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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 28 février 1996

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

L'ÉCOLE SECONDAIRE DE PREMIER CYCLE PLEASANT VIEW

    M. Assadourian 31

LE DÉFICIT ET LA DETTE

MEASURAND INC.

    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 31

L'AÉROPORT INTERNATIONAL DE MIRABEL

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

LE DÉCÈS DE M. SANDY SCAMURRA

    Mme Guarnieri 32

JENNIFER ROBINSON

LES MALADIES CARDIO-VASCULAIRES

LA SOCIÉTÉ DISTINCTE

LA CLOCHE DE BATOCHE

LE RÉGIME FÉDÉRAL

LE DISCOURS DU TRÔNE

L'OPPOSITION OFFICIELLE

LA CONDUITE EN ÉTAT D'ÉBRIÉTÉ

    M. Harper (Simcoe-Centre) 34

LES SOCIÉTÉS

LE MOIS DE L'HISTOIRE DES NOIRS

    Mme Augustine 34

SHANIA TWAIN

    M. Thalheimer 34

QUESTIONS ORALES

LE DISCOURS DU TRÔNE

    M. Gauthier 35
    M. Gauthier 35
    M. Bellehumeur 35
    M. Bellehumeur 36

L'UNITÉ NATIONALE

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    Mme Lalonde 37

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 37
    M. Martin (LaSalle-Émard) 38

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

LA JUSTICE

L'ÉGALITÉ DES SEXES

    Mme Gagnon (Québec) 39
    Mme Gagnon (Québec) 39

LES PÊCHES

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 40
    M. Martin (LaSalle-Émard) 40

LA DÉFENSE NATIONALE

    M. Collenette 40
    M. Collenette 40

LA SANTÉ

    M. Hill (Macleod) 41
    M. Hill (Macleod) 41
    M. Dingwall 41

LE RÈGLEMENTS SUR L'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE

    Mme Sheridan 41
    Mme McLellan 41

LE DISCOURS DU TRÔNE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 41
    M. Martin (LaSalle-Émard) 42

L'INDUSTRIE MINIÈRE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 42
    M. Martin (LaSalle-Émard) 42

LE BUDGET

    M. Martin (LaSalle-Émard) 42

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

    Le Président 42

QUESTION DE PRIVILÈGE

SFT COMMUNICATIONS BRIEFING BOOK

    Le Président 43

NOMINATION DE LA VICE-PRÉSIDENTE ADJOINTE DES COMITÉS PLÉNIERS

    Le Président 44

RECOURS AU RÈGLEMENT

SFT COMMUNICATIONS BRIEFING BOOK

    Le Président 44

BUREAU DE RÉGIE INTERNE

    Le Président 44

AFFAIRES COURANTES

RÈGLEMENT DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

    Le Président 44

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Proposition et adoption de la motion 44
    Le Président 44

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'ADRESSE EN RÉPONSE AU DISCOURS DU TRÔNE

SFT COMMUNICATIONS BRIEFING BOOK

    M. Hermanson 45

ADRESSE EN RÉPONSE AU DISCOURS DU TRÔNE

    M. Speaker (Lethbridge) 45

LE DISCOURS DU TRÔNE

REPRISE DU DÉBAT SUR L'ADRESSE

    Reprise du débat 46
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 52
    Adoption de la motion 64
    M. Hermanson 65

LES COMITÉS PLÉNIERS

NOMINATION DE LA VICE-PRÉSIDENTE ADJOINTE

    Reprise de l'étude de la motion 70
    Adoption de la motion par 134 voix contre 75 70

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LE MAINTIEN DE LA PAIX EN HAÏTI

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 71
    M. Mills (Red Deer) 74
    M. Collenette 75
    Mme Bakopanos 78
    M. Leroux (Shefford) 82
    Mme Stewart (Northumberland) 84
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 91
    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 92

31


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mercredi 28 février 1996


La séance est ouverte à 14 heures.

_______________

Prière

_______________

Le Président: Comme le veut notre coutume, nous allons maintenant chanter l'hymne national, sous la direction de la députée de Vancouver-Est.

[Note de l'éditeur: Tous les députés chantent l'hymne national.]

______________________________________________

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

L'ÉCOLE SECONDAIRE DE PREMIER CYCLE PLEASANT VIEW

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, le 14 février 1996, l'école secondaire de premier cycle Pleasant View, dans ma circonscription, Don Valley-Nord, a organisé une semaine spéciale de la citoyenneté canadienne pour célébrer la Semaine nationale de la citoyenneté et marquer le 25e anniversaire de l'école.

J'adresse mes compliments à l'école secondaire Pleasant View à l'occasion de son 25e anniversaire, et je félicite le directeur, le personnel et les élèves de cet établissement d'avoir décidé de célébrer cette date importante dans l'histoire de l'école en réaffirmant leur citoyenneté canadienne.

Toutes mes félicitations à l'école secondaire de premier cycle de Pleasant View et joyeux 25e anniversaire.

* * *

LE DÉFICIT ET LA DETTE

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, il a été question hier, dans le discours du Trône, de sécurité pour les Canadiens. Pourtant, ce gouvernement continue d'ajouter 90 millions de dollars par jour à la dette. On se demande comment les Canadiens arrivent à dormir la nuit.

Ma province, l'Alberta, a réussi à équilibrer son budget et à connaître une forte croissance économique. Elle l'a fait en réduisant ses dépenses de 14 p. 100.

Écoutez un peu ce qu'elle a réussi à faire: réduire le chômage, augmenter la production en 1994 et en 1995, diversifier son économie et avoir un excédent budgétaire en 1995, une situation qui, prévoit-elle, devrait être la norme dorénavant.

Ces résultats montrent que la croissance réelle est possible quand les gouvernements mettent de l'ordre dans leurs finances. Croyez-moi, les Canadiens se sentiront beaucoup plus en sécurité quand le gouvernement aura mis en place un plan en vue d'éliminer le déficit et de rembourser la dette.

L'Alberta a montré qu'il est possible de créer de vrais emplois à long terme en restaurant la confiance grâce à un budget équilibré.

* * *

MEASURAND INC.

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, je veux féliciter la société Measurand Inc., une entreprise de ma circonscription, Fredericton-York-Sunbury, qui s'est vu confier un projet de recherche et développement dans des secteurs stratégiques. Ce projet contribuera à l'avancement d'une nouvelle technologie spatiale de pointe au Canada. Le contrat est attribué dans le cadre de l'initiative de technologie spatiale de l'Atlantique, un programme financé conjointement par l'Agence spatiale canadienne et l'accord de coopération entre le Nouveau-Brunswick et le Canada pour le développement économique.

Encore une fois, Fredericton agit en chef de file dans le développement d'une nouvelle économie. Measurand mettra au point un dispositif de détection de haute technologie ayant des applications nombreuses et variées, notamment la téléopération, la robotique, les structures intelligentes, la mesure du niveau des conteneurs et bien d'autres.

Je tiens à souhaiter la meilleure des chances à Measurand. Avec le succès de l'industrie de la haute technologie qui s'y trouve, comme en fait foi ce contrat accordé à Measurand, Fredericton, au Nouveau-Brunswick, est en voie de devenir la Silicon Valley de l'Est.

* * *

[Français]

L'AÉROPORT INTERNATIONAL DE MIRABEL

M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau, BQ): Monsieur le Président, le 9 septembre 1995, le journal La Presse publiait un article intitulé: «Mirabel, un aéroport bien apprécié. . . des étrangers». L'Association internationale du transport aérien confirmait que, selon un sondage tenu auprès de 30 000 passagers, Mirabel se classe au 5e rang au monde pour son efficacité.

Selon cet article, les problèmes de Mirabel découlent des décisions du gouvernement fédéral d'autoriser des transporteurs aériens à desservir Toronto directement à partir de l'Europe, privant ainsi


32

Mirabel de son statut exclusif de port d'entrée canadien des vols transatlantiques.

Le 19 février dernier, le nouveau ministre des Transports affirmait que l'échec de Mirabel avait été causé par les séparatistes du Québec. Au nom de tous les Québécois, notamment de Mirabel, je condamne les propos tenus par le ministre des Transports. Il n'a su que démontrer combien il est facile et gratuit de rapporter les erreurs commises par son propre gouvernement sur le dos des Québécois.

* * *

[Traduction]

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, c'est dans la région de l'Atlantique que le gouvernement a frappé le plus durement avec ses deux derniers budgets et, vers la fin de la dernière législature, le gouvernement a proposé des compressions au régime d'assurance-chômage qui viendront asséner un autre coup à notre région.

L'économie des provinces atlantiques est de nature saisonnière. Nous voulons que leur économie grandisse et se diversifie. Je favorise également des programmes qui aideront les travailleurs canadiens de l'Atlantique a acquérir les compétences dont ils ont besoin pour pouvoir se tailler une place sur le marché du travail.

Les Canadiens de tout le pays s'inquiètent de l'avenir de leur emploi ou du fait qu'ils n'en ont pas. Ils veulent pouvoir nourrir, vêtir et loger leur famille.

Même le premier ministre du Nouveau-Brunswick a dit croire que les réformes proposées par le gouvernement ne feront que faire passer les gens de l'assurance-chômage à l'aide sociale.

J'exhorte le gouvernement à reconsidérer sa décision. Il ne faut pas adopter de mesures qui sont discriminatoires à l'endroit des travailleurs saisonniers. Les gens ne doivent pas être punis pour un fait contre lequel ils ne peuvent rien. Nous devrions donner un coup de pouce aux gens afin qu'ils soient en mesure de s'aider eux-mêmes. Nous n'avons pas besoin de mesures qui entraîneront davantage de Canadiens dans la pauvreté et qui les dépouilleront de leur dignité.

* * *

LE DÉCÈS DE M. SANDY SCAMURRA

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Monsieur le Président, le 12 février, Mississauga perdait l'un de ses citoyens les plus éminents en la personne de Sandy Scamurra, qui fut également l'un des pionniers de la ville.

Sandy était arrivé à Mississauga, il y a plus de 40 ans, animé d'une éthique professionnelle, d'une énergie et d'une générosité d'esprit du genre qui a pavé la voie à l'amélioration de la qualité de vie d'un grand nombre de nos concitoyens.

Plus d'un millier de personnes ont assisté aux funérailles de Sandy; elles étaient venues dire au revoir à un ami qui a laissé sa marque dans leur communauté et qui, à un moment de leur vie, les avait touchées d'une manière ou d'une autre.

(1405)

Comme de nombreux Canadiens, dont mon propre père, Sandy Scamurra est arrivé dans ce pays pour travailler en tant que simple manoeuvre, sans rien d'autre que l'espoir d'un avenir meilleur. Il laisse derrière lui d'innombrables réalisations et une foule de parents et d'amis que son souvenir et son esprit continueront d'inspirer.

* * *

JENNIFER ROBINSON

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Monsieur le Président, Windsor vient de prouver une fois encore que c'est la ville des champions, une ville où la norme est de finir en première place.

La nouvelle héroïne de Windsor est Jennifer Robinson, championne canadienne de patinage artistique. Le prochain défi qui l'attend est de représenter le Canada aux championnats mondiaux de patinage artistique, à Edmonton.

Je sais que tous mes collègues voudront se joindre à moi pour offrir nos sincères félicitations à Jennifer et pour lui souhaiter le plus grand succès à Edmonton.

* * *

[Français]

LES MALADIES CARDIO-VASCULAIRES

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, je tiens à informer cette Chambre que le mois de février est consacré aux maladies du coeur. Au Québec, c'est près de 40 p. 100 des décès qui sont attribuables aux maladies cardiaques. Il est donc primordial de continuer à investir dans la recherche, la prévention et l'action au niveau de cette importante cause de décès.

Au cours des 40 dernières années, d'énormes progrès ont été accomplis. En effet, la proportion de décès attribuables aux maladies cardio-vasculaires a diminué considérablement et cette tendance se maintient encore aujourd'hui. Nous sommes donc sur la bonne voie, mais il faut continuer.

Parmi la multitude de causes reliées aux maladies cardio-vasculaires, il y a le tabagisme. À ce sujet, le Bloc québécois entend surveiller de très près les agissements du ministre de la Santé afin de s'assurer que toutes les mesures soient pertinentes et efficaces. La santé des populations du Québec et du Canada n'exige rien de moins.

* * *

[Traduction]

LA SOCIÉTÉ DISTINCTE

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, les lois d'un pays devraient être fondées sur les valeurs, les buts et les aspirations de ses habitants et non sur leurs gènes. Ceci dit, j'aimerais lire quelques extraits d'une lettre parue dans le Western Producer et signée par T.A. Howe, de Regina.


33

Les guerres ethniques qui continuent à déchirer notre monde attestent du danger qu'il y a à promouvoir une société dans laquelle les distinctions sont basées sur le patrimoine ethnique de chacun.
Une société juste et sage repose sur l'égalité, la créativité et l'unité, sans égard aux antécédents génétiques des individus. [. . .]
Donner au groupe dominant d'une nation ou d'une province le statut de société distincte ne peut pas plus se justifier (que ce soit pour des motifs historiques ou à titre d'expédient) que d'accorder un statut spécial-ou le maintenir-à un groupe dominant de par son sexe, sa couleur ou ses croyances religieuses.

* * *

LA CLOCHE DE BATOCHE

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River, Lib.): Monsieur le Président, les peuples métis du Canada, la nation métis de la Saskatchewan et tout particulièrement les Métis de Batoche ont subi une terrible injustice en 1885 lorsque la cloche de Batoche a été retirée de l'église métis Saint-Antoine de Padoue parce qu'on la considérait, à tort, comme un trophée de guerre. La cloche est un symbole du patrimoine métis et représente une période importante de l'histoire des Métis.

Depuis qu'elle a été enlevée de l'église en 1885, la cloche a été rangée d'abord au poste de pompiers de Millbrook, puis à la salle de la Légion à Millbrook, en Ontario. Cependant, la cloche de Batoche est disparue il y a environ quatre ans et demi et nous ne savons pas où elle se trouve maintenant. Tous les Canadiens se voient donc privés d'un artefact culturel canadien important, qui symbolise la fierté et l'espoir de la nation métis.

Pour résoudre ce problème, il faudra que les Métis et la Légion de Millbrook fassent preuve de beaucoup de bonne volonté et affichent une intention ferme de travailler ensemble pour s'assurer que la cloche sera rendue à un endroit où tous les Canadiens pourront à nouveau voir une partie importante du patrimoine culturel canadien.

* * *

[Français]

LE RÉGIME FÉDÉRAL

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, le régime fédéral dans lequel nous vivons est en constante évolution. Notre gouvernement s'emploie jour après jour à accroître son efficacité, tout en diminuant sans cesse ses coûts de fonctionnement. Dans le discours du Trône qui nous a été présenté hier, il y a une constance qui se dégage de tous les aspects du plan d'action que notre gouvernement entend actualiser d'ici la fin de son mandat. Partout, à chaque étape, notre gouvernement met l'accent sur la collaboration et le partenariat.

(1410)

Notre gouvernement est à l'écoute de la population et continuera de travailler au développement d'un véritable climat de coopération avec ses partenaires de la fédération. Comme l'ont prouvé les récents succès d'Équipe Canada, c'est par le collaboration et l'établissement d'objectifs communs que notre pays peut continuer de faire l'envie de l'ensemble des peuples de la terre.

* * *

LE DISCOURS DU TRÔNE

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes très fiers de notre bilan après ces deux premières années de mandat. Depuis notre élection, nous avons créé plus d'un demi-million d'emplois et le taux de croissance économique de notre pays est parmi les plus élevés des pays industrialisés.

Le discours du Trône qui nous a été présenté hier a mis en lumière les trois grands objectifs que nous entendons poursuivre dans cette deuxième moitié de mandat. Ils sont complémentaires et s'inscrivent parfaitement dans la logique du livre rouge. Ces objectifs sont l'emploi et la croissance économique, la sécurité des Canadiens et la modernisation de la fédération pour renforcer l'unité canadienne.

Les Canadiens et les Canadiennes veulent un pays uni, prospère et sûr pour eux et leurs enfants. Notre gouvernement partage entièrement ces priorités que nous a indiquées la population canadienne et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour lui donner ce pays qu'elle veut.

* * *

L'OPPOSITION OFFICIELLE

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, plusieurs personnes, des deux côtés de la Chambre, affirment que le Bloc québécois ne joue pas son rôle d'opposition officielle.

Pourtant, il y a quelques semaines, M. Ed Broadbent écrivait dans le Globe and Mail que la voix la plus forte à Ottawa en matière de défense des droits sociaux et économiques de la population, c'était celle du Bloc québécois. J'aimerais vous lire maintenant le témoignage offert par la nation autochtone Tsilhquot'in de la Colombie-Britannique qui m'a si chaleureusement reçu:

[Traduction]

«La nation Tsilhquot'in, comme d'ailleurs les autres nations du Canada, n'a jamais été, à notre avis, si bien servie par un porte-parole de l'opposition. [. . .] Les nations autochtones de la Colombie-Britannique sont fières du travail accompli par le Bloc québécois à Ottawa. [. . .] Les spéculations publiées dans les journaux pour alléguer que [. . .] ce parti se concentre uniquement sur les affaires du Québec ne sont pas fondées.»

[Français]

À mes collègues du Bloc québécois, qui consacrent tant d'heures et d'énergie aux travaux de cette Chambre et de ses comités, je dirais que ce n'est pas strictement du côté du Québec que vos efforts sont appréciés.

34

[Traduction]

LA CONDUITE EN ÉTAT D'ÉBRIÉTÉ

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole, aujourd'hui, pour appuyer le projet de loi d'initiative parlementaire présenté par mon collègue de Prince George-Bulkley Valley et qui concerne l'augmentation des peines obligatoires des personnes condamnées pour conduite en état d'ébriété ayant entraîné la mort.

L'ivresse au volant est la cause de centaines de décès chaque année. Elle est responsable de plus de la moitié des accidents d'automobile graves.

Les Canadiens sont furieux lorsqu'ils entendent parler de voisins ou de personnes chères qui ont été blessés ou tués à cause de ce comportement irresponsable. Il est temps que la justice criminelle commence à s'attaquer sérieusement à ces délinquants dangereux qui, pour la plupart, sont des récidivistes qui n'ont pas appris leur leçon.

Ce projet de loi demande que l'on impose une peine minimale de sept ans à ceux qui ont été condamnés pour avoir tué quelqu'un, alors qu'ils étaient ivres au volant. Cette modification accroîtrait la sécurité publique et serait un moyen de dissuasion sérieux pour les membres irresponsables de notre société.

Je demande à tous les députés d'appuyer le projet de loi.

* * *

LES SOCIÉTÉS

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, on entend beaucoup parler ces temps-ci des droits et des responsabilités associés à la citoyenneté canadienne. De plus en plus, on demande aux Canadiens de prendre davantage de responsabilités à l'égard de leur vie, de la création de leur propre emploi, de l'épargne pour leur retraite et de l'avenir de leur famille.

Alors que les Canadiens prennent individuellement les moyens, qu'en est-il des sociétés? Est-ce qu'elles assument davantage de responsabilités pour l'avenir de notre pays? Les bénéfices des sociétés ont atteint un record de 95,2 milliards de dollars l'an dernier, une augmentation de 19 p. 100 par rapport à l'année record précédente.

Aujourd'hui, on peut lire dans les journaux des choses comme: «Les bénéfices de la Banque de Montréal dépassent toutes les prévisions, mêmes les plus optimistes.» Ils atteignent 296 millions de dollars, une augmentation de 29,5 p. 100 par rapport à l'an dernier.

Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés de tous les partis, n'est-il pas temps que les banques et les autres sociétés rentables assument une plus grande des responsabilités dans la remise au travail du Canada et des Canadiens?

* * *

LE MOIS DE L'HISTOIRE DES NOIRS

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, le 14 décembre 1995, la Chambre des communes a déclaré le mois de février le Mois de l'histoire des noirs. Depuis le début de notre histoire jusqu'à maintenant, les gens d'origine africaine ont contribué à faire du Canada l'un des pays les plus enviés du monde.

(1415)

Les noirs, comme esclaves et hommes et femmes libres, ont beaucoup donné d'eux-mêmes pour favoriser le développement de notre nation. En tant que pêcheurs et employés de maison en Nouvelle-France, soldats et hommes de peine aux premiers temps de la Nouvelle-Écosse, traiteurs de pelleteries au service de la Compagnie de la Baie d'Hudson, agriculteurs des Prairies au début du siècle, ouvriers spécialisés, professeurs, gens d'affaires dans la Colombie-Britannique d'avant la Confédération, les noirs ont apporté à notre pays une abondance de compétences.

Les Canadiens d'origine africaine, établis depuis longtemps ou arrivés depuis peu, sont aussi différents les uns des autres que les colons d'Europe et d'Asie, mais ils sont unis par une expérience commune sur le plan historique. L'histoire des noirs, qui ont un désir inébranlable de réussir, malgré l'adversité et les rigueurs du climat, sera toujours liée étroitement à celle du Canada.

* * *

SHANIA TWAIN

M. Peter Thalheimer (Timmins-Chapleau, Lib.): Monsieur le Président, Shania Twain, la plus récente chanteuse de Timmins, en Ontario, à faire sensation dans le monde de la musique, a remporté le prix de la découverte de l'année dans le cadre du 23e gala annuel des American Music Awards, le 29 janvier 1996. Elle a également été mise en nomination dans la catégorie de la musique country pour la meilleure artiste féminine, le meilleur album et la découverte de l'année.

Ce n'est pas la première fois qu'on rend hommage aux remarquables talents musicaux de Shania Twain. Les députés se rappellent sûrement que, le 18 septembre 1995, Shania a remporté un total de cinq prix dans le cadre des Canadian Country Music Awards, notamment les prix de la meilleure interprète féminine et du meilleur album de l'année.

L'étoile de Shania Twain n'est pas prête de pâlir. Tous les yeux seront tournés vers elle ce soir à la cérémonie de remise des prix Grammy. En effet, Shania est en nomination dans quatre catégories, notamment la découverte de l'année, le meilleur album country, la meilleure chanson country et la meilleure interprète féminine de musique country.

Je voudrais féliciter Shania Twain pour les succès qu'elle a remportés aux American Music Awards de cette année et lui offrir, au nom de la Chambre, nos meilleurs voeux de succès à l'occasion de la remise des prix Grammy ce soir.

______________________________________________


34

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE DISCOURS DU TRÔNE

Des voix: Bravo!

M. Michel Gauthier (Chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, dans le discours du Trône d'hier, le gouvernement parle du prochain référendum au Québec en déclarant, et je cite:


35

[. . .] tant qu'il sera question d'un autre référendum au Québec, le gouvernement s'acquittera de sa responsabilité, qui est de s'assurer que l'on joue cartes sur table, que les règles sont équitables, que les conséquences sont clairement énoncées et que les Canadiennes et les Canadiens, où qu'ils vivent, ont leur mot à dire sur l'avenir de leur pays.
Ma question s'adresse au premier ministre ou plutôt à la vice-première ministre, puisque le premier ministre n'est pas là.

Le premier ministre reconnaît-il que le prochain référendum au Québec se tiendra en vertu de la Loi québécoise sur les consultations populaires et qu'à ce titre les règles à respecter seront celles précisées dans la loi québécoise et non celles que le premier ministre pourrait vouloir imposer?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais tout d'abord féliciter le député de son élection au poste de chef de l'opposition. On a beaucoup de nouveau ici aujourd'hui, y compris le nouveau premier ministre de Terre-Neuve qui est avec nous.

Des voix: Bravo!

Mme Copps: Monsieur le Président, j'aimerais préciser que l'on attend du nouveau premier ministre du Québec qu'il tienne parole et cherche à travailler avec le premier ministre du Canada pour faire s'épanouir l'économie du Canada, ce que cherchent à tout prix les Québécois et les Canadiens.

M. Michel Gauthier (Chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, vous admettrez que cette nouvelle session commence curieusement.

(1420)

Ma question s'adresse à la vice-première ministre. Hier, le ministre des Affaires intergouvernementales a déclaré que l'énoncé du discours du Trône pouvait aller jusqu'à signifier un référendum pancanadien sur la question du Québec. Mais la vice-première ministre, aujourd'hui, a corrigé le tir en disant que ce n'était pas un référendum. Lui-même a repris en disant que ce n'était pas un référendum pour le moment.

Il y a probablement quelqu'un qui mène dans ce gouvernement. Je voudrais savoir qui, tout d'abord, et je voudrais savoir également qui dit vrai. Est-ce que le gouvernement prévoit, oui ou non, un référendum pancanadien sur la question du Québec?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, ce qui est malheureux de l'approche du chef de l'opposition, je présume qu'il a écouté le maire de Montréal. Quand le maire de Montréal est venu ici, ils nous a demandé d'arrêter de parler de référendum et de travailler sur la relance économique à Montréal et au Québec.

Je présume aussi qu'il écoute les commentateurs au Québec, qui disent de notre programme de relance économique: «Bon discours et programme ambitieux». Ça, c'est Michel Vastel. Le journal Le Soleil dit: «Enfin un gouvernement qui gouverne». Est-ce qu'on ne peut pas venir travailler avec nous sur les vraies questions, la relance économique de Montréal, du Québec et du Canada?

M. Michel Gauthier (Chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je questionne le gouvernement sur son discours du Trône d'hier. Je questionne le gouvernement, et tous les reporters de la presse nationale ont relevé les éléments qui font l'objet de ma question. La vice-première ministre va venir m'accuser, moi, de parler de référendum, alors que je la questionne sur ce qu'eux ont dit? On vit dans un autre monde.

Ma question s'adresse à la vice-première ministre, et je voudrais qu'elle soit claire. Elle et le ministre des Affaires intergouvernementales se sont formellement contredits sur la question d'un référendum pancanadien. Je lui pose la question: Qui dit vrai entre elle et le ministre des Affaires intergouvernementales?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a aucune contradiction. Le gouvernement dit, comme dit le maire de Montréal, comme dit le premier ministre du Québec, qu'on ne cherche pas de référendum, mais la relance économique. On attend la présence du nouveau premier ministre du Québec pour qu'il travaille main dans la main avec le gouvernement du Canada à la création d'emplois, ce qui est requis par tous les Canadiens, y compris les Québécois.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je rappellerai à la vice-première ministre que le même maire de Montréal avait dit d'arrêter de parler de partition du Québec. Dans le discours du Trône d'hier, on peut lire que le gouvernement fédéral est disposé à se retirer, entre autres, de la formation professionnelle, des forêts, des mines et des loisirs. Cela ressemble partiellement à l'Accord de Charlottetown, rejeté par l'ensemble des Québécois et Canadiens en 1992.

Ma question s'adresse au premier ministre. Le premier ministre admettra-t-il que ce qu'il propose n'est ni plus ni moins qu'un recyclage partiel de l'Accord de Charlottetown qui, rappelons-le, a été rejeté massivement par le Québec et le Canada?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je pense qu'au lieu de faire autre chose, j'aimerais peut-être faire la reprise de l'analyse de Claude Béland, qui dit actuellement: «On décentralise suffisamment pour aller de l'avant. Les Québécois ont les pouvoirs qu'il faut pour nous protéger.» Depuis quelques mois, on nous demande des programmes. On a proposé des choses innovatrices, des choses nouvelles avec un esprit ouvert. Tout ce qu'on demande de l'opposition, c'est de la coopération pour justement aller de l'avant avec un plan qui reflète les vrais pouvoirs pour les Québécois, tels que décrits par Claude Béland.


36

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, la vice-première ministre admettra-t-elle que la proposition de retrait immédiat, proposée par son premier ministre, n'est que poudre aux yeux, puisque le fédéral conserve la mainmise sur les orientations des programmes et imposera des normes nationales? Qu'elle réponde véritablement à cette question-là si elle en est capable.

(1425)

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, hier, nous avons démontré un esprit d'ouverture. Nous avons proposé, pour la première fois, que le gouvernement fédéral ne fasse pas de dépenses dans les champs exclusifs d'une province sans le consentement de cette dernière.

Nous avons aussi proposé de constitutionnaliser des propos du droit de veto pour le Québec et aussi la reconnaissance de la société distincte.

Ce sont exactement les choses qui ont été demandées par le Bloc québécois et j'espère, pour une fois, que le Bloc aura assez d'ouverture d'esprit pour travailler avec nous pour améliorer le Canada.

* * *

[Traduction]

L'UNITÉ NATIONALE

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, dans le discours du Trône, hier, le gouvernement a fait la promesse suivante: «Les Canadiennes et les Canadiens, où qu'ils vivent, ont leur mot à dire sur l'avenir de leur pays.»

C'est un grand progrès pour un gouvernement qui a exclu et bâillonné les citoyens, et même ses propres députés pendant la campagne référendaire, l'automne dernier.

Comme pour tout ce qui se rapporte à l'unité nationale, la confusion règne au Cabinet et dans tout le caucus au sujet de la stratégie à suivre et de ce qu'on entend par «avoir leur mot à dire».

Voici ma question, qui s'adresse au premier ministre, à la vice-première ministre, au président du Conseil du Trésor, à la ministre de l'Immigration ou au ministre des Affaires intergouvernementales, où qu'il se trouve. Les Canadiens pourront-ils, oui ou non, dire leur mot sur l'avenir de leur pays à l'occasion d'un référendum national dont les résultats seront exécutoires?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je ne suis pas surprise que la députée soit braquée sur une question unique.

Si la députée écoutait ses électeurs, elle constaterait qu'ils sont d'avis que le vrai travail du gouvernement, au cours des 18 prochains mois, consiste à relancer l'emploi.

Nous avons proposé un plan de réforme économique. Nous nous sommes montrés ouverts au changement. Nous croyons que nous, Canadiens, ne voulons plus de querelles constitutionnelles. Les Canadiens réclament des emplois. C'est ce que nous avons proposé dans le discours du Trône.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Justement, monsieur le Président, les Canadiens veulent des changements d'ordre économique. Ils veulent se sentir plus en sécurité. Ils veulent avoir la certitude que le pays existera toujours lorsque l'économie aura pris du mieux. Ils veulent avoir ce sentiment de sécurité.

Le discours du Trône qui a été lu hier ne propose aucun allégement des impôts, aucune réforme fiscale. Les Canadiens veulent avoir leur mot à dire sur l'avenir de leur pays. Ils ont des idées qu'il vaut la peine d'écouter sur l'économie, la sécurité des personnes et l'unité nationale, à laquelle est consacrée une bonne partie du discours du Trône.

Le gouvernement est-il disposé à faire participer les Canadiens au processus d'unité nationale dès le début? Est-il prêt à les écouter vraiment? En bout de ligne, une fois tous les plans sur la table, le gouvernement invitera-t-il la population à se prononcer? À la fin, les Canadiens se sentiront-ils davantage en sécurité? La vice-première ministre est-elle prête à s'engager, oui ou non?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je ne veux pas que les Canadiens participent au débat à la toute fin. Je veux qu'ils le fassent au début. Je veux que participent les Canadiens que j'ai rencontrés la semaine dernière à Signal Hill, à Terre-Neuve, et qui se sont engagés à faire ce qu'ils peuvent pour préserver l'unité nationale, et ceux que j'ai rencontrés à Winnipeg, et qui cherchent des idées neuves pour garder notre pays uni. Nous voulons écouter leurs idées.

Nous voulons écouter celles des membres du caucus, comme le député de Toronto qui a dressé un plan pour amener les Canadiens de toutes les régions à se rencontrer. Nous entendons faire participer les Canadiens à toutes les étapes de l'édification de notre pays.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, si la vice-première ministre veut les faire participer à toutes les étapes, cela veut dire que le gouvernement ne peut rien faire de moins que tenir à la fin de toute la démarche un référendum national dont les résultats seront exécutoires.

La situation me paraît ahurissante. Elle parle de sécurité économique. C'est bien d'en parler, mais le bilan du gouvernement est tel que cette sécurité ne viendra pas. C'est une idée magnifique de réunir les gens, sauf que la vice-première ministre a dit l'autre jour que nous devions retrouver l'esprit de 1967.

L'année 1967 a été merveilleuse, mais nous sommes en 1996. Nous sommes à l'aube d'un nouveau siècle. Il ne faut pas retourner en arrière, mais aller de l'avant. Les conférences de premiers ministres, la société distincte, le statut particulier et les droits de veto sont des choses dépassées.

(1430)

Pourquoi le gouvernement insiste-t-il pour recycler les politiques et les problèmes de l'ère Mulroney en ce qui concerne l'unité nationale, l'économie, Katimavik-2 et toutes ces belles choses?


37

Pourquoi exhumer ces politiques stériles alors que les Canadiens les ont rejetées, pour de bon croyaient-ils, en se prononçant contre l'accord de Charlottetown?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je suis en politique depuis longtemps, mais je n'y étais pas encore en 1967. J'étais une simple citoyenne qui a eu l'occasion de comprendre pour la première fois ce qui faisait l'originalité de son pays. J'étais une élève au secondaire et je suis allée visiter Expo 67. J'ai vu Montréal. J'ai appris à connaître les francophones et j'ai pris conscience de l'esprit de cette ville.

Si nous pouvons retrouver l'esprit de 1967, ce sera un bon point de départ pour nous préparer à entrer dans le XXIe siècle.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre Développement des ressources humaines, que je félicite.

Depuis quelques mois déjà, un vent de protestation souffle de partout au Canada, y compris dans la propre circonscription du ministre, contre la prétendue réforme de l'assurance-chômage qui diminue les bénéfices et l'accessibilité et qui pénalise les jeunes, les femmes et les travailleurs saisonniers.

Devant la profonde inquiétude manifestée par tant de monde, y compris dans sa circonscription, face aux demandes répétées de la vaste coalition québécoise et canadienne contre la réforme de l'assurance-chômage et de celles et ceux qui l'appuient, notamment des Églises, le ministre s'engage-t-il à retirer son projet de loi et à en faire l'examen pour que, quand il sera déposé, il soit digne des attentes des Canadiennes et des Canadiens, des Québécoises et des Québécois?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je remercie ma collègue de sa question parce qu'il s'agit d'une question très importante pour les gens d'un bout à l'autre du pays.

On a souvent parlé que la réforme touchait certains groupes plus que d'autres. Je veux remercier mon prédécesseur qui, avant qu'on quitte cette Chambre pour Noël, s'était engagé à voir à ce qu'on modifie les articles qui causent le plus d'inquiétude, notamment ceux qui visent à déterminer le montant des prestations et la règle sur l'intensité du travail.

Je crois qu'il faut reconnaître, et j'espère que mon honorable collègue le fait aussi, que les changements qui doivent être apportés à tout le régime d'assurance-chômage sont importants et sont appuyés par bien des gens d'un bout à l'autre du pays.

Cependant, je reconnais entièrement, comme ma collègue, que des des éléments doivent être changés. Et parce que tous nos collègues dans cette Chambre ont eu l'occasion, pendant les deux derniers mois, d'écouter ce qui s'est dit un peu partout à travers le pays, j'espère, lorsqu'on reprendra le travail en comité, qu'on trouvera ensemble des solutions à ces questions épineuses.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, l'essence de ce projet de loi est de couper. À terme, ce sera deux milliards. Et si cela ne change pas, de nombreuses personnes seront pénalisées.

Le ministre peut-il rassurer la population, les hommes et les femmes de mon comté comme du sien et comme des autres au Canada, le monde ordinaire, peut-il les rassurer et affirmer aujourd'hui que les travailleuses et travailleurs et ceux qui voudraient bien en être pourront bénéficier d'un vrai régime d'assurance-chômage, celui pour lequel ils paient, où qu'ils soient et quel que soit leur âge?

(1435)

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je peux assurer mon honorable collègue et les gens qui sont inquiets face à cette réforme que nous allons être absolument équitables, que nous allons essayer de toujours relier l'accès au programme d'assurance-chômage avec la réalité de pouvoir trouver un emploi ou de la formation.

Je crois que tous ensemble on devrait reconnaître qu'on peut faire tout le travail possible pour essayer de trouver des solutions pour les gens sans emploi, mais que la vraie solution c'est véritablement de leur trouver de l'emploi.

* * *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, je pensais que, après avoir prononcé son petit discours, la vice-première ministre annoncerait la nomination de Bobby Gimby au Cabinet. De toute évidence, cela ne s'est pas encore produit.

Depuis 1989, le revenu disponible des Canadiens a chuté de 8,6 p. 100. Pendant les mois qui ont précédé la campagne électorale, le gouvernement actuel a promis à maintes reprises de supprimer la TPS, laissant entendre qu'il allait renverser cette tendance. C'est ce qu'il a donné à entendre.

Cependant, dans le discours du Trône d'hier, il a signalé qu'il n'avait absolument aucune intention d'éliminer la TPS. Je voudrais que le ministre des Finances me dise pourquoi le gouvernement manque à sa promesse.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, ce qui a été dit dans le discours du Trône rejoint exactement l'esprit et la lettre du livre rouge.

Nous avons l'intention d'harmoniser les taxes. C'est une demande claire et nette de milliers de consommateurs partout dans le pays et de la vaste majorité des petites et des moyennes entreprises. Nous aurons ainsi une taxe unique beaucoup plus équitable et beaucoup plus facile à gérer, et c'est ce que nous voulons.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, quelqu'un qui occupe le poste de ministre des Finances ne


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comprend peut-être pas pourquoi l'avenir financier des Canadiens ordinaires les effraie tellement. Les Canadiens veulent moins de taxes, pas des taxes différentes. Je rappelle au ministre des Finances qu'il a déclaré en 1990 qu'il abolirait la TPS.

En présumant que le ministre des Finances est un homme de parole-c'est la supposition que je fais-je lui demande encore une fois pourquoi il manque à sa promesse et il n'abolit pas la TPS.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement a l'intention de respecter son engagement. Cette intention était énoncée très clairement dans le discours du Trône d'hier et nous tiendrons parole.

Par ailleurs, le député, qui nous avait promis le budget du Parti réformiste pour cette année, nous a sorti cinq petits mots sur une feuille de papier. Quand le Parti réformiste va-t-il respecter son engagement?

* * *

[Français]

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse aussi au nouveau ministre du Développement des ressources humaines.

Comme on le sait, le Québec réclame depuis 1965 les pleins pouvoirs en matière de formation de la main-d'oeuvre. Or, nous apprenons cette semaine que le nouveau ministre du Développement des ressources humaines se donne trois ans pour évacuer ce champ de compétence provinciale.

Quelles sont les raisons qui motivent le refus du ministre de donner immédiatement les pleins pouvoirs au gouvernement du Québec, alors que tous les intervenants des milieux patronaux et syndicaux, les groupes communautaires, et même les libéraux provinciaux du Québec, appuient cette demande?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je regrette le malentendu qui semble avoir été le résultat de mes conversations avec la ministre responsable du dossier à Québec. Je suis entièrement d'accord avec l'honorable député que non seulement il y a un consensus au Québec sur la question de la main-d'oeuvre, mais il y a aussi l'engagement du premier ministre du Canada. Cela a été répété dans la deuxième partie de la Loi sur l'assurance-chômage qui était devant le Parlement lors de la prorogation.

La seule chose que j'ai dite et que je répète c'est que la loi et l'engagement du premier ministre prévoyaient jusqu'à trois ans pour évacuer ce domaine qui, nous sommes tous d'accord, devrait être transféré aux provinces.

Cela étant dit, je n'ai pas l'habitude de prendre plus de temps qu'il n'en faut pour faire ce qui s'impose. Ce qui fait qu'aussitôt qu'on aura conclu les négociations, aussi bien avec le Québec qu'avec les autres provinces canadiennes qui sont intéressées, il me fera plaisir de respecter l'engagement du premier ministre.

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, sur un autre plan, mais un peu dans le même sens, pour nourrir ces réflexions, le ministre peut-il nous confirmer que la formation de la main-d'oeuvre fait partie du plan À du gouvernement au niveau constitutionnel et qu'il retarde délibérément son retrait de ce secteur pour prôner au Québec les vertus du fédéralisme, au détriment des milliers d'hommes et de femmes, surtout des jeunes, en attente de formation adéquate?

(1440)

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Non, monsieur le Président.

* * *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Madame la Présidente, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Les Canadiens exigent que le gouvernement calme leurs craintes pour leur sécurité personnelle et ils exigent plus que le misérable paragraphe du discours du Trône d'hier. Des milliers de Canadiens réclament notamment l'abrogation immédiate de l'article 745 du Code criminel, qui permet la libération anticipée des assassins.

Le ministre les écoutera-t-il en abolissant l'article 745 du Code criminel pour que les auteurs d'assassinats passent au moins 25 ans en prison?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'exhorte le député à ne pas prendre la longueur du paragraphe du discours du Trône comme étant une indication de l'importance que nous accordons aux questions de justice pénale.

Je préférerais qu'il parle des huit projets de loi rigoureux que nous avons déjà présentés au cours de cette législature pour renforcer le système de justice pénale.

Je préférerais que le député pense aux importants changements que nous avons apportés au processus de détermination de la peine prévu dans le Code criminel, au renforcement et au raffermissement des dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants se rapportant aux crimes avec violence, ainsi qu'à notre solide loi sur les armes à feu. Ce sont là des mesures qui comptent.

Quant à l'article 745, j'étais en Alberta il y a une semaine et demie et j'y ai rencontré Darlene Boyd, dont la fille a été enlevée et assassinée il y a environ 15 ans. J'ai parlé avec elle, et avec beaucoup d'autres proches de victimes de meurtres, des préoccupations soulevées par cet article. Nous avons déjà adopté des modifications et nous en envisageons d'autres qui iraient immédiatement dans le sens des intérêts des victimes et rendraient le système de justice plus humain.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Justice pourrait prouver à la population du Canada qu'il croit sincèrement à ce qu'il dit en abolissant tout simplement cet article du Code criminel, mais il refuse de le faire.


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Les principaux suspects dans les meurtres de Melanie Carpenter et de Mme Salter, d'Edmonton, bénéficiaient, au moment des meurtres, de libérations anticipées. Le discours du Trône ne contenait rien pour donner aux Canadiens l'assurance que des délinquants violents n'obtiendraient plus de libérations anticipées.

Le ministre de la Justice présentera-t-il un projet de loi pour mettre fin immédiatement à la libération d'office des délinquants qui sont à l'origine de telles atrocités?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il est regrettable que, parlant de sujets qui appellent une certaine analyse rationnelle, le député simplifie à l'extrême et déforme les faits.

Jusqu'à maintenant, aucune personne libérée de prison aux termes de l'article 745 n'a été l'auteur d'un crime violent. Deuxièmement, le suspect dans le meurtre de Melanie Carpenter n'avait pas été libéré en vertu de l'article 745, mais il était en liberté conditionnelle relativement à d'autres infractions.

