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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 6 mars 1997

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE SECRET DU BUDGET-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LA LOI DE 1985 SUR LES NORMES DE PRESTATION DE PENSION

    Projet de loi C-85. Adoption des motions de présentation et de première lecture 8694

LA LOI SUR LE BUREAU CANADIEN D'ENQUÊTE SUR LES ACCIDENTS DE TRANSPORT ET DE LA SÉCURITÉ DES TRANSPORTS

    Projet de loi C-86. Adoption des motions portant présentation et première lecture 8694

LE PROJET DE LOI C-33

LA FISCALITÉ

LA PORNOGRAPHIE

LA JUSTICE

LA PORNOGRAPHIE

LA FISCALITÉ

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

LES RELATIONS OUVRIÈRES

LES ARMES NUCLÉAIRES

LE PERSONNEL DES SERVICES D'URGENCE

LA FISCALITÉ

LA CONSOMMATION D'ALCOOL

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

LA FISCALITÉ

LE SIDA

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LE TABAC

    Projet de loi C-71. Motion de troisième lecture. 8696
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 8721

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

IMAX

LE PARTI LIBÉRAL DU CANADA

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 8725

LES JAZSCATS

LES CLUBS COMMUNAUTAIRES

LA RECHERCHE

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME

LE LOGEMENT

LE TABAC

LE DÉFICIT

    M. Hill (Prince George-Peace River) 8726

LES MINES

L'IMMIGRATION

L'ASSURANCE-EMPLOI

LA CONDITION FÉMININE

LES INSTALLATIONS DE RECHERCHE DE LA DÉFENSE À ESQUIMALT

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 8727

L'ASSURANCE-EMPLOI

LE TABAC

QUESTIONS ORALES

LE TABAC

LES SOINS DE SANTÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 8730
    M. Martin (LaSalle-Émard) 8730
    M. Martin (LaSalle-Émard) 8730

L'ENLÈVEMENT D'UN RESSORTISSANT QUÉBÉCOIS AU NIGER

LES SOINS DE SANTÉ

LE ZAÏRE

LES SOINS DE SANTÉ

LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES

LE MEXIQUE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 8733

LES PENSIONS

    M. Martin (LaSalle-Émard) 8733
    M. Martin (LaSalle-Émard) 8734

LA SOMATOTROPHINE BOVINE

    M. Chrétien (Frontenac) 8734
    M. Chrétien (Frontenac) 8734

L'AGRICULTURE

LES PENSIONS

    M. Martin (LaSalle-Émard) 8735

ULTRAMAR

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

LES AFFAIRES DES ANCIENS COMBATTANTS

L'EMPLOI CHEZ LES JEUNES

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

RECOURS AU RÈGLEMENT

OBSERVATIONS FORMULÉES AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LE TABAC

    Projet de loi C-71. Reprise de l'étude de la motion de troisième lecture 8737
    M. Hill (Prince George-Peace River) 8738
    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 8749

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 8749

LA LOI SUR LE TABAC

    Projet de loi C-71. Reprise de l'étude de la motion de troisième lecture 8749
    Adoption de la motion par 139 voix contre 37 8755
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 8756

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-304. Motion de deuxième lecture 8756
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 8760

MOTION D'AJOURNEMENT

LA PETITE ENTREPRISE


8693


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 6 mars 1997


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE SECRET DU BUDGET-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: À l'ordre. Avant que nous ne passions à l'ordre du jour, je suis prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée par le député de York-Sud-Weston le mercredi 19 février 1997 au sujet de la divulgation des documents budgétaires avant la présentation du budget par le ministre des Finances, le mardi 18 février 1997.

[Français]

Je remercie l'honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, l'honorable député de St-Albert, l'honorable député de Kootenay-Est et l'honorable secrétaire parlementaire du ministre des Finances de leurs commentaires à ce sujet.

[Traduction]

Dans son argumentation, le député de York-Sud-Weston a soutenu que le gouvernement avait rendu de nombreuses dispositions du budget publiques avant le discours du ministre des Finances et que les documents budgétaires ont été divulgués environ quinze minutes avant que le ministre ne commence son exposé budgétaire. Il a affirmé que ces deux actions différaient de façon marquée de la pratique observée auparavant.

[Français]

Le député a aussi soutenu que la divulgation prématurée des renseignements constitue une atteinte aux privilèges des députés. Enfin, il demande à la Présidence de revoir toute la question de l'isolement précédant la présentation du budget.

[Traduction]

Depuis le début de la législature, les députés ont été témoins d'un important changement au processus budgétaire. Le 7 février 1994, la Chambre a adopté des modifications à son Règlement dont notamment l'insertion du nouvel article 83.1 pour pourvoir à ce qu'on a appelé les «consultations prébudgétaires» en autorisant le Comité permanent des finances à examiner les propositions relatives à la politique budgétaire du gouvernement et à en faire rapport.

En conséquence, le Comité permanent des finances a, à trois occasions, procédé à des consultations publiques pour lesquelles les membres du comité étaient autorisés à se déplacer pour se renseigner sur les préoccupations des Canadiens. En vertu de l'article 83.1 du Règlement, le comité a présenté trois rapports: le premier, le 8 décembre 1994; le deuxième, le 12 décembre 1995; et le troisième et le plus récent, le 5 décembre 1996.

À propos de la question du secret du budget, il serait peut-être utile de rappeler à tous les députés ce que le Président Sauvé a souligné dans une décision rendue à la Chambre le 19 avril 1983 et dont le texte se trouve à la page 24649 des Débats:

Le secret du budget est une convention politique. C'est également le cas de la pratique qui veut que le ministre présente son budget à la Chambre avant de le faire à toute autre tribune publique.
Je suis du même avis que le Président Sauvé. Il ne conviendrait pas que la présidence s'immisce dans l'interprétation du secret du budget, ni dans celle de la séance d'information à huis clos.

Pour ce qui est de la question de privilège relativement à l'affaire soulevée, permettez-moi de citer encore le Président Sauvé. Dans une décision qu'on trouve à la page 12898 des Débats du 18 novembre 1981, le Président a dit:

Un manquement au secret du budget ne peut pas être considéré comme une atteinte aux privilèges. C'est peut-être pour les députés un très grave sujet de grief. Cela peut avoir des répercussions néfastes sur les affaires et la bourse. Cela peut rapporter à des gens des revenus qu'ils n'auraient pas obtenus autrement. Ce sont là des conséquences possibles d'indiscrétions qui n'ont cependant aucune incidence sur les privilèges des députés. Elles peuvent causer un tort parfois irréparable à des personnes ou à des établissements, mais elles ne concernent en rien les privilèges.
(1010)

Le Président Fraser a aussi été appelé à se prononcer sur le secret budgétaire. Le 18 juin 1987, il a déclaré, comme on peut le lire à la page 7315 des Débats:

Le secret budgétaire est une convention parlementaire. Il s'agit d'empêcher quiconque de tirer un avantage de l'obtention à l'avance de renseignements budgétaires. [. . .]Les limites du privilège parlementaire sont très restreintes et il n'incombe pas à la présidence de décider si oui ou non une convention parlementaire est justifiée ou si on l'a bel et bien violée. Cette question doit faire l'objet d'un débat politique auquel la présidence ne voudrait pas être mêlée.


8694

Je souscris à l'avis de ces deux présidents, à savoir que le manquement au secret du budget n'a rien à voir avec le privilège parlementaire. Par conséquent, dans le cas qui nous est soumis, la présidence ne peut pas conclure que le député a, de quelque façon, été gêné dans l'exécution de ses devoirs de parlementaire.

J'arrive donc à la conclusion qu'il n'y a pas présomption d'atteinte au privilège.

[Français]

Je remercie l'honorable député de York-Sud-Weston d'avoir soulevé cette question.

______________________________________________


8694

AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à six pétitions.

* * *

[Traduction]

LA LOI DE 1985 SUR LES NORMES DE PRESTATION DE PENSION

L'hon. Paul Martin (pour le ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.) demande à présenter le projet de loi C-85, Loi modifiant la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension et la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

[Français]

LA LOI SUR LE BUREAU CANADIEN D'ENQUÊTE SUR LES ACCIDENTS DE TRANSPORT ET DE LA SÉCURITÉ DES TRANSPORTS

L'hon. Ron Irwin (au nom du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales) demande la permission de déposer le projet de loi C-86, Loi modifiant la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports et une autre loi en conséquence.

(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est est lu pour la première fois et imprimé.)

(1015)

[Traduction]

LE PROJET DE LOI C-33

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, j'ai trois pétitions à présenter aujourd'hui. La première fait valoir que le projet de loi C-33 a été étudié avec une hâte injustifiée et aura pour effet de saper la famille naturelle. Cette pétition émane d'habitants de la circonscription de Macleod.

LA FISCALITÉ

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition signale que la TPS sur les livres est injuste, d'autant plus qu'on avait promis d'en exonérer les imprimés.

LA PORNOGRAPHIE

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, la dernière pétition fait remarquer qu'on devrait souligner davantage ici au Parlement la Semaine du ruban blanc contre la pornographie. Je suis d'accord avec toutes ces pétitions.

LA JUSTICE

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, j'ai un certain nombre de pétitions à présenter.

La première a trait aux avantages pécuniaires que les criminels peuvent tirer de leur activité criminelle. Les pétitionnaires trouvent cela révoltant et déclarent qu'il faut prendre tous les moyens pour empêcher que pareille chose se produise.

LA PORNOGRAPHIE

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition exprime la même révolte contre la pornographie et ses effets pernicieux sur la société. Les signataires déclarent en outre qu'on devrait l'interdire parce qu'elle a des effets dysfonctionnels et avilissants aussi bien pour les hommes que pour les femmes et les enfants.

LA FISCALITÉ

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, la troisième pétition demande qu'on ne hausse plus les taxes sur l'essence, car, de l'avis des pétitionnaires, elles ne sont déjà que trop élevées.

La quatrième pétition a trait aux imprimés. Les signataires demandent qu'on supprime la TPS sur les imprimés, une mesure que je préconise depuis longtemps. Ils soutiennent également que les ouvrages de lecture et de formation pourraient être exonérés de toute taxe de vente.

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, la dernière pétition demande aux députés de travailler à rendre possible l'amélioration du réseau autoroutier national. Je suis heureux de manifester mon appui à toutes ces pétitions.

LES RELATIONS OUVRIÈRES

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition au nom du Conseil canadien des syndicats opérationnels de chemins de fer. Les


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signataires viennent de localités situées entre Windsor, en Ontario, et Revelstoke, en Colombie-Britannique.

Les pétitionnaires signalent que la survie du conseil comme unité de négociation efficace pour ses membres est menacée par l'ingérence du gouvernement dans le processus de négociation collective que constitue la Loi sur le maintien des services ferroviaires.

Ils demandent au Parlement et au gouvernement de rétablir des négociations collectives réelles. Ils demandent au Parlement de reconnaître l'importance d'une négociation libre et sans entraves en adoptant un projet de loi qui rétablirait les droits de grève pour le syndicat et de lock-out pour la partie patronale.

LES ARMES NUCLÉAIRES

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter une autre pétition qui est signée, celle-là, par des pétitionnaires de Fort Qu'appelle et du district de Balcarres.

Ces pétitionnaires signalent qu'il existe encore plus de 30 000 armes nucléaires dans le monde et que ces armes menacent la santé humaine, la survie de la civilisation humaine et l'environnement de toute la planète.

Ils demandent au Parlement de soutenir l'amorce immédiate de négociations, qui devraient aboutir au plus tard en 2000, sur une convention internationale établissant un calendrier exécutoire d'élimination de toutes les armes nucléaires.

LE PERSONNEL DES SERVICES D'URGENCE

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai trois pétitions à présenter aujourd'hui. La première vient de Regina, en Saskatchewan.

Les pétitionnaires veulent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que nos policiers et nos pompiers risquent quotidiennement leur vie pour offrir les services d'urgence dont tous les Canadiens ont besoin. Ils précisent également que, dans bien des cas, les familles des pompiers ou des policiers tués dans l'exercice de leurs fonctions sont souvent laissées sans moyens financiers suffisants pour respecter leurs obligations.

Les pétitionnaires exhortent donc le Parlement à établir un fonds d'indemnisation des agents de la sécurité publique, qui recevrait des dons et des legs destinés aux familles de policiers et de pompiers tués dans l'exercice de leurs fonctions.

LA FISCALITÉ

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition vient de Calgary, en Alberta. Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que diriger un foyer et prendre soin des enfants d'âge préscolaire est une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur dans notre société.

Les pétitionnaires prient le Parlement de poursuivre les initiatives visant à aider les familles qui décident de s'occuper, chez eux, d'enfants d'âge préscolaire, de personnes handicapées, de malades chroniques ou de personnes âgées.

LA CONSOMMATION D'ALCOOL

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, la dernière pétition me vient de Dingwall, en Nouvelle-Écosse. Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que la consommation de boissons alcooliques peut entraîner des problèmes de santé ou diminuer les capacités d'une personne, et notamment sur le fait qu'il est possible de prévenir totalement le syndrome de l'alcool chez le foetus ainsi que d'autres anomalies à la naissance liées à l'alcool en évitant de consommer de l'alcool pendant la grossesse.

(1020)

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'adopter une mesure législative visant à rendre obligatoire l'apposition sur les contenants de boissons alcooliques d'étiquettes mettant en garde les futures mères et autres consommateurs contre les risques associés à la consommation d'alcool.

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, j'ai à présenter trois pétitions.

Deux pétitions ont trait au réseau routier national, la première signalant que 38 p.100 de notre réseau routier national laissent à désirer. Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement d'exhorter le gouvernement fédéral à collaborer avec les gouvernements provinciaux à la réfection du réseau routier national.

Les signataires de la deuxième pétition, qui concerne aussi les routes, font remarquer que le prix de l'essence est constitué à 52 p. 100 de taxes, dont seulement 5 p. 100 des recettes sont réinvesties dans les routes. Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas hausser la taxe fédérale d'accise sur l'essence et de permettre que les recettes que celle-ci génère à l'heure actuelle aillent à la réfection de nos routes en ruines.

LA FISCALITÉ

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, la troisième pétition concerne la lecture et l'alphabétisation. Les pétitionnaires trouvent injuste que la TPS de 7 p. 100 soit imposée sur les imprimés. Ils demandent au Parlement d'annuler la TPS sur les livres, les revues et les journaux.

J'appuie leur pétition.

LE SIDA

M. Janko PeriG (Cambridge, Lib.): Monsieur le Président, je me réjouis de ce que le ministre de la Santé soit ici aujourd'hui pour m'entendre présenter cette pétition.

Cinq cent cinquante pétitionnaires de Cambridge, ma circonscription, demandent instamment au gouvernement de s'engager à reconduire la Stratégie nationale sur le sida et à maintenir le financement actuel.

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[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

Le président suppléant (M. Milliken): Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LE TABAC

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.) propose: Que le projet de loi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, l'étiquetage et la promotion des produits du tabac, modifiant une autre loi en conséquence et abrogeant certaines lois, soit lu pour la troisième fois et adopté.

-Monsieur le Président, je suis très heureux de participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi C-71. De nombreux députés actuels ont participé à bien des débats sur la réglementation des produits du tabac. Plusieurs d'entre nous qui siègent ici aujourd'hui étaient présents en 1988 lors du débat sur le projet de loi C-51, Loi réglementant les produits du tabac.

Je voudrais remercier mon prédécesseur, l'ancien ministre de la Santé, l'honorable Jake Epp, qui a présenté le projet de loi C-51, de son engagement par rapport à la réglementation des produits du tabac et des efforts qu'il a déployés en légiférant dans ce domaine.

Il y a près de sept ans, le ministre Epp a pris la parole à la Chambre dans le cadre du débat visant l'adoption en troisième lecture du projet de loi C-51. Je cite le discours qu'il a alors prononcé:

Ce projet de loi a pour objet de fournir une réponse législative à un problème national concernant la santé publique qui suscite actuellement de vives inquiétudes. Il est conçu pour protéger la santé des Canadiens étant donné les preuves concluantes dont on dispose que l'usage du tabac provoque de nombreuses maladies débilitantes et fatales.
Même si nous, de ce côté-ci de la Chambre, avons à plusieurs occasions été en désaccord avec le parti de l'honorable Jake Epp, notre parti a appuyé le projet de loi C-51.

Nous avions à l'époque des réserves au sujet de ce projet de loi. Nous voulions avoir l'assurance que le projet de loi allait le plus loin possible pour restreindre l'accès et l'exposition aux produits du tabac.

(1025)

Ma collègue, la ministre du Patrimoine a abordé ces questions pendant tout le débat sur le projet de loi C-51. Certes, nous avons voulu garantir que la loi soit efficace, mais notre soutien des principes du projet de loi ne s'est jamais démenti. Aujourd'hui, nous sommes saisis d'un projet de loi qui reflète l'engagement de mon parti et du gouvernement envers la santé des Canadiens.

Le tabagisme est une source de risque pour la santé que nous pouvons prévenir dans une large mesure. Derrière les annonces aux couleurs chatoyantes et les styles de vie insouciants dont se servent les commanditaires se cache un triste bilan de souffrances et de vies terminées trop tôt. Qui à la Chambre n'a pas été touché par les ravages du tabagisme? Nous avons tous des parents, des amis ou des connaissances qui ont souffert d'une maladie causée par le tabac ou en sont morts.

Comme nous l'avons appris durant le débat sur le projet de loi C-71, le tabagisme a des effets complexes et divers et, grâce à la recherche faite dans le monde entier, nous connaissons beaucoup mieux ses effets. Nous comprenons de mieux en mieux les facteurs qui nous poussent à commencer à fumer et à continuer de le faire.

Je voudrais souligner un fait tragique. Ce sont surtout les adolescents qui décident de commencer à fumer. Quelque 85 p. 100 de tous les fumeurs ont commencé à fumer avant l'âge de 16 ans. Ceux qui pensent que cette question concerne une décision prise par des adultes devraient se raviser.

Quel risque courent ces jeunes fumeurs? Ils risquent d'avoir une santé affaiblie le reste de leurs jours parce que nous savons que le tabac tue. Nous savons que la recherche montre que quelque 40 000 Canadiens voient leur vie écourtée chaque année à cause du tabac. Nous savons que le tabagisme est une cause d'environ 30 p. 100 de toutes les formes de cancer au Canada.

Si c'était le seul prix à payer parce que les jeunes se laissent convaincre de commencer à fumer, ce serait trop. Mais il y a plus. Le tabac a des coûts économiques et des coûts sociaux. Le coût des soins de santé des gens qui souffrent d'affections liées à l'usage du tabac est l'un des coûts économiques les plus évidents. Bien sûr, ces coûts prennent de nombreuses formes, mais les plus évidents sont les coûts que doit payer le régime d'assurance-maladie.

Je crois que tous les partis politiques à la Chambre comprennent que les Canadiens tiennent beaucoup à leur régime d'assurance-maladie et je crois que tous les partis savent que nous devons faire un meilleur usage de ce régime. Cela signifie qu'il faut réduire les frais inutiles.

Le coût du traitement des maladies liées à l'usage du tabac est probablement le meilleur exemple de coût pouvant être évité. Nous estimons que le tabagisme coûte à notre société environ 15 milliards de dollars chaque année dont environ 3,5 milliards en frais médicaux directs.

Je pourrais m'étendre sur la nature des coûts en parlant, par exemple, des séjours à l'hôpital, des consultations médicales, des médicaments et des séjours dans des établissements de soins de longue durée. Nous pourrions parler longtemps des maladies que les médecins attribuent à la consommation du tabac, notamment le


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cancer, les maladies cardiaques et les maladies pulmonaires comme l'emphysème.

Nous ne devons pas oublier que les accros de la cigarette qui sont peut-être malades aujourd'hui en raison de leur habitude ont probablement commencé à fumer lorsqu'ils étaient très jeunes, peut-être à l'adolescence.

Aujourd'hui même, une autre génération de jeunes Canadiens est exposée à l'attrait des produits du tabac. Les nouveaux consommateurs de tabac sont les jeunes. Essayons aujourd'hui de nous rappeler comment on se sent lorsqu'on est jeune. Les jeunes ont l'impression d'être immortels. Ils veulent être adultes et faire des choses qui leur donnent l'air d'être des adultes.

(1030)

L'adolescence est une période où l'on veut affirmer son indépendance. C'est une période où les opinions des amis et des pairs pèsent plus lourd dans la balance que les conseils des enseignants, des parents et même des médecins. La raison la plus courante invoquée par les jeunes à qui on demande pourquoi ils ont commencé à fumer est l'influence des amis, ce qu'on appelle aussi la pression à l'uniformité. Un adolescent de 13 ou 14 ans ne peut pas facilement envisager la possibilité de souffrir du cancer ou d'une maladie du coeur dans 30 ou 40 ans.

Pensons à notre propre jeunesse au Québec, en Ontario ou dans les Maritimes et souvenons-nous comment, à cette époque, nous nous pensions à l'abri de maladies comme les maladies du coeur, le cancer et autres. Si un jeune commence à fumer, la dépendance créée par la nicotine fera le reste. C'est aussi simple que cela.

Nous savons qu'un jeune Canadien sur trois fume et que la moitié de ces jeunes fumeurs mourront prématurément d'une maladie liée au tabac. Nous savons que les jeunes sont les plus tragiques victimes de l'usage et de l'abus du tabac. Nous savons que les jeunes sont les plus vulnérables à la publicité sur le tabac.

Je voudrais présenter à la Chambre quelques faits qui devraient être examinés tant du point de vue de leur fondement que du point de vue des effets dévastateurs qu'ils peuvent avoir sur les jeunes:29 p. 100 des Canadiens de 15 à 19 ans et 14 p. 100 des Canadiens de 10 à 14 ans sont des fumeurs. Imaginons que c'est notre fille de10 ans ou notre garçon de 13 ans qui fume. Peuvent-ils envisager la possibilité de souffrir un jour du cancer, d'une maladie du coeur, d'emphysème ou d'autres maladies pulmonaires? Non. L'usage du tabac chez les adolescents de 15 à 19 ans s'est accru de pas moins de 25 p. 100 depuis 1991.

Selon l'enquête de 1994 sur l'usage du tabac chez les jeunes, 260 000 Canadiens de 10 à 19 ans ont commencé à fumer cette année-là. Des chiffres comme ceux-là ont poussé les gouvernements d'autres pays à légiférer dans le secteur du tabac. L'Organisation mondiale de la santé a classé l'usage du tabac chez les jeunes comme une épidémie pédiatrique mondiale. C'est pourquoi le gouvernement a mis l'accent sur les jeunes dans l'élaboration de cette mesure législative et de sa stratégie globale de lutte contre le tabac.

L'industrie du tabac affirme qu'elle ne fait pas de publicité dans le but d'encourager les jeunes à commencer à fumer; c'est ce qu'elle dit. Elle affirme qu'elle ne fait qu'encourager les plus vieux fumeurs à changer de marque. Elle dit que sa publicité vise un public composé uniquement de consommateurs de tabac adultes.

Parcourons les rues de nos villes canadiennes, voyons les panneaux-réclames et tous les articles publicitaires comme les casquettes, les blousons et les t-shirts. Examinons-les. Examinons les panneaux-réclames qui sont près des écoles et d'autres établissements fréquentés par les jeunes. Ces panneaux-réclames et tous ces articles publicitaires ne visent certainement pas les personnes âgées. C'est une campagne qui s'adresse aux jeunes.

Une voix: Oh.

M. Dingwall: Je sais que le député d'en face déteste entendre les faits. Je voudrais cependant lui dire quelque chose car je sais qu'il engagera aussitôt le débat. Nous pourrons alors évaluer sa sagesse et sa puissance intellectuelle. Peut-être acceptera-t-il les propos tenus par un des siens, qui déclarait précisément à ce sujet que l'industrie du tabac prétend ne pas faire de publicité pour encourager les jeunes à commencer à fumer.

(1035)

On peut dire que M. Vincent Fischer, président de la société Symbiose, est le gourou de la commandite au Québec. Il faisait lui-même remarquer que les études sont fondées sur le bon sens. Il déclarait ce qui suit:

Si les fabricants de tabac investissent 60 millions de dollars, ce n'est pas pour leur santé, mais parce que leur investissement leur rapporte des profits.
Ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais un cadre de l'industrie de la publicité au Québec.

Je le répète, l'industrie affirme que sa publicité vise entièrement une clientèle adulte. L'information qui circule suggère et prouve le contraire.

Je renvoie à nouveau les députés à l'article paru hier dans le journal La Presse.

Une voix: Oh.

M. Dingwall: Je sais que le député d'en face n'aime pas entendre ce que je dis. Il préfère chahuter. Je l'invite cependant à participer pour que nous puissions avoir une discussion intelligente sur la question.

Une voix: Vous en demandez trop.

M. Dingwall: C'était peut-être présomptueux de ma part de dire que le député pourrait discuter de la question de façon intelligente. Je méditerai sur ma déclaration précédente et peut-être qu'à la fin du débat j'aurai quelques mots à dire à ceux d'en face.

Les jeunes ont suffisamment de jugement pour comprendre à quoi servent les techniques de commercialisation des compagnies de tabac. L'étude sur le tabagisme chez les jeunes effectuée par Santé Canada en 1994 a révélé que 85 p. 100 des jeunes fumeurs et 83 p. 100 des non-fumeurs croient que la publicité concernant des


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événements commandités par les fabricants de tabac est une forme de publicité directe des marques de cigarettes.

De nombreux députés d'en face ont exprimé des préoccupations au sujet des liens pouvant exister entre la commandite et le tabagisme chez les jeunes. J'aimerais en parler brièvement.

L'Institut national du cancer du Canada a publié un rapport sur la commercialisation du tabac et les jeunes. Il s'agit d'une étude sur les attitudes et comportements des jeunes à l'égard de la publicité et de la commandite de l'industrie du tabac. L'institut est le plus important organisme de recherche sur le cancer au Canada. Il a effectué une étude approfondie des données scientifiques actuelles, qui débordent les frontières du Canada.

L'institut a trouvé des preuves convaincantes que les jeunes sont conscients de la publicité sur la cigarette et qu'ils y répondent. La publicité présente des images que les jeunes trouvent attirantes, qu'ils vont remarquer et dont ils vont se souvenir.

Aux États-Unis, nous savons qu'on abolira complètement les commandites à partir d'août 1998. Je vous communique quelques renseignements que j'ai recueillis au registre fédéral du 28 août 1996.

La FDA a constaté que la publicité fondée sur l'image est particulièrement efficace auprès des jeunes et que l'information transmise par ces images est plus susceptible d'impressionner les jeunes que toute autre forme de publicité.

La FDA signale aussi l'existence d'études qui montrent que les enfants sont exposés à des publicités importantes et inévitables, que cette exposition à de la publicité sur le tabac leur donne une idée favorable de l'usage du tabac, que la publicité joue un rôle en amenant les jeunes à surestimer la popularité de la cigarette et que ces facteurs sont pour quelque chose dans l'initiation des jeunes au tabac et le fait qu'ils commencent à fumer.

En gros, c'est une manière de présenter une image et un milieu de vie qui montrent le tabagisme sous un jour favorable, qui le présentent comme étant sexy et qui donnent l'impression qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter des maladies qu'on pourrait contracter plus tard. C'est une stratégie très bien conçue par les publicitaires, et surtout par les sociétés de tabac, pour toucher un public cible.

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La FDA a aussi étudié l'impact des événements commandités et a constaté que cela a un énorme effet sur les jeunes qui assistent aux activités au programme. La publicité modifie l'opinion des jeunes sur les produits du tabac, d'abord en créant des images attirantes et concrètes qui favorisent l'identification, ensuite en profitant d'une exposition prolongée, diffusée sous diverses formes et par différents organes d'information et, finalement, en associant le produit avec diverses activités et images positives.

L'organisation mondiale de la santé a aussi reconnu le lien entre les commandites des sociétés de tabac et la consommation. Elle a constaté que l'industrie du tabac commandite des événements sportifs et culturels pour compléter ou remplacer d'autres activités de commercialisation afin d'atteindre de vastes audiences et d'associer leurs produits à des images positives.

Je ne suis pas ici aujourd'hui pour dire aux adultes comment mener leur vie. Je ne leur dis pas d'arrêter de fumer, encore que j'espérerais qu'ils le fassent, et je n'interdis pas le tabac au Canada.

Certains disent que seule l'interdiction du tabac réglerait vraiment le problème de santé publique. Il y a sept millions de fumeurs invétérés au Canada. Imaginez le tollé et la contrebande qu'entraînerait l'interdiction du tabac. Selon les rapports scientifiques, le tabac crée une accoutumance plus grande que l'héroïne. C'est un produit qui serait interdit s'il était introduit sur le marché aujourd'hui. C'est un produit qui tue lorsqu'il est utilisé comme prescrit.

Ce n'est pas un nouveau produit. C'est un produit utilisé depuis des générations et il a des effets insidieux. Si nous voulons être raisonnables, si nous voulons faire preuve de responsabilité, nous devons tout faire pour empêcher les jeunes de commencer à fumer. Les spécialistes conviennent généralement qu'il est beaucoup plus efficace de dissuader les jeunes de tenter l'expérience de la cigarette que d'essayer d'imposer légalement des restrictions aux fumeurs adultes. Notre stratégie doit être de réduire la consommation de tabac pour finir par l'éliminer complètement.

En décembre 1995, nous avons présenté un projet qui a donné lieu à de nombreuses consultations. Nous avons consulté les gouvernements des provinces et des territoires, les milieux de la santé, les fabricants de cigarettes, les industries connexes, les groupes culturels et sportifs et les Canadiens intéressés. Nous avons reçu plus de 2 700 mémoires en réponse à ce projet. Quinze mois se sont écoulés et le projet de loi C-71 en est à l'étape de la troisième lecture à la Chambre. Ce projet de loi renferme des mesures raisonnables qui visent à restreindre la publicité et la promotion de commandites.

Permettez-moi d'établir clairement que nous n'interdisons pas la publicité. Nous n'interdisons pas la promotion de commandites. Ce que fait le projet de loi, c'est d'imposer des restrictions aux activités de promotion qui réduiront l'exposition de la société canadienne à la cigarette.

Le gouvernement a pris en considération les événements artistiques et sportifs qui dépendent des commandites des compagnies de tabac. Nous avons prévu une période de mise en oeuvre des restrictions de la commandite. Ces dipositions ne s'appliqueront qu'à compter d'octobre 1998. Cela laisse donc une période d'ajustement de deux saisons.

Je rappelle à la Chambre que cela ne signifie pas que, à la fin de la période de mise en oeuvre, la commandite ou la promotion de commandites seront interdites. J'invite les médias nationaux et leurs porte-parole à cesser de faire preuve de grossière négligence en véhiculant des renseignements erronés concernant le projet de loi et ses effets. Ils sont dans l'erreur.


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L'entrée en vigueur de l'article 24 en octobre 1998 restreindra la portée de la promotion des activités de commandite.

J'ai vu les divers avis juridiques que l'industrie du tabac fait circuler au sujet du projet de loi C-71. Un de ces avis dit que le projet de loi interdira l'embauche de jeunes de moins de 18 ans dans les commerces de détail où l'on vend des cigarettes. Le projet de loi n'impose pas une telle interdiction et ne mentionne pas de critères applicables aux vendeurs et aux employés de magasins. Cette mesure législative s'intéresse à l'âge des consommateurs. Elle concerne la vente de produits du tabac aux mineurs. D'autres ont allégué que des amendes maximales et des peines d'emprisonnement seront automatiquement infligées à quiconque aura contrevenu à la loi, dès son entrée en vigueur.

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En réalité, une telle interprétation ne tient pas compte du fait que mon ministère a établi une politique d'exécution. Cette politique considère les poursuites comme le moyen à employer en tout dernier lieu pour faire appliquer la loi. Elle prévoit l'envoi de lettres d'avertissement et la tenue de consultations avant toute forme de recours judiciaire. Si les députés d'en face me demandent de faire exactement le contraire, je vais y réfléchir.

J'en aurais probablement pour toute la journée à débattre des avis juridiques que les lobbyistes de l'industrie du tabac ont fait circuler. Nous savons qu'ils sont l'arme favorite des députés du Bloc québécois, les lobbyistes. Je trouve que cette alliance peu catholique entre le Bloc québécois et les lobbyistes de l'industrie du tabac frise le ridicule. Toutes les 15 minutes que dure ce débat, un Canadien de plus ira grossir les rangs de ceux qui ont connu une mort prématurée parce qu'ils se sont livrés au tabagisme.

Permettez-moi d'ajouter un mot sur ces avis juridiques. J'ai publiquement proposé un mécanisme d'autorisation préalable de nature volontaire. J'ai effectivement proposé que les individus ou les groupes qui craignent d'être poursuivis en vertu de cette loi puissent venir consulter nos fonctionnaires pour vérifier que leur publicité ou la promotion de leurs commandites respectent les restrictions en vigueur.

Avant que les organisateurs d'événements fassent des allégations non fondées sur ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire, je les invite à examiner les restrictions avec les représentants de mon ministère.

Il importe de se rappeler que le projet de loi C-71 bénéficie d'un ferme appui dans toutes les régions du pays. L'Association médicale canadienne est en faveur du projet de loi: «Nous espérons que le projet de loi C-71 sera adopté rapidement, parce que nous savons qu'il faut protéger les générations futures de Canadiens contre la première cause de décès et de maladie évitables au pays.»

De même, le président de la Société canadienne du cancer a écrit: «Je tiens à exprimer mon appui à l'égard du projet de loi C-71 et je vous invite, vous et votre ministère, à prendre tous les moyens pouvant s'insérer dans le cadre législatif pour aider à mettre fin aux décès tragiques dus au tabagisme.»

J'ai aussi reçu l'appui de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, qui représente plus de 561 organisations partout au Québec. Ce nombre comprend 238 villes et municipalités de la province. Cette coalition regroupe l'Association des cardiologues du Québec, l'Association québécoise des dentistes, l'Association québécoise des médecins de famille, l'Association des biologistes du Québec, l'Association québécoise des pédiatres, l'Association médicale du Québec, l'Association québécoise de la santé publique, l'Association pulmonaire du Québec et la Division du Québec de la Société canadienne du cancer.

Les gens d'en face, qui ont appuyé le projet de loi C-71 et ses principes à l'étape de la deuxième lecture, ont subitement fait volte-face, ce qui montre l'hypocrisie du Bloc Québécois. Le parti devra rendre compte de cette volte-face. Il doit des explications aux 561 organisations qui appuient les dispositions du projet de loi C-71.

Nos vis-à-vis devraient prendre garde, car la minute de vérité approche à grands pas. Ils paieront le prix pour avoir pris parti contre la santé des Québécois, en particulier les jeunes.

C'est la responsabilité de mes collègues d'en face tout autant que la mienne, en tant que ministre de la Santé. Nous ne pouvons pas, en tant que députés, ignorer les conséquences incontournables du tabagisme.

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Au Québec seulement, les députés du Bloc québécois, qui ont une alliance peu catholique avec les compagnies de tabac et les lobbyistes, disent aux 76 000 jeunes qui commenceront à fumer cette année que la santé des enfants des Québécois ne leur importe pas. C'est ce qu'ils disent en s'opposant au projet de loi C-71. Ces personnes représentent 30 p. 100 de l'ensemble des nouveaux fumeurs au Canada. Le tabagisme est plus répandu au Québec que n'importe où ailleurs au Canada et les députés d'en face le savent bien. Ils rejettent du revers de la main les efforts du ministre de la Santé de la province de Québec, Jean Rochon, qui est pourtant l'un des leurs.

Les bloquistes font volte-face. Pourquoi? Parce qu'ils veulent constamment attirer l'attention des médias pour sauver leur peau aux prochaines élections fédérales.

Trente-huit pour cent des Québécois fument. Ailleurs au Canada, le pourcentage des fumeurs est de 31 p. 100. Dans les deux cas, c'est beaucoup trop. Quelque trois millions de personnes au Canada vont mourir de maladies liées au tabagisme, dont un million au Québec. C'est beaucoup trop de monde et c'est une raison suffisante pour faire tout ce que nous pouvons afin de réduire la consommation de tabac dans notre pays.

Je sais que d'autres députés attendent pour prendre la parole au sujet du projet de loi. Comme moi, ils souhaitent voir diminuer la


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consommation de tabac chez les jeunes. Je voudrais prendre quelques instants pour souligner les efforts de certaines personnes qui nous ont aidés à élaborer le projet de loi dont nous sommes saisis.

Je fais évidemment référence à mon secrétaire parlementaire. Le député d'Eglinton-Lawrence mérite beaucoup de félicitations et de reconnaissance. Il a mis son expérience et son jugement à contribution, et je l'en remercie. Je tiens également à remercier le député de Burin-Saint-Georges et président du Comité permanent de la santé. Je remercie tous les membres du comité, indépendamment de leur allégeance politique.

Je m'en voudrais de ne pas signaler le travail d'un député en particulier. Dieu sait que nous avons divergé d'opinion sur de nombreuses questions débattues à la Chambre, et je suis persuadé qu'il n'est prêt de changer son fusil d'épaule. Je me dois cependant de rendre hommage à l'impartialité dont a fait preuve le député de Macleod. Il a pris la parole à maintes et maintes reprises pour me critiquer à propos de tel ou tel dossier, mais qui, dans le contexte de ce débat sur le tabagisme et les moyens de faire la lutte à la consommation des produits du tabac, ne s'est pas prononcé en faveur du ministre de la Santé, mais bien en faveur des jeunes de notre pays. Et à ce titre, je pense qu'il mérite des éloges de la part de nous tous.

Je tiens à remercier les députés du Bloc québécois, notamment le député de Lévis. Je comprends qu'ils aient des réserves à l'égard du projet de loi, mais je suis convaincu qu'ils finiront par accorder la priorité à la santé des Canadiens et des Québécois.

Je dirai aux députés du Bloc que je sais que bon nombre d'entre eux ne sont pas du tout à l'aise avec les décisions prises par la direction de leur parti. Je le sais pertinemment. Que mes collègues d'en face sachent qu'il n'est jamais trop tard pour changer d'avis et bien faire. Je suis sûr que les enfants du Québec seront à jamais reconnaissants envers les députés du Bloc québécois s'ils exercent leur leadership comme d'autres l'ont fait au Québec en se portant à la défense des enfants du Québec et de leur santé.

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Enfin, je voudrais dire quelques mots au sujet de l'autre endroit. J'espère que, plus tard au cours de la journée, ce projet de loi franchira avec succès l'étape de la troisième lecture. Il va quitter la Chambre pour l'autre endroit. J'ose espérer, vu le respect que j'ai pour l'autre Chambre et ceux qui la composent, que l'on examinera ce projet de loi avec diligence, mais en profondeur, et que l'on saisira les objectifs que poursuit ce projet de loi, c'est-à-dire la santé des Canadiens et celle des générations actuelles et futures de nos enfants.

Je tiens à remercier tous les députés de la Chambre qui ont pris part à ce débat. Je reconnais qu'il a été acerbe par moments, mais je veux que tous les députés sachent que l'heure est venue d'apporter une contribution très importante à notre pays. J'invite tous les députés à m'accompagner dans cette démarche législative.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, le ministre de la Santé nous invite à revoir notre décision quant à notre intention de voter contre le projet de loi en troisième lecture.

Avant qu'il ne nous quitte, j'aimerais l'inviter à utiliser le jugement qu'il nous demande d'avoir pour assouplir son projet de loi. Cela permettrait d'atteindre les objectifs visés auxquels nous, du Bloc québécois, avons souscrit en deuxième lecture, car les objectifs du projet de loi sont respectables, sauf en ce qui a trait aux moyens, comme la privation de commandites. On prive de commandites les événements sportifs et culturels si chers aux Québécois et aux Québécoises, notamment le Grand Prix de Montréal et aussi tous les festivals internationaux, dont le Festival Juste pour rire, le Festival de jazz.

Il y a un festival de jazz à Vancouver aussi. Il y a les feux d'artifice qui font la joie de milliers de gens, de résidants du Canada et du Québec. Les événements internationaux attirent, vous le savez, beaucoup de touristes. Ils permettent au Québec et au Canada d'avoir une visibilité internationale.

Le Grand Prix de Montréal est le troisième événement sportif en importance au plan de la retransmission dans le monde, après les Jeux olympiques, qui se produisent une fois tous les quatre ans, et aussi le Mundial de soccer. Tout de suite après, c'est le Grand Prix de Formule 1. Notre pays a la chance d'avoir un Grand Prix, d'être vu dans le monde entier et de dire à tous les citoyens du monde: «Bienvenue dans notre pays.»

C'est un pays reconnu soi-disant pour sa qualité de vie, bien qu'il faille rappeler qu'en même temps, le Canada est malheureusement un des pays où la pauvreté chez les enfants est la plus élevée des pays occidentaux, des pays du G-7. Je pense qu'on ne peut pas tirer une fierté de cela.

Dans l'élaboration des objectifs du ministre, on le rappelle, nous étions d'accord avec lui. C'est pour cela qu'on a voté en faveur du projet de loi en deuxième lecture. Le ministre a assez d'expérience parlementaire, et vous-même aussi, monsieur le Président, pour savoir que la deuxième lecture est l'étape de l'étude du principe, des objectifs. C'est pour cela qu'on l'a appuyé en deuxième lecture.

Mais le ministre devrait prendre la peine de lire le seul discours du seul intervenant de l'opposition officielle autorisé à parler en cette Chambre en deuxième lecture. Mon collègue de Portneuf voulait aussi intervenir en deuxième lecture, mais le député de Macleod justement, après seulement quelques minutes, quelques secondes de discours, a appelé la question préalable.

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Cela a causé de la confusion en cette Chambre du fait qu'il n'y ait eu qu'un seul orateur par parti lors de la deuxième lecture. Le ministre, après avoir hésité pendant des mois et des mois-et la ministre qui l'a précédé a fait la même chose-a présenté ce projet de loi pendant la période des Fêtes. Le débat en deuxième lecture a eu lieu le 5 décembre.


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C'est une vieille stratégie parlementaire pour un gouvernement qui veut faire adopter des projets de loi controversés de les présenter à la fin d'une session, soit en décembre ou en juin. Il sait que pendant la période des Fêtes, les gens sont préoccupés par leurs achats de Noël. Or, le ministre a intentionnellement déposé son projet de loi pendant cette période, parce qu'il ne voulait pas que ce projet de loi donne lieu à un débat.

Le Parti réformiste voulait aussi qu'il n'y ait pas de débat, tellement, que lorsque le ministre a annoncé, le 1er décembre je crois, en conférence de presse, le dépôt de son projet de loi pour le 5 décembre, le porte-parole du Parti réformiste, sans avoir lu le texte, car personne ne l'avait entre les mains, a tout de suite donné son accord de principe pour faire en sorte que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. Il faut le faire! Un parti d'opposition qui donne son accord avant même de lire un projet de loi et de prendre connaissance de ses articles.

Lorsque le ministre de la Santé se sert d'un député d'un tiers parti qui prend des positions semblables, je pense qu'il porte atteinte à sa crédibilité. Cela n'a pas de sens. Un projet de loi ne peut pas être appuyé avant d'avoir été lu. En tout cas, nous, de l'opposition officielle, ce n'est pas dans nos habitudes, et on ne commencera pas à le faire. On prend le temps de les lire, les projets de loi.

On partageait les objectifs du ministre, mais on avait des réserves quant à la commandite. Je l'avais dit dans mon discours, à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de tabac. Cette semaine, le premier ministre citait mes propos en rappelant que j'avais dit qu'on partageait les objectifs du ministre.

C'est vrai, mais le premier ministre aurait dû compléter la lecture et dire que nous avions des réserves quant aux restrictions imposées à la commandite des événements sportifs et culturels et que s'il n'y avait pas de changement, si aucun des amendements proposés n'étaient acceptés par le ministre de la Santé ou le gouvernement, j'annonçais, déjà à ce moment-là, qu'on voterait contre le projet de loi en troisième lecture. On n'a pas fait volte-face comme le suggère le ministre, nous n'avons pas viré de bord suite à l'influence du lobby du tabac.

J'invite le ministre de la Santé à consulter qui finance le Parti libéral le plus. Les compagnies de tabac financent le Parti libéral, et cela ne le gêne pas, c'est un comportement un peu spécial. D'une part, on accepte que le Parti libéral reçoive des contributions des compagnies de tabac, et d'autre part, on dit que nous serions complices des compagnies de tabac. On n'est complices de personne.

Le Bloc québécois appuie les événements culturels et sportifs. En ce sens, oui, on est leur allié, parce que leur survie est menacée. C'est ça qu'on appuie. Et, du côté gouvernemental, on laisse entendre toutes sortes de choses. Le ministre a beau prendre son ton calme et en appeler au bon sens pour la santé, il ne pourra pas nous tromper.

Qui de nous ou du ministre est le plus opportuniste? Qui de nous fait preuve, comme il dit, d'hypocrisie lorsque le gouvernement libéral, tout en s'attaquant aux produits du tabac, n'ose pas le reconnaître comme un produit dangereux et illégal? Et pourquoi n'ose-t-il pas? Le gouvernement fédéral, à lui seul, et on n'a qu'à consulter le budget, retire 2,6 milliards de dollars de revenu en taxes sur les produits du tabac. Pour l'ensemble des autres gouvernements au Canada, c'est 2 milliards de plus, ce qui fait 4,6 milliards de dollars.

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On n'ose pas reconnaître le tabac comme un produit dangereux et illégal, ce qui serait conséquent. Mais, non, on veut avoir les revenus de ce produit dangereux, quoique légal.

On peut bien tenir un débat sur le danger des produits du tabac. Dans mon discours, en tant que porte-parole de l'opposition officielle en cette matière, à l'étape de la deuxième lecture, j'ai admis que le tabac est un produit dangereux. Oui, parce que des études le démontrent de façon scientifique. Notamment, la plus sérieuse est une étude réalisée par des chercheurs de l'université de Texas, ainsi que de l'Institut Beckman, en Californie. Ils ont établi un lien direct entre le cancer du poumon, certains autres cancers et la consommation de tabac.

L'étude parle d'une substance carcinogène; il s'agit d'un gène qu'on nomme le P-53 et qui diminue l'immunité, la résistance aux maladies qui peuvent entraîner le cancer, à long terme. Oui, on reconnaît cela. Oui, on reconnaît que dans les statistiques, 42 000 personnes au Canada, dont 12 000 au Québec, meurent chaque année de cancer ou de maladies pulmonaires reliés à la consommation du tabac. Oui, on admet que c'est un problème.

Mais est-ce que c'est dans un cadre légal qu'on devrait procéder? Oui, ça pourrait toujours être dans un cadre légal, pour encadrer une activité, un programme, une politique d'un gouvernement. Mais encore là, il faut que cette loi soit applicable et équilibrée, bien construite, raisonnable, qu'elle prévoit une application dans le temps bien structurée, bien répartie, une loi qui risque d'être appliquée, une loi qui risque d'être respectée par les citoyens et les citoyennes. Parce qu'une loi qui n'est pas respectée, dans le sens de son libellé, de son texte, par les citoyens et citoyennes, n'est pas applicable, parce qu'il faudrait beaucoup plus que les 40 inspecteurs qu'on a actuellement pour surveiller tout cela. Il y a 40 inspecteurs fédéraux pour l'ensemble du Canada qui surveillent l'application de la loi actuelle. Il y a une loi qui existe déjà sur la surveillance des dépanneurs pour s'assurer qu'ils ne vendent pas des produits aux jeunes de moins de 18 ans. Cette loi n'est pas nouvelle; elle existe. On ajoute quelques moyens, telle la carte d'identité, mais cette loi existe déjà.

Pourtant, une étude sérieuse démontre que, pour l'ensemble du Canada, elle n'est pas appliquée dans 25 p. 100 des cas, et au Québec en particulier, parce que les inspecteurs fédéraux n'y vont pas trop, semble-t-il, dans presque 50 p. 100 des cas. Pourquoi adopter une loi, lorsqu'on sait que celle qui existe actuellement n'est pas appliquée et applicable? Pourquoi?

Pourquoi cette loi est-elle déséquilibrée? Je vous cite un exemple. On ne fait pas assez appel à la responsabilité des citoyens, des jeunes et des parents. Par exemple, dans les dépanneurs ou autres


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endroits de vente, pour les détaillants qui vendent des produits du tabac, cette loi prévoit des amendes considérables, exagérées, selon moi, alors qu'aucune amende ne serait imposée au délinquant lui-même.

Prenons l'exemple des lois qui concernent l'alcool. Comment cela se passe-t-il? Bien sûr, on impose des amendes à ceux qui servent de l'alcool aux mineurs mais, en même temps, les mineurs reçoivent aussi une forme d'amende: ils sont arrêtés, ils doivent passer en cour, en cour juvénile, vous allez me dire, mais ils y sont obligés. Et les parents qui ne respectent pas la loi sur l'alcool, du moins au Québec, sont aussi interpellés.

Mais cela ne se fait pas dans ce cas-ci. Pourtant, selon le ministre de la Santé et le secrétaire parlement et bien d'autres, on dit que le tabac serait plus dangereux que l'alcool. On sait pourtant que, consommée avec abus, l'alcool peut créer des problèmes au volant d'un véhicule; beaucoup d'accidents d'automobiles sont causés par l'alcool. Pourquoi cette incohérence?

