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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 28 mai 1996

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

COMPTES PUBLICS

PÉTITIONS

L'UNITÉ CANADIENNE

    M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 3045

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE BUDGET DES DÉPENSES PRINCIPAL ETLE SÉNAT

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 3052
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 3060
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 3066
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 3072
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 3072

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LES BÉNÉVOLES

LA RÉPUBLIQUE DE MACÉDOINE

L'ORGANISME ENFANT SECOURS

LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE

CRAIG SWAYZE

LA RECHERCHE PHARMACEUTIQUE

LE PARTI QUÉBÉCOIS

LE QUOTIDIEN LE FLEUVE

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 3079

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

    M. Hill (Prince George-Peace River) 3079

LE PARC COLONEL SAM SMITH

LE PROGRAMME SPATIAL

LES EMPLOIS POUR LES JEUNES

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

LES PÉNITENCIERS

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 3080

LES PÊCHES

LA SOCIÉTÉ INCO LIMITÉE

QUESTIONS ORALES

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3082
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3082
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3082

L'EMPLOI

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3083
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3083
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3083

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3084
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3084

LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

LES FIDUCIES FAMILIALES

    Mme Stewart (Brant) 3085

LES MARCHÉS DE L'ÉTAT

LES AFFAIRES EXTÉRIEURES

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 3086
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 3086

LES DÉGÂTS CAUSÉS PAR LES INONDATIONS

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

    M. Mills (Red Deer) 3087

LA JUSTICE

LA FISCALITÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 3088

LA COMMISSION CANADIENNE DES VALEURS MOBILIÈRES

HOLLINGER INC.

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LA CHAMBRE DES COMMUNES

LE DÉCÈS DE M. CARL GILLIS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE BUDGET DES DÉPENSES PRINCIPAL ETLE SÉNAT

    Reprise de l'étude de la motion 3090
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 3095

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LES DÉLINQUANTS DANGEREUX

    Reprise de l'étude de la motion 3110
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 3112

MOTION D'AJOURNEMENT

LES MINES

    M. O'Brien (Labrador) 3118

3045


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 28 mai 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 14 pétitions.

* * *

[Français]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

COMPTES PUBLICS

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, à titre de président du Comité, j'ai l'honneur de présenter le premier rapport du Comité permanent des comptes publics.

Il s'agit d'un rapport qui traite du chapitre 12 du Rapport du vérificateur général d'octobre 1995 intitulé Les systèmes en développement: Gérer les risques. Le rapport comporte trois importantes recommandations.

Conformément à l'article 109 du Règlement de la Chambre, le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse globale au présent rapport.

* * *

PÉTITIONS

L'UNITÉ CANADIENNE

M. Raymond Lavigne (Verdun-Saint-Paul, Lib.): Monsieur le Président, je dépose à la Chambre une pétition signée par plusieurs de mes électeurs qui demandent que l'on protège leur droit à l'autodétermination comme peuple qui désire vivre ensemble au Canada et non dans un Québec souverain.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement, car le 11 mars dernier, je faisais inscrire au Feuilleton des Avis quatre questions s'adressant au ministre du Développement des ressources humaines et portant sur la relocalisation du centre régional de gestion de ce ministère à Shawinigan plutôt qu'à Trois-Rivières.

C'est la deuxième fois que je m'adresse à vous. Selon le Règlement, ces questions devraient recevoir une réponse dans les 45 jours. Le délai de 45 jours se terminait le 27 avril. Nous sommes maintenant à la fin mai et je n'ai toujours pas reçu de réponses à ces quatre questions qui éclaireraient ce dossier très nébuleux.

Je compte sur vous pour qu'on fasse les représentations nécessaires. Il s'agit du respect minimal envers les élus qui ont le droit de questionner l'exécutif.

Le vice-président: Peut-être que le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre pourrait répondre à son collègue de Trois-Rivières.

[Traduction]

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Nous répondons aujourd'hui à la question no 47.

[Texte]

Question no 47-M. Easter:

Quelles ententes, exécutoires ou autres, y a-t-il entre le gouvernement du Canada, le Canadien National (CN) et le Canadien Pacifique (CP) en ce qui a trait au droit de préemption des compagnies de chemin de fer à l'égard de la vente de la flotte de wagons-trémies à grains du gouvernement, y compris mais non exclusivement l'accord signé par le gouvernement fédéral et les compagnies de chemin de fer en 1993?
L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): La réponse de Transports Canada est la suivante: La seule entente qui existe est l'entente exécutoire datée du 1er avril 1993 qui lie le fédéral, le Canadien National (CN) et le Canadien Pacifique (CP). Comme ils l'ont indiqué, les chemins de fer partagent notre désir d'accroître l'efficacité du réseau de transport et de manutention du grain. Le gouvernement ne prévoit donc pas que l'entente exécutoire précitée sera un obstacle à un appel d'offres public pour la vente des wagons. Des fonctionnaires engagent des pourparlers avec les chemins de fer sur d'éventuelles modifications de cette entente.

3046

D'après les résultats de ces pourparlers, le gouvernement déterminera quel est le bon moyen de modifier l'entente actuelle ou de la résilier.

[Traduction]

M. Zed: Monsieur le Président, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.

J'ai entendu le député. Je le remercie de sa patience à l'égard des questions qu'il a soulevées. Ces questions feront l'objet d'une étude dans les plus brefs délais.

Le vice-président: Les autres questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


3046

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE BUDGET DES DÉPENSES PRINCIPAL ET LE SÉNAT

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.) propose:

Que, comme le Sénat n'a pas répondu au message que la Chambre lui a transmis pour demander qu'un représentant du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration vienne témoigner devant le Comité permanent des opérations gouvernementales afin de rendre des comptes sur l'utilisation de fonds publics d'un montant de 40 000 000 $, la Chambre signale au Sénat qu'elle est mécontente qu'il n'ait pas tenu compte des principes démocratiques modernes liés à la reddition de comptes et qu'elle donne par conséquent avis qu'elle s'oppose à l'adoption du Crédit 1, sous Parlement, dans le Budget des dépenses principal de l'exercice se terminant le 31 mars 1997.
-Monsieur le Président, je suis heureux de présenter la motion des réformistes, dont la Chambre est saisie en ce jour désigné. Voici la motion:

Que, comme le Sénat n'a pas répondu au message que la Chambre lui a transmis pour demander qu'un représentant du Comité sénatorial de la régie interne, des budgets et de l'administration vienne témoigner devant le Comité permanent des opérations gouvernementales afin de rendre des comptes sur l'utilisation de fonds publics d'un montant de 40 000 000 $, la Chambre signale au Sénat qu'elle est mécontente qu'il n'ait pas tenu compte des principes démocratiques modernes liés à la reddition de comptes et qu'elle donne par conséquent avis qu'elle s'oppose à l'adoption du Crédit 1, sous Parlement, dans le Budget des dépenses principal de l'exercice se terminant le 31 mars 1997.
(1010)

Une des fonctions du Comité permanent des opérations gouvernementales consiste à examiner le Budget des dépenses principal du Sénat. À titre de membre de ce comité, j'ai parrainé une motion proposant de transmettre un message à l'autre endroit pour inviter le président du Bureau de régie interne du Sénat à venir rendre compte des dépenses du Sénat devant le Comité permanent des opérations gouvernementales. Ma motion a reçu l'appui de la majorité des membres du comité et, par suite d'un consentement unanime de la Chambre, un message a été transmis à l'autre endroit le 9 mai dernier. Jusqu'à maintenant, toutefois, les députés n'ont reçu aucune réponse de l'autre endroit.

Le comité n'a que jusqu'au 21 juin pour examiner le Budget des dépenses principal et l'ordre de ses travaux s'alourdit rapidement. J'ai ensuite envoyé une lettre de suivi le 21 mai pour demander de nouveau au Sénat de prendre un engagement avant le lundi 27 mai, mais je n'ai toujours pas reçu de réponse. Nous devons pourtant recevoir immédiatement un engagement ferme, mais l'autre endroit refuse de répondre à notre demande.

L'obligation de rendre compte est la première exigence que les Canadiens imposent à leurs représentants au sein des institutions publiques. Aucune assemblée, surtout si elle est élue, ne devrait échapper à cette exigence fondamentale. Les Canadiens exigent encore plus de comptes parce qu'ils veulent savoir comment l'argent qu'ils gagnent durement est dépensé et, comme nous vivons une époque de sévères restrictions financières, les Canadiens doivent prendre des décisions difficiles et ils s'attendent que leurs institutions fassent de même.

Les contribuables financent le Sénat au rythme de plus de 40 millions de dollars par an. Ce sont des fonds publics et la population doit savoir comment ils sont dépensés. De nombreux Canadiens s'inquiètent de la façon dont le Sénat dépense l'argent de leurs impôts. À en juger d'après le rapport que le vérificateur général a consacré au Sénat en 1991, il semble que bon nombre de leurs préoccupations soient complètement justifiées.

Le Sénat se propose de dépenser plus de 28 millions de dollars en salaires, traitements et autres dépenses liées au personnel, plus de 5 millions en services professionnels et spéciaux et 3 millions en dépenses diverses. Cela représente une somme énorme, et il est donc peu étonnant que les Canadiens s'inquiètent à ce sujet. Il est temps que la Chambre haute révèle toutes ses dépenses aux Canadiens et les justifie.

Bien que la somme de 40 millions de dollars figure au Budget des dépenses principal au titre du budget total du Sénat, ce dernier dépensera davantage. Le vérificateur général a calculé qu'en plus des 40 millions de dollars prévus dans le Budget des dépenses principal, 11,5 millions de dollars seront également dépensés par des entités du secteur public pour fournir des services au Sénat. Ces fonds additionnels ne sont pas identifiés séparément dans les prévisions budgétaires ni dans les comptes publics.

Cette institution publique dépense donc plus de 51 millions de dollars par année, mais on ne rend absolument aucun compte de la façon dont ces fonds sont dépensés. Le Sénat établit et met en application ses propres règles et n'est pas assujetti aux mêmes lois que le gouvernement. La Loi sur la gestion des finances publiques et les mécanismes habituels de reddition de comptes ne s'appliquent tout simplement pas au Sénat. Cela avait peut-être du sens dans les années 1890, mais n'a sûrement plus aucun sens dans les années 1990.

Le vérificateur général a affirmé que la reddition des comptes du Sénat est insatisfaisante. Il a affirmé que la Chambre haute ne rend pas compte de façon satisfaisante de ses activités administratives,


3047

financières ou de gestion des ressources humaines et ne possède pas d'information suffisante pour permettre de le faire de façon systématique.

Comment les Canadiens peuvent-ils être convaincus que les dépenses du Sénat sont gérées avec un souci acceptable pour l'économie et l'efficacité alors qu'aucun des mécanismes habituels de reddition de comptes ne s'applique? À cet égard, je suis tout à fait d'accord avec le vérificateur général quand il dit que, dans l'état actuel des choses, rien n'oblige le Sénat à rendre des comptes au public.

Même s'il nous arrivait de découvrir quelque chose de terriblement incorrect ou de complètement détraqué, les sénateurs n'ont pas besoin de se faire réélire et ne sont pas assujettis à la moindre obligation de rendre des comptes, ce qui est complètement inacceptable. La reddition de comptes de la part des institutions publiques est non seulement vitale, mais absolument indispensable. Cela donne à ceux qui sont la source du pouvoir et du financement de l'institution, directement ou par l'entremise de leurs représentants au Parlement, l'assurance que les objectifs poursuivis sont atteints et que les fonds sont correctement dépensés, avec économie et efficacité.

(1015)

Les Canadiens ont de nombreuses raisons de s'inquiéter de la reddition des comptes par la Chambre haute, et, vu les préoccupations exprimées par le vérificateur général, l'autre endroit se doit absolument de rendre des comptes. Le fait que les parlementaires de l'autre endroit prennent des libertés avec l'argent des contribuables doit être un grand sujet d'inquiétude pour les Canadiens, d'autant plus que le vérificateur général a remis en question l'utilisation de l'allocation non imposable des sénateurs.

Selon le vérificateur général, les gestionnaires du Sénat ne peuvent pas faire la distinction entre les frais de fonctionnement et les dépenses personnelles, et il n'y a aucun moyen de savoir si les montants reçus pour ces dépenses sont utilisés comme ils sont censés l'être.

La responsabilité financière fait nettement problème, puisque, selon le vérificateur général, il ne semble y avoir aucune limite sur les dépenses personnelles non liées au Sénat, notamment pour les déplacements et les télécommunications, engagées par les sénateurs ou les membres de leur famille.

En outre, le vérificateur général a signalé que rien ne garantissait que les frais de déplacement étaient engagés dans l'exercice de fonctions officielles. Pis encore, les restrictions sur les destinations au Canada ou le point de départ des voyages ont été supprimées, aussi bien pour les sénateurs que pour les membres de leur famille, et les agents de recherche ont été ajoutés à la liste des voyageurs autorisés. Au lieu de resserrer les restrictions, l'autre endroit fait le contraire, et les petits privilèges se font plus nombreux.

Par exemple, la Chambre haute a dépensé près de 3 millions de dollars en frais de déplacement l'an dernier et un montant similaire l'année précédente. Ce qui est tout à fait ahurissant, c'est de voir des sénateurs qui représentent des régions ontariennes et vivent en Ontario engager des frais de déplacement mirobolants. Ainsi, le sénateur qui représente la région de Markham, en Ontario, a dépensé plus de 74 000 $ en frais de déplacement ces deux dernières années. Un sénateur du centre-ville de Toronto, qui vit à une heure d'avion d'Ottawa, a dépensé au-delà de 71 000 $. Un autre sénateur, celui qui représente la circonscription de Rideau, ici même à Ottawa, a dépensé plus de 64 000 $ au cours des deux dernières années.

Les sénateurs dont la circonscription est située en Ontario n'ont absolument aucune raison de dépenser plus de 70 000 $ en frais de déplacement. Par ailleurs, les indemnités de déplacement accordées aux sénateurs n'englobent pas les déplacements que font les sénateurs pour siéger à des comités, participer aux travaux d'associations parlementaires ou faire des échanges parlementaires. Ce gaspillage éhonté des fonds publics est incroyable et impardonnable.

Le vérificateur général a observé de nombreuses anomalies dans le système du Sénat et a remarqué qu'un sénateur s'est rendu trois fois dans le tiers monde, deux fois en Europe, une fois aux États-Unis et trois fois dans diverses localités au Canada, pour un total de 55 jours de déplacement. De toute évidence, les sénateurs doivent rendre de meilleurs comptes en ce qui concerne leurs frais de déplacement, et j'appuie le vérificateur général qui recommande que la Chambre haute publie régulièrement des renseignements sur tous les déplacements effectués par les sénateurs et payés par le Sénat.

Le vérificateur général a aussi fait observer qu'on n'incite pas assez les sénateurs à gérer leurs frais de bureau avec parcimonie et efficacité, surtout en ce qui concerne les services de secrétariat et les télécommunications. Il a recommandé que les frais de bureau détaillés des sénateurs soient publiés.

Au Sénat, les frais de bureau ont augmenté, passant de plus de 2,5 millions de dollars à 3 millions de dollars au cours des deux dernières années. Le député de Terrebonne a parlé d'un autre sénateur qui a fait rénover son bureau pour la modique somme, tenez-vous bien, de 100 000 $.

La Chambre haute doit suivre le conseil du vérificateur général et publier une fois par année au moins le détail des dépenses de recherches et des dépenses discrétionnaires de bureau des sénateurs, y compris le nom des fournisseurs et les achats dont le montant excède les sommes déterminées par le Comité de la régie interne.

En outre, le vérificateur général fait remarquer que l'un des problèmes que pose la surdépense brute de la Chambre haute réside dans le fait que les membres du personnel acceptent habituellement que la signature d'un sénateur constitue une preuve suffisante que les fonds sont requis pour le service du Sénat. Le vérificateur général ne trouve pas cela pertinent. Il conclut que, compte tenu du caractère unique de la Chambre haute, des décisions aussi délicates ne sauraient être prises par les seuls hauts fonctionnaires et devraient donc être soumises à l'examen public.

Je suis certes d'accord avec lui. Il est temps que les Canadiens aient accès aux livres et voient exactement ce qui se passe. Le moyen le plus simple, le plus efficace et le moins coûteux de rendre des comptes est de soumettre les livres à l'examen du public.


3048

(1020)

En outre, les comités sénatoriaux montent des comptes de dépenses énormes pour mener des études dont les rapports restent ensuite sur les tablettes ou ne sont pas pris en compte. Par exemple, le comité sénatorial qui s'est penché sur la vente de l'Aéroport Pearson a accumulé une facture de 210 000 $ sans pour autant réussir à trouver vraiment à redire à propos du projet de loi concernant l'aéroport. L'année dernière, on a aussi déboursé 153 000 $ pour une étude spéciale menée par le Comité sénatorial spécial des Affaires étrangères, dont 123 000 $ rien que pour les déplacements et les communications. Et l'on pourrait citer encore et encore d'autres cas pour lesquels aucun compte n'a été rendu.

D'après le président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, le budget de 8 000 $ ne constituait qu'un montant symbolique pour quelques déjeuners et l'achat possible de services extérieurs. Un montant symbolique pour quelques déjeuners. Je me demande ce qu'ils mangent pour déjeuner pour arriver à dépenser 8 000 $. Allez expliquer cela aux contribuables canadiens qui se serrent depuis longtemps la ceinture.

Et les exemples ne manquent pas. Les comités ont excédé leur budget de 100 000 $ l'an dernier. Lorsqu'ils ont manqué d'argent, ils ont commencé à se tourner vers les montants non dépensés des budgets des années antérieures.

Ce qui m'inquiète, c'est que le vérificateur général a découvert que des sommes qui étaient rapportées dans les comptes publics étaient incomplètes et n'étaient pas suffisamment documentées pour qu'on puisse savoir si ces sommes ont été dépensées pour le service du Sénat ou pour autre chose. Les administrateurs ne pouvaient pas dire quelles sommes étaient allées à des affaires officielles ou à d'autres choses.

Le temps est venu pour l'autre endroit d'améliorer sa façon de rendre compte de ses dépenses et du rendement de son administration. La Chambre haute sert principalement à équilibrer les pouvoirs de la Chambre des communes. Toutefois, comment la Chambre haute peut-elle jouer ce rôle quand ses activités sont contestées en raison de son manque d'imputabilité?

Nombre de Canadiens considèrent que la Chambre haute n'a guère de pouvoir outre celui d'entériner automatiquement les projets de loi du gouvernement. Ils ne lui font pas confiance quant à la défense de leurs intérêts. Cela doit changer.

Passons à un autre aspect. Au moment où l'insécurité est une donnée incontournable pour nombre de Canadiens, il est difficile de justifier des nominations éminemment partisanes qui durent jusqu'à l'âge de 75 ans, d'autant plus que la plupart des travailleurs doivent prendre leur retraite à 65 ans.

Dans le célèbre livre rouge, les libéraux ont critiqué les conservateurs d'avoir «pratiqué le copinage lorsqu'ils ont comblé des milliers de postes au sein des conseils, des commissions et des agences. Le Conseil des ministres est chargé de ces nominations en vertu de la loi». Cependant, il est évident que cette promesse n'a pas été respectée, comme en témoigne le maintien de cette pratique des nominations partisanes et du manque d'imputabilité à l'autre endroit.

En ce qui concerne le favoritisme, le premier ministre de l'Alberta, M. Klein, a déclaré qu'il avait l'intention de déclencher une élection pour combler le poste vacant au Sénat. Or, en dépit du fait que l'Alberta s'est dotée d'une loi sur les élections au Sénat et que les Albertains sont en faveur de l'élection d'un représentant au Sénat, le premier ministre a choisi de nommer un sénateur pour combler le poste vacant.

Dans l'état actuel des choses, il est des plus manifestes que les sièges de la Chambre haute ne sont là que pour permettre au parti ministériel de remercier ses amis politiques. Les membres de l'autre endroit sont nommés en raison de leur affiliation politique et de leurs longs états de service au sein du Parti libéral du Canada, rien de plus, rien de moins. Qu'est-il donc advenu du principe de la capacité de faire le travail?

Il est clair que cette institution n'a pas la crédibilité ni l'imputabilité nécessaires pour être un organe gouvernemental efficace. L'ex-premier ministre Brian Mulroney a rempli les banquettes de la Chambre haute pour faire adopter la TPS. L'actuel premier ministre fait la même chose pour faire adopter à la vapeur les projets de loi libéraux.

Nous avons, de toute évidence, besoin d'un gouvernement national efficace pour protéger les intérêts des Canadiens; il faut donc que les deux Chambres soient efficaces. La Chambre des communes est dominée par les représentants du centre du Canada à cause de la représentation proportionnelle. La Chambre haute devrait servir à représenter les régions comme le Canada atlantique et l'Ouest.

Le Canada est l'un des rares pays démocratiques qui n'a pas de Chambre haute élue pour représenter les intérêts régionaux. Selon un sondage Gallup réalisé en 1989, toutes les régions, sauf le Québec, appuient majoritairement le principe d'un Sénat élu. Nombre de députés d'en face ont exprimé leur appui à la réforme du Sénat dans le passé. Le temps est maintenant venu de prendre les mesures nécessaires pour donner aux Canadiens l'imputabilité démocratique qu'ils demandent.

(1025)

À titre d'exemple, le député de Winnipeg-Sud-Centre et actuel ministre des Affaires étrangères a déclaré:

Il est impérieux de trouver une formule qui permette une représentation plus égale par région et par province. Une réforme du Sénat s'impose de toute évidence. C'est la seule façon de rectifier les déséquilibres, les iniquités et les inégalités qui ont existé dans le cadre du fédéralisme depuis ses débuts. Il n'y a pas un État fédéral dans le monde qui n'ait une seconde chambre fonctionnant efficacement pour représenter les intérêts des régions.
Notre Sénat n'est pas un organe élu. Il n'a pas la crédibilité ou la légitimité d'être démocratiquement élu par la population. Par conséquent, sa capacité de vérifier et d'équilibrer le rôle de l'exécutif, lequel est dicté par la majorité des députés des provinces fortement peuplées, est constamment minée. Nous avons été témoins de cela souvent, lors de la prise de nombreuses décisions.
Le député de Davenport a mené un sondage dans sa circonscription et il a découvert que 85 p. 100 de ses habitants sont en faveur d'un Sénat élu. Le député de Saint-Boniface a fait de même et a constaté que 87 p. 100 des électeurs de sa circonscription voyaient d'un bon oeil un Sénat triple-E. Il a ajouté qu'il espérait que toutes les provinces et tous les territoires décident d'élire leurs sénateurs. De toute évidence, cette idée récolte des appuis.


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La proposition du Parti réformiste au sujet d'un Sénat triple-E, un Sénat élu par la population, assurant une représentation égale de chaque province et parfaitement efficace pour ce qui est de sauvegarder les intérêts des régions, permettrait à la Chambre haute de rendre des comptes aux Canadiens. L'adoption de modifications à la Constitution prévoyant l'établissement d'un Sénat triple-E, un prolongement dans les autres provinces de la loi albertaine sur la sélection des sénateurs, est la meilleure façon de procéder pour permettre aux régions du Canada d'avoir davantage leur mot à dire à Ottawa et pour que le gouvernement soit démocratiquement tenu de rendre des comptes.

L'obligation de rendre compte est, de toute évidence, la clé d'un bon gouvernement. En tant que représentants élus, les députés doivent prendre au sérieux leur responsabilité qui consiste à exiger des comptes des institutions publiques. Finalement, c'est la population qui obligera les députés à lui rendre des comptes. En tant que député, je considère cette responsabilité comme l'une de mes fonctions clés.

Les députés réformistes ne peuvent approuver et n'approuveront pas des dépenses pour l'autre Chambre à moins que des représentants de l'autre endroit puissent rendre compte de leurs dépenses. Agir autrement serait tout simplement irresponsable. Tout député qui approuve le budget sans qu'un représentant de l'autre endroit ne soit venu rendre compte de ses dépenses rend un bien mauvais service aux Canadiens et à la Chambre.

L'autre endroit doit respecter le principe moderne démocratique de l'obligation de rendre compte et de la justification des dépenses. La Chambre des communes doit rejeter le crédit 1 du budget des dépenses principal tant que la Chambre haute n'aura pas pris les mesures nécessaires pour rendre des comptes aux contribuables.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai ici le hansard du Sénat du 9 mai 1996. On y trouve un échange bien intéressant. Il porte sur les 50 000 $ et les 20 000 $, sur les comptes du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Le sénateur Lynch-Staunton, chef de l'opposition, a posé des questions. Il a demandé ceci: «Sauf erreur, le montant qui peut être affecté à la recherche s'élève à 50 000 $. Est-ce exact? Il existe également des lignes directrice régissant les dépenses de bureau, ce qu'on appelait auparavant le budget discrétionnaire, qui était de 20 000 $. Où sont les lignes directrices à cet égard?» Il a posé plusieurs questions très intéressantes sur ces 50 000 $ et ces 20 000 $.

Le sénateur Kenny a dit: «Honorables sénateurs, nous avons devant nous les seules lignes directrices que le Sénat a examinées ou qu'il a approuvées. Le Sénat n'a jamais été saisi d'autres lignes directrices à approuver.»

Le chef de l'opposition est revenu aux 50 000 $ et aux 20 000 $. Kenny a répondu: «Vous êtes vraiment embrouillé. C'est exact, honorables sénateurs. La limite des dépenses partagées serait toujours de 20 000 $. Si vous croyez que cette limite devrait être augmentée et portée à 50 000 $. . .» Le sénateur Lynch-Staunton a répliqué: «Non. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, je cherche à aider le président du comité. Je voudrais savoir si les sénateurs sont toujours autorisés à aller jusqu'à 20 000 $ pour les dépenses de bureau.»

(1030)

M. Kenny a répondu: «Non, monsieur. Le rapport indique bien que les deux budgets conservent leur souplesse.» Le sénateur Doyle a demandé: «Où sont les lignes directrices?»

Le chef de l'opposition a ajouté: «Juste comme je pensais que tout était clair, me revoilà dans la confusion. Est-ce que cela signifie que les sénateurs peuvent consacrer à leur discrétion 50 000 $ strictement aux dépenses de bureau?» M. Kenny a ensuite tenté de donner une explication. Et l'échange a continué. Ce serait risible s'il ne s'agissait pas de l'argent des contribuables canadiens.

Le chef de l'opposition a dit: «Honorables sénateurs, je croyais que la période des questions était terminée. C'est extraordinaire. Le président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration nous dit que, parce que le Sénat est saisi d'un rapport sur les dépenses consacrées à la recherche, le système qui est en place depuis des années est abandonné.»

M. Kenny a dit: «Non, au contraire.» Le chef a dit: «Oui. On nous dit que nous ne pouvons utiliser notre budget de recherche pour payer nos recherchistes et que nous devons utiliser nos fonds discrétionnaires.»

M. Kenny a répondu: «Ce n'est pas le cas.» Puis, l'autre sénateur a dit: «C'est exactement ce que nous venons d'entendre.» Voilà qui va couronner le tout. Un autre sénateur a dit: «Non, ce n'est pas ce que vous avez entendu.» Le chef a alors dit: «C'est exactement ce qu'on nous a dit.» Et le premier sénateur a demandé: «Dormiez-vous?»

Le sénateur Lynch-Staunton a répondu: «On vient de nous dire que tous les sénateurs pouvaient puiser dans leur budget de 20 000 $.» Et cela continue.

Cela doit être exactement le genre de chose dont on parle lorsqu'on dit que ces 20 000 $ ou ces 50 000 $ ne sont rien que des fonds publics.

M. Gilmour: Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour son intervention. Cela montre particulièrement bien pourquoi nous aimerions que le Sénat vienne témoigner devant le Comité des opérations gouvernementales. Les règles semblent être extrêmement flexibles. Pourquoi une assemblée non élue ne devrait-elle pas rendre compte de l'argent qu'elle dépense?

Voici quelques-unes des réponses intéressantes que nous avons reçues: nous ne croyons pas que le Sénat devrait témoigner devant le comité parce que cela ne s'est jamais fait. C'est la première fois dans l'histoire du Parlement canadien qu'on demande au Sénat de justifier ses dépenses. C'est parfaitement logique, parfaitement normal et absolument nécessaire.

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, je parlerai aujourd'hui de la motion à l'étude, que je ne répéterai pas en raison de sa verbosité. Cette motion, dont le Parti réformiste est l'auteur,


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montre clairement encore une fois à quel point ce parti est déconnecté des questions qui préoccupent vraiment les Canadiens.