Troisièmement, nous ne partageons pas les vues simplifiées à l'excès du député, pour qui la solution consiste à abolir entièrement la disposition. Ce n'est que l'une des possibilités que nous étudions. Nous croyons aussi qu'il faut rechercher des moyens d'améliorer cet article et le restreindre aux cas exceptionnels pour lesquels il avait été prévu. Cela nous permettra de protéger la population, y compris les victimes, et de rendre le système de justice plus humain.

* * *

[Français]

L'ÉGALITÉ DES SEXES

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Le gouvernement a adopté l'an dernier un plan pour l'égalité des sexes dont un des volets est d'analyser les politiques en fonction de leur impact sur l'égalité des sexes. Or, on sait qu'il existe un déséquilibre important entre les hommes et les femmes au triste palmarès des emplois temporaires et saisonniers.

Considérant le plan pour l'égalité des sexes, le ministre peut-il nous dire quels sont les résultats de l'analyse effectuée en fonction de ce plan?

[Traduction]

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, la question soulevée par la députée revêt une très grande importance. Nous essayons actuellement d'appliquer, par suite du grand intérêt manifesté par des particuliers et des groupes qui sont très préoccupés par cette question, des critères à l'ensemble des programmes que nous examinons afin de mesurer quel impact cela aurait sur l'égalité non seulement entre les sexes mais également entre les divers groupes d'âge.

(1445)

Il s'agit d'une question extrêmement complexe. Bien que nous ayons fait déjà beaucoup à cet égard, je ne puis qu'informer la députée que j'envisage d'aborder la question avec mes homologues du monde entier, avec des représentants des pays membres de l'OCDE. Il est extrêmement difficile d'analyser l'impact des divers programmes que nous sommes chargés d'administrer. Je n'entends pas par là que nous retardons un processus que nous aimerions conduire à terme.

Ainsi, j'espère que le comité parlementaire sera en mesure de nous conseiller une ligne d'action à suivre en vue de résoudre cette question extrêmement importante.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, le ministre peut-il faire part ici, en cette Chambre, des mesures qu'il entend prendre dans le nouveau projet de réforme de l'assurance-chômage pour concrétiser enfin le plan de son gouvernement sur l'égalité des sexes?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, lorsque le comité parlementaire siégera à nouveau et qu'il étudiera la législation appelée précédemment projet de loi C-111, j'espère que nous pourrons apporter des éléments qui vont démontrer les raisons pour lesquelles nous croyons qu'il est essentiel de modifier certains aspects de la loi qui était proposée justement parce que l'impact sur certains secteurs, certains groupes de la population, à notre avis, n'était pas acceptable.

Je pense que ceux qui suivront le dossier de près réaliseront que les modifications que nous pensons pouvoir proposer vont toucher, au moins en partie, ce problème qui dure depuis très longtemps et dont je ne peux prétendre sera corrigé par un projet de loi. Nous avons la volonté de continuer d'essayer de travailler afin qu'on puisse équilibrer le droit à tous les travailleurs de notre société à être traités équitablement.

* * *

[Traduction]

LES PÊCHES

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.

Les pêcheurs, leurs associations et leurs communautés s'inquiètent de l'augmentation des droits des permis de pêche, du système de contingentement et des propositions visant à professionnaliser la pêche commerciale.

Le nouveau ministre confirmera-t-il à la Chambre et aux citoyens inquiets de Carleton-Charlotte et de tout le Canada atlantique qu'il les consultera et tiendra compte de leurs recommandations lorsqu'il sera appelé à mettre en oeuvre une nouvelle politique, au lieu de se contenter d'écouter les bureaucrates de son ministère?

L'hon. Fred J. Mifflin (ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour la première question qu'il pose au cours de la présente session de la Chambre.


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Plusieurs questions, dont celle des droits des permis, préoccupent les pêcheurs de sa circonscription et des circonscriptions avoisinantes. De nombreuses consultations ont eu lieu au sujet des changements à apporter. Les droits de permis pour l'année 1996 sont déjà établis, mais ceux pour 1997 peuvent encore être modifiés.

Quant aux règles à appliquer en vue de réduire la taille du secteur des pêches et d'en faire une industrie viable, elles ont été approuvées, en principe, par les pêcheurs. Comme nous avons prévu un certain élément de souplesse, il est toujours possible de réexaminer la question.

Pour ce qui est du contingentement, nous serons heureux d'étudier le problème. Mon ministère est très sensible aux besoins des membres de l'industrie de la pêche.

Au cours des trois dernières semaines, nous leur avons dit que nous serions disposés à discuter avec eux dès qu'ils auront quitté les bureaux du ministère.

* * *

L'ÉCONOMIE

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, selon une étude du Conference Board, face à leur avenir économique, les Canadiens sont plus pessimistes qu'ils ne l'ont jamais été, sauf au cours de récessions. Pourtant, les libéraux se sont engagés dans le livre rouge à mettre en oeuvre des politiques devant rétablir la prospérité économique et la confiance des Canadiens.

Voici ma question au ministre des Finances: Pourquoi ces politiques ont-elles échoué?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, les politiques du gouvernement n'ont pas échoué.

Le député est économiste et il sait fort bien que les indicateurs avancés sont en hausse. Ce matin, nous avons encore signalé un excédent commercial sans précédent pour le Canada et nous savons tous que les ventes au détail s'améliorent.

Les statistiques qui comptent le plus sont celles qui montrent qu'en décembre et janvier derniers, nous avons créé 123 000 emplois dans le secteur privé.

(1450)

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, il est vraiment étrange de constater que les Canadiens n'ont pas l'air de se rendre compte de tout cela. Ils doivent être stupides. Sinon, pourquoi seraient-ils si pessimistes?

Les Canadiens seront encore plus préoccupés quand ils s'apercevront que, dans le discours du Trône, les libéraux ne mettent plus l'accent sur l'élimination nécessaire du déficit, mais bien sur de coûteuses subventions et d'inefficaces programmes de création directe d'emplois.

Le fait que les libéraux déplacent les priorités financières annonce-t-il un retour aux politiques traditionnelles qui précèdent un budget? Seraient-ils en train de dire: «Au diable le déficit et les générations futures! Nous devons d'abord nous faire réélire à tout prix»?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le discours du Trône réitère les politiques que le gouvernement met en oeuvre depuis son arrivée au pouvoir et qui sont énoncées dans le livre rouge. Ces politiques traduisent une démarche calculée pour réduire le déficit, afin de permettre au Canada d'obtenir des résultats supérieurs à ceux de n'importe quel autre pays industrialisé. Dans les domaines des nouvelles technologies, de l'aide aux petites et moyennes entreprises et des exportations, elles faciliteront la croissance et la création d'emplois.

Je suis certain que le député se trompe. Les Canadiens ne sont pas stupides. La preuve: ils ont catégoriquement rejeté la politique de la terre brûlée du Parti réformiste et ils ont accepté la démarche équilibrée du Parti libéral.

* * *

[Français]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Cette semaine, l'émission Enjeux de Radio-Canada a rendu public qu'une unité spéciale des Forces canadiennes, simulant une attaque terroriste, a pris d'assaut la Citadelle de Québec, en 1992, afin d'en tester la sécurité. Un affrontement sanglant aurait même été évité de justesse alors qu'une force excessive a été utilisée au cours de cet exercice.

Comment le ministre explique-t-il ces événements et comment peut-il justifier que les officiers supérieurs qui les ont autorisés soient toujours à l'emploi du ministère de la Défense et ont même été promus depuis?

[Traduction]

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, il s'est bien produit un incident à la Citadelle de Québec le 6 février 1992. À l'issue d'une enquête complète effectuée par la police militaire, l'armée a pris des mesures disciplinaires à l'égard des personnes impliquées.

À la suite de la découverte de faits nouveaux en 1994, l'enquête a été rouverte. Comme il existe un certain lien entre les personnes impliquées dans cet incident et le déploiement de troupes en Somalie, la commission d'enquête sur le déploiement en Somalie sera maintenant saisie de la question, et je ne devrais ajouter rien de plus à ce sujet.

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, pour faire suite à la réponse du ministre, est-ce que le ministre confirmerait que le nouveau brigadier général Daigle, promu malgré les événements de la Citadelle et de la Somalie, serait maintenant pressenti pour commander la nouvelle mission de paix en Haïti et, dans l'affirmative, comment peut-il justifier une telle décision?

[Traduction]

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Comme le député le sait, monsieur le Président, nous tiendrons plus tard aujourd'hui un débat au sujet du déploiement de troupes à Haïti. Il est prématuré d'aborder la question et de se demander qui en sera le commandant, si le Canada n'a même pas encore donné son accord de principe


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pour accepter un tel engagement, ce qui dépendra de la demande que nous adressera l'ONU.

Quant à l'homme que le député a calomnié, un homme qui a récemment accédé au rang d'officier général, le général Daigle, de Montréal, appartenant au Royal 22e Régiment, le chef de l'état-major et moi-même avons entièrement confiance en lui.

* * *

(1455)

LA SANTÉ

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, hier soir, à l'émission The Fifth Estate, les Canadiens ont vu comment une grande compagnie pharmaceutique a influencé une décision de la Direction générale de la protection de la santé en minimisant la recherche sur les inhibiteurs calciques. Cela ne sent pas bon. Il semble, toutefois, qu'une légère odeur suit le ministre partout où il va.

Que fera le ministre pour mettre de l'ordre à la DPS et protéger les Canadiens lorsque des vies sont en jeu?

L'hon. David M. Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député d'en face de poser la question.

Les allégations contenues dans le reportage sont très graves. Je suis persuadé que c'est pour cela que le député présente ces allégations à la Chambre des communes.

J'ai demandé aux hauts fonctionnaires du ministère de me fournir un rapport complet et exhaustif concernant les allégations en question.

J'ose croire que, lorsque je prouverai au député que son évaluation des hauts fonctionnaires de Santé Canada est inexacte, il aura la courtoisie de s'excuser.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, quelque chose de très similaire s'est produit il y a quelques années avec les prothèses mammaires de silicone. Des données scientifiques ont été supprimées. Des milliers de femmes ont souffert par suite de cette décision, et le ministre le sait.

Et voici qu'une entreprise de dissimulation similaire fait surface à la DPS. Le ministre est responsable. La DPS est importante pour la santé des Canadiens. Quand y mettra-t-il de l'ordre?

L'hon. David M. Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je n'approuve pas la prémisse à la question du député.

Ces allégations sont graves et je les prends au sérieux. J'ai demandé un rapport complet sur cette affaire.

Le député doit être clair. S'il se trompe dans son évaluation des choses, fera-t-il la seule chose honorable dans les circonstances, à savoir présenter ses excuses aux hauts fonctionnaires en question?

LES RÈGLEMENTS SUR L'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE

Mme Georgette Sheridan (Saskatoon-Humboldt, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre des Ressources naturelles.

En novembre, on a annoncé l'adoption de nouveaux règlements visant l'efficacité énergétique et établissant des normes d'efficacité pour les lampes à fluorescence et à incandescence. Ces règlements s'appliqueront à toutes les lampes importées au Canada et même à celles vendues entre les provinces.

La ministre peut-elle nous éclairer sur l'effet que ces règlements auront sur les Canadiens et sur notre environnement?

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, la députée soulève une question très importante. Les règlements dont elle parle sont un exemple de dispositions réglementaires sensées.

D'entrée de jeu, ces règlements ont été élaborés avec toutes les parties visées, notamment l'industrie de l'éclairage. Ils sont sensés du point de vue économique et environnemental. Ceux qui utilisent ces lampes réaliseront des économies substantielles sur leurs factures énergétiques.

Par rapport à l'environnement, l'aspect le plus important peut-être, l'utilisation de ces lampes entraînera une réduction considérable des émissions de dioxyde de carbone. En fait, d'ici l'an 2000, l'utilisation de ces lampes aura un effet équivalant au retrait d'un million de voitures des routes canadiennes.

* * *

[Français]

LE DISCOURS DU TRÔNE

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, hier dans le discours du Trône, le gouvernement indiquait qu'il entendait réduire son déficit à 2 p. 100 du PIB en 1998.

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Comment entend-il atteindre cet objectif? En continuant à s'attaquer aux chômeurs? En frappant de plein fouet les plus démunis et les étudiants? En poussant les aînés sous le seuil de la pauvreté? Ou bien, comme il l'a déjà laissé entendre, en augmentant le fardeau fiscal des particuliers déjà étouffés par Revenu Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, c'est notre intention de le faire en continuant les politiques très bénéfiques de ce gouvernement, c'est-à-dire l'investissement dans la recherche et développement, l'aide aux petites entreprises, l'aide à l'exportation, qui sont toutes des mesures envisageant la création d'emploi.

Comme nous venons de le voir, en décembre et janvier nous avons créé dans le secteur privé 123 000 emplois, dont une bonne partie dans la province de Québec.


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M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, si on a bien compris le ministre des Finances, il vient de nous dire qu'il va continuer à s'attaquer aux plus démunis pour réduire son déficit.

Je lui demande justement quand il entend déposer son prochain budget.

(1500)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Enfin, monsieur le Président! J'ai l'intention de présenter le prochain budget le mercredi 6 mars à 16 h 30.

[Traduction]

Je vais déposer le budget du gouvernement le mercredi 6 mars, à 16 h 30.

* * *

L'INDUSTRIE MINIÈRE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, hier, dans le discours du Trône, le gouvernement a dit espérer que des emplois seront créés pour les Canadiens.

Dans le prochain budget, le ministre pourrait mettre en danger la viabilité de l'industrie minière en prévoyant des hausses d'impôts, des modifications à la déduction relative aux ressources, qui auront pour effet d'augmenter jusqu'à 10 p. 100 le taux d'imposition de cette industrie.

Le ministre peut-il s'engager à ce que les modifications touchant la déduction relative aux ressources n'aient aucune incidence sur les recettes, permettant ainsi à l'industrie minière de créer les emplois que réclament les Canadiens?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comme je viens tout juste d'annoncer la date du dépôt du budget, je ne doute pas que le député comprendra que j'attendrai la présentation du budget avant de donner des précisions quant au genre de mesures que le gouvernement entend prendre à cet égard.

Par ailleurs, je puis assurer au député que la ministre des Ressources naturelles prend son travail très au sérieux. Elle a certainement fait connaître son point de vue au ministre des Finances.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, je ne sais pas si cela devrait me rassurer ou non. Nous voulons avoir l'assurance du gouvernement que son idée de l'équité fiscale ne consiste pas à imposer et à ponctionner tout le monde de façon égale.

Depuis que son parti est au pouvoir, le ministre a haussé les impôts dans tous ses budgets. L'industrie des ressources a besoin de savoir que les modifications touchant la déduction relative aux ressources n'auront aucune incidence sur les recettes.

Le ministre peut-il donner l'assurance à l'industrie aujourd'hui que les modifications qu'il apportera n'auront aucune incidence sur les recettes et que l'industrie peut aller de l'avant et créer les emplois que veulent les Canadiens?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà répondu à la question du député. Il sait que je ne dévoilerai pas le contenu du budget morceau par morceau, que je ne répondrai pas à sa question aujourd'hui.

Je me demande vraiment pourquoi il juge nécessaire de créer des hommes de paille, de semeur la peur. Est-ce qu'il s'adonne à la politicaillerie? Je considérerais pareil comportement comme absolument inqualifiable.

* * *

LE BUDGET

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, j'espère que nous ne verrons jamais la politicaillerie à la Chambre des communes.

Des voix: Oh, oh!

M. Riis: Monsieur le Président, le ministre des Finances a dit qu'il allait présenter son budget mercredi prochain. Comme il tient toujours à établir des objectifs pour la réduction du déficit et pour le taux d'inflation, le ministre pourrait-il envisager la possibilité d'inclure pour la première fois dans son prochain budget des objectifs en matière de création d'emplois afin que nous ayons un but à viser?

Pourrait-il aussi demander aux entreprises de commencer à assumer une plus grande responsabilité à l'égard de la création d'emplois afin d'aider les Canadiens à se sortir du chômage?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, si vous regardez le bilan de la création d'emplois depuis que le gouvernement est au pouvoir, vous verrez que près de 600 000 emplois ont été créés. Cela montre vraiment que le gouvernement préfère être jugé par ses actes plutôt que par des prédictions à long terme.

Pour ce qui est de la nécessité de lancer un appel au secteur privé, je crois que le député a raison. Comme le gouvernement l'a dit très clairement hier dans le discours du Trône, au moment où les Canadiens s'efforcent d'assainir les finances nationales et où un certain nombre de provinces font de même, le député a sans doute raison de dire que le temps est venu pour le secteur privé de faire sa part.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je suis certain que les députés conviendront avec moi que les quelques derniers mois ont été très mouvementés non seulement ici, à la Chambre des communes, mais d'un bout à l'autre du Canada. Je veux vous présenter aujourd'hui un de nos anciens collègues, qui revient nous faire une courte visite. Il s'agit évidemment de l'honorable Brian Tobin, premier ministre de Terre-Neuve.

Des voix: Bravo!


43

(1505)

Le Président: Avant de passer aux affaires inscrites à l'ordre du jour, nous entendrons deux questions de privilège. La première est soulevée par la députée de Beaver River.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

SFT COMMUNICATIONS BRIEFING BOOK

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais signaler un fait survenu aujourd'hui, qui a porté atteinte à mes droits et immunités parlementaires.

Dans son ouvrage intitulé Le privilège parlementaire au Canada, Joseph Maingot écrit ce qui suit:

Lorsqu'une personne ou une autorité lèse l'un de ces droits et immunités appelés « privilèges » et dont jouissent les députés à titre individuel ou collectif, l'infraction qualifiée d'atteinte au privilège est punissable en vertu du droit parlementaire.
Hier, j'ai reçu un exemplaire d'un document intitulé "SFT Communications Briefing Book". Ce document ne portait la signature d'aucun auteur, il n'y avait aucune mention de droit d'auteur et il n'était écrit nulle part qu'il s'agissait d'un document confidentiel.

En tant que présidente du caucus, j'ai envoyé des membres de mon personnel au service des impressions ce matin pour faire imprimer 60 exemplaires du document pour les membres de mon caucus, notre personnel de recherche et les représentants de la presse. Dans le courant de la journée, j'ai reçu un message m'informant qu'un certain M. Simpson, du bureau du premier ministre, avait ordonné au service des impressions de ne pas reproduire d'exemplaires du document ni en communiquer à qui que ce soit sauf aux députés libéraux.

Après la réunion du caucus, j'ai immédiatement communiqué avec M. Simpson, au bureau du premier ministre, pour connaître les raisons de cette décision ridicule. Il m'a déclaré que quelqu'un au bureau du premier ministre avait dit au personnel du service des impressions de ne pas donner suite à ma demande et de ne pas diffuser les 48 exemplaires déjà imprimés. M. Simpson m'a dit qu'il ignorait qui avait donné l'ordre de refuser ma demande en règle mais que quelqu'un communiquerait de nouveau avec moi.

À 13 h 10, juste avant la période des questions, le service des impressions m'a appelée pour m'informer qu'il y avait eu un malentendu et que les documents que j'avais demandés seraient livrés à mon bureau, ce qui fut fait.

Durant la matinée, on m'avait également demandé d'envoyer un exemplaire de ma note, « Avec les compliments de Deborah Grey » pour la reproduire avec le document. Si j'avais voulu faire reproduire cette note, j'en aurais certainement envoyé un exemplaire au service des impressions. Je ne l'ai pas fait, mais on a néanmoins agi comme si j'avais fait une demande en ce sens.

Quand je soumets une demande d'impression, je le fais en espérant que. . .

Le Président: Je tiens à dire à la députée que mon personnel m'a informé de cette affaire avant la période des questions. L'erreur commise est le fait du personnel de la Chambre, donc de mon personnel.

Nous avons remédié à la situation et nous regrettons les inconvénients qui ont pu en résulter. Je suis heureux que les choses aient été tirées au clair. Je tiens à donner l'assurance à la députée que nous ne prenons de directives de personne d'autre. Le personnel de la Chambre est responsable de l'erreur commise.

En tant que porte-parole du personnel de la Chambre, je présente mes excuses à la députée. Je suis heureux que la lumière ait été faite sur cette affaire et je ne crois pas qu'il y ait lieu de soulever la question de privilège. J'estime avoir reçu toute l'information voulue et je crois que l'affaire est réglée. Je tiens à ce que la députée sache que j'ai examiné la question.

NOMINATION DE LA VICE-PRÉSIDENTE ADJOINTE DES COMITÉS PLÉNIERS

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, je soulève une question de privilège d'une très grande importance. Comme les députés le savent bien, la question de privilège paraît fondée à première vue lorsqu'on transgresse, enfreint ou usurpe les droits de la Chambre. Dans ce cas-ci, la question de privilège est clairement fondée.

Je renvoie la présidence à l'article 8 du Règlement:

Au commencement de chaque session, ou de temps à autre selon que les circonstances l'exigent, la Chambre peut nommer un vice-président des Comités pléniers de même qu'un vice-président adjoint des Comités pléniers. . .
(1510)

L'expression qui a rapport au privilège et aux droits de la Chambre est «la Chambre peut nommer».

Dans un communiqué daté du 26 février et portant l'en-tête du cabinet du premier ministre, on dit que le premier ministre nomme-vient ensuite le nom de la députée de Madawaska-Victoria-vice-présidente adjointe des comités pléniers.

L'article 8 du Règlement dit clairement que cette nomination revient à l'ensemble de la Chambre; pourtant, le premier ministre s'est arrogé le pouvoir de faire cette nomination. Je soutiens que le premier ministre a usurpé le pouvoir de la Chambre et a contrecarré un vote relativement à cette nomination en faisant et en annonçant la contravention comme s'il s'agissait d'un fait accompli.

Monsieur le Président, si vous jugez que la question de privilège paraît fondée à première vue, je proposerai la motion appropriée pour qu'elle soit renvoyée aux fins d'étude au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, vous aurez sans doute reconnu qu'il ne s'agit pas d'une question de privilège. Le député pourrait peut-être prétendre qu'il s'agit d'une violation du Règlement, mais il ne s'agirait pas de cela non plus, même si ce serait pertinent de sa part de le signaler.

Deuxièmement, la Chambre va bientôt se prononcer sur cette question par un vote. Les délibérations de la Chambre à ce sujet sont closes et le vote aura lieu plus tard aujourd'hui. Je soutiens par conséquent que la présidence ne peut même pas admettre cette objection même si elle avait été faite sous forme de rappel au Règlement, ce qui n'est pas le cas, car elle l'a été sous forme de question de privilège.

44

Enfin, je suis convaincu que tous les députés savent bien que lorsque le premier ministre propose le nom d'un candidat, il le fait au nom de la majorité des députés à la Chambre des communes, ces députés appartenant au parti du premier ministre et du gouvernement. Quoi qu'il en soit, la question deviendra théorique d'ici la fin de la journée une fois qu'elle aura fait l'objet d'un vote.

Le Président: Chers collègues, je crois savoir que cette annonce a été suivie d'un éclaircissement dans les 24 heures. Nous osons espérer que ce genre de chose ne causera aucun inconvénient. Je déclare donc qu'il ne s'agit pas en l'occurrence d'une question de privilège.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

SFT COMMUNICATIONS BRIEFING BOOK

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais obtenir un éclaircissement de la présidence. Je n'essaie pas de contester la décision. Je voudrais cependant vous poser une question bien claire, monsieur le Président, à propos d'une affaire de censure à l'égard de députés et de divulgation de renseignements confidentiels. Quand j'envoie un document à l'impression, pourquoi donc quelqu'un du cabinet du premier ministre ou du cabinet du Président se permet-il de s'informer de la teneur du document?

Le Président: Je comprends bien que la députée soulève cette question pour obtenir un éclaircissement. Je croyais cependant avoir expliqué le problème. Je crois qu'il s'agit d'une série d'erreurs de la part de membres de mon personnel. Ce genre de chose ne se reproduira plus. J'en prends l'entière responsabilité. Personne ne pourra censurer ce que les députés reçoivent ou ce qu'ils demandent, si c'est bien là l'éclaircissement que la députée veut avoir.

* * *

[Français]

BUREAU DE RÉGIE INTERNE

Le Président: Chers collègues, il est de mon devoir d'informer la Chambre que, conformément aux dispositions de la Loi sur le Parlement du Canada, chapitre 42, 1er supplément des Lois révisées du Canada, 1985, le Bureau de régie interne est maintenant composé des membres suivants: M. Gray, Windsor-Ouest et M. Gagliano, membres du Conseil privé de la Reine; M. Boudria et M. Hopkins, représentants du caucus du gouvernement; M. Duceppe et Mme Dalphond-Guiral, représentants du caucus du Bloc québécois; et M. Ringma, représentant du caucus du Parti réformiste.


44

AFFAIRES COURANTES

(1515)

[Traduction]

RÈGLEMENT DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

Le Président: J'ai l'honneur de déposer une réimpression du Règlement de la Chambre des communes, datée du mois de décembre 1995, qui comprend tous les changements apportés au Règlement depuis septembre 1994 ainsi qu'un index révisé.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, vous constaterez, je crois, qu'il y a consentement unanime pour l'adoption de la motion suivante. Je propose:

Que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre soit formé des membres suivants:
Bélanger, Mauril; Boudria, Don; Catterall, Marlene; Dalphond-Guiral, Madeleine; Frazer, Jack; Harb, Mac; Langlois, François; Laurin, René; Loney, John; Milliken, Peter; Parish, Carolyn; Ringma, Bob; Speaker, Ray; Zed, Paul.
Que les personnes suivantes soient nommées membres associés dudit comité:
Bertrand, Robert; Brushett, Dianne; Cummins, John; Epp, Ken; Fewchuk, Ron; Grey, Deborah; Guimond, Michel; Hanrahan, Hugh; Harper, Stephen; Harris, Dick; Jordan, Jim; Solomon, John; Stinson, Darrel; Tremblay, Suzanne; Wayne, Elsie; White, Ted; Williams, John.
Le Président: Le député a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour proposer cette motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement relativement à la question soulevée par la députée de Beaver River. Je comprends que vous ayez réglé le problème en disant: «C'est une erreur de mon personnel, qui a refusé d'imprimer le document.» Mais la question véritable qui se cache sous tout cela, c'est est-ce qu'on doit comprendre qu'il y a des gens au service de l'imprimerie qui se font un devoir de communiquer au bureau du premier ministre tous les documents que les députés cheminent à l'imprimerie pour imprimer?

Le Président: Comme je l'ai dit, c'est une question que j'ai soulevée moi-même. C'est quelque chose qui a été fait, mais c'est quelque chose qui ne se fera plus dès ce moment. C'était une faute et ça ne devrait pas avoir été fait. C'est tout simplement ça. Votre assurance, c'est moi qui le dis.


45

[Traduction]

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'ADRESSE EN RÉPONSE AU DISCOURS DU TRÔNE

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, nous reconnaissons tous que notre pays traverse une période difficile à cause des problèmes liés à l'unité nationale, etc. Tous les Canadiens aimeraient avoir la certitude que les députés à cette Chambre sont en mesure d'exprimer la plus vaste gamme possible d'opinions que leur ont transmises leurs électeurs. J'invoque donc le Règlement pour demander le consentement unanime de la Chambre afin que, après l'intervention des porte-parole des trois partis officiels à la Chambre, dans le cadre du débat sur l'Adresse en réponse au discours du Trône, un représentant du Nouveau Parti démocratique puisse intervenir à son tour. Je crois que tout le monde devrait être entendu, afin d'accroître la représentativité de la Chambre en ces temps difficiles.

(1520)

Je demande donc que nous puissions être entendus, après l'intervention des trois premiers orateurs.

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, je fais le même rappel au Règlement. En fait, dans le même esprit de l'intervention que vient de faire mon collègue et des observations qu'ont faites les représentants du Parti réformiste hier, lorsqu'il était question d'équité, je demande, moi aussi, le même consentement de la Chambre.

[Français]

Aujourd'hui est une journée consacrée à la réponse des leaders au discours du Trône. Le discours d'hier a longuement parlé d'unité nationale et vous n'êtes pas sans savoir qu'au mois de novembre dernier, lorsqu'on a cherché à prendre la parole-je parle des néo-démocrates et des conservateurs-sur la résolution de société distincte, les partis de l'opposition, le Bloc et les réformistes nous ont refusé le consentement unanime.

Depuis ce temps-là, et je vais être très rapide, je suis heureux de vous apprendre que le chef actuel du Bloc québécois a pris un engagement public à la radio, à Sherbrooke, d'aider le chef du Parti conservateur à prendre la parole à la Chambre des communes. C'est donc dans cet esprit que nous demandons également le consentement de la Chambre pour que nous puissions aujourd'hui répondre au discours du Trône.

M. Boudria: Monsieur le Président, de la part du gouvernement, nous serions prêts à accorder une période de 20 minutes à chacun des deux autres partis, tel que demandé, pour leur permettre de faire ce discours. Il nous fera plaisir, de notre part en tout cas, d'accepter cette demande.

M. Duceppe: Monsieur le Président, nous sommes intervenus lors de la première session pour expliquer que des jugements avaient été portés sur cette question à la suite de l'argumentation faite par les néo-démocrates et par les conservateurs à cette époque. Je pense que le même jugement doit être rendu aujourd'hui. Nous n'accordons pas le consentement et le chef du Bloc québécois a expliqué ou a tenté d'expliquer au chef du Parti conservateur que, s'il voulait participer au débat, il y avait une condition préalable, c'est d'être ici plus souvent.

[Traduction]

Le Président: Y a-t-il consentement unanime pour que les députés présente la motion?

Des voix: Non.

SFT COMMUNICATIONS BRIEFING BOOK

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, je suis persuadé que, en tant que député, j'ai commis des erreurs et que les membres du personnel ont commis des erreurs.

Je vous demande de rendre une décision, monsieur le Président. Est-ce parce que quelqu'un commet une erreur qu'il n'y a pas atteinte au privilège d'un député? Je voudrais que la présidence m'éclaire à ce sujet. Une erreur, commise sciemment ou non, ne peut-elle pas constituer une atteinte au privilège?

Le Président: J'ai déjà rendu une décision à cet égard et, si le député veut poursuivre cette conversation avec moi, je l'invite à venir le faire dans mon appartement, ainsi que tout autre député que cette question intéresse.

L'ADRESSE EN RÉPONSE AU DISCOURS DU TRÔNE

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je demande que le compte rendu montre bien que lorsqu'une occasion s'est présentée à un parti fédéraliste de se faire entendre à la Chambre des communes, les réformistes, en dépit de toutes les larmes de crocodile qu'ils versent aujourd'hui, ont gardé le silence.

(1525)

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, à propos du rappel au Règlement, lorsque les réformistes sont arrivés ici, des règles ont défini la situation de tous les partis à la Chambre. Les députés qui ont. . .

Des voix: Oh, oh!

M. Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, je veux dire au leader à la Chambre du Nouveau Parti démocratique que je suis disposé, au nom du caucus réformiste, à entamer des discussions avec lui. Le leader à la Chambre m'a fait parvenir une lettre; j'entends y donner suite et examiner des solutions qui nous permettraient de faciliter sa participation aux travaux de la Chambre.

Je voudrais aussi dire au leader du Parti progressiste conservateur que mon chef l'a invité à discuter des façons qui lui permettraient d'intervenir davantage à la Chambre et qu'il a refusé son offre. Puisqu'il a rejeté cette offre, pourquoi devrais-je lui ouvrir la porte aujourd'hui?


46

[Français]

LE DISCOURS DU TRÔNE

REPRISE DU DÉBAT SUR L'ADRESSE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 27 février, de la motion de Mme Sheridan: Qu'une adresse soit présentée à Son Excellence le Gouverneur général en réponse au discours qu'il a prononcé à l'ouverture de la session.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui ma première intervention en cette Chambre comme nouveau chef de l'opposition officielle. J'ose croire que les députés de cette Chambre sont intéressés à savoir à quelle enseigne va loger le député de Roberval.

Je voudrais tout d'abord rassurer la Chambre que j'entends perpétuer la tradition de respect et de déférence à l'endroit de l'institution. Nous désirons par-dessus tout, nous de l'opposition officielle, contribuer à élever le niveau des débats. Nous désirons débattre avec sérénité et respect des règles de cette Chambre dans cet esprit démocratique qui a toujours animé le Bloc québécois, même dans sa contestation fondamentale de ce pays. Nous attendons, nous souhaitons ardemment même le respect et un esprit identique chez nos collègues d'en face, et, bien sûr, chez ceux du troisième parti.

J'ajoute que nous représenterons sans doute les intérêts du Québec, mais que nous entendons faire valoir et défendre aussi les intérêts du Canada tout entier, comme nous l'avons fait depuis deux ans déjà. Nous le ferons systématiquement, dossier par dossier. En somme, sans oublier nos origines, nous formons l'opposition officielle et nous acceptons volontiers ce rôle qui va bien au-delà de la ligne des partis.

Hier, à l'écoute du discours du Trône, tel que présenté par le Gouverneur général du Canada, nous avions nettement l'impression que le gouvernement n'avait pas réalisé que quelque chose a profondément changé au Canada depuis le référendum québécois du 30 octobre dernier.

L'issue finale de ce combat a depuis amené bon nombre de Canadiens à percevoir la souveraineté du Québec comme un phénomène inéluctable. Ce combat récent a provoqué des réactions diamétralement opposées chez les Canadiens et leurs dirigeants.

(1530)

Chez nos concitoyens de langue anglaise, on a assisté à la création d'organismes nouveaux basés sur la participation. N'en mentionnons que quelques-uns: Dialogue Canada, British Columbians for Canada, Canadians Together et Civitas Canada.

Ces gens se rencontrent, discutent et tentent de définir un Canada nouveau, souvent sans le Québec. Mais du côté des dirigeants politiques, on a assisté à une réaction immature et parfois incohérente. L'inflation verbale et la violence des propos ont atteint des sommets jamais égalés de mémoire dans l'histoire de ce pays pourtant fortement marqué d'une longue tradition démocratique. On a vu des ministres se contredire, même aujourd'hui. On a même entendu un nouveau ministre des Affaires intergouvernementales évoquer le concept de la partition du Québec.

La politique de la main tendue, nous en avons identifié un exemple probant dans une déclaration récente de M. Ovide Mercredi, le chef des Premières nations, qui, en termes acerbes, a dénoncé les propos du ministre des Affaires indiennes, et je le cite:

[Traduction]

«Le ministre des Affaires indiennes ne parle pas au nom des Indiens lorsqu'il évoque le spectre de la violence. Je désapprouve tout à fait cela. Il n'a pas à accroître les tensions entre nous et la population du Québec.»

[Français]

En même temps, il a lancé un appel au dialogue avec le peuple et le gouvernement du Québec. Voilà un exemple de cohérence qui a bien manqué à ce gouvernement depuis quelques semaines.

Pourtant, l'exemple de la sagesse et de la sérénité devrait venir de haut, plus précisément du premier ministre qui, en ce moment, semble avoir perdu le contrôle de ses ministres comme de ses actions. De ce côté-ci de la Chambre, nous avons cependant une consolation, c'est que le Canada anglophone ne ressemble pas à ses dirigeants et manifeste bien davantage qu'il est conscient de l'enjeu véritable, à savoir la nécessaire coexistence de deux peuples.

L'inéluctabilité de la souveraineté du Québec n'est qu'une première étape. Pour nous, au Bloc québécois, la souveraineté est aussi incontournable que le partenariat est souhaitable dans l'intérêt et du Canada et du Québec. Or, nous savons que le partenariat implique le respect de l'autre, et c'est cette sagesse nouvelle que nous aimerions déceler au sein du gouvernement.

[Traduction]

L'inéluctabilité de la souveraineté du Québec n'est qu'une première étape. Pour nous, du Bloc québécois, la souveraineté est aussi incontournable que le partenariat est souhaitable dans l'intérêt du Canada et du Québec. Nous savons que le partenariat suppose le respect de l'autre, et c'est cette sagesse nouvelle que nous aimerions déceler au sein du gouvernement.

[Français]

La souveraineté et le partenariat, c'est le même sens de l'existence, et la démarche du Bloc québécois en est imprégnée. D'ici là, nous avons le mandat de défendre les intérêts du Québec et de dénoncer les iniquités et les injustices dont il fait souvent les frais. N'oublions pas que c'est l'exercice de la démocratie qui a fait du Bloc québécois l'opposition officielle, statut que nous avons bien l'intention de garder.

Mais qu'attend-on, de l'autre côté de la Chambre, pour commencer à reconnaître que ce fédéralisme n'est pas modifiable?


47

[Traduction]

Mais qu'attend-on, de l'autre côté de la Chambre, pour commencer à reconnaître que ce fédéralisme n'est pas modifiable?

[Français]

Stéphane Dion affirmait dernièrement que le comité Massé avait des plans À et B pour régler la question du Québec. N'a-t-il pas connu dans le passé les commissions et les comités Laurendeau-Dunton, Pepin-Robarts, Charest-Spicer, Castonguay-Dobbie, Beaudoin-Dobbie, Beaudoin-Edwards? Les fédéralistes ont eu autant de plans qu'il y a de lettres dans l'alphabet. La véritable solution, la solution durable, le vrai plan, c'est la souveraineté du Québec assortie d'une offre de partenariat.

(1535)

[Traduction]

Compte tenu de l'issue du référendum, nous devons nous interroger sur l'attitude du premier ministre du Canada. Il a sciemment tenu les Canadiens dans l'ignorance de ce qui se passait au Québec, du nombre croissant de tenants de la souveraineté en partie du fait du mécontentement des Québécois à l'égard des orientations du gouvernement fédéral. Le premier ministre a caché ce phénomène non négligeable.

[Français]

Ce refus d'expliquer clairement la situation aux Canadiens pendant la période référendaire explique en bonne partie les réactions actuelles au Canada anglais.

Le premier ministre a agi comme si rien ne s'était passé dans ce pays depuis 15 ans, et comme si lui-même n'avait pas été un acteur important de ce qui s'est produit. Le premier ministre fait pourtant partie intégrante du problème canadien; mais il semble l'avoir oublié. Peut-être n'a-t-il pas participé au rapatriement unilatéral de 1982. Pourtant, il en était un des signataires, on s'en souviendra. Peut-être qu'il ne s'est pas prononcé sur l'Accord du lac Meech. Mais il a en été un des principaux fossoyeurs. Peut-être n'est-il pas intervenu dans le référendum de Charlottetown. Sauf qu'on sait qu'il a tout fait pour amoindrir la part du Québec dans cette entente qui a été rejetée. Puisqu'on y est, peut-être qu'il n'y a pas eu de référendum au Québec. Peut-être que les sondages n'indiquent pas que l'appui à la souveraineté ne cesse de croître.

Cette attitude irresponsable se double d'un faux-fuyant lamentable qu'a si bien illustré la ministre du Patrimoine: «Si des chômeurs manifestent aux quatre coins du pays, c'est de la faute aux séparatistes». Si un chômeur se retrouve dans le chemin du premier ministre, il mérite d'être pris à la gorge comme tous les chômeurs du pays le sont avec la réforme du ministre. De toute façon, c'est toujours de la faute aux «séparatisses», et pour la vice-première ministre, cela justifie tous les gestes.

On ne peut que souhaiter que le Conseil des ministres retrouve un peu de cohérence et revienne à une analyse de la situation qui tienne compte de la réalité.

Jusqu'à ce que le Québec devienne souverain, nous allons respecter les règles du jeu, d'autant plus que nous avons tout intérêt à ce que notre futur partenaire soit en meilleure santé politique et économique possible. Si la santé économique du Canada nous inquiète, c'est dû en bonne partie au gouvernement actuel qui, en 1993, a pris des engagements fermes et précis qui, pour la plupart, n'ont pas été respectés. S'ils l'avaient été, ils auraient stimulé notre économie. Mais ils ne l'ont pas été. Deux ans plus tard, voyons ce que le gouvernement a fait de ses propres engagements, ceux du livre rouge et ceux de premier discours du Trône.

Les Québécois et les Québécoises, les Canadiennes et les Canadiens ont cru comprendre qu'un espoir leur était donné quand les libéraux s'engageaient, dans le livre rouge, et je cite: « . . . à étendre l'égalité des chances pour permettre à davantage de familles canadiennes d'avoir un niveau de vie convenable dans des conditions de dignité et de respect.» Mais dès la présentation du premier budget libéral à quelques mois à peine d'une campagne électorale remplie de compassion envers les plus démunis, nos concitoyennes et nos concitoyens sont tombés des nues.

Le ministre des Finances annonçait sans détour qu'il allait couper 5,6 milliards de dollars dans le programme de l'assurance-chômage. Et l'automne dernier, il en remettait en proposant dans cette Chambre le projet de loi C-111, communément et cyniquement appelé «l'assurance-emploi». Ce projet de loi prévoit, encore une fois, des réductions majeures des fonds consacrés à ceux et celles qui sont et qui pourraient être victimes de ce fléau du sous-emploi.

Jamais durant la campagne électorale de l'automne 1993, encore moins dans le premier discours du Trône, on a laissé présager que la lutte contre le déficit passerait par l'humiliation de ceux et celles qui sont dans le besoin et qui tentent désespérément d'éviter de tomber dans la misère.

(1540)

Les Québécois et les Canadiens ne soupçonnaient pas que, lorsque le gouvernement disait vouloir assurer une croissance économique soutenue en misant sur les ressources humaines, il voulait dire que, par l'entremise du projet de loi C-111, il s'attaquerait aux chômeurs et aux chômeuses actuels et potentiels, car toutes et tous, au Canada, pouvons un jour ou l'autre être frappés par ce fléau.

Personne ne soupçonnait que c'est à une augmentation considérable du nombre de semaines de travail requis pour se prévaloir du régime que les Québécois et les Canadiens seraient conviés, ni que ce gouvernement réduirait de façon draconienne le niveau des prestations ou encore condamnerait des dizaines de milliers de ménages à l'aide sociale au cours des trois prochaines années.

Ce gouvernement n'avait pas pris l'engagement de s'attaquer aux femmes. Pourtant, ce sont elles qui seront les grandes perdantes de la réforme. Il ne s'était pas engagé à dérober les surplus de cinq milliards de dollars annuellement à la Caisse d'assurance-chômage à laquelle le fédéral ne contribue plus depuis plusieurs années et qui


48

sont générés par les seules cotisations des travailleurs et des employeurs. Pourtant, il l'a fait.