Une autre incohérence. Au Comité de la santé, dont je fais partie, on voit qu'il y a une réceptivité. Je ne prends pas une position finale là-dessus, on n'en a pas discuté encore à notre caucus, mais il y a une démarche qui vise à légaliser la marijuana et le haschisch, des drogues légères. Pourquoi? Parce que certains disent: «Oui, mais si c'était légal, ce serait mieux contrôlé. Le gouvernement pourrait mieux s'assurer de la qualité des produits et ce serait moins dangereux pour les jeunes.»

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Est-ce que la consommation des drogues dites légères ou même des drogues plus lourdes diminue parce qu'elles sont illégales? C'est le contraire. Elles sont illégales, et pourtant la consommation augmente. Est-ce qu'une loi est un instrument suffisant, à lui seul, pour empêcher l'augmentation du tabagisme ou pour empêcher l'augmentation d'une consommation abusive de l'alcool ou d'autres substances?

On pourrait revenir dans le temps pour parler de l'alcool. Aux États-Unis, dans les années 1930, il y avait un mouvement qu'on appelait la prohibition. Étant un peu plus âgé que moi, vous vous souvenez sûrement, monsieur le Président-moi, je suis un baby-boomer, mais mes parents m'en parlaient beaucoup-des conséquences incroyables de la prohibition de l'alcool, comme par exemple l'augmentation de la contrebande et de la criminalité.

On ne remontera pas à tous les récits d'Al Capone dans Chicago, mais on se rappelle tous de cela, cela a même fait l'objet de films. Or, une approche uniquement légale, législative est insuffisante pour contrer un phénomène qui est peut-être nocif en soit.

Avant d'être membre du Comité de la santé, j'étais porte-parole de l'opposition officielle en matière de jeunesse et de formation. Eh bien, c'est cette voie qu'on devrait exploiter, qu'on aurait dû exploiter davantage. Parlant d'hypocrisie, on disait tout à l'heure que le Bloc québécois avait des positions un peu ambiguës, hypocrites et paradoxales. J'ai un chiffre ici qui démontre que, il y a deux ans, quand le ministre des Finances a émis une surtaxe sur le tabac, au moment de l'annonce, il avait dit que cela procurerait 180 millions de revenus supplémentaires et qu'avec cela, on ferait toute une campagne de prévention pour obtenir un meilleur contrôle. Qu'est-ce qui est arrivé aux 180 millions de dollars? En vérité, on a dépensé 40 millions.

Je vérifie à nouveau les chiffres de cette année, mais cette année, qu'est-ce qu'on veut faire, on passe une loi? Mais avec la loi, dans le cadre d'un débat, vu que le ministre, son secrétaire parlementaire et les députés libéraux sont très conscientisés par la santé publique, on se serait entendu que les 180 millions, au moins, soient dépensés. Eh bien, on n'a dépensé que 10 millions pour la prévention et 18 millions pour le contrôle et l'inspection. Vingt-huit millions en tout, pas 180 millions. Qu'ont-ils fait des autres millions? Où sont passés ces autres millions?

Je vais vous dire où ils sont passés. Ils ont été dépensés, entre autres, dans la promotion de l'unité canadienne: 23 millions de dollars pour les drapeaux, pour une série de gadgets, des gilets et tout ce que vous voulez. Je pourrais vous en parler, car actuellement, dans mon comté, il y a une finale provinciale des Jeux du Québec. J'y vais autant que je peux, car c'est un événement extraordinaire, d'ailleurs, j'encourage les gens à aller dans mon comté de Lévis, parce que c'est la première fois que les Jeux du Québec sont organisés par une MRC, un ensemble de municipalités qui se concertent pour faire, ensemble, un événement d'envergure.

Qu'a fait le fédéral là-dedans? La ministre du Patrimoine est arrivée avec ses gros souliers, elle a annoncé une subvention de 100 000 $ au cours des dix derniers jours, mais à une condition: évidemment, il fallait que le drapeau du Canada y soit, il fallait aussi que les athlètes portent des petits gilets pour promouvoir le drapeau canadien et l'unité canadienne. Aux finales provinciales des Jeux du Québec, il faut le faire! La ministre du Patrimoine ne manque pas d'audace.

Or, avec les 63 millions de dollars qu'elle verse, et c'est le seul ministère qui a eu une augmentation de ses crédits cette année pendant qu'on coupait, soit disant, ailleurs, et plus particulièrement dans les provinces, dans les transferts pour la santé, dans le fameux Transfert social canadien, dans lequel on met maintenant l'éducation post-secondaire et l'aide sociale. On coupe allègement.

Pendant ce temps-là, on dépense pour des choses comme ça. Or, on remarque une coïncidence étrange, car les 63 millions de dollars représentent à peu près le même montant que les événements sportifs et culturels vont perdre, c'est-à-dire 60 millions en commandites qu'ils vont perdre si le projet de loi est adopté ce soir et que le Sénat donne son assentiment par la suite.

À trois millions près, la ministre du Patrimoine aurait dû, étant aussi convaincue que ses collègues, le ministre de la Santé et le secrétaire parlementaire, prendre ces 63 millions, et dire: «C'est parfait, on va compenser les événements sportifs et culturels, car c'est à peu près le même montant.»

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Mais non, la promotion de l'unité canadienne, on met cela avant la santé dans ce cas-là. Quand les députés du Bloc québécois parlent


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de la survie des événements culturels et sportifs, on nous dit: «Ah, mais vous les mettez avant les objectifs de santé nationale, vous mettez la culture et la promotion du sport en avant.»

Le gouvernement, lui, fait sa promotion de drapeaux, une distribution gratuite qui passe avant et on nous fait avaler cela, à nous, les députés du Bloc québécois, sans qu'on dise un mot. Ne comptez pas là-dessus, monsieur le Président. Peut-être pas vous personnellement, vous avez un rôle objectif, non partisan, mais par votre intermédiaire, ces députés qui nous lancent des appels, le ministre qui fait parler son coeur, qui parle avec son coeur à la ministre du Patrimoine et lui dit: «Écoutez, si vous êtes aussi sensibilisée que moi à l'objectif de la santé, prenez donc une partie des 63 millions, sinon la totalité et versez-la là-dedans.»

Pour commencer, que lui-même soit conséquent, le ministre de la Santé. Qu'il prenne l'argent prévu, les 180 millions prévus, pour faire de la prévention, de la promotion, de l'éducation. Qu'il fasse des choses constructives. Là, on le prendrait au sérieux, lui qui fait appel à notre jugement, à notre bon coeur et aux objectifs de santé. Alors, on le prendrait au sérieux.

Le ministre devrait justement être sérieux et dépenser l'argent en conséquence pour les événements sportifs et culturels, et qu'en même temps et en plus-parce qu'il est, semble-t-il, convaincu de ses objectifs poursuivis auprès des jeunes-alors, il prendrait au sérieux une dimension importante.

Plusieurs études démontrent que, dans 80 p. 100 des cas, c'est autour de 15 ans que les jeunes prennent la décision de fumer ou pas, c'est autour de 15 ou 16 ans. La principale raison pour que les jeunes fument, ce n'est pas parce qu'ils ont vu un logo de produits du tabac sur une automobile de course, à 200 kilomètres à l'heure et plus, ce n'est pas à cause de ça du tout. Ce n'est pas parce qu'il y a un logo présenté dans un lieu d'événements sportifs et culturels, car d'ailleurs, ces événements attirent davantage les adultes que les jeunes. Ce n'est pas parce qu'ils voient cela qu'ils fument. La raison majeure, dans plus de 50 p. 100 des cas, c'est parce que leurs chums-je m'excuse d'utiliser ce terme-leurs copains, leurs amis, leurs pairs, fument. Ils veulent faire comme eux, car il y a un phénomène d'imitation. Ils veulent être du groupe, ils veulent être de la gang et ils se mettent à fumer. C'est la principale raison.

Alors, si le ministre était sérieux, il devrait accepter nos recommandations. Au moment de l'étude article par article, on avait dit: «Si ce sont les pairs, si ce sont les jeunes qui convainquent, qui incitent davantage d'autres jeunes à fumer, pourquoi ne pas se servir de ce fait social réel et subventionner des maisons de jeunes, par exemple, des organismes de jeunesse qui en ont tant besoin.» Ces organismes ont subi des coupures, notamment du gouvernement fédéral. On pourrait avoir des programmes de prévention, des jeunes qui parleraient à d'autres jeunes dans les écoles et leur diraient de ne pas fumer, parce que les jeunes sont très sensibilisés.

Je me suis occupé du dossier de la jeunesse. Avant d'être député, j'ai toujours travaillé dans les organismes de jeunesse et je me rends compte de la pensée des jeunes à certains égards. Je ne suis pas inquiet, je ne suis pas pessimiste. Je pense que nos jeunes sont de plus en plus conscientisés à certains phénomènes et que même nous, nous avons des leçons à tirer d'eux.

Qui, dans la société actuellement, incite davantage les gens sinon les jeunes? Parfois, par vieux réflexe, il m'arrive de jeter une feuille de papier. Que font les jeunes dans la majorité des cas? Ils vous disent: «Non, non, ne mettez pas ça là, ça va au recyclage.» Nos jeunes prennent la responsabilité de s'occuper du recyclage domestique, mais aussi à l'école, ils en parlent, ils nous parlent d'environnement. Pour les jeunes, l'environnement, c'est important. Or, la fumée peut contaminer l'environnement.

Vu que le ministre n'est plus là, j'en parle maintenant au secrétaire parlementaire. Pourquoi est-ce qu'il n'incite pas son ministre, s'il est sérieux, à mettre les 180 millions prévus, au moins les 180 millions prévus, dans des programmes pour les jeunes?

(1120)

Pourquoi ne pas subventionner davantage les groupes anti-tabac? J'ai personnellement rencontré les représentants de tous le groupes et tous les lobbies, appelez-les comme vous voulez. Le Bloc québécois a pris le temps d'écouter tout le monde, contrairement au ministre; pas seulement un groupe, tout le monde, incluant les représentants des groupes anti-tabac. Il y a des gens sérieux parmi eux, des gens qui ont des convictions sincères.

Loin de moi l'idée d'insulter des gens qui ont fait un travail de promotion extraordinaire pour faire connaître aux jeunes les dangers du tabac. Malheureusement, même si le ministre a voulu escamoter ce débat, qu'il a voulu le proposer dans une période non propice, parce qu'il voulait justement l'éviter, il s'est fait de toute façon. Ce débat s'est fait lors des «partys» de Noël. Il s'est fait lors des rencontres familiales. Après les Fêtes, quand les gens ont réalisé toute l'importance et qu'ils risquaient de perdre le Grand Prix de Montréal ainsi que des événements culturels et sportifs d'importance auxquels ils sont très attachés, ils ont commencé à manifester leur opposition, comme ce qu'on a vu à Montréal cette semaine.

S'il y avait eu un débat sain, correct et organisé, une consultation menée dans une forme correcte, planifiée et étudiée de façon correcte, non biaisée, pas à toute vapeur pour passer là-dessus au plus vite afin d'en passer une petite vite aux Québécois et aux Canadiens. Non, pas de cette façon insolite, incorrecte de faire des lois, mais plutôt, au contraire, en ayant un esprit de transparence, d'ouverture, de respect des opinions différentes.

Ceux qui appuient les commandites de tabac d'événements culturels et sportifs auraient pu rencontrer les gens. Ceux que j'ai rencontrés personnellement, lorsqu'on leur parle en privé, ils sont peinés de ce qui arrive aux événements culturels et sportifs. Ils sont chagrinés. Ils ne veulent pas de mal à ceux qui font la promotion de la culture. Bien sûr, lorsqu'ils défendent une position, les opinions se cristallisent et, finalement, ça semble irréconciliable. Mais que voulez-vous: le ministre rencontre juste un côté, il n'entend qu'une version de l'histoire et il ne permet pas de rencontres de consultation.


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Quand on veut rédiger un projet de loi, on organise des forums, on tient des consultations dans les provinces, on demande justement l'accord des provinces pour une collaboration avec les provinces, parce que le sujet dont il s'agit aujourd'hui, c'est la santé. En matière de santé, je vous le rappelle, bien que vous le sachiez, il semble qu'on oublie très souvent la Constitution. Il faudrait suggérer à la ministre du Patrimoine qu'elle imprime des petits feuillets de la Constitution pour que les Canadiens de toutes les parties du Canada soient bien au courant de la Constitution. Ceux qui les liraient verraient que la santé est de juridiction provinciale. À quel endroit apparaît le mot province dans le projet de loi?

Avec ma collègue de Drummond, en comité et au moment de l'étude article par article et à maintes occasions, j'ai essayé de dire: «Inscrivez donc au moins En collaboration avec les provinces.» Non, non, non, le ministre de la Santé veut se faire le défenseur de la santé et veut passer à l'histoire comme le ministre qui a adopté un projet de loi anti-tabac extraordinaire. Il veut en ramasser le crédit, le mérite. À tel point que, voyant que cela a forcé un peu dans son propre caucus et auprès du Conseil des ministres, à un moment donné, le ministre est allée dire, lors d'une activité publique, devant les lobbies anti-tabac, que si ce projet de loi n'était pas adopté avant les élections, qu'il remettait sa foi libérale, ses convictions, son adhésion au Parti libéral en jeu. Il suggérait même aux gens de voter contre le Parti libéral aux prochaines élections.

En faisant cela, il forçait les autres membres du Conseil des ministres. Là, il y a des gens de l'autre côté, des députés du Québec, notamment le député d'Outremont, secrétaire d'État au Développement régional au Québec qui, tout à coup, dit, lui: «Tiens, je me sens puissant, influent, je réussirai à convaincre le ministre de renverser cette position. Vous allez voir.» Il écoutait les représentants des événements sportifs et culturels parce que, plusieurs mois plus tard, il découvrait l'importance économique de cela, les 200 millions en retombées économiques pour la région de Montréal, les 2 000 emplois.

(1125)

Quelques mois plus tard, après les Fêtes, il a découvert que cela pourrait lui nuire dans son propre comté. Il n'avait pas vu cela avant les Fêtes, mais il doit être allé à quelques «partys» de Noël et il a dû se le faire dire. Et le secrétaire d'État au Développement régional pour le Québec a réalisé cela.

Le président du caucus libéral du Québec a aussi réalisé cela, mais il a trouvé la soupe assez chaude, qu'il a suggéré qu'il y ait une élection. Maintenant, il y a un autre président du caucus libéral qui fait des promesses. Quand la période d'étalement était d'un an, il a demandé que ce soit 18 mois, et il a gagné ce point. Ensuite, il s'est dit que tant qu'à demander quelque chose, il demanderait un délai de cinq ans, mais il s'est fait rabrouer. Le ministre de la Santé a dit: «C'est fini.»

Évidemment, cela a obligé le premier ministre lui-même, même s'il vient du Québec, du comté de Saint-Maurice, à appuyer son ministre de la Santé et à affirmer, tout à coup, que ce qui comptait le plus dans sa vie, c'était la santé des Canadiens et des Canadiennes. Voyons donc! On le connaît, nous, le premier ministre. On l'a bien vu encore lors de la campagne référendaire. Il a dit qu'il ferait des changements; il s'est essayé un peu, les premiers ministres des autres provinces n'étaient pas d'accord, donc, il s'est rassis et c'est fini les changements. On a proposé une petite motion à la Chambre des communes.

On le connaît, nous. C'est lui qui nous a imposé de force, lorsqu'il était ministre de la Justice et qu'il agissait au nom de l'ancien premier ministre Trudeau, le rapatriement de la Constitution de Londres ainsi que la Charte canadienne des droits et libertés. Aujourd'hui, il nous dit que c'est la santé des Canadiens et des Québécois qui compte le plus pour lui, qu'il se battra pour ça et qu'il en fera un enjeu électoral.

Le ministre de la Santé rappelait cela, lorsque le Parti libéral a accepté d'étaler certaines restrictions concernant les commandites sur une période de 18 mois. Il en entendra parler pendant la campagne électorale. Les électeurs et électrices vont en parler, et l'opposition officielle en parlera aussi.

La loi est tellement imprécise et volontairement confuse que cela laisse place à un paquet d'interprétations possibles, de spéculations. Tout le monde est dans le brouillard. Par exemple, les gens du Grand Prix de Montréal disent que, selon la loi actuelle, si elle était adoptée, il ne serait même pas possible de voir à la télévision le Grand Prix d'Australie qui aura lieu en fin de semaine.

La commandite d'événements comme le Grand Prix est, comme on dit en anglais, un package deal, c'est un ensemble. Je ne respecte pas plus les compagnies de tabac qui font du chantage dans ce cas, mais à cause de cette loi et de l'appréhension causée par son adoption, il se peut qu'en fin de semaine, les Québécois ne puissent voir Jacques Villeneuve courir le Grand Prix d'Australie. Jacques Villeneuve est un héros pour les Québécois. Il est le fils de Gilles Villeneuve et le champion potentiel cette année.

Ce matin, je prenais l'avion à Québec, il y avait une tempête terrible et l'avion a été retardé. Les gens m'ont reconnu et ils m'ont dit qu'ils espéraient que je parle de cela, parce qu'ils veulent voir Jacques Villeneuve courir le Grand Prix en fin de semaine. Ils y tiennent.

Ce n'est pas absolument certain que ça va se produire. C'est un événement très particulier, très actuel, mais ça vous démontre que l'étalement sur une période de 18 mois proposé par le président du caucus ne concerne que l'article 24. Le secrétaire parlementaire le sait, ça ne concerne que l'article 24, ça ne concerne pas l'article 31.

Que stipule l'article 31? C'est celui qui parle de la retransmission. Cet article n'est pas touché par le délai d'ajustement de 18 mois. Je suis certain qu'il y a des députés libéraux qui ne le savent pas. Ils ne sont pas très nombreux, mais peut-être qu'ils écoutent.

Je les invite à faire comme le député d'Outremont, même s'il est un peu tard, et à lire comme il faut le projet de loi, à regarder l'article 31 du projet de loi C-71 qu'ils adopteront ce soir. Cet article traite de retransmission. Ils se rendront compte que cet article n'est


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pas inclus dans la mesure d'étalement de 18 mois. L'article 31 est vraiment spécial; cela veut dire qu'on ne peut pas mettre le logo d'une compagnie de tabac sur une voiture.

(1130)

Si c'est permis de le faire, si la voiture en question porte un logo d'une compagnie de tabac ou le nom d'une compagnie de tabac, il faudrait que les réseaux de télévision s'arrangent pour brouiller l'image. Ce serait un peu comme lorsque des témoins veulent garder l'anonymat dans un reportage aux nouvelles, des gens qui, pour toutes sortes de raisons, ne veulent pas être identifiés. On brouille l'image pour qu'on ne les reconnaisse pas.

Imaginez-vous la prochaine course de Formule 1, alors que les caméras de télévision essayent de brouiller seulement le nom de la compagnie de cigarettes sur l'automobile, pour qu'on ne la voie pas. Imaginez que Gilles Villeneuve soit commandité par une compagnie de tabac, on ne pourra pas le voir. S'il est le premier, on passera, j'imagine, au deuxième et comme ils sont à peu près tous commandités par des compagnies de tabac, peut-être que le seul qu'ils pourront montrer sera le dernier. Cela n'a pas de bon sens. Généralement, dans une course, les gens s'intéressent au premier, pas au dernier. C'est un aspect particulier.

Mais c'est la réalité. Le député sourit, mais qu'il lise l'article 31 du projet de loi et qu'il le fasse examiner par un juriste. S'il me dit avec certitude que ce que je dis est faux, qu'il le fasse dire par son ministre de la Santé d'ici ce soir en Chambre, par une déclaration solennelle, comme il l'a fait l'autre jour, et avec raison.

L'opposition est là pour critiquer, mais parfois, on est obligé d'admettre que quand le ministre rétablit certains faits, on l'accepte. Par exemple, certains disaient au Québec, peut-être ailleurs aussi, qu'il ne serait plus possible, selon la loi, d'engager des jeunes de moins de 18 ans pour travailler dans un dépanneur. Effectivement, ce n'était pas clair.

On s'interrogeait, on a posé des questions, les réformistes aussi. Dans une déclaration solennelle, le ministre a dit: «Ce n'est pas dans le projet de loi. Non seulement ce n'est pas dans le projet de loi, mais je prends l'engagement que ce ne sera pas interdit dans les règlements.» Il disait que ça n'avait pas de sens. Il avait pris un engagement solennel. Qu'il fasse la même chose pour la retransmission des Grands Prix. Qu'il nous dise: «L'article 31 est tellement traficoté, que le contraire et son opposé n'est peut-être pas applicable.»

Il faut le faire. Si j'avais un peu plus de temps, je vous montrerais que ce projet de loi a été tricoté de telle façon que personne n'y comprend rien dans certains articles. Personne ne comprend certains articles.

Une voix: Le ministre non plus.

M. Dubé: Le ministre veut se présenter à la Cour suprême avec ça. Si on est dans cette situation, c'est parce qu'il y a une loi contre l'interdiction des commandites qui a été refusée par la Cour suprême. Je vois la Cour suprême de mon bureau qui est dans l'édifice de la Confédération. Je suis peut-être biaisé, mais il me semble qu'elle penche toujours du côté de l'ouest. C'est peut-être juste une impression, c'est peut-être exagéré.

D'abord, la Cour suprême est composée majoritairement de juges qui viennent de l'Ontario, et elle est située en Ontario. La plupart du temps, lorsqu'il y a des décisions qui concernent le Québec, on est en Chambre. On est devenus un peu méfiants quand il s'agit de se fier sur la Cour suprême pour l'application de l'interprétation d'une loi. Si on est devenus méfiants, ce n'est pas parce qu'on est méfiants de nature, c'est parce qu'on a des faits. On a un paquet de circonstances qui nous prouvent que la Loi 101 a été complètement charcutée par la Cour suprême. Mais ce n'est pas le propos de ce matin.

Quand le ministre, à tous les chapitres, est tellement incertain, c'est rare. J'interrogeais mon collègue de Chambly à ce sujet, lui qui fait partie du comité qui étudie l'aspect des règlements et l'application des lois. Il me disait qu'il est rare de voir une loi ainsi rédigée; à chaque chapitre, le ministre a tellement peur que sa loi soit déboutée, qu'on y a ajouté «le ministre peut réglementer», et ce, à chaque chapitre, pas seulement une fois comme c'est le cas habituellement. Le mot «peut», on l'a à profusion dans chaque chapitre: au sujet des commandites, de la vente, sur la façon de réglementer la nature du produit.

Le ministre est tellement inquiet qu'il met des règlements. Mais là, en même temps, il faut savoir que le ministre se donne beaucoup d'autorité dans un domaine qui, en principe, ne le regarde pas, puisqu'il s'agit de la santé. Il ne mentionne même pas les provinces, je le rappelle.

(1135)

Le ministre s'arrange pour tirer toutes les ficelles, pour garder toutes les possibilités d'action dans ses règlements. Or, ses règlements, on voudrait qu'il les dépose en Chambre en même temps ou, à défaut, prochainement. On a d'ailleurs présenté un amendement à ce sujet.

L'opposition officielle a été constructive, elle a proposé, lors de l'étude article par article, une série de règlements. On avait réussi à en avoir un, voilà qu'on était fiers, après une négociation terrible, au sujet des machines distributrices avec contrôle à distance. On obtient cela en comité, et voilà qu'à l'étape du rapport, que voit-on? Finalement, par un jeu de mots, maintenant, il s'agit de machines munies seulement d'un verrou. On veut que ce soit ce genre de stratagème, même dans des bars où les jeunes de moins de 18 ans ne sont pas admis. On veut traiter le tabac comme s'il s'agissait d'un produit illégal ou dangereux, et on fait tout comme s'il l'était, puisqu'il faut qu'il soit gardé sous verrous, même dans les endroits où les enfants ne peuvent pas entrer.

Il ne me reste que quelques secondes. À mon tour, je ne ferai pas ça la main sur le coeur, mais je lance seulement une invitation aux députés libéraux de faire leur devoir de législateurs et de ne pas faire comme le député du Parti réformiste et donner un appui avant même d'avoir une copie du projet de loi entre les mains et avant de l'avoir lu comme il faut, notamment les articles 31 et 53, où on inverse la présomption d'innocence, où on donne le fardeau de la preuve à la victime plutôt qu'à l'accusé, et non le contraire.


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C'est la conclusion que je vous laisse: lisez, comme c'est votre devoir de députés libéraux, vos projets de loi avant de voter pour ou contre.

[Traduction]

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole à la Chambre aujourd'hui en tant que parlementaire qui croit fermement à une administration publique allégée et dotée du minimum de règlements possible, ainsi qu'à l'importance de la responsabilité personnelle. J'essaie d'évaluer chaque projet de loi en fonction de ces critères.

Sur la question du tabac, on pourrait m'accuser et on m'a accusé d'oublier la notion de liberté. On pourrait m'accuser d'oublier le fait que les personnes qui décident de fumer devraient en avoir la liberté et en assumer la responsabilité. Par conséquent, je voudrais expliquer à mes collègues de la Chambre et aux Canadiens que cette question intéresse pourquoi j'ai décidé de voter pour le projet de loi C-71.

Je ne me fie pas souvent aux statistiques, surtout à celles qui sont recueillies par les deux camps. J'ai établi mon propre graphique sur la consommation du tabac par habitant au Canada et aux États-Unis entre 1970 et 1994. J'ai utilisé des chiffres qui n'ont absolument rien à voir avec ceux qu'utilisent les deux camps.

Le graphique montre que, au cours des 20 dernières années et plus, le taux de tabagisme au Canada et aux États-Unis a diminué considérablement, en fait, d'une manière parallèle. Ce graphique est fascinant. Comme je ne peux pas le montrer à la Chambre, je peux seulement indiquer à l'aide de ma main que les taux canadiens et américains ont connu une chute marquée.

Au cours des 15 années précédentes, cette chute a été ininterrompue. Cependant, en 1993, le taux de tabagisme a augmenté au Canada, alors qu'il est resté stable aux États-Unis. Le taux de tabagisme au Canada a connu une brusque remontée.

Deux événements se sont produits à cet égard au Canada depuis que je siège à la Chambre: une réduction de la taxe sur le tabac, ce qui a permis de réduire les prix dans certaines provinces, et l'annulation par la Cour suprême de la Loi réglementant les produits du tabac, une mesure anti-tabagisme.

J'ai également rassemblé moi-même des chiffres sur la consommation globale du tabac au Canada, incluant les cigarettes vendues en vente libre, le tabac à rouler, le tabac à priser et ainsi de suite, ainsi que les cigarettes de contrebande, en gardant les diverses catégories ensemble autant que possible. J'ai donc constaté qu'entre 1990 et 1991, la consommation globale avait diminué de 6 p. 100 au Canada. Elle a ensuite diminué de presque un demi pour cent, puis, l'année suivante, de 3,49 p. 100. Cela confirme donc ce que révélaient les autres chiffres, c'est-à-dire une tendance à la baisse. En 1994, cependant, la consommation a augmenté de 9,2 p. 100.

(1140)

Il s'agit de statistiques toutes récentes que l'on peut obtenir grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Les résultats montrent ce qui s'est passé la première année après que la publicité sur les produits du tabac a été légalisée de nouveau.

Après que la Loi réglementant les produits du tabac, touchant la légalité de la publicité, a été annulée en 1996, la publicité a pu reprendre et a produit de puissants résultats. Les consommateurs n'ont d'ailleurs pas beaucoup changé de marques durant l'année où la publicité a été autorisée de nouveau.

Il est fascinant de voir ce qui s'est passé dans les provinces où les taxes sur le tabac sont demeurées élevées par rapport à celles où les taxes sont faibles. Lorsque la réduction de la taxe sur le tabac a été décrétée, certaines provinces n'ont pas réduit leurs taxes. Dans les provinces où les taxes sont demeurées élevées, la consommation des produits du tabac a augmenté de 1,72 p. 100 en 1996, tandis qu'elle augmentait de 2,32 p. 100 dans les provinces qui avait réduit leurs taxes. Cela révèle à mon avis que la consommation du tabac est sensible aux prix, surtout chez les jeunes.

La consommation globale par habitant au Canada a augmenté de 2,32 p. 100 pendant l'année où la publicité a été autorisée. Ces chiffres révèlent donc que la publicité par commandite a un effet auprès des jeunes.

Un autre élément d'information qui n'est pas généralement connu, c'est que la consommation du tabac à chiquer était en train de disparaître. Chiquer était très populaire au tournant du siècle. Cela évoque chez tout le monde des images de cowboy et de crachoir. Chiquer constitue une autre forme de consommation du tabac. Il n'y avait plus que deux groupes qui continuaient à chiquer du tabac en Amérique du Nord: les cowboys de rodéo et les joueurs de baseball.

Il est facile de tracer la courbe de la consommation de tabac à chiquer et c'est ainsi qu'un programme de publicité a été lancé. On nous dit que la consommation de tabac est influencée principalement par le comportement des pairs. Cette influence n'existait pas pour le tabac à chiquer. L'un des jeunes fabricants de tabac à chiquer a lancé un programme de publicité. Ce qui s'est produit est absolument fascinant. Je ne vais pas donner le nom de cette société. Je ne tiens pas à faire la publicité de ces entreprises à la Chambre, mais j'ai vu des marques de tabac à chiquer sur des voitures de course. J'ai vu de la publicité de tabac à chiquer dans des courses d'accélération. J'en ai vu aussi dans des rodéos.

Savez-vous, monsieur le Président, que la consommation de tabac à chiquer a augmenté? Ce produit se consomme aujourd'hui beaucoup plus fréquemment. Cela me porte à penser qu'une campagne de publicité complètement indépendante de l'influence des pairs peut modifier le comportement humain.

Je me suis donc dit que ma responsabilité, dans l'étude de ce projet de loi, était d'être impartial. Au départ, j'estimais que cette approche ne tenait pas debout, qu'il n'y avait pas moyen de modifier le comportement humain, que l'intervention de l'État ne valait


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rien. Après m'être fait une idée, j'ai dit à mes collègues que, selon moi, ce projet de loi aurait un effet sur les jeunes. Notre groupe a donc décidé de faire tout son possible pour ne pas retarder l'adoption du projet de loi.

Pourquoi avons-nous décidé d'accélérer l'adoption du projet de loi? En revenant sur le passé, j'ai constaté que Jake Epp, dont il a déjà été question, a mis à peu près 13 mois à faire adopter son projet de loi par la Chambre. Comme il y a 10 000 jeunes qui commencent à fumer chaque mois, ce serait de l'inconscience de mettre autant de temps à adopter cette mesure. Comment pouvions-nous accélérer les choses? Nous avons décidé d'éviter les querelles de procédure qui risquaient de prolonger l'étude du projet de loi à la Chambre.

En conséquence, lorsque j'ai prononcé mon discours à l'étape de la deuxième lecture, j'ai posé la question préalable. Les réactions ont été fascinantes. La confusion régnait à la Chambre. Tout ce qu'il fallait, c'est qu'un député se lève et dise «débat», et le débat se serait poursuivi, mais ma tactique aurait évité les querelles de procédure. Il est intéressant de voir que le débat s'est éteint et que mes propres collègues m'ont passé un savon parce qu'ils n'avaient pas eu, disaient-ils, la chance de prendre la parole. Des députés d'en face sont venus me voir.

(1145)

Je tiens à ce que les Canadiens sachent que pas un seul député libéral, en face, n'avait la moindre idée de ce que j'allais faire. Pas un seul député du Bloc ne savait le moindrement ce que j'allais faire. J'ai tout simplement décidé d'empêcher les querelles de procédure. Cela a très bien marché. Je dois dire que cela a mieux marché que je n'aurais jamais pu rêver que cela marche.

La question de la commandite et de la perte d'emplois m'inquiète autant que mes collègues du Bloc. Je m'intéresse aux voitures de course et aux courses automobiles. J'ai couru sur la même piste et le même jour que le père de Jacques Villeneuve, Gilles Villeneuve. Je possède toujours une voiture de course et je cours toujours, quoique ma carrière politique ne m'en laisse pas beaucoup le loisir.

Je ne voudrais donc pas que le Grand Prix de Montréal soit le moindrement menacé. J'ai examiné très attentivement ce qui en est de la commandite des produits du tabac dans d'autres pays et cela, dans l'espoir de préserver mon passe-temps, mon activité de loisir, mon violon d'Ingres et la valeur de ma voiture de course.

M. Volpe: Vos intérêts, quoi.

M. Hill (Macleod): Bien sûr.

La France a voulu interdire dès 1993 toute publicité sur le tabac. Cela a suscité un tollé général de la part des groupes de commanditaires. La FISA, le groupe qui régit le sport automobile dans le monde, les organisateurs du Grand Prix, ont annoncé que le Grand Prix de France de 1993 n'aurait pas lieu.

Le Grand Prix de France est le plus ancien de tous les grands prix. Il revêt une très grande importance pour les Français. Cette menace a été faite avant l'adoption de la loi en 1993. L'interdiction de la commandite en France est quand même entrée en vigueur. Or, le Grand Prix de France de 1993 a eu lieu, tout comme ceux de 1994, de 1994, de 1995 et de 1996 sans l'aide de la commandite des fabricants de tabac. Celui de 1997 aura lieu aussi sans la commandite de ces derniers.

Le même argument a été soulevé à propos des emplois dans l'industrie de la publicité. On prétendait que, par suite d'une énorme perte de revenus, l'industrie de la publicité serait forcée de supprimer des emplois. Le député du Bloc s'inquiète, à juste titre, des emplois dans l'industrie de la publicité. Selon un témoignage que j'ai en main, 22 p. 100 de la main-d'oeuvre travaillant directement dans l'industrie de la publicité extérieure disparaîtrait. C'est beaucoup.

Le président de l'Association canadienne de l'affichage extérieur a écrit à un magazine de marketing. La publicité pour promouvoir le tabac était alors interdite au Canada. Il a écrit:

L'interdiction de la publicité en vertu de la Loi réglementant les produits du tabac est sans doute la meilleure chose qui soit arrivée à notre industrie. Elle a poussé nos membres à trouver d'autres catégories de produits, de sorte qu'aujourd'hui nos clients les plus importants sont des fabricants de produits emballés et non de produits de tabac. La perte des revenus venant des fabricants de tabac a été complètement récupérée, et très largement.
Les groupes d'intérêt tentent de nous avoir. Je voudrais parler de la question du commerçant qui assume toute la responsabilité. Quand un jeune achète des cigarettes dans un magasin, le commerçant est mis à l'amende. J'ai écouté les commerçants dans ma circonscription. Ils craignent que leur commerce ne soit perturbé et que le pays ne soit inondé d'inspecteurs du tabac.

(1150)

J'ai bien essayé de faire modifier le projet de loi pour que le jeune qui enfreint la loi soit considéré en partie responsable. Je voulais qu'une faible amende soit imposée à un jeune de 15 ans qui achète des cigarettes dans un magasin. Cela aurait servi de réprimande pour lui montrer qu'il ne peut pas faire cela, que c'est illégal. C'est là une de mes tentatives pour modifier le projet de loi. Je ne cherchais pas à déclencher des querelles de procédure. J'ai fait cette petite tentative. Ce fut en vain.

Il y a un autre aspect du projet de loi que mon parti et moi trouvions très important, soit la question du règlement d'application de la loi. À maintes occasions, j'ai exercé des pressions pour que le règlement soit examiné par un comité adéquat, celui de la santé, en l'occurrence. J'ai présenté des propositions, des idées et des réflexions. J'espérais que le ministre m'écoute et que le règlement fasse l'objet d'un examen.

En fin de compte, un député libéral a proposé un amendement en ce sens qui, à dessein ou à la suite d'une confusion, a été adopté. On m'a dit que l'examen des règlements allait à l'encontre de la tradition parlementaire.

Il s'agit ici d'une occasion historique. Les médias ne le remarqueront pas, ni ceux qui s'inquiètent du tabagisme. Cependant, à titre de membres du Comité de la santé, nous serons saisis du règlement et nous pourrons peut-être l'étudier et lui apporter des modifications. J'insiste sur «peut-être». J'espère sincèrement qu'on


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reconnaîtra l'énorme mérite du député qui a proposé cet amendement. Le règlement sera examiné par des représentants élus au lieu d'être simplement pris par décret du conseil. C'est une petite victoire que je savoure; c'est un aspect du projet de loi sur les produits du tabac qui me réjouit.

Je dois dire quelques mots à mes amis fumeurs, ceux que j'ai voulu toute ma vie convaincre de ne pas fumer, en ma qualité de médecin. J'espère qu'ils pourront cesser de fumer. J'ai fait des mises en garde à cet égard. Je sais à quel point c'est difficile. À cette fin, j'ai examiné les statistiques sur le cancer.

Je vois certaines annonces de cigarettes qui tentent de convaincre les jeunes femmes en leur disant qu'elles ont parcouru beaucoup de chemin. Je vais maintenant parler du cancer chez les femmes. De 1970 à 1995, le cancer colorectal a légèrement diminué. Le cancer des ovaires est resté à un niveau raisonnable. Le cancer de l'estomac a connu un recul. Le cancer cervical a diminué. Celui de l'utérus a connu une légère baisse. Le cancer avec présence de mélanome est demeuré stable. Il y a toutefois un cancer qui a augmenté en flèche, celui du poumon. Il est passé de moins de 10 cas par 100 000 personnes à près de 35 cas. C'est le seul cancer chez les femmes qui a connu une hausse.

Il n'y a qu'une seule raison expliquant cette situation chez la population de sexe féminin: les jeunes femmes canadiennes, nos épouses et nos filles ont parcouru bien du chemin, elles ont appris à fumer. C'est une honte! J'espère que ce sera évident pour les jeunes femmes.

(1155)

Le projet de loi sera bientôt envoyé à l'autre endroit. Je vais surveiller avec grand intérêt ce que feront certaines des personnes qui siègent à l'autre endroit. Il y a trois sénateurs très en vue: Michael Kirby, William Kelly et Roch Bolduc. Ils ont tous trois des liens très étroits avec l'industrie du tabac. Ils siègent aux conseils d'administration des grandes sociétés de tabac. Je surveillerai très attentivement ces sénateurs pour voir s'ils voteront ou non sur ce projet de loi. Cette question les met clairement dans une situation de conflit d'intérêts. Je surveillerai avec grand intérêt ce qu'ils feront. S'abstiendront-ils?

Avant de venir au Parlement, je m'étais fait une petite promesse. Cette promesse, c'était que, si jamais on m'offrait une récompense pour m'amener à changer d'idée sur une question, je n'accepterais pas. C'est une façon assez neutre d'exposer la situation, ne pouvant pas dire le mot que je voudrais dire puisqu'il n'est pas convenable de l'employer à la Chambre.

Un soir, il n'y a pas très longtemps, j'ai reçu un appel téléphonique. La personne au bout du fil m'a dit ceci: «Doc, si vous changez d'idée sur ce projet de loi, vous en tirerez personnellement un avantage financier. Si votre parti change d'idée sur ce projet de loi, il ne manquera pas de fonds.» J'annonce donc à la Chambre des communes aujourd'hui qu'on m'a offert, en tant que député, une récompense pour que je change d'idée sur cette question.

J'ai une suggestion à faire aux sociétés de tabac, et elle est plus sérieuse qu'elle n'en a l'air. Ces sociétés cherchent des choses à

commanditer. Elles ont de l'argent à dépenser. Pourquoi ne commanditeraient-elles pas les salons funéraires? Pourquoi ne mettraient-elles pas sur chaque corbillard une petite annonce disant que ce corbillard est commandité par telle ou telle société de tabac?

J'ai examiné l'approche utilisée pour ce projet de loi et elle ne m'a pas ravi. Je ne suis pas encore persuadé que le projet de loi est parfait. Je constate des lacunes et des imperfections. Lorsqu'ils m'ont envoyé siéger au Parlement, mes électeurs m'ont dit que je devrais tenter d'être le plus objectif possible et d'appuyer les mesures législatives qui allaient faire la différence.

Dans l'intérêt des 10 000 enfants qui commencent à fumer chaque mois, dont la moitié mourront prématurément, je soutiens que ce projet, bien qu'imparfait, est préférable au vide juridique qui existe actuellement.

Permettez-moi de vous parler du premier patient que j'ai eu à traiter lorsque j'étudiais la médecine. Il s'agissait d'un ancien combattant. C'était le premier cas qu'on confiait au jeune étudiant en médecine inexpérimenté que j'étais. Cela se passait au pavillon Newburn, de l'Université de l'Alberta. Mon premier patient souffrait d'emphysème. Il avait fumé toute sa vie et se mourrait. Il en était à ses derniers jours. Il avait besoin d'oxygène. J'allais lui rendre visite tous les jours. Je commençais à comprendre ce que signifiait prendre soin d'un patient, écouter sa détresse et voir la vie qui le quittait peu à peu.

À la toute fin, il m'a dit: «Docteur, ne laissez pas les jeunes fumer.» Il est mort peu de temps après. Je ne l'oublierai jamais. Je n'oublierai jamais le conseil qu'il m'a donné. À mon avis, cette mesure législative m'appuiera dans ma lutte contre le tabagisme chez les jeunes. Permettez-moi de conclure en évoquant mon tout premier patient: «Ne laissez pas les jeunes fumer.»

[Français]

M. Clifford Lincoln (Lachine-Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur le Président, je pense que c'est un débat des plus importants. Il s'agit d'une question sociétale, d'une question de valeurs dans notre société. Qu'est-ce qui va arriver à l'avenir des jeunes? Est-ce que le tabagisme devrait être réduit, et, éventuellement, éliminé, si c'était possible? De ce côté de la Chambre, nous pensons que oui.

(1200)

J'appuie fortement le projet de loi C-71, d'autant plus que j'ai eu l'honneur, à l'Assemblée nationale du Québec, de présenter le premier projet de loi au Canada pour la protection des non-fumeurs, la Loi 84. J'ai entendu ceux qui s'opposent à ce projet de loi.

Les députés du Bloc québécois disent que ce projet de loi est presque une atteinte contre le Québec, contre la liberté d'expression, qu'on touche à l'avenir économique même de Montréal. Comme on dirait, à la façon typique des péquistes et des bloquistes, c'est le Québec contre les autres, les autres contre le Québec. Ceux qui appuient le projet de loi sont contre le Québec et contre l'avenir économique de Montréal.


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Les médias qui s'opposent au projet de loi, repris par les ténors du Bloc québécois, ont même qualifié les partisans du projet de loi C-71 «d'ayatollahs». Donc, il y a les bons et les mauvais, et pourtant, je me demande si cette question, au Québec, est à ce point en blanc et en noir.

Parmi les centaines d'organismes qui appuient le projet de loi C-71, je veux en citer quelques-uns, car je n'aurai pas le temps de les citer tous: l'Association des cardiologues du Québec, l'Association des médecins de langue française du Canada, la Direction de la santé publique de Montréal, tous les hôpitaux de la région de Montréal, de Québec, et partout au Québec, tous les CLSC, l'Association des étudiants du Département d'éducation physique de l'Université Laval, ils sont associés au sport, l'Association régionale du sport étudiant de l'Abitibi-Témiscamingue, l'Association régionale du sport étudiant du Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Association régionale du sport étudiant Laurentides-Lanaudière, la Commission scolaire du Gouffre à Baie Saint-Paul la Commission scolaire de Jonquière, la Fédération québécoise du sport étudiant, la Maison des jeunes d'Amos Inc., la Maison des jeunes de Desbiens, l'Illusion, la Maison des jeunes de Saint-Jovite, la Maison des jeunes du Bas-Saguenay, la Municipalité de Lotbinière, la Municipalité de Saint-Bruno-de-Kamouraska, la Municipalité de Saint-Simon-de-Rimouski, la Municipalité régionale de comté de Rivière-du-Loup, la Ville de Deux-Montagnes, la Ville de Rimouski, la Ville de Roberval, la Ville de Saint-Félicien et des centaines de villes, de CLSC, d'organismes de sport et autres. Est-ce qu'eux, ce sont des ayatollahs?

Est-ce que les pays qui sont déjà allés, et qui vont dans la même direction, comme nous voulons le faire aujourd'hui, est-ce qu'eux aussi, ce sont des ayatollahs? La France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, l'Australie, la Norvège, la Suède, l'Islande, la Finlande et, en 1998, les États-Unis avec une loi beaucoup plus sévère que ce que nous présentons ici, est-ce que ce sont aussi des ayatollahs? Est-ce qu'ils ne comprennent pas?

Le 10 décembre 1992, la Fédération internationale du sport automobile, la FISA, déclarait sans ambages que le Grand Prix de France, c'était fini, qu'on allait l'annuler. Quatre ans plus tard, le Grand Prix de France continue toujours, et Jacques Villeneuve va, en 1997, se battre pour le Grand Prix de France. Ça continuera en 1998-1999 et en l'an 2000; ça continuera toujours.

En 1988, les dirigeants de l'Omnium de golf du Canada disaient que si Du Maurier se retirait, l'Omnium de golf du Canada, ce serait fini. L'Omnium de golf aura lieu à Montréal cette année et il sera appuyé par Bell Canada. Le Tournoi de tennis féminin Virginia Slims continue aujourd'hui; Virginia Slims n'y est plus, mais Corel a pris la relève. Le Tournoi mondial de tennis australien fut un jour commandité par Marlboro; aujourd'hui, il est commandité par Ford.

On a dit qu'on va tuer Montréal avec le projet de loi C-71. On dit que l'avenir économique de Montréal sera fauché par le projet de loi C-71. Pourtant, les ténors du Bloc qui dénoncent le projet de loi C-71 à cause de son impact économique sur Montréal, lorsqu'on leur dit que l'instabilité politique au Québec est en train d'affaiblir

Montréal et de le frapper durement, nous répondent que ce sont des chimères. On fait référendum après référendum. On vient de finir un deuxième référendum qui nous a coûté des millions, qui a divisé les Québécois, qui a provoqué une instabilité politique, et que fait-on pour refaire l'avenir économique de Montréal? On nous parle d'un troisième référendum, peut-être l'année prochaine ou l'année suivante.

(1205)

Le maire de Montréal lui-même, il devrait en savoir quelque chose, disait que l'instabilité politique frappe durement Montréal, qu'on ne peut continuer ainsi avec nos sempiternelles querelles de référendums et de batailles linguistiques. C'est le maire qui le disait, je pense qu'il doit être en position de le savoir.

On nous a dit aussi qu'il n'y a aucune relation entre la publicité et le tabagisme chez les jeunes. Pourtant, il y a des études, je n'en citerai que quelques-unes, faute de temps, mais je pourrais faire parvenir à nos collègues du Bloc sept boîtes d'études, des centaines d'études, démontrant une connexion entre les deux. J'en citerai quelques-unes. L'équipe de Pollay, Siddars, Siegel, Haddix, Merritt, Giovino et Ericksen a étudié cette question sur une période de 14 ans, de 1979 à 1993. Ces gens sont des experts en marketing, en sciences sociales, en sciences de la santé, etc. Ils sont arrivés à cette conclusion et je cite la conclusion de leur étude:

[Traduction]

Puisque l'importance relative des campagnes de publicité de chaque marque correspond de très près à la part de marché de chacune, on peut dire que la publicité semble influencer les adolescents. Qui plus est, l'effet de la publicité est d'environ trois fois plus marqué chez les adolescents que chez les adultes. C'est pour attirer les jeunes que les marques se livrent bataille, car plus elles attirent de jeunes, plus elles vendent et plus elles font de profits à long terme.
[Français]

Une étude américaine de 1996 par Evans, Farkas, Gilpin, Berry et Pierce arrive à la même conclusion. Les références de ces études sont extensives.

[Traduction]

«Nos résultats appuient l'hypothèse selon laquelle la publicité sur le tabac peut convaincre un plus grand nombre d'adolescents de commencer à fumer que les caractéristiques démographiques, la réussite scolaire ou la fréquentation de fumeurs, dans un cercle d'amis ou le milieu familial. De plus en plus de preuves s'accumulent sur la nécessité d'adopter des stratégies efficaces pour empêcher les adolescents de commencer à fumer.»

[Français]

Dans son livre La guerre du tabac: l'expérience canadienne, Rob Cunningham cite un président de Imperial Tobacco: «Si l'on persévère assez longtemps, on en retire d'énormes avantages, car on transmet à la population un message beaucoup plus durable.» Il cite un vice-président à la commercialisation chez Imperial qui estime


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que même les fumeurs moins aisés peuvent choisir une marque parce qu'elle évoque un style de vie confortable.

Il parle d'un projet qui avait été lancé par une compagnie de recherches en marketing, en Ontario, en 1977, pour le compte de Imperial Tobacco. Le projet s'intitulait «Projet 16 ans». Dans son rapport, et je cite, il disait: «C'était précisément l'objet du Projet 16 ans: apprendre tout ce qu'on peut sur la façon dont on commence à fumer, sur ce que les élèves des écoles secondaires ressentent à propos du fait qu'ils fument et comment ils imaginent leur consommation de tabac à l'avenir.»

Un autre document Plans pour les médias, Exercice '80 d'Imperial Tobacco décrit les groupes visés en 1980 pour chacune des marques de la compagnie. Les groupes cibles étaient définis en fonction de caractéristiques démographiques comme l'âge, le sexe et le niveau d'instruction. Certaines de ces annonces s'adressaient aux hommes et aux femmes de 12 à 17 ans.