Nous pourrions mettre notre sagesse collective à contribution pour tenter de trouver une solution aux questions qui préoccupent les Canadiennes, notamment la violence, l'indépendance économique pour elles et pour leurs enfants, l'accès au travail. Ce serait oublier que le Parti réformiste considère les femmes comme un groupe d'intérêt spécial indigne de son attention.

Au moment où le gouvernement rencontre des groupes un peu partout au Canada pour discuter de la réforme des pensions et assurer une retraite viable aux Canadiens âgés, la Chambre pourrait contribuer au débat en tenant compte des préoccupations de nos électeurs au lieu de perdre son temps dans d'obscures discussions.

Au lieu de débattre des questions touchant l'économie, les attentes des jeunes, la sécurité dans nos foyers et dans nos communautés, nous sommes saisis d'une motion qui trahit une profonde ignorance de l'un des principes fondamentaux de notre Constitution, à savoir que les deux Chambres du Parlement sont indépendantes l'une de l'autre et que chacune s'auto-réglemente dans sa propre sphère d'autorité.

J'ai l'intention de parler plus en profondeur de ces questions, mais je dois d'abord m'interroger sur les raisons de la motion dont nous sommes saisis. Où le Parti réformiste place-t-il ses priorités? Nous pourrions sans doute passer la journée à écouter des discours vantant les mérites d'une réforme du Sénat, à la manière réformiste. Un sujet fort intéressant. Voyons cependant les vraies priorités. Parlons plutôt d'équité en matière d'emploi, en particulier au moment où les Canadiens craignent que certains travailleurs ne soient relégués dans les arrière-boutiques.

La motion présentement à l'étude me rappelle la distinction que font fréquemment les juristes entre la loi telle qu'elle est et la loi telle qu'elle devrait être. Tout le monde au Canada reconnaît l'utilité d'une réforme du Sénat. Pourtant, lorsque cette réforme a été proposée dans l'accord de Charlottetown il y a deux ans, le Parti réformiste s'y est catégoriquement opposé. Pourquoi? Parce qu'il était incapable de s'occuper de plus d'une question à la fois. Il a été incapable de s'entendre sur des priorités ou de trouver un terrain d'entente. À mon avis, la motion d'aujourd'hui montre qu'il n'a pas appris sa leçon.

(1035)

Cependant, nous avons à présent un Sénat, une Constitution et l'avantage d'avoir tous ces précédents qui régissent depuis des siècles les relations entre la Chambre haute et la Chambre basse dans les démocraties parlementaires. Comme nous le savons, la tradition parlementaire a contribué à bâtir l'un des meilleurs pays au monde. Si une réforme est nécessaire, il y a d'autres questions qui devraient avoir la priorité-des questions qui vont au coeur de l'union économique et sociale et des préoccupations qui touchent tous les Canadiens où qu'ils vivent.

Au lieu de cela, les réformistes voudraient que nous concentrions notre attention sur la question théorique des relations entre les deux chambres de notre système bicaméral. Le seul fait d'en parler m'endort presque.

La motion risque potentiellement de troubler les relations de respect mutuel et de coopération qui existent actuellement entre nos deux chambres, et que viennent renforcer des siècles de précédents au Canada et en Grande-Bretagne. Quelle est cette relation?

La motion d'aujourd'hui porte sur le fonctionnement de l'autre endroit. Les spécialistes du Parlement et du droit constitutionnel font souvent référence au droit de chaque chambre de régler leurs propres procédures et affaires internes sans aucune ingérence. C'est l'une des vérités fondamentales de notre Constitution. La Chambre des communes et le Sénat tiennent une place égale au sein de notre système parlementaire. Les conventions et les pratiques tempèrent l'interaction entre le Sénat et cette Chambre. En droit, nos deux chambres sont en grande partie égales.

Par exemple, il faut l'approbation du Sénat pour promulguer une loi. Dans le même ordre d'idées, notre Constitution ne peut être modifiée sans la participation du Sénat.

La partie V de la Loi de 1982 sur le Canada stipule que les pouvoirs du Sénat et la méthode de sélection des sénateurs ne peuvent être modifiées sans la participation du Sénat, pour ne pas mentionner l'approbation des législatures provinciales.

Il existe des exceptions à ce principe. ainsi, l'article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 et l'article 47 de la Loi de 1982 sur le Canada portent sur les mesures financières et le veto suspensif. Mais, je ne rentrerai pas dans ces détails.

Je laisse de côté les pouvoirs pour passer aux privilèges du Parlement. Nous constatons que les privilèges du Sénat correspondent exactement à ceux dont nous jouissons. Il suffit de se reporter à l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui dit que les privilèges du Sénat et de la Chambre des communes découlent de l'ancienne lignée du modèle des parlements, le système parlementaire britannique. Le parti de l'autre côté semble toujours confondre le système parlementaire et le système de notre voisin au sud.

Le principe de l'indépendance, de l'égalité et de l'autonomie de chaque Chambre peut être vérifié facilement si l'on examine les travaux des plus éminents spécialistes de l'étude du Parlement. Par exemple, à la page 141 de la 21e édition de l'ouvrage Parliamentary Practice d'Erskine May, on peut lire:

Comme les deux Chambres sont tout à fait indépendantes l'une de l'autre, aucune des deux ne peut prétendre avoir de l'autorité sur un représentant ou un fonctionnaire de l'autre, et encore moins l'exercer. Par conséquent, aucune des deux ne peut punir un tel représentant ou fonctionnaire pour outrage ou violation de privilège.
Ce principe n'est pas nouveau. Les députés d'en face sont ici depuis assez longtemps pour comprendre cette relation entre les deux Chambres, à moins que cela les dépasse.

C'est donc difficile de comprendre le fondement de la motion d'aujourd'hui, à laquelle nous allons consacrer toute une journée alors qu'il y a tellement de questions qui préoccupent les Canadiens.


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J'ai parlé du droit et de l'immunité parlementaires, mais ce serait négligent de ma part de ne pas attirer l'attention de la Chambre sur les conventions qui sous-tendent notre Constitution, et c'est ce que je vais faire maintenant.

La convention, subtile mais d'une grande importance, qui régit le Sénat dans l'exercice de ses pouvoirs se fonde sur les mêmes principes démocratiques modernes mentionnés dans la motion dont nous sommes saisis. Cette convention reconnaît que le Sénat, malgré son rôle législatif clé, a tout de même un rôle secondaire à celui de la Chambre des communes.

Le professeur Peter Hogg, l'un des plus grands spécialistes de la Constitution canadienne, illustre bien ce point dans la deuxième édition de son ouvrage Constitutional Law of Canada. Les sénateurs de l'opposition et du gouvernement acceptent le fait que, comme ils sont nommés, le Sénat doit nécessairement avoir un rôle subordonné à la Chambre élue. C'est pourquoi très peu de projets de loi ministériels sont rejetés ou substantiellement modifiés par le Sénat. Cette convention limite nettement l'autorité du Sénat mais, oubli ou méprise, cela n'a pas empêché les députés réformistes d'encourager le Sénat à rejeter le projet de loi sur les armes à feu après son approbation par la Chambre. Nous avons déjà ici deux poids, deux mesures.

(1040)

Toutefois, l'enjeu dont nous sommes saisis aujourd'hui est beaucoup moins vaste que celui de la réforme du Sénat ou même du rôle actuel du Sénat. L'enjeu est de savoir si le Sénat est le seul responsable de ses affaires internes et cela, c'est indéniable. Le droit constitutionnel canadien et les conventions régissant son application nous dictent cette conclusion. Encore une fois, nous gaspillons toute une journée à discuter d'enjeux auxquels notre débat d'aujourd'hui ne peut strictement rien changer.

Que signifient ces principes? Que le Sénat partage les privilèges de cette Chambre, l'autonomie de cette Chambre? Oui. Est-ce qu'ils apportent des réponses définitives aux conflits qui peuvent survenir entre les Chambres? Non, mais nous ne sommes pas en situation de conflit, pas encore du moins. Toutefois, si nous approuvons la motion d'aujourd'hui, nous pourrions bientôt l'être.

On nous a demandé d'examiner une motion hypothétique et nous savons à quel point les débats sur des questions hypothétiques peuvent être stériles. Est-ce que le Parti réformiste se préoccupe de cela? Je ne le crois pas. Ce qui n'est pas du tout hypothétique cependant, ce sont les principes de base de la Constitution, qui prévoient deux Chambres indépendantes et autonomes. Le gouvernement n'est pas prêt à renoncer dès maintenant à ce principe. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas approuver le statu quo. Nous avons bien appuyé l'ambitieux ensemble de changements contenu dans l'accord de Charlottetown, y compris la réforme du Sénat.

Comme le gouvernement l'a déclaré dans le discours du Trône de février dernier, il croit que le désir de changement est largement répandu au Canada. Il a l'intention de cibler ses efforts sur les questions prioritaires et positives afin de préparer les Canadiens à l'arrivée du XXIe siècle. Il veut se concentrer sur les initiatives qui amélioreront la vie des Canadiens et leur apporteront la prospérité économique, des emplois, l'égalité, la justice sociale, la sécurité financière au moment de leur retraite et la sécurité au sein de leurs collectivités.

J'accepterais volontiers de débattre d'une motion en ce sens et de parler des points qui nous préoccupent au lieu de débattre d'une motion négative et très mal située dans l'ordre des priorités; cette motion équivaut à redécorer le salon lorsque le toit a besoin d'être réparé. Nous voulons examiner les problèmes qui préoccupent vraiment les Canadiens, étudier des questions qui changeraient leur vie, assureraient la prospérité du pays et nous prépareraient à l'arrivée du XXIe siècle. C'est trop demander au Parti réformiste, bien sÛr, car il ne possède aucune réponse aux problèmes de ce genre.

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Monsieur le Président, je ne sais pas exactement ce qu'a lu la députée d'en face, mais j'ai l'impression qu'elle nous dit que c'est un débat hypothétique. Nous allons voter sur le budget des dépenses. C'est le premier vote à la Chambre sur le budget des dépenses. Il s'agit de l'argent affecté au Sénat. Il n'y a rien d'hypothétique là-dedans. Il s'agit d'un crédit de 40 millions pour l'autre endroit. Ce dont nous parlons en ce moment, c'est de responsabilité financière.

Est-ce que la députée d'en face n'est pas d'accord que le Sénat devrait être responsable auprès des contribuables du Canada? Il me semble que c'est passablement fondamental.

Mme Fry: Personne, Monsieur le Président, surtout du côté gouvernemental, n'est en désaccord avec la nécessité d'être responsable. Nous pratiquons cela depuis que nous sommes au pouvoir.

Ce dont nous parlons ici c'est du fait que l'autre endroit est responsable dans les limites de ses droits et dans ses domaines de compétence. Cette Chambre est également responsable dans les limites de ses droits et dans ses domaines de compétence.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, je trouve étrange que la secrétaire parlementaire prenne la parole lorsque son propre gouvernement est en train de réduire le financement des programmes pour les femmes. Des personnes du Centre d'information pour les femmes de Cranbrook sont venues me voir pour me parler de cette question. Elles voulaient savoir ce que son gouvernement allait faire à ce sujet.

Ce qu'elle fait c'est prendre la parole à la Chambre des communes pour dire qu'il est tout à fait correct que l'autre endroit ne soit pas responsable de la dépense de plus de 40 millions de dollars. Comment peut-elle jouer ou essayez de jouer ainsi sur deux tableaux? La députée est censée défendre les programmes pour les femmes alors que son propre gouvernement est en train de les réduire, et elle nous dit que le Sénat n'est pas responsable pour les millions de dollars qu'il gaspille.

(1045)

Mme Fry: Monsieur le Président, le concept de la responsabilité financière est de toute évidence étranger au Parti réformiste. En ce qui concerne les programmes pour les femmes nous nous réunissons, en tant que ministère, avec les femmes de ce pays depuis au moins deux mois, pour discuter de la façon dont nous pourrions


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modifier les programmes de sorte qu'ils continuent à répondre aux besoins réels des femmes.

C'est quelque chose que l'on appelle la responsabilité. Cela signifie partir de la base. Parlons d'hypocrisie. Considérant que son parti a déclaré que les questions féminines relevaient de groupes d'intérêt particuliers, il est vraiment incroyable que cette question me soit posée par un député du Parti réformiste.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, l'arrogance des gens d'en face m'étonne. Je n'arrive pas à croire certains des propos tenus par la députée pendant son intervention.

Se peut-il que dans ce pays une députée se lève et dise que tous les gens qui votent pour un certain parti sont sectaires et racistes? C'est pourtant un pays de ce genre que voudrait la députée. C'est vraiment malheureux.

À mon avis, elle est mal renseignée et elle ne représente pas l'opinion qu'ont beaucoup de gens du Sénat, non seulement dans l'ensemble du pays, mais particulièrement dans sa circonscription. Comment peut-elle penser que les responsabilités de la Chambre des communes sont séparées de celles du Sénat alors que la Chambre doit approuver un crédit relatif au Sénat? Comment peut-elle faire une telle distinction et dire que ça ne nous regarde pas alors qu'en fait c'est nous qui devons l'approuver et c'est le Sénat qui dépense l'argent?

Mme Fry: Monsieur le Président, peut-être n'ai-je pas parlé assez clairement, à moins que je n'ai pas assez bien énoncé les principes. Je pensais avoir dit exactement ça dans mon intervention: les deux chambres sont séparées et entièrement autonomes; chacune est individuellement comptable.

Je suppose qu'à force de le répéter toute la journée, ça finira sans doute par leur rentrer dans la tête.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur la motion de mon honorable collègue de Comox-Alberni. Évidemment, la motion à l'étude aujourd'hui qui vise tout simplement à contrôler, je ne dirai pas davantage, mais à contrôler purement et simplement ce qui se passe au Sénat en matière de dépenses publiques est tout à fait dans les questions qui nous intéressent actuellement.

D'ailleurs, le Sénat actuel au Canada, c'est-à-dire celui que nous connaissons depuis 1867, dont les fonctions ont été très peu modifiées depuis cette période, j'en reparlerai un peu tout à l'heure, est déjà un anachronisme dans une société démocratique comme la nôtre. Il n'existe plus, dans le monde occidental, à toutes fins pratiques, d'institutions similaires au Sénat canadien. La Chambre des Lords a vu ses pouvoirs largement diminués en 1911 et en 1949 par le Parliament Act de ces deux années et ses pouvoirs sont aujourd'hui purement protocolaires, puisqu'elle ne dispose que d'un veto suspensif.

Nous sommes dans une situation où, sauf en matière constitutionnelle, le Sénat canadien a des pouvoirs identiques à ceux de la Chambre des communes. Plusieurs ouvrages ont été écrits sur les privilèges et les droits du Sénat canadien, et ce sont des pouvoirs énormes. La seule différence avec la Chambre des communes, outre son veto suspensif depuis 1982 en matière constitutionnelle, voire veto suspensif de 180 jours, c'est qu'un projet de loi de nature financière ne peut naître au Sénat, mais doit être ratifié par la Chambre haute, qui a les mêmes pouvoirs que cette Chambre-ci en matière de législation, du moins en théorie.

C'est une Chambre composée de personnes qui sont nommées, donc qui n'ont pas de comptes à rendre. Les députés de la Chambre des communes, donc nous tous, avons, au maximum à tous les cinq ans, des comptes à rendre à nos électeurs et à nos électrices sur la façon dont nous avons géré les deniers publics, dont nous avons géré nos propres budgets. Les gens peuvent nous demander: «Qu'avez-vous fait de l'argent que vous êtes venus collecter par les taxes et les impôts?» Les gens de l'autre Chambre n'ont pas de comptes à rendre, bien qu'ils aient, en droit, les mêmes compétences quant à l'administration des fonds publics et à l'adoption des lois.

(1050)

Il y a une anomalie sérieuse, et notre parti s'est toujours objecté à cette façon de faire. Il y a même une motion faisant l'objet d'un vote qui sera appelée lundi prochain devant cette Chambre; il s'agit de la motion de mon collègue, l'honorable député de Kamouraska-Rivière-du-Loup, demandant à cette Chambre de se prononcer en faveur de l'abolition du Sénat dans sa forme actuelle.

Pour l'histoire, je me permettrai de citer de façon copieuse un texte qui a été préparé par le regretté Jean-Charles Bonenfant, qui était bibliothécaire à la Législature du Québec, professeur émérite à la Faculté de droit de l'Université Laval, et que j'ai eu le plaisir d'avoir comme professeur pendant quelques années. Son opinion du Sénat, dans les années 1960, n'a pas tellement changé au cours de sa carrière. Il est de notoriété que M. Bonenfant a refusé, à plusieurs reprises, l'offre qui lui était faite d'aller siéger au Sénat canadien, étant donné ce qu'il pensait de cette auguste Chambre.

Je vais vous citer certains extraits de l'article que publiait le professeur Jean-Charles Bonenfant de l'Université Laval. Voici ce qu'il disait, et je souscris quand même de façon assez substantielle aux propos du professeur Bonenfant: «À tort ou à raison, le Sénat canadien est le corps législatif qui, dans le monde entier, semble avoir la plus pauvre réputation.»

En 1942, le journaliste Grattan O'Leary écrivait qu'un poste de sénateur n'était pas un emploi et que le Sénat n'était pas un endroit où l'on était supposé travailler. M. O'Leary est devenu sénateur en 1962.

M. Jean-Luc Pepin, qui est devenu député de Drummond et membre du Cabinet, a esquissé, en 1961, une sorte de litanie des jugements passés sur le Sénat. M. Jean-Luc Pepin le décrivait comme «un hospice politique, la maison des morts, la livre de chair exigée par les partis, le club des pensionnés le plus exclusif du monde, la cinquième roue du char de l'État, l'écho creux d'un passé


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optimiste, la seule faiblesse certaine de l'Acte de 1867, un moulin à divorces, une attraction pour touristes, et quoi encore.»

Enfin, MM. Marcel Faribault et Robert Fowler, imaginant dans leur ouvrage Dix pour un une nouvelle Constitution avec un Sénat transformé, écrivaient: «Jugé par ses réalisations, soit par sa réputation, le Sénat canadien n'a pas été une institution particulièrement heureuse.» C'est ce qu'on appelle un euphémisme.

Pourtant, dans un pays de type fédératif comme le nôtre, la Chambre haute aurait pu avoir un rôle très important à jouer. La représentation à la Chambre basse est habituellement établie en fonction de la population. La représentation à la Chambre haute tente de créer une certaine égalité entre les parties composantes.

C'est ainsi qu'aux États-Unis, chacun des 50 États, quelle que soit son étendue ou sa population, est représenté au Sénat par deux sénateurs.

En Australie, chacun des six États envoie au Sénat dix sénateurs, et en Suisse, au Conseil des États, les 46 membres se divisent également entre les 23 cantons.

Le Sénat canadien n'a jamais joué le rôle véritable d'une Chambre haute dans un pays de type fédératif. Dès sa naissance, il a connu une composition plutôt régionale que provinciale. En 1867, il devait comprendre 72 membres: 24 pour l'Ontario, 24 pour le Québec, 24 pour les provinces Maritimes, c'est-à-dire la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick qui, à l'entrée de l'Île-du-Prince-Édouard, devaient lui abandonner 4 sièges.

Au gré de l'apparition de nouvelles provinces, le Sénat accueillit de nouveaux membres, pour être finalement stabilisé, en 1915, en quatre divisions de 24 membres. Québec et Ontario ne changeant pas, la division des Maritimes ayant 10 sénateurs pour le Nouveau-Brunswick, 10 pour la Nouvelle-Écosse, 4 pour l'Île-du-Prince-Édouard et la division de l'Ouest ayant 6 sénateurs pour chacune des provinces du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.

À ces 96 sénateurs, sont venus s'ajouter, en 1949, les 6 sénateurs de Terre-Neuve et, ultérieurement, 2 sénateurs pour les territoires, ce qui porte le nombre maximal à 104.

(1055)

On a vu, sous l'administration qui était là lors de la 33e et de la 34e législatures, une administration conservatrice, que des dispositions de la Constitution jamais utilisées visant à augmenter le nombre de sénateurs à un maximum de 110 ou 112 ont été appliquées pour faire adopter le projet de loi relatif à la TPS.

Les sénateurs sont nommés par le gouverneur général, à toutes fins utiles, donc par le gouvernement et même le premier ministre lorsque le premier ministre contrôle bien son gouvernement, et même si l'on trouve quelques exemples de désignations de titulaires en dehors des préoccupations politiques, on peut affirmer qu'une des premières qualités requises est d'appartenir au parti qui détient le pouvoir.

L'Acte de l'Amérique du Nord britannique exige par ailleurs certaines qualités pour être sénateur, qualités dans le sens de qualifications. Il faut posséder des biens-fonds pour une valeur de 4 000 $, ce qui, en 1867, était quand même un montant assez exceptionnel. Le Sénat était donc réservé à une catégorie de personnes bien spécifique. Aujourd'hui, il est assez facile de se qualifier: il suffit de prendre sa carte MasterCard ou Visa, d'aller se faire faire une avance de fonds et on peut s'acheter des biens-fonds pour 4 000 $ assez rapidement. Ce n'était pas le cas en 1867.

Au Québec, les sénateurs représentent théoriquement 24 circonscriptions sénatoriales. Ces 24 circonscriptions sénatoriales correspondent aux 24 divisions du Conseil législatif, tel qu'élu depuis 1856 jusqu'à 1867. Il y a une division qu'on retrouve dans la Loi sur les divisions territoriales quant aux circonscriptions que représentent les sénateurs. Fait à noter, aucun des sénateurs, suivant mes recherches personnelles, ne possède de bureau dans sa circonscription sénatoriale pour ce qui est des circonscriptions du Québec.

On peut se demander à quoi sert de diviser le Québec en circonscriptions sénatoriales si les gens qui sont desservis, si vous me permettez l'expression, par leurs sénateurs ne peuvent les retrouver.

D'ailleurs, si on fait un sondage dans la rue n'ayant aucune valeur scientifique, lorsqu'on demande aux gens d'identifier les sénateurs qui les représentent, il est assez rare de trouver quelqu'un qui puisse le faire. C'est fortement différent pour les députés de la Chambre des communes. Que les gens aiment ou pas leur député à la Chambre des communes, généralement, ils sont capables de l'identifier et de dire: c'est telle personne qui me représente à la Chambre des communes, je voterai en faveur de sa réélection, ou je voterai contre lors de la prochaine élection. Généralement, les députés sont connus, alors que les membres de l'autre Chambre ne bénéficient pas de cette notoriété, ce qui ne veut pas dire que certaines personnes qui y logent n'ont pas des qualités personnelles. Là n'est pas mon propos de porter un jugement personnel sur les membres de l'autre Chambre, mais sur l'institution comme telle qui, comme je le disais tout à l'heure, est complètement dépassée.

Rappelons que jusqu'en 1965, les sénateurs étaient nommés à vie et plusieurs avaient admirablement profité du privilège. Comme le sénateur David Wark, de Fredericton, qui, nommé en 1867 au moment de la Confédération, ne mourut qu'en 1905 à l'âge de 102 ans, et le sénateur Georges Dessaules de Saint-Hyacinthe, qui mourut en 1907 à l'âge de 103 ans.

En vertu du projet de loi C-98, présenté le 27 avril 1965 par le premier ministre Pearson, qui fut adopté par les deux Chambres, un sénateur, nommé au Sénat après l'entrée en vigueur de la loi, demeure en fonction jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 75 ans.

Je me suis effectivement toujours demandé si le gouverneur général avait le pouvoir de renommer au Sénat quelqu'un qui aurait maintenant atteint l'âge de 76 ans, ayant pris forcément sa retraite à l'âge de 75 ans, puisqu'il n'y a pas de prohibition expresse à cet égard dans la Loi de 1965. Il serait peut-être possible de revoir des personnes comme le sénateur Wark ou le sénateur Dessaules continuer à siéger au Sénat, si tant est qu'on pouvait retenir une telle interprétation. Un sénateur peut toujours démissionner, bien sûr, et


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est sujet à perdre son siège au Sénat s'il ne remplit plus les qualités prescrites lors de sa nomination.

(1100)

Tout comme dans un club sélect, les règles mêmes de la Constitution canadienne prévoient que s'il s'élève une question au sujet d'une vacance au Sénat ou de la qualité d'un sénateur à pouvoir y siéger, c'est le Sénat lui-même qui en délibère et en décide.

Ce fut un peu le cas, jusqu'à la fin des années 1940, alors que la Chambre des Lords avait le pouvoir de juger ceux de ses membres qui étaient accusés de quelque crime. Cela persiste encore chez nous, même si ce pouvoir a été aboli il y a près de 50 ans au Royaume-Uni.

Hier, mon honorable ami de Vancouver-Quadra a fait un brillant exposé devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre relativement aux pouvoirs des chambres hautes dans les parlements de type britannique. Je suggère à mes collègues de se reférer aux procès-verbaux de ce comité.

Je peux donc dire que le Sénat est une Chambre haute analogue à la Chambre des Lords en Angleterre, que les Pères de la Confédération voulurent d'ailleurs imiter, jusqu'à un certain point, lorsqu'ils le créèrent. Mais contrairement à une opinion populaire assez répandue, ses pouvoirs ne sont pas restreints comme ceux de la Chambre haute britannique, depuis le bill Asquith de 1911, qui était le premier «Parliament Act», complété par le bill des travaillistes en 1949 qui ont grandement restreints les pouvoirs de la Chambre des Lords et qui ne lui donnent maintenant qu'un veto suspensif.

Mais le Sénat canadien possède tous les pouvoirs de la Chambre des communes, sauf, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, qu'on ne peut y faire naître un projet de loi décrétant un impôt ou une dépense.

La question des pouvoirs du Sénat a été étudiée à fond, en 1918, par deux grands juristes canadiens, Me Aimé Geoffrion et Me Eugène Lafleur. Ils donnèrent une opinion écrite péremptoire, restée célèbre, en faveur de l'omnipotence du Sénat que n'admet toujours pas la Chambre basse, la Chambre des communes, particulèrement en matière de finances.

Il faut noter que depuis 1982, les pouvoirs du Sénat ont été quelque peu diminués en matière de modification constitutionnelle puisque cette Chambre ne jouit que d'un veto suspensif de 180 jours, comme je le mentionnais tout à l'heure.

Il est pour le moins étrange qu'une Chambre où les membres sont nommés jusqu'à l'âge de 75 ans n'ait pas de procédure pour rendre des comptes à la population, se réfugie derrière ses privilèges, derrière des traditions qui sont particulièrement démodées, qui sont tombées en désuétude à l'heure actuelle, pour rendre des comptes.

Lorsque le Comité permanent des opérations gouvernementales a demandé la présence de représentants du Sénat pour étudier des dépenses annuelles de l'ordre de 40 millions de dollars, je pense qu'ils l'ont fait non seulement de bonne foi, mais voulant répondre aux désirs des Canadiens et des Canadiennes de savoir comment leur argent était dépensé. Vouloir contrôler comment l'argent est dépensé est bien sûr un premier pas.

Dans toutes les circonscriptions que j'ai visitées, mais je parlerai surtout de la mienne, mes électeurs et électrices, très massivement, ne jugent plus utile la présence d'une Chambre haute comme celle que nous avons actuellement. Elle doit être abolie ou réformée. Dans la situation actuelle, une réforme, bien que souhaitée par tout le monde, n'est manifestement pas possible.

Il y a 70 ans, même lors des discussions de la Conférence de Charlottetown et de la Conférence de Québec, on discutait de la réforme avant même d'avoir créé le Sénat. Certains prônaient un Sénat électif comme le Conseil législatif du Canada uni, alors que d'autres voulaient un Chambre nommée. C'est une Chambre qui n'a pas fait l'unanimité lors de sa création en 1867. On voulait la réformer avant même de la créer, c'est bien mal partir une institution. On n'a jamais réussi à la réformer. Avec le carcan constitutionnel que représente la formule d'amendement de 1982, on peut se demander si on y arrivera un jour.

Tous les partis dans cette Chambre ont pris des positions relativement au Sénat. Le premier ministre et député de Saint-Maurice a clairement indiqué qu'il était en faveur d'une Chambre haute élue. Sa position est claire. Le Parti réformiste propose un Sénat triple-E, malgré qu'il y ait des E qui disparaissent: un Sénat égal, efficace-un autre E qui m'échappe-de toute façon élu, égal et efficace, bien sûr.

(1105)

Alors, quelques E disparaissent actuellement, dont le Sénat égal, parce qu'on s'est rendu compte qu'un même nombre de sénateurs pour une petite province face à un nombre peu élevé pour le Québec et l'Ontario n'était pas tellement sérieux.