Peu de gens auraient pu croire que les libéraux qui se levaient solennellement dans cette Chambre pour condamner les agissements des conservateurs feraient pire en deux ans que ces derniers en deux mandats. Ce n'est certes pas sur cette base que les libéraux ont obtenu la confiance des Canadiens, en octobre 1993.

Quant à l'engagement de contrôler le déficit par une saine gestion des finances publiques, on est bien loin du compte. La réduction du déficit se fait en grande partie par l'utilisation sans scrupule des surplus au fonds de l'assurance-chômage et par des coupures de 7 milliards de dollars dans les transferts aux provinces au chapitre de la santé, de l'éducation postsecondaire et de l'aide sociale. Cette coupure draconienne entraîne, pour le Québec seulement, en 1996-1997, un fardeau fiscal additionnel de 650 millions de dollars; en 1997-1998, un manque à gagner entre 1,2 et 2 milliards de dollars, dépendant du critère de répartition retenu. Si c'est le critère de la population qui est retenu, le Québec supportera seul 40 p. 100 de toutes les coupures.

Lors d'une entrevue à l'émission télévisée Canada AM, concernant les transferts aux provinces, le 20 octobre 1993, l'actuel premier ministre affirmait pourtant, et je cite:

[Traduction]

«Dans notre programme, nous avons dit que nous n'avons pas l'intention de réduire les paiements de transfert. Ce que j'ai dit dans le programme, et j'ai l'intention de tenir parole, c'est que nous n'envisageons pas d'autres réductions.»

[Français]

Dans les faits, l'atteinte des cibles budgétaires, loin de se faire par une saine gestion, se fait de deux manières: des coupures aux chômeurs et des coupures aux provinces.

L'engagement du ministre des Finances, c'est de contenir l'évolution de la dette. Elle atteindra cette année plus de 600 milliards de dollars.

Au chapitre de l'emploi, les Canadiens et les Québécois font face à des engagements non tenus. Les libéraux en avaient pourtant fait la pierre angulaire de leur plate-forme électorale. Mais que s'est-il réellement passé sur le marché du travail, pendant que les Québécois et les Canadiens entendaient ce refrain ad nauseam? Recul et stagnation.

Les difficultés économiques auront eu de lourdes conséquences sur l'emploi. Les 12 derniers mois n'auront connu que 120 000 nouveaux emplois au Canada, presque quatre fois moins que l'année précédente. Non seulement l'emploi faisait-il du surplace, mais la participation au marché du travail a chuté. Situation intenable à long terme, car elle débouche sur un appauvrissement de toute la population.

En fait, le taux de chômage canadien n'a pas bougé. Et si l'on tient compte de la baisse du taux de participation de la main-d'oeuvre, il a même augmenté d'un demi-point. Ce sont les exportations et non le gouvernement fédéral qui tirent l'économie et l'empêchent de sombrer dans une récession.

(1545)

S'agissant de Montréal, le gouvernement libéral n'a rien fait pour améliorer la situation, pour empêcher cette région montréalaise de connaître une des pires crises de l'emploi de toute son histoire. Qu'a fait le gouvernement pour aider Montréal à se restructurer économiquement? Rien, monsieur le Président.

Deux ans après les élections des libéraux, les Montréalais attendent toujours. Devant ce laxisme doit-on alors se surprendre que la grande région de Montréal, qui devait être le pivot de l'économie du Québec, ait, avec un taux de 10,1 p. 100, le taux de chômage le plus élevé des grandes agglomérations nord-américaines? C'est inacceptable.

Doit-on se surprendre que le taux de participation au marché du travail qui était de 67 p. 100 en 1989 soit actuellement à 63 p. 100? Cela veut dire que 4 p. 100 de la population active, 40 000 personnes ont désespéré de se trouver du travail. Elles ne figurent même plus dans les statistiques officielles du chômage, mais elles demeurent sans travail. Elles restent découragées, sous-employées et sont attirées graduellement dans le cercle vicieux de la pauvreté.

Le taux de chômage de la région de Montréal passe de 10,1 à 15 p. 100 si on tient compte du désespoir de ceux qui cherchent activement un emploi depuis 1989. Qu'est-ce que le fédéral a fait face à cela? Absolument rien. Encore un engagement que les libéraux n'ont pas tenu.

Où est donc passé l'engagement d'éliminer la TPS? On se rappellera, à la page 20 du livre rouge, on lisait, et je me permets de citer:

[. . .] la TPS, dans l'esprit des citoyens, est venue exacerber l'injustice de la fiscalité.
La TPS a prolongé et aggravé la récession. Elle est une charge administrative onéreuse pour les petites entreprises et l'État lui-même.
Qu'est-ce que le gouvernement a fait? Rien. Qu'a fait le gouvernement pour recouvrer en 1993-1994 les 6,6 milliards d'impôts, de créances impayées? Rien ou presque. Deux cent cinquante millions seulement sur 16,6 milliards d'impôts, de créances impayées? Deux cent cinquante millions de dollars seulement, c'est-à-dire presque rien, finalement.

Où sont passées par ailleurs les promesses d'une fiscalité plus juste et plus équitable? Nous y reviendrons plus tard parce que ce sujet est extrêmement important et il faudra en parler davantage.

Au plan culturel on aurait pu s'attendre à ce qu'un vote aussi significatif pour un parti souverainiste se traduise par une attitude plus ouverte à l'existence de la culture et du peuple québécois. Qu'est-ce que le gouvernement a fait face à cela? Absolument rien. L'adoption de la Loi sur le patrimoine canadien a ignoré totalement l'existence d'une culture québécoise.

Les libéraux promettaient un milliard de dollars pour la politique de sciences et de technologie. Dieu sait qu'investir dans ce domaine est important pour l'avenir économique du Canada et pour sa


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capacité à créer des emplois durables et de qualité. On attend toujours. Rien.

La liste est longue, et dresser la liste des engagements que ce gouvernement n'a pas respectés durant la première partie de son mandat est certainement extrêmement fastidieux, mais c'est nécessaire de le faire pour réaliser jusqu'à quel point ils ont refusé de respecter ce à quoi ils s'étaient engagés. Les Canadiens méritent qu'on leur donne l'heure juste à ce sujet.

Dans le discours du Trône du 18 janvier 1994, il était écrit et je cite:

Le 25 octobre 1993, les Canadiens ont choisi un nouveau Parlement et un nouveau gouvernement. Ce gouvernement a pris un certain nombre d'engagements envers la population du Canada. Ces engagements seront respectés.
C'est ce qui était dit dans le dernier discours du Trône, et pourtant la liste des engagements non respectés est tellement longue.

Comment les Québécois et les Canadiens pourraient-ils croire aux orientations et aux engagements pris dans le présent discours du Trône? Comment peuvent-ils avoir confiance en un gouvernement qui a foulé aux pieds la plus grande partie de ses engagements? Voilà pour le bilan des engagements non tenus.

(1550)

Depuis deux ans, il y avait des choses à faire, cependant. Et nous avons répété que pour assainir les finances publiques, par exemple, nous avions besoin d'une réforme de la fiscalité et, plus particulièrement, des dépenses fiscales. Ces dépenses comprennent toutes ces exonérations consenties aux particuliers et aux entreprises.

Savez-vous, monsieur le Président, qu'en décembre 1993, le ministère des Finances, dans un document sur les dépenses fiscales, a relevé 288 exonérations fiscales offertes aux entreprises? Le ministère avouait candidement connaître le coût de 176 d'entre elles, un coût de plus de 17 milliards de dollars. Il disait ignorer le coût de 112 autres exonérations. C'est incroyable! Depuis ce temps-là, qu'a fait le gouvernement? Absolument rien.

Le manque d'informations précises au sujet des dépenses fiscales concourt à ce que nous exigions un examen et une réforme de la fiscalité. Avant même cette réforme en profondeur, nous avons suggéré au gouvernement d'instaurer un impôt minimum sur les profits des entreprises dans le but, non pas d'augmenter leur fardeau fiscal indûment, mais de s'assurer que chacune d'entre elles contribue aux coffres de l'État.

En décembre dernier, le Fonds monétaire international, qui n'est pas tout à fait reconnu pour ses convictions sociales-démocrates, vous en conviendrez, donnait raison au Bloc québécois à l'égard de la fiscalité des entreprises. On pouvait lire, dans La Presse du 8 décembre, un compte rendu du rapport du FMI qui comparait le Canada aux autres pays de l'OCDE, et je cite: «L'impôt des entreprises représente une plus petite part du PIB au Canada. Cela permet de croire qu'il y a possibilité de réduire certains de leurs avantages fiscaux.»

Je veux qu'on sache également que sous ma direction, la réforme de la fiscalité va constituer, au cours de 1996, la cible principale de l'action de l'opposition officielle dans le dossier des finances publiques. On ne souhaite pas charger indûment les entreprises. On souhaite simplement que les corporations paient leur juste part. L'importance de l'impôt sur le revenu des sociétés a baissé comme source de fonds du gouvernement fédéral, alors que la contribution des particuliers, elle, a augmenté.

Ainsi, le gouvernement écrase les classes moyennes par l'impôt et s'attaque aux plus démunis pour réduire son déficit. Quelle situation anormale! Cette absence de compassion pour les démunis, contrairement à ce que dit le discours d'hier, s'accompagne chez ce gouvernement d'une politique d'évitement fiscal favorable aux plus puissants, alors qu'au même moment, les grosses compagnies déclarent des profits records et licencient des employés.

Le discours du gouvernement, s'inspirant d'exemples étrangers, ménage la fiscalité des grandes corporations en présumant que celles-ci développeront des emplois. Or, les profits augmentent et les emplois disparaissent.

GM du Canada a déclaré des profits records de 1,39 milliards et mettait en même temps à pied 2 500 employés. Les cinq grandes banques ont cumulé des profits de 4,9 milliards, mais elles ont coupé leur personnel de 2 800 postes. Bell Canada a enregistré des profits de 502 millions en 1995 et, la même année, réduisait son personnel de 3 200 postes, ce qui s'ajoutait aux 8 000 postes supprimés depuis 1990. Petro-Canada a cumulé des profits de 196 millions en 1995, mais a supprimé 564 postes.

En conclusion, il est plus que temps que le gouvernement révise ses analyses et ses orientations et fasse en sorte que toutes les entreprises fassent leur part en matière fiscale et en création d'emplois. Force nous est de constater que le programme économique du Parti libéral est, à cet égard, un cuisant échec.

Malheureusement, si on se fie au discours du Trône d'hier, le gouvernement poursuit délibérément une politique d'évitement fiscal favorable aux corporations et cautionne même des pratiques pour le moins discutables, comme le recours aux paradis fiscaux par exemple.

(1555)

Selon un article paru dans le magazine des comptables agréés du Canada en juillet 1995-il n'y a pas longtemps-, on reconnaissait que «la quasi-totalité des grandes sociétés multinationales canadiennes ont recours à des sociétés domiciliées à l'étranger dans le cadre de leur stratégie fiscale».

D'une façon plus simple, on pourrait dire qu'une compagnie canadienne qui exploite une filiale à l'étranger, sous certaines conditions, n'est pratiquement pas imposée sur le revenu que cette filiale gagne à l'étranger. Toutefois, nous disposons de quelques indicateurs qui nous donnent une idée de l'ampleur de l'argent qui peut se perdre ainsi. Le vérificateur général nous a montré que les corporations canadiennes, selon les statistiques les plus récentes, investissent des milliards de dollars dans des compagnies non


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résidantes et que ces corporations ont reçu des centaines de millions de dollars en dividendes qu'elles ne sont pas tenues de déclarer.

Ces abris fiscaux, bien familiers aux milieux financiers, portent de jolis noms comme La Barbade, Chypre, Irlande, Liberia, les Îles Caïman, et même la Suisse.

La popularité des paradis fiscaux atteint des proportions jamais vues. En voici quelques indications, et j'espère que cela fera réfléchir le premier ministre et le gouvernement.

International Privacy Corporation, entreprise spécialisée dans les paradis fiscaux, dit compter des centaines de clients canadiens. De plus, sur les 16 000 sociétés constituées aux îles Turks et Caicos, «la majorité appartient à des canadiens. Des centaines et des centaines de millions de dollars ont quitté le Canada».

La section fiscale de la firme d'avocats Harris & Harris, de Toronto, desservait, il y a quelques années, de 30 à 40 entreprises implantées pour fins d'évitement fiscal. Elle en dessert maintenant plus de 300.

Il est intéressant de noter que, parmi les 119 filiales des six grandes banques canadiennes, 57 sont situées dans les Antilles, aux îles Caïman. On compte 28 000 sociétés pour 30 000 habitants. Le nombre de compagnies y augmente au rythme de 4 000 par année.

Dans ces conditions, le ministre des Finances pourrait avoir une politique fiscale plus équilibrée, mettre la pédale douce dans ses coupures au régime d'assurance publique du Canada et dans le financement des programmes établis. Il pourrait, dans un esprit de compassion, laisser respirer les chômeurs et les assistés sociaux et viser les vraies cibles.

En cette année 1996, décrétée par l'ONU «Année internationale de lutte à la pauvreté», il est déplorable que le gouvernement fédéral s'attaque aux pauvres plutôt que de s'attaquer à la pauvreté. En pleine crise de l'emploi, ce n'est pas le temps de réduire le déficit en coupant dans les programmes destinés aux chômeurs et aux chômeuses, d'autant plus que la Caisse de l'assurance-chômage est excédentaire.

Au sujet du manque d'emploi, la performance des libéraux a été pire que celle des conservateurs. Les taux observés sous les libéraux sont pires que ceux des conservateurs. Et c'est ce gouvernement qui a tenté par toutes sortes de façons de démontrer son intérêt à l'endroit des gens qui sont sans travail, à l'endroit de la création d'emploi.

[Traduction]

À la fin de 1995, les principaux centres urbains canadiens, soit Montréal, Toronto et Vancouver, affichaient tous trois des taux de chômage plus élevés que ceux des grandes villes américaines.

[Français]

C'est pire au Canada que partout ailleurs en Amérique du Nord. Amorcée sous les conservateurs, poursuivie par les libéraux, la politique du pelletage des factures dans la cour des provinces s'accompagne d'une augmentation de bénéficiaires de l'aide sociale. Leur nombre a augmenté de 800 000 au Canada entre 1990 et 1994, soit une augmentation de 35 p. 100. En Ontario, l'augmentation a été de 45 p. 100 au cours des cinq dernières années. Pour compléter le drame, les provinces se voient dans l'obligation de diminuer les prestations, puisque le fédéral diminue les paiements de transfert. En 1993, le Parti libéral promettait de rendre la dignité du travail aux Canadiens. Imaginez, monsieur le Président.

(1600)

À la place, ce gouvernement est en train d'instaurer une nouvelle culture de la pauvreté: 16 p. 100 des Canadiens vivaient sous le seuil de faible revenu en 1980; en 1994, cette proportion est rendue à 17,1 p. 100, et le nombre de citoyens à faible revenu était de plus de 5 millions. Non seulement le nombre de pauvres ne diminue pas au Canada, mais les écarts entre les riches et les pauvres continuent de s'accroître.

La situation stagne également pour les plus démunis de tous, les femmes, chefs de famille monoparentale, alors que 56,4 p. 100 d'entre elles étaient sous le seuil du faible revenu en 1994, un pourcentage qui n'a pas changé depuis plusieurs années.

Pour ajouter à ce portrait peu reluisant, Statistique Canada démontrait dans une étude en date du 24 janvier dernier que la pauvreté est héréditaire. Lorsqu'on naît pauvre, on a beaucoup de chance de rester pauvre.

Ce qui, jadis, différenciait le Canada des États-Unis, soit le filet de sécurité sociale, est en train de disparaître. Ici comme là-bas, et de plus en plus, la pauvreté engendre la pauvreté et la richesse la richesse, et c'est la classe moyenne également qui glisse, lentement mais sûrement, vers la pauvreté.

Le Bloc québécois ne s'oppose pas à une réforme des programmes sociaux. Au contraire, nous avons maintes fois affirmé que l'ensemble des programmes sociaux avait besoin d'être réactualisé, d'être adapté au mode de vie, au marché de l'emploi et à l'économie des années 1990.

Il faut que le gouvernement reconnaisse le consensus établi par la société québécoise à l'effet que le Québec doit être le seul responsable de ses politiques de main-d'oeuvre et de formation professionnelle. Pour ce faire, le Québec se doit de récupérer le contrôle et l'administration des services d'emploi et de main-d'oeuvre. Ces questions doivent relever du gouvernement du Québec sans condition. J'espère qu'on va finir par le comprendre du côté du gouvernement fédéral.

Conséquemment, l'opposition officielle demande que le gouvernement fasse ses devoirs et ne ramène pas le projet de loi C-111 parce que nous le jugeons inéquitable, régressif, anti-emploi et créateur de pauvreté. Que le gouvernement abandonne son projet de loi, c'est ce qu'on lui demande.

Au lieu des coupures dans les programmes sociaux, le ministre des Finances devrait peut-être jeter un coup d'oeil sur le budget de la Défense nationale. Il y trouverait tellement d'économies à faire: que le gouvernement renonce, par exemple, à son intention d'acheter ou de louer, à quelque prix que ce soit, des sous-marins dont la nécessité n'a jamais été démontrée; qu'il ne remplace qu'un nombre


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limité de ses hélicoptères embarqués et qu'il renonce à les équiper pour la lutte anti-sous-marine. Dans le nouveau contexte mondiale, c'est là un luxe inutile. Deux milliards de dollars auraient pu être épargnés en ne commandant pas les nouveaux véhicules blindés. Cet achat n'a jamais réellement été justifié. Que dire des 1 600 nouveaux missiles anti-chars qu'on a commandés au coût 23,6 millions de dollars dans un programme total d'armement de 230 millions de dollars. Voilà des endroits où un gouvernement respectueux de ses gens pourrait aller puiser au lieu de couper dans les bénéfices des sans-emploi.

Au lieu de siphonner les chômeurs et les assistés sociaux, le gouvernement devrait réviser sa stratégie, décréter un moratoire sur ses nouveaux achats, soumettre ses projets d'acquisition à un débat devant la Chambre des communes, devant les parlementaires pour qu'on en discute et qu'on fasse connaître à l'ensemble des Canadiens les raisons pour lesquelles le gouvernement devrait cesser de dilapider leur argent dans des projets plus ou moins importants.

(1605)

Dans le domaine des affaires étrangères, le Parti libéral a mis fin, au cours des deux dernières années, à une très longue tradition canadienne, où, dans les échanges commerciaux, on plaçait au premier rang le respect des droits de la personne.

Le nouvel énoncé de politique étrangère «Le Canada dans le monde» confirme d'ailleurs le virage à 180 degrés fait par le gouvernement. Celui-ci met désormais le cap sur ses seuls intérêts commerciaux au détriment de la promotion de la démocratie et des droits de la personne, comme en témoignent les missions commerciales d'Équipe Canada.

Dorénavant, les droits de la personne sont assujettis aux impératifs commerciaux. Deux exemples illustrent bien cette attitude nouvelle de la part du Canada. Se trouvant en Inde, le premier ministre s'est fait rappeler par un jeune Canadien l'exploitation massive, pour ne pas dire l'esclavage des enfants. Il convient ici de rendre un hommage particulier à ce jeune Canadien de 13 ans, Craig Kielburger, qui, par sa dénonciation courageuse, a rappelé au premier ministre que jadis le Canada avait une politique étrangère respectueuse des droits de la personne.

Nul ne conteste l'importance de s'ouvrir aux marchés extérieurs. Les exportations constituent pour le Canada le fer de lance de son économie. Mais, même dans ce qu'il fait de plus positif, le premier ministre ne peut s'empêcher de faire de la politique-spectacle. Dans ses expéditions de Team Canada, après s'être assuré que dans les échanges commerciaux les droits de la personne sont bien occultés, le premier ministre prend soin de s'entourer d'un appareil de propagande gigantesque qui magnifie la forme aux dépens de la substance des accords. C'est la leçon qu'a servie le jeune Kielburger au premier ministre.

Enfin, le Bloc québécois se portera à la défense de la spécificité culturelle du Québec. En Amérique du Nord, la culture québécoise est une culture distincte et doit être traitée comme telle. À l'heure où on ne parle que de communications et de nouvelles technologies de l'information, la culture québécoise doit prendre la place qui lui revient. Le Québec ne doit pas être laissé à l'écart des décisions dans ce domaine. Or, tous les leviers d'interventions dans le domaine des télécommunications, un domaine vital pour l'avenir de la culture québécoise, sont détenus par le gouvernement fédéral.

Le Québec ne doit plus être considéré comme une simple province comme les autres. Le Bloc québécois doit forcer le gouvernement fédéral à prendre acte de la spécificité culturelle du Québec. Il entend talonner le gouvernement fédéral pour que les sommes versées aux sociétés culturelles francophones soient rééquilibrées et traduisent la nécessité de protéger la culture québécoise constamment menacée dans un environnement majoritairement anglophone de plus de 250 millions de personnes.

À l'heure actuelle, à Radio-Canada, le montant alloué en moyenne pour une heure de production d'émissions est deux fois plus élevé au réseau anglais qu'au réseau français. Cette iniquité est inacceptable et d'autant plus injustifiée qu'en 1976-1977, le coût horaire moyen des programmes était partagé à égalité entre les deux réseaux. L'équité doit être rétablie.

Le Bloc québécois doit également s'assurer que les décisions fédérales prises dans le cadre du dossier de l'inforoute électronique préservent la spécificité culturelle du Québec. Le gouvernement fédéral laisse actuellement toute latitude aux entreprises privées pour définir le contenu de l'inforoute. Pourtant, le gouvernement dispose de moyens pour le développement de contenus canadiens et québécois dans le domaine de la radio et de la télédiffusion. Le Bloc québécois doit faire en sorte que le gouvernement fédéral ne banalise pas la culture québécoise en la ramenant au niveau d'une simple sous-culture canadienne. La culture québécoise est celle d'un peuple, d'un peuple réel.

Dans son discours du Trône, le gouvernement fédéral a enfin admis qu'il est intervenu et qu'il intervient toujours dans des champs de juridiction exclusivement dévolus aux provinces. Du même souffle, il s'engage à ne plus le faire en certains domaines et il pousse l'audace jusqu'à prétendre remettre ces champs de compétence qui ne lui appartiennent pas aux municipalités ou au secteur privé. C'est en quelque sorte le monde à l'envers.

(1610)

Ce comportement, est-ce qu'il n'est pas révélateur de la propension historique du gouvernement fédéral à semer lui-même la pagaille dans les relations fédérales-provinciales?

Le gouvernement libéral cherche une fois de plus à isoler le Québec en suggérant qu'il pourrait utiliser son pouvoir de dépenser pour créer de nouveaux programmes à frais partagés dans les domaines qui relèvent exclusivement des provinces. Le comble :une majorité simple des provinces suffirait pour créer ces nouveaux programmes.

Le plus grave, c'est que le gouvernement laisse planer la possibilité d'un référendum pancanadien. Qu'il soit clairement établi que les Québécois n'accepteront jamais qu'un référendum pancanadien décide de leur avenir.


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En terminant, nous croyons essentiel de présenter à la Chambre un plan qui devrait contenir les éléments suivants. Peut-être cela nourrira-t-il la réflexion du premier ministre et peut-être cela le guidera-t-il dans la bonne direction. D'abord, on doit s'attaquer à l'assainissement des finances publiques par une réduction du train de vie du gouvernement fédéral et la suppression des gaspillages; le rétablissement de l'équité fiscale dans ce pays, particulièrement en s'intéressant au cas des grosses corporations; la réforme véritable et mesurée des programmes sociaux et non pas leur suppression; la création d'emplois, particulièrement dans les secteurs de haute technologie, puisque le Canada est le pays de l'OCDE qui investit le moins dans ce secteur. C'est incroyable. Faut-il rappeler au gouvernement que la matière grise est la principale richesse de ce pays?

En conséquence, nous présentons l'amendement suivant au discours du Trône. Je voudrais proposer, appuyé par mon collègue, le leader parlementaire et député de Laurier-Sainte-Marie:

Que les mots suivants soient ajoutés à l'adresse: La Chambre déplore que les conseillers de votre Excellence fassent preuve d'un manque de vision face aux enjeux fondamentaux de la société québécoise et canadienne, tels que la création d'emplois, la meilleure administration des fonds publics, le rétablissement de la justice fiscale pour tous, la reconnaissance de Montréal comme pivot économique de la société québécoise, la nécessaire protection de la culture québécoise;
Et fassent preuve d'un manque de sensibilité envers les plus démunis en proposant une réforme des programmes sociaux qui s'attaque aux personnes en chômage, sur l'aide sociale, aux personnes du troisième âge, de même qu'aux étudiants et aux étudiantes;
Et fassent preuve d'une totale incompréhension du résultat référendaire.
(1615)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, mes premières paroles seront pour féliciter le député de Roberval pour sa nomination comme chef de l'opposition.

Je dois dire que lorsque j'étais étudiant au Séminaire de Joliette, les étudiants de Roberval et de Saint-Félicien, qui étaient un peu trop vivants au Collège de Chicoutimi et qui étaient obligés de prendre la porte, venaient nous rencontrer au Séminaire de Joliette. Je m'y suis fait de très bons amis. Je n'aurais pas cru, à cette époque, qu'un jour, à la Chambre des communes, en tant que premier ministre, j'aurais à faire face à un chef de l'opposition du comté de Roberval, le comté presque voisin. C'est une occasion tout à fait extraordinaire que je tiens à noter, et je souhaite la chance traditionnelle au chef de l'opposition, pas trop, mais suffisamment pour que le débat soit intéressant et que nous fassions tous du progrès.

[Traduction]

Je voudrais féliciter la députée de Saskatoon-Humboldt. . .

[Français]

-et le député d'Ottawa-Vanier pour l'excellente présentation qu'ils ont faite hier à la Chambre des communes.

J'étais un peu nostalgique, parce qu'au moment du deuxième discours du Trône du gouvernement de M. Pearson, à l'époque, alors que j'étais jeune député du comté de Saint-Maurice, j'ai eu le privilège et l'honneur de prononcer un discours à cette occasion. Je sais que tous deux ont fait honneur à leurs électeurs.

[Traduction]

Nous avons beaucoup apprécié l'intervention de la députée de Saskatoon-Humboldt. Je tiens à la féliciter de la très bonne qualité de son français. Nous avons tous été impressionnés. Elle n'était probablement pas née lorsque j'ai prononcé mon discours, mais mon anglais n'était pas aussi bon que son français.

[Français]

Le député d'Ottawa-Vanier est un Franco-Ontarien. Il y a un million de francophones qui ne sont pas des Québécois et qui sont franchement très enracinés et très fiers de la culture et de la langue françaises. Le discours prononcé hier par le député a démontré la vitalité de la francophonie hors Québec. Et nous, de ce côté de la Chambre, ne laisserons jamais tomber les francophones qui ont autant de courage et qui sont si bien représentés ici.

[Traduction]

Cette nouvelle session du Parlement marque le début de la deuxième moitié du mandat de notre gouvernement. Nous sommes à mi-chemin. Il faut fixer de nouveaux objectifs, relever de nouveaux défis et nous appuyer sur ce que nous avons accompli depuis deux ans et quatre mois.

On dit souvent que pour savoir où on va, il faut se rappeler par où on est passé. J'ajouterais qu'il faut se rappeler d'où on est parti. Je me souviens très bien d'où est parti notre gouvernement il y a un peu plus de deux ans.

Nous avons hérité d'un pays aux prises avec de graves difficultés économiques. Le taux de chômage dépassait 11 p. 100. Le déficit atteignait 42 milliards de dollars et se creusait d'année en année. Le malaise économique dont nous avons hérité ne constituait cependant que la moitié du tableau. La méfiance et le cynisme des Canadiens envers leur gouvernement était tout aussi profonds et destructeurs. Des ministres du gouvernement fédéral ne croyaient même pas au Canada. Entachés par le scandale, des ministres démissionnaient l'un après l'autre, et les affaires du gouvernement étaient dominées par les lobbyistes et les entremetteurs. Telle était la situation quand nous avons pris le pouvoir en 1993.

Notre gouvernement s'est retroussé les manches et mis au travail pour renverser la vapeur. Et nous avons réussi à la renverser.

(1620)

Nous sommes arrivés avec un plan d'action, le livre rouge. Au cours de la dernière session, nous avons adopté près de 100 projets de loi d'initiative ministérielle et mis en oeuvre près des trois quarts des engagements que nous avions pris dans le livre rouge. Ces chiffres ne disent cependant pas tout: ils ne disent pas que plus d'un demi-million d'emplois ont été créés dans l'économie canadienne depuis que nous formons le gouvernement; que le taux de chômage


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a reculé de deux points et est descendu sous la barre de 10 p. 100 pour la première fois depuis cinq ans; qu'après des années de promesses et de mesures reportées à plus tard, le gouvernement fédéral a finalement entrepris l'assainissement des finances publiques.

À la fin du nouvel exercice, nous aurons ramené le déficit de 6 à 3 p. 100 du PIB, comme nous l'avions promis dans le livre rouge-de 42 à 24 milliards de dollars. L'an prochain, nous l'aurons réduit d'un autre point de pourcentage et ramené à 2 p. 100, à son niveau le plus bas en vingt ans, et il continuera de descendre. Nous y sommes parvenus, non pas contre la volonté des Canadiens, mais plutôt grâce à leur soutien actif.

La tâche n'a pas été facile. Je tiens à souligner le travail du ministre des Finances, qui a su faire accepter des budgets sévères mais équitables. Je veux aussi remercier les Canadiens pour leur compréhension et leur détermination. Nous avons expliqué clairement aux Canadiens-et ils ont compris-que réduire le déficit n'est pas une fin en soi. Nous n'avons pas poursuivi cet objectif par caprice ni pour des raisons idéologiques, mais parce que c'est une étape nécessaire pour restaurer la santé économique du Canada, pour assurer une croissance durable et des emplois pour les Canadiens.

Accepter des déficits élevés année après année voulait dire accepter des taux d'intérêt élevés. Cela voulait dire des taux hypothécaires plus élevés pour les Canadiens propriétaires de leur maison. Cela voulait dire d'autres sacrifices pour les jeunes familles qui voulaient acheter leur première maison. Cela voulait dire que des milliers de petites entreprises et d'exploitations agricoles ne pouvaient ni grandir ni prendre de l'expansion-et créer des emplois.

Accepter des déficits élevés année après année nous a aussi forcés à emprunter à l'étranger pour financer nos dettes. Cela nous a rendus trop vulnérables face aux marchés financiers étrangers. Cela a limité notre souveraineté économique, et la note a été salée pour tous les Canadiens.

Voilà pourquoi nous avons travaillé tellement fort-et nous continuerons de travailler fort-pour réduire le déficit. Nos succès jusqu'ici sont en train de se transformer en avantages réels et durables pour tous les Canadiens. Nous avons parcouru beaucoup de chemin. Nous ne sommes pas encore au bout de nos peines, mais, pour la première fois depuis longtemps, nous entrevoyons la lumière au bout du tunnel, comme le ministre des Finances le montrera la semaine prochaine dans son budget.

[Français]

Dans le livre rouge, nous écrivions ce qui suit: «Notre politique de relance économique et de responsabilité budgétaire nous permettra de baisser les taux d'intérêt réels et de juguler l'inflation, ce qui améliorera notre compétitivité face à nos principaux partenaires commerciaux.»

C'est précisément ce qui arrive. Les taux d'intérêt ont grandement baissé. L'inflation au Canada est à son niveau le plus bas depuis des décennies-un niveau plus bas que dans pratiquement tout autre pays industrialisé.

Depuis mars dernier, les intérêts à court terme ont baissé de trois points de pourcentage. Cela représente un fléchissement de 2,5 points de pourcentage de plus que ce qui a été observé aux États-Unis. Aujourd'hui, il n'y a pratiquement plus d'écart entre les taux d'intérêt à court terme au Canada et aux États-Unis.

(1625)

La façon dont nous remettons de l'ordre dans les finances publiques en dit long sur nos valeurs, celles du gouvernement et de la société que nous formons. Nous aurions pu sabrer aveuglément dans les dépenses, en frappant tous les citoyens indistinctement avec la même intensité. Cela n'aurait pas été équitable. En tant que Canadiens, nous chérissons les valeurs communautaires telles que l'égalité des chance, la tolérance et la compréhension, la compassion et le soutien aux plus vulnérables. Nous croyons à la notion de respect sous toutes ses formes. Les Canadiens sont déterminés à remporter la lutte contre le déficit. Mais comme notre gouvernement, ils refusent absolument de le faire sur le dos des démunis, ce dont nous sommes fiers.

Pour cette raison, nous avons réduit les dépenses militaires et accru les dépenses liées aux programmes d'emploi pour les jeunes. Nous avons comprimé les subventions aux entreprises de plus de 50 p. 100, mais nous avons investi dans un Programme national d'infrastructures qui se traduit par des projets d'investissement dans chaque province canadienne. Ce programme a contribué à la création de dizaines de milliers d'emplois et aura des retombées économiques étalées sur les prochaines décennies. Pour cette raison encore, nous avons éliminé les échappatoires comme les fiducies familiales, mais nous avons financé de nouvelles mesures telles que le programme de nutrition prénatale et le programme Bon départ pour les autochtones et rétabli le programme national d'alphabétisation.

Toujours pour ces raisons, nous avons éliminé l'exemption pour gains en capital de 100 000 dollars et relevé à 12 milliards de dollars le plafond prévu dans la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Nous avons instauré des compressions dans la fonction publique fédérale, mais nous avons lancé des mesures telles que Service Jeunesse Canada et le programme Jeunes stagiaires pour permettre à des milliers et des milliers de jeunes d'acquérir l'expérience nécessaire pour décrocher et conserver leur premier emploi.

[Traduction]

C'est ce souci de l'équilibre et des priorités qui est la marque de commerce de notre gouvernement: grâce à une lutte énergique et sérieuse contre le déficit, nous avons réussi à renverser la vapeur. Nous l'avons cependant fait avec compassion, compréhension et volonté d'investir dans les gens, comme nous l'avions proposé dans le livre rouge. Nous avons prouvé qu'un gouvernement peut être un gestionnaire économique et financier dur, équitable et efficace tout en étant progressiste et humain. C'est pour cela, plus que tout le reste, que les Canadiens ont voté quand ils nous ont choisis pour diriger le Canada il y a un peu plus de deux ans. C'est cela, plus que tout le reste, je le dis avec fierté, qui constitue la grande réalisation de la première moitié de notre mandat.

J'ai dit au début que notre gouvernement avait hérité d'un déficit budgétaire de nos prédécesseurs, mais aussi d'un discrédit politi-


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que. Les Canadiens désespéraient de leurs institutions politiques. Ils ne croyaient plus en leur gouvernement. Ils ne faisaient plus confiance aux représentants élus.

(1630)

On peut être d'accord ou pas avec nos politiques, mais après plus de deux ans au pouvoir, personne ne peut mettre en doute l'honnêteté et l'intégrité de notre gouvernement et de ses ministres-personne. Et cela, c'est une réalisation dont je suis très fier, mais qui donne aussi aux Canadiens une raison de croire à nouveau à leur gouvernement. Les Canadiens savent que, quand le gouvernement donne sa parole, il tient promesse.

Avoir rétabli la réputation du gouvernement du Canada en tant que gestionnaire financier et économique compétent et avoir redonné à la population le sentiment que le gouvernement est une institution honnête, voilà, nos réalisations à mi-mandat, des réalisations dont nous sommes très fiers. Elles préparent le terrain pour la deuxième moitié de notre mandat.

Hier, le discours du Trône énonçait les grandes mesures que prendra le gouvernement au cours de la session qui commence, des mesures qui poursuivent le travail que nous avons amorcé il y a deux ans. Elles étaient promises dans le livre rouge. Elles favorisent la croissance économique et la création d'emplois, l'unité et la sécurité des Canadiens et de leurs familles.

Nous avons été élus pour restaurer la santé économique du Canada. Le chômage a beaucoup baissé depuis que nous avons pris le pouvoir en 1993, mais il n'est pas assez bas à notre goût, ni au goût des Canadiens. Trop de Canadiens sont encore sans travail. Beaucoup trop de Canadiens craignent encore de perdre leur emploi.

Par-dessus tout, nous voulons que les jeunes Canadiens participent activement à notre économie. Ils veulent du travail. Ils méritent de travailler. Les jeunes veulent espérer en l'avenir-pas craindre l'avenir. C'est à nous tous de créer cet espoir et ces débouchés pour eux.

Le chômage chez les jeunes n'afflige pas seulement le Canada. Il existe partout dans le monde industrialisé, dans tous les pays. Dans de nombreux pays, la situation est bien pire que chez nous. Or, cette comparaison ne devrait pas nous consoler. Parce que nous ne devrions pas mesurer le succès ou l'épanouissement de nos jeunes par rapport à celui des jeunes d'autres pays. Nous devrions le mesurer par rapport à nos propres espoirs et à nos propres ambitions et par rapport à notre sens du devoir en tant que gardiens de la société dont ils hériteront. Si nous voulons que le Canada continue de grandir et de prospérer, si nous voulons vraiment un pays d'espoir et de confiance, notre seule garantie, c'est une jeunesse qui travaille fort dans des emplois utiles, des emplois qui ont un avenir.

Au cours des deux premières années de notre mandat, le gouvernement a pris de nombreuses mesures pour promouvoir activement un climat favorable à la création d'emplois et il a remporté des succès. Un gouvernement ne crée pas d'emplois; il crée un climat qui permet au secteur privé de créer des emplois. C'est ce que nous avons fait et ce que nous continuons de faire: jeter les bases d'une croissance de l'emploi durable. Nous avons maintenant besoin d'un partenariat actif avec les autres gouvernements et le secteur privé pour que cette croissance de l'emploi se concrétise.

Nous avons eu un avant-goût de ce partenariat. Nous savons qu'il peut bien fonctionner, quand on y met la détermination et l'effort voulus. Depuis des années, rien n'avait donné aux Canadiens un sentiment de fierté et d'accomplissement aussi grand que les missions commerciales d'Équipe Canada dans des marchés étrangers comme la Chine, l'Inde, Singapour, le Pakistan et l'Indonésie.

(1635)

Ces deux missions commerciales, conjuguées avec la mission commerciale que j'ai dirigée en Amérique latine il y a un an, ont rapporté 20 milliards de dollars de contrats commerciaux aux entreprises canadiennes. Cela veut dire des milliers d'emplois pour le Canada, et l'occasion de prendre pied sur certains des marchés étrangers dont la croissance est la plus rapide au monde.

Au-delà des statistiques impressionnantes des missions d'Équipe Canada, ce qui importe le plus, c'est ce que ressentent les Canadiens quand ils voient le premier ministre de leur pays, les premiers ministres provinciaux et des chefs de petites et grandes entreprises travailler ensemble pour créer des emplois pour les Canadiens. Il y avait là des personnalités politiques d'à peu près tous les partis, des représentants de presque tous les types d'entreprises, petites et grandes, qui oeuvraient tous dans le même sens. Pour une fois, la classe politique a cessé de se pointer du doigt. Les gens d'affaires ont cessé de blâmer le gouvernement et tout le monde a mis l'épaule à la roue, a travaillé au sein de la même équipe, pour atteindre les mêmes buts.

Les Canadiens avaient l'habitude de voir les gouvernements se faire concurrence et les premiers ministres se quereller, mais avec Équipe Canada, ils nous ont vus travailler ensemble. Ils ont aimé ce qu'ils ont vu et ils en redemandent.

Nous pouvons et devons prouver aux Canadiens que nous-le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et le secteur privé-n'avons pas besoin d'aller à l'étranger pour pouvoir travailler ensemble. Équipe Canada a bien travaillé à Beijing, Bombay ou Buenos Aires. Mais elle peut travailler tout aussi bien à Burnaby, Brampton ou Bromont. Nous devrions mettre le même esprit d'équipe à l'oeuvre ici, chez nous, pour créer des emplois dans un vrai partenariat national. Je m'engage, ici et maintenant, devant tout le pays, à consacrer toutes les ressources du gouvernement fédéral à la création de ce partenariat. Et j'invite le secteur privé et les gouvernements provinciaux à se joindre à nous.

Au secteur privé, je propose un défi bien précis. Pendant des années et des années, vous avez demandé au gouvernement fédéral de mettre de l'ordre dans ses finances. Vous avez fait campagne contre les déficits. Vous nous avez prévenus contre les incidences négatives des dépenses publiques trop élevées sur l'économie et vous nous avez demandé de nous retirer des domaines dont le secteur privé s'occupe mieux que nous. Vous avez affirmé que, quand nous aurions fini ce travail, le secteur privé créerait des emplois. Je vous dis que le gouvernement fédéral a livré la marchandise. Maintenant, les Canadiens demandent au secteur privé de faire sa part.

C'est à votre tour maintenant de montrer que vous faites confiance au Canada et aux Canadiens, surtout aux jeunes Canadiens, et de


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reconnaître que-tout comme nous avons pris les devants pour éliminer le déficit budgétaire-vous avez une responsabilité pour éliminer le déficit humain du chômage. Aucun bilan fidèle ne peut ignorer les coûts élevés et croissants du chômage chronique. C'est mauvais du point de vue humain. C'est mauvais du point de vue économique et c'est mauvais du point de vue commercial. C'est mauvais du point de vue moral.

(1640)

Et vous avez la responsabilité-tout comme moi et mes collègues du gouvernement-de déployer l'énergie et les efforts qu'il faut pour résoudre ce problème. Voilà pourquoi nous avons annoncé dans le discours du Trône d'hier que le gouvernement doublerait, cette année, sa contribution à la création d'emplois d'été dans les secteurs privé, public et sans but lucratif, et pourquoi nous avons mis au défi le secteur privé, les provinces et les municipalités d'en faire autant. Nous devons encourager et aider les jeunes qui paient leurs études universitaires-et c'est un moyen important pour y parvenir.

[Français]

Je veux annoncer aujourd'hui une autre initiative. Dans les semaines à venir, je vais demander au milieu des affaires de se joindre au gouvernement pour lancer sur la scène nationale une mission d'Équipe Canada, orientée vers la création d'emplois pour les jeunes Canadiens, principalement dans le secteur privé. Ce sera un appel aux entreprises, grandes et petites, à investir dans l'emploi pour les jeunes Canadiens. Cela pourrait créer plusieurs dizaines de milliers de nouveaux emplois et stimuler la croissance économique et la demande des consommateurs. Et surtout, cela prouverait aux millions de Canadiens et de Canadiennes que leur pays fonctionne pour eux, pas seulement pour les puissants et les privilégiés.

