de nombreux membres de ma famille, souffrent du diabète, cause importante de mort prématurée, de cécité, de maladies rénales et cardiaques, d'accidents cérébrovasculaires, d'amputation et d'autres problèmes de santé graves. Les risques de devenir diabétique augmentent avec l'âge. Plus de 13 p. 100 des Canadiens ayant entre 65 et 74 ans souffrent de cette maladie.

L'Association canadienne du diabète appuie la recherche sur cette maladie et offre une vaste gamme de services aux personnes diabétiques et à leur famille ainsi qu'en leur nom. Je suis fière de dire que le gouvernement fédéral joue aussi un rôle important en appuyant la recherche sur le diabète, le Conseil de recherches médicales du Canada étant le principal bailleur de fonds pour la recherche sur cette maladie.

J'invite les députés à se joindre à moi pour souhaiter à l'Association canadienne du diabète et à ses nombreux bénévoles un Mois de la sensibilisation au diabète couronné de succès.

* * *

[Français]

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

M. Denis Paradis (Brome-Missisquoi, Lib.): Monsieur le Président, c'est le début d'un temps nouveau. Le gouvernement a promis, lors du dernier référendum, qu'il y aurait des changements. Voilà, c'est parti! Dans un premier temps, les députés de cette Chambre se prononcent sur la reconnaissance du peuple québécois en reconnaissant une société distincte au Québec, une société distincte par sa langue, sa culture et sa tradition juridique.

De plus, au moment même où l'on siège dans cette Chambre, une loi donnant le droit de veto au Québec et aux Québécois, comme aux autres régions du Canada, est à l'étude. C'est un excellent départ. Ça s'appelle livrer la marchandise. Il faut continuer dans ce sens, parce que les changements doivent aussi s'appliquer dans notre façon de faire les choses. Et c'est dans le cadre de ces changements que j'invite tous mes collègues de cette Chambre, tous partis politi-

17034

ques confondus, à travailler à faire de ce pays qui est le nôtre, le Canada, le pays de tous les Québécois et de tous les Canadiens.

* * *

PETER JACOBS

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, Peter Jacobs a vécu pendant presque toute sa vie à Kahnawake, où il a été adopté à l'âge de trois semaines et où il participé pendant 40 ans à la vie de cette communauté mohawk. Malgré son statut d'indien, en vertu de la Loi sur les indiens, M. Jacobs se voit maintenant, à la suite d'une décision du conseil de bande de Kahnawake, exclu de la liste et ainsi privé de sa reconnaissance comme membre de cette bande et de tous les droits y afférant.

Sans vouloir se prononcer sur une question hautement technique présentement sous étude par la Commission canadienne des droits de la personne, les députés du Bloc québécois tiennent à exprimer leur profond désaccord face à cet acte de discrimination et d'exclusion, qui serait basé, semble-t-il, sur des critères de race et d'origine ethnique.

* * *

LE CHEF DE L'OPPOSITION OFFICIELLE

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il semble que les Québécois et les Québécoises vont devoir de nouveau payer le prix du manque de courage et de conviction de celui qui les a laissés tomber près d'un mois avant l'échec du lac Meech. Dans un discours digne d'une télésérie dont on ne pense jamais pouvoir connaître la fin, le chef de l'opposition officielle a une fois de plus hier annoncé qu'il n'appuierait pas la reconnaissance du Québec en tant que société distincte.

Le chef du Bloc québécois refuse la main tendue par le Canada et il préfère se concentrer sur la rédaction de ses discours émotifs, au cours desquels il se lamente et ressasse sans cesse ses vieilles rengaines d'humiliation et de rejet. Les Québécois et les Québécoises découvriront à regret et un peu tard que celui qui désire la confiance ne pense plus qu'à sa carrière et à son couronnement prochain en tant que premier ministre du Québec. Malheureusement, il refuse de reconnaître un désir, un consensus québécois, qui est la reconnaissance du Québec comme société distincte et son droit de veto au sein de la fédération canadienne.

______________________________________________


17034

QUESTIONS ORALES

(1415)

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, dans une charge à fond de train contre le gouvernement fédéral, le premier ministre du Nouveau-Brunswick et fidèle allié du premier ministre canadien, M. McKenna, a vivement dénoncé le projet de réforme de l'assurance-chômage.

M. McKenna a prédit qu'en ciblant directement les travailleurs de l'est du Québec et de l'Atlantique, cette réforme créera ce qu'il a appelé «un backlash politique sans précédent». L'attaque virulente de M. McKenna rejoint les critiques de l'opposition officielle à l'égard des nouvelles coupures qu'Ottawa s'apprête à faire à l'assurance-chômage.

Le ministre du Développement des ressources humaines reconnaît-il, comme l'affirme le premier ministre du Nouveau-Brunswick, que ces nouvelles coupures frapperont de plein fouet les travailleurs saisonniers de l'est du Québec et de l'Atlantique?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, une fois encore, le chef de l'opposition exagère comme il l'a si souvent fait par le passé.

Nous avons eu une rencontre très utile avec les premiers ministres de l'Atlantique. Nous avons pu répondre à bon nombre de leurs préoccupations. Si le chef de l'opposition apportait plus de soin à ses recherches et à ses analyses, il saurait que, à l'issue de la réunion, les premiers ministres ont déclaré que notre approche leur semble digne de leurs éloges et de leur appui.

Je vais citer les propos mêmes du premier ministre McKenna: «Plusieurs caractéristiques de la réforme seront très utiles pour rendre le travail attrayant, et un certain nombre d'éléments de la réforme nous semblent louables.» M. McKenna a constaté que l'initiative était louable, après avoir eu l'occasion de voir quelle orientation nous entendons prendre, au lieu de se livrer à des suppositions et à des allégations et de céder à la paranoïa comme le chef de l'opposition.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je n'ai pas rencontré récemment M. McKenna, mais je constate que les journaux, ce matin, le citant au texte, rapportent qu'il a dénoncé la réforme du ministre comme préparant «un backlash politique sans précédent». Et je n'oublie pas que M. McKenna est un libéral, comme le ministre lui-même, donc il n'est pas suspect de laxisme.

Je demande au ministre s'il réalise que les jeunes et les femmes seront les principales victimes de sa réforme puisque celle-ci resserre les critères d'admissibilité à l'assurance-chômage par une augmentation substantielle des heures et des semaines travaillées.

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, une fois de plus, le chef de l'opposition se contredit complètement.


17035

Lorsqu'il a annoncé qu'il deviendrait président du Parti québécois et premier ministre du Québec, il a déclaré qu'il avait une grande ambition, celle de créer des emplois, et il a dit qu'il voulait travailler avec la population pour le faire. Telle est notre ambition à nous aussi. Nous voulons transformer un régime qui existe depuis 50 ans et qui, au fil des ans, a éprouvé un certain nombre de difficultés pour donner aux travailleurs les moyens nécessaires, les débouchés, l'encouragement à travailler. Si nous modifions le régime, c'est pour aider les chômeurs à retrouver du travail.

Si le chef de l'opposition croit au partenariat, comme il l'a dit au cours de la campagne référendaire, je suis disposé à collaborer avec lui lorsqu'il deviendra premier ministre. Je voudrais travailler avec lui à créer des emplois pour les Québécois. Je le lui demande, est-il prêt à travailler avec nous à la création de bons emplois pour les Québécois lorsqu'ils deviendra premier ministre du Québec?

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le ministre nous dit que sa réforme vise à créer des emplois. Est-ce qu'il n'admet pas qu'en vérité sa réforme vise à refouler des gens qui sont présentement sur l'assurance-chômage et qui vont se retrouver à l'aide sociale, ce qui va accroître d'autant la facture des provinces?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, ce ne sera pas le cas. Un certain nombre d'initiatives aideront ceux qui n'ont pas les moyens et les ressources nécessaires pour réintégrer le marché du travail, et ils auront cette possibilité.

(1420)

À la différence de ce qu'a fait la ministre de la Sécurité sociale du gouvernement québécois-qui a réduit les prestations d'aide sociale et fait disparaître les incitatifs, les ressources, les revenus que les assistés sociaux pouvaient utiliser pour retrouver du travail-, nous essayons, par la réforme et la modernisation du régime d'assurance-chômage, de leur redonner ces moyens pour qu'ils puissent retourner au travail.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Le Globe and Mail nous apprend ce matin, de façon plus précise, à quel point la deuxième prétendue réforme de l'assurance-chômage ne tient pas compte du marché du travail, où le travail précaire devient la règle plutôt que l'exception.

En effet, la réforme de l'assurance-chômage va décourager les jeunes en durcissant les conditions d'accès à l'assurance-chômage, les faisant passer de 12 semaines de 15 heures à 14 semaines de35 heures, et ce dans les régions les plus touchées par le chômage.

Le ministre du Développement des ressources humaines confirme-t-il qu'un des premiers, un des plus douloureux impacts de sa réforme sera d'exclure, de façon encore plus certaine, des milliers de jeunes de l'assurance-chômage, eux qui n'ont accès le plus souvent qu'à des emplois précaires?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, demain, je déposerai à la Chambre des communes tous les détails concernant la nouvelle réforme de l'assurance-chômage.

Nous aurons même l'obligeance d'organiser des séances d'information à l'intention de la députée et des autres députés de l'opposition. Nous avons l'intention d'élargir les conditions d'accès à l'assurance-chômage, de tenir compte des réalités du nouveau marché du travail, notamment du fait que les travailleurs occupent plus d'emplois à temps partiel, que certains occupent plus d'un emploi à la fois et que bien des personnes actives évoluent dans un milieu de travail devenu beaucoup plus souple.

Tout cela explique une partie du problème que pose le régime actuel. Notre régime date de 50 ans. Il ne correspond pas au nouveau monde dans lequel nous vivons. L'une des recommandations clés du comité chargé d'examiner le régime d'assurance-chômage, auquel siégeait la députée, encourageait le gouvernement à élaborer un régime qui cadrerait davantage avec les réalités du nouveau marché du travail. C'est exactement ce que nous avons fait.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, si au lieu de briefer tous les journalistes en ville, le ministre avait briefé avant l'opposition officielle et le troisième parti, nous n'aurions pas besoin de nous fier à ce que disent les journalistes. Mais ces journalistes font un travail compétent. Et jusqu'à preuve du contraire, et je serais bien surprise.

Je pose la question suivante: Le ministre réalise-t-il que les restrictions accrues à l'accès à l'assurance-chômage, confirmées par toutes les fuites, vont reléguer définitivement à l'aide sociale nombre de femmes qui cherchent désespérément à s'en sortir?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, excusez-moi, mais je n'ai pu m'empêcher d'esquisser un sourire. La députée se plaint du fait que nous avons breffé les journalistes.

Pourtant, semaine après semaine, la députée a brandi des documents et des études et a divulgué des documents provenant de ses amis de la CSN qui prétendaient savoir ce que renfermait le rapport. S'il y a quelqu'un qui véhicule des renseignements erronés au sujet du nouveau programme, c'est bien la députée de Mercier. C'est elle la responsable.


17036

Heureusement, la députée aura l'occasion demain de découvrir la vraie nature du programme.

* * *

L'UNITÉ NATIONALE

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement a déposé ses propositions à l'intention du Québec que rejettent le gouvernement péquiste du Québec et le futur premier ministre du Québec.

En prévision du prochain référendum, le gouvernement prendra-t-il d'autres mesures? En plus de ces propositions de changement positif, expliquera-t-il clairement au Québec, dans des documents écrits, les conditions probables et le coût réel de la séparation?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, contrairement aux réformistes, nous ne salivons pas à la perspective d'un référendum.

La majorité des Canadiens et une majorité de Québécois ne veulent pas d'un référendum. Ce qu'ils veulent, c'est que le gouvernement fédéral collabore avec toutes les provinces et les travailleurs de tout le pays pour redonner du travail aux Canadiens. C'est exactement ce que nous nous proposons de faire.

(1425)

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je regrette de devoir dire à la vice-première ministre que le pire peut arriver sans qu'on le veuille. C'est la vie.

Peu importe ce que pensent les Canadiens ou même les Québécois, les projets du gouvernement québécois sont clairs. Je demande à nouveau au ministre des Affaires intergouvernementales si le gouvernement consulte des Canadiens, des groupes de réflexion, l'Institut C.D. Howe, la Canada West Foundation ou le monde des affaires. Le gouvernement consulte-t-il qui que ce soit sur les conditions de la séparation et les mesures d'urgence à prévoir au cas où le gouvernement du Québec emprunterait cette voie?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, nous savons que le gouvernement fédéral n'empruntera pas cette voie, car nous prenons et continuerons de prendre les mesures qui s'imposent pour que le Canada demeure uni.

Je le répète, le groupe de travail sur l'unité est à examiner toutes sortes de moyens constructifs de tenir compte des différences qui existent entre les diverses parties de notre pays. Nous ne tenons pas à faire ressortir ces différences. Nous préférons souligner les points qui sont communs à tous les coins du pays, à tous les Canadiens. Les solutions que nous présenterons seront de nature à préserver l'unité de notre pays.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, c'est ce ministre qui avait assuré à la Chambre que le PQ perdrait les élections provinciales. C'est lui qui avait assuré à la Chambre que le gouvernement gagnerait le référendum par une forte majorité. Rien de ce que nous avait assuré le gouvernement ne s'est produit.

Cette fois-ci, s'il n'est pas disposé à se préparer en vue d'un autre référendum, le gouvernement va-t-il au moins insister officiellement auprès du gouvernement québécois pour qu'il dépose son projet de séparation, son prétendu projet de souveraineté-association, de telle sorte que tous les Canadiens, y compris les Québécois, puissent juger de sa valeur avant la tenue d'un référendum?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, lorsque nous avons fait savoir que nous allions examiner les résultats du référendum et en tenir compte, nous avons aussi signalé que nous allions chercher de vraies solutions aux problèmes actuels. Et cela ne comprend pas la scission du Canada en diverses parties, même si le Parti réformiste me donne parfois l'impression de privilégier cette option.

La meilleure façon d'empêcher cela, c'est évidemment d'assurer un bon gouvernement. Nous avons gagné, et non perdu, le référendum. Ce n'est pas en prévoyant le pire qu'on va résoudre les problèmes qui se posent à l'heure actuelle.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Toutes les informations et les fuites entourant la réforme de l'assurance-chômage confirment que les femmes, les jeunes et les travailleurs saisonniers seront les principales victimes de la réforme qui sera déposée par le ministre du Développement des ressources humaines.

Le ministre reconnaît-il que sa réforme pénalisera doublement les femmes en restreignant leur droit à des prestations par une augmentation du nombre de semaines de travail exigé, mais aussi en liant le droit à des prestations non plus au seul revenu du bénéficiaire, mais aussi au revenu du conjoint?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, il y a quelques


17037

instants à peine, la collègue de la députée s'est plainte des fuites et du fait qu'elle n'avait pas obtenu les bons renseignements. Voici maintenant que la députée se sert d'autres fuites ou d'autres informations erronées pour faire des allégations sur les effets de l'étude ou les critiquer.

La réalité, c'est que, demain, nous allons dévoiler notre plan en détail. La députée verra alors que ce plan vise à accorder plus de soutien aux femmes entrant sur le marché du travail, à accorder un plus grand soutien à celles qui travaillent à temps partiel et à mettre plus de ressources à la disposition des gens pour leur permettre de trouver un emploi.

Il me semble que le Bloc québécois devrait au plus tôt s'intéresser à la défense et à la création d'emplois plutôt qu'à la défense du chômage.

(1430)

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, voici ma question complémentaire.

Le ministre se rend-il compte que sa réforme compromettra plus de 20 ans d'efforts persistants des femmes en faveur d'une plus grande autonomie financière?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, c'est un très simple fait. L'an dernier, compte tenu du changement d'orientation de nos programmes d'assurance-chômage, le nombre de femmes participant à nos programmes d'emploi au Québec a en fait augmenté. De plus, en raison du nouveau projet de loi sur l'équité en matière d'emploi, que, je l'espère, le Sénat nous renverra avant Noël, nous offrirons de nouvelles possibilités.

Quand la députée affirme que nous négligeons la cause des femmes, franchement, elle ne sait pas ce qu'elle dit.

* * *

L'UNITÉ NATIONALE

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, hier, le premier ministre a imploré les Canadiens d'appuyer le plat qu'il a préparé pour les Québécois à partir des restes de société distincte et de droit de veto laissés par Mulroney. Pourtant, le gouvernement n'a pas le courage de permettre à ces mêmes Canadiens de voter directement sur sa proposition. Le premier ministre ne se fie pas aux Canadiens et a décidé de nous imposer ses propositions en les faisant adopter par le Parlement.

Puisque le gouvernement ne se fie pas aux Canadiens pour décider de l'avenir de leur pays, osera-t-il au moins laisser les députés voter librement sur les propositions que le premier ministre a faites pour apaiser le Québec?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le fait est que les Canadiens sont beaucoup plus grands et généreux que ne le croit le Parti réformiste. Le peuple canadien appuie l'initiative du premier ministre. Mon téléphone n'arrête pas de sonner parce que des gens m'appellent pour se plaindre du comportement disgracieux du Parti réformiste dans le débat sur le Canada.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens ont rejeté Charlottetown et je crois bien que, si le gouvernement avait le courage de leur demander de voter à nouveau sur ces propositions, une écrasante majorité les rejetterait.

Le gouvernement parle d'égalité, mais il n'a tiré aucune leçon des accords du lac Meech et de Charlottetown. Pour que les propositions sur l'unité nationale aient quelque chance de succès, il faut qu'elles gagnent l'appui des Canadiens. Il faut que ce soit les Canadiens qui décident. Ces propositions doivent viser tous les Canadiens et elles doivent recevoir l'appui de la population.

Les Canadiens en ont assez d'être utilisés comme pions dans les combines politiques du gouvernement libéral. Ils veulent pouvoir dire les premier et dernier mots sur ce chapitre. Le gouvernement s'engage-t-il à tenir un référendum national sur toute modification constitutionnelle et à en respecter le résultat, comme dans le cas de l'accord de Charlottetown, en 1992, de sorte que ce soit la population canadienne et non pas les gouvernements provinciaux et les politiciens fédéraux qui aient le dernier mot?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, avant de se lancer dans des déclarations sur la position du gouvernement, la députée aurait intérêt à lire ce que le chef de son propre parti a déclaré au sujet de la société distincte en 1989. Lors d'une interview sur ce sujet, il a en effet déclaré ceci: «Du point de vue stratégique, je crois que nous pourrions accepter une certaine forme de troc entre le Québec et les régions productrices de ressources.» C'est ce que Preston Manning pensait de la société distincte à l'époque. Pourquoi défend-il maintenant une position différente?

Le Président: Chers collègues, je vous rappelle que vous devez utiliser les titres de vos collègues et pas leurs noms.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Dans sa charge à fond de train contre la réforme de l'assurance-chômage, le premier ministre du Nouveau-Brunswick, fidèle allié constitutionnel du premier ministre canadien, a vivement dénoncé la réforme de l'assurance-chômage en accusant Ottawa de faire cette réforme sur le dos des travailleurs de l'est du Québec et de l'Atlantique.

Le ministre endosse-t-il la déclaration du premier ministre du Nouveau-Brunswick selon laquelle sa réforme s'attaque délibérément à l'Atlantique et à l'est du Québec?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, je vais dire à la


17038

Chambre quels sont les propos du premier ministre du Nouveau-Brunswick auxquels je souscris. Il a dit, comme on le rapportait dans l'édition d'aujourd'hui du Telegraph Journal de Saint John: «Plusieurs des caractéristiques de la réforme seront très positives sur le plan de l'incitation au travail, et il y a un certain nombre d'éléments de la réforme qui, selon nous, sont dignes d'éloges.

(1435)

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, j'ai une courte question. Le ministre partage-t-il l'opinion du premier ministre McKenna lorsqu'il dit que sa réforme de l'assurance-chômage créera un «backlash politique sans précédent» à l'est de l'Ontario? Ça n'a pas l'air d'être un gars qui est d'accord avec lui, ça.

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, je signale que la réunion que nous avons tenue avec les quatre premiers ministres des provinces atlantiques, hier soir, s'est révélée être un échange très utile. Nous avons été capables de partager nos préoccupations.

Qui plus est, les quatre premiers ministres de la région de l'Atlantique, contrairement au député et à ses collègues du Bloc québécois, comprennent l'information qui leur est donnée. Ils ne cherchent pas délibérément à déformer la réalité. Lorsqu'on leur a donné la chance d'examiner et de comprendre les faits, ils ont tous dit, comme le premier ministre McKenna, que la réforme proposée était digne d'éloges.

* * *

LES AFFAIRES INDIENNES

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, une récente note de service confirme que le ministère des Affaires indiennes projette d'engager des fonds pour régler des problèmes qu'il a tardé à résoudre. C'est un cadeau qu'on fait aux autochtones du Québec pour acheter leur silence pendant les négociations constitutionnelles de l'équipe de rêve de Québec.

Si je peux comprendre que les autochtones du Québec souhaitent que des solutions soient apportées à leurs problèmes, le fait de les réduire au silence au moyen de pots-de-vin pendant la ronde de négociations de Québec est une insulte à la fois pour les autochtones et pour l'ensemble des Canadiens.

Le ministre des Affaires indiennes peut-il nous confirmer que l'un de ses sous-ministres adjoints est l'auteur de cette position de principe?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, si le député fait référence à l'article paru dans le Globe and Mail et dans plusieurs autres journaux, je puis lui dire que je n'ai pas pris connaissance de cette note de service, que je n'ai jamais demandé à la voir et que si je dois lire le Globe and Mail pour prendre connaissance de son existence, je n'y accorderai pas beaucoup d'attention.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je ne demande pas au ministre s'il a lu cette note de service ou s'il en a entendu parler. Je veux savoir si l'un de ses sous-ministres adjoints en est l'auteur. Le ministre et son ministère sont-ils responsables de cette affaire, oui ou non?

Nous croyons que tous les Canadiens sont égaux, mais ce n'est visiblement pas le point de vue du gouvernement libéral. Cette semaine, le premier ministre crée une nouvelle classe de citoyens en reconnaissant le Québec comme un groupe spécial puisqu'il lui accorde le statut de société distincte. Nous apprenons maintenant que le ministère des Affaires indiennes envisage de reconnaître un statut spécial aux chefs autochtones du Québec.

Les libéraux semblent donc vouloir accorder un statut spécial à deux groupes jusqu'à maintenant: le gouvernement séparatiste du Québec et les chefs autochtones du Québec. À combien d'autres groupes les libéraux ont-ils l'intention d'accorder un statut spécial?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, il y a quelque semaines, le Parti réformiste a rendu publique sa politique concernant les autochtones. Après deux ans d'attente, nous avons eu droit à un énoncé de politique provisoire. Les réactions ont été les suivantes. Blaine Fable: «La terre appelle Preston»; Blaine Fable: «Idiot et bizarre»; Erasmus: «Cela ressemble à un récit des années 20» et John Edward: «C'est un ensemble de coups bas du Parti réformiste.» Ces personnes sont des chefs autochtones.

Le Parti réformiste ignore tout de ce qu'est l'égalité. Dans le cas contraire, les 42 députés qui ont voté contre le processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique auraient voté pour.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse aussi au ministre des Affaires indiennes.

Le même document dont tous les médias ont fait état ce matin, dans ce même document signé par le sous-ministre, M. Jack Stagg, ce document recommande au gouvernement, effectivement, de verser de l'argent aux nations autochtones présentes au Québec, en compensation pour leur appui au camp fédéraliste lors du dernier référendum, et aussi, selon les termes du sous-ministre même, acheter le silence durant la période pendant laquelle Ottawa déposerait des initiatives constitutionnelles visant à satisfaire le Québec.

Depuis que les médias ont tous fait état de ce document, je demande au ministre s'il a pris la peine de convoquer son responsable, et pas n'importe quel responsable, le responsable des politiques et des orientations stratégiques du ministère? Est-ce qu'il l'a convoqué depuis ce temps-là pour faire confirmer si, effectivement, son sous-ministre a écrit ce mémo?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit en réponse à la question précédente, je n'ai pas demandé ce document et je


17039

n'ai pas vu ce document. S'il est exact selon le Globe and Mail, c'est un document passablement stupide.

Si le député veut savoir ce que mon sous-ministre, mes sous-ministres adjoints ou mes directeurs régionaux ont à faire, il y a un document encore plus important, un document exact et gratuit. Il s'agit de notre livre rouge et nous le suivons.

(1440)

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, je pense que le ministre tente de se défiler ici, aujourd'hui. Son sous-ministre, qui est très bien connu, d'ailleurs, qui est le sous-ministre responsable des orientations stratégiques et des politiques du ministère, a effectivement écrit un mémo. Je veux savoir de la part du ministre si, effectivement, il a convoqué son sous-ministre, s'il a demandé la version de son sous-ministre.

Je ne veux pas connaître le livre rouge, je le connais très bien, je l'ai étudié, et sur la question autochtone, il y a des choses à améliorer. Mais je demande au ministre si, effectivement, il a convoqué son sous-ministre et, de plus, est-ce que le ministre peut reconnaître qu'il s'est engagé envers les nations autochtones du Québec à les compenser pour leur soutien à la cause fédéraliste dans le dernier référendum?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, notre politique au Québec est claire et je pense que mon collègue l'appuie.

Nous travaillons avec les Cris de la Baie James sur les questions qui les préoccupent. Nous travaillons avec la province de Québec et avec les Hurons qui ont signé un traité avec la province. Nous avons, avec la province de Québec, fait des offres de 400 millions de dollars aux Attikamek-Montagnais au nord du Saint-Laurent, et le député vient nous dire que nous devrions travailler avec le gouvernement du Québec. Nous travaillons avec les Attikamek-Montagnais, avec les Innus. Nous travaillons avec tous les autochtones.

Notre politique est dans le livre rouge. Tous ceux qui travaillent pour notre ministère sont censés suivre le livre rouge.

* * *

LE SRI LANKA

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, le conflit qui perdure au Sri Lanka inquiète profondément de nombreux Canadiens et notamment mes électeurs de Rosedale d'origine sri-lankaise.

Le secrétaire d'État pour l'Asie-Pacifique pourrait-il informer la Chambre de la position du Canada à l'égard des opérations militaires lancées par le gouvernement du Sri Lanka dans le Nord du pays, qui ont déplacé tant de civils innocents?

L'hon. Raymond Chan (secrétaire d'État (Asie-Pacifique), Lib.): Monsieur le Président, nous sommes tous préoccupés par le conflit qui se poursuit au Sri Lanka. Lorsque j'ai accompagné le premier ministre, et ma collègue, la secrétaire d'État pour l'Amérique latine, à la réunion des chefs d'État du Commonwealth en Nouvelle-Zélande, j'ai personnellement fait part de cette inquiétude au ministre des Affaires étrangères du Sri Lanka.

Le Canada ne croit pas que la solution au conflit puisse être militaire. Nous demandons instamment à toutes les parties, y compris les Tigres de libération de l'Eelam tamoul, de négocier un règlement politique durable. Les LTTE doivent admettre qu'ils ne gagneront rien à poursuivre la guérilla et les sabotages et le gouvernement du Sri Lanka doit admettre que seul un règlement politique négocié ramènera la paix au Sri Lanka.

* * *

LE DÉFICIT

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, une fois de plus, les provinces donnent l'exemple au fédéral. Hier, l'Ontario annonçait un plan pour équilibrer son budget. Neuf provinces sur dix ont maintenant un tel plan.

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Quand ce gouvernement va-t-il annoncer un budget équilibré aux Canadiens?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, un plan qui vise à équilibrer le budget en plusieurs années n'est pas suffisant. Ce qui est important c'est de mettre en place un processus permettant au gouvernement, n'importe quel gouvernement, de toujours atteindre ses objectifs, de maintenir une tendance à la réduction, non seulement du déficit, mais aussi du ratio de la dette au PIB, et c'est ce que nous faisons.

