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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 9 mai 1994

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR CERTAINS ACCORDS CONCERNANT L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

    Projet de loi C-22. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture 4025
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 4047
    M. Chrétien (Frontenac) 4049

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA BOSNIE

LA CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS NATIONAUX

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

L'ANNÉE INTERNATIONALE DE LA FAMILLE

LA DÉMOCRATIE

LE CLUB ROTARY DE WINNIPEG

LA SEMAINE NATIONALE DES GARDERIES

    Mme Gagnon (Québec) 4051

LE DÉCÈS DE STEPHANIE GRAVES

LE PREMIER MINISTRE

LE RWANDA

LE HOCKEY

L'AFRIQUE DU SUD

LE HOCKEY

    M. Harper (Simcoe-Centre) 4052

L'ENVIRONNEMENT

LE HOCKEY

LES DROITS DE LA PERSONNE

QUESTIONS ORALES

LE CHÔMAGE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4053
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4053
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4054

LA RECONVERSION DE L'INDUSTRIE MILITAIRE

    M. Mills (Broadview-Greenwood) 4054
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 4054

LA JUSTICE

LES BREVETS PHARMACEUTIQUES

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4055
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4056

LA COMMISSION NATIONALE DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES

L'IMPOSITION DES PRODUITS ALIMENTAIRES DE BASE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 4056
    M. Martin (LaSalle-Émard) 4056

LA COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES

L'INDUSTRIE DE LA PÊCHE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 4057
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 4058

LE RWANDA

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LES TRANSPORTS

LES AVIONS CHALLENGER

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4059
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4060

LA MINE DE CHARBON WESTRAY

    M. Mills (Broadview-Greenwood) 4060

LES AFFAIRES INDIENNES

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4060
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4060

LA LIGNE DE CHEMIN DE FER ESQUIMALT-NANAÏMO

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

AFFAIRES COURANTES

LOI FÉDÉRALE SUR L'AIDE FINANCIÈRE AUX ÉTUDIANTS

    Projet de loi C-28. Adoption des motions portant présentation et première lecture 4061
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 4061

PÉTITIONS

LES CARTES DE TUEURS

L'ÉTHANOL

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR CERTAINS ACCORDS CONCERNANT L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

    Projet de loi C-22. Reprise de l'étude en deuxième lecture de la motion et de l'amendement 4062
    M. Chrétien (Frontenac) 4062
    M. Gauthier (Roberval) 4063
    Report du vote sur l'amendement 4080

LA LOI FÉDÉRALE SUR LES HYDROCARBURES

    Projet de loi C-25. Motion portant deuxième lecture 4080
    M. Hill (Prince George-Peace River) 4082
    Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loi et renvoi à un comité 4086

SUSPENSION DE LA SÉANCE

    Suspension de la séance à 18 h 04 4086

REPRISE DE LA SÉANCE

    Reprise de la séance à 18 h 13 4087

MOTION D'AJOURNEMENT

L'ÉQUITÉ SALARIALE

    Mme Gagnon (Québec) 4087

LES PROGRAMMES SOCIAUX

    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 4088

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

LA LOI C-91

    M. Mills (Broadview-Greenwood) 4090

LES AFFAIRES INDIENNES


4025


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 9 mai 1994


La séance est ouverte à 11 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI SUR CERTAINS ACCORDS CONCERNANT L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 6 mai, de la motion: Que le projet de loi C-22, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité; ainsi que de l'amendement.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre): Monsieur le Président, nous en sommes aujourd'hui à la sixième journée de débat sur ce projet de loi. Plus d'une quarantaine d'interventions sur ce sujet ont été effectuées par les députés de l'opposition officielle. Je peux facilement croire que les collègues d'en face trouvent qu'on a assez ergoté, mais comme nous ergotons avec élégance, je suis convaincue qu'ils sont ravis.

Ma carrière d'enseignante m'a appris une chose: même le message le plus clair n'est jamais compris par tous, et nous croyons qu'à force de répéter ce message, la population canadienne exigera de ce gouvernement, au nom de la transparence, la mise en oeuvre d'une loi sur le financement des partis politiques.

La décision de cette Chambre se devra de refléter les préoccupations des citoyens et citoyennes du Canada et du Québec, face à la transparence du pouvoir politique. Appuyer C-22, c'est cautionner la non-transparence. Jamais le premier ministre qui se définit lui-même comme le héros de la transparence ne nous le pardonnerait.

Depuis le 25 octobre 1993, il s'est passé au Canada beaucoup de choses, notamment l'arrivée d'un contingent de députés pour lesquels la transparence du pouvoir politique est un leurre, sans l'existence de règles législatives rigoureuses, en ce qui a trait notamment au financement des partis politiques. Le choc de notre arrivée en bloc a causé tout un traumatisme au Canada, mais comme certaines thérapeutiques difficiles à avaler, je crois que ce choc ne pourra être que salutaire.

Le débat actuel entourant C-22, débat mené avec compétence et détermination par l'opposition officielle, joue un rôle pédagogique, car il vise à démontrer clairement que le laxisme actuel des règles fédérales concernant le financement des partis politiques dessert les intérêts fondamentaux de notre société.

Les oppositions traditionnelles des trente-quatre autres législatures hésitaient à juste titre à pointer du doigt les amis du régime en place parce que leurs accusations avaient dix chances sur dix d'être un boomerang d'autant plus efficace que les attaques auraient été plus viriles. L'opposition officielle de la trente-cinquième Législature, à laquelle j'appartiens, fait quant à elle la démonstration que l'inexistence de législation quant au financement démocratique ne peut que générer un cercle vicieux dont la logique est simple, dont la logique est évidente.

Cette logique peut se résumer comme suit: personne n'a le droit de mordre la main qui le nourrit. Ce gouvernement encore moins que d'autres. Les contributions des grandes entreprises aux caisses électorales des partis fédéraux traditionnels, bien loin d'être un secret de polichinelle, sont considérées par le gouvernement actuel aussi essentielles que le pain et le beurre. Mais il se trouve qu'il y a beaucoup de beurre, tellement de beurre qu'il est prêt à engorger le foie le plus performant. Autrement, comment expliquer la présence, dans ce projet de loi, de l'article 10, article qui vise à indemniser, s'il le juge à propos, Limited Partnership.

Qui dans cette Chambre peut justifier qu'un gouvernement responsable s'arroge le droit d'accorder une compensation financière raisonnable alors que tout ce contrat, de l'avis même de M. Robert Nixon, était rien de moins que déraisonnable. Je vous invite, monsieur le Président, à en juger par vous-même, puisque dans son rapport, M. Nixon écrit ce qui suit:

Mon examen m'a mené à une seule conclusion. Valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable. Je vous recommande donc de l'annuler.
(1110)

Ce que le premier ministre du Canada a fait. Son enquêteur est l'ancien trésorier ontarien du gouvernement de David Peterson et tête d'affiche du Parti libéral ontarien. Son analyse ne pouvait être que juste.

Je pose de nouveau ma question: Est-il raisonnable d'accorder une compensation raisonnable à la suite de l'annulation raisonnable d'un contrat déraisonnable? Tout citoyen de bon sens répondra sans hésiter: non. Pourquoi donc ce gouvernement sera-t-il tenté de répondre par l'affirmative?


4026

Je risque deux réponses. Réponse numéro 1: «On ne mord pas la main qui nous nourrit.» Quand la main s'appelle Charles Bronfman, Léo Kolber, Herb Metcalfe, Ramsay Withers-j'ai cinq doigts. Réponse numéro deux: «On ne mord pas la main qui nourrit les autres.» Et qui sont les autres? Je vais vous les nommer, monsieur le Président:

Don Matthews, président lors de la campagne à l'investiture de Brian Mulroney, en 1983, et ex-président du Parti conservateur; Bill Neville, démarcheur conservateur, ancien chef de cabinet de Joe Clark et responsable de l'équipe de transition de la première ministre Kim Campbell; Hugh Riopelle, autre démarcheur ayant ses entrées au cabinet de Don Mazankowsky, homme fort du cabinet Mulroney; Fred Doucet, autre démarcheur conservateur et ancien chef de cabinet de Brian Mulroney.

La boucle est bel et bien bouclée. L'affaire de l'aéroport Pearson est une affaire douteuse. L'opposition officielle, par la voix de son chef, refuse de procéder à la deuxième lecture du projet de loi C-22, dont le principe même est défaillant, puisqu'il n'entrevoit pas de mesures visant à rendre transparent le travail des lobbyistes. Ce gouvernement se gargarise depuis trop longtemps avec le mot transparence. Nous lui demandons d'oser enfin poser des gestes conséquents avec ses engagements. Je reprends ici les mots du chef de l'opposition officielle: «Le Bloc votera contre le projet de loi C-22, d'abord et avant tout parce qu'il faut une commission royale d'enquête qui fasse toute la lumière sur cette affaire ténébreuse où le comportement éthique du gouvernement et d'acteurs associés a été pris en défaut.»

Depuis le 25 octobre, ce gouvernement a pris un certain nombre de décisions en conformité avec ses promesses électorales. Au Québec, le contrat des hélicoptères est annulé .Mais où sont les compensations pour les emplois perdus, ces emplois de haute technologie si nécessaires au Québec? Y a-t-il espoir de reconversion industrielle? Pas d'évidence de projet pour le moment. Il est vrai que les travailleurs du Québec ne sont pas ceux qui enrichissent le plus la caisse électorale du Parti libéral canadien.

À Toronto, le contrat de l'aéroport est annulé. Là, on sait bien où iront les compensations. Les Canadiens le savent, les Québécois aussi. Les emplois seront sauvés et les amis de la Pearson Development Corporation seront récompensés, je veux dire, «compensés»!

On annule des contrats signés et, chose à peine croyable, on respecte des contrats oraux. On comprendra que je fais allusion ici à l'affaire Ginn Publishing. Nous exigeons du gouvernement qu'il soit conséquent avec lui-même. S'il recherche la transparence, il se doit de déposer en cette Chambre un projet de loi sur le financement démocratique des partis politiques. Le Québec est, à cet égard, à l'avant-garde du continent américain. J'invite donc le gouvernement à s'inspirer à ce chapitre de la législation québécoise. Il n'y a d'ailleurs pas de honte à être à la remorque du Québec dans ce dossier. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, le Québec, à cause peut-être de sa différence, voit et fait les choses différemment.

(1115)

Et je peux vous assurer, monsieur le Président, que le jour où le Québec choisira de décrocher la remorque canadienne, mon pays sera toujours heureux de collaborer avec son voisin dans la perspective de contribuer à l'édification d'un monde plus juste et plus équitable.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia): Monsieur le Président, en décembre dernier, quand le gouvernement a annulé le contrat Pearson, presque tout le monde a applaudi. Alors, avec ce projet de loi C-22, les libéraux ont décidé d'ajouter de l'eau dans leur soupe, ou on peut dire de cracher dedans. Ils voudraient donner au ministre un chèque en blanc pour dédommager les parties contractantes, surtout, on suppose, les copains libéraux.

[Traduction]

Le ministre des Transports a dit que le gouvernement essayerait d'être raisonnable et équitable envers les promoteurs éventuels, en négociant leurs dépenses réelles. À mon avis, s'il veut se montrer raisonnable et équitable envers les contribuables canadiens, il doit faire en sorte qu'il n'y ait pas un cent de déficit. Un groupe de gens d'affaires, tous d'âge légal et apparemment sains d'esprit, ont joué au plus froussard, jeu dangereux en politique, et ils ont perdu. L'affaire devrait être close.

Il ne faut pas oublier que l'entente avec la société T1 T2 Limited Partnership n'était pas signée quand, le 7 octobre 1993, le leader de l'opposition de l'époque et aujourd'hui premier ministre a clairement averti les parties sur le point de conclure la privatisation qu'elles le faisaient à leur propre risque et qu'un nouveau gouvernement n'hésiterait pas à légiférer pour l'annuler.

La décision d'aller de l'avant dans ces circonstances manquait vraiment de logique. Nous ne devrions avoir aucune sympathie et le ministre devrait tenir serrés les cordons de la bourse.

Je trouve fascinant que, tout en étant prêt à dépenser je ne sais combien de millions de dollars pour faire la paix avec ses amis, le ministre des Transports refuse d'honorer les engagements pris par le gouvernement précédent en vue d'améliorer les petits aéroports.

L'an dernier, l'honorable Jean Corbeil a approuvé une dépense de 230 000 $ pour refaire la surface d'une piste d'atterrissage et améliorer l'éclairage à l'aéroport Assiniboia, en Saskatchewan, aux termes du Programme d'aide financière aux aéroports commerciaux locaux.

L'entente définitive n'était pas encore exécutée lorsque l'ancien gouvernement a été défait. Le 17 novembre 1993, des fonctionnaires de Transports Canada ont assisté à une réunion tenue à Assiniboia, où ils ont présenté une entente au conseil municipal aux fins de signature. L'entente signée, ils sont rentrés à Ottawa et l'affaire en est restée là. En février, au cours d'un entretien téléphonique, un membre du cabinet du ministre a informé le maire que l'entente était en suspens et depuis, le cabinet du ministre ne retourne plus les appels portant sur cette question.


4027

Au Parti réformiste, nous n'attendons pas qu'une longue et coûteuse commission d'enquête fournisse un rapport longtemps après que tout le monde aura oublié la cause de l'enquête.

Nous voulons que le Comité permanent des transports exerce son pouvoir de faire comparaître des témoins du gouvernement et du secteur privé. Les libéraux nous ont promis un gouvernement plus ouvert et des comités plus puissants. Nous demandons la tenue d'audiences pendant quelques semaines, afin de déterminer si le gouvernement est disposé, conformément au paragraphe 10(1) de ce projet de loi, à verser une indemnisation. Nous devons garantir qu'il n'y ait pas anguille sous roche.

(1120)

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je reprends la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-22, projet de loi qui se rapporte à la résiliation d'un contrat. Mais je pense que ce que le Bloc québécois est en train de faire, c'est le procès des lobbyistes. Je pense que plusieurs de mes confrères et consoeurs ont soulevé ce point au cours de leurs discours. Du côté du gouvernement, on commence à nous taxer de gens qui ne font que palabrer ou ergoter, mais ce que nous faisons, c'est saisir l'opportunité de discuter à fond d'une question dont le gouvernement n'aurait voulu parler que d'une façon superficielle.

Je pense que la surprise est de taille pour le gouvernement parce que cette discussion sérieuse, même si on veut qu'elle se termine par une commission royale d'enquête, nous permet à l'intérieur de la Chambre des communes de faire avancer des sujets forts importants que le gouvernement voulait peut-être garder sous le couvert. Je profite de l'occasion aujourd'hui pour préciser et pousser un peu plus loin le raisonnement que j'ai présenté la semaine dernière. Entre autres, j'avais fait une analogie entre les différents aéroports du côté des autorités aéroportuaires locales et j'apporterai un peu plus de précision aujourd'hui.

Grosso modo, il y a trois types de gestion des aéroports depuis 1987. On se rappelle que le ministre de l'époque, M. Mazankowski, avait lancé la dérèglementation et la capacité pour l'ensemble des communautés de prendre en main leurs aéroports. À l'époque, M. Mazankowski disait qu'il y avait 200 aéroports au Canada et qu'ils étaient tous à rétrocéder. Alors, ceux que la question intéressait pouvaient s'en emparer et faire en sorte de contrôler de façon raisonnable, de façon communautaire, de façon solidaire leur aéroport.

Naturellement, avant 1987, Transports Canada gérait tous les aéroports, avec tous les inconvénients que cela créait. Je me rappelle quand j'ai commencé à Aéroports de Montréal, où j'ai siégé pendant cinq ans, on était en préparation de négociation avec Transports Canada et déjà on étudiait l'historique de la gestion des aéroports de Montréal. On examinait la lourdeur de la gestion de Transport Canada, lourdeur à tous points de vue comportant des changements. La bureaucratie était lourde, ça prenait des mois avant d'obtenir gain de cause et satisfaction sur des points précis.

Naturellement, la région de Montréal a opté pour l'autorité aéroportuaire locale, qui est une autre façon de gérer les aéroports. À cette époque, nous avions déjà dépassé le grand rêve de faire de Montréal la plaque tournante du trafic aérien, ce qui avait été une promesse libérale lors de la construction de Mirabel. La promesse à l'époque était que Montréal deviendrait la plaque tournante de l'Amérique et du Canada.

Malheureusement, avec les changements de technologie, on sait que les avions sont beaucoup plus performants maintenant qu'à l'époque, ce qui ne les force plus à atterrir à Montréal. Nous nous sommes aperçu que les avions allaient directement à Toronto et le secteur privé à Toronto s'en est aussi très bien rendu compte. C'est pour ça qu'Ottawa a toujours favorisé Toronto, Transports Canada favorisait Toronto, et on a vite perdu le titre de plaque tournante. On constatait que dans l'ensemble des créneaux majeurs d'activités à Toronto, si on tentait à partir de Montréal d'atterrir à Toronto-je vous parle de Michel Leblanc avec Inter à l'époque-, on offrait à Inter, qui s'était dissocié d'Intercanadien, des créneaux d'atterissage à Toronto qui rendaient la survie d'une entreprise bien gérée impossible. Est arrivé ce qui devait arrivé: Inter a fait faillite et a résilié ses créneaux d'activités et d'atterrissage à Toronto.

On voit que lorsqu'on laissait le pouvoir entre les mains de Transports Canada, c'était un abus de pouvoirs et c'est Toronto qui en bénéficiait comparativement à Montréal. Donc, lorsque la politique est entrée en vigueur en 1987 et que nous avons eu l'occasion de prendre notre propre avenir en main relativement à la gestion de nos aéroports, la grande région de Montréal a saisi cette occasion. Ils ont formé un conseil d'administration avec un exécutif très représentatif de la région. La couronne nord, la couronne sud et l'île de Montréal se sont prises en main et ont dit: «On va faire en sorte de négocier avec le gouvernement fédéral la rétrocession de cet aéroport.» Rappelons-nous aussi qu'à l'époque, il y avait la question de la dualité. Le gouvernement jonglait avec l'idée: Est-ce qu'on va fermer Mirabel? Est-ce qu'on va fermer Dorval? Encore une fois, voilà une autre démonstration que, lorsque ce pouvoir-là était centralisé du côté d'Ottawa, on avait très peu de mots à dire, nous, à cet égard.

(1125)

Autrement dit, le gouvernement fédéral aurait pu arriver, du jour au lendemain, et dire: Nous, on décide qu'on ferme Mirabel parce qu'on constate que ce n'est plus une plaque tournante, et on va tout concentrer à Dorval, et vice versa aussi. Alors, c'était extrêmement dangereux pour nous.

Un des premiers mandats d'ailleurs que Aéroports de Montréal a mis de l'avant, c'est d'examiner en profondeur cette question de la dualité aéroportuaire dans la région de Montréal. Avec un panel international qui est venu nous assister, on a constaté le très grand potentiel des deux aréoports, c'est-à-dire qu'on a un seul aéroport mais deux aérogares. Le panel international nous disait que c'était quelque chose d'extraordinaire et qu'il fallait en tirer profit. Naturellement, Aéroports de Montréal ayant maintenant les cartes en main a fait en sorte de développer un plan d'action et un plan d'affaires qui vont mettre en relief les aéroports. Finalement, on a notre mot à dire aussi sur les droits d'atterrissage et on peut s'ingérer de façon beaucoup


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plus ardue et intéressante afin d'attirer des clients potentiels qui viennent de partout dans le monde.

Pendant cette négociation, on s'est aperçu aussi de certaines réalités. Naturellement, Ottawa voulait négocier un bail à long terme et, de notre côté, nous, on voulait regarder du côté des options d'achat parce que ce n'est jamais facile pour des compagnies, dans le parc industriel qui entoure les aéroports, de venir s'installer en ne sachant pas si, dans 20, 30 ou 40 ans, les aéroports seront toujours là, parce qu'elles risquent que le gouvernement les reprenne.

Alors, on introduit des notions intéressantes du côté de la négociation. Du côté financier, on s'est aperçu aussi dans les négociations que, sur les 30 millions de revenu annuel qu'on a et qu'on va réinjecter dans la communauté dans les infrastructures, il a fallu jouer du coude pour faire en sorte que le gouvernement fédéral nous consente une part de 12 millions incluse dans les 30 millions parce que le gouvernement nous disait: «Bon, on est prêt à vous rétrocéder car, dans les projections financières qu'on a, on avait 30 millions de revenu avant, mais on en réinjectait juste 18 à Montréal.»

Alors, il était très important pour nous que les revenus créés par Montréal restent à Montréal. On en a fait une démonstration très claire en injectant, justement pour les cinq prochaines années, à raison de 30 millions par année, 150 millions dans des projets d'insfrastructures aéroportuaires à Montréal, ce qui ne se serait pas produit avant.

Le fait que Toronto ait été favorisé, naturellement, a fait saliver le secteur privé. Le secteur privé a vu qu'il y avait une assiette au beurre là et on a vu ce qui s'est passé pendant la campagne électorale. L'ancien gouvernement a dit: «On va donner cela à l'entreprise privée; on a beaucoup de nos amis là-dedans.» Et il y a toute la question, naturellement, des caisses de financement des partis politiques là-dedans où, finalement, je pense que le Parti conservateur a cédé face à ses amis qui voyaient là une belle occasion de mettre les mains dans l'assiette au beurre.

Ce qui s'est passé lorsqu'on a vu le changement de gouvernement, c'est qu'en regardant la liste, le gouvernement s'est aperçu que lui aussi avait beaucoup d'amis là-dedans. Alors, est arrivé le fameux projet de loi C-22 qui est devant nous, avec la conclusion que, maintenant, on veut compenser nos amis, qui étaient aussi des amis de l'autre côté. Alors pour les lobbyistes, peu importe de quel camp il s'agisse. Je ne leur en veux pas, leurs intérêts sont là, mais je pense que lorsqu'on joue avec l'argent des contribuables, il est important qu'on le fasse de façon correcte.

C'est pour cela que je voulais saisir l'occasion aujourd'hui de tenter, encore une fois, de dire à cette Chambre que les autorités aéroportuaires locales sont la meilleure préservation, la meilleure protection contre toute la question des lobbies.

Naturellement, la demande de commission royale d'enquête pourrait faire en sorte que, dorénavant, quand on joue avec l'argent des contribuables, le secteur privé pourrait y songer à deux fois avant de demander au ministre de déposer des projets de loi du genre pour compenser les amis du régime.

Finalement, il me fera plaisir de voter contre le projet de loi C-22, mais il faudrait aussi que l'amendement du Bloc québécois sur la commission royale d'enquête soit retenu. J'invite mes confrères et mes consoeurs de cette Chambre à adopter cet amendement-là. Pendant que nous y serons, cette commission royale d'enquête pourrait aussi examiner la pertinence de confier à la grande région de Toronto sa propre gestion de l'aéroport et que Toronto se crée une autorité aéroportuaire locale, ce qui est une protection maximale contre les lobbies et un bon préservatif aussi pour que l'argent des contribuables soit bien géré au Canada.

(1130)

[Traduction]

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan): Monsieur le Président, annuler les accords concernant l'Aéroport Pearson était certainement une excellente initiative. Le premier ministre et son gouvernement méritent des félicitations pour cela.

La mesure habilitante, le projet de loi C-22, prévoit toutefois des dispositions concernant l'indemnisation des promoteurs. Pourquoi? Selon le numéro du Sun d'Ottawa du 6 octobre 1993, durant la campagne électorale, le chef de l'opposition de l'époque, c'est-à-dire l'actuel premier ministre a dit: «Je mets la première ministre au défi d'annuler immédiatement les accords. La population a le droit de connaître leur teneur.» Le premier ministre avait parfaitement raison de dire cela.

Qui plus est, le 26 avril dernier, un autre représentant du parti ministériel, le ministre des Transports, a déclaré ceci: «Après un examen attentif des accords, le gouvernement a déterminé qu'ils n'étaient pas dans l'intérêt public. Cet examen incluait un rapport de M. Robert Nixon où celui-ci fait état d'un processus de négociation irrégulier et de la possibilité de manipulation politique.»

Le ministre des Transports a ajouté ceci: «Le gouvernement rejette la façon qu'avait le gouvernement précédent de faire des affaires au nom des Canadiens. La grande confiance accordée à des lobbyistes, les accords secrets, la manipulation concernant le bien-fondé d'intérêts privés et le manque de respect pour l'impartialité des fonctionnaires sont tout simplement inacceptables.» Je félicite le ministre de ses propos.

Le gouvernement semblait donc dénoncer les accords secrets et voulait que tout se fasse ouvertement, mais le projet de loi C-22 qu'il présente autorisera le ministre des Transports à verser les sommes qu'il jugera à propos aux partenaires, pour les dépenses qu'ils auront engagées. C'est là tout le problème.

Le gouvernement dit, d'une part, qu'il veut faire les choses au grand jour, mais il nous demande, d'autre part, de lui faire confiance; il veut pouvoir verser l'indemnisation qu'il jugera à propos sans qu'il soit nécessaire de rendre les détails publics.

Seulement trois semaines se sont écoulées entre la signature des accords le 7 octobre et la décision de les laisser en suspens. S'il faut verser une indemnisation pour les travaux effectués durant cette courte période, qu'on rende publics tous les détails de cette affaire.


4029

Pourquoi le gouvernement veut-il maintenant empêcher la population de connaître tous les faits? Est-ce parce qu'il a découvert que ces accords touchaient un grand nombre de ses amis? Il semble qu'il n'y avait pas que les conservateurs du consortium de Paxport qui étaient visés, mais aussi des sympathisants libéraux de Claridge Properties Limited et de Paxport.

C'est peut-être pour cela que le gouvernement veut verser une indemnisation, sans rendre la chose publique. Le chef de l'opposition l'a dit très clairement dans un discours qu'il a prononcé à la Chambre le 26 avril. Je souscris tout à fait à l'analyse qu'il a faite de la situation, mais à la fin, il a recommandé de confier à une commission royale d'enquête le soin de faire la lumière sur toute cette affaire.

(1135)

Nous convenons qu'il faut rendre les faits publics, mais quelle est la meilleure façon de procéder? Une commission royale coûterait des millions de dollars, et ses travaux dureraient des mois, voire des années, si l'on se fie aux expériences passées. Pourquoi alors ne pas mettre à profit les mécanismes gouvernementaux déjà en place, en l'occurrence le Comité permanent des transports? La Chambre pourrait aussi décider de former un comité spécial chargé d'enquêter sur cette affaire et d'entendre suffisamment de témoins pour faire toute la lumière sur les accords concernant l'Aéroport Pearson.

Voilà une occasion d'inspirer aux citoyens canadiens une confiance renouvelée dans cette institution parlementaire. Ils ont perdu une bonne partie de la confiance qu'ils avaient dans le système politique et peut-être même dans la Chambre des communes. Ils se disent: «À quoi sert le Parlement, si on ne peut pas y débattre de tout ouvertement?» L'occasion s'offre à nous. Soumettons le dossier à l'attention de la population canadienne. Montrons aux Canadiens que nous pouvons y faire comparaître des témoins et étaler au grand jour tous les aspects de ce qui risque d'être une sale affaire.

Une telle mesure, c'est-à-dire la décision de faire comparaître des témoins devant un comité spécial ou le Comité permanent des transports, pourrait avoir les quatre incidences suivantes sur le pays et sur la Chambre des communes.

Premièrement, elle assurerait la divulgation publique de tous les éléments de l'affaire. Deuxièmement, elle permettrait de décider s'il y a des cas où un dédommagement s'impose et de les faire connaître. Troisièmement, elle pourrait représenter une économie importante par rapport à ce qu'il en coûterait d'instituer une commission royale. Enfin, elle pourrait rétablir la confiance de la population dans le Parlement.

Pour conclure, j'invite la Chambre à envisager sérieusement la façon de mener à bien l'enquête sur l'affaire de l'Aéroport Pearson, que ce soit par l'intermédiaire du Comité permanent des transports ou d'un comité spécial.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Monsieur le Président, le gouvernement libéral pensait, en présentant à cette Chambre le projet de loi C-22 comme étant sa marque dans la transparence politique sur le controversé dossier Pearson de Toronto, que l'opposition aurait acclamé ce projet de loi. Mais le gouvernement nous prend pour qui ou pour quoi? La réalité est que cette proposition législative camoufle la partisanerie à son état pur et corrobore la complicité des vieux partis fédéraux. Pour faire faire la «piastre» aux bons vieux amis du système, rien n'est impossible.

Je ne suis pas sans doute le premier à soulever le fait que ce projet de loi amplifie les doutes, multiplie les interrogations et quintuple la nécessité d'une enquête royale où la lumière sera faite une fois pour toutes sur toute cette histoire.

Le 26 avril 1994, le ministre des Transports, pas un bloquiste, pas un réformiste, mais une personne du gouvernement libéral, a dit en cette Chambre, et je le cite:

Après un examen attentif des accords et du rapport de M. Robert Nixon. . .
Encore là, on voit la transparence du gouvernement, on a pris un bon vieux libéral, un ancien ministre pour faire cette enquête-là. Et c'est cette personne qui a fait état.

. . .processus de négociation irrégulier et de la possibilité de manipulation politique.
Comme si cela n'était pas suffisant, il ajoute:

La grande confiance accordée à des lobbyistes, les accords secrets, la manipulation concernant le bien-fondé d'intérêts privés et le manque de respect pour l'impartialité des fonctionnaires sont tout simplement inacceptables.
(1140)

Si, à ces qualifications, on ajoute les millions, que dis-je, les centaines de millions de dollars en jeu, on a tous les ingrédients pour mettre au grand jour un véritable scandale politique.

Je pense qu'on peut désormais appeler l'affaire Pearson la célèbre affaire Pearson. On doit obtenir une enquête royale pour faire la lumière et mettre au pas les lobbyistes et les politiciens irrespectueux des deniers publics. Cependant, le gouvernement libéral, après avoir examiné attentivement tous les tenants et aboutissants de cette affaire, se rend compte qu'autant les bons vieux amis du Parti libéral que ceux du Parti conservateur sont impliqués dans ce dossier. Et là, ils sont mal pris.

Qu'est-ce qu'ils font? Ils présentent ici, en cette Chambre, le projet de loi que nous avons sous étude, en espérant que ce projet de loi passe en douce ou plutôt que l'opposition ne voie rien. Cependant, la vigilance du Bloc québécois a mis au grand jour les irrégularités dont nous discutons depuis quelques jours.

L'électorat est écoeuré et dégoûté de la magouille politique où les riches s'en mettent plein les poches et les payeurs de taxes, la classe moyenne, par le principe des vases communiquants, se font vider les leurs. Au niveau fédéral, tout est plus gros, plus grand, plus complexe. Les budgets, les dépenses, le favoritisme, les scandales, on multiplie tout par dix, au nom, sans doute, de l'unité canadienne.


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Bien oui, il faut bien remplir les poches de ceux qui viendront défendre le beau et grand pays au moment venu. Le nerf de la guerre, c'est l'argent, les vieux partis l'ont compris depuis longtemps et c'est pour ça qu'ils en profitent pendant qu'ils ont les deux mains dedans.

Justement, c'est cette façon de faire qui horripile le peuple du Québec et les Canadiens. La colère gronde. En plus, dans l'affaire Pearson, comme dans tous les dossiers traités jusqu'à maintenant par l'actuel gouvernement, les Québécois et les Canadiens se sentent exploités et manipulés. C'était le temps, pour le premier ministre, dans cette affaire, de démontrer à l'électorat qu'il était un homme de principes, un véritable chef d'État, comme on est en droit de s'attendre, en imposant une enquête royale avant même de présenter l'actuel projet de loi C-22.

Mais non, on se rend compte rapidement qu'il est de la lignée des mous, de ceux qui se font tirer l'oreille et forcer la main. Pourtant, lors de la dernière campagne électorale, le Parti libéral, dans une période de vertu où il sollicitait la confiance de l'électorat, avait une position à cet égard. Dans son livre rouge, qui est la bible que l'on cite à tour de bras dans cette Chambre, on mentionnait à la page 91, et je cite:

. . .nous rédigerons un Code de déontologie à l'intention des ministres, des sénateurs et des députés, des personnels politiques et des fonctionnaires pour bien encadrer leurs rapports avec les groupes de pression. Nous prendrons aussi des mesures pour mieux réglementer les activités des lobbyistes, notamment en ce qui concerne l'adjudication des marchés publics.
Nous désignerons un conseiller indépendant pour émettre des avis à l'intention des titulaires de charges publiques et des groupes de pression pour l'application du Code de déontologie. Le conseiller sera nommé après concertation avec les chefs de tous les partis représentés à la Chambre des communes et fera rapport au Parlement.
Où est ce conseiller indépendant? Quand le gouvernement entend-il le consulter? Pourquoi lésine-t-on depuis le début sur cette question? Où est la volonté politique? Où est la transparence souhaitée? Nulle part, parce que maintenant, les libéraux forment le gouvernement et lorsqu'on forme le gouvernement, bien sûr, on s'empresse très rapidement d'oublier ses engagements.

La transparence, c'est l'objectif de l'enquête que le Bloc québécois souhaite et exige dans l'affaire Pearson. Et si ce que l'on trouve, dans le fameux livre rouge que je viens de citer, n'est pas juste des paroles électorales, l'enquête royale serait déjà en cours et nous, du Bloc québécois, applaudirions cette initiative. Mais non, le contraire s'est produit.

Lorsqu'on parle de lobbyistes, de favoritisme, de manipulation, de négociations douteuses et que le gouvernement ne fait rien, immédiatement, il me vient une image en tête, une image d'un homme aux mains et pieds liés incapable d'agir parce qu'il s'est compromis.

Pour empêcher que de tels contrats voient le jour de nouveau et qu'un vacuum ne se reproduise dans les finances publiques, il faut s'attaquer à la source du problème, à la racine du mal, soit au financement des partis politiques.

Pourquoi ce gouvernement refuse-t-il de démocratiser le système de financement des partis politiques comme nous, du Bloc québécois, l'exigeons depuis des mois? Comment le gouvernement libéral peut-il prétendre rendre le système plus transparent quand il dépend lui-même du financement des grandes corporations?

(1145)

Comment peut-il expliquer qu'il a besoin du Club des cent, des clubs donateurs et bienfaiteurs du parti, ou même du Club Laurier, à 1 000 $ la carte, pour qu'un contribuable ait accès aux députés, au parti ou à l'antichambre des décisions?

Comment un parti, un chef de parti peut-il se lier les mains de cette façon en acceptant des sommes aussi grosses qu'un quart de million de dollars des banques?

Eh bien oui, pour ceux et celles qui ne le savent pas, en 1992, les derniers chiffres que j'ai à ma disposition, les six plus grandes banques canadiennes ont contribué pour près d'un demi million de dollars aux caisses des Partis libéral et conservateur. Selon les données que j'ai, le Parti conservateur a encaissé environ 240 000 $ et le Parti libéral 245 000 $, comme on le voit par la quasi égalité des contributions, les institutions financières ont un sens de l'équité électorale.

Comment pensez-vous que les grandes familles canadiennes, les riches du système ont donné aux vieux partis pour que le gouverement refuse catégoriquement de revoir le système de la fiscalité des fiducies familiales?

Comment pensez-vous que M. Charles Bronfman et le consortium qu'il représente ont donné au Parti libéral pour que ce dernier tente de camoufler dans un projet de loi des millions en indemnités sans que le Parlement se penche dessus?

Au Québec, sous l'égide de René Lévesque, nous avons fait au grand jour l'épuration des moeurs politiques qui, aujourd'hui, pour les Québécois et les Québécoises, est un gage de fierté et de vitalité démocratique.

Ce qu'il faut, c'est brancher notre système politique en le rendant plus réceptif aux citoyens, ce qui lui redonnera un nouveau souffle.

Les connivences bien connues entre les gros bailleurs de fonds et certains partis politiques suscitent dans la population une méfiance malsaine à l'égard de nos institutions politiques. Il faut que cela change!

Je terminerai ainsi: il est extrêmement important que le gouvernement accepte et se plie aux exigences demandées par le Bloc québécois en ce qui concerne l'enquête royale pour faire la lumière sur toute l'affaire Pearson. Ce serait un premier pas face à la transparence souhaitée.

Le deuxième pas, il s'agirait pour le gouvernement d'accepter la résolution déposée par le député de Richelieu, un député du Bloc québécois, relativement au financement des partis politiques. Il faut véritablement que le gouvernement enclenche le


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plus tôt possible le processus de démocratisation de financement des partis politiques.

Cette marque bien québécoise de la démocratisation du financement politique est sans doute l'héritage que j'apprécierais le plus laisser au Canada au moment où le Québec deviendra souverain.

M. Réjean Lefebvre (Champlain): Monsieur le Président, aujourd'hui nous nous penchons sur le projet de loi C-22. J'ai fait mes devoirs et j'ai lu une abondante littérature sur le sujet de la privatisation de l'aéroport Pearson, et encore celle-ci ne répond pas à toutes mes questions.

Je dois vous avouer que plus je lisais, plus les questions me traversaient l'esprit.

Avec toutes ces questions sans réponse et, en tant que payeur de taxes, je ne puis m'empêcher de rugir de honte à voir la magouille politique que les potentats proches des deux vieilles formations politiques canadiennes ont peut-être mise en oeuvre pour en arriver à leurs fins, soit la tentative de privatisation de l'aéroport, une transaction qui va tellement au désavantage de l'intérêt public et du plan de transport aérien.

Que l'on soit politiciens ou administrateurs publics, la décence de ces postes exige une probité exemplaire et que tout soit fait au grand jour et sans tricherie. Dans le cas qui nous concerne tous aujourd'hui, il semble que l'intérêt d'une minorité soit passé bien avant l'intérêt du public. Les initiés qui auraient eu un accès direct au Cabinet du premier ministre et du chef de l'opposition de l'époque, et ce par le biais de leur armée de lobbyistes, auraient reçu, par le fait même, de l'information privilégiée.

Je ne suis pas le genre de politicien à voir des scandales partout. J'aime analyser, chercher, réfléchir. Plus je cherche, plus j'analyse, plus je réfléchis, plus je me pose de sérieuses questions sur toute cette affaire.

Dans ce dossier, tout me semble être parti de travers. Et si j'en tire une conclusion rapide, on peut dire que les lobbyistes, dont certains malheureusement mangent à l'auge du patronage, ont fait leur travail et que le système de magouille ne souffre pas de transparence aiguë.

(1150)

De triste mémoire de Québécois, plus de 20 ans après l'erreur de grandeur libérale de Mirabel, j'ose espérer que le libéralisme du gouvernement ne nous replongera pas encore dans des dépenses inacceptables pour les contribuables. Permettez-moi de vous relater des faits troublants dans le dossier de l'aéroport Pearson.

Que doit penser le citoyen ordinaire, le payeur de taxes de ses politiciens et de ses administrateurs publics lorsque le gouvernement fédéral, en limitant son appel d'offres à 90 jours, éliminait automatiquement toute compagnie n'ayant pas été associée antérieurement à la question de la privatisation de l'aéroport Pearson? Aucune proposition honnête menant à l'octroi d'un contrat de plusieurs centaines de millions de dollars et ce, pour 57 ans, ne pouvait donc être reçue.

Aucune analyse financière préalable n'a été exigée par le gouvernement dans cette demande de proposition. Il est indécent que pour un tel projet, la proposition gagnante ait été retenue sans aucune vérification sur sa viabilité financière. Quelque deux mois après le choix de la compagnie, celle-ci semble en difficulté financière et fusionne avec son seul compétiteur; c'est une belle leçon d'administration publique!

Une des clauses de l'entente interdit formellement à Transport Canada d'effectuer des investissements aéroportuaires dans un rayon de 75 kilomètres pouvant nuire à l'achalandage de Pearson. Qui tire avantage de cette clause? Certainement pas les payeurs de taxes du comté de la vice-première ministre.

Où est l'intérêt du public voyageur lorsque, de toute évidence, il en aurait coûté beaucoup plus cher aux transporteurs aériens pour utiliser ces aérogares? En effet, les coûts d'utilisation auraient augmenté de 350 p. 100, soit de 2 $ à 7 $ par passager. Où est l'intérêt du public lorsque la compagnie à qui a été octroyé le contrat n'est pas tenue de moderniser les aérogares pour les 50 prochaines années? Quels seront les besoins aéroportuaires dans 50 ans? Quel sweetheart deal! Où est l'intérêt du public lorsque le gouvernement perd le contrôle de l'aéroport entre les mains de l'entreprise privée qui pourrait être en difficulté financière ou faire faillite ou encore négliger les services aéroportuaires au détriment des intérêts des voyageurs et du développement régional? La politique du gouvernement n'est-elle pas de favoriser l'opération des aéroports par des groupes locaux d'élus et de gens d'affaires, comme on a si bien su le faire à Montréal, Vancouver et Edmonton?

Comme le mentionnait M. Robert Nixon dans son rapport: «Je suis d'avis que le processus de privatisation et de réaménagement des aérogares 1 et 2 de Pearson est très loin de favoriser au plus haut point l'intérêt public.» Cette conclusion de M. Nixon rejoint donc en tous points les prétentions de l'opposition officielle.

Dans l'affaire de l'aéroport Pearson, il n'y a pas que des chiffres et des compagnies, il y a aussi des hommes clés, des magouilleurs professionnels. Par exemple, il y a, semble-t-il, cet ancien organisateur du premier ministre actuel et lobbyiste connu. Il y a aussi ce lobbyiste libéral, ancien sous-ministre des Transports durant ce processus d'appel d'offres et qui, semble-t-il, entretient lui aussi de profonds liens avec le très honorable premier ministre. Sans oublier, ce cher sénateur libéral qui, semble-t-il, était administrateur de l'heureuse compagnie et qui avait reçu à sa résidence des personnalités politiques et autres à 1 000 $ le couvert et ce, en pleine campagne électorale. Certains des invités avaient peut-être des intérêts particuliers dans le dossier de l'aéroport Pearson. Vous me permettrez de ne pas faire référence, et encore moins révérence, aux nombreux lobbyistes, tant libéraux que conservateurs, qui grenouillaient dans ce dossier.


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(1155)

Dans son rapport, M. Nixon souligne à grands traits, et je cite: «Des faits, combinés au processus boîteux décrit plus haut, amènent naturellement à soupçonner que le favoritisme n'est pas étranger au choix de Paxport Inc.»

L'affaire de l'aéroport Pearson nous prouve encore une fois la nécessité de revoir la loi concernant l'enregistrement des lobbyistes afin de mettre fin à la magouille et au patronage de certains lobbyistes, y compris ceux ayant des liens avec le parti au pouvoir.

Connaissant le premier ministre, j'espère qu'il souscrira à une telle révision dans les plus brefs délais. D'ailleurs, il s'y est déjà engagé dans le livre rouge du Parti libéral.

Les populations de l'Ontario, du Québec et du Canada en général, ont le droit de savoir ce qui s'est passé. Vous et moi, tous mes collègues, et tous les payeurs de taxes sont en droit de savoir s'ils en auront eu assez pour leur argent. En disant que la non-divulgation de l'identité complète des parties à cet accord et d'autres importantes dispositions du contrat éveillent inévitablement la méfiance du public, M. Nixon effleure le problème. Nous, les parlementaires, devrons franchir une étape de plus et offrir au peuple l'occasion de savoir ce qui s'est réellement passé.

Étant donné les faits troublants associés à toute cette affaire, nous, du Bloc québécois, demandons une enquête publique qui doit faire toute la lumière sur tous les faits pertinents. La refuser cette enquête, monsieur le Président, c'est vouloir cacher des choses et priver le payeur de taxes de la vérité toute crue quelle qu'elle puisse être. Seule une enquête publique déterminera s'il doit y avoir compensation. Le cas échéant, le Parlement doit en fixer le montant. L'intérêt public doit primer et nous guider dans notre action.

M. Boudria: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je veux bien m'assurer que j'ai bien compris. J'ai cru entendre le député accuser des députés de cette Chambre d'être en conflits d'intérêts sur le dossier de l'aéroport Pearson. Si j'ai bien saisi la portée des paroles du député, vous allez comprendre, monsieur le Président, qu'on ne peut pas accuser d'autres députés de cette Chambre de commettre des gestes illégaux, peut-être criminels, et s'en tirer indemne.

Alors, je demanderais au député d'en face de bien préciser la portée de ce qu'il vient de nous dire et s'il a accusé des députés de cette Chambre, il devrait au moins les nommer. À ce moment-là, monsieur le Président, vous prendrez les mesures que vous trouverez opportunes envers des gens qui font des accusations semblables.

M. Lefebvre: Monsieur le Président, je demanderais à mon collègue de relire mon discours. Je me suis attaqué au parti et non aux députés.

M. Boudria: La ligne est mince!

Le vice-président: Semble-t-il qu'ici il y a un conflit d'intérêts. Ça dépend des circonstances si on dit que les autres députés ont fait des choses, disons, criminelles; c'est une chose. Si on dit que c'est un conflit d'intérêts de façon générale, c'est autre chose. Je crois bien qu'après avoir entendu les remarques du député, c'est un sujet de débat, parce que je n'ai pas entendu un député accuser quelqu'un d'autre d'une chose, disons, criminelle.

Je vais examiner les bleus. S'il y a un autre problème, je pourrai revenir sur cette question. Pour le moment, je pense que le député a conclu ses remarques. Est-ce qu'il veut continuer ses remarques, car il a encore. . .

Une voix: Il a terminé.

Le vice-président: Il a terminé. Reprise du débat. Je cède donc la parole à l'honorable député de Ahuntsic.

M. Michel Daviault (Ahuntsic): Monsieur le Président, lors de ma dernière intervention en cette Chambre sur le projet de loi C-22, j'ai eu l'occasion d'aborder quelque peu le travail fait par certains lobbyistes et certains amis du gouvernement.

Je rappellerai notamment les noms de MM. Leo Kolber, Herb Metcalfe, Ramsey Withers, Ray Hession, Don Matthews, Fred Doucet, sans mentionner les noms des entreprises et consortiums pour lesquels ils ont intercédé dans ce contrat sur la privatisation de l'aéroport Pearson.

(1200)

Je rappellerai qu'il n'y a là que la pointe de l'iceberg. Je vous ferai grâce des généreuses contributions financières directes ou indirectes de tous ces gens et entreprises aux caisses des partis conservateur et libéral.

Alors, que faire de cet enchevêtrement de liens qui se sont tissés au fil des ans entre ces entreprises, leurs lobbyistes et les gouvernements qui se succèdent et qui se ressemblent étrangement? Il faut vraiment avoir la tête dans le sable pour ne pas reconnaître le poids politique réel de tous ces personnages qui fourmillent autour du gouvernement et dans les organisations des partis politiques traditionnels.

Les lobbyistes ont appris comment influencer les gouvernements. On comprendra mieux pourquoi nous réclamons non seulement une vraie loi sur le lobbyisme, mais aussi une loi sur le financement des partis politiques. Une loi qui interdirait tout financement des corporations et qui limiterait les contributions individuelles, car, contribuant judicieusement à la caisse des deux principaux partis politiques, les corporations, par l'intermédiaire de leurs lobbyistes, réussissent à négocier des contrats blindés, de telle sorte que chacun des gouvernements qui se succèdent n'a pas vraiment le choix que de respecter ces contrats ou d'offrir des compensations comme cela semble être le cas dans le projet de loi que nous débattons aujourd'hui.