Quant à nous, nous disons que, dans sa forme actuelle, le Sénat doit être aboli. S'il doit renaître pour représenter un Canada différent, qu'il renaisse d'autres façons. Mais que l'on puisse garder aujourd'hui une Chambre non élue dans notre système avec des pouvoirs aussi grands, ce n'est pas acceptable. Si c'était une Chambre consultative, si on avait les moyens de s'en payer une, peut-être que cela pourrait être quelque chose qui pourrait nous aider, mais d'avoir une Chambre qui a des pouvoirs égaux à ceux de la Chambre des communes, en 1996, ce n'est plus acceptable.

Voilà pourquoi le Bloc québécois est en faveur d'une législature unicamérale élue, bien sûr, au suffrage universel par la population, chose à laquelle nous devrions nous attaquer dans les plus brefs délais.

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je dois féliciter l'honorable député pour son étude approfondie des origines de notre Sénat et l'influence de la mère des Parlements, la Grande-Bretagne, et surtout avec sa loi de 1911, l'Acte du Parlement.

J'aimerais lui poser la question suivante: étant donné que notre Sénat a déjà imposé des délais interminables sur quelques mesures adoptées par cette Chambre, est-ce que le député considère que cela


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constitue une violation du droit constitutionnel coutumier reçu de la Grande-Bretagne? Oui ou non, est-ce une voie de fait?

M. Langlois: Monsieur le Président, je remercie mon honorable ami de Vancouver Quadra pour sa question. L'attitude du Sénat, à mon avis, particulièrement sur le projet de loi C-69 sur la redistribution de la carte électorale, constitue de façon coutumière une chasse gardée pour les élus de la population. Le seul fait pour le Sénat d'avoir non seulement pris en considération, mais indûment retardé l'étude de ce projet de loi de façon telle qu'il est mort au Feuilleton entre les deux sessions de la législature actuelle en fait carrément un détournement de pouvoir et un affront à cette Chambre et aux traditions qui sont clairement établies depuis maintenant des décennies.

On en revient à une interprétation littérale de la Loi constitutionnelle de 1867, chose qui n'est absolument pas acceptable. Je pense que cela doit être le dernier acte qu'aura posé le Sénat, particulièrement sur une question aussi reliée aux privilèges de cette Chambre que la question de la redistribution électorale.

[Traduction]

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, c'est un débat très intéressant parce qu'il soulève la question de la reddition des comptes, une question qui semble tout à fait étrangère aux libéraux en général et à la députée de Vancouver-Centre en particulier, comme en témoignent les observations qu'elle vient de formuler. En effet, elle a parlé de l'obligation de rendre des comptes sur la gestion des deniers publics comme s'il s'agissait d'un sujet sans aucun intérêt pratique.

Or, rien n'est plus faux. Oui, la Chambre doit rendre des comptes sur l'utilisation des deniers publics. C'est une dépense de 40 millions de dollars dont il est question au Sénat. Certes, elle a parfaitement raison quand elle dit que les deux Chambres sont égales. Mais elle a tort si elle entend par là que cette Chambre, qui est composée de personnes élues, est égale à l'autre, dont les membres sont nommés. Ça ne saurait être le cas.

La preuve en a été fournie par le député du Bloc qui a fait observer que la Chambre des communes est le lieu où les dépenses publiques sont ou devraient être contrôlées. Sous ce rapport, les deux Chambres ne sont pas et ne seront jamais égales.

Le problème dans ce cas-ci, c'est que nous sommes en présence d'une assemblée non élue, non responsable, qui opère néanmoins dans le cadre du processus parlementaire.

(1110)

Le 22 mai, comme bien d'autres députés sans doute, j'ai reçu un communiqué du Sénat annonçant que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie allait tenir des audiences sur la mesure législative concernant l'assurance-emploi, le projet de loi C-12, que cette Chambre a renvoyée à l'autre.

Le fait que l'autre Chambre soit saisie du projet de loi est l'indice le plus évident et l'exemple le plus courant que je puisse donner de la responsabilité qui incombe au Sénat à l'étape finale de l'adoption des projets de loi d'initiative ministérielle, ce qui explique que le premier ministre se donne du mal pour truffer le sénat de sénateurs choisis, tout comme d'ailleurs l'ont fait les conservateurs. Tous les partis traditionnels l'ont fait et continuent de le faire.

Le Sénat est censé être une Chambre de réflexion qui doit représenter les régions. Il est donc très intéressant de voir la composition du comité sénatorial des affaires sociales qui discute du projet de loi C-12 portant sur l'assurance-emploi. Le comité compte un membre de Terre-Neuve, deux membres du Québec, trois de l'Ontario et trois du Nouveau-Brunswick. Il en compte également trois de l'Île-du-Prince-Édouard, mais aucun de l'Ouest.

Chose très curieuse, quatre sièges du Sénat sont accordés à l'Île-du-Prince-Édouard, et trois des quatre sénateurs qui occupent ces sièges font partie du comité sénatorial chargé d'étudier ce projet de loi pancanadien. Combien des 24 sièges de l'Ouest sont représentés au comité? Absolument aucun. L'Ouest est exclu.

Ce genre de chose ne se produirait jamais dans un organisme qui doit rendre des comptes. Il n'arriverait jamais que les sénateurs de l'Ouest soient obligés de dire aux gens de cette région: «Nous sommes désolés, mais vous ne comptez pas. Vous n'avez aucune importance. Votre point de vue ne sera pas défendu aux audiences de ce comité.»

Le comité a organisé quelques réunions. De temps à autre, le hasard fait bien les choses. C'est très curieux. Le comité sénatorial permanent des affaires sociales est censé se réunir pour étudier le projet de loi C-12 sur l'assurance-emploi dans la salle 256-S de l'Édifice du Centre, le jeudi 30 mai, et c'est là le heureux hasard: «lorsque le Sénat lèvera la séance, mais pas avant 16 heures». À mon avis, il s'agit là d'un hasard plutôt heureux, parce que, comme nous l'avons constaté pendant la présentation du discours du Trône par le gouverneur général, peut-être certains sénateurs ne s'étaient-ils effectivement pas levés avant 16 heures. On les avait simplement transportés à la Chambre pour qu'ils continuent de roupiller.

Qu'est-ce qui ne va pas au Sénat présentement? Même si les sénateurs sont efficaces, ou du moins pourraient l'être, ils ne sont pas élus et, par conséquent, ils n'ont pas à rendre des comptes. Nous avons justement débattu de la représentation au Sénat qui n'est pas égale. Les régions ne sont pas représentées également au comité ni, d'ailleurs, au Sénat.

Le fait que l'Ontario ait 24 sénateurs, que le Québec en ait 24 et que les quatre provinces de l'ouest du Canada ensemble en aient aussi 24 montre clairement le déséquilibre de la représentation des régions.

Par quoi faut-il commencer? Selon les réformistes, pour que cette Chambre représente une partie importante du processus parlementaire, pour que le Sénat soit une assemblée qui fonctionne vraiment bien, qu'il soit élu, efficace et d'une représentation égale,-qu'il


3056

devienne un Sénat triple-E-, le premier pas à franchir sans toucher à la Constitution consiste à élire les prochains sénateurs. Il faut d'abord obliger les sénateurs à rendre des comptes en exigeant qu'ils soient élus.

Il est intéressant de noter que nous avons eu un sénateur élu. Le sénateur réformiste Stan Waters, qui est malheureusement décédé il y a quelques années, a été le premier et le seul membre élu de cette assemblée. Il existe un précédent. Le gouvernement de l'Alberta, grâce à sa loi provinciale sur la sélection des sénateurs, a organisé des élections dont le sénateur Stan Waters est sorti vainqueur.

(1115)

Lorsque le poste de lieutenant-gouverneur de l'Alberta est devenu vacant, le premier ministre du pays s'est tout simplement tourné vers le Sénat pour dire au sénateur Bud Olson qu'il cessait d'être sénateur pour devenir lieutenant-gouverneur. D'accord, mais dix minutes plus tard, il a également annoncé que Nick Taylor le remplaçait au Sénat. Il vaut la peine de noter que le sénateur Taylor s'était présenté contre Stan Waters. Je suppose que si on ne peut pas entrer au Sénat d'une façon, on peut y réussir d'une autre façon.

Dans une déclaration à la Chambre, mon collègue, le député de Calgary-Ouest a signalé ce fait: «Il faut peut-être dix ans pour équilibrer le budget, dix ans pour réduire les impôts et dix ans pour réformer le régime de pensions des Canadiens, mais il suffit de dix minutes pour récompenser les amis en les nommant au Sénat.» Voilà ce que le Sénat a de honteux.

Il y a des gens qui sont prêts à accepter ce poste alors que l'Alberta possède une loi sur la sélection des sénateurs. J'ai encouragé le gouvernement de la Colombie-Britannique à suivre cet exemple et j'encouragerai le nouveau gouvernement qui y sera élu aujourd'hui à promulguer de nouveau la loi de cette province sur la sélection des sénateurs. Cela peut se faire sans tenir compte de la Constitution.

Le premier ministre a nommé Bud Olson au poste de lieutenant-gouverneur, puis il a nommé Nick Taylor au Sénat. Et puis quoi encore? Je suis remonté un peu en arrière et j'ai découvert les résolutions adoptées lors du congrès biennal du Parti libéral du Canada en 1992. Cela me semblerait être un bon document. Il s'agit des résolutions adoptées par le Parti libéral du Canada en 1992.

La résolution no 20 porte sur la réforme du Sénat. Après tous les attendus, il était résolu que le Parti libéral s'engageait à établir «un Sénat élu, efficace et avec notamment une représentation égale de chacune des dix provinces du Canada». Cette résolution a été proposée au Parti libéral du Canada par le Parti libéral de Terre-Neuve et du Labrador, et adoptée par le Parti libéral du Canada.

Il est également intéressant de noter qu'à la suite de l'adoption de la résolution émanant des militants libéraux de Terre-Neuve et du Labrador, le sénateur Rompkey a eu la bonté d'accepter une nomination au Sénat. Je suppose que cela revient à avoir le beurre et l'argent du beurre, n'est-ce pas?

Il s'agit d'une question de responsabilité. Il s'agit de savoir en quoi consiste notre processus législatif, quelle direction il devrait prendre et comment il devrait s'y prendre pour y arriver. Que dire de la dernière nomination libérale? Tout d'abord, le chef du Parti réformiste a demandé au premier ministre du Canada quelles étaient ses intentions.

J'ai eu une conversation avec le premier ministre Klein, qui a dit être profondément navré-malheureux, dirons-nous-que le premier ministre du Canada ait agi avec une scandaleuse précipitation pour s'assurer que Nick Taylor ait sa juste récompense. Après le décès du regretté sénateur Hastings, le premier ministre de la province allait écrire à son homologue fédéral pour demander que les Albertains puissent appliquer les dispositions du Senatorial Selection Act.

Je crois avoir parlé au premier ministre Klein le mercredi, soit le lendemain ou le surlendemain du décès du sénateur Hastings. Il ne se sentait pas libre d'agir, car les funérailles ne devaient avoir lieu que le vendredi. Naturellement, M. Klein hésitait, avec raison, à écrire au premier ministre du Canada pour lui dire: «Je sais que vous avez agi avec une précipitation déplacée pour nommer votre ami Nick Taylor, mais je voudrais que les Albertains puissent exercer leur droit démocratique.» Il ne voulait pas écrire avant les funérailles du sénateur.

(1120)

Les funérailles ont eu lieu le vendredi, mais qu'a fait le premier ministre au début de la semaine? Il savait, par les questions du chef du tiers parti, ce que notre parti désirait. Il avait pu lire dans les journaux ce que le premier ministre Klein souhaitait. Il savait, par ce que j'avais dit aux médias, ce qui se passait. Qu'a-t-il fait? Le premier ministre du Canada a empêché l'exercice du droit démocratique et a refusé aux Albertains la possibilité de voter pour choisir leur représentant au Sénat.

J'ai écrit la lettre suivante au rédacteur:

L'arrogance dont le premier ministre Jean Chrétien a fait preuve en nommant un sénateur de l'Alberta ne le cède qu'à l'hypocrisie de la personne nommée, Jean Forest. Jean Chrétien a montré qu'il se fichait de ce que les Albertains voulaient et des droits que leur donne une loi provinciale, le Senatorial Selection Act. Il a dit au chef du Parti réformiste à la Chambre des communes: «Je nommerai un sénateur de mon choix qui représentera mon parti.» Pourquoi pas quelqu'un qui représentera les Albertains?
Aux dernières nouvelles, les sénateurs devaient représenter les Canadiens, pas le Parti libéral du premier ministre.
Comme si cela ne suffisait pas, la personne nommée au Sénat par le premier ministre, Jean Forest, a fait la preuve que le Sénat est déphasé et ne rend de comptes à personne. Elle est soit ignorante, soit hypocrite. Dès le premier jour, à Ottawa, elle a déclaré: «Si cela pouvait s'arranger, je serais en faveur d'un Sénat élu.»
Cela a été arrangé. Lorsque le sénateur Stan Waters a été élu et ensuite nommé au Sénat. Que veut-elle dire par: «Si cela pouvait s'arranger, je serais en faveur d'un Sénat élu»?


3057

Étant donné sa vaste expérience, il est difficile de croire qu'elle ignore les faits. Elle n'est pas sans avoir entendu parler de la Senatorial Selection Act adoptée en Alberta, ni de la demande écrite que le premier ministre albertain Ralph Klein a présentée au premier ministre Chrétien. Madame le nouveau sénateur s'est montrée de très mauvaise foi lorsqu'elle a ajouté: «Cela ne semble pas être envisagé pour l'instant. J'ai donc accepté la nomination en pensant que je pourrais peut-être entre-temps apporter une certaine contribution.»
Les Albertains ont prouvé qu'ils étaient en faveur d'un Sénat élu. Jean Forest a perdu le peu d'intégrité qu'elle avait en acceptant une nomination au Sénat tout en déclarant appuyer un Sénat élu.
Si elle croyait vraiment ce qu'elle disait, elle n'aurait pas accepté sa nomination. Il ne lui reste plus qu'une seule chose à faire, plus qu'une décision honorable à prendre, démissionner et donner aux Albertains ce qu'ils méritent, soit la capacité d'élire un sénateur qui représenterait leurs points de vue.
Il faut témoigner du respect envers l'autre endroit. C'est ce que je fais, mais je dois quand même préciser une chose. Si ces gens croyaient vraiment au processus démocratique, s'ils croyaient vraiment que les Canadiens doivent être représentés par une Chambre de second examen objectif, s'ils croyaient vraiment que les Canadiens doivent exiger des comptes des sénateurs, chacun d'entre eux démissionnerait et se présenterait aux élections.

Cela peut se faire en marge de la Constitution. Je ne parle pas pour l'instant d'une réforme constitutionnelle. Permettez-moi de rappeler que l'objectif du Parti réformiste est d'avoir en bout de ligne un Sénat triple-E, c'est-à-dire un Sénat élu, efficace et à représentation égale. C'est notre but, notre objectif, l'un des principes fondamentaux de notre parti.

Entre-temps, je ne propose pas de remanier la Constitution, j'invite simplement les sénateurs à prendre la décision honorable qui s'impose et à démissionner.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, ce matin, le dépôt de la motion des réformistes en cette journée d'opposition, m'a rappelé, en m'en venant ici ce matin, combien j'étais contre l'existence même de l'autre Chambre, compte tenu du contexte actuel que l'on connaît au Canada. De plus, avec le déroulement des discussions à ce sujet, je suis forcé de m'interroger actuellement.

(1125)

Qu'est-ce-que les Pères de la Confédération avaient à l'esprit lorsqu'ils ont créé le Sénat? Ne voulaient-ils pas là un instrument de sauvegarde, une espèce de chien de garde des garanties constitutionnelles démocratiques, toutes les garanties que contenir la Constitution, notamment le partage des compétences législatives et le reste?

Avec l'émergence des partis régionaux, lorsqu'on parle d'un Sénat élu, ce qui m'inquiète, c'est que le sénateur élu dans un comté donné soit une copie conforme du législateur élu à la Chambre des communes, donc un duplicata du député qui représente un comté, dans mon cas par exemple, le comté de Chambly. Il y aurait de fortes chances que le sénateur élu dans le comté de Chambly soit à peu près une copie conforme de moi-même. Ce qui, pour la démocratie, comporte quand même un danger.

Donc, finalement, avec l'émergence de ces partis régionaux, avec cette responsabilité qu'ont les sénateurs élus de se faire élire, ils sont sujets à compromis, ils doivent plier, un peu comme certains juges aux États-Unis qui sont élus. On a vu à quels abus cela a conduit.

Quand on regarde les budgets, je suis d'accord avec les députés du Parti réformiste, les montants dépensés sont astronomiques, mais avant de condamner le Sénat à mort, j'aimerais qu'on nous propose une solution de rechange, et je ne suis pas tout à fait sûr que celle du Sénat élu soit la meilleure ou la bonne.

Ce que je voulais demander au député qui vient de s'exprimer, c'est s'il ne craint pas, et je connais les abus, je les connais autant que lui, je sais que le projet de loi C-22 sur l'aéroport Pearson traîne encore de l'autre côté et qu'il n'est pas prêt de nous être retourné, engendrant là des coûts bien sûr pour le ministère des Transports ou pour le ministère concerné de dédommagements additionnels envers les gens qui ont embarqué dans l'épisode Pearson, sauf qu'on ne corrige pas une erreur par une autre erreur.

Dans les propositions du Parti réformiste, je me demande ce qu'ils ont. Est-ce qu'ils sont en train de critiquer le fondement même de notre système parlementaire britannique? Ont-ils des solutions meilleures que celles qui veulent qu'un sénateur soit forcément élu pour être efficace? Je sais que dans mon cas, sur la réglementation par exemple, j'ai eu besoin des sénateurs à un moment donné et ils ont fait leur travail de représentation des intérêts régionaux qu'ils étaient là pour représenter. Je demanderais donc au député s'il pouvait m'éclairer là-dessus. Est-il en train de revoir le système parlementaire canadien?

[Traduction]

M. Abbott: Monsieur le Président, je dirai très respectueusement à mon collègue qu'il est très élitiste dans sa façon de voir comment les Canadiens devraient être gouvernés.

Les députés devraient représenter le point de vue de leurs électeurs. Le fait que les sénateurs aient peut-être à respecter la volonté du peuple est, à mon sens, une chose très positive, par opposition à l'approche élitiste qui veut qu'une seule personne, le premier ministre du Canada, prenne sur lui de nommer les personnes qui représenteront son seul point de vue et son seul parti à l'autre endroit.

Au début de son intervention, le député m'a demandé ce que je croyais que les Pères de la Confédération avaient à l'esprit. Il est bien établi que les Pères de la Confédération avaient deux choses à l'esprit: la représentation régionale et une Chambre de réflexion.


3058

L'Île-du-Prince-Édouard a mis quatre ans à se décider à entrer dans la Confédération parce que ses habitants ne voulaient pas d'un Sénat nommé en 1867. C'est un fait.

Les Pères de la Confédération voulait un Sénat élu, une seconde Chambre élue. Toutefois, comme ils ne s'entendaient pas là-dessus, ils décidèrent d'aller quand même de l'avant en 1867. Mon collègue, le député de Vancouver Quadra, qui est un spécialiste de ces questions, pourra peut-être m'éclairer là-dessus.

En 1871, les politiciens de l'Île-du-Prince-Édouard voulaient que l'île entre dans la Confédération. Ils prirent finalement cette décision en dépit du fait que le Sénat était élu. Le député pourra peut-être m'éclairer là-dessus.

(1130)

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je félicite les députés d'en face d'avoir participé de manière réfléchie et de bien des façons au débat sur la question dont nous sommes saisis.

De nos jours, il est évident que la légitimité constitutionnelle d'une chambre législative vient d'une élection et seulement de cela, même si l'on peut se demander si l'élection devrait se faire indirectement ou directement lorsqu'il s'agit d'une Chambre haute.

Quoi qu'il en soit, l'élection confère une légitimité. Il y a donc un anachronisme dans le fait qu'un organe exerce, en vertu de la Constitution, des pouvoirs législatifs équivalant pratiquement à ceux de la Chambre des communes, et ce, sans pouvoir prétendre avoir une légitimité constitutionnelle.

La pensée sur le constitutionnalisme démocratique a évolué depuis le milieu du XIXe siècle, et notre véritable problème c'est que, depuis les réformes de 1982, nous sommes dans un carcan constitutionnel beaucoup plus rigide qu'auparavant. Il est, à toutes fins utiles, impossible de modifier la Constitution.

Nous avons été témoins de cela récemment, à la fin des années 80, avec les accords du lac Meech et de Charlottetown, indépendamment du fait que ces accords présentaient, pour certains, des mérites considérables et, pour d'autres, des mérites discutables. Ce qui est ressorti de cela, c'est la difficulté de modifier la Constitution.

J'ai été impressionné par le discours du député de Bellechasse et par sa recherche consciencieuse sur les origines de la Chambre moderne des lords qui remonte à la loi Asquith ou Parliament Act de 1911, cette mesure ayant remplacé le veto absolu de la Chambre des lords par un veto suspensif de deux ans qui a ensuite été ramené à rien, pour ainsi dire, en 1949.

L'une des caractéristiques intéressantes, c'est la qualité élevée des débats à la Chambre des lords, qui est attribuable au fait que ses pouvoirs ont été réduits. La Chambre des lords a accepté cela. On y discute de questions de fond dont la Chambre basse ne peut se charger parce qu'elle est trop occupée.

Le problème dans notre pays, c'est que même si nous sommes fiers de modeler nos institutions sur celles de la Grande-Bretagne, nous avons tendance à le faire de façon beaucoup trop automatique et avec moins d'humour que les Britanniques. On peut devenir plus britannique que les Britanniques. L'une des caractéristiques intéressantes que nous n'avons pas empruntée au Parlement de Westmins-ter est le concept d'autodiscipline d'une Chambre non élue, qui était au coeur de l'initiative du premier ministre Asquith en 1911 et qui explique vraiment le Parliament Act de 1911 et la modification ultérieure de 1949.

Il existe un principe de droit parlementaire coutumier concernant une Chambre non élue selon lequel celle-ci ne peut rien faire toute seule même si elle veut mettre fin à son statut de Chambre non élue. Il existe un principe d'autodiscipline constitutionnelle lié aux mesures qui sont actuellement mises aux voix par la Chambre basse et transmises à l'autre Chambre.

Je regrette les interminables retards dont nous avons été témoins et qui ont été causés par l'étude au Sénat de mesures adoptées par la Chambre basse, mais je suis également d'accord avec le député de Bellechasse pour dire qu'il s'agit là d'une violation des conventions constitutionnelles.

Ce que je regrette, c'est qu'on a peut-être trop porté attention dans cette enceinte au recours au mécanisme existant de règlement des conflits entre les Chambres, d'un conflit causé par une étude vraiment spécieuse des mesures adoptées par la Chambre basse sous prétexte qu'il faut consacrer plus de temps à la réflexion.

Cela équivaut, à mon avis, à un rejet des mesures adoptées par la Chambre basse. Je regrette donc que l'on n'ait pas eu recours au mécanisme déjà prévu par notre système constitutionnel où le Président de la Chambre des communes et le Président du Sénat se réunissent pour se pencher sur la question de savoir si les privilèges de la Chambre des communes, au sens contemporain, ont été pleinement respectés.

(1135)

Je dis cela avec regret et je suggère que, à l'avenir, la Chambre des communes fasse preuve de plus de vigilance pour que le Sénat assure promptement le suivi des mesures adoptées par la Chambre basse, où elles ont été très bien discutées. C'est-à-dire, ou bien rejeter les projets de loi et en accepter les conséquences politiques en tant que Chambre non élue, ou bien adopter les projets de loi ou les renvoyer à la Chambre des communes avec des suggestions de modifications qu'elle se réservera le droit de prendre en considération ou de rejeter en tant que Chambre élue.

Je réitère les observations judicieuses du député de Kootenay-Est. Notre génération a un rendez-vous constitutionnel. Un jour, peut-être pas trop lointain, nous devrons procéder à une réforme en profondeur des institutions.


3059

En décembre dernier, lorsqu'il a accordé un droit de veto régional à la Colombie-Britannique et un autre aux trois provinces des prairies, le premier ministre a souscrit à l'idée d'un Canada composé de cinq régions, ce qui est une idée à laquelle les électeurs de ma province sont très attachés. C'est là un important pas en avant.

L'élection des membres de la Chambre haute est, à mon avis, un autre principe très clair. Il est intimement lié à d'autres changements à nos institutions, à la nature des tribunaux, au droit judiciaire et à la Cour suprême. Celle-ci, en raison des responsabilités qu'on lui demande d'assumer, est en train de devenir de facto, et pas nécessairement parce qu'elle le désire, une cour constitutionnelle très semblable aux tribunaux européens et à la Cour suprême des États-Unis.

En ce moment même, la Chambre des communes est saisie de mesures qui, en Europe, devraient être tranchées par une cour constitutionnelle. Peut-être la meilleure façon d'envisager les modifications aux institutions serait-elle d'étudier celles-ci en bloc, dans l'optique large de l'évolution de la démocratie constitutionnelle, dont le respect d'une Chambre haute non élue ou d'une Chambre basse élue constitue l'un des principes fondamentaux.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt les remarques du député de Vancouver Quadra. Toutefois, j'ai remarqué qu'il n'avait pas parlé de la motion comme telle.

La motion donne avis que la Chambre s'oppose à l'adoption du budget du Sénat. Cela vise à exercer une certaine pression sur le Sénat pour l'amener à rendre des comptes sur l'utilisation de fonds publics d'un montant de 40 millions de dollars.

À la Chambre, il faut qu'une majorité de députés se disent prêts à voter contre le budget du Sénat si les sénateurs refusent de témoigner devant le Comité permanent des opérations gouvernementales.

Quelle est la position du Parti libéral à cet égard? Les représentants de la Chambre haute devraient-ils rendre des comptes aux contribuables canadiens, oui ou non?

M. McWhinney: Monsieur le Président, le député se sert ici du vote sur le Budget des dépenses principal pour aborder de façon fort éloquente et éclairée des questions liées à des changements constitutionnels importants. Bien que cela soit habituel dans le droit constitutionnel américain et au Congrès des États-Unis, d'autres moyens plus directs sont accessibles dans notre pays.

Par exemple, le parti de l'opposition a dit qu'il soumettrait à la Chambre la semaine prochaine la question de la réforme du Sénat. À mon avis, il serait préférable d'utiliser des moyens plus directs pour discuter des changements constitutionnels importants souhaités. Je ne crois pas que nous ayons besoin du mécanisme que les Américains ont mis au point parce qu'ils n'ont pas les mêmes possibilités de débat direct que nous, soit attacher des questions concernant des changements constitutionnels importants à une motion sur le budget.

(1140)

M. Abbott: Monsieur le Président, je me demande si je peux être très bref et poser une question très directe. La question est la suivante: le Sénat devrait-il rendre des comptes aux contribuables canadiens sur l'utilisation des 40 millions de dollars qu'il dépensera, oui ou non?

M. McWhinney: Monsieur le Président, je crois que le député ne veut pas entendre la réponse que je viens de donner, qui est la réponse-clé. Toutefois, il me semble que ma collègue, la secrétaire d'État chargée du Multiculturalisme, a déjà répondu à la question très directe du député.

Compte tenu du fait que le Sénat non élu est un anachronisme qui existe et que la loi donne à chacune des chambres le pouvoir d'administrer ses propres dépenses de façon autonome, alors il me semble que cette question relève du Sénat, autant qu'on puisse le regretter.

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Monsieur le Président, le député parle de façon hypothétique. Nous sommes dans la situation réelle où nous devons voter sur le budget du Sénat. C'est peut-être bien de dire qu'il serait préférable d'aller dans une autre direction à l'avenir, mais il n'en reste pas moins que, dans le moment, nous devons voter sur le budget.

Le député votera-t-il pour ou contre la responsabilité du Sénat?

M. McWhinney: Monsieur le Président, tant que le Sénat existe, nous devons respecter son autonomie. Le principe de la courtoisie parlementaire l'exige. La réforme du Sénat est une autre question qui devrait être débattue dans son propre contexte.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, étant donné que la Chambre des communes, la Chambre basse, est responsable devant l'électorat canadien de l'engagement des dépenses qu'elle adopte ici et qu'en contrepartie, les sommes affectées à l'autre Chambre ne lui sont comptables devant personne, il y a donc, à ce moment-là, une partie du budget du gouvernement fédéral qu'on ne peut justifier devant la population. Je pense que c'est ça la préoccupation première des députés du Parti réformiste.

En ayant le carnet de chèques ici, lorsqu'on fait le chèque là-bas, on devrait au moins nous dire à quoi seront employés les fonds. C'est le but premier de la motion d'aujourd'hui.