Et je lance également un défi aux provinces. Je les mets au défi de retrouver le dynamisme et la volonté qui ont fait fonctionner Équipe Canada, pour faire de ce concept quelque chose de permanent. Dans nos efforts pour redéfinir et préciser nos responsabilités, collaborons également à mettre en oeuvre ce programme axé sur la création d'emplois. Ce n'est sans doute pas aussi exaltant que nos querelles, et sûrement pas aussi facile. Mais nous avons déjà montré que nous pouvons collaborer pour créer des emplois et assurer des retombées économiques. Les Canadiens méritent que nous fassions l'effort nécessaire.

Les Canadiens méritent aussi la sécurité que leur apportent nos mesures sociales. Une économie forte et prospère assure la viabilité de programmes sociaux de qualité. C'est pour cela que l'assainissement des finances publiques est un élément indispensable au maintien des programmes sociaux qui sont si chers aux Canadiens.

Mais l'engagement de notre gouvernement à l'égard des mesures sociales ne s'arrête pas là. Nous sommes également conscients que l'avenir à long terme des programmes sociaux, pas seulement l'avenir immédiat, dépend de notre planification. C'est une responsabilité que nous prenons très au sérieux.

Cette préoccupation est particulièrement aiguë en ce qui a trait aux pensions de l'État. Tout le monde reconnaît que l'évolution démographique de notre société nous force à faire des changements pour assurer la viabilité de notre système de pensions de vieillesse pour les futures générations de Canadiens.

Nous avons d'ailleurs amorcé des discussions avec les provinces pour que le Régime de pensions du Canada, que nous gérons conjointement avec les provinces, soit en mesure d'aider les travailleurs canadiens qui y versent leurs cotisations. Nous avons également invité la population à prendre part à ces discussions.

[Traduction]

La prochaine étape consiste à nous assurer que les prestations versées aux personnes âgées en vertu de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti sont viables aujourd'hui et qu'elles le seront dans l'avenir. Nous avons pris cet engagement. Nous avons le devoir de planifier en fonction de l'avenir et nous prenons cela au sérieux.

(1645)

Nous honorerons un autre engagement-un engagement que j'ai moi-même pris à la Chambre, au nom du gouvernement. J'ai fait une promesse aux personnes âgées et je la répète aujourd'hui: vos prestations de Sécurité de la vieillesse et de Supplément de revenu garanti ne seront pas réduites. Et nous continuerons d'assurer la santé et la viabilité de l'assurance-maladie-la mesure sociale que nous chérissons le plus.

Le gouvernement fera en sorte que le système de soins de santé soit à la disposition de tous les Canadiens-sans distinction entre riches et pauvres. Nous maintiendrons de façon significative la composante en espèces au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Ainsi, nous conserverons une voix forte en ce qui concerne l'assurance-maladie et pourrons ainsi maintenir un système de soins de santé gratuit et universel partout au Canada.

L'assurance-maladie est aussi canadienne que le sol sur lequel nous marchons et que l'eau qui coule dans nos rivières et nos lacs. Elle fait partie de notre identité actuelle et de nos aspirations. Elle nous distingue des autres pays. Elle nous rassemble quel que soit l'endroit où nous vivons au Canada. Nous veillerons à ce qu'elle continue encore longtemps à rassembler les Canadiens.

Rassembler les Canadiens pour qu'ils fassent cause commune et maintenir l'unité canadienne doivent être prioritaires pour tout gouvernement. Le référendum du 30 octobre dernier nous a montré que nous ne pouvons pas prendre notre pays, aussi magnifique soit-il, pour acquis. Chaque jour, nous devons nous rappeler pourquoi il fait si bon vivre au Canada. Nous devons nous rappeler ce que nous avons en commun; les valeurs que nous chérissons: la tolérance, le respect, la générosité et le partage. Nous devons nous rappeler ce que des générations de Canadiens ont accompli pour faire de notre pays l'envie du monde. Aujourd'hui, plus que jamais, nous devons continuer de croire en cette grande entreprise collective et forger de nouveaux liens entre nous.

Un Canada uni est une plus noble entreprise que la vision étroite à laquelle adhèrent ceux qui sont prêts à briser le pays.


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[Français]

Le Canada est un grand pays au territoire vaste, habité par une population diversifiée. Trente millions d'habitants d'origines diverses cohabitent paisiblement dans un pays dont l'ONU estime être le meilleur pour sa qualité de vie.

(1650)

C'est un très grand succès à l'échelle mondiale, un succès sur lequel on ne peut simplement s'asseoir, un succès sur lequel il faut continuer à bâtir.

À l'échelle des nations, le Canada est un pays encore bien jeune, en adaptation constante dans un environnement qui change rapidement. L'économie mondiale se transforme et devient de plus en plus indépendante alors que de plus grands ensembles se forment comme en Europe, par exemple. À lui seul, le Canada constitue un grand ensemble formé des provinces et des territoires qui sont venus s'ajouter les uns aux autres au fil du temps pour en faire l'une des sept puissances les plus industrialisées au monde. Le Canada a grandi très vite. Il est maintenant tout à fait normal de s'interroger sur son fonctionnement. La mondialisation de l'économie force les gouvernements de par le monde à se redéfinir.

Ce qui demeure constant dans notre histoire, c'est notre capacité à nous adapter à de nouvelles circonstances et aux nouvelles réalités sans perdre de vue nos valeurs et nos principes. Les Pères de la Confédération nous ont légué un cadre qui est toujours aussi valide aujourd'hui qu'il l'était il y a 130 ans. Ils ont prévu des dispositions pour que les provinces soient fortes, autonomes, capables d'offrir des services et de les adapter aux conditions locales. Ils ont prévu des dispositions pour que les provinces puissent évoluer et s'épanouir d'une façon qui leur est propre. Par exemple, l'ensemble du Canada bénéficie de la création par la Saskatchewan d'un régime universel d'assurance-maladie. L'ensemble du Canada bénéficie de la situation géographique de la Colombie-Britannique qui en fait un pays du Pacifique. À une époque où on demande aux gens de développer leur conscience planétaire et d'intervenir localement, la notion de provinces fortes est plus importante que jamais.

[Traduction]

Mais les pères de la Confédération ont aussi prévu un gouvernement national unique, élu directement par les Canadiens, une instance qui intervient directement au nom de tous les Canadiens sur les grands enjeux de l'heure.

Au XXIe siècele, ce gouvernement national sera tout aussi important qu'il ne l'aura jamais été. Nous préserverons le rôle de ce gouvernement national par le renforcement de notre économie et de notre union économique afin que notre pays connaisse la prospérité, pour nous et pour nos enfants, par une meilleure solidarité sociale au Canada-en préservant et en modernisant l'union sociale pour que notre société demeure bienveillante et généreuse à la grandeur du pays, par la mise en commun de nos richesses nationales qui nous permettront d'atteindre efficacement nos objectifs communs, par la protection et la promotion des valeurs et de l'identité canadiennes dans la fierté de notre diversité et par la défense de la souveraineté du Canada et une représentation efficace des Canadiens sur la scène mondiale. Ensemble, nous moderniserons notre fédération en tenant compte de notre diversité, avec confiance en nos moyens à l'approche du XXIe siècle.

À l'évidence, les Canadiens font face à quelques difficultés à la suite du résultat du référendum québécois. L'heure n'est pas aux bouleversements constitutionnels. Nous devons poursuivre la démarche d'adaptation, de modernisation et d'édification de notre fédération. Je crois que nous pourrons y arriver en nous concentrant sur quelques étapes pratiques dans un esprit qui respecte les principes du fédéralisme.

Le fonctionnement de notre fédération doit répondre à nos besoins collectifs et correspondre à notre diversité. Il doit être une expression de respect réciproque et de respect envers nos institutions. Il doit comprendre un partenariat et un dialogue entre les pouvoirs publics et les citoyens. Il doit être souple. Il doit chercher à répondre à nos besoins avec la plus grande efficacité. De fait, le Canada a surtout fonctionné de cette façon dans le passé. La fédération s'est montrée d'une souplesse et d'une adaptabilité remarquables face aux attentes des Canadiens.

(1655)

Ce que je propose aujourd'hui, c'est un effort concerté entre les gouvernements fédéral et provinciaux pour résoudre plusieurs pommes de discorde liées au fonctionnement de la fédération en nous attardant en particulier au renforcement de notre union économique et sociale. Notre effort doit surtout être concentré sur des étapes pratiques et concrètes, et non pas sur les grandes définitions ou les symboles chargés d'émotivité qu'on associe généralement à d'importants changements constitutionnels.

L'union économique du Canada représente l'une de nos grandes réussites. Les Canadiens mésestiment le degré de notre intégration économique, qui dépasse-et de loin-le degré d'intégration économique que nous avons atteint avec n'importe quel pays, y compris les États-Unis.

Au cours d'une génération, nous avons pu observer un aplanissement des disparités régionales. Nous avons à peu près comblé l'écart qui existait entre le niveau de vie au Canada et aux États-Unis. Mais nous n'exploitons pas encore tous les avantages que cette union économique peut nous procurer. L'optimisation de cet avantage est la clé de la compétitivité du Canada sur la scène internationale.

J'invite les provinces et tous les Canadiens à penser aux façons dont nous pouvons améliorer notre union économique pour accroître la mobilité de la main-d'oeuvre entre les provinces, pour réduire les entraves au commerce intérieur, pour améliorer nos marchés financiers domestiques, pour accroître la diffusion de l'information technologique et pour améliorer notre niveau de collaboration à l'étranger.

[Français]

Le Canada a développé un large consensus pour promouvoir notre union sociale. Les citoyens désirent voir leurs gouvernements travailler ensemble pour moderniser notre filet de sécurité sociale de manière à ce qu'il demeure viable à long terme et continue à refléter les valeurs que les Canadiens partagent d'un océan à l'autre. De concert avec les provinces et les citoyens, et à partir des principes que nous avons en commun, le gouvernement va explorer de nouvelles approches en matière de politique sociale.


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Le développement de notre union sociale doit respecter l'esprit de la fédération aussi bien que les réalités financières qui nous assaillent. Conscient de cet état de choses, le gouvernement s'engage fermement à ce que la création de tout nouveau programme national à frais partagés dans des domaines de compétence exclusive des provinces nécessite le consentement préalable de la majorité des provinces. Ces programmes seront conçus de telle sorte que les provinces qui choisiront de ne pas y participer seront indemnisées, à condition de mettre en place des mesures équivalentes ou compatibles avec les objectifs nationaux.

C'est la première fois qu'un gouvernement fédéral s'engage officiellement et unilatéralement à restreindre son pouvoir de dépenser ailleurs que dans le cadre de négociations constitutionnelles. Par ce geste, nous reconnaissons que l'utilisation de ce pouvoir en matière de programmes à frais partagés suscite des tensions avec toutes les provinces ou presque. Nous croyons être en mesure de bâtir l'union sociale en faisant preuve de cette volonté, et grâce à d'autres moyens de nature non financière.

Les Canadiens et les Canadiennes souhaitent que leurs gouvernements soient flexibles et travaillent efficacement en partenaires de manière à ce que le pays fonctionne bien. Nous allons travailler avec les provinces pour nous assurer que la population est servie par le niveau de gouvernement le mieux placé pour le faire. Le gouvernement fédéral n'a plus à être présent dans un certain nombre de domaines pour servir efficacement ses citoyens. Nous avons d'ailleurs commencé à transférer les infrastructures de transport aux autorités municipales et au secteur privé. Ensuite, dans le domaine du tourisme, nous avions un programme géré par le ministère de l'Industrie. L'an dernier, l'industrie touristique a recommandé d'en confier l'administration au secteur privé en collaboration avec le secteur public. Nous avons accepté. Nous nous sommes retirés de notre programme, et la Commission canadienne du tourisme est née. Elle est dirigée par l'industrie touristique en collaboration avec le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, et tout le monde travaille ensemble. C'est un remarquable succès qui tient lieu de modèle de partenariat entre les différents paliers de gouvernement et le secteur privé pour le XXIe siècle.

(1700)

Le gouvernement fédéral est également prêt à se retirer des fonctions qu'il exerce dans des domaines tels la formation de la main-d'oeuvre, les forêts, les mines, les activités récréatives dont la responsabilité conviendra mieux à d'autres instances au XXIe siècle, qu'il s'agisse de provinces, de municipalités ou du secteur privé.

Il y a plusieurs domaines ou les deux ordres de gouvernement ont un rôle véritable à jouer. Dans ces secteurs, nous devons optimiser l'efficacité de nos interventions pour que les contribuables en aient pour leur argent. Le gouvernement invitera les provinces à accentuer leurs efforts pour éliminer les chevauchements et les doubles emplois qui existent et pour identifier d'autres zones grises qui prêteraient à discussion.

Dans les mois à venir, nous examinerons, au cours d'une conférence des premiers ministres, comment mieux travailler ensemble à la création d'emplois au Canada; comment préserver le filet de sécurité sociale et enfin comment mettre en place un programme commun de changement pour renouveler le Canada.

Préserver et améliorer l'unité canadienne exige plus qu'un rééquilibrage des rôles et des responsabilités des gouvernements. Cela exige que nous nous rappelions ce que nous avons en commun, en faisant la promotion de la culture, des arts et de notre patrimoine.

Préserver l'unité canadienne exige que nous offrions aux Québécois qui sont tentés par une autre option un rêve plus noble, soit celui d'un Canada où les Québécois-comme tous les Canadiens-se sentent chez eux partout au pays; un Canada qui se veut le meilleur garant du fait français en Amérique du Nord.

Les démocraties qui ont la richesse de compter plus d'une langue officielle et jouissent donc d'une ouverture plus large sur l'univers des cultures, prévoient des aménagements particuliers afin d'aider leurs groupes linguistiques à cohabiter dans l'harmonie. Notre Loi sur les langues officielles, ainsi que la reconnaissance des droits linguistiques dans la Constitution, forment un modèle du genre. Il nous suffit de pousser plus loin et de reconnaître comme une force, une chance pour le Canada, que dans cette Amérique anglophone il existe une société qui fonctionne en français et qui prend les moyens pour continuer de le faire.

Sur un continent où un individu seulement sur 40 est francophone, nous devons collectivement comprendre les inquiétudes de beaucoup de nos concitoyens francophones, non seulement au Québec mais ailleurs au Canada. Ils se préoccupent non seulement de la survie de leur langue et de leur culture, mais également de son épanouissement.

Le Québec veut être reconnu comme une société distincte par sa langue, sa culture et ses institutions. La Chambre des communes a adopté une résolution en ce sens, et un droit de veto régional garantissant qu'aucun changement constitutionnel ne se fera sans l'accord d'une région du pays a également été adopté ici dans cette Chambre.

(1705)

Nous souhaitons l'enchâssement de ces changements dans la Constitution et nous savons que ce ne sera pas facile. Il faudra convaincre et expliquer que la reconnaissance du caractère distinct de la société québécoise n'enlève rien à personne et reflète simplement la réalité. Une réalité qui constitue un atout pour notre pays.

Nous avons tous appris, la semaine dernière, ce que l'ancien premier ministre du Québec, M. Parizeau, aurait dit le 30 octobre si le résultat lui avait été favorable. Le résultat était irréversible; la démocratie avait parlé; la page devait être tournée; tous devaient se rallier au choix. Pourquoi ne pas accepter que les Québécois ont choisi le Canada pour la deuxième fois en 15 ans?

Des voix: Bravo!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Pourquoi ne pas consacrer maintenant toutes nos énergies et nos ressources à bâtir ensemble l'avenir de notre pays?


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Le Canada a besoin de stabilité politique pour assurer sa stabilité économique de façon à ce que Montréal retrouve la voie de la prospérité, Toronto progresse de nouveau et Vancouver maintienne sa croissance. En fait, toutes les villes, tous les villages, toutes les régions du pays ont besoin de stabilité politique. La stabilité politique profite à tous les Canadiens et c'est très important.

[Traduction]

Travaillons ensemble pour préserver ce que nous avons bâti ensemble. Ce ne sera pas facile, mais le pays dans lequel nous avons la chance extraordinaire de vivre aujourd'hui ne s'est pas construit dans la facilité. Le Canada est fait de courage et de détermination. Il est fait de la volonté de vivre ensemble en reconnaissant que nos différences sont aussi nos forces. C'est notre héritage. À nous de le préserver et de le faire fructifier.

La grandeur se mesure de plusieurs façons. Pour certains, la grandeur des nations se mesure par la richesse et la puissance. Pour ma part, je pense que nous, au Canada, avons trouvé une façon bien à nous de définir la grandeur, et ça a été d'atteindre mieux que toute autre nation un équilibre entre la réussite économique et la justice sociale.

J'ai eu le privilège de voyager à l'étranger, de représenter le Canada et la population canadienne sur la scène internationale. J'ai eu l'occasion d'observer comment le Canada est perçu dans le monde. Il est perçu comme un vrai pays, n'en doutez pas.

Mais il y a plus encore: le monde voit le Canada comme une société grande et diversifiée qui a su transformer sa diversité en prospérité. Le monde voit dans le Canada une terre d'espoir et d'intégrité, un pays bâti par des gens venus du monde entier, un endroit où chaque citoyen peut tirer le meilleur de lui-même, un endroit où règne un sens du partage et de l'entraide, un véritable sens communautaire.

(1710)

Nous voyons que lorsque le monde se mire dans le Canada, il aperçoit l'avenir, ou plutôt, l'espoir le plus solide pour l'avenir du monde. Ensemble, bâtissons ce modèle d'espoir et de confiance pour toute l'humanité.

Il y a quelques semaines, lorsque j'étais à Kuala Lumpur, j'ai pris pleinement conscience de ce qu'était le Canada. J'ai été invité à visiter les deux plus hautes tours du monde, qui viennent tout juste d'être construites. Les architectes voulaient unir les deux tours et, pour cela, ils avaient besoin des meilleures techniques. Même s'il n'y a pas de neige, le climat crée tout de même des problèmes là-bas. Ils voulaient un pont très haut dans les airs entre les deux tours. Ils sont venus voir des Canadiens pour faire tester leurs structures. Lorsque nous sommes passés d'une tour à l'autre, ils nous ont dit que c'était le lien canadien. Ce pont a été construit par des Canadiens.

Après cela, toujours à Kuala Lumpur, j'ai été invité à visiter le site où on est en train de construire un système de transport léger.

[Français]

Et là se trouvaient SNC Lavalin et Bombardier qui bâtissaient ce système d'avant-garde avec la collaboration d'entreprises de Vancouver et de Toronto. Tout le monde travaillait ensemble, tous ces Canadiens, tous fiers de ce pays francophone et anglophone vendant une excellente technologie, quelques jours après que nous ayions quitté le Pakistan où ils avaient obtenu le contrat de construction d'un système similaire dans la ville de Karachi.

[Traduction]

Voir là tout le monde, francophones et anglophones, habitants de l'Est et de l'Ouest, voir la joie lorsqu'un gouvernement était sur la tribune avec les gens d'affaires de la province pour signer des contrats. Voir aussi le premier ministre de l'Ontario féliciter le premier ministre socialiste de la Colombie-Britannique, lorsque les choses allaient bien pour lui. D'autres se tournaient vers le premier ministre du Nouveau-Brunswick parce qu'il avait conclu un bon accord pour une collectivité agricole du Nouveau-Brunswick. Cet accord est tellement bon qu'il m'a dit qu'il lui faudrait aller chercher du bétail au Québec. J'ai dit très bien, nous allons parler avec le Bloc et nous irons chercher du bétail au Québec et aussi au Manitoba. Il y a eu des félicitations de part et d'autre et les gens nous regardaient.

Ils n'achetaient pas des biens et des services canadiens parce que nous étions Canadiens, même si beaucoup se rappelaient que nous étions là à l'époque du plan Colombo. Ils s'en souvenaient. Mais ils achetaient des biens et des services canadiens parce que les produits et les services canadiens étaient les meilleurs sur le marché. C'est exact. Le Canada est le meilleur.

Si nous avons pu construire un pont entre les deux plus hautes tours du monde, à Kuala Lumpur, nous construirons un pont qui gardera unie la meilleure nation au monde.

(1715)

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour répondre au discours du Trône du gouvernement, le deuxième de cette trente-cinquième législature. On pourrait aussi dire qu'il s'agit de son deuxième coup d'essai.

Ce deuxième essai est plein de paroles, d'espoir et de promesses. Notre premier ministre en a eu plein la bouche pendant une heure. C'est au moins un signe que le gouvernement semble enfin entendre les appels anxieux des Canadiens et reconnaître qu'ils ont peur. Ils ont peur pour leur avenir, pour l'avenir de leur pays et pour celui de leurs enfants.

Ce discours est un signe que le gouvernement semble enfin reconnaître les erreurs du passé et l'inaction stratégique des deux dernières années et vouloir y remédier.

Ce deuxième discours du Trône est à maints égards un aveu de la part du gouvernement de son échec, mais c'est une tentative de nouveau départ.

Quand les libéraux sont arrivés au pouvoir en 1993, les attentes étaient grandes dans le pays. Les conservateurs avaient enfin payé le prix ultime, le prix de l'arrogance et les libéraux promettaient l'espoir, des emplois et un avenir sûr et brillant.

En 1993, on a dit aux Canadiens de ne pas s'inquiéter. Le puissant parti libéral était de retour au pouvoir. Pourtant, aujourd'hui, en 1996, deux années et demie plus tard, l'espoir s'est évanoui. La promesse d'emplois réels et à long terme ne s'est jamais matérialisée. C'est une chose de dire que des emplois ont été créés. Cepen-


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dant, le premier ministre ne semble pas avoir noté le nombre de ceux qui ont été perdus au cours de cette période.

Les promesses des libéraux, qui nous laissaient entrevoir un avenir brillant, se sont avérées n'être que des paroles vides en vue des élections. Le sentiment de sécurité et d'espoir que les Canadiens avaient en 1993 s'est évanoui tandis que, mois après mois, le gouvernement libéral restait inactif.

Hier, le gouvernement a parlé dans le discours du Trône de donner espoir aux Canadiens à travers le pays, de les sortir du désespoir. Il n'a pas reconnu cependant que c'était l'inaction des libéraux, son absence de plan, son manque d'innovation et son manque de vision qui ont contribué à répandre dans le pays ce sentiment de désespoir et d'impuissance.

Voilà où en est la situation en 1996 et c'est pourquoi le gouvernement recommence. Il a montré dans le discours du Trône qu'il peut parler le même langage que les Canadiens. Mais la question-et nous n'avons pas fini de la poser-est bien sûr de savoir s'il peut tenir ses promesses. C'est ce que nous devons essayer de déterminer aujourd'hui alors que nous analysons les paroles prudentes et les phrases rassurantes des libéraux pour ce deuxième essai.

Tout le monde mérite une deuxième chance, même si l'on prend une mauvaise décision. Tout le monde mérite une deuxième chance. Qu'on me comprenne bien. C'est une chose avec laquelle tous les Canadiens sont d'accord, j'en suis sûre. Mais après trois prises, on est retiré. C'est ainsi qu'on procède au baseball et c'est ainsi que les choses devraient se passer ici.

Donc, dans l'intention de lui donner une deuxième chance, de lui permettre un deuxième essai, voyons ce que le gouvernement libéral a promis aux Canadiens dans son discours du Trône. Voyons ce qu'il a l'intention de faire pour permettre aux Canadiens de reprendre espoir, de reprendre confiance et de se sentir de nouveau en sécurité. Nous avons tellement besoin de tout cela, à notre époque d'incertitude et d'espoirs déclinants.

Les emplois et la sécurité financière sont autant de motifs d'inquiétude. Pour tenter de convaincre les Canadiens qu'il travaille fort pour susciter une croissance économique à long terme, le gouvernement annonce un nouvel objectif amélioré de réduction du déficit, fixé à 2 p. 100 du produit intérieur brut. Les objectifs fixés à un bas niveau sont toujours faciles à atteindre. Ce qu'il faut faire, c'est éliminer le déficit et équilibrer le budget. Cessons de creuser davantage le gouffre de la dette. Il faut carrément cesser de creuser avant de commencer à remplir le trou.

(1720)

Le gouvernement refuse toujours obstinément de produire un calendrier ferme pour l'élimination totale du déficit. Les objectifs mobiles sur deux ans continuent d'être déplacés. Comme nous arrivons à la fin du siècle, je me demande jusqu'à quand on continuera à les déplacer.

Si nous n'éliminons pas totalement le déficit ou la somme que nous dépensons annuellement en trop par rapport à nos entrées de fonds, la dette fédérale continuera d'augmenter à un rythme alarmant et les paiements d'intérêts continueront à manger une partie de plus en plus importante de la somme que le gouvernement doit dépenser pour assurer le maintien de nos indispensables programmes sociaux. Ce sont des milliards et des milliards de dollars que nous dépensons chaque année rien qu'en intérêts sur la dette. Il y a quelque chose de fondamentalement mauvais là-dedans, et il nous faut reprendre tout à fait la maîtrise de ce processus.

Au lieu d'adopter une telle attitude de temporisation, le gouvernement pourrait tout aussi bien promettre de hausser les impôts, parce que ça reviendrait au même. Si nous devons continuer à pratiquer ainsi la surdépense, nous devons au moins être capables de trouver les fonds, et il n'y a rien de tel que de hausser les impôts pour ce faire.

Par contre, éliminer le déficit, comme les réformistes le proposent, freinera l'érosion improductive de nos programmes sociaux. On permettra ainsi au gouvernement de commencer à rembourser cette dette massive, une dette que les gouvernements successifs, libéraux et conservateurs, ont accumulée sans en avoir l'air au cours des 32 dernières années-et notre premier ministre a été sur la scène publique durant toutes ces années. Le fait d'éliminer le déficit permettra au gouvernement d'alléger les impôts des Canadiens, qui en ont bien besoin.

Ce discours du Trône ne parle pas d'allégement des impôts. S'il y a une chose susceptible de réjouir les Canadiens, c'est la promesse de réductions véritables de taxes ou d'impôts, quelque chose qui leur laisserait plus d'argent dans leurs poches.

L'élimination du déficit fédéral ne serait pas simplement une lumière au bout du tunnel; elle nous sortirait de ce tunnel sans fin et nous amènerait enfin à la lumière, alors que nous devons nous contenter d'une pâle lueur à l'extrémité. Les Canadiens contrôleraient une fois de plus leur destinée. Les programmes sociaux deviendraient financièrement durables. Les gens auraient plus d'argent dans leurs poches. Avec cet argent, ils pourraient rembourser leurs dettes qui augmentent, acheter de nouveaux logements, de nouvelles voitures et avoir un plan pour l'avenir de leur famille.

Une autre chose qui accroîtrait la confiance des consommateurs et même la confiance des électeurs, c'est l'élimination de la TPS. Le discours du Trône de 1994 promettait cette élimination. On la promet de nouveau et on parle de faire des progrès dans ce sens, mais le temps presse, les jours du gouvernement libéral et de la carrière politique de la vice-première ministre commencent à être comptés. Voilà une citation exacte de ce qu'elle a dit. Lors d'un programme public de Radio-Canada, le 18 octobre 1993, une semaine avant les dernières élections fédérales, elle a dit ceci: «Si la TPS n'est pas abolie sous un gouvernement libéral, je démissionnerai.» Nous attendons toujours. Il lui serait facile de se lever et de dire que les libéraux prévoient l'abolir. Selon ma connaissance de la langue, abolir n'est pas exactement la même chose qu'harmoniser ou modifier ou renommer ou quoi que ce soit d'autre. Abolir signifie réellement supprimer.

La vice-première ministre a dit que les libéraux aboliraient la TPS. Elle n'a pas dit qu'ils se contenteraient de l'harmoniser avec les taxes de vente des provinces. D'ailleurs, en Alberta, nous n'en avons pas de taxe de vente provinciale. C'est la dernière trouvaille des libéraux, harmoniser quelque chose avec la TPS, une taxe sur


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l'abolition de laquelle la vice-première ministre avait engagé sa carrière. Tout ce que je peux lui dire, c'est que nous attendons.

Le 4 avril 1990, avant les dernières élections, alors que le présent ministre des Finances était dans l'opposition, il a fait une excellente déclaration à mon avis en disant: «J'éliminerais la TPS.» Voilà ce mot encore une fois; on parle d'éliminer et non d'harmoniser, de changer, de renommer ou de toute autre mesure semblable. Éliminer signifie qu'il n'y en aurait plus, que la TPS disparaîtrait. Le ministre éliminerait la taxe. «La taxe sur les ventes des fabricants était mauvaise, mais aucune excuse ne permet d'abroger une mauvaise mesure en la remplaçant par une autre.» Oh combien les temps changent! Que les choses changent lorsqu'un député traverse de l'autre côté de la Chambre. Je suppose que vous connaissez ce sentiment, monsieur le Président. Vous avez déjà fait partie du gouvernement; ce n'est pas mon cas, mais nous nous y employons.

Voilà qui est particulièrement douloureux. Lorsqu'une idée est émise par l'opposition, c'est une chose, mais lorsqu'elle est issue du gouvernement auquel on appartient, c'est douloureux. Pas plus tard qu'hier, la députée libérale de Mississauga-Ouest a déclaré: «Le ministère des Finances répète que les Canadiens s'habituent à la TPS et qu'ils l'acceptent mieux maintenant.» Elle a poursuivi en disant: «Si quelqu'un croit vraiment cela, je le soupçonne d'être coupé de la réalité.» C'est une députée libérale de l'arrière-ban qui parle ainsi.

L'inquiétude et le sentiment d'insécurité que ressentent les Canadiens de nos jours sont liés en grande partie à leur emploi et à leur sécurité d'emploi. Au lieu de répondre à cette inquiétude bien réelle, le gouvernement a décidé de lancer des programmes qui créent des emplois artificiels ou encore, comme on dit parfois si justement, des emplois évanescents qui apparaissent un jour et disparaissent soudainement. Ce ne sont pas des emplois à long terme. Ce ne sont pas des emplois de ce genre que les gens cherchent.

(1725)

Le gouvernement a annoncé un programme qui doublera le nombre d'emplois d'été pour les étudiants pour une année seulement. Malheureusement, même si l'intention est bonne, ce programme n'améliorera pas sensiblement les perspectives d'emploi des milliers et des milliers de jeunes qui doivent se battre, car le taux de chômage chez les jeunes demeure stable à un niveau effarant de 16 p. 100. Ce programme semble intéressant sur papier, et je suis certaine que les gens l'apprécieront à court terme, mais la question que je voudrais poser, comme de nombreux jeunes sans doute, est la suivante: Pourquoi le gouvernement s'apprête-t-il à verser de l'argent aux jeunes, uniquement pour leur retirer par la suite, avec des intérêts en plus? Voilà ce qui se produit en réalité. Il est facile de dire que les sommes seront versées maintenant, mais nos paiements d'intérêt sont si incroyablement élevés que le gouvernement devra reprendre l'argent plus tard, lorsque ceux qui en profiteront maintenant et leurs enfants atteindront mon âge et votre âge, ce qui ne tardera pas tant que ça, monsieur le Président.

Outre cette mesure, que fera le gouvernement pour créer des emplois et assurer la sécurité d'emploi aux Canadiens? Si l'on se fie à ce texte, bien peu de choses. Si le déficit fédéral reste entier, les versements d'intérêt accrus sur la dette nationale continuent de mettre un frein aux dépenses consacrées aux programmes sociaux, continuent de mettre en danger les systèmes de santé, d'éducation et de retraite dont jouissent les Canadiens.

Pour ce qui est du Régime de pensions du Canada, le gouvernement envisage d'accroître sensiblement les montants qu'il puise à même les chèques de paie des Canadiens et, du coup, de réduire les prestations. Ces mesures vont déprimer encore davantage le marché de l'emploi en imposant des charges sociales supplémentaires à la petite et moyenne entreprise du Canada. Ce fardeau est devenu insupportable pour le marché de l'emploi et les Canadiens. Ce ne sont pas ces mesures qui vont contribuer à accroître le sentiment de sécurité chez les Canadiens. Bien au contraire.

Les réformistes encouragent le gouvernement à se pencher sur la stratégie que nous proposons pour venir à bout de la crise du financement du régime de pensions par le truchement de super REER. Cela n'a rien à voir avec le sectarisme. C'est qu'il nous faut sortir de ce bourbier à tout prix. Des versements de cotisations obligatoires à des régimes de retraite autogérés permettront à toutes les générations d'avoir leur juste part de prestations sans qu'il faille accroître sensiblement les cotisations. À tout le moins, ce serait formidable si le ministre des Finances avait le courage politique d'entamer une discussion là-dessus.

Le gouvernement déclare qu'il veut collaborer avec les provinces à la définition de nouvelles normes nationales en matière de politique sociale. Or, le gouvernement présente un bilan de confrontation et non pas de collaboration, un bilan d'inflexibilité et non pas d'adaptabilité. Si le gouvernement veut vraiment collaborer avec les provinces, il n'a qu'à transférer des points d'impôt aux provinces, c'est-à-dire leur laisser le soin de déterminer leurs taux d'imposition. Non seulement cette mesure assurera un financement stable en matière de santé, d'éducation et de bien-être, mais elle constituera également un mécanisme visant à accroître les fonds à consacrer à ces domaines. Dieu sait combien nous en avons grand besoin, à l'heure actuelle.

Les Canadiens souhaitaient des mesures énergiques pour améliorer leur sécurité financière et des initiatives audacieuses pour que leur sécurité sociale cesse de s'en aller à vau-l'eau. Malheuresement, le discours du Trône ne propose que des demi-mesures. Reste que dans ces deux domaines, le gouvernement fait quelques pas dans la bonne direction. Pour ce qui concerne la sécurité personnelle, le discours du Trône manque de consistance et de vision.

La justice pénale figure bel et bien dans le discours du Trône, mais sa mention se résume à un seul petit paragraphe. C'est tout ce que le gouvernement trouve à dire devant les craintes que les Canadiens éprouvent pour leur sécurité et celle de leurs familles et pour la protection de leurs biens.

Le gouvernement a passé la moitié de son mandat à harceler les agriculteurs respectueux des lois, les chasseurs et les collectionneurs d'armes à feu et il se contente maintenant de parler de s'attaquer aux criminels. Consacrons plus d'énergie, de temps et de ressources aux criminels et laissons tranquilles les citoyens respectueux des lois.

Si le gouvernement fédéral veut vraiment réformer la justice pénale, il doit faire de la protection de la vie et des biens la principale priorité du système de justice pénale. La législation doit refléter les valeurs de la majorité des Canadiens qui pensent qu'on doit tenir responsables tous les délinquants de leurs actes criminels


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et qu'il faut toujours faire passer les droits des victimes avant ceux des criminels.

Le gouvernement doit modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour s'assurer que les délinquants violents purgent leur peine au complet. Une fois libérés, certains délinquants violents et tous les récidivistes devraient être placés sous surveillance pour le reste de leur vie. Pour qu'il soit possible d'incarcérer pour une période indéterminée les délinquants dangereux, le gouvernement devrait modifier la législation actuelle sur les délinquants dangereux pour qu'on puisse désigner ces individus comme tels avant qu'ils ne commencent à purger leur peine, pendant qu'ils la purgent ou lorsqu'ils sont sur le point d'être relâchés. Des délinquants comme ceux-là n'ont aucun droit de vivre dans la société et les Canadiens ont absolument raison de demander d'être protégés, d'exiger qu'on les incarcère pour une période indéterminée. Les Canadiens ne veulent plus être prisonniers de la peur. C'est un bien réel.

(1730)

Les Canadiens souhaitent que leurs enfants puissent, en toute sécurité, rentrer à pied à la maison après l'école ou se rendre jusque chez un ami sans avoir à s'inquiéter de ce qui va leur arriver. Ils veulent aussi que les femmes soient en mesure de se rendre à pied jusqu'à leur automobile, comme nous le faisons tout le temps, qu'elles puissent se promener seules dans les aéroports et les hôtels, dans tout le pays, sans avoir peur d'être victimes d'une agression.

Les Canadiens ont besoin d'être certains, lorsqu'ils sont chez eux ou dans la rue, que les criminels violents sont assujettis à un système de justice pénale qui connaît et comprend la gravité de leurs crimes et qui va toujours protéger les citoyens contre eux.

En ce qui concerne l'unité nationale, le gouvernement commence à comprendre qu'une trop grande centralisation, un regroupement du pouvoir vers le centre, est en grande partie responsable de l'exaspération et du sentiment d'aliénation des Canadiens face au gouvernement fédéral. Tout progrès dans ce domaine est bienvenu.

Il faut féliciter le gouvernement d'avoir exprimé son intention d'améliorer la situation économique et de réduire les barrières commerciales internes, mais il doit s'agir plus que d'un voeu pieu. Le gouvernement fédéral devrait chercher à obtenir davantage de pouvoirs dans ce domaine en redonnant en échange aux provinces des pouvoirs qu'elles détenaient au départ et que le gouvernement fédéral leur a pris au fil des décennies.

Les Canadiens d'un océan à l'autre ont dit vouloir que le Canada soit une fédération équilibrée au sein de laquelle Ottawa jouerait un rôle de coopération et non de domination. Le Parti réformiste a avancé 20 nouvelles propositions à caractère confédératif qui contribuent à établir cet arrangement à long terme.

On est préoccupé depuis longtemps par la pléthore de pouvoirs centralisateurs, par le pouvoir qu'utilise le gouvernement fédéral en vertu de la Constitution et par la concentration exagérée du pouvoir entre les mains de l'exécutif du Cabinet. Le discours du Trône témoigne d'une volonté de s'attaquer à quelques-unes de ces préoccupations, mais bien sûr, c'est nettement insuffisant.

Ce n'est pas le temps de prendre des demi-mesures et de faire du rafistolage. Les Canadiens veulent du leadership. Ils veulent savoir où ils s'en vont à l'aube du prochain siècle. Les gouvernements à venir devront pouvoir mieux répondre aux besoins des Canadiens ordinaires, à l'aide d'un régime fédéral revitalisé qui s'attaquera aux préoccupations de longue date des Canadiens insatisfaits, qu'ils viennent du Québec ou d'ailleurs.

Il y a des Canadiens insatisfaits partout dans le pays et, à mon avis, il est temps de s'en rendre compte. L'unité nationale exige plus qu'un simple rééquilibrage du rôle et des responsabilités entre gouvernements, comme l'a souligné le discours du Trône. Pour mettre fin à une centralisation à outrance, il faut également apporter d'importantes réformes démocratiques à nos institutions fédérales; ces réformes feront en sorte que les Canadiens participent davantage à la bonne marche du gouvernement fédéral, à ses orientations et à ses décisions.

Des réformes démocratiques comme des référendums, un Sénat élu, des initiatives de la part de citoyens, la révocation de députés et des votes plus libres à la Chambre des communes, sont toutes nécessaires pour garantir l'unité à long terme de notre pays, pour mettre fin à l'incertitude politique et pour faire du Canada une des démocraties les plus progressistes au monde. Malheureusement, nous n'aurons rien entendu de tout cela dans le discours du Trône.

Encore une fois, nous sommes encouragés par les signes donnés dans le discours que les libéraux ont enfin reconnu la nécessité pour la population de se prononcer directement par référendum sur toute modification constitutionnelle avant qu'elle ne soit ratifiée. C'est une chose que de dire que les gens auront leur mot à dire là-dessus.

Comme je l'ai dit plus tôt pendant la période de questions, lorsqu'on déclare à des gens qu'ils auront leur mot à dire, ils assimilent cela à la tenue d'un vote. L'accord de Charlottetown a tout changé dans notre pays. Les gens ayant réellement pu voter sur cette question, ils n'accepteront plus jamais rien de moins. C'est ce qu'il y avait de mieux à propos de l'accord de Charlottetown.

Les réformistes et tous les Canadiens doivent aussi se réjouir de voir que le gouvernement a appris sa leçon du dernier référendum tenu au Québec. Si jamais il y en a un autre, le gouvernement devra assumer vraiment sa responsabilité et discuter des conséquences de la sécession en se basant sur le scénario réel ou possible d'un oui.

Le gouvernement fédéral devrait élaborer dès maintenant la position du Canada sur les modalités d'une sécession, au lieu de rester les bras croisés, comme il l'a fait la dernière fois. Si cette position avait été sur la table, si les Québécois avaient été au courant des conséquences d'un oui, ils auraient dit: « Aïe! les conséquences sont graves; je pense que je vais voter pour rester au Canada. » Espérons que cela se produira la prochaine fois.

Toutefois, le gouvernement doit établir que, si la population du Québec décide de voter oui, elle devra se préparer à des réactions brutales et à de dures négociations. «Voici les modalités de la


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sécession. Pensez-y bien.» À mon avis, les Québécois voteront massivement pour rester au Canada. Nous croyons que cela peut se produire si le gouvernement s'y prépare, plutôt que de tenir tout le monde à l'écart du débat, comme il l'a fait en octobre dernier. Nous pourrons alors vivre tous ensemble et prospérer.

(1735)

Au bout du compte, où le gouvernement a-t-il mené les Canadiens? C'est la question que tout le monde se pose. Il semble bien qu'il y ait une lueur d'espoir, et je voudrais en remercier le gouvernement. Les libéraux tirent profit de leurs erreurs, même s'ils le font avec réticence, et ils prêtent finalement l'oreille aux Canadiens qui s'inquiètent et qui craignent vraiment pour leur sécurité et celle de leur pays. C'est très bien.

La vraie question est de savoir si les libéraux peuvent remplir leurs promesses. Nous les surveillerons au cours de cette deuxième session de la législature actuelle. S'ils progressent, nous les encouragerons. S'ils échouent, nous leur proposerons des solutions constructives pour qu'ils revoient leurs positions.

Nous comprenons vraiment les Canadiens et, en ce moment de notre histoire, nous savons le stress, le sentiment d'insécurité qu'ils éprouvent dans leur vie personnelle et professionnelle, ainsi que la menace constante de l'éclatement de notre pays. Nous devons nous occuper de tout cela sans tarder.

Les réformistes feront tout ce qu'ils peuvent pour alléger ce stress et calmer l'inquiétude des Canadiens face à l'avenir de leur pays. Nous partageons leurs sentiments et nous ne les abandonnerons pas.