Un document d'Imperial Tobacco pour l'année suivante, donc Plan pour les médias nationaux, Exercice '81, présentait une stratégie d'analyse du marché par groupe cible comparable, d'un format similaire. Pour certaines marques, le groupe des 12 à 17 ans demeurait le plus important, il était affecté de la pondération la plus forte.

(1210)

M. Normand Turgeon, du quotidien La Presse du 5 mars 1997, un professeur de marketing aux HEC, qui réalisait une étude démontrant que les compagnies de tabac le font pour augmenter leurs ventes, dit, et je le cite: «Ces résultats viennent effectivement en contradiction avec ce que disent les fabricants. C'est parce que ce que les fabricants vous disent ne révèle pas la vérité.» Et M. Vincent Fischer, gourou de la commandite au Québec, dans le quotidien La Presse du 5 mars 1997, disait: «Si les fabricants de tabac investissent 60 millions de dollars, ce n'est pas pour nos beaux yeux, c'est parce que ça rapporte.»

On nous a dit que le Grand Prix du Canada allait quitter Montréal. Je demande aux députés du Bloc s'ils ne s'interrogent pas, s'ils ne se tracassent pas aussi que si, demain matin, selon leurs voeux très chers, le Québec devient souverain, est-ce que le Grand Prix du Canada va y rester? Est-ce que le Grand Prix d'Australie resterait en Australie si, demain matin, il s'appelait le Grand Prix de Victoria? J'en doute fort. Mais cela ne les tracasse pas beaucoup.

M. Jacques Duval, ex-président du Grand Prix de Montréal, disait ceci, dans le quotidien Le Journal de Montréal, le 4 mars 1997. Il dénonçait le honteux chantage qui s'exerce présentement: «Nul besoin d'être très intelligent pour se rendre compte qu'il s'agit d'une cabale maladroite de la part de gens qui ne pensent d'abord qu'à leurs intérêts personnels.»

Le Grand Prix du Canada restera, s'il est valable, et il restera, car il est valable. On nous a aussi dit que les commandites affectent les arts et les artistes au Québec. On parle comme si tout le milieu artistique au Québec était contre le projet de loi C-71. Cependant, les Artistes pour les commandites sans tabac représentent 300 artistes au Québec, dont Claude Meunier, Serge Thériault, Marc Favreau, Gilles Pelletier, Plume Latraverse, Édith Butler et les animateurs Gregory Charles et Marc-André Coallier. Un de leurs porte-parole a déclaré: «Ces commandites vendent des cigarettes. On ne peut chercher à enrichir la vie des gens tout en contribuant à raccourcir leur existence. Nous ne pouvons nous taire pendant que l'industrie du tabac se sert des dépendances qu'elle a créées pour bloquer une loi aussi cruciale en santé.»

Il faudrait savoir combien les compagnies de tabac contribuent, justement, aux oeuvres artistiques au Québec: à l'École nationale de théâtre du Canada de Montréal, 1 p. 100 des revenus totaux; aux Grands Ballets canadiens de Montréal, 0,4 p. 100; au Ballet jazz de Montréal, 2 p. 100; au Centre du Théâtre d'aujourd'hui de Montréal, 1 p. 100; à L'Orchestre de chambre I Musici de Montréal,0,3 p. 100; à la Place des Arts de Montréal, 0,1 p. 100; à l'Orchestre symphonique de Montréal, 0,3 p. 100; à l'Opéra de Montréal, 0,3 p. 100.

Il n'y a pas un pourcentage qui est plus élevé que 3 p. 100, sauf dans un cas qui fait exception.

On a dit qu'au Québec, tous les mouvements, le mouvement politique du Québec, etc., est contre le projet de loi C-71. Pourtant, je vais citer le ministre Rochon, dans le quotidien La Presse du 27 novembre 1996: «On va aller le plus loin qu'on peut aller. La commandite, c'est de la publicité subliminale. C'est un moyen très fort de pousser la consommation du produit, en particulier chez les jeunes. Certaines manifestations sont devenues dépendantes du tabac, comme les fumeurs.»

M. Rémi Trudel, ministre du Loisir, des Sports et du Plein air, dans le quotidien La Presse du 11 novembre 1996, s'inquiète de l'association étroite entre les fabricants de tabac et une installation sportive et il dit: «Il y a des priorités de valeur auxquelles le gouvernement ne saurait renoncer.»

Mme Louise Beaudoin, dans le quotidien Le Soleil du 28 novembre 1996, disait: «Je suis d'accord pour dire que la santé des Québécois passe avant tout.»

Dans le projet de loi du ministre Rochon sur le tabac, je cite l'article 22. Ce projet de loi, étant maintenant sous forme de texte préalable, le cinquième texte préalable, et qui a été discuté au gouvernement du Québec, doit être présenté, selon les prévisions, en juin 1997.

(1215)

L'article 22 dit ceci: «Tout financement d'activités ou d'installations sportives, culturelles ou sociales, directement ou indirectement, et ayant pour objet de promouvoir le tabac, de quelque manière que ce soit, est interdit.»

Je demande ceci aux opposants de ce projet de loi, surtout à mes collègues du Bloc: s'il était arrivé que le projet de loi du ministre Rochon ait anticipé le projet de loi du ministre fédéral de la Santé, qu'auraient-ils dit alors? Est-ce qu'ils auraient déchiré leur chemise en public contre le ministre Rochon? De ce projet, appuyé par le gouvernement du Parti québécois lui-même, un projet qui est existant, un projet dont j'ai lu l'article 22, un projet dont j'ai le texte complet ici, qui va beaucoup plus loin que le projet de loi C-71,


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qu'auraient-ils dit alors? Qu'auraient-ils dit alors, s'il s'agissait d'un projet du gouvernement du Québec?

Une voix: Je vais vous le dire, moi.

M. Lincoln: Vous voyez, madame la Présidente, ils ne peuvent pas accepter le débat.

On a écouté leur collègue tout à l'heure, on ne s'est pas insurgé contre lui, mais ils ne peuvent pas accepter le débat. Ils ne peuvent pas accepter le débat parce que, pour eux, tout est blanc et tout est noir. Ou bien on est pour, ou bien on est contre. Il n'y a rien entre les deux. Ils ne peuvent pas accepter un autre point de vue.

C'est pourquoi, chaque fois qu'on parle, ils doivent nous interrompre. Eh bien, qu'ils interrompent. Moi, je voudrais qu'ils aillent discuter avec le ministre Rochon, lui demander où il se tient, lui demander pourquoi lui, un ministre péquiste du siège social de Québec, a produit un projet de loi qui va beaucoup plus loin que le projet de loi fédéral, qui, lui-même, a déclaré: «On veut aller plus loin.»

Qu'auraient-ils dit à ce moment-là? Est-ce qu'ils auraient gueulé contre le fédéral? Est-ce qu'ils auraient appelé le ministre Rochon un ayatollah? Est-ce qu'ils auraient appelé le ministre Trudel un ayatollah? Est-ce qu'ils auraient appelé la ministre Beaudoin une ayatollah? Mais non. Ils en ont fait une affaire politique, une affaire de petite politique.

Ils ont trouvé un filon pour déclarer maintenant que c'est le reste du Canada contre le Québec. C'est le ministre Dingwall, le ministre de la Santé contre tout le Québec. Ce sont tous les autres contre Montréal. Mais ce n'est pas vrai du tout.

Cette liste imposante de 560 organismes. . .

Une voix: Céline Hervieux-Payette est de notre côté.

M. Lincoln: Madame la Présidente, il interrompt encore pour me dire: «Céline Hervieux-Payette». Voyez la différence entre nous et le Bloc, c'est qu'on n'est pas un bloc, on n'est pas un bloc monolithe, nous, les libéraux, on se rattache à notre pensée. Certains sont pour le projet de loi, certains ont des réserves. Peut-être que la sénatrice a des réserves, c'est son affaire, c'est son droit fondamental.

On n'est pas comme eux, bloqués dans un étau, ne pouvant pas bouger, ne pouvant pas accepter que quelque chose puisse être un peu différent de leur pensée monolithique. C'est ce qui fait la pensée libérale. La pensée libérale, c'est que chacun pense pour soi-même, chacun fait son propre cheminement. S'il y a quelqu'un dans notre parti qui veut dire autrement, qu'il ou elle le dise. C'est ça, la démocratie. On n'est pas ici dans un carcan. Nous sommes tous des humains avant tout.

Moi qui suis un libéral et qui habite au Québec, je suis à 100 p. 100 pour le projet de loi C-71. Lorsque nous avons adopté, à l'Assemblée nationale, la Loi 84, on fumait dans les hôpitaux, dans les cliniques, dans les restaurants, on fumait partout au Québec. Aujourd'hui, on a fait des progrès. Ce n'est certainement pas parfait, mais on fume bien moins, et presque pas dans les hopitaux, dans les cliniques. Même dans les restaurants, il y a des endroits séparés.

Avec la loi du ministre Rochon, que je souhaite avec ardeur, cette loi fera que dans les restaurants, les endroits publics, il n'y ait plus de tabagisme. C'est contre le tabagisme que nous nous battons. C'est justement pour une idée de l'avenir, un projet de valeur sociale. Donc, j'appuie fortement le projet de loi C-71.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Madame la Présidente, mon collègue libéral a posé nombre de questions au Bloc québécois et j'avais de la difficulté à me retenir de ne pas lui fournir les réponses, compte tenu de la vigueur qu'il mettait, et de l'insistance qu'il mettait à vouloir obtenir ces réponses.

(1220)

D'abord, j'aimerais dire à tous mes collègues du Parti libéral que le Bloc québécois est d'accord avec le principe du projet de loi C-71. Il est d'accord avec le contenu de ce projet de loi, à quelques exceptions près. Mais lorsqu'il y a dans un projet de loi des moyens qui ne doivent pas être utilisés, parce que la fin ne justifie jamais n'importe quel moyen, c'est le devoir de l'opposition de mettre le doigt sur ces éléments et de les soulever.

Vous vous rappellerez qu'en deuxième lecture, le débat fut, hélas, très écourté. Nous aurions pu vraisemblablement attirer l'attention et de la population et de la députation libérale sur ces éléments, si le débat avait eu lieu. Mais il n'a pas eu lieu et c'est maintenant qu'il doit avoir lieu.

Alors, un des irritants est l'inversion du fardeau de la preuve, c'est-à-dire que quelqu'un sera jugé coupable avant de pouvoir démontrer son innocence. Or, dans notre système judiciaire, c'est du jamais vu, c'est un irritant majeur. Le Bloc québécois, comme opposition officielle, ne peut pas accepter qu'on change les règles du jeu de notre système juridique.

Ensuite, il y a ces commandites. S'il est souhaitable qu'éventuellement, les commandites ne soient plus faites par les compagnies de tabac, ce n'est pas une décision qui peut être appliquée en se revirant sur un dix cents. C'est ça, le problème. En fait, ce que le ministre nous dit, c'est que si les jeunes ne voient pas de publicité dans les commandites d'événements sportifs et culturels, les jeunes ne commenceront pas à fumer. Je veux bien croire que ça peut peut-être les inciter un peu, mais ce n'est quand même pas l'élément moteur.

Quand j'étais jeune, il y avait un tas de gens qui fumaient et à l'époque, j'ai même commencé à fumer. Depuis, j'ai arrêté, Dieu merci. Mais on n'avait pas de commandites à la télévision. La télévision était embryonnaire, on avait du noir et blanc, on avait quelques émissions, et pourtant, on fumait drôlement. Alors, il doit y avoir d'autres éléments qui amènent des jeunes à fumer.

En fait, si le ministre de la Santé est tellement convaincu que les commandites sont un des éléments importants qui amènent les jeunes à prendre la décision de fumer, alors pourquoi le ministre ne finance-t-il pas une période de transition pour justement permettre à ces commandites de se tourner de bord et d'aller chercher les commanditaires ailleurs? En fait, comment croire un ministre qui


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n'investit que ses paroles pour soutenir ses principes, mais qui n'est pas prêt à investir un seul sou vaillant?

On ne fait pas ici de la démagogie, on regarde les faits tels qu'ils sont. Sans période de transition, c'est 60 millions de dollars qui sont en cause en pertes directes. Et en pertes indirectes, c'est 200 millions de dollars pour la région de Montréal, une région où il y a plus de pauvres que dans l'ensemble des provinces Maritimes. On ne fait pas de la démagogie, on regarde les choses en face. S'il y a des pertes d'argent de cette ampleur, ça va créer du chômage. Du chômage, ça veut dire des familles pauvres. Des familles pauvres, ça veut dire des enfants pauvres, de la malnutrition, du décrochage scolaire, des problèmes de santé.

Le pire, c'est que des études démontrent que le tabagisme prévaut davantage chez les familles qui sont justement pauvres. Or, le ministre, par ce refus d'accorder une période de transition raisonnable aux commandités, risque justement d'affecter précisément ces jeunes dont il veut préserver la santé. Voilà vraiment une mesure où le ministre n'a pas vu l'effet pervers qui risque d'en découler.

En fait, il faut réaliser que les commandités ont proposé au ministre des solutions de compromis intéressantes, mais on dirait que le ministre préfère aller en cour, parce que c'est ce qui va se passer. Les commandités et les commanditaires vont procéder et forcer le ministère à aller jusqu'à la Cour suprême et encore une fois, dans cinq ans ou davantage, le problème demeurera entier.

Je veux dire ici à mon collègue libéral que j'ai proposé moi-même au Comité de la santé des interventions actives ciblées justement vers les jeunes, entre autres, par exemple, la publicité avec des vedettes populaires auprès de la jeunesse, publicité où ces vedettes indiqueraient qu'elles ne font pas usage du tabac justement pour conserver leur santé.

(1225)

J'ai eu l'occasion de parler avec M. Rochon au mois de novembre dernier sur ce projet de loi et je lui ai indiqué ces préoccupations. Vous remarquerez que le projet de M. Rochon n'a pas avancé d'un iota depuis cette époque. Le projet de M. Rochon est révisé par le Cabinet, parce que, lorsqu'on amène un projet de loi, avoir de bonnes intentions, c'est bien, mais il faut faire attention aux effets pervers qui peuvent être produits par un projet de loi. C'est ce sur quoi nous insistons. Nous voulons que ce projet de loi ait toute l'efficacité nécessaire, que la santé des Canadiennes et des Canadiens, des Québécoises et des Québécois soit pleinement protégée.

Or, actuellement, à ce chapitre, avec les commandites, les effets pervers font que, justement, on remplacera un problème par un autre qui risque d'être pire encore.

Je pose une question à deux volets à mon collègue. Tout d'abord, le ministre aurait-il ici remplacé ses convictions par de la pure obstination? Le ministre de la Santé est-il malade? Pourquoi ce ministre n'investit-il pas ses propres deniers, son propre argent pour financer une période de transition? Finalement, et c'est peut-être surtout une réponse que j'aimerais entendre de mon collègue, le ministre ne craint-il pas, constitutionnellement, ce droit qu'il s'arroge de décider de ce qui est bien de voir et de ne pas voir à la télévision soit déclaré inconstitutionnel? D'autres pays ont tenté cette recette pour encadrer leurs citoyens sur ce qui était permis ou non permis de voir et on sait ce qu'ils sont devenus. Est-ce que le ministre, je pose la question à mon collègue, n'est pas en train, par son obstination, de perdre de vue les véritables intérêts de la santé canadienne et québécoise?

M. Lincoln: Madame la Présidente, pour commencer, si c'est vrai que le ministre est en train de perdre de vue les objectifs de la santé des Canadiens et des Canadiennes, c'est un peu étonnant qu'il soit appuyé par tous les organismes de la santé partout au Canada, incluant au Québec, sans exception. Les hôpitaux, les CLSC, les médecins, bref, tout le monde l'appuie. Donc, s'il est contre la santé, c'est assez étonnant que tous ces mouvements l'appuient sans réserve.

On dit qu'on n'a pas fait de débat sur cette question. Cette question est débattue depuis des années. Depuis des années, on en fait le débat. Chaque fois qu'on produit un projet de loi-et le gouvernement conservateur en a présenté-il y a un sempiternel débat là-dessus. Il y a un débat de société qui se fait entre les pro-tabagistes et ceux qui sont contre le tabac. C'est un débat qui dure depuis des années. Tous les faits sont connus.

J'ai dit à mon collègue du Bloc québécois que s'il est disposé à aller les voir, je vais l'emmener voir sept boîtes entières de documents qui prouvent la connexion entre la commandite du tabac et le tabagisme, surtout chez les jeunes. Il y a des études, je vous en ai cité deux, mais il y en a des centaines d'autres qui sont là en place et qui le prouvent.

Pourquoi, si ce n'est pas vrai, que la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis, les pays scandinaves, etc. auraient fait la même chose que nous? Même si le projet de loi du ministre Rochon est en train d'être réédité au Cabinet, le fait est que c'était son intention, que c'était l'intention du gouvernement du Québec, qui a dit très clairement qu'il voulait aller plus loin.

On parle de chômage à Montréal, d'où je suis. À Montréal, ça fait mal aujourd'hui. Mais je trouve que c'est un double langage que de parler de la connexion entre la commandite et le chômage et de ne jamais parler d'instabilité politique et du chômage à Montréal. Pourquoi est-ce que Zellers s'en va? Pourquoi est-ce que Canadien Pacifique s'en est allé? Pourquoi est-ce qu'on perd 5 000 Québécois de plus par trimestre qu'on en reçoit, incluant les immigrants? Pourquoi est-ce que ça se passe?

On ne veut pas regarder cela en face. On ne veut pas regarder les conséquences de ce sempiternel débat qui dure depuis des années. On a eu le premier référendum, ce n'était pas assez. On en a eu un second, ce n'était pas encore assez. On en aura donc un troisième. Même la députée de Saint-Hubert, qui est candidate au leadership du Bloc québécois, disait l'autre jour: «Après un troisième référendum, ce sera assez, parce que les gens en ont assez». Elle-même a admis qu'il faut à un moment donné arrêter ça pour créer une stabilité politique. C'est ça qu'il faut.

(1230)

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Madame la Présidente, je vais répondre immédiatement au député de Lachine-Lac-Saint-Louis qui disait que mon collègue avait parlé de Mme Céline Hervieux-Payette.


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Je pense que ça vaut la peine, en introduction, de lire seulement deux petits paragraphes que le député ne connaît sans doute pas ou dont il n'a pas pris connaissance. Je vais lui rappeler également que c'est l'organisatrice en chef pour les prochaines élections ou une des personnes qui va l'aider à se faire élire dans son comté. J'espère qu'elle sera à ses côtés sur une tribune pour défendre ce dossier-là.

Elle a dit: «À mon avis, la restriction sur la publicité et les commandites joue un rôle minime pour enrayer ce fléau. Si les activités sportives et culturelles québécoises sont destinées à être les cobayes d'une politique qui n'accomplira pas les effets recherchés, je ne marche pas. Donnez-moi votre appui pour empêcher que Montréal, qui ploie déjà sous le chômage, ne soit pas la grande victime de cette politique.»

Ce n'est pas une séparatiste, c'est une bonne libérale qui a été récompensée par le gouvernement d'en face, et qu'on a nommée sénatrice de l'autre côté, dans l'autre Chambre. Pourtant, cette personne n'appuie pas du tout le collègue que je viens d'entendre. Savez-vous pourquoi il y a une différence dans le discours entre les libéraux d'en face et les libéraux de l'autre Chambre? C'est parce que dans l'autre Chambre, ils ne sont pas élus, tandis que les libéraux d'en face, eux, sont élus et veulent avoir un beau dossier pour se présenter en campagne électorale. Ils veulent montrer patte blanche dans un dossier aussi important que la santé.

Qu'ont fait les libéraux dans le domaine de la santé en 1993? Rien, ou si peu. Je vous en citerai seulement quelques-uns, parce que mon temps est limité, et j'en profite pour vous dire, madame la Présidente, que je partage mon temps avec le député de Joliette.

Le ministère de la Santé a fait des études très importantes sur le fromage au lait cru. En bout de ligne, on a démontré, hors de tout doute, que c'était «fou fret» cette histoire-là, et les libéraux ont reculé dans ce dossier.

Il y a eu le Forum national de la santé, où on a dépensé 18 millions de dollars. Pourtant, c'était de juridiction provinciale, la santé. Cela n'avait pas sa raison d'être et c'était tellement impopulaire, que les provinces n'ont même pas participé à ce Forum national de la santé qui est de leur juridiction.

On a eu également une ministre de la Santé, dans les premières années, qui est partie en guerre. Elle commençait la guerre contre le tabac avec son fameux projet de banalisation des paquets de cigarettes. Il y avait des paquets beiges, et avec ça, les jeunes étaient censés arrêter de fumer.

Une voix: Ils étaient drab comme la ministre.

M. Bellehumeur: Effectivement, ils étaient aussi drab que la ministre, et c'est pour cette raison que cela a été arrêté à ce moment-là. Finalement, on a dit que ça ne marchait pas, on devait arrêter.

Mais là, à la veille d'une élection fédérale, le ministre de la Justice a réalisé que les électeurs se demanderaient ce que les libéraux avaient fait dans le domaine de la santé. Donc, il faut avoir une cause, on va tenter de trouver une noble cause. Ils l'ont trouvée, chez les jeunes, la santé des jeunes. On va partir avec l'idée qu'on veut protéger la santé des jeunes et on va intervenir au niveau du tabac.

Si le gouvernement avait vraiment le courage de ses convictions, il interdirait cette matière qu'on dit dangereuse. Le tabac, ça semble être dangereux, il faudrait l'interdire. J'ai entendu le ministre de la Santé et le secrétaire parlementaire nous dire que les effets du tabac chez les citoyens, chez les jeunes en particulier, coûtaient des milliards de dollars. Semble-t-il qu'il a évalué cela aux alentours de 3,5 milliards de dollars de coûts à la santé reliés directement à la cigarette.

Mais je n'ai pas entendu ce même ministre et ce même secrétaire parlementaire dire à cette Chambre que cela coûtait effectivement 3,5 milliards, mais qu'on en retirait, au provincial et au fédéral, pas moins de 5 milliards de dollars en taxes et en impôts de toutes sortes sur les produits de la cigarette, sur les produits du tabac. C'est sûr que ce n'est pas comique de voir des gens qui ont le cancer du poumon ou des maladies reliées à la consommation abusive de tabac. Mais on est dans un pays libre ici. Alors, pourquoi insister pour anéantir cette industrie?

(1235)

Si on s'était posé les vraies questions concernant cette problématique de consommation de tabac, on n'aurait sûrement pas cette législation hypocrite qu'on nous présente dans cette Chambre. En plus, pour un projet de loi aussi important, on nous a bâillonnés en deuxième lecture. On a fait une lecture rapide de tout ça. On nous a bâillonnés au moment de l'analyse article par article en comité. Encore aujourd'hui, à l'étape du rapport et à la troisième lecture, on met un terme au débat. On ne pourra pas en discuter comme on le voudrait. Pourquoi? C'est parce que les libéraux d'en face ne veulent pas en discuter.

Tantôt, le député de Lachine-Lac-Saint-Louis disait qu'il y avait sept caisses de documents démontrant un effet direct entre la cigarette et les maladies. Je peux vous dire que de l'autre côté, il y a également sept caisses de documents pour dire qu'il n'y a pas d'effets aussi direct qu'ils veulent le prétendre. Il y a également des études qui démontrent que ce n'est pas parce que des jeunes vont à l'Omnium Du Maurier que, lorsqu'ils retournent chez eux, ils veulent aller s'acheter un paquet de cigarettes.

Comme le disait le chef de l'opposition, le jeune qui regarde une partie de tennis et qui voit «Du Maurier» à l'arrière, pendant toute la partie, veut beaucoup plus une nouvelle raquette de tennis quand il arrive chez lui qu'un paquet de cigarettes. Il n'y a pas d'effet direct. Il n'y a pas eu d'études qui l'ont clairement démontré.

En plus, il faut dire les choses comme elles sont, le projet de loi C-71 sur le tabac, nous ne sommes pas contre à 100 p. 100. On appuie une grande partie de ce projet de loi et on l'a dit aux députés d'en face. On a même proposé pas moins de 32 amendements pour l'améliorer, pour avoir des moyens plus actifs, au niveau de l'éducation des jeunes, entre autres, si on veut vraiment protéger les jeunes. Eh bien non, le gouvernement a fait fi de nos remarques et continue de le faire parce que c'est lui qui détient la vérité. Quand tu imposes des bâillons, c'est parce que tu ne veux pas entendre


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l'opposition. Si tu ne veut pas les entendre, c'est parce que tu penses que tu as la vérité. C'est ce qui arrive.

C'est pour ça que cela me faire rire un peu d'entendre un discours comme celui qu'a tenu ce matin le député québécois de Lachine-Lac-Saint-Louis. C'est désolant. Il est ici pour défendre les intérêts du Québec et pendant 20 minutes, il a défendu les intérêts d'Ottawa, alors que nous, les députés du Bloc québécois, avons à coeur les intérêts des Québécois et des Québécoises.

Entre autres, la grande partie de ce projet de loi qu'on ne peut pas accepter, que personne au Québec n'accepte, c'est toute la partie qui touche les commanditaires. On ne pourra pas, avec un tel projet, avoir une série d'activités sportives et culturelles que les Montréalais, entre autres, et également les gens de toutes les régions du Québec, sont habitués d'avoir.

Je vais vous en nommer quelques-unes qui sont mises en péril parce que le gouvernement d'en face ne veut pas entendre raison: le Festival de Jazz, les Feux d'artifices Benson & Hedges, le Festival Juste pour rire, le Festival d'été de Québec, le Grand Prix de Montréal, le Grand Prix de Trois-Rivières, sans parler de tout l'effet domino qu'un tel projet d'interdiction des commanditaires va amener. Ce sont des pertes, uniquement pour Montréal, de 240 millions de dollars et de plus de 2 000 emplois. Et c'est sans compter l'effet domino pour les régions.

Dans Berthier-Montcalm, il y a le musée Gilles-Villeneuve. S'il n'y a pas de Grand Prix à Montréal, c'est sûr et certain que 10 p. 100 ou 15 p. 100 des touristes qui viennent au musée dans la période du Grand Prix de Montréal ne viendront plus. Ce sont des gens de l'Europe, du Japon, des États-Unis. Ce sont des touristes payants pour le Québec. S'il n'y a pas de Grand Prix de Montréal ou de Grand Prix de Trois-Rivières, il ne viendront jamais à Berthierville pour visiter le musée. Ils ne feront pas expressément un voyage du Japon pour venir visiter le musée Gilles-Villeneuve.

Il faut que vous compreniez ça, madame la Présidente. Essayez de les convaincre pour qu'ils comprennent. Si c'est si important, et je conclurai ainsi, pour le gouvernement d'en face, qu'il en fasse un enjeu électoral, que le secrétaire d'État au Bureau fédéral de développement pour le Québec vienne sur les tribunes du Québec vendre le projet de loi C-71 et ce sera la population qui décidera si oui ou non elle veut cette loi. Au Québec, ce sera non, on n'en veut pas.

(1240)

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Madame la Présidente, je crois que vous savez que j'ai un certain respect pour tous mes collègues de la Chambre et, bien sûr, pour un grand nombre de collègues de l'opposition officielle.

Mais je trouve ironique et contradictoire. . .

Une voix: Surprenant.

M. Duhamel: «Surprenant» c'est trop doux. L'attitude, la réaction qu'ils ont de dire que le député de Lachine-Lac-Saint-Louis ne protège pas le Québec ou les Québécois, quelle sottise.

M. Lebel: Ça fait mal, la vérité.

M. Duhamel: Ce n'est pas la vérité, c'est une sottise extraordinaire.

Le dernier député qui vient de parler, juste avant le dernier, est un honorable député qui a une réputation extraordinaire qui dépasse de beaucoup celle de la majorité des députés du Bloc.

M. Godin: Ça fait longtemps que vous n'êtes pas venu à Montréal, vous.

M. Duhamel: Ils le savent. C'est un député qui est reconnu pour son honnêteté. Saisir l'occasion pour essayer d'insulter, d'embarrasser une telle personne, je trouve cela déplorable.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): J'aimerais qu'on ait un peu plus de respect pour les députés de cette Chambre.

M. Duhamel: Nous savons tous que toute recherche crédible démontre qu'il y a un lien entre le tabac et la santé. On entend le député qui vient essayer de nous faire croire que d'autres recherches disent l'inverse, mais combien y a-t-il de Canadiens et de Canadiennes qui croient que ce n'est pas le cas?

Franchement, allez de l'avant avec des arguments qui ont du sens. Il y a presque 600 groupes au Québec, des gens crédibles, qui appuient ce projet de loi, 600 groupes. Une majorité de Canadiens et de Canadiennes, incluant des Québécois et des Québécoises, appuient ce projet de loi. Et ils essaient de faire croire que ce n'est pas le cas. Pourquoi? Pour essayer de rationaliser leur position, essayer de faire peur aux gens.

On a dit qu'il y aurait une perte extraordinaire de toutes sortes de spectacles.

M. Lebel: C'est vrai.

M. Duhamel: Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas de fondement dans leur position. Ils essayent de faire peur, de faire monter les gens. C'est la seule stratégie. Évidemment, lorsqu'on a rien à dire, on fonce, on attaque, on fait peur aux gens. Pourquoi pas? C'est la seule tactique qui leur reste.

C'est malheureux. Prétendre que nous faisons de la politique au sujet de ce projet de loi, c'est banal, c'est faux. Nous sommes ici pour essayer de protéger les jeunes, les Canadiens et les Canadiennes, cela inclut les Québécois et les Québécoises.

C'est ce qu'on devrait être en train de faire ensemble, plutôt que de profiter de cette occasion pour faire de la petite politique. C'est ce qu'ils sont en train de faire et je veux savoir pourquoi. Pourquoi défendre le tabac, défendre ce qui se passe, ce qui conduit à une mauvaise santé? J'aimerais comprendre comment ils peuvent défendre une telle position.

C'est insensible, c'est incroyable.

M. Tremblay (Rosemont): Le musée de Berthierville, qu'est-ce que vous en faites?

M. Bellehumeur: Madame la Présidente, il me fait plaisir de répondre au député de Saint-Boniface. Moi, je défends les retombées économiques, entre autres, parce qu'on est d'accord avec le volet portant sur la santé, pour la protection des jeunes, la question des 18 ans. Cela fait partie des 80 p. 100 du projet de loi avec lesquels on est d'accord.


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Mais il y a une partie qui fait mal au Québec, et c'est pour cela que je relevais le fait que le député qui vient de la province de Québec, qui vient du Québec, ne prend pas la défense des Québécois. Ne pas prendre la défense des Québécois, dans un projet semblable, cela veut dire des pertes de 30 millions minimum en commandites, des pertes de 240 millions, uniquement pour Montréal, en retombées économiques de toutes sortes. Cela veut dire des pertes d'emplois pour au moins 2 200 personnes, uniquement pour Montréal.

(1245)

Il viendra dire cela à ces 2 000 personnes-là qui vont être sur le chômage après l'adoption, en troisième lecture, du projet de loi C-71. Il viendra leur dire: «C'est à cause de nous autres, les libéraux, on a tué l'industrie touristique à Montréal; c'est à cause de nous autres, les libéraux, que vous perdez 240 millions de dollars annuellement en retombées économiques de toutes sortes; c'est à cause de nous autres, les libéraux, que vous perdez 30 millions de dollars en commandites.»

Il viendra leur dire cela durant la campagne électorale. Je vous invite également à venir le dire dans mon comté. Le secrétaire parlementaire du ministre de la Santé également, qui est là, il viendra le dire chez nous, lors de la campagne électorale, il viendra expliquer également au musée Gilles Villeneuve les pertes qu'ils vont subir.

M. René Laurin (Joliette, BQ): Madame la Présidente, j'avais commencé, dans mon exposé précédent, à expliquer que le projet de loi qui est devant nous est abusif parce qu'il confond des valeurs qui sont fort différentes. Quand on parle de commandites, on ne parle pas de publicité, car ce sont deux choses fort différentes.

Ce n'est pas parce que le nom d'une compagnie est inscrit sur une voiture que ça va nous porter à acheter plus de produit fait par cette compagnie. Si la compagnie faisait de la publicité pour vanter les mérites de son produit, là, je serais d'accord à ce qu'on interdise cette forme de propagande qui fait en sorte qu'on inciterait les gens à consommer un produit davantage. Mais dans le cas des commandites, ce ne sont pas ça les faits, ce n'est pas ça du tout.

La commandite a tout simplement pour objet qu'une compagnie assure ou fasse savoir aux gens qu'elle est présente à un événement, que cette compagnie-là partage les préoccupations des gens, partage leur vie sociale, leur vie quotidienne, leurs loisirs, leur culture, c'est ça qu'une compagnie cherche à faire par une présence de commandite. Si par la même occasion, elle vantait son produit, ça deviendrait de la publicité. Ce n'est pas parce qu'on voit une image qu'on est forcément tenté de l'imiter.

À ce compte, ça fait 30 ans qu'on voit certains personnages politiques au gouvernement fédéral et ça n'a pas fait de nous des libéraux pour autant. Ce n'est pas parce qu'on les voyait qu'on était tenté de faire comme eux. C'est quand on les a connus qu'on n'a plus eu envie de faire comme eux. C'est ça qu'il faut faire comme différence.

On est entouré à tous les jours de sources de pollution. Selon certaines statistiques, 60 p. 100 de la population souffre d'obésité. Pourtant, on n'a pas interdit la publicité et les commandites sur le chocolat, on ne l'a pas interdit non plus sur les chips ni sur les peanuts ou le gras animal, toutes ces choses-là sont permises.

Le médecin qui m'a déjà traité pour mon obésité est devenu aussi gras que moi au bout d'un an. Est-ce qu'il aurait dû me traiter par téléphone? Ce n'est pas parce qu'il me recevait à son bureau qu'il est devenu obèse. Pourtant, s'il y en avait un qui était motivé, c'était bien lui. Il connaissait les causes, mais il ne les a pas respectées, il les a évitées.

C'est pour ça que je dis que c'est par l'éducation qu'on fait les choses. J'entendais une nouvelle ce matin à la télévision qui disait que, depuis 10 ans, les femmes souffrent plus que les hommes du cancer du poumon. Le nombre de femmes fumeuses a quadruplé depuis ces 10 dernières années. Est-ce qu'il faut en conclure que les femmes regardent plus les courses automobiles que les hommes? Est-ce que ce sont les commandites de Rothmans ou de Du Maurier sur un festival culturel ou de Players sur une course automobile qui ont fait en sorte qu'il y a quatre fois plus de femmes qui fument aujourd'hui?

À regarder la télévision, lors de ces événements, je ne crois pas qu'il y ait plus de femmes qui y soient présentes qu'il y a d'hommes. On fait de fausses associations, mais pourquoi les fait-on? Parce que le gouvernement libéral, par l'intermédiaire de son ministre, s'est mis la tête sur le bûcher pour plaire à un lobby qui est fort puissant: le lobby anti-tabac. Je ne blâme pas les gens qui partagent cette opinion de travailler contre le tabac, de dire leur opinion, c'est leur rôle. Je ne blâme pas non plus les compagnies de vouloir faire en sorte de défendre leur position, c'est aussi leur rôle.

Mais quand un ministre dit «si ce projet de loi n'est pas adopté, vous voterez contre le parti libéral aux prochaines élections», voilà le véritable enjeu de ce qu'il veut faire passer dans sa loi. Il veut plaire au lobby anti-tabac qui est fort puissant et qui représente des milliers de gens qui sont bien intentionnés.

(1250)

Ne serait-ce de cet engagement que le ministre de la Santé a pris, je ne suis pas sûr que le gouvernement n'accepterait pas des compromis, n'accepterait pas de faire preuve d'un peu plus de souplesse dans la mise en vigueur de cette loi. Le ministre de la Santé veut sauver sa tête au détriment de plusieurs milliers d'emplois au Québec, à Montréal particulièrement, à Québec, à Trois-Rivières, dans la comté de Joliette où il y a une grande quantité de producteurs de tabac qui créent des emplois saisonniers. Je ne voudrais pas que ces gens soient obligés de congédier des employés.

Qu'on procède par l'éducation, qu'on convainque les gens, c'est comme ça qu'on obtient le meilleur résultat. Le meilleur exemple qu'on puisse citer, où on a réussi une campagne par l'éducation, c'est la campagne Nez rouge qu'on a mise sur pied pour combattre les abus d'alcool. Cela s'est fait par l'éducation et n'a pas coûté des millions ou des milliards aux Québécois. C'est une initiative québécoise. C'est un professeur de l'Université Laval à Québec qui a parti ce mouvement, il y a dix ou quinze ans.

Cet exemple a été suivi, non seulement par les autres provinces au Canada, mais aussi par plusieurs pays du monde où on a institué la même organisation. Aujourd'hui, cette campagne a comme résultat que les accidents d'automobile dus à l'abus d'alcool ont été réduits de près de 80 ou 90 p. 100. C'est le résultat d'une oeuvre éducative, ce n'est pas le résultat d'une intrusion du gouvernement, par ses lois, dans la vie des gens.

On n'a pas condamné les gens qui abusaient de l'alcool, on les a éduqués. Aujourd'hui, ces gens sont fiers de l'éducation qu'ils ont


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reçue. Ils sont fiers de collaborer au développement social et de contribuer à réduire le nombre d'accidents sur la route, parce qu'ils en ont été convaincus par des principes et non par une intrusion.

Cette intrusion, en plus d'être mal fondée, est dangereuse pour l'avenir. Si, chaque fois qu'il y a un abus de consommation, quel qu'il soit, le gouvernement doit légiférer pour éviter l'abus, il n'y a plus un citoyen au Québec ou au Canada qui aura la liberté d'agir. On condamnera tout.

On fermera les discothèques, parce qu'il y a trop de bruit. C'est dangereux pour les jeunes dans les discothèques d'entendre de la musique à plusieurs décibels. Ils peuvent devenir sourds. Pourtant, on n'a pas interdit la musique dans les discothèques. En autant que cela se passe à l'intérieur, on n'a pas réglementé le nombre de décibels. Il faudrait peut-être le faire, parce que c'est dommageable et cela coûte des sous au reste de la société si un jeune perd l'ouïe.

On n'empêche pas non plus les gens de se surmener, de veiller jusqu'à quatre ou cinq heures du matin. Ce sont des jeunes qui font ça. Bien souvent, ils traînent dans les rues. Est-ce qu'on devrait légiférer, imposer un couvre-feu à une heure du matin et dire qu'on ne veut plus les voir sur la rue? Ce n'est pas ce qu'on fait. On laisse la liberté aux parents d'éduquer leurs enfants. Et c'est par l'éducation qu'on en viendra à bout.

Il y a une foule d'autres exemples. L'automobile est polluante, pas juste parce qu'il y a des marques de tabac imprimées dessus. Elle est polluante par l'échappement de gaz carbonique dans les rues. Cela gâte la vie de tout le monde. Quand je respire le gaz carbonique des automobiles, c'est dangereux pour ma santé. Pourtant, le gouvernement n'a pas légiféré là-dessus. On n'empêche pas les automobiles et les autobus de circuler. Pourtant, c'est mauvais pour ma santé.

Tantôt, je mentionnais les produits qui causent l'obésité, c'est la même chose. On n'a pas défendu à ces compagnie de commanditer des événements sociaux ou culturels. On est mal avisé lorsqu'on intervient. La seule chose que l'opposition officielle demande au gouvernement, c'est d'amender sa loi permettant à cette industrie de continuer à commanditer des événements qui permettent à des milliers de gens de travailler.

On sauvera peut-être la vie de certaines personnes, mais si on en empêche des milliers d'autres de gagner leur vie, à ceux-là, on fait perdre leur vie. On leur fait perdre leur vie parce que ces gens-là vivront dans le désespoir. Leurs enfants aussi vivront dans le désespoir.

(1255)

C'est un mauvais remède. On applique un remède à une maladie sans en avoir évalué les effets secondaires. C'est comme si on disait, que parce que je mange des choses impropres à ma santé, si on trouve le remède dans dix ans, on va me couper les doigts. Ce n'est pas la meilleure façon. C'est comme si on disait: si on lui coupe les doigts, il ne pourra plus en manger. Eh bien oui.

Au lieu de tenter d'éduquer les gens et de leur dire qu'on ne coupe pas les doigts, on leur montre comment mieux manger, comment mieux servir leur santé et leur corps. C'est ça, une façon éducative. C'est plus d'ouvrage, c'est peut-être plus onéreux, mais à long terme, c'est beaucoup plus profitable et c'est beaucoup plus respectueux de la liberté des gens. C'est ce qu'on demande au gouvernement de respecter et c'est ce qu'on demande au gouvernement de reconnaître par les amendements que nous avons faits à ce projet de loi.

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Madame la Présidente, j'ai suivi, avec une grande attention, le discours soutenu et très nourri de mon collègue, le député de Joliette. Il ressort de ça qu'il ne croit pas, et je ne le crois pas non plus, que quelqu'un qui cesse de fumer aura dorénavant la vie éternelle. Il y a d'autres causes qui font que les gens meurent.

Malheureusement, je suis une des victimes de la cigarette. Je fume beaucoup, vous le savez, madame la Présidente. Mais c'est quand même ma liberté. Il y a un aspect de ce projet de loi qu'on n'a pas, il me semble, discuté à fond. Moi qui tousse beaucoup, j'aime encore mieux mourir du cancer du poumon que de mourir captif, victime et prisonnier. C'est triste à dire, mais ça ferait encore moins mal.

Depuis 1960, on est passés au prêt-à-porter, des vêtements qui font à tout le monde mais qui ne font bien à personne. On est passés au tfast foodo, au «prêt-à-manger». C'est peut-être de là que les problèmes d'obésité, dont faisait état mon collègue, proviennent. On est passés aussi au «prêt-à-penser». On ne peut plus certainement se poser des questions qui nous assaillent, qui nous occupent. Prenons un simple exemple: l'immigration. Il est mal venu de se demander, comme citoyen, si on fait venir trop d'immigrants ou pas assez, ou plutôt tel type que tel autre, etc. C'est interdit de se poser des questions dans ce domaine. Ce n'est pas politiquement correct. C'est le «prêt-à-penser».

Là, avec le projet de loi qu'on nous amène, c'est le «prêt-à-voir» maintenant. On veut bannir de la vue des citoyens certains noms, des noms corporatifs, des noms honnêtes, des noms qui ont été gagnés, qu'on a chèrement payé pour garder visibles. C'est un aspect de la loi, ça. On poursuit, comme des choses gênantes, les noms de corporations, pourtant d'honnêtes citoyens corporatifs, des gens qui ont contribué leur juste part-du moins je l'espère-à notre société par des paiements fiscaux, etc. Donc, j'approuve le député de Joliette lorsqu'il parle de ces abus qu'on veut essayer d'abolir, que ce soit concernant la bouffe, la cigarette ou quoi que ce soit. Je suis d'accord avec lui, mais il faut laisser la liberté aux gens.

J'ai toujours eu peur des régimes qui s'amènent et qui disent posséder la vérité absolue, en être détenteurs, être mandataires du Créateur et qui nous disent: «Dorénavant, vous ne fumez plus». Je demande à mon honorable collègue de Joliette s'il ne croit pas plutôt en la vertu de l'enseignement chez nos jeunes, parce que ce sont les jeunes qu'on veut protéger.

Je lui demanderais aussi s'il peut aborder un peu l'aspect réglementaire. Il y a des pans entiers, il y a sept chapitres dans ce projet de loi, qui laissent un pouvoir discrétionnaire éhonté au ministre de la Santé qui, jusqu'à présent, ne nous a pas éblouis par son jugement. Donc, laisser à un homme sans jugement le pouvoir de juger, c'est pas mal triste dans un projet de loi. Il aurait fallu que ce soit canalisé, que les règlements soient décrétés par le gouverneur en conseil, car au moins, s'il y a un ministre qui est faible de la bottine, les autres peuvent le ramener à l'ordre. Mais ce n'est pas le cas.


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conseil, car au moins, s'il y a un ministre qui est faible de la bottine, les autres peuvent le ramener à l'ordre. Mais ce n'est pas le cas.

(1300)

Dorénavant, le ministre, sans jugement-il nous a prouvé qu'il n'en avait pas, dans le dossier du fromage au lait cru par exemple-pourra, lui, décréter un règlement, au jour le jour, un cataplasme, une jambe de bois, et faire des règlements au gré des pressions du groupe anti-tabac ou autre. Le pire, c'est que ces règlements, si le projet de loi C-25 est adopté, ne seront même pas publiés.

Donc, je demande à mon honorable collègue de Joliette de commenter, pour le bénéfice de cette Chambre et spécialement pour celui du ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional pour le Québec, chez les libéraux, ici présent, à savoir s'il ne voit pas là un danger dans la législation.

M. Laurin: Madame la Président, vous m'indiquez qu'il ne me reste que 30 secondes; ce n'est vraiment pas beaucoup de temps pour répondre à la question de mon collègue.

J'ai parlé principalement des commandites, parce que c'est l'aspect le plus important qui nous touche dans l'immédiat. Bien sûr, on aurait pu parler de la réglementation, mais avec beaucoup d'incertitude, parce que nous ne connaissons pas cette réglementation.

De plus, il y a bien des chances que la réglementation sur le projet de loi ne soit déposée qu'après les élections, parce qu'il s'agit d'une promesse électorale libérale. Et une promesse libérale aux élections, on sait à quoi on peut s'attendre, on en a eu aux dernières élections qui n'ont pas été respectées. Le gouvernement ne veut pas les faire connaître tout de suite, il attend après les élections, car ça risque de lui coûter moins cher.

[Traduction]

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre part à un débat qui concerne un sujet qui me tient beaucoup à coeur. Je parle de cette question depuis huit ans, probablement plus que n'importe quel autre député.

Je voudrais remercier mes collègues de ce côté-ci de la Chambre pour la compréhension dont ils ont fait preuve au sujet de ma position. Il est important et parfois très difficile de parler du tabac. Je remercie en particulier le ministre et les fonctionnaires de son ministère d'avoir accepté les amendements au projet de loi présentés par les tabaculteurs. Je remercie particulièrement la députée de Lambton-Middlesex pour l'amendement au projet de loi auquel elle a beaucoup collaboré.

Le nombre des tabaculteurs a beaucoup diminué depuis 1984. La plupart des quelque 1 200 qui restent se trouvent dans ma circonscription, Haldimand-Norfolk-Brant. L'industrie du tabac a une grande importance dans ma circonscription puisqu'elle représente près d'un emploi sur trois. Dans l'ensemble du Canada, l'industrie emploie environ 60 000 Canadiens. Son impact dans ma circonscription est sans doute plus marqué que n'importe où ailleurs au Canada. L'industrie du tabac a une importance considérable pour l'économie rurale. Autant d'emplois signifie autant de revenus qui permettent aux gens de dépenser. Les répercussions dans ma région sont sans doute plus marquées puisque 80 p. 100 des revenus générés par l'industrie du tabac y sont dépensés.

Une étude effectuée par la maison Deloitte Touche, intitulée «La contribution économique de l'industrie du tabac dans les régions tabacoles de l'Ontario», explique l'importance de l'industrie dans une petite communauté comme la mienne. Il est important que les députés et les Canadiens le comprennent.

Les emplois directs créés par la tabaculture se chiffrent à16 189 emplois à temps plein et à temps partiel, soit l'équivalentde 4 578 emplois à temps plein, ou 22 p. 100 de l'ensemble des emplois du secteur agricole dans ma région.

Chaque année, 13,4 millions de dollars sont versés en salaires à des étudiants de niveaux universitaire et secondaire dans ma région. Cette source de revenus les aide à payer leurs frais de scolarité.

J'ai d'autres chiffres concernant les revenus. Les recettes totales engendrées par le tabac sont de l'ordre de 315 millions de dollars. Dans Haldimand-Norfolk, elles sont de 174 millions. Dans le comté de Brant, elles sont de 31 millions. Dans celui d'Oxford, elles sont de 44 millions. Dans Elgin, elles sont de 66 millions.

(1305)

Quelles répercussions ont-elles sur les collectivités? Les collectivités et les municipalités de toute l'Ontario se voient imposer de rudes compressions par le gouvernement conservateur Harris. Voyons les recettes que rapportent les taxes sur le tabac à ces régions. Dans le comté de Brant, les taxes fédérales se chiffrent à6 millions de dollars, les taxes provinciales à 3 millions et les taxes locales à 1 million, ce qui totalise 10 millions de dolars. Dans Haldimand-Norfolk, les taxes fédérales s'élèvent à 34 millions de dollars, les taxes provinciales à 16 millions et les taxes locales à7 millions. Cette industrie rapporte 56 millions de dollars en taxes à cette région.

D'où viennent les emplois? Les membres des familles qui sont recrutés sur place comptent pour la majeure partie des employés. Ce sont des exploitations agricoles qui contribuent à envoyer les enfants à l'école. On estime que ces producteurs consacrent 33,4 p. 100 ou 11,3 millions de dollars de l'argent qui va aux étudiants de niveau secondaire.