M. McWhinney: Monsieur le Président, je dois répondre à l'honorable député que nous devons accorder au Sénat le même respect qu'on lui demande de nous accorder en tant que Chambre des communes. C'est le principe de réciprocité, la courtoisie parlementaire entre les deux Chambres. Le Sénat, tel qu'il existe, est une institution de notre Parlement.


3060

[Traduction]

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, lorsque la Chambre affecte 40 millions de dollars à la construction d'une route en Nouvelle-Écosse, par exemple, le gouvernement s'attend à ce qu'on lui rende des comptes. N'est-il pas en droit d'en attendre autant lorsqu'il dépense 40 millions de dollars à même ses prévisions budgétaires pour une autre organisation, y compris le Sénat?

M. McWhinney: Monsieur le Président, oublions la construction routière. Il est ici question d'autre chose.

En ce qui concerne le Sénat, je croyais avoir clairement indiqué dans mon allocution que nous nous attendons à ce que le Sénat respecte les décisions majoritaires prises par la Chambre des communes. Le Sénat est une institution parlementaire dont nous devons respecter l'autonomie. Ce principe de réciprocité est incontournable.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je crois qu'il est important de bien situer l'enjeu de la motion présentée par le Parti réformiste. Le Comité permanent des opérations gouvernementales a demandé que des représentants du Sénat viennent défendre les crédits de la Chambre haute.

(1145)

Il n'y a pas eu de réponse de la part du Sénat à la suite de cette demande. On est devant un budget de l'ordre de 43 millions de dollars. On peut défendre cela, au nom des principes qui avaient cours lors de la création des Chambres, lors de la création du système parlementaire canadien actuel, mais aujourd'hui, il faut se demander si on a les moyens de se payer ce genre de principes, ce genre de situation.

Vous savez, 43 millions de dollars aujourd'hui, c'est quand même une somme assez significative. Il y a là-dedans toutes sortes de choses. Si on était certains que le Sénat avait un comportement exemplaire dans la dépense des sommes, peut-être qu'on aurait moins de questions à se poser. Je voudrais faire référence au rapport du vérificateur général du Canada.

Au Sénat, en 1991, le rapport a fait ressortir plusieurs anomalies, plusieurs choses qui sont faites plus ou moins correctement. Par exemple, en ce qui concerne le service de messageries, les sénateurs ont décidé que c'était sans fin, qu'on pouvait dépenser de quelque façon que ce soit, tant qu'on en avait besoin.

Le rapport du vérificateur général a aussi fait ressortir la question des présences, de l'assiduité au Sénat de certains de ses membres. On se rend compte que beaucoup de sénateurs ne sont pas là très souvent et qui ne génèrent pas beaucoup de dépenses, mais il y en a d'autres, une minorité, qui génèrent beaucoup de dépenses.

Ce sont peut-être des choses qui sont justifiées, qui sont justifiables. C'est justement le propos de la motion qui est présentée par le Parti réformiste et qui fait suite à la recommandation présentée au Comité des opérations gouvernementales.

La réaction du Sénat est d'autant plus étonnante qu'aujourd'hui, dans la société, lorsqu'on explique à nos concitoyens qu'il y a une Chambre comprenant des personnes non élues qui ont le droit de ne rendre de comptes à peu près à personne, ils sont très étonnés de cette situation. Toute comparaison peut clocher, mais on voit quelles exigences on a vis-à-vis des citoyens aujourd'hui, par exemple quelles exigences on a quant à la façon dont les bénéficiaires de l'assurance-chômage utilisent leurs prestations, les lois très compliquées qu'on leur demande de comprendre, et de l'autre côté, on a une Chambre composée de personnes non élues qui, pour la plupart, ont été nommées par recommandation, pour contribution aux activités politiques d'un parti. On peut parler du Parti libéral du Canada et du Parti conservateur. La majorité des gens qui sont au Sénat ont travaillé dans l'organisation politique et leur nomination est le résultat de ce fait.

Est-ce qu'aujourd'hui, à l'aube du XXIe siècle, il est encore approprié d'avoir une Chambre qui puisse dépenser 43 millions de dollars sans avoir à rendre compte de quelque façon que ce soit sur la manière dont cet argent est dépensé? Est-il approprié qu'on ne puisse poser des questions, à savoir si les sommes allouées, par exemple aux salaires, sont justifiées par rapport à ses activités?

La façon de fonctionner au niveau des comités, les déplacements de cette Chambre de non-élus, est-ce que c'est justifié aujourd'hui au Canada? Pour qu'on se rappelle, je vais peut-être faire un petit cours d'histoire. La création du Sénat, et je pense qu'on peut faire référence à la Chambre des Lords en Angleterre, c'était pour en faire une Chambre de non-élus, parce qu'on disait que les gens élus n'avaient pas «toutes les capacités pour gérer l'État correctement» et cela prenait une sorte de sages pour faire la gestion, des gens qui avaient une formation particulière, etc.

La situation a changé depuis ce temps-là. Aujourd'hui, à la Chambre des communes, on rencontre des gens qui ont de l'expérience dans toutes sortes de secteurs, qui ont les compétences techniques nécessaires. On a aussi du soutien dans les équipes de travail, des adjoints, des gens du service de recherche, qui remplissent très adéquatement toute cette partie de la recherche. Ils doivent être au service des élus parce qu'il y a une notion fondamentale importante qui est le fait que les élus, les gens qui sont à la Chambre des communes ont à rendre compte à la fin de leur mandat de l'efficacité du travail qu'ils ont accompli s'ils veulent être réélus.

Pour les sénateurs, ce n'est pas la même chose. Ils sont nommés quasiment à vie, sans obligation de rendre compte de leur efficacité.

Pour illustrer cela, je voudrais poser une question; je pense que je pourrais même l'adresser aux députés du Parlement ici. Est-ce que vous pouvez dire quel est le sénateur qui est responsable de l'équivalent, ou à peu près, de votre circonscription électorale?

(1150)

Par exemple, y a-t-il des gens capables de dire qui est le sénateur des divisions sénatoriales comme Lauzon, De la Vallière, De Lorimier, Wellington, De Salaberry, Grandville, Rougemont, Milles Isles, Montarville? Je pense que ce serait un bon défi à lancer à la population canadienne pour savoir qui peut identifier le sénateur correspondant à son territoire.

C'est un exemple caricatural pour bien indiquer que le Sénat ne répond pas à un critère essentiel dans la notion de gestion des fonds publics, la notion de l'imputabilité. Il n'y a aucune imputabilité, ni individuelle, ni collective. On ne demande pas aux sénateurs de rendre compte devant la population de l'efficacité du travail qu'ils


3061

accomplissent et on ne peut obtenir qu'ils viennent témoigner devant un comité de la Chambre de l'utilisation de son budget et de son efficacité opérationnelle. Cela confirme que le Sénat est une institution archaïque.

On pourrait même dire que le Sénat est un peu un anachronisme. On peut prétendre que son refus de se rendre à la demande inscrite dans la motion, c'est-à-dire accepter de venir défendre l'utilisation de ses crédits, ajouterait aux arguments qui pourraient justifier une motion dont on traitera plus tard à la Chambre concernant l'abolition du Sénat tel qu'on le connaît.

Au Canada, on peut faire tout un débat sur cette question. Et je pense que l'occasion nous en sera donnée lorsqu'on étudiera la motion sur l'abolition du Sénat que j'ai présentée. On pourra débattre à savoir quel type de Chambre haute on désire. Est-ce qu'on voudrait une Chambre haute élue? Est-ce qu'on voudrait ne pas avoir de Chambre haute du tout? Peut-il y avoir une représentation régionale proportionnelle? Il y a toutes sortes d'hypothèses possibles.

Il y une chose dont je suis profondément convaincu, c'est que la Chambre haute, telle qu'elle existe aujourd'hui, ne répond d'aucune façon aux exigences de la démocratie de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle.

Je reviens au rapport du vérificateur général de 1991. À ce moment-là, il avait fait 27 recommandations qui touchent toutes sortes d'aspects de la gestion courante; il serait très intéressant de vérifier dans quelle mesure le Sénat a tenu compte de ces recommandations. Par exemple, si un comité pouvait demander comment les dépenses sont allouées et réparties quant à la question des frais de messagerie, des salaires, des voyages, quelle part se rapporte à des voyages dans les «circonscriptions» des sénateurs et quelle partie concerne les déplacements dans l'ensemble du Canada, cela apporterait des réponses à toutes sortes de questions qui nous intéresse.

Les députés sont imputables. Si on pose le mauvais geste, si on prend de mauvaises décisions, c'est la population qui jugera si le mandat d'un député qui se représente sera renouvelé. La motion du Parti réformiste n'est qu'une demande de respect minimal de notre rôle de député en cette Chambre. Est-ce qu'on tolérera que les sénateurs puissent dépenser impunément, sans avoir de compte à rendre?

Le principe défendu par le député de Vancouver-Quadra, à savoir que les deux Chambres sont indépendantes, est-il encore applicable aujourd'hui? Si on demandait à l'ensemble des Canadiens si le Sénat doit être responsable de ses dépenses, je pense que le résultat serait 100 p. 100 en faveur de l'imputabilité de cette Chambre. On dirait qu'il doit rendre compte de son action et de l'efficacité de son travail de la même façon que le Parlement le fait dans le processus électoral.

Ce n'est pas parce qu'une règle est vétuste qu'on n'a pas le droit de la changer.

(1155)

Quand on circule dans nos circonscriptions ces années-ci, on se fait poser beaucoup de questions comme celle-ci: Comment allez-vous vous assurer que le système fédéral atteigne une niveau d'efficacité suffisant et qu'on mette fin à la liste des horreurs du manque de contrôle des dépenses? Et on me cite des exemples. On me cite également des exemples de revenus qui n'entrent pas, comme les impôts qui auraient pu être payés sur les fiducies familiales. On me cite des exemples sur la défense nationale. Et on a un exemple symbole, le Sénat.

On l'a vu de façon très clair lors du dernier discours du Trône. Pensez-vous que c'est une image intéressante qui a été donnée à l'ensemble de la population lorsqu'on a vu quelques sénateurs qui se permettaient un petit somme pendant la présentation du discours du Trône? Sur le plan démocratique, c'est vraiment inacceptable et cela doit changer.

C'est pour ça que, dans le fond, la demande qui a été faite au Comité permanent des opérations gouvernementales est une démarche très saine. Cette Chambre n'est pas élue. Il est important de toujours se rappeler que les sénateurs au Canada ne sont pas élus. On n'est pas du tout dans le même système qu'aux États-Unis ou dans d'autres pays où les sénateurs sont élus. Lorsqu'on est élus, on sait qu'on est des occasionnels, qu'on est là pour un mandat.

Alors, si on ne travaille pas correctement, si on n'effectue pas notre mandat correctement, la population pourra toujours nous sanctionner, porter un jugement en bout de ligne. Mais ce n'est pas ce qu'on retrouve dans le cas du Sénat ici, au Canada: il n'y a pas de sanction. Vous pouvez être totalement inefficace, vous pouvez être efficace, il n'y a pas de changement, il n'y a pas de différence dans la façon dont les gens sont traités. Il n'y a pas à rendre compte à la population de la position qu'on prend.

Donc, je pense que la motion est très justifiée. J'invite le gouvernement à voter dans le sens de la motion. Je pense même qu'un message pourrait être lancé. Si les sénateurs voulaient absolument éviter ce genre de motion de blâme, ils ont toute la journée d'aujourd'hui pour venir nous dire qu'ils ont évolué dans leur position et qu'ils seraient prêts à être rencontrés par le comité. À ce moment-là, en bout de ligne, la motion aurait au moins fourni l'occasion, par le débat public qu'elle crée, de rendre très évident à la face même de l'ensemble des Canadiens la nécessité de l'imputabilité du Sénat, de la nécessité de pouvoir savoir à quoi servent le sommes que les gens paient par leurs taxes et leurs impôts et si ces sommes sont dépensées aux bons endroits. En même temps, c'est une belle occasion pour ouvrir un débat, à savoir si on doit continuer à se payer une Chambre comme celle-là de gens non élus et si on a les moyens d'avoir une Chambre qui fonctionne de cette façon.

Si j'étais sénateur aujourd'hui, j'aurais plutôt sauté sur l'occasion pour venir défendre la façon dont les sommes sont allouées. En refusant de se présenter devant le Comité permanent des opérations gouvernementales, les sénateurs prêtent encore plus flanc à la critique qui est celle de leurs activités, car celui ou celle qui ne se défend pas consent souvent à ce que la version de l'autre soit retenue.

Devant la situation actuelle, il est très clair et très net que les sénateurs semblent avoir beaucoup de difficultés à venir défendre la façon dont ils utilisent leur budget. C'est un très mauvais signe et c'est un très mauvais message qui est donné à la population canadienne. C'est un message qui nous encourage à poser d'autres


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questions et à se questionner sur le principe même du Sénat. C'est ce que les députés de cette Chambre auront l'occasion de faire grâce à cette motion qui fera l'objet d'un vote, soit de décider si, oui ou non, ils seront en faveur de l'abolition du Sénat.

Cette motion qui sera discutée la semaine prochaine ira encore plus au fond du problème. Elle soulèvera des questions fondamentales telle la suivante: Est-ce qu'on a besoin d'une Chambre de non-élus? Elle soulèvera également la question suivante: Est-ce qu'on a besoin d'une deuxième Chambre?

Finalement, il s'agit d'une façon d'actualiser le processus parlementaire. Ce n'est pas parce qu'une institution est là depuis 125 ans qu'elle doit nécessairement se perpétuer. C'est un petit exemple, mais, dans un sens, c'est la même chose au niveau de la structure même du pays.

Ce n'est pas vrai que, parce que le Canada a été créé en 1867, que le mode de relation qu'il doit y avoir entre les différentes communautés qui le composent, entre le peuple du Québec et celui du Canada, doit demeurer la même dans l'avenir. Il s'agit que les populations se donnent des structures qui répondent à leurs besoins, et non pas des structures qui leur nuisent ou qui engendrent de l'inefficacité.

En conclusion, je dirai que la motion du Parti réformiste est valable. Il est dommage qu'on ne puisse pas voter sur cette motion. J'aurais aimé qu'on puisse dire au Sénat, par un vote de la Chambre, qu'on est vraiment frustrés, insatisfaits et un peu insultés du fait que les sénateurs ne daignent pas venir défendre leurs crédits devant le Comité des opérations gouvernementales. En conséquence, on pourrait dire: «Vous ne voulez pas être imputés, alors nous, on ne permettra pas que les sommes soient disponibles.»

(1200)

Si le gouvernement prenait une position en ce sens, on aurait vraiment l'occasion de voir qui est l'instance suprême concernant les Chambres, parce que c'est une notion importante. Qui doit avoir le droit, au Canada, de donner le message final?

Aujourd'hui, je comprends, de la façon dont on débat de la motion et de la position du gouvernement, que celui-ci se ferme les yeux sur l'inefficacité du Sénat. Il dit: «Cela peut continuer ainsi que cela va depuis plusieurs années.» On va continuer à permettre cela aux sénateurs qui représentent des divisions sénatoriales.

Par exemple, je dirais aux gens des divisions sénatoriales de Grandville, de La Salle, de Repentigny ou de Mille Isles: «Appelez votre sénateur et demandez-lui ce qu'il fait avec l'argent qui le concerne.» Sauf que je sais qu'il y a un problème fondamental: les Canadiens ne savent pas qui est le sénateur responsable de leur entité, parce qu'il n'y a jamais de représentations qui sont faites.

Est-ce que vous vous souvenez d'avoir vu les sénateurs circuler dans votre circonscription pour venir parler des difficultés, parler des problèmes qu'on rencontre? Du tout. Ils n'ont pas la crédibilité de base qui est celle d'avoir été élus par la population. Je pense qu'aujourd'hui, le Sénat est une structure archaïque, une structure qui est un peu un anachronisme. Le fait que les sénateurs refusent de venir défendre leurs crédits est une manifestation encore plus évidente de cet anachronisme.

Je pense que ce serait très important qu'il y ait une correction de comportement de la part du Sénat, des sénateurs, et que le gouvernement prenne acte du débat d'aujourd'hui pour obliger le Sénat à rendre compte et que si le Sénat ne le fait pas, on aura un argument de plus pour voter en faveur de l'abolition du Sénat.

[Traduction]

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre part à ce débat sur l'obligation du Sénat du Canada de rendre des comptes.

Je veux d'abord féliciter mes collègues qui ont pris la parole avant moi sur cette question, particulièrement mon collègue représentant Comox-Alberni dans ma province, la Colombie-Britannique. Je suis d'accord avec ce qu'il a dit sur le fait que le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ait refusé d'envoyer un représentant chargé de justifier les dépenses du Sénat. Au contraire, l'autre Chambre a choisi de faire fi des principes démocratiques modernes liés à la reddition de comptes.

La motion de mon collègue dit plus précisément ceci:

Que, comme le Sénat n'a pas répondu au message que la Chambre lui a transmis pour demander qu'un représentant du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration vienne témoigner devant le Comité permanent des opérations gouvernementales afin de rendre des comptes sur l'utilisation de fonds publics d'un montant de 40 000 000 $, la Chambre signale au Sénat qu'elle est mécontente qu'il n'ait pas tenu compte des principes démocratiques modernes liés à la reddition de comptes et qu'elle donne par conséquent avis qu'elle s'oppose à l'adoption du Crédit 1, sous Parlement, dans le Budget des dépenses principal de l'exercice se terminant le 31 mars 1997.
Comme mon collègue l'a expliqué, le Comité permanent des opérations gouvernementales de la Chambre des communes a présenté une telle demande et la seule réponse que nous ayons reçue, c'est un refus du Sénat de venir témoigner. Il y a un an, j'étais porte-parole du Parti réformiste pour les questions relatives au Sénat. J'aimerais pouvoir dire que le Sénat évolue ou qu'il donne des signes de changement, mais il a toujours la même arrogance. Le Sénat ne croit pas qu'il ait de comptes à rendre aux Canadiens. C'est inacceptable pour mes collègues, c'est inacceptable pour moi et c'est inacceptable pour les Canadiens.

La désillusion est déjà assez grande, au Canada, avec les politiciens élus qui ont des comptes à rendre. Ce n'est certainement pas nécessaire que les sénateurs du Canada en rajoutent en augmentant arbitrairement leur propre budget.

(1205)

La question qui se pose aujourd'hui est celle-ci: le Sénat doit-il rendre aux contribuables des comptes sur l'utilisation qu'il veut faire des 40 millions de dollars de fonds publics? Les Canadiens ne peuvent pas obliger le Sénat à rendre des compte en l'absence d'une volonté politique du gouvernement. La seule solution est d'avoir un Sénat élu.

Nous, Canadiens, avons observé une transition à des formes plus démocratiques de gouvernement dans plusieurs régions du monde. Y a-t-il quelqu'un parmi qui oubliera jamais le sentiment d'incrédulité d'abord, puis de joie qu'a suscité la destruction du mur de Berlin? Cet événement a fait souffler sur le bloc des pays de l'Est la


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brise du renouveau et de la démocratie. Aujourd'hui, les médias nous assaillent de rapports sur l'élection démocratique du président en Russie. Les peuples de l'ex-Union soviétique peuvent maintenant espérer élire leur leaders politiques et leur demander de leur rendre des comptes.

Pourquoi alors devons-nous, au Canada, tolérer que la deuxième chambre de notre Parlement ne soit pas élue? La réponse est que si nous avions un gouvernement qui avait la volonté politique de faire en sorte que le Sénat soit élu et tenu de rendre des comptes, ce serait possible.

En tant qu'ancienne porte-parole du Parti réformiste pour les questions concernant le Sénat, j'ai présenté une motion en faveur d'un Sénat triple-E. Cette motion a été choisie par le comité de la Chambre pour faire l'objet d'un débat d'une heure. Cette motion disait ceci: «Que, de l'avis de cette Chambre, chaque province devrait compter autant de représentants au Sénat, lesquels seraient élus par la population et investis de pouvoirs suffisants pour être efficaces, afin que les résidents des provinces moins peuplées soient mieux représentés.» Le principe du Sénat triple-E fait partie du programme du Parti réformiste pratiquement depuis la création de ce parti.

En tant qu'ancien porte-parole de mon parti pour les questions concernant le Sénat, j'ai eu l'occasion de faire des recherches à son sujet. Pour le Parti réformiste et pour tous les députés venant de provinces moins peuplées, la réforme du Sénat répond à un sentiment d'aliénation par rapport au centre du Canada et au gouvernement central, sentiment d'aliénation qui s'est amplifié ces deux dernières décennies. Nous croyons qu'une représentation égale des provinces à la deuxième chambre du Parlement central du Canada permettrait aux résidents des provinces moins peuplées d'exercer une plus grande influence sur le programme du gouvernement.

Le sentiment d'aliénation dont j'ai parlé vient de cette réalité que le gouvernement réagit de façon positive aux pressions exercées par les provinces ou les régions qui abritent la plus grande partie de notre population, à savoir l'Ontario et le Québec. Parfois, ces réactions se font aux dépens des provinces moins peuplées et de leurs souhaits.

Le Sénat a été conçu pour remplir deux grandes fonctions: examiner les mesures législatives venant de la Chambre basse et servir de forum où les régions auraient leur mot à dire dans le processus législatif du Parlement central. Il devait servir de porte-parole aux petits gouvernements, voire aux groupes minoritaires par rapport à la majorité populaire de la Chambre basse. Disons qu'il a été conçu pour servir de lien politique entre les composantes de la fédération et le gouvernement central.

La plupart des observateurs politiques reconnaissent que le Sénat, dans le cadre de ses fonctions actuelles, qui consistent à examiner la législation, fait du bon travail. De même, au fil des années, les comités du Sénat ont réalisé des enquêtes utiles qui ont permis d'élaborer des politiques éclairées.

Toutefois, les sénateurs qui sont restés en poste même s'ils ne se présentaient qu'une fois par année, et parfois moins, ont été ouvertement critiqués. Un Sénat élu éliminerait cette pratique. Ces critiques sont suscitées par le fait que les sénateurs étaient autrefois nommés à vie. Le favoritisme qui incite parfois les gouvernements à nommer au Sénat des personnes qui ne le méritent pas a aussi contribué à miner le respect que les Canadiens pouvaient avoir pour le Sénat, à tel point que cette chambre s'est attirée des surnoms peu flatteurs, comme le «club des copains».

La principale critique que l'on fait du rôle joué par le Sénat, au Canada, a cependant trait à l'incapacité de cette institution de représenter toutes les régions. Cette situation a engendré d'importantes frustrations dans l'Ouest du Canada surtout parce que les habitants de cette région ont nettement l'impression que c'est le Canada central qui définit les politiques et qui a la haute main sur le programme gouvernemental, du seul fait du nombre plus élevé de ses représentants.

Dans le même ordre d'idées, on croit aussi que les sénateurs n'ont pas l'autorité nécessaire pour prendre des décisions, puisqu'ils ne sont pas élus. Donc, même si les sénateurs décidaient de commencer à voter en blocs régionaux ou provinciaux, ils n'auraient toujours pas toute la légitimité nécessaire, parce qu'ils ne sont pas élus par les Canadiens. C'est là une très bonne raison pour avoir un Sénat élu.

Il ne faut pas oublier non plus que les pouvoirs actuels du Sénat sont pratiquement égaux à ceux de la Chambre des communes. La seule exception, c'est que même si les sénateurs peuvent présenter des projets de loi, mis à part les projets de loi financiers, ils ne peuvent retarder les amendements constitutionnels de plus de 180 jours. Hormis ces deux exceptions, il est important de préciser que le Sénat peut rejeter, modifier ou retarder tous les projets de loi venant de la Chambre des communes. Toutefois, étant donné son peu de légitimité, l'exercice de ces pouvoirs est constamment critiqué. Par conséquent, cette lacune quant à la représentation égale et à la légitimité des interventions du Sénat visant à défendre ou à favoriser les intérêts des provinces plus petites a alimenté le mouvement de réforme du Sénat.

(1210)

Le mouvement en faveur d'un Sénat triple-E semble avoir pris de l'ampleur à cause des démarches du gouvernement libéral précédent pour l'implantation du Programme énergétique national, mais il y a eu plusieurs autres propositions de réforme. En fait, j'ai apporté un communiqué de la Presse canadienne qui parle de l'idée d'un Sénat élu. Il est daté de juillet 1992, avant que beaucoup d'entre nous ne soyons à la Chambre. Le communiqué de la Presse canadienne déclare ce qui suit:

D'après une enquête auprès des membres de la Chambre haute, au moins 19 sénateurs sont intéressés à se présenter aux élections pour un siège au Sénat. Par contre, 34 des 99 sénateurs en fonction ont déclaré à la Presse canadienne qu'ils ne se présenteraient pas si des élections se tenaient en vertu du plan actuel de réforme du Sénat [. . .]Mais même si ce plan est ratifié par le gouvernement fédéral et les provinces, les premières élections sénatoriales n'auront pas lieu avant 1997.
La plupart d'entre nous savons que nous avons déjà eu un sénateur élu, Stan Waters de l'Alberta. Par conséquent, cette prévision n'a pas tenu.


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Le conservateur du Québec, Gérald Beaudoin, qui était co-président du Comité mixte sur la réforme constitutionnelle était, au départ, très critique à l'égard des propositions concernant le Sénat, disant que ce serait une perte de pouvoir inacceptable pour le Québec. Mais il pense maintenant que le Sénat proposé sera intéressant et qu'il sera probablement candidat.
Parmi les autres sénateurs connus intéressés à se présenter, il y a la conservatrice Pat Carney de Colombie-Britannique, une ancienne ministre, et les libéraux Joyce Fairbairn de l'Alberta et Michael Kirby, Jerry Grafstein et Royce Frith, tous de l'Ontario. Gil Molgat, un libéral du Manitoba se déclare intéressé, mais il veut plus de détails sur le Sénat proposé. Il disait: «Notre régime a besoin d'un système de contre-poids, et c'est justement ce qu'un Sénat élu assurerait.»
Même à cette époque, on reconnaissait que le Sénat n'était pas responsable.

Il y a ensuite John Macdonald de la Nouvelle-Écosse, un des deux sénateurs à vie qui restent encore. À l'âge de 86 ans il déclare qu'il est prêt à se mesurer à quiconque se présentera. «Je serais prêt. J'aime cela être sénateur. Je suis là depuis longtemps. Je voudrais y rester.»
Ce n'est pas une position inacceptable pour certains sénateurs que de se présenter à des élections. De toute évidence l'idée a fait l'objet de longues discussions. En fait, l'idée d'un Sénat élu a commencé à faire son chemin en 1981, lors de la publication d'un ouvrage de la Canada West Foundation intitulé Regional Representation: The Canadian Partnership. Ce document découlait des travaux de David Elton de la fondation et de Burt Brown de l'Alberta. En 1982, le sénateur Duff Roblin, ancien premier ministre du Manitoba, a proposé que les sénateurs soient élus selon un système semblable à celui de l'Australie.

Le premier rapport du Parlement fédéral entérinant un Sénat élu fut rédigé par le Comité mixte spécial sur la réforme du Sénat et publié en 1983. Il faut souligner que le coprésident du comité pour le Sénat était le sénateur Gil Molgat du Manitoba, l'actuel Président du Sénat. Plus récemment, l'accord du lac Meech proposait en 1987 une procédure de nomination hybride pour combler les sièges vacants au Sénat. En 1992, nous savons tous que l'accord de Charlottetown proposait un Sénat élu.

Je me souviens de l'interprétation qu'en a faite l'actuel gouvernement néo-démocrate de Colombie-Britannique. En fait, c'est justement l'interprétation du gouvernement provincial des propositions contenues dans l'accord de Charlottetown quant aux changements à apporter au Sénat qui a précipité mon entrée dans l'arène politique. À l'époque, on laissait entendre que le gouvernement provincial pouvait choisir le mode d'élection par la population. En Colombie-Britannique, certains députés ministériels provinciaux et le premier ministre ont déclaré que le Sénat serait composé d'un nombre égal d'hommes et de femmes et que le gouvernement procéderait à la sélection des candidats aux sièges sénatoriaux. C'était fort peu démocratique.

La première de ces déclarations va à l'encontre de la tradition canadienne. Les Canadiens croient depuis longtemps à l'attribution des postes en fonction du mérite, c'est-à-dire que les plus aptes à faire un travail devraient être choisis pour le faire. En outre, tous les candidats à un poste de sénateur doivent pouvoir venir de toutes les couches de la société provinciale et non des listes d'amis du gouvernement.