Ce projet de loi C-22, avec son article 10, met en cause la prétendue transparence de ce gouvernement dans tout ce dossier.


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Qu'est-ce qui différencie ce gouvernement libéral de l'ancien gouvernement conservateur? Peu de choses, peu de choses!

En ce qui concerne les lobbyistes et le projet de loi C-22, je me permettrai de rapporter ici quelques éléments du projet de loi C-44, Loi concernant l'enregistrement des lobbyistes, loi sanctionnée le 13 septembre 1988 et entrée en vigueur le 30 septembre 1989. Il s'agissait alors de la première loi de ce type à prendre effet. Elle fut amendée par le projet de loi C-76, adopté le 22 février 1993, mais ne fut jamais mise en oeuvre. Pour le moins étonnant, n'est-ce pas?

Des règlements ont été adoptés en vertu des pouvoirs conférés par la loi C-44, mais ceux-ci ne concernent que des questions procédurales, importantes sans doute, mais qui ne soulèvent que peu les questions de fond.

Quels sont les objectifs de cette loi sur les lobbyistes? Cette loi est axée autour de plusieurs principes de base, dont notamment les suivants:

Le public possède le droit de faire connaître ses vues et de jouir d'un libre accès au gouvernement. C'est le principe de l'accessibilité; les activités auprès du gouvernement devraient être claires et transparentes; l'administration du système doit être simple.

Un comité permanent a été mis sur pied pour étudier, entre autres, toute cette question du lobbyisme et a produit un rapport, le neuvième, en 1993, Rapport sur le lobby.

Je me permettrai ici de relever certains éléments de ce rapport, car il y a un lien évident avec le projet de loi C-22. Tout se tient, car le manque de transparence en constitue la toile de fond. Par exemple, on rapporte que de nombreux témoins ont reconnu que le lobbyisme contribue à l'élaboration efficace des politiques, qu'il améliore la communication avec les décisionnaires ministériels. On rapporte aussi qu'il est un élément nécessaire du processus décisionnel moderne. Pourtant, le lobbyisme, c'est vieux comme le monde.

Cependant, et c'est là, à mon sens, tout le fond du problème, on dit également que lorsque le lobbyisme se fait à l'insu du public, les décisions prises risquent davantage d'aller à l'encontre de l'intérêt du public.

Le projet de loi C-44 vise à obliger les lobbyistes à s'enregistrer auprès du Directeur. De plus, deux catégories de lobbyistes sont créées: une première catégorie dite de lobbyistes professionnels, et la seconde dite des autres lobbyistes.

Pour chaque catégorie, il existe un certain nombre de règles auxquelles chaque groupe doit se soumettre. Cependant, ajoutons simplement que ces règles ne sont pas les mêmes pour les deux catégories de lobbyistes. Il y a deux poids, deux mesures.

Je n'ai pas l'intention de soumettre à la Chambre tous les éléments de cette loi complexe. Nous aurons l'occasion d'y revenir si le gouvernement tient sa promesse de mettre en application le rapport de la commission permanente chargée d'examiner la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Aussi, je me limiterai à soulever quelques problèmes reliés à cette législation et à faire le lien avec le projet de loi C-22.

En ce qui concerne les exigences d'enregistrement et de divulgation de l'objet de l'intervention, ici, le projet de loi C-44 prévoit que la deuxième catégorie de lobbyistes, les autres, ne dévoileraient que leur nom et celui de leur employeur. À ce propos, le comité permanent rapporte que pareille divulgation ne donne aucune idée des types de questions pouvant présenter un intérêt pour cette organisation. Le rapport recommande donc que les lobbyistes soient tous soumis au même régime.

Dans cette affaire de la privatisation de l'aéroport Pearson, essayons donc de connaître l'objet de l'intervention des lobbyistes impliqués. Cela est impossible sans une enquête minutieuse et indépendante.

(1205)

De plus, le comité estime que la méthode actuelle de divulgation de l'objet d'intervention est clairement insatisfaisante et ne répond pas aux besoins des titulaires d'une charge, des lobbyistes et, ce qui est plus important encore, du public canadien.

Enfin, le rapport sur cette industrie du lobbying recommande l'adoption d'une disposition anti-évitement, de manière à contrer toute manoeuvre abusive ou artificielle visant à contourner les exigences relatives à l'enregistrement. Le comité recommande en outre la mise sur pied d'une association professionnelle dotée d'un code d'éthique.

Ce gouvernement ne devrait-il pas désigner un conseiller indépendant qui aurait pour mission de rédiger un code de déontologie pour les lobbyistes? Qu'est-ce que ce gouvernement attend? Que le projet de loi C-22 soit adopté?

M. Nixon lui-même, dans son rapport sur le dossier du contrat de l'aéroport Pearson, constate que le rôle des lobbyistes dans ce dossier dépassait les normes acceptables. Voilà où le bât blesse; on remet encore en question ici la transparence du travail et du pouvoir des lobbyistes.

À l'instar de mes collègues du Bloc, j'endosse les recommandations du rapport du Comité permanent sur l'étude du projet de loi sur les lobbyistes, considérant que beaucoup de ceux-ci outrepassent les normes acceptables et ne respectent pas la loi; et seule une commission d'enquête indépendante pourra nous le démontrer.

Sur le financement des partis politiques, qu'il me soit permis aussi de relever quelques chiffres. Mes collègues ont parlé des contributions généreuses de nos amis des banques, mais plus généralement, au niveau des contributions aux partis politiques fédéraux en 1992, 6,7 millions ont été donnés au Parti progressiste-conservateur, au niveau corporatif; 3,5 millions au Parti libéral au niveau corporatif également; 4,7 millions au Parti conservateur au niveau populaire et 4 millions au niveau du Parti libéral. On peut donc dire que sur 11,5 millions reçus au Parti conservateur, 58,9 p. 100 a été reçu du secteur corporatif et 7,5 millions chez les libéraux, soit 46,4 p. 100.

On peut certainement présumer que les contributions des entreprises augmenteront pour les libéraux maintenant qu'ils forment le gouvernement.


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En 1993, le Bloc québécois, en respectant la Loi du Québec sur le financement des partis politiques, réussissait à obtenir 3,3 millions avec ses 113 000 donateurs, comparativement à environ 30 000 donateurs pour les partis dits nationaux. Donc, il s'agit de 113 000 donateurs particuliers dont les contributions étaient limitées à 5 000 $ annuellement par donateur.

Nous, nous avons les mains libres. Avec de tels chiffres, comment le gouvernement peut-il prétendre être complètement libre de ses décisions, lorsqu'en fait, il est lié avec l'establishment financier de ce pays?

Ce gouvernement libéral a reçu également des contributions financières directes et indirectes des amis du parti qui sont mêlés de près ou de loin à ce contrat. C'est pourquoi nous réclamons une commission d'enquête publique.

Comme le souligne M. Nixon lui-même dans son rapport d'enquête privée: «La non-divulgation de l'identité complète des parties à cet accord-encore le projet de loi sur les lobbyistes-et d'autres importantes dispositions du contrat éveillent inévitablement la méfiance du public. À mon avis, quand le gouvernement du Canada propose de privatiser un bien public, la transparence devrait être de mise.»

M. Nixon ajoute encore: «Mon examen m'a mené à une seule conclusion. Valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable.»

Peut-on être plus clair? Avec de tels propos, on ne peut justifier d'indemniser des gens ou des entreprises qui ont tenté de profiter de ces irrégularités. Où sont passées ces promesses de belle transparence inscrites dans la bible rouge du Parti libéral?

C'est pourquoi nous insistons pour qu'une enquête publique et indépendante soit mise sur pied, afin que le gouvernement fasse toute la lumière sur ces tristes événements.

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, je vais également parler, vous vous en doutez bien, du projet de loi C-22, parce qu'apparemment, nos amis d'en face n'ont pas encore compris combien essentiel et urgent il devenait de lancer une commission royale d'enquête pour faire toute la lumière sur le sujet.

(1210)

Alors, je vais répéter les arguments pour aider leur réflexion à faire son chemin. La question qui se pose au départ est à savoir : Est-ce que le projet de privatisation des terminaux 1 et 2 de l'aéroport Pearson de Toronto était dans le meilleur intérêt du public? Sinon, dans l'intérêt de qui était ce projet?

Je vous rappellerai, puisque cela a été répété maintes et maintes fois, que, à l'issue de l'appel d'offres qui était plutôt succinct, deux soumissionnaires seulement ont offert une proposition pour un bail de 57 ans-oui, vous avez bien entendu, monsieur le Président, de 57 ans-pour gérer les deux terminaux.

En fait, nous avons une proposition de la compagnie Paxport et nous avons aussi une proposition de la compagnie Claridge. Voici que, le 7 décembre 1992, on annonce, et je cite le rapport Nixon: «. . .que la proposition de Paxport a été jugée la meilleure proposition globale». Très intéressant: entre deux soumissionnaires, le meilleur a été choisi. Eh bien oui? Eh bien non.

Eh bien non, parce que, le 1er février 1993, Paxport et l'autre société, Claridge, joignent leurs efforts pour former une nouvelle entreprise en participation qui va s'appeler T1 T2 Ltd; T1 probablement pour terminal 1, et T2 pour terminal 2. Et voici que les deux soumissionnaires distincts, dont les propositions avaient certainement été préparées de façon indépendante, joignent leurs forces après que l'un des deux eut été favorisé. Simple concours de circonstance, j'en suis convaincu.

Cependant, le 7 octobre 1993, madame la première ministre de l'époque demande expressément que cette transaction, c'est-à-dire la signature d'un contrat avec la nouvelle société, soit faite le jour même, et ce, après que l'actuel premier ministre, alors chef de l'opposition, en campagne électorale, eut dit précisément: «Si jamais cette entente est signée, je l'abolirai.»

La question qu'on peut se poser est la suivante: Pourquoi une première ministre se lèverait-elle un bon matin en se disant: ce matin, par cette merveilleuse journée, je vais faire quelque chose de stupide? Mais non. Une première ministre ne se lève pas un bon matin avec une telle pensée à l'esprit. Elle croyait donc, j'en suis convaincu, faire quelque chose d'intelligent. Or, ce quelque chose d'intelligent, et je cite le rapport Nixon à la page 8, a l'air de ceci: «. . .la conclusion de cette transaction-je cite le rapport, monsieur le Président-sur l'ordre de la première ministre, en pleine campagne électorale, à un moment où cette affaire soulevait une controverse, bat en brèche, à mon sens, les usages démocratiques normaux et dignes de ce nom. Il est de tradition notoire et respectée jalousement par les gouvernements que, lorsqu'ils dissolvent le Parlement, ils doivent exercer un pouvoir de décision restreint en période électorale. Il ne fait aucun doute-je cite toujours le rapport Nixon-qu'une transaction financière d'une telle envergure, qui devait privatiser pour 57 ans un bien public d'importance, n'aurait pas dû être conclue à ce moment-là.» Et, de conclure M. Nixon:

Je suis d'avis que le processus de privatisation et de réaménagement des aérogares 1 et 2 de Pearson est très loin de favoriser au plus haut point l'intérêt public.
Ma question trouve ainsi une première conclusion: ce n'était pas vraisemblablement dans l'intérêt du public que, ce bon matin, madame la première ministre prit la décision de faire signer cette entente. Alors, c'était dans l'intérêt de qui? Ou de quoi? Et pourquoi?

(1215)

Je voudrais bien être naïf, mais j'ai de la difficulté comme vous pouvez le constater, non seulement à le dire mais à croire que ceci a été fait uniquement dans un esprit d'altruisme de la part des parties impliquées.

Je suis donc heureux de voir que notre premier ministre, en cette 35e Législature, ait décidé de résilier cette entente par le projet de loi C-22. Cependant, une deuxième question émerge dans mon esprit. Ce projet de loi accorde au ministre le pouvoir de donner des indemnités, à toutes fins utiles discrétionnaires, aux parties impliquées pour compenser leurs pertes. Je me pose à nouveau la question: Ceci est-il dans le meilleur intérêt du


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public? Encore ici, je veux bien être naïf un tantinet, mais je constate que si les esprits mal intentionnés voulaient pousser, dans toute sa rigueur et au pied de la lettre, l'application de cet article de la loi, nous serions devant un chèque en blanc entre les mains du ministre, et ce, avec l'argent du peuple. Cela m'apparaît non seulement dangereux, mais inacceptable.

Mais encore ici, à qui ceci pourrait-il profiter? Qui sont ces gens qui ont transigé dans cette entente pour le plus grand bien du public avec un sentiment d'altruisme? Laissez-moi vous donner quelques noms de ces gens qui ont le coeur si généreux. Qui retrouve-t-on par exemple dans Paxport, Paxport qui a gagné l'appel d'offres? Quelques personnages clés: Don Matthews, ex-président de la campagne d'investiture de M. Mulroney en 1983; Ray Hession, ex-sous-ministre de l'Industrie et haut fonctionnaire à Approvisionnements et Services dans le gouvernement Trudeau ou les gouvernements Trudeau; Bill Neville, lobbyiste conservateur, engagé par Hession dès la formation de Paxport; Hugh Riopelle, lobbyiste engagé par Hession à la suite du début du processus d'appel d'offres. Il avait accès au vice-premier ministre du Canada, M. Mazankowski, qui était l'homme fort du Cabinet Mulroney et John Llegate, un autre lobbyiste engagé par Hession qui avait accès au Cabinet conservateur, plus particulièrement à Michael Wilson. Il y avait également Fred Doucet, un autre lobbyiste conservateur, ancien chef de Cabinet de Brian Mulroney, conseiller senior lors de la campagne de Kim Campbell. Ceci, c'est du côté de Paxport.

Regardons maintenant du côté de Claridge, puisque l'on sait que les deux compagnies ont fusionné. Peter Coughlin, un officier supérieur; le sénateur Léo Kolber, administrateur de Claridge selon le Financial Post Directory of Directors. Il a reçu à sa résidence Charles Bronfman, lors d'une réception à 1 000 $ le couvert, où le premier ministre actuel s'était rendu au début d'octobre, en pleine campagne électorale. Herb Metcalfe, lobbyiste du groupe Capital Hill, représentant The Claridge Properties, ancien organisateur de l'actuel premier ministre. Pat MacAdam, lobbyiste conservateur, ami de collège de Brian Mulroney. Bill Fox, lobbyiste conservateur, ancien attaché de presse et ami personnel de M. Mulroney. Harry Near, lobbyiste conservateur, militant conservateur de longue date. Parlons également de MM. Gary Ouellet, David MacDonald, Scott Proudfoot, des lobbyistes conservateurs et non les moindres. Ramsey Withers, lobbyiste libéral ayant des liens profonds avec l'actuel premier ministre. Et Otto Jelinek, ex-ministre conservateur, maintenant président de la filiale asiatique du groupe Matthews.

Monsieur le Président, toutes ces personnes, j'en suis convaincu, et vous aussi-parce que nous sommes l'un et l'autre, j'étais pour dire un peu naïfs-ont agi dans le meilleur intérêt du public. Toutes ces personnes méritent que leurs noms, comme on dit en bon québécois, soient «clairés», qu'on sache exactement à quoi s'en tenir et que leur réputation soit absoute de toute tache.

(1220)

Monsieur le Président, pour ce faire nous avons besoin d'une commission royale d'enquête. J'écoutais mon collègue du Parti réformiste mentionner que cela coûterait beaucoup d'argent et qu'on serait bien mieux avec un comité. Un comité ne met pas ses témoins sous serment, un comité n'a pas le pouvoir d'assigner ses témoins. Or, ce que nous voulons, c'est la vérité et la seule façon que nous avons d'y arriver, et que non seulement les personnes que j'ai mentionnées tantôt méritent, mais que le peuple du Québec et du Canada méritent, c'est la commission royale d'enquête.

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis): Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir prendre la parole à nouveau au sujet du projet de loi qui est à l'étude. Nombre de membres de l'opposition n'ont pas compris, semble-t-il, que ce projet de loi est nécessaire pour colmater une brèche ouverte par l'administration fédérale précédente.

Je dis bien «nécessaire», car il nous faut établir des paramètres, ce qui ne ressemble en rien à ce que l'opposition a essayé de faire aujourd'hui dans ce débat. La motion du Bloc québécois vise expressément à torpiller le projet de loi sous prétexte qu'il ne renferme aucune disposition donnant plus de transparence au travail des lobbyistes.

Permettez-moi tout d'abord de clarifier ce qui m'était apparu évident: le projet de loi à l'étude a pour seul objet d'annuler une entente particulièrement insatisfaisante. Cette entente, il est vrai, a démontré que la façon de faire les choses laissait à désirer. Les erreurs du gouvernement précédent nous servent de leçon.

[Traduction]

Ce projet de loi nous permettra de colmater une brèche et nous voulons, au moment opportun, prendre les mesures nécessaires pour que, dorénavant, il n'y ait plus aucun problème de cet ordre. Le ministre de l'Industrie a dit très clairement qu'il présentera un projet de loi à cette fin.

Cette motion vise à lier les deux questions d'une manière plutôt déplorable et elle n'est en fait qu'un moyen détourné de retarder l'adoption d'une mesure nécessaire.

[Français]

J'attends avec intérêt, je dois l'avouer, le débat qui portera sur les modifications prochaines à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Je ne doute pas que le chef de l'opposition officielle sera en mesure de bien nous renseigner sur le système qui est la cause de tout cela, un système qui s'est révélé désastreux. Si ce n'étaient des abus du système qu'il a aidé à mettre en place, il ne serait pas ici, aujourd'hui, pour tenter d'en réprimer l'un des plus criants.

Demandons-nous donc pourquoi le Bloc québécois s'obstine à vouloir retarder l'adoption du projet de loi, dont l'objet est d'établir les paramètres en vue d'un accord? Nous ne prétendons pas régler tous les problèmes d'un lobbyisme excessif. Le projet de loi est explicite: le gouvernement ne versera aucune indemnité aux lobbyistes pour cet accord. Il n'y a rien à ajouter.

Quelle est la réaction du Bloc québécois? Il veut la conduite d'une autre étude. Pourquoi? Tout a été dit. Dans son rapport, M. Nixon affirme qu'aucune preuve ne permet de conclure à l'illégalité des actions menées. Il a bel et bien constaté que les rapports entre le personnel du milieu politique et les lobbyistes étaient teintés d'une influence excessive, mais rien d'illégal.


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Dans le cas contraire, c'est une enquête policière qu'il faudrait, et non un projet de loi.

À un moment donné, comme c'est le cas bien souvent dans la vie, il faut savoir reconnaître que tout a été dit et passer à l'action. Mais, passer à l'action pour quelle raison me demanderez-vous? Pour faire fonctionner une importante installation de transport, pour décider de la façon dont cette installation sera exploitée dans l'avenir. Pourquoi alors ne pouvons-nous pas passer à l'action? Parce que nous nous heurtons à des obstacles extrêmes lorsqu'il s'agit de décider de l'avenir de l'aéroport international Pearson.

(1225)

[Traduction]

Que propose donc l'opposition? Nous propose-t-elle d'attendre, de mener une autre étude ou enquête et probablement une autre encore si les conclusions de la précédente lui déplaisent autant que semblent lui déplaire celles auxquelles est arrivé M. Nixon?

Les députés de l'opposition ont-ils réfléchi à ce qu'il leur faudrait faire après l'enquête? S'ils avaient réfléchi, ils sauraient peut-être qu'il faudra rédiger un autre projet de loi pour mettre un terme à ces accords et pour établir les paramètres de négociation d'un règlement avec les promoteurs. S'ils avaient réfléchi, ils sauraient peut-être même que le projet de loi devra comporter une disposition garantissant que les négociations ne s'éterniseront pas, mettant le holà et indiquant aux promoteurs qu'ils n'obtiendront rien.

Pareille mesure législative semble excellente. Je me demande quelle formulation ils utiliseraient. Puis-je leur suggérer de ne pas chercher plus loin que le projet de loi dont la Chambre est aujourd'hui saisie?

[Français]

Il n'a jamais été question de rémunérer les promoteurs, et je veux le souligner. Le seul point qu'ils pourraient négocier, je dis bien le seul point, c'est le montant du remboursement de toute dépense admissible dans le cadre d'un accord signé avec l'État.

Cela exclut les occasions et les profits perdus. Les redevances versées à des lobbyistes ne seront pas remboursées et il ne faut pas oublier que de l'autre côté de la Chambre, au mois d'octobre, on voulait qu'on rembourse quand même après l'annulation du contrat Paramax, le chef de l'opposition a quand même dit qu'il faut donner un milliard de dollars en compensation à Paramax, après l'annulation du contrat du gouvernement. Quand même, d'un côté, il nous dit qu'il ne faut pas compenser et de l'autre, il nous a dit qu'il le fallait.

[Traduction]

Je dois dire que l'attitude des réformistes dans ce débat m'a également un peu surprise. Ils appuient la motion du Bloc avec un sous-amendement de leur cru. J'ai été vraiment surprise d'apprendre qu'ils veulent retarder le règlement du problème concernant l'aéroport Pearson et qu'ils souhaitent aussi la tenue d'une enquête aux frais des contribuables. Nous, de ce côté-ci de la Chambre, avons toujours pensé qu'ils s'opposaient à ce que les élus dépensent inconsidérément les fonds publics pour tenir des enquêtes.

Certes, ils ont redéfini leur position en disant que la tâche pourrait être confiée à un comité permanent et qu'il n'est pas nécessaire d'instituer une commission d'enquête pour cela. Je déteste souligner l'évidence, mais le comité permanent n'a pas besoin d'instructions particulières de la Chambre pour étudier une question; il a déjà tous les pouvoirs nécessaires pour décider de son emploi du temps. A-t-il besoin de mener une enquête vaste et coûteuse? Je crois que la réponse est non, notamment parce que les membres du comité ont certainement tous lu le rapport Nixon et qu'ils savent que toute autre information est superflue pour qu'on reconnaisse la nécessité d'annuler ces accords.

Je me suis laissée un peu emporter.

[Français]

J'ai tout simplement saisi l'occasion pour rétablir les faits ci-après. En premier lieu, l'article 10 prescrit que le ministre des Transports est tenu d'obtenir l'autorisation du gouverneur en conseil pour la conclusion de tout accord négocié.

Par ailleurs, les paramètres relatifs à un accord de ce type sont on ne peut plus précis: rien n'est prévu pour les profits perdus et les indemnités aux lobbysites. Les menues dépenses désignent effectivement ce que les promoteurs ont dépensé, avec preuves à l'appui, relativement à une activité pleinement justifiée dans le cadre de la transaction conclue avec le gouvernement précédent.

Le gouvernement doit être certain qu'il ne s'agit pas de moyens détournés pour les promoteurs d'affirmer qu'ils auraient réalisé un montant «x» de profits s'ils avaient eu le feu vert. De même, l'autorisation du gouverneur en conseil garantit que la décision relèvera du gouvernement et non pas d'un seul ministre.

[Traduction]

En conclusion, je tiens à rappeler à la Chambre que les députés, les médias et la population en général ont de multiples possibilités de continuer d'examiner de près tout règlement éventuel.

[Français]

Qu'il suffise de mentionner, par exemple, que les engagements financiers du gouvernement du Canada peuvent être soumis à un examen en bonne et due forme de la part du vérificateur général.

(1230)

Ils peuvent en outre faire l'objet de discussions et de questions, chaque jour ici même, ou encore être inclus dans le processus d'examen du Budget des dépenses en Chambre et devant les comités. Des questions détaillées peuvent être rédigées également. La Loi sur l'accès à l'information permet au public et, évidemment, aux médias de suivre la question de près. Il existe également les lettres et pétitions adressées au ministre et au gouvernement.


4037

[Traduction]

J'espère sincèrement que mes observations auront contribué à dissiper un peu la confusion que certains ont tenté de semer avec cet amendement, autour d'une mesure législative tout à fait honnête.

[Français]

Il nous reste une plomberie en mauvais état à réparer, alors attaquons-nous à la tâche. N'ayez crainte toutefois, je reviendrai discuter de ce que nous ferons avec les plombiers. Je compte bien sur l'appui de l'opposition sur ce dernier point.

M. François Langlois (Bellechasse): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole sur ce projet de loi et la motion présentée par l'honorable chef de l'opposition. C'est avec attention que j'ai écouté les propos de ma collègue, l'honorable députée de Saint-Denis, et préalablement ceux de mon collègue de Portneuf.

Avant de relever quelques incongruités qui apparaissaient dans le discours de ma collègue de Saint-Denis, je me permettrai de dire quelques mots sur les dispositions générales du projet de loi C-22, particulièrement, les articles 9 et 10. L'article 9, qui se lit ainsi:

Nul ne peut obtenir d'indemnités contre Sa Majesté en raison d'application de la loi.
C'est d'une clarté on ne peut plus évidente. Aucun recours contre la Couronne n'est possible. Une personne ne pourrait pas, à la suite de l'adoption de C-22, se présenter devant les tribunaux, établir son préjudice et demander au tribunal une compensation ou une réparation à la suite d'un acte du Parlement du Canada agissant suivant la compétence qui lui est reconnue par la Constitution canadienne.

Cependant, à l'article suivant, on défait exactement ce que l'on avait établi à l'article 9. On va même plus loin, on dit à l'article 10 que le ministre peut verser des sommes à sa discrétion pour des préjudices qui auraient pu être subis. Autrement dit, à l'article 9, on dit: «Ne nous poursuivez pas parce qu'on va vous l'offrir». Il n'y a aucun besoin de poursuivre le gouvernement. Il suffira aux gens qui ont subi des préjudices, ou qui prétendent en avoir subis, de faire leur réclamation, sans procédure judiciaire, de façon informelle, par un coup de téléphone, par des lobbyistes dans les corridors, et recevoir le chèque du gouvernement du Canada. C'est beaucoup plus rapide qu'une procédure qui doit se faire au grand jour, devant les tribunaux, dans des séances ouvertes, susceptible d'appel jusqu'aux plus hautes instances de ce pays. . . mais non, on ferme la voie.

Il faudrait être plus honnête, plus clair, quant à l'article 9. Lorsqu'on dit que nul ne peut obtenir d'indemnités contre Sa Majesté, il faudrait dire: «Nul ne peut obtenir, en cour de justice, d'indemnités», parce qu'autrement, en faisant affaires directement avec le ministre, on pourra obtenir des indemnités. Alors, ce n'est pas exact d'affirmer que nul ne pourra obtenir d'indemnités. Nul ne pourra en obtenir en vertu d'un jugement d'une cour de justice.

Je parierais quelques dollars que les indemnités seront probablement beaucoup plus généreuses lorsqu'elles seront obtenues par voie ministérielle plutôt que par voie judiciaire parce que les préjudices sont souvent plus faciles à établir entre copains. Lorsqu'on parle de copains, on revient toujours à la même question fondamentale: «Dis-moi qui te finance, je te dirai qui tu sers». Qui finance le gouvernement actuel? Le gouvernement actuel est financé dans des proportions, un peu moindres, mais par les mêmes bailleurs de fonds qui financaient le gouvernement conservateur précédent.

Pourquoi des grandes compagnies et des grandes corporations donnent-elles des sommes mirobolantes à des partis politiques? Pour les beaux yeux du chef du parti ou de ses collègues, pour le programme du parti? Bien sûr que non! Pour avoir des entrées quelque part. On veut bien pouvoir toucher le rendement sur capital.

(1235)

Nous, du Bloc québécois, et le chef de l'opposition en a fait la démonstration éloquente, exigeons que toute contribution au Bloc québécois ne puisse être faite que par des personnes qui ont la qualité d'électeur ou d'électrice au Canada. Le Bloc québécois n'est financé que par des personnes physiques; nous ne recevons pas de contribution de personnes morales qui, très souvent, sont des personnes plutôt amorales, surtout dans le cas de financement de partis politiques, puisqu'on peut se demander: Pourquoi ce financement se fait-il?

Le Bloc québécois est très à l'aise de discuter de ce projet de loi parce que nous n'avons pas de poignée nulle part. Les gens qui financent le Bloc québécois à coup de 20 $, de 50 $ ou de 100 $ savent très bien qu'ils n'auront pas d'influence sur leur député, qu'ils ne pourront pas le faire chanter en lui disant: «Eh bien, je t'ai versé tel montant, maintenant, tu vas agir de la façon dont je le voudrais bien». Si certains électeurs nous disaient: «Écoutez, j'ai versé 200 $ ou 300 $ à votre campagne électorale», ce ne serait pas compliqué, on sortirait le carnet de chèques et on referait un chèque, qu'on leur remettrait. «Bonjour», et c'est fini. Au suivant, s'il y en a un. Ce n'est pas plus compliqué que ça du côté du Bloc québécois.

Alors, la motion qu'a présentée récemment mon honorable collègue, le député de Richelieu, relativement au financement populaire des partis politiques jusqu'à une limite de 5 000 $ par personne permettrait de faire un grand progrès dans la voie du contrôle des élus, des parlementaires, par les électeurs et les électrices en leur redonnant confiance dans une institution qui mérite leur confiance.

L'honorable députée de Saint-Denis, lors de son intervention, tout à l'heure, mentionnait que le chef de l'opposition avait fait des remarques relativement à Paramax entre autres, voulant que des gens soient indemnisés. Bien au contraire, ce que le chef de l'opposition a réclamé dans le dossier Paramax, c'était que les sommes d'argent qui n'ont pas été investies dans le domaine des hélicoptères le soient dans le secteur du train à grande vitesse. C'est tout à fait différent. On a demandé de réinvestir les mêmes montants, pas pour payer des lobbyistes, pas pour payer des pertes anticipées de gens qui faisaient de la spéculation. On a demandé au gouvernement de réinvestir cet argent-là dans des secteurs de haute technologie pour que l'argent ne soit pas perdu au Québec. Jamais, au grand jamais nous n'avons demandé que


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l'argent soit versé à des personnes qui avaient anticipé des gains de quelque nature que ce soit.

Ce que je trouve le plus difficile à accepter dans le projet de loi C-22 c'est que, finalement, des personnes dont nous ignorons le nom vont recevoir des indemnités parce qu'elles ont raté une spéculation. Le gouvernement antérieur, le gouvernement conservateur, avait décidé de privatiser. Des gens y ont vu là une bonne affaire et, ratant leur affaire, maintenant ils seront indemnisés pour un gain qui n'aura pas été réalisé, si le projet de loi est adopté sans amendement.

Ce n'est pas ainsi que le Parti libéral l'avait annoncé pendant la campagne électorale. Lorsqu'il a été annoncé qu'il mettrait fin au contrat de privatisation de l'aéroport Pearson, il n'a jamais été question d'indemnisation. C'est un petit peu comme dans certains mariages: ce n'est pas la même chose avant le mariage qu'après le mariage. Lorsque le gouvernement a été élu, encore une fois: Dis-moi qui te finance, je te dirai qui tu sers. Puis on arrive avec l'article 10 qui permet l'indemnisation.

Pourtant, c'était clair. Le discours du premier ministre était clair. Tel que je l'ai entendu pendant la campagne électorale, il était clair: on ne permettrait pas la privatisation de l'aéroport Pearson, mais on n'indemniserait personne. On peut dire une partie de la vérité en affirmant des choses comme ça, tout en laissant sous-entendre à d'autres personnes peut-être: Ne vous en faites pas trop, on va s'arranger pour que les dommages ne soient pas trop grands. À la limite, je préférerais de beaucoup que l'article 9 ne soit pas là:

9. Nul ne peut obtenir d'indemnité contre Sa Majesté en raison de l'application de la présente loi.
Qu'on permette des recours devant les tribunaux, s'il y en a qui sont lésés. Que les gens, suivant la règle de la Rule of law, suivant les principes généraux de droit, fassent valoir leur cause devant les tribunaux, mais pas d'indemnités administratives, pas de gouvernement par décret derrière des portes closes, des conversations téléphoniques ou des rencontres avec des organisateurs politiques. Qu'on mette un processus judiciaire à la disposition des justiciables, s'ils se croient lésés, comme pour tout citoyen et citoyenne de ce pays, afin qu'ils puissent s'adresser aux cours de justice pour obtenir réparation. De la justice par décret, je vous soumets que ce n'est pas une justice et que c'est inacceptable. C'est pourquoi l'opposition officielle ne peut pas appuyer la disposition qui est devant la Chambre à ce moment-ci.

(1240)

Le vice-président: Je cède donc la parole à l'honorable député de Beauharnois-Salaberry. On se trompe de liste!

M. Brien: De Témiscamingue, monsieur le Président.

Le vice-président: Alors, pourquoi pas! Je cède donc la parole à l'honorable député de Témiscamingue.

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, pour qu'il n'y ait pas de confusion, je vais rappeler aux gens que je suis effectivement député de Témiscamingue.

Je suis allé dans ma circonscription en fin de semaine et il y a des gens qui m'ont posé des questions. Ils ont vu qu'il y avait de très longs débats sur le projet de loi dont on parle présentement et ils m'ont demandé de leur expliquer un petit peu ce qui se passait. Ils ont dit: «On voit beaucoup de députés du Bloc québécois s'exprimer, exprimer des réserves. On n'entend pas beaucoup le gouvernement parler de ce sujet-là. La dernière fois qu'on l'a entendu en parler, était surtout en campagne électorale.»

Là, j'essayais de leur expliquer la différence qu'il y avait dans le projet de loi versus ce qu'on avait pu entendre durant la campagne électorale. Ils se demandaient bien où était passé le souci de transparence tant énoncé par ce gouvernement depuis son arrivée au pouvoir et celui qu'ils avaient promis durant la campagne électorale.

Ce que j'expliquais aux gens de ma circonscription, c'est que ce projet de loi-là va permettre, oui, en principe d'annuler une transaction qui était très mauvaise, avec beaucoup de lobby qui s'était fait et peut-être pas de la façon la plus positive, et qu'il faudra peut-être même remettre en cause la façon dont se fait le lobby, ce que le gouvernement avait promis, encore une fois, et, selon ce qu'il nous dit, ce qu'il va mettre sur la table éventuellement.

Pourtant, un parti qui a passé plus de huit ans dans l'opposition, près de neuf, qui a une longue tradition comme le Parti libéral, devrait être rapidement capable, s'il a vraiment le désir de contrôler les lobbyistes, de le faire davantage, de mettre quelque chose sur la table immédiatement. Mais maintenant, alors qu'on est au pouvoir, il faut tenter un petit peu de profiter de la manne avant de régler les affaires et de faire le ménage. On peut peut-être profiter de certaines choses.

Ce que j'expliquais aussi, c'est qu'il va y avoir des compensations à donner dans ce dossier-là. Il y a l'article 9 qui dit qu'il n'y en aura pas et il y a l'article 10 qui dit «sous réserve» et qui finalement est une réserve qui permet au conseil des ministres de donner à qui il jugera bon des indemnités pour les frais encourus. Ce qui n'est peut-être pas tout à fait anormal, sauf que c'est très inquiétant.

Évidemment, s'il s'agissait de gens de haute réputation, ce seraient des gens respectables, mais si c'étaient des gens qui avaient une intégrité sans reproche, et si on était sûr que cela se ferait de façon un peu plus transparente, on serait beaucoup moins inquiet. Mais je ne suis pas sûr que dans l'opinion publique on soit extrêmement confiant face au processus, qu'en bout de ligne, ça va donner des indemnités justes.

On va même être capable peut-être de faire la différence, monsieur le Président, entre les bons et les mauvais amis parmi ces gens-là qui ont encouru des frais, puisque c'est à la discrétion du Cabinet de déterminer quels frais sont admissibles à des remboursements et lesquels ne le sont pas. Est-ce qu'on va savoir en bout de ligne même comment tout cela a coûté? Je ne le sais pas, on verra au bout de la ligne, mais c'est peut-être inquiétant. Peut-être qu'on ne le saura même pas. Peut-être qu'on ne devra même pas rendre compte à la Chambre de l'ensemble des coûts de toute cette opération-là.

Je veux revenir un petit peu sur la campagne électorale, parce qu'il y a beaucoup de choses que ce gouvernement a pris comme engagement en campagne électorale, mais souvent on émet les réserves avec un ton de voix un peu plus bas, avec beaucoup moins d'énergie. Pour ce qui fait les manchettes, c'est simplement: «On va annuler le contrat de l'aéroport Pearson». Jamais on n'avait parlé de ces compensations-là. Jamais on n'avait parlé de ce mécanisme-là pour les compensations, mais rendu au


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pouvoir évidemment, sous conseil de gens influents probablement, on en est arrivé là.

Cela m'amène à faire le lien avec la vraie cause du problème probablement. Certains de mes collègues. . . le député de Richelieu avait déposé une motion ici, en cette Chambre. On a parlé du financement populaire des partis politiques. Évidemment, nos amis d'en face étaient très peu bavards sur le sujet, d'ailleurs, pas plus que les députés du Parti réformiste qui se sont exprimés favorablement sur ce sujet-là ou très peu. Pourtant, cela m'apparaît être quelque chose qui permettrait de régler en partie beaucoup de problèmes, comme on le vit actuellement, au niveau de transactions assez douteuses. J'explique un petit peu parce que les gens nous disent: «Vous parlez de financement populaire, mais qu'est-ce que vous voulez dire exactement?»

(1245)

Nous, on s'est soumis en tant que parti politique. Même n'étant pas régi par la Loi sur le financement des partis politiques qui existe au Québec, on s'est soumis à cette contrainte en campagne électorale, pour permettre, justement, d'avoir les mains beaucoup plus libres.

Les gens qui financent un parti politique ne sont pas sans intérêt, que cela soit un simple membre, que cela soit une compagnie. Mais, évidemment, la personne qui vous donne 5 $, 10 $, 15 $, c'est par conviction, c'est par passion, c'est par confiance envers son député, l'organisation politique, envers le chef, et ce sont des petits montants. Ce sont monsieur et madame Tout-le-Monde qui viennent participer à des assemblées populaires, à qui on passe des coups de téléphone, qui s'enregistrent comme membres, qu'on sollicite à chaque année, qu'on sollicite très souvent, d'ailleurs.

Et ces gens-là donnent selon leur capacité de payer à ce moment-là. Et aussi, à ce moment-là, les partis politiques ne sont pas à l'abri des récessions. On fait des campagnes de financement. Vraiment, on a un contact direct avec les militant de la base. C'est une excellente opération.

C'est sûr que ce n'est pas l'opération la plus intéressante, peut-être, à faire, dans un parti politique, parce que c'est de l'ouvrage. Il faut demander à un groupe de bénévoles qui entourent l'équipe du député, les associations locales, de se réunir, d'appeler les gens, de se déplacer pour aller chercher 5 $ dans le fond d'un rang dans mon comté, monsieur le Président, simplement pour un renouvellement de carte, mais on le fait. On ne regarde pas nécessairement ce que cela nous coûte pour aller le chercher, mais c'est le principe. Et ces gens-là, vous ne pensez pas que quand on les appelle ou quand on les contacte, qu'ils ne sont pas sans passer des messages, dire ce qu'ils aiment ou n'aiment pas du gouvernement, du parti, des finances, ce qu'ils aimeraient avoir, quelles sont leurs attentes. C'est un contact avec une base militante.

Je discutais avec des gens que je ne nommerai pas, qui font partie du gouvernement et qui me disaient: «Moi, je trouve cela beaucoup plus facile d'aller chercher du financement que du membership. J'ai de la difficulté à aller chercher du membership, mais pour ce qui est du financement, ce n'est pas un problème.»

Et alors que leur parti, en campagne électorale, leur demandait d'aller chercher un certain nombre de membres, alors là, ils ne comprenaient tout simplement pas cette approche-là. Mais, c'est le principe même d'un parti près de ses militants, près de la base. On ne fait pas qu'émettre des cartes, nous, lorsqu'il y a des courses à la chefferie, pour aller gagner cette course. C'est le seul temps où il se fait de l'effervescence de la vente de carte dans les grands partis. Non, on se concentre plus sur le financement qui rapporte gros. On fait une analyse coût-bénéfices du temps qu'on doit mettre et on se dit:«On va se concentrer sur les gros donateurs». C'est le réflexe des gens et de nos militants, les militants qui me disaient: «Pourquoi ne faites-vous pas cela? Dans le fond, vous arrêteriez de chercher du financement chez nous, vous nous permettriez d'être plus libres, on croirait en vous quand-même, etc.» Je leur ai dit: «Un instant.»

Lorsque des gens d'affaires, des gens qui représentent des compagnies ou des gros intérêts privés vous donnent des sommes considérables, ne pensez pas qu'ils soient sans attentes. Ces gens-là s'attendent à quelque chose. Ce n'est pas vrai que, simplement pour financer la démocratie, ils donnent de si gros montants d'argent.

Mais alors, quels sont leurs vrais motifs? Souvent, on en espère des faveurs et c'est souvent ce qui arrive. Et là, ce qui est la source d'un vrai problème, on ne parle pas de cet acquis, on n'en avait jamais parlé, on est les seuls, monsieur le Président, à soulever cette question en Chambre, les seuls.

Personne ne nous répond quand on parle de cela. On parle dans le vide. Il y a aussi quelqu'un qui m'a dit: «Mais qu'est-ce que vous pourriez en avoir à foutre, vous, les députés du Bloc? Dans le fond, c'est un système que vous voulez quitter, le régime canadien.» Je leur dis que s'il y a un héritage que j'aimerais qu'on laisse avant de quitter, si tel est le désir des Québécois lorsqu'ils auront à se prononcer, c'est bien d'avoir forcé ce gouvernement à adopter une loi sur le financement des partis politiques, qui introduira un degré de moralité public beaucoup plus grand que celui qui existe présentement.

Cela forcera les partis comme le Parti libéral à se brancher de beaucoup plus près à une base militante. Ils vont s'apercevoir qu'aller chercher des dons à coup de 5 $, 10 $, 15 $, 20 $, beaucoup plus massivement, cela force à être près de la base, et là, ils entendront les gens leur dire qu'ils n'aiment pas le budget, parce qu'il y a des coupures très fortes dans l'assurance-chômage. Et ils entendront ce message qu'ils n'entendent plus.

Les députés libéraux pourraient avoir une réaction encore plus directe de leur base et même de leurs propres militants, et ils s'en apercevraient et feraient de la pression sur leurs ministres pour leur dire: «Écoutez, même chez nos propres militants, on prend des mesures impopulaires. Il y a des choses qui ne fonctionnent pas.»

Évidemment, le gouvernement ne peut pas être juste populaire, mais il serait capable de savoir si ses actions sont appréciées. Et de cette façon-là, même jusqu'à un certain point, cela serait un gain majeur pour la démocratie, et c'est par là que doit commencer la vraie transparence, avant même le contrôle des lobbyistes. Avant même cela, il faudrait s'attaquer au financement des partis politiques, par une loi beaucoup plus sévère.


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(1250)

Comme je l'ai dit tantôt, mon collègue de Richelieu avait déposé une motion où il suggérait un plafond, où il suggérait de calquer le modèle québécois qui existe déjà. Pas besoin de tout refaire en neuf. On ne parle pas de quelque chose qu'il faut aller puiser nulle part. Il y a un modèle, et le Québec a été reconnu partout dans le monde avec cette loi sur le financement des partis politiques comme étant un modèle. Mais ici, pour toutes sortes de raisons, alors qu'on est rendu au gouvernement, c'est tentant de faire le tour de ces gens qui espèrent tirer profit de financer un parti politique au pouvoir et qui vont le faire, et donc on peut attendre, on peut passer quelques années, question de remplir les coffres, de profiter évidemment du fait que leurs anciens adversaires politiques, eux, ont les coffres vides, qu'ils ont beaucoup plus de difficulté à aller chercher leur financement parce qu'ils sont très loin du pouvoir.

Pour toutes ces raisons, j'ai parlé brièvement du projet de loi C-22. J'en avais déjà parlé avant. Il y a beaucoup trop de choses qui étaient obscures dans l'ancienne transaction et qu'on ne veut pas nécessairement régler. On aurait pu faire la lumière beaucoup plus sur ce sujet-là pour aller chercher les sources mêmes du problème, mais cela n'intéresse pas réellement ce gouvernement. Donc c'est impossible pour les députés du Bloc québécois d'appuyer ce projet de loi et même, en concluant, j'aimerais que le message soit bien entendu par le gouvernement, savoir que s'il veut s'attaquer à de vrais problèmes, il a une occasion en or de mettre ça en relation avec ce dossier-là et de mettre sur la table une réforme du financement des partis politiques qui pourrait s'inspirer très largement de la loi qui existe au Québec.

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est): Monsieur le Président, il me fait plaisir de me lever en cette Chambre pour discuter du projet de loi C-22 concernant l'aéroport Pearson. Le ministre des Transports a dit en cette Chambre que le gouvernement a déterminé que les accords n'étaient pas dans l'intérêt public, que le processus de négociation était douteux et qu'il y avait même possibilité de favoritisme politique dans ce dossier de l'aéroport Pearson. En annulant le contrat, le gouvernement tente de négocier des indemnisations qu'eux considèrent justes et raisonnables pour les frais subis dans cette transaction.

Nous considérons qu'il y a beaucoup d'éléments très louches dans ce dossier gigantesque, en fait, parce qu'il implique plusieurs millions de dollars. C'est la raison pour laquelle le Bloc québécois refuse de procéder à la deuxième lecture du projet de loi C-22 parce que le principe du projet de loi est défaillant puisqu'il n'entrevoit pas de mesure visant à rendre transparent le travail des lobbyistes, car ce dossier de l'aéroport Pearson, comme nous le savons tous, est intimement, étroitement lié au rôle des lobbyistes auprès de nos gouvernements. C'est très inquiétant. D'ailleurs, nous savons à quel point les lobbyistes peuvent abuser du gouvernement, l'influencer à propos des lois et soustraire au gouvernement des millions de dollars qui devraient peut-être aller à des projets plus constructifs ailleurs que dans ce cas-ci, et c'est la raison pour laquelle nous aimerions avoir une commission royale d'enquête. C'est que dans ce cas-ci, ceci pourrait s'avérer l'un des plus importants cas de favoritisme dans l'histoire du Canada. Donc, c'est un cas qui mérite l'attention et qui pourrait nous aider à éclaircir le rôle des lobbyistes et les gaspillages du gouvernement.

Comme je l'ai dit, c'est quand même une transaction très importante de 700 millions de dollars, qui aurait placé l'aéroport Pearson sous le contrôle d'une entreprise privée pendant 57 ans et même dans le processus lui-même, il y avait plusieurs irrégularités. Le processus de soumission s'est déroulé en seulement 90 jours, donc trois mois, ce qui est un délai fort inhabituel. Il y avait deux entreprises seulement qui avaient présenté des soumissions, une qui était directement liée aux conservateurs, l'autre liée aux libéraux.

(1255)

Évidemment, c'est l'entreprise proche des conservateurs au pouvoir qui a été choisie. Aucune garantie de capacité financière n'a été demandée et l'entreprise s'est d'ailleurs retrouvée en difficulté financière par la suite.

Ensuite, il y a eu une fusion avec l'entreprise proche du Parti libéral. C'est un peu la raison pour laquelle le gouvernement veut, avec le projet de loi C-22, introduire une compensation financière aux lobbyistes parce qu'un bon nombre de ces lobbyistes sont des amis du Parti libéral au pouvoir.

Le premier ministre avait promis pendant la campagne électorale qu'il éclaircirait les circonstances entourant la conclusion de cet accord et annulerait le contrat. C'est fait, le contrat a été annulé mais nous attendons toujours des éclaircissements sur les circonstances entourant ce contrat, cette entente. Il n'y a eu qu'une enquête à huis clos réalisée par un ancien ministre libéral du gouvernement de l'Ontario, un proche du Parti libéral.