C'est la raison pour laquelle, pour la première fois depuis dix ans, un gouvernement canadien est en mesure de dire qu'il a surpassé ses objectifs de réduction du déficit.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, si les objectifs sont faciles à atteindre, c'est à la portée de tout le monde. Le véritable test de la responsabilité fiscale est un plan pour équilibrer le budget, et pour l'équilibrer effectivement. Au Canada, seuls deux gouvernements n'ont pas encore adopté un plan de ce genre: les séparatistes au Québec et les libéraux à Ottawa.

D'après la réponse qu'il vient de me donner, dois-je comprendre que le ministre des Finances annonce aux Canadiens que le budget qu'il déposera au printemps ne renfermera toujours pas de plan pour équilibrer le budget?

(1445)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, nous avons de la suite dans les idées. Nous avons annoncé que nous nous en tiendrions à des objectifs progressifs biennaux et c'est ce que nous allons continuer à faire.

Le député dit que l'objectif budgétaire de l'an dernier était facile à atteindre. Si c'était vrai, ce qu'il prétend le serait aussi. En fait, ça a été très difficile. En trois ans, nous aurons ramené le déficit de6 p. 100 du PIB à 3 p. 100.


17040

Comme preuve que c'était un objectif très difficile à atteindre, je me contenterai de citer le chef du Parti réformiste et le député lui-même qui, l'an dernier, déclaraient que nous n'arriverions jamais à l'atteindre, que le ciel allait nous tomber sur la tête, et que nous aurions une kyrielle de mini-budgets. Il n'y a pas eu de mini-budgets. Par contre, nous avons dépassé ce même objectif que, d'après le député, nous ne devions jamais atteindre.

* * *

[Français]

TÉLÉFILM CANADA

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine.

Le comité chargé de redéfinir le mandat de l'Office national du film, de Téléfilm et de Radio-Canada reporte au 15 janvier le dépôt de son rapport qui devait être rendu public aujourd'hui.

L'industrie québécoise de la production cinématographique et télévisuelle est très perturbée par les rumeurs de démantèlement de Téléfilm Canada. Dans une lettre adressée au premier ministre, les porte-parole de cette industrie dénoncent les intentions du gouvernement d'abolir Téléfilm.

Comment le ministre peut-il concilier le report du rapport Juneau au 15 janvier avec les décisions budgétaires qui doivent être prises maintenant concernant les trois grandes institutions culturelles canadiennes, l'Office national du film, Téléfilm et la SRC?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, il est bien sûr que j'aurais aimé avoir ce rapport entre les mains aujourd'hui. Il n'en est pas ainsi. J'ai profité de mes contacts avec le président du comité sur les mandats pour lui indiquer que j'entends bien faire respecter l'échéance du 15 janvier, et je rendrai ce rapport public à ce moment-là.

Pour ce qui est du lien entre les mandats et les décisions budgétaires, il est évident que nous devrons travailler plus vite, et nous le ferons.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, le ministre entend-il se rendre à la requête des représentants de l'industrie privée et de l'audiovisuel qui, dans un véritable cri d'alarme, lui demandent de maintenir Téléfilm et les ressources consacrées à l'industrie du cinéma et de la télévision?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, notre collègue a tout à l'heure indiqué que le gouvernement avait l'intention de faire disparaître Téléfilm. Je voudrais savoir où elle va chercher cette information. Comment avons-nous l'intention de le faire, puisque nous n'avons même pas reçu encore le rapport qui, comme elle vient de le dire, sera reçu le 15 janvier? C'est à ce moment que nous prendrons nos décisions.

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, pour la deuxième fois cette année, l'OCDE a prouvé que la politique socio-économique du Parti libéral est un échec.

Les libéraux ont fait passer la croissance de 4,2 p. 100 à2,3 p. 100. Ils augmentent les impôts et suppriment des emplois. Ils acculent davantage de gens à l'assistance sociale et sont responsables d'un nombre croissant de fermetures d'entreprises.

Si le ministre du Développement des ressources humaines s'inquiétait vraiment du 1,2 million de gens sans emploi au Canada, ne créerait-il pas des emplois en réduisant les charges sociales de façon beaucoup plus marquée?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, la question de la députée me rappelle une expression bien trouvée que son collègue de Calgary a utilisée lorsqu'il a parlé de la ministre de la Santé. Il semble que, comme les chiens, les députés réformistes soient fascinés par les arbres.

Pour ce qui est de la question même, la députée sait pertinemment que, demain, nous allons présenter une réforme de l'assurance-chômage. Je pense que la députée s'apercevra qu'elle renferme un certain nombre d'initiatives qui sont conçues pour aider les Canadiens à retourner sur le marché du travail et, en particulier, pour encourager nos entreprises à créer des emplois.

(1450)

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai le sens de l'humour et je vais donc laisser passer cette observation sur les arbres.

Le ministre du Développement des ressources humaines est un drogué. Sa drogue, ce sont les impôts. Il se drogue en transférant des milliards de dollars de l'assurance-chômage à des programmes inutiles de création d'emplois ou en affectant cet argent à la réduction du déficit. Cependant, il y a une possibilité de guérison. Le ministre peut s'enregistrer aujourd'hui dans un programme en 12 étapes pour mettre fin à sa dépendance à l'égard des impôts.

Le ministre va-t-il s'engager à surmonter sa dépendance en réduisant les charges sociales de façon beaucoup plus marquée?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'apprécie le sens de l'humour de la députée. C'est toujours agréable de découvrir que quelqu'un à la Chambre en a un. C'est rafraîchissant.

Cependant, j'invite la députée à vérifier les déclarations qu'a faites le porte-parole du Parti réformiste en matière de finances. Il s'est plaint de tous les problèmes reliés au déficit. La députée veut


17041

maintenant que nous réduisions nos recettes encore davantage, ce qui va accroître le déficit. Il me semble que, tôt ou tard, les réformistes devront accorder leurs violons.

* * *

LA SITUATION DE LA FEMME

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Monsieur le Président, il y a 25 ans, la commission royale d'enquête sur la situation de la femme exprimait sa préoccupation vis-à-vis de la situation économique des femmes et, notamment, de divers aspects de leur travail, rémunéré ou pas.

La secrétaire d'État à la situation de la femme aurait-elle l'obligeance d'informer la Chambre des mesures que le gouvernement entend prendre pour améliorer la situation économique des femmes?

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, s'il est vrai que la commission royale s'est penchée sur la situation des femmes et, notamment, sur les moyens de réduire la violence faite aux femmes, nous avons également fait avancer le dossier de l'équité en matière d'emploi, du droit des femmes à occuper des postes en fonction de leur compétence et de leur mérite en tentant de mettre un terme à ce qu'on appelle le «plafonnement voilé».

Par ailleurs, nous avons reconnu la grande valeur que représente le travail non rémunéré des femmes pour notre société. Il s'agit là précisément d'une question que nous avons soulevée lors des réunions tenues à Beijing. La question du travail non rémunéré et sa valeur figure maintenant dans le plan d'action élaboré à Beijing, et le Canada sera le premier pays du monde à mesurer la valeur du travail non rémunéré pour notre société puisque nous favorisons l'accès des femmes de chez nous à l'indépendance économique.

* * *

[Français]

L'IMMIGRATION

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. La famille Anatoli Delets est arrivée de l'ex-Union soviétique, au Canada, en 1992. Sa demande de statut de réfugié fut rejetée et cette famille, pourtant bien intégrée à la société québécoise, sera bientôt déportée en Moldavie, où tout laisse croire qu'elle subira la même persécution qu'avant de quitter ce pays, et ce parce que Mme Delets est juive et que M. Delets n'est pas Moldave, selon la loi de cet État.

Comment le ministre explique-t-il que, au lieu d'exercer ses pouvoirs discrétionnaires et d'accorder à la famille Delets la résidence permanente, il a laissé ses fonctionnaires arrêter M. Delets et l'envoyer dans un centre de détention en attendant sa déportation, qui aura lieu dès que sa femme sortira de l'hôpital?

[Traduction]

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, les gens dont parle le député sont passés par toutes les voies de droit régulières d'un système de détermination du statut de réfugié dont on peut soutenir qu'il est le meilleur au monde. Ils ont également bénéficié d'un examen de leur cas pour des motifs de compassion, examen qu'a effectué mon ministère.

Il y avait également la possibilité de tenter de faciliter leur entrée en Israël, pour rejoindre de la famille, au lieu de retourner en Russie.

Étant donné les déclarations des députés de l'autre côté de la Chambre au sujet des immigrants et du rôle qu'ils peuvent jouer dans la société, le député est injuste de laisser entendre que le Canada a été inéquitable envers eux.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, Mme Delets est malade à l'hôpital. Où est la politique humanitaire du Canada? Le ministre ne croit-il pas qu'il est de son devoir de faire preuve de compassion, quand tout laisse croire que la famille Delets court des risques incalculables, puisque l'ambassade moldave, à Washington, lui a signifié qu'elle n'était plus la bienvenue dans ce pays?

(1455)

[Traduction]

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, lorsqu'il s'agit de compassion et du traitement que nous réservons aux Canadiens de diverses origines ethnoculturelles, nous n'avons pas besoin des sermons et des leçons des députés d'en face.

Personne n'a laissé entendre que nous la sortirions de l'hôpital pour l'expulser. Des rumeurs voulaient que nous allions expulser une partie de la famille et laisser l'autre au Canada.

Des députés de notre côté ont présenté des instances à notre ministère et à ses fonctionnaires au sujet d'une expulsion empreinte de compassion. Nous avons fait preuve de cette compassion. Nous n'avons obligé personne à quitter un lit d'hôpital. De telles allégations témoignent simplement des tactiques de manipulation pour lesquelles son parti est bien connu.

* * *

LE VIH ET LE SIDA

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, au cours de la visite que nous avons effectuée au pénitencier de la Saskatchewan, à Prince Albert, les gardiens ont dit s'inquiéter parce que ni les gardiens ni les détenus ne savent quels détenus sont séropositifs. Ils ignorent même quels détenus sont atteints du sida.

Le solliciteur général du Canada peut-il nous dire quand il va se décider à protéger la vie des gardiens et des détenus en administrant, de façon obligatoire, des tests de dépistage du VIH et du sida à tous les détenus?


17042

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, un comité d'experts a présenté un rapport sur cette question l'an dernier.

Le Service correctionnel s'affaire à donner suite à toutes les recommandations de ce comité, afin d'empêcher la propagation du sida dans les établissements fédéraux et, d'une façon générale, d'assurer un environnement plus sain aux détenus.

Quant aux tests de dépistage, ils sont plus courants, mais leur administration obligatoire soulève d'importantes questions d'ordre juridique et constitutionnel qui font toujours l'objet d'études. Nous entendons nous attaquer au problème et donner suite à toutes les recommandations du comité d'experts.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, en toute logique, si le solliciteur général refuse de rendre obligatoires les tests de dépistage du VIH et du sida, le gouvernement et le ministre seront-ils tenus responsables si d'autres détenus ou des gardiens contractent le VIH ou le sida en prison?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le Service correctionnel du Canada s'affaire depuis plus d'un an à donner suite aux recommandations du comité d'experts sur le sida. Cela suppose une administration plus répandue des tests de dépistage du VIH, ainsi que d'autres mesures pour contrôler, limiter et réduire la propagation du sida.

Si la question préoccupe le député, il devrait lire le rapport du comité et nous aider à donner suite aux recommandations.

* * *

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Vic Althouse (Mackenzie, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre responsable de la Commission canadienne du blé.

Au cours des années 70, les agriculteurs ont acheté des wagons-trémies par le truchement de la Commission canadienne du blé, et l'État a acheté des wagons-trémie parce que les sociétés ferroviaires refusaient d'en fournir pour transporter les céréales.

Le comité, formé de cadres supérieurs, que le ministre a établi pour étudier la question a recommandé récemment que les agriculteurs paient 1 $ la tonne pour les 13 000 wagons-trémies achetés par l'État. Or, même si les agriculteurs contribuent financièrement à l'achat des wagons-trémie, la propriété en reviendrait aux sociétés ferroviaires.

Le système déréglementé à l'américaine que le gouvernement cherche à imiter a une règle cardinale: quand on veut un service ferroviaire, vaut mieux posséder les wagons. Cela étant, pourquoi le ministre ne permet-il pas plutôt à la commission du blé de posséder les wagons au nom des agriculteurs?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, le député parle d'un rapport que le gouvernement a reçu de la part d'un groupe de cadres supérieurs du secteur des céréales, et dont faisaient partie un certain nombre d'agriculteurs. Le rapport propose quelques idées pour résoudre les problèmes liés à la propriété des wagons-trémies et à la répartition des wagons.

Le rapport est à l'étude au sein des organismes agricoles de l'Ouest. Le gouvernement n'a pas encore décidé quelle réponse il y donnera.

Il est cependant important de noter une chose. Le rapport représente un consensus parmi un éventail d'intérêts très divergents. On ne rend pas tout à fait justice à la situation en faisant ressortir une recommandation concernant la propriété des wagons sans faire ressortir également une autre recommandation du groupe de cadres supérieurs, qui fait contrepoids à la recommandation dont parle le député. Le même groupe recommande également, en effet, de plafonner les taux de transport durant une décennie entière.

* * *

(1500)

LA SÉCURITÉ DU TRANSPORT AÉRIEN

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

Étant donné que des conditions sécuritaires de pilotage constituent l'une des questions les plus graves à l'heure actuelle pour le secteur canadien du transport aérien, le ministre peut-il nous dire quand il mettra en oeuvre le règlement régissant le service de vol qui a été présenté cet été?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, tout ce qui concerne la façon dont les pilotes et les agents de bord gèrent leur temps et le nombre d'heures qu'ils travaillent doit être pris en compte par suite de vastes consultations avec le secteur industriel. Nous examinons aussi ce qui se passe à l'étranger. Nous nous efforçons d'établir le meilleur équilibre possible.

J'ai le plaisir d'informer le député que nous allons présenter et mettre en oeuvre ce nouveau règlement à la fin du printemps.

Le Président: C'est ainsi que se termine la période des questions.

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je voudrais demander au leader parlementaire l'agenda parlementaire de cette Chambre pour la semaine prochaine.

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui et demain, la Chambre va débattre en deuxième lecture le projet de loi C-110, concernant le droit de veto régional. S'il reste du temps, nous allons étudier le projet de loi

17043

C-108, la Loi sur l'habitation, puis le projet de loi C-99, sur les prêts aux petites entreprises.

Lundi, la Chambre débattra la motion inscrite au nom du ministre de la Défense nationale concernant le processus de paix en Bosnie. Mardi sera une journée de l'opposition. Mercredi, nous reviendrons sur la résolution concernant la société distincte, et jeudi et vendredi seront des jours désignés.

______________________________________________


17043

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'aborder la question dont nous sommes saisis aujourd'hui, surtout après avoir entendu certaines des observations faites, un peu plus tôt aujourd'hui, par divers députés et en particulier par les réformistes.

Lorsqu'on examine ce projet de loi, il faut tenir compte des événements antérieurs et des règles actuellement en vigueur. Il faut tenir compte de la règle des sept, dix et cinquante, qui exige actuellement l'approbation de sept des dix provinces et de 50 p. 100 de la population. Selon cette règle, si elles s'entendent pour s'opposer à une modification, les provinces de l'Atlantique peuvent imposer leur veto. Le droit de veto de l'Ontario découle tout simplement de son poids démographique. Les provinces de l'Ouest peuvent, elles aussi, imposer leur veto, si les quatre provinces s'entendent. La seule région du Canada qui ne possède pas de droit de veto aux termes de cette règle est le Québec.

(1505)

La situation actuelle est donc injuste, puisque l'une des régions du Canada ne possède pas de droit de veto, tandis que les trois autres peuvent effectivement opposer leur veto à une loi. Il faut chercher à corriger la situation.

Le projet de loi C-110 vise quatre régions qui ont déjà été mentionnées à plusieurs reprises. Il faut lire le projet de loi C-110 attentivement pour découvrir qu'il ne porte pas sur le droit de veto. Il porte simplement sur le consentement que le gouvernement doit obtenir avant d'apporter une modification à la Constitution. Aux termes du projet de loi, le consentement de l'Ontario est requis, le consentement du Québec est requis, de même que celui d'au moins deux des provinces de l'Atlantique, pourvu que leur population confondue représente au moins 50 p. 100 de la population des provinces de l'Atlantique, et celui d'au moins deux des provinces de l'Ouest est requis, pourvu que leur population confondue représente au moins 50 p. 100 de la population des provinces de l'Ouest. Les règles changent quelque peu lorsqu'on arrive à la deuxième étape.

À mon avis, les habitants de la Saskatchewan sont en meilleure position qu'ils ne l'étaient auparavant. Avant, il était très difficile pour la Saskatchewan de s'opposer à l'entrée en vigueur d'une loi. Il lui était difficile d'opposer son veto, parce qu'il lui fallait le consentement des quatre provinces de l'Ouest. Désormais, la Saskatchewan peut, avec la collaboration de la Colombie-Britannique ou encore avec l'appui de trois des provinces de l'Ouest, s'opposer à une mesure législative. Cette mesure est beaucoup favorable à la Saskatchewan que la mesure antérieure.

Pour une petite province comme la Saskatchewan, c'est très utile. Même si elle est peu peuplée, la Saskatchewan est très bien traitée dans le projet de loi C-110. La position de la Saskatchewan s'améliore, mais pas aux dépens des autres provinces.

J'ai écouté les discours des députés réformistes. Ils ont dit qu'il devrait y avoir cinq régions et un droit de veto pour la Colombie-Britannique, ou peut-être même six régions et un droit de veto pour la Colombie-Britannique et l'Alberta. Ils semblent vouloir larguer la Saskatchewan et le Manitoba, car il ne devrait pas y avoir, dans une région, deux provinces qui disposent d'un droit de veto et qui ont une aussi petite population. Je trouve intéressant que le Parti réformiste laissent tomber ces deux provinces des Prairies pour conférer un droit de veto aux deux provinces le plus à l'ouest. Il les abandonnerait et les priverait de leur mot à dire dans les modifications constitutionnelles. Les habitants de ces deux provinces ne sont-ils que du menu fretin?

Le gouvernement fédéral a tenu compte de toutes les régions du Canada et de toutes les provinces, indépendamment de leur population. La Saskatchewan a été prise en considération, tout comme le Manitoba et l'Île-du-Prince-Édouard.

Quand on écoute parler les réformistes, on a certainement l'impression que leur parti est prêt à abandonner la Saskatchewan. Le Parti réformiste n'a en effet rien proposé pour la Saskatchewan et le Manitoba. Il n'a rien proposé parce qu'il nous a abandonnés. Permettez-moi de rappeler aux réformistes que, lors des prochaines élections, la population de la Saskatchewan n'oubliera pas ce qu'ils ont fait.

Quelqu'un a dit que la population de la Colombie-Britannique pourrait, à un moment donné, représenter 50 p. 100 de la population de l'ouest du Canada. C'est une possibilité. Si d'autres personnes de la Saskatchewan déménageaient en Colombie-Britannique, cette dernière atteindrait ce pourcentage plus tôt que prévu. Cela est certainement arrivé dans le passé. La Saskatchewan peut toutefois maintenir sa population et attirer de nouveau chez elle des gens qui étaient déménagés en Colombie-Britannique. Elle pourrait maintenir sa population pour les années à venir.

(1510)

Si la Colombie-Britannique finissait par représenter 50 p. 100 de la population, d'après les discours réformistes prononcés aujourd'hui, cela signifierait que la Colombie-Britannique aurait un


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droit de veto et qu'aucune autre province de l'Ouest n'aurait du poids. C'est tout à fait faux.

Au moins deux provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population de l'Ouest doivent donner leur consentement pour qu'une modification constitutionnelle soit apportée. Oui, la Colombie-Britannique pourrait obtenir un droit de veto si elle représentait 50 p. 100 de la population, mais si cette province donne son accord au projet de loi, les trois autres provinces peuvent empêcher son adoption, même si elles ne représentent pas 50 p. 100 de la population. Dans les faits, les deux ont un droit de veto. La Colombie-Britannique en a un, tout comme les provinces des Prairies.

Encore une fois, il semble que les députés réformistes préfèrent passer cela sous silence parce que leur objectif est de montrer que nous n'avons pas tenu compte des provinces des Prairies, ce qui est absolument faux. Le Parti libéral a tenu compte de toutes les provinces du pays, y compris les petites provinces, que ce soit dans l'Ouest ou ailleurs.

Le Parti réformiste s'est plaint que la Colombie-Britannique n'avait pas de droit de veto, puis il a dit que si elle en avait un, les Prairies n'auront rien à dire. Comme je l'ai déjà dit, cela n'est pas seulement erroné, c'est une mauvaise interprétation du projet de loi C-110.

Il serait certainement utile que les députés du Parti réformiste lisent le projet de loi C-110 avant d'en parler à la Chambre. Le projet de loi est court. Il ne comporte qu'un article et deux paragraphes. Il n'est pas très difficile à lire. Il leur suffirait d'une minute s'ils le lisaient attentivement, d'une demi-minute, s'ils le lisaient rapidement, et de cinq minutes, s'ils le relisaient. En lisant ainsi le projet de loi, ils constateraient que ce dernier accorde un droit de veto aux deux régions. En atteignant 50 p. 100 de la population, la Colombie-Britannique obtiendrait l'équivalent d'un droit de veto. Ensemble, les trois provinces des Prairies pourraient empêcher l'adoption d'une loi, car il faut l'accord de deux provinces dans l'Ouest.

Nous avons accompli ce dont a parlé le Parti réformiste. Malheureusement, ce dernier ne l'a pas compris aujourd'hui.

C'est le point de vue d'une petite province de l'Ouest, la Saskatchewan, qui profite du projet de loi C-110, à l'instar de plusieurs autres régions du pays, et qui ne le fait pas au détriment de quelque autre province que ce soit.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, j'ai trouvé très intéressant de voir un député de la Saskatchewan fortiller pour expliquer ce que le projet de loi fera pour les petites provinces ou aux petites provinces. Je suis heureux qu'il ait tiré les choses au clair puisque nous savons maintenant que la Saskatchewan n'a pas été reléguée au rang de province de quatrième classe, mais seulement au rang de province de troisième classe. C'est une amélioration. Je remercie sincèrement le député de ses précisions.

Lorsqu'il ira dans sa province présenter ses arguments à ses électeurs, je suis convaincu qu'ils sauteront de joie. Si le nom d'un personnage bien connu du Nouveau Testament, et que le Beauchesne m'interdit de nommer ici, est évoqué lors d'une de ses assemblées, il saura ce dont ses électeurs parlent.

M. Bodnar: Monsieur le Président, il m'est agréable d'écouter les observations d'un député qui prétend que je fortille. Malheureusement, je ne suis pas sûr de comprendre ce qu'il entend par «fortiller». Affirmer que nous ne sommes pas relégués en quatrième, mais en troisième classe est assez gros et démontre une incompréhension complète du projet de loi C-110.

(1515)

Selon la formule actuelle d'amendement de la Constitution, la Saskatchewan ne peut bloquer un amendement que si elle a l'appui de trois autres provinces. Cela pourrait vouloir dire qu'il faut que les quatre provinces de l'Ouest s'entendent. Avec le projet de loi, la Saskatchewan, avec deux des plus petites provinces de l'Ouest, ou avec la Colombie-Britannique, pourrait bloquer un amendement constitutionnel.

C'est là une amélioration de taille pour la Saskatchewan. Avant de parler, le député devrait lire le projet de loi.

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants, Lib.): M. Speaker, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui pour participer à cet important débat. Le projet de loi C-110 est peut-être l'un des projets de loi les plus courts que nous débattrons à la Chambre. Après tout, il ne renferme qu'un seul article. Cependant, il est certainement l'un des plus importants.

Lundi dernier, le premier ministre a annoncé trois initiatives clés: premièrement, reconnaître que le Québec forme une société distincte au sein du Canada; deuxièmement, entreprendre des changements pour rapprocher des citoyens les services gouvernementaux et le processus décisionnel; troisièmement, s'assurer que nous ne faisons aucune modification constitutionnelle touchant le Québec sans le consentement des Québécois.

Le projet de loi C-110 est un élément important de notre engagement à l'égard d'un Canada uni. C'est aussi la preuve de la volonté de notre gouvernement d'apporter des changements positifs et substantiels à la façon dont le Canada fonctionne. Comme notre premier ministre et notre gouvernement l'ont prouvé maintes et maintes fois, lorsque nous faisons une promesse, nous la tenons.

Dans le passé, le principe du droit de veto régional a été fortement appuyé par les gouvernements libéraux. Grâce à la mesure législative que nous proposons, ce principe que nous appuyons depuis longtemps deviendra réalité.

Je veux prendre quelques instants pour examiner certains des détails de ce projet de loi. Dans le moment, aux termes de la Constitution du Canada, seul le gouvernement fédéral a un droit de veto à l'égard des modifications constitutionnelles. Cette mesure législative changera la situation.

Après l'entrée en vigueur du projet de loi C-110, il nous faudra obtenir le consentement de toutes les régions du Canada, soit le Québec, l'Ontario, le Canada atlantique et l'Ouest, avant de pouvoir proposer au Parlement toute modification constitutionnelle qui les


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touche. Dans le cas du Canada atlantique et de l'Ouest, il faudra le consentement d'au moins deux des provinces touchées représentant ensemble plus de 50 p. 100 de la population totale de la région.

En déposant ce projet de loi, notre gouvernement tient une promesse qu'il a faite aux Québécois. Nous reconnaissons également que le processus de modification constitutionnelle intéresse toutes les régions du Canada. C'est pourquoi nous sommes prêts à accorder le droit de veto aux quatre régions du Canada.

Le référendum du 30 octobre nous a clairement montré que le statu quo n'était plus acceptable. Les électeurs de ma circonscription, Annapolis Valley-Hants, m'ont dit la même chose. Pendant la campagne référendaire et ces dernières semaines, je me suis entretenu avec des tas de gens à ce sujet. J'ai reçu de nombreux appels téléphoniques et beaucoup de lettres d'électeurs qui m'ont proposé des idées et des suggestions intéressantes que j'ai transmises aux personnes compétentes.

Les électeurs d'Annapolis Valley-Hants ont clairement dit qu'ils souhaitaient que le Québec reste dans le Canada. Ils ont aussi exprimé clairement qu'ils voulaient être consultés au sujet des questions constitutionnelles. Le droit de veto régional permettra d'atteindre ces deux objectifs.

Il répond aux aspirations des Québécois. Depuis de nombreuses années, le Québec réclame un droit de veto sur les modifications constitutionnelles. En adoptant le projet de loi C-110, nous ferons comprendre au Québec que nous voulons qu'il participe activement à l'évolution de la Constitution canadienne.

(1520)

Le projet de loi protégera également le Québec contre des modifications qui auraient pour effet de réduire ses pouvoirs, ses droits et ses privilèges. Le gouvernement reconnaît la légitimité des préoccupations du Québec. Le projet de loi C-110 reconnaît clairement que, à mesure que la nation évolue, nous devons faire en sorte que les changements constitutionnels soient acceptables pour toutes les régions du Canada. Nous reconnaissons également que des changements constitutionnels ne peuvent pas et ne doivent pas être apportés si une partie importante de la population canadienne ne les approuve pas.

Pendant les derniers jours de la campagne référendaire, le grand sentiment populaire qui a été manifesté à la grandeur du Canada a joué un rôle important dans la victoire du non. Le rassemblement géant de 150 000 personnes en faveur du Canada, à Montréal, a été un moment d'émotion profonde dans l'histoire canadienne. Des dizaines de milliers de Québécois sont venus eux aussi manifester leur désir de demeurer au sein du Canada. Des Canadiens de toutes provinces sont allés au Québec pour crier haut et fort leur désir de voir les Québécois demeurer au sein du Canada.

J'ai eu la chance, avec d'autres députés, de participer à ce rassemblement. Ce matin-là, j'attendais à l'aéroport de Dorval l'avion qui amenait de Halifax les participants à ce rassemblement en faveur de l'unité. J'attendais pour me joindre à mes compagnons néo-écossais et aux Canadiens de l'Atlantique venus porter leur message en faveur de l'unité. Quand je me suis joint à eux, j'ai éprouvé comme eux une profonde affection pour notre pays. Je ne me suis jamais senti plus fier d'être Canada.