En cette Chambre, nous savons que durant les années 80, un événement unique dans l'histoire du Sénat s'est produit en Alberta. L'Alberta a promulgué une loi permettant aux gens de se présenter aux élections à l'échelle provinciale lorsqu'un siège sénatorial serait vacant. Des élections ont eu lieu et c'est le député réformiste Stan Waters qui l'a remporté haut la main. Par la suite, il a été convoqué au Sénat par le gouverneur général sur l'avis du premier ministre du Canada. Hélas, Stan Waters nous a quittés avant d'avoir eu l'occasion de montrer aux Canadiens à quel point un sénateur responsable pourrait être utile.

(1215)

Reste néanmoins que l'élection du sénateur Stan Waters constitue un précieux précédent. Malheureusement, elle n'a pas été suivie d'autres nominations de sénateurs de l'Alberta. La récente nomination du sénateur Jean Forest dénature le processus démocratique qui a récemment vu le jour en Alberta et qui a permis d'élire Stan Waters au Sénat.

Tel est le bref historique de la raison pour laquelle nous en sommes là aujourd'hui. On peut conclure que le Parti réformiste du Canada reflète sans contredit la volonté des Canadiens en préconisant une politique visant un Sénat triple-E élu. Or, tant que le gouvernement ne croira pas en la démocratie et qu'il récompensera les vieux amis du parti, le Sénat ne changera pas.

Non seulement la démocratie fait défaut dans nos rapports avec l'autre endroit, mais il semble qu'elle soit également une denrée rare au sein des comités. Sous le gouvernement actuel, lorsque les députés adoptent à l'unanimité un projet de loi d'initiative parlementaire à sa deuxième lecture et le renvoient à un comité, les ministériels qui siègent au comité peuvent faire abstraction de toutes les dépositions présentées par les témoins experts, ceux-là mêmes qui ont été convoqués par le comité et qui sont rémunérés par le contribuable canadien. Les ministériels peuvent voter contre le projet de loi sans autre explication. Or, même les juges doivent justifier leurs décisions.

Pense-t-on qu'il faudrait tenir ces membres du comité qui sont élus en plus haute estime que les juges? Ne sont-ils pas responsables des travaux de la Chambre devant les députés? Ils peuvent même aller plus loin que rejeter un projet de loi d'initiative parlementaire. Ils peuvent voter contre son renvoi à la Chambre.

Comment cela peut-il se produire dans un pays démocratique? Comment se fait-il que sept, huit ou neuf ministériels puissent dire aux 295 députés élus qu'un projet de loi adopté à l'unanimité à sa deuxième lecture peut disparaître? Est-ce cela la démocratie? Je ne le crois pas.

On me dit que le comité est maître de ses propres travaux. C'est curieux. Est-ce une excuse pour que les membres des comités fassent preuve d'arrogance, comme le gouvernement en a si souvent l'habitude? Il promet une chose le jour des élections, mais fait tout


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le contraire dans la pratique. Il avait promis d'être ouvert et honnête. Quelle honte. Est-ce cela la démocratie? Certainement pas. J'oublie, comme Marc-Antoine l'a dit, «qu'ils sont tous des hommes honorables. Étaient-ils tous des hommes honorables?»

À mon avis, le gouvernement est aussi arrogant que les sénateurs de l'autre Chambre. La seule réalité qui compte, c'est que ce petit groupe d'élus qui a fait des gorges chaudes du chagrin et de la douleur qu'éprouvent les personnes âgées qui, pour aucune raison légitime, ne peuvent plus voir leurs petits-enfants, ces députés, dis-je, les électeurs canadiens vont les rendre responsables de leurs gestes. Ça ne va pas tarder.

Le gouvernement actuel est passé maître dans l'art de duper. Dans le préambule du projet de loi C-33, il prône la protection de la famille. Cela ne l'a pas empêché de conférer des droits spéciaux à des groupes d'intérêts spéciaux, détruisant ainsi les fondements mêmes de la famille: nos grands-parents, ces citoyens canadiens qui, à la sueur de leur front, ont doté le pays des programmes sociaux que nous connaissons aujourd'hui.

Le premier ministre est-il en mesure de réformer le système de nomination fondé sur le favoritisme qui est en vigueur au Sénat? Ce ne serait pas bien compliqué: de concert avec la province où l'on enregistre une vacance, il n'aurait qu'à tenir une élection. À notre connaissance, cette façon de faire a donné de très bons résultats en Alberta, où a été élu feu Stan Waters.

Récemment nous avons reçu un soutien direct du premier ministre de l'Alberta en faveur de la tenue d'une élection pour nommer un représentant de l'Alberta au Sénat. Seulement, le gouvernement était convaincu qu'il peut faire fi des souhaits de la population tout en restant populaire. Ça peut marcher un temps mais, à long terme, ne pas se plier à la volonté de la population, c'est un petit jeu politique dangereux.

Il faut peut-être dix ans pour équilibrer le budget, dix ans pour diminuer les impôts et dix ans pour réformer le régime de pensions du Canada, mais sous le gouvernement libéral il suffit de dix minutes pour récompenser des amis en les nommant au Sénat.

À une époque où un vent de démocratie souffle sur l'Europe de l'Est, je trouve cela honteux que le gouvernement continue de faire preuve d'un tel manque de respect envers les Canadiens. Au moment où nous tentons désespérément de rétablir la confiance des Canadiens dans nos institutions publiques, comment pouvons-nous laisser les membres d'une assemblée nommée négliger leur obligation de rendre des comptes?

Nous traversons une période de restrictions financières. On demande à tous les Canadiens de porter une part du fardeau que représente la réduction du déficit, afin d'équilibrer le budget. Tous les Canadiens semblent disposés à collaborer, sauf bien sûr ceux qui sont au Sénat. Tout laisse croire que les sénateurs ne sont pas touchés par la réduction du déficit, l'obligation de rendre compte et les réactions des Canadiens. Plus ils défient la démocratie, plus ils font avancer la cause de la réforme du Sénat.

(1220)

Je suis fière d'être membre du Parti réformiste du Canada. C'est le seul parti politique qui croit en une véritable réforme du Sénat, pour en faire un Sénat triple-E, un Sénat que caractérise une représentation égale, qui est efficace et, avant toutes choses, qui est élu par les Canadiens.

Les membres du Parti réformiste croient fermement que tous les Canadiens sont égaux devant la loi. Tous les Canadiens et toutes les provinces canadiennes ont la même valeur. La participation au Sénat devrait refléter cette égalité. Laissons la Chambre des communes refléter les différences de population des provinces canadiennes, mais exigeons de la deuxième Chambre une représentation égale et l'obligation de rendre des comptes.

Faisons en sorte que, lorsqu'un projet de loi est étudié au Sénat, aucune province ne soit mieux ou davantage représentée que les autres. Selon le Parti réformiste, la deuxième Chambre devrait avoir assez de pouvoir pour garantir son efficacité. À l'heure actuelle, le Sénat dispose de pouvoirs qui sont pratiquement égaux à ceux de la Chambre des communes. Sauf en ce qui concerne la présentation de projets de loi de finances et le veto possible du Sénat à l'égard de modifications constitutionnelles, le Sénat dispose de pouvoirs qui sont égaux à ceux de la Chambre des communes, mais il les exerce rarement. Toutefois, s'il était élu, j'espère que l'exercice de ces pouvoirs viendrait avec la légitimité.

Par conséquent, pour que la réforme du Sénat soit significative, il faut que le Sénat soit doté de pouvoirs vraiment substantiels et qu'il exerce ces pouvoirs si jamais le gouvernement ne se conformait pas aux volontés des habitants des provinces moins populeuses du Canada. Combien de fois avons-nous vu le gouvernement ne pas tenir compte des voeux des Canadiens?

Pour que la réforme du Sénat réussisse, elle doit aboutir à l'élection des sénateurs. La seconde Chambre doit devenir une institution vraiment démocratique. Les Canadiens doivent pouvoir choisir directement qui les représentera au Sénat.

Comme je l'ai dit au début, cela pourrait se faire dès maintenant. En fait, mes collègues et moi sommes consternés de voir qu'on ne l'a pas encore fait. Si le premier ministre avait pris une initiative en ce sens, nous ne serions peut-être pas confrontés à une situation où le Sénat défie la Chambre des communes sur des questions budgétaires.

Je déplore les actions du Sénat et j'exhorte tous les députés à la Chambre à appuyer la motion dont nous sommes aujourd'hui saisis. Je voudrais répéter la question posée par mon collègue: Quelle est la position des libéraux à propos de notre motion? Les députés du gouvernement devraient-ils être obligés de rendre compte aux Canadiens de la façon dont l'argent des contribuables a été dépensé?

Dans le même ordre d'idée, le Sénat devrait-il rendre compte aux contribuables canadiens de la façon dont il dépensera son budget de plus de 40 millions de dollars? En réalité, il s'agit d'un élément du plan de dépense des deniers publics par le gouvernement dont il n'a pas à rendre compte. D'après les interventions que j'ai entendues de la part des quelques députés d'en face qui ont participé au débat d'aujourd'hui, il n'y a rien qui permette de croire qu'ils ont l'inten-


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tion de répondre à notre question et de répondre de façon satisfaisante aux voeux de tous les Canadiens à propos de la dépense d'argent dont ne savons pas encore à quoi il servira.

Je demande le consentement unanime de la Chambre pour que la motion puisse faire l'objet d'un vote.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Y a-t-il consentement unanime de la Chambre pour que la motion fasse l'objet d'un vote?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Nous n'avons pas le consentement unanime.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Madame la Présidente, je me demande si mon collègue accepterait de commenter un bref discours prononcé par l'honorable sénateur Edward M. Lawson, au Sénat, la semaine dernière ou la semaine d'avant. Le sénateur parlait de moi et je crois que la Chambre trouvera ces observations intéressantes.

Le sénateur a déclaré:

Honorables sénateurs, je suis persuadé que, tout comme moi, les honorables sénateurs en ont plein le dos et sont dégoûtés des déclarations des députés réformistes [. . .].
La déclaration qui me dérange pour l'heure, c'est la dernière qu'a faite un des députés réformistes de la Colombie-Britannique, Jim Abbott. Il a déclaré que, parmi les six sénateurs de la province, seule le sénateur Pat Carney apportait une contribution notable. Si on lui demandait sur quoi il s'appuie pour faire cette déclaration ou s'il a fait des recherches, je suis persuadé qu'il répondrait: «Des recherches? Les réformistes n'ont pas besoin de faire de recherches. Nous sommes incités à faire des déclarations spontanées sans faire de recherches.» A-t-il mené des entrevues auprès de sénateurs pour connaître leur bilan? A-t-il interviewé le sénateur Perrault, qui a servi toute sa vie, tant au Sénat qu'à l'extérieur? Ou encore le sénateur Austin, le sénateur Marchand, ou le sénateur St. Germain, d'en face? A-t-il fait la moindre vérification?
N'importe quel habitant de la Colombie-Britannique peut voir partout autour de lui les traces de l'intervention des sénateurs de la province qui ont rendu différentes choses possibles, depuis Canada Place jusqu'au nouvel aéroport.
(1225)

Certains sénateurs ont alors crié: «Bravo!» J'imagine qu'ils venaient de se réveiller. Le sénateur Lawson a ajouté:

Pour ma part, je commence à être un peu fatigué de ces déclarations des réformistes. J'ignore s'ils ont un système de quotas qui les encourage à faire un certain nombre de déclarations ineptes chaque semaine ou chaque mois. Quoi qu'il en soit, ces attaques arrivent par vagues [. . .].
Je signalerais à Preston Manning qu'il est [. . .] répréhensible que le député Jim Abbott lance de fausses accusations contre les sénateurs hétérosexuels de la Colombie-Britannique.
Quel discours. Qu'en pense ma collègue?

Mme Jennings: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de ses propos et de sa question au sujet des observations du sénateur Lawson. Par le passé, des sénateurs ont étudié des problèmes particuliers et ils ont fait de l'excellent travail.

Nous connaissons tous Pat Carney, bien entendu, à cause des grands efforts qu'elle a faits pour sauver nos phares, que nous devons vraiment conserver sur la côte de la Colombie-Britannique.

Je dois dire qu'il y a beaucoup de faussetés dans ce que le sénateur Lawson a dit. Pour commencer, je tiens à faire savoir que les réformistes font leurs recherches avant de prendre la parole. Nous savons de quoi nous parlons. Nos interventions sont directement liées aux préoccupations des Canadiens. Nous nous débrouillons assez bien sur ce plan-là.

Les propos du sénateur font justement ressortir un problème au Sénat. Il est inacceptable qu'on dise par exemple que le sénateur Perrault a fait telle ou telle chose par le passé ou que tel autre sénateur a fait autre chose autrefois. Si les sénateurs veulent être efficaces et rendre des comptes aux Canadiens, ils doivent être constamment actifs, tout comme nous, députés élus, devons rester vigilants et réagir constamment aux questions que se posent les électeurs canadiens.

Je dirais au sénateur Lawson que les observations de mon collègue sont tout à fait justes. À ma connaissance, et d'après ce que j'ai lu, le seul sénateur de la Colombie-Britannique dont j'aie entendu parler ces deux dernières années est Pat Carney, qui fait de l'excellent travail. J'ai entendu parler des autres sénateurs dans les années passées, avant mon élection, mais très peu maintenant. J'inviterais le sénateur Lawson à mettre son information à jour et à faire un peu de recherche pour parler en connaissance de cause.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, nous avons demandé au Sénat d'envoyer un représentant au comité de la Chambre des communes pour qu'il justifie le fait que les sénateurs ont dépensé 40 millions de dollars de l'argent des contribuables canadiens.

Comme il n'a pas tenu compte de cette requête, le Parti réformiste a présenté aujourd'hui pour débat une motion prévoyant que: «Comme vous ne voulez pas venir justifier le moindrement cette dépense de 40 millions de dollars, nous souhaitons que la Chambre des communes rejette ou s'oppose à l'adoption du crédit 1 que constitue le budget de 40 millions de dollars du Sénat».

Aujourd'hui, au Canada, mérite-t-on de disposer de 40 millions de dollars si l'on ne peut pas venir justifier de son utilisation devant un comité? Le Sénat devrait-il disposer de cet argent? Est-ce qu'il va rendre des comptes? Quand va-t-il le faire? Pourquoi pas?

Si l'on ne rend pas compte des dépenses du Sénat à la Chambre des communes, où le fera-t-on? Si l'on ne le fait pas maintenant, en 1996, ou en toute autre année, quand le fera-t-on?

(1230)

Le député de Vancouver Quadra parle du manque de rigueur de la Chambre non élue qu'est le Sénat. Celui-ci se compose d'une bande de partisans libéraux et conservateurs intéressés qui ont été nommés. Est-ce que les sénateurs rendent des comptes? Allons-nous nous contenter de leur donner 40 millions de dollars chaque année en leur disant de les dépenser à leur guise et de faire leur travail,


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quel qu'il soit? Ou allons-nous leur demander de venir nous dire au comité ce qui va se passer?

Voici ce qu'a notamment dit ce matin à ce sujet la députée de Vancouver-Centre. Pour elle, les deux Chambres, soit la Chambre des communes et le Sénat, sont indépendantes l'une de l'autre, de telle sorte que ce que fait le Sénat ne nous regarde absolument pas. Elle a dit que nous perdions notre temps à parler de cela. Je vais répondre à chacun de ces points dans un instant.

La députée a laissé entendre bien des choses et a notamment parlé de fanatisme. Je vais répondre à cela. Puis elle a reproché au Parti réformiste de déterrer une autre question alors qu'il y a des problèmes plus importants à régler au Canada. Je vais sûrement répondre à cela.

Le Sénat dépense plus de 40 millions de dollars par année, mais c'est très bien, les amis, il ne faut pas s'en faire, car il s'agit seulement de l'argent de nos impôts. On peut voir qu'on s'intéresse là-bas aux 40 millions de dollars. On peut voir que les gens qui sont à la tribune mesurent cet intérêt au nombre de députés ici présents.

Parlons du fait que les deux Chambres sont indépendantes l'une de l'autre. Si la Chambre des communes a la responsabilité d'approuver l'octroi à l'autre Chambre, au bout du couloir, de 40 millions de dollars de l'argent des contribuables, c'est que les deux Chambres ne sont pas si indépendantes que cela l'une de l'autre. Sont-elles absolument exclusives? Dans ce cas, pourquoi le Sénat n'approuve-t-il pas lui-même son budget de 40 millions de dollars? On parle ici de l'argent des contribuables. Je me moque complètement de savoir l'objet de ces dépenses, mais comme il s'agit de l'argent des contribuables, nous, à la Chambre des communes, avons la responsabilité d'en rendre compte. Les sénateurs devraient comparaître devant un comité et justifier leurs dépenses comme n'importe qui d'autre au Canada.

Disons que ce sont des chambres séparées. En ce cas, il ne devrait évidemment pas y avoir de lien entre les partis politiques. S'il s'agit de chambres séparées, les représentants du Sénat devraient y accéder par une sorte de processus électoral, n'est-ce pas? Non. Ce ne sont absolument pas des chambres séparées. Ceux qui accèdent au Sénat sont nommés par le premier ministre de chaque gouvernement. Ce sont des nominations très objectives, n'est-ce pas? Tous les bons Canadiens ont une chance d'être nommées au Sénat, n'est-ce pas? Oui, c'est cela.

Voyons quelques nominations figurant sur la liste. L'une des personnes nommées est un ancien député de l'assemblée législative du Manitoba, un ancien chef libéral du Manitoba. Je ne crois pas que ce soit très objectif. Un autre sénateur est un ex-ministre provincial. Cela n'est pas très objectif non plus. Il appartenait toutefois au bon parti.

L'ancien député d'Ottawa-Vanier a aussi été nommé récemment. Il a quitté un emploi pour lequel il avait fait campagne et il a fait faux bond à ses électeurs. Ceux-ci n'ont jamais pu dire s'ils souhaitaient qu'il reste à la Chambre des communes ou qu'il aille au Sénat. On l'a tout simplement arraché à sa circonscription, et quelqu'un d'autre s'est porté candidat. C'est vraiment objectif.

Un ex-directeur de campagne dans le cadre d'un congrès à la direction du Parti libéral au Nouveau-Brunswick a aussi été nommé au Sénat. Et le député là-bas a le culot de dire et veut faire croire au reste du Canada qu'il s'agit de chambres séparées. Ce ne sont pas des chambres séparées. Oui, vous pouvez chercher le reste de vos collègues. Ils ne sont pas à proximité, n'est-ce pas? Ce ne sont absolument pas des chambres séparées. Ceux qui siègent dans l'une d'elles ont été choisis personnellement par le chef du gouvernement, le premier ministre.

(1235)

Est-ce répréhensible? Le Parti libéral, qui formait l'opposition précédente, a déclaré ceci:

«La question n'est pas de savoir s'il a fait de bonnes nominations, de dire l'ex-vice première ministre Sheila Copps, la question c'est que, encore une fois, Brian Mulroney manipule le système à ses propres fins tout en prétendant publiquement être un saint.»
Ces paroles datent de l'époque où les conservateurs faisaient les nominations au Sénat, mais c'est très bien maintenant que les libéraux sont au pouvoir. Cela fait une différence. Voici une autre citation:

«Il est en train de fabriquer une énorme meule qu'il va pendre au cou de Jean Charest ou de Kim Campbell», a dit Boudria. «Ils devront aller aux urnes avec cette meule autour du cou.»
Cette observation sur une nomination au Sénat a été faite par une personne qui siégeait alors dans l'opposition et qui fait maintenant partie du gouvernement. «C'est ahurissant», a dit cette libérale quand elle était dans l'opposition. Elle était la ministre favorite d'à peu près tout le monde, mais c'était ici. Ce n'est pas maintenant.

La députée de Vancouver-Centre a tort quand elle dit qu'il s'agit de deux chambres séparées. Malheureusement, ce ne sont pas des chambres séparées. Si elles l'étaient, le Sénat serait élu, il serait égal et il serait efficace.

«Nous perdons notre temps à discuter de cette question», a dit le député de Vancouver Quadra. «Il ne s'agit que de 40 millions de dollars, après tout. Ce n'est pas notre argent, c'est celui des contribuables.» C'est un triste commentaire pour 40 millions de dollars, pour 1 million de dollars, pour 40 000 $ ou pour 400 $. Bien des gens doivent travailler et payer des impôts pour cela. En venant nous dire que nous perdons notre temps à discuter de cette question, ce député libéral agit d'une manière irresponsable.

Certaines des insinuations qui. . . Bonjour George, quel plaisir de vous voir.

M. Proud: Je suis venu spécialement pour vous.

M. White (Fraser Valley-Ouest): C'est bon de voir un autre député libéral.

Des voix: Oh, oh!

M. White (Fraser Valley-Ouest): Ils chahutent. Ils chahutent tous les quatre. C'est difficilement supportable. C'est pire que durant la période des questions.

Certaines des insinuations du député de Vancouver Quadra montrent qu'il y a quelque chose qui cloche quand un gouvernement dit qu'une personne ou un parti en désaccord, par exemple, avec la politique d'immigration est raciste ou que des partis, des personnes ou des groupes sont homophobes parce qu'ils sont contre une loi sur


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les droits des homosexuels. Il y a quelque chose qui cloche dans le message que le gouvernement adresse à la population du pays. Nous sommes fortement indignés par les insinuations faites plus tôt.

(1240)

Le commentaire le plus important entendu, c'est «occupons-nous des questions plus importantes». Eh bien, allons-y. Occupons-nous de la Loi sur les jeunes contrevenants. Les libéraux s'en sont occupé, n'est-ce pas? Ils ont fait un excellent travail, sauf que pratiquement toutes les victimes au Canada disent qu'ils n'ont pas fait ce qu'elles demandaient. Occupons-nous des questions plus importantes. Quand le gouvernement libéral le fera-t-il enfin? Le gouvernement a eu beaucoup d'occasions de s'occuper de cette loi, mais il ne l'a pas fait.

La Chambre des communes doit étudier un certain nombre de projets de loi inutiles. Quiconque a le temps d'examiner la liste des projets de loi présentés à la Chambre des communes en deux ans et demi voit bien qu'elle compte des projets de loi qui n'ont aucune espèce d'importance pour les Canadiens de l'extérieur de la Chambre des communes. C'est ahurissant.

Qu'un libéral dise enfin «occupons-nous des questions plus importantes», je m'en réjouis. Mais quand passerons-nous à ces choses importantes? Les libéraux sont au pouvoir depuis maintenant trois ans. Y a-t-il quelqu'un?

M. Proud: Il y a de la lumière.

M. Abbott: Oui, mais elle n'est pas très forte.

M. White (Fraser Valley-Ouest): George, arrête de chahuter. Ma mère nous regarde.

Il a fallu trois ans au Parti réformiste pour amener la question des droits des victimes devant la Chambre des communes et il nous a fallu les harceler pour qu'ils fassent quelque chose. Puis, le député vient nous dire qu'il faut passer à des choses plus importantes. D'accord, mais quand?

Évidemment, nous dépenserons cette année environ 35 milliards de dollars de plus que ce que nous encaisserons. Mais cela, ils s'en balancent. Ce ne sont que 35 milliards qui s'ajoutent aux 100 millions de dollars qui sont allés grossir la dette depuis leur élection. Pardon, cent milliards de dollars. De toute façon, je ne crois pas qu'ils sachent ce que cela représente. Il y a un problème. Les libéraux dépensent plus qu'ils encaissent. Ils ont fait augmenter la dette de 100 milliards de dollars en trois ans et le député vient nous dire que nous devons nous occuper de sujets plus importants. Laissez-moi rire.

Il y a des jeunes là-haut qui se demandent quand le gouvernement va enfin s'occuper de questions importantes. Il ajoutera 35 milliards de dollars à une dette qui dépasse déjà les 570 milliards. Quel est le rapport avec la motion à l'étude aujourd'hui? Les sommes en jeu dans la motion ne s'élèvent qu'à 40 millions de dollars. C'est peu puisque nous dépensons chaque année 35 milliards de plus que ce que nous avons. C'est de la petite monnaie pour vous, les gars, n'est-ce pas?

Il ne faut donc pas faire venir le Sénat ici. Il ne faut pas demander aux sénateurs comment ils dépensent leur argent. Il ne faut pas leur demander de rendre des comptes sur leurs balades dans tout le pays. Il ne faut pas leur demander où ils gaspillent ni comment ils pourraient réduire leurs dépenses. Cela est apparemment sans importance.

Le député de Vancouver Quadra a bien résumé la situation en disant que ce que nous avions ici, c'était un manque de retenue de la part d'une assemblée non élue. C'est bien. Cela me rappelle la politique du ministre de l'Immigration concernant la commission de l'immigration et du statut de réfugié: «Elle peut commettre des erreurs. Elle est autonome. Cela n'a rien à voir avec nous. Je ne peux pas intervenir dans ses affaires.»

Si le gouvernement s'arrange pour que la majorité de ces organisations soient autonomes, nous n'aurons plus besoin de demander à personne de témoigner devant le comité, n'est-ce pas? Nous continuerons simplement de dépenser de façon excessive chaque année et de faire augmenter la dette sans nous soucier de rien. C'est la prochaine génération qui devra se préoccuper de tout cela.

(1245)

Je ne sais pas. Nous donnons 30 000 $ ou 40 000 $ ici et là sous forme de subventions. Après tout, il n'est question ici que d'une somme de 40 millions de dollars accordée à un groupe qui fait quoi exactement?

Une voix: C'est la Chambre de second examen objectif.

M. White (Fraser Valley-Ouest): La Chambre de second examen objectif. Je dirais que c'est la Chambre de second examen.

La motion est sérieuse. Il n'y a pas d'orateurs là-bas parce que le grand patron leur a dit, j'en suis certain, de ne pas parler de cette question parce cela concerne leurs petits copains. Le fait est que 40 millions de dollars sont dépensés et que les gens qui dépensent cet argent n'ont pas de comptes à rendre. Nous devons plus que cela aux contribuables qui paient la note. Qu'il s'agisse du Sénat, de la GRC, du Service correctionnel du Canada, des salaires des députés, des pensions des députés ou de quoi que ce soit d'autre, il faut rendre des comptes. Le Parti libéral ferait preuve d'irresponsabilité s'il parlait ou agissait autrement.

Il n'est pas étonnant qu'une bonne partie des Canadiens soient inquiets au sujet des politiciens et des gouvernements ou de tout groupe de personnes qui peuvent puiser de l'argent dans leurs poches pour le donner à un groupe qui n'aurait aucun compte à rendre. Je trouve cette observation tout à fait regrettable.

Je suppose que je ne peux pas demander à nouveau le consentement unanime. Ils ne me l'accorderont pas, donc il est inutile que je le demande. J'aimerais que ces députés ne se comportent pas autant en moutons. La Chambre serait un bon endroit où discuter d'obligation redditionnelle, de la façon dont l'argent est dépensé, ou encore d'un Sénat élu, efficace et égal. Nous nous heurtons cependant à cette mentalité de parti traditionnelle qui veut que les députés fassent ce qu'on leur dit de faire. Les choses ne changeront pas au Canada tant que le gouvernement actuel n'aura pas été défait.

Nous ne sommes que 52 députés et chaque fois que nous parlons d'un sujet, le gouvernement fait intervenir son équipe des relations publiques et nous oppose de son mieux. Toutefois, nous n'entendons pas céder sur cette question ni sur tout autre sujet à cause de l'inefficacité, de l'insouciance ou tout simplement en raison de l'arrogance du gouvernement. Je ne saurais mieux dire.

Je crois que mon temps de parole est écoulé, mais j'ai dit ce que j'avais à dire. Il est très difficile et frustrant pour un député de la Colombie-Britannique ou de toute autre province de siéger à la Chambre des communes tout en sachant très bien que la majorité gouvernementale ne changera pas. Elle continuera de nommer ses


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amis dans cet endroit qu'on appelle la Chambre de réflexion. Ceux qui y siègent continueront de n'avoir aucun compte à rendre. Ils dépenseront à leur guise et continueront d'ignorer la volonté de nombreux Canadiens jusqu'à ce qu'ils soient répudiés, tout comme cet autre parti issu du Parc jurassique.

(1250)

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Madame la Présidente, la députée de Vancouver-Centre a montré qu'elle ne connaissait rien à la question. Après cela, le député de Vancouver Quadra a dit ce qu'il savait de la question. Si personne parmi les libéraux ne veut prendre la parole, c'est à cause de la situation dans laquelle s'est mise le député de Vancouver Quadra.