Mon argument est simple. Tant que les Canadiens pourront légalement fumer, ce qui est parfois difficile, compte tenu des mesures législatives, surtout municipales, ils devraient pouvoir fumer du tabac canadien. Les avantages se feront sentir dans ma région.


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Cet argent ne va pas seulement dans les poches des producteurs et de ceux qui travaillent dans les régions qui produisent du tabac. Il va aux écoles. Il va aux petits magasins du coin. Cet argent sert à financer les petits hôpitaux et les activités locales de bienfaisance.

Dans la région de Delhi, Tillsonburg, Aylmer et dans tout le secteur où l'on cultive le tabac, les dons sont plus élevés que dans la plupart des autres régions de l'Ontario. Les producteurs de tabac redonnent ce que la nature leur offre.

Les producteurs de tabac sont des gens normaux. C'est du bon monde. Ce sont des Canadiens qui ont contribué au développement de notre pays. Ils sont venus de partout dans le monde pour cultiver le tabac dans Haldimand-Norfolk. Nos collectivités allemande et belge sont parmi les plus importantes du pays. Il y a des Hongrois et des gens d'autres nationalités qui sont venus cultiver le tabac dans notre région.

Le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les consommateurs les ont encouragés à s'engager dans cette industrie. Mon argument est simple. Ne les jetons pas dans la fosse aux lions. Nous avons pris le temps de les encourager à se lancer dans cette entreprise, alors pourquoi ne pas prendre le temps qu'il faut pour les en écarter, si c'est ce que veulent les gouvernements?

On peut stabiliser cette industrie. Certaines des mesures que le gouvernement a mises en oeuvre ont aidé les producteurs de ma région. Les gens veulent savoir pourquoi ils ne déménagent pas dans une autre région ou pourquoi ils ne cultivent pas plutôt du blé ou des melons. On a essayé cela. Premièrement, le sol se prête mal à d'autres cultures. La taille des fermes de tabac est de 80 acres, en moyenne, et l'on ne peut pas faire beaucoup d'argent de nos jours, avec 80 acres de terrain. On ne peut tout simplement pas avoir une entreprise agricole viable dans ces conditions. Bien sûr, les secteurs où ils ont essayé de percer sont déjà saturés. Il n'y a pas de réponse facile pour les aider.

(1310)

Le gouvernement les a aidés et je l'en félicite. Je continuerai à travailler pour obtenir de l'aide pour eux. Des gouvernements précédents et le présent gouvernement, les consommateurs et les partis politiques ont tous participé à ce débat. Il leur est arrivé d'oublier que ces agriculteurs sont des Canadiens comme les autres qui veulent gagner leur vie et celle de leur famille. En tant que député de cette région, je continuerai à parler en leur nom quand il s'agira de la législation sur le tabac. J'espère que les députés de tous les partis m'aideront à prendre leur défense.

[Français]

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté mon confrère du Parti libéral avec beaucoup d'attention. Je m'aperçois qu'il est, lui aussi, très préoccupé par l'aspect économique. Sa région semble être une région agricole où on cultive beaucoup de tabac. On nous parle de 16 000 emplois, 22 p. 100 d'emplois agricoles, environ 56 millions de taxes. Pourtant, c'est une province très riche. En ce qui concerne Montréal et la province de Québec, on a présentement beaucoup de difficultés économiques.

J'aimerais qu'il me donne son interprétation. A-t-il pensé, à un certain moment, de parler à son gouvernement pour qu'il tente d'établir une certaine équité et qu'il y ait un équilibre économique?

Il n'y a pas si longtemps, voulant harmoniser la TPS dans les provinces de l'Est, parce qu'on croyait qu'elles perdaient beaucoup plus que le Québec, le gouvernement leur a offert 1,2 ou 1,3 milliard en compensation. La preuve a été faite que dans la province de Québec, surtout à Montréal, ce projet de loi nous coûtera 30 millions.

Je me demande pourquoi le Parti libéral, qui a décidé de donner 1,2 milliard en compensation aux provinces de l'Est, n'en ferait pas autant pour Montréal. Pense-t-il pouvoir présenter ce point de vue à son gouvernement?

[Traduction]

M. Speller: Madame la Présidente, de toute évidence, le député ne m'écoutait pas aussi attentivement qu'il le disait. Les députés du Québec qui siègent de ce côté-ci et le ministre se sont vigoureusement prononcés en faveur de la population du Québec et de Montréal. Ils ont réussi à faire valoir leur argument.

Je ne me lancerai pas sur le sujet de la TPS, mais je vais parler des conséquences économiques du projet de loi pour ma collectivité et de l'incidence des mesures que prennent tous les gouvernements. Pour parler franchement, les conséquences économiques du projet de loi seront très minimes. Toutefois, je peux dire au député que la population du Québec est bien mieux représentée au sein du gouvernement par des ministres compétents que par certains orateurs de l'autre côté.

M. Joseph Volpe (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, Lib.): Madame la Présidente, je tiens à féliciter mon collègue d'avoir éclairé certains points. Contrairement à d'autres députés, il était présent pour entendre un député de ce côté de la Chambre proposer un amendement qui répondait aux préoccupations du Bloc québécois et du Parti réformiste au sujet des règlements. Cet amendement a été adopté; ainsi, le comité pourra étudier les règlements. Cette mesure crée un précédent et est avantageuse pour ceux qui veulent examiner l'impact total du projet de loi.

(1315)

À ce propos, mon collègue, qui a toujours parlé au nom de ses électeurs, devra étudier le projet de loi tel qu'il est. Le député qui est intervenu avant lui a parlé de l'importance de l'éducation pour orienter ou modifier un comportement et pour sevrer les gens de leur infâme assuétude au tabac. Je me demande si tout en défendant les intérêts de ses producteurs, il reconnaît quand même que l'éducation et, par conséquent, le contrôle. . .


8719

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): À l'ordre. Le député a la parole pour une très brève intervention.

M. Speller: Madame la Présidente, je remercie le député de ses commentaires. S'il faut choisir entre des taxes sur le tabac plus élevées, comme le propose le Parti réformiste, et des programmes d'éducation, je choisirais certainement l'éducation au lieu de l'augmentation de la taxe à l'exportation.

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Madame la Présidente, j'ai des réserves à l'endroit de ce projet de loi, mais en dépit de ces réserves, je l'appuie fortement.

Je suis un ancien fumeur et, à une époque, je fumais 60 cigarettes par jour, ce qui est beaucoup. J'ai commencé à fumer à l'âge de 16 ans, sous l'influence de mes camarades, et ma consommation a augmenté graduellement. Le tabac est une drogue très insidieuse. On s'y habitue petit à petit et cette dépendance physique et psychologique s'accentue au fil des années. J'ai eu beaucoup de mal à me défaire de cette habitude, mais j'y suis parvenu il y a une dizaine d'années. Par conséquent, les problèmes du tabagisme ne me sont pas étrangers.

J'appuie l'esprit du projet de loi, car il est certes vrai que les jeunes sont habituellement ceux qui développent une dépendance envers les produits du tabac et qui ne peuvent plus s'en passer une fois devenus adultes. En fait, la cigarette est désagréable lorsqu'on l'essaie pour la première fois. Je suis certain que, si des adultes allumaient une cigarette pour la première fois, ils la rejetteraient carrément. Il s'agit là d'une habitude qui s'acquiert à cause de la pression des camarades. L'idée derrière le projet de loi selon laquelle nous devrions nous pencher sur le problème des jeunes qui commencent à fumer est très valable.

Je ne suis pas tout à fait certain qu'imposer davantage de restrictions aux jeunes qui fument aura l'effet souhaité, car, lorsqu'on interdit une chose aux jeunes, ils ont tendance à la vouloir d'autant plus. Par ailleurs, étant donné l'importance de l'objectif de ce projet de loi, il vaut la peine d'essayer d'imposer ces restrictions qu'il propose.

Une deuxième réserve que j'avais concerne la commandite. J'ai toujours considéré que les compagnies de tabac, les brasseries et les distilleries commanditaient les événements artistiques et sportifs parce qu'elles avaient le sens des responsabilités sociales. En réalité, nous avons besoin des compagnies de tabac, des distilleries et des brasseries. Si aucune entreprise légitime ne fabrique les produits demandés par les consommateurs, même si ces produits nuisent à la santé, l'expérience montre que le crime organisé s'en chargera. Il est essentiel et correct qu'il y ait une industrie légitime qui fabrique ces produits et les mette sur le marché. Les profits vont aux actionnaires de ces entreprises publiques et c'est très bien.

J'ai toujours cru qu'en contrepartie, les sociétés qui fabriquent des produits nuisibles pour la santé manifesteraient une conscience sociale particulièrement bonne. J'ai toujours pensé que, si les fabricants de produits du tabac commanditaient les Grand Prix ou les brasseries ou les distilleries, le théâtre, c'est qu'ils voulaient manifester une bonne conscience sociale, afin, dans un sens, de compenser pour le fait que leurs produits avaient vraiment des effets nuisibles sur la santé.

(1320)

Je dois dire que, dans ma circonscription, cette théorie, que j'ai adoptée il y a très longtemps, a perdu de sa valeur quand j'ai vu ce qui s'est passé quand un théâtre local tenu par des bénévoles, le théâtre communautaire Aquarius, a voulu changer de ligue, pour ainsi dire, et a obtenu une subvention gouvernementale ainsi que la commandite d'un fabricant de produits de tabac. Le nouveau théâtre, bâti grâce à cette commandite, a dû être baptisé Centre Du Maurier. Il y a environ dix ans de cela. J'avais alors été choqué et il m'était apparu que le fabricant de produits de tabac était moins généreux du fait qu'il exigeait que le théâtre change de nom et affiche son logo.

D'une part, je ne suis pas convaincu que l'interdiction de commanditer de grands événements, qui a donné lieu à un vif débat à la Chambre, ait pour effet de dissuader les jeunes de fumer. Je doute que ce soit le cas. Cependant, comme dans le cas des autres aspects du projet de loi, cela vaut peut-être la peine d'essayer.

D'autre part, je ne comprends pas pourquoi les fabricants de produits du tabac, s'ils cherchent vraiment moins à faire de la publicité qu'à manifester une conscience sociale, s'offusquent des dispositions du projet de loi, qui n'éliminent pas leurs logos mais les mettent simplement moins en évidence. Je n'aurais pas cru qu'ils s'y opposent aussi vivement.

J'en arrive à mon troisième point. Si les fabricants de produits du tabac réagissent si fort au projet de loi C-71, c'est que, des deux côtés, les groupes de lobbyistes ont créé un climat de tension extraordinaire. Les compagnies de tabac ont certes pu se payer des lobbyistes très forts, mais ce qui a vraiment exacerbé l'acrimonie et le conflit, ce sont les lobbys financés par l'État appartenant à l'autre camp, les lobbys anti-tabac comme l'Association pour les droits des non-fumeurs et le Conseil canadien sur le tabagisme et la santé.

Ces organismes ont reçu au fil des années des dizaines de millions de dollars de Santé Canada et des ministères provinciaux de la santé pour promouvoir la lutte anti-tabac. J'aimerais pouvoir dire que cela était motivé par l'altruisme, mais je crains bien que ce sont des considérations pécuniaires qui aient pesé dans la balance, et plusieurs des principaux porte-parole de ces lobbys, tout comme dans les lobbys soutenus par l'industrie du tabac, touchent des salaires très élevés. En fait, si on essaie de savoir combien d'argent ils touchent, on découvrira qu'ils ont des traitements de l'ordre de 100 000 $ et plus.

Je crois même qu'un directeur général de l'un des lobbys anti-tabac touche environ 180 000 $ par année. Il s'agit en fin de compte de l'argent de l'État, de fonds publics venant de notre ministère de la Santé. Je signale que ce dernier a versé 500 000 $ par année


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depuis deux ans à l'Association pour les droits des non-fumeurs, qui est, je le répète, un lobby.

Le lobbying déborde les organismes déjà nommés. Il inclut également diverses organisations de santé qui ont vraiment quelque chose en jeu dans tout cela, et ce qui est en jeu en fin de compte, ce sont les fonds pour la recherche.

Si nous examinons les comptes publics pour Santé Canada, nous constatons qu'un montant disproportionné d'argent de ce ministère est dépensé pour diverses études en matière de lutte contre le tabagisme. Certaines de ces études ne sont rien moins que des exercices de propagande, des tentatives pour soumettre les députés eux-mêmes à la propagande.

Je tiens à rappeler très brièvement une étude dont nous avons tous eu connaissance et qui a pris la forme d'un questionnaire auquel nous avons été invités à répondre en novembre dernier par la faculté de médecine de l'Université York, je crois. L'étude s'effectuait sous la direction du docteur Mary Jane Ashley, de la faculté de médecine de l'Université de Toronto. Il s'agissait d'un sondage par téléphone, par lequel on nous demandait notre point de vue en matière de promotion de la santé. Une fois le sondage bien entamé par la personne qui interrogeait, on se rendait compte que les questions étaient axées sur la lutte contre le tabagisme.

Je soutiens que ce sondage n'était rien d'autre qu'un exercice de propagande auprès des députés. Lorsque j'ai appelé les auteurs du sondage, ils ont refusé de me donner des copies du questionnaire. Ils m'ont simplement raccroché la ligne au nez. Lorsque j'ai appelé Santé Canada pour savoir combien d'argent on y avait dépensé et pour obtenir une copie du questionnaire, puisque Santé Canada commanditait le sondage, on m'a répondu que le questionnaire n'était pas disponible.

(1325)

Autrement dit, je n'ai pu obtenir, que ce soit auprès de Santé Canada ou des responsables du sondage, une copie de l'enquête téléphonique menée auprès de tous les députés, même si le sondage était entièrement financé par Santé Canada. Il ne s'agissait que d'un exercice de propagande.

Je suis ravi de dire que je ne crois pas que le ministre de la Santé ou le gouvernement ont présenté le projet de loi C-71 à cause de la propagande exercée par les groupes d'intérêts qui pourraient recevoir des subventions énormes du gouvernement. Je crois cependant que le projet de loi est né du désir de trouver une solution au problème que pose le tabagisme chez les jeunes.

J'espère sincèrement que, une fois ce projet de loi adopté, le ministre de la Santé demandera à son ministère de bien réaffecter les 60 millions de dollars consacrés ces trois dernières années à la recherche et à la lutte contre le tabagisme. J'espère qu'il demandera à son ministère de consacrer dorénavant ces fonds aux soins de santé, à la recherche, à la dystrophie musculaire et au cancer et même à la création de centres de lutte contre le tabagisme. Cessons toutefois de subventionner les groupes d'intérêts. Voilà pour la troisième raison qui m'incite à appuyer ce projet de loi.

La quatrième et dernière raison est la suivante: le député de Lambton-Middlesex, un député d'arrière-ban, a formulé l'amendement le plus important, qui devient la disposition la plus importante de ce projet de loi, selon laquelle tout règlement découlant de la loi sera étudié d'abord par la Chambre des communes, puis examiné par un comité permanent, avant d'être adopté. Cela signifie que, même après l'adoption de ce projet de loi, les intervenants auront tous encore l'occasion de veiller à ce que le règlement tienne bien compte non seulement des besoins et de la liberté des compagnies de tabac, mais également des besoins des Canadiens.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Madame la Présidente, je remercie l'honorable député d'Hamilton-Wentworth de son intervention.

Il y a fort longtemps, on lisait, et on peut le lire encore aujourd'hui, bien sûr: «L'État compte pour toi et ne se trompe pas.» C'est dans Les Misérables, de Victor Hugo, lorsque, après 19 ans de bagne à la prison de Toulon, Jean Valjean réclamait les quelques sous qu'il avait gagnés. L'inspecteur Javert lui répondait ces mots: «L'État compte pour toi et ne se trompe pas.»

Aujourd'hui, les nouveaux misérables nous font dire: «L'État pense pour toi et ne se trompe pas.» Comme mon collègue, l'honorable député de Chambly le mentionnait tout à l'heure: «On est au «prêt-à-penser», comme on a été au prêt-à-porter précédemment.»

Il y a quelque chose de foncièrement erroné dans le processus. Tout le monde en cette Chambre combat l'idée du tabagisme, combat le fait que les jeunes puissent avoir un accès facile au tabac, mais on ne prend pas les bons moyens.

Je suis moi-même issu d'une famille de fumeurs. Mon grand-père paternel avait sa marque de tabac pour sa pipe, à l'époque, mon grand-père maternel, lui, fumait son tabac Alouette, et chacun avait son cigare. Mon père fumait à peu près deux paquets d'Export sans filtre par jour, ma mère fume encore la même marque aujourd'hui.

J'en ai tant vu de ces paquets de cigarettes sur la table de la cuisine chez nous, des cigarettes, des mégots partout que je n'ai jamais pensé un seul instant fumer de ma vie. Je n'ai jamais touché à ce fruit défendu. Peut-être aurais-je dû m'abstenir de toucher à d'autres, madame, mais la cigarette, par l'éducation, par l'effet adverse qu'a produit le fait de voir fumer mes parents ainsi que l'entourage ont fait que je suis devenu un non-fumeur. Encore aujourd'hui, je vois fumer ma mère et c'est écrit sur son paquet que c'est dangereux pour ses poumons, que ça peut être dangereux si elle devient enceinte-il n'y a pas grand danger de ce côté-là-et qu'en fumant des cigarettes américaines le médecin a déterminé que fumer pouvait être dangereux pour la santé.

Les fumeurs ne regardent même plus ces étiquettes, parce qu'on agit tellement par automatisme.


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Le travail d'éducation, dont parlaient le député de Joliette et le député de Berthier-Montcalm tout à l'heure, est le meilleur travail qu'on peut faire.

Le travail d'éducation, il commence par où? Il commence par l'école et par l'exemple, mais il se poursuit dans le travail. Lorsque nos jeunes travaillent, lorsque nos jeunes vont à l'école, qu'on empêche le décrochage scolaire, ils ne sont pas en train de fumer.

(1330)

Lorsque les jeunes sont au travail ou à l'école, ils ne sont pas en train de faire de la criminalité juvénile, c'est une question d'emploi du temps. Un emploi du temps pour nos jeunes, c'est de les recycler dans l'étude et dans le travail, de leur donner le goût de continuer.

Personnellement, je ne crois pas que cette cause, aussi noble soit-elle, et c'est noble que de vouloir diminuer la consommation de tabac, que cette cause va être servie par le projet de loi actuel, lequel va tout simplement amener des pertes économiques, bien sûr pour des régions comme celle de Lanaudière, mais aussi pour des régions comme celle de notre collègue de Haldimand-Norfolk où ça va causer du chômage.

Est-ce qu'on va solutionner un problème en en créant d'autres ailleurs? Je ne crois pas. Je ne crois pas non plus que si les commandites, dites de prestige, d'événements internationaux comme on voit à Montréal, à Valleyfield, à Ville-Marie et un peu partout au Québec et au Canada, si ces événements disparaissaient, que les promoteurs et les commanditaires seraient pénalisés à ce point.

En conséquence, je m'opposerai, comme je m'y suis opposé lors de la deuxième lecture, à l'adoption du projet de loi C-71.

[Traduction]

M. Bryden: Madame la Présidente, je veux seulement revenir sur quelque chose que mon collègue a dite, à savoir que c'est par l'éducation qu'on arrivera à empêcher les jeunes de fumer. Si j'appuie l'adoption du projet de loi, c'est notamment parce que je crois que nous devons faire tout notre possible pour empêcher les jeunes de fumer.

Toutefois, le projet de loi va priver de l'argent du gouvernement les groupes d'intérêts, les démarcheurs qui font plein d'argent en faisant de la propagande pour les deux camps, en suscitant des conflits et en prétendant éduquer la population.

Nous donnons des millions de dollars à des organisations qui prétendent éduquer la population. Si Santé Canada veut vraiment éduquer les jeunes, qu'il verse ces millions de dollars aux écoles, aux enseignants du Québec, de l'Ontario ou de toute autre province et qu'il laisse aux écoles le soin d'informer les enfants sur les dangers du tabagisme. Ne donnons pas l'argent aux démarcheurs.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Madame la Présidente, c'est avec plaisir que j'interviens sur le projet de loi C-71 aujourd'hui. Je voudrais faire quelques observations sur les propos du député de Haldimand-Norfolk, qui a encensé les producteurs de tabac et souligné leur apport à la société canadienne.

Je tiens à dire à la Chambre que c'est déformer les faits d'une manière absolument outrageuse que de dire que les producteurs de tabac peuvent être considérés, même de très loin, comme un atout pour la société canadienne. C'est un affront à tous les Canadiens qui souffrent d'une maladie causée par le tabac. Aujourd'hui, la Société canadienne du cancer a publié une étude qui montre que les femmes ont malheureusement dépassé les hommes au chapitre du cancer du poumon, qui est devenu la première cause de décès des femmes. C'est une véritable tragédie. Tels sont les bienfaits que les producteurs de tabac procurent aux Canadiens.

Madame la Présidente, 45 000 personnes meurent tous les ans des suites d'une maladie liée au tabac et 250 000 enfants commencent à fumer tous les ans. La moitié d'entre eux mourront prématurément, sans compter que leur taux de morbidité sera plus élevé que celui des non-fumeurs.

Le tabagisme coûte des milliards de dollars à notre système de soins de santé. Notre produit national brut perd des milliards de dollars. Qui en profite?

Aujourd'hui, la principale cause de décès à cause d'un cancer chez les femmes est le cancer du poumon. Les femmes ont mis20 ans à rattraper les hommes. Maintenant, c'est chose faite, hélas. Quelle tragédie et ce sont là des données dont personne ne peut être fier.

En 1994, tout juste après les élections, la situation était semblable à celle d'aujourd'hui, sauf que nous étions aux prises avec un problème de contrebande de cigarettes, principalement au Québec et dans les réserves indiennes du Québec. Ce n'est pas une bonne chose.

(1335)

Il n'y a pas que le tabac que l'on faisait entrer illégalement, mais aussi l'alcool, les gens, les armes et les drogues. Des réseaux de contrebandiers opéraient au vu et au su des policiers parce que ceux-ci avaient reçu ordre de ne pas intervenir de crainte qu'une nouvelle crise d'Oka ne survienne, ce qui est un élément non négligeable.

Qu'a fait le gouvernement de l'époque? Le gouvernement libéral a réduit les taxes sur le tabac, entraînant une baisse du prix allant jusqu'à 50 p. 100 dans certaines provinces. Quel effet cela a-t-il eu? Le nombre d'enfants qui commencent à fumer la cigarette chaque année a augmenté de 50 000 à 100 000 environ.

Je veux lire des passages d'un document qui a été préparé pour le ministère de la Santé, par les docteurs Morrison, Mao et Wigle, et intitulé «The Impact of the Cigarette Price Rollback on the future health of Canadian adolescents». Voici quelques passages:

«On estime qu'une réduction de 20 p. 100 du prix des cigarettes au cours des cinq prochaines années amènera plus de 142 000 adolescents à commencer à fumer d'ici la fin de 1998. Parmi ces


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individus, près de 16 900 mourront avant 70 ans, c'est-à-dire bien en deçà de leur espérance de vie normale, de maladies attribuables au tabagisme.»

«On estime qu'une réduction de l'ordre 50 p. 100, qui correspond davantage à la réalité, amènera plus de 355 000 adolescents à commencer à fumer au cours des cinq prochaines années et que, de ce nombre, environ 40 000 mourront avant 70 ans de maladies attribuables au tabagisme.» Voilà ce que le gouvernement a fait.

Le dernier paragraphe du document préparé par le ministère de la Santé mentionne ceci: «La réglementation gouvernementale des produits du tabac au Canada a reposé sur trois éléments principaux: les campagnes de promotion de la santé, les taxes élevées sur le tabac et des mesures restreignant l'usage du tabac dans les lieux publics.» Ceci est important: «L'abandon des taxes élevées sur les cigarettes, même si ce n'est que temporaire, poussera probablement de nombreux adolescents à commencer à fumer ou à continuer. Les conséquences de la dernière baisse de taxe sur le plan de la santé continueront de se faire sentir pendant des décennies.»

Je n'arrive pas à trouver, dans l'histoire de notre pays, un seul projet de loi qui ait été présenté par quelque gouvernement que ce soit et qui ait eu des répercussions plus préjudiciables sur la santé et le bien-être des Canadiens et, bien entendu, des enfants. Je ne comprends pas comment les députés d'en face, qui ont eux-mêmes des enfants, peuvent, en leur âme et conscience, appuyer ce projet de loi.

Tout de suite après, j'ai présenté un projet de loi d'initiative parlementaire pour demander au gouvernement de ramener les taxes sur le tabac au même niveau qu'en janvier 1994. Quelle a été la réponse du gouvernement? Il n'a même pas voulu qu'il y ait un vote sur le projet de loi. Il n'a même pas voulu donner à la Chambre la possibilité de mettre le projet de loi aux voix et de tenir un véritable débat. Le gouvernement a bloqué le processus au comité. Quelle honte!

Depuis trois ans, des centaines de milliers d'enfants ont commencé à fumer la cigarette à cause de cette politique. Ce n'était pas inévitable. Il aurait pu en être autrement parce qu'il existait une solution à la contrebande qui ne compromettait pas la santé, le bien-être et la vie des enfants canadiens.

En 1992, le gouvernement conservateur a imposé une taxe à l'exportation sur les cigarettes. En six semaines, la contrebande avait diminué de 70 p. 100. Les sociétés productrices de tabac ont dit au gouvernement que s'il n'abolissait pas cette taxe, elles quitteraient le Canada. Qu'a fait le gouvernement conservateur? Il a cédé à la pression et a aboli sa taxe, puis la contrebande a repris de plus belle. Il existe des solutions. Si j'insiste là-dessus, c'est parce que le coût des cigarettes est le facteur déterminant dans la consommation, surtout pour les enfants.

Le gouvernement a cédé en 1994 parce qu'il savait que les compagnies de tabac formeraient un puissant groupe de pression et s'opposeraient à toute taxe à l'exportation. Le gouvernement a abaissé le prix des cigarettes et nous avons vu toute l'industrie du tabac sabler le champagne. Les sociétés productrices de tabac doivent penser que nous sommes idiots. Elles ne s'imaginaient probablement pas qu'un gouvernement compromettrait la santé, le bien-être et la vie de Canadiens par opportunisme politique. Pourtant, c'est exactement ce qui s'est produit.

(1340)

En outre, le gouvernement avait promis d'investir 60 millions de dollars dans un programme d'information après avoir abaissé les prix parce qu'il savait que la consommation augmenterait. Toutefois, il n'a même pas consacré six millions à ce programme. Les54 autres millions se sont volatilisés. Le gouvernement n'a pas tenu sa promesse et la population, surtout les enfants, en paie maintenant le prix.

Durant les trois dernières années, malgré des preuves manifestes des effets dévastateurs de la réduction de la taxe sur le tabac, le gouvernement n'a rien fait. Il présente maintenant un projet de loi que nous allons appuyer. Il est loin d'être parfait; en fait, il est plutôt faible. Nous allons quand même l'appuyer parce que c'est mieux que rien.

Toutefois, il y a des solutions au problème. Le gouvernement aurait dû adopter des solutions qui aurait réglé le problème de la contrebande sans compromettre la santé et le bien-être des Canadiens. Voici ce que le gouvernement aurait dû faire.

Premièrement, il aurait dû maintenir le coût des cigarettes au niveau de janvier 1994 et même augmenté les taxes sur le tabac. Deuxièmement, il aurait dû imposer une taxe à l'exportation des produits du tabac afin d'éliminer la contrebande. Troisièmement, il doit faire respecter la loi.

Personne ne parle des autochtones respectueux des lois qui vivent dans les réserves au milieu de ces voyous qui font de la contrebande. Le fait qu'ils soient autochtones ou non n'a aucune importance. Ces gens enfreignent la loi. S'ils enfreignent la loi, ils doivent être traités en conséquence. Une loi, un pays, un peuple. Or, ce n'est pas le cas.

Le gouvernement, la queue entre les jambes, n'a pas fait respecter la loi. La loi doit être respectée non seulement pour le principe, mais aussi pour les autochtones respectueux des lois qui vivent dans la peur au milieu de ces voyous dans les réserves. Ils ne sont pas très heureux d'avoir des trafiquants d'armes automatiques parmi eux.

Quatrièmement, il y a l'éducation. À moins d'avoir vécu toute sa vie dans une caverne, madame la Présidente, il est impossible de ne pas reconnaître les effets néfastes, dommageables et nuisibles du tabac. Nous devons investir dans nos enfants. En tant que médecin, je sais que la plupart des gens commencent à fumer à 11 ou 12 ans, et non pas à 20 ans. À 11 ou 12 ans, les jeunes ne savent pas la différence. On peut leur dire et leur répéter que le tabac peut provoquer le cancer du poumon, la bronchopneumopathie chronique obstructive et d'autres problèmes plus tard, mais ils n'écouteront tout simplement pas parce qu'ils ont l'impression d'être immortels.


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Si nous voulons avoir un programme d'éducation efficace, nous devons nous adresser aux enfants dans un langage qu'ils comprennent. Nous devons faire appel à leur sens du narcissisme, qui est normal à cet âge. Disons-leur qu'ils auront une vilaine peau, qu'ils auront mauvaise haleine et que leurs cheveux sentiront mauvais. Ce sont là des choses qu'ils peuvent comprendre. Disons-leur qu'ils vieilliront de façon prématurée. C'est ça que nous devrions dire aux enfants, et non pas qu'ils auront les poumons noirs à 55 ans. Ce serait une façon beaucoup plus efficace de sensibiliser les enfants aux effets du tabac.

La principale raison pour laquelle les femmes et les jeunes filles commencent à fumer, c'est pour être minces. C'est une tout autre question dont nous pourrons discuter une autre fois. La seconde raison qui incite à fumer, c'est que ça fait «cool», facteur beaucoup plus difficile à contrer. Si nos politiques de sensibilisation des jeunes ciblaient plutôt leur narcissisme, elles seraient beaucoup plus efficaces qu'en insistant sur les effets à long terme du tabagisme sur la santé.

Cinquièmement, le gouvernement doit cesser de subventionner les producteurs de tabac. Sixièmement, il faut mettre un terme à la promotion et, septièmement, instaurer des politiques de remplacement des cultures pour les agriculteurs. Contrairement à ce que prétend le député de Haldimand-Norfolk, ces politiques sont efficaces.

(1345)

Je voudrais parler de nouveau du lobbyisme agressif organisé par le Bloc québécois au sujet de la commandite. Est-ce que les activités culturelles et sportives vont disparaître de la scène canadienne? Vers où se déplaceraient-elles? L'Angleterre? La France? Les États-Unis? Sûrement pas. Tous ces pays ont déjà interdit ou sont sur le point d'interdire les commandites d'activités sportives et culturelles de l'industrie du tabac. Ces activités ne quitteront pas la scène canadienne. Cet argument n'est qu'une autre tactique utilisée par les compagnies de tabac pour échapper aux restrictions et elles feront n'importe quoi pour y arriver.

Cette semaine, pendant le débat actuel, le Bloc québécois a parrainé dans le Hall d'Honneur une activité au cours de laquelle des breuvages et aliments ont été servis, mais cela servait en fait de paravent aux compagnies de tabac. C'était une tactique mesquine et éhontée pour tenter d'amener les députés à voter contre le projet de loi C-71. Je ne puis trouver aucune raison permettant à la population du Québec d'être fière d'avoir élu à la Chambre des communes des députés qui sont prêts à sacrifier la santé et le bien-être de ses enfants. Le Québec est la province qui compte le plus grand nombre de jeunes fumeurs. Les députés bloquistes sacrifient ces enfants au nom de la commandite des compagnies de tabac.

Les compagnies de tabac prétendent que la liberté d'expression est en cause. En fait, elles dissimulent leurs véritables motifs sous des arguments fallacieux.

Aux États-Unis, les compagnies de tabac ont augmenté la concentration de carcinogènes et d'éléments engendrant une dépendance dans les produits du tabac.

Si les compagnies affirment que la publicité n'influence pas les enfants, pourquoi livrent-elles ce combat? Pourquoi investissent-elles des millions de dollars dans la commandite? Par pure bonté d'âme? Je ne crois pas. Pourquoi ont-elles entamé en Chine la campagne de publicité la plus agressive jamais vue dans le monde? Parce qu'ils se rendent compte qu'il y a des millions de fumeurs potentiels dont ils peuvent tirer parti. La Chine commence seulement à se rendre compte des coûts.

Les fabricants de produits du tabac ne veulent qu'une chose et c'est que le plus grand nombre de gens fument, que ce soit au Canada ou ailleurs. Ils se moquent éperdument des effets nocifs du tabac sur la santé. Ils vendent des produits carcinogènes, des produits toxiques qui, s'ils étaient mis en marché aujourd'hui, ne seraient jamais légalisés.

Les libertaires diront que les gens ont le droit de faire ce qu'ils veulent, que les gens devraient avoir le droit de consommer ce qu'ils veulent, quand ils veulent. Toutefois, ces vues ne s'appliquent pas aux enfants de 11 ans. C'est pourquoi nous essayons d'élaborer une mesure législative bonne et sévère pour juguler l'épidémie qui fait rage au Canada à l'heure actuelle.

Je prie instamment le gouvernement de prendre les mesures suivantes: premièrement, d'être courageux et de ramener les taxes sur le tabac au niveau où elles étaient en janvier 1995; deuxièmement, d'imposer une taxe à l'exportation sur le tabac, ce qui coupera l'herbe sous les pieds des contrebandiers; troisièmement, de faire appliquer la loi de façon que les personnes qui font de la contrebande soient traduites devant la justice et, quatrièmement, de mettre en place dans les écoles des politiques de sensibilisation pertinentes et efficaces, non seulement en ce qui concerne le tabac, mais aussi l'alcool, la marijuana, la cocaïne, l'héroïne, etc. Les dangers de toutes ces substances doivent être signalés aux élèves et aux étudiants à tous les niveaux.

C'est l'occasion, pour le gouvernement, de faire preuve de leadership dans cet important dossier. Il peut faire quelque chose de constructif pour la santé et le bien-être des Canadiens et, ce qui est plus important encore, pour la santé et le bien-être de nos enfants.

(1350)

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk, Lib.): Madame la Présidente, je remercie le député de son intervention. Comme il le sait sûrement, je ne suis pas d'accord avec lui.

Je ne l'ai pas dit quand j'ai pris la parole, mais nous avons, dans ma circonscription, Haldimand-Norfolk, non seulement le plus grand nombre de producteurs de tabac au pays, mais aussi la plus grande réserve indienne au pays. C'est dans ce sens-là que je parle de réserve.

Oui, les producteurs de tabac de ma circonscription m'appuient. J'ai toutefois été choqué d'entendre certaines affirmations des députés du Parti réformiste, qui prient le gouvernement d'instaurer une taxe à l'exportation et de hausser les taxes. Encore aujourd'hui, à la station de radio locale, le candidat réformiste de ma circonscription disait qu'ils étaient contre. Je me demande si le député a consulté le candidat de ma circonscription, qui n'arrête pas de dire


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que le Parti réformiste ne ferait rien de cela s'il formait le gouvernement. Ce n'est qu'une question de liberté de parole.

Je connais le député, et je connais ses antécédents. Nous avons discuté de cette question aujourd'hui. Je n'ai entendu qu'une partie de ce qu'il a dit du programme de recyclage des producteurs de tabac. Contrairement à d'autres membres de son parti, il en a discuté avec moi et il a dit que le sort des cultivateurs et producteurs de tabac le préoccupait. Ce n'est pas comme pour son chef, qui a dit que nous devrions nous débarrasser de ces gens-là.

Je veux expliquer au député, qui ne le sait peut-être pas, que la diversification possible dans ce cas est quand même limitée, comme je le disais. En fait, quand on a une ferme de 80 acres, on ne peut pas cultiver grand-chose à part le tabac. Certains ont entrepris la culture du ginseng et de choses semblables mais, franchement, les marchés ont vite été saturés. Que croit-il que ces agriculteurs feront quand son parti leur enlèvera leur mode de subsistance?

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Madame la Présidente, nous ne voulons surtout pas que qui que ce soit perde son emploi. C'est bien la dernière chose que nous souhaitons. Mais nous devons également prendre en considération ce qui est en train de se passer.

D'un côté, nous avons un groupe d'individus qui produisent une substance qui est la cause première de décès évitable dans ce pays. Le député parle de près de 16 000 personnes employées par cette industrie, mais comparons ce chiffre aux 45 000 Canadiens qui meurent chaque année de maladies causées par le tabac. Chaque année, 250 000 enfants se mettent à fumer.

Le fait est que le lobby du tabac est très actif et qu'il appuie le député pour ses propres fins. S'il investit dans la caisse de cet individu ce n'est pas pour son bien mais pour celui des compagnies de tabac. Elles n'ont nullement l'intention de faire quoi que ce soit pour améliorer la société canadienne ou le sort des individus qui la composent.

La réalité c'est que les producteurs de tabac sont aux prises avec une situation difficile. La diversification des cultures est un succès dans de nombreux pays et je me ferais un plaisir d'en donner des exemples aux députés. Quoi qu'il en soit, la situation actuelle est que la production de cette substance coûte aux contribuables canadiens et à la société en général des milliards de dollars en soins de santé et en manque à gagner pour le produit intérieur brut.

Je demanderais donc au député de réfléchir à la situation et de comparer, d'une part, les gains minuscules que ça lui rapportera dans sa circonscription et, d'autre part, le bien collectif de la société canadienne.

[Français]

M. Joseph Volpe (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député qui vient de parler au sujet du projet de loi C-71. Il nous a donné quelques issues à contempler et je voudrais le féliciter.

(1355)

Le député a parlé d'une chose que nos amis du Bloc ignorent. Alors que lui et nous parlons de la santé des Canadiens, partout au pays, et où qu'ils habitent, les députés du Bloc ignorent la santé des jeunes et des adultes. Ils confondent toujours la question des commandites avec celle de la santé. Je voudrais remercier le député d'être revenu sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui, c'est-à-dire le projet de loi qui traite de la santé.

Il a souligné certains thèmes qui sont très importants, évidemment, mais je voudrais lui poser une question. C'est un peu une question politique, je l'avoue, mais elle est également nécessaire.

[Traduction]

Lorsque le député a parlé de l'importance d'une stratégie globale pour combattre une maladie évitable, il a traité de plusieurs aspects et a fait quelques recommandations. Ces aspects ont été abordés au comité et continueront de faire l'objet de débats à la Chambre.

Il a fait état de la taxe à l'exportation qui a été essayée il y a quelques années, mais sans succès. Nous serions disposés à prendre cet élément en considération ou, à tout le moins, à entendre son avis sur la question. Plus important encore, le député se rappellera que, lorsqu'une réduction des taxes sur le tabac a été décidée, il y a quelques années, on s'en engagé à consacrer 180 millions de dollars à l'éducation, à l'exécution de la loi, à la promotion et à la recherche. C'est ainsi que, dans le cadre de ce programme s'étendant sur quatre ans, 104 millions de dollars ont été affectés à ce chapitre au cours des trois dernières années et que 24 millions de dollars le sont encore cette année.

Le Président: Je suis sûr qu'une minute suffira au député pour élaborer une question à partir de ce qui précède.

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, bien sûr qu'il y a là matière à plusieurs questions. Je vais les énoncer à la file.

Premièrement, contrairement à ce que mon collègue a prétendu, la taxe à l'exportation a été une réussite. En 1992, le gouvernement conservateur de l'époque a introduit une taxe à l'exportation de 8 $ sur le tabac. En l'espace de six semaines, la contrebande a chuté de 70 p. 100. Qu'a fait le gouvernement sous la pression des compagnies de tabac? Faisant preuve de couardise une fois de plus, il a aboli la taxe. Cela a bel et bien fonctionné.

Deuxièmement, le gouvernement dit avoir affecté 64 millions de dollars à l'éducation. Or, un montant inférieur à 10 p. 100 a été consacré à la sensibilisation au tabagisme. Où est donc passé le reste, les 54 millions de dollars projetés? Seul le gouvernement le sait. Cet argent est vraisemblablement allé gonfler les recettes générales. Chose sûre, les fonds ont connu une destination autre que celle prévue. Voilà un autre cas où le gouvernement n'a pas tenu promesse et a mis en péril la santé et le bien-être des enfants canadiens.

Le Président: Comme il est 14 heures, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés.

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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

IMAX

M. Janko PeriG (Cambridge, Lib.): Monsieur le Président, au cours d'une cérémonie spéciale qui a eu lieu le 1er mars, un résident de Cambridge, M. Bill Shaw, s'est vu décerner par l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences un Oscar pour le développement d'IMAX.

Pendant leurs études au Galt Collegiate Institue, Robert Kerr, Graeme Ferguson, ainsi que Bill Shaw, ont eu l'idée de mettre au point un film grand format. À la suite de la projection du premier film IMAX à l'Expo '67 de Montréal, 148 cinémas IMAX se sont implantés un peu partout dans le monde et 100 films IMAX ont été réalisés, faisant de cette société une des plus grandes chaînes de cinémas en Amérique du Nord.

La belle réussite d'IMAX est la preuve que les Canadiens peuvent non seulement soutenir la concurrence, mais également être des chefs de file dans le secteur de la technologie de pointe.

* * *

[Français]

LE PARTI LIBÉRAL DU CANADA

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, à l'approche des élections, la panique s'empare des troupes fédéralistes au Québec. À preuve, la députée provinciale Monique Gagnon-Tremblay appuie l'actuel député conservateur de Sherbrooke, avec la bénédiction des ministres libéraux des Finances, des Affaires intergouvernementales et de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Le message électoral envoyé au peuple québécois par les fédéralistes est donc celui-ci: «Ne votez pas en fonction des idées présentées par les partis fédéralistes, parce que dans le fond, libéral ou conservateur, c'est la même chose. C'est contre le Bloc qu'il faut voter.»

Ce que les fédéralistes craignent le plus, c'est que les Québécois et les Québécoises se tiennent, encore une fois, debout, comme en 1993, et qu'ils se redonnent le vrai pouvoir avec le Bloc québécois, le seul parti fédéral voué à la défense des intérêts du Québec en attendant la souveraineté.

Quand les libéraux provinciaux en viennent à appuyer des candidats conservateurs fédéraux, c'est que le Parti libéral fédéral, la maison mère, comme le dit si souvent le premier ministre en cette Chambre, a tout simplement perdu le contrôle de ses succursales provinciales.

[Traduction]

LES JAZSCATS

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, tous les musiciens rêvent de monter un jour sur la scène du fameux Carnegie Hall de New York. Pour la plupart d'entre eux, ce rêve ne se réalise jamais, mais il est devenu réalité pour les JazScats, l'ensemble de jazz vocal de l'école secondaire polyvalente de Wetaskiwin.

Pendant une semaine en février prochain, New York remplacera la Nouvelle-Orléans comme capitale américaine du jazz. Dix des meilleurs groupes de jazz formés d'étudiants au Canada et aux États-Unis ont été invités au deuxième festival annuel de jazz vocal nord-américain, le North American Vocal Jazz Extravaganza.

Les étudiants de Wetaskiwin se produiront deux fois en solo au Carnegie Hall, puis se joindront aux autres groupes pour la grande finale. Pendant son séjour à New York, l'ensemble participera à des ateliers spéciaux et présentera divers concerts.

Cet honneur prestigieux n'aurait jamais été possible sans le dévouement et le travail acharné du directeur musical de l'ensemble, M. Paul Sweet. Nous tenons à féliciter tous ces jeunes musiciens dévoués.

* * *

LES CLUBS COMMUNAUTAIRES

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, le Park City West Community Club de ma circonscription a reçu la visite des vérificateurs de Revenu Canada et ceux-ci ont déterminé que le club devait 10 000 $ parce qu'il n'avait pas réclamé et payé la TPS sur les inscriptions aux programmes sportifs s'adressant aux gens de 15 ans et plus.

Je m'oppose à cette politique qui oblige les clubs à imposer la TPS sur ces programmes. Je m'oppose encore plus vigoureusement à cette mesure qui force un organisme communautaire géré par des bénévoles à trouver une telle somme d'argent.

À une époque où le gouvernement aborde si souvent la question de la criminalité chez les jeunes et tout ce qui s'y rapporte, je n'arrive absolument pas à comprendre pourquoi on devrait pénaliser les organismes communautaires et augmenter le coût des activités sportives pour les familles canadiennes et leurs adolescents.

Je demande aux libéraux de modifier cette politique avant que d'autres organismes communautaires subissent le même sort. Attaquez-vous donc aux grandes sociétés pour faire changement. Choisissez donc des proies de votre propre taille.

* * *

LA RECHERCHE

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, le Dr David Strangway, qui vient d'être fait officier de l'Ordre du Canada, prendra sa retraite cet été après plus d'une décennie comme président de l'Université de la Colombie-Britanni-


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que, une période pendant laquelle il a supervisé le développement de recherches de pointe en science, en médecine, en biologie, en génie et autres disciplines connexes jusqu'à un niveau de premier plan en Amérique du Nord, et cela en étroite collaboration avec le secteur de l'industrie et des affaires.

La recherche pure à l'université a rapporté des dividendes au sein de la collectivité en matière d'exportation et de création d'emplois hautement spécialisés.

Le budget du gouvernement fédéral, qui annonce la création d'une Fondation canadienne pour l'innovation, et l'expansion marquée des programmes fédéraux en faveur du réseau des Centres d'excellence et du Programme d'aide à la recherche industrielle reflètent le travail déjà accompli dans nos universités, lesquelles ont investi dans le savoir, la recherche de pointe et l'enseignement, ainsi que dans les étudiants et les enseignants. C'est là que se trouve la clé de notre bien-être économique dans le siècle prochain.

* * *

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, le 8 mars est la Journée internationale de la femme. Je suis fière de ce que le gouvernement a fait dans le domaine des questions féminines. Je vais vous citer quelques exemples.

Le projet de loi C-72 interdit maintenant d'invoquer l'intoxication volontaire comme défense. Nous avons adopté une centaine de modifications au Code criminel pour répondre aux préoccupations des femmes. Le programme de protection des témoins assure la sécurité des femmes qui consentent à se présenter en cour pour témoigner. On a modifié le Code criminel pour que les Canadiens qui se rendent à l'étranger et exploitent sexuellement des enfants puissent maintenant être poursuivis. La sévérité de la loi a été accrue pour ceux qui exploitent des prostituées mineures et ceux qui traquent leur victime. Des lois plus strictes protègent le public des délinquants sexuels.

Nous avons pris en considération le rapport de madame le juge Arbour sur la réforme des prisons. Nous avons une entente de partenariat avec l'Association canadienne des radiodiffuseurs pour une campagne publique contre la violence faite aux femmes.

Notre stratégie de la santé répond aux problèmes de santé des femmes. Le Forum national sur la santé a consacré un chapitre à la santé des femmes et nous avons pris bonne note de ses recommandations. Des programmes de nutrition prénatale, des fonds de recherche sur les enfants, le programme d'initiatives stratégiques, de même que les craintes. . .

Le Président: La parole est au député de Bramalea-Gore-Malton.

* * *

LE LOGEMENT

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, des milliers de familles à faible revenu de l'Ontario et de partout ailleurs au Canada dépendent des logements sociaux.

(1405)

Hier, le gouvernement a conclu sa première entente avec l'Ontario au sujet du transfert de la gestion des logements sociaux. Cependant, dans cette province, le gouvernement conservateur veut refiler la responsabilité des logements sociaux aux municipalités.

Je demande à la ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux de réaffirmer l'engagement du gouvernement fédéral envers des logements sociaux de qualité et abordables. Parmi les familles les plus pauvres du Canada, le logement social constitue une nécessité, et non un luxe. C'est pourquoi le gouvernement doit le préserver.

* * *

[Français]

LE TABAC

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, face à l'adoption imminente du projet de loi sur le tabac, je veux dénoncer le comportement du député de Saint-Maurice et premier ministre du Canada, qui sera reconnu comme l'un des principaux responsables de l'enterrement de première classe qui attend, entre autres, le Grand Prix de Trois-Rivières.

En effet, la mémoire collective retiendra que, malgré une mobilisation massive provenant de divers milieux, notamment de gens qui, dans sa propre région, craignent pour leurs jobs, le premier ministre est demeuré insensible et a fait la sourde oreille à ces appels à l'aide.

En 1993, les libéraux ont réussi à convaincre les gens du comté de Saint-Maurice qu'ils bénéficieraient de l'action d'un premier ministre, tout comme la Mauricie et le Québec tout entier. Comme nous, ils constatent aujourd'hui que cela ne donne rien de plus qu'une profonde frustration, puisque le premier ministre refuse de réagir devant l'impact négatif des articles anti-commandites de son projet de loi.

Heureusement, les gens de Saint-Maurice auront bientôt de nouveau la parole, et on leur fait confiance.

* * *

[Traduction]

LE DÉFICIT

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, les gens de Prince George-Peace River, notamment leurs enfants et leurs petits-enfants, sont reconnaissants du fait que le déficit fédéral a été réduit.

Cependant, je m'en voudrais de ne pas souligner également que ces électeurs savent que le gouvernement libéral n'a pas de mérite. Ce sont les contribuables du Canada qui en ont. Le gouvernement leur soutire 25 milliards de dollars de plus en impôts. C'est cela qui a réduit le déficit, et non les compressions des dépenses de l'État.