Des gens disent que les Canadiens ne portent pas l'emblème de leur pays à la boutonnière et ne montrent pas leur fierté nationale. Qands les jeux sont faits, les Canadiens sont le peuple le plus fier du monde. Il est temps à présent de retourner la confiance que nous a manifestée le peuple québécois. Il est temps de prouver aux Québécois qu'ils ne se sont pas trompés.

Il est vrai que l'initiative que nous sommes en train d'examiner ne satisfera pas les dirigeants du gouvernement séparatiste à Québec ou les députés séparatistes à la Chambre. Les dirigeants québécois ont vigoureusement fait part de leur refus de négocier avec le gouvernement fédéral. Ce faisant, ils ne rendent pas service à leurs électeurs. Les Québécois sont plus raisonnables que les dirigeants extrémistes du camp du oui. Ces changements contribueront à restaurer leur foi dans le Canada.

J'appuie ce projet de loi parce qu'il répond aux préoccupations du Québec et au désir des citoyens de toutes les régions du Canada qui veulent avoir leur mot à dire sur les questions constitutionnelles. Cette initiative montre que nous avons entendu l'appel en faveur du changement et que nous avons écouté les Québécois et nos électeurs. À présent, il est temps d'avancer.

Le Canada est une fédération en évolution constante. En appuyant le projet de loi C-110, nous pouvons être sûrs que les changements à venir seront bénéfiques pour le Québec et pour toutes les autres régions du Canada.

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, je signale à la Chambre que je partagerai mon temps de parole avec le député de Kindersley-Lloydminster.

C'est un plaisir pour moi, en tant que loyal Canadien, de prendre la parole à la Chambre sur le projet de loi C-110. C'est un privilège de pouvoir exposer à la Chambre les raisons pour lesquelles je m'oppose à ce projet de loi. Je ne siégeais pas à la Chambre quand la législature précédente a débattu des accords du lac Meech et de Charlottetown, mais j'ai quand même une étrange impression de déjà vu. Si ce projet de loi était un film d'horreur classé B, on aurait très bien pu l'appeler Meech II.

(1525)

Avant d'expliquer pourquoi je m'oppose à ce projet de loi, je veux commencer par rappeler ce vieux dicton que j'ai entendu souvent à la Chambre: ceux qui ne tirent pas de leçon des erreurs du passé sont condamnés à les répéter. Il semble donc que les concepteurs de ce projet de loi n'avaient absolument aucune notion d'histoire. Ces rappels historiques décriront passablement bien les impressions de l'ensemble des Canadiens sur ce projet de loi.

J'ai écouté le premier ministre hier et j'ai examiné le projet de loi dont la Chambre est saisie aujourd'hui. Je ne peux m'empêcher de me demander si le gouvernement libéral a appris quelque chose en 30 ans de disputes constitutionnelles. La réponse semble être un non retentissant. En fait, c'est sensiblement la même réponse que les Canadiens de partout donneraient si, et je dis bien si, on leur donnait la chance d'accepter ou de rejeter ce projet de loi.


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Le projet de loi ne donne pas de droit de veto à la population. C'est une décision du gouvernement, et de la pire espèce qui soit, parce que ce sont les politiciens qui ont le dernier mot. Là-dessus, je me demande encore une fois si les députés d'en face ont appris quelque chose. Pire encore, ce projet et la motion déposée hier à la Chambre sont issus du désespoir, et c'est le pire exemple de prétendu leadership qu'on ait vu dans l'histoire récente.

Sans consulter ni son caucus, ni son comité sur l'unité, ni les premiers ministres provinciaux, ni les Canadiens, M. Chrétien a fait unilatéralement de nouvelles offres pour apaiser les séparatistes du Québec.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Il s'agissait sans doute d'un lapsus, mais je signale qu'il faut désigner les autres députés par leur titre et non par leur nom.

M. Ringma: Excusez-moi, monsieur le Président. C'était un oubli. Je voulais dire le premier ministre.

Quoi qu'il en soit, je demande au premier ministre et au gouvernement s'ils ont tiré des leçons du passé. Il est évident que le premier ministre n'en a rien fait. Il ne demande pas mieux que l'histoire se répète. Après son discours d'hier sur l'autre partie de cette initiative, la députée de Beaver River a senti le besoin de dire que c'était comme entendre l'ex-premier ministre Mulroney défendre l'accord de Charlottetown.

Non seulement l'histoire nous renseigne sur le passé, mais elle nous permet d'entrevoir un tant soit peu l'avenir. Et c'est la raison pour laquelle, quand je jette un coup d'oeil sur le projet de loi, j'y vois les erreurs passées subsister dans ces propositions.

Le projet de loi vise à mettre en oeuvre une formule de modification semblable à celle qui était prévue dans la charte de Victoria de 1971. C'est tout aussi insultant pour les Canadiens. Cette formule a été rejetée à l'époque par les premiers ministres provinciaux. La mesure législative dont nous sommes saisis ne tient pas compte des réalités du Canada d'aujourd'hui, du fait est que la population veut avoir son mot à dire sur la façon dont sa Constitution est modifiée par voie de référendum. Les Canadiens ne veulent pas que les dirigeants politiques du pays aient la mainmise totale sur ce processus. C'est essentiellement la leçon que le gouvernement aurait dû tirer à l'issue de l'accord de Charlottetown.

Le projet de loi passe en quelque sorte la camisole de force à toutes modifications constitutionnelles, quelque souhaitables qu'elles soient. Le projet de loi autorise le gouvernement fédéral à retirer son appui à toute proposition de modification qui n'a pas l'heur de plaire au premier ministre de l'Ontario ou du Québec.

(1530)

En outre, vu que ce projet de loi ne figurerait pas dans la Constitution du Canada, l'ancienne formule de modification s'appliquerait également. Un double péril menacerait ainsi les propositions de modifications constitutionnelles. Ce n'est vraiment pas à conseiller.

De plus, ce projet de loi ne sera pas acceptable aux yeux de bien des Canadiens parce qu'il accorde au gouvernement séparatiste du Québec un droit de veto sur la Constitution canadienne. Je demande aux ministériels de songer un instant aux conséquences de ce geste. On va maintenant accorder à un gouvernement séparatiste un veto sur la constitution d'un pays qu'il a décidé de briser. Là encore, le premier ministre a-t-il songé aux conséquences d'un tel geste?

D'un point de vue personnel, en tant que représentant de la Colombie-Britannique, ce projet de loi m'offense. En effet, il dit de façon implicite que les habitants de la Colombie-Britannique sont des citoyens de seconde zone au sein de la Confédération. Je voudrais rappeler à nos vis-à-vis qu'à l'instar de l'Alberta et de l'Ontario, la Colombie-Britannique est l'une des trois provinces qui apporte une contribution positive sur le plan économique à la Confédération. Tout ce que ce projet de loi sert à faire, c'est de perpétuer l'idée répandue au sein du gouvernement fédéral selon laquelle la Colombie-Britannique et l'Ouest forment une colonie.

Lorsque j'étais un jeune garçon, à Vancouver, il y a 50 ou 60 ans de cela, j'étais conscient du mouvement séparatiste qui existait, à l'époque, en Colombie-Britannique. Il découlait du ressentiment que les gens avaient face au traitement que le centre du pays réservait à l'Ouest. Il semble que très peu de choses aient changé depuis, malgré le fait que la Colombie-Britannique est maintenant la troisième province la plus peuplée.

Je voudrais adresser un avertissement au gouvernement d'en face. Des propositions comme le projet de loi C-110 dont nous sommes saisis vont sûrement relancer le mouvement séparatiste dans l'Ouest, chose que nous ne voulons pas voir se produire.

En conclusion, je dis aux députés maintenant et j'informe la Chambre en conséquence qu'en tant que loyal Canadien, je vais m'opposer à ce projet de loi à toutes les étapes.

J'encourage en outre nos vis-à-vis à se joindre à moi et à faire de même s'ils pensent aux conséquences constitutionnelles de ce projet de loi pour le Canada en fin de compte, s'ils croient au fond d'eux-mêmes que ce sont les Canadiens et non les gouvernements qui savent le mieux ce qui est dans leur intérêt. S'ils comprennent les leçons que 30 ans de disputes constitutionnelles nous ont apprises, s'ils saisissent vraiment toutes ces choses, ils doivent eux aussi voter contre ce projet de loi. Agir autrement serait un affront à l'égard de tous les Canadiens.

M. John Harvard (Winnipeg St. James, Lib.): Monsieur le Président, le député de Cowichan et les îles comprend mal l'objet du projet de loi C-110. Il soutient que la population voudrait avoir le dernier mot en matière constitutionnelle. Or, c'est précisément ce que fait le projet de loi C-110. Permettez-moi de fournir quelques explications au député.

Supposons que sa belle province, la Colombie-Britannique, où j'ai habité à un moment donné, voulait opposer un veto et demander pour cela à emprunter le droit de veto du fédéral, mais d'abord tenir un référendum pour que sa population approuve sa demande. Le projet de loi C-110 lui permet de procéder ainsi.

Le projet de loi C-110 n'empêche aucunement la population de la Colombie-Britannique de prendre une décision en matière constitutionnelle, y compris d'opposer un veto. Si le député veut que le veto


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de la Colombie-Britannique soit approuvé par la population, il n'a qu'à demander cette approbation, pour l'amour du ciel.

Je puis assurer le député qu'en vertu de ce projet de loi, si la Colombie-Britannique et une autre province de l'Ouest veulent opposer leur veto, parce que leurs habitants l'ont demandé dans un référendum, leur volonté sera respectée. Il ne peut y avoir une autre interprétation. Vous pouvez répondre à cela si vous voulez.

(1535)

Le Président: À l'ordre. J'invite tous les députés à s'adresser à la présidence et non les uns aux autres.

M. Williams: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. L'orateur précédent a traité d'un autre sujet et non de la motion dont la Chambre est saisie.

Le Président: S'il voulait répondre, le député de Nanaïmo-Cowichan dispose d'une ou de deux minutes.

M. Ringma: Monsieur le Président, la principale réponse que je donnerais au député, c'est que le projet de loi ne concerne ni la Colombie-Britannique ni l'Ouest. Ce projet de loi doit servir à amadouer les séparatistes du Québec. C'est son unique but. En effet, on se moque de l'Ouest, comme on le fait d'ailleurs depuis 50, 60, 70 ans. C'est toujours la même rengaine.

À mon avis, tout ce que dit le député sur les merveilleux avantages que cette mesure apporte à l'Ouest, c'est de la foutaise.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, je remercie la Chambre de me donner l'occasion de participer à ce débat sur le projet de loi C-110.

Il s'agit d'un moment crucial dans l'histoire de notre pays. Je vois tous ces fauteuils vides en face. Je ne peux m'adresser aux députés qui sont absents, mais on s'attendrait à ce qu'il y ait plus de deux députés libéraux à la Chambre.

M. Harvard: Respectez le Règlement.

Le Président: Je prierais les députés d'éviter de dire que la Chambre est remplie ou vide et de mentionner qui s'y trouve et qui en est absent. Il y a des usages à respecter.

M. Hermanson: Monsieur le Président, je sais que de nombreux Canadiens suivent ce débat sur le projet de loi C-110, cette mesure très importante qui donnerait un droit de veto relatif aux modifications constitutionnelles à quatres régions du Canada, dont celle dont je suis originaire, l'ouest du Canada, région qui comprend quatre provinces et qui a une population de plus de huit millions de personnes.

Je me suis enquis des réactions des gens de la Saskatchewan et, à première vue, ils rejettent catégoriquement les propositions que le gouvernement a présentées dans le projet de loi C-110 et dans la motion dont nous avons discuté hier, motion qui confère un statut particulier au Québec en reconnaissant qu'il forme une société distincte.

J'espère que le gouvernement modifiera son orientation, qu'il se ravisera, qu'il évitera les écueils du passé et l'approche à huis clos et qu'il adoptera une nouvelle ligne de conduite, une approche transparente et honnête assortie de propositions claires dont le public pourra prendre connaissance; j'espère que le public pourra avoir accès à ces propositions et qu'il pourra se prononcer sur celles-ci d'une façon quantifiable.

Permettez-moi de parler de ce qui s'est produit dans le passé. Quand nous avons emprunté cette voie dans le passé, qu'est-il arrivé? Il existe deux exemples classiques: l'accord du lac Meech et celui de Charlottetown.

J'admets que l'accord de Charlottetown a fait l'objet d'un référendum et que les Canadiens ont pu s'exprimer à ce sujet. D'un océan à l'autre, ils ont rejeté l'accord de Charlottetown. Le Québec a rejeté l'accord de Charlottetown, mais la Saskatchewan l'a aussi rejeté, tout comme l'Alberta, la Colombie-Britannique et même la Nouvelle-Écosse.

Comment en arrivons-nous à produire une telle mixture, une mixture comme l'accord du lac Meech ou celui de Charlottetown? Comment avons-nous élaboré quelque chose que les Canadiens ont rejeté aussi catégoriquement?

Dans le cas de l'accord du lac Meech, tout a commencé par la rencontre de 11 personnes derrière des portes closes, soit les 10 premiers ministres des provinces et le premier ministre conservateur du Canada, M. Mulroney. Ils se sont réunis derrière des portes closes et ont amorcé une séance de magouillage. Avec le projet de loi C-110, nous rendons possible une autre séance de magouillage.

Que se passe-t-il quand nous nous livrons à du magouillage derrière des portes closes? Je vais vous dire ce qui est arrivé dans ma province, la Saskatchewan. Le premier ministre Devine s'est assis à la table et a dit: «Je vais souscrire à cette idée de l'Accord du lac Meech, mais je veux quelque chose en échange.» Qu'a-t-il demandé et obtenu? Un milliard de dollars pour le secteur agricole. Celui-ci traversait une période difficile. Alors, il a décidé de vendre son âme pour un milliard de dollars.

J'ai parlé peu de temps après avec un collaborateur d'un de ses députés. C'était pendant le débat sur la TPS lorsque le gouvernement fédéral tentait de mettre en oeuvre cette taxe. J'ai dit au collaborateur de ce député provincial: «Pourquoi notre gouvernement provincial a-t-il donné son accord et pourquoi allons-nous accepter la TPS et pourquoi allons-nous appuyer l'accord du lac Meech?» Très honnêtement, ce collaborateur a dit: «Eh bien, il faut faire quelque chose pour un milliard de dollars.»

(1540)

Nous avons payé des milliards de dollars en TPS pour obtenir le milliard de dollars en cause. En tant que province, nous avons appuyé l'accord du lac Meech même si la population de la Saskatchewan s'y opposait.


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C'est inacceptable que de tenir des négociations secrètes sans inviter le public à y participer. Pis encore, c'est dangereux, et très coûteux. Et cela porte atteinte à la réputation de la classe politique. Cela nous donne mauvaise presse.

Nous avons obtenu notre milliard de dollars. Terre-Neuve a eu Hibernia. Joe Ghiz, de l'Île-du-Prince-Édouard, a eu son raccordement permanent. M. Bourassa a cru qu'il obtiendrait une entente spéciale pour la province de Québec. Nous nous souvenons tous de l'émoi causé par la conversation des collaborateurs de M. Bourassa par téléphone cellulaire, qui a été interceptée et rendue publique. Ces collaborateurs se demandaient si M. Bourassa s'était écrasé, s'il avait trop donné. Au cours de cette conversation par téléphone cellulaire qui a été interceptée, les collaborateurs de M. Bourassa ont déclaré avoir le sentiment que ce dernier avait trop peu obtenu.

Cela confirme qu'il y a eu du magouillage derrière des portes closes. Ils jouaient avec notre avenir. C'est inacceptable. C'est dangereux. C'est triste à dire, mais le gouvernement actuel est en train d'agir de la même façon avec l'adoption du projet de loi C-110. Il faut rejeter cette mesure législative. Si on donne aux Canadiens l'occasion d'exprimer leur avis, ils ne l'accepteront pas.

La même chose se passait en Colombie-Britannique. Ce qu'il y a de merveilleux au sujet de la technologie moderne, c'est que certains politiciens se font prendre en défaut. Un des ministres de la Colombie-Britannique, Moe Sahota, était en visite dans la région intérieure de la province. Ou bien il ne s'est pas rendu compte qu'il y avait un journaliste ou une caméra près de lui, ou bien il n'a pas réfléchi avant de parler, mais il a dit comment la Colombie-Britannique était sortie gagnante au détriment des autres provinces.

Cela a fait un scandale au Québec. On s'est rendu compte qu'il y avait du magouillage. Il y a des gagnants et des perdants, et ce n'est pas la population qui sort gagnante. Ce sont les politiciens qui essaient de se faire élire ou réélire en concluant ces marchés dans les coulisses. C'est honteux et dégoûtant.

Qu'est-il arrivé en Alberta? M. Getty voulait quelque chose. Il a obtenu ce qu'il voulait, mais ce fut de courte durée. Il a obtenu l'élection d'un sénateur. Nous avons élu un sénateur à l'autre endroit, et cela faisait partie du magouillage entourant les accords du lac Meech et de Charlottetown. Dans ce cas, il s'agissait de l'Accord de Charlottetown. C'est ce qu'il a obtenu, et cela n'a même pas duré. Il a fait élire un sénateur et, après cela, nous sommes retournés à l'ancien système du favoritisme, recommençant à nommer des amis des premiers ministres à l'autre endroit. Le premier ministre de l'Alberta n'a donc pas retiré grand-chose de son magouillage.

L'ancien premier ministre du Canada, M. Mulroney, dont nous entendons beaucoup parler aux nouvelles ces temps-ci, faisait du magouillage lui aussi. Comment a-t-il décrit tout ce processus? Il a dit que c'était un coup de dé. Vous en souvenez-vous, monsieur le Président? Il a parlé d'un coup de dés, et vous savez à quel point les Canadiens étaient furieux. Cela a été le commencement de la fin pour l'ancien premier ministre du Canada, car les Canadiens ont fini par se rendre compte que ces gens-là ne se soucient pas de notre intérêt. Ils ne recherchent pas l'intérêt supérieur des Canadiens. Il ne sont là que pour leur propre intérêt, pour participer au magouillage et en retirer tout ce qu'ils peuvent. Ils jouent notre avenir aux dés. Les Canadiens avaient trouvé cela révoltant à l'époque et je peux dire aux députés, aussi vrai qu'on me voit ici, que les Canadiens sont tout aussi révoltés aujourd'hui.

Si nous donnons aux régions la possibilité de bloquer les amendements constitutionnels en remettant le droit de veto entre les mains des gouvernements plutôt qu'au peuple, si nous passons par-dessus la population, nous retomberons dans le magouillage. Je peux vous affirmer qu'il y aura des négociations à huis clos. Les premiers ministres se réuniront dans une chambre d'hôtel pour discuter du nombre de sénateurs. Ils définiront ce que signifie la société distincte. Il décideront quels privilèges particuliers ils accorderont au Québec. Ils décideront ce qu'il faut donner à l'Ontario. Ce sera comme je le dis s'ils reviennent à cette façon déplorable de décider de l'avenir de notre pays.

Il est temps de prendre un virage. Il est temps de remettre les gouvernements et les whips des partis à leur place. Bien sûr, on peut prétendre que les 11 premiers ministres représentent l'électorat parce qu'ils ont été élus. Je suis ici depuis assez longtemps pour savoir que, dans les partis traditionnels, la représentation de l'électorat n'est rien de plus que l'obéissance aveugle aux whips qui indiquent comment voter sur les projets de loi. On m'a dit, et je le crois, que les choses se passent de la même manière dans les législatures des provinces.

(1545)

En fait, le pouvoir a été remis entre les mains de onze personnes qui ne rendent pas vraiment compte de leurs décisions à la population. On a donné le droit de veto aux gouvernements provinciaux en passant par-dessus la tête de la population puisqu'on ne lui donne pas la possibilité de s'exprimer dans le cadre d'un référendum. Dans la plupart des cas, les Canadiens rejetteront le huis clos lorsqu'il y va de décisions portant sur l'avenir du pays.

Je voudrais conclure en insistant sur l'importance de la question. Nous ne parlons pas d'infraction aux règlements de pêche, ni de l'enregistrement d'un pesticide. Nous parlons de l'avenir de notre pays, de la façon dont il fonctionnera à l'avenir. Cela se répercutera sur mes trois enfants et sur nos petits-enfants à tous. Cela se répercutera sur les prochaines générations, qui se demanderont comment il se fait que personne n'a empêché de créer une situation où onze personnes peuvent prendre entre elles des décisions qui compromettent l'avenir des Canadiens en ne se préoccupant que de leur intérêt personnel.

Je m'élève contre le processus. Il est répréhensible. Il est néfaste pour le Canada, néfaste pour la réputation de notre système démocratique. Il faut faire marche arrière. Les Canadiens n'arrêtent pas de nous dire qu'il faut renverser la vapeur. Quand le gouvernement écoutera-t-il et fera-t-il ce que la population lui demande?

M. John Harvard (Winnipeg St. James, Lib.): Monsieur le Président, je dois intervenir encore une fois car je ne puis croire ce que j'entends dire de l'autre côté.

Le projet de loi C-110 vise à prêter le droit de veto fédéral; cela n'a rien à voir avec permettre une initiative constitutionnelle. Cela n'a rien à voir avec une province qui voudrait modifier la Constitution. Il s'agit simplement d'offrir, par le truchement d'une loi fédérale, le droit de veto aux quatre régions du Canada.


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Je ne crois pas que le Parti réformiste rend service à la population en faisant ainsi de la désinformation à la grandeur du pays.

Mettons les choses au clair. Ce projet de loi ne change absolument rien à la Constitution. Il s'agit d'une mesure à portée limitée qui a pour objet d'offrir le droit de veto fédéral aux quatre régions. C'est aussi simple que cela. Tout autre discours serait faux et constituerait de la désinformation.

M. Hermanson: Monsieur le Président, pour répondre au député de Winnipeg St. James, nous ne parlons pas de modification de la Constitution, mais d'une nouvelle procédure constitutionnelle qui pourrait être appliquée selon la règle des 7/50.

On a eu recours aux assemblées législatives à deux reprises pour tenter d'agir derrière des portes closes, au lieu de demander directement à la population canadienne de se prononcer et de ratifier ensuite la proposition selon la formule des 7/50, c'est-à-dire de faire approuver les modifications constitutionnelles par sept provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population canadienne.

Ce projet de loi est très dangereux. Il vise à lancer les provinces les unes contre les autres, pour voir qui fera la meilleure proposition. La Colombie-Britannique et le Manitoba dans l'Ouest, ou la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve dans les provinces atlantiques, pourraient s'arrangeraient pour concocter une entente avec le gouvernement fédéral, avec l'appui de l'Ontario et du Québec, en vue de modifier la Constitution sans consulter la population canadienne. Une fois cette étape franchie, l'étape suivante serait beaucoup plus facile. Il suffit de faire approuver la modification constitutionnelle par sept provinces représentant 50 p. 100 de la population canadienne. Il s'agit d'un procédé sournois, rusé et exécrable qu'il faut empêcher.

M. Derek Wells (South Shore, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole à la Chambre au sujet du projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles. Je félicite le ministre de la Justice d'avoir présenté une telle mesure législative à une époque où notre pays se tourne vers ses dirigeants politiques pour savoir quoi faire. Je crois que ce projet de loi constitue une première étape importante pour amener les provinces à participer plus directement à la présentation d'amendements constitutionnels pour les éléments qui touchent directement leurs contribuables respectifs.

(1550)

Le mardi avant le référendum, j'étais à Verdun et j'ai entendu le premier ministre formuler ses engagements à l'endroit des Québécois et des Canadiens. J'étais à Montréal le vendredi où a eu lieu cet incroyable ralliement pour l'unité. J'étais accompagné de quelques membres de ma famille et d'une importante délégation de ma circonscription, South Shore. Ce jour-là, à Montréal, j'ai ressenti cette manifestation sans précédent de bonne volonté et d'affection à l'égard du Québec et, bien sûr, du Canada. Nous étions 150 000, mais nous représentions encore bien plus de monde.

Ceux d'entre nous qui y étaient et les nombreux autres que nous représentions ont gardé de cette manifestation un engagement renouvelé à l'endroit du Canada et une meilleure compréhension de ce qu'est vraiment notre pays. Nous avons aussi reconnu que la fédération du Canada devait être modifiée. Nous l'avons non seulement reconnu, mais nous sommes déterminés à veiller à ce que ces changements soient faits. Nous avons quitté Montréal inquiets pour l'avenir du Canada, mais pleins de confiance, en reconnaissant que, après le scrutin, les changements promis devraient être réalisés.

Après une soirée du lundi éprouvante, nous nous sommes tous éveillés mardi matin conscients que nous avions failli perdre notre pays, le Canada. Mais nous avions aussi une volonté encore plus grande de faire ce qu'il fallait pour nous assurer que le Canada ne disparaisse pas. On reconnaissait que les Québécois avaient voté pour le changement, mais pour des changements au sein du Canada.

Ce projet de loi et la motion visant à reconnaître le Québec comme une société distincte font suite à la promesse faite à Verdun par le premier ministre et marquent le début du changement en faveur duquel s'est prononcé le Québec et que les Canadiens appuient.

Dans une fédération comme le Canada, l'équilibre des pouvoirs entre les provinces et le gouvernement fédéral est délicat. Tout au long de l'histoire du Canada, il n'a pas été facile de maintenir cet équilibre et d'apaiser les Canadiens. Regardons les choses en face, le Canada est le pays le plus décentralisé et le plus grand du monde. Les gens veulent garder l'identité à laquelle les associe leur province respective. Pourtant, une grande partie des services les plus essentiels sont centralisés au sein du gouvernement fédéral.

Je me sens très proche de la province où j'habite, la Nouvelle-Écosse, et de la province où je suis né, Terre-Neuve. Mais je suis avant tout un fédéraliste. Il est important de maintenir certains services au niveau national de sorte que ce pays où règne la diversité demeure le même sur certains plans et crée un lien commun entre tous les Canadiens.

Je crois que ce projet de loi est très important pour la fédération qu'est le Canada. Il n'est pas facile pour un gouvernement fédéral de satisfaire tout le monde. Ce projet de loi est un pas en avant qui permet aux provinces de se faire entendre, surtout au cas où le gouvernement proposerait des amendements qui risqueraient de nuire à une région particulière du pays.

Comme je l'ai déjà dit, la fédération du Canada repose sur un équilibre des pouvoirs et les désirs de toutes les provinces doivent être pris en considération et se voir accorder un juste poids dans l'ensemble des choses. Je suis sûr qu'il n'a pas été facile de déterminer la façon dont le droit de veto fonctionnera. À mon avis, la formule retenue est satisfaisante. En fait, cette formule est une réplique de celle contenue dans la Charte de Victoria qui a été examinée pendant des années par les milieux constitutionnels. L'adoption de cette formule a été recommandée pas plus tard qu'en 1991.

Les provinces seront maintenant doublement protégées en ce qui concerne les affaires constitutionnelles qui les touchent directement. Je crois que ce projet de loi et la motion du premier ministre visant à reconnaître le Québec comme une société distincte font partie des demandes du Québec. Je pense que les autres provinces seront heureuses d'avoir le même droit de veto.


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Cet exercice d'équilibre que j'ai mentionné n'est pas seulement entre le gouvernement fédéral et les provinces, mais également entre les provinces elles-mêmes. Les provinces, tout comme les gens, estiment qu'il est essentiel de maintenir un équilibre entre elles et que toutes doivent recevoir un traitement semblable. C'est pour cela que je suis heureux que ce projet de loi rende les régions du Canada égales à toutes les autres régions et surtout que le veto soit accordé aux dix provinces et non à une seulement. Cela permet de maintenir un équilibre.

Venant d'une province comme la Nouvelle-Écosse, je suis heureux que le veto ait été étendu à toutes les régions. Il ajoutera une protection supplémentaire à toutes les provinces et en particulier aux plus petites, comme celles de la région de l'Atlantique. Le fait que les régions soient constituées d'une province unique ou de provinces regroupées, pour leur donner une taille similaire, rend le projet de loi juste et équitable.