En fait, le projet de loi C-22 n'a pour but que d'étouffer l'affaire sans que toute la lumière, sans que toute la vérité soit faite. Le gouvernement veut pouvoir fixer lui-même, sans que le Parlement n'en soit saisi, le montant d'une éventuelle compensation pour les investisseurs frustrés.

Imaginez-vous! Le gouvernement veut lui-même prendre en main tous les pouvoirs, décider des montants qu'il va verser, à qui ils seront versés. Vraiment c'est une superbe façon de grâcier et de financer ses amis. C'est pourquoi le Bloc québécois veut une commission royale d'enquête. C'est la seule façon de juger si les investisseurs qui ont trempé dans cette affaire doivent être compensés, pour quel montant, et aussi de connaître le rôle qu'ont joué les lobbyistes auprès du gouvernement.

Le projet de loi C-22 a plusieurs déficiences, mais surtout il est déficient non pas par ce qu'il présente mais par ce qu'il passe sous silence. Selon le gouvernement, le projet de loi ne limite pas le montant de tout versement possible et n'empêche pas les négociations. Il dit ce que le gouvernement est prêt à considérer et ce qu'il n'est pas prêt à considérer. Il dit que les négociations ne peuvent pas continuer indéfiniment. Mais le versement d'un tel montant devrait avoir une nature spécifique. On devrait, dans ce projet de loi, énoncer la nature des versements qui pourront être faits, et non la nature de ceux qui ne le seront pas.


4041

D'ailleurs c'est une décision malheureusement trop restreinte, restreinte au Cabinet lui-même. Avec l'article 9, le gouvernement s'apprête à désintéresser toutes sortes de gens dans ce dossier, et cela va se faire à la discrétion du ministre, dans le silence de son Cabinet. Il est inacceptable d'exclure le Parlement, comme on cherche à le faire, d'une décision aussi importante et de donner un chèque en blanc au conseil des ministres et en plus, donner autant de latitude au ministre des Transports qui a créé une crise par sa négligence relativement au transport des grains dans l'ouest du Canada. Il est inacceptable d'autoriser le versement d'une compensation sans être persuadés qu'il y a compensation à verser.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous aimerions avoir une commission royale d'enquête.

(1300)

Pourquoi une commission royale d'enquête? Pour déterminer la raison pour laquelle le gouvernement a demandé officiellement des propositions pour la privatisation des aérogares 1 et 2 de Pearson. Pourquoi tout sera-t-il fait en une seule phase, sans préqualifications, ce qui est une méthode différente du processus utilisé pour l'aérogare 3 qui, elle, comportait deux phases. Pourquoi l'appel d'offres a-t-il été étonnamment court? Quatre-vingt-dix jours seulement. Il a été impossible à des groupes qui n'étaient pas déjà impliqués dans l'administration de l'aéroport, comme Claridge et Paxport, de présenter une soumission valable.

Pourquoi le contrat a-t-il été signé le 7 octobre 1993, en pleine campagne électorale, et après les réticences du négociateur en chef qui a exigé des instructions écrites avant de signer? Quel a été le rôle exact des lobbyistes? Auprès de qui ont-ils fait leur travail? Qu'a coûté à la population cette décision hâtive? Qui en a vraiment profité? Pourquoi le gouvernement conservateur a-t-il voulu privatiser l'aéroport Pearson, alors qu'il est le plus rentable au Canada?

En fait, il y a plusieurs questions qu'on se pose, plusieurs questions fondamentales relatives au lobbyisme et au rôle du gouvernement. Le gouvernement veut essayer de cacher cette affaire. Le Bloc québécois, moi inclus, voterons contre le projet de loi C-22 et nous exigerons qu'il y ait une commission royale d'enquête pour faire la lumière sur ces faits.

M. Louis Plamondon (Richelieu): Monsieur le Président, j'aimerais dire quelques mots, même si les interventions sont maintenant limitées à 10 minutes, sur ce projet odieux, surprenant. Surprenant, oui et non, puisque nous sommes habitués, dans ce Parlement, lorsque le Parti libéral est au pouvoir, à ce qu'ils aient deux langages: un pendant la campagne électorale, un après la campagne électorale, parler des deux côtés de la bouche, comme on dit chez nous. Et dans l'opposition, ils tenaient un autre langage.

Lorsque nous avons commencé la discussion aujourd'hui, je pense que le député de Bellechasse a souligné de façon exceptionnelle l'aspect juridique et les contradictions juridiques-puisqu'il est notaire de profession-les contradictions juridiques de ce projet de loi. Mon confrère de Québec-Est vient de terminer son exposé avec au moins une dizaine de questions, questions très précises qui demandent des réponses claires; et seule une commission d'enquête où les témoins seraient assermentés pourraient nous donner les réponses à ces questions.

Pourtant, il s'agit bien d'une transaction faite par l'autre gouvernement. Pourquoi ce gouvernement cache-t-il la transaction de l'autre gouvernement? Et cela aussi, les orateurs du Bloc québécois qui m'ont précédé l'ont bien dit. C'est parce que c'est la même clique qui mène les deux partis. C'est pour ça qu'on a eu un budget semblable à ceux des conservateurs, c'est pour ça qu'on a des réformes de l'assurance-chômage semblables à celles des conservateurs avec le projet de loi C-113, et c'est pour ça qu'on s'attaque aux personnes du troisième âge, comme les conservateurs l'ont fait.

C'est pour ça qu'on gèle les salaires de nos vaillants travailleurs et travailleuses de la fonction publique. Nos gendarmes, qu'on gèle leur salaire pendant six ans, ce n'est pas un problème. Cela se fait officiellement, la transparence est là. Mais quand vient le temps de payer les amis pris dans une «gamique» comme à l'aéroport Pearson, là, c'est à la discrétion du ministre, à la discrétion du Cabinet. C'est ça qu'on a, c'est pour cela qu'on veut une commission royale d'enquête.

Pourquoi un ministre aurait-il le droit de récompenser un chum? Et la liste des chums du parti est connue. Elle est là: des organisateurs, des sénateurs, des gens qui ont contribué grassement à ce parti, comme à l'autre, qui entretiennent un système inadmissible.

[Traduction]

M. Mills (Broadview-Greenwood): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'aimerais avoir votre décision. Est-il convenable que le député de l'opposition puisse parler de paiements à propos de l'affaire de l'Aéroport Pearson et de la caisse du Parti libéral? Je crois que ce langage ne convient pas à ce genre de débat.

(1305)

Le vice-président: Ma foi, le secrétaire parlementaire sait bien que le mot paiement peut avoir des sens différents suivant la personne qui l'emploie. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un rappel au Règlement en l'occurrence.

[Français]

M. Plamondon: Monsieur le Président, je vois que l'honorable secrétaire parlementaire craint la vérité. Alors, il invoque le Règlement pour m'interrompre, pour gagner du temps. Pourtant, ils auraient pu s'exprimer entre les quatre ou cinq députés du Bloc québécois qui viennent de parler, de façon consécutive. Mais non, parce qu'ils n'ont rien à dire. Ils ont hâte que le débat finisse parce qu'ils ont honte, la tête basse, gênés de voir leur propre ministre, leur propre parti dire exactement le contraire aujourd'hui, alors qu'ils tenaient un tout autre langage pendant la campagne électorale. Ils sont prêts à graisser les amis du parti, graisser ceux qui les ont mis au pouvoir. Il faut qu'ils renvoient l'ascenseur.


4042

Ce n'est pas pour rien que dans le dernier Budget, on a créé 22 comités. Pourquoi forme-t-on des comités d'étude alors qu'on avait un livre rouge entre les mains et qu'on disait: «J'ai la solution à tout, j'ai le livre rouge! J'ai la solution à tous les problèmes et on a des intentions gouvernementales dans tous les domaines!». Mais non, on forme 22 comités de consultation avec le dernier Budget. Pourquoi? Parce qu'autour de ces comités, il va falloir des firmes de communication, des firmes de lobbying, des gens pour assigner les témoins. On va donc récompenser les amis du parti, on va récompenser ceux qui les ont financés. Alors on sert le plat à beurre généreusement, comme les conservateurs l'ont fait en 1984. Généreusement dans le plat à beurre, on se graisse comme il le faut, et ensuite, on va revenir avec un projet sur le lobbying et on va dire: «Il faudrait changer des choses maintenant que nos amis ont les poches bourrées!»

C'est un cas type, l'opération Pearson, n'appelons pas cela le bill, appelons cela l'opération Pearson. L'opération récompense des amis du parti. Et si vous êtes sincères lorsque vous dites vouloir régler le problème, comme vous sembliez l'être pendant la campagne électorale, alors jetez vos masques, montrez votre visage au grand jour, acceptez une commission d'enquête et vous ne serez pas éclaboussés, si vraiment vous êtes sincères, si vraiment vous n'avez rien à vous reprocher là-dedans. Jetez vos masques, créez la commission d'enquête et on verra bien. On verra bien si vous avez les mains propres. On verra bien si vous n'avez rien à vous reprocher, si vous êtes sincères lorsque vous parlez de lobbying. On vous invitera ensuite à faire un pas de plus si la commission d'enquête conclut qu'il doit y avoir des changements, un pas de plus et le vrai pas, le premier vrai pas, celui qu'on ferait en direction du financement populaire.

J'ai proposé une motion à ce sujet. Qu'ont répondu les députés libéraux?

(1310)

Le député a ridiculisé une motion qui fait la beauté et la grandeur du Québec au niveau de sa transparence politique. Cette volonté-là est même désirée dans d'autres provinces puisqu'il y a sept provinces qui limitent les dons des partis. Au moins, ils les limitent, alors qu'ici, à la Chambre des communes, on ne limite pas. On est connectés sur le gros tuyau et on veut y rester. Mais je comprends que les députés libéraux restent silencieux, la tête basse et honteux. Je les comprends, ils ont été financés par ces gens-là.

Souvent, comme le disait mon professeur de philosophie, lorsque j'étais en philosophie-2 à l'Académie de Québec, lorsqu'il faisait un bon discours, alors qu'il défendait de grands principes et qu'il faisait un de ses bons discours, quand nous restions silencieux en classe ou complètement incapables de contrecarrer ses arguments, il disait: «Chers amis, il n'est pas donné au porc d'apprécier les perles». Il le disait de façon humoristique. Je me demande ce que penserait mon professeur de philosophie, aujourd'hui-sans doute est-il rendu au ciel depuis longtemps, mais je pense à lui et sans doute pense-t-il à nous-s'il voyait un tel scandale, ce projet de loi C-22, déposé alors qu'il aurait pu être le fleuron de ce gouvernement en termes de décision contre les firmes de lobbying, en termes de transparence. Mais non, on en a fait un document «à la conservatrice».

Ce projet de loi est un document qui ressemble à ceux que les conservateurs faisaient pour protéger les copains, pour protéger une clique. Ne vous demandez pas pourquoi il y a un déficit. Ne vous demandez pas pourquoi aucune décision n'est prise. C'est parce qu'on attend. Le gouvernement vient d'arriver au pouvoir, il faut qu'il donne la chance à ses financiers de se remplir les poches, de continuer le système qui est exactement le même sous les libéraux que ce qu'il était sous les conservateurs.

C'est pourquoi nous disons qu'il est temps qu'un geste sérieux soit posé par ce gouvernement, un geste sérieux qui irait dans le sens de la demande du Bloc québécois, c'est-à-dire d'instituer une commission d'enquête qui ferait en sorte d'avoir une influence, non seulement sur ce dossier, mais qui nous ferait ensuite sans doute découvrir tous les agissements secrets des firmes de lobbyistes et ainsi pouvoir contrer leur action dans un projet de loi beaucoup plus structuré, beaucoup plus apte aussi à corriger cette situation.

Je vois que mon temps est expiré, mais je suis certain que j'obtiendrais le consentement unanime pour poursuivre une dizaine de minutes. Je vois le député de Glengarry-Prescott-Russell qui me fait signe. Je l'en remercie. Alors, je peux continuer encore, je crois, ne serait-ce qu'une dizaine de minutes.

Le vice-président: À l'ordre! Le député a posé la question. Est-ce qu'il a le consentement unanime de la Chambre pour qu'il puisse continuer?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Il semble qu'on ne l'ait pas.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, le discours de notre collègue, l'honorable député de Richelieu, m'incite à prononcer un discours dans ce débat bien que je n'aie pas un grand intérêt dans les affaires de l'aéroport Lester B. Pearson à Toronto, en tant que député de Kingston et les Îles.

En tout cas, il y a un problème avec ce contrat et je suis heureux que ce gouvernement ait fait quelque chose pour corriger la situation.

[Traduction]

Nous avons été témoins d'une obstruction systématique à la Chambre de la part des députés du parti d'en face qui semblent croire que, lorsque le gouvernement essaie de régler quelque chose, il est préférable d'être de la partie.

Je connais les faits. Durant la campagne électorale, alors que nous critiquions ce contrat en affirmant qu'il était inacceptable pour la population canadienne, le député de Richelieu et ses collègues se tenaient cois. Pour rattraper le temps perdu, ils débitent des discours verbeux à la Chambre, crient au scandale et trouvent à redire à un projet de loi on ne peut plus raisonnable et sensé, qui autorise le gouvernement à résilier ce contrat. Voilà mon point de vue.


4043

Le député de Broadview-Greenwood a fait un excellent discours sur le sujet l'autre jour, tout comme le député de Glengarry-Prescott-Russell. J'ai été impressionné parce que les aspects du projet de loi m'étaient ainsi exposés pour la première fois, ce qui était bien différent de la propagande à laquelle se livrent les députés d'en face.

(1315)

Je sais que le député de Richelieu est un ancien conservateur. Il a déjà fait partie de la clique qui a concocté cette affaire. Je peux comprendre pourquoi il a quitté ce parti: il éprouvait de la honte. Il a su que c'était un mauvais contrat en le voyant. Il peut reconnaître un rat à son odeur. Or, ce contrat sentait mauvais.

L'ayant constaté, nous en avons parlé. Le député s'est tu alors qu'il ne l'aurait pas dû. Il aurait dû dénoncer ce contrat partout au pays. Au lieu de cela, il s'employait à parler de l'indépendance du Québec. Il aurait pu parler de ce contrat, car il savait quel mauvais gouvernement c'était. Mais il avait été élu pour appuyer ce gouvernement. C'est honteux!

Une voix: Voilà pourquoi il a changé.

M. Milliken: Le député dit maintenant que c'est pour cette raison qu'il a changé. Je me réjouis qu'il ait vu un peu la lumière. Malheureusement, ça n'a pas été suffisant pour l'amener de l'autre côté de la Chambre.

Le député a toutefois reconnu que c'était le précédent gouvernement qui était responsable de cette calamité, qui a passé ce contrat à toute vapeur, avant de perdre les élections. Sachant que c'était peine perdu, pourquoi le gouvernement est-il allé de l'avant quand même? Ses députés se sont empressés d'aller dire à leurs amis: «Dépêchez-vous! Passez un contrat. Nous allons vous vendre l'aéroport parce que les libéraux ne vous feront pas une offre aussi alléchante. Concluez rapidement cette affaire, peu importe que nous trompions les contribuables canadiens.» C'est ce que les conservateurs font depuis neuf ans. Tout le monde le sait.

Ils ont donc concocté ce contrat et se sont hâtés de le conclure. Le député d'en face est demeuré silencieux. Il faut féliciter notre parti d'avoir dénoncé le contrat dès le début et de s'être engagé à le passer au crible. Voilà ce qu'il fallait faire!

Nous avons annoncé que nous allions réexaminer la transaction une fois arrivés au pouvoir et c'est chose faite. Nous avons tenu notre promesse. L'hon. Robert Nixon, un homme fort compétent, a été nommé pour étudier cette transaction en profondeur et préparer un rapport. Il a déclaré que cette entente n'était pas dans l'intérêt des contribuables canadiens. C'est pourquoi le gouvernement a décidé de l'annuler.

Nous avons pris toutes les mesures qui s'imposaient et nous faisons maintenant face à de l'obstruction systématique à la Chambre de la part de l'opposition. Elle essaie de trouver quelque chose à redire dans tout ce processus. C'est du moins ce qu'elle prétend.

M. Boudria: Nos vis-à-vis s'intéressent à cette question un peu tard.

M. Milliken: En effet. En outre, ils voudraient faire croire que ce sont eux qui se sont toujours opposés à cette transaction et que le gouvernement n'a pas tenu sa promesse jusqu'au bout et n'a pas fait sa part.

Or, le gouvernement ne ménage pas ses efforts et il demande à la Chambre le pouvoir de négocier une entente très raisonnable avec les acheteurs de l'aéroport. Si on ne peut parvenir à un accord acceptable pour les parties, il n'y aura aucune indemnisation. C'est ce que vise à faire ce projet de loi, à mon avis, et je trouve cela tout à fait merveilleux.

Je ne prendrai pas la peine d'exprimer mon propre point de vue sur les sommes qui devraient être versées à ces gens, mais je peux dire aux députés que ce montant est fort peu élevé. Je peux au moins vous dire cela. D'aucuns prétendent que les députés ne devraient pas adopter cette mesure avec effet rétroactif. Je ne crois pas que l'argument en faveur d'une rétroactivité soit valable.

Les intéressés savaient exactement à quoi s'en tenir lorsqu'ils ont signé cet accord. Ils n'ignoraient pas que le parti d'opposition à l'époque, le Parti libéral du Canada, avait annoncé son intention de réexaminer cette transaction s'il était porté au pouvoir. Ils savaient pertinemment qu'ils risquaient de perdre l'argent qu'ils investissaient dans ce projet lorsqu'ils ont conclu cette entente avec le gouvernement précédent, qui n'a peut-être pas toujours agi de façon très honnête dans ce dossier.

Notre gouvernement a annulé cette transaction. Ce projet de loi demande à la Chambre le pouvoir de corriger la situation. C'est une bonne mesure. L'opposition devrait y souscrire avec enthousiasme. Or, au lieu de cela, nos collègues d'en face ont proposé un amendement. Étant donné que nous en discutons, permettez-moi d'en reprendre les termes, car certains députés d'en face ont peut-être oublié ce qu'ils ont proposé il y a bien des jours, au début de ce débat.

Je tiens à signaler que la Chambre n'a jamais pris autant de temps pour adopter une mesure législative. Ce projet de loi est relativement peu important, mais il a pourtant ameuté l'opposition. Il est amusant d'entendre nos vis-à-vis, mais vraiment ils pourraient mieux établir leurs priorités. Le problème, c'est qu'ils n'ont plus rien à se mettre sous la dent. Ils sont incapables de critiquer le gouvernement, parce que ce dernier fait du bon travail.

L'amendement propose que la Chambre refuse de procéder à la deuxième lecture du projet de loi C-22, etc., «parce que le principe du projet de loi est défaillant puisqu'il n'entrevoit pas de mesures visant à rendre transparent le travail des lobbyistes». Quelle absurdité! Le projet de loi n'a rien à voir avec les lobbyistes. Il ne doit pas modifier la loi sur les lobbyistes. Il ne fait que relever une erreur faite dans un contrat et autoriser le gouvernement à la corriger. C'est tout.

Le projet de loi ne vise pas à modifier les règles concernant les lobbyistes et n'a jamais eu pour objet de le faire. Le gouvernement a annoncé qu'il présenterait un projet de loi au sujet des lobbyistes. Les gens d'en face n'arrêtent pas de critiquer en disant que nous prenons trop de temps pour le faire. Le projet de loi ne tardera pas. Il faut un peu de patience, la mesure s'en vient.


4044

(1320)

Quand le projet de loi sur les lobbyistes sera présenté, ils pourront en discuter amplement. Ils n'ont pas à s'essouffler sur la mesure actuellement à l'étude. Par contre, je suis très heureux qu'ils aient tant parlé, parce que nous savons au moins ce qu'ils pensent d'un projet de loi sur les lobbyistes. Nous savons que lorsque la Chambre sera saisie de cette mesure, le débat sera extrêmement court, puisqu'ils n'en finissent plus de discourir sur l'amendement actuellement à l'étude.

Je prévois un débat très bref sur le projet de loi concernant les lobbyistes pour que la mesure soit examinée plus en détail au comité. Je sais que les députés du Bloc québécois, en particulier, qui forment ici l'opposition officielle, participeront avec enthousiasme à l'étude en comité de ce projet de loi.

Entre-temps, pourquoi retarder l'adoption de ce projet de loi très important? Afin de tenir un débat général au sujet des lobbyistes? Peut-être. Si c'est le cas, les bloquistes n'ont pas dit grand-chose à ce sujet. Ils n'ont cessé de dénoncer cette transaction que nous considérons tous comme mauvaise.

Personne ici n'en disconviendra, sauf peut-être l'ancien ministre qui siège à l'arrière, là-bas, le député de Sherbrooke, ainsi que la députée de Saint John. Mais je ne voudrais pas accuser celle-ci d'appuyer une transaction comme celle-là, car elle n'était pas députée au cours de la dernière législature, même si elle s'est portée candidate pour le parti qui a conclu cette transaction.

Ce sont là les deux seuls députés qui pourraient appuyer cette transaction. Bien sûr, comme ils n'ont pas encore participé, à ma connaissance, au présent débat, je ne peux pas affirmer qu'ils l'appuient. Mais l'opposition ne l'appuie pas. Le Parti réformiste ne l'appuie pas. Le gouvernement ne l'appuie pas. À ma connaissance, le Nouveau Parti démocratique ne l'appuie pas non plus.

Pourquoi donc tenir un débat? Je le répète, je crois que les députés d'en face essaient seulement de suivre le mouvement et de se racheter pour ne pas avoir critiqué publiquement cette transaction avant les élections.

Pourquoi? Est-ce parce que beaucoup des députés d'en face sont d'anciens conservateurs qui se trouvent des affinités avec le gouvernement précédent qui a conclu cette transaction? Serait-ce parce que le député de Richelieu et ses collègues, qui étaient autrefois des conservateurs, estiment ne pas devoir critiquer celui qui les a fait élire la première fois, soit M. Mulroney? C'est son gouvernement et celui qui l'a suivi qui ont conclu cet accord. Il est clair que cet accord a été conclu avec les amis du gouvernement Mulroney, même si c'est le gouvernement de Kim Campbell qui a pris les dispositions nécessaires.

Est-ce pour cette raison que l'opposition fait preuve de réticence? Le chef de l'opposition lui-même a été à un certain moment une marionnette de Mulroney. Il doit toute sa carrière politique à M. Mulroney.

Son élection a coûté 143 millions de dollars, n'est-ce pas? N'est-ce pas ce qu'ils ont payé pour le faire élire dans sa circonscription à l'occasion d'élections partielles? Si c'est bien ce que son élection a coûté, peut-être était-ce là le prix de son silence jusqu'à ce que la question arrive à la Chambre des communes, longtemps après le fait, et pour ne pas qu'elle surgisse trop rapidement, en pleine campagne électorale. C'est pourtant ce qui aurait dû se produire.

Le gouvernement s'efforce de réparer les pots cassés, mais tout ce que nous obtenons, c'est un débat interminable et des critiques comme si c'était nous qui avions conclu l'accord. Nous l'avons annulé et nous avons présenté un projet de loi visant à corriger la situation. Nos vis-à-vis, plutôt que de critiquer le gouvernement, devraient lui accorder leur soutien enthousiaste.

[Français]

M. Richard Bélisle (La Prairie): Monsieur le Président, je profite de la chance qui m'est offerte à l'occasion de ce débat sur le projet de loi C-22 pour attirer l'attention des élus de cette Chambre sur les liens existant entre plusieurs phénomènes en apparence non reliés.

Le 4 mai dernier, le Globe and Mail rapportait que les contrats fédéraux accordés au secteur privé, qui étaient de 2,9 milliards de dollars en 1984-1985, ont atteint 5,2 milliards en 1992-1993 et seront même supérieurs à ce niveau en 1993-1994. À ce chapitre, la dépense la plus élevée est de 332 millions de dollars et concerne l'entretien de la flotte aérienne.

Un hasard très surprenant lorsque l'on discute de la vente de l'aéroport Pearson à des intérêts privés. La seconde dépense, au montant de 330 millions, toujours en 1992-1993, est liée à l'engagement de contractants impliqués dans l'aide à l'étranger. Cette dépense est importante lorsque l'on connaît les difficultés et la complexité de gestion de l'ACDI qui, à la suite des travaux du vérificateur général, cherche à se doter d'un plan de gestion de ses activités qui, comme on le sait, sont réparties dans 115 pays à travers le monde. Les contrats fédéraux accordés au seul chapitre du ministère de la Défense sont passés de 740 millions de dollars en 1984-1985 à 1,5 milliard de dollars en 1992-1993.

(1325)

Le budget des emplois temporaires est passé, pour sa part, de 52 millions de dollars durant la même période à 101 millions de dollars, soit le double à l'intérieur d'une période de neuf ans. Ce qui est plus troublant, c'est que selon le Globe and Mail, près de la moitié des 36 166 contrats accordés en 1992 et 1993, l'ont été sans appel d'offres. J'aimerais ici attirer l'attention sur une déclaration de M. Daryl Bean, président de l'Alliance de la foncion publique du Canada, qui affirmait à ce propos, et je cite: «Trop souvent, les firmes bénéficiaires sont des amis du gouvernement».


4045

Le Budget Martin du 22 février dernier est éloquent à ce chapitre, il accorde une série d'avantages fiscaux aux entreprises en vue de relancer l'emploi, le ministre nous affirmait-il lors de l'annonce de ce budget.

Ces avantages fiscaux sont financés à même l'élimination du crédit en raison de l'âge et des coupures dans le programme de l'assurance-chômage. On exige donc des sacrifices des personnes âgées, des chômeurs, sacrifices, comme vous l'avez vu, qui se sont avérés inutiles à la suite de l'augmentation des taux d'intérêt qui ont encore alourdi la dette canadienne au cours des dernières semaines. On enlève d'une main aux plus démunis de la société pour donner de l'autre aux amis du régime. À quand des coupures dans les crédits d'impôt et dans les subventions aux entreprises? À quand l'impôt minimum sur les sociétés et les grandes fortunes? À quand l'élargissement de l'assiette fiscale dont se gargarise le ministre, à quand l'élargissement de l'assiette fiscale aux fiducies familiales?

Le vérificateur général a dénoncé dans son rapport de 1993 le laxisme du gouvernement fédéral face aux compagnies de ressources. Comme vous le savez tous, le contentieux entre le gouvernement et ces compagnies traîne depuis 14 ans et aurait fait perdre 1,2 milliard de dollars au Trésor fédéral.

Tout le dossier des contrats fédéraux et de la fiscalité des entreprises et des actionnaires nous ramène à la question du financement des partis politiques et de la transparence dans la gestion de l'État, ce que le nouveau gouvernement n'a pas tellement démontré depuis son élection le 25 octobre dernier. Alors que le Bloc québécois a adopté le principe du financement populaire, les partis conservateur et libéral se sont toujours refusés à adopter un tel mode de financement et continuent à se financer chez les compagnies autant que chez les individus.

Il s'agit simplement de consulter la liste, qui est d'ailleurs publique, des gros donateurs aux partis politiques traditionnels pour observer que ces deux partis, c'est blanc bonnet et bonnet blanc en matière de financement électoral.

Les gros donateurs financent et les libéraux et les conservateurs. On retrouve au premier chef les banques canadiennes qui, en période de récession, font toujours des profits records, paient finalement très peu d'impôt et ont tout intérêt à ce que le gouvernement vende des actifs à des investisseurs privés ou rachète au secteur privé des canards boiteux. Ces banques savent que le gouvernement fédéral ne peut théoriquement, je dis bien théoriquement, pas faire faillite. Ces dernières se bousculeront toujours au portillon pour financer les achats ou ventes d'actifs du gouvernement. La multiplication des transferts d'actifs favorisera toujours ces institutions prêteuses qui les favoriseront.

Mentionnons ici le cas d'une institution prêteuse canadienne qui s'était même permis d'intervenir dans le débat lors du référendum sur l'entente de Charlottetown. Elle préfère maintenant, à l'instar des autres sociétés, jouer dans l'ombre et éviter les discussions sur la place publique. Les institutions prêteuses sont toujours liées aux contrats fédéraux et aux grandes transactions effectuées par le gouvernement, telle celle de la vente de l'aéroport Pearson, cet aéroport étant le seul vraiment rentable au pays.

Tous les maillons de cette toile sont interreliés, c'est bien évident: l'intention du gouvernement libéral de dédommager les investisseurs conservateurs et libéraux impliqués dans ce projet d'achat avorté de l'aéroport Pearson n'est qu'un renvoi d'ascenseur à ceux qui financent la caisse électorale des vieux partis. Ces investisseurs ont pris un risque d'entreprise. S'ils avaient fait un coup d'argent, y aurait-il eu un projet de loi pour taxer un profit trop facile ou mirobolant étant donné les circonstances? Évidemment, non. Alors, pourquoi les dédommager de façon abusive pour le contribuable moyen? Si cette entente s'était faite entre deux parties privées, il n 'y aurait eu aucun dédommagement de la part d'une des parties; alors, pourquoi utiliser l'argent des contribuables pour dédommager des investisseurs privés qui ont pris un risque normal d'entreprise, risque au terme duquel le projet convoité ne s'est évidemment pas matérialisé?

(1330)

Le même phénomène se produit lors d'un appel d'offres. Tous les soumissionnaires engagent souvent des frais administratifs et des frais de professionnels pour bâtir leur offre. Un seul soumissionnaire évidemment obtient le contrat. Est-ce que tous les autres soumissionnaires obtiennent des dédommagements pour les frais encourus? Non. Pourquoi y a-t-il toujours deux logiques, l'une s'appliquant au secteur privé et l'autre au gouvernement? Est-ce parce que les principaux intervenants dans ce dossier étaient pour la plupart liés au Parti libéral et au Parti conservateur?

Pensons au souper de financement à 1 000 $, tenu à Westmount durant la dernière campagne électorale, souper auquel assistaient plusieurs interlocuteurs associés de près à l'achat de l'aéroport Pearson. Pensons également au souper-bénéfice du Parti libéral du Canada à 300 $ le couvert, auquel participaient 1 600 personnes à Montréal, la semaine dernière. L'on peut prétendre sans grand risque d'erreur que plusieurs participants à ce souper sont sûrement très intéressés au projet de loi C-22 et au dédommagement éventuel des investisseurs associés à ce dossier.

Le Bloc québécois s'oppose à tout dédommagement des investisseurs dans ce dossier et je voterai donc contre le projet de loi C-22. Selon l'excellent résumé législatif effectué par le Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement, et je cite: «L'article 10 du projet de loi C-22 prévoit que le ministre des Transports pourrait, sous réserve de l'autorisation du Cabinet, conclure des ententes en vue du versement des sommes qu'il estime indiquées en raison de l'annulation.» Nous sommes contre l'adoption de cet article 10. Pourquoi rembourser des gens pour des frais encourus si ces gens ont abusé de leurs relations?

Nous demandons au gouvernement de légiférer le plus rapidement possible pour encadrer l'activité des lobbyistes tel qu'il l'avait promis lors de la dernière campagne électorale. Pourquoi les libéraux ne changent-ils pas la loi C-44 sur les lobbyistes adoptée par les conservateurs en 1988? Selon le rapport d'enquê-


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te de M. Robert Nixon, chargé par le premier ministre actuel de l'examen du dossier de l'aéroport Pearson, et je cite:

On ne sait pas exactement combien d'argent les lobbyistes ont reçu. D'après les sources des promoteurs immobiliers, le total s'élèverait à 1,5 million de dollars sur une période de 18 mois.
Monsieur Nixon met aussi en question le taux de rendement excessif «accordé au locataire de l'aéroport». Il parle aussi du rôle joué par le favoritisme et les groupes de pression dans cette transaction. Le rôle des lobbyistes dans ce dossier dépasse ce qui est habituellement normal. Les lobbyistes, nous dit l'enquêteur, seraient directement responsables de la réaffectation de plusieurs hauts fonctionnaires et de la demande de certains autres d'être remplacés.

Nous demandons au gouvernement de faire toute la lumière sur cette transaction et d'effectuer une enquête publique et indépendante qui, seule, pourrait rassurer des contribuables désabusés. Est-ce une autre promesse du livre rouge qui restera lettre morte ou sera reportée aux calendes grecques? Quand le gouvernement entend-il remplir la promesse, comme il en parlait dans le livre rouge lors de la campagne électorale, d'un Code de déontologie à l'intention des ministres, des sénateurs et députés, et du personnel politique et des fonctionnaires, pour bien encadrer leurs rapports avec les groupes de pression? Il en va de la transparence de l'administration publique.

En conclusion, pour nous, du Bloc québécois, l'avenir de l'aéroport Pearson de Toronto réside dans l'établissement d'une société aéroportuaire à but non lucratif, comme il en existe une à Montréal et à Vancouver.

M. Yvan Bernier (Gaspé): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre à nouveau la parole concernant le dossier de l'aéroport Pearson. C'est un sujet qui nous tient à coeur. D'emblée, j'aimerais reprendre ce que le député de Kingston et les Îles a mentionné tout à l'heure dans son discours. Le député d'en face faisait état que le Bloc québécois critiquait et peut-être qu'on critiquait inutilement ou qu'on n'avait rien d'autre sur quoi critiquer.

Je voudrais d'abord rappeler que les gens d'en face sont responsables du menu législatif. Alors, apportez-nous autre chose et nous vous suivrons. Simplement pour vous souligner que le menu législatif, depuis que le Parlement a été élu, est plutôt maigre. Les Canadiens et les Québécois sont en droit de voir des choses se produire.

(1335)

On a fait beaucoup de promesses dans le livre rouge. Maintenant, on fait du «millage» politique sur, supposément, la réalisation de certaines de ces promesses-là, mais le pays a besoin d'autres choses que des promesses pour être avancé.

Il y a de l'écho un peu dans cette Chambre, monsieur le Président. Je vais donc reprendre le fil de mon histoire pour préciser comme il faut la pensée du Bloc québécois là-dessus et pour la gouverne du député de Kingston et les Îles, j'aimerais pouvoir citer en cette Chambre un article du Citizen d'Ottawa du 9 mai. Je pense que c'est assez révélateur de pourquoi le Bloc québécois s'inquiète de la raison pour laquelle les libéraux d'en face veulent passer cette motion aussi rapidement.

Je ne suis pas parfaitement bilingue, mais je vais utiliser la langue de Shakespeare, puisque c'est rédigé en anglais, et ça va permettre aux anglophones de ma circonscription d'apprécier l'utilisation de cette langue que j'essaie d'apprendre, mais que je ne maîtrise pas encore parfaitement.

Alors, je voudrais le citer, c'est écrit par M. Greg Weston, et ça se lit comme il suit. Je vais vous faire grâce de certains détails, mais la partie qui m'intéresse est celle-ci:

[Traduction]

Étant donné les milliards de dollars de profits prévus que le promoteur a perdus dans cette affaire et la façon apparemment peu subtile du gouvernement d'aborder la question de l'indemnisation, le silence entourant les négociations est plutôt assourdissant.
Cela veut dire que ça rend sourd un peu.

À cet égard, il convient peut-être de rapporter ici une observation recueillie après une rencontre sur l'indemnisation tenue à Toronto: l'entreprise dont la participation au consortium est la plus élevée, donc celle qui risque les plus grosses pertes, est Claridge Properties. Comme par hasard, elle est contrôlée par Charles Bronfman, milliardaire de Montréal, qui est un ami du Parti libéral.
L'histoire commence à être intéressante.

Comme par hasard aussi, le gouvernement libéral tient encore à effectuer de grands travaux à l'aéroport Pearson et il devra trouver un entrepreneur compétent. Il voudrait bien commencer ces travaux dès l'automne. Une des personnes présentes à la récente réunion sur l'indemnisation tenue à Toronto a remarqué qu'il y avait là un groupe de dirigeants de Claridge qui avaient l'air très détendus. Intéressant, non?
[Français]

C'est ce que notre ami Greg Weston indique dans son article du 9 mai, dans le Citizen d'Ottawa. Or, comment voulez-vous, monsieur le Président, que nous, du Bloc québécois, puissions accorder un chèque en blanc aux libéraux d'en face, lorsqu'on entend déjà des jeux de coulisses?

On voudrait savoir ce qui s'est passé avant d'accorder une compensation quelconque. Et on voudrait savoir ce qui s'est passé, avec quelles personnes cela s'est passé particulièrement, afin de voir comment le développement de l'aéroport Pearson pourrait être entrepris à l'avenir.

Parce qu'on sent des choses, on apprend que le gouvernement entend développer Pearson, encore une fois, alors ce serait très intéressant qu'on puisse partir sur un terrain propre et non de ce que je pourrais appeler de l'«humus» de l'ancien gouvernement et du nouveau.

Cela est une partie que je tenais à spécifier, l'importance de ce dossier. On ne parle pas de n'importe quoi. C'est quelque chose comme 57 000 passagers qui transitent par cet aéroport. Vingt millions de passagers dans une année. Trois cent destinations dans 60 pays. Cela représente aussi 56 000 emplois directs et indirects et des retombées économiques sur l'Ontario d'environ 4 milliards de dollars.

Or, c'est très important, on ne peut pas passer cela sous silence, on ne peut pas donner un chèque en blanc pour qu'on nous dise de ne pas fouiller dans cette affaire, que ce n'est pas vrai qu'il y a eu des lobbyistes. Il y a 4 milliards de dollars en jeu, c'est très important pour l'économie.

Le contrat n'est toujours pas public. Mais si on se fie à ce que les journalistes nous rapportent du rapport Nixon, ce même rapport nous fait savoir que l'importance des lobbyistes dans ce dossier semble être anormale. Il y a une activité de lobbyistes plus que dans n'importe quel autre dossier dans lequel le gouver-


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nement a à prendre des décisions. Or, il est très important que les Canadiens et les Québécois soient au courant de ce qui se passe dans les coulisses.

(1340)

Une autre chose qui m'a étonné là-dedans, c'est la vitesse à laquelle le contrat a été signé, en pleine campagne électorale, l'année dernière. L'ancienne première ministre s'est hâtée de signer ce contrat, de signer cette entente, malgré le fait que l'actuel premier ministre du Canada avait fait comme promesse électorale de briser cette entente. Mais ce qu'on semble voir, c'est que ça semble être le même réseau d'amis qui se cachent derrière tout cela. Je pense que les Canadiens et les Québécois ont le droit de savoir ce qui se passe là-dedans.

L'autre chose qui nous chatouille, c'est que le gouvernement, dans le déroulement ou le développement de l'aéroport Pearson, s'était engagé à ne pas fournir de financement pour la modernisation de l'aérogare no 1. Mais, on nous indique qu'il semble avoir accepté des remises de loyer de plusieurs millions de dollars, ce qui équivaut à investir à ce moment-là. On dirait que la main droite ne connaît pas ce que la main gauche est en train de faire.

En plus, le rapport Nixon fait aussi état de dix déductions inhabituelles pour le calcul du revenu brut qui servirait à déterminer le loyer. Encore une fois, est-ce que ce sont les amis du gouvernement et de l'ex-gouvernement qui tirent les ficelles, qui se servent? Pour nous, c'est très important que tout cela soit révélé.

L'autre point, parce qu'il y a deux formes d'opposition dans le pays, il y a les députés d'opposition et il y a la presse. On apprend aussi que le Star de Toronto, selon ses recherches, souligne que la transaction aurait probablement fait monter le coût par passager de l'utilisation de cet aéroport. L'augmentation de coûts aurait été retransmise aux usagers. Or, si c'est une responsabilité du gouvernement d'assurer ou de développer des réseaux de transport au Canada, je pense que le gouvernement doit prendre lui-même l'initiative et faire face à la population pour dire «Ça va te coûter plus cher sur cette affaire-là» et non se servir d'un ami pour aller faire le «job» sale.

Mais parlons-en de ce gouvernement-là qui refuse de faire la lumière, qui refuse de faire une enquête sur une telle chose. On parle du domaine du transport. Cette semaine, je dois retourner dans ma circonscription. Jeudi. Je vais être membre d'un comité avec Dignité rurale pour écouter les gens qui ont quelque chose à dire sur le transport ferroviaire dans l'Est du Québec, et précisément dans ma circonscription, à Gaspé. C'est une initiative que des gens localement ont prise parce que le gouvernement refuse de faire ce type d'audience-là. Or, moi, en tant que député d'opposition, j'ai accepté d'aller siéger à ce comité-là et de rapporter à Ottawa les doléances que les gens vont me donner.

Mais pourquoi le gouvernement refuse-t-il de porter ses culottes, pourquoi? Les gens ont des choses à dire. On parle de transport. Les gens en Gaspésie sont obligés de se prendre en main eux-mêmes, de faire un comité eux-mêmes, sans les moyens qu'un comité de la Chambre peut avoir, par exemple, comme les interprètes et le personnel pour rédiger les notes. Alors, des choses seront très bien faites quand même, mais il se peut qu'il y ait des gens qui se sentent un peu lésés de la façon dont les audiences seront faites, parce que moi, je peux comprendre l'anglais, mais je ne peux pas le parler aussi vite qu'eux. Cependant, je serai là. C'est un point que je tenais quand même à souligner.

En conclusion, monsieur le Président, je vois que le temps déboule, il y a deux points majeurs que j'aimerais souligner. Ça va résumer un peu ce que j'ai dit ce matin. Comment l'ancien gouvernement en est-il arrivé à accepter un projet qui va complètement à l'encontre de l'intérêt public? Y aura-t-il des intérêts autres que l'intérêt public en jeu? Les amis de l'ancien gouvernement et les amis du gouvernement actuel.

Or, là-dessus, pour nous du Bloc québécois, il faut absolument qu'il y ait une enquête publique sur cette entente. La crédibilité du gouvernement d'en face en découle. Si les gens d'en face continuent à se cacher derrière des portes closes et à laisser les lobbyistes diriger le pays, vous comprendrez, monsieur le Président, que ça nous donne des munitions pour le référendum. Ce sera très facile de dire «Regardez, si vous voulez continuer à diriger dans un type de fédération qui laisse les décisions prises par les lobbyistes, je vous le laisse».

(1345)

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, je suis très heureuse de participer pour la deuxième fois dans ce débat concernant le projet de loi C-22.

Avant toute chose, je voudrais vous faire part de mon étonnement devant le fait que ce gouvernement qui, il y a à peine quelques semaines, affirmait être lié par une entente verbale secrète, tellement lié que plus lié que ça tu meurs, ait la capacité aujourd'hui de se dégager d'une entente écrite, signée.

Je remarque aussi que le gouvernement se refuse absolument à nous donner quelques données que ce soit, quelque texte que ce soit en ce qui a trait à l'entente verbale concernant Ginn Publishing. Mais pour l'entente signée entre Sa Majesté et la société en commandite T1T2, il nous produit en annexe au projet de loi 24 baux et accords, 7 autres accords et 19 autres documents, en tout 46 documents différents. Pourtant, il s'agit là encore une fois d'une entente que la première ministre avait signée elle-même avec son ministre des Transports.

Cette facilité que le gouvernement a de rompre cette multitude de baux et d'accords, mise en parallèle avec cette impuissance du ministre du Patrimoine de dire non à une entente verbale, reste pour moi un grand mystère que j'espère, un jour, nous pourrons éclaircir.

Cela étant dit, mon intervention portera sur deux points: premièrement, le gouvernement a-t-il négocié une entente secrète, possiblement verbale, en ce qui a trait aux compensations que la loi permettrait par l'article 10? Deuxièmement, le gouvernement a-t-il l'intention, comme il l'a fait par le passé, de favoriser indûment l'aéroport Pearson au détriment des autres aéroports de la région de Toronto et des autres aéroports du Canada?


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Discutons d'abord la possibilité de l'entente secrète. Il est remarquable que l'on retrouve dans la loi la technique libérale bien connue du camouflage. Ainsi, l'article 9 stipule et je cite:

Nul ne peut obtenir d'indemnité. . .
L'article est clair, l'article est net. Enfin, se dit-on, ce gouvernement se tient debout.

Mais non, ecore une fois, le gouvernement camoufle ses véritables intentions puisqu'à l'article 10. (1) le projet de loi prévoit et je cite:

Sous réserve de l'autorisation du gouverneur en conseil, le ministre peut, s'il le juge à propos, conclure au nom de Sa Majesté des ententes en vue du versement des sommes qu'il estime indiquées en raison de l'application de la présente loi, sous réserve des conditions qu'il estime indiquées.
En d'autres mots, pour mes honorables adversaires qui n'auraient pas encore compris, le gouvernement se donne le droit, sans en parler à personne, selon son habitude, et surtout sans le rendre public, de verser les sommes qu'il veut bien à ses amis.

Car il faut le rappeler, il y a dans la société en commandite T1T2 plusieurs amis des conservateurs, bien sûr, mais tout autant d'amis des libéraux. Je rappelle, pour la gouverne de certains députés libéraux qui se sont toujours fait un devoir dans l'ancien gouvernement de relever l'ombre d'un soupir de conflits d'intérêts, que plusieurs de leurs bailleurs, de leurs affiliés, participent à la société en commandite en question qui bénéficiera de l'article 10. (1) du projet de loi que nous discutons.

Comme nous sommes à une heure habituelle où la télévision, à l'heure des repas, aime bien faire des jeux, je vous propose une partie de Jeopardy.

Voici donc des indices pour la première question: Il est propriétaire de Claridge Properties Inc. qui contrôle T1 T2 Partnership Limited; il est aussi un grand libéral devant l'éternel et contribue à la caisse électorale du parti. Vous avez raison, la question est: Qui est Charles Bronfman?

Deuxième question: Il est démarcheur pour Claridge Properties et ancien organisateur de M. Jean Chrétien. Encore une fois vous avez raison: Qui est Herb Metcalfe?

Troisième question: Il est sénateur libéral et organisateur d'une soirée bénéfice à 1 000 $ le couvert pendant la campagne électorale, et comme par hasard, membre du conseil d'administration de Claridge Properties qui détient les parts majoritaires dans T1T2 Partnership Limited. Vous avez raison: Qui est Leo Kolber?

Et j'en passe.

Je demande à nouveau: Y a-t-il une entente écrite ou verbale qui garantit des sommes d'argent aux actionnaires de T1T2 Partnership Ltd que concrétiserait le présent projet de loi?

(1350)

D'abord j'insiste sur l'entente écrite ou verbale puisque dans le dossier de l'aéroport Pearson, on retrouve Fred Doucet, ce démarcheur qui a réussi à convaincre le ministre libéral du Patrimoine de vendre une partie du patrimoine canadien à des intérêts étrangers en arguant une entente verbale.

Le ministre du Transport doit déposer tous les documents gardés secrets concernant cette loi, ses ententes virtuelles ou potentielles encore plus si ce gouvernement ne veut pas sombrer, comme il semble en voie de le faire, dans la dilapidation de fonds publics dans le but de remercier ses amis et de les dédommager pour une promesse électorale qui leur a coûté un contrat plantureux. Il doit absolument faire preuve de la transparence dont il se gargarise et mettre sur pied une commission royale d'enquête qui permettra de jeter la lumière non seulement sur les dessous actuels du dossier, mais sur les dessous passés.

À défaut de quoi, les Québécois et les Québécoises, les Canadiens et les Canadiennes sauront que sous leur régime libéral, un chômeur est un buveur de bière à qui on peut couper sans scrupule les prestations, alors qu'un propriétaire de distillerie a droit à des égards comme l'article 10 du présent projet de loi.