Cette triste réalité est particulièrement évidente pour les habitants de la localité isolée de Mackenzie. Le coût de la vie augmente pour eux, mais le gouvernement refuse de rétablir leur déduction pour résidents du Nord.


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Les libéraux gaspillent des milliards de dollars pour accorder des subventions et des prêts aux grandes entreprises, mais ils font abstraction des besoins des localités du Nord: 144 millions de dollars à Bombardier, mais pas d'argent supplémentaire pour achever l'asphaltage de la route de l'Alaska.

Pourquoi le gouvernement ne peut-il pas mettre ses priorités à la bonne place?

* * *

LES MINES

M. Brent St. Denis (Algoma, Lib.): Monsieur le Président, je veux souligner les efforts considérables de six pionniers qui, le 22 janvier dernier, sont entrés au Temple de la Renommée du Secteur Minier Canadien, situé à Elliot Lake, dans la circonscription d'Algoma que je représente.

Il s'agit des Canadiens Robert Boyle, Walter Curlook, Walter Holyk, Alfred Powis, Franklin Spragins et Joseph Tyrrell. De toute évidence, c'est grâce aux efforts de telles personnes que de nombreuses collectivités, dont certaines sont éloignées, bénéficient aujourd'hui de la technologie de pointe et du développement durable dans le secteur minier.

Walter Holyk, en particulier, a donné un excellent exemple de l'esprit des pionniers. Ses théories novatrices sur la genèse des dépôts sulfurés massifs d'origine volcanique ont mené à la découverte des dépôts de Half Mile, au Nouveau-Brunswick, de Nanisivik, sur l'île de Baffin, et de Kidd Creek, en Ontario. Au nom de tous les députés, je félicite toutes ces personnes pour leurs réalisations impressionnantes.

Le Temple de la Renommée du Secteur Minier Canadien, à Elliot Lake, mérite vraiment une visite. J'invite tous les députés à se rendre à ce site de première qualité.

* * *

L'IMMIGRATION

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, la frontière canado-américaine est l'une des frontières les plus longues et les plus paisibles dans le monde. On enregistre chaque année plus de 90 millions de passages à plus de 500 points d'entrée comme les points de passage frontalier, les aéroports et les ports.

Cela étant, il est remarquable que si peu de criminels puissent entrer dans notre pays. Cela n'est pas attribuable au hasard, mais à une coopération très efficace entre les autorités judiciaires et douanières canadiennes et américaines.

Chaque année, un très grand nombre de contrevenants sont arrêtés aux points d'entrée. De plus, grâce à des initiatives comme le groupe de travail mixte de l'Immigration et de la GRC et le projet de loi C-44, le gouvernement a fait beaucoup pour débarrasser le Canada de pareils indésirables. En 1995-1996, plus de 1 600 criminels ont été expulsés du Canada.

Les mesures d'application de la loi du gouvernement et les efforts de coopération entre les autorités judiciaires et douanières canadiennes et américaines continueront de protéger les Canadiens.

* * *

(1410)

[Français]

L'ASSURANCE-EMPLOI

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, le ministre du Développement des ressources humaines s'est rendu hier aux pressions de ses collègues du caucus libéral et a annoncé des ajustements à la Loi sur l'assurance-emploi.

Afin de contrer les effets négatifs pouvant découler du calcul des petites semaines de travail, le gouvernement vient de lancer des projets d'ajustement dans 29 régions à fort taux de chômage. Les projets qui s'étendront jusqu'au 15 novembre 1998 utiliseront deux méthodes différentes afin d'encourager les chômeurs à accepter de faire ce qu'on appelle des petites semaines de travail.

Dans certaines régions, la méthode qui sera appliquée permettra de regrouper les petites semaines, tandis que dans d'autres régions la méthode retenue exclura les petites semaines lors du calcul d'admissibilité aux prestations.

Les ajustements annoncés hier à la Loi sur l'assurance-emploi confirment que notre souci premier est de favoriser le retour au travail des chômeurs et des chômeuses.

* * *

LA CONDITION FÉMININE

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, hier, le Congrès du travail du Canada a mis en lumière que le Canada détient un bien triste championnat: les femmes sont les moins bien payées parmi les pays industrialisés, après le Japon. En 1994, elles constituaient le principal contingent de personnes pauvres.

L'équité économique est la clé importante d'une société qui se veut égalitaire. Or, au moment où les milieux de travail se font de plus en plus précaires, au moment où la sécurité du revenu est un outil essentiel à une société en profonde transformation, le gouvernement libéral renie ses promesses électorales, coupe dramatiquement dans les programmes sociaux et réduit ses prestations de chômage.

Le Bloc québécois estime que le gouvernement libéral, tout au long de son mandat, a augmenté les disparités économiques, lesquelles constituent le ferment d'une société à deux vitesses d'où les femmes et les enfants sont en majorité pauvres et exclus.

* * *

[Traduction]

LES INSTALLATIONS DE RECHERCHE DE LA DÉFENSE À ESQUIMALT

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, le ministre fédéral des Transports a déclaré récemment que le gouvernement fédéral avait poussé trop loin ses compressions dans la recherche-développement en Colombie-Britannique.

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Que fait le gouvernement? Il ferme les installations de recherche de la Défense à Esquimalt et déménage ce service à Halifax. Les coûts pour le contribuable? Une perte de marchés de 5 millions de dollars par année, et un déménagement de 8 millions. Les conséquences? Le personnel de recherche de la Colombie-Britannique sera réduit à 1,4 p. 100 du total national, nos installations de recherche sur l'Arctique, qui étaient à l'avant-garde dans le monde, seront éliminées, et nous serons moins en mesure d'exploiter les marchés de l'Extrême-Orient. Le gouvernement avait pourtant proclamé que 1997 était l'année de l'Asie-Pacifique. Même les fonctionnaires du ministère de la Défense sont d'avis que c'est un coup dur pour la recherche.

Quelle est la vraie raison de cette fermeture? Il s'agit de convaincre à tout prix les électeurs de la Nouvelle-Écosse de voter pour les libéraux aux prochaines élections.

Une fois de plus, le gouvernement est en train de rouler les habitants de la Colombie-Britannique pour sauver sa peau.

* * *

L'ASSURANCE-EMPLOI

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens ont fait savoir au gouvernement que la nouvelle loi sur l'assurance-emploi incitait les chômeurs à refuser les petites semaines de travail. Des employeurs et des employés de toutes les régions ont signalé ce problème.

Sous la conduite du ministre du Développement des ressources humaines, nous sommes intervenus rapidement pour régler ce problème.

Dans la circonscription de Cumberland-Colchester, où le chômage dépasse les 10 p. 100 et où les emplois à long terme sont difficiles à trouver, les nouvelles modifications du programme permettront aux travailleurs de regrouper les petites semaines.

Dans d'autres régions, les travailleurs pourront exclure les petites semaines aux fins du calcul de leurs prestations. Ainsi, les travailleurs de toutes les régions pourront profiter pleinement de toutes les heures de travail qui sont offertes sans que leurs prestations soient réduites.

Je suis heureuse que le gouvernement ait répondu aux besoins des travailleurs à temps partiel et saisonniers. Toutes les heures de travail comptent, et les petites semaines n'auront plus pour effet de faire diminuer les prestations.

* * *

[Français]

LE TABAC

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, avant-hier, certains députés bloquistes nous ont fait une brillante démonstration de leurs talents d'amuseurs publics.

Les compagnies de tabac leur ont offert le lunch, la boisson et les divertissements gratuits en échange de leur participation à une séance de défoulement collectif.

Comment le Bloc pouvait-il refuser une offre si alléchante? La bouffe, la boisson, les photos avec les vedettes de sport et la une des nouvelles du soir, sans qu'il leur en coûte un sou. Les généreuses compagnies de tabac. . .

(1415)

[Traduction]

Le Président: Je demande aux députés de choisir judicieusement les expressions qu'ils utilisent dans leurs déclarations.

______________________________________________


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QUESTIONS ORALES

[Français]

LE TABAC

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, une confusion complète règne actuellement au sujet de la télédiffusion ce week-end du Grand Prix d'Australie par la Société Radio-Canada et par le Réseau des sports.

D'un côté, le porte-parole de Santé Canada affirme que le projet de loi n'interdit pas la diffusion du Grand Prix d'Australie et des autres Grands Prix de la saison. De son côté, M. Normand Legault, détenteur des droits de télédiffusion de la Forumule 1, affirme, et je le cite: «Si la loi est adoptée, il n'y aura pas de diffusion des Grands Prix à cause des marques de cigarettes vendues au Canada qui figurent sur les voitures et sur les pilotes.»

Le ministre peut-il nous dire clairement si, en vertu du projet de loi, il sera possible de présenter en fin de semaine le Grand Prix d'Australie et si la télédiffusion des autres Grands Prix sera permise, même si les voitures portent un logo ou une marque d'un produit du tabac?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je comprends fort bien la position du député d'en face.

Peut-être devrait-il tenir compte du fait que le projet de loi dont la Chambre est saisie n'a pas encore été adopté. Comment peut-il en venir à une telle conclusion, puisque la mesure législative n'a pas été adoptée?

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, pour quelqu'un qui a fait de la publicité en parlant d'une «loi» alors qu'il s'agit d'un «projet de loi», nous répondre aujourd'hui que, comme la loi n'est pas adoptée, il ne peut pas répondre, il faut être plus sérieux que ça.

On votera aujourd'hui sur le projet de loi en troisième lecture. En vertu de ce projet de loi, est-ce que, oui ou non, la télédiffusion du Grand Prix d'Australie et des autres Grands Prix sera permise-ma question est claire-puisque son projet de loi s'attaque justement à


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ces questions? Je demande au ministre qu'il soit assez responsable pour me répondre dès maintenant.

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, ces derniers mois, le ministre a tenté de se montrer le plus honnête possible envers le député d'en face. J'espère que le député et les membres de son parti commenceront à se montrer responsables lorsqu'ils parleront du contenu de ce projet de loi.

Pour que le député comprenne bien ce dont il s'agit-car cela fait environ cinq fois que des gens doivent lui expliquer la situation-je lui demande de m'écouter très attentivement. Avant et après le 1er octobre 1998, la mesure législative-et je veille à bien peser mes mots-la mesure législative n'interdira pas la télédiffusion d'événements sportifs tenus au Canada ou à l'étranger, y compris les courses automobiles Grand Prix.

Et cela, même les représentants des sociétés que le député cherche à défendre, et au nom desquelles il prétend parler, le savent depuis longtemps.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le délai dont parle le ministre ne s'applique pas à un article, et si je pouvais mentionner qu'il s'agit de l'article 31, je le dirais, mais je ne le dirai pas, monsieur le Président.

Le Président: S'il vous plaît, veuillez poser votre question maintenant.

M. Duceppe: Monsieur le Président, je demande au ministre, si tant est qu'il est vrai que le délai protège et s'adresse à cet article, que le ministre puisse l'écrire et le dire. . .

Le Président: J'accorde la parole à l'honorable député de Lévis.

Des voix: Oh, oh!

(1420)

Le Président: Chers collègues, j'aimerais mieux que nous ne mentionnions pas le projet de loi du tout. Mais comme vous avez posé des questions il y a quelques jours, et j'ai regardé toutes les questions, elles ne touchaient pas directement le projet de loi, je les ai laissé passer.

Je demanderais aussi que dans les réponses, les ministres ne parlent pas du projet de loi ou de ses différentes parties. Si nous pouvons répondre d'une manière générale, cela serait bien mieux, mais nous mentionnons directement les articles, on dit qu'on ne les mentionnera pas et on les mentionne encore.

Chers collègues la décision est prise. Je donne la parole au député de Lévis.

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé.

La situation est ironique. D'un côté, le ministre prétend vouloir sauver la santé des jeunes du Québec et du Canada; d'un autre côté, la conséquence principale de sa politique anti-tabac sera de menacer la survie d'événements comme le Festival du film qui offre justement la chance à de jeunes créateurs de se faire connaître, de se faire valoir et de démarrer leur carrière.

Le ministre reconnaît-il qu'en raison des effets de ses politiques anti-commandites sur les événements culturels, les jeunes artistes risquent de voir disparaître des possibilités importantes pour pouvoir démarrer leur carrière?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le préambule de la question du député est tout à fait absurde. Le député sait pertinemment que l'objectif du projet de loi est parfaitement lié à la santé.

Il sait aussi, comme tous les groupes de sa province et d'ailleurs qu'il a mentionnés, que la commandite ou la promotion de commandites ne sont pas interdites et que, après le délai de mise en oeuvre, elles ne le seront pas non plus.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, on va changer d'angle. On s'attaque aux événements sportifs et culturels au Québec, pourtant on subventionne toujours la recherche sur le tabac en Ontario.

Des voix: Oh! Oh!

M. Dubé: Comment le ministre peut-il prétendre avoir la santé comme seul objectif, alors que son gouvernement, lui, par l'entremise du ministère de l'Agriculture, subventionne toujours, en Ontario, des recherches expérimentales sur la culture du tabac?

[Traduction]

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait savoir que, en 1996-1997, le financement de la recherche a diminué d'environ 90 p. 100 par rapport à ce qu'il était au milieu des années 80. Cette recherche, qui requiert à peu près une année-personne et demie, est entièrement axée sur des considérations agronomiques qui n'ont absolument rien à voir avec la promotion des produits du tabac. Nous axons nos efforts sur la diversification et nous tentons d'aider les agriculteurs à trouver des solutions de rechange à la production du tabac.

* * *

LES SOINS DE SANTÉ

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, cela fait un mois que le premier ministre nie que son gouvernement ait quoi que ce soit à voir avec les compressions dans le domaine des soins de santé. Mais, hier, à la période des questions, il a finalement admis que les libéraux ont sabré les soins de santé, ce qu'ils ont bel et bien fait en réduisant de 1,2 milliard de dollars les transferts fédéraux à la seule province de l'Ontario.

Les répercussions de ces compressions libérales se font sentir aujourd'hui à Toronto avec l'annonce de la fermeture de 10 hôpitaux, dont Wellesley et Women's College. Dix hôpitaux disparaissent à Toronto, une douzaine à Thunder Bay, Sudbury, Pembroke, London et Ottawa, et tout cela, par la faute du gouvernement libéral fédéral.


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(1425)

Comment le ministre de la Santé se propose-t-il de réparer les dégâts que causent en Ontario les compressions fédérales dans le secteur des soins de santé?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, lorsqu'un gouvernement est aux prises avec un déficit comme le nôtre, il n'a d'autre choix que de réduire ses dépenses. Il ne peut pas ne pas toucher aux 20 à 25 p. 100 de ses dépenses qui vont, en fait, aux paiements de transfert aux provinces.

Le chef du Parti réformiste parle de la réduction de 1,2 milliard de dollars des paiements de transfert à l'Ontario. Ce qu'il ne dit pas, c'est que cette province va payer 500 millions de dollars de moins en intérêts grâce aux mesures que le gouvernement a prises. Il ne parle pas non plus de la réduction de 4,5 milliards de dollars des recettes fiscales de l'Ontario, soit une réduction trois fois et demie plus grande que celle des paiements de transfert.

Autrement dit, il devrait comprendre que si des hôpitaux ferment en Ontario, c'est par suite d'un choix politique. Il y a des réductions d'impôt. Je ne le conteste pas, mais elles ne résultent pas de la baisse des paiements de transfert du gouvernement.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, qu'est-ce que le ministre de la Santé a eu à voir dans tout cela? Le ministre de la Santé a fait des pieds et des mains pour faire transférer deux ou trois millions de dollars d'une circonscription fédérale à la sienne, mais où était-il lorsque les soins de santé ont été amputés de 4 milliards de dollars?

Il y a eu des discussions au Cabinet avant que le budget ne soit présenté et on y a choisi de subventionner les entreprises et les sociétés pour la coquette somme de 7 milliards de dollars tout en sabrant près de 4 milliards de dollars dans les soins de santé.

Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de sabrer près de 4 milliards de dollars dans les soins de santé mais de continuer à financer les sociétés d'État et les entreprises pour la coquette somme de 7 milliards de dollars? Où sont les priorités du Parti libéral?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, bien des provinces canadiennes réduisent leurs dépenses dans un certain nombre de secteurs sociaux. Si l'Ontario le fait, ce n'est pas par suite des réductions dans les paiements de transfert, mais bien d'une décision politique du gouvernement ontarien.

Parallèlement, l'Alberta affiche des excédents et réduit ses impôts. Le député ne peut pas dire que les réductions dans les paiements de transfert sont en cause lorsque l'Alberta réduit les impôts et affiche des excédents.

La Saskatchewan a commencé à réduire ses dépenses et à fermer des hôpitaux avant même que nous prenions le pouvoir. Les affirmations réformistes n'ont aucun sens et ne résistent à aucun examen.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement ne peut pas nier qu'il avait le choix et qu'il a choisi de sabrer les soins de santé plutôt que les subventions aux sociétés d'État et aux entreprises.

À cause du gouvernement libéral, des hôpitaux ferment dans tout le Canada. Par la faute du gouvernement libéral, les listes d'attente s'allongent. Plus de 170 000 Canadiens sont sur des listes d'attente et 45 p. 100 d'entre eux disent attendre dans la douleur. Voilà ce que signifie pour les Canadiens la décision du gouvernement de réduire les soins de santé et de continuer à subventionner les sociétés et les entreprises au moyen de cadeaux.

Quand le gouvernement avait le choix entre faire des cadeaux aux sociétés et fermer des hôpitaux, pourquoi a-t-il choisi de fermer des hôpitaux?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le chef du Parti réformiste n'a pas lu deux documents. Le premier est la série de budgets que notre gouvernement a présentés. Les subventions aux entreprises ont été réduites de 70 p. 100. Des sociétés d'État ont été privatisées. Les Chemins de fer nationaux ont été privatisés. La navigation aérienne a été privatisée. Le financement des sociétés d'État a été réduit.

Le Parti réformiste ne semble pas comprendre que, lorsque nous avons établi nos priorités, nous avons décidé dans ce budget de réinvestir dans les soins de santé, de financer les activités de recherche et de développement et d'investir dans l'éducation.

Il y a un autre document que les réformistes n'ont manifestement pas eu la chance de parcourir. Il s'agit de leur propre programme Nouveau départ.

(1430)

Comment le chef du Parti réformiste ose-t-il prendre la parole à la Chambre, lui qui recommande depuis trois ans que nous réduisions encore davantage les prestations de la sécurité de la vieillesse, les dépenses de la santé, les programmes sociaux fondamentaux de notre pays et qui dit que la première chose que les réformistes feraient en prenant le pouvoir serait de réduire encore le transfert canadien de 3,5 milliards de dollars? C'est ce qu'ils ont dit. Comment justifient-ils cela?

* * *

[Français]

L'ENLÈVEMENT D'UN RESSORTISSANT QUÉBÉCOIS AU NIGER

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre suppléant.

On apprenait, hier, que M. Serge L'Archer, coopérant québécois du Centre canadien d'études et de coopération internationale, a été enlevé, vendredi dernier, au Niger, par des rebelles Toubous. Au moment de son enlèvement, M. L'Archer se trouvait avec quatre Nigériens dans un oasis du Sahara, à 1 200 kilomètres de Niamey, la capitale du Niger.

Le ministre peut-il rassurer cette Chambre et nous affirmer, hors de tout doute, que la sécurité de M. L'Archer est assurée?

L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Monsieur le Président, des fonctionnaires de mon ministère et de l'Agence canadienne de développement international ont eu l'occasion de


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parler, par voie d'une transmission téléphonique, à M. L'Archer. J'ai moi-même eu l'occasion, hier, de parler à la soeur deM. L'Archer. Je lui ai téléphoné chez-elle pour lui faire part de la communication des fonctionnaires de mon ministère.

Bien sûr, le gouvernement canadien veut, souhaite et demande à ceux et celles qui détiennent ce coopérant canadien de le relâcher immédiatement pour qu'il puisse continuer à faire ses bonnes oeuvres et les oeuvres humanitaires que lui et tous ceux et celles qui font ce même genre de travail puissent continuer à faire pour le bien de l'humanité.

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, je vous signale qu'on n'a pas eu d'information quant à la sécurité de M. L'Archer.

Alors, en complémentaire, je demande au ministre s'il peut nous informer des raisons qui ont poussé les rebelles Toubous à enlever M. L'Archer et des exigences relatives à sa remise en liberté?

L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Monsieur le Président, nous n'avons pas d'information, à ce jour, à savoir les raisons qui ont poussé ceux et celles qui ont enlevé M. L'Archer à le faire.

Bien sûr, il y a eu de la spéculation dans des articles de médias. Certains, par exemple, disant qu'on avait enlevé M. L'Archer pour être capable, ensuite, de négocier avec le pouvoir dans ce pays. Ce ne sont que des allégations qui ont été portées à l'attention des médias. Mon collègue les a sans doute lues, comme moi, mais à date, le gouvernement canadien n'a pas personnellement rencontré M. L'Archer. Il est prisonnier, il est en otage. On a réussi à lui parler une fois et on tente, du mieux qu'on peut, de le rejoindre à l'avenir.

Je répète ce que j'ai dit tantôt, on exige que ceux et celles qui le détiennent le libèrent le plus tôt possible pour qu'il puisse continuer ses bonnes oeuvres humanitaires.

* * *

[Traduction]

LES SOINS DE SANTÉ

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, je me demande si nous pourrions déposer le document parlementaire pour montrer ce que le programme Nouveau départ propose vraiment de faire dans le domaine des soins de la santé, notamment d'y réinjecter 4 milliards de dollars.

De nouvelles fermetures d'hôpitaux en Ontario ont été annoncées aujourd'hui. Pourtant, le gouvernement libéral donne, par exemple, 323 000 $ au Programme de promotion du marché du vin canadien et 300 000 $ aux amis du Centre industriel de Shawinigan. Tout cet argent devrait tout simplement être réinvesti dans les hôpitaux.

Pourquoi le gouvernement libéral continue-t-il de gaspiller l'argent des soins de santé en subventionnant l'entreprise et ses amis du secteur privé, au lieu de remettre cet argent aux hôpitaux?

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, en septembre 1993, le chef du tiers parti a déclaré que son parti était en faveur du ticket modérateur et de la facturation avec franchise et qu'il supprimerait l'universalité des soins de santé.

Le 5 mars 1996, interrogé à brûle-pourpoint au sujet de sa position sur les paiements de transfert, le chef du tiers parti a déclaré que les transferts sociaux devraient subir de nouvelles réductions.

Le ministre des Finances vient de parler du programme Nouveau départ des réformistes qui préconisent des compressions supplémentaires de 3,5 milliards de dollars. J'aimerais bien qu'ils mettent fin à leur hypocrisie.

(1435)

Le Président: Je demanderais aux députés d'éviter d'employer des mots comme hypocrisie, car cela provoque des réactions peu souhaitables. Je vous demanderais donc de vous abstenir d'employer ce mot et de bien choisir votre vocabulaire.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, lorsque le ministre de la Santé a voté en faveur des compressions libérales, il a voté pour la fermeture de l'hôpital de Sudbury. Il a voté pour la fermeture des hôpitaux de Wellesley et de Thunder Bay.

Pourquoi le ministre n'avoue-t-il pas que les compressions en faveur desquelles il a voté entraînent la fermeture d'hôpitaux partout au Canada et que ces mesures sont en fait un héritage laissé par les libéraux?

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, les réformistes poursuivent leur alliance peu catholique avec le gouvernement Harris de l'Ontario. La vérité, c'est que le Canada se classe au deuxième rang des pays de l'OCDE pour ce qui est des coûts élevés du système de soins de santé. Tous les rapports qui se sont succédé ont bien montré que le problème ne tient pas au financement, mais à la gestion.

Le député a le front de tenir mon parti responsable, alors que, il y a tout juste un an, le chef du tiers parti présentait un amendement qui proposait de réduire encore davantage les paiements de transfert.

* * *

[Français]

LE ZAÏRE

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre suppléant.

Au début de la semaine, on apprenait que le gouvernement libéral a finalement réussi à entendre raison en annonçant un moratoire de


8732

six mois sur les déportations vers l'Algérie, moratoire demandé depuis longtemps par le Bloc québécois.

Ces dernières semaines, chaque jour, les médias rapportent la situation extrêmement sérieuse et grave du Zaïre. Alors qu'il s'est finalement ouvert les yeux dans le cas de l'Algérie, qu'attend le gouvernement pour décréter un moratoire sur les déportations vers les Zaïre?

[Traduction]

Mme Maria Minna (secrétaire parlementaire de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, le comité consultatif sur les conditions existantes dans les divers pays surveille la situation et recommande au gouvernement les mesures à prendre en ce qui concerne les déportations.

Dans le cas de l'Algérie, le comité a recommandé de l'aide, et c'est pourquoi nous avons demandé que toutes les déportations en Algérie soient suspendues pendant six mois, jusqu'à ce que les fonctionnaires du CIC soient en mesure d'évaluer les dangers de façon plus juste.

Outre l'Algérie, les autres pays auxquels s'appliquent la suspension sont le Rwanda, le Burundi et l'Afghanistan. Pour l'instant, le Zaïre ne fait pas partie de cette liste, mais on surveille la situation de très près et le gouvernement prendra une décision au moment opportun.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, à plusieurs égards, la situation au Zaïre est pire que la situation au Burundi, au Rwanda et en Afghanistan. Le gouvernement semble ignorer qu'il y a une guerre civile au Zaïre et que même des mercenaires ayant sévi en Bosnie y seraient présents.

Comment la secrétaire parlementaire peut-elle justifier l'inaction de son gouvernement et le maintien des déportations vers le Zaïre?

[Traduction]

Mme Maria Minna (secrétaire parlementaire de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, j'ai expliqué plusieurs fois que le comité consultatif surveille la situation. Une décision sera prise au moment opportun, si cela est jugé nécessaire. Ce n'est pas le cas dans le moment, mais on surveille la situation de très près.

* * *

LES SOINS DE SANTÉ

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, nous avons appris aujourd'hui que dix hôpitaux vont être fermés en Ontario. C'est une nouvelle qui aura de profondes répercussions sur les soins de santé.

(1440)

Toutefois, cette nouvelle ne semble pas troubler le moindrement le ministre de la Santé, qui ne voit pas de liens entre les fermetures et les réductions de 1,2 milliard de dollars dans les transferts du gouvernement fédéral à l'Ontario.

Le ministre de la Santé est-il prêt à accepter une partie du blâme pour la fermeture des hôpitaux en Ontario, qui vient d'être annoncée?

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le député d'en face doit choisir. Un jour, il intervient à la Chambre pour dire au gouvernement: «Vous n'avez aucun rôle à jouer dans la prestation des services de santé dans notre pays. C'est une responsabilité provinciale.» Maintenant, il dit au gouvernement: «Vous avez maintenant un rôle à jouer dans la gestion des hôpitaux dans les provinces.»

Il faut que le député comprenne-et, pour ce faire, il devrait peut-être suivre un cours accéléré en droit constitutionnel-que cette question est de compétence provinciale, c'est une décision de gestion prise par la province de l'Ontario, une décision qu'elle devait prendre et qu'elle a prise.

La question qu'il faut se poser est: Est-ce que le Parti réformiste appuie la décision de Mike Harris de fermer des hôpitaux en Ontario?

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, tous les députés savent que le gouvernement fédéral est en partie responsable du financement des services de santé et de l'infrastructure globale. Ma question a trait au financement.

Nous voudrions savoir où était le ministre durant les discussions prébudgétaires quand le gouvernement a décidé de subventionner les sociétés d'État à hauteur de 7 milliards de dollars par année et, en même temps, de réduire de presque 4 milliards de dollars les dépenses des services de santé.

Où était le ministre quand cette décision a été prise? Pourquoi ne s'est-il pas porté à la défense des services de santé, ce qu'il n'a manifestement pas fait?

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, décidément, le député ne comprend rien à rien. Appuie-t-il le gouvernement conservateur de l'Ontario? Compte tenu du fait que le député n'a pas pris position, je ne puis que présumer qu'il appuie la fermeture d'hôpitaux dans la province de l'Ontario. C'est une décision que devait prendre le gouvernement conservateur de l'Ontario, et il l'a prise. Je suis d'avis que le chef du troisième parti appuie la décision de Mike Harris en Ontario.


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[Français]

LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le projet de loi C-82, La Loi modifiant la Loi sur les banques, n'aborde pas les questions de la mondialisation des marchés et des institutions financières. Le gouvernement a mis sur pied le comité Baillie pour étudier ces questions particulières, mais ce dernier ne déposera son rapport qu'en septembre 1998. Pourtant, c'est dès le mois prochain, soit le 10 avril, que débutent, à Genève, les négociations de l'Organisation mondiale du commerce sur cette question d'une importance capitale.

Quelle position le gouvernement défendra-t-il dans ces négociations qui s'ouvrent dans quelques jours, puisqu'en principe, il attend les conclusions du comité Baillie uniquement en 1998?

[Traduction]

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, nous avons récemment pris des mesures en présentant un projet de loi. Nous avons annoncé dans un communiqué de presse que nous permettrions l'implantation de succursales de banques étrangères au Canada. Différents pays, dont la Grande-Bretagne et les États-Unis, ont exercé des pressions pour que nous le fassions.

Nous avons répondu à la question dans un communiqué de presse, qui dit que nous présenterons un projet de loi au cours de l'année.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, c'est pour cela que j'ai adressé ma question au ministre des Finances, à un ministre senior, pour avoir une véritable réponse. Parce que lorsqu'on pose des questions au secrétaire d'État, il patine, il badine, il est d'une candeur à faire peur aux milieux financiers. C'est terrible.

Alors, je pose la question au ministre des Finances, parce qu'il est question de milliards de dollars, il est question de déréglementation des institutions financières. Est-ce qu'il peut, de façon à rassurer le secteur financier, déposer en cette Chambre, le plus rapidement possible, la position que le gouvernement canadien entend défendre à Genève, le 10 avril prochain?

(1445)

[Traduction]

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, lorsque la position que le gouvernement du Canada adoptera à Genève sera rendue publique, nous serons heureux de la déposer à la Chambre.

LE MEXIQUE

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

En 1994, le Canada a contribué à un fonds international de50 milliards de dollars américains visant à venir en aide au Mexique. Les électeurs de ma circonscription s'inquiètent de la capacité du Mexique de rembourser le Canada.

En tant que vice-présidente de l'association parlementaire Canada-Mexique, je pose la question suivante: le Mexique a-t-il remboursé le Canada et le plan de sauvetage a-t-il réussi?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de répondre à la députée, qui s'intéresse beaucoup à la question en qualité de vice-présidente de l'association parlementaire Canada-Mexique.

Comme elle le sait, le Canada a accordé une possibilité d'échange de devises d'une valeur de 1,5 milliard de dollars dans le cadre du programme international d'aide au Mexique où les États-Unis et le FMI jouaient évidemment un rôle capital.

Je suis heureux de pouvoir dire que le Canada a aidé le Mexique au moment de la crise du peso en 1994. Notre aide a été utile puisque l'inflation a été jugulée et l'économie mexicaine a renoué avec la croissance.

Je suis également heureux de pouvoir dire que le Mexique a pu rembourser les États-Unis trois ans avant la date prévue et qu'il est en avance dans ses paiements au FMI. Quant au Canada, il a été remboursé il y a maintenant assez longtemps.

Ce sont là de bonnes nouvelles pour le Mexique, pour le Canada et pour la communauté mondiale.

* * *

LES PENSIONS

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Finances prétend que les cotisations au Régime de pensions du Canada ne sont pas une forme de taxe. Son propre ministère le contredit encore une fois.

Une autre étude du ministère des Finances, datée du 13 mars 1996, qualifie les cotisations au RPC de charges sociales et dit qu'elles vont avoir pour effet de réduire les emplois. C'est au moins la troisième étude du ministère des Finances contredisant le ministre que nous avons trouvée.

Le ministre va-t-il admettre que l'augmentation des charges sociales que constitue l'augmentation des cotisations au RPC tue les emplois au lieu d'en créer comme il a voulu le laisser entendre. Peut-il nous dire combien d'emplois vont disparaître?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, l'avis que j'ai de mon ministère, en date approximativement du même jour, à environ un mois près de la date du document cité par la députée, est que si le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux agissent rapidement, ce que nous avons fait, et


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prennent les mesures que nous avons prises pour améliorer l'ensemble du financement et de la gestion du fonds, il deviendra clair qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle taxe, mais bien de ce que c'est, une contribution en vue des pensions des Canadiens.

La question essentielle à laquelle les députés réformistes ont à répondre est celle-ci. Ont-ils l'intention de laisser tomber les personnes âgées et celles qui sont sur le point de prendre leur retraite? Le Parti réformiste se lave-t-il les mains du passif de 500 milliards de dollars du RPC? Sinon, comment justifient-ils l'augmentation de 13 p. 100 des cotisations au Régime de pensions du Canada à laquelle donnerait lieu leur plan?

Comment calculent-ils dans leur petite tête pour arriver à la conclusion que 13 p. 100, c'est moins que 9,9 p. 100?

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, le ministre a dit que si le gouvernement agissait rapidement, cette augmentation ne serait pas perçue comme étant une taxe. N'importe quel Canadien qui a reçu son formulaire T-4 par le courrier cette semaine va avoir du mal à ne pas voir une taxe là-dedans, lorsqu'il va voir ses cotisations au RPC augmenter de70 p. 100. C'est tout simplement ridicule.

Les réponses faites par le ministre à la Chambre jour après jour à ce sujet, des réponses qui n'en sont pas, indiquent qu'il y a un gros problème en ce qui concerne ce gouvernement, un problème de confiance. Le ministre continue d'ignorer son propre ministère et n'arrête pas de nier que ces charges sociales tuent les emplois.

Encore une fois, combien d'emplois vont disparaître à la suite de cette augmentation des cotisations au RPC? Comment les Canadiens peuvent-ils faire confiance au gouvernement, encore moins lui confier leur argent?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la députée parle de confiance. On devrait plutôt parler de l'obligation qu'a un parti d'exposer tous les faits dans un important débat.

(1450)

Dans le monde du super-REER que le Parti réformiste recommande, qui protégera les Canadiens gravement blessés et handicapés qui ne peuvent plus travailler? Une somme de 2 millions de dollars est prévue à cet effet dans le Régime de pensions du Canada, alors que rien n'est prévu dans le super-REER.

Dans le monde du super-REER, qui protégera la personne qui a investi tout son argent dans des REER si le marché connaît un important ralentissement au moment de son départ à la retraite?

Dans le monde du super-REER, qui protégera le parent seul ou la mère qui doit prendre un congé de maternité ou qui décide d'arrêter de travailler pendant quelque temps?

[Français]

LA SOMATOTROPHINE BOVINE

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, ma questions s'adresse au ministre de l'Agriculture.

On apprenait, récemment, qu'à au moins trois reprises l'an dernier, les douaniers canadiens avaient intercepté des individus tentant de faire entrer au pays des centaines de seringues contenant de la somatotrophine bovine.

Compte tenu du fait qu'un inspecteur de Santé Canada révélait qu'il était très facile pour un producteur laitier de se procurer cette hormone, qu'est-ce que le gouvernement entend faire pour empêcher que des quantités importantes de celle-ci entrent au Canada et se retrouvent éventuellement dans le système d'approvisionnement laitier et dans nos assiettes?

[Traduction]

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, la responsabilité des examens scientifiques nécessaires en matière de santé et de sécurité relève du ministère de la Santé. Celui-ci poursuit des travaux à ce sujet depuis 1990 environ. Aucune décision n'a été prise, ce qui fait qu'aucun avis de conformité n'a été émis. En conséquence, les lois canadiennes interdisant l'importation et la vente de la somatotrophine bovine recombinante au Canada s'appliquent toujours.

La responsabilité du contrôle des frontières, pour empêcher les importations illégales ou potentiellement illégales relève bien sûr des douanes canadiennes. Elles s'acquittent de leurs responsabilités et font leur devoir à la frontière, pour s'assurer qu'aucun produit illégal au Canada ne soit importé.

Nous ferons toujours notre possible pour faire appliquer la loi et protéger la santé et la sécurité des Canadiens.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, le ministre est très optimiste, mais ce n'est pas ce qui se passe dans la réalité sur nos fermes.

Le ministre de l'Agriculture s'engage-t-il à tenir un débat public sur l'utilisation de la somatotrophine bovine avant que l'utilisation de cette hormone soit permise, advenant le cas où l'étude de son ministère approuverait l'homologation de cette hormone?

[Traduction]

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, ce que suggère le député est intéressant. En fait, une variante de cette idée a été présentée à la Chambre il y a quelques années par le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Le type d'enquête, le type de débat que propose le député a eu lieu à ce comité il y a au moins deux ans. Les résultats de tout cela sont du domaine public.


8735

[Français]

L'AGRICULTURE

M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Le ministre dirigera une mission commerciale agroalimentaire dans les régions de l'Asie et du Pacifique.

Est-ce que le ministre peut nous faire part des objectifs de sa mission et de l'impact qu'elle aura sur les agriculteurs et l'industrie agroalimentaire du Québec?

[Traduction]

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, 1997 est l'année de l'Asie-Pacifique au Canada et ma mission commerciale agroalimentaire au Japon et en Indonésie s'inscrit dans le contexte des efforts que fait Équipe Canada pour étendre ses exportations dans cette région du globe. L'Asie-Pacifique est la région économique où la croissance est la plus rapide au monde et nous devons agir vigoureusement et sans relâche pour obtenir notre part de l'activité commerciale. Voilà l'objet de cette mission. Elle regroupe probablement la plus grande délégation du secteur privé et des provinces jamais constituée dans le domaine de l'agroalimentaire au Canada.

(1455)

En 1996, nous avons atteint un record de tous les temps lorsque nos ventes à l'exportation de produits agroalimentaires ont atteint 18,8 milliards de dollars, et cette mission fera grimper ce total à d'autres sommets.

* * *

LES PENSIONS

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, faisons une simple comparaison. Le régime de pensions des députés leur garantit 48 300 $ par an après 19 ans de service alors que les Canadiens doivent travailler 35 ans pour recevoir une maigre retraite de 8 800 $ par an. Et en plus, une personne âgée qui ne reçoit que la nouvelle prestation pour personnes âgées et la retraite du RPC se verra enlever la moitié de cette dernière par le ministre des Finances, ce qui est une injustice flagrante.

Le ministre des Finances peut-il promettre à la Chambre qu'il présentera incessamment un projet de loi prévoyant de diminuer le régime de pension des députés dans la même mesure que le RPC?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la question de la rémunération des députés a déjà été débattue par la Chambre. Il y a plusieurs façons de s'y prendre. Quand le gouvernement a déposé son projet de loi, il a réduit de beaucoup la pension de retraite des députés par rapport à ce qui existait avant. Il l'a fait de plusieurs façons. Les réductions sont d'environ 25 à 30 p. 100 pour certains députés.

Le fait est que nous avons décidé de procéder de cette façon. Les réformistes auraient voulu doubler le salaire des députés. Nous nous y sommes opposés.

ULTRAMAR

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international. Le ministre sait que la société Sharjah Oil Refinery, des Émirats arabes unis, a demandé du financement à la Société fédérale pour l'expansion des exportations parce qu'elle désire acheter et supprimer la raffinerie de pétrole Ultramar d'Eastern Passage.

Les habitants de la Nouvelle-Écosse, surtout ceux qui ont perdu leur emploi quand Ultramar a fermé sa raffinerie en 1994, manquant ainsi à son engagement, sont outrés que la société puisse seulement envisager d'aider cette société étrangère à éliminer des éléments d'actif canadiens.

Le ministre insistera-t-il pour que la société respecte le mandat qui lui a été confié en vertu de la loi et s'assurera-t-il que les contribuables ne paieront pas un sou pour la fermeture de la raffinerie d'Ultramar?

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je comprends la position exprimée par beaucoup d'habitants de la Nouvelle-Écosse au sujet de la fermeture de cette raffinerie. Toutefois, celle-ci devait fermer il y a environ trois ans. Elle ne produit plus d'emplois pour les habitants de la Nouvelle-Écosse.

Le Société d'expansion des exportations examine un projet beaucoup plus vaste que la simple fermeture de cette raffinerie particulière. Ce projet créerait de l'emploi pour quelque 700 années-personnes, à l'intention des Canadiens, dont quelque 150 seraient réservées aux gens de la Nouvelle-Écosse.

Quoi qu'il en soit, cette affaire sera examinée lors de la prochaine réunion du conseil d'administration de la Société d'expansion des exportations.

* * *

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État au Bureau fédéral de développement régional pour le Québec.

Le ministre des Finances annonçait en grande pompe, le 18 février dernier, à quelques mois des élections, la création de la Fondation canadienne pour l'innovation. Pendant ce temps, à moins d'un mois de la fin de l'année financière, le gouvernement fédéral n'a toujours pas versé au Parc technologique du Québec métropolitain la subvention promise de 250 000 $.

Le gouvernement du Québec, ainsi que les Villes de Sainte-Foy et de Québec ont fait parvenir leur contribution au Parc. Qu'attend le gouvernement fédéral pour s'exécuter et s'engage-t-il à verser, dans les prochains jours, la subvention promise, dans son intégrité, soit 250 000 $?


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L'hon. Martin Cauchon (secrétaire d'État (Bureau fédéral de développement régional (Québec)), Lib.): Effectivement, monsieur le Président, la Ville de Québec est en train d'effectuer le virage économique d'une façon absolument remarquable, et le Parc de développement technologique est l'un des instruments, l'un des outils de développement qui figure parmi les plus importants.

(1500)

Cela étant dit, si le Parc peut exister aujourd'hui, c'est en grande partie à cause du gouvernement canadien qui a cru en la vocation du Parc et qui l'a subventionné dès le départ.

Maintenant, au sujet du Parc, qui appartient au gouvernement du Québec, il est vrai de dire aussi que ses représentants ont soumis une demande de subvention auprès du gouvernement canadien, plus particulièrement auprès du BFDRQ. Nous analysons présentement la demande et nous verrons à faire connaître notre position très prochainement.

* * *

[Traduction]

LES AFFAIRES DES ANCIENS COMBATTANTS

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Il y a deux ans, nous avons célébré le 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et le monde entier a rendu hommage à nos anciens combattants pour le rôle qu'ils ont joué.

Depuis lors, le gouvernement a fait des compressions dans le Fonds du Souvenir. Il a remplacé nos anciens combattants par des jeunes au musée de la guerre. Il est même allé jusqu'à confier la fabrication des coquelicots à l'entreprise privée.

Pouvez-vous justifier, monsieur le ministre, la fermeture de Ste-Anne. . .

Le Président: Je prie la députée d'adresser sa question à la présidence.

Mme Wayne: Le ministre voudrait-il expliquer à la Chambre comment le gouvernement peut justifier la fermeture de l'hôpital pour anciens combattants de Ste-Anne, le départ de 600 anciens combattants qui devront trouver refuge dans la collectivité, car il n'y a pas de places dans les autres hôpitaux? Cela fait-il partie des compressions de 61 millions de dollars qui frappent les anciens combattants?

L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je remercie la députée de sa question. Ce doit être le printemps, elle est revenue.

En qui concerne la question qu'elle vient de poser, toutes les décisions qui sont prises à l'égard des anciens combattants tiennent compte des services rendus qu'a évoqués la députée. Nous essaierons de faire en sorte que les anciens combattants qui ont besoin d'aide, que ce soit à l'hôpital ou ailleurs, bénéficient du concours de la population canadienne.

Une des raisons pour lesquelles, à notre avis, les Canadiens d'un bout à l'autre du pays font encore confiance aux Forces canadiennes, en dépit des difficultés que nous traversons actuellement, tient précisément aux bons et loyaux services rendus par les anciens combattants dont nous continuerons de nous occuper, comme nous l'avons fait dans le passé, c'est-à-dire de notre mieux.

* * *

L'EMPLOI CHEZ LES JEUNES

Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Coopération internationale.

Tous les Canadiens, et certes les jeunes de Nepean, se demandent pourquoi ils poursuivraient des études si les perspectives d'emploi sont pratiquement nulles.

Le ministre pourrait-il expliquer à la Chambre où en sont les choses en ce moment? Que fait-il pour offrir des possibililtés aux jeunes Canadiens sur la scène internationale?

L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'informe la Chambre que, plus tôt aujourd'hui, j'ai annoncé le programme international de stage pour les jeunes, qui fait partie de la stratégie fédérale d'emploi des jeunes.

L'ACDI, Agence canadienne de développement international, offrira à quelque 850 jeunes Canadiens la possibilité de travailler dans des pays en développement dont l'économie est en mutation, en partenariat avec des organismes privés, publics et non gouvernementaux.

Les jeunes ont hâte de participer. Je suis heureux que mon ministère et le gouvernement leur offriront la possibilité de bâtir l'avenir du Canada sur la scène internationale.

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, je demanderais au leader du gouvernement à la Chambre des communes de nous informer du menu législatif pour les jours à venir.

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais maintenant présenter le menu législatif de la semaine.

Cet après-midi, nous terminerons la troisième lecture du projet de loi C-71, portant sur le tabac.

Vendredi, lundi et mercredi seront des jours désignés.

Mardi prochain, nous passerons à la troisième lecture du projet de loi C-66, qui modifie le code du travail, à la deuxième lecture du projet de loi C-67, concernant la concurrence, à la deuxième lecture du projet de loi C-46, qui modifie le Code criminel, et à la deuxième lecture du projet de loi C-49, concernant les tribunaux administratifs.

8737

(1505)

Enfin, dans une semaine, je compte demander l'étude, à l'étape du rapport, du projet de loi C-32, portant sur le droit d'auteur.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

OBSERVATIONS FORMULÉES AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, lorsque je me suis levée pour poser ma question au ministre, je crois l'avoir entendu dire dans sa réponse: «Ce doit être le printemps parce qu'elle est revenue.»

À mon avis, il ne convient pas de signaler la présence ou l'absence d'un député à la Chambre, et je demande qu'il retire ses paroles.

Le Président: Je n'ai pas pu dire si le ministre a parlé de la présence ou de l'absence de la députée dans sa réponse. Comme ses paroles étaient sujettes à interprétation, je ne suis pas intervenu.

Je signale à tous les députés que personne à la Chambre n'apprécie des propos de ce genre et je demande que l'on s'abstienne de faire de telles observations.

______________________________________________


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LE TABAC

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, l'étiquetage et la promotion des produits du tabac, modifiant une autre loi en conséquence et abrogeant certaines lois, soit lu pour la troisième fois et adopté.

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'intervenir en faveur du projet de loi C-71, qui traduit la stratégie antitabac du gouvernement.

Depuis quelques mois, je fais partie d'un groupe de députés qui encourage et appuie le ministre de la Santé dans ses efforts pour présenter ce projet de loi. Je constate avec plaisir que ses efforts portent des fruits.

Il semble que plus de 40 000 Canadiens meurent chaque année, victimes des effets du tabac, la plupart des suites de maladies pulmonaires et cardiaques. Le tabagisme est responsable de 21 p. 100 de tous les décès au Canada. C'est ce qui en fait la première cause de décès et de maladie évitables au Canada.

De nos jours, nous connaissons bien les liens entre le tabagisme et les maladies graves. Nous pouvons aussi supposer qu'à mesure que l'usage du tabac se répand, le nombre des décès augmente en conséquence.

Ce n'est pas uniquement en restreignant la demande de tabac aujourd'hui que nous parviendrons à réduire le nombre de gens qui mourront péniblement à cause du tabac demain. Voilà pourquoi la nouvelle stratégie antitabac du ministre de la Santé est si importante.

Quand la Cour suprême du Canada a annulé certains éléments de la Loi réglementant les produits du tabac, en 1995, elle a laissé les représentants de la population au gouvernement canadien quelque peu démunis en matière de réglementation antitabac. D'autres mesures sont alors devenues nécessaires. L'initiative dont nous sommes saisis aujourd'hui n'est pas totalement nouvelle.

Le gouvernement s'est penché sur diverses possibilités depuis la décision de la Cour suprême. Un grand nombre de mes électeurs ont dit être déçus du temps que le gouvernement a mis à agir. Je partageais certaines de leurs inquiétudes, mais il était important d'étudier à fond toutes les solutions possibles. Cette fois, nous n'avions pas droit à l'erreur.

Vers la fin de l'année dernière, le gouvernement a fait connaître son projet antitabac, définissant les possibilités d'action. Nous avons depuis reçu les commentaires de nombreux Canadiens, médecins, gens d'affaires, membres de l'industrie du tabac, consommateurs, parents et des groupes d'intervention crédibles. Les nouvelles dispositions résultent de cette étude permanente.

Je crois qu'elles nous permettront de remporter la victoire dans notre lutte antitabac au Canada. Le tabagisme ne cause pas des problèmes uniquement aux fumeurs. Le tabagisme impose à tous les membres de la société un prix qui prend diverses formes. En 1991, le tabagisme aurait coûté aux Canadiens un montant total de15 milliards de dollars en frais directs dus aux soins de santé et à la perte de productivité.

(1510)

Les fumeurs visitent le médecin davantage que les non-fumeurs. Ils passent plus de temps à l'hôpital et occupent plus de lits dans les établissements de soins de longue durée. Au total, le tabagisme coûte à lui seul 3,5 milliards de dollars au système de santé.