(1555)

Le nouveau veto est particulièrement important pour le Québec. Les Québécois ont le droit d'empêcher toute modification constitutionnelle qui pourrait mettre en danger la préservation de leur culture, de leur langue ou de leur droit civil. Il est regrettable, toutefois, que le Bloc québécois n'accepte pas ce projet de loi et ne voie pas en lui une première étape vers des objectifs communs. Le Bloc fera tout ce qu'il peut pour discréditer ce genre de mesure, bien que toute autre mesure, qu'elle soit constitutionnelle ou non, serait aussi inacceptable à leurs yeux.

Le programme de l'opposition officielle est la séparation du Québec du reste du Canada. Pourtant, les députés d'en face devraient accepter la réalité et admettre que les Québécois ont voté pour rester dans la Confédération canadienne. Du côté du gouvernement, nous reconnaissons ce fait et nous en tenons compte. Ce projet de loi est une première étape vers l'amélioration du pays et la réalisation des changements nécessaires.

Alors que le Bloc prétend que ce projet de loi ne va pas suffisamment loin, le Parti réformiste, lui, dit qu'il va trop loin. En fait, le Parti réformiste n'acceptera pas de changements à moins qu'ils n'aient aucune signification. Il y a certains députés qui aimeraient bien que le Québec se sépare du reste du Canada, mais il y en a d'autres qui souhaiteraient que le Canada se sépare du Québec. Ces gens ne seront jamais satisfaits.

La Constitution doit être révisée avant avril 1997. Il serait contre-productif d'engager des discussions constitutionnelles maintenant, plutôt que d'attendre cette révision qui doit être faite et qui doit déterminer s'il faut faire des changements et où. Ce projet de loi, comme je l'ai dit, est la première étape dans nos efforts afin de réparer ce qui a besoin de l'être. Je pense qu'il serait bon de ne traiter que d'une seule question à la fois, comme le premier ministre le propose.

Les Québécois qui ont voté lors du référendum veulent que le Parlement leur prouve qu'ils ont été entendus. Les Canadiens qui auraient bien voulu être à la manifestation à Montréal veulent que le Parlement prouve que nous les avons entendus. Les Canadiens veulent que le Parlement s'assure que l'on ne perde pas les arbres de vue à cause de la forêt.

J'espère que les Canadiens qui ont participé à cette manifestation à Montréal constateront que le Parlement travaille très fort pour que tout aille pour le mieux. J'espère que les Québécois et les Canadiens encourageront leurs députés, quelle que soit leur affiliation politique, à voter pour cette voie progressiste.

Ce projet de loi est essentiel pour respecter les diverses cultures qui existent dans les quatre régions du Canada.

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour appuyer les initiatives prises par notre gouvernement pour renforcer davantage l'unité canadienne. Par ces initiatives, nous reconnaissons que le Québec est une société distincte, nous élargissons le droit de veto et nous éliminons le dédoublement dans le domaine de la formation.

Avant la victoire en faveur de l'unité nationale lors du récent référendum québécois, dans toutes les provinces, des Canadiens nous ont dit qu'ils voulaient que le Québec continue à faire partie du Canada, qu'ils comprenaient les frustrations du Québec, et qu'ils comprenaient que pour répondre aux aspirations de nos concitoyens québécois, des changements étaient nécessaires. Ils nous ont également dit qu'ils reconnaissaient la profondeur de leurs émotions et qu'ils en comprenaient l'origine.

Nous avons promis au Québec et au reste du Canada que nous procéderions à ces changements. Nous leur avons promis que ce n'était pas seulement des mots en l'air, mais un désir réel, un engagement ferme à apporter des changements pour préserver l'unité canadienne.

Par contraste, la solution du troisième parti à ce problème est de dresser les régions les unes contre les autres, ce parti qui voudrait faire du Canada un pays où il n'y aurait plus de normes nationales et où les riches s'enrichiraient et les pauvre seraient abandonnés.

Au Parti libéral, nous croyons au Canada, un Canada comprenant les premières nations, les peuples européens fondateurs, français et anglais, et les nombreux autres peuples qui sont arrivés plus tard et qui ont ajouté à la diversité de ce grand pays.

(1600)

Nous croyons à un Canada dans lequel les citoyens ont collectivement accepté la responsabilité sociale de maintenir un filet de sécurité, un régime de soins de santé, un système d'éducation, la sécurité de la vieillesse, et un régime de soutien du revenu pour les chômeurs. Mais par-dessus tout, nous croyons à un Canada qui repose sur la compassion et l'inclusion, et non sur la haine et la division que prêchent certains de nos concitoyens.

Les initiatives que nous prenons consistent en partie à répondre à l'une des aspirations les plus chères des Québécois: la reconnaissance du caractère distinct du Québec au sein du Canada. On reconnaît les éléments qui font que le Québec est distinct, à cause de sa majorité d'expression française, de sa culture unique et de sa


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tradition de droit civil. Ces éléments ne sont pas nouveaux. Ce caractère distinct n'enlève rien aux autres régions du pays et il est temps que le Canada reconnaisse officiellement cette réalité.

Notre démarche visant à reconnaître la société distincte du Québec au sein du Canada fait partie de notre engagement global à l'égard du changement, qui porte aussi sur les concepts du projet de loi C-110 accordant à toutes les régions du Canada, dont le Québec, un droit de veto en matière d'amendements constitutionnels.

En vertu de ce projet de loi, avant qu'un amendement constitutionnel ne soit accepté par le Parlement du Canada, il faudra obtenir le consentement du Québec, de l'Ontario et des régions de l'Atlantique et de l'Ouest. Ainsi, toutes les provinces participeront activement à l'évolution de la Constitution canadienne et les régions seront protégées contre tout amendement qui pourrait restreindre leurs pouvoirs, leurs droits et leurs privilèges.

Nous présentons aussi des mesures qui accorderont aux provinces la compétence en matière de formation, afin d'éliminer les chevauchements de programmes et de donner à toutes les provinces la souplesse dont elles ont besoin pour assurer efficacement la formation. Ce sont là des premiers pas importants vers des relations mieux définies avec le Québec et le développement d'un Canada plus fort. Voilà donc une partie de notre engagement envers le Canada et tous les Canadiens.

Nous habitons le plus merveilleux pays du monde. Tous nos électeurs et nous tous ici formons le Canada. Les mesures que nous prenons en cette Chambre touchent tous les Canadiens. Notre objectif est de sauvegarder les bons aspects du Canada et de modifier ceux qui requièrent quelques améliorations. Voilà comment nous parviendrons à l'unité durable au Canada: en travaillant ensemble et en nous écoutant les uns les autres. En respectant notre engagement envers le changement, nous confirmons notre engagement envers le pays et chacun de ses habitants. C'est l'héritage que nous laisserons aux prochaines générations de Canadiens.

Je crois que nous sommes sur la bonne voie. Les députés du troisième parti croient que nous sommes allés trop loin. Les députés de l'opposition officielle croient que nous ne sommes pas allés assez loin. À mon avis, ils n'ont pas suffisamment réfléchi à la question. Ils luttent pour obtenir le contrôle, chacun dans son propre intérêt, alors que notre gouvernement lutte pour les Canadiens et le Canada. Voilà ce qui importe maintenant. Nos gestes sont beaucoup plus éloquents que leurs paroles.

Il y a quelques semaines, j'étais dans l'autobus venant de Parry Sound-Muskoka avec des électeurs qui se rendaient à Montréal, au grand rassemblement national en faveur de l'unité, pour montrer aux Québécois à quel point ils croient en l'unité du Canada et souhaitent la mise en oeuvre de changements afin que le Canada soit plus satisfaisant pour tous ses citoyens.

En notre qualité de parlementaires, nous avons maintenant le privilège et le devoir de tenir nos promesses, de donner suite à la foi et à la confiance dont nous ont investis les Québécois et les Canadiens après le référendum. Nous ne laisserons pas tomber notre pays. En toute logique et concrètement nous tablerons sur ce qui fait la force du Canada pour oeuvrer à la réconciliation et travailler au mieux-être de l'ensemble de nos citoyens.

Ces mesures sont à la fois importantes et significatives. Le plus important, c'est qu'elles sont réalisables à court terme. Nous pouvons simplement reconnaître la réalité, à savoir que le Québec est une société distincte, que toutes les régions du Canada souhaitent se prononcer sur toute modification constitutionnelle. Nous allons agir rapidement, sans délai.

La mesure pourra ultérieurement être inscrite dans notre Constitution si nous le souhaitons à condition, bien sûr, que le Québec le veuille aussi. Soit! Si le chef de l'opposition devient le prochain premier ministre du Québec, il a déjà fait savoir qu'il ne voulait pas que le caractère distinct du Québec soit inscrit dans la Constitution.

(1605)

Le député du Lac-Saint-Jean dit une chose et son contraire. Il exige du changement pour le Québec, mais quand on lui propose des changements, avant même d'en connaître le détail, il rejette non pas la proposition mais l'offre. Il ne semble pas se soucier d'améliorer la situation du Québec. Il ne se préoccupe certes pas du Canada puisqu'il fait constamment fi du serment qu'il a prêté en entrant en fonctions, vu qu'il cherche à détruire ce pays. Tout ce qui l'intéresse, c'est le pouvoir et sa réputation.

Je crois en ce pays. Je crois en un Canada uni, d'un océan à l'autre. Fiers Canadiens, nous n'oublierons pas de sitôt l'extraordinaire manifestation d'appui en faveur de l'unité nationale que nous avons vu déferler sur tout le Canada lors du référendum au Québec. Nous n'oublierons pas ce moment historique du 30 octobre, quand les Québécois ont voté pour rester au sein du Canada.

Je suis très heureux de participer à l'engagement de mon gouvernement en faveur d'une unité nationale qui puisse perdurer. Je suis persuadé que nous atteindrons nos objectifs rapidement et que nous aurons tôt fait de nous consacrer à notre mission, c'est-à-dire bâtir une économie favorable à la création d'emplois et à la croissance.

Je m'engage à toujours soutenir la cause de ce grand pays, le Canada. Notre passage ici équivaudra à un clignement de cil de l'histoire du Canada. Pendant ce court laps de temps j'ai un devoir sacré à accomplir pour mes enfants et les enfants de mes enfants, celui de combattre les forces qui aspirent à détruire ce pays. La population canadienne restera unie et le gouvernement du Canada veillera à ce qu'ensemble nous restions une solide nation, fière et libre à la fois.

[Français]

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, le député vient de blâmer notre chef d'avoir dit qu'il n'était pas d'accord avec la société distincte telle que présentée par le gouvernement et qu'il n'était également pas d'accord avec le droit de veto qui nous est offert.

Vous savez, je pense que le député n'a pas bien compris que la société distincte qui nous est offerte ne donne aucun pouvoir au Québec, ne donne aucune possibilité au Québec de se distinguer.


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Ce que nous voulons, dans le fond, ce n'est pas qu'on reconnaisse sur papier une société distincte qui ne représente rien. C'est ce que notre chef a dit et a rappelé, hier, au premier ministre. Pour cette raison, je pense que le député n'a pas très bien saisi le contenu de cette offre.

Tout d'abord, ce n'est pas une offre qui va être enchâssée dans la Constitution, d'autant plus qu'on fait une offre en disant en même temps que vous avez un droit de veto. Aujourd'hui, on fait une annonce qu'on a un droit de veto. En même temps, ce droit de veto qu'on donne au Québec on le donne aussi aux autres régions. Alors quand on donne un droit de veto à tout le monde, ce n'est plus un droit de veto. Cela n'a aucun sens. Cela veut dire que les autres régions pourraient, en même temps, se servir de leur droit de veto pour aller à l'encontre des demandes légitimes du Québec.

Tout cela m'amène à dire que c'est un piège qu'on lance au Québec. On essaie de faire accroire aux Québécois et aux Québécoises que le gouvernement répond aux aspirations des Québécois et des Québécoises en leur disant qu'à l'avenir ils auront un droit de veto et que le Québec sera reconnu une société distincte. Cela me paraît complètement ridicule de croire que les Québécois et les Québécoises vont croire ce genre d'offre.

Alors je pose cette question au député. A-t-il bien compris ou si tout simplement son discours était préparé par le Conseil privé du premier ministre, ou veut-il tout simplement faire accroire aux Québécois qu'ils ne sont pas, en quelque sorte, des gens suffisamment compétents pour saisir ce que le gouvernement nous offre à l'heure actuelle?

[Traduction]

M. Mitchell: Monsieur le Président, avec tout le respect que je dois au député, je répondrai très simplement.

(1610)

Si le Bloc québécois croit vraiment que le Québec est une société distincte, s'il croit vraiment que le Québec devrait avoir un droit de veto, s'il croit vraiment à la décentralisation et à la dévolution de la formation de la main-d'oeuvre aux provinces, il peut alors le prouver très simplement et très clairement. Qu'il vote en faveur de la résolution, en faveur du projet de loi C-110 et qu'il joigne le geste à la parole.

Lorsque le député parle comme il vient de le faire, il ne fait qu'énumérer une série d'excuses pour lesquelles les bloquistes refusent de faire ce qu'ils ont toujours dit qu'ils voulaient qu'il se produise. Ce ne sont que des faux-fuyants politiques. S'ils veulent que le Québec soit une société distincte, ils devraient voter en faveur de la résolution. S'ils veulent que le Québec ait un droit de veto, ils devraient voter pour le projet de loi C-110. Si vous voulez un contrôle sur la formation de la main-d'oeuvre, votez pour les réformes de M. Axworthy lorsqu'il les présentera. C'est assez simple.

Le président suppléant (M. Kilger): Il semble que le député de Parry Sound-Muskoka a terminé ses observations. Je rappelle simplement deux choses aux députés. Toutes les interventions doivent être adressées à la présidence, et non directement aux députés de chaque côté, et il faut désigner les députés par leur circonscription ou par leur portefeuille.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt les observations de mon collègue de Parry Sound-Muskoka.

Le projet de loi C-110 n'apporte rien de nouveau. Nous adoptons ce type d'approche face à l'unité du pays depuis un certain nombre d'années, et c'est un échec. Si quelqu'un doute de l'échec du type d'approche qu'on retrouve dans le projet de loi C-110, il suffit de regarder les banquettes de l'opposition officielle durant toutes les périodes des questions. Les 53 députés bloquistes qui siègent à la Chambre en sont la meilleure preuve. Depuis des années, nous abordons cette question toujours de la même façon, mais en vain.

L'un des aspects les plus décourageants de ce projet de loi, c'est le processus. Il y a maintenant au moins deux premiers ministres provinciaux qui s'y opposent avec véhémence. Si le député de Parry Sound-Muskoka croit que c'est simplement nous, les réformistes, qui essayons de diviser les gens et de faire en sorte que les diverses factions s'affrontent, permettez-moi de citer la première page du Globe and Mail. Voici ce que dit M. Roger Gibbins, un politicologue de l'Université de Calgary: «C'est presque un coup d'état constitutionnel de la part du premier ministre.» M. Philip Resnick, un politicologue de l'Université de la Colombie-Britannique, affirme pour sa part: «Le premier ministre n'est pas simplement confronté à une crise au Québec. Il devra peut-être également faire face à une révolte naissante de la part des provinces de l'Ouest.»

J'invite le député à réfléchir à ces observations. Nos collègues de l'Ouest formulent toutes sortes de commentaires comme ceux-là. Je voudrais qu'il y songe. Il y a certainement des leçons à tirer de l'accord de Charlottetown et de l'accord du lac Meech. Il est certain qu'à elle seule la démarche descendante adoptée dans le processus va conduire à un échec en ce qui concerne l'acceptation de tout cela par les Canadiens, surtout dans la région d'où je viens.

J'invite mon collègue à bien vouloir s'attarder sur ces questions dont nous devons traiter dans le cadre de l'étude de ce projet de loi.

Le président suppléant (M. Kilger): Je demande simplement au député de Parry Sound-Muskoka de bien vouloir répondre brièvement, dans un esprit de coopération. En fait, lorsque les députés divisent leur temps de parole en périodes de dix et de cinq minutes, on s'aperçoit que cinq minutes de débat, c'est très court. Il faut donc poser les questions de façon succincte et espérer que les réponses soient brèves également.

M. Mitchell: Monsieur le Président, je vais être bref. Je ne serai pas en mesure de répondre à toutes les questions soulevées par mon collègue.

Je tiens à dire que c'est une période de notre histoire où nous devons faire passer notre pays au premier rang. Il est possible d'adopter une attitude régionaliste. On peut toujours faire passer les intérêts de notre région au premier plan. Cependant, je crois que ça ne convient pas dans ce cas-ci. Il faut plutôt donner la priorité au Canada, aux Canadiens. C'est ce qui s'impose.

(1615)

Ce plan va fonctionner. Ces mesures vont conduire à des résultats. Il sera peut-être nécessaire, à un moment donné, d'inscrire cela dans la Constitution, mais il n'est pas question de Constitution aujourd'hui. Nous ne voulons pas nous lancer dans une très longue


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série de discussions et de négociations comme nous l'avons fait à la fin des années 80 et dans les années 90. Il faut s'occuper d'économie et créer des emplois. Réglons cette question rapidement, dans l'intérêt du Canada.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui en cette Chambre sur le projet de loi C-110 qui porte sur le droit de veto régional.

Soulignons d'abord que l'année qui se termine bientôt aura été marquée par le référendum portant sur l'avenir du Québec. En effet, le 30 octobre dernier, près de 94 p. 100 des électeurs inscrits ont exercé leur droit de vote. Il s'agit bien sûr d'un exercice exemplaire de démocratie dont il faut se féliciter. Lors de ce référendum, 50,6 p. 100 de la population du Québec a dit non au projet de souveraineté-partenariat proposé par le gouvernement québécois.

Nous prenons acte de cette décision, aussi serrée soit-elle, car nous avons toujours dit, contrairement à Jean Chrétien, que nous allions respecter le verdict. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais simplement rappeler à la Chambre qu'on doit toujours se référer à un député soit par le nom de sa circonscription ou de son ministère. Dans ce cas-ci il s'agit du premier ministre.

M. Bergeron: Alors je me reprends.

Nous avons toujours dit, contrairement à l'honorable premier ministre que nous allions, nous, respecter le verdict des Québécoises et des Québécois.

La démocratie constitue le fondement même du mouvement souverainiste et c'est dans le respect des valeurs et des principes qui en découlent qu'il entend poursuivre la réalisation de son idéal, tout en respectant le choix démocratique exprimé par la population du Québec. Mais pour l'heure, il nous faut faire preuve de sérénité et de solidarité à la suite de ce scrutin historique et jusqu'à notre prochain rendez-vous avec l'histoire.

Cependant, le résultat extrêmement serré du référendum commande aux tenants du non d'avoir la victoire modeste. La balle est maintenant dans le camp fédéraliste. Ils doivent concrétiser ce vent de changement qu'ils ont, prétendent-ils, soudainement senti souffler sur le Canada aux derniers moments de la campagne, alors que le oui était en tête. Mais ils doivent savoir qu'au lendemain de ce référendum, le peuple québécois ne saurait désormais se contenter de simples changements cosmétiques et édulcorés, de formules surranées et vides de sens, ou encore de vagues et inconsistantes réformes administratives et législatives.

Le vote du 30 octobre a clairement signifié la volonté des Québécoises et des Québécois d'être reconnus pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire un peuple. Pour que cela soit satisfait au sein du fédéralisme canadien, des changements constitutionnels majeurs doivent être apportés.

La question à se poser était celle-ci: Le gouvernement fédéral était-il prêt à apporter ces changements et serait-il appuyé en cela par les provinces du reste du Canada?

Les échos discordants qui se sont élevés du Canada anglais nous ont démontré qu'il ne répondrait probablement jamais aux attentes légitimes du peuple québécois. Le premier ministre, quant à lui, lorsqu'on le juge à l'ombre de son passé, apparaît clairement incapable de remplir ses promesses.

Des promesses de changement ont été formulées en toute hâte par le camp fédéraliste, et ce, dans les derniers moments du référendum. Ces promesses n'ont pas été faites dans l'enthousiasme. Bien au contraire, elles ont été motivées par la crainte d'une victoire du oui, simplement par la crainte d'une victoire du oui.

En effet, lundi dernier, nous avons pu assister à l'aboutissement de l'opération panique qui a débuté dans les dernières semaines de la campagne référendaire. Dès l'arrivée du chef de l'opposition officielle à l'avant-scène du camp du oui, les forces fédéralistes ont envisagé la possibilité d'une défaite référendaire.

Pour tenter d'éviter cette situation, et ainsi sauver les meubles, le premier ministre a promis au peuple du Québec qu'il y aurait des changements apportés au fédéralisme canadien, suite à une victoire du non. C'est cette menace, et rien d'autre, qui a forcé le gouvernement fédéral à promettre ce qu'il ne peut donner. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à se souvenir des paroles du premier ministre dans leur ordre chronologique.

(1620)

De sa déclaration du début d'octobre dans les Maritimes, alors qu'il ridiculisait l'enchâssement dans la Constitution du caractère distinct du Québec, à son refus acharné jusqu'au 24 octobre de tout changement au régime fédéral, on ne peut que constater son aversion pour la question du Québec. En fait, les promesses de changements du premier ministre, exprimées dans la dernière semaine de la campagne référendaire, ont été marquées par le sceau de l'ambiguïté, car rien de précis n'a été proposé à ce moment.

Rappelons-nous simplement les paroles du premier ministre canadien, le 30 octobre en soirée, et je le cite: «Pour la deuxième fois en 15 ans, nous venons de traverser une période difficile dans une atmosphère émotive. Il nous faut maintenant envisager des solutions innovatrices pour ne plus jamais retomber dans une telle crise existentielle.» Ce qu'il est important de bien souligner, c'est que le gouvernement fédéral, même à la toute fin de la campagne référendaire, n'avait pas de position constitutionnelle concrète et innovatrice à offrir aux Québécoises et aux Québécois. Tout au plus savait-il qu'il devait leur offrir quelque chose, mais sans plus.

La très mince, mais très mince victoire du non a obligé les fédéralistes à faire rapidement des propositions au Québec et pour ce faire, le gouvernement fédéral a créé en toute hâte un comité ministériel pour formuler ce genre de propositions. Mais, ce comité est clairement apparu, dès le moment de sa création, comme un comité bidon, sans véritable mandat, sans véritable pouvoir. Il en fut de même chez le Parti libéral du Québec, qui n'a adopté qu'en fin de semaine dernière une position constitutionnelle, si tant est qu'il s'agit là d'une véritable position constitutionnelle. En fait, tout cela s'est fait dans la plus totale improvisation par des gens qui sont toujours incapables d'entendre et de reconnaître la volonté des Québécoises et des Québécois.

La surdité des ténors du fédéralisme est devenue encore plus évidente lundi dernier, avec les propositions du gouvernement cana-


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dien. Ces propositions portent sur trois points bien précis :la formation de la main-d'oeuvre, le caractère distinct de la société québécoise, l'octroi d'un veto régional. Ces propositions se veulent, pour le premier ministre, la concrétisation des engagements pris au cours de la campagne référendaire. Mais que signifient-elles véritablement? À la lecture de ce qui est proposé, rien, absolument rien, car la solidité de ces engagements dépendra entièrement de l'humeur du gouvernement en place, étant donné qu'aucun des points concernés ne sera enchâssé dans la Constitution canadienne.

Ils seront au mieux relégués au rang de banales motions qui n'engagent personne. C'est le sort que le gouvernement libéral, que nous avons en face de nous, veut réserver à la notion de société distincte. Tout au plus, seront-ils présentés et adoptés à la Chambre des communes comme une simple loi, révocable en tout temps par le gouvernement ou par tout gouvernement ultérieur. C'est ce à quoi le gouvernement veut reléguer le domaine de la formation de la main-d'oeuvre ainsi que le droit de veto.

En fait, ce qui ressort véritablement et clairement des propositions du 27 novembre, c'est l'opposition irréconciliable des revendications traditionnelles du Québec et de la position du Canada anglais. À la lecture du projet de loi C-110, on constate que jamais encore l'octroi d'un droit de veto n'a été aussi dépourvu de toute véritable valeur. Car soyons francs, ce veto qui est apparemment offert aux Québécoises et aux Québécois ne nous est que prêté, et ce tant et aussi longtemps que le Québec agit en conformité avec la volonté du gouvernement fédéral.

Pour illustrer ce dernier aspect, nous n'avons qu'à relever la position actuelle de nos collègues du Parti réformiste au sujet du veto aux régions et de la reconnaissance du Québec comme société distincte. Pour les réformistes, il ne fait aucun doute que le Québec est une province comme les autres et que, à ce titre, ils n'accepteront jamais le concept de société distincte, et ce même si, comme c'est le cas actuellement, celui-ci ne veut absolument rien dire. Il en va de même, évidemment, en ce qui a trait au veto aux régions, ce qui signifierait pour celles-ci qu'on octroie à un gouvernement souverainiste un veto sur l'avenir du pays, du moins le prétendent-ils.

À cet effet, le chef du Parti réformiste a déjà signalé son intention de révoquer le droit de veto du Québec, de l'Ontario et des autre régions du Canada, s'il venait à prendre le pouvoir un jour. Ce faisant, il vient de démontrer clairement, de façon limpide, avant même son entrée en vigueur, le ridicule de la démarche proposée par le premier ministre canadien. En effet, étant donné que le veto proposé au Québec sera sanctionné par une simple loi, il suffira au Parti réformiste, lorsqu'il serait au pouvoir, de simplement l'abroger ou de l'amender.

(1625)

Quel paradoxe que de constater que les mécanismes qui devraient en principe empêcher que ne soit modifiée la Constitution canadienne sans le consentement du Québec puissent être aussi facilement balayés du revers de la main. En fait, étant donné que le droit de veto du Québec et des autres régions canadiennes ne sont pas enchâssés dans la Constitution canadienne, il sera toujours possible pour un parti politique, comme le Parti réformiste, de priver éventuellement le Québec du sien.

Il en va de même en ce qui concerne la motion portant sur la société distincte. Ici encore, un futur gouvernement réformiste n'hésiterait pas à révoquer cette simple motion, abolissant ainsi ce simple concept vide de sens.

Ce que le projet de loi qui nous est proposé démontre, c'est l'attitude autoritaire et paternaliste du gouvernement canadien qui refuse de défendre les intérêts du Québec. Tout ceci me fait penser à ce tour qu'aiment bien jouer certains farceurs. On dépose par terre un portefeuille qui semble bien bourré d'argent, tout en prenant bien soin de l'attacher à un fil assez mince pour que la victime ne puisse le voir. On se cache à bonne distance, derrière un buisson, et on attend notre victime. Une fois que celle-ci a été attirée par le portefeuille, elle essaie de le prendre, de le saisir, mais chaque fois le farceur tire sur le portefeuille et le rapproche vers lui. Le jeu peut durer ainsi fort longtemps, soit jusqu'au moment où il ne reste plus de fil sur lequel tirer, ou encore lorsque la victime de la farce s'est rendu compte du truc qu'on vient de lui jouer ou est devenue fatiguée de jouer à cela. Jusqu'au moment, en fait, où la victime est fatiguée de courir après quelque chose qu'elle ne pourra jamais saisir.

Il en est ainsi des promesses constitutionnelles du premier ministre. On s'est bien rendu compte cette semaine qu'il essaie de nous faire croire qu'il y a un beau paquet pour nous sur la table, alors qu'en réalité il tient le fil dans ses mains, prêt à ressaisir le paquet dès qu'il le désirera.

De plus, et c'est un fait important à noter, le projet de loi C-110 laisse une très grande latitude au gouvernement fédéral lorsque viendra le temps pour lui de définir ce qu'est ou non l'accord d'une province. Évidemment, cette situation est souhaitée par le gouvernement fédéral car il veut se garder toute la latitude nécessaire pour venir lui-même contester le droit de veto accordé à une région. Ainsi, il existe au moins sept façons pour une province de signifier son accord ou non à Ottawa.