Cette motion donnant avis de notre opposition au budget des dépenses du Sénat, nous avons fait remarquer que le but de tout ceci était de faire pression sur le Sénat afin qu'il rende compte de l'utilisation qu'il a l'intention de faire de ces quelque 40 millions de dollars. Nous avons besoin d'une majorité à la Chambre pour faire approuver ces dépenses. Nous avons demandé son avis au député de Vancouver Quadra.

Le fait qu'il ne soit pas prêt à dire ce qui est évident-c'est-à-dire que les Canadiens devraient avoir un certain contrôle sur le montant d'argent que dépense la Chambre haute, que les Canadiens devraient avoir le droit de savoir l'utilisation qui est faite de cet argent-en dit long. Le député ne veut pas l'admettre.

Je considère le député de Vancouver Quadra comme un monsieur très bien. Il a parlé pour ne rien dire et a éludé la question, donnant toutes sortes de réponses évasives. Même quand nous avons essayé de lui poser une question bien précise-un député bloquiste lui a posé une question précise-il n'a pas voulu répondre.

Le député de Fraser Valley-Ouest pense-t-il, lui aussi, que la vraie raison pour laquelle les membres du Parti libéral, ceux-là même qui sont à la tête du gouvernement en ce moment, ne veulent pas demander à l'un des leurs d'intervenir est qu'ils ont peur de révéler la position hypocrite qui est la leur à ce sujet? Pense-t-il qu'ils ne sont pas prêts à dire clairement que cette Chambre, élue par les Canadiens et responsable envers eux devrait assumer la responsabilité de l'utilisation que fait le Sénat de ces 40 millions de dollars? À mon avis, et je le dis à mon collègue, les libéraux n'ont rien dans le ventre, ils n'ont pas de courage et ne veulent pas intervenir une nouvelle fois sur cette question.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Madame la Présidente, je ne suis pas d'accord avec ça, n'est-ce pas?

Des voix: Oh, oh!

Une voix: La réponse est oui, Randy.

M. White (Fraser Valley-Ouest): La réponse est oui, et c'est mon parti qui me dit de le dire, tout comme le font les libéraux.

Il y a un problème ici, n'est-ce pas? Cet endroit est plein de monde. Pourquoi tous les députés ne prennent-ils pas la parole? Pourquoi n'y en a-t-il pas un parmi eux qui prenne la parole, discute de la question et explique pourquoi aucun sénateur n'est venu justifier des dépenses de 40 millions de dollars de l'argent des contribuables? Posons-leur ces questions après leurs interventions.

Où est le problème? C'est gênant. J'espère que les gens qui nous regardent et nous écoutent se demandent pourquoi les libéraux n'interviennent pas pour nous donner une raison, pourquoi il n'appuient pas l'idée que le Sénat devrait se présenter à un comité de la Chambre des communes pour justifier des dépenses de 40 millions de dollars de l'argent des contribuables.

Nous devrions peut-être cesser de payer ces 40 millions de dollars d'impôts. Nous devrions peut-être dire que s'ils ne veulent pas de leur argent, ils devront fermer boutique. Évidemment, il faut du cran pour réagir ainsi, et c'est une chose qui manque aux libéraux.

Une voix: Vous vous en prenez à eux directement.

M. White (Fraser Valley-Ouest): M'en prendre à eux? Vous n'avez encore rien vu.

C'est un sujet sérieux, et nous ne savons pas comment faire pour amener le gouvernement à prendre conscience du fait que c'est sérieux. C'est bien triste. C'est triste de penser que mes enfants devront payer de tels impôts. C'est triste de penser que mes enfants n'auront peut-être pas des emplois aussi facilement que nous, les baby-boomers. C'est triste de penser que la pension de ma mère pourrait être beaucoup moins importante qu'elle le croyait. C'est tellement triste qu'un gouvernement ne puisse même pas examiner le bien-fondé d'un budget de 40 millions de dollars et vérifier à quoi il sert. La vraie raison, je suppose, c'est que cela équivaudrait à mettre sa propre soeur à la porte, n'est-ce pas? Nous ne voulons pas remettre en question l'existence de nos collègues de l'autre endroit après tout ce que nous leur avons fait faire. Ils ont travaillé pour nous durant la campagne électorale, n'est-ce pas? Ils connaissent bien tous les dossiers, même s'il y en a encore qui ont été nommés par M. Trudeau et par Dieu sait qui d'autre.

(1255)

M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Madame la Présidente, il est difficile de prendre la parole après le député de Fraser Valley-Ouest.

Avons-nous besoin d'un Sénat? Beaucoup de Canadiens pensent que non. Ils pensent qu'il est inutile; il est l'objet de leur mépris ou de leurs plaisanteries et les sondages confirment également ce sentiment.

Ce n'est pourtant pas le cas dans les autres pays démocratiques, où le sénat est élu. Ce n'est pas le cas non plus du sénat au sud de notre frontière. Quelle en est la raison principale? Il est très clair que la principale différence et la raison majeure pour laquelle il est crédible et accepté, c'est que les sénateurs y sont élus et que très souvent ils sont les principaux défenseurs des intérêts régionaux. Ils sont tenus de rendre des comptes, et ce du fait qu'ils sont démocratiquement élus.

Il y a eu des moments dans notre histoire où le Sénat a été très utile. C'est principalement le cas lorsqu'il n'est pas qu'une simple formalité. Il est arrivé que le Sénat ne soit pas la créature du gouvernement en place, comme lors des deux premières années de cette législature. Dans certains dossiers, l'autre endroit a alors agi de façon très responsable. Ce n'est évidemment ni pratique ni agréable pour le gouvernement du jour.


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Il y a deux sortes de sénateurs. On peut les diviser selon plusieurs catégories. Il y a ceux qui sont d'anciens représentants élus, des députés fédéraux par exemple, qui savent ce qu'est la responsabilité démocratique. Il y a représentant ma province, la Colombie-Britannique, deux sénateurs qui me viennent à l'esprit comme appartenant à cette catégorie. De façon générale, si on demandait aux habitants de la Colombie-Britannique de nommer les sénateurs de cette province, ces deux individus seraient en tête de liste. De même, si on demandait quel est leur quotient de crédibilité, le leur serait le plus élevé. Très souvent, ils se montrent de loin supérieurs au reste de leurs collègues.

Il y a une raison à cela. Ils sont demeurés fidèles à la tradition qui veut qu'un représentant élu soit responsable et comptable. Ils continuent cette tradition dans l'autre endroit.

Le Sénat s'est exposé à la critique sur de nombreux fronts. Si elles n'évoluent pas avec leur époque, nos institutions sont contestées. Il n'y a qu'à voir ce qui arrive à la famille royale en Grande-Bretagne et dans d'autres pays.

(1300)

Les vieilles institutions politiques, les vieux partis politiques, tout le système de la discipline de parti, tout cela est en train de changer. Il y a maintenant un nouvel intérêt pour la démocratie directe. Le Parti réformiste est un reflet de la démocratie directe à la Chambre des communes.

Une fraction de la discipline de parti qui est traditionnelle à la Chambre des communes commence à changer dans le parti au pouvoir et, à mon avis, c'est une conséquence de la présence du Parti réformiste à la Chambre des communes. Nous l'avons vu à propos du projet de loi C-33 sur l'orientation sexuelle, où des libéraux de l'arrière-ban ont voulu exprimer un point de vue contraire à celui du gouvernement. Nous croyons savoir que la même chose se produira au sujet de la question des écoles de Terre-Neuve.

Ce n'est pas quelque chose qui va disparaître. C'est tout simplement la pointe de l'iceberg. Les vieux partis politiques devront se réinventer, tout comme le Sénat. Plus la Chambre des communes évolue et plus le Sénat se retranche sur lui-même, dans ses façons de faire de représentants non-élus et non responsables, et plus il devient redondant. C'est donc en quelque sorte un coup de semonce que l'on envoie à l'autre endroit. Si le Sénat était élu il serait automatiquement plus responsable et nous n'aurions pas besoin d'avoir ce débat.

Une fois de plus, en présentant cette motion à la Chambre, le Parti réformiste est en train de secouer le statu quo. J'ai été très heureux d'entendre les commentaires de notre collègue du Bloc québécois qui est d'accord avec nous. Une fois de plus nous constatons que le gouvernement libéral défend le statu quo. Il exploite le système actuel à son avantage depuis des décennies. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi il veut défendre le statu quo, bien qu'il soit indéfendable dans l'esprit du public. C'est vraiment un très triste spectacle.

Les sénateurs vont se retrancher derrière des principes, du moins c'est ce qu'on dit, et ne se présenteront pas au comité de la Chambre pour défendre leurs prévisions budgétaires. Mais ce n'est pas la Chambre des lords. C'est le Canada et en tant que jeune pays nous devons être créateur, constructif et stimulé par de nouveaux défis, au lieu de nous cloîtrer dans la défensive et de nous retrancher sur une position historique périmée.

Aucun sénateur ne s'est présenté devant un comité de la Chambre des communes depuis 1888. Ce serait la première fois depuis 1869 qu'un sénateur se présenterait devant un comité de la Chambre pour défendre les dépenses. Est-ce que ce précédent signifie que cela devrait être le cas? Non, c'est tout à fait le contraire.

Ce serait une réinvention importante d'une institution non négligeable. Il y a un symbolisme dans le fait que dans le budget principal des dépenses il s'agit du crédit no 1. On peut difficilement dire qu'on ne l'a pas vu pendant toutes ces années, et encore moins cette année. De par l'endroit où il est placé il est impossible de ne pas le voir.

Dans son histoire le Canada a eu un sénateur élu, Stan Waters de l'Alberta. Stan Waters terminait tous ses discours par ces mots, je pense: «Et en plus de tout cela, le Sénat devrait être réformé.» C'est ainsi qu'il terminait chacune de ses interventions. Il faut nous réveiller. Il est malheureux que Stan Waters ne soit plus ici pour voir ce que nous traversons aujourd'hui et à quel point cela semble peu intéresser le gouvernement.

(1305)

Le Sénat a toujours été le foyer de gens habitués aux privilèges, aux avantages, aux voyages et aux notes de frais. Généralement, les vérificateurs n'examinent pas de trop près ceux qui jouissent d'un tel prestige. C'est en 1980 seulement que la Chambre des communes a pris le contrôle de son fonctionnement et de ses procédures. Jusqu'à cette date, elle profitait aussi de règles très souples. Il est temps que le Sénat soit examiné au microscope et qu'il soit confronté aux attentes des contribuables s'il veut demeurer une assemblée qui fut un jour révérée et non méprisée.

J'ai coopéré avec un sénateur de la Colombie-Britannique et un sénateur de la Nouvelle-Écosse lors des travaux d'un comité mixte spécial qui siégeait en Colombie-Britannique pour étudier la question des phares. Ce fut un exercice valable et intéressant, profitable pour les gens de la province, pour moi, pour les sénateurs et pour nos deux institutions; à mon avis, cela nous a donné l'occasion de voir ce qui pourrait se produire et ce qui se produirait régulièrement si nos deux institutions étaient modifiées globalement et dans les détails.

Il nous a fallu être créatifs. En un sens, nous avons dû combattre le statu quo pour mettre ce comité parlementaire spécial à l'oeuvre. Nous n'avons pas reçu d'aide de bien des gens. Une fois terminée la rédaction du rapport final, qui était excellent, à mon avis, la Chambre m'a refusé le consentement unanime pour que je puisse le déposer dans cette enceinte. Je pense que ce fut une perte pour la Chambre et qu'il devrait exister une disposition pour que les choses


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se passent différemment. Si des députés souhaitent participer à ce genre d'activités, la Chambre devrait les encourager et le fruit des audiences ou autres travaux devrait être automatiquement déposé à la Chambre.

Les deux sénateurs avec lesquels j'ai travaillé étaient des parlementaires de longue date. Ils comprenaient le système, le principe de la reddition des comptes et leur responsabilité envers la population et les contribuables. L'un d'entre eux était une dame qui a été membre du Cabinet pendant de nombreuses années et qui avait une très bonne cote de crédibilité, surtout en Colombie-Britannique d'où elle venait.

Je ne veux pas que l'on mette fin au Sénat. Nous avons un aperçu de l'utilité que le Sénat peut avoir de temps à autre, surtout lorsqu'il s'agit de défendre les intérêts des régions. Nous devrions entrer dans le XXIe siècle avant de quitter le XXe.

D'autres députés ont déjà fait allusion au rapport du vérificateur général pour 1991. Il convient d'y jeter un coup d'oeil. C'est un document important. J'ai parcouru le sommaire. À mon avis, les choses n'ont pas beaucoup changé sur ce chapitre depuis 1991. Si les choses ont changé, qu'on nous dise en quoi. Tout ce que l'on saura, c'est si le crédit 1 du budget est défendu par les mêmes personnes qui l'ont préparé, les sénateurs du comité en question.

(1310)

Nous avons constaté que le Sénat n'avait ni officiellement ni officieusement délégué de responsabilité claire à la direction ou indiqué clairement ce dont la direction devait rendre compte. La recommandation du vérificateur général est claire comme de l'eau de roche.

Le Sénat ne fait pas état de façon adéquate de ses résultats administratifs et financiers et de sa gestion des ressources humaines et ne dispose pas d'une information suffisante pour être en mesure de le faire systématiquement. C'est assez direct.

Pour accroître l'obligation de rendre compte, le Sénat devrait publier périodiquement les détails des dépenses des sénateurs au titre des déplacements, des télécommunications et des bureaux. Il est étonnant comme la divulgation publique peut améliorer l'obligation de rendre compte.

Les sénateurs ne sont pas suffisamment encouragés à gérer les dépenses de leur bureau avec un souci de l'économie et de l'efficience. Les détails des dépenses devraient être rendus publics.

Dans chaque administration, une foule de rapports vont dormir sur les tablettes. Lorsqu'il s'agit de dépenser les fonds des contribuables, le rôle le plus important des députés et de la Chambre des communes est de surveiller ces dépenses et d'exiger qu'on en rende compte.

Lorsque nous nous trouvons face au crédit 1 dans le Budget des dépenses et à une organisation, à savoir l'autre endroit, qui envoie pratiquement paître le comité permanent de la Chambre des communes chargé d'examiner le budget, il y a quelque chose qui cloche. La population mérite mieux que cela.

Dans son rapport, le vérificateur général recommande enfin, lorsqu'il y a lieu, de clarifier les mandats opérationnels, de vérifier les coûts, d'exploiter les possibilités d'accroissement de la productivité et de réexaminer les types et niveaux de service fournis afin de voir si d'autres niveaux moins coûteux de service pourraient se révéler acceptables pour les sénateurs.

Je me suis senti vraiment privilégié de pouvoir traiter de cette question aujourd'hui. Je commençais à me demander si les députés allaient jamais avoir la possibilité de parler sérieusement du fonctionnement de l'autre endroit.

Je comprends qu'on ait toujours hésité à le faire, mais je sais également que cette réticence ne nous mène nulle part. Elle mène à l'abolition du Sénat. Je ne suis certainement pas en faveur de son abolition, car je voudrais qu'il soit réformé.

Des organisations qui se cabrent s'exposent à une chute beaucoup plus vertigineuse que les institutions qui embrassent le changement, qui sont à l'écoute du changement, qui décident de se donner un nouveau mandat et de nouveaux systèmes et qui ont vraiment à coeur d'évoluer avec leur époque ou de faire figure de pionniers. Ce changement se fait attendre depuis longtemps dans l'institution de longue date dont nous parlons aujourd'hui. C'est ce que je recommande le plus vivement.

(1315)

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Madame la Présidente, il doit y avoir une raison qui explique que non seulement le premier ministre actuel, mais aussi Brian Mulroney, Pierre Trudeau et tous leurs prédécesseurs, qui étaient à la tête des partis traditionnels, ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour nommer au Sénat des personnes de leur choix.

Je me demande si le député convient que cela a peut-être quelque chose à voir avec le fait que ces personnes doivent souvent agir comme solliciteurs de fonds pour les partis traditionnels. En d'autres termes, ces personnes utilisent l'argent des contribuables pour parcourir le pays, assister à des réceptions et recueillir des fonds pour les libéraux et les conservateurs.

Par exemple, examinons le relevé des dépenses faites par le sénateur Buchanan en 1993-1994 sur son allocation saisonnière pour frais de déplacements et de bureau. Ancien premier ministre de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Buchanan a dépensé 49 930 $ au cours de cet exercice pour se promener partout au pays. Le sénateur Fairbairn vient de l'Alberta. Elle a dépensé 49 019 $. Le sénateur Hayes, qui, c'est un secret de polichinelle, sollicite des fonds pour les libéraux, a dépensé 42 528 $ pour ses déplacements. Le cas le plus intéressant, c'est celui d'un sénateur qui habite Ottawa. On penserait que ce sénateur, qui vient d'Ottawa et qui y habite, n'aurait pas eu à engager des frais de déplacement. Le sénateur Kenny a dépensé 29 328 $ pour aller lever des fonds partout au Canada pour les vieux partis.


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Aucun député libéral n'osera dire à la Chambre ce qu'il pense de cette question. Ils savent bien que le processus est tout simplement dégoûtant. Ces sénateurs ont été nommés par le premier ministre actuel et par Brian Mulroney. Les partis traditionnels nomment continuellement des gens à la Chambre haute, ils leur confient un compte de frais et ils leur disent: «Allez lever des fonds pour notre parti politique.»

Le député reconnaît sûrement avec moi qu'il faut mettre un terme à cette pratique totalement répréhensible. Mais comment y mettre un terme quand ces gens ne rendent même pas des comptes à propos des 40 millions de dollars que le Sénat dépense actuellement? C'est très répréhensible.

M. Keyes: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je ne voudrais pas nuire à la réputation de quiconque à la Chambre ou au Sénat, ce qui serait en soi répréhensible, mais je tiens à faire remarquer que si le sénateur Kenny a parcouru tout le Canada, c'était au sujet du projet de loi S-7 qui concernait les carburants de remplacement et qui a été adopté par la Chambre.

M. Duncan: Madame la Présidente, l'une des préoccupations qu'on a exprimées au sujet du Sénat, c'est que les personnes qui y sont nommées doivent remplir des fonctions diverses, dont l'une a été mentionnée par mon collègue, celle de collecteur de fonds. Je me demande si l'expression s'emploie aussi au féminin. Je ne suis pas sûr. Comme elle peut avoir des connotations négatives, peut-être que personne ne le revendique.

M. Volpe: Parlons de pourvoyeur de fonds.

M. Duncan: C'est cela. Rien de péjoratif. Il y a d'autres fonctions, bien entendu, comme faire des recherches pour le parti et préparer la machine électorale.

(1320)

Il y a également d'autres préoccupations au sujet du rôle des sénateurs. Certains siègent à des conseils d'administration. Les sénateurs sont assujettis à des normes différentes de celles des députés, car ils ne sont pas élus et le Sénat n'examine pas les projets de loi de façon approfondie. En réalité, il le fait, je le crains. Les risques sont là, et je ne crois pas que le simple respect du Code criminel doive être la norme d'éthique dans une institution gouvernementale. C'est inadmissible.

Je crains moi aussi que les critères de sélection des sénateurs par favoritisme politique ne reflètent souvent les souhaits politiques du parti ministériel plutôt que l'intérêt supérieur du pays ou la représentation des intérêts de la région représentée par le sénateur. Je crois que c'est clair.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, j'ai ici le texte des résolutions adoptées lors du congrès biennal du Parti libéral du Canada de 1992. Je voudrais lire une déclaration que l'on a faite à ce congrès à propos du Sénat.

«Les députés actuels à la Chambre des communes qui préconisent soudain l'abolition du Sénat n'ont aucun intérêt à établir un système de freins et de contrepoids dont ils feraient les frais, et notamment les freins et contrepoids régionaux qu'un Sénat réformé assurerait. Ils cherchent simplement à consolider le pouvoir en leurs propres mains.» Au fond, cela revient à dire que s'il y a un Sénat, il ne peut y avoir de consolidation du pouvoir à la Chambre des communes.

Je voudrais que le député nous dise ce qu'il en pense, étant donné surtout que le gouvernement, dès son arrivée au pouvoir, s'emploie à nommer au Sénat des membres de son parti pour s'y assurer une majorité. Si cela se fait, comment le Sénat peut-il demeurer indépendant de la Chambre des communes?

M. Duncan: Madame la Présidente, j'ai abordé cet aspect dans mon intervention. Le Sénat ne représente pas les intérêts régionaux, sauf quand il n'est pas dominé par le gouvernement en exercice. Ce dernier se dépêchera de faire tout en son pouvoir pour réussir à dominer l'autre endroit. Nous avons vu cela maintes et maintes fois dans l'histoire du Canada.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Madame la Présidente, j'ai écouté le débat et plus particulièrement le premier discours qu'ont prononcé les libéraux ce matin, où ils ont affirmé que nous devrions discuter de questions plus pertinentes à la Chambre.

Aujourd'hui, je répéterai ce que j'ai dit une centaine de fois, soit qu'à moins de changer le système, nous ne parviendrons pas à changer grand-chose au pays. Le système doit changer pour favoriser davantage la démocratie, et je ne cesserai jamais de le répéter.

Lorsque les habitants de Yorkton-Melville m'ont élu pour la première fois, ils m'ont transmis deux messages. Ils m'ont dit: «Nous voulons que tu parles en notre nom, Breitkreuz. Nous voulons que tu ailles à Ottawa exprimer notre point de vue.» C'est ce que j'ai tenté de faire, lorsque la Chambre a étudié des questions comme le contrôle des armes à feu, la réforme du système judiciaire, la réduction de la fonction publique, la préservation des soins de santé, l'éducation, les pensions, les dossiers agricoles et dernièrement l'orientation sexuelle et pas plus tard qu'hier le financement des avortements.

(1325)

Mes électeurs m'ont également demandé de leur dire ce qui se passait à Ottawa. Ils veulent savoir. Je veux donc dire aux habitants de Yorkton-Melville et à tous les Canadiens ce qui se passe au Sénat de nos jours.

Les sénateurs ne sont pas élus. Alors, comment devient-on sénateur? C'est le premier ministre qui nomme les sénateurs. Comment décide-t-il qui siégera à la Chambre haute? Il choisit des gens qui ont participé très activement aux campagnes du Parti libéral ou qui


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ont grandement contribué au Parti libéral. Dans le cas de M. Mulroney, il a nommé des gens qui ont beaucoup fait pour le Parti conservateur. L'autre endroit est rempli de grands partisans libéraux et conservateurs, de gens qui ont aidé ces gouvernements à se faire élire. Les sénateurs sont nommés par favoritisme.

Ces postes vont à de loyaux partisans des libéraux et des conservateurs, qui ont aidé leur parti à se faire élire. C'est la récompense qu'on leur accorde. C'est ce qui les incite à faire tout ce qu'on leur demande au cours des campagnes électorales. Ils ne sont pas nommés au Sénat selon le principe du mérite.

Certains pourraient nous demander: «Qu'y a-t-il de mal à tout cela?» C'est le fait que des gens s'intéressent à la politique, mais pas pour les bonnes raisons. Ils ne le font pas pour servir leur pays. Ils font ce que le premier ministre exige d'eux. S'ils font ce qu'on leur dit de faire, ils sont nommés au Sénat.

Le système dans son entier est infect. Il n'est absolument pas démocratique. Les sénateurs sont là parce qu'ils ont été de bons directeurs de campagne, de bons solliciteurs de fonds ou quelque chose du genre.

Ce sont encore de bons partisans. Ils continuent de solliciter des fonds et de diriger des campagnes pour les libéraux et les conservateurs. Ce n'est pas parce qu'ils ont été nommés au Sénat qu'ils commencent à faire le travail de sénateur, du moins pas uniquement. Ce sont encore des directeurs de campagne, de fidèles travailleurs de leur parti et des solliciteurs de fonds.

Écoutez cela, Canadiens. Voilà ce pour quoi vous payez. Voilà ce qui arrive maintenant. C'est ce qui se passe maintenant à Ottawa.

Je suis un chien de garde. C'est pour cela que mes électeurs m'ont envoyé ici. Je dénonce haut et fort ce qui se passe ici. L'argent des contribuables sert à payer des travailleurs électoraux et des solliciteurs de fonds par l'entremise du Sénat du Canada. Les deniers publics servent à payer le salaire, le compte de dépenses et les frais de déplacement des sénateurs. Plus de 100 000 $ par sénateur vont à la défense de causes politiques évidentes. Ce n'est pas correct.

Parmi les noms qui viennent à l'esprit, il y a Joyce Fairbairn, Dan Hays, Ron Ghitter. Joyce Fairbairn et Dan Hays sont de fervents libéraux. Ron Ghitter a été nommé par Mulroney. Sa seule raison d'être au Sénat est de diriger la campagne conservatrice dans l'Ouest en vue de reconstruire le parti. C'est ce qui se passe aujourd'hui et ce n'est tout simplement pas correct. Les Canadiens devraient savoir cela et je suis contre cet état de choses.

Lorsque je suis arrivé ici, il y a deux ans et demi, je croyais qu'il existait un mécanisme qui obligeait le Parlement à rendre des comptes à la population entre les élections. J'ai le regret de dire aux Canadiens qu'il n'existe aucun mécanisme du genre à la Chambre ni au Sénat. Franchement, je crois que la Chambre des communes est un simulacre de démocratie. Elle fait semblant d'être démocratique. Le député de Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, a mis en plein dans le mille quand il a dit, à peu près à la même époque, l'an dernier, ce qui suit: «Les Canadiens élisent 295 députés pour les représenter à Ottawa, mais étant donné que les décisions ne sont prises que par une douzaine de ministres qui sont imperméables aux arguments et à la persuasion raisonnables, je me pose de sérieuses questions sur l'objet de toutes les manigances qui se trament à la Chambre au nom du débat parlementaire.»

(1330)

Quand j'ai été élu, j'ai dit aux électeurs de Yorkton-Melville que je serais leur voix à Ottawa. Si tous les députés en faisaient autant, le processus parlementaire tout entier serait transparent et la véritable démocratie pourrait s'exprimer. Le Parti réformiste croit en la véritable démocratie, pas en la démocratie par décrets qui se pratique ici.

Le gouvernement libéral me rappelle un chef de l'Union soviétique qui a déjà dit: «Comment pensez-vous que je pourrai diriger le pays si personne n'obéit à mes décrets?» C'est ce qui a été dit en Union soviétique, mais qu'arrive-t-il ici? Le Cabinet libéral n'a rien à craindre parce qu'il détient tout le pouvoir et toute la puissance du gouvernement pour veiller à ce que tous ses décrets soient mis en oeuvre.

Sous un gouvernement réformiste, tous les députés pourraient voter librement sur des projets de loi comme ceux portant sur le contrôle des armes à feu, l'orientation sexuelle, l'immigration, la TPS et les pensions des députés. Un autre sujet sur lequel j'aimerais bien intervenir aujourd'hui, si j'en avais le temps, est l'odieux régime de pension des députés. J'entends les députés d'en face murmurer. Ils n'aiment pas entendre certaines de mes observations parce qu'ils profitent de ce régime de pension.

Le principe no 16 des statuts du Parti réformiste s'énonce comme suit: «Nous croyons que les élus sont responsables envers les électeurs et que leurs fonctions vis-à-vis ces derniers devraient l'emporter sur leurs obligations envers leur parti politique.»

Un gouvernement réformiste ne ferait pas que conférer aux députés le pouvoir et la responsabilité de représenter leurs électeurs, il transférerait le pouvoir aux électeurs en leur accordant le droit de révocation de leur député. Tout député qui ne représenterait pas correctement ses électeurs à la Chambre pourrait être révoqué, ce qui constitue une importante mesure démocratique. Une fois adoptée, cette procédure n'aurait à être exercée que très rarement.

Un gouvernement réformiste accorderait également aux citoyens le pouvoir de demander un référendum en adressant une pétition au gouvernement pour qu'il inscrive une question donnée sur les bulletins de vote à toutes les élections fédérales. C'est ce qu'on appelle une initiative des citoyens. Ces derniers pourraient ainsi participer directement aux affaires du pays. Il est extrêmement important d'apporter ce genre de modifications.

Je rappelle à tous ce que je dis souvent: à moins de modifier le système, nous ne changerons pas grand-chose d'autre dans notre pays. Il faut rétablir la démocratie au Canada. Lorsque les réformistes seront portés au pouvoir, ils tiendront compte de quatre réformes démocratiques durant leur mandat: les votes libres, la révocation des députés, les référendums et les initiatives des citoyens.


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La prochaine étape à franchir pour qu'une fédération fonctionne, c'est un Sénat élu, égal pour toutes les provinces et efficace, communément appelé Sénat triple-E. C'est non seulement essentiel pour que le Canada fonctionne plus démocratiquement et efficacement, mais ce l'est aussi pour que le Sénat rende des comptes à la population et pas seulement au premier ministre qui les a nommés à cet endroit qui constitue une planque parfaite pour les nominations politiques.