Les fumeurs s'absentent plus souvent du travail que les non-fumeurs. On a calculé qu'un employé fumeur coûte plus de 3 000 $ par année de plus qu'un employé non-fumeur à cause des jours de travail perdus. Par ailleurs, il est impossible d'évaluer la perte de productivité des employés qui prennent des pauses-cigarette, qui attendent la pause-cigarette et qui pensent à la pause-cigarette.

Enfin, les 40 000 décès liés au tabagisme coûtent au Canada10,6 milliards de dollars en recettes perdues. Que l'on compare ce chiffre aux 2,6 milliards de dollars que génère la taxe d'accise fédérale sur les produits du tabac. En fin de compte, le tabagisme coûte à l'économie canadienne des milliards de dollars en perte de productivité, en soins de santé et en prestations d'aide sociale aux familles de ceux que les maladies liées au tabac rendent incapables de travailler. La nouvelle loi sur le tabac produira plusieurs améliorations positives. Elle limitera l'accès des jeunes aux produits du tabac et combattra la consommation du tabac avant qu'elle ne devienne une accoutumance.

Je me rappelle une visite que j'ai faite à l'école secondaire Woodlands, dans ma circonscription, en qualité de commissaire d'école, l'année où nous avons interdit les salles et les zones


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fumeurs pour étudiants dans les écoles. Les étudiants m'ont demandé pourquoi nous interdisions les salles et les zones fumeurs pour étudiants alors que nous laissions les enseignants fumer dans les locaux qui leur étaient réservés. Je leur ai donné une réponse très facile à l'époque: «Ce sont des adultes, et ils sont assez vieux pour se tuer s'ils le veulent.»

La véritable réponse, c'est qu'ils étaient tous intoxiqués. En interdisant les zones fumeurs pour étudiants, nous tâchions d'empêcher les fumeurs d'influencer les autres et d'empêcher les jeunes de fumer.

Immédiatement après ma visite à l'école, cependant, nous avons proposé à la commission scolaire d'imposer une interdiction générale de fumer dans tous les locaux et espaces scolaires, aussi bien pour les adultes que pour les étudiants, et cette règle est toujours en vigueur aujourd'hui. Ce qui est intéressant, c'est que les enseignants doivent maintenant enfiler leur manteau par mauvais temps et arpenter la rue pour fumer. Cela ne présente pas une image bien brillante. Les étudiants commencent à comprendre à quel point cette habitude est horrible, à quel point ces enseignants sont intoxiqués et à quel point ils ont l'air ridicule à arpenter ainsi la rue.

Près de 30 p. 100 des jeunes âgées de 15 à 19 ans et 15 p. 100 des jeunes âgés de 10 à 14 ans sont actuellement des fumeurs. C'est à la fois effrayant et inacceptable. Quatre-vingt-cinq pour cent des fumeurs acquièrent cette accoutumance avant l'âge de 16 ans, alors qu'ils sont le plus sensibles à la pression de leurs pairs et au conformisme. Les nouvelles mesures proposées dans le projet de loi viseront spécialement les jeunes en interdisant les étalages libre-service et la vente par machine-distributrice et en exigeant la production de pièces d'identité avec photo pour prouver son âge.

La nouvelle loi limitera également la commercialisation et la promotion des produits du tabac; il y aura notamment des restrictions sur la publicité, l'emballage, les ventes promotionnelles et les commandites. Le matériel de promotion contenant des noms de marque ne pourra paraître que dans les publications destinées avant tout à des adultes.

Certains soutiendront que cette réglementation nuira injustement à l'industrie du tabac et aux manifestations qu'elle commandite. Or, ces préoccupations doivent être mis en balance avec la santé de nos enfants. Nous ne pouvons pas sacrifier la santé de la population en permettant à une autre génération de contracter cette habitude qui peut entraîner la mort.

Pour vendre le tabac, on fait appel à toute une publicité axée sur le mode de vie. C'est une façon très attrayante de créer un lien entre le tabac et un mode de vie qui fascine. Cette publicité est particulièrement efficace auprès des enfants et des jeunes. «Fumez des Marlborough et vous serez de vrais hommes.» «Fumez des Slims et tous les hommes seront à vos pieds.»

Le gouvernement n'entend pas dire aux fabricants de cigarettes ce qu'ils peuvent commanditer ou non, pas plus qu'il n'interdit la commandite dans toute une catégorie de manifestations. Il limite simplement la possibilité d'établir un lien entre des marques de cigarettes et un mode de vie attrayant, fascinant, passionnant.

La nouvelle stratégie canadienne antitabac prévoit également l'inscription sur les paquets d'une meilleure information sur la santé, la mise en place d'un mécanisme d'application pour réglementer le contenu chimique des cigarettes, le contrôle de la pratique qui consiste à augmenter la dose de nicotine, provoquant l'accoutumance, et l'ajout d'autres substances chimiques qui potentialisent la nicotine. J'ai donc bon espoir que ces mesures finiront par avoir un effet important sur la consommation de tabac au Canada.

Or, le gouvernement ne s'en tiendra pas là. D'autres ministères, outre Santé Canada, participeront à cette initiative. Le gouvernement fédéral et certaines provinces augmenteront leur taxe sur les produits du tabac. L'augmentation des deux taxes combinées s'élèvera à 1,40 $ la cartouche. La surtaxe fédérale imposée aux fabricants de produits du tabac grimpera de 40 p. 100 en trois ans.

Bon nombre de mes électeurs réclamaient de telles mesures. Ces mesures serviront à deux fins: premièrement, elles feront augmenter le prix des produits du tabac et, deuxièmement, elles feront grimper les recettes de l'État, ce qui nous permettra de payer une partie des coûts associés au tabagisme. Les augmentations de taxes seront accompagnées de mesures visant à lutter contre la contrebande, afin que la hausse des prix n'entraîne pas une recrudescence de la contrebande de cigarettes. En fait, on estime que les initiatives que le gouvernement prend depuis 1994 pour lutter contre la contrebande ont empêché 2 milliards de dollars de produits illégaux d'être vendus au Canada.

(1515)

Le dernier élément que je tiens à mentionner est également l'un des plus importants. Nous nous sommes engagés à consacrer50 millions de dollars à l'application de la loi et à la mise en oeuvre de programmes d'éducation en matière de santé. Je sais d'expérience que ces programmes d'éducation sont essentiels à la lutte contre le tabagisme chez les jeunes.

Les initiatives gouvernementales visent à régler les problèmes les plus graves, en cherchant essentiellement à empêcher les Canadiens, et surtout les jeunes, à développer une dépendance au tabac. À preuve, les détaillants seront très peu touchés par cette mesure législative. La publicité aux points de vente sera limitée et les jeunes acheteurs devront présenter une carte d'identité avec photo, mais le gouvernement ne déterminera pas, du moins pour l'instant, qui aura le droit de vendre des produits du tabac. Ce projet de loi est très raisonnable.

Je suis heureuse d'avoir l'occasion de débattre d'une mesure législative qu'on attend depuis si longtemps. Je suis particulièrement fière du ministre de la Santé, du premier ministre du Canada et du secrétaire parlementaire et des efforts assidus qu'ils ont déployés, malgré l'opposition bien organisée et bien financée à laquelle ils ont été confrontés.

Le tabagisme au Canada constitue un problème en matière de santé. Nous devons veiller à ce que ce produit qui crée une dépendance ne mine pas la santé des Canadiens. Notre bilan dans ce domaine est déjà l'un des meilleurs au monde, mais il faut chercher à l'améliorer encore davantage.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, en écoutant le discours de la députée sur le projet de loi C-71, je me suis souvenu qu'au cours de mon dernier séjour et de


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mes derniers déplacements dans ma circonscription, j'ai discuté avec un certain nombre de mes électeurs de questions législatives et autres.

Pendant ces discussions, des petits entrepreneurs qui, entre autres choses, vendent des produits du tabac aux consommateurs, m'ont demandé pourquoi il n'est pas illégal pour les jeunes d'être en possession de produits du tabac et d'en fumer. Si le gouvernement s'inquiète vraiment des dangers du tabac pour la santé des jeunes Canadiens, pourquoi alors n'interdit-il pas la possession et la consommation de produits du tabac par des mineurs?

En ce qui concerne l'alcool, par exemple, tous les débits de boisson, les bars, tous ceux qui vendent de l'alcool à un mineur sont tenus responsables et mis à l'amende, et risquent même de perdre leur permis. Dans le cas des cigarettes, ceux qui vendent ce produit dangereux à des mineurs peuvent être mis à l'amende. Mais ce n'est pas illégal pour les jeunes de fumer.

Je me demande pourquoi la députée n'a pas ajouté sa voix à ceux qui préconisent ce genre de mesure.

Mme Parrish: Monsieur le Président, je suis toujours étonnée et consternée par le souhait des députés du Parti réformiste de criminaliser le plus de gens possible. Ils veulent maintenant criminaliser des jeunes de 14 ans, ce que je trouve renversant.

Il est illégal de vendre des cigarettes aux jeunes. C'est donc aux adultes qui font des bénéfices au détriment de la santé des jeunes qu'il faut s'en prendre. Le gouvernement, aucun gouvernement n'a l'intention d'accuser des jeunes de 14 ans, de les traduire devant les tribunaux et d'en faire des criminels.

Je le répète, je trouve consternant que le Parti réformiste veuille faire régner la loi et l'ordre à n'importe quel prix en préconisant l'arrestation de jeunes de 14 ans.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, ce qui nous préoccupe de ce côté-ci de la Chambre, c'est le manque de cohérence. Le gouvernement est tout à fait disposé à porter des accusations contre un jeune de 14 ans qui est en possession d'alcool. Il va porter des accusations contre des commerçants et les condamner pour avoir, par inadvertance, vendu des cigarettes à des jeunes de 14 ou 16 ans, mais il ne portera pas d'accusations contre ces jeunes de 14 ans pour possession de cigarettes.

(1520)

La députée qui vient de répondre à la question de mon collègue dit qu'il faut résoudre le problème du tabagisme. Le gouvernement porte des accusations contre des jeunes de 14 ans ou contre quiconque n'a pas l'âge légal pour être en possession d'alcool. En quoi la politique libérale est-elle cohérente? Elle ne l'est pas.

Mme Parrish: Monsieur le Président, nous sommes très cohérents. Le gouvernement libéral a toujours à coeur de mieux protéger la santé des Canadiens, des plus jeunes aux plus âgés. Nous sommes cohérents parce que nous voulons porter des accusations contre les adultes qui incitent les jeunes à fumer. Nous sommes cohérents puisque les peines sont infligées aux personnes abjectes qui vendent délibérément des produits du tabac aux enfants sans leur demander de pièce d'identité. Nous sommes très cohérents parce que nous nous préoccupons grandement de la santé des jeunes.

Mme Mary Clancy (Halifax, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup d'étonnement et de chagrin que je prends part à ce débat aujourd'hui.

J'ai commencé à fumer à 13 ans. Oui, mes parents fumaient tous les deux, comme la plupart des adultes que je connaissais. C'était en 1961 et, malgré le rapport publié par le chef des services de santé des États-Unis quelque huit ans plus tôt, fumer était encore la norme.

Il y a cinq ans, après de nombreuses tentatives, j'ai finalement réussi à cesser de fumer, et j'en remercie Dieu chaque jour. Durant les quelques semaines horribles qui ont suivi ma dernière cigarette, je me suis demandé souvent pourquoi j'avais fait ce premier pas durant mon adolescence. La réponse était simple. Fumer était considéré comme un comportement adulte, comme quelque chose de sophistiqué. C'était «cool», adjectif qui avait autant d'importance en 1961 qu'il en a en 1997.

Je ne sais pas pourquoi nous n'avons pas réussi à effacer cette image de la cigarette pour nos jeunes. Je suppose que les raisons sont aussi complexes que diverses, mais je sais que la publicité sur le tabac fait partie du problème.

Je ne peux vraiment pas croire les commentateurs, les experts et les bloquistes qui prétendent qu'il n'y a aucun lien entre la publicité sur le tabac et la hausse de l'usage du tabac chez les jeunes. J'ai même entendu une personne, qui descendait certainement tout juste de la navette en provenance de Mars, dire que l'usage du tabac chez les jeunes n'avait rien à voir avec la publicité, particulièrement avec la publicité artistique. Cela me rend malade.

La cigarette tue. Ce n'est pas une théorie, c'est un fait. La cigarette est une cause de cancer du poumon. Elle est une cause d'emphysème. Elle aggrave l'asthme. Elle est une cause de troubles cardiaques et d'accidents cérébrovasculaires. Des recherches récentes ont permis d'établir des liens démontrant que la cigarette peut causer ou aggraver le cancer du sein.

La cigarette est dangereuse. Elle est mortelle. Prenez n'importe quel fumeur dans notre pays, qui est forcé de fumer dehors ou dans des petites salles ghettoïsantes et qui se fait sans cesse faire la morale par les médecins et par les ex-fumeurs réformés comme moi, et je parie qu'il ne veut pas que son enfant commence à fumer. Ce n'est pas à cause du stigmate social. Ce n'est pas à cause du froid. Ce n'est même pas à cause de la mauvaise odeur qui se dégage des vêtements et des cheveux des fumeurs. C'est parce qu'aucun parent qui aime son enfant ne veut que ce dernier mette sa vie en danger.

Regardons la question de la publicité et de la consommation-la consommation de n'importe quel produit-et voyons les choses de façon très simple.

Les sociétés qui veulent vendre leur produit consacrent beaucoup d'argent à la publicité. Pourquoi les sociétés consacrent-elles autant d'argent à la publicité? Pour vendre leur produit et faire un profit.


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Nous savons tous que cela est vrai, mais, pour une raison ou une autre, comme je l'ai constaté avec étonnement hier, les rédacteurs du Globe and Mail ont de la difficulté avec cela. J'espère que ce que j'ai dit aujourd'hui les aidera à comprendre.

Au cas où un doute subsisterait, les gens n'achètent pas des cigarettes pour s'en servir comme décoration. Ils achètent des cigarettes pour les fumer, et cela les rend malades. Évidemment, le problème ici-je ne veux pas le minimiser-c'est la question du financement des arts. Mon attachement de longue date au développement culturel du Canada est indéniable.

(1525)

Avant d'être députée, j'ai été actrice. J'ai travaillé dans des productions d'amateurs avant de faire partie de productions professionnelles. J'ai été membre du conseil d'administration de troupes de théâtre et de danse, de groupes musicaux et d'autres groupements artistiques. Mon intérêt pour les arts visuels et les arts de la scène dans ma ville, ma région, ma province et mon pays ne s'est jamais démenti. Les arts me tiennent sincèrement à coeur.

J'aimerais que l'on puisse accorder davantage de fonds aux artistes et aux événements artistiques. Qu'il s'agisse du magnifique Shakespeare in the Park, à Halifax, ou de la radio de Radio-Canada, je suis prête à travailler sans relâche pour trouver des fonds. Toutefois, je ne peux pas dire que l'argent qui provient de la vente d'un produit dangereux est acceptable.

Le tabac ne doit pas être le sauveur des arts au Canada. Il existe d'autres sources de financement et nous, députés de tous les partis, devons travailler de concert avec la population de nos circonscriptions pour trouver ces sources de financement.

Je sais, pour l'avoir vécu moi-même, ce que c'est que de se retrouver assis à une table tard la nuit avec d'autres bénévoles pour chercher désespérément de nouvelles sources de financement après une réduction des subventions gouvernementales et le désengagement d'entreprises privées. Je sais ce que c'est que de faire des pieds et des mains pour sauver un festival ou une troupe de théâtre.

Je sais aussi ce que c'est que de voir un ami marcher en traînant une tente à oxygène portative, incapable de monter un escalier, incapable de prendre dans ses bras son petit-fils en raison de l'emphysème qui l'étouffe peu à peu.

Je me suis entretenue avec beaucoup d'artistes, de producteurs et de directeurs artistiques aux prises avec des difficultés financières du terrible dilemme dans lequel nous nous trouvons. Pas un n'a même laissé entendre que le tabac était sans danger. La communauté artistique est dans une sérieuse situation et je comprends la position des Québécois et des autres Canadiens qui craignent de perdre leur emploi. Cependant, la question va plus loin que cela. Il s'agit de trancher entre le bien et le mal.

Je ne blâme pas les gens qui se battent, mais je leur dis: Nous n'avons pas toutes les réponses aux problèmes de financement en cette ère de compressions budgétaires, nous n'en avons peut-être aucune, mais la solution n'est certainement pas de fermer les yeux sur un produit dangereux.

Le projet de loi laisse deux ans pour trouver une solution. Je m'engage à faire tous les efforts que je peux et je sais que des millions d'autres Canadiens feront de même. Le statu quo est inacceptable. En mon âme et conscience, je ne peux pas me laisser aller à ma passion pour le théâtre, le ballet et la musique si je dois constamment penser que, pour cela, quelque part, dans une cour d'école, des jeunes qui essaient de se donner l'air cool et adulte s'adonnent à une drogue qui les conduira précocement à la tombe.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais poser une question à la députée de Halifax. Elle a dit que ce projet de loi était une question de bien ou de mal. Pourrait-elle nous dire si ce n'est pas aussi une question de droits et de responsabilités individuels?

En tant que politiques, nous essayons de nous acquitter de notre responsabilité en servant les meilleurs intérêts du plus grand nombre de personnes possible. Ce projet de loi vise à empêcher les jeunes de devenir dépendants du tabac.

Mais jusqu'où peut-on aller sans empiéter sur les droits individuels, sur la liberté de choix, notamment la liberté de choisir de fumer ou de ne pas fumer, de consommer de l'alcool ou non? Après tout, la consommation de ces produits est légale. Jusqu'où peut-on aller avant de devoir se demander, si ces produits sont tellement mauvais et que les statistiques actuelles sont fondées, pourquoi le tabagisme est légal?

Je crois qu'il s'agit aussi d'une question de droits et de responsabilités individuels. Nous tentons d'assumer nos responsabilités. J'appuie le projet de loi en raison du but qu'il poursuit, mais je m'interroge sur l'autre aspect.

Je vois ce qui se passe dans notre société. À force de vouloir régler tous les problèmes, les assemblées législatives finissent par aller trop loin. Elles empiètent sur la vie des gens et dépassent les limites de leur rôle.

(1530)

Nous devrions peut-être adopter une approche différente et rappeler aux parents qu'ils sont, eux aussi, responsables de leurs enfants. La députée pourrait-elle me dire ce qu'elle pense de la question des droits et responsabilités?

Mme Clancy: Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de Calgary-Centre de sa question, parce que je sais qu'elle est sincère et bien intentionnée. Je suis heureuse qu'il l'ait posée.

Il y a bien des années, et je ne sais pas exactement combien, parce que je suis beaucoup trop jeune, mais il y en a peut-être à la Chambre qui le sauraient, à l'époque de la prohibition, j'avais un grand-oncle par alliance qui faisait beaucoup d'argent grâce à la prohibition, parce qu'il possédait une petite flotte de bateaux qui descendaient le Saint-Laurent des îles Saint-Pierre et Miquelon jusqu'à Chicago, bien avant la voie navigable. C'était un contrebandier d'alcool. Il travaillait à un bureau du Cap-Breton et faisait beaucoup d'argent avec la contrebande parce que, comme nous l'avons appris alors, il y a des choses que la loi ne peut interdire. Certaines lois sont inapplicables.


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Cette mesure législative que je défends aujourd'hui n'interdit ni la vente ni l'achat de cigarettes. Ce ne serait pas faisable. Je voudrais bien que ce soit le cas et que ce soit possible, mais ça ne l'est pas.

Ce qui fonctionne, toutefois, c'est une entreprise pour détruire l'idée, répandue chez les jeunes, que la cigarette est une bonne chose, pour une raison ou une autre. Je reprends les mots que j'ai employés dans mon discours. C'est «cool», ça donne un air distingué et expérimenté. Le député le sait, je le sais et nous savons tous à la Chambre que le tabagisme cause le cancer du poumon, l'emphysème, l'asthme et les maladies cardiaques, toutes ces terribles maladies que nous voulons épargner à nos enfants, dans la mesure du possible.

Par conséquent, nous n'allons pas restreindre les droits de la personne. Les gens ont encore le droit de courir à leur perte, par le chemin et les moyens qu'ils choisiront. S'ils ont l'âge pour le faire, ils peuvent aller s'acheter des cigarettes au magasin. Je voudrais qu'ils ne le fassent pas et j'aimerais qu'ils ne le puissent pas, mais je sais comme mon collègue que la loi ne peut rien contre cela.

Toutefois, nous pouvons et nous avons le devoir et l'absolue responsabilité de faire tout ce que nous pouvons pour que le fait de fumer ne semble pas être un geste sans importance ou une bonne chose.

Par-dessus tout, quand on sait qu'on associe la publicité sur la cigarette à l'une des manifestations les plus glorieuses de notre société et de notre culture, c'est-à-dire les arts de la scène, ça me révolte que nous ayons à tenir ce genre de débat. C'est inacceptable que nous laissions un produit nuisible et qui peut faire du tort à nos enfants nous entraîner dans un débat sur l'avenir des magnifiques entreprises artistiques.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, je vais partager mon temps avec ma collègue de Mercier.

Je commencerai en vous disant que je n'ai jamais été aussi fier d'être député du Bloc québécois depuis trois ou quatre ans. Vous savez qu'on s'est fait élire, la dernière fois, en 1993 avec le slogan «On se donne le vrai pouvoir». Je me rappelle des railleries de nos adversaires d'en face qui disaient: «Écoutez, le vrai pouvoir, c'est dans le gouvernement, ce n'est pas dans l'opposition.»

On a vu hier, de façon éloquente, de quelle manière ce pouvoir pouvait s'exercer de façon perverse à l'égard du Québec. Le pouvoir des libéraux, hier, c'était un spectacle pitoyable. C'était pitoyable de voir les députés libéraux du Québec essayer de se faufiler, d'étirer les délais, d'aller chercher de l'argent ailleurs et finalement, de se faire écraser comme des galettes à la suite de leur caucus. Si c'était ça, le vrai pouvoir des libéraux, on va s'en passer et la population du Québec va, j'en suis sûr, vraiment réélire des gens qui se portent à sa défense.

(1535)

Je suis saturé d'entendre les débats démagogiques et sentimentaux des gens d'en face qui nous disent: «Écoutez ces gens, ils ne peuvent plus se pencher pour prendre leurs petits-enfants dans leurs bras sans tomber par terre, parce qu'ils ont fumé.»

Lors de la deuxième lecture, on était d'accord avec le projet de loi en ce qui touche la santé. Mais lorsqu'on s'en vient, en troisième lecture, et qu'on considère que les commandites sont coupées de la façon dont elles le sont actuellement, soit 60 millions pour le Canada dont 30 millions pour le Québec, il y a là un problème majeur. Il n'y a aucune mesure de compensation.

On a entendu le ministre de la Santé nous dire que les banques pourraient peut-être prendre la relève. Sa collègue du Patrimoine nous a dit également: «Il n'est pas question qu'on puisse prendre la relève des commandites des compagnies de cigarettes, c'est impossible, c'est beaucoup trop d'argent.»

Donc, le gouvernement se fait fermer la porte partout. La seule solution est de laisser les commandites telles qu'elles sont actuellement. Il y a des statistiques; le gouvernement se targue de statistiques, alors nous, nous avons les nôtres. Je ne pense pas, et le chef de l'opposition l'a bien démontré hier, que si les jeunes vont voir une partie de tennis pour Tennis Canada, qui se passe à Montréal, l'Omnium Players, ils sortiront de là en disant: «Moi je vais aller m'acheter un carton de cigarettes Players.» Ils vont plutôt se dire qu'ils ont envie de jouer au tennis et d'atteindre ce calibre-là.

On ne m'a pas fait la démonstration claire, nette et précise que l'affichage entraîne automatiquement un besoin de fumer, entraîne automatiquement les jeunes, pousse les jeunes à fumer. Je n'ai pas vu cela jusqu'à maintenant.

Je voudrais aussi dénoncer la procédure d'adoption du projet de loi qui est devant nous. On nous pousse très rapidement vers l'adoption d'un projet de loi. On a adopté une procédure cavalière et cela va nous empêcher d'avoir un débat sur le fond. Même si on a l'occasion de le faire cet après-midi, il aurait fallu beaucoup plus de temps pour qu'on puisse regarder comment on peut privilégier les questions de santé et en même temps protéger les commandites. Mais le gouvernement continue sur sa lancée et veut vraiment en finir avec ça. Il y aura des prix politiques à payer pour lui, particulièrement au Québec.

Un trait de distinction du Québec, c'est l'ensemble de ses festivals. C'est une chose qui est omniprésente au Québec, particulièrement dans la grande région de Montréal, qui est la capitale française d'Amérique, il y a là beaucoup de festivals et ils ont des impacts majeurs.

L'absence de commandite vient heurter les festivals de plein fouet, et je cite ici quelques chiffres: un million pour le festival Juste pour rire, 10 p. 100 du budget; le Grand Prix de Montréal, le Grand Prix de Trois-Rivières, le Festival des films de Montréal, 1,5 million de coupures, ou 16 p. 100; pour le Festival de jazz de Montréal, un million ou 71,4 p. 100; les Internationaux Benson and Hedges, ce sont les feux d'artifice qui viennent illuminer Montréal une fois par an; les Internationaux de tennis Players, un demi-million, soit 11 p. 100; le Festival d'été de Québec.

Je pense qu'on n'a pas beaucoup de démonstrations à faire pour que vous constatiez qu'on vient heurter de front l'ensemble des festivals. Ces festivals sont mis en danger par le projet de loi qui est devant nous.


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La Presse mentionnait un sondage, le 6 septembre dernier, où on disait que 81 p. 100 des jeunes ne s'empêcheraient pas de commencer à fumer, seulement parce qu'ils ont constaté qu'il y avait une commandite. Les jeunes vont commencer à fumer pour toutes sortes de raisons, mais certainement pas à cause des commandites. C'est une question d'éducation. Le gouvernement, plutôt que d'aller dans cette voie, de faire des campagnes de promotion anti-tabac, etc., se lance dans une chasse aux sorcières. Cela vient encore une fois, comme je l'ai dit, frapper de plein fouet les festivals du Québec et de la grande région de Montréal.

Soixante-huit pour cent de ces gens, d'ailleurs, étaient contre l'interdiction des commandites, parce qu'ils constataient tout simplement que ce n'est pas comme cela qu'on réglera le problème de la consommation de cigarettes chez les jeunes, et chez les adultes également.

Je veux amener un nouvel argument dans le débat, l'impact sur les autres festivals. Dans ma région, dans le comté de Saint-Jean, on a le Festival de montgolfières du Haut-Richelieu, qui est le plus beau festival de montgolfières au Canada et au Québec. Mon collègue me dit qu'il y en a ailleurs aussi, il y en a dans l'Outaouais, mais malheureusement, cela n'atteint pas le prestige et la grandeur du Festival de montgolfières du Haut-Richelieu. Ces gens sont financés: il y a 1,5 million de dollars en commandites pour le Festival de montgolfières. Je pourrais peut-être vous révéler quelques chiffres avant de vous donner mon argument.

(1540)

L'achalandage du Festival de montgolfières est en nette progression depuis le début. J'ai sorti les chiffres des quatre dernières années: 130 000 visiteurs en 1993, 160 000 en 1994, 190 000 en 1995, 250 000 en 1996. Premier impact du projet de loi qui touche ce festival, au moment où le Festival entrerait dans une catégorie de festivals lui permettant d'aller chercher ce type de commandite, on lui coupe l'herbe sous le pied. On dit que, dorénavant, on ne peut plus avoir de commandites, donc le festival n'aura jamais accès à ce type de commandite.

Il y a pire. Ce n'est pas que le Festival de montgolfières qui est en victime, mais l'ensemble de tous les festivals du Québec qui sont de moindre importance que ceux que je vous ai mentionnés tantôt. Avec 30 millions de dollars de moins en commandites au Québec, les festivals à grand déploiement vont se replier sur des commanditaires qui actuellement sont actifs au niveau des festivals plus modestes, comme le Festival de montgolfières du Haut-Richelieu qui a des retombées économiques de huit millions de dollars. Ce projet de loi a un impact pervers sur les commandites.

Je n'en fais pas une question de santé. Personnellement, je pense que c'est vrai que la cigarette tue, au Canada, beaucoup de jeunes et de moins jeunes. Cependant, le fait de dire qu'on ira jusqu'à interdire la commandite, là je pense que le gouvernement a fait un pas supplémentaire qu'il ne devait pas franchir. Cela met en péril non seulement les grands festivals dont je parlais tantôt, mais aussi le mien.

Avec des retombées économiques de 8 millions de dollars,1,5 million en commandites pour le festival chez nous, on n'a pas les moyens de se faire dire dans deux ans: «On était prêts à vous commanditer, mais le Festival des films du monde vient de nous approcher, et on sera obligés de terminer notre commandite avec vous pour la transférer ailleurs.» Les commanditaires vont toujours là où il y a le plus de prestige, et c'est compréhensible.

Cela a un impact négatif sur d'autres festivals que les grands festivals. J'invite le ministre, le premier ministre et l'ensemble de mes collègues à venir au Festival de montgolfières. J'aimerais beaucoup que le ministre de la Santé vienne l'été prochain. Non seulement, je lui promets qu'on le fera s'envoler dans un ballon, mais on aura aussi certainement un comité d'accueil pour lui expliquer que son projet de loi, on ne l'accepte pas et on n'accepte pas qu'il menace les festivals dont les gens des régions sont extrêmement fiers.

Mon collègue de Trois-Rivières me montrait un message d'une de ses mandataires qui est extrêmement fière du festival de Trois-Rivières. Elle voyait que le Grand Prix de Trois-Rivières est en danger.

C'est partout pareil. À Saint-Jean, on est inquiets. On demande au ministre de reculer, sinon qu'il vienne faire un tour à Saint-Jean, cet été, et on lui assurera un accueil intéressant. On le fera s'envoler en ballon, en espérant qu'il n'atterrisse plus jamais.

[Traduction]

M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement le député d'en face et les autres députés de l'opposition officielle.

Le député a déclaré qu'il en avait assez de la démagogie des ministériels qui appuient le projet de loi C-71. Il prétend qu'il n'existe aucun lien entre les commandites, la publicité et la consommation de produits du tabac. C'est le seul argument de son parti pour justifier leur position à l'égard du projet de loi C-71.

Comment le député d'en face réagit-il aux nombreuses études, aux données et aux preuves irréfutables qui démontrent l'existence d'un lien direct entre la publicité de commandite et la consommation de produits du tabac?

L'Institut national du cancer du Canada a déclaré ce qui suit: «De nombreuses données nous permettent de croire que les jeunes sont sensibles à la publicité sur la cigarette et influencés par elle. La publicité présente des images attirantes pour les jeunes, qui les regardent et les retiennent. Les publicitaires utilisent des images au lieu d'employer des informations, afin de pouvoir illustrer l'esthétique du geste de fumer. Les modèles humains et les caractères de bande dessinée employés transmettent un sentiment d'indépendance et d'assurance, ils sont pleins de ressources, socialement entourés, aventureux, ce sont des modèles attrayants qui pratiquent des activités de jeunes et plaisent aux jeunes et ils ciblent des domaines liés aux principales tâches de développement des jeunes.»

(1545)

Que penser du document que nous recevons de la Food and Drug Administration des États-Unis et qui dit ceci: «Les résultats de recherches en marketing, en psychologie et en sociologie ont montré que la publicité à base d'images, comme celle qu'utilisent les fabricants de cigarettes et de produits de tabac sans fumée, est particulièrement efficace auprès des jeunes et que toutes les informations transmises par des images sont susceptibles de produire un


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plus grand impact sur les jeunes que les autres médias publicitaires.»

L'American Psychological Association a fourni une opinion d'expert en citant de nombreuses études montrant que la publicité du tabac cible directement les facteurs importants pour les enfants et les adolescents et qu'elle joue ainsi un rôle important dans leur décision de fumer.

Quels sont les arguments du député pour réfuter ces éléments de preuve? Je me ferais un plaisir de déposer les éléments de preuve dont je parle si le député veut les examiner. L'Organisation mondiale de la santé. . .

Le Président: Je sais que le député a accidentellement posé des documents sur son pupitre et qu'il les retirera.

M. Keyes: Monsieur le Président, j'indiquais simplement que je serais heureux de déposer ces documents et je m'apprêtais à les remettre au page.

L'Organisation mondiale de la santé affirme: «L'industrie du tabac utilise les commandites sportives et culturelles pour compléter ou remplacer ses autres activités de marketing afin d'atteindre un plus vaste public et d'associer ses produits à des images positives», comme des ballons peut-être.

Le Président: Je remercie le député. Je sais qu'il veut poursuivre, mais je donnerai maintenant à l'autre député l'occasion de répondre.

[Français]

M. Bachand: Monsieur le Président, je vous remercie de me donner l'occasion de répondre. Je me demandais s'il me resterait suffisamment de temps pour répondre.

Écoutez, il ne s'agit pas ici de la Fondation canadienne du cancer, moi, je regarde comment on commence à fumer. Dans mon cas, on a essayé de m'encourager à fumer en arrière de chez moi dans la petite cour. Il est arrivé quelqu'un qui fumait déjà et qui m'a demandé si je voulais essayer, j'ai accepté l'offre. Il n'y avait pas de relais psychologique ou, selon l'Association des psychologues d'Amérique du Nord, ce n'était pas de me dire est-ce que j'ai vu cette marque de cigarettes au Grand Prix Players de tennis ou si c'était au Festival de montgolfières? Ce n'était pas ça du tout. On ne regardait pas la marque de cigarettes. Ce n'est pas la commandite qui m'a forcé à prendre une cigarette et à dire que je voulais l'essayer.

Je remercie le bon Dieu, car je me suis étouffé avec ma première cigarette et je n'ai plus jamais fumé. Ce n'est pas une question de voir sur un tableau une marque de cigarettes ou une autre. D'ailleurs, il y a des études qui contredisent mon collègue et qui disent que cela a une incidence sur les gens qui fument déjà pour passer d'une marque à une autre.

Pour ceux qui commencent à fumer, il y a toutes sortes de cigarettes offertes: les Players, Du Maurier, Benson & Hedges. Alors est-ce que, parmi les gens qui vont voir les feux d'artifice, les jeunes vont fumer des Benson & Hedges, et que ceux qui vont voir le tennis vont fumer des Players? Ce n'est pas ainsi que ça fonctionne. Je conteste les propos de mon collègue et je pense qu'ils sont allés trop loin en coupant dans les commandites. C'est une question de santé pour nous, mais c'est aussi une question de commandite.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, mon collègue de Saint-Jean a généreusement partagé ses 20 minutes avec moi.

Ce que j'ai envie de dire face à cette disposition touchant les commandites, c'est qu'en réalité, comme le dit la chanson, cette loi vise le noir mais elle tue le blanc. Nous sommes d'accord, le Bloc a été d'accord sur l'objectif, sur le principe du projet de loi qui vise à s'attaquer au tabagisme. Mais quand il s'agit de ses dispositions touchant les commandites, il nous est apparu qu'il n'y avait pas de rapport entre les objectifs recherchés, entre les arguments utilisés et les dispositions prévues dans la loi.

(1550)

Cela, d'autant plus que Montréal, qui est extrêmement touchée dans ses événements culturels et sportifs, a déjà été gravement touchée au plan social et économique par les politiques adoptées par ce gouvernement depuis qu'il est au pouvoir. Je m'en voudrais de ne pas en faire une petite revue. Il y a dans cette colère des Montréalais quelque chose qui ressemble à la goutte d'eau qui fait déborder le vase, parce que cela aura un effet économique extrêmement important pour Montréal, et non seulement économique mais culturel et social.

Je fais une revue. Dès le premier budget de ce gouvernement, dans ses coupures que je qualifierais de sauvages à l'assurance-chômage, Montréal a eu des coupures draconienne, dès 1995, 290 millions. Avec le projet d'assurance-emploi, Montréal aussi sera touchée cette année avec une coupure additionnelle de 125 millions. On compte 415 millions en réduction de bénéfices juste pour la région de Montréal, plus de 800 millions cette année pour l'ensemble du Québec.

Le projet de loi C-29 visant à interdire l'additif MMT dans le pétrole, qui touche-t-il? Les pétrolières de Montréal. Les tarifs pour l'utilisation des ports, qui sont touchés? Les Ports du Saint-Laurent, qui paieront plus cher que ceux de l'Atlantique et de l'Ouest pour des services de déglaçage et de dragage. Montréal, en particulier, est touchée.

Il y a à Montréal autant de personnes pauvres que dans toutes les provinces Atlantiques réunies. Où est l'équivalent d'un Hibernia, où le gouvernement fédéral a investi plus de deux milliards, ou l'équivalent d'un pont de l'île, qu'on appellera le pont de la Confédération, pour 130 000 personnes, et qui coûtera 800 millions.

Qu'a fait le gouvernement fédéral des deux aéroports qui devaient être liés par un train rapide entre Dorval et Mirabel? Rien. Pour Montréal, c'était trop cher.

Dans ces circonstances, en ce moment, hic et nunc, aujourd'hui et maintenant, alors que le gouvernement est au pouvoir depuis 1993, aujourd'hui et maintenant, à la veille du Grand Prix, on arrive avec ces dispositions qui menacent gravement, car vous avez vu se soulever l'ensemble des personnes concernées, quand cette décision fut prise à Ottawa, dans ce Parlement, où on entend le premier


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ministre verser encore une larme sur les jeunes du Québec qui fument plus et plus tôt.

Le premier ministre est-il inquiété des rapports qu'il y a entre la pauvreté et la tendance à fumer, alors que le premier ministre de ce gouvernement a appauvri Montréal et le Québec? On sait que Montréal et le Québec ainsi que les régions qui ont un fort taux de chômage sont celles qui ont le plus payé pour la réduction du déficit, que ce soit par les coupures à l'assurance-emploi ou par le transfert social canadien.

Il y a un rapport entre la pauvreté et l'habitude de fumer. C'est vrai pour les jeunes et c'est vrai pour les autres catégories d'âge. Oui, Montréal est pauvre. Et c'est humiliant que de devoir se traîner ici, à Ottawa, pour implorer ou être en colère contre un gouvernement qui méprise les difficultés que vit Montréal, avec un taux de chômage de 15 p. 100. Montréal est une des régions les plus pauvres, quand on considère les municipalités régionales de l'ensemble du Canada, et quand les gouvernements ont cessé de s'occuper de ces événements culturels et sportifs, on est parvenu à obtenir des commandites et à être quand même vivants et vibrants. Là, on coupe ça, maintenant, soi-disant parce que les jeunes vont prendre l'habitude de fumer.

Je ne veux pas que les jeunes prennent l'habitude de fumer, mais je ne veux pas que les jeunes soient utilisés comme prétexte à une politique qui dit viser la santé mais qui, en réalité, s'attaque à l'économie de Montréal et du Québec.

(1555)

Je le répète, c'est humiliant de se faire imposer, comme le disait la présidente de la chambre de commerce de Montréal, une décision sans tenir compte des effets immédiats. Qu'on ne vienne pas me dire que le gouvernement ne voit pas les effets économiques sur Montréal.

Si le gouvernement avait été préoccupé à ne pas produire ces effets économiques, il se serait employé à trouver des solutions. Toutes les propositions de l'opposition officielle ont été rejetées, méprisées, abandonnées. Personne ne me convaincra que l'effet recherché n'est pas de nuire à l'économie de Montréal. Personne ne va m'en convaincre. Il n'y a pas d'urgence immédiate à adopter ces dispositions nocives.

Les jeunes ne commencent pas à fumer parce qu'il y a de la publicité, mais parce que les jeunes autour d'eux fument. Est-ce que le projet de loi interdira des clips de leurs auteurs favoris qui pourraient fumer? Non. Est-ce qu'il interdit les modèles? Non, et il ne pourrait pas le faire non plus.

On cible, on «focusse» sur les commandites. Le chef de l'opposition officielle, dans une question extrêmement simple, mais qui doit être répétée, demandait: «Mais un jeune qui vient de l'Omnium de tennis, que demandera-t-il à ses parents, une raquette ou un paquet de cigarettes?» Il voudra une raquette et en plus, il saura que s'il veut être bon dans ce sport qui exige tant de rapidité, il est mieux de ne pas fumer. Ça, les jeunes le savent.

On a l'impression d'être les dindons de la farce, d'une farce monumentale qui n'est pas drôle, parce qu'elle se fait au sujet de la santé. Oui, nous sommes d'accord avec les objectifs concernant la santé, mais non de cette façon. On nous oblige à choisir entre ce qui serait un objectif de santé et ces événements qui permettent à des jeunes de se «dépatouiller» dans un environnement où les emplois sont rares, à des événements culturels d'attirer des touristes et permettent un certain développement économique qui, autrement, laisserait Montréal dans un état encore plus pitoyable.

Montréal n'est pas ce qu'elle devrait être, c'était la métropole du Canada, c'est la métropole du Québec, mais Montréal a souffert terriblement de cette question non réglée Québec-Canada. Il n'y a pas une métropole qui peut se développer sans avoir un État avec les pleins pouvoirs derrière elle. Et Montréal n'a pas cet État complet derrière elle et elle en souffre gravement ainsi que tout le Québec.

Ce projet de loi qui dit viser le noir, en réalité, tue le blanc, et c'est Montréal et les événements culturels et sportifs du Québec.

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens voudraient demander à la députée si elle croit vraiment à ce qu'elle dit. Est-ce qu'elle pense vraiment que la publicité n'a aucune influence sur la décision des gens d'utiliser un produit ou non? Pourquoi les compagnies de tabac dépenseraient-elles 60 millions de dollars par année?

Elle a dit également que les enfants fument parce que leurs amis fument. C'est trop facile. Cela revient à dire que c'est comme ça, que ce sera toujours comme ça et qu'il n'y a rien à faire. Elle ne propose pas de solution. Elle demande pourquoi le projet de loi s'attaque à l'économie de Montréal. Si elle s'inquiète de l'économie, et je crois qu'elle devrait s'en inquiéter, elle devrait se préoccuper des 40 000 Canadiens qui, l'an prochain, ne participeront plus à l'économie parce qu'ils seront morts pour avoir fumé. Ils n'auront plus d'emploi. Ils ne contribueront plus à la société de façon productive. C'est cet aspect de l'économie dont la députée n'a pas vu l'importance. Les emplois ne servent plus aux gens, une fois qu'ils sont morts.

(1600)

J'ai une question très simple à poser à la députée. Si elle ne peut pas y répondre, il est inutile qu'on lui en pose d'autres.

«Juste pour rire» est un des festivals de Montréal dont les représentants ont dit: «N'est-ce pas épouvantable? Si nous perdons notre commandite, nous sommes finis et tous ces emplois vont disparaître.» Or, le festival «Juste pour rire» ne tire que 10 p. 100 de ses recettes des compagnies de tabac. Est-ce que la députée pourrait dire à la Chambre, aujourd'hui, si elle croît vraiment que «Juste pour rire» va disparaître de la planète s'il perd les 10 p. 100 de ses commandites qui viennent du tabac?


8745

[Français]

Mme Lalonde: Monsieur le Président, j'ai dit que j'étais d'accord avec l'objectif de lutte au tabagisme. Cette lutte inclut et devrait inclure au premier chef la prévention.

Or, ce gouvernement, qui est censé être préoccupé par ces 40 000 morts, qu'est-ce qu'il propose? Un maigre 10 millions de dollars, alors que le Bureau d'information du Canada et tutti quanti font à peu près 67 millions de dollars par année. Si ce gouvernement se préoccupait vraiment de la vie économique de Montréal, il se serait employé à trouver des moyens pour compenser.

Je suis sensible à cette question de la santé, je n'ai même pas besoin de le dire, mais je suis également sensible à la démagogie et au fait que les jeunes qui sont pauvres fument davantage que les autres. On ne peut pas donner à choisir entre la pauvreté et la santé.

Il faut se trouver une solution où on gagne, et pour gagner, il faut faire de la prévention. Il faut que Montréal continue à avoir ses événements. De dire que ce projet de loi est aujourd'hui indispensable pour que demain il n'y ait pas ces 40 000 morts, c'est rire du monde. Il faut trouver une solution, une vraie solution. Et en l'absence de cette vraie solution, je vais croire que l'intention recherchée, c'est de nuire à Montréal et au Québec.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord féliciter ma collègue de Mercier pour son témoignage extrêmement éloquent et sensible sur les effets pernicieux qui affecteront l'économie de Montréal.

Me reste-t-il vraiment rien qu'une minute?

Le Président: Maintenant, c'est 17 secondes.

M. Rocheleau: Eh bien, je vais revenir, car j'ai quelque chose d'intéressant à confier tantôt et j'ai hâte d'avoir le temps de le faire. Je félicite encore ma collègue.

Mme Lalonde Monsieur le Président, je sais la teneur des propos dont le député de Trois-Rivières voulait nous entretenir. Il s'agit d'une lettre d'une de ses commettantes qui a travaillé au Festival de Trois-Rivières, elle est non fumeuse, mais elle appuie tout à fait notre position parce qu'elle dit: «C'est une façon pour moi d'avoir un emploi et je ne comprends pas que le gouvernement libéral s'attaque à ça.»

[Traduction]

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Scarborough-Rouge River.

Tout au long de ce débat sur le projet de loi C-71, on a prouvé hors de tout doute que le tabagisme est on ne peut plus dangereux. Le tabac met en péril la vie de millions de Canadiens tous les jours. Les Canadiens sont de plus en plus conscients des dangers que présente l'usage du tabac. Un consensus s'est fait depuis un certain temps sur la nécessité d'un effort de coordination pour répondre à ce défi qui menace la santé publique.

(1605)

L'annonce que le ministre de la Santé a faite au sujet d'une stratégie globale visant à protéger les Canadiens contre les effets nocifs du tabac est un geste qui a l'appui de tous les députés de la Chambre.

Le projet de loi C-71 est un outil indispensable pour réglementer la publicité et la promotion du tabac et, en définitive, réduire la consommation de tabac.

Force nous est de reconnaître que cette mesure législative a pour but ultime la santé publique, et j'insiste sur les mots «santé publique». Il nous incombe à nous, députés, de faire en sorte que le projet de loi soit adopté rapidement.

Ce débat nous a montré clairement les effets dévastateurs que l'usage du tabac a sur les fumeurs canadiens d'aujourd'hui. Tout aussi alarmant est le sort de toute une nouvelle génération de jeunes Canadiens qui se remettent à fumer à un rythme effarant.

Je vais lire une lettre que j'ai reçue récemment. Elle exprime l'opinion des classes de cinquième et de sixième années de l'école L. E. Shaw, d'Avonport, qui se trouve dans la circonscription d'Annapolis Valley-Hants que je représente. Le professeur écrit ceci:

Les élèves de cinquième et de sixième années se préoccupent énormément des effets du tabagisme sur notre organisme et l'environnement. Nous nous sommes aussi penchés sur la publicité et l'influence qu'elle a sur les gens, notamment les jeunes.
Ces élèves m'exhortent à n'appuyer aucune mesure visant à atténuer les restrictions imposées sur la publicité des produits du tabac.

En ma qualité de parlementaire, j'ai la responsabilité de protéger leurs droits et leur santé. Je suis heureux constater que les mesures prévues dans ce projet de loi constituent une réponse adéquate à la menace que le tabagisme fait peser sur les jeunes Canadiens.

Commençons par ce que nous savons au sujet des jeunes et du tabagisme. Un Canadien sur trois est fumeur et la moitié d'entre eux mourront prématurément à la suite de maladies liées au tabagisme. J'ai été témoin de cette tragédie dans ma propre famille. Les jeunes en sont les plus tragiques victimes. Les jeunes sont les plus vulnérables à la publicité sur le tabac.

C'est pourquoi le gouvernement a accordé la priorité aux jeunes dans l'élaboration de ce projet de loi et de l'ensemble de sa stratégie. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que les jeunes représentent l'avenir de notre pays. Nous devons donc mettre notre espoir en eux en les protégeant et en veillant à leur offrir l'environnement le plus sûr et le plus sain qui soit pour favoriser leur croissance et leur développement.

Cependant, les statistiques montrent que nous avons du pain sur la planche. Vingt-neuf pour cent des adolescents de 15 à 19 ans et14 p. 100 des enfants de 10 à 14 ans sont actuellement des fumeurs. Chez les adolescents de 15 à 19 ans, le tabagisme a augmenté de25 p. 100 depuis 1991. Selon le sondage de 1994 sur le tabagisme chez les jeunes, 260 000 jeunes de 10 à 19 ans ont commencé à fumer cette année-là.


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Des chiffres comme ceux-là se reproduisent dans tous les autres pays. Ces statistiques ont amené l'Organisation mondiale de la santé à considérer le tabagisme chez les jeunes comme une épidémie infantile mondiale.

Ce qui est aussi frappant que les preuves sur le tabagisme chez les jeunes, c'est le fait que ces derniers connaissent les effets de l'usage du tabac. Plus de 90 p. 100 des jeunes de 10 à 19 ans estiment que le tabagisme crée une dépendance. Un pourcentage analogue est d'avis que la fumée du tabac peut être dommageable à la santé des non-fumeurs, et je peux certes en attester. Pourtant, bien qu'ils soient très conscients des dangers, plus du quart des jeunes continuent de fumer.