Il pourrait s'agir d'une résolution à l'assemblée législative, d'un arrêté en conseil, d'un avis signé par le premier ministre d'une province, d'un avis signé par le lieutenant-gouverneur d'une province, d'un référendum organisé par la province, d'un référendum fédéral organisé dans la province ou dans un ensemble de provinces, ou d'un vote des députés fédéraux provenant d'une même province.

On peut donc facilement imaginer que le gouvernement fédéral pourrait intervenir par référendum, au Québec, pour venir chercher chez nous, en passant au-dessus du gouvernement québécois, démocratiquement élu par la population du Québec, cet assentiment de la province.

D'autre part, au niveau de l'acceptation du principe du veto aux régions, le gouvernement fédéral rencontre déjà une vive opposition chez certaines provinces anglophones. Ainsi, l'Alberta s'oppose à ce principe car elle croit que toutes les provinces sont égales et qu'en ce sens elle n'accepte pas de ne pas avoir son propre veto.

La Colombie-Britannique s'oppose aussi au principe du droit de veto aux régions parce que, dans sa forme actuelle, celui-ci n'en donne justement pas à cette province. Aussi, pour le premier ministre de cette province, M. Harcourt, la Colombie-Britannique devrait avoir son droit de veto, parce que selon lui, la Colombie-Britannique constitue une région en soi. On constate d'ores et déjà que ce droit de veto-et les éditorialistes, les observateurs, les analystes de la scène politique au Québec, l'ont noté ces derniers jours-ce droit


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de veto, tout comme le vague et insipide principe de société distincte, est de beaucoup et de loin en deçà de ce que le Québec a toujours demandé. Certains disent même qu'il y aurait beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre ce que le Québec a toujours demandé.

(1630)

Mais j'irai plus loin que cela: il s'agit d'un recul inacceptable, d'un recul évident pour le Québec. À partir du moment où chacune des régions obtiendrait cette espèce de veto qui influencerait les décisions du gouvernement fédéral, à partir de ce moment, le gouvernement fédéral vient de se prémunir contre toute possibilité d'enchâsser dans la Constitution la reconnaissance du Québec comme société distincte, la reconnaissance dans la Constitution canadienne d'un droit de veto pour le Québec. En accordant aux autres régions du Canada un droit de veto sur les interventions fédérales ou sur toute initiative fédérale de modification constitutionnelle, le gouvernement sait d'ores et déjà qu'il se prémunit dès ce moment contre la possibilité d'un enchâssement constitutionnel de ces principes qu'il veut essayer de nous faire avaler aujourd'hui.

Mais encore, au niveau des individus et de l'opinion publique en général, on constate une dichotomie évidente entre l'opinion publique québécoise et l'opinion publique canadienne au sujet de l'octroi d'un veto pour le Québec.

En effet, un sondage Gallup réalisé auprès de 1 005 personnes du 8 au 13 novembre dernier démontre que 66 p. 100 des Québécoises et des Québécois sont favorables à ce que le Québec un droit de veto. Par contre, seulement 10 p. 100 des répondants des autres provinces appuient un tel concept, en fait, 78 p. 100 des résidants des provinces des prairies, 77 p. 100 des résidants des provinces de l'Atlantique, 70 p. 100 des résidants de la Colombie-Britannique et 68 p. 100 des Ontariens s'y opposent.

À la lumière de ces données, on constate que le soutien populaire en faveur d'un droit de veto pour le Québec est très faible à l'extérieur du Québec. Cela vient donc renforcer la thèse selon laquelle le Québec pourrait facilement se faire enlever son droit de veto à la suite d'un changement de gouvernement au palier fédéral, puisque tout gouvernement fédéral ultérieur voudra, bien sûr, s'attirer la sympathie de l'opinion publique canadienne, désavantageant de ce fait le Québec.

En conclusion, que pouvons-nous déduire ou conclure de toute cette démarche entreprise dans le chaos et la panique par le gouvernement fédéral il y a quelques semaines à peine? Comme je viens de le signaler et de le démontrer, les propositions avancées par Ottawa en vue de répondre aux promesses faites par le premier ministre canadien au peuple québécois, lors du dernier droit de la campagne référendaire, ne sont en fait que de la poudre aux yeux. En fait, nous sommes en face d'une opération camouflage de grande envergure où le gouvernement fédéral tente de cacher à la population encore une fois son impuissance à transformer en profondeur le régime fédéral canadien.

Traditionnellement, le Québec a toujours présenté des revendications et des aspirations légitimes vis-à-vis de ce régime. Ces revendications et ces aspirations n'ont jamais, par contre, été satisfaites par ce même régime. Sachant qu'après le référendum sur la souveraineté la barre de ces revendications est définitivement plus haute que jamais, le premier ministre canadien n'a pas essayé de trouver une solution aux problèmes qui affligent le pays qu'il dirige, mais il a plutôt tenté de jouer à l'illusionniste et au réductionniste.

Le premier ministre cherche à jouer, comme je viens de le dire, à l'illusionniste parce que toute sa démarche vise seulement à faire croire aux Québécois et aux Québécoises qu'il fait un geste de magnanimité pour le Québec, mais ce qu'il ne dit pas c'est que ce geste est absolument vide de sens.

La démarche du premier ministre canadien est non seulement vide de sens, mais en plus il tente de faire croire à la population qu'il ne peut faire plus au chapitre des pseudo-changements, car le gouvernement souverainiste québécois l'en empêchera de toute façon, selon lui. Voilà donc pour le gouvernement fédéral une simple façon de jeter sur d'autres la cause des problèmes qui l'affectent.

Le premier ministre se garde bien de dire que son projet de modification de la Constitution canadienne rencontrerait une vive opposition, peut-être plus opiniâtre encore, de la part de certaines autres provinces canadiennes que du Québec lui-même. Mais non, il se contente de jeter le blâme sur le dos du gouvernement souverainiste, refusant de reconnaître par là-eux qui nous demandent de reconnaître le verdict de la population-que la population du Québec a élu ce gouvernement démocratiquement et légitimement et, pour permettre à nos collègues d'en face de s'en souvenir, que la population du Québec a élu une majorité de députés souverainistes en cette Chambre également.

Sachant cela, comment pourrions-nous accepter des offres du gouvernement fédéral qui sont tellement faibles qu'elles se situent à des années-lumière de l'Accord du lac Meech et des propositions de Charlottetown, qui elles-mêmes ne signifiaient rien ou presque.

(1635)

Comment pourrions-nous accepter d'aller en deçà de ce que Robert Bourassa même n'a jamais accepté? Qui serions-nous pour prétendre avoir l'autorité morale et politique pour nous placer dans une situation de faiblesse extrême par rapport au reste du Canada?

Non, le Bloc québécois, dont je fais partie, n'acceptera jamais d'avaliser une telle opération maquillage de la part du gouvernement fédéral canadien. Nous ne serons pas complices du premier ministre du Canada dans cette démarche stérile. Le Bloc québécois va donc voter contre ce projet de loi car il ne veut absolument rien dire pour le Québec. C'est un projet de loi vide de sens qui, en plus, ne fournit aucune garantie pour l'avenir, aucune garantie pour le Québec.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de constater que, du côté de l'opposition, on n'est pas prêts nécessairement à reconnaître le verdict populaire du 30 octobre dernier parce que l'autre jour, vous le savez fort bien, les parlementaires de l'opposition libérale à Québec ont demandé au gouvernement du Québec et à son premier ministre de respecter, et de reconnaître surtout, le verdict populaire qui s'est tenu ce soir-là.

Je trouve ça curieux que le gouvernement du Parti québécois ait refusé de reconnaître le fait que les Québécois ont opté à demeurer au sein de la fédération canadienne.

Cela étant dit, j'ai quand même quelques questions à lui poser. Pour le Québec, la motion telle que présentée, la résolution en question, c'est qu'on est là pour récupérer un droit de veto qui avait été abandonné par l'ancien gouvernement du Parti québécois, c'est-à-dire le gouvernement de 1981 dont la députée de Mercier faisait partie. Je trouve cela curieux qu'on ne veuille pas récupérer ce droit


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de veto que le gouvernement du Parti québécois avait laissé tomber en 1981.

On parle de changement, de changement et de changement sincère. On nous accusait l'autre jour, les gens de l'opposition disaient: «Vous les libéraux fédéraux vous traînez les pieds. On attend toujours. Le référendum est passé.» Là on arrive avec une proposition sérieuse qui est évidemment un pas dans la bonne direction. Mais je dois vous dire ceci, c'est que nous, si nous sommes pour enchâsser ce principe de veto, mais surtout de société distincte du Québec dans la Constitution canadienne, on demande aux provinces d'inviter le Parlement canadien à enchâsser ce concept, enchâsser cette réalité québécoise dans la Constitution canadienne.

C'est pour cela que nous demandons à l'opposition de faire la même chose car le chef de l'opposition, on le sait fort bien, appuyait le concept de société distincte pour le Québec il n'y a pas si longtemps. Malheureusement, ils ne sont pas prêts à le faire, et c'est pour cela que nous avons pris l'engagement formel de ne pas enchâsser quoi que soit dans la Constitution canadienne sans l'appui et le consentement des Québécois, mais surtout de leur Assemblée nationale.

J'invite le digne député de l'opposition à faire pression sur son chef, qui sera vraisemblablement premier ministre du Québec, pour qu'il s'engage publiquement, ici, aujourd'hui, à la Chambre des communes, à dire aux Québécois: «Je vais reconnaître moi aussi le Québec comme société distincte et demander au Parlement fédéral de s'assurer que cela fasse partie de la Constitution canadienne.»

M. Bergeron: Monsieur le Président, je remercie le digne député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine pour ses commentaires plus que pour ses questions, puisqu'il n'y avait pas beaucoup de questions dans ses commentaires.

Je dirais que, bien sûr, nous avons reconnu le verdict rendu par les Québécoises et les Québécois le 30 octobre dernier. À preuve, nous sommes toujours ici, comme députés fédéraux, à participer aux travaux de cette Chambre. Nous continuons, comme Québécoises et Québécois, à payer nos taxes et nos impôts à ce gouvernement. Nous continuons à nous plier aux lois et règlements édictés par ce régime. Nous respectons de ce fait le verdict des Québécoises et des Québécois.

Je rappellerai au digne collègue de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine que les Québécoises et les Québécois ont simplement rejeté un projet qui leur avait été proposé par le gouvernement du Québec. Ils n'ont pas, en votant non, indiqué qu'ils seraient prêts à accepter n'importe quoi. Ils n'ont même pas indiqué, en votant non, leur attachement au Canada comme le prétendent nos amis d'en face.

(1640)

Ils ont tout simplement rejeté un projet qui leur avait été proposé. C'est tout. Une chose est certaine, c'est qu'en votant non, les Québécoises et les Québécois n'ont certainement pas indiqué qu'ils allaient se contenter de n'importe quelle babiole symbolique comme celle que tente de nous faire avaler le gouvernement actuellement. Ce n'est pas là reconnaître le verdict des Québécoises et des Québécois que d'accepter ce genre de babiole. C'est plutôt le gouvernement, actuellement, qui ne respecte pas le verdict des Québécoises et des Québécois, en essayant de leur faire passer des vessies pour des lanternes.

Quant au droit de veto, le fameux droit de veto, le gouvernement continue de tenter de jouer à l'illusionniste en jetant de la poudre aux yeux, en faisant croire aux Québécois et aux Québécoises qu'ils auraient déjà eu, jadis, naguère, un droit de veto, et qu'ils auraient pu s'en servir et que, selon leurs dires, le premier ministre du Québec, à l'époque, aurait laissé tomber. Mais le premier ministre du Québec à l'époque n'a absolument rien laissé tomber. La Cour suprême, cette auguste assemblée de juges canadiens, a statué que le droit de veto, le Québec n'en avait jamais eu. Alors, on n'a pas pu laisser tomber quelque chose qu'on n'avait jamais eu.

Là, on veut nous faire croire que ce projet de loi va réintroduire cette vague notion de droit de veto qui n'a jamais existée dans les faits, nous a confirmé la Cour suprême. Mais pour qu'elle soit véritablement valide, il faut qu'elle soit enchâssée dans la Constitution et ce n'est pas ce que propose ce projet de loi, bien au contraire. Ce projet de loi nous assure que jamais il n'y aura enchâssement dans la Constitution ni du concept de société distincte ni du droit de veto du Québec, puisque les autres provinces canadiennes, les autres régions du Canada, comme les appelle maintenant le gouvernement fédéral, pourraient s'opposer par leur propre veto à cet enchâssement dans la Constitution de ces concepts essentiels que sont la société distincte et le droit de veto.

Le député d'en face devrait savoir que toute négociation constitutionnelle par le passé a visé haut et s'est ramassée avec très bas. Et là, on voudrait nous faire croire que, pour une première fois dans l'histoire, alors que le paysage politique ne s'y prête pas vraiment, on essaierait de nous faire croire qu'en présentant des demandes rabougries, en présentant des offres minimalistes au possible, on arriverait, éventuellement, à faire de ces offres des châteaux pour le Québec ou des châteaux pour le reste du Canada ou Dieu sait quoi. Évidemment, personne n'y croit, mis à part bien sûr le digne député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine.

Quant au concept de société distincte, le digne de député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine devrait savoir que les Québécoises et les Québécois sont rendus bien plus loin que ça maintenant et ne se contenteront dorénavant de rien de moins que la reconnaissance comme peuple. Le Québec est un peuple et c'est comme peuple qu'il entend être reconnu, et non pas simplement par une motion de la Chambre des communes très vague et sans aucune valeur, absolument.

Lorsqu'on parle de reconnaître le verdict du 30 octobre dernier, le député devrait savoir que jamais nous ne pourrions accepter-et c'est ce que l'actuel chef de l'opposition et futur premier ministre du Québec a indiqué-moins que Meech, qui a été rejeté, et que Charlottetown, que la population du Québec a rejeté, et ce qu'on nous propose actuellement, ce n'est même pas l'ombre de Meech et c'est encore moins l'ombre de Charlottetown.

[Traduction]

M. John Harvard (Winnipeg St. James, Lib.): Monsieur le Président, je déplore l'absence de vérité. Il arrive parfois qu'à la Chambre, la vérité soit mise à rude épreuve; c'est le cas maintenant.

Tout à l'heure, dans son discours, le député de Verchères a parlé de lui-même et d'autres séparatistes du Québec en disant qu'ils étaient des victimes. Ils vivent au Canada, un des meilleurs pays du monde, et ils ont le culot de dire qu'ils sont des victimes. Nous avons une des meilleures chartes des droits et libertés, et le député


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se dit victime. Il intervient dans la plus haute cour du pays pour vanter le séparatisme et il se dit victime. C'est le comble!

Le député dit que la balle est dans notre camp. Effectivement. Qu'a fait le premier ministre? Il a fait deux promesses précises juste avant le référendum et il est en train de les remplir.

Le député soutient que le projet de loi C-110 est une mesure minimaliste. Qu'était donc l'accord du lac Meech? Était-il minimaliste? Est-ce que les séparatistes l'ont-ils jugé acceptable? Non. Et l'accord de Charlottetown? Était-il minimaliste? A-t-il été jugé acceptable par les séparatistes du Québec? Je ne pense pas. Y a-t-il une chose sur terre qui soit jugée acceptable par les séparatistes du Québec, à part un nouveau pays? Non. Le député peut répondre: oui ou non. S'il veut être honnête, il répondra non.

(1645)

[Français]

M. Bergeron: Monsieur le Président, je remercie de sa question l'honorable député de Winnipeg St. James.

D'abord, M. le député de Winnipeg St. James aurait certainement avantage à relire mon discours demain dans le hansard, puisque je n'ai jamais prétendu que nous étions des victimes. Le Québec en est beaucoup plus loin dans son développement historique que celui de se prétendre être une victime de quoi que ce soit. Le Québec n'est pas une victime, le Québec est tout simplement un peuple.

J'ai bel et bien parlé, j'ai bel et bien dit que la balle était maintenant dans le camp fédéraliste-j'espère qu'il m'écoute dans l'antichambre-que la balle était dans le camp fédéraliste, mais il ne faut pas que le camp fédéraliste garde la balle pour lui.

Cela dit, j'aimerais revenir sur son affirmation selon laquelle les séparatistes, comme il les appelle, étaient en désaccord avec l'Accord du lac Meech et étaient en désaccord avec celui de Charlottetown. D'abord, ce qu'il faut dire, c'est que s'il relit un petit peu son histoire et s'il essaie de se rappeler un peu les péripéties qui ont entouré l'adoption de l'Accord du lac Meech, il saurait, il réaliserait qu'il y a des gens qui sont souverainistes aujourd'hui qui, à l'époque, étaient en faveur de Meech.

Le chef de l'opposition officielle en est un digne exemple. Il était en faveur de Meech. L'honorable chef de l'opposition était en faveur de Meech.

Meech ayant été rejeté et Meech ayant constitué les conditions les plus minimales que le Québec ait jamais présentées, comment pouvions-nous, souverainistes, accepter moins que Meech avec Charlottetown.

Bien sûr, pour répondre à sa question, tous les souverainistes étaient contre Charlottetown.

M. Gagliano: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de passer au recours au Règlement, j'aimerais ajouter de façon générale, on parle de «digne». Je me contente de dire que c'est agréable de voir le débat se faire d'une façon digne de cette Chambre des communes.

L'honorable secrétaire d'État a la parole sur un recours au Règlement.

M. Gagliano: Monsieur le Président, j'aimerais, par votre entremise, demander à la Chambre si on peut avoir le consentement unanime pour prolonger les heures de séance jusqu'à 23 heures ce soir pour continuer le débat sur le projet de loi C-110.

Le président suppléant (M. Kilger): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

AVIS DE MOTION CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE TEMPS

L'hon. Alfonso Gagliano (secrétaire d'État (Affaires parlementaires) et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il a été impossible d'en arriver à un accord en vertu des dispositions du paragraphe 78(1) et 78(2) du Règlement, relativement aux délibérations à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles.

En vertu des dispositions du paragraphe 78(3) du Règlement, je donne avis de mon intention de présenter une motion d'attribution de temps à la prochaine séance de la Chambre, afin d'attribuer un nombre spécifié de jours ou d'heures aux délibérations à cette étape et aux décisions requises pour disposer de cette étape.

[Traduction]

ÉTUDE À L'ÉTAPE DE LA DEUXIÈME LECTURE

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, la série de motions et la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd'hui se résument essentiellement à trois choses: le veto régional, la société distincte et des efforts visant à améliorer davantage l'économie du pays grâce à une décentralisation et à une réorganisation accrues de l'activité économique entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Que tous ces éléments doivent être examinés à la lumière du fait que dans environ 18 mois, une conférence devra se tenir entre les provinces et le gouvernement fédéral, 15 ans après la signature des ententes de 1982, pour réexaminer les dispositions relatives à la procédure de modification; il faudrait en tenir compte tout le temps. La mesure à l'étude constitue en fait, comme l'a décrite le ministre de la Justice, un pont menant à la conférence qui aura lieu dans 18 mois. Ceux qui aimeraient voir élargir la motion, la résolution et les mesures économiques pour en faire quelque chose de plus grand devraient reconnaître ce fait.

(1650)

Certaines des suggestions que j'ai entendues, notamment de la part du Parti réformiste, prendraient plus d'un an à mettre en oeuvre. Il faudrait un débat complet, des conférences et toute la même longue comédie dont nous nous rappelons à propos de l'accord de Charlottetown. Il faudrait bien comprendre que le débat que


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nous tenons à l'heure actuelle ne remplace pas la conférence de 1997 qui réunira les provinces et le gouvernement fédéral.

Je tiens à faire remarquer que la définition de société distincte est très limitée. Les termes en ont été très soigneusement choisis. Elle énonce que la Chambre reconnaît que le Québec forme au sein du Canada une société distincte et que la société distincte comprend notamment une majorité d'expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil. Ce sont des éléments importants de la réalité canadienne qui sont généralement compris et acceptés d'un bout à l'autre du pays. Où que ce soit au Canada, il est bien connu que la société québécoise se caractérise par ces trois éléments qui la distinguent de celle de toutes les autres provinces et des territoires.

Il est également important de reconnaître que le Canada n'est pas un pays homogène. C'est un pays aux nombreuses variations: variations régionales, variations quant à la population, son origine, l'histoire de la colonisation et l'évolution des attitudes. C'est cette diversité, que nous célébrons si souvent, qui fait du Canada un des pays les plus uniques au monde. C'est un aspect important de la réalité canadienne. Cette situation remonte bien avant 1867.

Il ne faut pas oublier que cette diversité veut dire que les besoins et les aspirations varient selon les régions. Par le passé, ce sont les différences entre les provinces qui ont imposé des approches différentes. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique et les modifications apportées en 1982 à la Constitution du Canada sont la preuve que nous avons toujours tenu compte de ces différences. Même si nous remontons au-delà de 1841, nous constaterons que les documents constitutionnels ont toujours reflété les différences à l'intérieur du Canada. C'est l'une des raisons pour lesquelles une si grande partie du pays a pu si bien s'épanouir. C'est la raison pour laquelle nous faisons l'envie du reste du monde.

Il est parfaitement logique et naturel de reconnaître le Québec comme société distincte. Il n'y a rien qui soit imposé à une région quelconque du pays; il s'agit de reconnaître des différences dont nous sommes tous conscients depuis que nous sommes Canadiens. Il est dans l'évolution normale du Canada de reconnaître ce caractère distinct et de faire des accommodements au moyen du projet de loi et de la résolution présentés. C'est aussi une manifestation de l'affection et de la grande fierté que les Canadiens éprouvent à l'endroit du Québec, comme nous avons pu le constater quelques jours avant le référendum.

Je voudrais parler du veto. Cette idée-là ne tombe pas des nues. Il en a déjà été question. Des dispositions sur le droit de veto ont été discutées en 1971, au moment de la charte de Victoria. Il en a été question dans de nombreuses conférences constitutionnelles, dans la presse et ailleurs. Ce n'est absolument pas une formule qui est imposée sans avertissement. C'est une manière raisonnable de reconnaître que, sur cette longue période, certaines conceptions fondamentales de la nature de notre pays sont devenues évidentes, relativement à la Constitution, au veto et, bien entendu, aux modifications apportées en 1982.

(1655)

J'insiste sur le fait que le mode de révision de la Constitution prévoit quatre catégories de modifications. Certaines exigent l'aval du gouvernement fédéral et de toutes les provinces. D'autres concernent seulement une province et le gouvernement fédéral ou peut-être même seulement une province et sa voisine. Il y a également des modifications qui exigent l'accord de sept provinces représentant 50 p. 100 de la population.

Dans ce projet de loi, le gouvernement fédéral propose simplement de réduire sa marge de manoeuvre dans l'exercice de son droit de veto. Il ne s'agit pas d'un changement constitutionnel; il est important de le reconnaître. Il n'est pas question ici de se lancer dans une grande aventure, contrairement à ce qu'ont tenté de faire les gouvernements précédents avec les accords du lac Meech et de Charlottetown, qui englobaient bien des choses, y compris, bien sûr, le droit de veto.

Permettez-moi maintenant d'aborder la question du veto accordé à l'ouest du Canada et, en particulier, à la Colombie-Britannique, ma province natale. À l'heure actuelle, pour pouvoir opposer son veto à un changement constitutionnel selon la formule de sept et cinquante, la Colombie-Britannique doit obtenir l'appui de trois petites provinces. Il faudrait donc que quatre provinces s'opposent au changement constitutionnel. Autrement dit, la règle des sept provinces ne serait pas respecté. Il faudrait alors que la Colombie-Britannique s'allie à l'une des grandes provinces, pour que 50 p. 100 de la population, ou des provinces représentant 50 p. 100 de la population, s'oppose au changement.

Selon la proposition dont nous sommes saisis, et qui ne modifie pas la Constitution, si la Colombie-Britannique s'oppose à un changement constitutionnel et obtient l'appui de l'une des trois provinces de l'Ouest, le gouvernement fédéral n'apportera pas le changement à la Constitution. Voilà pourquoi on parle de veto. En fait, le droit de veto appartient toujours au gouvernement fédéral, mais il serait exercé de cette façon. Il est très important de le préciser.

On apporte ici un changement important à l'influence que la Colombie-Britannique peut exercer sur ce droit de veto. Voilà pourquoi je trouvais qu'il était approprié que les journaux mentionnent le fait que les changements touchent la Colombie-Britannique et le Québec au même titre.

Deuxièmement, lorsque la population de la Colombie-Britannique aura suffisamment augmenté pour représenter 50 p. 100 de la population de l'ouest du Canada, cette province pourra, à elle seule, influer sur le droit de veto, tout comme le Québec et l'Ontario.

Pour l'instant, la Colombie-Britannique n'a que le tiers de la population de l'Ontario et la moitié de la population du Québec. La population de la Colombie-Britannique, qui correspond actuellement à 44 p. 100 de la population de l'ouest du Canada, atteindra sûrement 50 p. 100 dans un avenir pas si lointain. Quand? Je n'en sais rien. Je sais seulement que, au cours des 15 dernières années, la population de la Colombie-Britannique a connu une croissance remarquable d'environ 29 p. 100. Il importe de reconnaître qu'il y a eu des gains substantiels et qu'il y en aura probablement encore.

Il a été dit que cette mesure empêchera toute modification de la Constitution à l'avenir parce qu'il y aura toujours des provinces qui s'y opposeront. Il est évident qu'on ne réussira jamais à modifier la Constitution en ce qui concerne le Sénat, par exemple. À cela je réponds qu'on devrait faire confiance aux générations futures de


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Canadiens. Ces Canadiens sauront prendre des décisions tout comme nous, nos ancêtres et toutes les générations passées.

Pourquoi laisser entendre qu'ils ne seront pas capables de modifier la Constitution de façon acceptable afin de tenir compte des différences dont j'ai parlé au début de mon intervention? Bien sûr qu'ils seront capables de le faire! Nous devrions leur faire confiance à cet égard.

Monsieur le Président, je partage le temps mis à ma disposition avec le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je dirai simplement que ces propositions valables vont favoriser l'unité dans la diversité, contribuer au développement de notre pays et permettre que le Canada demeure le meilleur pays au monde.

Nous, de la Colombie-Britannique, voulons un Canada uni. Nous sommes disposés à reconnaître que des compromis s'imposent. Tout le monde ne peut pas tout avoir tout le temps. Il faut reconnaître que si l'on veut garder le Canada uni, on ne peut tout simplement pas dire non tout le temps.

(1700)

Lorsqu'on gouverne un pays, il faut faire des compromis. Ce pays que nous essayons de gouverner se trouve à être le meilleur pays au monde. Il vaut donc la peine de faire des compromis pour le garder uni. C'est le but de ces propositions.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de passer à la période de questions de cinq minutes à laquelle le ministre a droit, je dois, en conformité de l'article 38 du Règlement, faire connaître à la Chambre les questions qui seront soulevées ce soir à l'heure de l'ajournement: le député de Jonquière-Le comité présidé par le ministre des Affaires intergouvernementales; le député de Parry Sound-Muskoka-La compagnie d'assurance-vie La Confédération.

[Français]

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, j'ai entendu le ministre du Revenu national dire que le droit de veto améliorerait l'économie nationale et que le Canada était composé d'une diversité extraordinaire et que, avec cette diversité, on pouvait aussi améliorer l'économie du Canada. Il n'a jamais mentionné que, au Canada, la diversité la plus importante était le fait qu'il y avait deux nations. On n'entend jamais cela. Il ne l'a pas mentionné.

Il a aussi dit que le Canada était le plus beau pays du monde, qu'il faisait l'envie de tout le monde. Ça m'apparaît bizarre d'entendre ça encore aujourd'hui, quand le Canada a un taux de chômage de 11 p. 100 et qu'il y a des gens sur le bien-être social au Québec comme il n'y en a jamais eu de toute l'histoire du Canada. Ceci commence à nous faire un peu bizarre à entendre, quand on dit que le Canada est envié par à peu près tout le monde entier.