Pourquoi appelons-nous ce lieu le plus haut tribunal du pays? Parce que nous devrions débattre ici des projets de loi qui sont déposés au Parlement. Nous devrions discuter de leurs avantages et inconvénients. Nous devrions décider si la mesure législative dont la Chambre est saisie est bonne.

Pourquoi voyons-nous ici très peu de gens? Parce que ce n'est pas une institution démocratique. Les députés d'en face ne peuvent voter librement sur un projet de loi afin de décider s'il s'agit d'une mesure valable ou non. On leur dit simplement comment voter. Pourquoi prendre place ici et écouter les discours? Ce n'est pas le plus haut tribunal du pays. Nous ne débattons pas des questions et nous ne nous prononçons pas sur la valeur des mesures législatives.

Cela devrait d'ailleurs se produire également au Sénat. Des sénateurs élus ne pourraient faire un pied de nez aux députés qui leur demandent d'expliquer comment ils dépenseront 40,7 millions de dollars par année. Ils auraient des comptes à rendre. Dans le moment, ils n'ont pas de comptes à rendre aux contribuables. S'ils voyagent d'un bout à l'autre du pays pour faire campagne en faveur des libéraux ou des conservateurs, il n'y a rien que les contribuables puissent faire même si c'est leur argent. Les sénateurs ne rendent pas de comptes aux contribuables canadiens sur l'utilisation de ces 40 millions de dollars. «Donnez-nous l'argent et taisez-vous.» Voilà l'attitude du Sénat.

(1335)

La question de la responsabilité du Sénat à l'égard de l'argent qu'il dépense ne se poserait même pas si le Sénat faisait son travail. Si les sénateurs étaient élus, si le Sénat était efficace et si toutes les provinces était représentées également à la Chambre haute, cette question n'aurait jamais été soumise à la Chambre, mais ce n'est pas le cas. Le Sénat ne fait pas son travail.

Pour qu'une véritable fédération fonctionne bien, elle doit avoir une Chambre basse et une Chambre haute. La Chambre basse, c'est-à-dire la Chambre des communes, donne aux électeurs une représentation d'après la population, selon le principe d'un vote par personne. La Chambre haute, c'est-à-dire le Sénat, est censée représenter les régions ou les provinces d'après le principe selon lequel le Canada est une fédération formée de dix provinces égales. Malheureusement, le concept des provinces égales a été corrompu dès le départ lorsqu'on a donné au premier ministre le pouvoir de nommer les sénateurs au lieu qu'ils soient élus par les habitants de chaque province.

En fait, il y a eu 16 vacances au Sénat depuis les dernières élections en octobre 1993. Le premier ministre a nommé des libéraux 16 fois. Même Brian Mulroney affichait un meilleur bilan. Le favoritisme flagrant dont on fait preuve en donnant aux militants du parti ces postes de 100 000 $ au Sénat pour les récompenser est tout simplement inacceptable.

Une autre décision malheureuse a été celle de diviser les sièges au Sénat entre les quatre régions du pays au lieu de les diviser également entre les provinces. Comme le Québec et l'Ontario sont définis comme des régions, ces deux provinces ont 24 sénateurs chacune, alors qu'une province comme la Saskatchewan a seulement six sénateurs. Il y des gens qui diront que l'Ontario compte un plus grand nombre d'habitants que la Saskatchewan et devrait donc avoir plus de sénateurs, mais je vous rappelle que l'Ontario a déjà 99 députés pour représenter sa nombreuse population. La Saskatchewan ne compte que 14 députés à la Chambre.

L'État de la Californie a deux sénateurs, tout comme le Dakota du Nord. Nous n'entendons pas les Californiens réclamer un plus grand nombre de sénateurs parce qu'ils savent que la seule façon dont une véritable fédération peut fonctionner efficacement, c'est que tous les électeurs soient égaux et que tous les États ou provinces soient égaux.

N'oubliez pas que le but du Sénat est d'assurer une représentation égale des provinces. Tant que notre Sénat n'aura pas été réformé de manière à représenter également les provinces, notre fédération subira la tyrannie du Canada central. C'est là une des principales plaintes des habitants de ma province contre le Parlement.

Le premier ministre veut avoir ses marionnettes au Sénat pour leur faire faire ce qu'il désire. C'est pourquoi il n'y a aujourd'hui à la Chambre aucun libéral, ou très peu, pour discuter de la motion. C'est un sujet qui les embarrasse beaucoup. Leur absence et leur silence sont éloquents.

Pourquoi les libéraux et les conservateurs ne veulent-ils pas changer le Sénat? J'ai déjà expliqué brièvement pourquoi. Ils n'auraient plus d'endroit où placer leurs plus fidèles partisans. Où placeraient-ils leurs fidèles collecteurs de fonds et leurs directeurs de campagne? Comment récompenseraient-ils ces fidèles partisans qui travaillent sans se lasser pour faire élire les députés libéraux? Les libéraux et les conservateurs ne peuvent pas se porter à la défense du Sénat dans sa forme actuelle et c'est pourquoi ils ne disent rien.

Quelle est la raison d'être du Sénat? Le Sénat s'assure qu'aucune mesure législative n'est adoptée avant d'avoir été minutieusement vérifiée de manière à protéger les minorités, les régions et certaines provinces. Le Québec peut avoir des craintes légitimes lorsqu'il n'est pas correctement protégé par le Sénat. Le Sénat devrait protéger les minorités. C'est d'ailleurs une de ses raisons d'être. Il pourrait aussi surveiller les dépenses du gouvernement qui, souvent, sont excessives.

Au début du débat, un député libéral a demandé si les deux Chambres étaient indépendantes l'une de l'autre? Comment peuvent-elles être indépendantes lorsque le premier ministre nomme des personnes qui exécuteront fidèlement ses volontés? C'est impossible.


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(1340)

J'ai entendu le député se plaindre de ce que les réformistes ont tenté d'obtenir le rejet du projet de loi C-68 au Sénat. Je rappelle à la Chambre que le ministre de la Justice est celui qui a exercé le plus de pressions pour faire adopter son projet de loi au Sénat. Il est intervenu activement et, pourtant, le député parle de la nécessité que les deux chambres soient indépendantss, ou encore des craintes des réformistes. Les députés réformistes ne faisaient que riposter à ce qu'avait fait le ministre de la Justice.

Tant que le système ne sera pas modifié, les choses ne changeront pas beaucoup à la Chambre. Nous avons besoin de démocratie, et pas seulement un jour par période de quatre ou cinq ans.

Je signale également que, lorsque le projet de loi C-68 sur le contrôle des armes à feu a été renvoyé au Sénat, le premier ministre a voulu s'assurer de son adoption en nommant de nouveaux sénateurs. Peut-on parler d'indépendance réciproque des deux chambres? Sont-elles deux entités à part? J'ai peine à le croire.

Si les membres du Parti réformiste ont reçu l'appui de 2,5 millions d'électeurs aux dernières élections, c'est notamment parce qu'ils se sont vigoureusement opposés au système élitiste du gouvernement. Les Canadiens ont une tradition de confiance envers leurs dirigeants. Pourtant, cette confiance s'effrite de plus en plus à mesure qu'ils découvrent comment fonctionne le système ou, plutôt, comment il ne fonctionne pas.

Le gouvernement s'engage souvent dans des exercices de consultations publiques. Il considère la participation du public comme une bonne chose, mais il ne tient pas compte de l'opinion des Canadiens. Si le gouvernement écoutait leur point de vue au sujet du Sénat, la motion dont nous sommes actuellement saisis ferait l'objet d'un vote. S'il y avait un vote libre et que les députés ministériels votaient selon la volonté de leurs électeurs, les choses changeraient radicalement.

J'ai participé à certaines de ces consultations publiques. Lorsque je siégeais au Comité des ressources humaines en 1994, nous avons parcouru le pays d'un bout à l'autre. Que s'est-il passé, une fois notre travail accompli? Nous avions accumulé suffisamment de documents pour remplir une pleine salle, mais cela n'a rien donné. La même chose s'est produite dans le cas du projet de loi sur le contrôle des armes à feu et le gouvernement récidive dans le dossier de l'agriculture. Quelle plaisanterie! Il n'accorde aucune importance aux consultations publiques.

Quel est le véritable rôle du Sénat? C'est la Chambre de réflexion. Au lieu de faire campagne d'un bout à l'autre du pays pour les libéraux et les conservateurs, les sénateurs devraient consulter les Canadiens dans leurs provinces respectives pour voir si les projets de loi dont le Parlement est saisi leur semblent acceptables.

Je veux aborder une autre question à propos de la reddition de comptes. Cette question m'a été soumise par mes électeurs. Il s'agit de la grande question de la Cour suprême du Canada. On ne peut parler du devoir du Sénat de rendre des comptes sans parler de ce qui se passe à la Cour suprême du Canada.

Dans notre pays, la Charte des droits et libertés remet les droits fondamentaux entre les mains de neuf juges, des juges qui n'ont pas de comptes à rendre. Ils sont nommés. Ils interprètent les lois et déterminent l'orientation de la justice pénale au Canada. Les lois et les droits établis dans notre pays sont très généraux et ne sont pas bien définis. Leur signification ultime est déterminée par ces neuf personnes dont les points de vue ne sont pas nécessairement représentatifs de ceux de la majorité. En fait, ces personnes ont le pouvoir de détruire les fondements mêmes de notre pays. Ces juges peuvent imposer leurs vues sans égard à l'intention qu'avait le Parlement au moment où il a adopté une certaine loi. Ils émettent même des lignes directrices quant aux lois que le Parlement devrait adopter.

La crainte qu'inspire aux Canadiens l'ajout récent de l'orientation sexuelle à la Loi canadienne sur les droits de la personne en est un exemple. Comment ces juges parviennent-ils au poste qu'ils occupent? Ils sont nommés par le premier ministre, tout comme les sénateurs. Vont-ils redéfinir le mariage, la famille traditionnelle? Ce sont des questions que les gens se posent.

Nous discutons aujourd'hui de la question de savoir si le Sénat doit rendre des comptes aux contribuables sur la manière dont il dépense les 40 millions de dollars prévus dans son budget. Posons la question aux Canadiens. Faisons ce que j'ai fait. Ajoutons un élément à la formule de déclaration de revenus. . .

(1345)

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Je voudrais rappeler aux députés de ne pas faire allusion à la présence ou à l'absence de députés, car nous savons tous qu'ils siègent à des comités ou qu'ils font des travaux pour leur circonscription.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Madame la Présidente, encore une fois, je doute fort que, même à la lumière de vos commentaires, nous arrivions à amener aujourd'hui les libéraux à dire devant la Chambre qu'ils ne sont pas prêts à demander au Sénat de rendre des comptes aux Canadiens sur l'utilisation qui est faite de ces 40 millions de dollars.

Il est honteux de ne pas rendre de comptes aux Canadiens. J'en impute toute la responsabilité au gouvernement libéral majoritaire. Pas un membre du Parti libéral n'interviendra, car les libéraux savent que leur position n'est pas défendable.

Nous savons aussi qu'ils ne permettront pas que cette question fasse l'objet d'un vote. Ils n'accorderont pas le consentement unanime pour que cette motion fasse l'objet d'un vote parce que ce serait trop gênant pour eux et leurs amis.

À propos de reddition de comptes, j'ai lu aujourd'hui dans la revue Maclean's un bref commentaire qui disait ceci: «En 1920, les services de protection du Sénat ont pris en mains la sécurité de la partie des édifices du Parlement qui abritent le Sénat. À l'époque, il y avait seulement trois gardes qui travaillaient chacun huit heures par jour, sept jours par semaine.»


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Aujourd'hui, ils sont 78, quoique non armés, et ils comptent beaucoup sur la technologie moderne. Nous pouvons comprendre la nécessité de placer des gardes au Sénat après avoir vu les sénateurs se donner en spectacle comme ils l'ont fait au sujet de la TPS, criant, hurlant, conspuant, huant. Peut-être est-ce pour cette raison que nous avions besoin de tous ces gardes là-bas.

Ce que je veux dire, c'est que, en 1920, nous avions trois gardes qui travaillaient sept jours par semaine, à raison de huit heures par jour. Aujourd'hui, nous en avons 78. Cet augmentation du nombre de gardes n'a jamais été justifiée. Jamais on ne l'a justifiée aux Canadiens qui paient la facture.

Je suis sûr que mon collègue est d'accord avec moi. Les gens d'en face, les libéraux et leurs prédécesseurs, les conservateurs,-c'est la même chose, libéraux ou conservateurs, c'est toujours la même histoire-, ne sont pas prêts à obliger l'autre Chambre à rendre des comptes aux contribuables. C'est honteux.

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Madame la Présidente, à la fin de mon discours j'ai parlé du fait que le contribuable canadien n'a pas de voix directe dans ce qui se passe au Sénat.

Si on lui demandait s'il veut dépenser 40,6 millions pour le Sénat, la réponse ne ferait pas de doute. Il veut que son argent soit utile. Il veut savoir si ces énormes augmentations au chapitre de la sécurité, les énormes augmentations de dépenses qui ont eu lieu au Sénat au cours des dernières années sont réellement nécessaires.

Est-ce que l'argent dépensé amène quelque chose? Les contribuables veulent savoir. Ils ont droit à une réponse à cela. Lorsque le Sénat refuse de venir rendre compte de la façon dont l'argent est dépensé, il y a quelque chose qui ne va pas dans le système.

Le pire qu'il puisse arriver dans une démocratie c'est d'avoir un système qui ne soit pas responsable. C'est un oxymoron. Il ne peut pas y avoir de démocratie sans responsabilité. Nous devons avoir les deux.

La réponse à la question de mon collègue c'est que les contribuables contesteraient certainement les dépenses que l'on fait à cet endroit. Nous devrions peut-être leur poser directement la question pour connaître leur impression au sujet de tout cela.

M. Abbot: Madame la Présidente, je me demande si mon collègue sait également qu'au cours de cette législature, les sénateurs conservateurs ont tenté d'obtenir une augmentation de leur budget de recherche.

(1350)

Je ne sais pas sur quoi ils feraient des recherches. Mais il est très clair qu'une des raisons pour lesquelles les sénateurs conservateurs demandaient une augmentation de leur budget de recherche, c'était pour en utiliser une partie afin d'aider les députés conservateurs qui restent dans cette Chambre. Le Parti conservateur avait la même attitude arrogante que le gouvernement actuel et il a été réduit à seulement deux sièges après les dernières élections.

Là encore, c'est une question de responsabilité, n'est-ce pas? Je suis sûr que personne n'accepterait l'idée que 40 millions de dollars venant des contribuables canadiens soient utilisés au gré des sénateurs, et particulièrement détourné de leur usage pour permettre aux sénateurs conservateurs de faire de la recherche pour les deux pauvres conservateurs qui siègent ici. Je suis sûr que n'importe quel Canadien se rendrait compte que c'est une obscénité de première grandeur.

Quand le gouvernement libéral se réveillera-t-il et admettra-t-il qu'il a une responsabilité auprès des Canadiens en ce qui concerne la façon dont il dépense leur argent?

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Madame la Présidente, je n'étais pas au courant. J'étais au courant de certaines des autres choses qui se passent au sujet du favoritisme. Se servir de l'argent des contribuables pour faire de la recherche afin de savoir comment le Parti libéral et le Parti conservateur peuvent être réélus est une honte, une atrocité absolue. C'est du détournement de fonds. Je trouve cela inconcevable et totalement inacceptable.

Je pense que tous les Canadiens devraient savoir que les députés d'en face rient et font des plaisanteries à ce sujet. C'est de la basse politique, la plus basse qui puisse exister. C'est absolument ce qu'il y a de pire. Aux prochaines élections, j'espère que tous les Canadiens diront un non retentissant au gouvernement.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Madame la Présidente, le député de Yorktown-Melville vient de parler, mais je n'ai entendu ni rires ni ricanements chez les députés de ce côté-ci de la Chambre. Je conteste ce genre de remarques. . .

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Là-bas.

Mme Catterall: Le député ne cesse de m'interrompre, et j'ai du mal à me concentrer. Je conteste ce genre de remarques qui jettent le discrédit sur les députés de la Chambre qui écoutent le débat. Je demanderais au député de faire preuve d'un peu plus de respect envers ses collègues et de ne pas donner à croire au public qu'il se passe des choses à la Chambre, alors que ce n'est pas vrai.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Nous reprenons le débat.

Mme Catterall: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Comme vous l'avez fait remarquer, les députés siègent à des comités. C'est là que j'ai passé toute la matinée, plutôt qu'à la Chambre.

Je me demande si vous pourriez préciser la procédure suivie aujourd'hui. À ma connaissance, la motion d'opposition a été déposée tard hier et c'est au parti d'opposition de décider s'il veut qu'elle fasse l'objet d'un vote. L'opposition n'a pas choisi qu'elle fasse l'objet d'un vote.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement, mais je me réjouis que la situation ait été clarifiée.

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M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je veux savoir si je peux répondre à la députée parce que, derrière elle, les gens riaient et plaisantaient.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Les dix minutes allouées aux questions et observations sont écoulées. Nous poursuivons le débat.

(1355)

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Madame la Présidente, dans cet espace qui s'étend d'un océan aux autres et qu'on appelle le Canada, chaque citoyenne, chaque citoyen est représenté par trois personnes parlementaires: tout d'abord, il y a le député à la législature provinciale; ensuite, le député à la Chambre des communes-et nous sommes 295 ici à jouer ce rôle-et enfin, le sénateur ou la sénatrice de l'autre Chambre.

Vous admettrez avec moi que c'est beaucoup de représentation. On pourrait même appeler ça de la redondance, mais il faut remarquer que la redondance a parfois des vertus. Par exemple, dans un avion, on retrouve deux circuits de commande, un à gauche et un à droite; dans un navire, on a la même situation. Cette redondance assure que si un circuit faisait défaut, l'autre prendrait la relève et assurerait la sécurité des passagers. On voit donc que la redondance a une fonction utile.

On doit maintenant se poser la question à savoir si la redondance dans notre système parlementaire, le fait d'avoir deux Chambres, ce qui s'appelle le bicaméralisme, assure une meilleure sécurité, une plus grande confiance, une efficacité accrue dans le fonctionnement gouvernemental?

Si l'autre Chambre nous avait permis, il y a quelques années, d'éviter d'endetter ce pays à outrance, sans aucun doute, nous en conviendrions tous, notre bicaméralisme, notre deuxième Chambre aurait démontrer son efficacité. Mais ce n'est pas le cas. Effectivement, notre système parlementaire, malgré sa redondance, ne nous assure pas un gouvernement meilleur ni une administration publique plus saine. En fait, nous sommes exactement à l'opposé.

Je remercie nos collègues du Parti réformiste de nous permettre de faire cette réflexion aujourd'hui sur l'utilité de l'autre Chambre. Ce que je regrette, c'est que nous ne restreignions cette réflexion qu'à l'autre Chambre, parce que celle-ci aussi a ses défectuosités, celle-ci aussi a ses vices de fonctionnement. Lorsque nous pensons aux lignes de partis, lorsque nos regardons de quelle façon cette Chambre s'acquitte de ses responsabilités, de quelle façon chacun des députés ici est en mesure de représenter ses électeurs, vous admettrez avec moi que le problème est un problème de parlementarisme global.

Nous devons réfléchir à une révision totale du parlementarisme qu'on retrouve d'un océan aux autres. Vous me permettrez de conclure en disant que la proposition québécoise d'un partenariat nous amènerait, non seulement vers une révision du système, mais vers un système moderne qui permettrait d'assumer le XXIe siècle.

[Traduction]

Le Président: Comme il est 14 heures, la Chambre passe aux déclarations de députés.


3077

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LES BÉNÉVOLES

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, partout au Canada et dans le monde, le bénévolat contribue considérablement au bien-être de nos collectivités.

Voici quelques exemples de situations où les bénévoles jouent un rôle important dans ma propre collectivité de Mississauga: Interim Place, un refuge pour femmes battues; Distress Line Peel; les associations pour la recherche sur le cancer, les maladies du coeur et du poumon; les hôpitaux, les foyers pour personnes âgées et les autres lieux où les bénévoles aident les gens dans le besoin; les nombreux entraîneurs et moniteurs des activités pour jeunes; les clubs sociaux comme le Rotary, les Lions et les Kinsmen; les hommes et les femmes qui siègent aux conseils d'administration et aux comités pour voir au bon fonctionnement et au financement des diverses associations qui favorisent la bonne volonté, la santé et le bien-être dans nos collectivités.

Tous ces gens donnent de leur temps bénévolement et généreusement afin que le Canada demeure le meilleur pays du monde.

Nous devrions prendre le temps de remercier ces bénévoles pour leurs contributions remarquables. Il n'est pas nécessaire d'attendre un jour spécial pour reconnaître leur concours car je sais que nous croyons tous qu'il est toujours temps de dire merci.

* * *

LA RÉPUBLIQUE DE MACÉDOINE

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, il y a plus de trois semaines, le Parti réformiste a demandé au gouvernement de revenir sur sa politique concernant l'ancienne république yougoslave de Macédoine et de reconnaître immédiatement ce pays sur le plan diplomatique.

Malheureusement, le ministre n'a pas suivi les conseils du Parti réformiste. On m'a remis copie d'une lettre datée du 4 avril 1996 dans laquelle le ministre disait clairement que le gouvernement n'est pas prêt à accorder la reconnaissance diplomatique.

Le motif invoqué est le suivant: «certaines inquiétudes concernant les conflits bilatéraux entre l'ancienne république yougoslave de Macédoine et la république de Grèce». Cette excuse est bien faible étant donné que la Grèce a volontairement reconnu ce pays le 13 septembre 1995 et qu'elle a signé un accord à cette fin il y a plus de neuf mois. J'ai ici un exemplaire de cet accord si le ministre veut le lire.

Les Nations Unies ont aussi reconnu l'ancienne république yougoslave de Macédoine, alors pourquoi le gouvernement canadien ne peut-il pas prendre connaissance de tous les faits et accorder la reconnaissance diplomatique dès aujourd'hui?


3078

[Français]

L'ORGANISME ENFANT SECOURS

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, depuis plusieurs années déjà, le mois de mai est consacré à la campagne du ruban vert de l'espoir organisée par l'organisme Enfant Secours.

C'est avec tristesse que je rappelle cette campagne, mais aussi avec la conviction qu'il nous faut combattre cette réalité, aussi terrible soit-elle. En effet, ce sont des dizaines de milliers d'enfants qui, à chaque année, disparaissent. De la simple fugue à l'enlèvement par un étranger ou un parent, toutes ces situations ont en commun l'inacceptable réalité de perdre un enfant.

Dans le but de combattre ce fléau, l'organisme Enfant Secours agit à divers niveaux, entre autres, en établissant des réseaux de contact et d'information pour aider concrètement la recherche d'enfants disparus, de même qu'en mettant sur pied des programmes de formation et d'éducation pour le public.

Ce mois de mai est un mois de sensibilisation, mais aussi de financement. J'invite donc toute la population à soutenir cet organisme.

* * *

[Traduction]

LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, le gouvernement libéral serait sur le point d'annoncer une diminution sensible des services de la garde côtière sur le lac Winnipeg, le dixième au monde. Le plan visant à retirer de la circulation le Numao et l'Avocet et à réduire les installations de laGarde côtière à Selkirk est marqué au coin de l'indécence et du manque de vision.

Lors des audiences publiques tenues l'année dernière, les collectivités touchées ont dit à maintes reprises au gouvernement que le Manitoba avait besoin d'une amélioration, non pas d'une réduction, des services de la Garde côtière et que les services actuellement offerts étaient à la fois essentiels et très appréciés.

Les libéraux ont attrapé la maladie de la rationalisation en se frottant aux grandes sociétés. Résultat: une baisse de la qualité dans la prestation des services essentiels et des pertes d'emplois qui ont durement touchées Selkirk, Gimli et d'autres collectivités un peu partout au pays.

Le NPD exhorte le gouvernement à reconsidérer son plan et à maintenir ce service public on ne peut plus utile. Qu'il laisse les navires en service. La sécurité publique et la protection de la population devraient recevoir la plus haute priorité.

CRAIG SWAYZE

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais rendre hommage à un grand Canadien, M. Craig Swayze.

C'est en 1939 que Craig Swayze a commencé à pratiquer l'aviron en qualité de patron d'embarcation, à Brockville. Il s'est adonné à l'aviron de compétition pendant 13 ans et a gagné une médaille aux régates Royal Canadian Henley de 1947.

Journaliste, il a fait la promotion de l'aviron dans le Recorder and Times de Brockville, le Standard de St. Catharines et la Presse canadienne.

Il a représenté Aviron Canada au niveau international le plus élevé, soit la FISA, et a reçu une foule de médailles et de prix pour son travail dans les milieux canadien et international de l'aviron ainsi que dans les médias.

Membre actif des fervents de l'aviron à St. Catharines, il a entraîné des équipes d'école secondaire et de club et a oeuvré au sein du club d'aviron et de la Royal Canadian Henley Rowing Corporation.

En 1970, St. Catharines a accueilli le premier championnat mondial d'aviron à se tenir hors d'Europe. Craig Swayze fut le président de ces régates.

Le championnat mondial d'aviron aura de nouveau lieu à St. Catharines en 1999 et M. Swayze a beaucoup contribué à faire de ce projet une réalité.

Le 4 mai, les passionnés d'aviron de St. Catharines ont rendu hommage à Craig Swayze pour son immense apport à l'aviron. Son dévouement envers le sport et sa communauté est un exemple pour tous les Canadiens.

Je suis persuadé que mes collègues de la Chambre se joindront à moi pour rendre hommage à celui qui est connu comme le porte-parole de l'aviron au Canada, Craig Swayze.

* * *

[Français]

LA RECHERCHE PHARMACEUTIQUE

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, grâce à la recherche, à des études cliniques visant à établir l'efficacité et la sécurité du médicament appelé Sabril, la compagnie Hoechst Marion Roussel Canada de Laval se méritait, le 16 mai dernier, le Prix Galien Canada 1996, la plus haute distinction accordée dans le domaine de la recherche pharmaceutique.

La recherche joue un rôle prépondérant dans notre société parce qu'elle permet d'assurer une meilleure qualité de vie, en plus de permettre une plus longue espérance de vie et, facteur non moins considérable, une réduction du coût des traitements.

Grâce à nos compagnies pharmaceutiques, à leurs découvertes et à leur génie d'entreprise, on peut dire que le Canada est à l'avant-garde au niveau de la recherche pharmaceutique.


3079

Je suis fier de m'associer à tous les Canadiens et à tous les Québécois pour féliciter et remercier tout le personnel de Hoechst Marion Roussel Canada pour sa persévérance, sa détermination et son professionnalisme.

* * *

(1405)

LE PARTI QUÉBÉCOIS

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Monsieur le Président, il y a 50 ans, Jackie Robinson est venu chez nous à Montréal. Et aujourd'hui, nous nous réjouissons de ses accomplissements. Mais il est évident que le Parti québécois n'est pas inspiré par son exemple.

Le jour même où Montréal reconnaît le rôle clé de Jackie Robinson dans sa lutte contre la discrimination, le Québec, ma province, impose la discrimination aux étudiants voulant étudier à l'extérieur de la province, la plupart en anglais.

Où Jackie Robinson a levé la barre de la couleur, le Parti québécois nous impose la barre territoriale et, en effet, la barre linguistique.

Où Jean Lesage et le Parti libéral ont soulevé l'esprit de liberté, Lucien Bouchard et le Parti québécois font redescendre la grande noirceur.

Plus question pour les Québécois d'étudier chez leurs concitoyens avec qui ils ont bâti ce beau pays. Plus question de respecter la liberté d'expression, la liberté de mouvement et la liberté de choix.

Il est évident que le Parti québécois n'a pas un. . .

Le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable députée, mais son temps de parole est expiré.

* * *

LE QUOTIDIEN LE FLEUVE

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, le 16 mai dernier paraissait le premier numéro d'un journal très attendu: le quotidien bas-laurentien Le Fleuve. L'événement n'est pas passé inaperçu: Le Fleuve est en effet le premier quotidien à voir le jour au Québec depuis plusieurs années.

Édité par une équipe d'une trentaine de travailleuses et travailleurs formés en coopérative, Le Fleuve est tiré à 20 000 exemplaires chaque jour et distribué dans toute la région du Bas-Saint-Laurent. Aux nouvelles sociales, économiques, culturelles et sportives de la région s'ajoutent les informations nationales et internationales.

Saluons la naissance de ce premier quotidien produit dans le Bas-Saint-Laurent, grâce auquel les citoyennes et citoyens seront tous les jours en contact avec leur milieu et avec le monde.