Par conséquent, je propose d'amender l'amendement du Bloc en ajoutant les mots suivants:

et en particulier assurer une meilleure sécurité personnelle; la nécessité de réduire effectivement le déficit budgétaire; simplifier le régime fiscal et équilibrer le budget; assurer une meilleure sécurité sociale personnelle en établissant une source de financement stable et permanent pour les programmes sociaux dans les secteurs de la santé, de l'éducation et de l'assistance sociale; une sécurité publique accrue; comprendre la nécessité d'indiquer au Québec, honnêtement et ouvertement, quelle sera la position du reste du Canada sur la séparation; comprendre la nécessité de s'engager inconditionnellement à protéger et défendre les droits et libertés des Canadiens qui veulent demeurer Canadiens au sein du Québec, tant avant qu'après un éventuel vote pour le oui.
J'ai signé, Deborah Grey, députée, Beaver River.

Le Président: De façon générale, la proposition d'amendement me semble recevable. La députée me permet-elle d'ajouter quelques mots après «in particular»?

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Winnipeg-Nord-Centre.

C'est pour moi un plaisir de participer au débat sur l'Adresse en réponse au discours du Trône. Nous vivons un moment exaltant de l'histoire de notre pays. À l'aube du XXle siècle, d'innombrables possibilités s'offrent à nous. Nous devons continuer de travailler à l'édification d'une économie dynamique pour le mieux-être de nos communautés et renforcer notre pays pour qu'il puisse exploiter les formidables débouchés qui s'offrent à lui.

(1740)

Le gouvernement a jeté les bases d'une économie forte et prospère. Au cours des deux dernières années, quelque 497 000 emplois à temps plein ont été créés. L'inflation demeure faible et les taux d'intérêt sont à la baisse.

Hamilton, la ville où j'habite, affiche aujourd'hui un taux de chômage de 6 p. 100, comparativement à 11,3 p. 100 il y a deux ans, ce qui représente une baisse de 5 p. 100 depuis l'élection du gouvernement. Le faible taux de chômage témoigne des avantages de la coopération qui existe actuellement à Hamilton entre l'entreprise, les syndicats, les écoles, les groupes communautaires et le gouvernement. Des organisations comme le collège Mohawk, dans ma circonscription, ont collaboré étroitement avec les syndicats, le patronat et le gouvernement fédéral pour créer des programmes de formation professionnelle qui ont contribué à accroître la productivité des travailleurs. L'accroissement de la productivité permet une meilleure utilisation des ressources et, partant, un nombre accru d'emplois.

Le dur labeur et la coopération de tous les habitants de Hamilton au cours des cinq dernières années leur ont permis de faire de leur communauté un modèle de développement communautaire durable qui est reconnu mondialement. Il a fallu beaucoup d'efforts pour y arriver, mais le résultat en vaut la peine. Je suis sûr que les mêmes résultats peuvent être obtenus à la grandeur du Canada, pour peu que tous les Canadiens déploient autant d'efforts et fassent preuve du même esprit de coopération. Le premier ministre nous l'a dit cet après-midi, c'est là l'objectif que poursuit son gouvernement.

Tout comme les efforts d'Équipe Canada pour promouvoir le commerce extérieur portent fruit, l'esprit d'équipe peut nous permettre de créer des emplois. Comme il a été dit dans le discours du Trône, il est temps de miser sur la force manifestée par Équipe Canada-c'est-à-dire un partenariat-pour créer de l'espoir, des perspectives d'avenir et des emplois.

L'approche équilibrée et ferme du gouvernement à l'égard de la réduction du déficit a donné lieu à une réduction régulière du déficit et des taux d'intérêt. Une réduction judicieuse des dépenses, conjuguée d'une restructuration générale du gouvernement, va renforcer l'économie et permettre la création d'emplois.

Les gens du milieu des affaires ont souvent dit que, si le gouvernement mettait de l'ordre dans ses finances, l'industrie privée créerait des emplois. Le gouvernement est en train de mettre de l'ordre dans ses finances et nous mettons au défi les entreprises canadiennes de créer des emplois, en particulier pour les jeunes.

Bien entendu, mettre de l'ordre dans les finances du gouvernement n'est pas une fin en soi. Les mesures que nous prenons sont nécessaires pour défendre et maintenir les programmes sociaux, comme l'assurance-maladie, qui incarnent les valeurs chères aux Canadiens. Les valeurs comme s'occuper des moins fortunés et


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maintenir un haut niveau de qualité de vie dans toutes les régions du pays.

Comme il a été dit dans le discours du Trône hier, le gouvernement continuera de défendre les principes de la Loi canadienne sur la santé: intégralité, universalité, transférabilité, accessibilité. Ce gouvernement veillera à la durabilité des programmes sociaux en fixant un plancher à l'élément transfert de fonds du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux de manière à assurer la continuité du transfert de fonds fédéraux aux provinces. Le gouvernement travaillera aussi avec les provinces à la mise au point de normes communes pour maintenir nos programmes sociaux.

L'emploi des jeunes est un important défi pour le gouvernement qui s'attaque à ce problème au moyen de programmes comme le programme d'apprentissage et le Service Jeunesse. La proposition de doubler, l'été prochain, le nombre d'emplois d'été aidera beaucoup les étudiants. Ces programmes aident les jeunes à faire la transition vers le monde du travail en leur donnant l'expérience dont ils ont besoin pour obtenir leur premier emploi.

Chaque fois que j'ai visité le collège Mohawk ou les écoles secondaires de Hamilton Mountain, j'ai été impressionnée par l'intelligence et l'enthousiasme des étudiants. Les jeunes du Canada ont énormément de talents et ont beaucoup à offrir à notre pays.

Nous avons la responsabilité de donner à ces jeunes, au moyen de programmes comme Service jeunesse, la chance de mettre leurs talents à profit. Dans ma circonscription, Hamilton Mountain, un projet de Service jeunesse bénéficiant de fonds de 150 000 $ contribuera à réduire l'incidence des vols de voiture et du vandalisme. Ce projet est coparrainé par les services de police de la région de Hamilton-Wentworth et le gouvernement fédéral. En plus d'améliorer la sécurité, ce projet donnera une expérience valable aux jeunes de Hamilton en les aidant à exploiter leurs habiletés de gestion et de communication. Le gouvernement a aussi pris des mesures-annoncées dans son discours du Trône-pour rassurer tous les Canadiens quant à la sécurité financière dont ils pourront profiter à leur retraite. Les avantages dont bénéficient actuellement les personnes âgées seront protégés. On modifiera le Régime de pensions du Canada pour s'assurer que les personnes âgées des années futures puissent profiter sereinement de leur retraite.

(1745)

Le Canada est le meilleur pays du monde. Afin de l'améliorer encore, nous devons faire en sorte de rendre nos localités plus sûres et d'améliorer notre sécurité économique.

Les changements apportés récemment au système judiciaire, tels que les modifications à la Loi sur le système correctionnel, la législation sur le contrôle des armes à feu et les modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants, aideront à garantir que nos rues et nos quartiers sont sans danger. Les modifications proposées, comme une loi sur les délinquants dangereux, les améliorations à la législation touchant le harcèlement criminel et l'établissement de banques de données sur l'ADN accroissent davantage la sécurité des Canadiens.

La sûreté de nos collectivités n'est pas simplement liée à la sécurité des citoyens. La protection de l'environnement est toute aussi importante. La qualité de l'air et de l'eau du canada est essentielle à notre qualité de vie. Étant donné l'importance de notre environnement, le gouvernement entend actualiser la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Nous devons prendre des mesures maintenant pour nous assurer que nos enfants pourront encore profiter d'un environnement sain à l'avenir.

Le gouvernement libéral est bien décidé à collaborer avec tous les Canadiens pour bâtir un pays moderne et uni de façon à relever les défis et à profiter des débouchés du XXIe siècle. Ainsi, malgré toutes nos divergences, les Canadiens vivent en paix et nous avons bâti ensemble un pays prospère qui fait l'envie du monde entier. Nos valeurs communes nous unissent plus que nos divergences ne nous divisent. Notre réussite dans le monde est la preuve de la sagesse qu'il y a à continuer de bâtir à partir de ces valeurs communes.

Le Canada est plus que la somme de ses parties. Ensemble, nous pouvons et nous allons bâtir à partir de nos réalisations communes pour créer un pays encore meilleur dans les années à venir. Le Canada est un pays qui attache beaucoup d'importance à la coopération internationale, qui est ouvert sur le monde et ouvert à de nouveaux citoyens de toutes les origines.

Le Canada doit continuer de participer aux événements dans le monde entier et de promouvoir la paix, le développement économique, ainsi que la protection de l'environnement à l'échelle mondiale.

Tout en poursuivant nos efforts pour réduire les barrières économiques dans le monde entier, nous devons continuer d'essayer de faire tomber les barrières commerciales entre nos propres provinces. Tous les Canadiens ont un rôle à jouer dans la modernisation de notre pays. Tous les citoyens peuvent et doivent avoir leur mot à dire dans notre avenir. Il ne faut pas laisser les voix du mécontentement dominer le débat ou nous convaincre que nous serions mieux divisés et séparés plutôt qu'unis et travaillant ensemble.

Si nous unissons nos efforts, nous pouvons bâtir à partir de notre patrimoine remarquable, des incroyables avantages dont nous jouissons, de notre diversité extraordinaire et de nos débouchés sans limite pour nous assurer que le Canada sera toujours pour le monde un symbole d'espoir, de liberté, de dignité, de paix et de décence. C'est un avenir extrêmement prometteur que les Canadiens peuvent s'assurer et s'assureront ensemble. C'est là le message du discours du Trône et le véritable message du Canada.

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, des négociations ont eu lieu entre les partis, et je crois qu'il y aura consentement unanime pour que la Chambre continue de siéger après 18 h 30 aujourd'hui afin de débattre de la motion suivante:

Que cette Chambre prenne note des engagements internationaux actuels et futurs du Canada à l'égard du maintien de la paix en Haïti, en particulier en ce qui concerne la disposition du Canada à jouer un rôle majeur dans la prochaine

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phase des efforts de la communauté internationale pour assurer un environnement stable en Haïti.
Que, durant ce débat, aucun député ne peut parler plus de dix minutes, et que le Président n'acceptera aucune motion dilatoire ou appel de quorum; et
Qu'à 21 h 30, ou lorsqu'aucun député désirera prendre la parole, peu importe laquelle des situations se réalisera en premier, le Président ajournera la Chambre jusqu'au prochain jour de séance.
(1750)

(La motion est adoptée.)

M. David Walker (Winnipeg-Nord-Centre, Lib.): Monsieur le Président, avant de commencer mon discours en réponse au discours du Trône, j'aimerais formuler un mot de remerciement à la Chambre pour la collaboration que j'ai reçue en tant que secrétaire parlementaire du ministre des Finances. Il s'agit d'une lourde tâche qui exige la patience des orateurs et celle des greffiers au Bureau pour que les choses aillent rondement.

[Français]

J'aimerais remercier le porte-parole du Bloc québécois qui fait partie du même Comité des finances que moi. Je crois qu'il sera fort agréable de travailler ensemble.

Nous sommes fiers de notre fiche au cours des deux premières années de notre mandat. Nous avons respecté la vaste majorité des engagements du livre rouge et du premier discours du Trône. Nous nous sommes concentrés sur notre programme axé sur l'emploi et la croissance économique. Résultat: un demi-million d'emplois créés et un taux de croissance parmi les plus élevés des pays industrialisés.

Ce discours du Trône énonce les grandes lignes de notre plan d'action au cours de la seconde moitié de notre mandat. Nos objectifs demeurent les mêmes. Nous voulons tabler sur nos réalisations. Ce discours du Trône met l'accent sur trois thèmes prioritaires: l'emploi et la croissance économique, la sécurité des Canadiens, et la modernisation de la fédération pour renforcer l'unité canadienne.

Nous mettrons l'accent sur trois domaines principaux: les jeunes, les sciences et la technologie, et le commerce.

Nous continuerons à soutenir un climat économique sain en renforçant les paramètres fondamentaux de l'économie. Pour cela, nous respecterons nos cibles de réduction du déficit et travaillerons avec les provinces à l'harmonisation de la taxe de vente et à la réduction des entraves au commerce intérieur.

Nous veillerons donc à: miser sur un partenariat Équipe Canada entre les gouvernements fédéral et provinciaux et le secteur privé pour créer des emplois pour les jeunes; doubler dès cet été le nombre d'emplois d'été pour les étudiants dans l'administration fédérale; soutenir le développement technologique dans l'industrie aérospatiale, les technologies de l'environnement et les biotechnologies, et lancer un réseau canadien de technologie; élargir l'accès à l'autoroute de l'information, en particulier dans les collectivités rurales; effectuer des missions commerciales d'Équipe Canada sous la direction du premier ministre; enfin, annoncer de nouvelles mesures pour soutenir l'expansion et le financement des exportations.

[Traduction]

Je voudrais également toucher un mot du problème très réel auquel sont confrontés les Canadiens, le régime de pensions, un problème dont il a longuement été question avant que le discours du Trône ne soit prononcé et qui sera encore au coeur du budget de la semaine prochaine, comme l'a mentionné aujourd'hui le ministre des Finances.

Je crois qu'il n'y rien qui concerne davantage la sécurité des Canadiens que la question de savoir combien ils toucheront de pension à leur retraite. Étant donné toutes les conjectures auxquelles se sont livrés les grands médias, le gouvernement a décidé de prendre l'initiative d'assurer plus de sécurité au régime.

En tant que Canadien et que libéral, et maintenant en tant que parlementaire, je me réjouis des progrès qui ont été faits chez nos aînés depuis le milieu des années 60. Les pierres angulaires de ce programme sont évidemment le Régime de pensions du Canada, la Sécurité de la vieillesse et le Supplément du revenu garanti.

(1755)

Nous avons conçu un programme qui, au Canada plus que n'importe où dans le monde industrialisé, a littéralement tiré des millions de retraités de la pauvreté ou de la misère en leur garantissant un revenu mensuel.

Tous les débats publics, que ce soit à la Chambre, dans la population en général ou entre chercheurs, qui laissent entendre que le Régime de pensions du Canada n'est pas garanti et que la Sécurité de la vieillesse est sur le point de disparaître, créent de l'insécurité chez les personnes âgées partout au Canada. Dans ma circonscription de Winnipeg-Nord-Centre, il y a un grand nombre de Canadiens âgés qui vivent très pauvrement. Ils sont inquiets.

Au nom du gouvernement, je dirai à la Chambre que nos efforts visent à sécuriser et à moderniser notre régime de pensions. Pour bien saisir le problème, il suffit de penser que les gens de mon âge, qui se situent à la fin de la quarantaine, autrement dit la génération du «baby-boom», atteindront l'âge de la retraite dans environ 15 ans. Il faut donc mettre en place un système de planification efficace et nous n'avons que 15 ans pour le faire. Nous devons favoriser et préserver la sécurité de ceux qui sont déjà retraités, parce qu'ils ont moins de flexibilité pour réagir à de nouvelles circonstances.

Bien sûr, notre stratégie de contrôle de l'inflation ou de stabilisation des prix a aidé un grand nombre de Canadiens âgés. Ces derniers ont donc la certitude que leur pension mensuelle ne perdra pas 5, 10 ou 15 p. 100 de sa valeur chaque année. De tels taux ne font pas simplement partie d'un cauchemar; nous en avons été témoins au cours de notre vie.

Quand nous reverrons le Régime de pensions du Canada, révision qui commencera en mars et qui s'effectuera avec la collaboration des provinces, nous demanderons aux Canadiens comment ils veulent que nous sécurisions leur Régime de pensions du Canada. Croient-ils qu'il soit nécessaire de réduire les prestations? Pensent--


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ils que les taux de cotisation devraient augmenter? Les pensions d'invalidité devraient-elles être modifiées? Devrait-on modifier l'âge d'admissibilité aux prestations?

Aucun des onze gouvernements et des deux territoires intéressés n'arrivent avec des idées préconçues sur les modifications à apporter. Cependant, ils sont tous convaincus que le régime doit être modifié et qu'il faut le faire en collaboration. J'ai confiance que, d'ici la fin de l'année, nous aurons sécurisé le Régime de pensions du Canada et nous l'aurons doté d'une nouvelle structure qui nous permettra vraiment de dire aux Canadiens que, dans un délai de 15 ans, ils auront un régime stable et capable de financer leur propre retraite.

Quant aux régimes de pensions financés par l'État, c'est-à-dire non pas le RPC qui est financé par les employeurs et les employés, mais les régimes de pensions en général, il incombe à tous les parlementaires de nous engager dans un débat, non pas seulement avec les retraités, mais aussi avec les gens dans la quarantaine et dans la cinquantaine, pour discuter des régimes de retraite qu'ils ont, de la façon dont nous pouvons le mieux en restructurer tous les éléments, qu'il s'agisse des REER, de la SV ou du SRG et du genre de programme d'ensemble que nous pouvons monter pour les aider à planifier leur retraite.

Je ne puis imaginer de but plus élevé pour les parlementaires à l'heure actuelle que celui d'assurer la sécurité des personnes âgées. Il faudra nous y employer au moment où le gouvernement maintient sa stratégie de réduction du déficit. Moins nous ferons appel au trésor public, mieux le pays s'en trouvera.

Parce que nous sommes un gouvernement libéral, nous avons des priorités, notamment celle de la sécurité sociale. Nous entreprendrons cette année avec les provinces des négociations visant à établir conjointement un cadre d'action pour la continuation des transferts en matière de santé et de programmes sociaux. Nous allons veiller à donner une orientation à la politique sociale et à faire ce qui s'impose pour les Canadiens d'un océan à l'autre.

Nous allons également faire en sorte, comme on le soulignait dans le discours du trône, que l'élément transfert de fonds du Transfert social canadien ne disparaisse pas et que les Canadiens sachent que le gouvernement fédéral continuera d'investir des fonds réels dans le système. Cela favorisera un nouveau degré de coopération entre les provinces de sorte que nous puissions être assurés d'un transfert qui soit flexible tout en permettant aux provinces de faire ce qu'elles jugent préférable, mais en respectant le cadre d'action convenu par nous tous et en conformité avec les valeurs déclarées que nous avons en tant que Canadiens à l'égard du système de santé, de l'aide sociale et de l'enseignement postsecondaire.

Voilà les paramètres du gouvernement. Voilà ce que nous tâchons de faire. Notre plan d'action sociale évolue. Il a commencé avec le titulaire précédent du Développement des ressources humaines et se poursuit avec l'actuel titulaire, assisté du ministre des Finances, qui agit sous la direction du premier ministre. C'est sur cette pierre angulaire que nous nous appuyons pour assurer la sécurité sociale aux Canadiens de tous les âges, en nous préoccupant spécialement des jeunes.

(1800)

Je tiens à dire aux gens de Winnipeg-Nord-Centre que le discours du Trône aborde des questions qui revêtent un intérêt primordial pour eux. Nous aurons un plan d'action qui traite les gens aussi équitablement que possible et qui nous donne un but bien précis à poursuivre dans notre politique sociale.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais bien partager l'optimisme du député à l'égard de l'avenir du Régime de pensions du Canada. Le député semble croire que quelques ajustements mineurs et une légère hausse des cotisations devraient suffire à sauver le régime.

Il parle aussi des baby-boomers. Il se trouve que j'en suis un et que je compte parmi les millions de Canadiens qui se demandent si le RPC existera encore lorsqu'ils atteindront l'âge qu'il faut pour y être admissible.

Il faut tenir compte d'un autre élément dont le député ne parle pas dans son allocution. Lorsque nous, baby-boomers, étions des adolescents, à l'époque du centenaire de notre pays, la dette fédérale atteignait seulement 17 milliards de dollars pour une population de 20 millions d'habitants environ. Vingt-neuf ans plus tard, notre dette est aujourd'hui 34 fois plus élevée. Elle atteint 570 et quelques milliards de dollars et s'accroît chaque jour de 90 millions de dollars. Cette dette sera absorbée aussi par les baby-boomers.

Comment le député croit-il que la jeune génération, soit celle des enfants des baby-boomers, arrivera à contribuer davantage au RPC afin de financer notre retraite alors qu'elle héritera de nous une dette qui continue à s'accroître chaque jour de 90 millions de dollars? Il y a déjà trois budgets libéraux ou encore 100 milliards de dollars à ajouter à cette dette.

S'il n'y avait que les cotisations au RPC qui augmentaient, la jeune génération arriverait peut-être à s'en tirer. Mais elle devra absorber les intérêts sur une dette qui va s'accroître de 100 milliards de dollars en trois ans sans qu'un plan ne soit proposé pour équilibrer le budget dans un avenir prochain. La projection se situe maintenant à 2 p. 100 du PIB, ce qui veut dire que des milliards et des milliards de dollars vont continuer de s'ajouter chaque année à notre dette.

Nous allons léguer cela aux enfants des baby-boomers aussi. Ils vont devoir verser au RPC de plus importantes cotisations ou primes ou quoi que ce soit et absorber en plus des impôts plus élevés afin de payer l'intérêt sur la dette qui ne cesse de s'accroître.

Ce n'est certes pas juste d'imposer un tel fardeau à nos enfants. Je ne crois vraiment pas qu'ils arriveront à le porter si nous ne prenons pas au plus tôt des décisions plus responsables.

M. Walker: Monsieur le Président, je ne partage pas le pessimisme absolu du porte-parole de l'opposition, mais je crois comprendre son sentiment de frustration. Je sais ce que c'est que d'être frustré, moi qui dois affronter la réalité chaque mois depuis deux ans en tant que secrétaire parlementaire du ministre des Finances.


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La réalité, c'est que le gouvernement a fait d'énormes progrès dans la réalisation de sa stratégie de réduction de la dette et qu'il va atteindre dans les deux prochaines années les objectifs qui sont acceptables pour tous les Canadiens. Il avancera très vite sur ce front.

Il ne faut pas oublier que la pression sur nos jeunes sera insupportable si nous ne changeons pas notre façon de faire. Nous sommes entièrement d'accord là-dessus avec les députés d'en face. Il est difficile d'imaginer que le gouvernement fédéral devra avoir chaque année un excédent budgétaire de quelque 50 millions de dollars pour assurer le service de la dette pendant un certain temps. C'est là un fardeau énorme.

Cela étant dit, nos compressions budgétaires, la réduction des taux d'intérêt et la croissance économique modérée à laquelle nous assistons, à l'heure actuelle, contribuent à améliorer la trésorerie du gouvernement fédéral. J'ai confiance que nous atteindrons ces objectifs et que nous donnerons aux Canadiens l'assiette fiscale qu'il faut pour qu'ils puissent absorber toute modification du RPC.

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, nous sommes aussi très préoccupés de ce que deviennent les fonds du RPC. Le gouvernement a lancé des idées, comme l'âge d'admissibilité qui devra être modifié, le montant des cotisations qui devra augmenter et les prestations qui vont peut-être diminuer. Ou bien on pourrait combiner ces diverses mesures.

(1805)

Je crois savoir que l'argent perçu est prêté aux provinces à des taux inférieurs à ceux du marché. Que propose le gouvernement? L'argent des cotisations devrait peut-être être placé de manière à donner un bon rendement sur le marché international au lieu d'être cédé aux provinces à des taux beaucoup trop bas.

M. Walker: Monsieur le Président, la réalité, c'est que le gouvernement du Canada n'a fait aucune de ces propositions, mais que les 11 gouvernements, les 10 provinces comprises, ont accepté de discuter de ces idées. Le choix des Canadiens guidera notre décision.

Pour ce qui est des prêts consentis aux provinces, c'est véridique. L'une des questions soulevées dans le document de travail est celle de savoir si cela doit continuer. Si les cotisations sont relevées, par exemple, il serait possible de constituer une bonne réserve de capitaux, et nous devons nous intéresser à la manière de placer cet argent.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux de m'inscrire dans le débat entourant le discours du Trône. Ce qui frappe dans le discours du Trône présenté hier par le Gouverneur général c'est, je dirais, le maquillage de la vérité. Il y a maquillage de la vérité lorsque le gouvernement nous dit, par l'entremise du message contenu dans le discours du Trône, qu'il a rempli ses engagements. C'est la première observation que nous pouvons faire. C'est la première observation qui nous saute au visage.

Lorsqu'on regarde le contenu du discours du Trône, on s'aperçoit qu'il y a encore des engagements qui sont, en quelque sorte, les mêmes que le gouvernement fédéral avait pris lors du premier discours inaugural, le 18 janvier 1994. Prenons-les, pour certains, un à un. Le premier de ces engagements que le gouvernement avait pris, et il en avait même fait un enjeu électoral, c'est qu'il arriverait à contrôler l'évolution de la dette nationale, à contrôler aussi, par une saine gestion, le résultat, année après année, au niveau du déficit.

Or, monsieur le Président, comme vous le savez, ce n'est pas par une saine gestion que le ministre des Finances arrive à contrôler le déficit annuel, mais par des mesures qui le «déresponsabilisent» face aux finances publiques canadiennes. La première de ces mesures, nous n'avons de cesse de le répéter, est que le ministre des Finances arrive à réduire son déficit en pelletant une partie de celui-ci dans la cour des provinces. Déjà, ces coupures représentent 7 milliards de dollars pour l'ensemble canadien, dont tout près de 2 milliards de dollars que le gouvernement du Québec aura à absorber d'ici les deux prochaines années.

On sait aussi que loin de contrôler l'évolution du déficit par une saine gestion des finances publiques, le ministre des Finances dérobe des surplus accumulés à la Caisse de l'assurance-chômage, surplus qui atteindront, au cours des prochaines années, en moyenne, cinq milliards de dollars par année. Ce qu'il ne dit pas, le ministre des Finances, et ce qui ne transparaît pas dans le discours du Trône, c'est que le gouvernement fédéral ne contribue plus à la Caisse de l'assurance-chômage depuis plusieurs années. Alors, on doit voir là, puisqu'on utilise ce surplus à la Caisse de l'assurance-chômage, une taxe déguisée de ce gouvernement pour en arriver à contrôler son déficit.

Autrement, le contrôle du déficit qu'on nous avait promis lors du premier discours du Trône et le contrôle du déficit qu'on nous promet encore dans le présent discours du Trône ne pourraient pas se réaliser, parce que rien n'a été mis en place pour assainir, de façon correcte, de façon juste et à partir d'une saine gestion, les finances publiques. Rien n'a été mis en place pour réduire le déficit. Il s'agit donc d'un premier engagement non tenu.

Le deuxième engagement non tenu, et on revient avec cet engagement dans l'actuel discours du Trône, c'est l'abolition de la TPS. L'actuel premier ministre en avait même fait un enjeu majeur de la campagne de l'automne 1993. Le gouvernement trépigne. Le gouvernement cherche une solution à cet engagement que le premier ministre avait pris et, en vain, les Québécois comme les Canadiens attendent toujours que cette promesse se réalise. Donc, voici un deuxième engagement non tenu.

Troisième engagement, on parle comme si le gouvernement arrivait nouvellement dans cette Chambre.

(1810)

On dit que cela prend une politique de recherche et de développement, que cela prend une politique dans le domaine bioalimentaire, que cela prend une politique de recherche et de développement parce que le Canada accuse un certain retard. Cela fait dix ans que le Canada accuse un certain retard et cela fait près de trois que des députés de ce gouvernement, même avant d'avoir été élus, en ont fait un enjeu majeur de l'élection de 1993. Je me rappelle du


67

ministre des Finances qui, à Montréal, dès 1989, avait prononcé un discours sur l'importance de la recherche et du développement. En 1989, il disait que le Canada accusait un retard considérable qui minait sa capacité de créer des emplois à moyen terme, des emplois durables et de qualité.

Ce gouvernement arrive, entre autres, le porte-parole, le ministre des Finances, avec des voeux pieux. On n'a jamais réalisé la politique de recherche et de développement, on n'a jamais dépensé, on n'a jamais investi le milliard qu'on avait promis pendant la campagne électorale, et là on revient avec le discours du Trône en disant: maintenant nous allons le faire.

Que vaut un troisième engagement du gouvernement libéral, alors que dans la première moitié de son mandat ses engagements n'ont pas été tenus, respectés. Pour le quatrième engagement, on disait: nous allons aider Montréal à se remettre sur pied. Les Montréalais et les Montréalaises, comme le disait si bien cet après-midi le chef de l'opposition officielle, attendent toujours des mesures concrètes pour les aider à sortir du marasme économique.

Autre engagement, et cela m'a sauté aux yeux dès la lecture du discours du Trône. En plus de ne pas avoir respecté leurs engagements, les libéraux se sont dérobés devant leurs responsabilités. On dit, en matière d'environnement, et je cite: «Les solutions à bon nombre de nos problèmes environnementaux se trouvent à l'extérieur de nos frontières.» C'est honteux de dire de telles choses. On a un problème majeur en matière d'environnement à l'heure actuelle, et c'est le renflouage du Irving Whale. La vice-première ministre qui était responsable du dossier de l'environnement il y a quelque temps, a fait dépenser plus de 12 millions de dollars pour une solution qui d'avance était vouée à l'échec, on doit tout recommencer le processus et on risque de polluer toutes les côtes des Îles-de-la-Madeleine. Quand je vois de telles affirmations, j'ai honte de ce gouvernement.

J'écoutais le premier ministre cet après-midi. Je l'ai écouté religieusement, parce qu'il est le premier chef d'État, c'est le premier ministre. Il nous invitait à poursuivre le succès du Canada. Il disait: «C'est un succès qu'il faut continuer à bâtir.» Mais à bâtir sur quelles bases? On retrouve des bases justement dans le discours du Trône, la première base s'agissant de l'unité nationale. On veut continuer à bâtir ce pays sur la non-reconnaissance de la spécificité du Québec, sur la non-reconnaissance de l'identité québécoise, sur la non-reconnaissance de l'existence d'un peuple au Québec.

Il n'y a que du «frame-up» dans ce discours du Trône où on parle du désir du gouvernement de constitutionnaliser la société distincte. Ce que le premier ministre ne dit pas, et ce que le gouverneur général n'a pas dit lorsqu'il parlait en son nom hier, c'est que constitutionnaliser une coquille vide, cela reste une coquille vide. Et c'est cela le concept de société distincte que le premier ministre désirerait à un moment donné constitutionnaliser en essayant justement de convaincre les autres provinces canadiennes que cela ne leur enlèverait rien. C'est ce que disait le premier ministre cet après-midi. Mais ce que le premier ministre n'a pas pensé, c'est que si cela n'enlève rien aux autres provinces, si cela ne fait rien dans la cour des autres provinces, c'est peut-être que cela ne veut rien dire pour le Québec aussi. C'est ce qu'on a compris et c'est ce que les Québécoises et les Québécois ont compris le 30 octobre dernier.

Mais on s'aperçoit que le premier ministre, lui, n'a pas compris ce message-là. Ce n'est plus du symbolisme que les Québécois recherchent, ce sont de vraies actions, ce sont de vrais gestes, c'est une vraie reconnaissance, et le premier ministre ne les dupera pas. Il nous invite à continuer à bâtir ce succès du Canada sur une autre base. On la retrouve encore dans le discours du Trône sur la base de la poursuite des chicanes de juridictions. C'est un beau programme, c'est une belle perspective. On nous annonce à deux endroits dans le discours du Trône que, dans un premier temps, le gouvernement fédéral va se retirer de certains champs de juridiction qu'il occupe à l'heure actuelle. On devrait lui dire merci, alors qu'il annonce en même temps: «Les interventions que je fais dans ces champs-là, je pourrais les transférer aux municipalités ou au secteur privé, passer par-dessus les provinces et aller directement à ces deux entités.»

(1815)

Ce qui est contenu là-dedans, lorsque le gouvernement fédéral parle de se retirer de certains champs, de certains domaines qu'il occupe de façon illégitime, parce que ce sont déjà des secteurs de juridiction provinciale, de la juridiction du Québec, comme la formation professionnelle, les forêts, les mines, ce n'est pas un cadeau qu'il nous fait. Et ce n'est surtout pas un cadeau de dire: «À l'avenir, non seulement j'ai reconnu que j'avais occupé injustement ces champs-là, mais je vais passer par-dessus la tête du gouvernement du Québec pour aller rencontrer les créatures du gouvernement du Québec que sont les municipalités, ou tout simplement donner plus de pouvoirs au secteur privé dans des secteurs de juridiction du Québec.»

Cela n'a aucun sens. Il faudrait lui dire merci aussi lorsqu'il nous demande de continuer à construire le succès du Canada sur la base d'une disposition contenue dans le discours du Trône qui dit à peu près ceci: «Dorénavant, je vais continuer à envahir des champs de juridiction exclusive des provinces et je vais le faire avec l'aide d'une majorité de provinces canadiennes.»

Ce que cela veut dire, c'est que si le Québec, peuple distinct, ne veut pas que le gouvernement fédéral mette en place un programme pancanadien dans un secteur exclusif de sa juridiction, le Québec va être isolé si la majorité des provinces en décident autrement. C'est une façon d'isoler le Québec. C'est cela l'invitation à poursuivre le succès à construire ce pays.

Le gouvernement nous invite aussi à poursuivre la construction de ce pays sur la base du rapetissage du filet de sécurité sociale. Il ne faut pas se leurrer; j'ai failli sortir de mes gonds lorsque j'ai lu cela dans le discours du Trône. Le Gouverneur général commence son discours en parlant de compassion: «Le gouvernement fait preuve de compassion.» Ce gouvernement a fait moins preuve de compassion que les conservateurs en neuf ans de règne. Les libéraux ont tout fait pour rapetisser le filet de sécurité sociale. Comment interpréter autrement la réforme des programmes sociaux? Comment


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interpréter autrement l'insatisfaction généralisée à la grandeur du Canada face à cette réforme des programmes sociaux? Comment interpréter autrement cette attaque systématique aux chômeurs et aux chômeuses?

Les Québécois comme les Canadiens savent qu'entre le discours et l'action et les gestes, entre les engagements et les réalisations, ce gouvernement a installé une marge qui est là pour demeurer au cours de la deuxième partie de son mandat.

Comment nous demander, comment demander aux Québécois et aux Québécoises de continuer à bâtir un pays sur la base de gaspillage systématique des fonds publics? Comment demander de poursuivre à l'intérieur de ce régime qui a dépensé récemment deux milliards de dollars pour l'achat de véhicules blindés en temps de paix? Une chance qu'on est en temps de paix! Comment demander de continuer à construire ce pays sur la base de l'achat de 1 600 nouveaux missiles anti-chars au coût de 23,6 millions pour un programme total de 230 millions en temps de paix? C'est cela continuer à bâtir le succès d'un pays? Continuer à bâtir ce pays sur la base de la poursuite d'injustices fiscales, nous répondons par un slogan bien connu: «Non, merci.»

C'est incroyable qu'un gouvernement dont tous les porte-parole, depuis deux ans, parlent de compassion, de justice sociale, de justice fiscale, d'équité, en arrive à refuser qu'on examine même l'ensemble des exonérations fiscales actuelles qui s'adressent, la plupart du temps, aux grandes corporations qui ont les moyens de s'en prévaloir. Il accepte d'emblée que la moitié de plus de 250 de ces exonérations, on ne sache même pas à Revenu Canada ce que cela coûte aux coffres fédéraux. On connaît la valeur de la moitié de ces exonérations.

(1820)

Ces exonérations offertes aux grandes entreprises coûtent aux contribuables québécois et canadiens plus de 17 milliards de dollars par année, selon le ministère des Finances. Mais pour l'autre partie, l'autre centaine d'exonérations, le ministre des Finances et tous les représentants du gouvernement depuis deux ans et demi ont refusé systématiquement qu'on en examine la teneur, la portée, les objectifs et les coûts. Pourquoi? Pour continuer à bâtir ce pays sur le non-respect des règles démocratiques. Nous disons aussi non merci, monsieur le Président.

Un pays où, dès les premières pages du discours du Trône, on dit qu'on respecte le verdict du 30 octobre dernier et que, par après, on dit: «Mais si cela se reproduit, on ne le respectera pas, on ne permettra pas aux Québécois et aux Québécoises de choisir eux-mêmes leur avenir, on va tenir un référendum ou une consultation pancanadienne pour ce faire», c'est un pays qui n'a pas d'allure. C'est un pays avec lequel j'ai de plus en plus de misère à m'associer. C'est un pays qui accepte une journée un verdict démocratique quand ça fait son affaire et de l'autre, par l'entremise de ses représentants politiques, décide que, si demain les Québécoises et les Québécois décident de se choisir un pays, peut-être qu'on ne reconnaîtra pas ce verdict ou peut-être qu'on tiendra plutôt une consultation pancanadienne pour que les Canadiens des autres provinces décident du sort et de l'avenir des Québécoises et des Québécois.

En conclusion, j'écoutais le premier ministre tout à l'heure qui disait, et je cite: «Vu de l'extérieur, le Canada apparaît comme un vrai pays». Je me suis demandé ce qu'il voulait dire par là. On n'a jamais douté que le Canada est un vrai pays. Mais ce que le premier ministre n'a pas compris, par contre, c'est qu'au prochain rendez-vous les Québécoises et les Québécois vont aussi se déterminer un vrai pays, un pays où ils vont se sentir bien, un pays où ils ne se sentiront pas de plus en plus à l'étroit et, pour une grande majorité d'entre eux de plus en plus aussi, un pays dont on sera fier, un pays où justement les valeurs de compassion, d'équité et de justice sociale seront mises de l'avant et concrétisées dans des politiques concernant l'emploi, la lutte anti-pauvreté, la croissance économique et la réforme de la fiscalité. Ce sera un vrai pays.

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le discours de l'honorable député. Il a exprimé toutes sortes de plaintes concernant le Canada, mais je ne vois pas de comparaison. Je ne vois pas de considération relative à tous ces problèmes. Oui, c'est vrai qu'on a chez nous, dans ce pays, beaucoup de problèmes. Il y a toujours des problèmes. Il faut les régler en essayant d'en trouver les solutions. Mais avant de dire qu'il faut partir, qu'il faut quitter ce pays, il faudrait d'abord considérer les options. Il faudrait considérer comment les autres pays fonctionnent. Sinon, vous travaillez dans un vacuum. Et le député ne prend pas cela en considération. Je crois que les Canadiens doivent toujours considérer notre position dans le monde.

J'ai vu des pays très pauvres dans le monde, tel Haïti. Les Haïtiens aimeraient bien changer leurs problèmes pour les nôtres parce qu'ils sont beaucoup mieux que les leurs.

[Traduction]

Le député me fait penser au passager d'un avion qui, en plein vol, trouve qu'il y a trop de bruit et décide de sortir. Notre pays n'est peut-être pas parfait. Il a bien des problèmes. C'est probablement le pire des pays, exception faite de tous les autres. Selon les Nations Unies, le Canada est en effet le meilleur pays où l'on puisse vivre dans le monde.

Le député refuse de prendre cela en considération. Il ne veut voir que les aspects négatifs et les problèmes. Oui, nous avons des problèmes, et oui, nous nous employons à les résoudre. Dans le discours du Trône, le gouvernement a souligné l'importance de nous attacher à résoudre, encore plus que nous l'avons fait dans le passé, des problèmes comme la création d'emplois.

(1825)

Il faut continuer d'axer nos efforts sur la réduction du déficit. Il est important de redresser nos assises économiques pour permettre à l'économie de créer des emplois. Nous avons fait baisser les taux d'intérêt. Nous avons amorcé cela il y a deux ans. Nos taux d'intérêt étaient alors supérieurs de trois points à ceux des États-Unis. Ils


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sont maintenant à peu près au même niveau. C'est une grande amélioration.

Il subsiste toutefois des problèmes. Nous devons encore créer plus d'emplois. Les habitants de ma circonscription, Halifax-Ouest, veulent des emplois. Le gouvernement doit continuer de déployer des efforts en ce sens. Nous devrons nous attacher à cela encore plus durant les deux prochaines années. D'après le discours du Trône, c'est ce que nous allons faire, et je m'en réjouis.

Le discours du Trône semble orienter le gouvernement dans la bonne direction. Les priorités dont il fait état sont celles du Canada. Ce sont, comme il se doit, les priorités des Canadiens d'une côte à l'autre et d'un océan à l'autre et les priorités du gouvernement.

[Français]

M. Loubier: Monsieur le Président, il y a plusieurs éléments dans les commentaires, surtout, plutôt que des questions de mon collègue. Je vais en relever deux. C'est certain, il y a des problèmes au Canada, il y en a partout à travers le monde. Je ne dis pas qu'il y en a plus ici, mais ce que je dis, par contre, c'est que, au Canada, on se crée des problèmes.

Ce que je dis, c'est que votre gouvernement crée des problèmes. Présenter un discours du Trône en mettant de l'avant tout ce qui peut mener, même en déroulant le tapis, à des frictions constitutionnelles, des frictions de juridiction, des chicanes de juridiction, ça, c'est créer des problèmes et pas à peu près.

Deuxième chose, il n'y a pas de meilleur pays au monde. Dire qu'il y a un meilleur pays au monde, c'est faire affront aux autres pays. C'est insultant pour les autres pays, parce que si vous êtes dans le meilleur des pays, ailleurs, ça veut dire que ce ne sont pas les meilleurs, qu'ils sont moins bons que nous. Il y a des pays qui sont différents. Le meilleur des pays, c'est celui qu'on a dans notre coeur et c'est celui qu'on va faire avec le Québec.

[Traduction]

Nous devons prendre conscience que la véritable solution, que la solution durable pour le Québec et le Canada, pour les Québécois et les Canadiens, est la souveraineté du Québec et le développement d'une nouvelle relation entre les deux peuples.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, Je m'intéresse particulièrement aux propos que le député a tenus au sujet des forces armées.

La BFC Chilliwack, dans ma circonscription, est maintenant condamnée à la fermeture. C'est malheureusement la dernière base des forces armées en Colombie-Britannique. C'est avec beaucoup de consternation et d'appréhension que nombre d'habitants de la Colombie-Britannique ont appris qu'il n'y aurait plus de base des forces armées dans leur province.

Le député a fait valoir que nous ne devrions pas dépenser de l'argent pour le transport du personnel ou les armements en temps de paix. En toute logique, est-il disposé à ce que l'on ferme des établissements militaires dans sa province?

Il pourrait peut-être inciter le premier ministre de sa province et son propre parti à songer à fermer, disons, la base de Saint-Jean, à annuler le contrat de service des F-18, des choses qui ont été enlevées à l'Ouest. S'il trouve cela choquant, nous sommes prêts à nous charger de ces établissements militaires dans le reste du Canada. Je me demande s'il croit que ces établissements devraient être fermés et déplacés dans d'autres provinces; je me demande ce qu'il en tête pour les militaires.

[Français]

M. Loubier: Monsieur le Président, je répondrais par ceci aux deux questions de mon collègue. La première, s'agissant du Québec et de la Défense nationale, le Québec reçoit beaucoup moins que la part des taxes et des impôts qu'il paie au gouvernement fédéral. On a environ 13 p. 100 des dépenses qui sont faites. . .