Le projet de loi C-22 passe sous silence les intentions du gouvernement en ce qui concerne l'aéroport Pearson. On sait déjà que le gouvernement avait l'intention de favoriser cet aéroport au détriment des autres aéroports de la région métropolitaine de Toronto en interdisant à Transports Canada d'effectuer des investissements pouvant nuire à l'achalandage de Pearson. Dans tout aéroport situé dans un rayon de 75 kilomètres, rappelons qu'à Montréal, Transports Canada a obligé la Société des aéroports de Montréal à maintenir les deux aéroports de Mirabel et de Dorval ouverts, comme condition à la privatisation de l'exploitation des aéroports. Il est malheureux pour Montréal, qu'à l'époque où Jean Chrétien et ses collègues d'alors enfonçaient le pays dans un déficit astronomique, dont le dernier, celui de 1984, n'a jamais en dollar constant été égalé, on n'ait pas choisi la même voie que celle privilégiée pour Toronto, c'est-à-dire renforcer celle qui existait déjà plutôt que de créer deux canards boiteux, au grand plaisir de Toronto.

Je citerai ici M. Jean Lapointe, porte-parole du groupe Réaction, qui comprend les Gens de l'air, les employés des transporteurs aériens, de l'industrie aéronautique, ainsi que l'Association des manufacturiers canadiens. M. Lapointe commentait ainsi la décision de la Société des aéroports de Montréal de garder les deux aéroports de la région ouverts, et je cite: «Il est clair qu'Ottawa a fait son lit à Toronto. Est-ce que le Québec peut avoir un système aéroportuaire compétitif? La réponse est non. Le Québec parviendra seulement dans le cadre de la souveraineté, car il ne sera plus menotté par les décisions prises à Ottawa.» Alors qu'elle est-elle, cette décision prise par Ottawa?

Claude Picher, journaliste à La Presse, nous rappelle que la remise de la gestion d'exploitation des aéroports de Dorval et de Mirabel à une société sans but lucratif était conditionnelle au maintien de deux aéroports de la grande région de Montréal. Deux poids, deux mesures.

La question se pose également au chapitre des investissements. Est-ce que le gouvernement Chrétien a l'intention d'investir massivement dans l'aéroport de Toronto au détriment des autres aéroports qui, eux, doivent se financer eux-mêmes? Je rappelle que le contrat annulé prévoyait des investissements de l'ordre de 700 millions de dollars dans les aérogares 1 et 2 de Pearson. On ne sait toujours pas si le gouvernement effectuera ces investissements avant de remettre la gestion de l'aéroport à on ne sait qui. En contrepartie, la Société des aéroports de

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Montréal, qui n'a pas les moyens financiers du gouvernement, investira quelque 150 millions au rythme de 30 millions de dollars par année pour la modernisation et l'amélioration des infrastructures et des installations de Dorval et de Mirabel.

Le gouvernement actuel et celui qui l'a précédé ont choisi Toronto, et Montréal en paie toujours le prix. Le nombre de passagers, nous dit Le Soleil, était de 20,5 millions à Toronto en 1990, et ce nombre était de 8,9 millions pour les aéroports de Dorval et Mirabel combinés. Toujours dans le même éditorial, Michel Audet nous rappelle, et je cite: «En 1952, Montréal comptait 20 p. 100 de plus de sièges sociaux et d'institutions financières que Toronto. En 1988, elle en avait 60 p. 100 de moins.» Il poursuit et je cite: «Entre l'année d'ouverture de Mirabel en 1975 et 1980, le nombre de passagers a augmenté de 13 p. 100 seulement à Montréal contre 37 p. 100 à Toronto. Cette tendance s'est poursuivie et même accentuée depuis.» Ce parti pris se traduit également par des pertes d'emplois importantes pour la région métropolitaine québécoise. Ainsi, le représentant du syndicat de la fonction publique faisait remarquer qu'il ne représente plus que 900 employés dans la région de Montréal, alors qu'il en représentait 1 200 en 1978.

(1355)

Je laisse la conclusion à Claude Picher qui commentait l'étude réalisée par Aéroports de Montréal, étude qui concluait que la région métropolitaine devait conserver ses deux aéroports. Je le cite: «Des centaines de millions ont été engloutis dans l'aventure sans que cela n'apporte la moindre amélioration à la position concurrentielle de Montréal: au contraire, le cancer de Mirabel a contribué à déplacer le trafic vers Toronto.»

Alors qu'il a remis entre les mains de sociétés aéroportuaires à but non lucratif les aéroports de Dorval, Mirabel, Edmonton et Vancouver, pourquoi une société distincte pour Toronto? Pourquoi ce qui est bon pour le reste du pays ne l'est-il pas pour Toronto? Pourquoi le gouvernement hésite-t-il à donner suite aux demandes de la région torontoise? Pourquoi le gouvernement ne remet-il pas immédiatement la gestion des aéroports 1 et 2 entre les mains d'une société à but non lucratif?

Le vice-président: Je regrette énormément, mais le temps de parole de l'honorable députée est écoulé.

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, depuis plus de deux semaines, nous, du Bloc québécois, intervenons encore et toujours dans ce qu'il convient d'appeler maintenant l'affaire Pearson. À défaut de réinventer la roue, il est toujours bon de l'utiliser.

Ce que je veux dire, c'est que même si les éléments desquels je vais informer cette Chambre ne sont pas tous nouveaux, il est important de répéter les mêmes choses jusqu'à ce que des actions concrètes à ce problème soient entreprises sur papier. L'aspect que je tiens à souligner concerne le financement populaire de nos partis politiques fédéraux. Ce genre de débat nous ramène à une motion présentée à la Chambre par mon collègue et ami, le député de Richelieu. Le principe qui justifie l'instauration du financement populaire est pourtant très simple, je dirais même d'une logique enfantine.

Vous savez, monsieur le Président, quand on est étudiant et que nos parents paient notre loyer, ce qu'on souhaite le plus ardemment, c'est de se trouver un emploi pour pouvoir subvenir nous-mêmes à nos besoins et faire enfin à notre tête. Ce n'est pas sorcier, on est redevable à notre pourvoyeur. En politique, c'est exactement pareil. L'objectif ultime de tout parti politique devrait être d'être le plus indépendant possible. Pour parvenir à cette indépendance, l'unique chemin, c'est de fonctionner à partir des contributions de la population. Comme c'est elle qui nous élit, c'est envers elle que nous sommes redevables. Si en plus, on doit avoir les poings et les pieds liés par les multinationales qui nous financent, la marge de manoeuvre commence à être vraiment très mince, surtout quand les intérêts des uns ne vont pas nécessairement de pair avec les intérêts des autres. Et si des raisons financières n'orientaient pas les actions des gens qui gouvernent, les gens porteraient une oreille plus attentive. . .

Le Président: À l'ordre! Mon cher collègue, vous disposez encore, comme vous le savez, de quelques minutes dans votre discours. Vous pourrez les reprendre après la période des questions.

Comme il est 14 heures, conformément à l'article 30(5) du Règlement, la Chambre procédera maintenant aux déclarations des députés conformément à l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA BOSNIE

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): Monsieur le Président, c'était hier la Fête des mères. Partout, les fils et les filles ont redit à leur mère combien ils l'aiment. L'amour d'une mère pour son enfant ne connaît aucune limite. Ni la distance, ni le temps ni même la mort ne peuvent détruire cet amour.

(1400)

Le lien qui existe entre une mère et son enfant est plus fort que l'acier le plus fort, plus dur que le bois le plus dur et plus durable que tout autre lien d'amour.

Je veux parler aujourd'hui des enfants qui, à cause de la guerre, ont perdu leur mère ou ne peuvent plus compter sur le soutien de leur mère ou de leur famille. Je veux parler aujourd'hui des enfants de la Bosnie.

Je prie instamment les députés de faire tout ce qu'ils peuvent et de demander au gouvernement d'agir rapidement pour offrir un refuge à ces orphelins de guerre.

Que le Parlement fasse les premiers pas pour aider ces enfants qui souffrent, qui ont faim, qui sont malades, qui sont blessés et qui s'acheminent vers une mort certaine. Même en ce moment où nous intensifions nos efforts en vue de rétablir la paix dans cette


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région du monde, que le Canada soit une mère pour ces enfants bosniaques que la guerre a rendus orphelins.

* * *

[Français]

LA CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS NATIONAUX

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui que débute le congrès de la CSN, l'une des plus importantes centrales syndicales du Québec.

Le Bloc québécois tient à souligner cet événement puisque la CSN a contribué au fil des ans à favoriser la coopération entre les divers agents économiques et, par le fait même, à cimenter d'importantes valeurs collectives québécoises.

Puisqu'il faut coopérer et se concerter pour affronter une économie de plus en plus concurrentielle, le Bloc québécois salue les efforts de la CSN en ce sens et rappelle au ministre du Développement des ressources humaines qu'un contrat social ne se négocie pas unilatéralement, mais bien collectivement.

Monsieur le Président, devant le cul-de-sac du gouvernement libéral dans ses efforts de coopération avec le gouvernement du Québec, force est de constater qu'Ottawa a vraiment beaucoup à apprendre de la CSN.

* * *

[Traduction]

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Leon E. Benoit (Végréville): Monsieur le Président, les actes de violence observés partout au Canada ont suscité d'autres appels en faveur d'une révision complète de notre système de justice, et notamment de la Loi sur les jeunes contrevenants. Les peines infligées aux jeunes contrevenants, qui équivalent à leur taper sur les doigts, sont inefficaces et beaucoup trop clémentes. Une réforme de la justice s'impose absolument, mais les Canadiens n'ont toujours pas vu le gouvernement actuel prendre la moindre mesure à cet égard.

Devant l'inaction du gouvernement fédéral, le gouvernement de l'Alberta a pris l'initiative peu commune de réexaminer la loi fédérale. Cinq députés provinciaux recueilleront en effet les points de vue des Albertains et leurs suggestions sur les moyens à prendre pour rendre la Loi sur les jeunes contrevenants plus efficace, et ils présenteront leurs conclusions dans un rapport final en septembre.

Des rassemblements pour la justice tenus en fin de semaine à Calgary et à Edmonton ont réuni environ 5 000 personnes. Il est exaspérant de voir tout le mal que les citoyens respectueux des lois et le gouvernement de l'Alberta doivent se donner pour faire comprendre au gouvernement actuel que les Canadiens se préoccupent vivement de leur sécurité.

Dans l'intérêt de tous les Canadiens, j'espère sincèrement que le gouvernement écoutera les Albertains.

L'ANNÉE INTERNATIONALE DE LA FAMILLE

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud): Monsieur le Président, l'Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 1994 l'Année internationale de la famille. Il ne faut pas tellement voir là un motif de célébration comme une mise en garde.

Depuis 20 ans, le pourcentage de familles dont les deux conjoints travaillent est passé de 34 à 62 p. 100, les soins dispensés directement par les parents s'en trouvant par le fait même réduits. En outre, chaque année, plus de 20 000 femmes célibataires âgées de 12 à 19 ans mettent des enfants au monde et décident, pour la plupart, de les élever seules. La plupart d'entre elles ne terminent donc pas leurs études et sont susceptibles de devenir dépendantes des logements subventionnés et de l'aide sociale. Leurs enfants courent plus de risques d'être prématurés ou d'avoir un faible poids à la naissance, d'éprouver des difficultés scolaires et de devenir eux-mêmes des parents célibataires.

Par conséquent, l'adoption de politiques et de mesures législatives renforçant la famille traditionnelle devrait être une priorité du gouvernement. Les employeurs et les parents devraient aussi se rendre compte de leurs responsabilités accrues pour faire en sorte que la famille demeure la cellule fondamentale de notre société.

* * *

[Français]

LA DÉMOCRATIE

M. David Berger (Saint-Henri-Westmount): Monsieur le Président, les événements de la semaine dernière devraient faire réfléchir tous les Canadiens.

Il y a eu la conclusion d'un accord historique entre les Palestiniens et Israël. Aussi, la démocratie a vu le jour en Afrique du Sud. Nelson Mandela a invité ses concitoyens à oublier le passé et a fait appel à l'unité de tous ses concitoyens. Il a dit, et je cite: «Nous pouvons avoir nos différends mais nous formons un seul peuple avec une destinée commune dans notre riche variété de cultures, de races et de traditions.»

Par opposition à ces progrès aussi remarquables et à cette lucidité, au Canada, le chef de l'opposition a dit à une audience radiophonique que nos différences étaient irréconciliables.

C'est surprenant que l'ex-ambassadeur du Canada en France ne puisse voir le lien entre ce qui se passe ailleurs dans le monde et notre situation ici, au Canada. Quel aveuglement!

* * *

(1405)

[Traduction]

LE CLUB ROTARY DE WINNIPEG

Mme Georgette Sheridan (Saskatoon-Humboldt): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole à la Chambre pour féliciter deux élèves qui représentaient Saskatoon à la session modèle de l'Assemblée des Nations Unies organisée par le Club Rotary, à Winnipeg, les 5, 6 et 7 mai.


4051

La session modèle de l'Assemblée des Nations Unies permet à des élèves du secondaire d'émuler les talents d'orateurs et de négociateurs qui font la renommée des participants à la véritable Assemblée des Nations Unies. Plus de 200 élèves de toutes les régions du Canada et des États-Unis ont participé à la session modèle de cette année.

Les délégués de Saskatoon, Mlle Nancy Lees, et mon fils Paul, actuellement à Ottawa pour la semaine, représentaient l'Irak lors de cette session modèle. Je suis heureuse d'annoncer qu'ils ont reçu, lors des cérémonies de clôture de samedi soir dernier, la distinction de la délégation la mieux préparée. Bravo, Saskatoon!

L'une des meilleures façons d'encourager les jeunes à participer pleinement à notre régime démocratique, c'est de leur donner des possibilités de participer à diverses sessions modèles: celles du Parlement, des assemblées législatives, etc.

Bravo au Club Rotary de Winnipeg d'avoir organisé la tenue de cet événement digne d'intérêt.

* * *

[Français]

LA SEMAINE NATIONALE DES GARDERIES

Mme Christiane Gagnon (Québec): Monsieur le Président, nous débutons aujourd'hui la Semaine nationale des garderies. Pour tous les députés de cette Chambre, cette semaine doit être le moment propice d'une réflexion sur notre système de garderie.

On ne peut passer sous silence les conditions de travail clairement inacceptables des éducateurs et éducatrices de garderies, dont la responsabilité est fondamentale dans le développement moteur et intellectuel des enfants. Quand on sait que les éducatrices de Terre-Neuve gagnent 12 500 $ par année tandis que la moyenne annuelle canadienne est de 18 500 $ par année, on peut s'interroger sur l'ordre de priorités de nos gouvernements en matière sociale.

L'année 1994 est l'Année internationale de la famille. Qu'attendent les gouvernements concernés pour reconnaître à leur juste valeur le travail de ces personnes, dont l'importance est incalculable pour les parents et pour la société dans son ensemble?

* * *

[Traduction]

LE DÉCÈS DE STEPHANIE GRAVES

M. Jim Abbott (Kootenay-Est): Monsieur le Président, samedi, avec environ 350 personnes de ma circonscription, j'ai assisté aux obsèques de la petite Stephanie Graves, 8 ans, qui a été agressée et abattue dans la région de Kimberley.

Je tiens à exprimer toute ma sympathie à ses parents et aux autres membres de sa famille. J'ai été touché de voir que les habitants de Kootenay-Est s'étaient serré les coudes pour aider la famille Graves à traverser cette période extrêmement difficile.

Permettez-moi de lire ici les paroles d'une chanson que les camarades de classe de Stephanie ont chantée à son service funèbre. Voici:

J'aime tes yeux,
J'aime tes oreilles,
J'aime ta bouche, ton nez, tes mains, tes orteils.
J'aime ton visage,
C'est vraiment ce que tu es.
J'aime les choses que tu dis et fais.
Absolument personne
Ne voit les cieux
Comme tu peux les voir à travers tes yeux.
Cela ne te réjouit-il pas, Comme il se doit,
De savoir que personne n'est exactement comme toi?
Stephanie était unique et son départ laisse un grand vide.

Je suis persuadé que d'autres députés voudront aussi exprimer leur sympathie à ses parents, à ses proches et aux membres de sa collectivité.

* * *

LE PREMIER MINISTRE

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Monsieur le Président, j'ai l'honneur aujourd'hui de prendre la parole à la Chambre pour féliciter le premier ministre de ce qu'a accompli notre gouvernement durant ses six premiers mois au pouvoir.

Grâce au Programme d'infrastructure, aux programmes mis sur pied à l'intention des jeunes et aux mesures mises en oeuvre pour rétablir la confiance dans le secteur des petites entreprises, le Canada est en train de reprendre force et la population de reprendre confiance.

Un énorme travail a été accompli au cours des six premiers mois. Il reste encore beaucoup à faire. Le premier ministre a fait retrouver à la Chambre, et en fait au Canada, un sens de leadership et de dévouement.

Nous sommes sur la voie d'un avenir meilleur pour tous les Canadiens. Je félicite et remercie le premier ministre du leadership dont il fait preuve. Grâce à lui, cette possibilité est devenue réalité.

* * *

LE RWANDA

L'hon. Charles Caccia (Davenport): Monsieur le Président, alors même que nous sommes ici rassemblés, le massacre au Rwanda se poursuit. Des vagues de réfugiés sont en train de traverser la frontière pour rejoindre les camps de réfugiés en Tanzanie.

Il est impossible que la communauté internationale reste indifférente face à une tragédie humaine comme celle qui se déroule devant ses yeux au Rwanda. La Croix-Rouge internationale vient de demander l'intervention des Nations Unies afin de protéger les sources d'eau pour les réfugiés. Le Conseil de sécurité doit appuyer le Secrétaire général et fournir les troupes nécessaires pour protéger les civils innocents.


4052

Le gouvernement du Canada pourrait montrer l'exemple en se portant au secours de tous ces gens pour apaiser leur misère et empêcher d'autres souffrances humaines.

* * *

(1410)

LE HOCKEY

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, hier, en Italie, le Canada a vaincu la Finlande 2-1 et a remporté le Championnat mondial de hockey.

Les Smoke Eaters de Trail avaient été les derniers représentants du Canada à enlever l'or au Championnat mondial de hockey en 1961, il y a de cela 33 ans.

[Français]

L'équipe du Canada a remporté la médaille d'or au championnat mondial de hockey par une victoire de 2-1 en finale contre la Finlande.

[Traduction]

Cela marque la fin d'une année tout à fait exceptionnelle pour le hockey au Canada. Rappelons que l'équipe canadienne avait remporté la médaille d'argent aux Jeux olympiques, tandis que l'équipe féminine et l'équipe junior du Canada avaient remporté des médailles d'or à leurs championnats mondiaux respectifs.

Les équipes canadiennes qui ont participé aux championnats mondiaux méritent toutes nos félicitations, car elles ont fait du Canada la première étoile du hockey.

* * *

[Français]

L'AFRIQUE DU SUD

Mme Maud Debien (Laval-Est): Monsieur le Président, en tant que membre de la mission canadienne d'observation des élections en Afrique du Sud, j'ai pu constater que le déroulement des premières élections démocratiques fut généralement libre et honnête.

J'ai le plaisir d'informer cette Chambre que tous les membres de la mission d'observation sont d'avis que les résultats reflètent la volonté populaire des électeurs de l'Afrique du Sud, et j'aimerais féliciter les Sud-Africains pour cette réalisation exemplaire qu'ils ont su mener à terme en si peu de temps. L'ouverture aujourd'hui de la première session de la nouvelle Assemblée nationale multiraciale marque le début d'un long processus de reconstruction et de réconciliation nationale.

Malgré la pauvreté des bidonvilles noirs et l'absence d'infrastructures élémentaires, je demeure convaincue que les Sud-Africains, toutes races confondues, peuvent relever le défi de la reconstruction et de l'espoir.

* * *

[Traduction]

LE HOCKEY

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, c'est avec une très grande fierté que je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à l'équipe canadienne qui a remporté le Championnat mondial de hockey. Il a fallu attendre 33 ans pour obtenir cette victoire, mais cette attente a été largement compensée par la joie immense que nous avons ressentie hier.

Outre les joueurs, il y a bon nombre de personnes, derrière le banc, qui, au fil des ans, ont travaillé à cette victoire. Au nom de tous les Canadiens, je voudrais les remercier sincèrement de leur contribution.

Cette victoire montre tout ce que nous pouvons faire en unissant nos efforts. Espérons que l'esprit d'équipe affiché par ces jeunes hommes talentueux saura inspirer tous les députés qui siègent à la Chambre.

Aujourd'hui, les Canadiens de toutes les provinces et de tous les territoires partagent l'honneur que cette victoire éclatante a fait rejaillir sur le Canada. J'espère que cette victoire rappellera à tous les citoyens tout ce qui peut être accompli au sein d'un Canada uni.

* * *

L'ENVIRONNEMENT

M. Paul Steckle (Huron-Bruce): Monsieur le Président, Environnement Canada et le ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario ont annoncé le 26 avril l'expansion du Programme des avis sur la qualité de l'air.

Cet été, les Ontariens seront informés à l'avance des niveaux élevés de smog pour les principaux centres, depuis Barrie et Goderich au sud jusqu'à North Bay et Sudbury au nord.

Ce programme fédéral-provincial avertit la population lorsque sont prévus des taux élevés d'ozone troposphérique, communément appelée ozone d'été. Puissant polluant irritant, le smog peut altérer la santé des humains et des plantes et s'attaquer à divers matériaux.

Des expositions de courte durée au smog peuvent entraîner des irritations au nez et à la gorge et certains symptômes, comme la toux et une respiration difficile ou douleureuse. Ce programme est donc un outil très important pour le bien-être de tous les citoyens.

Les avis sur le smog sont diffusés de la même façon que les prévisions météorologiques, c'est-à-dire par l'intermédiaire des médias, des bureaux météorologiques d'Environnement Canada et de Radio-météo Canada. Ils portent principalement sur le contrôle de la pollution et les mesures que chacun peut prendre pour «ménager l'air», telles que le recours aux moyens de transport en commun, le covoiturage et la réduction de notre consommation de produits chimiques et de solvants.

L'ozone troposphérique, ou de la basse atmosphère, constitue un problème grave au Canada. Le gouvernement prend des mesures concrètes pour la combattre.

* * *

LE HOCKEY

M. Nelson Riis (Kamloops): Monsieur le Président, toujours à propos du thème d'aujourd'hui, nous sommes de nouveau les champions mondiaux de hockey. Nous sommes les meilleurs au monde. Nous sommes les premiers.

4053

Après 33 ans d'attente, le Canada a enlevé l'or au Championnat mondial de hockey en battant la Finlande grâce à un but en fusillade.

Le hockey est notre sport, et nous l'avons prouvé en remportant ce championnat mondial. Médaillés d'argent aux Jeux olympiques après un tir de barrage fructueux, nous nous sommes emparés de la couronne mondiale junior en République tchèque, puis du titre de champion mondial féminin à Lake Placid dans l'État de New York.

Jouer au hockey et regarder un match de hockey constituent une activité culturelle chez nous, et qui n'a pas eu la larme à l'oeil en assistant au lever du drapeau du Canada au Championnat mondial du hockey et en voyant nos joueurs entonner le Ô Canada.

Les Robitaille, Ranford, Sakick, Blake, Sydor, Thomas, Emerson, Sanderson, Brin d'Amour et tous les autres ont une fois de plus propulsé le Canada sur le devant de la scène sportive.

Les joueurs ont déclaré qu'ils étaient fiers de représenter le Canada et, à notre tour, nous sommes fiers d'eux. Merci à ces joueurs qui ont ramené la médaille d'or dans notre pays qui adore le hockey et qui mérite à juste titre ce championnat mondial.

* * *

(1415)

[Français]

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis): Monsieur le Président, je voudrais attirer l'attention de tous les députés de cette Chambre sur les abus des droits de la personne commis régulièrement envers la minorité grecque au sud de l'Albanie.

[Traduction]

La persécution et l'oppression d'autrefois se poursuivent, même s'il y a un nouveau gouvernement en Albanie. Les dirigeants de la minorité grecque sont encore harcelés, intimidés et accusés à tort. La liberté de religion, la sécurité de la personne et la liberté de circulation n'existent pas pour eux.

Je demande au ministre des Affaires étrangères de mener une enquête sur le respect des droits de la personne en Albanie, en accordant une attention particulière à la situation de la minorité ethnique grecque. Une telle enquête devrait être considérée comme une mesure de prévention visant à empêcher que la déstabilisation de la région des Balkans progresse davantage.

[Français]

Le Canada a toujours prôné des solutions pacifiques et diplomatiques pour résoudre les conflits internationaux. Ce gouvernement a l'occasion de jouer un rôle prépondérant en encourageant l'État albanien à respecter ses engagements et devoirs internationaux.


4053

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE CHÔMAGE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. On apprenait, vendredi dernier, de Statistique Canada, que dans l'ensemble canadien, le taux de chômage a grimpé à 11 p. 100 en avril, tandis qu'il est passé au Québec de 11,7 p. 100 à 12,6 p. 100. Ce nouveau rapport indique que 65 000 personnes de plus sont à la recherche d'un emploi. Ces données pour le moins inquiétantes contredisent le discours optimiste que le premier ministre tient depuis un mois sur la réduction du chômage et la création d'emplois.

Reconnaît-il que six mois après son arrivée au pouvoir, le chômage continue d'augmenter et que son gouvernement a renié ses promesses, puisque 65 000 personnes sont venues grossir les rangs du million et demi de chômeurs que nous comptions déjà?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, depuis que nous avons été élus, le chômage n'a pas diminué autant que nous l'aurions espéré. Cependant, le mois passé, il s'est produit, statistiquement parlant, une situation très favorable qui a changé le mois suivant. On a dit que 60 000 personnes, qui étaient tout à fait découragées, étaient revenues sur le marché du travail.

Ce ne sont pas des gens qui ont perdu leur emploi, ce sont des gens qui sont revenus, croyant qu'ils pourraient trouver des emplois. C'est un signe positif de voir que les gens ont regagné une certaine confiance et reviennent sur le marché du travail, et nous allons continuer à faire de notre mieux. Toutes nos politiques sont orientées de telle façon que la priorité du gouvernement est la création d'emplois.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, cette réponse n'est pas encourageante quant à la volonté du gouvernement d'apporter un changement à la situation, puisque le gouvernement trouve positif le résultat de ces données, alors qu'on sait-et ça, ce n'est pas une statistique, c'est une photographie qu'on peut prendre-que si on photographie le taux de chômage en novembre, quand le gouvernement est arrivé au pouvoir, et aujourd'hui, il y a 15 000 chômeurs de plus.

On sait, par ailleurs, que la seule initiative gouvernementale, le programme d'infrastructures, s'avère nettement insuffisante en matière de création d'emplois sur une base durable. Plutôt que de s'en prendre aux chômeurs, je demande au premier ministre de s'engager, cette fois-ci, à mettre en oeuvre une véritable stratégie de création d'emplois basée sur des mesures concrètes et dans le secteur de la haute technologie.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, depuis le mois de février, il s'est créé 115 000 nouveaux emplois au Canada, et c'est une réalité. Je viens d'expliquer au chef de l'opposition que des gens sont revenus sur le marché du travail, des gens qui étaient découragés depuis, probablement, très longtemps. C'est un signe positif, parce qu'ils pensent qu'il y a des emplois qui reviennent sur la scène canadienne. Ce matin, dans le Toronto Star, par exemple, on signalait clairement que dans la région de Toronto, il y avait eu une diminution considérable du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale, tandis qu'un nombre considérable de gens se sont trouvé des emplois.


4054

C'est un signe que la stratégie que nous avons établie, de donner la priorité aux emplois, fonctionne dans le bon sens. Il y a des gens, au Canada, qui croient que l'économie prend du mieux; les indicateurs économiques à travers le pays disent que nous connaîtrons une croissance même plus grande que celle qui a été prévue par le ministre des Finances; il faut continuer avec le plan qui a été tracé lors du budget.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, le chef du gouvernement cherche à nous faire croire que c'est bon signe, ce qui se passe. C'est bon signe parce que, dit-il, quand il y a des gens qui sont sur le marché du travail, c'est bon signe, parce qu'ils ont du courage, ils reprennent confiance.

Mais des gens qui sont sur le marché du travail et qui ne travaillent pas, ça s'appelle des chômeurs, et il y en a de plus en plus avec le gouvernement qui est en face de nous.

(1420)

Comment le premier ministre, qui se dit préoccupé, peut-il justifier, en particulier, la décision de son gouvernement de renier l'engagement du livre rouge qui proposait des stratégies de reconversion de l'industrie militaire pour des fins civiles, quand on sait que cette stratégie est la seule qui puisse maintenant permettre aux gens de retrouver dignité et espoir, comme il le disait en campagne électorale?

[Traduction]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Le gouvernement a pour politique d'aider certaines industries de défense à se recycler dans de nouveaux domaines, et nous sommes ouverts à toutes les propositions. Quand une proposition intéressante nous est faite, nous apportons notre aide avec plaisir.

Je tiens cependant à signaler au chef de l'opposition que beaucoup d'unités de logement ont été construites le mois dernier, et que le niveau de confiance manifestée par les Canadiens a augmenté de 13 p. 100. C'est signe que nous sommes sur la bonne voie. Les choses n'évoluent pas aussi vite que nous le voudrions tous à la Chambre, mais il est généralement reconnu que, pour 1994, le Canada enregistrera pratiquement les meilleurs résultats du monde occidental.

* * *

[Français]

LA RECONVERSION DE L'INDUSTRIE MILITAIRE

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, samedi dernier, le quotidien Le Devoir nous apprenait que l'entreprise Bell Helicopter renonçait à son projet d'investissement de 40 millions de dollars dans le développement d'un nouveau modèle d'hélicoptère. Cette décision, bien sûr, vous l'aurez compris, résulte de la volte-face du gouvernement fédéral qui n'entend plus donner suite à son engagement de mettre en place un programme de reconversion de l'industrie militaire.

Le premier ministre réalise-t-il que l'abandon du projet d'expansion de Bell Helicopter, qui aurait créé 100 nouveaux emplois directs, résulte de la décision de son gouvernement de ne plus aider au financement des activités de reconversion, par le biais de son programme du PPIMD? Le premier ministre est-il conscient de la catastrophe de la décision de son gouvernement?

[Traduction]

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Par votre intermédiaire, monsieur le Président, j'aimerais dire au député que même si la province de Québec a partiellement approuvé le projet de Bell Helicopter, le conseil d'administration de cette société n'a pas encore adopté une position finale et officielle et aucune décision ne sera prise avant la présentation de cette déclaration officielle.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, le premier ministre reconnaît-il que la décision de ne pas donner suite à la mise en place d'une stratégie de reconversion de l'industrie militaire aura pour effet de menacer et de compromettre les activités de ce secteur industriel important qui a déjà perdu plus de 10 000 emplois au Québec depuis 1988? Le premier ministre peut-il enjoindre au ministre de l'Industrie de corriger le tir pendant qu'il en est encore temps?

[Traduction]

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, j'aimerais répéter au député que nous avons discuté de cette question au cours du débat la semaine dernière et que nous avons effectivement une stratégie.

Toutefois, compte tenu du cadre financier très restreint dans lequel nous devons évoluer, cette stratégie ne ressemble en rien à l'ancienne façon de faire qui consistait à signer des chèques à tour de bras. Nous faisons plutôt appel à des méthodes très innovatrices, nous fournissons des avis, des conseils et une aide en matière de commercialisation. D'ailleurs, de nombreuses entreprises qui participaient au PPIMD se reconvertissent grâce à notre aide et à nos conseils sur les nouvelles techniques de commercialisation. Il y a déjà plusieurs cas de réussite en ce domaine et c'est de cette façon que nous comptons procéder.

* * *

LA JUSTICE

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Il n'est pas sans savoir que durant le week-end, des milliers d'Albertains ont profité de la Fête des mères pour manifester massivement afin d'attirer l'attention sur les lacunes de notre système de justice pénale.

Comme il siégeait à la Chambre à ce moment-là, le premier ministre se rappelle peut-être que le 7 octobre 1971, son collègue, Jean-Pierre Goyer, le solliciteur général libéral de l'époque, avait prononcé ces paroles infâmes: «Nous avons donc décidé d'insister sur la réhabilitation de l'individu plutôt que sur la protection de la société.»

Des voix: C'est honteux!

M. McClelland: Le Canada est-il un endroit plus sûr aujourd'hui à la suite de l'application de la politique du gouvernement libéral?


4055

(1425)

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, j'ai suivi avec intérêt les reportages sur les manifestations qui ont eu lieu à Calgary et Edmonton au cours du week-end. Ces manifestants avaient des craintes très sincères que je respecte. J'ai lu des rapports sur certaines des choses dont ils se préoccupaient, notamment la Loi sur les jeunes contrevenants.

Comme je l'ai déjà déclaré ici même, d'ici quelques semaines, je vais saisir la Chambre d'un projet de loi visant à modifier la Loi sur les jeunes contrevenants d'une façon qui, selon moi, permettra de respecter les engagements que nous avons pris durant la campagne et d'améliorer la loi.

En ce qui concerne la sécurité du Canada, notre programme électoral était équilibré et il avait pour objectif important d'assurer la sécurité de nos collectivités dans tout le pays, en Alberta et ailleurs.

M. Benoit: Êtes-vous favorable au changement d'orientation de 1971?

M. Rock: En ce qui a trait à ce changement de politique, je ne pense pas que cette déclaration puisse être appliquée en toute justice à toutes les mesures dont la Chambre a été saisie au cours des 23 dernières années.

Selon moi, pour rendre nos collectivités plus sûres au Canada, nous devons respecter nos engagements électoraux, chose que nous entendons faire, et parvenir à une solution équilibrée. Il s'agit de rendre la législation plus efficace et de s'attaquer en même temps aux causes profondes de la criminalité, et c'est exactement notre intention.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, nous essayons de trouver quand la politique du gouvernement du Canada a déraillé pour faire passer les droits des criminels avant ceux des victimes. Quand cela s'est-il produit au juste?

Aujourd'hui, 23 ans après cette décision honteuse, à quoi le gouvernement libéral attache-t-il la priorité? Je pose à nouveau la question au premier ministre: Est-ce la protection de la société ou la réinsertion sociale des individus?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, dans la déclaration de principe de la Loi sur les jeunes contrevenants, on affirme que la protection de la société est un objectif de la loi.

Cependant, en tant que gouvernement, nous croyons que la meilleure solution pour protéger la société passe par une combinaison de lois efficaces et bien appliquées et de programmes sociaux, par une politique gouvernementale qui vise non seulement à prévoir des sanctions plus sévères et des peines d'emprisonnement plus longues, mais également à s'attaquer aux causes fondamentales de la criminalité dans notre société. Ce sont là les objectifs de notre gouvernement dans le cadre de son mandat.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je tiens à dire à nouveau au premier ministre que dans tout le pays, les Canadiens en ont assez de voir qu'on chouchoute les criminels aux dépens des citoyens respectueux des lois au nom de ce libéralisme trop généreux.

Le 7 octobre 1971, le gouvernement du Canada est arrivé à la croisée des chemins et il a pris la mauvaise direction. Il a préféré mettre l'accent sur les droits des criminels, plutôt que sur ceux des victimes.

Ma question au premier ministre est donc celle-ci: Quelles mesures précises le gouvernement va-t-il prendre pour s'assurer que les droits des victimes priment ceux des criminels?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, permettez-moi de préciser clairement, si je ne l'ai pas déjà fait, que je rejette absolument la façon dont le député s'en prend à notre politique en déclarant que nous faisons passer les droits des criminels avant ceux des victimes.

Le gouvernement n'est pas intéressé par ce genre d'échange futile. Le fait est que notre programme électoral renferme une série de propositions auxquelles nous allons donner suite en présentant à la Chambre un projet de loi ayant pour but d'améliorer notre système de justice d'une part, et de consacrer des efforts tout à fait légitimes à la prévention du crime d'autre part.

Je ne pense pas qu'on puisse faire avancer le débat en affirmant qu'une déclaration faite en 1971 reflète la situation sur le plan de la justice au Canada depuis 23 ans. Le fait est que nous nous sommes engagés clairement à présenter un projet de loi et nous entendons respecter cette promesse.

* * *

[Français]

LES BREVETS PHARMACEUTIQUES

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Les députés libéraux se sont battus vigoureusement contre la loi C-91 prévoyant la protection des brevets pharmaceutiques, lorsqu'ils étaient dans l'opposition. Ils ont d'ailleurs voté contre cette loi, à l'exception du ministre des Finances, alors député de LaSalle-Émard.

Le premier ministre s'est récemment engagé à ne pas revoir substantiellement cette loi. Toutefois, les pressions sont fortes au sein de son parti pour réviser la loi C-91 avant 1997 et diminuer la protection assurée aux médicaments brevetés.

Le premier ministre confirme-t-il l'intention de son gouvernement de ne pas réviser la loi C-91 avant l'échéance prévue de février 1997, malgré les pressions intenses au sein de son parti?

(1430)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai dit clairement que nous avons l'intention de respecter la loi qui a été adoptée. Seulement, nous devons faire notre travail, c'est-à-dire nous assurer que les compagnies qui se sont engagées à effectuer des investissements le fasse et, deuxièmement, qu'elles n'augmentent pas le prix des médicaments, comme elles ont aussi promis de le faire. Et il est de notre devoir de vérifier si elles remplissent les obligations qu'elles ont pris à l'égard du gouvernement.

Je dois dire que je suis très heureux de voir que le député se préoccupe de la stabilité des industries au Québec parce que, nous aussi, on veut la stabilité dans ce pays. Et s'il veut aider, il devrait arrêter de parler de séparation et toutes les lois du Canada seraient très stables.


4056

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, ma question additionnelle s'adresse au premier ministre, qui assurerait beaucoup plus de stabilité en apportant des réponses concrètes à des questions concrètes.

Je vais lui poser une question concrète. Le premier ministre reconnaît-il que, selon le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, l'industrie pharmaceutique canadienne, depuis le projet de loi C-91, a investi presque 10 p. 100 de son chiffre d'affaires en recherche et développement et que le prix des médicaments a évolué de façon similaire à l'indice des prix à la consommation depuis 1987?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai dit en cette Chambre que si l'industrie remplit ses obligations, elle peut dormir sur ses deux oreilles.

* * *

[Traduction]

LA COMMISSION NATIONALE DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général.

Vendredi dernier, le solliciteur général a accepté la démission de M. Dagenais, président de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Le solliciteur général a déclaré que la Commission avait besoin d'une nouvelle direction, dont les membres seraient sélectionnés selon les critères de compétence et de mérite, par suite d'une vaste consultation.

Ma question porte justement sur la consultation. Le solliciteur général ne convient-il pas que le Comité permanent de la justice devrait examiner le candidat retenu pour le poste de président avant que la décision finale ne soit rendue?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, nous allons annoncer le poste dans La Gazette du Canada. Les candidatures seront étudiées attentivement selon les critères du mérite et de la compétence. Nous engagerons certainement une vaste consultation avant qu'une décision finale ne soit prise.

Je tiendrai compte de la proposition du député et je le remercie de l'avoir faite.

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby): Monsieur le Président, je félicite le ministre d'avoir accepté d'ouvrir le processus. Comme le ministre le sait, l'article 110 du Règlement prévoit l'étude d'une nomination.

Est-ce que dorénavant le ministre fera parvenir au Comité permanent de la justice toutes les nominations à la Commission nationale des libérations conditionnelles, pour qu'elles soient étudiées avant que la décision finale ne soit prise?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, le député a fait une proposition intéressante. Je dois néanmoins lui faire remarquer qu'aux termes de la loi, la décision finale est du ressort du Cabinet qui, contrairement aux comités, doit répondre de ses décisions devant la population canadienne.

* * *

[Français]

L'IMPOSITION DES PRODUITS ALIMENTAIRES DE BASE

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le lundi 2 mai, parlant de la TPS, le premier ministre en cette Chambre a affirmé, et je cite: «Nous haïssons cette taxe et nous allons la faire disparaître.»

Dans un rapport déposé en cette Chambre en novembre 1989, les libéraux, alors dans l'opposition, écrivaient, et je cite: «Les membres libéraux du Comité des finances ne peuvent admettre l'imposition des produits alimentaires de base.» De plus, dans ce même rapport, les libéraux dénonçaient toute forme de taxe cachée.

Le ministre des Finances peut-il enfin, une fois au pouvoir, nous dire s'il entend respecter les prises de position que son propre parti avait dans l'opposition et faire preuve de cohérence en refusant toute taxe, cachée ou non, s'appliquant aux aliments?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, comme le député le sait fort bien, pendant la campagne électorale, nous avons dit que toute la question de la TPS était pour être renvoyée au Comité des finances, ce qui a été fait, et le comité est en train de rédiger son rapport.

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, puisque les raisons qui justifiaient la position du Parti libéral en 1989 sont toujours pertinentes, l'absence de réponse du ministre des Finances signifie-t-elle qu'il a changé d'avis et qu'il veut que la solution de remplacement de la TPS soit une taxe cachée qui s'applique notamment sur les produits alimentaires?

(1435)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, ce qu'indique ma réponse, c'est que nous avons l'intention de tenir parole. Nous avons tenu parole en référant la question au Comité des finances où les députés de l'opposition siègent. Comme vous le savez, avant longtemps, le Comité a l'intention de soumettre son rapport.


4057

[Traduction]

LA COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général.

J'ai assisté moi aussi aux manifestations qui ont eu lieu à Calgary et à Edmonton en fin de semaine. Des milliers de personnes réclamaient que les criminels purgent toute leur peine. Je sais que cela est impensable pour nos vis-à-vis, mais c'est l'opinion de millions de Canadiens.

Je voudrais savoir si le solliciteur général imposera un moratoire sur la libération conditionnelle de criminels violents tant que le Parlement n'aura pas terminé son examen de cette question d'une extrême importance.

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, j'ai étudié la loi et je n'y ai rien trouvé qui donne au solliciteur général le pouvoir d'imposer un moratoire sur l'un ou l'autre des aspects du travail de la Commission des libérations conditionnelles, qui consiste à décider qui a droit à une libération.

En fait, j'aimerais que le député se demande si lui et son parti veulent vraiment qu'il y ait une ingérence politique dans les décisions des membres de la Commission des libérations conditionnelles. S'ils y réfléchissent, je suis convaincu qu'ils arriveront à la conclusion qu'ils ne veulent pas d'une telle ingérence. Je ne pense pas non plus que les Canadiens le souhaitent. Quoi qu'il en soit, la loi n'autorise pas le solliciteur général à donner le genre d'ordre dont parle le député.

J'ajouterai que, selon la loi, la Commission des libérations conditionnelles doit tenir compte de la protection du public dans ses décisions, et il ne fait aucun doute que la protection du public est la priorité du gouvernement.

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, le solliciteur général tente de s'en tirer à bon compte en alléguant que nous ne pouvons rien faire. Par ailleurs, je suis heureux qu'il ait dit que la sécurité de la population est de la plus haute importance.

Par conséquent, j'exhorte le solliciteur général à étudier sérieusement la requête. Il est plus que probable qu'un moratoire sur la libération conditionnelle de criminels violents permettrait d'éviter des tragédies. S'il n'impose pas un tel moratoire, est-ce que le solliciteur général est prêt à assumer, devant le peuple canadien, la responsabilité des tragédies inutiles qui surviendront inévitablement?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, j'ai déjà dit que la loi adoptée par le Parlement ne donne pas au solliciteur général le pouvoir d'imposer un tel moratoire. Je n'ai pas tenté de m'en tirer à bon compte. J'ai simplement voulu rapporter ce que dit la loi.

Cependant, j'ai déclaré, à la Chambre et ailleurs, que le gouvernement a l'intention de présenter un projet de loi pour mettre à jour et améliorer le système des libérations conditionnelles et les services correctionnels dans leur ensemble. J'espère beaucoup que nous pourrons compter sur l'appui du député et de son parti pour faire adopter ce projet de loi rapidement lorsque la Chambre en sera saisie.

* * *

[Français]

L'INDUSTRIE DE LA PÊCHE

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines. À plusieurs reprises dans cette Chambre, le ministre du Développement des resssources humaines s'est posé en champion de la consultation dans le dossier de la stratégie d'adaptation pour l'industrie de la pêche, notamment sur la question des contrats individuels. Pourtant, samedi, son attaché de presse confirmant que le gouvernement abandonnait l'obligation des contrats individuels a dit, et je cite:

[Traduction]

Il n'y a pas vraiment lieu de rédiger un contrat distinct.

[Français]

Ma question est la suivante: Le ministre confirme-t-il qu'il n'a pas consulté les syndicats sur l'obligation de signer des contrats individuels, que ces contrats ajoutaient, et je cite le président du syndicat: un stress et une tension non nécessaires et qu'en conséquence, il a dû reculer?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, la députée fait tout simplement une tempête dans un verre d'eau. Pourquoi essayer de créer un problème là où il n'y en a pas?

Nous lançons un programme de 1,9 milliard de dollars pour aider 30 000 personnes à trouver à nouveau du travail et à entreprendre de nouvelles carrières.

(1440)

Tous les participants à ce programme signeront un accord en vertu duquel le gouvernement du Canada s'engagera à leur fournir toutes les ressources disponibles pour les aider à se recycler, à lancer leur propre entreprise, à élaborer des projets de nature environnementale et à améliorer les pêches. En échange, chacun s'engagera à participer activement au programme.

Nous avons entrepris des discussions à ce sujet avec les provinces en février dernier. Nous avons discuté de la question avec les syndicats. Il s'agit des mêmes discussions que nous avons eues vendredi lorsqu'un de mes collaborateurs a rencontré les syndiqués et que le programme a été accepté.

Je ne sais vraiment pas pourquoi la députée se préoccupe autant d'un programme qui est clairement accepté par toutes les


4058

parties et dont bénéficieront tous les membres de l'industrie de la pêche du Québec et des provinces de l'Atlantique.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, l'article de La Gazette auquel j'ai fait référence dit que le ministère a laissé tomber l'obligation de contrat individuel.

Le ministre reconnaît-il que sa volte-face démontre qu'aussi longtemps que les provinces et les représentants des travailleurs ne sont pas véritablement associés à la prise de décision, il ne peut pas prétendre, comme il le fait, à un véritable nouveau contrat social?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, contrairement à la députée, je ne me fie pas à un article de journal pour obtenir mes informations. Je consulte directement les personnes concernées.

C'est de cette façon qu'on obtient des informations justes. Comme je l'ai déjà dit, la vérité, c'est que tous les membres de l'industrie de la pêche et de toutes les provinces visées signeront un accord s'inscrivant dans le plan global auquel ils ont accepté de consacrer temps et énergie pour se donner la possibilité de devenir des participants actifs du marché du travail.

En échange, nous leur fournissons des ressources pour les aider à faire les choix nécessaires. C'est une occasion de partage des responsabilités. C'est une occasion pour les participants de travailler en collaboration avec le gouvernement, les syndicats et les entreprises.

Vraiment, je ne vois pas où la députée veut en venir avec sa question. Quand une chose fonctionne bien, pourquoi essaie-t-elle de la dévaloriser?