La recherche indique qu'il existe un lien étroit entre le tabagisme chez les jeunes et le nombre de leurs amis qui fument. La raison que les jeunes donnent le plus souvent pour commencer à fumer, c'est l'influence des amis ou la pression des camarades. Quatre-vingt-cinq pour cent des fumeurs qui ont répondu au sondage ont dit qu'ils ont commencé à fumer avant l'âge de 16 ans. Il semble que ce soit entre l'âge de 12 et de 14 ans que les jeunes décident ou non de commencer à fumer. Bien sûr, les fabricants de produits du tabac connaissent ces statistiques. Ils sont à l'affût de nouveaux clients qui remplaceront la multitude de fumeurs que tue le tabac chaque année.

(1610)

À l'heure actuelle, l'industrie du tabac a un code volontaire qui interdit de faire de la publicité auprès des jeunes ou d'utiliser de la publicité illustrant des jeunes. L'industrie n'hésite toutefois pas à violer ce code.

Ses représentants soutiennent que la publicité n'incite pas les jeunes à prendre l'habitude de fumer, mais encourage simplement les fumeurs plus âgés à changer de marque. Il va sans dire que les jeunes comme ceux que l'on voit à la tribune sont assez délurés pour saisir l'objectif des efforts de marketing des fabricants de tabac.

Parmi les jeunes, quelque 85 p. 100 des fumeurs et 83 p. 100 des non-fumeurs conviennent que la commandite des événements par les fabricants de produits du tabac est un moyen de faire une publicité directe de leurs marques de cigarettes. Je suis convaincu que les jeunes qui sont à la tribune sont d'accord avec cela.

Malgré les allégations de l'industrie du tabac, il est clair que les jeunes sont plus susceptibles de commencer à fumer ou de changer de marque que les gens plus âgés. Autrement, pourquoi les fabricants de produits du tabac appuieraient-ils des événements si populaires auprès des jeunes, tels que des événements sportifs, des festivals de musique populaire ou des spectacles? D'après les jeunes, l'utilisation de noms de marque au cours d'événements commandités par des fabricants de produits du tabac favorise autant la vente des produits du tabac et l'habitude de fumer que l'événement même.

Le projet de loi C-71 fait face à cette réalité et au fait que les fabricants de produits du tabac ciblent indirectement les jeunes. Le projet de loi C-71 limitera l'association des noms de marque d'un produit du tabac avec des événements commandités, tout en permettant aux compagnies de tabac de continuer à commanditer tous les événements qu'ils désirent. La nouvelle loi limitera également la mesure dans laquelle les jeunes sont exposés aux publicités et aux promotions des produits du tabac en interdisant les publicités radiodiffusées ou affichées sur des panneaux routiers ou des panneaux publicitaires à l'intérieur ou à l'extérieur des autobus, de même que les présentoirs dans les commerces. Elle interdit en outre l'utilisation de noms de marque ou de logos d'un produit du tabac sur des articles autres que des produits du tabac qui sont associés aux jeunes ou à un style de vie, comme les casquettes de base-ball et les sacs à dos.

La nouvelle loi réduira également l'accès du tabac aux jeunes en interdisant les machines distributrices et les ventes par courrier, et en exigeant de produire une pièce d'identité avec photo pour prouver qu'on a l'âge minimum.

Ces mesures et d'autres prévues dans le projet de loi ont pour objet de protéger la santé des Canadiens, et des jeunes Canadiens en particulier. Ensemble, elles composent un projet de loi équilibré et raisonnable qui s'attaque à tout l'éventail des facteurs qui contribuent à amener un jeune à décider de fumer.

Depuis que le projet de loi a été présenté, le ministre de la Santé a constamment dit qu'il écouterait les points de vue exprimés dans la consultation à ce sujet. Le ministre a par la suite présenté une série d'amendements qui montrent que notre gouvernement prend sérieusement en considération ce que toutes les parties ont à dire sur ce sujet complexe.

Les amendements que nous avons proposés sont bien simples et se répartissent en trois catégories. Six d'entre eux sont des amendements de détail. Ils visent simplement à préciser davantage certains des termes utilisés dans le projet de loi C-71. Quatre amendements répondent aux demandes des représentants de l'industrie du tabac qui voulaient que le gouvernement clarifie ses intentions. Nous l'avons fait dans le but de donner une plus grande certitude aux parties concernées.

Le dernier amendement répond aux demandes de la part des milieux artistiques, culturels et sportifs. Certains groupes ont exprimé des craintes à propos des répercussions que pourraient avoir les paragraphes 24(2) et 24(3) s'ils entraient en vigueur immédiatement après la promulgation de la loi. Ces dispositions limitent l'étalage des éléments de marque d'un produit du tabac et l'affichage permanent de matériel de promotion.

Le gouvernement reconnaît que plusieurs événements commandités procurent d'importants bienfaits économiques à certaines villes. Nous avons donc accepté de prévoir une période de grâce d'une année incluant deux saisons estivales pour l'application de ces dispositions afin de donner aux groupes concernés plus de temps pour adapter leurs stratégies de promotion.

(1615)

Nous avons présenté ces amendements raisonnables d'une façon qui ne compromette pas l'intégrité du projet de loi ni les objectifs du gouvernement en matière de santé. Je le répète, le projet de loi a pour objet de protéger la santé des Canadiens, et des jeunes Canadiens en particulier.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole en questions et commentaires après le témoignage de mon collègue d'Annapolis Valley-Hants, qui a beaucoup insisté sur l'effet soi-disant pernicieux des


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commandites sur les jeunes et la consommation du tabac par les jeunes.

Le hasard de la vie a fait que, ce matin, j'ai reçu une belle lettre d'une résidante de mon comté qui est âgée de 18 ans, que je n'ai jamais rencontrée, que je ne connais pas et qui a pris soin de m'expédier cette lettre par courrier électronique à 8 h 45 ce matin.

Je vous lis cette lettre qui m'a été adressée par Mme Lisa-Marie Dupont de Trois-Rivières:

«Monsieur Rocheleau,

«Ayant pris connaissance de votre position relativement au dossier des subventions par les compagnies de tabac, je ne peux m'empêcher de vous appuyer. Étant moi-même une jeune fille de 18 ans résidant depuis toujours dans la ville de Trois-Rivières, où est présenté à chaque année le Grand Prix Players, jamais je n'ai touché à une cigarette de ma vie. De plus, j'ai même été bénévole à la salle de presse les deux dernières années, ce qui m'a donné une excellente expérience, très utile pour dénicher un bon emploi. Il est aberrant de croire que la santé relève de commandites; le choix de fumer ou non, chez les jeunes en particulier, relève plutôt de l'éducation et de l'encadrement qu'ils reçoivent.

«Pour une ville comme Trois-Rivières, la présentation de cet événement est des plus importants. Le tourisme connaît une hausse considérable, la ville entière s'anime d'une certaine fierté et des centaines de bénévoles n'hésitent pas à mettre la main à la pâte pour assurer la réussite de l'événement.

«De tels événements assurent le rayonnement national et international des villes et n'est-ce pas un avantage certain à l'aube de la mondialisation des marchés?

«Veuillez ne pas céder aux pressions et maintenir votre point de vue. Il est capital pour la région.

Signé, Lisa-Marie Dupont.»

Il y a une phrase que je voudrais relire à l'intention de mon collègue: «Il est aberrant de croire que la santé relève de commandites; le choix de fumer ou non, chez les jeunes en particulier, relève plutôt de l'éducation et de l'encadrement qu'ils reçoivent.» Cela nous change du discours à courte vue, du sectarisme, d'une sorte d'intolérance que l'on voit du côté du groupe ministériel et un peu trop aussi du côté du lobby-parce que c'en est un-des gens de la santé. Je pense qu'un témoignage comme ça relève de la bonne foi, d'une forme d'intelligence, de sagesse, d'équilibre, de bon sens.

C'est le bon sens qui manque à ce projet de loi, avec lequel nous sommes d'accord à 80 p. 100. Les gens d'en face l'oublient trop souvent. C'est sur la commandite, c'est aux effets pernicieux de ce projet de loi, qui va à l'encontre du développement économique, que nous nous opposons.

Parce que, et j'aimerais que mon collègue commente, si la cigarette tue, se peut-il que le manque d'emploi-ce fut démontré-tue aussi? Pour quelqu'un qui est en chômage, est-ce que ça se peut qu'il consomme davantage de cigarettes qui, elles aussi, vont le tuer? Donc, ce n'est pas en ayant des politiques à courte vue comme celle-là, qui créent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent, qu'on va en arriver à prôner l'intérêt public. J'aimerais que mon collègue commente là-dessus.

[Traduction]

M. Murphy: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Tout d'abord, je félicite la jeune fille qui n'a pas commencé à fumer.

Si les députés se souviennent de mon intervention, j'ai dit que c'est un problème de santé qui est au centre du débat. Il ne s'agit pas d'économie ni de lignes de graphiques représentant autant de personnes sans nom.

(1620)

J'ai une question à poser à mon collègue. Pourquoi les fabricants de tabac dépenseraient-ils des millions en logos très léchés pour faire la publicité du tabac s'ils ne cherchaient pas à entraîner les consommateurs à fumer? Ils nous rendent un bon service, puisqu'ils continueront à faire des commandites, mais prenez-en ma parole, ils ne font pas cela par pure bonté. Ils le font surtout pour attirer les jeunes dans leurs filets, pour remplacer les clients qu'ils perdent, victimes des maladies liées au tabac.

Son argument n'a absolument rien de convaincant. Je n'en retiens qu'une chose: il faut féliciter cette personne qui a arrêté de fumer.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur ce projet de loi, au nom de mes électeurs. Je sais que le projet de loi comporte de nombreux aspects controversés, mais son principe primordial, c'est qu'il y a des Canadiens qui meurent directement à cause du tabagisme.

Il y a une foule de statistiques affreuses qui sont liées au tabagisme. Les chiffres de 1991 révèlent que 41 000 Canadiens sont morts de maladies liées au tabagisme. En Ontario, plus de 12 000 décès par année sont attribuables au tabagisme. On prévoit que plus de la moitié des fumeurs actuels mourront d'une maladie liée au tabagisme.

On a dit que le tabac est le seul produit en vente légale qui est mortel lorsqu'on l'utilise comme le souhaite le fabricant. Les statistiques selon lesquelles la moitié des fumeurs actuels mourront de maladies liées au tabagisme signifient que le pourcentage de décès est de 50 p. 100. Il y a des armes de guerre qui, même si nous ne les utilisons plus beaucoup maintenant, font moins de 50 p. 100 de victimes. Ce type de toxicité a des effets aussi dévastateurs que les armes de guerre et peut-être le cyanure, l'amincissement de la couche d'ozone ou les balles. Ce sont là autant d'aspects que la société doit réglementer pour assurer le bien-être général de ses citoyens.

Le projet de loi fait essentiellement quatre choses. Il limitera davantage l'accès des jeunes aux produits du tabac. Il restreindra la promotion de produits du tabac auprès des jeunes. Il exigera des informations supplémentaires relatives au tabagisme sur les emballages de produits du tabac. Enfin, il établira de nouveaux pouvoirs permettant de réglementer davantage la vente et l'usage de produits du tabac.


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La plupart des activités de réglementation sont déjà prévues dans les dispositions législatives actuellement en vigueur. Le projet de loi améliorera ou peaufinera toutefois ces dispositions.

Il a été abondamment question des répercussions du projet de loi sur les événements publics commandités par les fabricants de tabac. Ceux-ci parrainent ces événements dans le cadre de leurs campagnes publicitaires. Comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure, pourquoi les fabricants de produits du tabac dépenseraient-ils 66 millions de dollars par année en publicité s'ils n'en tiraient aucun bénéfice? Si les entreprises font de la publicité, c'est parce que cela augmente leur capacité de réaliser des bénéfices.

Quant aux répercussions que le projet de loi aura sur les événements publics actuellement commandités par des publicités sur le tabac, il ne s'agit pas de préoccupations propres à l'Ontario, au Québec, à Toronto ou à Vancouver. Je suis déçu que les fabricants de tabac et les lobbyistes prennent fait et cause pour le Québec pour servir leurs intérêts. Je ne crois pas que cela fasse avancer nos travaux à la Chambre. Je ne pense pas qu'il soit utile pour les Canadiens d'aborder la question sous cet angle.

(1625)

Il est vrai que de fortes sommes sont dépensées à Montréal pour ces événements. En tant que représentant de ma région, je sais qu'il en va de même à Toronto. Les gens viennent de partout pour prendre part aux activités. Mentionnons le Festival des feux d'artifice Benson and Hedges, le Festival de jazz Du Maurier.

M. Silye: C'est de la bonne publicité pour eux.

M. Lee: Cela ne me fait pas peur. J'en parlerai plus tard. Je ne crains pas de mentionner le nom d'un fabricant de tabac dans cette enceinte. Je ne crains pas de tenir une cigarette dans ma main. Je ne fume pas. Il faut prendre garde de ne pas tout criminaliser dans la société. Nous ne voulons pas criminaliser les choses comme nous l'avons fait avec les armes à feu. Il y a des gens honnêtes qui possèdent des armes à feu. Il y a aussi de bonnes gens qui fument. Reconnaissons-le.

Il arrive qu'il y a un festival de jazz à Toronto. Il y en a un aussi à Montréal et à Vancouver, et il s'adonne qu'une compagnie de tabac commandite une partie des activités de ces festivals. C'est une bonne chose qu'un festival de jazz. Je veux que ces événements continuent. Le gouvernement reconnaît qu'il pourrait y avoir une période d'adaptation difficile. C'est pourquoi il a prévu un délai d'adaptation de deux étés. Certaines dispositions de forme du projet de loi pourraient rendre l'adaptation plus difficile. Le pouvoir de réglementation du ministre pourra peut-être aplanir les difficultés.

En ma qualité de député, je travaillerai très fort, de concert avec d'autres membres de la collectivité, pour assurer la survie de ces événements sans l'appui financier élevé que leur accordent actuellement les compagnies de tabac. Cela ne signifie pas qu'il ne peut y avoir aucune commandite par les sociétés productrices de tabac, mais, aux termes du projet de loi, cette commandite sera réduite.

Nous avons deux saisons pour nous adapter. J'espère que nous réussirons. Je félicite les sociétés productrices de tabac d'avoir choisi la voie de l'innovation qui leur permet de trouver des moyens originaux d'annoncer leurs produits, mais à l'intérieur des limites fixées par la loi. Je les exhorte à rester loin de nos jeunes, mais je n'ai rien contre le fait de participer à un festival commandité par une société productrice de tabac.

J'ai trouvé très décevant de voir ces derniers jours dans les médias des déclarations sur l'annulation possible de la télédiffusion au Canada d'une course automobile ayant lieu en Australie. On a peine à imaginer qu'une agence de publicité ait envisagé cela.

Le projet de loi n'a pas encore été adopté par la Chambre des communes et il faut aussi qu'il passe par le Sénat. Il n'a pas encore force de loi et il y a déjà des gens qui disent: «Nous allons punir les Canadiens parce qu'ils envisagent cette mesure. Nous allons punir les fans de Jacques Villeneuve. Nous allons victimiser les Canadiens parce qu'ils songent à adopter ce projet de loi.»

J'ai été très déçu. Honte à ceux qui ont pensé que c'était là un moyen de nous influencer. J'espère que l'événement sera présenté et que les fans de Jacques Villeneuve pourront le voir.

Je voudrais m'arrêter à la disposition du projet de loi qui permet à la Chambre d'examiner les règlements élaborés par le ministre. Sauf erreur de ma part, c'est le premier projet de loi depuis longtemps à comporter une telle disposition. Je félicite la députée de Lambton-Middlesex d'avoir formulé et proposé cette disposition. Nous voudrons peut-être ajouter cette disposition à d'autres projets de loi compte tenu des nombreux pouvoirs de réglementation délégués, non seulement dans le projet de loi à l'étude, mais dans de nombreux autres aussi. Dès que la Chambre des communes délègue ces pouvoirs, les députés voient rarement les règlements adoptés. Avec l'amendement de la députée, les règlements élaborés en vertu de la loi devront être approuvés par la Chambre des communes.

(1630)

M. Penson: Il faut reconnaître le mérite à ceux qui en ont.

M. Lee: C'est ce que je fais. Je reconnais le mérite de tous les députés qui ont pris part à cette initiative. J'ai soulevé cette question plus tôt parce que d'autres députés m'avaient aiguillonné, mais je suis néanmoins mal à l'aise quand je vois qu'on tente de faire passer les fumeurs pour des démons. Je sais bien que ce n'est pas ce que nous essayons de faire ici, mais, soucieux d'accélérer le processus politique et d'adopter le projet de loi, nous pouvons dire que le tabagisme est mauvais pour la santé. En réalité, il peut être mortel. Nous devons reconnaître que beaucoup de bonnes gens sont dépendantes du tabac. Nous devons essayer de leur trouver des portes de sortie.

En terminant, nous considérons aujourd'hui le tabac comme l'ennemi du genre humain.

Nous avons mis 400 ans, depuis l'époque de Sir Walter Raleigh, pour en arriver là. Voyons les choses telles qu'elles sont et reconnaissons que d'autres pays, notamment la France et les États-Unis,


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qui se soucient de la santé de leurs citoyens, font comme nous. Je suis disposé à appuyer le projet de loi.

[Français]

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, je voudrais d'abord rappeler à mon collègue une observation qu'il vient de faire en utilisant des termes comme «je suis scandalisé», «c'est décevant et scandaleux de voir des gens utiliser les médias pour faire en sorte qu'on se penche sur les conséquences et les effets du projet de loi, soit leurs événements ou leurs activités économiques». Il a dit: «C'est scandaleux de voir ces gens qui attirent l'attention d'un certain nombre de personnes.»

Or, on a soulevé en Chambre les agissements de son propre collègue, le ministre de la Santé, et c'est entre les mains de la Présidence, qui, avant même que le projet de loi ne soit adopté, parlait, à pleines pages dans les journaux, de la «loi». Il ne parle pas du projet de loi, il parle de la loi 71. Ce qui est scandaleux, ce n'est pas tellement que des gens attirent l'attention, c'est plutôt qu'un ministre parle d'une loi qui n'est même pas adoptée ici au Parlement. Ça c'est scandaleux, pas l'inverse.

Je voudrais rappeler dans ce commentaire que l'opposition officielle a non seulement voté pour le principe du projet de loi en deuxième loi, mais a travaillé en comité et présenté pas moins de 32 amendements proactifs dans la lutte contre le tabagisme. Qu'a fait le gouvernement? Il a rejeté nos amendements. Il n'a pas cru à la valeur de nos amendements proactifs dans la lutte contre le tabagisme, et n'a pas cru qu'ils pourraient être utiles au gouvernement. Pourquoi? Parce qu'il rejette tout d'emblée. Il est intransigeant, ce gouvernement, et il rejette d'emblée l'apport des autres.

L'autre aspect extrêmement important est qu'on a tenté de sensibiliser ce gouvernement, pas pour l'éloigner de la lutte au tabagisme, mais sur les conséquences directes de 30 millions de dollars de retombée économiques sur des événement et l'amener à comprendre que dans plusieurs pays, on a prévu la transition. Il est possible de négocier, de prévoir des outils de transition.

L'Australie en a prévu, la France s'apprête à assouplir son projet pour reconnaître les grands événements. C'est la même chose en Autriche. En Hongrie, on permet des grands événements. En Belgique, on vient juste de déposer un projet de loi dans lequel on prévoit les événements sportifs et connexes. Ce gouvernement a démontré son intransigeance à cet égard et c'est là-dessus qu'on voudrait amener le gouvernement à être plus responsable.

[Traduction]

M. Lee: Monsieur le Président, le député parle, avec raison, de la nécessité d'apporter des ajustements à un aspect important du projet de loi, celui de la transition. L'argument est juste. Nous avons besoin d'une période de transition pour les tabaculteurs canadiens et des mesures ont déjà été prises en ce sens.

(1635)

En ce qui concerne la publicité, le député reconnaîtra que le projet de loi prévoit une période d'attente de deux étés avant la mise en oeuvre afin de permettre d'apporter des ajustements à certaines interdictions concernant la publicité. Je sais le mécontentement que peut ressentir un député de l'opposition lorsqu'il a l'impression que le gouvernement ne fait rien. J'ai moi-même siégé de l'autre côté pendant cinq longues années. On ne gagne pas à tous les coups.

Je suis heureux de voir que l'opposition officielle donne son appui de principe au projet de loi. Il n'en tient qu'à elle de s'accrocher ou non aux détails. Le projet de loi est fidèle au principe, et je suis heureux que l'opposition l'appuie. J'espère qu'elle votera pour le projet de loi à l'étape de la troisième lecture.

* * *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je crois que les partis se sont consultés au sujet de la motion suivante. Je propose:

Que, lorsque la Chambre s'ajournera le jeudi 13 mars 1997, elle demeure ajournée jusqu'au lundi 17 mars 1997.
Le vice-président: La Chambre a entendu les termes de la motion. Y a-t-il consentement unanime pour que le secrétaire parlementaire propose la motion?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

* * *

LA LOI SUR LE TABAC

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, l'étiquetage et la promotion des produits du tabac, modifiant une autre loi en conséquence et abrogeant certaines lois, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Calgary-Centre.

Je tiens à dire, au nom de mes électeurs d'Okanagan-Similkameen-Merritt, que nous sommes opposés au projet de loi C-71 du gouvernement sur le tabac. J'ai discuté longtemps de ce projet de loi avec mes électeurs. Nous en avons parlé lors d'assemblées publiques, et j'ai reçu beaucoup de lettres à ce sujet. Lorsque les libéraux ont présenté le projet de loi, des gens m'ont appelé pour me faire part de ce qu'ils en pensaient. J'ai aussi effectué un sondage dans ma circonscription.

Les résultats ont confirmé qu'une importante majorité des gens qui ont répondu ne croient pas que le fait d'augmenter les taxes incitera les gens à ne pas fumer. Fait plus important, 70 p. 100 des répondants qui avaient moins de 18 ans ont dit que les taxes n'étaient pas un facteur dissuasif.


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Lors de ma récente visite à l'école secondaire Keremeos, nous avons discuté du projet de loi. Nous avons fait un sondage en classe. Les étudiants sont tombés d'accord pour dire que ce ne sont pas les dispositions de ce projet de loi qui les inciteraient à ne pas fumer. Qui plus est, ils estiment que les effets négatifs du projet de loi feront plus de mal que de bien.

Les étudiants énumèrent les problèmes qui découleront de l'adoption du projet de loi. Ils sont d'avis que la contrebande de cigarettes reprendra de plus belle et que les vols se multiplieront dans ce secteur. Ils craignent que ce projet de loi ne se traduise par une hausse de la criminalité chez les jeunes.

J'ai reçu un grand nombre d'appels téléphoniques, de lettres et de télécopies de gens d'affaires de ma circonscription au sujet du projet de loi. Ces détaillants ont déjà fait leur possible pour prévenir la vente de produits du tabac aux jeunes. Ils sont en colère parce que les mesures que renferme le projet de loi les touchent directement. Parmi ces détaillants figurent Lai Wah Lok, propriétaire du dépanneur Courtesy Corner de Lower Nicola, Adam Eneas, propriétaire du marché Snow Mountain de Penticton, Denis Bissonette, propriétaire de la boutique hors-taxes d'Osoyoos et Dennis VanRaes de la station-service Super Save de Penticton.

Ils m'ont tous écrit pour me dire qu'ils s'insurgeaient contre ce projet de loi. Ils m'ont exposé les effets directs que le projet de loi C-71 ne manquerait pas d'avoir sur leurs commerces. Ils sont furieux contre les libéraux. Ils m'ont fait part des frais de construction qu'ils devront assumer pour adapter leurs établissements aux exigences relatives à l'étalage des produits du tabac qu'impose cette mesure législative. Leurs chiffres d'affaires vont chuter quand le projet de loi C-71 deviendra une loi. Ils devront pratiquement s'en remettre à une méthode clandestine pour vendre leurs produits du tabac.

(1640)

Les libéraux devraient être en train de créer un climat qui favorise la croissance des petites et des moyennes entreprises. À la place, ils pénalisent les entrepreneurs en leur imposant des chinoiseries administratives, des restrictions et de la bureaucratie.

Le projet de loi C-71 prévoit la mise en place d'une police spéciale chargée de surveiller les petites entreprises, afin qu'elles ne contreviennent pas à ses dispositions. Une telle chose est incroyable au Canada, sans compter qu'elle entraîne des coûts exorbitants.

Avec le projet de loi C-71, nous voyons que la solution des libéraux consiste toujours à imposer des règlements, des lois et des hausses d'impôt. Le projet de loi ne règle pas le problème. Les libéraux nous laissent encore tomber.

La solution au problème des jeunes fumeurs réside vraiment dans l'éducation. Mes électeurs et moi-même demandons au gouvernement d'informer nos jeunes des effets du tabagisme.

Les enfants ne sont pas stupides, quoi qu'en pensent les libéraux. J'ai parlé avec de nombreux jeunes, des étudiants et des élèves, partout dans ma circonscription. Ils sont tous soif d'apprendre, cela saute aux yeux. Les libéraux devraient se débarrasser de ce projet de loi et de toutes ses dispositions et centrer leurs efforts sur des échanges directs avec les enfants.

Le projet de loi montre clairement que les libéraux ont carrément rejeté la possibilité de consacrer le temps, les efforts et les ressources du gouvernement fédéral pour envoyer directement des messages antitabac aux jeunes Canadiens.

Mes électeurs refusent de conférer au gouvernement fédéral plus de pouvoir et de contrôle sur leur vie. Nous ne voulons pas que l'État s'ingère davantage dans nos vies.

Par conséquent, avec ce projet de loi, les libéraux ne dissuadent pas de fumer. Ils obligent les Canadiens plus âgés à payer davantage pour une substance à laquelle ils sont devenus intoxiqués, le tabac, dont l'usage a été légal durant toute leur vie. Il n'est pas équitable de taxer les aînés qui ont commencé à fumer il y a plusieurs décennies et qui sont incapables de cesser.

Le projet de loi ne devrait pas chercher à punir les fumeurs, mais plutôt à empêcher de fumer ceux qui ne fument pas déjà, surtout les jeunes Canadiens.

Le projet de loi impose une véritable interdiction sur la commandite par les fabricants de produits du tabac, mais le ministre libéral de la Santé n'y trouve rien à redire. Il parle de l'excellente rentabilité des banques en disant que ces dernières devraient commanditer les événements que les libéraux empêchent maintenant les compagnies de tabac de commanditer.

Le ministre formule-t-il par là une menace? Les banques seront-elles le prochain secteur auquel les libéraux s'en prendront dans leur effort pour remédier au problème du tabagisme? Combien de taxes les libéraux condamneront-ils les banques à payer pour financer les événements sportifs et culturels qu'ils auront eux-mêmes privés de leur financement?

Quel autre secteur les libéraux vont-ils taxer pour financer ces événements? D'autres institutions financières? Les entreprises de communications ou les compagnies de téléphone, peut-être? Je prédis que les libéraux jetteront leur dévolu sur un secteur prospère qui emploie beaucoup de Canadiens. Ils s'emploieront ensuite à tuer ces emplois. Ils s'attaqueront à ce secteur en leur imposant une ponction fiscale et le forceront à payer pour le financement que les événements culturels et sportifs ont perdu. Voilà la solution libérale à tous les problèmes. Imposer des charges fiscales qui ont pour effet de tuer les emplois.

Le projet de loi impose une véritable interdiction sur la publicité des produits du tabac. Dans ma carrière précédente, je vendais de la publicité. À mon avis, le projet de loi montre clairement que les libéraux se sont mépris gravement sur le fonctionnement de la publicité. Les libéraux ont gravement exagéré l'influence de la publicité sur la population.

Les libéraux croient qu'on peut mener le cheval à l'abreuvoir et le forcer à boire. Ce projet de loi et l'accent qu'il met sur la publicité sont une insulte à l'intelligence des Canadiens.

Je ne fume pas. Je n'ai jamais fumé. La publicité sur le tabac ne m'influence pas. Lorsque j'étais jeune, je n'ai pas été influencé par


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la publicité sur le tabac, pas plus que par un de mes parents, trois de mes frères et soeurs ou la plupart de mes camarades qui fumaient.

Selon les libéraux, qui sont ceux qui sont touchés et influencés par la publicité sur le tabac? Les jeunes avec qui j'ai discuté n'ont pas l'impression non plus d'être influencés par cette publicité. Les produits se vendent grâce à des efforts de promotion qui visent les consommateurs de ces produits. Les sociétés veulent s'assurer une part du marché, une part du gâteau, c'est-à-dire les fumeurs et seulement les fumeurs. La publicité sur le tabac est destinée aux fumeurs.

(1645)

Les fabricants de tabac cherchent à accroître les ventes de leur marque en s'emparant d'un pourcentage plus élevé du marché. Leur effort publicitaire ne vise pas les non-fumeurs. Ces campagnes-là ne donnent rien. On n'arrive pas à recruter de nouveaux fumeurs. Les résultats ne valent pas les efforts qu'on y met. Du point de vue des ventes et des campagnes de publicité, ce ne sont pas les adolescents qui sont la cible, mais les fumeurs.

Si vous vendez des Cadillac, vous allez crever de faim si votre stratégie est de cibler le consommateur qui conduit une voiture compact. Votre publicité doit s'adresser au consommateur de voitures de luxe. On peut arriver à vendre une Cadillac à un consommateur qui possède une Lincoln.

Les libéraux pensent que les Canadiens sont stupides. Ce projet de loi ressemble tellement à toutes les lois que les libéraux ont proposées et fait adopter au cours de la législature. Ils aiment les administrations lourdes, qui ont besoin d'impôts élevés, et leurs politiques nous ont valu un très haut taux de chômage. Ce projet de loi obéit à cette même tendance de gouvernement déficient.

Les produits qui aident les fumeurs à renoncer à la cigarette deviennent de plus en plus populaires. Le patch et d'autres thérapies qui aident à arrêter de fumer sont une industrie florissante. Qu'ont fait les libéraux pour aider les Canadiens à arrêter de fumer? Ils ont augmenté les taxes et ils promettent de les augmenter de plus en plus à l'avenir. C'est pathétique.

Mes électeurs et moi sommes étonnés du parallèle qu'on peut faire entre ce projet de loi et les modifications que les libéraux ont annoncées le mois dernier dans le Régime de pensions du Canada. La Loi sur le tabac proposée par les libéraux n'est pas une solution, et elle s'attaque à des Canadiens qui ne méritent pas semblable traitement.

Dans le cas du RPC, les libéraux s'en prennent aux jeunes Canadiens parce que les gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédés à la tête de notre pays ont mal géré le régime. Les jeunes doivent payer le prix fort à cause de ces charges sociales qui sont le prélèvement fiscal le plus lourd de notre histoire. Les libéraux ont promis de créer des tas d'emplois. Leur Loi sur le tabac va en faire disparaître des milliers dès qu'elle touchera les petits magasins, les cafétérias, les haltes routières et les postes d'essence.

Mes électeurs et moi croyons que ce projet de loi n'empêchera pas les jeunes de commencer à fumer, et c'est pourquoi je suis très fier de dire que, au nom de mes électeurs, je vais voter contre le projet de loi C-71.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai été vraiment interloqué lorsque le député a commencé son allocution en annonçant qu'il allait expliquer pourquoi il n'appuiera pas le projet de loi sur le tabac, le projet de loi C-71, après que la vaste majorité de ses collègues eurent pris la parole ici et présenté avec tellement d'éloquence les répercussions fondamentales du tabac sur la santé et le coût du tabagisme pour notre société, non seulement en argent mais en vies humaines.

Le député dit avoir demandé à des jeunes s'ils croyaient être influencés par la publicité. Ils ont répondu que non et le député s'en est tenu à cela. Ce qu'il y a d'ironique, c'est que les recherches qui sont menées depuis 25 ans montrent très clairement que si l'on n'a pas encore commencé à fumer à l'âge de 19 ans, on ne sera probablement jamais un fumeur. Il ne fait aucun doute que tout le monde sait cela dans l'industrie du tabac aussi bien que dans le secteur de la santé. Le député sait aussi que les compagnies de tabac consacrent quelque 66 millions de dollars par année à la publicité et qu'elles produisent des paquets de cigarettes minces qu'elles appellent des slim pour attirer les jeunes femmes. Les statistiques nous disent que le cancer du poumon est la première cause de décès chez les femmes.

(1650)

Je n'ai pas besoin d'expliquer l'incidence de la publicité au député, car il a déjà travaillé dans le secteur de la publicité. C'était son métier. Comment peut-il venir dire ici que la publicité n'a aucune influence? Elle ne peut pas à la fois avoir et ne pas avoir d'influence.

Je voudrais simplement que le député explique à nouveau aux Canadiens pourquoi il croit que la publicité sur le tabac n'a aucune influence sur les enfants.

M. Hart: Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour sa question. Permettez-moi de réagir aux premières observations qu'il a faites, lorsqu'il s'est dit surpris de constater qu'un député réformiste s'était levé pour exprimer des idées que ne partagent pas d'autres membres de son parti. C'est là pourtant la différence entre notre côté de la Chambre et le sien. Nous ne craignons pas d'exprimer des opinions contraires. Nous pouvons, si nous le voulons ou si nos électeurs le demandent, nous prononcer contre la position qu'adopte notre parti.

Je peux comprendre qu'il soit surpris et un peu jaloux de la position que je prends aujourd'hui, puisque cela ne lui est pas permis dans le Parti libéral du Canada ou au sein du gouvernement.

Oui, j'ai longtemps travaillé dans le domaine de la publicité et je peux vous dire que la publicité est conçue en fonction des consommateurs qui veulent se procurer un produit en particulier. Le consommateur n'achète pas un produit dont il ne veut pas.

Dans l'exemple que j'ai utilisé, j'ai bien précisé qu'un vendeur de Cadillac ne peut vendre une voiture à quelqu'un qui préfère conduire une compact. Le vendeur perdrait son temps s'il tentait de convaincre ce consommateur. Sa publicité vise les gens qui s'inté-


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ressent aux voitures de luxe. Elle vise une part du marché bien précise. Le député est bien naïf de penser que toutes les formes de publicité peuvent convaincre les gens de modifier leur mode de vie ou leur comportement.

C'est la même chose dans le domaine des produits pour l'auto. On ne peut pas vendre de l'antigel l'été, en pleine canicule. C'est impossible. Dans une part de marché, il faut qu'il y ait une demande pour le produit. Les sociétés cherchent à accroître leur part du marché aux dépens de leurs concurrents.

M. Silye: Monsieur le Président, ce projet de loi m'apprend beaucoup de choses sur la vie en général. Au Canada, nous avons des droits et des libertés que garantit. . .

Le vice-président: Je m'excuse auprès du député, mais je dois lire quelque chose avant 17 heures. Me permettra-t-il de le faire et il pourra ensuite poursuivre avec 20 secondes de plus pour compléter son intervention?

[Français]

Conformément au Règlement, je dois faire connaître à la Chambre la question qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir: l'honorable député de Parry Sound-Muskoka, Les petites entreprises.

[Traduction]

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, au Canada, nos droits et libertés sont garantis, mais pas systématiquement. Il arrive que les gouvernements interviennent dans notre quotidien, au nom d'un intérêt supérieur, en adoptant de nouveaux règlements et lois.

Le projet de loi C-71 est un exemple de mesure qui ne se limite pas aux produits du tabac, à leur usage ni à qui peut les utiliser et où. Il traite aussi des droits et responsabilités.

Avant d'aller plus loin, permettez-moi de dire que, parce que je souscris entièrement à l'objectif du projet de loi qui vise à assurer le bien-être des enfants mineurs, à les renseigner et à les protéger-une responsabilité importante de tous les paliers de gouvernement-je voterai en faveur du projet de loi.

Celui-ci restreindra la publicité aux revues dont moins de 15 p. 100 du contenu est destiné aux jeunes. Il sera interdit de faire de la publicité sur des panneaux-réclames et les abribus, mais la publicité sera autorisée dans les endroits et les lieux interdits aux mineurs. Les produits du tabac ne pourront être exposés que dans les établissements de vente au détail, et il n'y aura aucune distributrice dans les endroits publics.

Enfin, la restriction qui préoccupe les fabricants de tabac et, bien entendu, les députés bloquistes, c'est celle qui limite le matériel de promotion de commandite à 10 p. 100 de la surface d'exposition.

(1655)

Ces règlements n'empêcheront pas les jeunes de fumer. Ils constituent une mesure dissuasive, mais ils ne sont qu'un pas dans la bonne direction. Ce qu'il faut, c'est informer les gens.

Il faudrait accorder des fonds à des organismes légitimes, comme le Neighbourhood Tobacco Recovery Network, qui est actif d'un océan à l'autre et qui rejoint les autochtones. Nous devons apprendre aux jeunes femmes que le fait de fumer ne les aide pas à garder leur ligne. Je pense que bien des jeunes femmes fument pour cette raison. Elles croient que cela les aide à garder leur ligne.

J'encourage le ministre à commencer à investir dans les écoles, les groupes, les hôpitaux et d'autres endroits où nous pouvons informer toutes les personnes intéressées et leur communiquer des renseignements justes qui les aideront à prendre une décision éclairée.

Cela m'amène à la question plus importante. L'extrait suivant est tiré d'une étude de la Bibliothèque du Parlement sur la responsabilité civique au Canada, qui date du 22 août 1994:

Au Canada . . . les droits individuels sont inscrits dans la Constitution et protégés par les lois fédérales, provinciales et territoriales. Même s'il est généralement accepté que ces droits sont assortis d'obligations, les responsabilités individuelles ne semblent pas être autant à l'avant-scène de la société canadienne que les droits individuels. En outre, ce ne sont pas simplement la protection et l'avancement des intérêts personnels qui constituent le fondement de la responsabilité civique. Il faut mentionner aussi l'existence d'une obligation publique plus globale qui consiste à faire avancer l'intérêt ou le bien communs. La responsabilité à cet égard a trait au développement, au maintien, à la transformation et à l'amélioration de la collectivité dans son ensemble.
Étant donné que tant les droits que les responsabilités représentent une condition essentielle au bon fonctionnement de toute société, nombre de gens estiment qu'il faut maintenant mettre un peu plus l'accent sur les responsabilités publiques afin de souligner, de préserver et de renforcer le tissu social du Canada.
Voici la partie que j'aime:

L'équilibre doit toujours être maintenu entre la liberté individuelle, la liberté d'autrui et les demandes raisonnables de la collectivité.
C'est la recherche de cet équilibre qui divise les Canadiens. C'est la recherche de cet équilibre qui fait que les compagnies de tabac, les détaillants, les partis politiques et les provinces se dressent les uns contre les autres. C'est un problème difficile à résoudre. Le principal problème est l'empiétement dans le domaine des droits et libertés. Cependant, il arrive parfois que l'on oublie les responsabilités.

Certes, il n'est pas douteux que la publicité et l'accessibilité incitent les jeunes à fumer, mais il reste que le projet de loi ne s'attaque pas aux deux principales causes du tabagisme. À mon avis, mon collègue, le député d'Okanagan-Similkameen-Merritt, qui vient de parler, a sous-estimé l'importance de la publicité. Celle-ci exerce une très grande influence sur les gens. C'est ce qui explique pourquoi les fabricants et les détaillants y consacrent des milliards de dollars. Ils ne font pas que viser les fumeurs, ils tentent de convaincre les non-fumeurs de commencer à fumer en leur faisant miroiter des styles de vie merveilleux.

La publicité est un facteur important, et le projet de loi s'attaque à cette question. J'appuie cette mesure. Toutefois, les deux principa-


8753

les raisons pour lesquelles les jeunes commencent à fumer, auxquelles le projet de loi ne s'attaque pas et ne peut s'attaquer, mais dont je parlerai parce que cela a trait aux responsabilités des gens dans la société, sont que les adultes et les parents fument. Les enfants voient des adultes fumer partout. Les adultes disent à leurs enfants qu'ils ne peuvent pas fumer. Ils leur disent qu'ils sont trop jeunes, que cela n'est pas bon pour eux. Par contre, lorsque les enfants voient les adultes fumer, quelle influence cela a-t-il sur eux? Je ne sais pas comment régler ce problème, mais il est là.

La deuxième raison qui incite les jeunes à fumer est l'influence des pairs: être dans le coup, être accepté. Ce phénomène touche chaque génération. Nous avons tous vécu cela lorsque nous étions jeunes. Nous nous sommes tous révoltés contre la vieille génération, dont je fais maintenant partie. Les jeunes aiment se révolter. J'ai cinquante ans et, pour les trois ou quatre générations que j'ai connues, fumer était une façon de se révolter. Et cela continuera.

Cependant, nous pouvons lutter contre cela en sensibilisant mieux les jeunes aux effets du tabac et au degré plus élevé de dépendance que crée la cigarette comparativement à l'alcool. Toutes ces statistiques sont importantes. Peut-être qu'une bonne solution serait d'amener un jeune derrière la grange quelque part et de lui donner un cigare ou de le forcer à fumer la moitié d'un paquet de cigarettes jusqu'à ce qu'il en soit malade. Cela réglerait le problème pour cette personne. Selon un député bloquiste, dès qu'on fume une cigarette, on est accroché pour la vie et on en veut une autre après cinq minutes.

(1700)

Ce sont là certaines des questions qui font que ce projet de loi ne résoudra pas vraiment le problème de l'usage du tabac chez les jeunes. Nous savons que ce problème continuera d'exister. Il est important de trouver un équilibre, particulièrement lorsqu'il s'agit de quelque chose de légal, car nous ne devons pas oublier que l'usage du tabac est légal. Le gouvernement essaie de faire trop de choses en même temps. Il doit faire très attention pour équilibrer tous les aspects de la question, soit les droits de la personne, les droits des sociétés, les responsabilités des citoyens et le coût pour notre société sur le plan de la santé et de la perte des libertés.

C'est aussi une question d'argent. L'industrie du tabac est une industrie saine et prospère. Elle génère des profits énormes et paie des impôts. Les gouvernements perçoivent cet argent et le réinvestissent.

Un électeur de ma circonscription m'a écrit à ce sujet, et je lui ai dit que j'en parlerais la prochaine fois que je prendrais part au débat. Le problème, c'est que la consommation de tabac et d'alcool a des répercussions sur les contribuables qui ne fument pas et ne boivent pas, car une partie de leurs impôts sert à payer les soins médicaux de ceux qui fument et qui boivent parce que fumer et boire, comme manger, peut entraîner des maladies. Apparemment, rien de ce que nous absorbons n'est sans risques.

En tant que politiciens, nous avons une responsabilité. Je crois que le projet de loi, justement parce qu'il s'attaque précisément au tabagisme chez les jeunes, vise à finir un travail commencé par le gouvernement précédent lorsqu'il a réglementé un produit légal. Il est préférable de surveiller ce produit et de le réglementer que de l'interdire, car il est évident que l'interdiction du tabac donnerait naissance à une grande activité clandestine. Il y aurait beaucoup plus de gens qui commettraient des crimes. Nous ne voulons pas transformer les fumeurs en criminels.

Le débat est complexe. Je suis en faveur d'une meilleure information des jeunes, d'une moins grande accessibilité du produit et le reste. Cependant, en tant qu'homme d'affaires, je n'aime pas cela. Je me sens très menacé par un gouvernement qui me dicte la façon de commercialiser mon produit, qui me dit comment le vendre et comment l'annoncer. Je trouve tout cela très désagréable.

D'un autre côté, je crois que le gouvernement et le ministre de la Santé ont fait des efforts louables pour tenter de concilier les divergences de vues. En écoutant le débat d'aujourd'hui, j'ai presque eu peur. Si le tabac est si mauvais, peut-être devrions-nous prendre des mesures plus sévères. J'imagine que nous ne le rendrons pas illégal. Nous continuerons de le surveiller et de le réglementer et d'essayer de le garder hors de portée de ceux qui se laissent le plus facilement influencer, qui peuvent en devenir esclaves le plus rapidement et le plus longtemps, ce qui raccourcit leur vie.

Tout bien considéré, j'estime que le projet de loi mérite d'être adopté et il ne fait aucun doute que la majorité des députés réformistes l'appuieront. Je tiens à féliciter notre porte-parole dans ce domaine, le député de Macleod, qui a suivi très attentivement le débat qui a eu lieu au sein de notre caucus. Il y avait beaucoup de divergences d'opinions entre nous, mais le député a participé au débat de bon coeur et a très bien fait ressortir tous les aspects de cette question fort complexe.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je voudrais remercier mon collègue de Calgary-Centre de son exposé.

(1705)

Il a abordé, à sa façon, l'objection majeure que nous avons face à ce projet de loi, même si nous sommes en grande partie d'accord sur le fond, c'est ce qui concerne les commandites et l'influence sur la consommation de la cigarette, notamment chez les jeunes, qu'aurait la disparition des commandites.

Avec la disparition des commandites, on a aussi la disparition des événements commandités dans le domaine culturel et sportif. Le Québec reçoit 30 des 60 millions en commandites. Il sera affecté de façon majeure et cela créera du chômage. On sait que le chômage est ferment de problèmes. Quand on a des problèmes, c'est démontré, la consommation de cigarettes s'accroît.

J'aimerais questionner mon collègue à ce sujet. On a des informations dans la presse, suite à une étude de Statistique Canada, que je cite:


8754

Les enquêtes montrent que les jeunes fument d'abord et avant tout pour imiter leurs copains et copines. Mais ce mimétisme n'explique pas le fait que leur consommation augmente depuis quelques années.
Selon des analyses, la rébellion des adolescents contre «le système» y serait pour quelque chose. Les données indiquent d'ailleurs que 53 p. 100 des jeunes qui abandonnent leurs études secondaires sont des fumeurs! Découragés devant les mornes perspectives d'avenir, les jeunes seraient d'autant plus enclins à défier l'interdit qui entoure de plus en plus la cigarette.
Quand on on sait les mesures prises par le gouvernement concernant l'assurance-chômage, on sait que l'avenir est de plus en plus bloqué. Les gens souffrent de plus en plus, donc malheureusement, ils sont en position de consommer davantage de cigarettes.

Je cite encore:

On a constaté d'autre part que ce ne sont pas les pressions sociales ni les restrictions, comme celles imposées par les gouvernements, qui incitent les fumeurs à abandonner la cigarette. Deux fois sur trois-66 p. 100-ce sont les inquiétudes pour leur santé qui amènent les fumeurs à écraser.
Le député croit-il à l'équation qu'on veut faire du côté du gouvernement entre l'abolition des commandites et la diminution de la cigarette?

[Traduction]

M. Silye: Monsieur le Président, voici ce que je répondrais à cette question. Premièrement, il suffit de lire le projet de loi pour se rendre clairement compte que la commandite n'est pas interdite ou supprimée. Je me demande si le député comprend le projet de loi. La commandite n'a pas été supprimée. L'espace qui lui est réservé sur une affiche est réduit. Le fait qu'un commanditaire ne puisse pas utiliser la totalité mais seulement une partie de l'espace ne signifie pas que la commandite est interdite. Les compagnies de tabac peuvent encore commanditer des courses et y participer. Aussi je crois que la question a été mal présentée.

La meilleure façon d'amener quelqu'un à faire quelque chose est de le lui interdire. Je suis d'accord avec le député à ce sujet. Si nous disons aux jeunes qu'ils ne peuvent pas faire quelque chose, cela excitera leur curiosité et ils voudront savoir pourquoi. Leur curiosité naturelle les incitera à essayer. Nous n'y pouvons rien, c'est dans la nature humaine. La meilleure façon de combattre le tabagisme est d'éduquer les enfants et de restreindre leur accès au produit.

Les fumeurs qui ont des enfants doivent leur expliquer les bons côtés et les mauvais côtés du tabagisme et les empêcher de fumer tant qu'ils n'auront pas l'âge permis. S'ils le font, ils auront pris leurs responsabilités. Les enfants prendront eux-mêmes une décision éclairée. Nous devrions avoir le droit de choisir nos propres poisons. En effet, en tant que Canadiens, nous avons des droits individuels et des droits humains. Dès notre naissance nous avons des droits et la liberté de choix.

Nous devons cependant informer les gens sur les conséquences de leurs choix. Je suis sûr que le ministre consacrera des fonds à l'éducation. Tout comme pour les alcooliques anonymes, il existe des réseaux de désintoxication pour fumeurs qui aident ceux qui veulent s'en sortir. Le tabac engendre une puissante dépendance et ceux qui veulent y échapper ne le peuvent pas. Nous devons les aider. C'est notre responsabilité et celle du gouvernement.

Le projet de loi m'apparaît, vu sous cet angle, beaucoup plus qu'une mesure de lutte contre le tabac. Il est aussi une mesure de pondération. En ce qui concerne la commandite de toutes les activités sportives au Québec. . .

Le vice-président: Je regrette d'interrompre le député. Le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a la parole.

(1710)

[Français]

M. Bernard Patry (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre de nouveau la parole sur le projet de loi C-71, car il me semble que le débat a pris des allures disproportionnées avec la réalité.

Il semble que, suite à la régularisation et non à une interdiction de la publicité sur le tabac, presque tous les événements ou associations culturelles vont disparaître à Montréal. Il me faut donc rétablir certains faits.