Des voix: Oh, oh!

M. Loubier: Regardez les chiffres au lieu d'avoir une attitude de fermeture comme vous l'avez. Regardez dans Statistique Canada, regardez les dépenses et les investissements effectués par la Défense nationale au Québec, et comparez avec les autres provinces et vous allez le réaliser. Vous dites que vous êtes pragmatiques, bien faites preuve de pragmatisme pour une fois. Allez vérifier vos données. Le Québec reçoit 13 p. 100 des dépenses de la Défense nationale, alors qu'il contribue à 25 p. 100 aux taxes et aux impôts.

Le vice-président: Je demanderais aux députés ici présents de s'adresser à la Présidence, s'il vous plaît. Je me sens très seul quand vous parlez aux autres députés.

M. Loubier: Monsieur le Président, excusez-moi. Ils parlent de la rationalisation au ministère de la Défense. Ça ne veut pas dire de fermer aveuglément les bases, mais plutôt de se questionner sur ce qu'on fait et sur ce qu'on ne devrait pas faire.

Est-ce que c'est normal qu'il y ait dix fois plus de hauts gradés à la Défense nationale canadienne, toute proportion gardée, que ce qu'on retrouve dans la plupart des pays industrialisés? Ces hauts gradés, dont le salaire se situe entre 75 000 $ et 150 000 $, je ne sais trop, avec chauffeur et limousine s'il le faut, se peut-il qu'il y en ait trop? Est-ce que c'est normal de dépenser pour des missiles anti-chars en période de paix à l'heure actuelle? Est-ce que c'est utile aussi de vouloir investir dans des sous-marins très sophistiqués?

Faire de la rationalisation, cela veut aussi dire regarder le mandat du ministère de la Défense. En temps de paix, ce sont des forces de paix qu'on déploie. Les forces de paix ont besoin d'entraînement, de bases et de toutes les infrastructures, mais elles n'ont pas besoin de missiles anti-chars.

[Traduction]

Le vice-président: La parole est au député de Kootenay-Est. J'informe le député que le débat prendra fin dans deux minutes. Il restera deux minutes la prochaine fois. Il dispose d'une minute et son collègue aura aussi une minute pour répondre.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, depuis deux ans, nous entendons les députés du Bloc québécois


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parler constamment de leur vision du Québec, ce dont ils le droit, je suppose, sauf qu'ils forment l'opposition officielle.

Compte tenu de la teneur de la plupart des déclarations du député, ne convient-il pas que ces dernières portent pratiquement sur la seule question de la province de Québec au sein du Canada? Autrement dit, à son avis, quel objectif son parti et lui poursuivent-ils dans leur rôle de loyale opposition de Sa Majesté?

[Français]

M. Loubier: Monsieur le Président, je répondrai simplement ceci à mon collègue du Parti réformiste: au cours des deux dernières années, nous avons rencontré des Canadiens à la grandeur du Canada, d'est en ouest. Et récemment encore, des Canadiens nous ont dit aimer le Bloc québécois comme opposition officielle et souhaiter même qu'on gagne les deux élections partielles, les trois élections partielles au Québec pour qu'on n'entende plus parler des prétentions du Parti réformiste qui veulent constituer une opposition officielle de droite.

* * *

LES COMITÉS PLÉNIERS

NOMINATION DE LA VICE-PRÉSIDENTE ADJOINTE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 27 février 1996, de la motion: Que Mme Pierrette Ringuette-Maltais, députée de la circonscription électorale de Madawaska-Victoria, soit nommée vice-présidente adjointe des comités pléniers de la Chambre des communes.

Le vice-président: Comme il est 18 h 30, la Chambre procédera maintenant au vote par appel nominal différé sur la motion no 2 sous la rubrique Affaires émanant du gouvernement au nom de M. Chrétien (Saint-Maurice).

Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 2)

POUR

Députés
Alcock
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Baker
Bakopanos
Barnes
Bélair
Bélanger
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chan
Chrétien (Saint-Maurice)
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Crawford
Culbert
DeVillers
Dhaliwal
Duhamel
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Finestone
Flis
Fontana
Fry

Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor West/Ouest)
Grose
Guarnieri
Harb
Harper (Churchill)
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kirkby
Knutson
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Manley
Marchi
Marleau
Massé
McCormick
McGuire
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McTeague
Mifflin
Milliken
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
O'Brien
O'Reilly
Pagtakhan
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Robillard
Rock
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Ur
Valeri
Verran
Volpe
Walker
Wells
Whelan
Young
Zed-134

CONTRE

Députés
Abbott
Althouse
Bélisle
Bellehumeur
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Blaikie
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Brien
Caron
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Debien
Deshaies
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Gagnon (Québec)
Gauthier
Gilmour
Godin
Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Harper (Calgary West/Ouest)
Harper (Simcoe Centre)
Harris
Hart
Hermanson
Hill (Macleod)
Jacob
Johnston
Kerpan
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Marchand
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Ménard
Mercier
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Nunez
Penson
Picard (Drummond)
Pomerleau
Ramsay

71

Ringma
Rocheleau
Sauvageau
Schmidt
Scott (Skeena)
Solberg
Speaker
St-Laurent
Stinson
Strahl
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Venne-75

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Anawak
Asselin
Bachand
Bergeron
Caccia
Clancy
Daviault
de Savoye
Dubé
Fewchuk
Gaffney
Lebel
McKinnon
Paré
Serré
Speller

(1855)

[Traduction]

Le Président: Je déclare la motion adoptée.

______________________________________________


71

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

(1900)

[Français]

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LE MAINTIEN DE LA PAIX EN HAÏTI

Le président suppléant (M. Kilger): Chers collègues, ceci étant la première occasion que j'ai depuis cette nouvelle session, je tiens à vous remercier de votre appui dans mon rôle à titre d'occupant du fauteuil.

[Traduction]

Je vous remercie de me faire confiance et soyez assurés que je ferai de mon mieux pour ne pas tromper cette confiance.

[Français]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.) propose:

Que cette Chambre prenne note des engagements internationaux actuels et futurs du Canada à l'égard du maintien de la paix en Haïti, en particulier en ce qui concerne la disposition du Canada à jouer un rôle majeur dans la prochaine phase des efforts de la communauté internationale pour assurer un environnement stable en Haïti.
[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Je rappelle à tous les députés que, pendant ce débat, les interventions sont limitées à 10 minutes et qu'il n'y aura pas de périodes de questions et d'observations.

[Français]

Alors dix minutes de débat sans questions ou commentaires.

M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre): Monsieur le Président, je suis très heureux de commencer ce débat spécial sur l'engagement du Canada dans une nouvelle mission de maintien de la paix en Haïti.

Je veux d'abord remercier mes collègues de la Chambre, les députés du Bloc québécois, du Parti réformiste, du Parti conservateur et du Nouveau Parti démocratique ainsi que ceux de mon propre parti, les députés du gouvernement. C'est grâce à votre appui que ce débat est possible et je vous en remercie.

Je regrette que n'ayez eu qu'un si court délai d'avis. Comme vous le savez, les événements se bousculent à New York, à l'ONU, et le gouvernement pourrait prendre une décision très rapidement. J'apprécie la collaboration de tous les partis dans ce nouveau Parlement. Cela permettra aux Canadiens et Canadiennes d'être entendus par leurs députés sur une question importante qui touche les affaires étrangères.

Je tiens également à dire que la consultation d'aujourd'hui ne sera pas la dernière que nous aurons sur la politique étrangère du Canada ou sur Haïti. Je m'engage, dans la mesure du possible, à ce que les prochains débats se tiennent dans de meilleures conditions.

(1905)

[Traduction]

Nous savons tous à quel point la situation en Haïti est importante pour nous, en tant que Canadiens, pour les Haïtiens et pour la communauté internationale dans son ensemble. Au cours des derniers mois, nous avons vu Haïti déployer des efforts remarquables pour mener à bien un important processus de démocratisation. Haïti connaissait la dictature, un régime policier et l'autocratie, aucun droit humain n'y était respecté et il n'y avait aucun espoir économique, mais aujourd'hui, la situation est en train de se rétablir.

Maintenant que l'euphorie des premiers mois de liberté commence à retomber et que le pays revient à la réalité, nous devons nous dévouer pour la reconstruction d'Haïti.

Le nouveau président, M. Préval, a été assermenté le 7 février. Je suis heureux de pouvoir dire que mon collègue, l'honorable Pierre Pettigrew, ministre de la Coopération internationale, a assisté à la cérémonie d'assermentation. Le président a fait valoir devant les Nations Unies la nécessité de fournir à son pays une aide continue pendant la période de reconstruction. La première condition essentielle à cette reconstruction, c'est la stabilité à long terme.

Les membres des forces policières haïtiennes, dont beaucoup ont été formés par le Canada et par d'autres pays, sont prêts à assumer leurs responsabilités. Cependant, ils sont jeunes et inexpérimentés et il leur faut encore du temps pour bien apprendre leur travail. Par conséquent, il faut assurer une présence internationale de soutien pour garantir la stabilité et la sécurité de la population afin que les institutions démocratiques naissantes du pays puissent se développer. Si Haïti est livré à lui-même à un moment aussi crucial, il est probable que les problèmes s'aggraveront et les premiers efforts du pays pourraient faillir faute de soutien et de services de sécurité.

Ces dernières semaines, j'ai tenu des consultations sur Haïti. Pour ma première mission à titre de ministre des Affaires étrangères, je me suis rendu aux Nations Unies, où j'ai consulté le secrétai-


72

re général et des fonctionnaires de l'organisme pour obtenir la garantie que toute prolongation du mandat en Haïti s'accompagnerait des ressources suffisantes pour faire le travail.

Nous avons tiré des enseignements d'expériences passées. Nous savons que, lorsque les Nations Unies acceptent de jouer un rôle, il faut qu'il y ait des ressources suffisantes pour la tâche à accomplir.

J'ai aussi consulté des membres des partis d'opposition ces deux dernières semaines afin de connaître leurs préoccupations.

[Français]

La semaine dernière, j'ai rencontré des membres de la communauté haïtienne à Montréal. Ils sont très solidaires. Ils sont aussi créatifs pour trouver des solutions pour leur pays d'origine.

[Traduction]

Pour que le point de vue des Canadiens soit davantage pris en considération, nous avons exposé la question sur Internet et nous avons reçu tout un éventail d'opinions de la population. La grande majorité des Canadiens appuient fermement le maintien du rôle de soutien du Canada.

Comme les députés le savent, la question fait toujours l'objet d'un débat au Conseil de sécurité en ce moment. Le Secrétaire général a demandé au Canada d'assumer le leadership lorsque le mandat des Américains viendra à échéance à la fin de la semaine.

Le Conseil de sécurité se penche sur les questions concernant la taille de la force et la durée de l'affectation. Des membres du Conseil de sécurité ont posé des questions, comme ils en avaient le droit. Toutefois, étant donné que nous sommes tellement convaincus qu'il faut maintenir une présence de l'ONU à Haïti, une présence internationale, nous avons présenté des propositions et des solutions qui devraient permettre à cette force de continuer pour arriver à briser l'impasse, ce qui montrera encore une fois que notre pays occupe une position unique et spéciale pour assurer un leadership, défendre des idées et aider à jeter des ponts, comme notre premier ministre l'a dit tout à l'heure, afin de trouver des solutions à ce problème.

En fait, selon notre proposition, si la taille de la force de l'ONU ne suffisait pas, nous pourrions fournir des troupes auxiliaires toujours sous la direction d'un général canadien et conformément aux règles d'engagement de l'ONU, pour que toutes les ressources nécessaires soient disponibles au besoin, afin de maintenir un positionnement approprié des forces internationales sur le terrain et maintenir la sécurité et la stabilité.

Nous espérons que les propositions que nous avons faites serviront de fondement au règlement de cette question.

(1910)

Pour l'instant, le Conseil de sécurité des Nations Unies n'a pas encore pris de décision finale. Il étudie les propositions et, même si le temps commence à presser, nous sommes convaincus de pouvoir, grâce aux démarches que nous avons faites, répondre de façon adéquate et efficace à la requête du gouvernement haïtien.

Nous avons encore besoin de recueillir l'avis des députés, car nous voulons savoir quelle serait, à leur avis, la façon la plus adéquate et la plus efficace pour nos forces armées de continuer à exercer leur leadership.

Lorsque le Conseil de sécurité prendra une décision officielle, nous serons donc en mesure de répondre efficacement et immédiatement. Nous avons la volonté de le faire et nous sommes disposés et prêts à agir. Nous tâchons de trouver des solutions, mais nous avons encore besoin de recueillir l'avis des députés.

Si le Conseil de sécurité décide de demander au Canada d'exercer son leadership et de fournir les ressources nécessaires, je maintiendrai le contact avec le nouveau Comité des affaires étrangères qui sera mis sur pied, afin de le tenir continuellement au courant des moindres développements.

J'ai discuté de la question avec certains députés de l'opposition, qui m'ont signalé qu'ils aimeraient que le comité serve d'organisme de surveillance chargé d'examiner et d'évaluer régulièrement les missions des Forces canadiennes à l'étranger. Nous prendrons les arrangements nécessaires avec le comité dès qu'il sera formé, nous lui ferons rapport régulièrement et nous examinerons ses propositions, de manière à ce que le Parlement contribue constamment à cette mission qui est des plus importantes.

Le Canada ne sera pas seul au début. D'autres pays font valoir leur propre intérêt. Les gouvernements du Pakistan et du Bengladesh ont exprimé leur désir de continuer de participer aux missions. Le gouvernement français m'a dit qu'il continue de s'occuper de la formation des forces policières et de la maintenance de cette région. Les Américains conservent des missions de développement et de soutien économiques dans ce pays.

Il ne suffit pas d'appuyer le maintien de l'ordre, il faut aussi assurer la reconstruction, le développement économique et social, la mise en place à Haïti d'une société civile en prévoyant des institutions judiciaires et des moyens convenables pour le gouvernement de déployer ses efforts.

Le Canada ne peut pas chercher à résoudre tous les problèmes partout dans le monde, mais c'est là un pays où nous, Canadiens, pouvons contribuer à améliorer les choses. On nous a demandé de jouer un rôle. Nous avons la réputation de bien le jouer et l'expérience pour le prouver.

[Français]

Nous sommes un pays bilingue ayant les capacités d'offrir les services de maintien de la paix en langue française. Comme Haïti est membre de la Francophonie, ce rôle spécial pour le Canada fera une différence pour les gens d'Haïti.

[Traduction]

J'ose croire que nous, Canadiens, pourrons offrir un espoir au peuple de ce pays. Il compte sur notre aide. Il a besoin d'un appui. Il entreprend le processus excitant de rebâtir un pays, de reconstruire une démocratie. Le Canada peut l'y aider en élargissant et en


73

rehaussant le rôle des Nations Unies, en donnant une place à la communauté internationale et en montrant une fois de plus au monde entier que le Canada est vraiment le véritable gardien de la paix.

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, comme nous avons l'occasion de participer aux débats concernant les missions de paix, depuis quelque temps, je tiens à souligner au nouveau ministre des Affaires étrangères, à qui j'adresse mes félicitations pour sa nomination, qu'on est satisfaits et même heureux de prendre part encore une fois à un débat sur les missions de paix auxquelles le Canada pourrait éventuellement participer.

À la lumière d'autres débats que nous avons tenus antérieurement et suite au discours du ministre des Affaires étrangères et de la motion présentée, il est certain que par principe, le Bloc québécois appuie ce genre de motion qui milite en faveur de la participation du Canada, d'une façon quelconque, au maintien de la paix en Haïti, surtout pour un peuple qui, on le sait, a été maintenu sous une dictature pendant de nombreuses années.

(1915)

Cependant, il me revient à l'esprit qu'on avait demandé à plusieurs occasions, que ce soit pour les deux débats qu'on a tenus concernant la Bosnie, que le gouvernement nous arrive éventuellement avec certains points précis, certains critères bien établis avant que l'on ne tienne un débat en Chambre.

Dans le discours du ministre des Affaires étrangères, il y a beaucoup, disons, de bons mots et de bonne volonté qui représentent essentiellement les valeurs canadiennes concernant les missions de paix et le Bloc québécois y souscrit d'emblée. Il n'y a pas de problèmes avec ça.

Cependant, on avait également mentionné à plusieurs reprises qu'on se devait d'établir certains critères précis, qu'on se devait d'établir la durée des missions, leur mandat, le nombre de soldats envoyés et également le coût de ces fameuses missions. Il m'apparaît que rien n'a encore été décidé, même si le Cabinet semble s'être entendu, selon les informations qu'on a, pour envoyer environ 750 Casques bleus en Haïti pour combler cette mission et également pour, si on veut, maintenir la voie vers le développement de la démocratie et ces choses-là.

Mais nulle part on ne nous mentionne quel serait le mandat du Canada. On a eu comme hypothèse que, éventuellement, le Canada prendrait le commandement de la mission onusienne et que, éventuellement, les troupes américaines se retireraient, mais que d'autres pays pourraient combler cet effort.

Comme je vous le disais, nous souscrivons d'emblée à ce principe, mais je dois peut-être me faire le rabat-joie de ces échanges de bons principes en disant que, à mon sens, il n'y a pas grand-chose de changé dans la préparation des missions de paix. On y va un peu selon certaines demandes que l'ONU peut soumettre au Canada, sans savoir d'avance les besoins réels et le potentiel qu'on peut offrir.

Il est arrivé à quelques reprises qu'on ait même éventuellement essoufflé nos militaires. Je vois le ministre de la Défense assis à l'avant et je me souviens très bien que, lorsqu'on parle de rotation, nous l'avons souvent entendu dire que, si on avait besoin d'impliquer plus de militaires, on manquait de soldats pour la rotation. Certains en étaient rendus à leur quatrième ou cinquième mission en Bosnie. Là, on s'implique à nouveau dans une autre mission. Loin de moi l'idée de vouloir suggérer qu'on n'est pas d'accord avec ça, sauf que, comme pour le dernier débat sur la Bosnie, on avait demandé des chiffres précis et on ne les a pas encore à ce sujet.

On y va un peu comme une planification improvisée. Je vous dirais que c'est un peu l'exemple de ce qu'on voit depuis ces deux années passées avec le gouvernement. C'est qu'on a beaucoup de belles idées ou de beaux principes, mais on ne semble pas les planifier d'avance. Mes restrictions dans ce sens sont que, à la lumière de ce qui peut se passer en Bosnie, à la lumière de ce qui se produit en Haïti, au moment où on se parle, il y a près de 6000 militaires Casques bleus composés d'Américains, d'un peu de Français, de Canadiens, de Néerlandais, etc., je ne les énumérerai pas tous, et de près de 800 policiers civils. On se rend compte qu'il y a quand même, malgré toute cette aide internationale, certains ratés. Il y a eu beaucoup de difficultés dans le désarmement des putschistes haïtiens. D'ailleurs, les citoyens haïtiens se sont plaints du manque d'application de ces normes.

Lorsqu'on voit l'espèce de scénario qui se dessine lentement, ce qui m'inquiète-et c'est la réserve en fait que je mentionne au nom du Bloc québécois-, si le Canada prend le commandement de la force onusienne, que les Américains se retirent et qu'on demeure en Haïti avec une force d'environ 2000 militaires Casques bleus et d'environ 500 à 600 policiers civils, comment peut-on s'imaginer que, parce que c'est un commandement canadien, on va réussir à désarmer les putschistes? De plus, l'ONU prévoit que, dans un délai de six mois-et on le mentionne également dans la motion-les problèmes vont être réglés. Je ne pense malheureusement pas que ce soit le cas, quand on voit tous les problèmes qu'on connaît depuis 1991-1992. Je trouve difficile d'admettre que simplement en arrivant avec une nouvelle mission, on va réussir à obtenir réellement ce qu'on veut.

(1920)

Un autre point nous incite à appuyer le principe. Lors de la révision de la politique de défense, le Bloc québécois avait soumis, dans son rapport dissident, une suggestion que je me permets de citer: «Le Canada doit également se demander si sa mission universelle n'est pas trop ambitieuse et s'il ne serait pas plus indiqué de concentrer ses efforts dans les régions du monde où sa présence est plus naturelle, comme en Amérique ou dans la mer des Caraïbes. En se donnant un profil régional, le Canada pourrait mieux gérer et planifier les demandes de l'ONU tout en offrant une préparation plus adéquate et plus complète aux militaires Casques bleus canadiens.» Cette suggestion était contenue dans le rapport dissident déposé en octobre 1994. On l'avait réitérée lors des débats sur la Bosnie. Je me rends compte, malheureusement, que cela est demeuré lettre morte. On fait encore preuve d'un manque de planification.

Je me répète encore, mais au niveau du principe même, le Bloc québécois appuie d'emblée la mission canadienne. On dirait même qu'éventuellement, comme le mentionnait le ministre des Affaires étrangères, c'est vraiment le rôle canadien, étant donné que c'est un peuple qui est membre de la Francophonie. Les militaires de la base de Val-Cartier, dans mon comté, étant francophones, vont certainement avoir une meilleure relation avec le peuple haïtien que les


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Casques bleus américains pouvaient avoir étant donné la différence de langage.

Dans un autre ordre d'idées, j'ai une autre réserve au sujet de cette mission. D'ailleurs, cet après-midi, lors de la période des questions orales, j'ai demandé au ministre de la Défense si les informations que nous avions relativement au fait que le général Daigle pourrait éventuellement être nommé commandant de la force onusienne en Haïti étaient fondées.

Vous me permettrez, monsieur le Président, de revenir sur ce sujet, car le ministre de la Défense m'a dit qu'il en parlerait lors du débat d'urgence. Si on réfère au problème en Somalie, à celui rapporté au sujet de l'invasion de la Citadelle à Québec ou à tout autre problème que le ministre connaît sans doute, comme celui qui s'est produit à Gagetown alors que le général Daigle n'était pas général, on constate une certaine évolution à l'intérieur des problèmes vécus avec le régiment aéroporté ou avec certains individus entourant toute cette panoplie de problèmes qu'on a plus ou moins révélés ou découverts durant l'enquête sur la Somalie. Je suis inquiet et mes collègues le sont aussi. Cela nous inquiète un peu même si le ministre nous dit qu'il a pleine confiance dans la nouvelle nomination de ce général. Cela nous inquiète de voir la feuille de route, car il y a toujours eu des problèmes qu'on tente, tant bien que mal, de réparer et, je dirais même, parfois, de camoufler. C'est une autre de mes restrictions, monsieur le Président.

Je vais conclure en disant que le Bloc approuve le principe, avec certaines restrictions. On ne connaît pas les coûts, on ne connaît pas le mandat, on n'a pas les critères-et ce n'est pas la première fois qu'on le répète-je pense qu'il serait temps, avant de s'engager à nouveau, qu'on en arrive à une meilleure planification.

En conclusion, je dis que sans nul doute, les gens d'Haïti en ont besoin et le Canada, de par sa géographie, doit même d'emblée participer à cette chose-là. Mais j'apprécierais, comme à l'accoutumée et selon nos demandes, qu'on ait plus de précisions de façon à vraiment informer la population du rôle que les Casques bleus vont remplir en Haïti, des coûts et des moyens qu'on leur aura fournis pour remplir cette mission.

(1925)

[Traduction]

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais faire une observation sur la déclaration du ministre. Il a dit qu'il songerait à se servir du Comité des affaires étrangères comme médium pour discuter de ces questions. Ce devrait être très positif. Si les affaires étrangères ne sont pas un domaine que l'on peut aborder d'une manière non partisane, je me demande bien quelle question peut l'être. J'ai hâte à cette collaboration et je pense que la Chambre devrait le savoir. J'espère certainement que cela marchera.

Il y a plusieurs aspects dont il faut parler en ce qui concerne Haïti et cette décision. D'abord, comme le député qui vient de parler l'a dit, ce pays se situe dans notre hémisphère. Nous avons beaucoup en jeu dans le maintien de la stabilité dans les Amériques et nous pouvons établir un exemple que suivront, espérons-le, les Européens quand viendra le temps d'étudier le cas de la Bosnie plus tard cette année.

Il faut soulever la question du rôle de chef de file que nous pouvons jouer en Haïti. J'estime que c'est un important message que nous lançons et j'espère que tous le capteront. De toute évidence, nous rendons un grand service aux États-Unis. C'est une année d'élections chez nos voisins du Sud, mais nous n'aborderons pas cette question. Toutefois, nous nous attendons à ce que cela pèse lourdement dans la balance quand il sera question d'établir la politique dans des domaines comme le commerce international et la suppression des dispositions anti-Canada dans le projet de loi Helms-Burton. Nous nous attendons à ce que le ministre des Affaires étrangères souligne très clairement aux Américains l'aide que le Canada leur offre dans ce domaine et à ce qu'il fasse appel à leur compréhension dans d'autres-un service en attire un autre.

Nous devons parler des problèmes, des factions qui existent en Haïti depuis fort longtemps. Les gens possèdent toujours des armes, en campagne surtout. Nous pourrions parler de la haine qui a grandi dans ce pays. Ce sont là des questions dont on pourrait parler.

Si je comprends bien, le Canada aura la maîtrise de sa mission. C'est un point qui nous a vraiment déplu en Bosnie, car nous ne faisions même pas partie du groupe de contact. C'est une amélioration.

Je voudrais signaler au ministre que j'ai assisté à une assemblée publique, hier soir, où il y avait plus de 300 personnes. J'ai fait un exposé de vingt minutes sur Haïti parce que je savais que le présent débat aurait lieu ce soir. C'était une réunion on ne peut plus immédiate et populaire. Il y avait là toutes sortes de gens, pas uniquement des membres du parti. Je crois que l'on pourrait dire que c'était un groupe assez représentatif de l'ensemble des Canadiens.

J'ai été assez étonné par le message qui était: «Vous coupez dans les services de santé, vous menacez nos pensions. Qu'allez-vous faire à l'étranger?» J'ai été étonné que le message soit aussi radical et aussi clair.

Deux personnes ont pris la parole pour dire que nous devions y aller, mais en ajoutant que nous devions disposer du matériel nécessaire et avoir la formation voulue. Ces personnes ont précisé quelles qualifications étaient requises. Cependant, beaucoup des 300 personnes présentes ont dit qu'elles avaient des inquiétudes et que, à leur avis, nous devions attendre de répondre à tous les critères.

Quels devraient être ces critères? Il y avait évidemment la durée de la mission. La résolution des Nations Unies établit clairement que le mandat est prolongé de six mois. J'ai écouté attentivement le ministre pour m'assurer qu'il insisterait sur cet élément du mandat. Je ne doute pas qu'il sera précisé clairement à la Chambre que nous parlons bien de six mois. Il se peut que certaines conditions nous forcent à réévaluer la situation, mais il doit bien s'agir d'une mission de six mois.

Le gouvernement devrait faire connaître le prix de cette mission aux Canadiens. Si, le 30 septembre 1996, le gouvernement déposait à la Chambre un document sur ce que la mission nous coûte, une telle ouverture inspirerait confiance à la population, en tout cas, aux 300 personnes que j'ai rencontrées hier.

Existe-t-il un plan d'urgence? Lorsque les Américains étaient là, ils avaient un porte-avions dans le port. Ils disposaient d'hélicoptères d'attaque prêts à intervenir. Ce sont là des moyens dissuasifs


75

impressionnants. Mais avons-nous un plan d'urgence, un quelconque moyen dissuasif pour garantir l'ordre?

(1930)

Je souligne également l'imminence des élections aux États-Unis. De toute évidence, ce facteur a une grande influence sur la volonté de partir des Américains. Ils veulent partir parce qu'ils ne peuvent se permettre aucune bavure. Il est clair que c'est là un facteur important.

Je veux aussi parler de l'OEA. Je voudrais savoir ce que l'OEA a dit, ce qu'elle fera, avec quel ferveur elle appuie ce genre de mission. Pouvons-nous compter sur l'appui et l'aide de l'OEA? D'ailleurs, quelle forme pourrait prendre cette aide?

Il me semble que l'OEA devrait devenir un organisme beaucoup plus important qu'elle l'est actuellement. Si nous prenons les Amériques dans leur contexte régional, l'OEA devrait contribuer à régler ces problèmes. L'Europe constitue évidemment une autre région et l'Afrique se situe peut-être dans la même sphère. L'Asie du sud-est comprend toute la région de l'Asie du Pacifique. Je crois que ces sphères nous permettraient de commencer, espérons-le, à créer un monde plus pacifique dans lequel nous pourrons tous vivre, commercer et nous entendre.

Je voudrais aussi savoir comment se fera la reconstruction. Haïti est un pays qui n'a pas de système d'éducation, de services, de système social. Nous avons tous lu, par ailleurs, au sujet des problèmes qui existent dans les régions rurales. De quel plan disposent les Nations Unies, si toutefois elles en ont un, pour assurer la reconstruction de ce pays? Nous devons avoir une solution a long terme si nous ne voulons pas devoir y retourner dans quelques mois, quelques années. Il nous faut un plan.

En terminant, je voudrais que ce débat informatif, et je sais que le ministre connaît mes préoccupations à cet égard, ne soit pas qu'un semblant de débat. Nous devons tenir un véritable débat, dans lequel tous les députés participeront et représenteront leurs électeurs sans parti pris, un débat qui leur permettra de peser le pour et le contre et de voter ensuite sur ce qui aura été dit dans le cadre d'un vote libre.

Faisons fi du sectarisme politique et représentons vraiment le point de vue de nos électeurs. Nous avons ici une excellente occasion de le faire. Si nous décidons d'envoyer cent hommes là-bas, nous devons tenir un débat sur la question.

Il est également important que le gouvernement nous informe au moins 48 heures d'avance de ce que seront le budget provisoire, le mandat de la mission, l'ampleur et la durée de l'engagement, les règles d'engagement, la rotation du personnel, etc. Nous devons cela aux Canadiens. Si nous ne pouvons pas obtenir ces renseignements, nous devrons refuser de donner carte blanche. Si les Nations Unies sont désorganisées au point de ne pas pouvoir nous donner cette information, il vaudrait peut-être mieux renoncer à nous engager.

Les Canadiens accordent beaucoup d'importance à ces choses. Ils veulent notamment savoir quelle sera notre mission, si les députés eux-mêmes enverraient leurs fils et leurs filles là-bas; ils se demandent si cette mission est sûre, si nous avons l'équipement et le mandat nécessaires. Les Canadiens méritent que nous répondions à ces questions.

J'ai bon espoir que la Chambre saura répondre très positivement à ces attentes. Nous pourrons ainsi accroître parmi les Canadiens leur fierté pour les gardiens de la paix, leurs missions à l'étranger et pour eux-mêmes. Les Canadiens ont tendance à être timides lorsqu'il parlent d'eux. Je suis sûr que tous les députés des deux côtés de la Chambre reconnaîtront qu'il est temps que les Canadiens soient fiers de ce qu'ils sont. Les missions de ce genre nous fournissent l'occasion de le montrer, à condition d'avoir la confiance de la population. Pour jouir de l'appui de la population, le gouvernement doit agir avec transparence et ouverture, permettre aux Canadiens et aux députés de participer au débat et demander l'avis du peuple.

Je suis heureux d'avoir pu prononcer ce discours. Je sais que le nouveau ministre m'écoute.

(1935)

[Français]

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, il me fait grandement plaisir de participer à ce débat parce qu'il est très important pour la mission de maintien de la paix du Canada.

Le rôle important que le Canada a été appelé à jouer en Haïti était approprié, vu notre participation de longue date aux missions de maintien de la paix des Nations Unies et les efforts que nous avons faits pour assurer la sécurité et la stabilité dans l'hémisphère occidental.

Notre participation en Haïti reflète aussi la réalité du bilinguisme au Canada et notre rôle de chef de file au sein de la Francophonie.

L'aide fournie par le Canada s'est manifestée de plusieurs façons: la participation de membres des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada à la Mission des Nations Unies en Haïti; l'entraînement en vue de créer une police nationale haïtienne; enfin, une aide économique bilatérale pour faciliter la stabilisation sociale et économique du pays.

[Traduction]

Ces derniers mois, nous avons fourni de l'aide à Haïti. L'automne dernier, j'ai rendu visite à nos forces à Port-au-Prince et j'ai effectué une mission à Gonaïves.

Les forces se composent d'environ 600 hommes de l'Aviation royale du Canada, certains de l'armée de terre, mais, pour la plupart, de l'armée de l'air. Je le souligne, car les gens croient souvent que les missions de maintien de la paix sont confiées uniquement à l'armée de terre. Le fait est que la marine et l'aviation prennent part à ces missions et la force aérienne a fait beaucoup en Haïti.

Ce dont il est question ce soir, et mon collègue, le ministre des Affaires étrangères a parlé du débat qui se tient actuellement à New York à ce sujet, c'est de l'envoi possible pour le Canada d'une force pouvant aller jusqu'à 750 hommes. Cette force pourrait être déployée de façon imaginative, peut-être pas tous des bérets bleus,


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peut-être des bérets verts. Ce que nous envisageons, c'est d'avoir un commandant canadien.

À ce propos, je regrette les commentaires qu'a faits le député. . .

[Français]

-de Charlesbourg, parce qu'il a critiqué un de nos généraux. C'est triste parce que, comme je l'ai dit au cours de la période de questions, j'ai confiance en tous les généraux des Forces canadiennes, et j'ai également confiance en l'individu qui a soulevé cette question cet après-midi et ce soir.

[Traduction]

La décision de savoir qui commandera la force canadienne en cas de participation du Canada appartient au chef d'état-major de la défense. Il s'agit d'une décision opérationnelle, et je l'appuierai.

Il y a pas mal de travail à faire en Haïti. Le pays a besoin d'être reconstruit. La force placée, ces six derniers mois, sous le commandement des Nations Unies est arrivée dans une certaine mesure à établir la paix dans cette région. Le taux de criminalité a baissé. Des élections démocratiques ont eu lieu. L'opération a vraiment bien réussi.

Je comprends les réserves de certains députés face à la longueur et surtout au coût de la mission en cas d'une nouvelle participation du Canada. Dans une intervention que j'ai faite à la Chambre, il y a quelque temps, j'avais mentionné le coût approximatif de l'IFOR. J'ai été assez étonné de constater que ce ne sont pas les coûts supplémentaires du Canada qui ont augmenté, mais ceux de l'OTAN.

Je crois que les députés de Red Deer et de Charlevoix ont fait valoir des points très intéressants, quand ils ont dit qu'il fallait en savoir plus au sujet des coûts avant de participer à ces missions. Je ne serai pas en mesure de rendre des comptes précis sur l'IFOR avant quelques semaines. J'en reparlerai à la Chambre et je lui donnerai tous les renseignements pertinents. Nous devons toutefois faire preuve d'une extrême prudence.

Pour ce qui est des règles d'engagement, nous devons être tout à fait sûrs de savoir sous quels auspices nous allons opérer. Nous avons déjà eu des expériences désagréables, notamment en Somalie, et nous en avons tiré bien des leçons.

Comme je l'ai dit dans le débat sur l'IFOR que nous avons tenu avant Noël, c'est grâce au fait que nous avons appris notre leçon que nous avons été capables de travailler avec nos collègues de l'OTAN pour mettre au point des règles d'engagement qui soient applicables à cette situation particulière. Nous voulons nous assurer que les règles d'engagement de toute mission que nous pourrions entreprendre en Haïti ne poseront pas de problèmes et que nous savons dans quoi nous nous engageons.

Nous voulons aussi savoir ce qu'il en est des ressources consacrées à la mise sur pied de services de police haïtiens, parce que ce n'est tout simplement pas une opération des Forces canadiennes. La GRC y a participé et a fait un travail formidable. L'inspecteur Pouliot de la GRC a été bien reçu dans ce pays et a reçu de nombreuses félicitations pour les efforts qu'il a mis dans la constitution de services de police haïtiens.

(1940)

Toutefois, nous aimerions connaître l'importance des ressources financières que l'ONU entend consacrer à ces services. Le mandat qui nous sera confié doit se justifier dans les circonstances et être réalisable. Nous devons connaître les règles d'engagement. Nous devons savoir quelles seraient la taille et la composition idéales de ces services. Ces questions sont actuellement l'objet de négociations, comme vient de le dire mon collègue, et nous ne savons vraiment pas grand-chose à cet égard. Quand nous saurons tout des coûts prévus et des conditions à respecter, nous pourrons déterminer si la mission est réalisable. Je crois qu'elle le sera, mais il faut d'abord répondre aux questions qui sont posées ici, aujourd'hui.

Le député de Red Deer a parlé d'une assemblée publique tenue dans sa circonscription. Je le félicite d'avoir tenu une rencontre de la sorte avec les gens de la base avant notre débat de ce soir à la Chambre. Il a fait une déclaration que je voudrais contester, soit que les Canadiens, malgré leurs propres difficultés financières et les pressions qu'ils subissent dans leur propre pays, ne sont pas prêts à aider les nations moins privilégiées ou ne sont pas capables de le faire.

De ce côté de la Chambre, nous croyons que, quelles que soient les restrictions imposées au gouvernement ou à la population, la générosité des Canadiens et la richesse de notre société sont telles que nous devons continuer à faire notre part pour aider les nations moins privilégiées de la Terre. De temps à autre, nous rencontrons des Thomas qui doutent de la valeur de notre participation et des objectifs atteints. Nos réalisations antérieures sont très concluantes, que ce soit en Somalie, en Bosnie, en Croatie, au Rwanda ou en Haiti au cours des derniers mois. À mon avis, les missions de l'ONU ont donné de bons résultats. Notre participation à ces missions valait certainement la peine et l'ONU a vraiment pu changer les situations grâce au dévouement des forces armées de différents pays de tous les coins du globe.

Nous avons entendu le premier ministre dire à la Chambre à quel point les hommes et les femmes des forces armées canadiennes étaient respectés, de même que les hommes et les femmes de la Gendarmerie royale du Canada et les agents civils qui surveillent le déroulement des élections, participent aux travaux de développement à l'étranger, fournissent de l'aide, assurent le contrôle et agissent à titre d'observateurs. Tous les Canadiens qui ont participé aux missions au cours des dernières années ont fait un excellent travail. Voilà pourquoi l'ONU a besoin de nous.

Franchement l'ONU a besoin du Canada. Nous sommes aux premières lignes des opérations de maintien de la paix et du développement à l'étranger en général depuis 50 ans. Si le Canada en reçoit la demande, si les conditions s'y prêtent et si mon collègue et moi-même sommes satisfaits que les conditions que nous avons décrites ce soir comme étant celles dans lesquelles nous voulons opérer existent, nous envisagerons de participer à cette force.


77

Nous nous devons d'aider Haïti. C'est le pays le plus pauvre de l'hémisphère. C'est un pays que je connais bien. Je m'y suis rendu au moins une douzaine de fois pour affaire ou en mission de développement. C'est un cas tragique d'un pays et d'un peuple qui ont été indûment exploités. Comme d'autres membres des Nations Unies, nous essayons de changer les choses et de remettre Haïti sur la voie de la démocratie, de la reprise économique et de l'amélioration du sort des particuliers.

Le député de Red Deer a soulevé une très bonne question, à savoir celle de l'existence de garanties en cas de problème. Ce n'est pas la Bosnie ou la Croatie, mais il y a des précédents, comme en Somalie où les États-Unis, en particulier, étaient prêts à participer au retrait des forces. L'année dernière, ils étaient certainement prêts à évacuer, avec leurs alliés, des forces de la FORPRONU. En fait, nous avons participé aux préparatifs. Que le député se rassure, si quelque chose arrive, nous avons les moyens, nous avons la capacité, nous avons le matériel et nous avons la conviction que nos alliés et amis seront là en cas d'urgence pour nous prêter main forte si la situation le justifie. Les précédents existent.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, la motion présentée par le ministre des Affaires étrangères afin que le Canada prenne le commandement de la mission onusienne en Haïti témoigne tout d'abord de la confiance que l'Organisation des Nations Unies accorde au Canada dans ses missions de paix.

(1945)

J'aimerais de plus souligner la satisfaction du Bloc québécois de voir le nouveau ministre des Affaires étrangères consulter les parlementaires quant à la participation canadienne à cette mission. Celle-ci a pour but de poursuivre les missions de paix déjà engagées en Haïti. Comme je le rappelais précédemment, le Canada fait preuve d'ouverture envers les pays qui nécessitaient soit des ressources humanitaires, soit un soutien au rétablissement de la démocratie et au respect des droits de la personne, soit une aide au maintien de sociétés stables et pacifiques, somme toute à la consolidation de la paix.

Nous vivons dans un monde où des pays ne peuvent ignorer ce que font ou ce que subissent d'autres pays et à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'un pays ami et presque voisin. La nécessité et notre besoin de vivre en sécurité à l'échelle mondiale requièrent des actions et des gestes qui favorisent ce mieux-être et ce mieux-vivre. On nous dira à tort que nous devrions d'abord nous occuper du déficit et de nos problèmes avant d'accorder quelque aide que ce soit à des pays étrangers. C'est faire preuve de courte vue, quand il s'agit de faire face à des enjeux dont les conséquences peuvent menacer notre propre sécurité.

Pour bien comprendre le contexte dans lequel s'insère la motion que nous débattons aujourd'hui, j'aimerais tracer un bref historique des différentes interventions de l'ONU en Haïti. En décembre 1990, les premières élections démocratiques longtemps attendues ont eu lieu et le président Jean-Bertrand Aristide a été élu. Le succès de ces élections découle en partie du travail de la mission internationale d'observateurs dirigée par M. Pierre F. Côté, Directeur général des élections du Québec.

Moins d'un an plus tard, un coup d'État tramé par l'armée haïtienne force le nouveau président élu à s'exiler. À la suite du coup d'État du 30 septembre 1991 et jusqu'au retour du président, le peuple haïtien a été administré par un régime militaire qui a bafoué les principes élémentaires de la démocratie. Durant ces trois années, plus de 3000 personnes ont été tuées par les putschistes lors d'exécutions sommaires, sans compter les autres actes de torture. De sévères sanctions économiques adoptées par les pays membres de l'ONU et de l'OEA ont frappé le pays en l'absence de toute volonté de la part des militaires de rétablir la démocratie.

Les Québécois et les Canadiens ont été parmi les premiers à réclamer de leurs élus des efforts importants pour rétablir la démocratie et assurer le retour du président Aristide. Le Canada a également pris part à plusieurs missions humanitaires sous l'égide de l'ONU et de l'OEA.