* * *

LE RWANDA

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Comme les tragiques luttes intestines qui déchirent le Rwanda débordent maintenant les frontières de ce pays, le ministre va-t-il prier le secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros-Ghali, de demander au Conseil de sécurité d'intervenir d'urgence en vertu du chapitre 6 de la Charte des Nations Unies?

[Français]

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, j'ai eu l'occasion de discuter de cette question aujourd'hui avec l'ambassadeur américain à l'ONU, Madeleine Albright, qui était de passage à Ottawa. Je lui ai rappelé que le Canada trouve regrettable que le Conseil de sécurité des Nations Unies n'ait pas décidé d'envoyer un contingent plus important que celui qui est présentement au Rwanda pour assister le général Dallaire qui tente d'intervenir entre les parties pour les amener à un cessez-le-feu.

Je rappellerai à l'honorable député que, vendredi, le Canada a demandé à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies de se pencher de toute urgence sur la question rwandaise et de faire une série de recommandations à cet effet. Finalement, je rappelerai que le Canada a mis à la disposition des Nations Unies et des organismes qui oeuvrent pour des fins humanitaires deux avions militaires qui sont à Nairobi et qui peuvent en tout temps acheminer des médicaments ou de la nourriture pour soulager la population affligée de Kigali et de la région.

* * *

[Traduction]

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Hier, l'Association ontarienne des commissions des services policiers de l'Ontario a déclaré que la peine minimum de un an pour usage d'arme à feu pour commettre un crime n'a aucune valeur dissuasive. Elle l'a même qualifiée de ridicule.

Le ministre est-il disposé à augmenter la durée de la peine prévue à l'article 85 du Code criminel ou bien va-t-il essayer encore de résoudre le problème de l'usage illégal des armes à feu en s'en prenant aux propriétaires d'armes légitimes qui n'ont jamais enfreint la loi de toute leur vie?

(1445)

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, j'ai dit à bien des reprises que, à mon avis, la solution consiste à contrôler plus rigoureusement les achats d'armes au Canada et à s'attaquer au problème des armes qui sont entre les mains des criminels.

Le ministère de la Justice est justement en train d'examiner la sanction prévue au paragraphe 85(1) du Code criminel pour voir s'il y a lieu de la rendre plus sévère afin qu'elle ait une plus grande valeur dissuasive et soit plus efficace.

J'ai écrit à mes homologues des provinces et des territoires pour leur demander d'insister auprès des procureurs, devant les tribunaux où ces accusations sont portées, de veiller à ce que la poursuite se fasse avec rigueur, à ce que les peines soient appropriées et à ce que ces accusations ne soient pas abandonnées dans les négociations de plaidoyer ou autres ententes.

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Monsieur le Président, je suis heureuse de constater que le ministre saisit le problème. Puisqu'il s'oriente dans cette direction et que le ministère envisage d'alourdir les peines pour usage d'armes pour perpétrer des crimes, quand le ministre envisage-t-il de présenter à la Chambre un projet de loi prévoyant de vraies mesures dissuasives?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, à l'automne, probablement. Les procureurs généraux des provinces devraient recevoir ma lettre sous peu.


4059

Comme je l'ai dit tout à l'heure, il ne suffit pas d'une peine plus lourde; il faut aussi veiller à ce que la loi, dans son état actuel, soit appliquée. C'est un élément important qui doit aussi entrer en ligne de compte.

* * *

[Français]

LES TRANSPORTS

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Vendredi dernier, le ministre des Transports justifiait son retard à prendre une décision dans la MIL Davie par son souci de répondre adéquatement aux besoins des Madelinots et par la nécessité d'avoir en main un plan de relance pour la MIL Davie. Or, les Madelinots se sont prononcés pour la construction d'un nouveau traversier et le gouvernement fédéral dispose du plan d'affaires de la MIL Davie depuis quelques semaines déjà.

Maintenant que la MIL Davie a satisfait à toutes les conditions posées par le gouvernement fédéral, le premier ministre entend-il passer à l'action et accorder le contrat de construction du traversier à la MIL Davie, plutôt que d'envisager l'achat d'un navire d'occasion, comme le rapporte le quotidien Le Soleil de ce matin?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, je suis certain que lorsque mon honorable collègue aura l'occasion de regarder le hansard de vendredi, il va s'apercevoir que je n'ai jamais dit que le ministère des Transports avait retardé sa décision parce qu'on attendait un plan financier de la MIL Davie.

Cependant, cela étant dit, ce qui est très important dans ce dossier, c'est qu'il y a deux volets: fournir un service adéquat et sûr pour les gens qui voyagent entre l'Île-du-Prince-Édouard et les Îles de la Madeleine et l'autre, un volet aussi très important, où on essaie de solutionner les difficultés que la MIL Davie envisagera dans l'avenir lorsque le contrat actuel pour la construction des frégates sera terminé. On comprend très bien l'enjeu entre ces deux questions, mais je veux assurer mon honorable collègue que le plan de financement qui a été soumis est sous étude par les ministères appropriés et nous, au ministère des Transports, nous sommes toujours engagés à participer dans un programme où il y aurait un plan qui répondrait aux deux besoins aussi longtemps que ça aurait du bon sens sur le plan fiscal.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Je désire poser une question supplémentaire au premier ministre, monsieur le Président. Le premier ministre reconnaît-il, comme son chef de Cabinet, candidat libéral défait dans Québec, que la relance du chantier de la MIL Davie sur une base durable repose aussi sur le développement et la construction du navire multifonctionnel Smart Ship? Quelles sont les intentions de son gouvernement à l'égard de ce projet porteur de haute technologie exportable à l'étranger?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, comme je le disais, la relance de la MIL Davie porte sur bien des choses. Lorsqu'on a rencontré le ministre de l'Industrie du Québec la semaine passée en compagnie de mon collègue, le ministre de l'Industrie du Canada, il était très clair que si le futur de la MIL Davie devait se baser totalement sur la construction d'un traversier et peut-être d'un Smart Ship quelque temps dans l'avenir, ce serait très difficile. C'est une des raisons pour laquelle tous les intervenants du gouvernement du Québec et du gouvernement du Canada essaient par tous les moyens de trouver une solution qui se tienne, qui soit responsable, qui réagisse aux besoins de maintenir les emplois à la MIL Davie et de fournir un service de traversier. C'est très complexe.

(1450)

On travaille sur le dossier, mais j'aimerais que mon collègue comprenne que la participation financière des deux paliers de gouvernement, et aussi de l'opérateur du traversier, les contrats qui seraient nécessaires pour le Smart Ship pour rendre cette partie du projet viable, sont toutes des choses qui sont loin d'être déterminées.

* * *

[Traduction]

LES AVIONS CHALLENGER

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

La semaine dernière, le ministre de la Défense nationale a dit à Michel Cormier, à l'émission d'information «Le Point», ce qui suit: «Certains ministres louent maintenant des avions privés à des coûts exorbitants pour leur ministère au lieu d'utiliser les avions Challenger du gouvernement.» Le ministre a ensuite admis que cette pratique n'était pas économique et qu'on y recourait simplement pour sauvegarder les apparences. »

Le premier ministre peut-il confirmer que ses ministres ont choisi le moyen de transport le plus coûteux qui soit, c'est-à-dire de louer des avions privés, tout en maintenant les Challenger, simplement pour éviter les pressions politiques?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, la députée doit choisir. Elle prétend que, lorsqu'un ministre prend un avion du gouvernement, cela coûte 20 000 $ l'heure. Elle y tient. Nous l'avons donc écoutée. Si les avions du gouvernement coûtent si cher, pourquoi les utiliser? Nous examinons la question pour faire connaître les coûts réels.

Quand les avions ne sont pas utilisés, ils coûtent quand même quelque chose. Il faut payer les pilotes. Le Parti réformiste est si étroit d'esprit sur cette question et ne veut pas connaître les faits. Il prétend maintenant qu'ils ne sont pas objectifs et pousse le gouvernement à faire d'autres dépenses.

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, d'abord, il faut mettre en vente les Challenger. Ensuite, utilisons tous des avions commerciaux.

Depuis 1985, le gouvernement a dépensé 11 millions de dollars pour former 689 techniciens pour l'entretien des Challenger. Parallèlement, le ministre de la Défense a conclu un marché d'entretien de 12 millions de dollars avec une autre entreprise. Quand il a additionné tous les coûts engagés pour les Challenger, M. Cormier a confirmé l'affirmation du vérificateur général


4060

voulant que les Challenger coûtent trois plus cher que le premier ministre ne veut bien l'admettre.

Quand le premier ministre va-t-il cesser de tromper la population au sujet des coûts réels des avions Challenger et quand acceptera-t-il la proposition du vérificateur général de réduire radicalement la flotte de Challenger?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous étudions la question. Nous avons établi un comité avec le vérificateur général. Les Challenger sont des avions fabriqués au Canada et servent au gouvernement. Le Canada est un très grand pays, et les ministres doivent s'y déplacer pour faire leur travail.

Le problème, c'est que le Parti réformiste est irresponsable et qu'il ne veut pas savoir quels sont les coûts réels. Quand l'avion est dans le hangar, nous devons payer le pilote, l'entretien et tout ça. Quand l'avion vole, il ne coûte que du carburant. Le Parti réformiste dit qu'il coûte beaucoup plus cher. C'est pourquoi nous ne les utilisons pas. Nous étudions la situation et veillerons à ce qu'ils soient mieux gérés que sous le gouvernement précédent.

Toutefois, j'espère que ces gens-là vont cesser de dire des mensonges parce que les avions ne coûtent pas. . .

Des voix: Oh, oh!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Ils ne veulent pas savoir la vérité.

Le Président: À l'ordre. Je pense que j'ai entendu le très honorable premier ministre se rétracter. Est-ce exact?

[Français]

M. Chrétien (Saint-Maurice): Monsieur le Président, je n'avais rien à ajouter. Je pense tout simplement que nous avons un problème et que nous l'examinons en ce moment. Nous voulons le régler d'une façon raisonnable. Nous demandons au Parti réformiste d'être raisonnable et de ne pas jouer les Tartuffes.

Le Président: Je voulais tout simplement m'assurer que le très honorable premier ministre a retiré ses paroles.

[Traduction]

Le très honorable premier ministre a retiré ses paroles.

M. Chrétien (Saint-Maurice): Monsieur le Président, je retire le mot que j'ai employé.

* * *

(1455)

LA MINE DE CHARBON WESTRAY

Mme Roseanne Skoke (Central Nova): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Il y a deux ans exactement, dans la circonscription de Central Nova que je représente, vingt-six mineurs étaient tués dans l'explosion de la mine de charbon Westray. Le ministre peut-il informer la Chambre de sa position sur la récupération des corps des mineurs décédés qui se trouvent encore dans la mine?

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, tous les Canadiens se souviennent avec tristesse de la tragédie qui s'est produite à la mine Westray, il y a deux ans. Comme la députée le sait, bon nombre de bénévoles ont risqué leur vie, sans succès, pour tenter de sauver les mineurs et récupérer leurs corps.

Le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse ont embauché un expert pour étudier la question. Celui-ci devrait être en mesure de nous renseigner très prochainement non seulement sur l'endroit où se trouvent les corps dans la mine, mais aussi sur la façon d'y accéder.

* * *

[Français]

LES AFFAIRES INDIENNES

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. On apprenait au mois d'avril que le gouvernement fédéral avait mis sur pied un comité conjoint ministériel-Mohawk, comité formé en plus du ministère des Affaires indiennes, de quatre de ses collègues ministres: de la Justice, du Revenu national, de l'Industrie, ainsi que du solliciteur général.

Le premier ministre peut-il nous confirmer l'existence de ce comité et nous préciser le mandat et la nature de ses activités?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, il n'y a pas de comité officiel de cette nature. Très souvent, nos ministres travaillent ensemble et se rencontrent pour étudier certains problèmes. Mais nous avons réduit considérablement le nombre de comités du cabinet pour rendre le cabinet plus efficace et il n'y a pas de comité officiel de cette nature.

Cependant, il existe des comités entre les ministres qui ont des intérêts communs et je suis content de voir que plusieurs ministres veulent travailler ensemble pour nous aider à régler le problème des Mohawks.

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, je suis surpris d'apprendre qu'il n'y a pas de comité, parce que le ministre des Affaires indiennes avait dit qu'il y aurait un comité. Mais, admettons qu'il n'y ait pas de comité, est-ce que le premier ministre peut justifier le fait, compte tenu de ce qu'on parle des réserves mohawks ici, qu'aucun ministre fédéral du Québec ne siège à ce comité ou ne participe à des rencontres de ce comité pour des questions relevant des compétences du Québec?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai dit qu'il n'y a pas de comité, alors pourquoi y aurait-il des ministres? Tout le monde s'intéresse à ce problème,

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y compris le premier ministre, qui a été longtemps ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je suis la situation de très près.

Je voudrais qu'on puisse trouver une solution qui accomode tout le monde. Les problèmes sont difficiles et les ministres travaillent avec les gens concernés pour trouver une solution, et j'espère que la solution aura l'appui de tout le monde. Cependant, il n'y a pas de comité, donc on ne peut pas me reprocher d'avoir quelqu'un qui ne siège pas à un comité qui n'existe pas.

* * *

[Traduction]

LA LIGNE DE CHEMIN DE FER ESQUIMALT-NANAÏMO

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

La semaine dernière, la Cour suprême du Canada a accueilli l'appel du gouvernement dans l'affaire de la ligne de chemin de fer Esquimalt-Nanaïmo, déclarant que le gouvernement n'était nullement tenu par la Constitution d'exploiter cette ligne à perpétuité.

Le ministre peut-il dire aux habitants de l'île de Vancouver s'il a l'intention de se conformer à la décision des conservateurs d'éliminer le service voyageurs de VIA Rail sur la ligne Esquimalt-Nanaïmo?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, mon collègue sait que, dans sa décision, la Cour suprême du Canada a simplement précisé que VIA Rail n'était nullement tenue par la Constitution de maintenir ce service. Elle ne s'est pas prononcée sur le maintien de ce service. Elle a simplement dit qu'il n'y avait aucune obligation constitutionnelle de le maintenir.

L'examen des services sur l'Île de Vancouver, et dans le reste du pays, dépendra de ce que VIA Rail pourra faire, compte tenu de ses contraintes budgétaires et du nombre de personnes qui utilisent ou désirent utiliser ses services.

La réponse est que VIA Rail évaluera en temps utile la viabilité de cette ligne. Par ailleurs, mon collègue sait, j'en suis sûr, que toute décision d'éliminer un service de VIA Rail doit être approuvée par le Cabinet.

(1500)

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan): Monsieur le Président, je remercie le ministre de sa réponse, mais c'est précisément là où nous voulons en venir, nous les gens de la côte ouest et de l'île de Vancouver.

L'ennui, c'est que les fonctionnaires du ministre ont repoussé une demande personnelle en vue d'obtenir un exemplaire du contrat passé entre la population canadienne et le Canadien Pacifique et qu'ils essaient encore de trouver des faux-fuyants pour nous empêcher d'avoir accès aux informations dont nous avons besoin relativement à ce contrat.

Premièrement, le ministre peut-il expliquer pourquoi la population canadienne se voit refuser le droit de voir comment son argent est dépensé? Deuxièmement, s'engagera-t-il à entreprendre des négociations afin que le tronçon soit remis entre les mains d'intérêts locaux?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, tant que durera ce processus de négociation avec les sociétés ferroviaires, aussi bien en ce qui concerne le transport des marchandises que celui des personnes au Canada, il sera très important que les gens, et cela vaut pour mon collègue, comprennent ce qu'il faut faire.

D'abord et avant tout, pour ce qui est de la situation particulière qui nous occupe, il faudra voir la raison de ce refus de fournir les informations qui devraient être accessibles aux Canadiens. Je m'y engage.

Quant à la question de savoir si VIA Rail devrait desservir l'île de Vancouver, la décision s'appuiera sur des facteurs commerciaux, c'est-à-dire qu'elle sera prise après avoir déterminé si le volume est suffisant pour assurer la rentabilité de l'entreprise et s'il existe d'autres moyens de transport. C'est notre façon de faire dans ce domaine partout au Canada.

Je voudrais faire observer à mon collègue qu'il y a de nombreuses régions qui ne bénéficient déjà plus du service voyageurs de VIA Rail, et ce, pour toutes sortes de raisons, la principale étant que l'on estime que ces services représentent un trop lourd fardeau pour les contribuables canadiens qui étaient-c'est du moins l'impression que j'ai depuis le début de cette session-la principale préoccupation des députés réformistes. Ils avaient le souci d'être le plus équitable possible avec les contribuables.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à la tribune de l'honorable Hou Jie, ministre de la Construction de la République populaire de Chine.

Des voix: Bravo!

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4061

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LOI FÉDÉRALE SUR L'AIDE FINANCIÈRE AUX ÉTUDIANTS

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien) demande à présenter le projet de loi C-28, Loi portant octroi de prêts d'études et d'autres formes d'aide financière aux étudiants, modifiant la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants, prévoyant l'abrogation de celle-ci et modifiant une autre loi en conséquence.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

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PÉTITIONS

LES CARTES DE TUEURS

Mme Beryl Gaffney (Nepean): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole à la Chambre pour appuyer les efforts de Mme Debbie Mahaffy, qui a demandé que les cartes de tueurs en série importées au Canada soient confisquées à la frontière canado-américaine afin d'empêcher leur distribution au Canada.

(1505)

Je félicite le ministre de la Justice qui, le 30 avril 1994, a déposé à la Chambre le projet de loi sur les cartes de tueurs et le jeu du tueur en série.

À cet égard, les pétitionnaires demandent humblement qu'il plaise au Parlement de modifier les lois du Canada afin d'interdire l'importation, la distribution, la vente et la fabrication de cartes de tueurs en série et de prévenir les fabricants de ces cartes que celles qui sont destinées au Canada seront confisquées et détruites.

L'ÉTHANOL

M. Paul Steckle (Huron-Bruce): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter à la Chambre, conformément au paragraphe 36(6) du Règlement de la Chambre, une pétition demandant au gouvernement de maintenir pour une décennie l'exonération actuelle de la taxe d'accise sur l'éthanol.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le vice-président: Les questions restent-elles toutes au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

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4062

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI SUR CERTAINS ACCORDS CONCERNANT L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-22, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité; ainsi que de l'amendement.

Le vice-président: Avant que le député de Frontenac ne continue son discours, je lui mentionne qu'il lui reste encore quatre minutes.

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, je ne voudrais pas passer pour un enfant mécontent, mais il me semble qu'il me reste plus de quatre minutes. J'espère que vous serez indulgent si jamais il me manque quelques instants.

J'étais donc en train de vous dire tout à l'heure qu'un gouvernement est redevable d'abord et avant tout à ses électeurs. Comme c'est la population qui nous élit, c'est envers elle que nous sommes redevables. Si, en plus, on doit être poings et pieds liés par les multinationales qui nous financent, la marge de manoeuvre commence à être vraiment très mince, surtout quand les intérêts des uns ne vont pas nécessairement de pair avec les intérêts des autres.

Si des raisons financières n'orientaient pas les actions des gens qui gouvernent, les gens porteraient une oreille plus attentive aux explications de sitations nébuleuses, comme c'est ici le cas. Alors que lorsqu'ils savent pertinemment bien que les compagnies contribuent à la caisse électorale des partis politiques, ils se bouchent les deux oreilles et ne veulent rien entendre. Et avec raison, monsieur le Président, avec raison, je le dis bien une deuxième fois.

Il est évident que des situations comme celle-là ne se produiraient pas si les gens qui financent les partis politiques étaient des gens du peuple, des électeurs et des électrices, et non pas des compagnies qui investissent là où ça rapporte.

Ici, j'aimerais vous parler du travail de l'exécutif du Bloc québécois dans mon comté, sous la gouverne de MM. Éric Labonté, Vincent Carrier, Raynald Paré et moi-même. On a visité ou téléphoné à la plupart de nos 2 049 membres. Ce sont eux qui financent le Bloc québécois dans le comté de Frontenac. Et moi, en tant que député de Frontenac, je suis redevable à mes membres, à mes électeurs, à mes électrices qui, par un 5 $, un 10 $, un 20 $, exceptionnellement en ce temps-ci un 100 $, vont nous aider à aller ramasser 15 000 $ à 20 000 $ pour financer le Bloc québécois. Monsieur le Président, soyez assuré qu'en tant que député du comté de Frontenac je ne dois abolument rien aux multinationales et aux grosses compagnies. Je suis fier de mes électeurs et je suis fier de mes membres qui m'aident à financer nos dépenses électorales.

Lors de la dernière campagne électorale, tous les députés qui sont ici, du côté du Bloc québécois, ont accepté uniquement les contributions des gens qui étaient inscrits sur les listes électorales et non de groupes de pression ou encore de compagnies.

(1510)

On ne peut blamer ces entreprises, car leur raison d'être est de faire des profits. Là où le bât blesse, bien sûr, c'est du côté du gouvernement libéral, quand les groupes envers qui les partis politiques sont redevables ne sont monsieur et madame Tout-le-Monde, mais plutôt de grosses compagnies multinationales.

Depuis que ce gouvernement est au pouvoir, il jette le blâme sur le dos des conservateurs pour chaque peccadille qui pourrait lui porter ombrage; il y a ici une belle occasion de souligner un procédé douteux et de remédier à la situation. Pourquoi le gouvernement libéral d'en face, depuis six mois qu'il est au pouvoir, pourquoi ne le fait-il pas?

Est-ce qu'il y a anguille sous roche? Est-ce qu'il a peur d'une commission d'enquête pour découvrir les dessous de la privatisation de l'aéroport Pearson, le seul d'ailleurs, qui pouvait rapporter, qui pouvait s'autofinancer, celui qui apportait des bénéfices? Pourquoi n'a-t-il pas privatisé les autres aéroports?


4063

Non, on a privatisé le seul rentable. Comme le disent si bien les agriculteurs dans ma région, on a privatisé la meilleure vache à lait. C'était facile, vous comprenez. On a vendu la meilleure vache à lait à des amis du régime. Alors, ils se bourrent les poches alors que ce sont les petits contribuables qui doivent payer pour.

En fin de semaine, j'ai eu la chance de participer à une rencontre. Nous étions 47 personnes. C'était une rencontre organisée par le comité régional de la région de Thetford Mines, sous la présidence de Mme Nicole Jacques. À cette rencontre, monseigneur Couture, l'archevêque du diocèse de Québec, participait avec des décideurs du milieu. Il y avait le commissaire industriel, plusieurs maires, les présidents, les présidentes de différents groupes de pression du comté de Frontenac.

Alors, le but de la rencontre était de discuter de comment on pouvait s'y prendre pour sortir le Québec de la pauvreté, et plusieurs des intervenants samedi matin, critiquaient, justement, la mauvaise gestion. Et encore cet après-midi.

Il y a eu une question sur les parades de nos ministres à l'aide de jets gouvernementaux. Voyez-vous, les gens de mon comté se demandent comment on fait pour hausser des impôts, pour essayer de couper l'aide aux personnes qui, malheureusement, doivent bénéficier de l'aide sociale ou encore de l'assurance-chômage, alors que le député de Hull-Aylmer, pour prononcer un discours sur une saine gestion gouvernementale, a dépensé près de 170 000 $ des contribuables pour une petite allocution de dix minutes.

Les gens de mon comté, qui sont au seuil de la pauvreté, ne peuvent s'expliquer des mauvaises gestions comme celle-là. Il n'est pas normal que les contribuables aient encore à payer pour les erreurs du gouvernement. Lorsque les investisseurs ont signé le contrat, les conservateurs étaient sur leurs derniers milles. Les investisseurs ont donc pris un risque, un risque calculé.

Mais bien sûr, on retrouve, parmi ces investisseurs, aussi bien des libéraux que des conservateurs. Vous savez, lorsque l'appât du gain est présent, on met souvent les allégeances politiques de côté et bien souvent, pour être sûr de ne pas se tromper, on en donne moitié moitié. On en donnait autant aux libéraux qu'au parti conservateur.

Comme cela, on était sûr d'être toujours dans la crèche et pouvoir manger à même les deniers publics. Vous savez très bien que lorsqu'un investisseur donne à un parti politique 1 $, ce n'est pas pour en retirer 5 $, mais pour en retirer 100 $, 200 $ et même un millier de dollars. Il me fait toujours drôle de voir, dans ma région, le ministre de la Justice assister à un souper intime où il y avait 23 invités à 1 000 $ du couvert. Vous comprendrez que ces personnes n'ont pas donné 1 000 $; d'ailleurs, il n'y avait pas de personnes qui gagnaient 25 000 $ ou 30 000 $.

(1515)

Mon temps de parole est déjà terminé, monsieur le Président. Je vous remercie de m'avoir alloué quelques minutes de plus, compte tenu que j'avais été interrompu avant la période des questions orales.

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, j'entends mes honorables collègues dire: Ça va être beau. Effectivement, cela ne pourra pas être beau, parce qu'il s'agit d'un dossier dont on peut dire que c'est un dossier surprenant, pour ne pas dire laid à regarder.

Voilà un exemple parfait d'un dossier dans lequel des intervenants gouvernementaux ont procédé d'une façon telle qu'aujourd'hui le doute subsiste et subsistera toujours, à moins qu'une enquête publique ne soit tenue. Le doute subsistera toujours sur la façon dont s'est déroulé ce dossier. Le doute subsistera toujours quant aux tractations qui ont pu avoir lieu derrière les rideaux, dans les coulisses, en dessous des tables, dans des endroits où malheureusement le grand public, nos électeurs, ceux qui nous mandatent, n'ont pas accès.

Nous aimerions pouvoir parler d'intégrité gouvernementale, nous voudrions parler de transparence, d'honnêteté, de justice, d'équité, de transactions commerciales bien faites, de gens qui, justement et à bon droit, revendiquent un profit, revendiquent une transaction. Mais voilà que, malheureusement, on fait face à une transaction, j'oserais dire qui s'est bâclée dans le clair-obscur, qui s'est bâclée dans des endroits où on ne sait pas exactement qui avait intérêt à quoi. On ne sait pas exactement quel était l'objectif poursuivi par le précédent gouvernement et on sait encore moins l'objectif poursuivi par le gouvernement actuel.

Ce qu'il y a d'étonnant dans cette transaction, et je ne reprendrai pas la longue liste des amis du Parti conservateur qui formait le précédent gouvernement, qui s'est allongée, hélas, de la longue liste des amis du pouvoir libéral de maintenant. Ce qui est étonnant dans ce dossier, c'est que le premier ministre avait annoncé en campagne électorale son intention ferme et claire de mettre fin à ce contrat qui, disait-il, avait été fait de façon incorrecte, ce contrat qui avantageait des amis du régime. Quelle noble façon de faire une campagne électorale que de dénoncer un gouvernement qui, malheureusement, n'a pas eu les mains libres de toute attache pour la signature d'un contrat aussi important que celui de la privatisation de l'aéroport Pearson, des aérogares 1 et 2.

Le premier ministre avait annoncé, en campagne électorale, cette vertueuse intention de revoir tout ce contrat. Mais voilà que petit à petit, les amis du pouvoir actuel, les financiers libéraux, les amis du premier ministre actuel, des amis, des ex-collaborateurs, des copains, des relations, des «patroneux» qui sont en relation directe non seulement avec l'actuel premier ministre mais avec des ministres du gouvernement actuel, voilà que d'un dossier dominé par les «patroneux» conservateurs, ceux qui financent la caisse des conservateurs, voilà qu'on passe maintenant à un même dossier récupéré par les «patroneux» libéraux.

(1520)

Monsieur le Président, les raisons qui valaient à l'époque où le premier ministre disait: «On va revoir tout le dossier de l'aéroport Pearson, on va annuler la privatisation, parce que ce qui s'est passé là, ce n'est pas beau à voir», ces mêmes raisons valent encore aujourd'hui. Cependant. . .

M. Robichaud: Oui, c'est ce qu'on fait!

M. Gauthier (Roberval): J'entends le député du Nouveau-Brunswick dire «Oui, c'est ce qu'on fait!»

M. Robichaud: C'est ce qu'on fait!


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M. Gauthier (Roberval): Oui, c'est ce qu'ils font, monsieur le Président, sauf que dans ce projet de loi, une petite clause, toute petite clause laisse au ministre responsable la discrétion de donner des compensations financières selon l'évaluation que le ministre fait du dommage qui est causé, je dirais le préjudice qui est causé à celui à qui on enlève le contrat.

Voilà que tout à fait par hasard, sous de vertueuses intentions, on propose un projet de loi, mais un projet de loi qui nous laisse voir, plus on gratte le dossier, plus on analyse la situation, des dessous pas plus jolis.

Les amis libéraux, les lobbyistes libéraux, les amis du pouvoir se sont emparés de ce dossier et voilà qu'au-delà des partis politiques, dans le monde de la finance canadienne, se retrouvent tout à fait par hasard en conjonction des intérêts financiers bien divergents au plan politique, mais qui se retrouvent tous reliés au même groupe d'entreprises, au même groupe de personnages.

Voilà que le gouvernement va nous demander d'annuler, oui, le contrat de l'aéroport Pearson et nous souhaitons contribuer à cela, mais voilà que cela se fait d'une façon inacceptable. Voilà qu'il y a une chance inespérée de légiférer sur les lobbies, d'une part, de clarifier la relation qui doit exister entre les lobbyistes professionnels qui sont des démarcheurs dans ce genre de dossier et le gouvernement, d'autre part; mais ce sera laissé de côté par le premier ministre. Pourtant, il nous avait promis de légiférer, de clarifier cette question des lobbyistes. Tout à coup, il n'en est plus question.

La deuxième chose: Voilà que les ministres se gardent un pouvoir discrétionnaire inacceptable, leur permettant de temps en temps de compenser un peu plus, un peu moins, un peu beaucoup, passionnément, à la folie. Toute la gamme des émotions y passera. Le ministre responsable pourra décider qui il compense et de quelle façon il compense et pour quel préjudice il compense. Voilà un pouvoir discrétionnaire beaucoup trop élevé, quand on considère que ces compensations-là s'addressent à des gens, je le rappelle, qui sont les bailleurs de fonds de la formation politique de nos amis d'en face.

Dans quel type de situation de conflits d'intérêts, monsieur le Président, ne se place-t-on pas quand on demande à un ministre qui a, à certains moments, à aller quérir des fonds pour faire vivre son parti politique, dans quelle situation place-t-on ce ministre quand on lui demande d'aller négocier à sa volonté avec qui il souhaite négocier une compensation qu'il établit lui-même?

Voilà quelque chose d'inacceptable. Il me reste une minute, monsieur le Président. S'il est vrai que ces gens-là sont pleins de bonnes intentions, pourquoi le gouvernement ne fait-il pas en sorte de décréter une enquête publique sur tout ce qui s'est passé dans le dossier de l'aéroport Pearson? Si ces gens-là ont les mains nettes, monsieur le Président, ce que je veux bien croire, je ne leur prête pas d'intention, si ces gens-là ont de bonnes intentions, si ces gens-là ont suffisamment relevé d'irrégularités ou d'anomalies dans ce dossier pour justifier un projet de loi qui annule la transaction avec toutes les implications que cela peut avoir, si ces gens-là sont prêts à permettre à des ministres de façon discrétionnaire à donner des compensations, avec l'argent des citoyens, à ceux qui seront lésés par l'annulation de ce contrat, si c'est vrai que c'est aussi sérieux que cela le dossier de l'aéroport Pearson, la seule question qu'il faut se poser, c'est: «Pourquoi, mais pourquoi refuse-t-on la tenue d'une enquête publique pour qu'on ait toutes les explications sur ce dossier?» La question se pose et la réponse leur appartient.

(1525)

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan): Monsieur le Président, le Bloc québécois refuse de procéder à la deuxième lecture du projet de loi C-22, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto. Le principe du projet de loi est défaillant parce qu'il n'entrevoit pas de mesures visant à rendre transparent le travail des lobbyistes.

Ce qu'il faut dénoncer, c'est la façon douteuse de financer certains partis politiques. Sauf pour le Bloc québécois et le Parti québécois au Québec, toutes les personnes sont acceptées dans la forme de financement actuelle, soit les personnes morales comme les personnes physiques.

Nous sommes fiers, nous au Bloc québécois, car nous sommes à peu près les seuls à pouvoir prétendre que nos supporteurs financiers sont sans exception des personnes physiques. C'est à coup de cinq, dix, vingt dollars et parfois même un peu plus, quand on est chanceux, que nous avons reçu l'aide financière nécessaire à se faire élire afin de siéger en cette Chambre. Il faut bien comprendre que ce n'est pas un crime que de se faire financer par de grosses entreprises et parfois même de très grosses entreprises. C'est juste dangereux. C'est tellement dangereux que voilà où nous en sommes depuis le 26 avril dernier. Nous discutons en cette Chambre du fameux projet d'acquisition de l'aéroport Pearson de Toronto. C'est l'exemple parfait de cette force occulte qu'est le lobbying, et cette même force occulte prend naissance à quel endroit? Dans le financement des vieux partis politiques principalement. Il y a un vieux proverbe qui ne se dément guère même avec les années: Tu ne mords pas la main qui te nourrit.

Tous les membres de cette Chambre sont sujets à mettre en pratique ce proverbe, tous, nous du Bloc québécois, comme les autres. Cependant, avec un mode de financement de base comme celui qui a cours chez nous, jamais on ne risque d'en arriver à proposer des transactions du genre de celle de Pearson. Pourquoi? Parce que chez nous, les mains qui nous nourrissent ne sont pas celles d'entreprises qui ne cessent de rechercher des sommets financiers plus élevés, celles-là même qui ne craignent guère ni les nuages ni les zones de turbulence. Non, les mains qui nous nourrissent sont celles des travailleurs qui gagnent durement leur salaire, celles des chômeurs qui recherchent inlassablement des emplois, celles des personnes âgées qui veulent s'assurer qu'on ne leur coupera pas leur pension de vieillesse et il y a aussi celles des autres qui demeurent à la maison parce qu'ils désirent s'occuper des enfants.

Le projet d'acquisition de l'aéroport Pearson de Toronto est un exemple flagrant de ce que j'appelle une position dangereuse. Quand je parle de financement des partis politiques, il y a l'aéroport Pearson et oui, il y a aussi la base militaire de Moisie dans mon comté, j'ai bel et bien dit dans mon comté, la base militaire de Moisie. Dans ce comté que je représente, nous avons vécu une situation similaire qui, voilà à peine six années maintenant,


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faisait couler beaucoup d'encre dans cette région habituellement tranquille. Dans des proportions beaucoup plus réduites certes, nous constatons, tout compte fait, que plus ça change, plus c'est pareil.

Pour faire un bref historique, on retourne en 1985 alors que le gouvernement de l'époque avait dû mettre en disponibilité la base militaire de l'endroit. Cela a donné naturellement un dur coup à l'économie régionale parce qu'on devait accepter de perdre, par le fait même, plus de 200 emplois militaires et plus de 40 emplois civils qui y étaient greffés.

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La ville de Moisie, petite localité à côté de Sept-Îles, qui avait à l'époque environ 1 200 résidants, voyait son budget grevé de 30 p. 100, ce qui est considérable pour une petite localité. Dans l'ensemble de la région, on comptait plusieurs millions de dollars qui manquaient dans l'économie régionale.

Au début de 1986, le ministère des Travaux publics procédait aux appels d'offres mettant la base militaire de Moisie et sept ou huit autres en disponibilité en même temps. Donc, la ville de Moisie et le ministère des Travaux publics se sont assis ensemble pour établir certains critères. Je vais faire la nomenclature de quelques-uns jugés prioritaires par la ville de Moisie.

Il était important pour nous de rechercher la création d'emplois. C'était important de s'assurer de la capacité financière de l'entreprise parce qu'une base militaire n'est ni plus ni moins qu'une petite ville. Il y a absolument tout ce qu'une ville peut contenir: allées de quilles, piscines, rues, aqueducs, égouts, églises, écoles, enfin tout. Donc, il faut des sous pour acheter cela, il faut des sous aussi pour l'entretenir. Pour nous, un promoteur local était important. Et il fallait que le projet vise à combler un manque à gagner à long terme pour l'économie régionale.

À l'hiver de 1987, on en arrive finalement à deux promoteurs qui offraient sensiblement les mêmes sommes d'argent, mais il était important pour nous que les retombées économiques régionales soient les plus importantes possible. Donc, la ville de Moisie favorisait naturellement un promoteur local et le gouvernement favorisait un promoteur de l'extérieur, qualifié par le bureau du premier ministre à l'époque, parce que c'était le premier ministre qui était député du comté, le bon ami du parti. Il y avait donc une petite lutte qui s'engageait là-dessus.

Naturellement, la ville de Moisie n'avait pas la force d'un bureau de premier ministre. Or, au printemps de 1987, on était incapable de s'entendre; j'étais à la ville de Moisie, à l'époque, et on était incapables de s'entendre. À l'été de 1987, on impose à la ville de Moisie le bon ami du parti. Ce promoteur promettait 35 emplois permanents, 15 emplois saisonniers. Qu'en est-il aujourd'hui, six années plus tard? Zéro emploi permanent, zéro emploi saisonnier. Cependant, 50 maisons ont pu être vendues pour des bénéfices nets de plus de 1 million de dollars.

Quand on fouille un peu dans les données pour savoir pourquoi, à l'époque, le bureau du premier ministre et le gouvernement insistaient autant pour que cette personne acquiert le site de la station militaire, on s'aperçoit que le promoteur, aux élections de 1984, a fourni à la caisse du parti, 1 500 $ en argent direct et en argent indirect, on peut le deviner. C'est énorme! Donc, il faut que ça cesse.

Les contribuables québécois et canadiens n'ont plus les moyens de favoriser à outrance les bons amis du parti au détriment du développement économique régional. À partir d'exemples comme ceux de Pearson à Toronto et de la base militaire de Moisie, il est facile de s'imaginer combien il doit y en avoir de ces transactions douteuses qui, au lieu de servir ceux et celles qui paient leurs taxes et leurs impôts, ont honteusement favorisé ceux et celles qui, au contraire, cherchent inexorablement à ne pas en payer.

Oui, la transaction Pearson, il faut la dénoncer, mais il ne suffit pas d'adopter un projet de loi comme le projet de loi C-22 pour prétendre faire son travail. Ponce Pilate aussi s'est lavé les mains. Des gens mûrs et responsables verront à mettre en place un mécanisme qui assurera que les vrais dirigeants d'une nation soient ceux et celles qui sont élus démocratiquement par le peuple; pas ceux et celles qui tirent les ficelles de certains élus trop bien placés.

Le Bloc québécois dit non. Nous voulons une commission royale d'enquête pour faire toute la lumière sur cette sombre affaire. La population a le droit de savoir tous les dessous de cette histoire et de connaître le rôle qu'ont joué et continuent de jouer les lobbyistes auprès du gouvernement.

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne): Monsieur le Président, plusieurs questions demeurent sans réponse en ce qui a trait au projet de loi C-22 concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport Pearson. Nous accordons une très grande importance à l'étude approfondie de ce projet de loi ainsi qu'au contrat de privatisation de l'aéroport Pearson, étant donné toute la controverse qu'ils suscitent.

(1535)

Nous dénotons dans ce projet de loi des contradictions flagrantes avec les promesses électorales des libéraux. Ceux-ci ont-ils déjà oublié leur engagement, faisant l'objet d'un chapitre complet dans le livre rouge, concernant la confiance des citoyens dans les institutions politiques? Leur attitude nous laisse perplexe. Ainsi, nous croyons qu'il est opportun de rappeler aux libéraux qu'ils promettaient à la population lors de la dernière campagne électorale, et je cite: «Un gouvernement libéral adoptera un train de mesures pour rétablir la confiance dans les institutions publiques.» Et plus loin, je cite toujours : «Nous aurons comme principe que les décisions de l'État doivent se prendre sur le fond plutôt que d'obéir aux influences exercées par les parties prenantes. Nous assurerons la transparence du processus décisionnel.» Cette confiance se gagnera par des gestes concrets qui, malheureusement, sont toujours attendus par la population.

Le projet de loi C-22, par son article 10, donne un pouvoir discrétionnaire au ministre de conclure des ententes en vue du versement d'indemnités en raison de l'application de la loi. De plus, on nous indique qu'aucune indemnité ne sera versée pour des profits non réalisés ou pour du lobbyisme. Comment la population pourra-t-elle s'assurer que de telles indemnités seront versées en conformité avec la loi et sans favoritisme d'aucune sorte? Ce dossier, même à première vue et sans aucune enquê-


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te approfondie, semble truffé de manipulations politiques, et cela, ce n'est pas nous qui le disons mais l'auteur du rapport Nixon qui n'a pu procéder à une enquête exhaustive, faute de moyens et faute de temps.

Pour cette raison, nous soutenons que la seule façon d'assurer la transparence de ce dossier est certainement de mettre sur pied une commission royale d'enquête chargée de faire la lumière sur toute cette affaire. Le ministre des transports lui-même a affirmé, tel qu'on pouvait le lire dans La Presse du 29 novembre dernier, que le gouvernement fédéral songeait à mettre sur pied une commission royale d'enquête sur la privatisation de l'aéroport Pearson. Malheureusement, le gouvernement n'a pas donné suite à ce projet qui, est-ce utile de le rappeler, serait essentiel à la démonstration d'une saine gestion des fonds publics. Qu'est-ce que les libéraux ont à cacher? Nous ne pouvons être inactifs face à une telle attitude. Où est la transparence promise? Qu'est-ce que les libéraux ont fait de leur belle promesse?

La tenue d'une commission royale d'enquête demeure le seul moyen efficace de faire le point sur cette affaire aux allures de scandale. Les agissements illégaux doivent être dévoilés au grand jour. Qu'est-ce qui motive l'inaction des libéraux? Qui désirent-ils protéger? Pourquoi ne donnent-ils pas suite à leur projet de mettre sur pied une commission royale d'enquête? Une telle commission pourrait révéler des agissements illégaux et inacceptables. Si tel est le cas, le versement d'indemnités par le ministre deviendrait tout à fait inutile, d'où la non-pertinence de l'article 10 du projet de loi C-22 et aussi par le fait qu'il faut se rappeler de l'alinéa 8.6.3 du contrat.

Nous parlons ici des fonds publics, de l'argent des contribuables. Nous ne pouvons rester immobiles devant une telle inertie de la part du gouvernement. Comme l'a si bien dit le ministre des Transports, lors de son discours du 26 avril dernier sur la privatisation de l'aéroport Pearson, et je le cite: «Nous croyons que les décisions à prendre sur des questions qui pourraient avoir des conséquences importantes sur notre économie et sur la position concurrentielle de notre pays devraient être tranchées grâce à un processus ouvert et accessible.» Quel processus est plus ouvert et plus accessible qu'une commission royale d'enquête? Comment les libéraux désirent-ils faire toute la lumière sur cette affaire?

Puisque le projet de loi C-22 semble faire une exception du lobbying quant à l'indemnisation, permettez-moi ici de rappeler à cette Chambre que les services de lobbyistes font déjà l'objet de déductions fiscales.

(1540)

Ainsi, ce sont les contribuables qui défraient une partie des dépenses engagées par les entreprises qui utilisent de tels services. C'est donc très illusoire de croire que les tours de passe-passe qui semblent très fréquents dans toute cette affaire ne coûteront rien aux contribuables. Au contraire, toutes les ramifications politiques qui y transpirent laissent présager un très grand gaspillage des fonds publics.

Il n'y a pas que des lobbyistes et des personnalités conservatrices qui sont impliqués ici. Il y aussi des financiers et des lobbyistes de l'autre grand parti, comme il aime se faire appeler. Il apparaît donc à la face même du dossier que ce contrat a été forgé par des membres des deux camps. L'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre pourrait donc faire planer une ombre sur le gouvernement et sur l'ensemble de cette Chambre. Sans la mise en place d'une commission royale d'enquête, les Québécois et les Canadiens ne pourront jamais être assurés de l'intégrité de leur gouvernement. Nous sommes bien loin ici de la transparence promise à la population par les libéraux.

De plus, sans une telle commission, il est possible que d'honnêtes gens voient leur réputation entachée. En effet, un refus de la part du gouvernement d'éclaircir ce dossier mettra en doute la réputation de tous les intervenants au contrat. Le gouvernement ne peut se permettre d'agir comme si rien n'était, comme s'il n'avait aucun soupçon quant à l'intégrité des intervenants. Une enquête publique permettrait ainsi de rétablir la justice face aux yeux des citoyens.

En conclusion, je désire rappeler la grande controverse qui entoure toute cette affaire. Il y a certes des amis de l'ancien parti au pouvoir d'impliqués, mais il y a aussi des intérêts très proches du présent gouvernement qui trempent dans cette sordide affaire. Le peuple québécois et canadien a le droit de connaître le fond de cette histoire. C'est cela la transparence, pas la transparence sur papier, mais la vraie transparence, celle dans la vie de tous les jours; celle que la population attend de ses élus; celle qui aidera à rétablir le climat de confiance entre la population et le gouvernement.

Les Québécois et les Canadiens en ont assez de jouer à cache-cache avec leur administration. C'est leur argent qui est en jeu. Qu'on cesse les manigances apparentes ou réelles, les entourloupettes politiques. Les gens ont droit de savoir, c'est fondamental. Un pays démocratique, fier de sa Charte des droits et libertés, ne peut se permettre de faire le silence autour d'une telle affaire. Le seul moyen, et nous le répétons, de faire le jour sur le contrat de privatisaton de l'aéroport Pearson est de mettre sur pied sans plus tarder une commission royale d'enquête. La confiance du peuple en ses élus étant la base de la démocratie, il est inacceptable de permettre au ministre responsable de verser des indemnités sans que tous les faits de cette histoire ne soient révélés au public par un mécanisme indépendant et impartial.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, le 3 mai dernier, la Chambre des communes a rejeté l'amendement de mon collègue de Simcoe-Centre du Parti réformiste.

Bien que mes collègues de cette Chambre aient pris cette décision, je tenterai aujourd'hui de les convaincre d'adopter l'amendement proposé par le chef de l'oppositon officielle et par lequel la population canadienne serait éclairée par la commission royale d'enquête sur les circonstances qui ont entouré la signature du contrat entre le gouvernement et T1T2 Limited Partnership.

Le projet de loi C-22, comme je le mentionnais lors de ma dernière intervention, comprend douze articles. Il nous est impossible d'être d'accord avec un en particulier, soit l'article 10.1, lequel autorise le gouverneur en conseil à verser les sommes qu'il estime indiquées à T1T2 Limited Partnership en raison


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de l'application de la présente loi et sous réserve des conditions qu'il estime indiquées.

Lorsque je mentionne que je ne peux être d'accord avec l'article 10.1, j'ai aussi l'assurance que la population que je représente ne sera pas d'accord avec un parti qui refuserait de faire la lumière sur des faits troublants, alors que le Parti libéral du Canada se dit transparent et à la défense des intérêts des contribuables.

(1545)

Le Parti libéral du Canada, actuellement au pouvoir, a pris la décision d'annuler la privatisation de l'aéroport Pearson. Il a pris cette décision parce qu'il connaissait les faits qui ont amené l'ex-gouvernement conservateur à signer un tel accord.

Ces faits lui ont été confirmés en bonne partie par le rapport Nixon. Le gouvernement actuel est aussi conscient que le laps de temps qu'il a donné à la commission Nixon pour produire son rapport n'était pas suffisant pour découvrir tous les faits de cette curieuse décision du gouvernement conservateur.