Il dit aussi que le droit de veto aidera à amender la Constitution. Ça m'apparaît complètement drôle à entendre et complètement inacceptable, parce que plus on donne un droit de veto, moins on a de chance de changer la Constitution. Moi, je dis que ce que le gouvernement nous propose actuellement et ce que le ministre vient de nous mentionner aussi, c'est que, justement, le fait d'avoir beaucoup de vetos veut dire, en définitive, qu'on ne pourra jamais plus faire des changements à la Constitution. C'est aussi simple que ça. C'est un piège que le gouvernement tend au gouvernement du Québec particulièrement, parce qu'on ne pourra jamais plus amender la Constitution avec ce droit de veto.

Alors, j'aimerais bien qu'il m'explique comment, en donnant des droits de veto, on peut être capable de changer la Constitution demain matin. Vous savez, c'est tout à fait le contraire. J'aimerais qu'il me prouve cela.

[Traduction]

M. Anderson: Monsieur le Président, le premier point concerne le lien entre le droit de veto et l'économie. Permettez-moi d'expliquer cela ainsi. L'économie bénéficiera d'une manière spectaculaire du règlement des querelles constitutionnelles et du fait qu'il ne sera plus question de référendum et de séparation. L'économie s'améliorera si nous adoptons sans tarder ces mesures et que nous nous attaquons aux véritables priorités de tous les Canadiens, qu'ils vivent au Québec, en Ontario, en Colombie-Britannique ou ailleurs. Nous devons relancer l'économie, réduire les taux d'intérêt et régler le problème du chômage, que le parti du député n'a jamais auparavant associé aux difficultés constitutionnelles. Heureusement, vous venez de faire cette association, et il était à peu près temps que vous reconnaissiez le lien. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Je veux simplement rappeler aux députés de s'adresser à la présidence. Cela peut parfois être très utile.

M. Anderson: Monsieur le Président, vous constaterez que, pour la première fois, le député établit un lien entre les problèmes constitutionnels et le chômage. Il est à peu près temps que le Bloc québécois reconnaisse cela, car c'est extrêmement important.

Le député ajoute qu'il ne peut y avoir de changements et des droits de veto, des droits de veto pour les provinces. Regrette-t-il que nous accordions ou que nous établissions un droit de veto pour le Québec, ce qui mettra soudainement un terme à la litanie, à la plainte monocorde du Bloc québécois que nous entendons constamment comme un bruit de fond, à son vieux refrain selon lequel le Québec sera forcé d'accepter les changements convenus par d'autres parties du Canada. C'est peut-être cela qui inquiète le Bloc québécois. L'idée, c'est que s'il y a des changements importants dont ne veulent pas les régions du Canada, le Québec, l'Ontario, les Maritimes, l'Ouest ou la Colombie-Britannique, il n'y a pas lieu de procéder à ces changements parce qu'ils sont inacceptables pour l'ensemble.

(1705)

Ne butons pas uniquement sur l'idée des modifications constitutionnelles. Il ne s'agit pas de mesures constitutionnelles. Voilà un exemple de l'ingéniosité des Canadiens. Voilà un exemple de l'ingéniosité du premier ministre, qui surmonte les problèmes sans devoir nécessairement faire intervenir la Constitution. Si, dans l'avenir, les gens souhaitent des changements, des arrangements administratifs qui amélioreraient le gouvernement du Canada, je parie que les futures générations de Canadiens sauront aussi bien


17060

que nous les aménager à l'extérieur comme à l'intérieur de la Constitution.

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi que de prendre part à ce débat aujourd'hui. En tant que ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, je commencerai par répéter les propos que le premier ministre a tenus hier au sujet des autochtones, et je cite:

En ce qui a trait aux peuples autochtones du Canada, mon gouvernement a déclaré publiquement qu'il respectait leurs aspirations. Nous reconnaissons la position juridique unique dans laquelle sont les peuples autochtones, y compris la protection de leurs droits, ancestraux ou issus de traités, dans la Constitution canadienne, y compris le droit inhérent à l'autodétermination.
Que cela signifie-t-il? Cela signifie que nous devons écouter, et je m'adresse aux séparatistes, quand le grand chef Matthew Coon-Come dit que les séparatistes idéologiques ne les traiteront pas comme du bétail, les déplaçant d'un territoire à l'autre. Nous devons écouter, quand les Inuit votent non à 95 p. 100, quand les Cris votent non à 96,3 p. 100 et quand les Montagnais votent non à 99 p. 100. Nous devons écouter.

Le premier ministre a proposé de reconnaître le Québec comme société distincte. Il a proposé qu'aucune modification constitutionnelle touchant le Québec ne soit faite sans son consentement. Je veux être présent lorsque le chef du Bloc québécois votera contre cette motion parce qu'il confirmera ainsi que son seul objectif est la séparation pure et simple. J'en conclus que lorsqu'il pose son regard sur le fait français au Canada, il ne voit que son propre reflet.

Peut-être que j'en perds. Jour après jour, je viens à la Chambre et je vois le député de Bourassa qui vient du Chili. Il est un réfugié politique qui est venu au Canada. Fait à remarquer, Canada est un mot iroquois signifiant grand village. Québec est un mot micmac signifiant là où l'eau déborde. Le député de Bourassa siège ici, dans une institution britannique, et se demande s'il devrait porter un nom mohawk ou iroquois, pendant que les contribuables paient son salaire. S'il pense assez longtemps et s'il est réélu, il touchera une pension. Seul un pays comme le Canada peut être aussi tolérant. Quelle démocratie, mais c'est un fait.

Étrangement, il y a 15 ans, j'ai prononcé mon premier discours dans cette enceinte. J'étais là-bas. Le premier discours qu'un député prononce est le plus important. On a derrière soi toute une expérience de vie et on veut dire ce qui est important pour soi. Mon premier discours portait sur les Canadiens-français, sur leur contribution à l'identité du pays. J'arrivais du CRTC et je siégeais en compagnie de Rhéal Therrien, qui était alors vice-président. Il me disait: «Ron, un pays, ce n'est pas un bout de papier, c'est un état d'esprit.»

Il est tellement important pour moi de parler de mon expérience de la vie. En tant que député de Sault Ste. Marie, j'ai parlé du fait français, du fait canadien français au Canada. J'ai parlé du biculturalisme et de son importance, ainsi que du multiculturalisme. À cela, j'ajouterais la culture et les aspirations des premières nations du Canada.

Vous me voyez tous les jours me battre pour les droits des autochtones, mais je me suis battu avec autant d'énergie pour les droits des Canadiens-français parce que je viens d'une région du Canada où on compte 700 000 Franco-Ontariens. Vous ne voulez même pas avoir l'air de reconnaître qu'il y a des endroits. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Irwin: Le Bloc ne veut même pas reconnaître qu'il y a des endroits comme Dubreuilville, Chapleau, Timmins et Sudbury en Ontario et que 700 000 francophones y vivent. Que leur arrivera-t-il? Le Bloc s'en moque.

(1710)

Nous vivons avec ces gens depuis des générations. Ils sont notre famille. Ils sont nos voisins. Nous partageons nos écoles avec eux. Le Bloc s'en moque. Il s'en moque éperdument. J'en suis convaincu. Il se moque des Acadiens. Il se moque des Franco-Manitobains. Tout ce qui lui importe, c'est son programme.

Les bloquistes parlent de Cartier, de Champlain et de LaSalle. Ces hommes sont des héros canadiens et sont tout aussi importants dans mon histoire que dans celle de n'importe lequel séparatiste. Il y a aussi Guy Lafleur, le Cardinal Léger et les géants canadiens français du monde de l'industrie et du monde scientifique sur la scène internationale. Je me rappele de ces gens.

Je rappelle aux séparatistes que, ces 25 dernières années, sauf pendant un intervalle de quelques mois, tous les premiers ministres du Canada étaient des Québécois. Je rappelle au Bloc que nous sommes le parti de Laurier, un premier ministre qui se souciait du sort des Canadiens-français hors Québec et hors Canada. Si Laurier voyait aujourd'hui le chef du Bloc québécois, il en pleurerait.

Je peux dire la même chose des réformistes qui pensaient que l'accord du lac Meech allait trop loin. Ils se sont opposés à l'accord de Charlottetown parce qu'il allait trop loin. Aujourd'hui, j'ai entendu dire qu'ils ne pouvaient pas appuyer le projet de loi parce qu'il n'avait qu'une petite page. J'ai vu dans quel sens ils ont voté sur les questions autochtones. Je vois comment ils traitent les francophones d'ici.

J'ai été choqué d'entendre le parti qui veut que nous chantions le Ô Canada à la Chambre, le Parti réformiste, dire pendant une semaine que 50 p. 100 des voix plus une dans un référendum où la question était boiteuse et frauduleuse auraient suffi à diviser et à détruire le Canada. Ils seraient prêts à détruire cette terre généreuse et historique avec 50 p. 100 des voix plus une. Je trouvais le Parti réformiste intéressant, mais je crois maintenant qu'il est dangereux si c'est là le genre de philosophie qu'il propage d'un bout à l'autre du pays.

Je ne sais pas comment convaincre les députés du Bloc. Ce qu'ils sont en train de détruire, c'est l'esprit des Canadiens français, ces gens qui étaient au pied des Rocheuses, qui ont exploré la baie d'Hudson, qui ont ouvert le Mississippi.


17061

Je suis rentré avant-hier de Williams Lake, en Alberta. Au nord de Williams Lake, il y a une ville du nom de Quesnel, en Colombie-Britannique. Je connaissais l'existence de cette localité depuis 15 ans, mais je n'y étais jamais allé. Je me suis retrouvé là-bas. Peut-être était-ce parce que je devais prononcer ce discours aujourd'hui. Le hasard fait bien les choses. Fraser, l'explorateur qui a découvert le grand fleuve du même nom, est passé à l'histoire. Il avait un meilleur agent de publicité, mais les neuf pagayeurs dans son canot étaient des Canadiens-français et ce sont les autochtones de la région qui lui ont montré le chemin.

C'est ça mon Canada. C'est ma conception de qui nous sommes. Il y a quinze ans que je suis prêt à lutter jusqu'à ma mort pour défendre les aspirations de la minorité francophone de ma région, le nord de l'Ontario. Je suis prêt à rester ici et à réaffirmer cet engagement.

Lorsque je voterai personnellement sur cette résolution la semaine prochaine, je ne le ferai pas timidement. Je ne le ferai pas, comme le dit le chef des séparatistes, pour des raisons d'opportunisme politique. Je le ferai avec fierté parce que je crois que c'est important pour mon pays.

Cent cinquante mille personnes ont participé au grand rassemblement à Montréal. Il y avait des Canadiens-français fédéralistes. On a tort de dire que les Québécois sont séparatistes. Il y des Canadiens-français fédéralistes endurcis au Québec et ils étaient à ce rassemblement. Pourquoi sommes-nous allés ensemble là-bas? Pour dire que nous aimons notre pays.

Le chef du parti séparatiste se moque de cet amour. Il s'en moque. Il essaie de détruire l'ancien premier ministre Trudeau en se moquant de lui. Il essaie chaque jour de détruire notre premier ministre actuel en se moquant de lui également. Si Louis Saint-Laurent ou Laurier étaient ici aujourd'hui, les séparatistes feraient la même chose. Je le vois chaque jour. Cela fait partie de leur programme.

(1715)

Dans ma ville, Sault Ste. Marie, deux mille travailleurs de l'acier se sont présentés à une réunion un vendredi ou un samedi. C'était une affaire de deux jours. Ils ont levé leurs chapeaux lorsque nous avons chanté l'hymne national. C'était étonnant. Je n'avais jamais vu cela. Il faisait froid. Le jour suivant, 1 000 personnes se sont présentées à Sault Ste. Marie. Elles ont brandi des drapeaux du Canada et des drapeaux du Québec. J'ai regardé et j'ai vu des jeunes qui disaient: «Nous vous aimons. Nous voulons que vous restiez.» C'était la première réunion pour ces jeunes enfants. Ils m'ont regardé et m'ont dit: «Ne détruisez pas ce pays.» C'est notre Canada.

Les Haïdas de la Colombie-Britannique ont un credo. Ils disent: «Nous n'héritons pas cette terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants.» Cela devrait être notre credo.

Mes ancêtres sont venus d'Italie et d'Irlande. Ils étaient très pauvres. Des Irlandais, j'ai appris que je devais rendre quelque chose en retour. Je suis le quatrième politicien de ma famille. Mon grand-père Alfred était conseiller, mon oncle Tom était maire, mon oncle Fred était conseiller et j'ai moi-même été maire. Ils disaient qu'il fallait rendre quelque chose en retour.

Quant à mes ancêtres italiens, ma grand-mère, qui ne parlait que l'italien, à dû quitter Rome en train, seule avec ses huit enfants, pour aller prendre le bateau jusqu'à Halifax et, de là, elle se rendre jusqu'à Sault Ste. Marie pour y rejoindre mon grand-père. Elle ne pouvait pas se débrouiller seule dans la langue de son nouveau pays et elle avait huit enfants avec elle. Si elle était ici aujourd'hui pour voir son petit-fils siéger au Parlement, elle serait très fière. Ma grand-mère m'a appris que ce pays est le meilleur pays au monde. Et c'est vrai.

J'ignore s'il y a une vie après la mort. J'espère que oui, car dans ce cas Laurier, ma grand-mère et mon grand-père doivent sûrement me dire de là-haut: «Vas-y!» Et c'est ce que nous devrions faire.

[Français]

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, je voudrais seulement faire quelques remarques au ministre des Affaires indiennes.

D'abord, il y a quelque chose que je ne comprends pas, pourtant je suis ici, à Otttawa, depuis quelques années. Comment se fait-il que le gouvernement fédéral se sert des Amérindiens comme bouc émissaire, dans bien des cas, pour discréditer les Québécois? Il va peut-être l'avouer aujourd'hui, puisque son sous-ministre, encore hier, a avoué qu'il fallait récompenser financièrement les Amérindiens du Québec d'avoir voté non.

Je me souviens aussi qu'on s'est servi des Amérindiens pour faire des revendications à New York, au cours des années passées, afin de bloquer le projet de la Baie James, de Grande-Baleine.

C'est assez remarquable de voir le ministre flatter les Amérindiens aujourd'hui et essayer de dire aux Québécois qu'il les aime, qu'il veut aider le développement économique et social, pendant qu'en même temps le même ministre se sert des Amérindiens comme bouc émissaire pour empêcher le Québec de se développer sur le plan de l'hydroélectricité, par exemple.

Bien sûr, il n'est pas facile de prouver tout cela. Mais toute personne qui est suffisamment intelligente, qui s'occupe du développement économique et de la politique s'en rend très bien compte, et les Québécois sont très au courant de tout cela. On a tout fait en se servant des Amérindiens comme bouc émissaire pour bloquer des grands projets de développement économique du Québec, pour favoriser probablement d'autres énergies comme l'uranium ou le pétrole de l'Ouest. Tout cela est épouvantable.

Si le ministre des Affaires indiennes croit qu'on peut lui faire confiance, il se trompe. On a eu trop d'exemples qui nous prouvent le contraire, et les Québécois ne se laisseront pas faire aussi facilement.


17062

Quand il parle des gens de Sault Ste. Marie, je suis d'accord avec lui et je les remercie. Mais probablement qu'ils voulaient se faire pardonner parce que, deux ou trois ans auparavant, ils piétinaient le drapeau du Québec. Il devrait s'en souvenir. Ces gens-là on voulu, bien sur, se faire pardonner, je les comprends et je l'apprécie. On s'en souvient très bien. Toutes les télévisions l'ont montré. Les gens de Sault Ste. Marie ont piétiné le drapeau du Québec deux ou trois ans auparavant. Aujourd'hui, ils voulaient se faire pardonner. Nous sommes contents qu'ils le fassent, nous apprécions leur geste. Mais qu'on arrête de nous faire croire toutes sortes de choses.

(1720)

[Traduction]

M. Irwin: Monsieur le Président, j'invite le député à lire mes discours et à vérifier mon dossier. Je ne ferais pas partie du Cabinet si j'avais les idées que me prête le député.

Pourquoi sont-ils préoccupés par les séparatistes au Québec? Est-ce parce que leur premier ministre parle des ethnies? On sait ce que leur vice-premier ministre a fait. Un député à l'Assemblée nationale a dit des autochtones qu'ils étaient des gitans. Max Gros-Louis, chef des Hurons, a traité les séparatistes de racistes.

Les séparatistes entretiennent un mensonge. Ils affirment que le territoire canadien peut être divisé, mais pas celui du Québec. C'est un mensonge. Qu'ils se rappellent la frontière de 1898. Qu'ils se souviennent aussi de la règle de l'intégrité territoriale et des territoires cri, mohawk, abénaki et micmac. Chaque fois que les séparatistes reprendront ce mensonge, ce ministre va répéter ce que j'ai dit au Québec dans chaque maison, aux Nations Unies et à Genève.

Le président suppléant (M. Kilger): Nous devons maintenant reprendre le débat. Je crois que nous avons dépassé les cinq heures de débat. Nous passons donc maintenant à l'étape suivante, qui est constituée d'interventions de dix minutes sans questions ni observations.

Je fais appel à la collaboration des députés. Comme il est 17 h 23 et que la députée de Calgary-Sud-Est a droit à dix minutes, je ne tiendrai pas compte de l'heure avant 17 h 33.

Des voix: D'accord.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je remercie la Chambre d'avoir donné son consentement.

La dernière chose que j'ai entendue, hier soir, avant d'aller me coucher, c'est ce qu'a dit Jason Moscovitz à l'émission The National au sujet de la monotonie de ce débat et du fait que nous revenions une fois de plus au débat qu'avaient occasionné les accords du lac Meech et de Charlottetown. Tout ce débat a été marqué par la monotonie, parce que la Chambre était presque vide, que les tribunes étaient désertes et qu'il n'y avait personne pour injecter un peu de passion ou d'enthousiasme au débat sur la question du Canada.

En m'éveillant ce matin, j'ai pensé que je devais rappeler cela à la Chambre aujourd'hui, parce que je crois qu'il faut se rappeler des circonstances qui nous ont amenés là où nous en sommes maintenant. J'ai donc pensé que je devais le souligner à partir de mon siège aux Communes. Ce siège est une place privilégiée pour moi, parce que c'est d'ici que j'assiste depuis deux ans aux travaux de la Chambre des communes, que je vois les députés collaborer quand c'est nécessaire et tenir des débats raisonnés.

Avec le temps, quelque chose s'est produit. Nous avons maintenant des échanges pleins de rancoeur et d'amertume de part et d'autre de la Chambre. Je me suis interrogée à cet égard en repensant au discours du Trône de janvier 1994. Je me suis rappelée que le chef de l'opposition officielle avait dit ce jour-là, au sujet des responsabilités d'un parti d'opposition: «Nous allons donc les assumer, ces responsabilités. Nous le ferons de façon loyale, correcte et résolue. Nous savons que c'est aussi ce que veulent les Québécoises et les Québécois qui ne nous pardonneraient pas de nous comporter autrement.»

Même si l'on y voit difficilement un aperçu du débat d'aujourd'hui, je crois que, par ces propos, le chef de l'opposition disait en fait qu'il voulait travailler de façon démocratique pour le bien de ses électeurs et pour le reste du Canada. Sa façon de voir les choses en est une que nous devons toujours respecter, parce que c'est sa vision des choses, tout comme le premier ministre a sa propre vision et que la direction de notre parti présente aussi sa propre perspective.

Mais aucun de nous ne respecte ça. Nous avons oublié que nous devrions coopérer et que nos vies professionnelles se passent l'intérieur de ces murs. Les propos que nous nous lançons de part et d'autre n'ont plus aucun sens. Il n'est pas étonnant que chacun se sente un peu amer.

Ce jour-là, le premier ministre a dit: «En unissant leurs efforts pour instaurer un meilleur climat économique, rationaliser les finances publiques, restaurer l'intégrité parlementaire et poursuivre un plan d'action constructif et novateur pour notre société, mes ministres sont convaincus de réussir à protéger et à renforcer l'unité canadienne.» Que s'est-il passé entre ce jour et aujourd'hui, alors que nous examinons des amendements constitutionnels, le droit de veto constitutionnel et la société distincte? Il y a deux ans, le premier ministre avait promis aux Canadiens que les choses ne se passeraient pas ainsi à la Chambre des communes.

Avant les élections, le 12 octobre 1993, notre chef a dit: «Personnellement, je crois que les Canadiens ont la capacité et le désir de définir les enjeux des élections mais aussi le type de Canada qu'ils veulent pour eux-mêmes et leurs enfants au XXIe siècle. En d'autres termes, je crois qu'il est possible qu'une nouvelle conception du Canada émerge de la base si nous laissons vraiment la possibilité aux gens de dire ce qu'ils pensent.»

Nous sommes arrivés ici comme représentants d'un parti différent aux vues différentes. On ne nous a jamais dit que la différence était une bonne chose. On nous a toujours dit que c'était mauvais. Personne n'était capable de voir dans cette différence une idée nouvelle, une conception nouvelle, une façon différente de voir ce pays. On nous a toujours dit que nos idées étaient mauvaises, que nous étions de piètres représentants à la Chambre. La tribune de la presse a dit que nos idées étaient mauvaises. Comment un bande de péquenauds, une bande de rustres venue de l'Ouest pourrait-elle avoir une bonne idée à proposer? C'était notre façon de voir les

17063

choses et on aurait dû la respecter, mais on ne l'a jamais fait. Elle ne l'a jamais été en partie à cause de la raison même pour laquelle nous sommes en train de débattre aujourd'hui de questions constitutionnelles et de société distincte.

Je demande à tous les députés de se rappeler pourquoi nous sommes ici. Ce sont nos électeurs qui nous ont envoyés ici. Nous avons oublié que notre rôle est de les représenter. Nous ne sommes pas seulement en train de préparer les élections de 1997. Nous sommes en train de travailler au renouveau du Canada, à une nouvelle conception du Canada pour l'an 2050. C'est une chose que nous ne devons pas perdre de vue dans ce débat. Nous sommes en train de revoir notre conception de ce pays pour le prochain millénaire, pour nos enfants et leurs enfants. Nous leur laissons en héritage, excusez mon langage, un véritable bordel.

La question de l'unité ne va pas être résolue en créant un comité, un petit comité formé d'un petit nombre de gens aux idées mesquines. Ces questions ne seront résolues que si on les soumet au peuple. Ce sont les gens de ce pays qui vont faire la différence. Ce sont eux le coeur et le moteur du Canada. Nous pouvons débattre cette question jusqu'à ce que nous soyons blancs de fatigue et d'épuisement et en sortir aigris. Mais pour ma part, je crois que notre pays vaut la peine qu'ensemble nous cherchions à le préserver.

Peut-être est-ce que les gens de l'Ouest comprennent qu'ils ont l'occasion de participer au débat, mais les Québécois et les Canadiens de l'Est doivent eux aussi reconnaître que c'est pour nous tous l'occasion de débattre la question. Le débat devrait déborder de la Chambre des communes et être repris par tous les Canadiens.

Eugene Forsey a écrit dans ses mémoires: «Je suis convaincu que les Canadiens, francophones comme anglophones, seront capables d'affronter l'avenir ensemble, unis par leur tempérament héroïque, leur volonté de fer et leur détermination à aller de l'avant sans jamais abandonner.» C'est ce que nous devons faire dans cette Chambre. L'amertume des propos que nous entendons quotidiennement devra faire place un jour à de arguments raisonnés, à des idées nouvelles, à une vision de ce que sera le prochain millénaire. Je crains que l'orientation que nous prenons nous empêchera de reconnaître dans nos concitoyens des collègues, des Canadiens.

Le député de l'opposition officielle est devenu un politicien très amer. Je l'ai constaté au cours de ces deux années. C'est triste à voir.

Le premier ministre, en qui les Canadiens avaient placé tous leurs espoirs et qui jouissait de leur affection et de leur appui, a perdu son enthousiasme et est à court d'idées pour renouveler ce pays. Nous sommes revenus au lugubre débat de Meech et de Charlottetown.

Je ne prétends pas que le Parti réformiste a toutes les réponses. Mais tant que les Canadiens ne se mettront pas tous ensemble à la tâche, même la meilleure des visions devra rester cantonnée dans sa petite partie de notre pays balkanisé. Je prie que cela n'arrive jamais.

Je ne peux appuyer ce projet de loi parce qu'il concentrerait le pouvoir entre les mains des gouvernements et non pas des Canadiens. Je n'oublie pas pourquoi les électeurs de Calgary-Sud-Est m'ont envoyée ici. C'est pour que leurs espoirs, leurs rêves et leur vision du Canada prennent forme au cours du troisième millénaire.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________


17063

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS RECUEILLIS PAR CERTAINES PERSONNES MORALES

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 26 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-315, Loi visant à compléter la législation canadienne en matière de protection des renseignements personnels recueillis par certaines personnes morales, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur d'intervenir à la Chambre ce soir pour parler d'une question d'une grande importance: la protection des renseignements personnels. Je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi C-315, qui nous aidera à mieux protéger les renseignements personnels des Canadiens. Depuis la présentation du projet de loi C-315 à la Chambre, de nombreux événements se sont produits dans ce dossier. Plusieurs groupes ont demandé au gouvernement fédéral d'intervenir afin de protéger les renseignements personnels des Canadiens.

Premièrement, l'Association canadienne de normalisation a perfectionné ses codes de protection volontaire des renseignements personnels et a réitéré sa volonté de les voir mis en application.

Deuxièmement, le Centre pour la promotion de l'intérêt public, dont le siège social se trouve à Ottawa, a publié un document intitulé «Surveying Boundaries: Canadians and their Personal Information».

Troisièmement, le Conseil consultatif de l'autoroute de l'information, créé par le ministère de l'Industrie, poursuit ses efforts en vue de faire reconnaître ses recommandations concernant les renseignements personnels.

La protection des renseignements personnels préoccupe sérieusement tous les Canadiens. Si nous ne commençons pas à nous préoccuper de la collecte et de l'échange non autorisées de renseignements personnels sur les Canadiens dès maintenant, nous ne serons peut-être pas en mesure de l'empêcher à l'avenir.

Le projet de loi C-315 nous donne la possibilité de nous opposer à cette invasion de la vie privée avant qu'elle échappe à tout contrôle. Les nouvelles technologies et l'accès universel au réseau Internet ont accéléré le problème et une action immédiate du gouvernement est essentielle.


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Voici ce que disait le magazine The Economist:

Individuellement, la plupart des nouvelles technologies sont introduites pour des raisons parfaitement bénignes. Toutefois, leur effet cumulatif est de mettre en péril la sécurité des renseignements personnels. Est-il vraiment acceptable que la plupart de nos gestes, même les plus anodins, soient enregistrés puis vendus au plus offrant? La plupart des gens estiment qu'ils ont droit à la vie privée et ils sont furieux lorsqu'on y porte atteinte.
La croissance de la technologie informatique facilite la tâche des Canadiens, mais à quel prix? Je crains sincèrement que la vie privée des Canadiens ne soit mise en danger chaque jour et cela à leur insu. Les sociétés recueillent régulièrement des renseignements à leur sujet, chaque fois qu'ils utilisent une carte de crédit, achètent quelque chose au téléphone ou s'abonnent à un périodique.

Un document d'Industrie Canada, publié en octobre 1994, disait:

Bien que chacune des techniques de l'information présente des caractéristiques différentes, elles contribuent toutes à établir une capacité sans précédent de surveillance de chaque homme, femme et enfant, qu'il s'agisse d'un client, d'un étudiant, d'un employé, d'un patient, d'un contribuable ou d'un bénéficiaire de services gouvernementaux. C'est cette tendance croissante à utiliser des systèmes informatiques pour limiter notre liberté, notre potentiel vital, que les défenseurs de la protection de la vie privée et les écrivains d'ouvrages de science fiction trouvent tous singulièrement inquiétante.
(1735)

À quoi servira le projet de loi C-315? Le projet de loi C-315 vise à exercer un contrôle sur la collecte et l'échange de renseignements personnels. On entend par là le nom d'un particulier, son numéro de téléphone, l'adresse et le numéro de téléphone de son lieu de travail, ses caractéristiques physiques identifiables, sa religion, son origine sociale ou ethnique, ainsi que d'autres renseignements sur son éducation et sa situation financière. Ces renseignements peuvent être enregistrés de bien des façons: électroniquement, sur un disque rigide ou mou; manuellement, sur du papier ou un microfilm; ou encore, virtuellement, c'est-à-dire dans la mémoire d'un ordinateur ou dans un réseau électronique.