Également, plus de 500 policiers et soldats de la paix, canadiens et québécois, ont participé à la mission des Nations Unies en Haïti, communément appelée la MINUHA. Cette mission a été formée conformément à la résolution 867 du Conseil de sécurité. Elle visait à mettre en oeuvre l'accord de Governors Island pour permettre le retour du président dans les meilleurs délais. En juillet 1994, il y a un an et demi à peine, devant l'impossibilité pour la MINUHA de concrétiser l'accord de Governors Island, le Canada collaborait à la création d'une force multinationale sous commandement américain, afin d'accélérer le départ des militaires haïtiens.

Le Conseil de sécurité de l'ONU accordait alors des moyens accrus à la force multinationale, laquelle remettrait ces pouvoirs à la MINUHA lorsque la situation serait stabilisée. Au 31 mars 1995, le Canada avait fourni 100 agents de la GRC et 500 membres de ses Forces armées à la MINUHA. Depuis cette date, la MINUHA a pris le relais de la force multinationale d'intervention. Elle comprend un contingent militaire de 6000 soldats et une composante policière de 800 agents provenant de 30 pays.

La population haïtienne a accueilli chaleureusement les troupes et les policiers et, de surcroît, la criminalité a baissé de façon substantielle au cours de la dernière année. Les manifestations pacifiques sont maintenant possibles. Les journalistes peuvent accomplir librement leur travail. Mais une chose préoccupe la communauté internationale. En effet, le mandat de la MINUHA doit prendre fin au cours des prochains jours, plus précisément demain.

(1950)

Devant la situation encore précaire en Haïti, le secrétaire général de l'ONU, M. Boutros Boutros-Ghali, a récemment indiqué qu'une mission de transition de taille réduite serait souhaitable pour consolider la jeune démocratie haïtienne. Cette mission se concentrerait


78

sur l'encadrement de la nouvelle police haïtienne et sur l'appui aux institutions civiles. Les aspects militaires de son mandat seraient réduits.

Nous devons avoir la certitude que cette nouvelle police nationale, formée notamment par des instructeurs canadiens, sera en mesure de maintenir l'ordre après le départ des Casques bleus. D'ailleurs le nouveau président élu d'Haïti, M. Préval, a déjà manifesté son intention de demander au Conseil de sécurité une prolongation de la mission.

Le pari de la démocratisation n'est pas encore tout à fait gagné. Le désarmement des anciens partisans des putschistes serait loin d'être terminé, semble-t-il, et la menace pèse toujours quant à la reprise des hostilités après le départ des forces internationales.

Le Bloc québécois, malgré des réserves, est d'avis que la présence des troupes de l'ONU, sous la direction du Canada pendant un certain temps, pourra sans nul doute être d'un grand secours et favoriser la reconstruction d'Haïti. Le maintien de troupes étrangères est souhaitable jusqu'à ce que des signes plus clairs démontrent que la démocratie a triomphé dans ce pays. Toutefois, avant d'engager plus avant les Forces canadiennes et répondre à la demande des Nations Unies, nous voulons formuler certaines réserves.

Il importe tout d'abord que le gouvernement détermine les règles et les critères de son intervention et évalue les ressources nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Le ministre, tout à l'heure, a semblé tenir compte des interventions des collègues de la Chambre et j'espère que ce ne sera pas des voeux pieux.

Le gouvernement doit donc dès maintenant préciser le mandat des troupes canadiennes en Haïti, afin d'éviter de reproduire l'improvisation qui a marqué certaines autres missions. Quant à nous, leur mandat premier devrait être la consolidation de la démocratie par le biais de l'encadrement et la formation des forces locales et du renforcement des institutions civiles.

Étant donné le départ des forces américaines dès le mois prochain, le Bloc québécois s'interroge aussi sur la capacité de cette nouvelle mission de maintenir la paix en Haïti. Nous pensons que le gouvernement canadien doit négocier avec l'ONU et le gouvernement américain le retrait progressif des forces américaines et pakistanaises, lequel pourrait s'étaler sur une période de six mois.

Sous le commandement américain, la force multinationale comprenait 6 000 soldats. Le Canada devrait connaître dès le départ les effectifs dont il pourra disposer lorsqu'il assumera la charge du commandement et s'assurer d'obtenir de l'ONU toutes les ressources nécessaires pour qu'il puisse accomplir adéquatement son mandat.

Quant aux effectifs canadiens sur le terrain, le Bloc québécois est d'avis que nous ne devrions pas envoyer plus de 750 Casques bleus en Haïti, comme le mentionnait mon collègue, le porte-parole de la Défense. Déjà plus de mille soldats canadiens sont affectés à diverses tâches, afin de mettre en oeuvre les accords de Dayton en Bosnie. S'il doit agir avec générosité et compassion, le Canada doit aussi tenir compte de ses ressources.

Jusqu'à maintenant, le gouvernement nous a fourni peu d'indication sur les coûts de cette mission. Encore une fois, le ministre toutefois a semblé prendre cet aspect en considération. Pour des raisons de transparence et d'intégrité, les contribuables canadiens et québécois doivent connaître les déboursés que le gouvernement engage dans cette mission.

En juin 1995, j'ai participé à une mission d'observation électorale lors des élections législatives et sénatoriales en Haïti. J'ai été à même de constater que le climat de détente et de sécurité était directement tributaire de la présence des forces étrangères. Depuis trop longtemps, le peuple haïtien avait peur de sortir dans la rue, de parler, de chanter, de s'exprimer librement.

(1955)

La démocratie désigne un mode privilégié d'insertion du citoyen dans la société. Cette démocratie s'accomplit dans la mesure où le citoyen peut y être actif et responsable. La jeune démocratie haïtienne mérite de survivre pour peu qu'on lui donne la chance de l'exercer.

[Traduction]

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole pour la première fois depuis que la nouvelle session a commencé, pour parler du rôle du Canada en Haïti. Nous nous souvenons tous que nous avons eu un débat d'urgence sur le rôle de nos soldats de maintien de la paix au tout début de la première session de cette législature, et c'est à cette occasion que j'ai fait mon discours inaugural au Parlement. Depuis lors, comme convenu, le gouvernement a consulté la Chambre à plusieurs occasions, car il estime nécessaire d'entendre l'opinion des représentants de la population canadienne.

Aujourd'hui, une fois de plus, le gouvernement libéral se tourne vers nous pour avoir notre avis sur la question d'Haïti où le Canada a joué un rôle fondamental dans le rétablissement la paix et la démocratie. Plus que jamais, le Canada continue d'être sollicité pour participer à des missions comme celle dont nous parlons aujourd'hui. La raison de cela, comme le premier ministre le disait dans son discours de cet après-midi, c'est que les nations voient le Canada comme un modèle d'espoir pour l'avenir et qu'elles aspirent à nous imiter.

J'estime que c'est notre devoir, ainsi que notre responsabilité, d'aider ces nations, que j'appellerais nos frères et nos soeurs dans le besoin. Après tout, nous vivons sur cette planète tous ensemble et nous appartenons tous à la grande famille mondiale.

[Français]

Le peuple haïtien voit en nous un partenaire et un allié solide qui ne l'a jamais abandonné. Les Nations Unies, quant à elles, voient en nous un membre actif du système multilatéral et un pays avec un profond respect pour le maintien de la paix. Aujourd'hui les deux témoignent de leur profonde confiance envers notre pays et ses citoyens.


79

Aujourd'hui, j'aimerais concentrer mes propos sur deux thèmes qui, je pense, motivent notre participation à cette mission: aider à renforcer la société civile en Haïti et y assurer la sécurité de l'individu.

Le 7 février dernier, notre nouveau collègue, le ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, M. Pierre Pettigrew, s'est rendu à Port-au-Prince pour représenter notre pays lors de l'assermentation du nouveau président haïtien, M. René Préval.

Il s'agissait du premier voyage du ministre, ce qui démontre l'importance du dossier haïtien pour le gouvernement. Le ministre a pu voir de première main les efforts de reconstruction en cours et a pu juger par lui-même de la grandeur de la tâche qui attend le Canada et les autres pays donateurs pour aider Haïti à assurer les besoins humains fondamentaux de sa population.

Le Canada a joué et continue à jouer un rôle important dans la marche du peuple haïtien vers la démocratie. Notre préoccupation immédiate est de maintenir un environnement stable et un climat de sécurité en Haïti. Pour ce faire, la mission des Nations Unies en Haïti doit continuer. Le Canada continuera à appuyer le développement de la règle de droit en Haïti et d'aider à renforcer la société civile dans ce pays.

À long terme, cela ne veut pas seulement dire aider Haïti à reconstruire ses tribunaux, cela veut aussi dire former ses juges et aider Haïti à réformer son système judiciaire en entier. L'Agence canadienne de développement international développe présentement un programme qui aidera Haïti à former non seulement ses juges, mais aussi des auxiliaires de la justice. Ce programme aidera aussi le gouvernement haïtien dans ses efforts de restructuration des tribunaux de première instance et aidera Haïti à développer ses propres capacités de formation. À l'heure actuelle, le programme fournit une assistance technique au ministère de la Justice d'Haïti.

En tant que Montréalaise, je suis fière d'apprendre que plus de 245 policiers de la Sécurité publique de la Communauté urbaine de Montréal se sont portés candidats pour effectuer des stages de trois à six mois en Haïti, pour se joindre à la quinzaine déjà sur place pour aider à assurer la formation de leurs nouveaux collègues haïtiens. Ce genre d'échange démontre la valeur et la force de la coopération internationale.

(2000)

Ce programme n'aidera pas seulement la nouvelle police haïtienne, il favorisera sans doute un rapprochement entre la SPCUM et les communautés culturelles de Montréal. Voilà la force de la coopération. Voilà un bel exemple de ce que la coopération internationale peut nous apporter en tant que Canadiens et Canadiennes.

Mais nous ne devons pas seulement aider Haïti à transformer son système judiciaire, nous devons aussi aider le peuple haïtien à apprendre leurs droits et leur apprendre comment les défendre. Le Programme de promotion des droits de la personne de l'ACDI permet à la population haïtienne, au niveau communautaire, d'apprendre, d'exercer et de protéger ces droits. Ce programme contribuera grandement à encourager un esprit du devoir civique et à responsabiliser la population haïtienne alors que l'absence d'un tel esprit civique encourage la violence et la peur en Haïti.

Nous aiderons Haïti à développer davantage cet esprit civique en l'aidant à revitaliser son mouvement coopératif. En revitalisant ce mouvement, nous aidons la population haïtienne à obtenir une plus grande compréhension de la force de la démocratie participante. Au Canada, nous avons une grande expérience du mouvement coopératif. Que ce soit au Québec avec les caisses populaires ou dans l'Ouest avec le syndicat du blé, nous savons que ce genre de mouvement apporte un nombre important de bénéfices pour la collectivité. Le mouvement coopératif crée et protège des emplois, il distribue la richesse, mais il sensibilise aussi ses membres à la démocratie et les implique dans le fonctionnement de la société. Voilà pourquoi l'ACDI a mis sur pied un programme de cinq ans qui fera la promotion du système coopératif comme moteur de croissance économique et source de sécurité sociale et économique pour ses membres.

La consolidation de la démocratie en Haïti ouvrira la voie à son développement social. Le peuple haïtien a fait des premiers pas courageux dans une marche qui sera longue et difficile. Les Haïtiens ont tracé une croix sur leur passé douloureux et violent et travaillent avec acharnement à construire une société pacifique où tous les Haïtiens partageront les fruits du développement et du progrès.

Ils peuvent être fiers de ce qu'ils ont accompli en si peu de temps. Nous sommes d'accord avec le président Préval lorsque celui-ci disait, dans son discours inaugural, qu'en bout de ligne, les Haïtiens eux-mêmes sont responsables de leur futur.

Même s'ils ont pris leur avenir en main, nous devons continuer à être à leurs côtés et à les aider. En effet, le fossé entre aspirations et réalisations ne peut pas s'accroître en Haïti. Plus les véritables changements se feront attendre, plus le potentiel de violence et d'instabilité s'accroîtra. Voilà pourquoi la quête et le maintien d'un environnement stable et pacifique en Haïti et la réduction de la pauvreté et la croissance économique sont les deux priorités du Canada en Haïti.

Le Canada est convaincu que le développement d'Haïti doit être durable. Pour qu'il soit porteur d'espoir, il doit absolument intégrer tous les défis environnementaux, sociaux, économiques et culturels qui confrontent Haïti. Cette approche holistique est la clé pour réduire la pauvreté en Haïti. Trop souvent, la pauvreté, conjuguée à l'inégalité, à l'injustice et aux abus systématiques, est source de violence. Nous devons briser ce cercle vicieux. Nous pouvons le briser en créant les conditions nécessaires à la croissance et à la création d'emplois.

Si nous contribuons à maintenir le présent climat de stabilité en Haïti, et si nous le consolidons davantage, les investisseurs nationaux et internationaux seront enclins à y investir. Dans l'intérim, le Canada a concentré ses efforts sur des petits projets d'infrastructure intenses en main-d'oeuvre à travers Haïti, tels que la reconstruction d'écoles et d'infirmeries, la réparation de routes et l'assainissement des canaux d'irrigation et de drainage.


80

(2005)

En plus de fournir une assistance technique sous diverses formes, le Canada a fourni, depuis 1994, plus de 300 000 outils aussi simples que des pelles et des pioches-qui manquaient pourtant-pour permettre à ces projets de se réaliser. Nous comprenons alors l'ampleur de la tâche qui attend Haïti.

En conclusion, le Canada est sensible à la confiance que lui porte le peuple haïtien. Je désire en mon nom et au nom de tous les Canadiens, je pense, les en remercier et les assurer que nous entendons nous montrer dignes de cette confiance. Nos ministres et nous travaillerons conjointement avec lui, dans le respect de sa spécificité, à satisfaire ses attentes en matière de paix et de développement.

[Traduction]

Je désire une fois de plus applaudir les efforts du gouvernement libéral et de nos ministres pour aider à restaurer la démocratie en Haïti. Il est important pour nous de continuer à faire tout ce que nous pouvons pour renforcer notre attachement envers nos frères et nos soeurs d'Haïti.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, j'interviens au nom des gens de ma circonscription, Okanagan-Similkameen-Merritt, pour parler de la motion dont la Chambre est saisie, dans le cadre de ce débat pour la forme que nous tenons ce soir sur les engagements internationaux actuels et futurs du Canada à l'égard du maintien de la paix en Haïti, en ce qui concerne notamment la disposition du Canada à prendre le commandement militaire de la mission des Nations Unies dans ce pays.

Pour moi et d'autres députés à la Chambre, ce débat n'est qu'un miroir aux alouettes. Même si nous aimerions qu'on consulte vraiment les députés de la Chambre des communes, nous sommes conscients du fait qu'il n'y aura pas de vote faisant suite à ce qui ressortira du débat de ce soir. Le Parti réformiste déplore l'attitude hypocrite du gouvernement libéral à l'égard des Canadiens, à cet égard.

Depuis plusieurs semaines maintenant, les médias affirment que le gouvernement a décidé d'envoyer des troupes en Haïti. Le Chef d'état-major de la Défense a dit au Cabinet que nous avions la capacité de participer à cette mission et des préparatifs militaires sont en cours depuis un certain temps déjà.

Le gouvernement libéral a même fait allusion à cette mission dans le discours du Trône d'hier. Malgré l'hypocrisie du gouvernement, le Parti réformiste appuie en principe la décision du Canada de prendre charge de la mission des Nations Unies en Haïti. Les Canadiens sont conscients de l'importance d'assurer la stabilité dans ce pays, le plus pauvre de notre hémisphère, et souscrivent au principe d'une réforme démocratique.

C'est une mission dangereuse et les Canadiens devraient en être pleinement conscients. Ce n'est pas une mission de maintien de la paix comme on l'entend normalement. Elle présente des dangers. Nous n'allons pas surveiller des armées qui se font face, mais plutôt jouer un rôle dans le maintien d'une certaine stabilité politique en Haïti. Les Canadiens savent que nos forces armées sont prêtes et capables de remplir cette mission avec succès, car nous pouvons compter sur des troupes bien traînées, prêtes au combat et professionnelles pour s'acquitter de ce travail.

Cependant, le Parti réformiste s'inquiète de la façon dont le gouvernement aborde la politique de défense du Canada. L'une des tâches les plus importantes de notre gouvernement consiste à favoriser l'existence de forces armées suffisamment préparées au combat pour appliquer la politique de défense de notre pays. Ce n'est pas simplement souhaitable, c'est plutôt une responsabilité qui incombe à n'importe quel bon gouvernement national. Le gouvernement n'assumerait pas ses responsabilités s'il échouait à cet égard.

(2010)

En 1994, le comité mixte spécial sur la politique de défense du Canada, après mûre réflexion, a indiqué que nous devions conserver au moins 66 700 militaires. Or, le ministre, dans son livre blanc, a annoncé son intention de réduire la taille des forces armées à 60 000 membres, soit presque 7 000 de moins que ne le suggérait l'étude de huit mois menée par ce comité mixte spécial.

L'insuffisance en effectifs ne s'arrête pas là. Dans le livre blanc, le ministre de la Défense nationale annonçait également l'intention du gouvernement de faire passer les membres de la réserve primaire de 29 000 à 23 000. Le ministre fait là preuve d'irresponsabilité tant sur le plan stratégique que financier. La milice a fourni plus de 20 p. 100 des effectifs de la mission de la FORPRONU dans l'ex-Yougoslavie. Elle ne coûte aux contribuables canadiens que 4 p. 100 de tout le budget des forces armées. Elle se révèle donc un moyen très rentable de se doter d'un plan national de défense.

Si le gouvernement libéral accepte la recommandation du rapport de la commission Dickson de 1995 sur la restructuration de la réserve, la moitié des unités de milice du Canada disparaîtront du paysage canadien.

Il y a à peine deux semaines, le gouvernement libéral a changé la politique du Canada en matière de défense qui était vieille de 50 ans en disant que notre pays n'avait que faire de forces terrestres au potentiel de combat. Le 13 février, le nouveau chef d'état-major de la défense a dit aux Canadiens que nos forces terrestres ne sont pas aptes à combattre dans une guerre sérieuse: «Si le gouvernement me demandait d'aller à un théâtre nucléaire avec l'équipement dont je dispose, je lui dirais que c'est impossible.»

Le ministre de la Défense nationale, contrairement à ce qu'il avait dit dans son propre livre blanc, a déclaré que les observations du général Boyle étaient assez justes et qu'elles étaient fidèles au livre blanc sur la défense paru en 1994. Le ministre des Affaires étrangères est allé encore plus loin pour contredire la politique de défense du gouvernement quand il a déclaré: «Un grand nombre d'acquisitions militaires ont été faites en vue de maintenir la paix.


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L'idée que nous puissions nous engager de nouveau dans un grand conflit comme la Seconde Guerre mondiale ne semble pas réaliste.»

À mon avis, ces déclarations, faites dans le cadre de reportages de dix secondes par les ministres de la Défense nationale et des Affaires étrangères, ont réduit à néant le travail du comité mixte spécial, ainsi que celui du ministre de la Défense nationale dans son livre blanc.

En 1956, à Gaza, le général canadien Burns avait déclaré: «On peut toujours réduire le jet d'un tuyau d'incendie pour arroser un jardin, mais on ne pourra jamais intensifier le jet d'un tuyau d'arrosage pour arriver éteindre un brasier.» Il disait aux Canadiens que les Forces canadiennes devaient être en mesure de relever divers défis dans ce monde dangereux et imprévisible que nous connaissons aujourd'hui. Les membres de nos forces armées doivent d'abord et avant tout être des professionnels prêts au combat, c'est seulement cela qui leur permettra d'être les meilleurs Casques bleus du monde.

Le ministre de la Défense nationale devrait songer à l'analogie donnée par le général Burns. S'il mçcoute ce soir, je lui recommanderais de stabiliser la taille des Forces canadiennes, de veiller à ce que les ressources soient affectées de manière à améliorer d'abord et avant tout le potentiel de combat, sujet auquel il a d'ailleurs consacré tout un chapitre dans son livre blanc.

Le ministre des Affaires étrangères devrait lui aussi étudier l'image dont parle le général Burns. Le ministre fait un geste admirable en demandant à nos forces armées de poursuivre les objectifs du gouvernement libéral en matière de politique étrangère. Toutefois, elles ne doivent pas seulement être entraînées en vue d'opérations de maintien de la paix. Nos soldats doivent rester les professionnels prêts au combat qu'ils sont aujourd'hui.

Le Parti réformiste appuie en principe l'idée de prendre le commandement de la mission des Nations Unies en Haïti. Les Canadiens ont confiance dans la compétence de leurs forces armées. Cependant, ils n'ont pas confiance en le gouvernement libéral. Ils demandent au gouvernement de cesser d'abdiquer ses responsabilités. Nous avons atteint le moment critique où, si nous imposons d'autres coupes à nos forces armées, nous les réduirons à une fanfare militaire impuissante.

(2015)

[Français]

M. John Godfrey (secrétaire parlementaire du ministre de la Coopération internationale, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec un grand plaisir que je me lève en Chambre aujourd'hui pour appuyer la résolution du gouvernement concernant la participation canadienne accrue dans la mission des Nations Unies en Haïti.

Avant d'aller plus loin, je tiens à souligner que cette motion s'inscrit dans la volonté du gouvernement de consulter les Canadiens et les Canadiennes et leurs parlementaires sur les grandes questions de politique étrangère.

Nous avons eu l'occasion de débattre en cette Chambre de la nouvelle politique étrangère du gouvernement et, à plusieurs reprises, de la question de la participation de nos troupes à la mission des Nations Unies en Bosnie, entre autres.

Comme l'a souligné plus tôt le ministre, ce débat est arrivé quelque peu à la dernière minute. Je sais que certains députés de cette Chambre auraient aimé avoir plus de temps pour préparer ce débat. Je tiens à assurer les députés de cette Chambre que le gouvernement s'efforcera, lors de prochains débats, de donner plus de préavis, lorsque ceci sera possible.

L'examen de la politique étrangère du gouvernement a aussi indiqué le désir des Canadiens et des Canadiennes de participer plus étroitement au processus d'élaboration de notre politique étrangère. Pour la première fois, le gouvernement a demandé aux Canadiens d'exprimer leur avis sur la participation canadienne à la mission des Nations Unies en Haïti à travers le réseau INTERNET. Je suis heureux d'apprendre que sur une centaine de réponses reçues, 75 étaient positives. Nous avons reçu des commentaires pertinents et des avis utiles.

Je suis heureux de constater que le débat d'aujourd'hui nous amène encore une fois à discuter de la participation canadienne à une mission des Nations Unies. Il s'agit là non seulement d'une occasion de réaffirmer le rôle unique que notre pays joue au sein du système onusien, mais aussi de passer en revue la contribution spéciale du Canada au cours de ces dernières années dans la marche du peuple haïtien vers la démocratie.

En 1990, Haïti prenait un premier grand pas sur la voie de la démocratie avec l'élection du président Jean-Bertrand Aristide. Le coup d'état de 1991 mené par l'armée haïtienne démontrait la fragilité de la voie vers la démocratie. La détermination de la communauté internationale, des Nations Unies, des amis d'Haïti et du président en exil ont démontré qu'elle était pourtant la seule voie pour le peuple haïtien.

Les Canadiens et les Canadiennes, ainsi que le gouvernement, n'ont jamais vacillé dans leur appui pour le peuple haïtien et son combat pour la démocratie et la liberté.

En plus d'avoir aidé à la tenue des élections présidentielles en 1990, nous avons travaillé pour permettre le retour de Jean-Bertrand Aristide. Nous étions là pour l'accueillir à son retour, nous avons aidé Haïti à tenir des élections législatives et présidentielles l'année dernière et nous étions là, il y a quelques semaines, pour assister à la première passation de pouvoir d'un président démocratiquement élu à un autre.

Notre nouveau collègue, le ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, M. Pierre Pettigrew, s'est d'ailleurs rendu en Haïti pour cet événement. Il s'agissait de son premier voyage officiel, signe de l'importance du dossier haïtien pour le gouvernement.

Et maintenant qu'un nouveau président a été élu, qu'Haïti est sur la voie de construire sa société civile, le Canada sera encore là, aux côtés du peuple haïtien.


82

Nous pouvons être fiers de ce que la communauté internationale et le Canada ont accompli en Haïti en si peu de temps, dès le retour du président Aristide. Nous avons travaillé rapidement pour identifier les besoins les plus pressants de la population haïtienne et pour coordonner les activités de chaque pays donateur afin de fournir une aide appropriée.

Le Canada a contribué à remettre sur pied l'approvisionnement électrique de Port-au-Prince, en réparant les centrales existantes, mais aussi en fournissant des génératrices d'appoint. Nous avons aidé la population haïtienne à bâtir des écoles et des infirmeries, en plus de fournir une aide alimentaire d'urgence.

(2020)

Le triste épisode du gouvernement de facto nous a illustré une dure réalité: la démocratie en Haïti est fragile. La démocratie demeure encore une menace pour certains intérêts qui se sentent menacés. Il faut donc travailler pour la consolider, il faut lui permettre de s'enraciner fermement dans la société haïtienne. Elle doit permettre à tous les groupes de la société haïtienne de s'exprimer et de participer.

Pour cela, nous devons continuer à favoriser l'établissement d'un climat de sécurité, nous devons continuer à reconstruire l'infrastructure juridique du pays, nous devons continuer à aider Haïti à entreprendre la transition économique nécessaire à son avenir et à sa stabilité.

Comme le gouvernement l'a mentionné hier dans son discours du Trône, l'avenir de nos sociétés passe par la sécurité de nos citoyens. Cela résume tout aussi bien l'action du Canada en Haïti et dans d'autres pays en voie de développement.

Nous devons donner au peuple haïtien le temps nécessaire pour que ces transformations se fassent. Plus les mois qui suivent seront stables, plus les institutions démocratiques auront le temps de se développer et de se consolider, plus l'économie s'assainira.

Les défis qui confrontent Haïti sont énormes. Pourtant, je suis convaincu qu'Haïti saura les relever. Pensons-y. Il y a deux ans, Haïti était en proie à la violence politique. Les Haïtiens craignaient de sortir dans la rue, et pour cause. On estime à 4 000 et 5 000 environ le nombre d'Haïtiens assassinés sous le régime Cédras.

Aujourd'hui, la violence politique a presque disparu. L'arbitraire aussi. Il y a un an, la création d'un corps de police professionnel en Haïti semblait impossible. Considérons le défi que s'est imposé le gouvernement haïtien voilà plus de 12 mois: abolir l'armée et former et déployer 5 000 policiers avec l'aide notamment du Canada, avant la fin du mandant de la MINUHA prévue pour demain. Et pourtant, il y a quelques jours, la dernière promotion de l'Académie de police d'Haïti a été déployée à travers le pays.

Au cours des prochains mois, les policiers canadiens continueront à aider la nouvelle police haïtienne à se familiariser avec les techniques et les méthodes de police communautaire sur le terrain en continuant à encadrer les nouvelles recrues.

Je sais que les Canadiens et les Canadiennes seront heureux d'apprendre que la Gendarmerie royale canadienne, qui est une source de fierté pour nous tous au pays, a accepté de jouer un rôle encore plus actif en Haïti. En effet, il reste encore beaucoup de travail à faire, notamment pour assurer la formation adéquate des cadres supérieurs de la police, de manière à ce qu'elle puisse faire face, avec professionnalisme et discipline, à toutes les situations.

L'exemple de la participation canadienne à la force de police multinationale en Haïti est un bel exemple de ce que les Canadiens et les Canadiennes de toutes les régions du Canada peuvent accomplir en travaillant ensemble. Plus de 100 policiers provenant de la GRC, mais aussi des diverses forces municipales à travers le pays, travaillent ensemble pour assurer la formation de leurs nouveaux collègues haïtiens.

J'ai été impressionné d'apprendre que plus de 245 policiers de la sécurité publique de la Communauté urbaine de Montréal se sont portés candidats pour effectuer des stages en Haïti. Cet enthousiasme me laisse croire que les membres de la SPCUM voient dans cet échange une occasion privilégiée de partager leur savoir avec leurs nouveaux collègues haïtiens, mais aussi d'apprendre de première main la dure réalité haïtienne, afin de mieux comprendre et interagir avec les communautés culturelles haïtiennes à Montréal.

(2025)

Voilà un bel exemple qui illustre parfaitement que la coopération internationale ne sert pas seulement à aider les autres. Elle doit nous permettre d'apprendre des autres aussi.

Il y a quelques mois, nous célébrions le cinquantième anniversaire de l'Organisation des Nations Unies. Je pense que ce que l'ONU est sur la voie d'accomplir en Haïti n'est rien moins qu'extraordinaire. Les Nations Unies n'ont jamais entrepris une mission aussi complexe. Il ne s'agit pas d'une mission de maintien de la paix traditionnelle, missions auxquelles les Canadiens se sont habitués depuis longtemps. Il s'agit de beaucoup plus: du maintien d'un environnement stable à la création d'une nouvelle force de police, de la réforme du système de justice haïtien à la tenue et l'observation de deux élections en moins d'un an, d'assurer les besoins humains fondamentaux à la création des bases d'une société civile et démocratique.

Mais soyons clairs: cette mission est loin d'être facile. Elle comporte des dangers. Le développement démocratique et social d'Haïti continuera bien après le départ des Nations Unies. La stabilité en Haïti ne peut pas être tenue pour acquise.

Cependant, les succès que nous avons obtenus en deux ans sont prometteurs pour l'avenir, non seulement d'Haïti, mais aussi pour celui des Nations Unies. Le Canada est enthousiaste à l'idée de jouer un rôle encore plus important au sein des Nations Unies en Haïti et d'aider ce pays à atteindre son plein potentiel.

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, lorsque l'on parle d'Haïti, je me rappelle toujours de ces centaines, ces milliers de religieux, de religieuses, de missionnaires, de jeunes coopérants qui sont allés à un moment donné de leur vie donner du temps là-bas pour essayer de rendre cette société un peu peu plus heureuse sur notre terre.

Cela me fait également penser à mon ex-collègue décédé, M. Gaston Péloquin, qui a été député du Bloc québécois, qui est allé en


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Haïti pendant deux ans et qui a adopté un enfant, un jeune Haïtien, qui vit aujourd'hui au Québec. Pascal doit avoir actuellement 18 ans. Cela me fait également penser à tous ces Haïtiens qui sont venus vivre au Québec et ailleurs, principalement à Montréal, et qui nous regardent peut-être ce soir à la télévision. J'en profite pour les saluer.

Le Bloc approuve et salue le gouvernement en ce qui a trait à ses engagements internationaux actuels et futurs à l'égard de la mission du maintien de la paix en Haïti.

Ainsi, parce que cela nous concerne, en continuité avec sa politique de maintien de la paix et de la solidarité envers le peuple d'Haïti, le Canada est maintenant appelé à assumer le commandement militaire de la mission onusienne en Haïti, et ce, à la demande expresse des Nations Unies.

D'une façon tout aussi importante, j'accueille avec satisfaction la décision du ministre des Affaires étrangères de consulter ses collègues parlementaires sur la participation du Canada à cette mission. Et nous croyons, nous du Bloc, que cela est très important.

Cette procédure de consultation du Parlement est tout à fait en accord avec les recommandations que le Bloc québécois a présentées dans son rapport dissident sur la politique étrangère du Canada en novembre 1994.

Dans ce rapport, à la page 4, sous le chapitre 1.2, le Bloc québécois insiste pour que le gouvernement, et je cite: «soumette ses décisions de participer à des missions de paix à un vote à la Chambre des communes, et ce, dans des délais rapides, lorsque le temps le permet.»

Je crois qu'il est important de souligner ce fait car cela démontre clairement que l'opposition officielle du Bloc québécois fait son travail de façon consciencieuse en s'inspirant de valeurs hautement démocratiques.

(2030)

Le ministre des Affaires étrangères nous le démontre aujourd'hui, les recommandations formulées par les députés du Bloc québécois s'avèrent souvent fort pratiques et très au fait de l'actualité.

Ainsi, je considère qu'actuellement, un des rôles primordiaux des forces canadiennes sur la scène internationale doit être de soutenir, par sa participation, les opérations de maintien de la paix. C'est là un atout incontestable du Canada et l'un de ses fleurons internationaux.

Le Canada doit tirer des leçons de ses opérations antérieures. Le cas d'Haïti nous rappelle toute la nécessité d'appuyer nos interventions sur une légitimité démocratique qui s'établit progressivement dans ce pays.

Comme mes collègues de ce côté-ci de la Chambre et moi-même l'avons déjà dit, le développement des institutions démocratiques dans les pays de l'Europe de l'Est, et plus près de nous, dans les Amériques, est une nécessité fondamentale au maintien de la paix sociale et au développement économique dans le monde.

À mon avis, la consolidation des institutions démocratiques et le respect des droits de la personne constituent les piliers nécessaires à la sécurité de l'environnement international qui s'ouvre à nous.

Il s'agit là d'une préoccupation majeure de politique étrangère que doivent partager les sociétés démocratiques stables telles que la nôtre.

Quand une présence comme celle de la mission onusienne en Haïti débouche sur une action commune, cette préoccupation porte des fruits.

La fin d'une dictature et le rétablissement de la démocratie en Haïti ont été, pour une large part, le résultat de la ténacité de la communauté internationale qui a fait passer son idéal démocratique avant toute chose.

Nous, députés de cette Chambre, devons prendre bonne note de cet état de fait et surtout nous assurer que le Canada lui donne une place prépondérante dans sa politique étrangère et notamment dans sa propre politique domestique. Ce qu'on va appliquer ailleurs, on devrait pouvoir l'appliquer dans notre pays.

À ma connaissance, le Cabinet du présent gouvernement aurait déjà donné son accord de principe pour le déploiement de 750 Casques bleus canadiens de Valcartier, soit 250 soldats additionnels, prolongeant ainsi de six autres mois la participation du Canada à la mission des Nations Unies en Haïti.

Conséquemment, le Canada remplacera les États-Unis au commandement de la présente mission.

À mon avis, la présence des troupes de l'ONU sous la direction du Canada pendant un laps de temps déterminé pourra, sans l'ombre d'un doute, être d'un grand secours à ce pays autrefois appelé la perle des Antilles.

Ces nouvelles responsabilités assumées par le Canada pourraient de plus lui permettre de rétablir sa crédibilité à la suite des déboires qu'il a connus en Somalie. Mais il y a une mise en garde: il ne faudrait pas que ce qui s'est passé en Somalie se reproduise. Ce serait inacceptable et honteux pour tous ceux qui ont confiance en ces missions et qui envoient des personnes là-bas.

Notre participation est une valeur ajoutée à la reconstruction des institutions démocratiques et économiques de ce pays.

Notre appui au nouveau président élu d'Haïti, M. René Préval, et à son tout nouveau premier ministre, M. Rony Smarth, s'inscrit dans la continuité du processus démocratique enclenché par nul autre que M. Jean-Bertrand Aristide.

Dans sa quête pour la démocratie, M. Aristide a su redonner au peuple haïtien sa dignité et la souveraineté de ses institutions qui sont le gage d'une paix durable.

De l'avis du Bloc québécois, le mandat des troupes canadiennes devrait principalement consister à coordonner l'ensemble des efforts de reconstruction et appuyer le processus de développement démocratique en cours afin qu'il soit viable à la fin du présent mandat.

(2035)

Puisque cette mission de transition sera de taille réduite, celle-ci devrait se concentrer sur l'encadrement de la nouvelle police haï-


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tienne, ainsi que sur l'appui aux institutions civiles. Les aspects militaires du mandat devraient être réduits de manière substantielle.

S'il veut que l'opposition officielle appuie sa décision, le gouvernement doit donc faire la preuve que la mission qu'il s'apprête à commander sera, à priori, rigoureusement planifiée, que les objectifs fixés seront réalistes et clairement identifiés, et finalement que les moyens pour les atteindre seront adéquats.

En terminant, je voudrais redire à cette Chambre que lorsque le Canada et le Québec, parce qu'on fait encore partie du Canada, ça on le sait, lorsque nous envoyons des troupes canadiennes, des Casques bleus, des gens qui sont là pour maintenir la paix, je pense qu'il est important, et tout le monde dans cette Chambre comprendra, que ces gens-là doivent être dignes, doivent être bien préparés, doivent être au-dessus de tout. Je pense qu'ils nous représentent, et tant et aussi longtemps qu'ils le font bien, nous sommes fiers d'eux; s'ils manquent à leur règle, ce sont nous tous qui en écoperont.

Ce que je veux dire en terminant, c'est que nos jeunes gens, nos jeunes militaires qui sont là-bas, nos jeunes policiers qui sont là-bas, qui aident ce pays-là qui est en train de redécouvrir ce que c'est que la démocratie, c'est très bien, nous les encourageons, nous les appuyons et nous appuyons le gouvernement dans sa motion.

[Traduction]

L'hon. Christine Stewart (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureuse d'avoir l'occasion de participer au débat de ce soir. Le gouvernement a invité le Parlement à discuter de la question de savoir si le Canada devrait, oui ou non, participer à la poursuite de la mission des Nations Unies à Haïti.

Le gouvernement demande au Parlement d'approuver la participation du Canada à la poursuite de la mission de l'ONU à Haïti, où il est appelé à jouer un rôle de premier plan. Haïti a demandé à l'ONU d'y prolonger sa mission. Le secrétaire général des Nations Unies a demandé lui aussi que la mission y soit prolongée. Il a même invité le Canada à prendre la direction de la poursuite de la mission. Je le répète, je suis très heureuse que le gouvernement propose que le Canada participe à cette mission, et nous attendons que le Conseil de sécurité termine ce soir même ses délibérations sur la résolution dont il est saisi.

Je prends un certain intérêt personnel au débat de ce soir, car avant de m'engager dans la vie politique, j'ai participé à certains des programmes de développement que le Canada a soutenus à Haïti. Je suis certes très consciente de l'oppression et de la pauvreté chroniques dont tant de milliers et de milliers de gens souffrent depuis beaucoup trop longtemps dans ce pays.

Maintenant que nous observons quelques progrès à la suite de la participation de l'ONU au processus de développement de la démocratie à Haïti, il serait dommage que le Canada se retire de cette mission en ce moment.

Comme nous le savons tous, le Canada participe depuis longtemps aux missions de maintien de la paix des Nations Unies. Nous sommes le seul pays du monde a avoir participé à toutes les missions de maintien de la paix partout dans le monde. Nous le faisons également pour respecter notre nouvelle politique en matière d'affaires étrangères, selon laquelle deux de nos objectifs consistent à protéger notre sécurité ici au Canada et la sécurité dans le monde de même qu'à diffuser nos valeurs.

Compte tenu de ces deux objectifs fondamentaux, il semble extrêmement logique de considérer Haïti comme un endroit où il est très important que le Canada joue un rôle permanent pour atteindre ces deux objectifs et faire notre part. Étant donné notre attachement à Haïti, nous faisons à ce pays une place spéciale, maintenant que nous faisons partie de l'OEA et que nous sommes des membres à part entière des organisations régionales de notre hémisphère. C'est ce dont témoigne le fait que notre ministre de la Coopération internationale, Pierre Pettigrew, se soit rendu, immédiatement après avoir accédé au Cabinet, à l'installation du président Préval.

(2040)

Il est également logique que nous participions à cette mission, puisque le Canada a derrière lui une longue tradition de soutien aux initiatives multilatérales dans le monde. Nous ne croyons pas, surtout dans le monde en rapide mutation qui est le nôtre, qu'un pays pris individuellement, le Canada ou un autre, puisse atteindre seul des objectifs importants. C'est pourquoi nous privilégions l'approche multilatérale.

[Français]

Haïti illustre le fait que le système multilatéral fonctionne, que nous pouvons tirer les leçons de nos succès et de nos erreurs passées, que les Nations Unies peuvent être efficaces et créatrices. La mission des Nations Unies en Haïti a accompli de l'excellent travail et la sécurité des personnes en Haïti s'est améliorée considérablement au cours des derniers mois. Des élections se sont déroulées dans le calme et la démocratie commence à prendre racine.

Une nouvelle société civile pluraliste est en train d'émerger, de plus en plus fondée sur les lois et sur le respect des droits de la personne, et ce, grâce au courage du peuple haïtien et à l'aide d'amis comme le Canada et les Nations Unies.

Le cas d'Haïti permet de démontrer au monde entier-et particulièrement aux États-Unis, qui ont participé de manière constructive aux efforts multilatéraux dans ce pays-que le multilatéralisme fonctionne si les pays s'engagent à en faire un succès. Le Canada veut que ce succès se poursuive.

Pour le Canada, l'importance d'Haïti découle de plusieurs autres facteurs. En travaillant avec la population haïtienne pour rendre le développement démocratique durable et solide, nous prouvons par l'exemple l'importance qu'attache le Canada à un rôle plus large en Amérique latine et dans les Antilles. Cette région, qui connaît des progrès remarquables du point de vue de l'économie et de la démocratie, et dont les émigrants constituent une part de plus en plus large du tissu social canadien, nous offre de nouveaux débouchés pour la poursuite des objectifs canadiens.


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Notre assistance à Haïti démontre également notre engagement en faveur du partenariat entre pays francophones. En particulier, le Canada et la France, deux des principaux pays francophones, travaillent ensemble en Haïti pour assurer l'établissement d'une société civile démocratique et pacifique, une société qui pourra continuer à se développer une fois que l'opération de maintien de la paix aura pris fin.

[Traduction]

Le Canada ne s'engagerait pas dans cette mission de maintien de la paix et il ne proposerait pas d'en élargir la portée si le gouvernement n'était pas d'avis que c'est important et s'il ne croyait pas que nos soldats sont compétents, bien équipés et en sécurité. Nous ne pouvons pas toujours garantir la sécurité de nos troupes, mais le gouvernement peut garantir qu'il fait de son mieux pour prendre toutes les précautions. Comme les autres députés, j'appuie de tout coeur le travail de nos troupes et j'admire leur courage.

Je pourrais expliquer longuement que le Canada a pris part non seulement à la formation des policiers à Haïti, mais aussi à la mission de paix, au rétablissement de l'électricité et autres services, à la remise en état des immeubles des tribunaux inférieurs pour que la règle du droit se rétablisse, à la satisfaction de besoins humains élémentaires.

Le ministre des Affaires étrangères a signalé que, puisque le Parlement ne siégeait pas lorsque la question a mobilisé l'opinion, nous avions donné aux Canadiens la possibilité de nous faire connaître par Internet leur opinion sur notre participation à la mission à Haïti.