Ils en ont quand même découvert suffisamment pour permettre au gouvernement actuel d'arrêter le scandale et de remettre à la population canadienne un bien qui lui appartenait.

Pourquoi maintenant le gouvernement libéral gâterait-il la sauce en s'octroyant le privilège de compenser une organisation pour des pertes et dommages qui ne sont pas clairement identifiés? Pourquoi refuserait-il à la population le droit de savoir comment ont agi les lobbyistes et que nous avions raison de se débarrasser du gouvernement conservateur? Pourquoi s'octroierait-il les droits de distribuer nos impôts à une organisation qui ne possède peut-être aucun droit au sens juridique du terme?

Même si le premier ministre pense qu'il a encore la cote d'amour de la population, il peut être assuré de la perdre-celle qui lui reste-s'il pose ce geste, lourd de conséquences. Nous ne nous gênerons pas pour rappeler à la population que le gouvernement actuel a refusé d'autoriser une commission royale d'enquête pour cacher à la population les manigances de l'ex-gouvernement conservateur et peut-être de certains lobbyistes proches des libéraux actuellement au pouvoir.

Ceci dans le but de protéger les amis du régime conservateur, ce qui pourrait faire croire à la population que les deux partis traditionnels ont les mêmes amis. Nous ne nous gênerons pas non plus pour faire connaître à la population les raisons qui ont motivé le chef de l'opposition officielle à demander cette enquête. Elles sont nombreuses et j'en cite quelques-unes:

Premièrement, le gouvernement actuel administre lui-même, via le ministère des Transports, l'aéroport de Toronto au lieu de le confier à un organisme à but non lucratif, comme c'est le cas à Montréal, Calgary, Vancouver et Edmonton, dont les administrations sont composées de représentants du milieu et qui sont donc aptes à défendre leurs intérêts.

Je cite comme exemple A.D.M., qui administre les deux aéroports de Montréal, et dont le conseil d'administration est composé de sept représentants de la communauté des Affaires, qui sont aussi membres du conseil d'administration de la société de promotion des aéroports Montréal, la SOPRAM.

Le 8e membre est le président et chef de la direction d'A.D.M. Il est aussi intéressant de souligner que SOPRAM est une société à but non lucratif formée de 21 membres nommés par les organismes suivants: la ville de Montréal, la ville de Laval, la conférence des maires de banlieues, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, The Board of Trade of Metropolitan Montreal, la Corporation de promotion de l'aéroport de Mirabel (COPAM), la Société montérégienne de développement (SMD) et la ville de Longueuil. Cette représentation assure à A.D.M. une approche attentive aux intérêts locaux, une perspective enracinée dans le monde des affaires.

Deuxième raison qui nous incite à demander une commission d'enquête, en prenant connaissance du rapport Nixon, nous notons que l'appel d'offre a été étonnamment court, soit de 90 jours et qu'il a été impossible pour des groupes qui n'étaient pas déjà impliqués dans l'administration de l'aéroport comme Claridge et Paxport de présenter une soumission valable. C'est pourquoi deux soumissions seulement ont été reçues. En effet, Paxport avait déjà présenté un plan de privatisation en 1989 et avait dû se désister, et Claridge exploitait l'aérogare numéro 3.

Troisième raison, pourquoi le contrat a-t-il été signé le 7 octore 1993, en pleine campagne électorale, et après les réticences certaines du négociateur en chef, qui a exigé des instructions écrites avant de signer?

Quatrièmement, quel a été le rôle exact des lobbyistes et auprès de qui ont-ils fait leur travail? Cinquièmement, combien a coûté à la population cette décision hâtive et qui en a vraiment profité? Sixièmement, pourquoi le gouvernement conservateur a voulu privatiser l'aéroport Pearson, alors qu'il est le plus rentable au Canada?

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Septièmement, pourquoi le gouvernement a alloué à T1T2 Limited Partnership un taux de rendement de 24 p. 100 avant impôt et de 14 p. 100 après impôt?

Huitième raison, pourquoi le rapport Nixon recommande-t-il de ne pas compenser pour pertes d'occasion d'affaires et frais de lobby? Serait-ce qu'il a découvert encore plus d'irrégularités que nous n'en connaissons?

Neuvièmement, quel rôle ont joué certains intervenants reliés de près au Parti conservateur, et quelques-uns au Parti libéral du Canada?

Dixième et dernière raison-et on pourrait en trouver d'autres-pourquoi le gouvernement libéral actuel n'a pas inclus dans le projet de loi C-22 un article l'autorisant à transférer


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l'administration de l'aéroport Pearson à une société sans but lucratif?

Voilà quelques raisons expliquant pourquoi une commission royale d'enquête est nécessaire pour prendre une décision éclairée. Aussi, il est important que cette commission fasse clairement ressortir l'impact qu'ont eu les lobbyistes dans ce dossier. Elle devra approfondir les coûts sur les finances publiques, sur l'incidence de l'emploi dans la région du Toronto métropolitain et particulièrement les impacts sur les transports au Canada.

Ce ne sont que quelques raisons que nous expliquerons clairement à la population pour lui faire prendre conscience que le gouvernement actuel aurait dû autoriser une commission royale d'enquête s'il refuse l'amendement du chef de l'opposition officielle.

Cette Chambre constatera, après ces faits que nous ferons ressortir, l'importance de la décision que le gouvernement fédéral a prise en annulant la privatisation et en redonnant aux Canadiens le contrôle d'un moyen de transport essentiel à l'industrie canadienne et au développement économique.

Je le dis et je le répète, ne gâchons pas la sauce en versant des compensations à des amis du régime. Investissons plutôt cet argent dans l'industrie du transport, qu'il soit aérien, ferroviaire ou maritime. Et je vous cite des exemples avec lesquels, j'en suis persuadé, le ministre des Transports serait d'accord.

L'aéroport international Jean-Lesage aurait bien besoin d'investissement pour servir à autre chose que de porter le nom d'international. Notre parti a fait depuis quelques mois plusieurs interventions à la Chambre pour conserver le système radar à Québec et devenir la relève de Montréal en cas de panne. L'aéroport de Québec aurait aussi besoin d'investissement pour améliorer son infrastructure et en faire un aéroport digne de la capitale du Québec qui, nous l'espérons, sera l'hôte des Jeux olympiques d'hiver de 2002.

Le transport maritime aussi accepterait le montant des compensations que le gouvernement se prépare à verser à T1T2 Limited Partnership pour doter les Îles-de-la-Madeleine d'un traversier sécuritaire à la hauteur de cette population qui est fière, et construit par les employés reconnus les plus compétents au Canada en cette matière, ceux de la MIL Davie à Lauzon. Ces compensations pourraient aussi servir à construire les Smart Ship qui seraient tellement nécessaires à la relance de la MIL Davie et au mandat que le Canada accepte dans des missions internationales de paix.

Je ne peux faire autrement que de revenir à ce qui pourrait être la réalisation du siècle, et je parle, vous le comprendrez, du TGV. Si je me fie à la déclaration faite par le président de VIA Rail, je suis persuadé qu'il accepterait le montant des compensations pour mettre en marche ce prestigieux projet. L'honorable ministre des Transports retarde l'annonce de sa décision en nous disant qu'il consulte les provinces et qu'un rapport sera déposé en juin. Le ministre a-t-il l'intention d'attendre que cette Chambre cesse ses travaux? Il serait inacceptable que les représentants élus de cette Chambre n'aient pas à statuer sur un projet d'envergure tel le TGV. Nous espérons que nous nous trompons sur les intentions du ministre et qu'un projet de loi sera déposé au début de juin.

En conclusion, je terminerai cet exposé sur l'amendement du chef de l'opposition au projet de loi C-22 en rappelant à mes collègues l'importance du vote que nous aurons à prendre d'ici quelques heures. Si nous désirons conserver une certaine crédibilité, et je dis bien une «certaine» crédibilité, car la population a de moins en moins confiance en sa classe politique. Je puis vous dire que je suis très actif dans ma communauté les fins de semaine et ce que les gens nous disent, à écouter les travaux de la Chambre, c'est que c'est un cirque et que les hommes et les femmes politiques, au Canada, ne sont plus crédibles. Nous devrons démontrer que nous n'avons pas peur de la transparence et nous devons prendre tous les moyens pour que cette transparence soit étalée au grand jour. Quoi de mieux qu'une commission royale d'enquête impartiale? C'est par des gestes semblables qu'il nous sera possible de continuer à diriger et à être appuyés par la population lorsque nous aurons des choix difficiles à faire.

(1555)

Le gouvernement actuel ne doit pas se baser sur sa majorité en Chambre pour faire fi des revendications justes de l'Opposition officielle, car la cote de popularité à l'extérieur du Québec pourrait fondre au printemps comme neige au soleil, et la cote d'amour de la population pourrait se changer en une levée de boucliers dont le gouvernement libéral se rappellera longtemps.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières): Monsieur le Président, c'est avec plaisir, vous n'en douterez pas, que j'interviens en cette Chambre pour une deuxième fois sur le projet de loi C-22 concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto.

Cet aéroport est le plus important au Canada, avec près de 20 millions de passagers annuellement, c'est-à-dire environ 57 000 par jour. Il couvre 1 792 hectares, possède trois aérogares et emploie 15 000 personnes. Environ 800 appareils atterrissent et décollent quotidiennement de Pearson vers 300 destinations dans 60 pays. Il est actuellement le seul aéroport canadien pouvant vraiment être qualifié de plaque tournante.

Selon une étude de Transports Canada datant de 1987, l'aéroport Pearson a des retombées économiques directes de 4 milliards de dollars pour l'économie de l'Ontario et a directement ou indirectement fourni 56 000 emplois ontariens. Il représente à tous points de vue plus que la somme de ses parties ou que le total de ses actifs et de ses passifs. C'est un point d'entrée national extrêmement important et un point de service central pour les voyageurs, les familles et les expéditeurs. Aucune autre installation ne peut l'égaler dans la région, voire dans toute la province ou n'importe où ailleurs au Canada, même si Vancouver est sur la bonne voie et que Montréal en aurait le potentiel. Cette combinaison de son importance économique et sociale et le fait qu'il s'agit d'un service unique pour lequel il n'existe pas de substitut font que cet aéroport, à mon avis, est plus qu'une simple installation de transport. Il apparaît en fait comme un des plus


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importants biens publics dans l'économie du sud de l'Ontario et de l'ensemble du Canada.

Vous aurez compris très certainement, à l'audition de toutes les interventions que nous avons eues jusqu'à présent sur le sujet, que l'immense réserve de l'opposition officielle-pour ne pas parler du tollé-quand à ce projet de loi porte sur l'article 10 qui se lit comme suit:

10.(1) Sous réserve de l'autorisation du gouverneur en conseil, le ministre peut, s'il le juge à propos, conclure au nom de Sa Majesté des ententes en vue du versement des sommes qu'il estime indiquées en raison de l'application de la présente loi, sous réserve des conditions qu'il estime indiquées.
C'est là que le bât blesse. Vous aurez également compris que l'opposition est d'accord avec le fait d'annuler ce contrat scabreux parce qu'il y a de nombreuses raisons de le faire. Ce qui m'en a convaincu personnellement, très humblement, c'est que j'ai lu et relu au complet et à plusieurs reprises le rapport Nixon. J'ai compris pourquoi, tout libéral qu'il est, M. Nixon-libéral respectable d'ailleurs, tout près des milieux dont on parle, entre autres des amis du premier ministre-a dû, dans toute son honnêteté intellectuelle et dans son sens des responsabilités, employer le mot «magouillage».

Quand on fait une lecture attentive de son document, on comprend pourquoi il en est venu à employer le mot très grave «magouillage». Le mot «magouille» est défini ainsi par le Petit Robert:

Manoeuvres, tractations douteuses ou malhonnêtes.
Il s'agit donc là d'un vocabulaire très insinuant.

J'ai pensé tout simplement porter à l'attention de cette Chambre certains extraits du rapport, extraits qui disent bien ce qu'ils veulent dire et illustrent le caractère nébuleux, non transparent et scabreux de cette affaire.

Comme l'opposition officielle ne cesse de le répéter, il faudrait une commission royale d'enquête pour décréter s'il s'agissait là ou non d'une affaire à caractère malhonnête.

Par exemple, à la page 4, il y a un petit paragraphe qui nous donne des indications de la magouille. La magouille est le fil conducteur de tout le rapport Nixon, et je cite ce paragraphe:

Dans le calcul du revenu brut (qui servira à déterminer le loyer) entrent 10 déductions qui, m'informe-t-on, sont inhabituelles dans les transactions commerciales.
(1600)

M. Nixon dit aussi que la société T1T2 Limited Partnership, qui s'est portée acquéreur, qui verrait à l'administration de l'aéroport, est une société à buts multiples, plutôt que d'être à but unique.

Et M. Nixon dit:

Le bail n'empêche pas T1 T2 Limited Partnership d'exercer des activités autres que la gestion, l'exploitation et l'entretien des aérogares 1 et 2. En conséquence, la ruine financière d'une entreprise tout à fait étrangère à ces activités pourrait mettre en péril la situation financière de T1 T2 Limited Partnership.
On dit aussi concernant le trafic aérien:

Le gouvernement du Canada s'engage à n'autoriser l'aménagement, dans un rayon de 75 kilomètres des aérogares 1 et 2, d'aucune installation aéroportuaire susceptible de réduire de plus de 1,5 millions de passagers par année le trafic à Pearson, tant que ce trafic n'aura pas atteint 35 millions de personnes par an, ce qui d'après les dernières projections, devrait se produire vers l'an 2005. Si le gouvernement du Canada décide quand même de procéder à un tel aménagement.
On voit la magouille, on voit la bonne entente entre les gens qui sont près du pouvoir, qui ont une influence indue.

Autre point intéressant et révélateur, et je cite:

Vers la fin de septembre 1993, T1 T2 Limited Partnership a fait valoir auprès du gouvernement qu'elle avait passé avec des parties non indépendantes. . .
donc des parties dépendantes, des parties qui sont liées au projet, des parties prenantes, monsieur le Président, donc avec des parties non indépendantes.

. . .avant le 7 octobre 1993, dix contrats, dont l'un était apparemment une entente de pilotage conclue avec Matthews Construction. Cette information n'a pas été rendue publique.
Il faut savoir que Matthews est directement concernée. Elle est partie prenante de toute la transaction et est intimement liée aux activités de Paxport. Un peu plus loin, on peut lire ceci:

La privatisation de l'aérogare 3 de l'aéroport Pearson ayant été autorisée, le processus de privatisation des aérogares 1 et 2, qui sont les installations restantes du plus grand aéroport canadien, déroge à l'orientation principale de la politique annoncée par le gouvernement du Canada en 1987.
Et c'est de par cette politique-là que l'offre faite en 1989-1990 par ces mêmes parties intéressées a été refusée par le gouvernement. Le temps et les influences indues ayant fait leur oeuvre, le gouvernement s'est montré drôlement intéressé en 1993, et on sait comment cela a tourné.

Une autre considération très importante du rapport Nixon est celle relative au délai donné aux parties pour soumissionner, et je cite:

Comme la demande de propositions ne comportait qu'une seule phase et obligeait leurs auteurs à entreprendre la définition de projet et à présenter leurs offres, le tout dans un délai de 90 jours. . .
Et on sait que dans cette question de mise de fonds, même s'il s'agit d'un investissement de 700 millions de dollars, on ne donne que 90 jours aux gens pour décider. Je continue à citer:

. . .l'un d'entre eux. . .
Paxport

. . .s'est trouvé fortement avantagé. . .
C'est cela de la magouille, monsieur le Président. Je cite toujours M. Nixon:

. . .à mon avis, du fait qu'il avait déjà fait une proposition pour la privatisation et l'aménagement des aérogares 1 et 2.
C'est pourquoi, monsieur le Président, compte tenu de tout ce qui entoure cette négociation, il s'impose, et on est surpris, premièrement, de voir que le rapport lui-même n'en fasse pas la suggestion, et deuxièmement, que le premier ministre et le Parti libéral, avec toutes ses prétentions de transparence inscrites dans le livre rouge, n'aient pas agi en ce sens. Il s'impose donc qu'il y ait, en cette matière, une commission royale d'enquête pour faire


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toute la lumière sur cet événement scabreux et qui fait la honte, à mon avis, du Canada et de ses institutions.

Je rappellerai à mes amis d'en face que dans le livre rouge libéral, on souligne de maintes façons la nécessité de redonner confiance en le gouvernement par une plus grande transparence. Il y a des faits troublants dans ce dossier faisant en sorte qu'il faille sérieusement remettre en question la transparence du gouvernement libéral et du gouvernement précédent de même que la légitimité de toute décision visant à indemniser les entreprises impliquées. Cette transparence passe par la Loi sur les lobbyistes. Je terminerai donc en citant ce même livre rouge qui traite de la question de la transparence et des lobbies au chapitre 6:

Le capital de confiance des élus auprès des citoyens et citoyennes est de toute première importance. Pour que le gouvernement joue le rôle constructif qui est le sien, tout en étant comptable de ses actions, il faut restaurer l'intégrité de nos institutions politiques.
(1605)

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, au cours de la dernière campagne électorale qui a conduit à la formation de l'actuel Parlement, nos collègues ministériels se sont promenés partout au pays brandissant leur manuel à penser, mieux connu sous le nom de livre rouge. Haranguant les foules avec différentes promesses, nos collègues avaient une affection particulière pour celle qui garantissait à tous les Québécois et Canadiens qu'«un gouvernement libéral restaurerait l'intégrité de nos institutions politiques», livre rouge, chapitre 6.

Or, l'essence même de cette promesse était l'engagement formel de doter le pays d'un gouvernement qui agirait avec plus de transparence, qui ne jouerait pas au chat et à la souris avec les contribuables et dont les représentants gouvernementaux, en prêchant par l'exemple, redonneraient aux citoyens la confiance perdue envers leurs élus. J'ai entendu le premier ministre faire ce genre de déclarations avec le ton solennel qui ne voulait laisser aucun doute dans l'esprit de quiconque: son gouvernement allait faire le ménage dans les moeurs politiques au pays et couperait court à toutes les pratiques douteuses auxquelles nous avaient habitués les conservateurs.

Or, il m'apparaît qu'avec le dossier de privatisation de l'aéroport Pearson, le gouvernement a une occasion rêvée pour donner suite à ses promesses électorales. La mouvance des amis du régime, exercée dans ce dossier, donne au gouvernement un rendez-vous exemplaire pour réaliser ses engagements, qu'il devrait fixer immédiatement. S'il ne le fixe pas, faut-il comprendre qu'il renie ses élans d'intégrité et de transparence érigés en campagne électorale? Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de faire toute la lumière dans ce dossier? Si on a le moindrement de respect pour les contribuables, il faut leur dire comment leur argent est dépensé, il faut leur dire qui prend les décisions et dans quel intérêt. Si on n'est pas d'accord, et avec raison, avec un dossier comme celui de l'aéroport Pearson, il faut dire pourquoi on ne l'est pas. Si on redoute certaines pratiques douteuses, il ne faut pas éviter le sujet.

Au contraire, il faut le regarder bien en face pour éviter dans l'avenir que la complaisance remonte à la surface et que l'on retombe dans les mêmes pièges. Les Québécois et les Canadiens ont le droit de savoir ces choses, pas juste un peu en refusant d'en parler et en se sauvant en vitesse devant ses responsabilités en forçant l'adoption du projet de loi C-22. Il faut faire toute la lumière, par une véritable commission d'enquête et laisser à cette Chambre, après enquête, le soin d'évaluer s'il y a matière à compensation ou non.

J'interviens dans ce sens parce qu'il faut, en tant que parlementaire, dénoncer les agissements de certains intervenants de la classe politique de ce pays. Plus particulièrement, il faut dénoncer les pratiques quasi incestueuses qui font partie de la culture d'individus qui, quotidiennement, tentent d'influencer les décisions gouvernementales.

Utilisant tous les leviers mis à leur disposition, des amitiés d'enfance aux services rendus, en passant par l'organisation électorale et le financement des partis politiques, ces personnes contribuent à troquer l'intérêt public pour le bien privé et, tristement, contribuent à reléguer au second plan le rôle des parlementaires ayant en poche un mandat de leurs électeurs et électrices. C'est donc sur cet arrière-goût amer que draine le projet de loi C-22 que j'interviens, l'aspect nébuleux du dossier de privatisation de l'aéroport Pearson où semblent s'être mêlés lobbyistes, politiciens, anciens hauts fonctionnaires et amis du régime.

Le dossier de l'aéroport Pearson mérite qu'on s'y attarde au-delà du projet de loi C-22. Le gouvernement fait fausse route en refusant de faire toute la lumière sur le dossier. En se contentant de presser le couvercle sur la marmite tout en permettant, par l'article 10, l'écoulement de généreuses compensations qu'il veut fixer à la cachette, à sa discrétion, sans consulter les parlementaires, le gouvernement livrerait-il au peuple canadien et québécois ses vraies couleurs lorsqu'il discourait à l'intérieur du livre rouge sur un code d'éthique et de lobbyisme? Le puissant lobby qui l'entoure l'aurait-il déjà fait changer d'avis? Si tel n'est pas le cas, et je l'espère, le gouvernement a devant lui le dossier tout désigné pour lui permettre de démontrer sa bonne volonté, d'indiquer une nouvelle marche à suivre dans la conduite des affaires de l'État et, surtout de redonner à nos concitoyens et concitoyennes un minimum de confiance envers la classe politique qui les dirige.

(1610)

Au moment où tous les sondages et toutes les enquêtes d'opinions s'alignent au concensus de la méfiance et du peu de considération de la part des citoyens envers leurs dirigeants politiques, ne vaut-il pas la peine d'affronter les vieux démons qui hantent les officines gouvernementales et de donner au peuple ce qu'il réclame: l'heure juste, la transparence, la simple mais bonne vérité? Le dossier Pearson est tout indiqué pour cet exercice et je suis assurée qu'à l'intérieur d'un vote libre, la conscience


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de chaque parlementaire irait dans ce sens, celui de la lumière, de la légitimité parlementaire et des ambitions contenues.

Le gouvernement a le devoir de tenir une enquête publique sur le dossier de la privatisation de l'aéroport Pearson. S'il refuse de le faire, ce sera qu'il abdique ses responsabilités, ce sera qu'il renonce à ses engagements électoraux, ce sera qu'il absout les pratiques des Conservateurs pour mieux en faire les siennes. En clair, il ne fera que changer quelques invités autour de l'assiette au beurre et le tour sera joué.

Un petit peu d'histoire, monsieur le Président. Comme l'indiquait M. Nixon dans son rapport, le dossier de la privatisation de l'aéroport Pearson est un exemple patent de manipulation politique, d'irrégularités, somme toute de magouillage. De là l'importance, si on n'a rien soi-même à cacher ou à protéger, d'étudier à fond tout ce dossier pour qu'il serve d'exemple et fasse en sorte qu'une telle situation ne se reproduise plus.

En 1987, lorsque le gouvernement fédéral a promulgué une nouvelle politique de gestion des aéroports canadiens, il le faisait principalement afin d'impliquer les administrations locales dans les affaires et le développement des sites aéroportuaires. Ce fut le cas pour Vancouver et Montréal, entre autres, où des sociétés sans but lucratif administrent les installations aéroportuaires. À Toronto, ce fut différent, bien différent. Peut-être est-ce le fait que l'aéroport Pearson était le plus rentable au Canada? Dans ce monde du sacro-saint libéralisme économique, pourquoi laisser au gouvernement un dossier rentable alors qu'il y a tant d'autres dossiers, non rentables, à sa portée?

Loin de favoriser l'intérêt public, la transaction s'effectue en pleine campagne électorale au profit des deux seules compagnies soumissionnaires, jadis concurrentes, maintenant réunies pour faire la noce. Paxport Inc. dont la candidature avait été retenue par le gouvernement sans aucune analyse financière préalable, s'avère incapable d'amasser les fonds nécessaires pour effectuer la transaction des aérogares 1 et 2. Paxport Inc. s'allie à Claridge Inc. qui contrôle déjà, via Pearson Development Corporation, le terminal numéro 3. Cette alliance se fige dans T1 T2 Partnership. Et voilà, le tour est joué! Pearson, aéroport très rentable, se trouve privatisé au complet aux mains d'un même groupe.

Pour les membres de l'opposition officielle, il ne s'agit pas ici de vouloir faire une chasse aux sorcières ou de redonner vie aux règles de la «grande inquisition». Nous voulons simplement que lumière soit faite pour régulariser des types de pratiques douteuses qui ne devraient pas avoir cours dans notre système parlementaire.

Lorsqu'on analyse les faits troublants soulevés par le rapport Nixon, on ne peut se contenter, comme le fait le gouvernement, de balayer le dossier sous le tapis avec son projet de loi C-22.

M. Nixon parle de manipulation politique dans son rapport, ce qui est un grave constat. Allons-nous continuer dans le même sens en remettant au ministre, sous le couvercle de l'article 10, un chèque en blanc pour le paiement d'indemnisations, et cela à sa discrétion? Le rapport Nixon nous indique que des financiers-contribuables-lobbyistes ont essayé de nous rouler dans ce projet, nous tous contribuables québécois et canadiens; allons-nous les aider à le faire encore davantage? allons-nous les aider à le faire encore davantage?

(1615)

Non, monsieur le Président, le contribuable a déjà trop payé, et de plus, il doit savoir pourquoi. Aussi faut-il rejeter le projet de loi C-22 et procéder rapidement à une Commission royale d'enquête.

[Traduction]

M. Szabo: Monsieur le Président, après plusieurs mois, je peux enfin invoquer le Règlement sur le fait que des députés du Bloc québécois parlent parfois du Canada et du Québec comme s'il s'agissait d'entités distinctes.

En toute justice, je dois dire que je comprends le désir du Bloc de séparer le Québec du Canada. Par contre, les députés n'ont pas le droit de communiquer à la Chambre de l'information qu'ils savent erronée ou qui risque d'être trompeuse, d'une façon ou d'une autre.

Je demande donc simplement à la présidence de bien vouloir rendre une décision à savoir si le Québec fait effectivement partie du Canada dans l'état actuel des choses, et si le langage de la députée ne serait pas inacceptable à la Chambre.

[Français]

M. Duceppe: Sur le même recours au Règlement, monsieur le Président. Si vous devez vous prononcer sur cette question, j'aimerais qu'en même temps vous nous indiquiez comment se comporter, quels mots utiliser en Chambre, parce que, a contrario, le fait de mentionner le Canada et le Québec, si c'est incorrect, est-ce à dire, monsieur le Président, qu'en cette Chambre on ne peut plus employer le terme Québec? Si c'est cela, qu'on nous le dise franchement. Si c'est le voeu de mon honorable collègue que l'on ne parle plus du Québec en cette Chambre, qu'il nous le dise clairement. Je ne dis pas qu'on va changer, mais je dis au moins qu'on va savoir ce qu'il pense.

Le vice-président: Alors, je dois protéger ma réponse dans les deux langues.

[Traduction]

C'est absolument évident qu'on peut parler à la Chambre de l'Alberta et du Canada, ou du Québec et du Canada. Personne, du moins certainement pas le Président, n'interdira jamais à un député d'utiliser le langage qu'il souhaite utiliser à la Chambre.

[Français]

Alors, c'est une question de débat et je respecte la sincérité de ce député de faire le poids, mais je pense qu'il n'y a rien de plus clair dans cette Chambre qu'on a le droit d'utiliser le terme qu'on a utilisé dans ce Parlement.

M. Paul Mercier (Blainville-Deux-Montagnes): Monsieur le Président, le projet de loi C-22 s'inscrit dans un jeu de balançoire auquel nos gouvernements successifs nous ont habitués. Les conservateurs privatisent, les libéraux déprivatisent. Chaque étape coûte des sous au Trésor et permet l'arrosage de


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quelques amis. Le texte qui nous est soumis nous apprend que le tuyau d'arrosage sera confié au ministre des Transports, mais ne nous éclaire pas sur le mode de gestion que le gouvernement prévoit pour l'aéroport Pearson. Va-t-il le confier à une administration locale? À une société de la Couronne? Au ministère des Transports? Mystère.

Sans vouloir me prononcer là-dessus, je puis témoigner que la gestion des aéroports de Montréal par une administration locale donne satisfaction. «Aéroport de Montréal» c'est son nom-c'est le nom de la corporation-qui a pris en main la gestion de Dorval et de Mirabel en 1989.

À l'origine de cette structure, on trouve la société de promotion des aéroports de Montréal (SOPRAM). Cet organisme consultatif créé en 1987 est composé de 21 membres, issus de sept organismes représentatifs du milieu, tels que les Villes et les Chambres de commerce. Chaque organisme délègue un élu, un permanent et une personne appartenant au monde des affaires. Ces gens d'affaires, au nombre de sept par conséquent, composent le Conseil d'administration.

À titre d'exemple, parmi les sept organismes représentés, on trouve la Corporation de promotion à Mirabel la COPAM, qui représente les intérêts de la région au nord de la Rivière des Milles-îles, où se trouve mon comté. La COPAM elle-même est composée de représentants de Corporations de développement, de Chambres de commerce, d'élus municipaux etc. . . Ainsi, la corporation «Aéroport de Montréal», qu'on appelle ADM, est enfin le sommet, la tête dirigeante d'une pyramide dont la base inclut largement tous les décideurs et agents de développement du milieu. Cette structure originale assure la parfaite représentativité du conseil d'administration et garantit l'intégration du développement régional dans les objectifs de l'organisme.

(1620)

La gestion d'aéroports par une administration locale existe aussi à Vancouver et à Calgary. De bons esprits sont d'avis que la formule pourrait également être appliquée à des ports, et notamment au port de Montréal.

ADM doit composer avec le handicap majeur dont souffrent les deux aéroports de Montréal, Dorval et Mirabel. Il n'existe pas de lien rapide entre eux pour assurer le transfert des passagers et du fret. L'autoroute 13, qui est censée les relier, n'a jamais été terminée. Il manque 23 kilomètres.

En mars 1988, Québec et Ottawa s'étaient pourtant entendus pour en assurer à frais partagés le parachèvement. C'était 78 millions à l'époque. Et ce n'est pas sans nostalgie que j'ai relu hier un article paru à l'époque dans la Voix des Mille-Îles, un journal de la région.

Je cite:

Tous les députés de la région se sont réjoui en choeur, de ce déblocage, qui aura sans nul doute d'heureuses implications au niveau de l'économie régionale.
Je cesse la citation de cet article de 1988. D'ailleurs, depuis lors, monsieur le Président, rien ne s'est passé, absolument rien. On continue à mettre 40 minutes de Dorval à Mirabel, en passant par quatre routes et autoroutes différentes. C'est ce que les humoristes appellent le fédéralisme rentable.

Eh bien, en dépit de ce handicap, ADM a réalisé l'an passé un profit net qui, prévoit-on, devrait être de l'ordre de 25 millions de dollars. Les emplois concernés, directement ou indirectement, sont au nombre de 43 000. Les retombées économiques sont de 2,73 milliards de dollars.

Épaulé sur ce pilier, et en dépit de la récession, le dynamisme régional a permis l'implantation récente de nouvelles industries, et donc la création de nouveaux emplois. Ce résultat est absolument remarquable dans le contexte de morosité économique que l'on connaît. Parmi ces industries nouvelles, je citerai d'abord les grillages BOLAR Inc., dont le président M. Lazare, cite explicitement l'aéroport international de Mirabel parmi les facteurs qui l'ont décidé à s'installer dans le parc industriel de Blainville, à quelques minutes de Mirabel.

Bien entendu, les industries directement liées au transport aérien ont intérêt à s'installer près d'un grand aéroport. C'est ainsi que tout récemment Aerospace Welding, spécialiste dans la fabrication de pièces de moteurs et de systèmes d'échappement, de même qu'Air Transat qui est bien connue, se sont également istallées dans mon comté à proximité de Mirabel.

Les industries de pointe, clés de l'avenir, et dont les produits ne sont pas pondéreux, recherchent aussi le voisinage des aéroports bien gérés. Ainsi Dowty Aerospace à Mirabel même fabrique du matériel électronique. DLGL, nouvellement installé à Blainville, crée des logiciels pour la gestion des ressources humaines. Teknor fabrique à Boisbriand des composantes d'ordinateur. Multimeg fait toujours à Broisbriand des contrôles électroniques. À Saint-Eustache, Électromed fabrique des générateurs de rayons-X pour les hôpitaux de Paris et de Strasbourg. À Saint-Eustache également s'est installée la firme TRITON qui fabrique du matériel électronique.

D'autres industries largement exportatrices viennent de s'installer tout récemment. Par exemple, la firme Lumec à Boisbriand qui assemble des appareils d'éclairage vend à l'étranger sa plus grande partie de production. On n'en finirait pas d'énumérer les industries nouvelles qui, sous l'impulsion des sociétés de développement, des commissions industries, des municipalités, choisissent notre région pour s'installer à cause de ses atouts exceptionnels, au premier rang desquels figure l'aéroport Mirabel-Dorval.

Mais un aéroport international s'inscrit dans un réseau et son développement donc celui de la région dépend de la politique des voies aériennes du gouvernement. Or, à ce propos, nous ne sommes pas gâtés.


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Peut-on espérer qu'une fois ses comptes réglés avec les conservateurs, le gouvernement songera à doter le pays enfin d'une telle politique aérienne?

(1625)

Les étrangers, eux, n'ont pas attendu. Conscients de l'importance grandissante de la qualité du réseau aérien d'un pays dans sa capacité concurrentielle, les États-Unis ont entrepris de se doter de super-aéroports. En Europe, pour ne citer qu'un exemple, l'aéroport hollandais de Schipol va connaître un développement absolument spectaculaire de ses structures, lui permettant de prendre place parmi les tout grands carrefours aériens de la planète. Pendant ce temps, nous discutons tranquillement de déprivatisation.

Cette consternante absence de vision du gouvernement, son obstination à demeurer au ras des pâquerettes dans l'élaboration de ses politiques, nous la retrouvons dans le transport ferroviaire. L'Angleterre et la France fêtent ces jours-ci, dans l'euphorie, l'inauguration du tunnel ferroviaire qui les relie. L'Angleterre et la Belgique entreprennent la mise en chantier des TGV qui les relieront à ce tunnel. Aux États-Unis, Amtrak se rééquipe et quatre TGV sont à l'étude ou en construction. Et nous, pendant ce temps?

Notre gouvernement se penche avec sollicitude sur la xième étude concernant le TGV Québec-Windsor, susceptible de créer 120 000 emplois pendant des années. La mesure de son audace créatrice est donnée par son Programme des infrastructures, nécesssaire certe, mais qui ne risque pas d'inscrire le Canada parmi les états performants et imaginatifs de cette fin de siècle.

Le projet de loi C-22 s'inscrit on ne peut mieux dans cette politique affairiste, sans grandeur et sans vision, qui est la marque de ce gouvernement. Je m'opposerai à ce projet.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, j'avais commencé à faire l'historique de l'affaire Pearson, lors du débat sur le sous-amendement. Je n'avais pas eu le temps de terminer, donc je vais profiter de ce débat sur l'amendement pour continuer cet historique de l'affaire Pearson.

On demande, nous, une commission royale d'enquête, et je pense que nul autre que Robert Nixon ne peut mieux nous expliquer pourquoi il nous faut demander une telle commission. M. Nixon nous dit, et je le cite:

Mon examen m'a mené à une seule conclusion. Valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable.
On ne peut parler plus clairement que cela, surtout quand on voit que la manipulation politique ne provient pas de partisans d'un seul parti. Il y avait deux couleurs, dans cette manipulation-là, il y a eu de la manipulation bleue et de la rouge.

Avec de pareils propos, ceux de M. Nixon, on ne peut justifier d'indemniser des gens qui ont tenté de profiter de ces irrégularités sans d'abord offrir un réel éclairage sur toute l'affaire, justement par une commission royale d'enquête.

Et je cite toujours M. Nixon, parce qu'il a fait une enquête, sans toutefois se donner les moyens d'intervenir en bout de ligne. Il nous dit:

La non-divulgation de l'identité complète des parties à cet accord et d'autres importantes dispositions du contrat éveillent inévitablement la méfiance du public.
Pas chez nos amis d'en face, mais en général. Et M. Nixon continue en disant

À mon avis, quand le gouvernement du Canada propose de privatiser un bien public, la transparence devrait être de mise. le public devrait avoir le droit de connaître tous les détails de l'accord.
C'est à la page 11 du rapport Nixon. C'est pour cette raison que l'on demande, justement, qu'il y ait une commission permettant de connaître tous ces détails.

Le ministre des Transports, au début de son mandat, à peine nommé, en novembre 1993, nous dit qu'il songe à mettre sur pied une commission royale d'enquête sur la privatisation de l'aéroport Pearson. Mais le ministre des Transports n'a fait que songer. Il n'a pas pris de décision, il s'est rallié, suite à des conseils de son parti, à la suite de discussions, j'imagine, avec des collègues plus expérimentés, qui ont été ministres plus longtemps par le passé, qui lui ont sûrement dit qu'il ne fallait pas trop songer, quand on est ministre et quant à agir, il faut savoir agir du bon bord, donc ne pas prendre de décisions qui pouvaient révéler des faits incriminants pour certains partisans de caisses électorales occultes.

Il faut même revenir en 1986. Le ministre des Transports d'alors, M. Don Mazankowski, avait mis sur pied un task force pour évaluer les alternatives à la gestion de l'aéroport Pearson. Le rapport émis en 1986 nous dit, et je cite:

(1630)

[Traduction]

«Une administration du secteur privé ne permettrait pas assez sûrement d'atteindre l'objectif premier, qui est de renforcer les liens entre l'aéroport et l'économie locale. Le groupe de travail ne considère pas l'idée d'avoir recours à l'entreprise privée comme une solution réalisable.»

[Français]

Le groupe rejette l'alternative «secteur privé» pour gérer l'aéroport. Comment expliquer que le gouvernement conservateur d'alors, à la veille de la tenue des élections, pendant la campagne électorale, nous disent que maintenant il y a un accord. L'aéroport Pearson sera privatisée.


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On est pris maintenant avec cette décision irréfléchie, dénoncée par les libéraux du temps de l'opposition, qui voulaient faire toute la lumière sur la question. Ils sont prêts, semble-t-il, à faire une partie de la lumière, mais pas toute la lumière. C'est ce qu'on demande, on est fidèles aux engagements des libéraux du temps de la campagne, ce n'est pas si loin.

Un an après le rapport du groupe de travail en 1986, le gouvernement conservateur va de l'avant avec les premiers appels d'offres concernant le terminal 3 de l'aéroport Pearson. Le rapport avait dit de ne pas le faire, mais on y va. Les documents internes, remis en août dernier à la première ministre d'alors, Mme Campbell, faisaient état des risques reliés à la transaction, plus particulièrement la hausse des droits pour les transporteurs et que cela pourrait faire en sorte que les contribuables subissent des pertes de revenus importantes.

Parmi ces documents, des conseillers juridiques soulignent qu'on ne sait pas qui forme exactement le partnership en question. Il est troublant que le gouvernement fédéral aille de l'avant avec une privatisation dont il ne connaît pas tous les paramètres. C'est encore plus troublant de voir que le gouvernement qui dénonçait cette situation à l'époque, alors qu'il formait l'opposition, refuse aujourd'hui de faire toute la lumière sur la situation.

En septembre 1990, le gouvernement fédéral annonce qu'il privatise les terminaux 1 et 2 de l'aéroport Pearson, alors même que la fonction publique négocie la mise en place d'instances publiques pour gérer les aéroports un peu partout au Canada, comme ce fut le cas à Montréal. Après l'ouverture du terminal 3, les bureaucrates se rendent compte que l'aéroport est à moitié vide et concluent que non seulement la privatisation des terminaux 1 et 2 était questionnable, mais encore que tout projet d'expansion était tout, sauf pressant.

Ce qui n'est pas nécessairement pressant en temps normal, peut le devenir à la veille d'une élection quand des gens ont contribué à des caisses électorales. J'imagine que c'est devenu très pressant quand les conservateurs se sont aperçu qu'ils ne seraient plus de ce côté-là de la Chambre, bien qu'ils ne pensaient pas qu'ils ne seraient plus de ce côté-ci de la Chambre non plus.

Or, des hauts fonctionnaires ont utilisé, à ce moment-là, leurs contacts afin de favoriser une option. C'est ce que des spécialistes en matière de lobbying appellent la porte tournante: des fonctionnaires sortent de la fonction publique pour vendre leurs relations et leurs contacts. Je pense à M. Ramsay Witers. Il y a un code d'éthique qui devrait être émis, cela a aussi été promis dans le livre rouge. On a appris très peu de choses depuis ce temps. C'est pour ça que nous voulons une enquête plus poussée que celle de M. Robert Nixon.

M. Nixon, rappelons-le, ne possédait aucun pouvoir d'ordonner la production de documents. C'est important des documents. On nous a dit dans le cas de Ginn Publishing qu'il y avait des documents alliés à des ententes orales qui ont laissé des traces, pour reprendre les mots du ministre du Patrimoine, et que dans ce contrat on révèlerait des discussions du Cabinet d'alors. C'est très surprenant qu'un contrat reprenne des discussions du Cabinet, mais c'est ce qu'on nous a dit.

M. Nixon n'avait pas le pouvoir de contraindre certaines personnes à comparaître devant lui et à témoigner, de sorte que les malversations auxquelles il a conclu pourraient être beaucoup plus graves que celles qu'il présume avoir été réalisées. C'est pour ça qu'on pense qu'il y a urgence à avoir une commission royale d'enquête. Comment expliquer, de plus, tout le secret entourant les négociations par Bob Wright alors que le premier ministre avait promis de faire toute la lumière sur cette affaire? Est-ce que les libéraux ont des choses à cacher? S'ils n'en ont pas, il y a un moyen très simple de ne pas prêter flan à une telle accusation: c'est de rendre publics tous les faits. Il faut mettre sur pied une commission royale d'enquête et là, on saura qu'effectivement, ils étaient déterminés à faire toute la lumière, qu'ils veulent en finir avec le lobbying, pas tout le lobbying, mais avec les lobbyistes peu scrupuleux dont on retrouve les noms, par la suite, dans les compagnies qui souscrivent aux deux caisses électorales.

(1635)

Monsieur le Président, vous me faites signe qu'il ne me reste que deux minutes. Je vais sauter quelques étapes pour en venir au premier ministre qui avait promis, durant la campagne électorale, une révision indépendante de la transaction de Pearson. Malgré toutes les qualités qu'on peut accorder à M. Robert Nixon, il n'avait pas de pouvoir, d'une part et, d'autre part, il était un militant libéral connu, proche de l'actuel gouvernement. Il y a des libéraux qui sont mêlés à l'affaire, très clairement, on connaît les noms, on les a vus. Parce que, vous savez, des transactions du genre, il n'y a pas un entrepreneur qui ose les faire sans s'assurer qu'il y a du monde des deux bords. Or, c'est exactement ce qui s'est passé dans le cas de l'aéroport Pearson.

Quand on réalise que M. Chern Heed, qui occupait le poste de directeur général de Pearson International depuis 1987, nous dit que son départ n'est pas étranger à la privatisation de Pearson, c'est troublant également. Je me rappelle aussi avoir lu dans The Ottawa Citizen qu'on se demandait pourquoi le premier ministre Chrétien était resté muet quant au plan de privatisation de Pearson, au début de la campagne électorale, alors que, trois semaines plus tard, après que les détails eurent été connus, il a dit: «Je vais intervenir.» Est-ce que c'est une coïncidence que le premier ministre ait attendu que l'accord soit signé avant d'intervenir sur cette question?

Est-ce une autre coïncidence que le ministre de Transports d'alors, Jean Corbeil, attende au début d'octobre, au moment du débat des chefs, pour conclure l'entente? Est-ce une troisième coïncidence qu'on refuse aujourd'hui de faire la lumière sur cette question? Cela fait bien des coïncidences dans un même dossier! Et ça fait plusieurs dossiers qui ont des coïncidences semblables.

Il aura des coïncidences semblables tant qu'on aura une loi qui restera permissive quant à l'action des lobbyistes et tant qu'on n'aura pas de loi électorale quant au financement démocratique des partis politiques. Tant qu'il n'y aura pas de loi ici comme on en a une à Québec, on va être soumis à toutes sortes de transactions du genre, toutes sortes de poutines irrégulières.


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M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau): Monsieur le Président, le lobbying a fait réellement partie du processus décisionnel fédéral vers le début des années 1980. Au Canada, les lobbyistes ont surtout exercé leur influence auprès de l'administration et de l'exécutif. Avant, il n'existait aucune loi au Canada réglementant l'enregistrement des lobbyistes et l'intérêt public n'était pas sauvegardé.

En 1986, un comité permanent des élections, des privilèges et de la procédure était créé afin d'étudier la question des lobbyistes. Certains témoins, lors des auditions devant ce comité, prétendaient que le Parlement n'avait aucune raison d'étudier la question. Ils estimaient que l'obligation de divulguer des renseignements porterait atteinte au caractère privé des renseignements personnels.

Sous le gouvernement du Parti conservateur, l'élaboration d'une loi énonçant les principes directeurs d'un système d'enregistrement des lobbyistes fut entrepris. Son fondement fut le projet de loi C-82 intitulé aujourd'hui Loi sur l'enregistrement des lobbyistes-ci-après le projet de loi C-44-sanctionnée le 13 septembre 1988 et en vigueur le 30 septembre 1989. Cette loi fut par la suite amendée par le projet de loi C-76 adopté le 22 février 1993.

La définition d'un vrai lobbyiste varie d'un pays à l'autre. Cependant, le principe de base le plus important demeure la transparence. Le public doit être informé afin de permettre que la démocratie se développe et prospère. En Australie, le lobbyiste est défini de façon sommaire. Le terme lobbyiste désigne toute personne ou entreprise qui reçoit des avantages financiers ou autres d'un client dans le cadre de négociations avec les ministres et les représentants du gouvernement du Commonwealth. Au Canada, on peut définir le lobbyiste comme une personne, ou une société qui, contre rémunération ou autres avantages, représente un client auprès des ministres et des fonctionnaires.

(1640)

Avant de vous entretenir de la transaction scandaleuse de l'aéroport Pearson, je vous présenterai un bref historique sur les événements survenus lors de l'expropriation des territoires de Mirabel, au Québec. Cette magnifique région fait d'ailleurs partie de ma circonscription, le comté d'Argenteuil-Papineau.

Le 27 mars 1969, le gouvernement fédéral annonçait publiquement son intention de construire le nouvel aéroport international de Montréal, connu subséquemment sous le nom de Mirabel. C'était dans le village de Sainte-Scholastique. Le 27 mars 1985, 16 ans plus tard, les cloches de l'église de Sainte-Scholastique sonnaient afin d'annoncer qu'une entente était signée entre les expropriés de Mirabel et le gouvernement canadien. Cette entente remettait aux agriculteurs et aux propriétaires une partie importante du territoire dont ils avaient été injustement dépouillés. Il s'agissait de la rétrocession de quelque 80 000 des 97 000 acres de terrain exproprié. Je faisais partie de ces citoyens injustement dépouillés.