Le projet de loi C-315 exigera que toutes les compagnies régies par le Code canadien du travail se conforment à des lignes directrices très strictes en matière de protection des renseignements personnels. Avant de vendre toute liste contenant des renseignements personnels sur une personne, il faudra lui faire parvenir un avis comportant, premièrement, une énumération précise des renseignements personnels que la compagnie possède sur elle, deuxièmement, une demande de consentement pour que son nom reste sur la liste et, troisièmement, la mention qu'elle peut en tout temps faire retirer son nom de la liste sans qu'il lui en coûte un sou.

En outre, la compagnie qui a acheté et utilise une telle liste doit faire parvenir à la personne en question un avis comportant la provenance de la liste, une énumération des renseignements personnels apparaissant sur la liste et la mention qu'elle peut faire retirer son nom de la liste. La compagnie doit, dans les dix jours de la réception d'une demande de retrait, se conformer à la demander et faire parvenir à la personne en question une confirmation du retrait.

Tout contrevenant est passible d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire. En cas de première infraction, la compagnie ou le particulier déclaré coupable peut devoir acquitter une amende maximale de 5 000 $. En cas de récidive, l'amende maximale s'élève à 10 000 $. Les accusations devront être portées moins d'un an après que l'infraction a été commise.

Le député de Cariboo-Chitcotin qui a présenté le projet de loi est tout disposé à alourdir ces peines si le Comité de l'industrie qui est chargé d'étudier cette mesure législative les juge trop légères. Les membres du comité pourrait également songer à renforcer le projet de loi afin d'empêcher la location de listes de renseignements personnels.

Au mois de septembre, l'Association canadienne de normalisation a publié une série de codes en matière de protection des renseignements personnels après consultation d'un grand nombre d'organismes et d'associations. Elle a voulu élaborer son système de codes «parce qu'il est de plus en plus question d'élargir la gamme des approches innovatrices en matière de protection des renseignements personnels sur l'autoroute de l'information».

L'ennui, c'est que le respect des codes se fait sur une base strictement volontaire. Malgré sa valeur, le système de codes est un solution purement symbolique et est impuissant à protéger les consommateurs contre les compagnies rapaces qui ne se soucient guère de protéger la vie privée d'autrui. L'association elle-même reconnaît qu'aucun de ces codes n'a vraiment force de loi contrairement aux codes de protection de la vie privée élaborés aux termes d'une loi et soumis à la surveillance d'un organisme de protection des données.

De plus, l'association admet également qu'en fin de compte, le succès du modèle ACNOR dépendra des diverses mesures incitatives qui pourraient encourager l'enregistrement. Il est question notamment de la persuasion, du désir d'éviter toute mauvaise publicité et de l'utilisation des normes de protection de la vie privée à des fins compétitives.

Est-ce réaliste? Il sera difficile de convaincre des entreprises qui profitent d'une industrie qui représente 300 millions de dollars par année en utilisant la persuasion ou en comptant sur le fait qu'elles ne veulent pas de mauvaise publicité. Même si le code ACNOR peut persuader certaines organisations d'agir de façon plus responsable, la plupart des organisations ne l'utiliseront que si cela leur convient ou si elles sont forcées de s'y conformer.

L'ACNOR note qu'en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas, où des règlements prévus par la loi viennent compléter les codes de protection de la vie privée, on protège les citoyens plus efficacement. Au Canada, si nous combinons le code de l'ACNOR au projet de loi C-315, qui a une portée législative, on offrira aux consommateurs une véritable protection de leur vie privée.

Le Centre pour la promotion de l'intérêt public est un groupe sans but lucratif qui se préoccupe également de la protection des renseignements personnels. Dans un récent document, le centre a fait enquête pour voir si un problème se posait et il s'est aperçu que 76 p. 100 des Canadiens croient qu'ils ont moins de contrôle sur leurs renseignements personnels qu'il y a dix ans. De plus, 95 p. 100 des Canadiens veulent être informés au sujet des processus de collecte des données et de l'utilisation qu'on peut faire de ces renseignements personnels. Par ailleurs, 94 p. 100 insistent pour qu'on obtienne la permission des intéressés avant de transmettre des renseignements à une autre organisation. Enfin, 86 p. 100 veulent


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comprendre comment la nouvelle technologie peut affecter leur vie privée. À la lumière de la recherche effectuée par cette organisation, il est clair que les Canadiens s'inquiètent vivement de leur vie privée.

(1740)

Le projet de loi C-315 assurerait une protection législative sans qu'il en coûte un sou de plus aux contribuables. C'est le chaînon manquant que les groupes de revendication réclament. Le député de Cariboo-Chilcotin m'a garanti qu'il allait appuyer les amendements que le comité de l'industrie pourrait proposer lorsqu'il examinera ce projet de loi, mais nous devons agir rapidement. Chaque jour qui passe, on va recueillir et vendre un peu plus de renseignements personnels sur les citoyens.

Je voudrais, en terminant, vous citer un passage d'un livre, d'un guide de survie du consommateur dans un monde sans argent.

En tant que consommateurs, nous nous sentons souvent incapables de changer le statu quo, mais les pressions publiques peuvent réussir lorsque suffisamment de gens s'offusquent de pratiques qu'ils jugent répréhensibles ou injustes. La seule façon de changer les choses, c'est que nous, à titre de consommateurs et de citoyens, exigions une divulgation plus complète, une meilleure protection de notre vie privée et des procédures plus efficaces en matière de sécurité.
Nous ne pouvons plus attendre. Les consommateurs et les citoyens exigent des modifications aux règles qui protègent les renseignements personnels. Le projet de loi C-315 est une réponse à une préoccupation que tous les députés partagent avec leurs électeurs. J'exhorte la Chambre à appuyer ce projet de loi pour que nous puissions commencer à protéger la vie privée de tous les Canadiens.

M. John Harvard (Winnipeg St. James, Lib.): Monsieur le Président, lorsque le projet de loi C-315 a été débattu pour la première fois à la Chambre des communes, en octobre, je dois dire que j'ai été impressionné par les renseignements que le député nous a présentés pour l'étayer. Je crois comprendre que la première plainte présentée au député de Cariboo-Chilcotin provenait d'un particulier dont le nom s'est retrouvé sur une liste d'envoi de matériel pornographique et qui était incapable d'en faire interrompre la livraison. Bien que ce genre d'utilisation abusive de renseignements personnels ne soit pas le plus dommageable, je pense que nombre de Canadiens conviendront qu'il s'agit d'un cas des plus irritants et qu'il peut donner aux gens un sentiment de frustration et d'impuissance.

Cependant, le projet de loi du député ne pourra rien pour mettre fin à ce genre de violation de la vie privée. Je partage les préoccupations exprimées par le Parti réformiste au sujet de ce genre d'abus, mais si le Parlement doit intervenir par voie législative, aussi bien nous assurer que nous réglerons véritablement le problème.

Voici quelques-unes des lacunes du projet de loi C-315. Premièrement, il ne s'appliquerait qu'aux personnes morales. Beaucoup de ces envois proviennent de particuliers ou de petites sociétés de personnes qui ne seraient donc pas visés.

Deuxièmement, il ne s'appliquerait qu'au petit nombre de sociétés qui exercent une activité réglementée par le gouvernement fédéral. Ainsi, les banques, les entreprises de télécommunications et l'industrie de la radiodiffusion seraient incluses, mais pas les petits entrepreneurs.

Troisièmement, le projet de loi ne toucherait pas les expéditeurs établis à l'extérieur de nos frontières, par exemple, aux États-Unis.

Quatrièmement, il traite uniquement des noms de personnes qui figurent sur des listes ou des listes nominatives, comme on appelle cette pratique dans la loi québécoise sur la protection de la vie privée, qui s'applique au secteur privé.

Puisque, de nos jours, les technologies évoluent très rapidement et l'information est recueillie et transmise par des moyens nouveaux et très variés, on ne parlera peut-être bientôt plus de listes, car l'information se transmet facilement et est recueillie automatiquement. Il n'est plus nécessaire de remettre une bande informatique à quelqu'un pour lui communiquer des renseignements.

Lorsque l'on parle de protection des renseignements personnels, nous voulons parler de l'utilisation de ces renseignements dans le sens le plus large possible. Les règles que nous élaborons devraient toucher tous les secteurs de l'économie, et pas seulement le marketing direct.

Au lieu de travailler sur ce projet de loi, nous devrions appuyer les travaux qu'effectue depuis plusieurs années l'Association canadienne de normalisation, la CSA. En septembre de cette année, un comité de consensus a adopté un code type en matière de protection de la vie privée après trois années de travaux auxquels ont participé des représentants de l'industrie et des consommateurs ainsi que des fonctionnaires fédéraux et provinciaux.

Ce code de pratiques justes en matière d'information sera publié prochainement comme norme nationale pour le Canada. Cette initiative a reçu l'appui d'un large éventail d'organismes du secteur privé, notamment de l'Association canadienne du marketing direct.

(1745)

De fait, le 3 octobre, le président de cette association a demandé au ministre de l'Industrie de présenter à la Chambre un projet de loi fondé sur la norme de l'ACNOR et d'encourager les provinces à en faire autant dans leur sphère de compétence.

Je crois savoir que la question fait actuellement l'objet d'une étude aux ministères de l'Industrie et de la Justice. Il s'agit de trouver des moyens permettant de bien protéger les renseignements personnels dans tous les secteurs de l'économie et dans l'ensemble du pays. Il s'agit d'une question complexe et d'une grande portée, car la disponibilité et l'utilisation croissantes des renseignements personnels et des profils de consommateur à des fins de ciblage de la prestation des services touche d'une certaine manière presque chaque secteur de l'économie.

La protection de la vie privée était au nombre des principales priorités établies au début de 1994 lorsque mon collègue, le ministre de l'Industrie, a mis sur pied le Comité consultatif sur l'autoroute de l'information en vue de le conseiller sur les meilleures façons de tirer profit des nouvelles possibilités offertes par les réseaux de


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télécommunications. Le comité s'est penché sur cette question, a consulté des experts et a formulé un certain nombre de recommandations sur la protection de la vie privée.

J'aimerais maintenant vous en faire part. Premièrement, le gouvernement fédéral devrait prendre des mesures visant à assurer la protection de la vie privée sur l'autoroute de l'information. Cette protection devrait comprendre tous les principes de pratiques équitables en matière d'information définis dans la version préliminaire du Code type sur la protection des renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation. Pour ce faire, le gouvernement fédéral devrait continuer de participer à l'élaboration ainsi qu'à la mise en oeuvre de normes nationales volontaires et efficaces fondées sur ce code type.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit, au moyen des activités suivantes, jouer un rôle de chef de file dans la mise en oeuvre de ces principes. Il doit établir, avec le concours d'autres ordres de gouvernement qui partagent avec lui les responsabilités des divers secteurs d'activités de l'autoroute de l'information, un groupe de travail fédéral-provincial-territorial pour mettre en oeuvre ces principes à tous les niveaux de compétence.

Il doit créer des règles du jeu équitables pour la protection des renseignements personnels sur l'autoroute de l'information en élaborant et en mettant en oeuvre un cadre législatif souple pour les secteurs public et privé. Les mesures législatives adoptées exigeraient que les divers secteurs et organismes respectent la norme fixée par le code type de l'ACNOR tout en leur laissant la possibilité d'améliorer leurs propres codes.

De concert avec le groupe de travail de la CSA sur la vie privée et d'autres parties intéressées, il doit étudier l'élaboration de mécanismes efficaces de surveillance et d'application. Il doit aussi établir un groupe de travail pour coordonner la mise au point, la démonstration et l'application de technologies facilitant la protection de la vie privée dans la prestation de services et de renseignements gouvernementaux. Enfin, il doit mettre à jour et harmoniser les politiques de protection de la vie privée, les mesures législatives et les lignes directrices qui s'appliquent aux activités gouvernementales et à la prestation de services ainsi que de renseignements gouvernementaux.

Troisièmement, Industrie Canada devrait établir un groupe de travail comprenant des représentants du secteur privé, des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et des organismes de consommateurs pour accroître la sensibilisation du public sur les questions et les droits relatifs à la protection de la vie privée par la préparation et la diffusion de matériel éducatif. Il devrait aussi inciter l'ACNOR à promouvoir ses normes sur la protection des renseignements personnels au sein des forums internationaux.

Il y a plusieurs autres recommandations sur le chiffrement et la protection des dossiers personnels dans les domaines de l'éducation et de la santé, par exemple, mais je ne consacrerai pas davantage de temps à la lecture de ces recommandations. Comme les députés peuvent le constater, le Comité consultatif sur l'autoroute de l'information a déjà saisi mon collègue, le ministre de l'Industrie, de tout un dossier. Je sais que le ministère de l'Industrie a amorcé des discussions avec d'autres ministères touchés par la question de la protection de la vie privée, notamment le ministère de la Justice.

Il s'agit d'une question complexe. Le gouvernement s'emploie sérieusement à faire avancer le dossier. À mon avis, nous devrions attendre que le ministre de l'Industrie ait terminé son étude des recommandations et nous fasse rapport des progrès accomplis.

Enfin, les renseignements personnels ont besoin d'un meilleur mode de protection que celui proposé dans le projet de loi C-315. Je crois sincèrement que nous devrions poursuivre les travaux déjà en cours et qu'il ne faut pas nous laisser détourner de notre route par cette mesure législative.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir dans ce débat concernant le projet de loi qui a été déposé en cette Chambre par notre collègue, le député de Cariboo-Chilcotin, et ayant trait à la protection des renseignements personnels recueillis auprès de certaines personnes morales.

(1750)

Il s'agit là d'un sujet très important dans le monde où nous vivons et qui, trop souvent, n'est pas pris au sérieux, mais qui a des conséquences très grandes dans la vie des individus.

Aujourd'hui, on le sait, ce n'est un secret pour personne, à peu près tous les renseignements qui concernent les individus, qui nous concernent individuellement, sont disponibles pour toutes sortes de fins auprès d'à peu près toute personne ou compagnie qui désire obtenir de tels renseignements. Que ce soit dans le domaine des affaires, tout le monde sait que nos dossiers personnel ou nos dossiers de crédit peuvent être scrutés à la loupe par toutes sortes d'institutions qui souhaitent connaître notre passé. Tout le monde sait également que, plus souvent qu'autrement, des informations circulent concernant nos habitudes de vie, de consommation, qui se retrouvent dans les mains de toutes sortes d'individus, de compagnies aux objectifs plus ou moins douteux, sans que la plupart des gouvernements ne s'en préoccupent.

Or, dans ce sens-là, je dis d'entrée de jeu que le projet de loi déposé par notre collègue du Parti réformiste, même si, comme vient de le faire remarquer le député de Winnipeg St. James, ne répond pas à toutes les attentes que l'on pourrait avoir, concernant ce problème, il a au moins l'avantage de le mettre sur la place publique et d'inviter le gouvernement fédéral, qui a fait preuve de laxisme dans le passé à ce sujet, de prendre connaissance de ce problème et, souhaitons-le, d'arriver avec une législation qui soit plus contraignante dans un avenir rapproché.

Je me réjouis d'une autre chose, dans l'initiative de notre collègue du Parti réformiste, c'est le fait qu'il se réfère à la législation québécoise. Puisqu'il le dit dans sa présentation de son projet de loi, il fait référence au fait que, depuis 1994, le Québec s'est doté d'une loi pour protéger les renseignements privés, et non seulement auprès d'institutions publiques mais vraiment d'entreprises privées. Il s'agissait de la loi 68, qui a été adoptée, comme je viens de le mentionner, en 1994.

J'ai dit tout à l'heure que le projet de loi C-315, au niveau de ses objectifs, est fort louable, mais contient des lacunes qu'il convient de mentionner. Tout d'abord, le projet de loi fait référence à la vente de renseignements. Il stipule que toute compagnie à charte fédérale qui voudrait vendre des renseignements concernant un groupe d'individus devra aviser chacune de ces personnes de son intention et également des renseignements qu'il a en lien avec cette personne, et il devra obtenir son approbation. En aucun temps ou d'aucune


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espèce de façon on ne pourra empêcher des compagnies de se donner de l'information, de s'échanger des listes sans qu'on parle nécessairement de vendre ces listes.

Donc, il y a comme une porte de sortie à ce niveau-là qu'il conviendrait de prendre en compte et de limiter. J'ai mentionné tantôt l'obligation de donner des renseignements concernant la vente de listes d'individus. Mais rien n'empêchera les compagnies, dans l'avenir, même en appliquant ce projet de loi, de vendre des renseignements sur un individu à la fois.

(1755)

Ces deux exemples démontrent qu'il y a des trous dans le projet de loi de notre collègue du Parti réformiste, des trous dont il faut absolument tenir compte. Comme le député du Parti libéral l'a mentionné tout à l'heure, peut-être dans un prochain projet de loi aurons-nous tenu compte de ces informations et arriverons-nous avec des solutions pour éviter de tels problèmes.

On parle également, je voudrais le mentionner, de la faiblesse des amendes que l'on impose pour les compagnies qui ne respecteraient pas la loi. On parle d'amendes qui vont de 5 000 $ à 10 000 $. J'écoutais le député du Parti réformiste qui m'a précédé aujourd'hui parler des profits énormes que font ces compagnies en vendant des renseignements. Donc on voit tout de suite qu'imposer une amende aussi faible ne sera pas de nature à décourager les compagnies d'enfreindre la loi. Il faudrait donc faire en sorte que les amendes soient beaucoup plus sérieuses, beaucoup plus importantes.

L'autre faiblesse de ce projet de loi concerne le type de renseignements personnels qui sera assujetti à la loi. On en a une liste assez importante à l'article 2 du projet de loi. Mais il y a là encore des oublis qu'il convient de mentionner.

Le problème, quand on fait une nomenclature, c'est qu'on risque de laisser échapper des points importants dans cette liste. Je mentionne qu'on ne réfère aucunement à l'affiliation politique, que l'on considère comme étant, j'imagine, une information qui n'est pas personnelle. Le dossier judiciaire, l'expérience de travail, le lieu de naissance, l'orientation sexuelle, la langue maternelle sont là des exemples qui ne sont pas inclus, qui ne font pas partie de la liste mentionnée à l'article 2 du projet de loi et qui, selon moi, sont des renseignements de nature strictement personnelle qu'il nous faut protéger dans un projet de loi comme celui-là.

Je terminerai en disant que quand même, je l'ai dit d'entrée de jeu, ce projet de loi, même s'il comporte des faiblesses importantes, est au moins une première. Il constitue un pas dans la bonne direction puisqu'il s'agit d'une première législation, ici au gouvernement fédéral, pour protéger les renseignements personnels.

Ce débat permet également de sensibiliser la population aux dangers réels qui existent en rapport avec l'absence de projet de loi. Donc, même si ce projet de loi a une portée très limitée, il est difficile de s'y objecter.

Je soulignerais que la référence que fait notre collègue du Parti réformiste quant à la législation québécoise est beaucoup plus éloquente, beaucoup plus précise, et je souhaiterais que dans l'avenir, lorsqu'on amendera cette loi si elle devait être adoptée, on puisse référer à la législation québécoise pour nous assurer d'une meilleure protection des renseignements personnels.

Cela prouve une fois de plus, vous me permettrez de le souligner sans aucune espèce de chauvinisme, que le génie québécois, dans bien des domaines comme c'est le cas dans cet exemple, est exportable à l'étranger. Les gens peuvent se référer à notre législation. Ils vont vraiment y trouver leur compte.

Je terminerai là-dessus en disant que le Bloc appuie le projet de loi présenté par notre collègue du Parti réformiste.

(1800)

[Traduction]

M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Monsieur le Président, bien que je sois d'accord avec l'esprit du projet de loi C-315, je ne suis pas en mesure d'en appuyer le contenu que je trouve trop restrictif et trop lourd, particulièrement si l'on considère les mesures beaucoup plus larges et flexibles actuellement à l'étude.

Le projet de loi C-315 est restrictif, alors que des mesures générales s'imposent pour que les mêmes règles s'appliquent dans toute l'industrie tout en protégeant la vie privée des Canadiens. Étant donné les progrès réalisés dans les technologies de l'information et des télécommunications, la vie privée des consommateurs est en danger, mais ce projet de loi ne prévoit pas le type de mesures générales propres à assurer la protection de la vie privée.

Dans le contexte de l'économie mondiale, nous pouvons nous attendre à ce que les transactions de consommation transfrontalières augmentent et à ce qu'augmente également par la même occasion les ventes à domicile du type de celles qui nécessitent un usage régulier des listes d'adresses permettant d'accéder aux foyers des Canadiens.

Les listes d'adresses, combinées à d'autres bases de données liées à des transactions commerciales comme les cotes de crédit et les comptes de banque, peuvent servir à constituer des profils d'individus. Ces dossiers peuvent franchir les frontières nationales, être échangés, revendus ou réutilisés ou encore intégrés à d'autres bases de données, souvent sans consentement ou rétribution, à des fins qui n'ont rien à voir avec celles pour lesquelles ces données avaient, à l'origine, été rassemblées.

Les consommateurs ressentent de la frustration et de la colère lorsqu'ils apprennent qu'ils sont soumis à ce qu'ils perçoivent comme des intrusions dans leur intimité par des intérêts commerciaux. Le caractère privé des renseignements personnels est une question qui revêt une importance considérable pour les Canadiens, comme le démontrent de nombreux sondages effectués au cours des dernières années.

Le projet de loi C-315 a très peu d'envergure. Il s'applique uniquement à la vente de listes contenant des renseignements personnels alors que, en réalité, la pratique courante dans le commerce est de louer ce type de listes. Le projet de loi s'articule étroitement autour de listes alors qu'en fait, une quantité impressionnante de données personnelles peut être rassemblée et réorganisée à partir du type de données de transaction des consommateurs que s'échangent actuellement les entreprises ou les composantes des grandes organisations.

Le projet de loi ne vise que les sociétés fédérales, alors qu'en fait les listes d'adresses et d'autres renseignements font souvent l'objet


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d'échanges entre sociétés provinciales, exploitations individuelles et sociétés de personnes.

L'adoption du projet de loi ne ferait pas que les règles du jeu seraient les mêmes pour tous, ni que des règles cohérentes en matière de protection de la vie privée seraient applicables à tous les secteurs. Elle aurait plutôt pour résultat un ensemble d'obligations en matière de protection de la vie privée qui serait disparate et inégal d'un secteur à l'autre, d'une entreprise à l'autre, et d'un secteur de compétence à l'autre.

D'autres initiatives actuellement en cours pourraient fournir une meilleure méthode. Nous étudions actuellement ces options. La plus intéressante est le code type en matière de protection de la vie privée de l'Association canadienne de normalisation. Le code de l'ACNOR établit dix principes gouvernant la collecte, l'enregistrement, la mise à jour, l'utilisation et la divulgation de renseignements personnels par le secteur privé.

L'adoption du code par des entreprises se servant de listes d'adresses garantirait en général que les consommateurs sont informés de l'existence de telles listes, et qu'ils peuvent donner leur consentement à l'utilisation de ces listes et vérifier l'exactitude des renseignements.

Le code de l'association est adopté sur une base volontaire, mais je propose qu'il serve de base à une loi-cadre souple. L'Association canadienne du marketing direct, le Comité consultatif sur l'autoroute de l'information et le Commissaire à la protection de la vie privée conviennent tous que le code type en matière de protection de la vie privée de l'Association canadienne de normalisation pourrait fournir une base pour l'élaboration de normes nationales souples.

J'approuve l'esprit du projet de loi C-315 et j'applaudis les efforts en ce sens de l'honorable député. Toutefois, je ne peux appuyer le contenu du projet de loi, car je le trouve trop étroit, compte tenu surtout des mesures beaucoup plus larges, souples et bon marché qui existent.

Je vais continuer d'essayer de convaincre le gouvernement de présenter des mesures générales et applicables en matière de protection de la vie privée des Canadiens à l'égard des renseignements personnels et financiers qui circulent sur le marché. J'estime qu'un tel projet de loi est important pour mes électeurs, pour tous les Canadiens, en fait. Un projet de loi acceptable doit être applicable, avoir du mordant et s'appliquer à des institutions comme les banques. Il doit aussi tenir compte de la nouvelle technologie, tel l'Internet.

Je crois que ce projet de loi est trop étroit et ne constitue pas un cadre complet pour la protection de la vie privée de tous les Canadiens. Je félicite le député pour ses efforts, mais j'ai bien peur que ce projet de loi ne va pas assez loin.

(1805)

[Français]

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de me prononcer sur ce projet de loi. Je dois dire au tout début que j'applaudis cette initiative de la part de mon collègue. Je crois que c'est avec de bonnes intentions qu'il va de l'avant, mais je crois aussi, après avoir vu les critiques, qu'il y a certaines faiblesse que j'aimerais quand même identifier. En même temps, j'aimerais revoir en profondeur ce dossier, proposer quelques pistes de solution et dire pourquoi il sera très difficile d'aller de l'avant avec un tel projet de loi.

Ce projet de loi, comme je l'ai indiqué, est bien intentionné, mais il contient un nombre de faiblesses qui ont déjà été décrites par des collègues de mon parti, de ma formation politique aussi bien qu'au moins un député de l'opposition.

[Traduction]

À mon avis, si nous renvoyions ce projet de loi à un comité et tentions de le corriger, nous risquerions de perdre beaucoup de temps à essayer de réorienter une démarche qui est simplement trop étroite, selon certains, pour répondre à toutes les préoccupations que les Canadiens continuent d'exprimer au sujet de la protection des renseignements personnels. Ce n'est pas à moi d'en décider. Permettez-moi de dire pourquoi.

Chaque fois que nous ouvrons un journal, nous lisons un autre reportage au sujet de l'utilisation abusive de renseignements personnels, avec le potentiel qu'a la nouvelle technologie d'envahir notre vie privée et de surveiller nos moindres mouvements. Même le président de Microsoft, Bill Gates, a souligné, dans un article qui a paru dans le Ottawa Sun du 20 septembre dernier, la nécessité de mesures gouvernementales et, en fait, de lois pour protéger les renseignements personnels, étant donné les nouvelles technologies qu'il est bien placé pour comprendre.

Il a évoqué l'exemple de logiciels qui remplaceraient les agents de voyage et qui suivraient de près les goûts et les préférences des clients pour leur offrir le meilleur service possible.

Il déclare dans les deux derniers paragraphes de cet article: «Le marché est peut-être en mesure de régler quelques-unes de ces questions. Par exemple, les clients peuvent apprendre à éviter des agences de voyage qui ne communiquent pas les profils personnels ou qui les communiquent trop librement.

Cependant, le marché ne remplacera pas et ne résoudra pas toutes les questions liées aux renseignements personnels. La technologie non plus. Ce qu'il faut, c'est un débat étendu, sans précipitation, menant à des orientations publiques intelligentes.»

Je doute que ces nouveaux agents de voyage automatisés soient visés par le projet de loi C-315. Nous devons nous demander dans quelle mesure ce problème risque d'être sérieux.

Je félicite le député de porter à l'attention du Parlement la question de la protection des renseignements personnels. J'estime qu'il a fait ce qu'il devait faire. Nous pourrions suivre les conseils de M. Gates et nous engager dans un débat, sans précipitation, qui mènera à une discussion publique, intelligente et sérieuse, au sujet d'une politique qui répondra aux besoins de la société actuelle, pas nécessairement en acceptant ce projet de loi et en le remaniant, mais en nous inspirant du travail qui s'est fait au Canada. Entre autres initiatives, il y a la première loi en Amérique du Nord sur la protection des données du secteur privé. Je parle ici du projet de loi C-68 adopté au Québec.

On me dit que nous avons besoin d'une démarche beaucoup plus exhaustive à l'égard de ces problèmes. Le gouvernement fédéral a fait le travail préliminaire nécessaire pour assurer une meilleure protection des renseignements personnels. Je voudrais traiter un peu


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de ce travail et d'un meilleur moyen pour répondre aux préoccupations du député.