Premièrement, cette loi devant nous fait suite à un jugement de la Cour suprême du Canada, et avant ce jugement, il y avait une interdiction totale de publicité par les compagnies de tabac, et les événements culturels et sportifs existaient à Montréal et ailleurs au pays.

Deuxièmement, parlons du pourcentage des revenus des commandites de tabac sur les revenus totaux des différents groupes culturels. Monsieur le Président, saviez-vous que seulement 1 p. 100 des revenus totaux de l'École nationale du théâtre du Canada à Montréal proviennent des commandites de tabac, que ce pourcentage est de 0,4 p. 100 pour les Grands Ballets canadiens à Montréal, de 0,8 p. 100 pour le Théâtre Centaur, de 0,4 p. 100 pour le Musée d'art contemporain de Montréal et de 0,3 p. 100 pour l'Opéra de Montréal? J'ai ici une liste beaucoup plus exhaustive, mais ces quelques exemples suffisent pour m'amener au point suivant.

La question qu'il faut alors se poser est la suivante: pourquoi de si minimes contributions de la part des fabricants de tabac pour des événements culturels de cette envergure? Pourquoi? La réponse est très simple, c'est parce que les gens qui assistent à ces spectacles sont des adultes et non pas des adolescents.

Suite à cela, j'aimerais vous expliquer de quelle façon une publicité de tabac, lors d'un événement culturel ou sportif, peut influencer nos jeunes, car voyez-vous, les médias sportifs, manipulés par les fabricants de tabac, véhiculent des opinions, des idées à l'effet que le fait de voir, d'assister à un événement sportif n'a aucune incidence sur la consommation de tabac.

Je reprends donc ici les propos de M. Francis Thompson, propos qu'il a tenus dans le mensuel Info-Tabac:


8755

Pour arriver à vendre un produit aussi répugnant que les cigarettes, il faut investir massivement dans le marketing. Ce n'est pas un hasard si, depuis plus de 70 ans, la très petite industrie du tabac a investi plus dans la publicité et la promotion que toute autre industrie à part celle de l'automobile. Les budgets de marketing des fabricants de cigarettes sont un investissement à long terme dans ce qu'on pourrait appeler la «séduction sociale».» Retenez cette expression, la «séduction sociale».
L'objectif premier des fabricants de tabac n'est pas de vendre un produit directement comme on le fait pour une voiture ou un autre produit, mais bien d'influencer la signification sociale ou culturelle du produit, la perception partagée de ce que signifie être un fumeur.
Un élément n'a pas changé: c'est chez les jeunes qu'on recrute la très grande majorité des nouveaux «clients», puisqu'il n'y a presque personne qui commence à fumer une fois rendu adulte.
Si les fabricants disent ne pas viser les adolescents non fumeurs, ils sont tout de même obligés de concevoir une publicité en fonction des jeunes adultes. Il est donc évident que les pubs qui visent les 19 ans risquent fort bien d'influencer les jeunes de 16 ou 17 ans.
La très grande majorité des garçons savent parfaitement bien qu'ils ne deviendront pas des pilotes automobiles en fumant des Rothmans; les filles savent également que les cigarettes Matinée ne leur donneront pas des allures de Claudia Schiffer.
Les adolescentes savent bien aussi qu'elles ne seront jamais aussi riches que Madonna, mais rien n'empêche des millions d'adolescentes d'imiter son look. Car c'est pendant l'adolescence qu'on a le plus besoin d'outils pour se créer une nouvelle identité, de symboles clairs qu'on peut afficher, qui indiquent l'appartenance à tel ou tel groupe, qui marquent son indépendance par rapport au monde des vieux, des parents ou des enseignants qui imposent des interdits, qui marquent paradoxalement aussi l'accès au statut d'adulte.
C'est aussi la pression du groupe et non la publicité qui mène un individu à sa première cigarette. Alors, quel est le rôle du marketing? Le rôle du marketing est de donner un coup de pouce à cette pression du groupe.

Au fil des ans, on a réussi à dresser une liste assez complète des facteurs de risque que l'on retrouve souvent chez les adolescents qui commencent à fumer.

Parmi les plus importants facteurs de risque, il faut mentionner la pauvreté, le changement de cadre social, la perception que les fumeurs sont majoritaires, l'identification au groupe de pairs plutôt qu'à la famille, le manque d'estime de soi, l'échec scolaire, l'agressivité ou la timidité et enfin, la difficulté à refuser les offres de cigarettes.

Les fumeurs débutants n'ont plus de doute sur les dangers du tabagisme, car ils sont presque unanimes à croire que ces risques ne les concernent pas, parce qu'ils ne deviendront pas dépendants. Vous savez, lorsque l'on est adolescents, on se sent invincibles. Cela m'amène à vous parler des effets du marketing.

Comme l'industrie peut difficilement influencer le niveau de pauvreté ou encourager l'échec scolaire, elle se contente, entre autres, de mettre l'accent sur la normalisation de la cigarette et sur l'autonomie personnelle. On associe parfois, eh bien oui, le tabac avec le bonheur, voire la santé, parce qu'on présente dans la publicité des gens dynamiques qui ont l'air en pleine forme, sociables, prospères, dans des décors souvent associés aux sports.

Enfin, il ne faut pas oublier la création d'identités de marque. Dans une étude réalisée en Ontario, en 1992, l'anthropologue Grant McCracken a démontré. . .

Le vice-président: Malheureusement, le temps de parole de l'honorable député est expiré.

[Traduction]

Comme il est 17 h 15, conformément à l'ordre adopté le mardi4 mars, j'ai le devoir d'interrompre les délibérations et de mettre immédiatement aux voix toutes les motions nécessaires pour disposer de la troisième lecture du projet de loi dont la Chambre est maintenant saisie.

La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Convoquez les députés.

(1745)

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 254)

POUR

Députés
Alcock
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Bakopanos
Bélanger
Bellemare
Bertrand
Bethel
Blaikie
Bonin
Boudria
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Brushett
Bryden
Caccia
Calder
Campbell
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chatters
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Culbert
Cullen
Dingwall
Dion
Discepola
Dromisky
Duhamel
Duncan
Dupuy
Easter
Eggleton
Epp
Finestone
Finlay
Fontana
Forseth
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Godfrey
Graham

8756

Grey (Beaver River)
Grose
Harb
Hayes
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hopkins
Hubbard
Ianno
Irwin
Jackson
Johnston
Karygiannis
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lee
Lincoln
MacDonald
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manley
Manning
Marchi
Marleau
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
Mifflin
Milliken
Mitchell
Murphy
Murray
O'Brien (Labrador)
O'Reilly
Paradis
Parrish
Patry
Penson
Peric
Peters
Peterson
Pettigrew
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Ramsay
Reed
Regan
Richardson
Riis
Ringma
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robinson
Schmidt
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Scott (Skeena)
Silye
Simmons
Solomon
Speaker
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Stinson
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Ur
Valeri
Vanclief
Verran
Walker
Wayne
Wells
Williams
Wood
Zed-139

CONTRE

Députés
Bachand
Bélisle
Bellehumeur
Bergeron
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Brien
Chrétien (Frontenac)
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Dubé
Duceppe
Godin
Grubel
Guimond
Hart
Jacob
Lalonde
Landry
Laurin
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
Lebel
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Marchand
Ménard
Nunez
Paré
Plamondon
Pomerleau
Rocheleau
Sauvageau
Speller
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont) -37

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Anderson
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Barnes
Bernier (Gaspé)
Bodnar
Cowling
Crête
Deshaies
DeVillers
Dhaliwal
Dumas
Fillion
Flis
Gagnon (Québec)
Gauthier
Gerrard
Guay
Harvard
Langlois
Lefebvre
Loney
Mercier
Picard (Drummond)
Rock
Sheridan
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Venne
Volpe

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.

(Le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Le vice-président: La Chambre passe main-tenant à l'étude des initiatives par-lemen-taires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________


8756

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD) propose: Que le projet de loi C-304, Loi modifiant le Code criminel (aide au suicide), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, chaque année, au Canada, plus de 190 000 Canadiens meurent. Nous savons que quelque 40 000 d'entre eux meurent de causes liées au tabagisme, et je suis très heureux que la Chambre ait adopté le projet de loi C-71. Cette mesure améliorera la santé des Canadiens, et surtout des jeunes.

De ces 190 000 Canadiens qui meurent chaque année, certains sont emportés par une maladie cardiaque et d'autres, par le cancer, une maladie respiratoire, le sida ou une autre infection, à moins que ce ne soit d'un accident, d'une maladie génétique ou de l'une des nombreuses maladies dégénératives.

Parmi ces Canadiens qui meurent chaque année, il y en a quelques-uns dont le sort est tragique et qui, malheureusement, souffrent terriblement. L'objet du projet de loi dont la Chambre est saisie aujourd'hui est de modifier les dispositions du Code criminel du Canada, plus particulièrement l'article 241, pour permettre aux personnes qui sont atteintes d'une maladie incurable ou en phase terminale, qui souffrent d'une angoisse terrible, de douleurs aiguës ou d'une atteinte à leur dignité et que les soins palliatifs ne peuvent aider, de demander l'aide d'un médecin pour qu'il mette un terme à leur douleur et à leurs souffrances.

J'ai déjà présenté ce projet de loi le 21 septembre 1994. Sue Rodriguez était morte cette année-là, soit le 12 février 1994. Sue avait livré une longue et courageuse bataille auprès du Parlement par l'intermédiaire de comités parlementaires, par la voie des médias et de diverses tribunes et, bien sûr, auprès des tribunaux, pour obtenir une modification du droit criminel.


8757

Le 30 septembre 1993, la Cour suprême du Canada rendait une décision négative. Avec la plus petite majorité possible, soit cinq contre quatre, la Cour suprême du Canada a maintenu la constitutionnalité de l'article 241 du Code criminel du Canada. Avant cela, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique avait aussi maintenu la constitutionnalité de cette loi, encore une fois dans un jugement extrêmement divisé, le juge en chef de ce tribunal étant lui-même dissident.

Ce que disaient clairement tous les juges de la Cour suprême et chacun des trois juges de la Cour d'appel de Colombie-Britannique, éloquemment et sans équivoque, c'est que ce problème complexe, délicat et parfois bouleversant doit être réglé par le Parlement du Canada. En bout de ligne, ce sont les représentants élus des Canadiens qui doivent en décider.

(1750)

Dans les jours qui ont suivi le décès de Sue Rodriguez, le premier ministre du Canada et le ministre de la Justice ont tous deux promis, en cette Chambre et ailleurs, qu'il y aurait un vote libre à la Chambre des communes et que chaque député à la Chambre des communes devrait scruter sa conscience, écouter les arguments de ses électeurs et des gens en général et se prononcer sur cette modification dans le cadre d'un vote libre.

Lors de mon précédent discours sur ce projet de loi, en septembre 1994, j'ai rappelé cette promesse au gouvernement. J'ai rappelé au gouvernement l'engagement solennel du ministre de la Justice, du premier ministre et de plusieurs autres membres du gouvernement, qui avaient promis d'autoriser un vote libre à la Chambre sur cette question. J'ai proposé qu'un vote soit tenu avant juin 1995.

Aujourd'hui, plus de deux ans et demi plus tard, après toutes ces promesses, nous assistons encore une fois à une trahison. Une autre promesse libérale n'a pas été tenue.

Un principe fondamental et très important est en jeu. Les Canadiens ont le droit de présumer que, lorsqu'un ministre ou le premier de tous, le premier ministre lui-même, promet que la Chambre des communes pourra voter, ils peuvent avoir foi en cette promesse, croire à la parole du premier ministre et du ministre de la Justice.

Cela ne s'est pas réalisé. Lorsque j'ai questionné le ministre de la Justice l'automne dernier à ce sujet, il m'a semblé très clair que la Chambre n'aurait pas droit à un vote libre, ni à toute autre forme de vote sur cette question, au cours de la présente législature. Le gouvernement du Canada devrait avoir honte.

J'entends un de mes collègues du Parti réformiste qui manifeste son accord, le député de Elk Island. Quel que soit notre point de vue sur cette question, en notre qualité de députés à la Chambre, nous devrions pouvoir l'exprimer, avoir le droit de voter selon notre conscience sur la façon de vivre et de mourir.

Que s'est-il passé entre-temps, depuis le dernier débat à la Chambre, en septembre 1994? Trop de malades incurables ou en phase terminale souffrent, dans certains cas, de douleurs atroces, d'angoisse ou même d'indignité, à moins qu'ils ne soient mis sous sédation au point de sombrer dans une torpeur pharmaceutique et, dans certains cas, ils choisissent de s'ôter la vie prématurément parce qu'ils ne veulent pas avoir à faire ce genre de choix épouvantable. Dans certains cas, un proche, un parent ou un médecin les aide à mettre fin à leur vie, souvent en dépit du Code criminel.

Je me souviens du cas d'un monsieur à Windsor, un certain Austin Bastable, qui a choisi de quitter son pays. Je dis bien de quitter son pays. Il pensait qu'il n'avait pas d'autre choix que de quitter son pays parce qu'il ne pouvait pas se faire aider à mettre un terme à ses souffrances à la fin de sa vie.

En vertu des dispositions actuelles du Code criminel canadien, quelles sont les options pour ces personnes, très peu nombreuses, qui sont incurables ou en phase terminale, et qui ont eu recours aux soins d'un médecin, aux soins palliatifs, à la gestion de la douleur et qui n'y ont pas trouvé le soulagement qu'elles cherchaient?

Oui, il y a des Canadiens dans cette situation. Heureusement, grâce aux soins palliatifs, ils ne sont qu'un très petit nombre à ne pas pouvoir être soulagés. Même l'association canadienne des médecins spécialistes en soins palliatifs et d'autres organismes reconnaissent qu'il y a un petit nombre de malades pour lesquels les soins palliatifs ne peuvent rien et qui souffriront de douleurs, d'angoisse et d'indignité terribles.

(1755)

En vertu des dispositions actuelles du Code criminel, ces personnes, qui en sont aux derniers mois de leur vie, ont deux options. Je me permets de rappeler à la Chambre que dans bien des cas leurs souffrances sont partagées par leur famille et par leurs proches. Elles peuvent soit continuer à souffrir soit être mises sous sédation et être réduites à un état de stupeur complète ou de torpeur pharmaceutique, comme le disait récemment l'un des témoins qui a comparu devant le comité sénatorial.

Pour certains Canadiens ces options ne sont tout simplement pas acceptables. C'est à ce petit nombre de Canadiens que l'on devrait offrir une autre option. Je pense en particulier à Sue Rodriguez. C'est parce que je crois sincèrement que cette autre option, cet autre choix, devrait être disponible, avec des systèmes de protection très stricts bien sûr, que je présente de nouveau ce projet de loi d'initiative parlementaire visant à modifier l'article 241 du Code criminel.

J'estime qu'il est profondément injuste et inhumain de forcer les gens à faire un choix entre vivre dans la souffrance et l'angoisse ou vivre dans la stupeur et la sédation.

Depuis le dernier débat à la Chambre il y a eu de nouveaux développements tant sur le plan du droit que sur le plan de l'action politique. L'assemblée législative du Territoire-du-Nord, en Australie, est devenue la première juridiction au monde à légaliser, avec des mesures de protection très strictes, le droit de choisir de mourir.


8758

Des cours d'appel de circuit des États-Unis, plus précisément celles des deuxième et neuvième circuits, ont statué en faveur du droit de choisir de mourir.

Un comité spécial du Sénat a étudié cette question très en détail et en est venu à la même conclusion que la Cour suprême du Canada en ce qui concerne la question de l'aide au suicide. Là encore, à une très faible majorité, quatre contre trois, le comité sénatorial a recommandé de ne pas modifier l'article 241 du Code criminel.

Toutefois, je pense qu'il est important de noter que les trois sénateurs minoritaires étaient le sénateur Joan Neiman qui présidait le comité, une personne distinguée qui ne siège plus à l'autre endroit; le sénateur Sharon Carstairs; et le sénateur Wilbert Keon, un des cardiologues les plus distingués du Canada qui, en fin de compte, appuie le changement au Code criminel que je cherche à obtenir avec mon projet de loi.

Le comité a entendu de nombreux témoins et a fait un bon nombre de très importantes recommandations. Je suis d'accord avec beaucoup d'entre elles. Il recommande aux gouvernements de faire des programmes de soins palliatifs une des premières priorités dans la restructuration des services de santé. Ils ont recommandé que le Code criminel soit modifié de façon à clarifier la question touchant la pratique de soulager la souffrance des malades par des moyens qui peuvent avoir également pour effet d'abréger la vie. Ils ont recommandé que le Code criminel soit modifié et que les mesures législatives nécessaires soient adoptées pour que soient énoncées et clarifiées les circonstances dans lesquelles la loi permet l'abstention et l'interruption de traitement de survie. Ils ont recommandé que les provinces mettent de l'avant des directives préalables.

Comme je l'ai mentionné, une minorité de sénateurs, soit trois sur sept, ont recommandé des modifications à l'article 241 du Code criminel ainsi que l'euthanasie volontaire dans le cas de personnes saines d'esprit qui sont physiquement incapables de se donner la mort même avec de l'aide.

Récemment, la sénatrice Sharon Carstairs a présenté une mesure législative à l'autre Chambre, le projet de loi S-13. Je félicite la sénatrice Carstairs pour le leadership dont elle fait preuve dans ce domaine. Son projet de loi stipule qu'aucun médecin respectant le désir exprimé par une personne saine d'esprit en faveur de l'abstention et de l'interruption de traitement de survie ne sera pas reconnu coupable d'une infraction en vertu du Code criminel.

Un certain nombre de personnes nous ont dit que c'était déjà prévu dans la loi actuelle et pourtant le Dr Wilbert Keon, son co-motionnaire, qui appuie fortement le projet de loi de la sénatrice Carstairs, a affirmé qu'il subsiste encore passablement d'incertitude dans la loi à ce propos. Il a fait observer que de nombreux médecins souhaitent un avis beaucoup plus clair de la société sur la façon d'aborder cette question. Il a dit que des patients mourants souffrent inutilement parce que leurs médecins ne veulent pas administrer des sédatifs pour atténuer leur douleur au cas où ces médicaments entraîneraient leur mort, d'où le risque de poursuites criminelles.

(1800)

Nous devrions prêter une oreille attentive au plaidoyer très convaincant du Dr Keon et d'autres et accomplir ce petit pas. J'espère que, lorsque ce projet de loi sera envoyé à la Chambre des communes, les députés jugeront bon de souscrire à cette modification.

Je suis quelque peu découragé. Si les ministériels ne sont même pas disposés à appuyer une mesure aussi simple et directe visant à codifier cela dans la loi actuelle, il est clair à mes yeux qu'il faudra attendre encore bien longtemps avant que l'on puisse espérer l'appui du gouvernement canadien en faveur de la modification de l'article 241 du Code criminel.

Les politiciens libéraux, à cet égard, et les autres sont en retard sur l'opinion publique. Je félicite le chef du Parti réformiste et député de Calgary-Sud-Ouest qui, il y a quelque temps, a consulté ses électeurs à ce propos. Le sondage qu'il a réalisé lui a permis de constater que 82 p. 100 de ses électeurs appuyaient cette modification législative. Le chef du Parti réformiste a déclaré qu'il suivrait les recommandations de ses électeurs, au moment du vote.

La question fondamentale concerne l'autonomie de la personne, le droit d'une personne adulte capable de prendre la décision pour elle-même. Il existe divers modèles au Canada. Il me faudrait plus de temps pour fournir des détails à cet égard.

L'organisation Right to Die Society, par exemple, a fait valoir une proposition du docteur Eike-Henner Kluge, qui mérite d'être étudiée à fond. Au nom de l'organisation Choice in Dying et de certaines personnes à Ottawa, le Dr Stanley Rosenbaum a aussi proposé une autre solution. L'organisation Dying with Dignity a aussi sa propre suggestion. Diverses propositions ont été faites. Il faut prévoir de véritables protections, mais le choix devrait finalement être possible.

De nombreux médecins sont d'avis que la loi devrait être modifiée. Selon une étude présentée en septembre dernier à la conférence annuelle du Collège Royal des Médecins et Chirurgiens du Canada par deux médecins de Calgary, les docteurs Douglas Kinsella et Marja Varhoef, une grande majorité des médecins sont favorables à ce que la loi soit modifiée, de manière à autoriser et faciliter le suicide réalisé avec l'aide d'un médecin. Le sondage a été fait auprès d'un grand nombre de médecins.

Le Dr Marcel Boisvert, médecin en soins palliatifs fort respecté à l'hôpital Royal Victoria, de Montréal, a déclaré:

On fait l'autruche, si l'on ne croit pas que l'euthanasie active se pratique en secret à l'heure actuelle. Le vendredi, des patients sur le point de mourir reçoivent des doses de morphine qui sont de 50, 100 ou 150 p. 100 supérieures aux doses habituelles.
Il est plus que temps de faire la lumière sur cette question. Il est temps d'écouter les médecins, les autres travailleurs de la santé et les travailleurs sociaux comme Russel Ogden qui a souligné à quel point cela se produit sans qu'il y ait la moindre protection. Il se


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produit parfois d'horribles gâchis dans le cas de personnes qui meurent du sida.

Tôt ou tard, nos lois devront changer pour mettre un terme à la cruauté. Je préférerais que cela se fasse au plus tôt. Il est clair que nous ne pouvons nous fier aux tribunaux. Il faudra peut-être un médecin courageux pour braver la loi. Je ne crois pas qu'en cas de doute, un jury prononcerait unanimement une condamnation. Pensons que c'est un autre médecin qui a défié la loi sur l'avortement et qui s'est finalement rendu jusque devant la Cour suprême du Canada, qui a annulé la loi.

J'invite tous les Canadiens que la question préoccupe à demander, aux candidats qui se présenteront aux prochaines élections quelle est leur position sur cette question.

En terminant, je tiens à rappeler aux députés les paroles que Sue Rodriguez a prononcées dans sa dernière intervention publique:

J'espère que mes efforts n'auront pas été vains et que le ministre de la Justice présentera bientôt un projet de loi qui donnera une autre option aux malades en phase terminale en légalisant le suicide assisté par un médecin.
J'ai cité ces paroles en concluant mon intervention en septembre 1994. Je tenais à les citer de nouveau et à les soumettre à la réflexion des députés. Comme je l'ai dit à ce moment-là, j'espère sincèrement que le Parlement entendra favorablement ce plaidoyer.

Je le demande, combien de temps encore faudra-t-il attendre avant que la Chambre soit autorisée à se prononcer sur cette question? Combien de personnes et de familles devront encore souffrir, dans certains cas, des souffrances indicibles, de l'angoisse et de l'indignité avant que la loi soit enfin modifiée?

(1805)

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour aborder le projet de loi C-304, Loi modifiant le Code criminel (aide au suicide), que propose à la Chambre le député de Burnaby-Kingsway.

Permettez-moi avant tout de reconnaître le fait que le député a tenté à plusieurs occasions de soulever cette question à la Chambre et de tenir un débat à ce sujet. De toute évidence, il s'agit d'une question qui le préoccupe grandement et je le félicite pour les efforts qu'il déploie afin de corriger ce qui lui semble être des faiblesses dans les dispositions actuelles du Code criminel qui portent sur l'aide au suicide.

Avant d'examiner quelques-unes des dispositions du projet de loi C-304, je voudrais parler des travaux effectués par le Sénat, qui s'est penché sur cette question et d'autres sujets connexes. L'aide au suicide et divers autres sujets relatifs aux soins à prodiguer aux patients en phase terminale et aux décisions à prendre dans de tels cas, comme les soins palliatifs, l'abstention et l'interruption de traitement de survie et l'euthanasie, ont été examinés en profondeur par le Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide. Ce comité spécial a diffusé son rapport intitulé De la vie et de la mort au bout de nombreux mois d'audiences et de délibérations.

Le Sénat est actuellement saisi d'un projet de loi S-13, Loi modifiant le Code criminel (protection des soignants), qui en est à l'étape de la deuxième lecture. Comme l'a précisé le sénateur qui parraine ce projet de loi, cette mesure législative aurait pour but de mettre en oeuvre les recommandations adoptées à l'unanimité et les chapitres 4 et 5 du rapport du comité sénatorial, qui traitent de la douleur, du traitement de la douleur ainsi que de l'abstention et de l'interruption du traitement de survie.

Le sénateur Carstairs a pris grand soin de préciser, en discutant de cette question et du bien-fondé de cette modification proposée au Code criminel, qu'il ne porte aucunement sur l'aide au suicide ni sur l'euthanasie. Pourquoi? Je dirais que c'est parce que les membres du comité spécial du Sénat n'ont pas pu faire l'unanimité sur la question de l'aide au suicide.

Après des mois d'étude et de délibérations, les sénateurs n'ont pas pu s'entendre pour dire qu'il faudrait modifier le Code criminel pour éliminer l'interdiction de l'aide au suicide. J'irais plus loin: il est fort possible que ce manque d'unanimité reflète l'opinion de nombreux Canadiens à ce sujet. On s'intéresse beaucoup à toutes les questions qui gravitent autour de la fin de la vie. Ces sont des questions auxquelles nous devons tous faire face. Il ne faut pas oublier qu'on peut envisager ces questions dans des perspectives très diverses: médicale, juridique, sociale, morale.

En outre, il ne faut pas oublier que ces questions ne se limitent pas seulement à une analyse de l'aide au suicide ou du suicide réalisé avec l'aide d'un médecin.

Je voudrais faire ici une brève revue d'ensemble de l'analyse des dispositions particulières contenues dans le projet de loi proposé par le député de Burnaby-Kingsway.

Le projet de loi C-304 prévoit qu'un médecin qualifié ne commet pas l'infraction de conseiller, aider ou encourager une personne à se donner la mort ni aucune autre infraction prévue au Code criminel s'il aide un malade en phase terminale à se donner la mort, à la fois à la demande du malade et avec le consentement volontaire de celui-ci et avec l'approbation d'au moins un autre médecin qualifié.

Certains peuvent considérer à priori que ce sont là des lignes directrices concises et suffisantes. J'estime que si nous devions convenir un jour qu'une telle modification est nécessaire, nous devrions approfondir la question pour donner aux Canadiens le cadre légal qu'il faut pour en arriver à une telle décision.

Sauf pour l'exception proposée au paragraphe 241(2), l'aide au suicide demeurerait un acte criminel pouvant entraîner une peine maximale de 14 ans d'emprisonnement. Les circonstances dans lesquelles cette protection s'appliquerait doivent être claires. À mon avis, un certain nombre de clarifications s'imposent.

Premièrement, le terme «malade en phase terminale» n'est pas défini. Il n'existe aucune définition médicale généralement reconnue pour ce terme, seulement des définitions pratiques, par exemple pour le placement des malades dans des unités de soins palliatifs. Cela pourrait poser un problème.


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(1810)

Deuxièmement, le projet de loi C-304 stipule que le malade doit donner son consentement volontaire, sans toutefois préciser ce qui constitue le consentement volontaire. Une des difficultés qui pourraient se poser, c'est qu'il n'est pas précisé dans le projet de loi que, pour consentir, le malade doit avoir la capacité de décision. Je dirai à titre d'exemple que les personnes qui souffrent de dépression n'ont peut-être pas la capacité de décision, mais peuvent quand même donner leur consentement volontaire.

Troisièmement, il n'y a aucune disposition dans le projet de loi concernant la situation du malade qui n'a pas la capacité de décision. Cette question faisait partie des arguments présentés devant la Cour suprême du Canada dans l'affaire Rodriguez, soit comment on traiterait le cas des malades qui n'ont pas la capacité de décision si on permettait à ceux qui ont la capacité de décision de demander l'aide au suicide.

Quatrièmement, le projet de loi ne traite pas spécifiquement des enfants. Ils sont englobés dans le libellé général du projet de loi, mais il n'y a aucune disposition sur le consentement par procuration. Les enfants qui peuvent être capables de donner un consentement valable doivent-ils être autorisés à demander l'aide au suicide? Si quelqu'un d'autre peut consentir à leur place, qui peut légitimement le faire?

Cinquièmement, nous savons que les membres de la famille et les amis sont parfois appelés à aider le patient à mourir. Le projet de loi C-304, tel qu'il est conçu, n'assure aucune protection dans ces cas, même ceux qui suscitent le plus de sympathie. La protection est réservée aux médecins. Ça ne veut pas dire que la Chambre doit s'y prendre de telle ou de telle manière pour aborder le problème. Ce qui importe, c'est que, lorsque nous l'aborderons, nous le fassions en étant conscients et en tenant compte de toutes les situations où la question de l'aide au suicide peut se poser.

Comme le premier ministre l'a dit, c'est une question sociale et morale terriblement complexe. L'aide au suicide, l'euthanasie, l'arrêt des traitements sont des sujets pénibles pour tous les Canadiens. Après des mois de consultations, le comité sénatorial a produit un rapport très sérieux auxquelles toutes les personnes qu'intéressent ces questions doivent réfléchir. Les membres du comité ne sont pas arrivés à s'entendre sur la façon de traiter la question de l'aide au suicide.

Le premier ministre et le ministre de la Justice nous ont assuré que le gouvernement a l'intention de permettre, par l'entremise du Parlement, la tenue en temps utile d'un débat informé sur la question, afin que les députés puissent examiner les questions relatives à la décision de mettre fin à la vie.

Je félicite le député de Burnaby-Kingsway pour les mesures qu'il a prises afin de faire en sorte que les parlementaires se penchent sur ces questions, mais j'estime qu'il serait inapproprié de la part des députés d'adopter les modifications proposées dans le projet de loi C-304.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans ce débat concernant le projet de loi C-304 présenté par notre collègue de Burnaby-Kingsway pour plusieurs motifs, le principal étant que ce débat soulevé par notre collègue a cours depuis déjà plusieurs années dans notre population. Je suis convaincu, et j'y reviendrai au cours de mon intervention, qu'un grand nombre de personnes souhaitent que le gouvernement prenne des dispositions en la matière.

Je voudrais d'abord féliciter le collègue de Burnaby-Kingsway et lui rendre hommage pour le courage qu'il a démontré, dans le passé, concernant ce dossier ainsi que d'autres, en particulier, ses interventions auprès de Mme Sue Rodriguez. Par ses gestes de courage, il a fait en sorte que ce débat puisse encore être sur la place publique de nos jours et donner une crédibilité à ce débat. C'est tout à son honneur.

(1815)

Comme il l'a fait remarquer, la question de l'aide au suicide est une question sérieuse qui mérite notre attention. Je le répète, c'est une question d'ordre moral donc, qui doit nécessairement appeler à un vote libre en cette Chambre, mais c'est aussi une question, même si elle est difficile sur le plan psychologique et sur le plan affectif, sur laquelle on doit se pencher et pour laquelle il nous faut trouver des solutions.

Lorsqu'on étudie un projet de loi en cette Chambre, on soumet souvent qu'au niveau des gouvernements, quels qu'ils soient, lorsqu'ils adoptent une loi, il existe déjà un large consensus social. Les gouvernements interviennent toujours après le fait, devrais-je dire, puisqu'ils sont rarement pro-actifs, et ce dossier en est un exemple très probant.

Mon collègue de Burnaby-Kingsway a mentionné des sondages, et on pourrait en énumérer plusieurs qui, les uns après les autres, font clairement ressortir que notre population est très largement en avance sur les élus, en particulier ceux du gouvernement, puisqu'ils n'ont pas eu, jusqu'à maintenant, le courage de respecter leurs engagements en cette matière. Donc, ils sont en avant des élus, puisqu'il y a un large consensus dans notre population pour que ce dossier soit abordé et réglé d'une façon qui tienne compte de l'aspect humain et non simplement de l'aspect légal.

On se souvient tous qu'il y a quelques années à peine, et je suis convaincu que c'était ainsi à travers le Canada, du moins c'était la situation qui prévalait au Québec, on faisait des pieds et des mains pour maintenir toute personne malade, surtout en phase terminale, en vie avec tous les moyens thérapeutiques à notre disposition, qu'on parle de médicaments ou d'autres technologies.

Le milieu médical, et la population surtout, a protesté contre ce qu'on appelait à l'époque de l'acharnement thérapeutique. C'est devenu un terme reconnu dans tous les milieux, pour finalement en arriver à cette situation où on a mis fin à cette pratique d'acharnement thérapeutique, sauf pour quelques exceptions très isolées. Maintenant, on reconnaît dans le milieu médical et dans la population en entier la nécessité de respecter l'individu.

Je pense qu'il y a là une notion fondamentale, lorsqu'on arrive, pour une raison ou pour une autre, à la fin de sa vie. Je crois que tout individu a non seulement le droit légal, mais qu'il devrait avoir la possibilité de mourir dans la dignité, lorsqu'il fait face à une maladie qui le condamne à voir ses jours s'étirer sans qu'aucun espoir ne subsiste et que la seule chose à laquelle il doit se soumettre, c'est l'attente inhumaine de la mort.


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On pense aux souffrances physiques et psychologiques de la personne qui va mourir, mais également aux souffrances psychologiques de l'entourage. Il faut en tenir compte, et c'est ce qui a fait qu'au Québec. Le législateur a introduit une disposition légale à portée fort limitée qui fait en sorte que tout individu peut faire ce qu'on appelle son testament biologique. C'est-à-dire qu'il peut, dans un document reconnu sur le plan légal, déterminer comment il souhaiterait que ses jours se terminent, s'il devait être dans une situation où il ne pourrait pas prendre cette décision, et surtout, s'il devait être dans une situation où il ferait face à une maladie, naturellement incurable, qui risquerait de prolonger indûment ses jours dans des conditions atroces.

(1820)

Même si je n'ai pas de statistique devant moi, je sais, par les gens que je rencontre dans mon milieu familial, dans mon entourage, que de plus en plus de personnes ont recours à ce testament biologique. Autrement dit, il y a non seulement une volonté, mais un désir profond; de plus en plus de gens veulent et exigent de mourir dans la dignité.

C'est un peu absurde, je dirais, qu'on fasse un débat sur cette exigence de mourir dans la dignité, alors que, quand on y réfléchit le moindrement, c'est une situation que l'on applique régulièrement pour nos propres animaux domestiques.

Tous les propriétaires de chat ou de chien malade va tout de suite et sans délai faire en sorte de mettre fin aux souffrances de son animal. Je ne dis pas qu'on doive adopter aveuglément des mesures qui feraient en sorte que l'on prendrait des décisions à la légère. Je dis que, sur le fond, sur le principe, il semble un peu curieux, et je dirais même ridicule, que l'on discute de la nécessité de mourir dans la dignité. Cela devrait être un droit ou un fait reconnu d'emblée qu'on ne devrait pas avoir besoin de prouver.

Notre système actuel se réfère davantage à l'hypocrisie, et le député de Burnaby-Kingsway s'y est référé également. Actuellement, c'est la pratique, au Québec, et je comprends que ce l'est à la grandeur du Canada, de diminuer les souffrances des patients qui s'en vont inéluctablement vers la mort et même de raccourcir leur vie en augmentant la médication. On ne peut cependant pas le faire ouvertement. Les médecins ou les infirmières qui pratiquent cela pourraient être poursuivis n'importe quand devant les tribunaux, sauf si on amendait le Code criminel dans le sens souhaité par le député de Burnaby-Kingsway. Mettons donc fin à ce système d'hypocrisie, puisqu'il y a un consensus dans notre population.

Je termine là-dessus. Il faudrait également utiliser dans nos discours un nouveau terme ou remplacer le terme «aide au suicide». C'est vrai que, dans les faits, on doit conclure que quelqu'un qui demande d'abréger ses jours, c'est une forme de suicide, mais je pense que le présenter de cette façon, c'est le présenter d'une façon négative, alors que tout ce que la personne demande, c'est de mourir dans la dignité. Toute personne devrait avoir ce droit.

[Traduction]

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté les interventions, aujourd'hui, et je dois admettre que les arguments sont attrayants. J'ai entendu le député de Burnaby-Kingsway dire que très peu de gens au Canada auraient recours à ces moyens.

J'ai ici une recherche récente, réalisée dans un pays qui pratique déjà l'euthanasie et l'aide au suicide. Cette étude réalisée dans les Pays-Bas est toute récente. Je l'ai reçue pas plus tard que la semaine dernière. Cette discussion a été amorcée il y a environ 20 ans, aux Pays-Bas. Même si ce n'est pas légal, depuis environ dix ans, on peut y pratiquer l'euthanasie et l'aide au suicide sans encourir aucune sanction, à condition que certains critères soient respectés. Voici la liste des critères qu'on exige aux Pays-Bas pour que l'euthanasie ou le suicide avec l'aide d'un médecin soient jugés acceptables.

(1825)

Le patient doit s'y soumettre volontairement. Il doit être bien informé et y avoir bien réfléchi avant d'en faire la demande. Le désir de mourir doit être persistant. La souffrance du patient doit être intolérable, sans possibilité de soulagement. Il faut qu'un autre médecin soit consulté. Ainsi, un seul médecin ne suffit pas; il doit y en avoir deux. Finalement, le cas doit être déclaré au bureau du coroner. Ce sont les critères rigoureux, sévères et clairs que les médecins des Pays-Bas doivent respecter.

Que s'est-il passé en Hollande? Je devrai choisir les éléments d'information que je vais présenter. Le texte est assez dense. Environ 2 000 personnes par année ont eu droit à l'euthanasie aux Pays-Bas, censément en fonction de ces critères.

Les résultats de l'enquête menée auprès de médecins de famille citée dans cette étude révèlent que 9 p. 100 d'entre eux avaient, à une ou plusieurs occasions, délibérément mis fin aux jours d'un patient sans que celui-ci ne l'ait demandé explicitement. Arrondissons le chiffre à 10 p. 100. Cela signifie que 200 personnes par année meurent par euthanasie en Hollande, sans leur consentement, et je suis très précis en disant cela.

L'un des premiers critères de l'euthanasie c'est que le patient doit être bien informé, avoir bien réfléchi, avoir le désir persistant de mourir, endurer des souffrances intolérables et n'avoir aucun espoir de guérison. Aucune de ces conditions n'existait pour ces 200 personnes en Hollande. Un médecin a décidé de son propre chef que leur vie ne valait plus la peine d'être vécue. C'est le seul pays au monde où l'on peut observer un tel phénomène.

J'en conclus que les critères étaient bien intentionnés, qu'ils avaient fait l'objet de maintes discussions, qu'ils étaient clairement énoncés, et pourtant c'est un échec. Mes collègues néerlandais qui ont débattu la question ont fixé des critères très stricts. Et pourtant c'est un échec. Un désastre.

Je vais vous donner deux exemples illustrant pourquoi je pense que les Canadiens ne devraient pas s'aventurer dans cette voie. Le premier est extrait de ma propre expérience. L'une de mes malades se mourait d'un cancer à l'hôpital et vers la fin de sa vie souffrait terriblement de toutes sortes de choses. Un soir elle m'a dit: «Docteur, pourriez-vous me donner quelque chose pour mettre fin à mes souffrances?» Je lui ai répondu: «Je partage votre angoisse. Je comprends votre tourment. Je compatis de tout coeur. Je pense qu'on peut trouver autre chose pour vous soulager.» J'ai dit à l'infirmière de service que ma patiente était vraiment déprimée, qu'il fallait changer de médicaments, de traitement, qu'au lieu de

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lui faire des piqûres, il fallait lui donner ses médicaments par intraveineuse. Nous avons donc modifié les soins palliatifs que nous lui donnions. Ça n'a pas suffi.

J'ai alors demandé qu'une infirmière reste à ses côtés. Elle avait besoin de compagnie ce soir-là. J'ai alors appelé sa famille et je lui ai dit: «Grand-mère ne va vraiment pas bien ce soir. Est-ce que quelqu'un pourrait venir passer la nuit avec elle? Elle a besoin qu'on l'encourage». Les choses se sont calmées. Les médicaments ont fait effet, elle ne souffrait plus autant et je suis rentré chez moi. Le lendemain, quand je suis revenu à l'hôpital je l'ai trouvé assise en train de jouer aux échecs avec son neveu. C'était une autre femme.

Le lendemain, elle m'a dit: «Merci beaucoup, Docteur Hill, de ne pas m'avoir écoutée il y a deux jours.» J'en ai conclu que ce qu'elle m'avait demandé était davantage dû à un état dépressif qu'à des douleurs intolérables. Le changement que j'avais apporté était de nature palliative.

(1830)

L'autre exemple que je vais donner est bien pire. C'est un exemple tiré de l'expérience hollandaise. Un médecin que je connais avait un compatriote. Celui-ci avait une patiente de 85 ans victime d'une insuffisance cardiaque globale que l'on ne pouvait soigner qu'à l'hôpital avec une injection de médicament appelé Lasix. Elle ne voulait pas aller à l'hôpital parce que, disait-elle, ils euthanasiaient les vieux de 85 ans. Le médecin a promis de s'occuper d'elle, de sorte qu'elle a accepté d'être transportée à l'hôpital.

Elle a reçu son injection de Lasix. Ce médicament a pour effet d'accroître l'efficacité des reins. Elle a éliminé tout l'excès d'eau qu'elle avait dans les poumons et, le lendemain, elle se sentait beaucoup mieux. C'était un vendredi et son médecin, n'étant pas de service, se livrait aux activités auxquelles un médecin se livre les fins de semaine.

En rentrant au travail le lundi, il a constaté que le médecin de service, qu'il ne connaissait pas bien, avait eu besoin d'un lit pour un patient plus jeune et que, parcourant la liste, il avait jugé que la vieille de 85 ans n'en avait plus pour bien longtemps de toute façon. Les députés devinent le reste. Elle était morte à notre retour au travail le lundi.

Il ne voudra jamais l'admettre. Il avait pourtant promis que tout irait bien pour elle. Les meilleures intentions, les meilleures mesures de protection et les meilleurs idéaux n'ont pu sauver la vie de cette dame de 85 ans. Ça ne va pas du tout.

Je peux citer mes électeurs en exemple à ce sujet. Je les ai sondés et leur réaction a été fascinante. Croyant que cette question ferait l'objet d'un vote libre, j'ai procédé à un sondage rapide. La question était la suivante: «Que pensez-vous d'un suicide assisté par un médecin?» Quelque 55 p. 100 des répondants se sont dits favorables.

Quand je me suis rendu compte que j'avais encore amplement le temps car ça ne pressait pas à ce point, j'ai sondé mes électeurs plus en profondeur. J'ai expliqué quelles étaient les possibilités en matière de soins palliatifs, quelles solutions sont à notre portée, et il y a eu un changement radical chez mes électeurs. Ils retirent leur appui au suicide réalisé avec l'aide d'un médecin, quand on leur fournit des explications claires.

Ils connaissaient bien ma position sur les deux sondages. En raison de mon expérience, tant sur le plan personnel qu'international, je m'oppose au suicide médicalement assisté. Nous ne devrions pas suivre cette voie et je suis opposé à toute mesure allant dans ce sens. Je ferai tout ce que je peux pendant que je suis à la Chambre pour encourager le recours aux soins palliatifs, pour que l'on soigne ceux qui sont en train de mourir plutôt que de mettre fin à leurs jours.

Le vice-président: Étant donné qu'aucun autre député ne veut prendre la parole, le député de Burnaby-Kingsway est autorisé à clore le débat.

Il ne souhaite pas le faire.

[Français]

Le vice-président: Comme il n'y a plus de député qui désire prendre la parole et que la motion n'a pas été choisie pour faire l'objet d'un vote, la période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est rayé du Feuilleton.

______________________________________________

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DÉBAT D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LA PETITE ENTREPRISE

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, pour faire suite à ma question au ministre de l'Industrie, je ne crois pas qu'il y ait rien de plus important ni de plus crucial que l'appui du gouvernement à la petite entreprise.

Il est absolument indispensable que le gouvernement à l'échelle nationale et chaque député dans sa propre circonscription aient une stratégie pour aider les exploitants de petites entreprises qui risquent chaque jour tout ce qu'ils ont pour créer de la richesse et des emplois dans nos circonscriptions.

Je proposerai une stratégie en trois volets, soit l'accès à l'information, l'accès aux capitaux et une simplification de la réglementation, ce dont nous avons discuté avec le ministre pendant la période des questions.

En ce qui concerne l'accès à l'information, nous avons tenu dans ma circonscription trois forums sur le développement économique qui visaient à permettre aux gens d'affaires d'explorer de nouvelles stratégies, de voir les nouveaux débouchés et de se lancer dans de nouvelles initiatives.

Nous avons pu participer à deux séminaires sur l'accès aux capitaux, qui nous ont permis de dialoguer avec les entrepreneurs et les institutions de financement et d'explorer des façons de faciliter l'accès aux capitaux.

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J'ai pour règle de communiquer à intervalle régulier avec les exploitants d'entreprises de ma circonscription afin de les tenir au courant des programmes et initiatives du gouvernement.

En ce qui concerne l'accès aux capitaux, nous avons lancé un certain nombre d'initiatives sur le plan national et dans des circonscriptions comme Parry Sound-Muskoka. Premièrement, en tant que membre du comité de l'industrie et du groupe de travail sur l'accès aux capitaux, j'ai travaillé avec les banques à charte canadiennes en vue de créer cinq façons d'aider les petites entreprises à obtenir des capitaux.

Nous avons au Canada rural, et en particulier dans la circonscription de Parry Sound-Muskoka, la Société de développement des collectivités. Dans ma circonscription, il y a trois succursales de cette société qui offrent aux petites entreprises des prêts pouvant atteindre 75 000 $.

La Banque de développement du Canada fait également affaire dans ma circonscription. Le gouvernement a majoré la limite de prêt de la Banque de développement du Canada, qui est ainsi passée de3 milliards de dollars à 15 milliards de dollars. Viennent d'ailleurs de s'ajouter à cela de nouvelles initiatives touristiques. La banque a prêté des millions de dollars aux petits entrepreneurs de la circonscription de Parry Sound-Muskoka.

La limite des prêts consentis à la petite entreprise a elle aussi augmenté, passant de 4 milliards de dollars à 14 milliards de dollars dans le dernier budget.

De plus, dans la partie de ma circonscription qui se trouve du côté de Parry Sound, dans le nord de l'Ontario, nous bénéficions de l'Initiative fédérale du développement économique du nord de l'Ontario, dont le budget est maintenant de 60 millions de dollars.

Enfin, une troisième composante de la stratégie est la simplification de la réglementation. Le ministre a dit, dans sa réponse à la question, qu'il y a eu une diminution de 15 p. 100 dans les règlements. Le nouveau programme d'embauche du gouvernement prévoit une exonération des cotisations au régime d'assurance-emploi pour les employés nouvellement embauchés. Nous sommes passés des remises mensuelles aux remises semestrielles. Toutes ces mesures visent à simplifier la réglementation.

Je presse le ministre de l'Industrie de continuer l'initiative du gouvernement qui consiste à appuyer les petites entreprises de tout le pays et, plus particulièrement, celles de ma circonscription, Parry Sound-Muskoka.

M. Bernard Patry (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je puis vous donner l'assurance que Statistique Canada collabore activement avec les petites entreprises pour déterminer le moment de l'année qui se prête le mieux à la déclaration des renseignements d'enquête.

Par exemple, dans le secteur du tourisme, un domaine qui intéresse tout particulièrement le député, l'envoi postal pour l'enquête sur l'hébergement des voyageurs, qui dernièrement se faisait à la fin d'avril, s'effectue maintement en mars, afin de ne pas imposer un fardeau aux entreprises au début de la haute saison. Le questionnaire de l'enquête sur les agences de voyages au détail est toujours posté en janvier ou en février.

Statistique Canada s'est formellement engagé à réduire la paperasserie et a pris un certain nombre de mesures précises en ce sens. L'utilisation de données existantes recueillies par d'autres ministères fait que les petites entreprises reçoivent des dizaines de milliers de questionnaires en moins. Bien des enquêtes utilisent un questionnaire abrégé et simplifié pour les petites entreprises. Au lieu de sonder toutes les entreprises, on a recours aux plus petits échantillons possibles.

Ces mesures ont permis à Statistique Canada de réduire le fardeau imposé aux petites entreprises de plus de 15 p. 100 au cours des deux dernières années.

Afin d'aider encore davantage les petites entreprises, Statistique Canada a créé, au cours du mois écoulé, le poste d'ombudsman chargé de la réduction du fardeau de réponse. L'ombudsman fera un examen de différents cas afin de déterminer la meilleure façon d'aider les entreprises.

Le gouvernement est à l'écoute des petites entreprises de tout le Canada et sait qu'elles s'inquiètent du nombre et de l'ampleur des demandes de renseignements qu'elles reçoivent. Parce que le fardeau des demandes de renseignements est une question qui intéresse tout le gouvernement, le président du Conseil du Trésor a mis sur pied un forum mixte sur le réduction de la paperasserie. Il s'agit d'un partenariat unique en son genre réunissant des représentants des petites entreprises et du gouvernement fédéral et qui démontre concrètement l'engagement du gouvernement à faire sauter les obstacles au développement des petites entreprises.

Sept ministères et organismes sont représentés, soit Industrie Canada, Développement des ressources humaines Canada, Revenu Canada, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Finances Canada, Statistique Canada et le Secrétariat du Conseil du Trésor. . .

Le vice-président: Le temps du député est écoulé.

La motion d'ajournement étant adoptée d'office, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain.

(La séance est levée à 18 h 39.)