Monseigneur Charles Valois, évêque de Saint-Jérôme, déclarait en 1988: «Les habitants de 11 villages, touchés par l'expropriation de Mirabel, ont connu eux aussi l'exil. Plusieurs sont partis sous une presssion aussi injuste qu'à courte vue; d'autres sont devenus des étrangers sur les terres que leurs ancêtres avaient arrachées à la forêt. Ceux qui les avaient expropriés pensaient qu'ils étaient pour se soumettre comme agneaux qu'on mène à l'abattoir. Ils avaient méconnu les racines profondes qui retenaient au sol ces hommes et ces femmes du terroir.»

On a détruit sans scrupule leurs maisons ancestrales. On a brûlé, parfois devant eux, leurs fermes et bâtiments pour les reloger en milieu urbain. Certains de ces agriculteurs se retrouvaient soudainement sans travail et sans avenir.

Cette décision, sous le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau nous rappelle le rôle des lobbyistes de l'époque. Les agriculteurs ne sont pas devenus riches et heureux suite à cette expropriation. Seuls les bailleurs de fonds et amis du gouvernement ont réellement bénéficié des avantages de cette expropriation comme dans l'affaire de la transaction de l'aéroport Pearson qui nous concerne présentement.

À cette époque, le Conseil régional de développement des Laurentides avait choisi l'option d'une consolidation des vols à Mirabel et ceux de courte distance à Dorval. Il soutenait que cette position avait été prise afin de favoriser l'intérêt économique de la grande région de Montréal plutôt que les intérêts individuels et locaux.

De plus, le Sommet socio-économique des Laurentides, au cours de la même époque, avait déjà pris position en faveur de Mirabel comme principal aéroport de Montréal, alléguant que cette option permettrait à Mirabel de jouer pleinement son rôle d'aéroport international et d'avoir les interconnexions nécessaires sur les réseaux domestiques et transfrontaliers.

Si l'aéroport de Mirabel a été une des pires erreurs de planification du gouvernement Trudeau, on ne corrige pas une erreur en en créant une nouvelle.

Toute une région, celle des Basses-Laurentides, profite des retombées économiques de l'aéroport: fermer l'aéroport de Mirabel au profit de l'aéroport de Dorval, c'est faire de cette région de Lachute et Mirabel, déjà atteinte par un haut taux de chômage, une nouvelle zone dont le développemenmt sera de plus en plus défavorisé. Une façon, entre autres, de favoriser le développement de Mirabel serait de construire les routes 13 et 50. Mais il semble que les deux paliers de gouvernement n'en voient pas encore la nécessité.

Aujourd'hui, l'Association des aéroports de Montréal, qu'on appelle ADM, entreprend une stratégie de développement en proposant d'effectuer des travaux tels le réaménagement des espaces publics et des aires commerciales de la mezzanine; l'entretien préventif des installations; l'amélioration des accès et la révision du mode d'exploitation. D'ailleurs de grands panneaux publicitaires érigés sur le site de l'aéroport annoncent des travaux de l'ordre de 150 millions de dollars. Il est clair que la transparence n'existait pas lors de l'inauguration de l'aéroport de Mirabel et elle n'existait pas plus lors de la transaction de l'aéroport Pearson.

(1645)

Ceci m'amène inévitablement à vous parler, par le concept de transparence, de la question du financement des partis politiques. D'ailleurs, mon collègue de Richelieu déposait, le 18 mars dernier, à la Chambre des communes, une motion à cet effet restreignant la contribution des particuliers à 5 000 $ annuellement. Cette motion nous rappelle qui sont nos véritables patrons. Ce sont les électeurs et les électrices. Il citait entre autres:


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«Certains pourraient croire que les mesures actuelles sont suffisantes pour limiter les abus d'influence et qu'il n'est pas nécessaire de réglementer le plafonnement des dons. Or, les accusations portées au cours des dix dernières années, contre des membres du Sénat et de la Chambre des communes relativement au trafic d'influence tendent à prouver le contraire.»

Les électeurs et électrices doivent reprendre le contrôle de notre système électoral. La législation québécoise est un modèle sous tous les aspects du système électoral. Il faut dévoiler les sources et le montant des contributions. De plus, la recommandation d'un code d'éthique pour les élus et les dirigeants est primordial pour permettre la transparence.

Dans l'affaire de la transaction scandaleuse de l'aéroport Pearson, les acteurs furent nombreux et il est inutile de les renommer puisque leurs noms ont fait heureusement la manchette. D'ailleurs, l'enquêteur du premier ministre Jean Chrétien, Robert Nixon, recommandait lui-même l'annulation du contrat.

À la lumière de tous ces faits troublants dans l'affaire Pearson et de toute cette magouille, il est nécessaire de demander au premier ministre une commission royale d'enquête sur les agissements de ces lobbyistes.

Le vice-président: Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera au moment de l'ajournement ce soir, à savoir: l'honorable députée de Québec-L'équité salariale; l'honorable député de Saskatoon-Clark's Crossing-Les programmes sociaux; l'honorable députée de Mercier-L'assurance-chômage; l'honorable député de Regina-Lumsden-Le projet de loi C-91; et l'honorable député de Saint-Jean-Les affaires indiennes.

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, mes compagnes et compagnons du Bloc québécois ont tenté de démontrer avec le seul outil qui leur était accessible, soit le rapport Nixon, que ce que l'on peut qualifier d'affaire Lester B. Pearson était en fait une aventure financière concoctée par les plus acharnés des amis du régime au pouvoir comme du précédent. «L'argent n'a pas d'odeur»; nous avons tous entendu plus d'une fois cette maxime aussi vieille que les Partis libéral et progressiste-conservateur. J'ajouterais même qu'il n'a pas de couleur.

Des choses se passent sans que personne d'en face ou presque ne se questionne, parce que faisant partie de la tradition politique. À patauger dans le nauséabond, on finit par ne plus rien sentir.

Quand je dis que l'argent n'a pas de couleur, je me réfère au fait que quelques-uns de nos plus riches hommes d'affaires canadiens se sont fait prendre à jouer sur les deux tableaux de l'échiquier politique fédéral, bleus et rouges, au grand dam des libéraux qui croyaient à l'exclusivité de leur audience auprès de ces mécènes partisans.

Les noms de très hauts fonctionnaires et politiciens ont été nommés plus d'une fois comme étant des acteurs importants, sinon déterminants de la bévue monumentale que fut l'épisode de l'aéroport Pearson. Inutile de tourner davantage le couteau dans les plaies libérales en mentionnant des noms comme ceux des Metcalfe, Withers, Hession et Kolber, gens bien nichés et célèbres qui ont utilisé à leurs propres fins l'expérience qu'ils ont acquise en cumulant des fonctions pourtant hautement rétribuées.

(1650)

Les valeurs de notre société ont été passablement perturbées depuis quelques décennies; les hommes sont plus estimés en fonction de l'épaisseur de leur portefeuille que de leurs valeurs morales.

Les moeurs politiques canadiennes sont telles que l'estime persiste à travers les plus scabreuses et scandaleuses tentatives de rouler l'État, aidées en cela par l'impunité la plus éhontée. La prise du pouvoir est-elle devenue un jeu de chaises musicales où sans autres formes de procès, le jeu consiste à prendre la place du précédent joueur en poursuivant dans le même esprit, en procédant de la même manière et au bénéfice des mêmes mentors?

Existe-t-il une règle non écrite qui stipulerait qu'on se passe le pouvoir sans s'accabler, entre anciens et nouveaux tenants, du cordon de la bourse? N'y a-t-il rien pour choquer le parti au pouvoir, aucun tressaillement quand son propre enquêteur, M. Nixon, fait part de faits bizarres, d'interventions officieuses souterraines, acteurs masqués, auteurs anonymes. Ce rapport aurait dû à lui seul éveiller les pires appréhensions.

Les millions de dollars volent et tombent au hasard dans les poches des plus grands amis du régime. Encore là, personne de froissé, pas d'inquiétude de quiconque, ça fait partie du jeu, c'est tout.

Combien de notre dette nationale ne s'est-elle pas retrouvée par hasard dans les coffres des amis du régime? Dormez tranquilles, libéraux, Statistique Canada, le Conference Board, le Conseil du patronat du Québec ou d'ailleurs, ne sont pas intéressés à compiler de telles statistiques, notre société n'en est pas rendue là.

Notre société et nos partis politiques ne sont même pas sensibles au fait que de hauts fonctionnaires ou d'anciens ministres exploitent à leur profit personnel une expertise acquise aux frais des contribuables, après avoir, dans la plupart des cas, reçu des primes de séparation substantielles en plus de la traditionnelle montre en or et de la fête d'adieu.

Adieu de courte durée s'il en est. Sitôt rendus en bas de la côte, au pied de la Colline parlementaire, ces gens qui ont participé aux caucus des partis politiques, connaissant les tendances des uns, les faiblesses des autres, les néants juridiques, les pièges à contourner, ceux à enclencher, ces gens, dis-je, monnayent encore leurs connaissances qui devraient pourtant appartenir à la collectivité canadienne.

Le moyen le plus sûr d'empêcher ces jeux de coulisses est, et ceci vient de la bouche du ministre des Transports lui-même, d'interdire toute déduction fiscale pour frais de lobby ou de démarchage.

Quand notre société ne trouve rien à redire, peut-on blâmer nos dirigeants de ne pas s'en formaliser? Oui, et l'opposition ne fera pas faux bond à son mandat. Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas; les libéraux en ont que le peuple ignore, des raisons que l'État n'a aucune raison d'avoir, cela devient


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alors compliqué et c'est cela qu'ils veulent, nous décourager de chercher et laisser cette Chambre dans le doute.

De bonne foi, près de la moitié des parlementaires réunis en cette Chambre, devant une pièce législative frisant l'indécence politique pour ne pas dire la «pornographie législative», devant ce qui leur semble monstrueux comme approche d'achat de la paix, près de la moitié des parlementaires de cette Chambre, dis-je, ont voulu, comme c'est le mandat qu'ils ont reçu de leurs commettants, savoir, étudier et comprendre les raisons d'être de ce projet de loi, le correctif qu'il tentait d'apporter et, si correctif s'imposait, pourquoi?

Il est difficile de comprendre l'obstination stoïque du gouvernement devant ce qui semble, et il est permis de le penser, être la plus belle tentative de détournement de fonds publics depuis nombre de décennies.

Il n'est pas dans les visées de l'opposition officielle ni de celles du Parti réformiste de ternir des réputations, de chasser des sorcières, de blâmer des gens agissant de bonne foi, non. C'est la réticence du gouvernement à donner suite à des interrogations légitimes qui suscite la plus haute suspicion dans ce dossier.

L'acharnement du parti au pouvoir à lever épée et bouclier à la moindre question risquant d'embêter l'un ou l'autre des acteurs de ce sordide épisode, la défense comme la lionne pour ses lionceaux, non seulement suscite la perplexité, mais aussi et surtout les appréhensions. L'opposition officielle et sans doute le Parti réformiste seraient heureux de faire amende honorable s'il s'avérait que les soupçons que s'acharne à éloigner le Parti libéral ne pouvaient et ne devaient même pas effleurer nos plus respectables concitoyens qui se trouvent au coeur d'un événement qu'on pourrait qualifier de regrettable.

(1655)

Notre Parlement a certains pouvoirs qui s'apparentent parfois à certains pouvoirs judiciaires en ce sens que lorsqu'un tribunal rend jugement, il faut non seulement qu'il soit juste, mais qu'il y ait également apparence de justice. Il en est de même de nos lois. Non seulement les lois votées ici doivent-elles être justes, mais elles doivent aussi avoir l'apparence d'être juste. La pérennité des lois leur confère un goût d'odieux lorsqu'elles sont de nature compromissoire et leur déférence plutôt aléatoire

L'histoire aura tôt fait d'en juger les auteurs, et souvent de leur vivant. Un récent bouquin publié au Québec n'a pas attendu la prescription trentenaire pour affubler de l'épithète «tricheur» un politicien bien encore de ce monde.

Pourquoi ces hésitations, tant de réticences de la part du parti au pouvoir; ne convient-il pas comme il l'affirme que toute enquête ne saurait que dissiper tout doute? Mais justement doute il y a, traitons le comme il se doit et la conscience de tous sera allègre.

Jean de La Fontaine, (1621-1695), fabuliste renommé, loyyiste libéral sans doute; détesté de Louis XIV, mais comme tout bon lobbyiste ayant réussi à contourner cette difficulté, se fit adopter par Fouquet et par la Duchesse d'Orléans.

Ses entrées étaient assurées et c'est ce qui lui permit de décrire si bien les lobbys de son époque dans le fameux conte «Les Animaux Malades de la Peste».

Ils n'en mourraient pas tous mais tous étaient atteints si bien qu'en caucus on convint d'immoler le plus grand pécheur pour racheter les péchés de tous.

Le lion admit à quelques reprises avoir mangé des moutons, parfois même le berger. L'âne qui avait pour seule faute brouté l'herbe fraîche dans le pré du voisin fut déclaré coupable sur-le-champ et on l'immola.

Cette anecdote ne rappelle-t-elle pas une histoire qui s'est passé ici récemment? Un petit effort, messieurs les libéraux.

Dans une envolée pudique, le premier ministre a montré la porte à un de ses députés qui avait commis l'énormité d'être imprécis dans l'élaboration de son curriculum vitae. Les délicats scrupules du premier ministre ont à cette occasion laissé entendre qu'il changerait des choses. Il semble qu'il n'en sera rien.

Faute impardonnable, condamnable, le fautif exécuté sans autre forme de procès.

Le parti est-il dépositaire de deux systèmes de valeurs? Un pour ses intimes financeurs et autres proches parents, l'autre pour la plèbe, les chômeurs et assistés sociaux?

Il est permis de croire et une fois encore-la raison du plus fort est encore la meilleure-que La Fontaine ne pensait pas si bien dire.

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, l'opposition officielle a déposé un amendement pour obtenir une commission royale d'enquête au lieu de l'adoption du projet de loi qui est devant nous. J'ai dit dans cette Chambre que l'odeur de magouille entoure ces contrats qui ont été concédés quand on a privatisé Pearson 1 et 2. Or, cette odeur de magouille ne pourra être dissipée que par une commission d'enquête qui fera toute la lumière. Mes collègues l'ont dit à répétition, l'ont dit, semble-t-il, sans être entendus ou enfin sans être écoutés, non par vous monsieur le Président, mais par nos collègues d'en face.

Comment ne peuvent-ils pas comprendre que, mêlés que les libéraux sont par le biais de personnes qui financent la caisse électorale libérale, que si les dédommagements ne sont pas faits en pleine lumière, toujours des doutes subsisteront à l'effet que des passes, comme on dit dans le langage courant, ont été faites. Toujours le doute subsistera qu'il y a entre les grands partis, les gouvernements et leurs fournisseurs aux caisses des liens qui, d'un gouvernement à l'autre, ma foi, ne se brisent pas et qu'on se flatte le dos mutuellement. La question qui va se poser sera: Combien, en catimini, le gouvernement consentira-t-il à tel ou tel investisseur, à qui et pourquoi? Combien, à qui et pourquoi? Ces questions devraient être jugées ou en tout cas leurs réponses devraient être soumises en plein jour et les éléments qui y mènent devraient être aussi connus en plein jour.


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(1700)

Pourquoi cette évaluation n'est-elle pas confiée à un ou des tiers neutres, avec un mandat devant les citoyens et citoyennes du Canada? Autrement, le risque n'est-il pas énorme qu'entre personnes du même monde, entre personnes qui pourraient s'échanger de bons services, quel risque n'y a-t-il pas de complaisance qui coûterait cher aux Québécois et aux Canadiens? Si ça ne se produit pas, bravo, mais jamais la population ne pourra en être assurée.

Mes collègues ont dit: «Il ne faut pas seulement qu'il y ait justice, mais il faut qu'il y ait apparence de justice». En la matière, jamais nous ne saurons qu'il n'y a pas eu de complaisance.

Qui le gouvernement voudrait-il protéger et pourquoi? La question se pose. Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas faire toute la lumière? Est-ce que l'odeur qui vient de ces transactions n'est pas suffisante? Cette odeur, pourtant, est forte. Est-ce que le gouvernement pense que lui-même, en voulant faire le ménage, ne se trouvera pas à être contaminé, parfumé? Combien cela coûtera-t-il aux citoyens? Peut-on accepter de risquer qu'il n'y ait que quelques centaines de dollars-et c'est rien quelques centaines de dollars-quelques milliers, quelques millions qui seraient dépensés de façon indue?

Je ne peux faire autrement que rappeler, à l'occasion de ce débat, les termes d'un autre débat que nous avons fait dans cette Chambre et que nous reprendrons après le comité parlementaire, celui des coupures à l'assurance-chômage. À l'assurance-chômage, quand les citoyens qui vont signer leur déclaration se trompent d'une semaine, de deux jours, de deux heures dans leur déclaration, on peut non seulement récupérer cet argent, mais les traiter de fraudeurs. Même si la loi n'était pas changée, c'est ce qui se passerait. Là, ce gouvernement qui veut avoir les mains libres pour donner les compensations qu'il dit être justes à des investisseurs, dont un certain nombre, on le sait, subventionnent la caisse du parti, ce même gouvernement a déposé le projet de loi C-17 qui veut augmenter le nombre de semaines nécessaires pour avoir droit à l'assurance-chômage.

Ce même gouvernement veut limiter le nombre de semaines de prestations auquel les travailleurs auront droit et là on ne parle pas de milliers, de centaines de milliers de dollars, on parle de dizaines, dont les travailleurs ont besoin. Pourtant, ces mêmes travailleurs vont être privés dans plusieurs cas de sommes extrêmement importantes pour eux. Évidemment, cela ne ferait pas une compensation convenable pour un investisseur, mais les travailleurs qui ont besoin d'assurance-chômage vont se trouver privés des sommes qui leur servent à payer leur loyer et à nourrir leur famille.

(1705)

Je veux souligner qu'il y a trop souvent dans ce pays deux catégories de citoyens. Les simples citoyens qui gagnent leur vie ardument, qui ont de la difficulté à la gagner parce que les emplois sont rares, qui sont obligés de se conformer, rubis sur l'ongle, aux lois et s'ils ne le font pas, ils paient cher. Et les autres, qui font partie d'un cercle aux limites floues, mais qui peuvent facilement prétendre partager l'assiette au beurre.

En une période où il est si dur pour les citoyens ordinaires de s'en sortir, où il est si dur de se trouver un emploi, où il est si difficile d'élever ses enfants, de les faire étudier, on ne peut, d'aucune espèce de façon, laisser le gouvernement donner l'impression qu'il appliquera la règle des deux poids, deux mesures; et laisser à des investisseurs qui ont mis du temps et de l'énergie, mais qui ont eu déjà, on peut le penser, des compensations, on ne peut donc pas laisser le gouvernement se laisser aller à la tentation de céder à des pressions indues. Il ne doit pas y avoir seulement justice, il doit y avoir apparence de justice.

Je voulais souligner que les Torontois et les Canadiens qui comptent sur l'aéroport Pearson sont quand même chanceux de l'échapper belle et de voir ce contrat annulé. Les dispositions qui ont été mises en lumière par le rapport Nixon, qui n'était pas une commission royale, mais qui nous donne le goût qu'il y en ait une, ces dispositions montrent que le développement économique de Toronto pourrait se faire d'une façon non conforme aux prévisions de 30 ans et même de 57 ans sur lesquelles on se base. Les Torontois, sans doute, l'ont échappé belle.

Je me permets de le dire parce qu'au Québec, le gouvernement libéral, dont certains faisaient partie, a imposé à l'époque la création d'un nouvel aéroport en se basant sur des prévisions qui allaient permettre la prospérité; alors qu'en réalité, cette décision a entraîné le contraire de la prospérité pour Montréal. Je veux souligner au passage que les Torontois sont chanceux de l'échapper belle, mais ça ne doit pas être au prix d'un prix que le monde ordinaire n'a pas les moyens de payer. Ce n'est pas parce que se sont des investisseurs qui contribuent largement aux caisses qu'on doit avoir de la complaisance à leur endroit. Surtout le gouvernement ne doit pas être laissé dans la situation de pouvoir être complaisant à leur endroit.

Mme Maud Debien (Laval-Est): Monsieur le Président, si j'interviens aujourd'hui sur le projet de loi C-22, c'est que je crois encore en la démocratie, c'est-à-dire à cet idéal qui exige de ses gouvernements qu'ils légifèrent en fonction des intérêts de la population et du bien commun. C'est par les décisions prises en cette Chambre que nous pouvons refléter et promouvoir les valeurs démocratiques.

Je suis de ceux et de celles qui croient encore possible d'envoyer des élus au Parlement pour que ceux-ci travaillent à défendre les intérêts de leurs concitoyennes et de leurs concitoyens. La représentation politique c'est, selon moi, l'établissement d'un lien de confiance entre l'électeur et l'élu.

(1710)

La démocratie c'est aussi le processus sur lequel s'appuient toutes nos institutions. C'est à travers elles que sont véhiculées les grandes valeurs de transparence, d'éthique, de justice et d'équité. D'elles, dépend la relation de confiance qui s'installe entre un gouvernement et ses citoyens. Lorsque des politiciens brisent ce lien privilégié, c'est à ce moment que s'installe dans une société l'individualisme, le mercantilisme, le cynisme, le désabusement, et j'en passe.

Le gouvernement libéral se plaît souvent à répéter, en cette Chambre, ses intentions quant à redonner confiance aux citoyens à l'égard des institutions politiques par le biais d'une plus grande transparence. Je ne crois pas que le projet de loi C-22, tel que libellé, puisse favoriser ces bonnes intentions.


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Toutes les manigances et le grenouillage entourant la privatisation de l'aéroport Pearson mises de l'avant par le précédent gouvernement conservateur, sont un triste exemple des incidents qui ternissent le respect et la confiance des citoyens envers leur gouvernement.

Permettez-moi, monsieur le Président, un bref rappel de quelques éléments du dossier qu'il est aujourd'hui convenu d'appeler la «saga Pearson». L'intention du gouvernement canadien de privatiser les aérogares 1 et 2 de Pearson a été officiellement rendue publique en mars 1992. Moins de trois mois après l'annonce de la proposition de privatiser Pearson, le délai de soumissions prenait fin. Seulement deux soumissions avaient été reçues, soit celle des compagnies Paxport et Claridge. Compte tenu de l'importance de cette transaction, tous s'entendent pour affirmer qu'il s'agissait de délais beaucoup trop courts.

En décembre 1992, la proposition de Paxport était retenue. Par la suite, Paxport sera incapable de respecter les conditions établies par le gouvernement quant à sa viabilité financière. En février 1993, Paxport fusionne ses activités à celles de son concurrent Claridge, se plaçant ainsi en situation monopolistique, contrairement aux directives gouvernementales. Mais dans ce dossier, nous n'en sommes pas à une contradiction près. Quoi qu'il en soit, quelques mois plus tard, en toute hâte, au beau milieu de la campagne électorale, le 7 octobre 1993, le gouvernement et l'entreprise issue de la fusion de Paxport et Claridge signaient un accord juridique sur la privatisation des aérogares 1 et 2 des aéroports international Lester B. Pearson.

À son retour au pouvoir, le gouvernement libéral a commandé une étude à huis clos, afin d'examiner la situation. Cette étude fut menée par M. Robert Nixon, ex-ministre libéral torontois. Le rapport Nixon concluait, et je cite:

Mon examen m'a mené à une seule conclusion. Valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable.
Le 3 décembre 1993, le premier ministre annonçait donc l'annulation du contrat de privatisation de l'aéroport et le 13 avril dernier, le ministre des Transports déposait le projet de loi C-22, concrétisant ainsi la volonté gouvernementale.

Les manoeuvres secrètes et le favoritisme éhonté, dont toute cette histoire est truffée, n'en cachent pas moins une réalité, celle-là beaucoup moins édifiante. D'un côté, le gouvernement libéral prétend se montrer soucieux de l'intérêt public en demandant l'annulation de ce contrat; de l'autre, il s'en préoccupe beaucoup moins en donnant un pouvoir discrétionnaire au conseil des ministres l'autorisant à verser des sommes qu'il estime indiquées. Cette façon de faire risque d'annuler les effets bénéfiques qu'il disait vouloir défendre initialement. En fait, le gouvernement nous demande aujourd'hui de signer un chèque en blanc afin de dédommager les entreprises concernées par cette transaction. Toute cette histoire peu glorieuse est étroitement associée à de nombreuses personnalités politiques et à de nombreux lobbyistes, d'allégeance conservatrice tout autant que libérale.

(1715)

Malgré le fait que le Parti libéral du Canada se soit engagé à faire toute la lumière sur la saga Pearson et à entreprendre une réforme complète afin de mieux encadrer l'action des lobbyistes dans les coulisses du Parlement, force est de constater que nous assistons toujours aux mêmes vieilles manoeuvres.

Le cynisme de la population à l'égard des hommes et des femmes politiques est le fruit de malversations s'apparentant à la saga Pearson. Les contribuables canadiens et québécois, rappelons-le, paient par le biais de déductions fiscales permises aux corporations, les frais de lobby et de financement aux partis politiques. Quand il y a favoritisme, ce sont encore eux qui paient pour les coûts excédentaires des lucratifs contrats ou pour les ventes à rabais des biens publics aux amis du régime. Les contribuables ont peut-être raison d'en avoir assez.

Pourtant, il existe un certain nombre de solutions, mises de l'avant par le Bloc québécois, pour mettre fin à ce camouflage. Elles passent, entre autres, par le financement populaire des partis politiques, par l'encadrement plus rigoureux des activités des lobbyistes et par l'adoption d'un code d'éthique pour les élus et pour les hauts dirigeants. Le gouvernement libéral pourrait, en amendant le projet de loi C-22 et en créant une commission royale d'enquête, tel que réclamé par l'opposition officielle, démontrer que la transparence n'est pas seulement un concept abstrait et un énoncé de voeux pieux.

«S'il est un souci qui perce à travers cette démocratie», disait Georges Burdeau, «où le pouvoir du peuple ne se confond pas avec les exigences des masses, c'est bien de dissocier la liberté de la pression des passsions, de l'arracher à la tyrannie des factions, de la soustraire à l'asservissement des groupes partiels ou des coalitions d'intérêts.»

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Le vote porte sur l'amendement. Plaît-il à la Chambre d'adopter l'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sy opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

[Traduction]

Le vice-président: Comme je ne suis pas censé déclarer qu'il y a égalité, je vais dire que les non l'emportent.

[Et plus de cinq députés s'étant levés:]

Le vice-président: Conformément à l'alinéa 45(5)a) du Règlement, le whip du gouvernement m'a demandé de reporter le vote sur l'amendement à 15 heures demain. Le timbre ne sonnera pas plus de 15 minutes.


4080

(1720)

LA LOI FÉDÉRALE SUR LES HYDROCARBURES

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) propose: Que le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi fédérale sur les hydrocarbures, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

- Monsieur le Président, je prends la parole pour entretenir la Chambre du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi fédérale sur les hydrocarbures.

À titre de parlementaires, nous devons assimiler beaucoup d'informations. Des pages et des pages de documentation peuvent accompagner même la demande de décision la plus simple qui soit. Il est remarquable qu'une mesure législative aussi brève que le projet de loi C-25 puisse être aussi importante.

Le projet de loi C-25 ne propose qu'une modification administrative mineure à la Loi fédérale sur les hydrocarbures, modification ayant pour effet de soustraire le champ pétrolifère de Norman Wells à l'application de la loi, celui-ci devant dorénavant inclure des terres supplémentaires. Ce changement, et surtout les raisons qui le motivent, auront des répercussions importantes sur les localités et les autochtones du Nord ainsi que sur les Canadiens.

Cette modification est importante parce qu'elle permettra la poursuite de l'exploitation du champ pétrolifère de Norman Wells, au centre de la vallée du Mackenzie, en vertu des accords actuels, tant que le champ sera commercialement exploitable. Actuellement, on évalue qu'il devrait l'être jusqu'en 2020, soit 12 ans plus tard que ce qu'on avait prévu à l'origine.

Sans cette prolongation, la localité de Norman Wells perdra un important stimulant économique. Il y aura des pertes d'emplois à Norman Wells et dans d'autres localités du Nord. Les gouvernements et les contribuables perdront aussi des millions de dollars de recettes fiscales pouvant provenir des sociétés et des particuliers, des redevances et d'autres revenus. Du même coup, une ressource indispensable sera laissée dans le sol inutilement et par négligence.

En revanche, en prolongeant l'accord de production de Norman Wells, on ravivera l'intérêt des investisseurs dans le nord du Canada. Comme les députés le savent, des industries prospères fondées sur l'exploitation des ressources contribueront grandement au bien-être économique des deux territoires.

Avec le règlement récent d'un certain nombre de revendications territoriales globales des autochtones dans le Nord, nous sommes en train d'ouvrir des terres à l'entreprise privée. Établir clairement à qui appartiennent les terres et les ressources est l'un des principaux objectifs du règlement des revendications globales.

De ce point de vue, le prolongement du projet de Norman Wells ne pourrait mieux tomber. Cette mesure mettra principalement l'accent sur les grandes possibilités qu'offrent les ressources de ces régions du Nord à une époque où ces terres se prêtent à l'exploration et au développement.

Elle débouchera donc sur d'autres contrats de forage et de services pour les entreprises implantées dans cette région. De nouvelles occasions d'affaires s'offriront à d'autres sociétés du secteur des services. Les retombées économiques du projet de Norman Wells seront de plus en plus étendues. Pour mieux faire comprendre la portée du projet de loi C-25, j'aimerais faire un bref historique du projet de Norman Wells.

Découvert au tournant du siècle, le champ pétrolier de Norman Wells n'a connu un développement prononcé qu'au moment de la Seconde Guerre mondiale, en raison, bien sûr, de l'importance stratégique que revêtaient alors les réserves de pétrole du Nord. En 1944, alors que l'effort de guerre était à son comble, le gouvernement du Canada a conclu un accord avec la Compagnie pétrolière impériale Limitée pour l'aménagement du champ de Norman Wells, la zone prouvée qui avait été établie d'après la technologie de l'époque.

Nous savons aujourd'hui qu'une petite proportion du champ s'étend au-delà de la zone prouvée actuelle. Par ailleurs, la date d'expiration de l'accord de 1944 était fixée à l'an 2008, ce qui était considéré comme un laps de temps plus que suffisant pour permettre l'extraction de toutes les réserves de pétrole.

Or, se fondant sur de nouvelles techniques d'exploration et de production, la Compagnie pétrolière impériale Limitée, à l'instar de l'Office national de l'énergie, estime que le champ sera encore productif bien après cette date.

Comme les députés le savent, le gouverneur en conseil a le pouvoir de prolonger la durée de l'accord de 1944 conclu avec la Compagnie pétrolière impériale Limitée et d'étendre la zone prouvée. Néanmoins, une petite modification doit être apportée à la Loi fédérale sur les hydrocarbures, si l'on veut faire en sorte que l'accord de 1944 ne soit pas assujetti à cette loi.

(1725)

C'est ce que fait le projet de loi C-25, grâce à une modification qui ne touche aucunement aux modalités d'application de la loi ailleurs au Canada.

La proclamation de cette mesure législative aura des incidences économiques immédiates et très positives sur le Nord et les autres régions du Canada. Le projet de loi C-25 prépare la voie à un projet de forage de 30 millions de dollars qu'entreprendra la Compagnie pétrolière impériale Limitée, si le Parlement agit assez rapidement pour que cette société puisse profiter de la courte période de temps où il est possible d'effectuer des travaux de forage dans le Nord.

Ce programme de forage sera mené principalement dans la zone prouvée étendue. Environ un tiers des fonds, dix millions de dollars, seront investis directement dans le Nord. La plus grande partie des 20 millions qui resteront seront investis en Alberta.

Le programme de forage et la prolongation de la durée de vie productive du champ entraîneront, dans la région de Norman Wells, une augmentation de l'emploi à court terme et une stabilisation de l'emploi à long terme.


4081

Le gouvernement s'est engagé à travailler en collaboration avec la Compagnie pétrolière impériale, d'autres compagnies, la collectivité de Norman Wells et les Dénés et Métis du Sahtu pour que ces emplois profitent aux gens de l'endroit. En fait, les habitants de l'endroit se verront garantir un tiers au moins des emplois qui seront créés sur place par le programme de forage. On estime à 25 années-personnes les emplois indirects qui seront créés dans le Nord.

L'expansion de la zone profitera surtout aux autochtones. En vertu des ententes sur le règlement de leurs revendications territoriales, les Gwich'In et les Dénés et Métis du Sahtu auront droit à une partie des redevances provenant de l'exploitation du champ pétrolifère de Norman Wells. L'extension de la zone leur assurera un flux de recettes garanti au-delà de l'an 2008, voire peut-être jusqu'an l'an 2020.

Shehtah Drilling, qui appartient aux Dénés et aux Métis, en copropriété avec la Compagnie pétrolière impériale, a un contrat de forage de six millions de dollars conditionnel à la réalisation de ce projet.

L'exploitation soutenue du champ pétrolifère de Norman Wells profitera aussi aux finances du gouvernement du Canada. En plus des redevances supplémentaires qui lui seront versées par la Compagnie pétrolière impériale, il ne faut pas oublier que le Canada a une participation d'un tiers dans l'exploitation du champ pétrolifère de Norman Wells. L'augmentation de la production devrait rapporter des millions de dollars au gouvernement. Nous accroîtrons aussi les recettes provenant de l'impôt fédéral, territorial et municipal des sociétés et des particuliers.

Le projet de loi C-25 montre clairement l'engagement pris par le gouvernement à l'égard du renouveau économique dans toutes les régions du Canada. Le projet d'expansion de la zone d'exploitation du champ pétrolifère de Norman Wells permettra non seulement à des Canadiens d'être employés, mais il contribuera directement et indirectement à créer de nombreux emplois dans le Nord et en Alberta.

C'est une initiative positive qui a l'appui de tous les principaux intéressés, c'est-à-dire les autochtones et les non-autochtones vivant dans les Territoires du Nord-Ouest, l'industrie du pétrole et, bien sûr, le gouvernement du Canada. Elle mérite d'être appuyée par la Chambre pour que le programme de forage puisse démarrer cette année et que les collectivités, les familles et les travailleurs en cause du Nord puissent être assurés d'un avenir économique stable.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui est un projet de loi qui, selon nous, doit concilier plusieurs notions.

D'abord, la notion effective, qui est reliée à la ressource naturelle qu'est le pétrole. Un concept également qui doit privilégier et protéger l'environnement et un concept qui est très intimement lié à un projet de loi qu'on a envoyé en deuxième lecture au Comité permanent des affaires autochtones, qui est le projet de loi C-16.

Dans ce contexte-là, le Bloc québécois a regardé l'ensemble de la dynamique et va donner son accord au projet de loi C-25. D'ailleurs, le projet de loi C-25 est un peu une réplique de ce qu'on a déjà connu auparavant, en 1944, entre autres, et en 1983, où on avait procédé à des amendements à la Loi sur les hydrocarbures justement pour permettre l'inclusion de dispositions qui font en sorte que ce projet de loi se trouve à échapper à l'application de la Loi sur les hydrocarbures.

Je voudrais aussi revenir sur quelques petites notions historiques de l'époque. Je l'ai soulevé pour le projet de loi C-16, mais sans revenir sur l'ensemble de la dynamique historique, il m'apparaît important de bien situer Norman Wells. Elle fut la première collectivité des Territoires du Nord-Ouest à naître exclusivement de la mise en valeur des ressources non renouvelables. À l'époque, on faisait beaucoup de prospection là-bas et on s'est aperçu que la région était riche en pétrole, presque même à fleur de sol. Et à partir de 1918 et 1919, on a commencé à découvrir du pétrole en quantité marchande.

(1730)

L'Imperial et le Canada détiennent conjointement ces gisements en exploitation. Le Canada a un tiers des gisement ou son équivalent, et l'Imperial a toujours été très, très active avec environ deux tiers de la participation dans les gisements.

Le sentier Can-Oil fut aménagé durant la Seconde Guerre mondiale pour permettre à Norman Wells d'expédier son pétrole léger de grande quantité, ressource à caractère stratégique, vers la route de l'Alaska et des centres du sud. On mettait déjà en place des chemins pour faire en sorte que ce pétrole de très grande qualité se dirige vers le sud. Et c'est également à Norman Wells que s'arrête, dans le nord, le pipeline du pétrole qui s'étend des Territoires du Nord-Ouest jusqu'à Zama, en Alberta.

Je pense qu'il est important qu'on se situe dans la dynamique pour voir que Norman Wells a toujours été au carrefour de l'exploitation pétrolière. Ce qui est aussi important, je le répète, c'est qu'on vient d'examiner les revendications territoriales des Dénés et des Métis. On vient de leur dire qu'on leur permettrait d'occuper un certain territoire, sur lequel se trouvent des sites pétroliers importants.

Je pense qu'on ne peut pas faire abstraction des deux projets de loi. Il serait dangereux de dire qu'on vote sur le projet de loi C-25 sans regarder ce qui se passe du côté du projet de loi C-16 qui, la semaine passée, venait confirmer des accords qu'on avait pris avec les Dénés et les Métis pour leur rétrocéder une revendication territoriale, on se le rappelle, d'au-delà de 230 000 kilomètres, dans laquelle il y a 1 800 kilomètres carrés de ressources où les gens ont droit à des droits sur les ressources souterraines. Je pense qu'il est important de bien faire le lien entre les deux projets de loi.

Le gouvernement du Canada a des ententes avec Imperial Oil depuis 1944 sur le développement de ces champs-là, et pour ce qui est de la récupération projetée qui est devant nous-parce que c'est ce qu'elle permet-l'Imperial a trouvé une nouvelle façon de mettre en perspective la commercialisation et l'exploitation des ressources pétrolières. En effet, elle a trouvé un systè-


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me par injection d'eau qui lui permet d'agrandir la délimitation du territoire qu'elle avait auparavant.

Forcément, nous sommes maintenant devant vous aujourd'hui, à la Chambre des communes, à cause de cette agrandissement de la délimitation par ce nouveau procédé, pour amener des entorses ou apporter des amendements à la Loi sur les hydrocarbures par le projet de loi C-25.

La projection de pétrole devait s'arrêter, selon les estimations de 1983, aux alentours de 2008. Naturellement, avec cette nouvelle technologie qui, d'ailleurs, ne remet en question aucune préoccupation environnementale parce que, et j'en parlerai un petit peu plus loin, même l'Office national de l'énergie l'a examinée et vient corroborer ces dires.

Alors, cette façon de procéder pourrait reculer l'exploitation jusqu'en 2020, permettant des millions et des millions en retombées, à la fois pour l'Imperial, pour le gouvernement du Canada et aussi pour les Dénés et les Métis qui occupent actuellement ce territoire.

Je disais qu'elle a reçu l'appui de l'Office national de l'énergie. Cela est très important parce que, naturellement, lorsqu'une compagnie pétrolière veut exploiter de façon intensive un gisement et pousser cette exploitation plus loin, il est très rare qu'ils vont arriver avec une étude où, du côté des impacts environnementaux, elle va dire: «Cela a de terribles impacts environnementaux, mais on veut l'exploiter pareil.» Alors, il est important qu'on ait un organisme indépendant de l'Imperial qui vienne dire: «Effectivement, votre nouvelle façon de procéder du côté de l'exploitation du gisement est intéressante et, surtout, elle n'a aucun impact sur l'environnement.» Cette question d'environnement est très importante dans le contexte actuel, non seulement pour les Canadiens mais aussi pour les Métis et les Dénés canadiens qui sont dans ces territoires parce qu'ils ont toujours une relation très privilégiée du côté de l'environnement. On connaît leur culture axée sur la chasse et la pêche à l'époque, et c'est toujours comme ça aussi.

Et le projet est un heureux mariage qui permet aux Dénés et aux Métis de développer de nouvelles sources que sont les ressources pétrolières en leur accordant, avec le projet de loi C-16, un mot à dire là-dessus, et cela protège aussi leur ancienne culture, de laquelle ils sont très fiers.

(1735)

L'Office national de l'énergie a fait un examen indépendant qui a corroboré l'étude de l'Imperial et cette compagnie a décidé de se lancer dans un programme de forage d'une valeur d'environ 30 millions de dollars. Ce programme va toucher 12 puits déjà forés et d'autres qui seront forés le long des limites du champ. Cela va permettre, avec les nouvelles technologies de l'exploiter sans qu'il en coûte quoi que ce soit à l'environnement.

Je pense que ce projet de loi C-25 nous présente les bonnes méthodes de conservation et de gestion des gisements.

Je disais plus tôt que tout porte à croire que le projet va s'étendre jusqu'en 2020. J'ai communiqué moi-même avec le conseil Sahtu cette semaine. Les gens disent qu'ils sont d'accord, ils ont été consultés; c'est vrai que les Territoires du Nord-Ouest ont été consultés, l'Association canadienne des producteurs de pétrole a également été consultée, tout le monde est d'accord. Cependant je trouve que ce serait odieux, et le Bloc québécois trouve cela aussi, que la Chambre passe immédiatement au vote sur le projet de loi C-25 et qu'ensuite on dise au conseil tribal Sahtu qui représente les Dénés et les Métis: maintenant qu'on a décidé pour vous de quelle façon on veut faire le gisement pétrolier à Norman Wells, on vous remet les revendications territoriales.

Pour nous, ce serait extrêmement important que le projet de loi C-16 qui est devant le Comité permanent des affaires autochtones soit étudié en priorité. De toute façon le projet de loi C-25 va aussi être étudié par le Comité permanent des affaires autochtones. Nous comptons bien faire en sorte d'adopter le projet de loi C-16 avant que le C-25 ne soit adopté.

Si on fait des comparaisons avec les garanties données par la Convention de la baie James, on constate que le gouvernement est sur la bonne voie ici, du côté des revendications territoriales. On en a parlé énormément. J'en avais parlé lors de la présentation devant la Chambre des communes du projet de loi C-16. J'avais dit que du côté de la Convention de la baie James, qui a été par la suite adoptée comme loi à l'Assemblée nationale du Québec sous le nom de Loi sur les Cris et les Naskapis, et le gouvernement fédéral aussi l'avait fait.

C'est un peu dans la même lignée et pour toutes ces raisons qu'il nous semblait important d'avoir cette discussion et de vous signifier notre accord sur le projet de loi. Il sera très important que C-16 soit adopté au comité permanent et revienne devant la Chambre avant que nous puissions adopter C-25.

Pour ces raisons, je suis content de vous annoncer que le Bloc québécois va être en faveur du projet de loi C-25, sous réserve de l'adoption du projet de loi C-16.

[Traduction]

M. Jay Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président, je suis heureux de parler du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. Certains considèrent le projet de loi C-25 comme une modification mineure à la Loi fédérale sur les hydrocarbures, mais j'aimerais penser qu'elle peut être perçue comme un message important adressé à l'industrie.

Dans ma circonscription, des milliers d'emplois dépendent directement ou indirectement de la vague de prospérité qui déferle à l'heure actuelle sur le secteur pétrolier. Cependant, si la confiance de l'industrie dans les intentions du gouvernement s'affaiblissait, beaucoup de ces emplois pourraient être perdus.

Même si cette modification ne touche directement qu'une seule société pétrolière et une seule collectivité, j'espère qu'elle montre que le gouvernement est conscient de l'importance de fournir à notre secteur primaire une certaine stabilité en matière de politique, afin qu'il puisse plus facilement prévoir. Si le gouvernement commence à envoyer au secteur privé des signaux selon lesquels il peut, en toute sécurité, planifier des investissements à long terme, cela favorisera la croissance économique et conduira à la création d'emplois beaucoup plus permanents que ceux que le gouvernement peut espérer obtenir grâce à des projets ponctuels de création d'emplois temporaires.

Toute une longue série d'événements ont conduit à cette modification. Le premier puits pétrolier a été foré à Norman Wells en 1920. Depuis, ce champ pétrolifère est devenu le quatrième en


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importance au Canada. En 1944, Imperial Oil et le Canada ont signé l'entente sur la zone de réserves prouvées de Norman Wells, qui portait sur un peu moins de 3 300 hectares. Lorsque la Loi fédérale sur les hydrocarbures est entrée en vigueur, on a exempté le champ pétrolifère de Norman Wells de l'application de la nouvelle loi et comme on le fait dans le projet de loi d'aujourd'hui, on a prévu une exemption semblable pour les renouvellements et les nouveaux accords qui ont suivi.

La modification a deux objectifs. Tout d'abord, elle étend le délai au-delà de la date actuelle d'expiration qui est l'an 2008, ce qui permet à Imperial de planifier la récupération de ses coûts à long terme. Elle modifie également les limites de 1944, afin d'englober tout le champ pétrolifère. On exclut les parties non productives et on inclut les zones de bordure pour ajouter350 hectares à l'ancienne zone des réserves prouvées.

(1740)

Le Canada et Imperial n'auront pas à déterminer si le pétrole vient de poches à l'intérieur ou à l'extérieur des anciennes limites. Cela permettra d'éviter certains problèmes administratifs possibles relativement aux redevances et au calcul des parts.

Le gouvernement a entrepris de nombreuses consultations pour en arriver à cet accord. Conformément à l'esprit et à l'objectif de l'entente sur le règlement de la revendication territoriale des Dénés et des Métis du Sahtu, qui a été négociée durant la même période, le gouvernement a entrepris des discussions avec ces derniers pour veiller à ce qu'on tienne compte du point de vue des parties intéressées à long terme, au moment d'envisager toute modification possible à l'entente sur la zone des réserves prouvées.

La plupart des autres personnes vivant à Norman Wells dépendent directement, d'une certaine façon, du secteur pétrolier et gazier et beaucoup quitteront la région une fois la production pétrolière arrêtée. Cependant, la grande majorité des habitants du Sahtu demeureront.

Le conseil tribal du Sahtu a souscrit à cette modification à la fin de mars et il est devenu manifeste que l'investissement prévu de 30 millions de dollars de la part d'Imperial pour le présent exercice financier pouvait être menacé faute de l'accord du conseil. Même si cela ne lie probablement pas les parties en cause, le conseil a donné son accord sous réserve de la promulgation du projet de loi C-16, Loi sur le règlement de la revendication territoriale des Dénés et Métis du Sahtu.

Je ne suis généralement pas cynique, mais je m'interroge au sujet du moment choisi pour saisir la Chambre de ces deux projets de loi. Que se passerait-il si l'adoption du projet de loi C-16 était retardée indéfiniment ou si cette mesure était rejetée? Le gouvernement devrait-il alors annuler ce projet de loi?

Je comprends parfaitement que cela représente une occasion importante pour les peuples du Sahtu d'appliquer des pressions indirectes sur le gouvernement pour qu'il promulgue un accord qu'ils attendent depuis des décennies. Cependant, est-il responsable de la part du gouvernement de conclure des ententes verbales de cette nature liant deux projets de loi?

Le gouvernement a également consulté l'Association canadienne des producteurs pétroliers afin d'obtenir son point de vue sur les principes de la modification. Il a garanti à l'Association que cette entente ne représenterait pas un précédent pour l'octroi de droits ailleurs au Canada.

Là encore, le gouvernement a fait des promesses qu'il ne peut tenir en affirmant que cette entente n'aurait pas d'effet sur les décisions prises à l'avenir. Comme nous le savons tous, les avocats sont là pour trouver des précédents qu'ils peuvent utiliser à l'avantage de leurs clients. Il arrive aussi que les gouvernements tombent. Comment le gouvernement peut-il garantir aux autres producteurs de pétrole que cet accord n'a pas établi un précédent pour les années à venir?