Tout d'abord, je souligne que le code modèle élaboré par l'Association canadienne de normalisation pourrait servir de base à une politique très large en matière de protection des renseignements personnels.

Le Conseil consultatif de l'autoroute de l'information a recommandé au gouvernement de proposer une loi cadre flexible qui serait fondée sur ce code et de travailler de concert avec les provinces pour définir une norme des pratiques d'information équitables qui ont cours dans les domaines qui ne sont pas du ressort du fédéral.

À son tour, le 3 octobre dernier, l'Association canadienne du marketing direct a demandé à mon collègue, le ministre de l'Industrie, de déposer à la Chambre des communes, à titre de ministre responsable de la consommation, un projet de loi cadre sur la protection des renseignements personnels. L'ACMD a été l'un des principaux participants qui ont élaboré cette norme nationale en matière de protection des renseignements personnels, sous l'égide de L'Association canadienne de normalisation. Je la remercie non seulement pour les efforts qu'elle a déployés en vue d'élaborer ce code, mais aussi pour l'esprit de leadership qu'elle a manifesté en reconnaissant les mérites de la loi.

La Chambre reconnaîtra qu'il est rare que l'industrie lui demande de légiférer. Je pense que ce cas fait ressortir l'importance que revêt la protection des renseignements personnels dans l'esprit des consommateurs et la nécessité d'examiner soigneusement cette question sous tous ses aspects. D'une façon particulière, je crois qu'en légiférant, nous devons tenir compte à la fois des droits des Canadiens et du besoin de renseignements de l'industrie.

(1810)

La cueillette de renseignements personnels satisfait les besoins légitimes de chaque secteur. Les banques ont besoin de renseignements pour bien définir les risques du crédit qu'elles accordent; en médecine, les chercheurs doivent effectuer de longues études sur la santé pour déterminer les effets des médicaments, les préoccupations environnementales et les pratiques médicales. Les responsables du marketing direct veulent éviter d'envoyer des offres spéciales de tondeuses à gazon à des gens qui vivent dans des immeubles d'appartements et les chercheurs en matière de marketing aident la société à fabriquer de nouveaux produits qui répondent aux besoins des consommateurs. Ce sont là de bonnes utilisations de renseignements personnels, et nous ne voulons pas en interdire l'utilisation.

Le projet de loi C-315 pourrait forcer des sociétés constituées en vertu d'une loi fédérale, qui font du marketing direct à l'aide de listes, à fermer leurs portes. Le projet de loi parle d'obtenir le consentement de chaque consommateur; cela semble être une idée assez raisonnable, mais le fardeau administratif que représenterait ce processus forcerait les entreprises à abandonner tout simplement leurs activités dans un certain nombre de cas.

C'est peut-être l'objectif du député, et peut-être que non. Je crois cependant que les consommateurs et les entreprises canadiennes méritent une solution plus prudente au problème, une solution à laquelle ils peuvent vraiment participer.

Le Conseil consultatif sur l'autoroute de l'information a fait un certain nombre d'autres recommandations concernant la protection des renseignements personnels, dont l'utilisation de technologies permettant d'assurer la protection des renseignements personnels. Il recommande l'interdiction des scanners qui surveillent les transmissions par appareils cellulaires. Il a recommandé au gouvernement fédéral de mettre sur pied un groupe de travail fédéral-provincial-territorial chargé de lancer un dialogue sur certains de ces problèmes importants et de travailler ensemble pour trouver des solutions harmonisées. Il recommande à l'Association canadienne de normalisation de poursuivre son travail, et au groupe de consensus, qui a établi le code modèle de protection des renseignements personnels, de travailler ensemble à mettre au point des omissions volontaires.

Ce sont toutes là des recommandations sérieuses d'un groupe d'experts qui ont pris le temps d'étudier la question en profondeur. Nous devrions attendre la réponse du gouvernement à ces recommandations avant d'agir prématurément et d'essayer de légiférer en matière de protection des renseignements personnels.

Comme j'en arrive à la fin de mon intervention, je voudrais faire partager à la Chambre une lettre qu'on m'a remise et qui porte sur la question. En voici le texte:

Veuillez s'il vous plaît transmettre le message suivant aux députés ministériels qui interviendront aujourd'hui dans le débat du projet de loi C-315.
Les membres de l'Association canadienne du marketing direct reconnaissent qu'un ensemble complet de principes de protection des renseignements personnels consacrés par la loi s'impose pour guider les entreprises dans leurs activités pour assurer le respect des droits de l'individu. On en trouve un excellent modèle à cet égard dans les dix principes du nouveau code pour la protection des renseignements personnels établi par l'Association canadienne des normes.
La mesure dont le Parlement est actuellement saisi, le projet de loi C-315, bien que formulé avec les meilleures intentions du monde, comporte des imperfections tellement fondamentales qu'aucun amendement ne saurait le sauver. Cette mesure n'atteindrait pas son objectif fondamental, protéger les renseignements personnels; elle limiterait sérieusement la liberté de choix de l'individu et constituerait une ingérence inutile et destructrice dans le marché.
L'ACMD craint fort que si on envoyait le projet de loi au comité, le consensus entre le monde des affaires, les groupes de consommateurs et le gouvernement qui a produit le code de l'ACNOR après deux années de travail acharné et de compromis, s'effondrerait complètement.
La lettre est signée John Gustavson, président-directeur général.

Il appartient maintenant aux députés de décider de la suite à donner à la mesure à l'étude.

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir parler du projet de loi C-315. Je dois commencer par féliciter le député d'avoir présenté ce projet de loi. Je crois que l'intention est bonne, que c'est une bonne idée de protéger les consommateurs et de faire en sorte que les renseignements personnels que nous communiquons à des sociétés ou à d'autres entités ne soient pas utilisés de toutes sortes de manières.

(1815)

Il est très déconcertant pour les consommateurs qui s'adressent à de grandes institutions ou achètent des produits ou des services de


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voir apparaître soudain dans leur boîte aux lettres le mois suivant et souvent pendant une dizaine d'années des publicités quelconques. De toute évidence, les consommateurs ne tiennent pas à ce que cela se produise. Et ils ne tiennent pas à ce que ce phénomène garde l'ampleur qu'il a aujourd'hui. Je tiens donc à féliciter le député d'avoir conçu un projet de loi qui vise à régler ce problème.

Cependant, la mesure législative et les dispositions visant à corriger le problème doivent aller au-delà de ce qui nous est proposé aujourd'hui. Nous devons poursuivre la démarche qui a déjà été entreprise par le gouvernement. Comme bon nombre de mes collègues l'ont déjà mentionné à la Chambre, il y a des consultations en cours, où le ministère de l'Industrie examine cette question et tente de trouver une solution aussi complète que possible au problème, une solution qui soit adéquate et réalisable sans alourdir le fardeau du consommateur et créer un nouveau niveau de bureaucratie. Il ne faut pas que le respect des nouvelles règles se révèle si coûteux que les dépenses qu'il entraîne soient refilées aux consommateurs.

À la lecture de ce projet de loi, j'ai remarqué quelques éléments qu'il faudrait étudier de plus près pour veiller à bien régler le problème. Comme l'ont déjà fait remarquer un certain nombre d'orateurs, la définition de "renseignement personnel" qui figure dans le projet de loi dont nous sommes saisis est trop étroite. Lorsque nous aborderons la question de la protection et de la confidentialité des renseignements personnels, nous voulons le faire de façon assez générale pour englober le plus grand nombre de situations possibles. Nous ne voulons pas nous attaquer à ce problème par étapes. Nous ne voulons pas nous attaquer à un aspect du problème, puis revenir pour en étudier un autre aspect. Nous voulons veiller à ce que la définition des renseignements personnels soit la plus générale possible.

Nous voulons veiller également à ne pas créer un nouveau problème en tentant d'en régler un. Je sais que les députés du tiers parti abondent dans le même sens. Loin de nous l'idée de créer un nouveau régime de réglementation, une nouvelle infrastructure de réglementation, qui alourdirait le fardeau que doivent porter les entreprises. Le libellé actuel du projet de loi et la somme des consultations à faire et des avis à donner, lorsqu'on voudra faire retirer certains renseignements précis, représenteraient un énorme fardeau pour les entreprises. Il existe probablement une solution plus efficace, qui n'imposerait pas un fardeau aussi lourd au secteur privé.

La solution proposée dans ce projet de loi nécessite une correspondance supplémentaire, puisqu'il faudra obtenir le consentement de chaque personne avant de pouvoir utiliser son nom. Ainsi, avant de vendre une liste, la compagnie devra écrire aux consommateurs pour leur demander cette autorisation, et ceux-ci devront lui répondre par écrit. Ce processus me semble long et compliqué.

Il y a aussi le fait que seulement une partie très limitée du marché est visée, à savoir les compagnies constituées en vertu d'une loi fédérale. Or, de nombreuses autres entités échangent et utilisent des renseignements personnels, y compris des particuliers, des sociétés et des compagnies constituées en vertu d'une loi provinciale.

(1820)

Il importe de faire en sorte que le projet de loi ait la plus grande portée possible. Comme je l'ai dit, il faut s'assurer de répondre au plus grand nombre possible de préoccupations liées à la protection des renseignements personnels. Il faut véritablement aborder ce problème d'une façon globale et s'occuper de toutes les questions qui nécessitent une intervention.

Le but de cette mesure, qui est de protéger les consommateurs, est évidemment excellent. Les résidants de ma circonscription, Parry Sound-Muskoka, et tous les Canadiens, j'en suis sûr, souhaitent que l'on agisse en ce sens. Une grande quantité de renseignements peut être transférée d'une institution à une autre par des moyens électroniques. Les consommateurs veulent donc s'assurer que l'on protège leur vie privée.

Le député qui a présenté le projet de loi est conscient qu'il importe de protéger les renseignements personnels des consommateurs. C'est pourquoi je suis d'avis qu'il faut élargir la portée de cette initiative. Nous devons nous attaquer au problème dans son ensemble. Il faut intervenir de la façon la plus étendue possible, afin de protéger un maximum de personnes.

Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton, Lib.): Monsieur le Président, alors que nous étudions le projet de loi C-315, nous devrions examiner ce que le gouvernement fait à cet égard.

Industrie Canada et le ministère de la Justice élaborent actuellement une approche globale visant la protection des renseignements personnels, en réponse aux recommandations du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information. Pour cette raison, je ne peux appuyer le projet de loi C-315. Je préfère attendre que le ministre de l'Industrie dépose sa réponse aux recommandations de ce comité consultatif.

Ce comité et l'Association canadienne du marketing direct ont tous deux demandé des dispositions législatives exhaustives s'inspirant du code de déontologie que l'Association canadienne de normalisation propose comme modèle pour la protection des renseignements personnels. Il semble préférable d'amorcer le travail qui doit être fait en se fondant sur ce consensus, de manière à recueillir, pour l'adoption de mesures à cet égard, de vastes appuis dans toute la collectivité.

Je crois savoir que les ministères de l'Industrie et de la Justice examinent actuellement les recommandations dont je viens de parler. Ils essaient d'élaborer une approche générale qui rallierait les consommateurs et les entreprises. Une telle approche s'appuierait sur les efforts que les entreprises font déjà volontairement et sur les nombreux codes excellents qu'elles appliquent déjà de leur plein gré. Nous devrions laisser à ce processus le temps de faire ses preuves au lieu de commencer à chercher des solutions miracles pour résoudre une succession de problèmes.

Je ne veux pas sous-estimer le travail de mon collègue qui a présenté ce projet de loi, mais plutôt miser sur celui qui est accompli à cet égard dans de nombreux services gouvernementaux. Ainsi, mon collègue, le député de Nickel Belt, a aussi proposé l'adoption d'une loi nationale sur la protection des renseignements personnels,


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loi qui s'inspirerait du travail de l'Association canadienne de normalisation. Il a aussi demandé la formation d'un groupe de travail qui serait chargé de rédiger un avant-projet de loi, de s'assurer que pareille mesure soit applicable et de veiller à ce qu'il existe un organisme indépendant de surveillance. Je le félicite de l'intérêt qu'il porte à cette question et je propose que nous misions sur le travail que le gouvernement est déjà en train d'accomplir.

(1825)

Le projet de loi C-315 prévoit que les entreprises devront aviser toutes les personnes dont le nom figure sur une liste postale lorsque celle-ci est vendue à une autre entreprise et veiller à ce que leur consentement ait été obtenu. En outre, il prévoit que l'entreprise qui vend la liste doit également aviser les personnes dont le nom figure sur la liste que leur nom a été obtenu. Le projet de loi ne porte que sur la vente de listes postales.

Les entreprises disposeraient de dix jours pour se conformer aux demandes des personnes voulant que leur nom ou d'autres informations soient retirés de la liste. Les amendes pour des infractions répétées pourraient atteindre 20 000 $.

Ce projet de loi toucherait uniquement un petit segment du marché, car il ne porte que sur les renseignements personnels figurant sur des listes postales. Il ne protège pas les renseignements personnels dans la vaste majorité des transactions sur le marché.

L'intervention du gouvernement fédéral pourrait être contestée en regard de la Constitution parce que la réglementation des renseignements personnels fournis dans le cadre d'un contrat pourrait être considérée comme une responsabilité provinciale. Le Québec a déjà fait valoir cet argument en adoptant une loi sur la protection des renseignements personnels applicable à tous les renseignements obtenus par suite de transactions sur le marché.

L'application de la loi nécessiterait toute une bureaucratie. Le nombre de noms figurant sur les listes postales est tellement élevé qu'on peut s'attendre à ce que le gouvernement fédéral doive traiter une foule de plaintes, et la bureaucratie qui en résulterait serait très coûteuse.

D'aucuns ont dit que ce projet de loi était de portée trop limitée pour fournir une protection adéquate aux renseignements personnels. Les listes sont plus souvent louées que vendues mais le projet de loi n'en tient pas compte. Ce projet de loi coûterait cher à appliquer et il ne pourrait pas régir les listes de noms établies par des organismes établis à l'extérieur du Canada.

Une recommandation du Conseil consultatif sur l'autoroute électronique concernant l'adoption d'une loi cadre sur les renseignements personnels est actuellement à l'étude.

Je sais que le ministre n'est pas favorable à l'adoption du projet de loi à cette étape-ci puisqu'il espère une solution plus générale à ce problème très actuel qui touche les consommateurs. C'est pourquoi je ne donnerai pas mon appui au projet de loi. Je tiens néanmoins à remercier le député d'avoir soulevé cette importante question d'intérêt national. Nous devrions demander au ministre de l'Industrie de présenter un rapport à la Chambre sur l'état d'avancement des travaux, au lieu de couper court à ses efforts et à ceux du ministre de la Justice en entreprenant quelque chose qui irait dans une direction nouvelle et plus limitée.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Mme Catterall: Monsieur le Président, j'avais cru comprendre que le Parti réformiste voulait ajouter un député à la liste des intervenants dans le débat. Je laissais mon temps de parole à leur disposition. Si toutefois les réformistes n'ont pas l'intention de prendre la parole, je serai heureuse de participer au débat sur le projet de loi. Je leur céderai néanmoins volontiers ma place s'ils me font savoir qu'ils veulent faire intervenir un autre député.

Le président suppléant (M. Kilger): Je ne suis pas ici comme négociateur, mais comme Président. Je soumets simplement la question à la Chambre.

M. Mayfield: Monsieur le Président, je croyais avoir compris qu'un autre membre de mon parti allait prendre la parole. Si le débat est terminé, j'aimerais pouvoir résumer brièvement.

Le président suppléant (M. Kilger): Peut-être plus tard, pour l'instant nous reprenons le débat. J'ai donné la parole au whip en chef adjoint et il reste approximativement une minute.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, on ne peut pas beaucoup s'étendre sur cette importante question en une minute. Je profiterai donc de la minute qui m'est accordée pour reconnaître l'importance de la question soulevée: la protection de la vie privée des individus dans un monde de plus en plus informatisé.

Je ne pense pas qu'il se passe une journée sans que nous ayons tous conscience des cas nombreux où des renseignements très personnels qui nous concernent sont divulgués, à notre insu, à toute une foule de gens et du fait que la compilation de ces renseignements peut vraiment porter atteinte à notre vie privée. C'est pourquoi le ministre de l'Industrie s'attaque à cette question extrêmement importante et a l'intention de proposer des mesures à la Chambre au début de l'an prochain.

(1830)

Ce projet de loi part d'une bonne intention.Il présente toutefois certaines lacunes. À mon avis, il serait peut-être bon que l'auteur de ce projet de loi demande la tenue d'une autre heure de débat pour faire valoir certains arguments qui ont été faits jusqu'ici et qui, selon lui, méritent d'être pris en considération par le gouvernement lors de la rédaction du projet de loi d'initiative ministérielle, qu'il revienne sur ces points lors du débat sur la mesure législative qui sera présentée à la Chambre et qu'il propose peut-être alors des amendements. Nous voulons prendre les mesures appropriées pour bien protéger la vie privée des Canadiens.

17072

Le président suppléant (M. Kilger): L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. Conformément à l'article 93 du Règlement, l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

______________________________________________


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MOTION D'AJOURNEMENT

[Français]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office, en conformité de l'article 38 du Règlement.

LE COMITÉ PRÉSIDÉ PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES

M. André Caron (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, le 24 novembre dernier, j'ai posé une question au ministre des Affaires intergouvernementales. Je lui demandais si, dans le rapport intérimaire qu'il a déposé au nom de ce comité auprès du premier ministre, il y avait l'option de présenter devant la Chambre une simple résolution sur la société distincte, et si c'était cette option qui était privilégiée par son comité.

Comme d'habitude, le ministre a noyé le poisson en disant que ce n'était pas à lui de révéler les résultats du travail de ce comité et que plus tard l'opposition verrait, en temps et lieu, si c'était là l'option du gouvernement libéral.

Nous avions posé cette question parce que nous voulions mettre le gouvernement en garde contre le fait de présenter à la Chambre une simple motion visant à reconnaître le Québec comme une société distincte au sein du Canada. Nous voulions simplement dire au gouvernement libéral que c'est inutile, que c'était une proposition toute symbolique qui allait de toute évidence être insatisfaisante pour le Québec, parce qu'elle était insuffisante, et qu'elle allait être rejetée par le Canada anglais parce qu'elle impliquait trop de changements, selon sa compréhension.

Nous allions faire cette remarque parce qu'au Québec la question de la société distincte est apparue dans le programme du Parti libéral vers les années 1984 ou 1985. M. Robert Bourassa, qui était un homme subtil, avait trouvé cette expression pour avoir un certain synonyme à la notion, à l'idée de peuple du Québec, de façon à faire accepter cette proposition par le Canada anglais. Dans le fond, M. Bourassa croyait que les Québécois allaient accepter en disant que c'était, en fait, un synonyme de peuple du Québec et que le Canada anglais allait l'accepter en pensant que cela ne signifiait rien. L'histoire nous a montré que c'était le Canada anglais qui avait raison.

La notion est apparue à un moment donné dans l'Accord du lac Meech. On a souvent dit que cette notion était plus importante que celle qui est présentée actuellement par le gouvernement fédéral, en prétendant que cette proposition venait donner une couleur à l'interprétation de la Constitution et que même cette notion de société distincte dans l'Accord du lac Meech avait préséance sur la Charte des droits et libertés.

Ce n'est pas évident du tout. D'éminents juristes du Canada anglais, dont le professeur Peter W. Hogg de l'Université York ont prétendu le contraire en disant clairement: «Le nouvel article n'a pas préséance sur la Charte des droits. Au contraire, en tant que simple disposition interprétative, elle est subordonnée à la Charte des droits.»

(1835)

Alors, si l'Accord du lac Meech avait été accepté en son temps, nous nous serions retrouvés devant la Cour suprême, et à ce moment-là, contrairement aux affirmations du premier ministre Bourassa, la Cour suprême aurait statué, encore une fois, que l'entente que le Québec avait signée de toute bonne foi n'avait pas préséance sur une disposition fondamentale de la Constitution, c'est-à-dire la Charte des droits et libertés.

C'est évident que nous n'avons rien contre des dispositions dans une constitution visant à défendre les libertés des citoyens, mais il reste quand même que la Charte des droits et libertés a servi à des personnes voulant contrer les aspirations du Québec, voulant limiter le Québec dans son développement, sur le plan culturel et de la langue.

Cette Charte a servi à ces personnes, que je qualifierais presque de malveillantes, à limiter le développement du Québec et à faire que le Québec, aujourd'hui, n'a pas d'autre solution que de rejeter rapidement et fermement toute notion de société distincte et d'en arriver à la proposition qui a été la nôtre lors du dernier référendum, c'est de dire et d'affirmer haut et fort que le Québec n'est pas une société distincte, que le Québec est un peuple, point.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, le 24 novembre dernier, le député de Jonquière a posé une question au ministre des Affaires intergouvernementales concernant les intentions du gouvernement fédéral envers le Québec.

Le ministre a répondu en citant le premier ministre qui a dit ce qui suit:

Pour assurer le changement et la modernisation du Canada, aucun changement n'est exclu.
Le premier ministre a promis qu'il agirait sur la question de la société distincte et sur la question du droit de veto. Il a agi sur ces deux promesses-là très rapidement, et les Québécois ont vu que le premier ministre est un homme intègre, un homme de parole, un homme qui a tenu les promesses qu'il a faites.

Quant au comité, le comité a discuté des questions de la société distincte et du droit de veto, et on a déjà vu les premiers résultats que le premier ministre a annoncés lundi. La clause sur la société distincte est une clause qui a été réclamée au Québec depuis longtemps.

La résolution du premier ministre du Canada apporte enfin au Québec la reconnaissance par le Canada tout entier, parce que le Parlement canadien est le seul endroit qui représente tous les Canadiens, de toutes les régions.

17073

Le premier ministre avait promis, pendant la dernière semaine de la campagne, qu'il agirait pour réinstaller le droit de veto du Québec que René Lévesque avait perdu. Nous allons le réinstaller, et c'est un bon début pour résoudre les problèmes qui existent au Canada.

Les changements qui sont nécessaires peuvent et doivent se faire à l'intérieur du Canada. C'est d'ailleurs le message qui a été envoyé à tous les Canadiens, y compris à l'opposition officielle par le vote du 30 octobre dernier.

Comme le ministre l'a dit hier en Chambre, son comité étudie maintenant des autres questions, y compris la rationalisation des pouvoirs entre les provinces et le Canada, et va soumettre des recommandations au premier ministre quand elles seront prêtes.

Notre but n'est pas de détruire le Canada; notre but est de le construire. C'est ce que la majorité des Canadiens et des Canadiennes, des Québécois et des Québécoises nous ont demandé de faire, et, parce que nous respectons la démocratie, nous allons essayer de continuer à construire le Canada.

[Traduction]

LA COMPAGNIE D'ASSURANCE-VIE LA CONFÉDÉRATION

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, à la suite de la question que j'ai posée au secrétaire d'État aux Institutions financières, je souhaite insister sur le fait qu'un bon nombre de mes électeurs ont vu leur épargne-retraite menacée par l'effondrement de La Confédération. Ces gens sont venus me demander de l'aide parce que, à chaque jour qui passe, ils s'inquiètent un peu plus de leur sécurité financière, en raison de l'effondrement de cette institution financière.

Évidemment, ce qui s'est produit les touche tous, sans exception. Toutefois, certains d'entre eux auront à supporter des conséquences plus graves, à cause de leur situation financière particulière. C'est pour eux que je réclame une dissolution rapide des biens de La Confédération et un processus de liquidation accéléré, afin que tous les Canadiens touchés par cet effondrement reçoivent leur argent aussi vite que possible.

Il n'y a pas longtemps, j'ai présenté à la Chambre une pétition signée par plus de 500 personnes, au nom d'un groupe de retraités de Bell Canada, qui sont choqués non seulement de l'effondrement de La Confédération, mais aussi de leur incapacité à convaincre leur employeur, Bell Canada, qu'il a une responsabilité supplémentaire à l'endroit de ses propres travailleurs à la retraite. Ces retraités croient que Bell Canada, ayant choisi La Confédération comme administrateur de son REER collectif et encouragé ses employés à participer au régime, doit maintenant assumer la responsabilité de ses actes.

La pétition que j'ai présentée exhorte le Parlement à faire enquête sur l'effondrement de La Confédération, particulièrement en ce qui concerne la responsabilité de Bell Canada à l'égard des fonds de ses employés. J'aimerais, moi aussi, que cette question se règle rapidement.

Malheureusement, comme nous le savons, toute l'affaire est entre les mains du liquidateur, de sorte qu'il est difficile pour le gouvernement d'intervenir. Nous savons que quand une institution financière dépose son bilan, elle n'est plus assujettie aux règlements, la responsabilité de la distribution des biens étant transférée au liquidateur sous la supervision du tribunal.

Ce qui me préoccupe, à l'heure actuelle, c'est le processus de liquidation qui s'éternise. Une des principales priorités est de récupérer le plus possible en obtenant le meilleur prix lors de la vente des biens. C'est entendu. J'espère toutefois qu'on peut accélérer ce processus dans l'intérêt de tous ceux qui ont été touchés par l'effondrement de cette compagnie. Nous devons rembourser les fonds garantis aux investisseurs, aux hommes et aux femmes de ce pays qui faisaient confiance à La Confédération.

Les retraités dont l'investissement dans le REER collectif de Bell était inférieur à la limite de la SIAP seront entièrement indemnisés en fonction de la valeur temporelle de leur argent. L'échec de La Confédération n'a eu aucune répercussion sur la majeure partie du régime de retraite de Bell, mais, pour ce qui est des montants qui dépassent la limite de 60 000 $ de la SIAP, tant que la liquidation ne sera pas terminée, il sera impossible de déterminer quelle proportion des prestations sera finalement versée.

Bien sûr, dans les deux liquidations de compagnies d'assurance-vie qui se sont produites au Canada, les souscripteurs ont reçu une grande partie des prestations qui leur étaient dues, mais cela réconforte peu ceux dont toutes les économies sont maintenant menacées. Ces fonds inquiètent certains de mes électeurs et un grand nombre de Canadiens. Je comprends leurs difficultés et je veux faire mon possible pour aider à résoudre cette question et pour encourager la société Bell Canada à reconnaître qu'elle doit collaborer avec ses employés actuels et anciens pour arriver à une entente ou à un compromis.

J'espère sincèrement que Bell Canada s'attaquera à cette question avec les employés actuels et anciens, et qu'elle travaillera intelligemment à venir à bout de ce qui est maintenant un litige.

[Français]

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, je reconnais que c'est une question particulièrement épineuse pour mon collègue et, évidemment, pour les gens qui sont touchés par ce problème.

[Traduction]

Je reconnais qu'il s'agit d'une question très difficile pour les Canadiens, notamment les pensionnés de Bell, qui ont investi dans la compagnie d'assurance-vie La Confédération. Plusieurs facteurs devraient aider à atténuer les conséquences de l'effondrement de cette compagnie pour les pensionnés de Bell.

Premièrement, les sommes en cause étaient dans un régime de cotisations supplémentaires visant à augmenter le revenu de pension des retraités de Bell. Le régime de pensions principal de Bell est administré séparément et n'est pas touché.

17074

Part ailleurs, la SIAP, c'est-à-dire la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes, m'informe que le REER collectif en question est garanti par elle jusqu'à concurrence de 60 000 $, somme qui comprend le capital et les intérêts. Le montant excédant le plafond de 60 000 $ pourra être récupéré dans le cadre du processus de liquidation.

Enfin, un comité spécial a été mis sur pied par le liquidateur afin d'examiner les demandes liées à des difficultés financières particulières. Cette initiative vise à faire en sorte que des fonds soient immédiatement disponibles pour ceux qui sont le plus dans le besoin.

La question de savoir si quelque chose peut être fait pour accélérer la liquidation de La Confédération relève du liquidateur, sous l'autorité du tribunal. Par conséquent, il serait inapproprié d'intervenir à ce niveau.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 38 du Règlement, la motion portant que la Chambre s'ajourne est maintenant réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain à 10 heures, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 44.)