(2045)

J'ai pensé qu'au lieu d'expliciter notre opinion sur le rôle du Canada, il serait intéressant de faire part de certaines observations d'une ONG canadienne, une organisation non gouvernementale que le gouvernement aide dans l'exécution de son important travail.

Voici ce que CARE Canada nous a fait parvenir par le biais de l'Internet:

CARE Canada appuie la proposition préconisant que les forces canadiennes de maintien de la paix poursuivent et élargissent leur rôle dans le cadre de la mission des Nations Unies en Haïti.
Le Canada devrait accepter ce rôle de premier plan, mettre en pratique les connaissances qu'il a acquises lors des nombreuses missions internationales de maintien de la paix auxquelles il a participé et mettre à contribution son expérience récente à Haïti. À titre de proche voisin qui entretient des liens étroits avec les pays des Caraïbes, le Canada a un rôle indiscutable à jouer dans la sécurité et le développement pacifique d'Haïti.
L'établissement d'institutions démocratiques est essentiel pour le bien-être et la croissance d'un pays. De telles activités étayent les efforts déployés par des organismes d'aide comme CARE, qui s'emploient avec les Haïtiens à améliorer l'indépendance économique et les services sociaux de leur pays, et elles y font écho.
Avec une aide évaluée à 3 millions de dollars CAN de l'Agence canadienne de développement international, CARE s'occupe de la monétisation des denrées alimentaires canadiennes qui seront vendues à des commerçants privés en Haïti. Les recettes provenant de la vente des aliments seront utilisées pour un programme de développement intégré dans le Département du Sud. Le programme comprendra des activités visant les soins de santé primaires, l'eau, l'hygiène, l'agriculture et les ressources naturelles.
Les projets de développement ne sauraient, à eux seuls, assurer un environnement social sûr. Dans des pays comme Haïti, qui émerge de nombreuses années de troubles et de conflits, les efforts de tous les partenaires de bonne volonté sont nécessaires pour permettre l'établissement d'un environnement pacifique et sûr.
Le Canada doit continuer de jouer un rôle de premier plan. CARE Canada espère que le gouvernement du Canada acceptera l'invitation de l'ONU à diriger la prochaine étape de sa mission très fructueuse.
Dans le cadre de ce débat, mon collègue d'en face a posé une question sur le rôle de l'OEA. J'ai eu la chance, la semaine dernière, de parler avec le secrétaire général de l'OEA à Washington. Nous avons discuté, d'une manière générale, des questions de sécurité dans l'hémisphère. Je le répète, le Canada privilégie l'approche multilatérale. Nous avons encouragé le secrétaire général de l'OEA dans ses efforts au chapitre de la sécurité. En fait, il m'a dit qu'il venait de rentrer de New York, où il avait rencontré des membres du Conseil de sécurité de l'ONU pour leur parler de la situation en Haïti, car il croit, comme nous du reste, que l'OEA a un rôle important à jouer dans le suivi d'une mission de paix qui, nous l'espérons, sera un jour menée à bien.

[Français]

Finalement, nous espérons pouvoir démontrer que notre pays, le Canada, peut faire une différence dans le monde et que ce n'est pas seulement le gouvernement, mais tous les Canadiens qui peuvent faire de cela une réalité. Le débat de ce soir, notre utilisation du réseau INTERNET pour obtenir les commentaires des Canadiens sur cette question et les autres consultations que nous entreprenons démontrent que le gouvernement est décidé à impliquer les Canadiens dans les décisions les plus importantes du domaine de la politique étrangère. En Haïti, le personnel canadien, les troupes de maintien de la paix, les organisations non gouvernementales et les Canadiens ordinaires mettent ce principe à l'oeuvre par leur travail acharné et leur dévouement.

Grâce à la direction fournie par notre gouvernement, je suis convaincue que notre engagement en Haïti démontrera que les Canadiens demeurent capables d'accomplir de grandes choses sur le plan international lorsqu'ils travaillent ensemble.

[Traduction]

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, pour quelqu'un comme moi, qui attache de l'importance au sens des mots, quand je vois toutes ces banquettes vides, je me demande bien pourquoi on appelle débat ce que nous sommes en train de faire ce soir.

(2050)

J'appellerais cela plutôt une série de monologues, de commentaires sur des décisions prises précédemment par le gouvernement. En ce moment-même, il se tient sans doute, dans plusieurs bars d'Ottawa, des discussions semblables qui pourraient être aussi productives et avoir autant d'effet sur les décisions que le gouvernement finira par prendre.

Haïti est le deuxième pays de l'hémisphère, après les États-Unis, à avoir obtenu son indépendance. Malheureusement, à partir de ce


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moment-là, rien ne semble avoir fonctionné. Ce fut son dernier succès. Son histoire a été ensuite inlassablement marquée par les carnages, la brutalité, la pauvreté et la misère pendant presque deux siècles. La seule période prolongée de paix et de stabilité qu'ait connue Haïti a été durant l'occupation par les soldats américains dans les années 20 et 30.

Même quand j'ai travaillé en Haïti, il y a une quinzaine d'années à peine, l'infrastructure datait presque complètement de l'occupation américaine et le peu qui en restait avait été construit très récemment grâce à l'aide étrangère.

C'est triste à dire, mais telle est l'importance des problèmes auxquels sont confrontés le Canada et d'autres pays en essayant de faire entrer Haïti, à son corps défendant peut-être, dans le XXe siècle et d'en faire un État démocratique.

En tant que Canadiens, nous avons tout intérêt au maintien de la stabilité politique et économique dans les Antilles. Nous avons intérêt à créer un État démocratique en Haïti, et ce, pour deux très importantes raisons: la première, c'est que nous avons des liens en matière de commerce et d'investissement avec cette région, non pas tant avec Haïti comme tel, mais surtout avec ses voisins et plus particulièrement avec la République dominicaine, qui partage l'île d'Hispaniola avec Haïti. Si la situation en Haïti explose, cela se répercutera directement sur notre bien-être dans ce pays.

Deuxièmement, comme pratiquement tous les pays de l'hémisphère, nous nous intéressons à la question des réfugiés. Si encore une fois Haïti ne s'en sort pas, tout sera bouleversé dans ce pays. Beaucoup de Haïtiens essaieront encore une fois de quitter le pays sur des embarcations de fortune qui les conduiront tant bien que mal sur une côte ou une autre et des milliers, voire des dizaines de milliers de réfugiés haïtiens deviendront un fardeau pour les pays où ils se retrouveront.

N'est-il pas préférable d'envoyer une aide et quelques personnes à Haïti pour essayer d'y régulariser la situation plutôt que de risquer de se retrouver devant une autre catastrophe comme celle d'il y a environ quatre ans? J'appuie l'intervention canadienne. Je suis favorable à l'envoi de troupes canadiennes supplémentaires à Haïti pour remplacer les Américains, qui ont décidé qu'il était temps pour eux de partir.

Aller dans ce pays malheureux pour sauver des vies et apporter une aide humanitaire est dans l'intérêt du Canada, mais, en plus, cela revêt une dimension morale impérieuse.

Enfin, contrairement à la situation qui existait en Bosnie, c'est là une mission que nos troupes peuvent remplir en dépit du piètre matériel dont elles disposent. Il n'y a pas à Haïti d'armes lourdes contre lesquelles se défendre ni d'opposition bien organisée. Même si la mission comporte des risques associés à toute opération militaire, ces risques ne sont pas bien grands, à moins que nous n'ayons pas de règles d'engagement adéquates. Si ces règles conviennent à la situation et sont clairement définies, et si nos troupes ne sont pas indûment empêchées de se défendre, alors, nous devons y aller. Si elles ne peuvent pas se défendre, elles ne devraient pas y aller. Nous n'envoyons pas des troupes outre-mer pour servir de chair à canon. Telle est ma préoccupation première. Ma seule réserve relativement à ce projet, je le répète, c'est que nos militaires doivent pouvoir se défendre.

(2055)

Je donne donc mon appui aux ministres, qu'ils décident d'envoyer 500 ou 750 militaires. Je sais que la décision a déjà été prise, mais nous lui donnerons notre bénédiction.

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, je remercie le ministre et le gouvernement de me donner la possibilité de prendre part à ce débat.

Tout d'abord, j'adresse mes félicitations au nouveau ministre des Affaires étrangères, le député de Winnipeg-Sud-Centre. J'ai eu l'occasion de travailler avec lui lorsque, lors d'une précédente législature, il était porte-parole de l'opposition officielle pour les affaires étrangères et j'étais ce que je suis encore maintenant, porte-parole du NPD pour les affaires étrangères.

Nous avons participé ensemble aux travaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et également aux travaux d'un petit comité appelé le comité spécial sur le processus de paix en Amérique centrale, qui a été créé à l'époque du processus de paix, en 1988.

Ce comité spécial avait recommandé que le Canada participe à l'entraînement et à la création d'une force policière neutre dans les pays où la police ne fait pas toujours preuve de cette neutralité politique à laquelle nous nous attendons de sa part.

Dans la foulée de la conclusion à laquelle nous sommes arrivés à propos de l'Amérique centrale, j'ajouterai que je comprends les arguments avancés ce soir par le ministre à l'appui de la nécessité de consolider et d'accroître les progrès déjà accomplis en Haïti, en ce qui concerne l'entraînement de la police en vue d'instaurer une plus grande stabilité dans ce pays.

La démocratie en Haïti est une fait très nouveau même si, comme le député vient de le mentionner, le pays est indépendant depuis près de 200 ans. Cette nouvelle démocratie qui a été établie avec l'élection de l'ancien président Aristide n'a pas duré très longtemps. L'une des raisons qui ont empêché qu'elle soit maintenue plus longtemps, c'est l'asence d'une culture politique, d'une infrastructure civile et de toutes ces choses qui sont nécessaires pour soutenir une démocratie. Il a fallu peu de temps à l'armée, qui avait l'habitude de diriger le pays, pour décider que l'expérience ne lui plaisait pas. Donc, le nouveau président a dû s'exiler.

Je suis sûr que le président Aristide est resté en exil beaucoup plus longtemps qu'il ne le fallait. Les Américains n'étaient pas pressés de le ramener au pouvoir en Haïti à cause de ses penchants idéologiques. Ils ont donc pris tout leur temps, sachant que la constitution d'Haïti lui interdisait de solliciter un nouveau mandat. Ainsi, plus ils allaient prendre de temps, moins il allait en rester au


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président Aristide pour remplir son mandat, après son retour en Haïti.

J'ai vraiment l'impression que ce n'est qu'en dernière analyse que les Américains se sont sentis obligés de faire quelque chose dans ce pays. Il y a donc eu de nouvelles élections à Haïti et on a élu un successeur au président Aristide, un homme qui, je crois, a été premier ministre sous le président Aristide.

(2100)

D'une certaine façon, le peuple haïtien, qui avait exprimé sa volonté lors des premières élections, mais sans résultat à cause du coup d'État militaire d'abord, puis parce qu'on avait tardé à faire quelque chose pour faire revenir le président Aristide, a pu exprimer sa volonté de nouveau. Nous espérons que, cette fois, on ne se contentera pas de donner au peuple haïtien la chance d'exprimer sa volonté en votant, mais qu'on donnera aussi au gouvernement élu la chance de mettre en oeuvre des politiques qui correspondent à ce que les gens voulaient avoir lorsqu'ils ont voté aux dernières élections présidentielles.

Nous appuyons donc en principe la décision apparente du gouvernement de répondre à l'appel des Nations Unies et d'assumer le commandement de l'opération de l'ONU à Haïti. Comme d'autres qui ont pris la parole ici ce soir, nous aurions aimé avoir plus de détails. Nous aurions aimé avoir une estimation des coûts. Nous aurions aimé connaître les règles d'engagement. Nous aurions aimé savoir exactement combien de soldats seront envoyés là-bas en plus des gens qui y sont déjà. Nous aurions aimé avoir toutes les informations de ce genre.

Nous comprenons qu'il est peut-être difficile pour le gouvernement de pouvoir fournir ces renseignements maintenant, même si on peut se le demander. Nous comprenons que cette question fait l'objet de discussions aux Nations Unies et que le gouvernement ne veut peut-être pas anticiper le résultat du débat aux Nations Unies ou du moins qu'il ne veut pas l'anticiper jusqu'à ce que soit nécessaire; en fait, c'est ce que nous faisons ce soir.

Le choix du moment posait un certain problème au gouvernement, et c'est pourquoi nous avons accepté de collaborer avec le ministre et de permettre la tenue de ce débat ce soir. Même si le député de Swift Current-Maple Creek-Assiniboia pense qu'on est peut-être en train d'avoir des discussions plus productives dans les bars quelque part à Ottawa, il n'en reste pas moins qu'on établit une bonne tradition en donnant au Parlement la chance de s'exprimer chaque fois que des troupes canadiennes sont déployées.

Nous discutons de la question même s'il n'y a pas de vraie proposition ou de vrais détails à débattre. Il n'y a pas de motion sur laquelle nous devons voter. Néanmoins, c'est une démarche utile que nous pourrions peut-être améliorer. Nous pourrions avoir plus de détails et tenir ce genre de débat à un moment plus opportun au lieu de le faire de façon quasi symbolique au titre de la responsabilité envers le Parlement. Nous devrions avoir quelque chose de plus concret devant nous.

Nous appuyons cette décision en principe, comme je l'ai dit, mais nous nous réservons le droit de critiquer le gouvernement à l'avenir si nous nous apercevons que cette décision est mise en pratique d'une façon que nous jugeons inacceptable.

Le ministre a dit qu'il songeait à demander au comité de surveiller la conduite de cette mission et peut-être d'autres opérations. Je me réjouis de cette initiative du ministre. J'ignore ce qu'il entend demander au comité, mais l'idée d'un mécanisme parlementaire de surveillance de l'opération a du bon.

J'ai le regret de dire que dans la mesure où c'est une bonne idée, étant donné que les néo-démocrates ne peuvent pas être des membres à part entière des comités, il se pourrait que nous ne puissions pas participer à ce processus autant que nous l'aurions souhaité. Il se peut même que nous soyons tenus à l'écart. C'est dommage. Certains d'entre ont acquis beaucoup d'expérience dans le domaine des affaires étrangères à la Chambre, notamment au sein du comité, ainsi que de comités spéciaux chargés d'examiner certains dossiers. Or, nous sommes tenus à l'écart de ce processus. Je le déplore.

(2105)

Comme nous avons affecté ces Canadiens à cette mission de maintien de la paix en Haïti pour une période de six mois, semble-t-il-encore que la durée du mandat ne soit pas coulée dans le béton vu que c'est le genre de situation qui a tendance à développer ou à se prolonger-, il y a lieu de nous pencher sérieusement sur ce qui se passe à Haïti et ailleurs, quand on atteint les limites de la démocratie électorale. Il ne suffit pas d'assurer la tenue d'élections.

Le gouvernement l'a reconnu dans une certaine mesure en disant qu'il fallait une force de police qui n'obéisse pas à des impératifs purement politiques. Il arrive trop souvent dans ces régions du globe que les forces de police et l'armée ne soient que les exécutants du programme politique du gouvernement au pouvoir. Le gouvernement a reconnu dans une certaine mesure que la simple tenue d'élections ne suffit pas.

J'espère également que le gouvernement déploiera des efforts non seulement en ce qui concerne Haïti, mais également en ce qui a trait à un certain nombre d'autres pays dans cette région du monde, notamment en Amérique centrale. Il s'agira pour le Canada de voir ce qu'il peut faire pour exercer des pressions sur les gouvernements qui sont élus légitimement ou démocratiquement, mais qui continuent de permettre, d'encourager, de tolérer, etc., selon les pays, des violations de droits de la personne malgré la tenue d'élections et l'arrivée au pouvoir de présidents de façon démocratique.

Je pense au Guatemala. Il se passe rarement un jour à mon bureau sans que je ne reçoive une lettre d'un Canadien qui se préoccupe du sort des réfugiés guatémaltèques qui retournent au Guatemala. On s'inquiète beaucoup de certains événements qui se sont produits récemment au Salvador et au Nicaragua. Ce sont tous des pays qui se sont dotés d'un régime démocratique dans les années 1980.


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Je souhaite que le ministre tourne son attention vers ce que le gouvernement canadien pourrait faire à cet égard également. Entre-temps, ce que nous nous engageons à faire en Haïti ce soir me semble être une chose qui, nous pouvons tous l'espérer, sera très utile aux Haïtiens et assurera la démocratie dans la région.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, j'ai suivi avec beaucoup d'attention ce débat qui me tient à coeur, puisque je suis un député originaire de l'Amérique latine et que Haïti est très proche de l'Amérique latine. C'est un pays qui a eu beaucoup de difficultés. Tous les pays latino-américains ont traversé des années difficiles et c'est le cas surtout d'Haïti, qui a lutté pendant des années pour se débarrasser d'un régime dictatorial, le régime Duvalier.

Deuxièmement, je viens du comté de Bourassa, comprenant Montréal-Nord qui regroupe le plus grand nombre d'Haïtiens par comté au Canada. C'est une communauté très dynamique. Elle est très bien organisée et elle fait une contribution formidable à la ville de Montréal-Nord, au Québec et au Canada, malgré quelques problèmes que nous avons pu constater, surtout en ce qui touche l'immigration. C'est difficile aujourd'hui pour les Haïtiens qui vivent dans mon comté ou à Montréal, au Québec, d'amener leur famille. Beaucoup de problèmes se posent à l'ambassade du Canada en Haïti, qui exige toutes sortes d'examens médicaux pour prouver le lien de parenté. Ces tests sanguins coûtent très cher. Il y a beaucoup de choses à améliorer sur le plan de l'immigration des Haïtiens ici.

(2110)

Ces Haïtiens, dans mon comté et en général au Québec, sont très liés à leur pays d'origine. Ils le visitent souvent lorsqu'ils en ont les moyens. Ils vivent les événements en Haïti comme lorsqu'ils étaient là. Lorsque le président Jean-Bertrand Aristide a été élu président d'Haïti, je me souviens qu'à Montréal-Nord et à Montréal, c'était la grande joie parce qu'il avait été élu par une vaste majorité de la population et il avait aussi l'appui de la diaspora haïtienne au Québec et au Canada.

Comme vous le savez, les militaires n'étaient pas satisfaits de ce président très démocratique qui se souciait des pauvres qui sont les plus nombreux. Haïti est le pays le plus pauvre d'Amérique latine, des Caraïbes. Il y a eu un coup militaire et le président Aristide a dû s'exiler. Il est venu à Montréal et j'ai eu l'occasion de le rencontrer. Il est venu ici à Ottawa également.

Heureusement pour l'Organisation des États américains, je pense qu'ils ont fait un bon travail et ils ont beaucoup aidé à la restauration de la démocratie en Haïti. Et c'est le cas également des Nations Unies, du Canada, il faut le reconnaître, des États-Unis, mais aussi des pays de l'Amérique latine. Il y a eu beaucoup de pays de l'Amérique latine qui ont contribué à la restauration de la démocratie en Haïti. Je ne mentionne aujourd'hui que l'Argentine et le Chili. Le Chili, malgré les problèmes économiques, a établi un programme spécial d'aide au peuple haïtien.

Je mentionne également ici les efforts formidables faits par le Québec envers le peuple haïtien. On a nommé une personne pour s'occuper de l'aide du Québec au peuple haïtien, parce qu'il y a beaucoup de liens entre le Québec et Haïti, pas seulement parce que ce sont deux peuples francophones, mais aussi parce qu'au Québec, il y a une solidarité internationale et une générosité à toute épreuve envers les peuples les plus démunis de la terre.

J'étais aussi très content lorsque le président Aristide a pris la décision de dissoudre l'armée haïtienne, une armée qui était dictatoriale, qui ne respectait pas le régime établi, qui ne respectait pas la Constitution. Nous aussi, au Québec, en particulier moi-même, avons fait des efforts pour qu'il n'y ait plus d'armée en Haïti. Ce n'était pas nécessaire et on a suivi l'exemple de deux autres pays qui ne possèdent pas d'armée et qui sont des peuples démocratiques, comme, par exemple, le Costa Rica. Ce pays, durant des dizaines et des dizaines d'années n'a pas eu d'armée et c'est probablement le pays le plus démocratique d'Amérique latine. C'est le cas également de Panama depuis un certain nombre d'années. J'espère que c'est une voie que d'autres pays du tiers monde vont suivre, soit de mettre fin à l'armée, ce n'est plus justifié dans les circonstances actuelles.

Je ne peux qu'appuyer la motion du gouvernement. Je suis d'accord pour l'extension du mandat des Nations Unies pour qu'elles soient présentes en Haïti pour six mois. Certaines préoccupations ont été exposées par mes collègues du Bloc québécois, à savoir qu'il faudrait bien déterminer le mandat des forces canadiennes en Haïti et la durée. Enfin, il faudrait également voir très clairement les coûts de cette mission.

(2115)

C'est un devoir, je pense, du Canada et du Québec d'aider à la construction d'une société démocratique en Haïti, d'une société respectueuse des droits de la personne, d'une société où tous les gens, y compris les plus démunis de la société, ont des chances et des conditions de vie décentes.

Pour toutes ces raisons, je suis d'accord avec cette motion et pour l'extension du mandat des Forces des Nations Unies en Haïti, au moins pour six mois.

[Traduction]

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans ce débat très important sur le rôle du Canada auprès des Nations Unies en Haïti, qui possède une histoire tumultueuse.

Le Canada a un intérêt national considérable dans les Caraïbes. C'est pourquoi il est essentiel que notre pays s'associe aux efforts des Nations Unies pour aider à établir une démocratie permanente en Haïti. Il est dans l'intérêt national du Canada que nos forces armées accomplissent cette tâche dans la région, parce que nous entretenons d'excellentes relations avec tous les pays des Caraïbes et de l'Amérique du Sud.


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Je citerai un exemple du respect que soulève le Canada dans les pays des Caraïbes. Il y a quelques années, Lincoln Alexander, ancien député de la Chambre des communes et ancien lieutenant-gouverneur de l'Ontario, et moi-même sommes allés à une réunion dans les Caraïbes à titre d'observateurs.

Il y avait environ 64 délégués des Caraïbes à cette réunion. Au début, un des premiers ministres qui présidait la réunion a déclaré que les Canadiens étaient bienvenus et que, même s'ils agissaient à titre d'observateurs, ils étaient invités à participer aux discussions s'ils le désiraient.

Un premier ministre a continué en disant que le Canada était leur principal ami. La Grande-Bretagne venait au deuxième rang, mais il n'a même pas énuméré les autres.

Il est très important pour le Canada de surveiller ses intérêts dans les Caraïbes. Comme nous le savons, le Canada est synonyme d'excellence en matière de maintien de la paix. Nos casques bleus servent partout dans le monde depuis 50 ans, et leur expérience et leur compétence demeurent inégalées.

Les Forces canadiennes sont toujours prêtes au combat. Elles sont prêtes à maintenir la paix. Elles font également office de diplomates quand elles vont à l'étranger, car elles y accomplissent du bon travail sur une base bénévole. Elles sont bien entraînées. Elles s'entendent bien avec les gens partout où elles sont. Elles leur donnent un coup de main.

En débattant de cette question, il faut nous rappeler que pour chaque casque bleu allant à l'étranger, il reste une famille au pays. Je tiens à rendre hommage ce soir aux familles qui restent au pays et à rappeler les défis auxquels elles font face quand un conjoint, un père ou une mère, va à l'étranger dans le cadre d'une force de maintien de la paix. Rappelons-nous d'eux également en ce débat.

Ce n'est une surprise pour personne d'entre nous que la communauté internationale compte sur le Canada pour assumer un rôle important dans la mission en cours à Haïti. Nos casques bleus ont déjà démontré qu'ils sont bien adaptés pour cette mission. Ils ont maintenant une occasion de faire davantage pour aider Haïti et ses habitants à vivre une période difficile de transition.

(2120)

J'ai l'intention aujourd'hui d'examiner le bilan du Canada en matière de maintien de la paix et de rappeler aux députés les magnifiques qualités que déploient les membres des Forces canadiennes pour remplir ces fonctions. Nos militaires ont les compétences nécessaires pour répondre aux exigences des opérations modernes.

Le maintien de la paix a eu des débuts modestes, au Canada. À la fin des années 40, l'ONU a commencé à déployer du personnel militaire sans armes, chargé d'observer l'application des accords de paix dans certaines régions du monde aux prises avec un conflit. La participation du Canada à deux de ces toutes premières missions n'est pas encore terminée. Il s'agit plus précisément de la mission de l'ONU chargée de la surveillance de la trêve au Moyen-Orient et du Groupe d'observateurs militaires des Nations Unies dans l'Inde et le Pakistan.

Le maintien de la paix a dépassé le stade de la simple observation. La crise du canal de Suez a donné lieu à une mission beaucoup plus exigeante, en 1956. M. Lester B. Pearson, qui était à l'époque secrétaire d'État aux Affaires extérieures du Canada, a recommandé l'envoi d'une force de l'ONU chargée de s'interposer entre les parties en guerre, une fois le cessez-le-feu signé. La force multinationale devait alors surveiller le cessez-le-feu et jeter les bases d'un règlement négocié. M. Pearson avait défendu son point de vue avec habileté et détermination et il a réussi à venir à bout du scepticisme de certains membres de l'ONU. La Force d'urgence des Nations Unies était née, et c'est ce qui a valu le prix Nobel de la paix àM. Pearson.

Le premier commandant de la force d'urgence était un Canadien, le lieutenant-général E. L. M. Burns. Le général Burns évoluait dans un milieu qu'il connaissait mal, et il devait souvent décider lui-même des mesures à prendre, en s'acquittant de la lourde tâche de préserver la paix entre les Arabes et les Israéliens. En fin de compte, il a excellé dans ces fonctions. Pourquoi? Parce qu'il avait été bien entraîné à cette fin, au sein des Forces canadiennes.

Suez a été un important précédent pour les Nations Unies. Pendant les trois décennies qui ont suivi, la plupart des missions de maintien de la paix ont reposé sur les principes établis par la Force d'urgence des Nations Unies.

Les forces de maintien de la paix étaient censées être légèrement armées, impartiales et jouir du consentement des parties au conflit. Durant cette période, le Canada a établi sa réputation de chef de file dans le domaine du maintien de la paix. Nous avons participé en fait à toutes les missions des Nations Unies, ainsi qu'à d'autres.

À la fin de la guerre froide, plus de 80 000 soldats Canadiens avaient participé à des opérations de maintien de la paix, que ce soit au Congo, en Nouvelle-Guinée occidentale, à Chypre ou dans les Hauteurs du Golan. L'excellence du Canada dans le domaine du maintien de la paix n'a pas disparu avec la fin de la guerre froide. En fait, depuis quelques années on fait plus appel que jamais à notre expertise.

Depuis 1989, l'ONU est devenue une organisation plus interventionniste et plus active. Elle s'interpose davantage dans les conflits entre États et s'attaque plus que jamais aux questions des droits de l'homme et aux questions humanitaires. De même, elle vient plus activement en aide aux États qui veulent adopter la démocratie ou se remettre des ravages de la guerre.

Tout en servant dans le cadre de l'ONU, nos soldats se portent souvent volontaires pour construire des ponts, des routes, des écoles et des résidences et enseigner certains métiers et techniques aux gens. Ils leur montrent comment cultiver la terre et produire eux-mêmes leur nourriture. Ils le font volontairement. Les médias font rarement état de ces réalisations spéciales de nos forces canadiennes.

Le nombre de missions de maintien de la paix a donc augmenté radicalement à cause des dégâts causés par la guerre dans les points


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chauds qui ont surgi un peu partout récemment. En outre, ces missions sont devenues plus complexes et plus exigeantes.

En plus du maintien de la paix traditionnel, les opérations modernes de soutien de la paix, comme on devrait plus exactement les appeler, comportent des déploiements préventifs, des missions de livraison d'aide humanitaire et des opérations de pacification et de consolidation de la paix.

(2125)

Ces opérations sont multifonctionnelles et multidisciplinaires et elles regroupent des activités militaires et civiles. Qu'il s'agisse de policiers, d'observateurs d'élections, de travailleurs fournissant de l'aide humanitaire ou d'ingénieurs, les civils sont de plus en plus présents dans les opérations de soutien de la paix. Ils font partie du nouveau partenariat du maintien de la paix.

Le Canada, et surtout le centre international Pearson de formation pour le maintien de la paix à Cornwallis, contribue à paver la route vers une meilleure coopération entre les militaires et les civils oeuvrant ensemble pour le maintien de la paix.

Le Canada a pris d'autres mesures en vue d'améliorer les opérations de soutien de la paix. Notre étude sur les façons d'augmenter les capacités de réponse rapide de l'ONU en cas de crise se distingue très nettement. Cependant, notre plus grande contribution reste celle de notre personnel sur le terrain.

Les opérations modernes de maintien de la paix exigent toute une gamme de services militaires sur le terrain, dans les airs et en mer. Le Canada, grâce à ses forces compétentes et polyvalentes, a été capable de répondre à cette demande et de jouer un rôle important dans de nombreuses missions, que ce soit en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie ou en Amérique centrale.

Dans l'ex-Yougoslavie, par exemple, les troupes terrestres canadiennes ont fourni toute une gamme de services humanitaires, alors que le conflit faisait rage. Nous avons encore près de 1 000 soldats en Bosnie, dont beaucoup viennent de Petawawa, une collectivité que je représente. Ils servent là dans le cadre de la force de mise en oeuvre de la paix sous la direction de l'OTAN.

Au Cambodge, nous avons du personnel au centre cambodgien responsable des opérations de déminage.

En mer, les forces navales canadiennes ont participé à des opérations au large des côtes de l'ex-Yougoslavie pour appliquer les sanctions économiques et les embargos sur les armes.

En outre, des militaires canadiens ont participé à des opérations navales de maintien de la paix au Cambodge, au Moyen-Orient et en Amérique centrale. Dans les airs, nos militaires ont servi à bord d'avions d'alerte avancée, ou AWACS, pour faire respecter la zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'ex-Yougoslavie.

À l'heure actuelle, environ 2 000 militaires canadiens participent à des opérations de maintien la paix dans le monde. Ils continuent d'accomplir une gamme étendue d'activités.

Dans toutes ces opérations, les Canadiens s'acquittent de leurs tâches avec compétence et professionnalisme, ce qui prouve une fois de plus que des soldats parfaitement entraînés font les meilleurs gardiens de la paix. Conjuguée d'une formation spécialisée dans certains domaines, tels que la sensibilisation aux diverses cultures, l'instruction au combat dote les Forces canadiennes de tous les outils qui leur sont nécessaires pour relever de nouveaux défis.

Étant donné ce bilan impressionnant, le Canada peut, sans aucun doute, apporter une contribution importante à une mission en Haïti menée dans le cadre d'un nouveau mandat. Nous participons activement aux tentatives faites pour rétablir la démocratie en Haïti depuis 1991. Des navires canadiens ont aidé à appliquer des sanctions économiques qui avaient pour objectif de convaincre le régime illégal d'Haïti de céder le pouvoir. De plus, des membres des Forces canadiennes participent à la mission des Nations Unies en Haïti depuis mars 1995.

Dans le cadre de sa participation à la mission des Nations Unies en Haïti, le Canada a sur place, à l'heure actuelle, environ 500 membres des Forces canadiennes, qui peuvent compter sur des hélicoptères de transport et un soutien technique, ainsi que presque 100 policiers civils qui ont pour objectif de créer un corps policier professionnel en Haïti.

Les Canadiens connaissent le pays et les gens et ils sont conscients des défis qu'on doit relever. Le Canada a déjà commandé également des forces militaires multilatérales. Enfin, les Canadiens en connaissent long sur ce qu'est une société civile et démocratique.

Nous pourrions jouer un rôle essentiel, à titre de membres de la communauté internationale, pour ce qui est d'aider à maintenir un climat sûr et stable et d'ouvrir la voie au rétablissement complet de la démocratie en Haïti.

Depuis 1947, plus de 100 000 Canadiens ont participé à plus de 30 missions de maintien de la paix et missions connexes, et à ce titre, la contribution du Canada est sans égale.

(2130)

Dans le cadre de ces missions, plus de 100 Canadiens ont perdu la vie et beaucoup d'autres ont été blessés. En bref, le Canada comprend le maintien de la paix comme peu d'autres pays. Nous sommes conscients de son efficacité pour promouvoir la paix et la sécurité internationales. Nous savons que ces opérations peuvent jeter les bases de la démocratie. Enfin, ce qui est peut-être encore plus important, c'est que nous comprenons comment le maintien de la paix fonctionne.

Le monde se tourne toujours vers le Canada pour son expérience et sa connaissance des opérations de maintien de la paix. Dans le cas de Haïti, il le fait de nouveau. Nous pouvons aider ce pays à bâtir un avenir meilleur et, ce faisant, poursuivre une longue et fière tradition de maintien de la paix.

Ce soir, alors que ce débat se poursuit, je tiens à dire que l'excellente réputation du Canada dans le monde entier découle en grande partie du très bon travail effectué par les Forces canadiennes. Quelle que soit la décision qu'on prendra, nous souhaitons à nos troupes tout le succès possible dans le cadre de la mission des

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Nations Unies. Je sais qu'elles feront de l'excellent travail pour notre pays.

Le président suppléant (M. Kilger): Chers collègues, je reconnais que je n'ai pas tenu compte de l'heure de façon très rigoureuse, surtout en ce qui concerne le dernier orateur. J'admets que c'était en grande partie par respect pour son intérêt sincère et ses connaissances dans ce domaine.

Étant donné les bonnes dispositions dans lesquelles la Chambre s'est trouvée toute la soirée, j'aimerais demander votre consentement pour que la présidence fasse abstraction de l'heure et qu'elle accorde au député d'Esquimalt-Juan de Fuca les 10 minutes auxquelles il a droit. Ce député mettra un terme au débat sur cette question ce soir.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je remercie la Chambre de son indulgence. Je suis très heureux de pouvoir participer à ce débat sur Haïti.

Les Haïtiens ont enduré pendant plus de 150 années la tyrannie, les bains de sang et la destitution que leur ont imposés les dictateurs et les régimes sanguinaires qui se sont succédé. Cependant, le Haïti que nous voyons aujourd'hui à la veille du retrait des soldats américains n'est pas tellement différent de celui des 150 dernières années. Sa population est toujours désespérée et son économie en ruines.

Dans ce pays qui vacille entre l'anarchie et l'espoir, les Nations Unies nous ont demandé de prendre le relais des États-Unis pour gérer la force de maintien de la paix qui se trouve là-bas. Cependant, le rôle que les Nations Unies y ont joué est loin d'être terminé.

Je suis très déçu que le gouvernement engage ce débat à la Chambre d'une manière fort peu efficace. Si nous voulons que le débat soit efficace, nous devons pouvoir voter à ce sujet. Par notre entremise, en tant que leurs représentant élus, les Canadiens doivent avoir le droit de voir ces questions faire l'objet d'un débat et d'un vote de sorte que leurs droits démocratiques puissent s'exercer. Ils doivent savoir si leurs fils, leurs filles, leurs maris ou leurs femmes vont être envoyés à l'étranger y risquer leur vie pour la cause de la paix, et quand, et dans quelles conditions.

Il ne fait aucun doute pour moi que nous devrions nous engager dans cette mission, et cela pour un certain nombre de raisons. Il en va de notre responsabilité étant donné que Haïti se trouve à l'intérieur de notre sphère d'influence géopolitique. L'inaction aurait d'énormes conséquences. Comme mon collègue de Swift Current-Maple Creek-Assiniboia l'a dit, si nous ne faisons rien et si Haïti s'enfonce dans l'anarchie et le carnage, cela provoquera une migration de masse vers d'autres pays, sans parler des besoins humanitaires fondamentaux de ces pauvres gens, dont les Canadiens ont la réputation de se faire les champions.

Il faudrait cependant qu'on réponde à quelques questions avant d'approuver notre participation: tout d'abord, nous devons déterminer la durée de l'engagement; deuxièmement, nous devons connaître les paramètres en termes de coût de l'engagement; et troisièmement, nous devons avoir un mandat bien défini. Il faudrait appliquer ces trois principes à toutes les opérations subséquentes de maintien de la paix que notre pays osera entreprendre.

J'aurais quelques suggestions à faire au ministre des Affaires étrangères. On ne peut pas s'attendre à ce que le président René Préval puisse bien gouverner et apporter la paix à son pays s'il ne peut pas gouverner en toute sécurité. Il faut donc rétablir l'ordre public à Haïti.

(2135)

Nous devons nous occuper de la formation d'un service comme force policière. Les Américains ont dispensé à ces mêmes personnes une formation militaire et non policière. Ils auront en s'en mordre les doigts.

Il doit y avoir un pouvoir judiciaire stable à Haïti, et c'est là que le Canada peut faire intervenir l'ONU et la Cour mondiale afin d'aider à la formation d'une magistrature juste, équitable et démocratique.

Nous devons démilitariser l'armée et les groupes paramilitaires. Les 150 dernières années de l'histoire haïtienne nous enseignent que les divers groupes militaires et paramilitaires ont toujours jeté ce pays dans le chaos, l'ont réduit à une pauvreté abjecte et ont fait couler le sang.

Il nous faut l'aide des États-Unis. C'est pourquoi nous devons accéder à la requête du président Préval et inviter les États-Unis à rester six mois de plus. Nous aurons besoin des Américains pour ce travail et un certain nombre d'autres interventions si nous voulons instaurer une paix durable.

Nous devons mettre un terme aux expéditions clandestines d'armes vers Haïti. Elles ont un effet extrêmement déstabilisant sur le pays. Nous devons faire appel aux institutions financières nationales, à la Banque mondiale et au FMI pour concevoir une approche internationale intégrée de la restructuration de l'économie haïtienne. Sans une économie viable, le peuple haïtien sera désespéré et s'il est désespéré, ce sera l'anarchie, le carnage et le retour à la case départ.

On peut qualifier cette méthode de forte mais, même du temps du président Aristide auquel a succédé le président Préval, les fonds d'aide au développement de Haïti ont rempli les poches de hauts fonctionnaires corrompus et ont été dépensés en pure perte. Il faudra l'intervention musclée des institutions financières internationales pour que l'argent destiné à la restructuration économique serve bien à cette fin.

La restructuration de ce pays sera complexe et exigera la collaboration des IFI et de l'Organisation des États américains, comme l'a signalé tout à l'heure le secrétaire d'État. Nous devons agir comme chef de file dans ce dossier, car personne ne pousse réellement ces groupes à adopter une approche multifactorielle. Nous devrions les inciter à le faire à long terme.

Ce problème a une trop vaste portée pour qu'un seul pays puisse le régler, en particulier le nôtre. Nous devons faire notre part parce que la sécurité internationale et notre sécurité sont étroitement liées à la capacité des structures internationales d'assurer une sécurité d'envergure internationale et régionale. Nous ne pouvons le faire seuls.

Je recommande encore une fois au gouvernement d'inviter les institutions financières internationales à établir un plan coordonné visant une restructuration économique, une sécurité intérieure ainsi que la mise en place d'une saine gestion publique et d'institutions démocratiques qui permettront à Haïti de se remettre sur pieds. Si nous ne le faisons pas, ce pays sombrera à nouveau dans un bain de sang.

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La situation est extrêmement précaire et il suffit de regarder au-delà des apparences pour constater à quel point la démocratie est actuellement fragile à Haïti.

Dans la foulée du problème haïtien, je voudrais mettre en garde le ministre des Affaires étrangères contre un problème imminent qui nous menace dans les Caraïbes et qui concerne particulièrement les deux avions américains abattus par Cuba la semaine dernière. Cuba posera un grave problème de sécurité pour le Canada si nous n'agissons pas de manière préventive. J'exhorte notre ministre des Affaires étrangères à faire tout son possible pour convaincre M. Clinton de rejeter les discours xénophobes qu'ont tenus Jesse Helms et M. Burton aux États-Unis.

Ce sont les riches groupes d'expatriés cubains aux États-Unis qui essaient de les manipuler et de tirer profit de la situation en cette année d'élection présidentielle. C'est vraiment la chose à éviter pour la population de Cuba et pour le Canada. Le projet de loi aura aussi de vastes répercussions sur nos entreprises qui essaient de faire des affaires à Cuba d'une manière constructive.

La façon la plus rapide de mettre un terme à la misère de Cuba et à sa structure communiste, c'est que le Canada et d'autres pays s'emploient à bâtir, d'une manière constructive, l'économie de la classe moyenne à Cuba. S'ils ne le font pas, à la mort de Fidel Castro, ce pays économiquement dépourvu se retrouvera sans dirigeant et il s'ensuivra l'anarchie et un bain de sang, comme cela s'est produit à Haïti.

Je tiens à faire cette mise en garde au ministre. Je le répète, j'appuie ce que le gouvernement fait en Haïti et j'espère que nous aurons, à l'avenir, d'autres débats fructueux à la Chambre.

M. Graham: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'ai remarqué que votre vue avait été troublée par l'éloquence des députés, de sorte que vous n'avez pas pu voir l'horloge au bout de la pièce. Je saurais gré aux députés de bien vouloir donner au secrétaire parlementaire l'occasion de prendre la parole sur cette question. Je sais qu'il entend être très bref. Je pense qu'il convient qu'il résume le débat.

Je demande la permission des députés pour que vous puissiez, monsieur le Président, avoir la vue troublée que vous avez la bonté d'avoir pour le député qui a parlé en dernier.

Le président suppléant (M. Kilger): Il semble qu'on parle de nouveau de ma vue troublée, après une longue carrière d'arbitre au hockey. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

M. Francis LeBlanc (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je remercie la Chambre de m'accorder un peu de temps pour conclure le débat.

Il m'apparaît clairement que la majorité des députés de tous les partis à la Chambre veulent que le Canada joue un rôle de leadership, qu'il continue son travail à Haïti dans le cadre de la mission des Nations Unies et qu'il aide à rétablir la démocratie et la sécurité.

L'opposition a apporté une contribution très utile qui guidera le gouvernement au moment de prendre des décisions. Comme le ministre des Affaires étrangères l'a déclaré plus tôt ce soir, il se fera un devoir de garder la Chambre informée de l'évolution de la situation à Haïti, peu importe quelle tournure prendront les événements au cours des prochaines heures ou des prochains jours.

Je remercie tous les députés qui ont contribué au débat de ce soir de s'intéresser à cet important sujet. Au nom du ministre des Affaires étrangères, je m'engage à tenir le Parlement informé de la situation.

Le président suppléant (M. Kilger): La vue un peu brouillée, je déclare que, comme il est 21 h 30, et conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain.

(La séance est levée à 21 h 43.)