Dans les dernières décennies, les industries de matières premières ont dû lutter contre une récession mondiale, des prix en baisse, des politiques et un climat d'investissement imprévisibles et des taux d'imposition sans cesse plus élevés, à tous les niveaux de gouvernement.

Le ministère des Ressources naturelles vient de publier un rapport selon lequel le Canada se trouve dans la bonne moyenne pour ses taux d'imposition applicables à l'industrie minière, à l'échelle internationale, mais ce n'est pas l'impression que cette industrie en a. L'industrie minière se plaint du taux marginal d'impôt. C'est cette forme d'imposition qui a poussé les prospecteurs canadiens et les investisseurs à aller faire des affaires en Amérique du Sud. Le gouvernement a eu une chance d'inverser cette tendance en adoptant des politiques favorisant les investissements sur le marché intérieur.

Dans le secteur du pétrole, la chute des prix a entraîné des mises à pied massives et une profonde restructuration de l'industrie. Au cours des dernières années, le prix du gaz naturel a monté en flèche, causant le boom actuel. Cependant, le prix du pétrole reste bas et son avenir est incertain.

On ne discuterait pas avec autant d'âpreté des dépassements de coûts du projet Hibernia si le prix du pétrole était stable à 50 $ US le baril, mais ce n'est pas le cas. Le prix du pétrole vient tout juste d'atteindre 17 $, après un creux de cinq ans où il s'établissait à moins de 14 $.

Sur ce marché mondial capricieux, les sociétés pétrolières doivent prendre des décisions importantes quant à leurs investissements, fondées sur de nombreux facteurs, et pas seulement sur le prix du pétrole. La confiance dans la politique du gouvernement est un facteur critique pour l'issue de ces décisions.

Cet amendement prévoyant l'entrée en vigueur du Norman Wells Amending Agreement signé en avril donne à la Compagnie pétrolière impériale Limitée l'assurance d'un bail qui lui permet de planifier à long terme. On s'est assuré que cela laissait suffisamment de temps pour tirer profit des investissements importants dans de nouvelles technologies. Ces investissements sont indispensables pour maximiser la production.

Cet amendement est profitable à Imperial, parce qu'il lui assure un contexte stable facilitant la planification. C'est profitable aussi aux Dénés du Sahtu et aux autres habitants de la région, parce qu'ils savent ainsi que, pour encore plusieurs années, ils pourront compter sur des possibilités d'emploi et sur


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une injection de capitaux dans l'économie locale. C'est bon aussi pour la population canadienne, parce que les revenus et les redevances tirés de l'exploitation du pétrole augmenteront.

(1745)

J'espère qu'avec cette modification, le gouvernement reconnaît maintenant qu'il ne peut paralyser nos industries fondées sur les ressources naturelles par des mesures d'imposition injustes ou des politiques manquant de vision.

Le Canada dépend beaucoup des recettes provenant du secteur pétrolier. L'imposition de taxes supplémentaires, comme celle sur les hydrocarbures à propos de laquelle des bruits courent, pourrait réduire la croissance de ce secteur d'une manière catastrophique et entraîner des milliers de pertes d'emplois. Il doit y avoir un équilibre entre les préoccupations environnementales et les emplois pour les jeunes Canadiens.

Selon le ministère des Ressources naturelles, le Canada devrait être un exportateur net de pétrole jusqu'en 2008. Dans 25 ans, nous exporterons encore 75 p. 100 de notre production de pétrole lourd, mais nous importerons presque deux fois plus de pétrole léger. Pour compenser, le gouvernement doit encourager la prospection visant la découverte d'autres gisements au Canada.

Les activités de prospection dans le Nord ont tellement diminué que même l'Office national de l'énergie devait fermer en permanence son bureau de Yellowknife en mars.

Jusqu'à maintenant, mis à part le gisement Bent Horn situé en haute mer dans l'est de l'Arctique, aucun autre gisement d'hydrocarbures important n'a été découvert dans les Territoires du Nord-Ouest, ce qui signifie qu'il n'y a pas suffisamment de gisements pour justifier la mise en valeur d'un champ ou la construction d'un pipeline.

Comme la prospection diminue, l'industrie doit investir dans la technologie pour améliorer la récupération des hydrocarbures des gisements connus.

Depuis 1981, grâce à la nouvelle technologie, le rendement du champ de Norman Wells est passé de 17 à 40 p. 100. Cette amélioration est attribuable au forage horizontal, à l'injection d'eau et à d'autres perfectionnements des techniques de récupération.

On a récemment approuvé, en février dernier, la mise en oeuvre d'un projet pilote d'injection de propane dans la zone qui a fait ses preuves. On pourra ainsi évaluer les mérites techniques de l'injection de fluides miscibles de propane pour accroître les niveaux de récupération sur trois ans. À la fin de cette période, Imperial devrait avoir une assez bonne idée de la quantité de pétrole qui peut être récupérée de ce champ.

En décembre 1992, un peu plus de la moitié des réserves récupérables demeuraient dans le sol, soit environ 125 millions de barils, mais la situation pourrait s'améliorer grandement si l'injection de propane s'avère réalisable. Elle pourrait permettre de récupérer beaucoup plus de pétrole qu'on ne l'avait d'abord cru possible, assurant la stabilité de l'économie régionale pendant 20 à 25 années supplémentaires.

En raison des assurances qu'offre cette modification, on pourra faire des investissements importants dans cette technologie.

En résumé, j'appuie ce projet de loi parce qu'il permet à Imperial d'établir sa planification et qu'il est rentable pour l'économie régionale. Il donnera à Imperial la confiance et le droit au maintien dans les lieux dont elle a besoin pour investir dans la nouvelle technologie visant à accroître au maximum la récupération dans ce champ. Cette modification assurera aussi la stabilité économique et des perspectives d'emploi à long terme dans la région de Norman Wells.

Enfin, j'espère que les redevances et les recettes que le Canada retirera en maximisant la capacité de production de ce champ contribueront à réduire notre déficit national.

M. John Loney (Edmonton-Nord): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi fédérale sur les hydrocarbures.

Je joins ma voix à celle de mon collègue, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, afin d'insister auprès des députés pour qu'ils appuient cette modification administrative mineure qu'il est proposé d'apporter à la loi.

Le projet de loi C-25 étendra, probablement jusqu'à l'année 2020, la durée de vie productive du champ pétrolifère de Norman Wells et maintiendra ainsi une importante source de revenu dont les familles du Nord ont profité ces dix dernières décennies. Cela redonnera un tonus formidable à l'économie. L'activité économique et les nouveaux investissements liés au projet de Norman Wells assureront vraisemblablement 90 emplois de plus dans le Nord.

Je voudrais également faire remarquer aux députés que le projet de Norman Wells a entraîné la création d'emplois dans d'autres régions du Canada. Ainsi, 70 emplois ont été créés en Alberta.

Il n'est pas exagéré de dire que la collectivité de Norman Wells dépend de l'industrie du pétrole. Pour nombre de Canadiens, le nom de Norman Wells est inextricablement lié au pétrole. Retirez le droit de produire chaque goutte de pétrole disponible, vous retirez à cette collectivité son droit au bien-être économique.

Par contre, si nous consentons à étendre la durée de vie productive du champ, nous faisons juste le contraire. Nous prendrons une décision qui entraînera la création d'emplois à long terme, assurant ainsi la survie de Norman Wells pour les 25 prochaines années.

(1750)

Le projet de loi C-25 favorisera la prospérité de cette collectivité qui est déjà une plaque tournante pour la région sur le plan des transports et qui est rapidement en passe de devenir un centre régional sur le plan des services gouvernementaux et du tourisme. Norman Wells a un avenir prometteur, mais un avenir qui a besoin d'une industrie pétrolière saine dans le Nord.

Je voudrais brièvement donner aux députés une idée de l'importance du projet de Norman Wells pour l'économie des Territoires du Nord-Ouest.

En 1993, les dépenses consacrées aux activités de production de Norman Wells ont totalisé 36 millions de dollars, dont environ la moitié a été investie dans le Nord et la totalité au Canada. Le champ pétrolifère assure chaque année aux travailleurs du Nord des salaires totalisant 3,7 millions de dollars. Plus de 30 compagnies à Norman Wells et plus de 20 compagnies dans d'autres


4085

collectivités du Nord doivent une partie au moins de leur chiffre d'affaires annuel à ce projet.

En révisant l'accord de 1994 sur la zone prouvée, le gouvernement étendra la durée de vie productive du champ de douze ans ou plus et assurera le maintien de ces dépenses annuelles le siècle prochain.

Les députés se rendront compte que le projet de la Compagnie pétrolière impériale Limitée d'entreprendre un programme de forage de 30 millions de dollars est une excellente nouvelle pour les entreprises et les collectivités du Nord. Les entreprises du Nord fourniront environ 37 p. 100 des biens et des services nécessaires pour le programme de forage. Ils profiteront aussi de la possibilité de se familiariser avec des techniques de forage de puits à l'horizontale. Cela aura pour effet de multiplier les possibilités d'affaires et d'emploi qui s'offriront aux entreprises implantées dans les Territoires du Nord-Ouest, ainsi que dans le nord de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, là où ces compétences font actuellement défaut.

Comme le ministre l'a fait observer, sur les 30 millions de dollars investis dans le projet de forage, 20 millions seront dépensés dans le Sud, surtout en Alberta. En outre, le projet de forage de Norman Wells génère 2,8 millions de dollars par an au titre des salaires dans le Sud.

Par ailleurs, il ne fait aucun doute que le Canada ne peut se permettre de ne pas participer à un projet tel que celui de Normand Wells, tant que le champ n'a pas donné son plein rendement. Ça aussi, ce serait faire preuve d'irresponsabilité. Certes, notre pays est riche en pétrole, mais ce n'est pas une raison pour gaspiller.

Norman Wells est actuellement le quatrième champ pétrolier du Canada pour ce qui est de la production. Il produit environ 33 000 barils de pétrole par jour et, en 1992, il a généré plus de 50 millions de recettes pour le gouvernement. Il a donc apporté une importante contribution à l'approvisionnement du Canada en ressources énergétiques au cours des 40 dernières années. Grâce à cette modification, il pourra continuer à jouer un rôle important pendant au moins les 25 prochaines années.

Dans l'accord de 1944, on s'imaginait pouvoir épuiser le champ pétrolier et l'expiration de l'accord, fixée à l'année 2008, était considérée comme la limite au-delà de laquelle le champ ne serait plus productif. Or, selon les données fondées sur l'expérience de la production et sur certaines technologies de pointe, il y a tout lieu d'étendre la zone d'exploitation et de prolonger la date d'expiration, si l'on veut profiter de toute la capacité productive du champ pétrolier.

L'Office national de l'énergie a mené une enquête indépendante sur les évaluations effectuées par la Compagnie pétrolière impériale Limitée et il en est venu à la même conclusion, c'est-à-dire que le champ s'étend au-delà de la zone établie en 1944 et que les prévisions de la société quant à la durée de vie productive du champ dépassent l'an 2002.

L'étude technique effectuée par l'Office national de l'énergie corrobore le point de vue de la Compagnie pétrolière impériale Limitée. Pour une gestion efficace du réservoir, il faut élargir la zone prouvée pour y inclure les secteurs périphériques.

L'octroi des droits de production, selon la pratique qui a actuellement cours en vertu de la Loi fédérale sur les hydrocarbures, se fait par appel d'offres. Or, les secteurs qui ne sont pas compris dans la zone prouvée, visée par l'accord, ne seront vraisembablement pas développés si on ne les rattache pas à l'ensemble du champ pétrolier. Par conséquent, l'observation de la politique actuelle risquerait de compromettre la bonne gestion du gisement puisque les réserves périphériques resteraient dans le sol et la récupération maximale du gisement ne se concrétiserait jamais.

La proposition visant à prolonger la durée de l'accord afin d'assurer une pleine production commerciale des réserves est conforme à toute la législation fédérale et provinciale sur le pétrole et le gaz.

(1755)

Étant donné les circonstances particulières qui prévalent, le projet d'expansion et de prolongation de l'accord de Norman Wells sur la zone prouvée a reçu l'appui de l'Association canadienne des producteurs pétroliers. Le projet de modification de l'accord de Norman Wells de 1994 a un double effet.

Premièrement, il modifie légèrement les limites de la zone prouvée en y incluant les zones de bordure, de manière que le gisement soit exploité comme une entité unique. Deuxièmement, il assure la durée de l'accord tant qu'il y aura une production commerciale.

La production à partir de ce gisement est régie par l'accord de Norman Wells sur la zone prouvée et cet accord unique a donc toujours échappé au régime de la Loi fédérale sur les hydrocarbures. C'est pourquoi la loi doit faire état de toute modification de l'accord.

Les députés doivent savoir que les modifications proposées à l'accord sur la zone prouvée ont été examinées conformément au processus d'évaluation environnementale du gouvernement applicable aux projets concernant les politiques et programmes. On n'a constaté aucun effet environnemental important. D'autres examens auront néanmoins lieu avant l'approbation du programme de forage.

Après avoir connu une période de restructuration et de réduction d'activités, les champs pétrolifères au Canada montrent des signes d'une reprise énergique et soutenue. Les travaux d'exploration et de forage se sont considérablement accélérés et les investisseurs se montrent plus intéressés. L'an dernier, quelque six milliards de dollars ont été investis dans l'industrie pétrolière canadienne.

En cette période de redémarrage, le projet de loi C-25 attirera l'attention sur les vastes ressources et les nouvelles possibilités d'exploitation dans le Nord. Les petites sociétés pétrolières pourraient trouver le Nord particulièrement attirant puisqu'elles sont en mesure d'exploiter des projets qui ne seraient pas rentables pour les grandes sociétés.

À la faveur des négociations sur les revendications territoriales dans le Nord, les peuples autochtones touchés ont fortement manifesté leur désir de participer aux projets d'exploitation des ressources. Les gouvernements territoriaux sont également favorables à ces projets en raison des possibilités qu'ils génèrent du point de vue de la création d'emplois, des recettes fiscales et de la création d'entreprises.


4086

Si Ottawa faisait un geste favorable, le nord du Canada pourrait devenir un lieu très attrayant pour les investisseurs et devenir le théâtre d'activités de développement et d'exploration importantes au cours des deux ou trois prochaines années. La Chambre peut envoyer le message qu'il faut en adoptant le projet de loi C-25.

M. John Solomon (Regina-Lumsden): Monsieur le Président, au nom du Nouveau Parti démocratique et en tant que porte-parole de ce parti pour les ressources naturelles, j'ai le plaisir de participer au débat sur le projet de loi C-25.

Depuis un certain nombre d'années, notre parti s'est vivement intéressé aux ressources naturelles du Canada. En Saskatchewan, nous avons, du moins au niveau provincial, encouragé les sociétés pétrolières à adopter de meilleures techniques de récupération des hydrocarbures.

Je suis heureux de dire qu'en Saskatchewan, les sociétés Morgan Hydrocarbons, par exemple, Sceptre Resources et North Canadian Oils Limited, ainsi que diverses autres sociétés ont fait oeuvre de pionnier en ce qui concerne le forage de puits à l'horizontale, et que cela a donné d'excellents résultats.

Avant d'aller plus loin, je voudrais dire, au nom de mon parti, que nous allons appuyer ce projet de loi à certaines conditions. Nous estimons qu'il est important pour l'activité économique dans le Nord. Nous estimons qu'il est extrêmement important pour la création d'emplois dans le Nord et dans d'autres régions du pays.

Nous approuvons, en particulier, le fait que le pays reçoive le tiers des profits découlant de ce projet. Cependant, nous n'appuierons ce projet de loi que si les Canadiens continuent de recevoir le tiers des profits qui seront réalisés grâce à la nouvelle façon de procéder.

Je dis cela parce que la récupération accrue des hydrocarbures et, en particulier, le forage de puits de pétrole à l'horizontale augmentent la production des puits de la Saskatchewan jusqu'à concurrence de 500 ou 600 p. 100. Cependant, lorsque la production augmente de façon aussi marquée, on ne peut pas exploiter aussi longtemps la ressource présente dans le sol.

Ce projet de loi me préoccupe également pour la raison suivante. Je poserai d'ailleurs des questions à ce sujet au comité. À la Chambre, nous ne savons pas avec certitude si la production accrue que va entraîner le forage de puits de pétrole à l'horizontale va engendrer une réduction des redevances.

Si nous allons continuer d'obtenir des redevances de 5 p. 100, de recevoir le tiers des profits et de profiter des retombées des dépenses faites par la Compagnie pétrolière impériale Limitée en ce qui concerne les emplois, nous serons disposés à appuyer le projet de loi.

Nous sommes très heureux d'apprendre que ce projet de loi ne sera adopté que si l'on s'engage à adopter également, à la Chambre des communes, le projet de loi qui intéresse la nation Sahtu.

À titre de député et de Canadien, je suis d'avis qu'il faudra surveiller l'impact environnemental de ce projet à mesure qu'il progressera, en particulier pour ce qui est du forage horizontal des puits de pétrole. Les travaux exécutés en Saskatchewan ont montré que la méthode actuelle de récupération améliorée du pétrole causait peu de problèmes environnementaux, mais on s'inquiète pour les régions écologiquement très sensibles. J'espère que le gouvernement fera en sorte que le processus de surveillance suppose sa participation.

Je me demande aussi si je devrais poser mes autres questions à la Chambre ou au comité. Or, au Nouveau Parti démocratique, nous surveillerons le temps que mettra la Compagnie pétrolière impériale Limitée à recouvrer son investissement. Comme le projet porte sur les ressources naturelles, nous pensons que la pétrolière pourra recouvrer son investissement dans un délai moyen, et non accéléré.

Imperial déclare au gouvernement que cette ressource est très sûre, qu'elle est abondante dans le sol et que le projet durera longtemps. Toutes les raisons portent à croire que ce sera le cas. Toutefois, pour plus de certitude, le gouvernement devrait dire: «Si c'est le cas, nous vous donnons droit à la déduction pour amortissement et à la radiation du coût des investissements sur une période moyenne plutôt que pour une très courte période.» Le gouvernement agirait alors de façon responsable à l'égard de ce projet. L'autre avantage de cette façon de procéder, c'est qu'une fois les travaux terminés, les Canadiens, comme les membres du Sahtu, pourraient partager les bénéfices que ne tarderait pas à produire l'exploitation de ces puits.

Je remercie les députés d'avoir permis qu'au nom des néo-démocrates, je pose des questions sur cette question. Bref, nous appuyons ce projet de loi dans la mesure où l'on remédie aux difficultés que nous avons signalées.

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)

SUSPENSION DE LA SÉANCE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, je voudrais qu'on demande le consentement unanime pour suspendre la séance jusqu'à 18 h 30, ou jusqu'à l'appel de la présidence. Autrement dit, si les députés des deux côtés de la Chambre sont d'accord pour procéder au débat sur la motion d'ajournement, nous pourrions simplement demander à la présidence de convoquer la Chambre avant 18 h 30, au plus tard.

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime pour adopter cette proposition?

Des voix: D'accord.

(La séance est suspendue à 18 h 04.)


4087

REPRISE DE LA SÉANCE

La séance reprend à 18 h 13.

MOTION D'AJOURNEMENT

[Français]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

L'ÉQUITÉ SALARIALE

Mme Christiane Gagnon (Québec): Monsieur le Président, la question de l'équité salariale touche un grand nombre de femmes canadiennes et québécoises. Cette question en est une d'équité et d'égalité entre les hommes et les femmes. En effet, c'est par le biais de l'équité salariale qu'un employeur, fût-il un gouvernement, reconnaît l'égale valeur du travail des hommes et des femmes et permet, de ce fait, aux employées féminines d'accéder à un niveau de vie plus semblable à celui des employés masculins.

Or, ce gouvernement ne semble pas vouloir bouger. Je suis déjà intervenue, à plusieurs reprises, pour dénoncer l'inaction du gouvernement dans ce domaine. Ainsi, j'ai demandé, à deux reprises, au président du Conseil du Trésor ce qu'il entendait faire pour remédier à la situation d'iniquité salariale qui prévaut au sein de la fonction publique du Canada. J'ai également demandé quand le gouvernement entendait rembourser à sa main-d'oeuvre féminine les sommes qui lui ont été accordées en vertu d'un jugement du Tribunal des droits de la personne. On a tenté en vain de me rassurer.

(1815)

Le 20 janvier, au tout début de ce Parlement, on me rappelait que le gouvernement actuel avait pris un engagement au chapitre de l'équité salariale et que cet engagement lui tenait à coeur. Il s'engageait formellement auprès des employés de la fonction publique à donner l'exemple au niveau de l'équité salariale. Je vous rappelle que ceci se passait à la mi-janvier.

Le 8 mars, Journée internationale des femmes, je dénonçais à deux reprises l'inaction de ce gouvernement dans le dossier de l'équité salariale. En réponse, la secrétaire d'État pour la situation de la femme déclarait: «Les femmes doivent pouvoir oeuvrer dans le monde du travail, recevoir un salaire égal pour des tâches comparables et contribuer équitablement à notre richesse collective.»

Elle rajoutait, de plus: «Je me sens privilégiée de faire partie d'un gouvernement déterminé à accélérer la réalisation de l'égalité économique des hommes et des femmes.»

Malgré ces belles paroles, la secrétaire d'État s'est cependant bien gardée de faire état d'un quelconque projet concret pour atteindre cet objectif.

Enfin, le 19 avril, je revenais à la charge pour tenter d'obtenir une réponse concrète du gouvernement. C'était à cette époque que les journaux annonçaient la conclusion d'une entente entre le gouvernement du Québec et ses fonctionnaires, en vertu de laquelle l'employeur s'engageait à verser une somme de 115 millions de dollars en rattrapage salarial et en ajustement pour les catégories d'emplois visés. Je profitais donc de l'occasion pour inciter le gouvernement libéral à suivre l'exemple du Québec. Peine perdue!

La réponse que me fit le président du Conseil du Trésor fut très brève: il se rabattait sur les procédures judiciaires en cours pour éviter, justement, de répondre.

J'interviens ce soir pour rappeler au gouvernement l'importance de l'équité salariale pour les femmes. Je veux lui rappeler ses promesses électorales. Je veux demander à ce gouvernement comment il justifie la poursuite éhontée de procédures judiciaires, procédures qui coûtent annuellement, selon le président de la Commission des droits de la personne, 2 millions de dollars par année.

Je veux demander au gouvernement quand il cessera enfin ce gaspillage éhonté de fonds devant les tribunaux et remettra ces sommes à celles qui en ont le plus besoin: c'est-à-dire les employées féminines de la fonction publique du Canada.

Je veux demander à ce gouvernement quand il entend se conformer aux ordonnances des tribunaux et rembourser à ses employées les salaires qui leur sont dus.

Je demande au gouvernement de nous faire part de l'échéancier qu'il s'est fixé pour respecter ses obligations morales et légales envers ses employées.

Mme Marlene Catterall (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor): Monsieur le Président, je suis très heureuse d'avoir l'occasion de répondre à la question de ma collègue, la même question que j'ai posée dans cette Chambre à plusieurs reprises au gouvernement précédent, à partir d'une place qui n'est pas très loin du fauteuil où elle est assise en ce moment.

[Traduction]

Je lui fais remarquer, à elle ainsi qu'aux autres qui écoutent, que l'équité salariale n'est pas une question qui touche uniquement des femmes, mais des femmes et des hommes qui travaillent dans des groupes professionnels où les femmes sont plus nombreuses.

Depuis la promulgation, par un gouvernement libéral, de la Loi canadienne sur les droits de la personne, en 1978, et l'inclusion, à l'article 11 de cette loi, du principe de la rémunération égale pour un travail d'égale valeur, la Commission canadienne des droits de la personne, les syndicats et les employés ont travaillé chacun à leur façon pour que la parité salariale devienne une réalité.

Entre 1985 et 1990, par exemple, le gouvernement a parrainé une étude syndicale-patronale visant à dépister tous les écarts de salaire attribuables au sexe. Après l'échec du processus, le gouvernement précédent s'est engagé unilatéralement à payer à plus de 70 000 employés une rémunération rétroactive représentant environ 317 millions de dollars, et à effectuer des rajustements salariaux représentant environ 81 millions de dollars par année. En mars 1994, le gouvernement avait payé plus de 700 millions de dollars aux employés visés.


4088

Cependant, les syndicats ont jugé que les sommes versées étaient insuffisantes et ont présenté cinq plaintes, nouvelles ou modifiées, sur l'équité salariale au nom de neuf groupes professionnels où les femmes prédominent. Ils ont demandé l'intervention du Tribunal des droits de la personne.

En dépit de ce qui est sous-entendu dans la question de la députée, ce tribunal n'a pas encore rendu sa décision. Cependant, le Tribunal des droits de la personne a rendu une autre décision il y a trois ans au sujet du personnel du groupe des services hospitaliers. La mise en oeuvre de cette décision a coûté environ 32 millions de dollars.

(1820)

Le gouvernement tient à obtenir des résultats et veut arriver à ce que la situation économique des hommes et des femmes qui travaillent dans la fonction publique soit la même. C'est pourquoi nous avons déjà invité les syndicats à dialoguer. Il y a eu une rencontre et d'autres sont prévues pour parvenir à une entente négociée sur la question d'équité salariale dont est maintenant saisi le Tribunal des droits de la personne.

[Français]

En effet, ce gouvernement veut établir des liens de collaboration et de confiance avec les représentants syndicaux de la fonction publique fédérale. Quant aux ententes au niveau provincial, le gouvernement du Québec et le syndicat de la fonction publique du Québec poursuivent leurs négociations. Il n'y a pas d'accord.

En Ontario, la loi exige des mesures précises selon un horaire prédéterminé. Nous avons pleinement l'intention de poursuivre la mise en oeuvre de la parité salariale selon les exigences de la législation fédérale.

Un gouvernement libéral a proclamé la Loi canadienne sur les droits de la personne et son article visant la parité salariale, et ce gouvernement libéral veut assurer le plein respect de cette loi.

[Traduction]

LES PROGRAMMES SOCIAUX

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, le 7 mars dernier, j'ai signalé au ministre du Développement des ressources humaines que les Canadiens s'inquiètent de la vitesse à laquelle la réforme des programmes sociaux se faisait au Canada.

Je suis heureux de voir que les gouvernements provinciaux ont ralenti le rythme pour donner aux Canadiens la chance d'examiner toutes les implications de cette réforme.

J'ai également fait remarquer au ministre qu'un Canadien sur trois estime que le principal objectif de sa réforme de la politique sociale est de réduire les dépenses des programmes sociaux. Il a répondu que l'objectif de la réforme est de se doter de programmes adaptés à nos besoins. C'est un but fort noble, mais le gouvernement est loin de l'atteindre puisque qu'il y a au Canada 1,3 million d'enfants qui vivent dans la pauvreté, 1,6 million de personnes qui dépendent de l'assurance-chômage, 2,4 millions d'assistés sociaux et Dieu sait combien de personnes qui sont sous-employées, qui travaillent à temps partiel alors qu'elles voudraient un emploi à plein temps et qui n'utilisent pas leurs compétences au maximum.

Nous avons une crise de l'emploi dans notre pays, mais le gouvernement préfère se concentrer sur la réforme de la politique sociale au lieu d'aller à la source du problème et de renforcer l'économie pour donner des emplois à ces 4 millions de Canadiens et plus qui voudraient travailler.

Tous les députés savent que la meilleure politique sociale, c'est un emploi. Pourtant, nous voyons encore des taux de chômage qui dépassent les 11 p. 100. Des études récentes révèlent que, si un demi-million de plus de Canadiens travaillaient à plein temps, les gouvernements fédéral et provinciaux toucheraient ensemble environ 12 milliards de dollars de recettes additionnelles, en plus des économies que réaliserait le programme d'assurance-chômage. Il est clair que, si nous arrivons à redonner des emplois aux Canadiens, les problèmes liés aux programmes sociaux deviendront beaucoup moins importants.

Même en reconnaissant que le gouvernement a réussi à donner des emplois à 80 000 jeunes Canadiens, il reste encore plus de 320 000 jeunes qui sont incapables de trouver du travail dans notre pays.

Il existe d'autres moyens que le gouvernement semble vouloir écarter. Par exemple, il peut aller chercher plus d'argent sous forme d'impôts auprès des gens riches et des sociétés de notre pays. En fait, au cours des neuf dernières années, plus de 140 millions de dollars de profits réalisés par les sociétés n'ont pas été imposés. Si la société Exxon avait payé ses impôts différés pour 1992-1993 au Canada, on aurait pu créer pour 600 000 $ de places en garderie. Imaginez ce que nous aurions pu faire grâce à ce processus pour redonner du travail aux Canadiens.

Nous savons que la moitié de la dette publique est attribuable aux allégements fiscaux et aux échappatoires fiscales dont benéficient les Canadiens riches. Statistique Canada nous l'a appris. Nous savons également que 44 p. 100 de la dette est attribuable aux taux d'intérêt élevés, tandis que seulement 6 p. 100 est attribuable aux dépenses de programmes, dont la moitié seulement pour les programmes sociaux.

Or, le gouvernement s'attaque uniquement aux 3 p. 100 que représentent les dépenses des programmes sociaux, au lieu de s'attaquer au problème fondamental, à savoir que le Canada ne fonctionne pas pour 4,5 millions de Canadiens.

(1825)

Nous pourrions également songer à un impôt sur la richesse, nous pourrions songer à une vérification fiscale plus efficace et nous pourrions même songer à abaisser le plafond des contributions au REER, si nous voulions vraiment équilibrer le fardeau de certains des problèmes auxquels les Canadiens font face et si nous voulions y remédier au moyen de programmes sociaux satisfaisants.


4089

Nous observons actuellement une certaine confusion au sein du gouvernement. Le premier ministre a déjà dit qu'il ne serait plus nécessaire de procéder à des compressions budgétaires; or, il vient de convenir avec son ministre des Finances qu'il faudra exercer d'autres compressions budgétaires. Il s'agira sans doute de compressions importantes à en juger par la façon dont le gouvernement actuel songe à remédier au déficit, c'est-à-dire la façon dont tous les gouvernements conservateurs et libéraux ont toujours procédé partout au Canada, en s'en prenant aux éléments les plus vulnérables de la société.

Je pense que nous devrions ralentir. Nous devrions donner à ceux qui viennent en aide aux plus démunis de la société la chance de mettre au point des. . .

Le vice-président: Je regrette, mais votre temps de parole est écoulé. La parole est au secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines.

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, les Canadiens savent que des programmes mis sur pied dans les années 50 ou 60 sont dépassés. Ils ne sont plus à la hauteur des défis qui se posent à la société canadienne.

C'est pourquoi le gouvernement libéral, par la bouche du ministre du Développement des ressources humaines, a présenté le 31 janvier dernier une démarche en trois étapes afin d'apporter des modifications constructives dans la vie des Canadiens.

Nous étudions les services de garde, l'assurance-chômage, le soutien des familles, les services sociaux, l'aide sociale et d'autres formes de soutien du revenu. Par sa nature même, cette initiative est globale. Les Canadiens obtiendront, par la restructuration de ces programmes, le type de régime de sécurité sociale qu'ils réclament depuis des dizaines d'années.

Le gouvernement a pris conscience des besoins et il a la volonté et le courage politiques pour s'attaquer aux problèmes. Au cours des prochaines semaines, nous allons publier un plan d'action qui proposera une orientation et diverses options de réforme aux Canadiens.

Il s'agira d'un processus de grande portée et ouvert qui mobilisera les Canadiens d'un océan à l'autre. Il s'agit de moderniser notre régime de sécurité sociale, de le restructurer, de donner à nos jeunes, aux travailleurs plus âgés et à l'ensemble des travailleurs les compétences nécessaires pour relever les défis du XXIe siècle. Voilà ce que le gouvernement proposera aux Canadiens.

[Français]

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Francine Lalonde (Mercier): Merci monsieur le Président. Le 25 mars, je posais au ministre des Finances, la question suivante après lui avoir rappelé que nous avons appris que pour l'année prochaine et l'année suivante, les coupures à l'assurance-chômage vont représenter pour les Maritimes, les provinces atlantiques, 630 millions par année et pour le Québec, pendant ces deux années-là également, 535 millions. Nous ne le savons pas présentement pour ce qui est de l'année actuelle, il semble qu'Emploi et Immigration ne le sache pas non plus.

Alors, la question que je lui posais. Le ministre est-il prêt à surseoir au moins aux coupures à l'assurance-chômage le temps de mettre en place une véritable stratégie de création d'emplois permettant aux chômeurs de trouver un emploi plutôt que de les pousser vers l'aide sociale? Six cent trente millions par année pour les provinces atlantiques et 535 millions pour le Québec, je ne parle pas des coupures à l'Ontario et dans l'Ouest parce que le Québec et les Maritimes représentent 60 p. 100 des coupures alors qu'ils ne sont que 33 p. 100 de la population.

Alors, ces coupures ont un effet économique dévastateur et le gouvernement sans avoir regardé a fait ces coupures, a annoncé ces coupures qui vont commencer à être faites, d'où la question n'est-il pas prêt à surseoir au moins pour que ces coupures soient précédées d'un vrai programme de création d'emplois. Alors la question, je la repose ce soir et je vais la reposer et espérer qu'aussi longtemps que C-17 n'est pas adopté, que le ministre puisse revenir.

(1830)

Comme le disait Alain Dubuc, un éditorialiste de La Presse avec lequel l'opposition officielle n'est pas toujours en accord, «M. Axworthy, le ministre des Finances, se trompe parce que c'est dans son Budget que se trouvent les coupures, parce qu'il coupe avant d'aider les personnes.» Non seulement coupe-t-il avant, mais il coupe dans les régions qui vont se trouver privées de très importantes sommes d'argent. D'importantes sommes d'argent qui serviront, servent quand elles sont versées, à payer les loyers, à payer la nourriture, à payer les biens essentiels, qui sont non seulement essentiels à la survie, mais qui servent à faire tourner l'économie locale.

Alors avant de priver ces régions déjà extrêmement touchées sur le plan de la structure industrielle, pourquoi le ministre ne sursoit-il pas pour qu'il y ait mise en place d'un vrai programme pour donner de l'espoir. On dit le mot «espoir», mais on fait le contraire, on plonge les gens dans le désespoir.

[Traduction]

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, les mesures énoncées dans le budget du 22 février touchant le programme d'assurance-chômage visaient d'abord et avant tout à protéger les emplois des travailleurs de tout le pays.

Ces modifications auront pour effet une diminution des coûts des employeurs, favorisant du même coup les exportations et permettant aux produits canadiens d'être plus concurrentiels. En fait, la réduction des cotisations d'assurance-chômage entraînera le maintien ou la création de quelque 40 000 emplois.

En outre, pour clarifier certaines statistiques mentionnées par la députée de Mercier, les changements toucheront équitablement toutes les régions du pays. Même après l'entrée en vigueur des mesures budgétaires, les travailleurs du Québec continueront de toucher plus de 31 p. 100 de toutes les prestations d'assu-


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rance-chômage versées même si le Québec ne représente que le quart de la population du Canada.

En fait, l'an dernier, le Québec a reçu environ 1,5 milliard de dollars de plus en prestations d'assurance-chômage qu'il n'a versé en cotisations.

La députée de Mercier a laissé entendre que les modifications auront un effet marqué sur le nombre de prestataires d'aide sociale. En fait, la plupart des prestataires d'assurance-chômage passent de l'assurance-chômage à un emploi; de plus, les trois quarts de tous les prestataires de l'assurance-chômage n'épuisent pas la totalité des prestations auxquelles ils ont droit. Peu de prestataires d'assurance-chômage qui épuisent leurs prestations d'assurance-chômage passent de cette dernière à l'aide sociale. On estime que 10 p. 100 des prestataires, soit environ 2 ou 3 p. 100 de tous les prestataires d'assurance-chômage, passent à l'aide sociale après avoir épuisé leurs prestations d'assurance-chômage.

LA LOI C-91

M. John Solomon (Regina-Lumsden): Monsieur le Président, le 3 mai dernier, j'ai demandé au ministre de l'Industrie s'il allait attendre après les élections au Québec pour abroger la loi C-91 sur les brevets pharmaceutiques, ou s'il allait agir dans l'intérêt de tous les Canadiens qui consomment des médicaments d'ordonnance et l'abroger dès maintenant.

Cette loi coûte aux Canadiens entre un et deux milliards de dollars de plus, annuellement, pour l'achat de leurs médicaments.

Aujourd'hui, à la période des questions, le député de Laurier-Sainte-Marie a demandé une fois de plus au premier ministre s'il allait réviser cette mesure. Il a prétendu que toute révision de cette mesure créerait de l'instabilité au Québec. Cette accusation est scandaleuse, quand on pense que son parti a pour objectif de diviser le Canada.

J'ai l'impression que le gouvernement ne fera rien avant que les élections aient eu lieu au Québec, ou même que le référendum de 1995 soit passé. Pourquoi le gouvernement cède-t-il aux pressions de l'opposition officielle?

J'ai été particulièrement choqué d'entendre le premier ministre répondre aujourd'hui que le ministre de l'Industrie ne réviserait pas cette loi s'il constatait que les fabricants de produits pharmaceutiques consacraient de l'argent à la recherche. Cette déclaration contredit les affirmations que le ministre de l'Industrie avait faites en avril. Le ministre avait affirmé à l'époque qu'une révision était imminente. Pourquoi le gouvernement se dérobe-t-il maintenant? Pourquoi cette contradiction?

En fait, un article du Kitchener-Waterloo Record du samedi 30 avril 1994 rapporte ceci: «Le ministre des Affaires étrangères, André Ouellet, a admis que la loi C-91, en accordant un brevet de 20 ans aux médicaments de marque, allait coûter des milliards au Canada, à cause de la hausse que cela entraîne dans le prix des produits pharmaceutiques.» Il nous dit maintenant que le gouvernement ne procédera pas à cette révision parce qu'il ne veut pas semer la zizanie.

(1835)

La loi C-91 pose de graves problèmes aux consommateurs canadiens et devrait être abrogée sans délai. Depuis son adoption, le prix de certains médicaments d'ordonnance a augmenté dans une proportion pouvant aller jusqu'à 120 p. 100. Les députés du Bloc n'ont pas caché leur intention de s'élever avec véhémence contre toute décision du gouvernement de modifier cette loi. Ils ont souscrit à cette mesure lorsqu'elle a été adoptée à la Chambre durant la dernière session, alors qu'ils siégeaient sur les banquettes conservatrices.

Il est plutôt étrange que les députés du Bloc, qui se targuent de représenter les Québécois, soient aussi complètement coupés de leurs électeurs. En effet, dans le cadre d'un récent sondage effectué par l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, 79 p. 100 des consommateurs québécois ont déclaré que les médicaments de prescription étaient trop coûteux, la proportion était de 16 p. 100 supérieure à la moyenne nationale à l'extérieur du Québec.

De nombreux candidats libéraux, notamment le premier ministre et la vice-première ministre, ont fait campagne en promettant d'annuler la loi C-91. Ils n'ignoraient pas que les Canadiens étaient outrés du prix élevé des médicaments et ils ont parlé d'abroger cette mesure en ce qui a trait aux médicaments de prescription. Ils savent ce que les Canadiens veulent et le moment est venu de tenir leur promesse. En tardant à modifier cette loi, on dit aux Canadiens que ce n'est plus une priorité. On les trahit. Le gouvernement fait volte-face.

Les libéraux disent carrément qu'ils n'attachent pas beaucoup d'importance à cette question. Ils hésitent maintenant à modifier la loi C-91. S'ils ne vont pas de l'avant, cela n'aurait vraiment rien d'honorable de leur part. Cependant, la situation n'est pas bien différente de celle des anciens conservateurs. Qu'il s'agisse de libéraux ou de conservateurs, c'est toujours la même histoire.

Dans la réponse qu'il m'a donnée, le ministre de l'Industrie a signalé qu'il examinait les répercussions en vertu du GATT des modifications possibles à cette mesure. Je rappelle au gouvernement que le GATT renferme une clause permettant des exceptions raisonnables aux termes de laquelle l'ancien système d'octroi obligatoire de licences pourrait être rétabli. Les Canadiens ne devraient pas s'étonner de voir les libéraux changer d'idée; après tout, ce n'est pas la première fois qu'ils font campagne en défendant un point de vue pour revenir ensuite sur leur position. Pour ceux qui l'auraient oublié, je veux parler de l'ALENA, des essais de missiles de croisière.

Le vice-président: Je suis désolé d'interronpre le député, mais il a épuisé ses quatre minutes.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je voudrais dire tout d'abord au député de Regina-Lumsden que nous n'avons pas l'intention de revenir sur notre promesse électorale. Nous sommes résolus à modifier la loi. Nous n'avons pas changé d'avis.

Le défi consiste à assurer l'établissement d'une industrie pharmaceutique florissante et d'offrir des médicaments brevetés aux consommateurs à des prix raisonnables, en conformité de nos engagements internationaux dans le cadre du GATT et de l'ALENA.

4091

Les multinationales pharmaceutiques se sont engagées à consacrer 10 p. 100 de leurs ventes à la recherche et au développement d'ici à 1996. Elles ont déjà annoncé qu'elles y consacreraient plus de 680 millions de dollars entre 1992 et 1996. Nous tenons à nous assurer qu'elles tiendront leurs engagements.

En ce qui concerne les médicaments brevetés, les sociétés pharmaceutiques ne peuvent pas les vendre au prix qu'elles veulent. Les prix sont réglementés par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés et le prix des médicaments brevetés a augmenté de 2,9 p. 100 en moyenne entre 1987 et 1992, comparativement à 4,2 p. 100 pour l'IPC.

Permettez-moi donc de terminer en disant que notre gouvernement est déterminé à assurer une économie forte et à répondre aux besoins des consommateurs et qu'il n'a pas l'intention de revenir sur ses promesses électorales.

[Français]

LES AFFAIRES INDIENNES

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, la semaine passée, mercredi pour être plus exact, je posais deux questions au ministre des Affaires indiennes relativement aux oubliés d'Oka. Naturellement, les questions étaient basées sur une lettre de la Chambre de commerce de Kanesatake qui avait été écrite le 26 avril au très honorable Jean Chrétien et des copies conformes de ces lettres-là avaient aussi été envoyées à Lucien Bouchard, Claude Bachand et Ron Irwin.

Dans cette lettre, le président de la Chambre de commerce invoque plusieurs anomalies. Entre autres, il allègue qu'il y a eu des détournements de fonds du côté du conseil de bande, c'est-à-dire que les fonds qui étaient destinés au développement économique ont été détournés à d'autres fins.

(1840)

À la question que je posais au ministre, le ministre invoquait le fait qu'il n'avait pas la lettre en main et comme je viens de vous le dire, la lettre était datée du 26 avril. J'aimerais beaucoup avoir une réponse à cet effet sur les allégations de détournement de fonds.

Mais la deuxième question, elle, portait aussi sur le déclin du développement économique dans la communauté de Kanesatake. La Chambre de commerce représente 80 p. 100 des commerces autochtones à Kanesatake et naturellement, le climat, le contexte de violence, le contexte d'insécurité et d'instabilité à Kanesatake entraîne des pertes énormes du côté économique.

Naturellement, les commerces sont tous en déclin et à cet effet, le ministre me répondait que c'est l'ancien gouvernement qui avait envoyé l'armée, eux étaient intéressés à négocier, eux convoquaient les autochtones de Kanesatake pour régler la question, et sur cette base-là, je pense que le ministre fait erreur. Je pense que c'est plus l'incurie du gouvernement qui fait en sorte qu'on a un problème du côté du développement économique à Kanesatake.

On fourmille d'exemples où c'est vraiment devenu indécent de voir comment le gouvernement fédéral se lave les mains de ce contexte économique, qui est dû particulièrement à un groupe de délinquants connus de tout le monde là-bas, qui doit être connu du gouvernement et qu'est-ce que le gouvernement fait dans ce contexte? Absolument rien.

On constate que les vols, le vandalisme, la violence, se continuent et ce n'est pas facile d'aller magasiner à Kanesatake lorsqu'on est accueilli par des coups de fusils mitrailleurs et qu'on se demande si on n'est pas dans un western.

Malheureusement, la réalité, ici, dépasse la fiction. On a des documents sonores qui démontrent qu'à toutes les nuits, ça tire à qui mieux mieux à Kanesatake et on n'a pas à se demander longtemps pourquoi les commerces déclinent.

Et on se demande ce que le gouvernement propose pour empêcher ce déclin et pourquoi il ne prend pas au sérieux toute la question de la sécurité publique à Kanesatake.

Pas plus tard qu'hier, il y a deux réservoirs de gaz qui ont sauté à Kanesatake, un dans la pinette d'Oka et l'autre dans les Terrasses Raymond et cela a empêché toute la communauté de dormir toute la nuit.

À tous les jours, il se produit des événements violents. Même les enfants de l'école de Kanesatake ont écrit au chef de bande lui disant qu'il faut que ça s'arrête. On doit arrêter cela, parce que je pense que les enfants ont même dit dans leur lettre qu'ils avaient peur de circuler à bicyclette et qu'ils avaient peur de circuler dans le village.

Les gens sont incapables d'assurer leur maison, incapables d'assurer leur commerce. Les hypothèques ne sont pas renouvelées à cause de ce climat d'instabilité et personne n'intervient. Le gouvernement fait preuve d'incurie là-dedans.

La question finalement est, du côté des allégations de détournement de fonds, qu'est-ce que le gouvernement fait pour corriger la situation, et du côté du développement économique, qu'est-ce que le gouvernement entend faire pour réinstaurer un climat de sécurité publique décent à Kanesatake et apporter des mesures concrètes pour aider les commerces à faire en sorte qu'ils traversent une fois pour toute cette crise avec l'aide, ils l'espèrent, de leur gouvernement fédéral?

[Traduction]

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, je suis heureux de répondre à la question posée par le député de Saint-Jean le 4 mai au sujet de la lettre du 26 avril envoyée par M. Roger Simon, président de la Chambre de commerce de Kanesatake.

M. Simon accuse le gouvernement fédéral de négligence, notamment au sujet de l'effondrement des entreprises autochtones et ausi de la mauvaise affectation de subventions fédérales qui aurait été faite par le conseil de bande dans un contexte instable mettant en cause la sécurité publique.

La sécurité publique à Oka-Kanesatake relève du ministère de la Sécurité publique du Québec et c'est la Sûreté du Québec qui assure les services de sécurité à tous les résidants de la région.

4092

Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a rencontré à plusieurs reprises le grand chef Pelletier au sujet des propriétés que le gouvernement fédéral a rachetées à la suite de la crise d'Oka en 1990. Les discussions visaient à établir une assise territoriale unifiée.

Le ministre a proposé diverses solutions en vue d'assurer le transfert des propriétés au Conseil mohawk de Kanesatake. Ce dossier, très complexe, demeure prioritaire et doit faire l'objet d'un règlement acceptable pour toutes les parties intéressées.

En ce qui concerne les allégations de mauvaise affectation des fonds de développement économique, la bande est libre de gérer les fonds conformément à l'entente signée avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le ministère n'intervient pas dans les activités administratives courantes de la bande, car cela tiendrait de l'attitude paternaliste. Les conseils de bande et les chefs sont responsables devant les membres de bande qui les élisent.

Les fonds de développement économique font partie des plans de relance qui ont fait l'objet d'une entente en janvier dernier entre le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et le Conseil mohawk de Kanesatake.

Le vice-président: Comme il est 18 h 45, suite à l'ordre adopté plus tôt, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 44.)