Félicitations à toute l'équipe du quotidien Le Fleuve et longue vie à ce nouveau média qui constitue un outil de développement collectif que l'ensemble du Bas-Saint-Laurent attendait depuis longtemps.

* * *

[Traduction]

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, lorsqu'un garçon de 11 ans commet un crime violent, la seule chose que les autorités puissent faire, c'est de l'envoyer chez lui ou à la Société d'aide à l'enfance, rien de plus.

C'est ce qui s'est produit à Toronto ce mois-ci, après qu'une fillette de 13 ans ait été attaquée, paraît-il, par trois jeunes garçons, puis violée par un garçon de 11 ans. Il semble que ce garçon était déjà connu des forces policières pour avoir volé une automobile et commis d'autres vols. Il était et est toujours libre d'accusations parce que la Loi sur les jeunes contrevenants ne vise pas les enfants de moins de 12 ans.

Le système néglige ces jeunes et leurs victimes. Selon le projet de loi C-228 que j'ai présenté en mars, les enfants âgés de 10 ans et plus seraient visés par la Loi sur les jeunes contrevenants. Si les députés écoutent réellement les Canadiens qui sont scandalisés par cette tragédie, je les exhorte alors à appuyer cette modification. Si ces enfants sont capables de commettre des crimes violents, ils savent certainement qu'ils ont mal agi et doivent être tenus responsables de leurs actes.

* * *

LE PARC COLONEL SAM SMITH

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, dans ma circonscription d'Etobicoke-Lakeshore, nous sommes heureux d'avoir le parc Colonel Sam Smith, sur les bords du lac Ontario.

Avec l'aide du fonds pour le nettoyage des Grands Lacs d'Environnement Canada, nous avons pu faire de ce site riverain un parc régional qui renferme une variété d'habitats aquatiques et fauniques, et où s'effectuent divers projets de restauration du littoral.

Cette année, les visiteurs peuvent se renseigner sur les valeurs environnementales du parc, grâce à un nouveau système de signalisation qui décrivent les divers projets le long des sentiers. La restauration des habitats du poisson et de la faune dans un environnement urbain est bénéfique tant pour l'environnement que pour la croissance des industries qui misent désormais sur les nouvelles techniques environnementales.

Je loue le travail de l'office de protection du Grand Toronto et de la région, de la municipalité de Toronto, de la ville d'Etobicoke et de la collectivité d'Etobicoke-Lakeshore, et les félicite d'avoir aménagé le parc Colonel Sam Smith.


3080

Cette initiative en faveur d'un développement durable prouve que lorsque les gouvernements et les collectivités collaborent, il est possible d'avoir un environnement sain, une économie florissante et une société meilleure.

* * *

LE PROGRAMME SPATIAL

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement a renouvelé son engagement envers le programme spatial canadien, en y investissant encore 317 millions de dollars, cette année. Cet engagement permettra encore de grandes réalisations de la part des astronautes canadiens.

Demain, Marc Garneau revient de sa deuxième mission dans l'espace, ayant réussi à ramener le satellite scientifique Spartan en utilisant le bras spatial canadien, une création de Spar Aérospatiale dont le siège social est établi dans ma circonscription de Mississauga-Est, évidemment.

Les Canadiens ont raison d'être fiers des réalisations de leur pays en matière d'exploration spatiale et, en particulier, des nouveaux exploits de notre premier astronaute, Marc Garneau.

(1410)

[Français]

Grâce à Marc Garneau et à son bras canadien, le Canada est connu même dans l'espace. Félicitations!

* * *

[Traduction]

LES EMPLOIS POUR LES JEUNES

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, je désire remercier plusieurs élèves d'écoles secondaires et d'autres habitants de ma circonscription qui ont pris le temps vendredi d'exprimer leur point de vue sur les initiatives en matière d'emploi pour les jeunes. Le président du groupe de travail ministériel sur la jeunesse a eu l'obligeance de s'arrêter dans la circonscription de Parry Sound-Muskoka pour écouter les idées exprimées par les représentants des jeunes de ma circonscription.

Je remercie Mike Sporar, de l'École secondaire de Bracebridge et Muskoka Lakes, David Lamy et Marc Baron, de l'École secondaire de Huntsville, et Danielle Gliddon et Lynn Kameka, de l'École secondaire de Gravenhurst, qui ont fait des exposés débordant d'idées au forum.

Le gouvernement demeure résolu à améliorer l'environnement pour les jeunes Canadiens de sorte qu'ils aient accès à la formation, aux outils et au soutien dont ils ont besoin pour devenir des adultes épanouis.

Pour améliorer le processus, nous avons cependant besoin des réactions des jeunes eux-mêmes; c'est pourquoi j'encourage les jeunes de partout au Canada à participer et à donner leur opinion.

[Français]

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, hier, j'ai été profondément blessé par les propos inqualifiables tenus à mon endroit par le ministre du Développement des ressources humaines. Il m'a demandé de me trouver un autre pays si je n'étais pas content des politiques de son gouvernement.

Les propos du ministre sont discriminatoires pour tous les immigrants et tous les réfugiés. Le plus grave, c'est que ses collègues libéraux et réformistes l'aient ovationné.

Je suis fier de mes origines chiliennes et je partage les aspirations profondes du peuple québécois. Loin de m'intimider, les remarques du ministre ne font que renforcer mes convictions souverainistes et me poussent à travailler avec plus d'acharnement à la construction d'un pays pluraliste, ouvert aux différences et plus tolérant.

Le ministre qui tient de tels propos n'a qu'une chose à faire: démissionner.

* * *

[Traduction]

LES PÉNITENCIERS

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, sous le gouvernement libéral actuel, un juge a décidé de donner le droit de vote aux détenus.

Voyons ce que les libéraux offriront aux détenus lors de la prochaine campagne électorale pour obtenir leurs voix. Des condoms gratuits afin qu'ils puissent avoir des relations sexuelles sans risque? Non, ils ont déjà cela. Des plats autochtones comme des steaks de morse ou de caribou? Non, ils ont déjà cela. Des prestations de sécurité de la vieillesse? Non, ils ont déjà cela. Le droit de toucher une prime d'heures supplémentaires ou de refuser de travailler? Non, ils ont déjà cela. Que dire d'un beau terrain de golf dans une prison? Non, ils ont déjà cela. Peut-être l'usage d'une chaîne stéréo et d'un téléviseur dans leur cellule? Non, ils ont déjà cela.

Je n'ai pas besoin de faire campagne dans les prisons, car les détenus ont déjà plus que ce que je pourrais leur offrir. Je suis convaincu que les libéraux sauront trouver autre chose à leur offrir, comme une gratification après trois années de détention.

* * *

LES PÊCHES

M. Gerry Byrne (Humber-Sainte-Barbe-Baie Verte, Lib.): Monsieur le Président, le ministre et le ministère des Pêches et des Océans ont encore une fois confirmé leur engagement à conserver et à protéger les ressources canadiennes.

Le ministre a récemment annoncé la mise sur pied d'un système permettant de photographier de nuit les navires de pêche. Le système prend des photographies de qualité où l'on voit clairement les

3081

navires de pêche. Ces photographies peuvent servir de preuves lorsque des personnes sont accusées d'avoir enfreint les règlements concernant les pêches.

Ce système de photographie de nuit, le premier en son genre au monde, fait du Canada un pionnier dans le domaine de la surveillance aérienne civile et illustre clairement dans quelle mesure la technologie de pointe peut servir à protéger nos ressources marines.

* * *

LA SOCIÉTÉ INCO LIMITÉE

M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Monsieur le Président, je tiens aujourd'hui à féliciter la société INCO Limitée, qui a récemment versé 250 000 $ en vue de la construction d'une centre pour les clients spéciaux au Cambrian College. En faisant ce don, la société INCO demeure fidèle à sa longue tradition, qui consiste à appuyer les localités partout au Canada.

Le centre pour clients spéciaux offrira à 1 200 étudiants atteints de déficience physique ou de troubles développementaux l'occasion d'acquérir les compétences dont ils ont besoin dans l'économie actuelle et d'utiliser les technologies de pointe, ce qui remet en question l'existence même des obstacles.

La contribution du Cambrian College, de la communauté, de la société INCO, de tous les donateurs et des gens qui ont travaillé dans l'ombre pour que ce centre devienne réalité mérite d'être reconnue. Il ne faut pas oublier, non plus, la contribution des gouvernements fédéral et ontarien à la construction de ce centre, grâce au programme national des infrastructures.

______________________________________________


3081

QUESTIONS ORALES

(1415)

[Français]

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, hier, le ministre du Développement des ressources humaines déclarait que, selon lui, c'en était assez de voir un Néo-Canadien siéger à la Chambre des communes et prêcher le séparatisme. Cette déclaration inacceptable a été faite par un ministre du gouvernement et en dit long sur l'opinion du ministre quant aux Canadiens d'adoption.

Le premier ministre peut-il nous dire si les propos du ministre du Développement des ressources humaines reflètent la position de son gouvernement face aux Néo-Canadiens?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, hier, lors de la période des questions orales, l'honorable député s'attaquait au ministère de l'Immigration. Ce que j'ai dit à ce moment-là et que je répète maintenant, c'est que quelqu'un qui est venu au Canada, qui a été honoré en obtenant la citoyenneté canadienne, et qui vient dans cette Chambre, un élu dans le Parlement du Canada, s'attaquer aux politiques concernant les réfugiés venant au Canada, pour moi, c'était inacceptable et cela le demeure.

Des voix: Bravo!

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le ministre a la mémoire courte, mais les bleus témoignent. Le Journal des débats témoigne de ce qui a été dit, exactement, de ce qui a été répété, et ce qui a été renchéri aujourd'hui au sortir du Conseil des ministres.

Mais c'est au premier ministre que je pose ma question, et c'est grave. Je voudrais savoir comment le premier ministre peut tolérer qu'un membre de son gouvernement, un ministre, décide qu'il y a deux sortes de citoyens au Canada: ceux de souche qui peuvent être ou fédéralistes ou souverainistes, et les Néo-Canadiens qui ne peuvent être que fédéralistes ou se chercher un pays ailleurs, comme il l'a dit.

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, lorsque j'ai fait les commentaires hier, et lorsque j'ai fait des commentaires à la sortie de la réunion des ministres aujourd'hui, ce que je voulais expliquer et que je vais expliquer au chef de l'opposition, c'est qu'il y a suffisamment de Canadiens-à l'exception des gens qui sont ici depuis le début, les autochtones-tout le monde vient d'un autre pays, incluant mes ancêtres.

Ce que j'ai dit, c'est que quelqu'un qui a bénéficié de la générosité, de l'ouverture d'esprit du Canada et qui, par la suite. . . Parce que dans les «bleus» d'hier, il y avait aussi une question posée par l'honorable député et elle portait sur la légitimité de la situation concernant le ministère de l'Immigration. . .

Mme Tremblay: Ce n'est pas vrai, ce n'était pas ça la question, c'est faux.

M. Young: Tout ce que j'ai dit hier et je le répète aujourd'hui, c'est que quelqu'un qui vient au Canada. . .

Mme Tremblay: Vous ne savez même pas lire.

M. Young: . . .et qui se fait élire, qui vient au Parlement et qui défend le séparatisme en s'attaquant au système qui lui a permis de devenir citoyen, c'est inacceptable.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, visiblement, le premier ministre a décidé de laisser son ministre du Développement des ressources humaines s'embourber davantage dans ce qu'il a dit hier à l'endroit des Néo-Canadiens. C'est une insulte.

Ma question s'adresse au premier ministre et je pense que sa responsabilité de premier ministre l'oblige à répondre. Le premier ministre s'est réjoui récemment de la suspension de députés du troisième parti pour des raisons similaires. Est-ce qu'il va, comme premier ministre, aujourd'hui, alors qu'il est dans l'obligation de le faire, est-ce qu'il va agir de façon responsable, comme on s'y attend d'un premier ministre, agir avec diligence et exiger la démission de ce ministre qui couvre de honte tout le gouvernement avec des propos qui sont clairement intolérables dans une démocratie?

Des voix: Bravo!


3082

(1420)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je m'émeus devant les propos du chef de l'opposition, de le voir soudainement vouloir faire respecter les droits des individus.

L'autre jour, au Québec, le chef de l'opposition a référé au chef du gouvernement, le premier ministre du Canada, comme étant un Ontarien, alors que j'ai le privilège de siéger comme député en cette Chambre depuis 1963, que j'ai bien servi les citoyens du Québec et du Nouveau-Brunswick ici à la Chambre des communes et que j'ai suivi les francophones du Québec depuis 33 ans.

Je pense que le chef de l'opposition devrait, premièrement, faire le ménage dans le langage de ses propres députés qui accusent les fédéralistes d'être des traîtres aux Québécois parce qu'on croit au Canada. On n'a pas de leçon de politesse à recevoir des gens du Bloc québécois.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre comprend certainement mal les termes utilisés par son ministre du Développement des ressources humaines. Il n'a pas compris la question hier, et vous, vous confondez politesse. . .

Le Président: Chers collègues, il faut toujours vous adresser à la Présidence.

M. Duceppe: Monsieur le Président, le premier ministre confond politesse et respect de la démocratie et propos inacceptables. Hier, le ministre du Développement des ressources humaines disait, et il en a rajouté: «Alors que le Canada lui a donné sa citoyenneté canadienne, il est assis en Chambre en train de prêcher le séparatisme. C'est assez, monsieur le Président.» disait-il. Et il le répète.

Le premier ministre peut-il nous dire si la politique du gouvernement à l'endroit des Canadiens d'adoption au Canada c'est: «Bienvenue chez nous, mais vous n'avez pas le droit à vos opinions politiques»?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est une opinion exprimée par un ministre à l'endroit d'un député élu qui siège légitimement dans cette Chambre. Il lui dit qu'il prêche le séparatisme dans le pays qui l'a accueilli. Je trouve que c'est la réalité. Si le député en question veut nous dire qu'il est fédéraliste, on l'accueillera avec plaisir, mais il est séparatiste. Y a-t-il une honte à se faire appeler séparatiste, lorsqu'on est séparatiste? Ce n'est pas honteux.

C'est ce que le ministre a dit. Il est séparatiste et il est un nouveau citoyen au Canada et il travaille à détruire ce pays. Il a le droit de le faire et le ministre a le droit de lui faire remarquer qu'il est un nouveau citoyen et qu'en arrivant ici, il s'applique à détruire le pays qui l'a reçu. Il a le droit de le faire. C'est cela, la beauté du Canada, c'est qu'on a la liberté absolue.

Il y a bien des pays qui n'accepteraient pas que de nouveaux immigrants travaillent à la destruction du pays, mais au Canada, on a assez confiance dans la démocratie pour accepter cela.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre n'a même pas le courage du chef du Parti réformiste.

Le Président: Cher collègue, il n'est pas question d'être courageux ou pas. Nous avons tous le courage de nos convictions. Je demanderais à l'honorable député d'être un peu plus judicieux dans le choix de ses mots.

M. Duceppe: Monsieur le Président, ce qu'a dit le ministre du Développement des ressources humaines, hier, c'est que si le député de Bourassa continuait à exprimer ces idées-là, il ferait mieux de se trouver un autre pays. C'est ce qu'il a dit.

Est-ce que les convictions du premier ministre vont l'amener à dénoncer cela, comme le chef du Parti réformiste a, lui, dénoncé les députés de son parti qui tenaient des propos inacceptables? Peut-il le faire plutôt que de tenter de maquiller la réalité?

(1425)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai tout simplement dit qu'il a le droit de défendre ses idées au Canada, mais qu'il n'y a pas beaucoup de pays qui donnent cette permission. Si on se met à vouloir retracer les propos inacceptables employés à l'endroit des députés de cette Chambre, s'il y en a un qui pourrait se lever à tous les jours, c'est moi.

Cependant, j'accepte le débat politique et l'opinion exprimée par un Acadien qui est un francophone hors Québec, qui sait que la séparation du Québec mettrait en danger la vie culturelle de ses concitoyens francophones du Nouveau-Brunswick ou d'ailleurs au Canada. Il exprime des émotions qui sont valables. Il a décrit, à mon sens, une réalité, à savoir qu'il y a un député dans cette Chambre qui est un immigrant canadien et qui travaille pour briser le Canada. Lui, il n'aime pas ça.

Quand je pense que dans ce parti, il y a un député en face de moi qui a dit, il n'y a pas très longtemps, que ceux qui n'étaient pas nés au Canada ne devraient pas voter au référendum du Québec, on n'a pas de leçon à recevoir du Bloc québécois.

* * *

[Traduction]

L'EMPLOI

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, au cours de la dernière campagne électorale, les libéraux ont sillonné le Canada en tout sens pour promettre des emplois à des Canadiens inquiets.


3083

Près de trois ans plus tard, 1,4 million de Canadiens sont au chômage, près du tiers de notre population active est sous-employée et environ le quart des Canadiens craignent pour leur emploi.

Autrement dit, nous sommes aux prises avec une insécurité économique généralisée. Quelle est la réaction du premier ministre? Au cours du voyage qu'il vient de faire dans l'Ouest, il a dit: «Les Canadiens vont devoir apprendre à accepter cette réalité.»

Au fond, le premier ministre ne dit-il pas aux 1,4 million de chômeurs qu'ils vont simplement devoir apprendre à accepter qu'une autre promesse soit reniée, celle de la création d'emplois?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je peux rappeler au chef du tiers parti ce que j'ai dit, puisque j'ai la transcription: le chômage a diminué depuis deux ans et demi, mais pas assez à mon goût. Je l'ai dit souvent à la Chambre des communes. Je ne serai jamais satisfait tant que tous ceux qui veulent travailler n'auront pas trouvé un emploi.

En janvier 1994, le taux de chômage était de 11,5 p. 100, et il est maintenant de 9,4 p. 100. L'économie a créé 636 000 nouveaux emplois en deux ans et demi. Ce sont des résultats sans égal dans le monde.

L'Allemagne et la France à elles deux n'ont pas créé autant d'emplois que le Canada au cours de ces deux ans et demi. Je dis aujourd'hui que nous aurions voulu qu'il s'en crée davantage. C'est pourquoi nous avons proposé ce budget. C'est pourquoi nous avons réussi à réduire les taux d'intérêt de quatre points depuis un an, pour qu'il se crée davantage d'emplois.

Tant qu'il y aura des Canadiens qui voudront trouver du travail, le gouvernement va s'efforcer de créer des emplois. Nous ne nous en sommes pas si mal tirés, avec 636 000 emplois en deux ans et demi.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, même si on accepte tel quel le nombre d'emplois que le gouvernement prétend avoir créés, ces résultats sont complètement insatisfaisants, comparés aux millions d'emplois qu'il faudrait.

Si on soustrait le nombre d'emplois perdus au cours des trois dernières années, le nombre d'emplois provisoires et le nombre de Canadiens qui ont renoncé à chercher du travail, le bilan du gouvernement, en création d'emplois, est tout à fait lamentable.

Le gouvernement prétend avoir des objectifs fermes de réduction du déficit. Quel est son objectif de réduction du taux de chômage? Quand va-t-il l'atteindre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, d'après les données de Statistique Canada, il est très clair que c'est le nombre d'emplois après déduction de la perte d'emplois. Le résultat net est de 636 000 nouveaux emplois.

Ce sont d'excellents résultats, et nous allons continuer de travailler, comme nous le faisons en ce moment, à réduire encore davantage le chômage. C'est pourquoi nous avons dit que nous réduirions le taux de chômage. Il est passé de 11,5 à 9,4 p. 100. Au moyen des politiques du ministre des Finances, approuvées par le gouvernement, nous obtenons de meilleurs résultats que tous les autres pays de l'Ouest sur ce plan-là.

(1430)

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, ces réponses sont inadmissibles pour les 1,4 million de chômeurs, pour les sous-employés, pour le quart des Canadiens qui craignent de perdre leur emploi.

Pendant la campagne de 1993, le premier ministre s'en est pris à Kim Campbell parce qu'elle avait dit que le chômage ne diminuerait pas de façon substantielle avant l'an 2000. C'était, disait-il, un aveu d'échec. Maintenant, après deux ans et demi au pouvoir, il dit presque exactement la même chose. Tout cela après avoir promis monts et merveilles, en création d'emplois, aux pages 8, 13, 14 et 18 d'un livre rouge maintenant complètement discrédité.

Le premier ministre a-t-il jamais eu l'intention de tenir sa promesse de créer des emplois? Ou bien est-ce que c'était, comme à propos de la TPS, une autre manoeuvre politique cynique pour faire élire des libéraux qui ne le méritaient pas?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je suis très fier du bilan du gouvernement, qui a créé 636 000 emplois. Nous avons obtenu ces résultats tout en ramenant le déficit de 6,2 à 3 p. 100 du PIB cette année.

Un grand article paru dans le Globe and Mail de lundi nous apprend qu'on s'arrache les obligations canadiennes parce que c'est le meilleur placement qu'on puisse faire. Il y a à peine un an et demi, nous devions expliquer à l'étranger que le Canada cherchait à résoudre ses problèmes. Il est maintenant reconnu que nous sommes dans la bonne voie, et on se précipite sur les nouvelles obligations canadiennes.

Avec la gestion du ministre des Finances, nous n'aurons plus besoin de nouveaux emprunts d'ici deux ou trois ans. Il vaut donc mieux s'empresser d'acheter les obligations canadiennes.

* * *

[Français]

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le ministre du Développement des ressources humaines, qui est un ministre du gouvernement, a fait une déclaration extrêmement lourde de conséquences pour la suite des choses. Tous les Néo-Canadiens ont tout à fait raison d'être inquiets qu'un ministre du gouvernement affirme qu'il faut avoir la même opinion politique que le gouvernement quand on est Néo-Canadien, parce qu'on a choisi le Canada et que le Canada nous a accordé sa citoyenneté.

Le premier ministre a répété sensiblement les mêmes propos. Ce que je lui demande très clairement est ceci: Est-ce que le premier ministre, en refusant de se dissocier des propos de son ministre,


3084

appuie les propos tenus par son ministre du Développement des ressources humaines, oui ou non? C'est ce qu'on veut savoir.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai répété ce que le ministre a dit. Il a fait état d'une réaction au fait que le député de Bourassa est un nouveau Canadien qui est arrivé ici, j'imagine, lui-même comme réfugié, et qui a été reçu comme citoyen canadien. Il exerce maintenant son droit démocratique d'essayer de détruire le Canada. Cela n'a pas plu au ministre, ça ne me plaît pas non plus, mais il a le droit de le faire. Ce sont les droits qu'on donne aux Canadiens lorsqu'ils deviennent citoyens canadiens. Ils ont droit d'épouser n'importe quelle cause.

Néanmoins, je pense que le Canada est un pays qui permet ces libertés, et je suis très content de voir que plusieurs autres Néo-Canadiens du Québec siègent en cette Chambre et que la majorité est de notre côté.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre devrait être prudent avec les majorités; elles fondent vite en certaines circonstances.

Est-ce que le premier ministre, en se collant sur les propos du ministre du Développement des ressources humaines, qui a invité le député de Bourassa à choisir un autre pays, n'est pas en train, dans le cadre de son plan B, par opportunisme politique dans le reste du Canada, de prendre en otage les gens des communautés culturelles en exigeant d'elles, pour le prix de la citoyenne canadienne, qu'elles aient ses opinions politiques à lui?

[Traduction]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, on en vient toujours aux grands mots: otages, prisons. . .

[Français]

C'est toujours la même chose. On essaie d'apeurer les gens. Qu'est-il arrivé dans cette Chambre? C'est qu'il y a un député séparatiste qui est comme les autres; il n'a pas le courage de dire qu'il est séparatiste, il dit: «Je suis souverainiste.»

(1435)

Le Président: Mon cher collègue, comme de raison, comme auparavant, on vous demande de ne pas questionner le courage d'un député ou d'un autre. Si le premier ministre a quelque chose à ajouter à sa réponse, je l'invite à le faire maintenant.

M. Chrétien (Saint-Maurice): Monsieur le Président, je suis très content de voir que les députés du Bloc québécois veulent à ce moment-ci que les immigrants soient les bienvenus au Québec. Je suis très content d'apprendre cela. J'aurais voulu qu'ils n'attaquent pas le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration qui, pendant le référendum, voulait leur donner le droit de partager le même privilège que le député de Bourassa de s'exprimer au référendum.

Ce sont les mêmes personnes qui nous blâmaient de permettre aux nouveaux immigrants de voter au référendum qui se plaignent aujourd'hui que la liberté de parole existe des deux côtés ici. Et pour des Acadiens, voir des gens qui veulent détruire le Canada, on trouve que ce ne sont pas des gens qui devraient normalement agir comme cela, parce qu'ils ont recouvré la liberté qu'ils avaient perdue dans leur pays en devenant citoyen de tout le Canada.

* * *

[Traduction]

LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, le SCRS a arrêté deux agents du FSB russe, anciennement le KGB, et les a accusés d'avoir fait sauter la maison torontoise d'un homme d'affaires russe. Il semble que ce résident canadien devait de l'argent à une banque russe. C'est là une grave question de sécurité interne et de diplomatie.

Si, comme on l'a rapporté, ces deux personnes sont vraiment des agents actifs du KGB-FSB, le solliciteur général et le ministre des Affaires étrangères veilleront-ils à expulser immédiatement du Canada tous les diplomates russes en poste ici ou certains d'entre eux?

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la Chambre n'ignore pas que le gouvernement fédéral a entrepris d'examiner le cas de deux personnes que l'on soupçonne de travailler pour le service du renseignement russe sous le couvert de fausses identités.

Ces personnes font l'objet d'une enquête par les autorités compétentes. Conformément à la Loi sur l'immigration, des procédures sont en cours pour déterminer si elles seront expulsées.

Comme les tribunaux sont saisis de cette affaire, qui sera entendue demain, je crois, il serait imprudent de ma part d'en parler plus longuement.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, je ne crois pas que la réponse du secrétaire parlementaire soit appropriée dans cette grave affaire.

Encore une fois, si ces agents qui ont fait sauter une maison à Toronto se révèlent être des membres actifs du KGB-FSB, le gouvernement va-t-il expulser immédiatement tous les diplomates russes ou certains d'entre eux?

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, s'il y a quelqu'un d'embrouillé ici, c'est le député, car les deux cas dont il parle ici à propos de l'explosion à Toronto ne sont pas liés.

De toute façon, les mesures qui s'imposent seront prises contre toute personne ayant commis des actes illégaux au Canada.


3085

[Français]

LES FIDUCIES FAMILIALES

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Revenu national.

C'est maintenant fait, nous savons depuis ce matin que la décision rendue en 1991 par Revenu Canada, qui a permis à une des plus riches familles canadiennes de transférer deux milliards de dollars d'actifs aux États-Unis sans payer d'impôt, a pu servir de précédent à d'autres. Ce matin, le sous-ministre au Revenu déclarait qu'il était tout à fait possible que des centaines de millions sinon des milliards de dollars aient échappé et échappent encore aujourd'hui à Revenu Canada.

Est-ce que la ministre du Revenu est prête à admettre aujourd'hui, contrairement à ce qu'elle prétendait il y a deux semaines, qu'il y a un caractère extrêmement urgent à la situation et que ce n'est pas à l'automne qu'il faut agir, mais maintenant?

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, comme la Chambre le sait, le ministère que je dirige a pris très au sérieux le rapport du vérificateur général, et nous y avons donné suite immédiatement. Le vérificateur a exprimé des réserves au sujet de la documentation qui étaye les décisions, et nous avons pris des mesures à cet égard. Il s'est dit préoccupé par le fait que les décisions étaient rendues publiques ou non, et nous avons pris des mesures en conséquence.

(1440)

Nous avons aussi pris des dispositions pour faire en sorte que le Comité des finances examine ces points de droit très importants. Aussi, pendant que cet examen capital se déroulera, par respect pour le travail du comité, nous suspendrons toute nouvelle décision concernant cet aspect de la loi relative à l'impôt sur le revenu.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, par rapport à il y a deux semaines, il y a eu des changements. Il y a deux semaines, la ministre disait qu'il n'y avait pas d'urgence à agir immédiatement et son sous-ministre, ce matin, nous dit qu'il est possible que depuis le 31 décembre 1991, à partir d'une décision anticipée rendue par les fonctionnaires de son ministère, il y ait eu d'autres cas de fuites de capitaux, comme le montant de deux milliards de dollars qui est allé aux États-Unis sans qu'un sou d'impôt ait été payé.

Le gouvernement n'a pas agi. La seule façon d'agir, c'est de suspendre immédiatement la décision anticipée et l'extension de cette décision de 1991 à d'autres cas. C'est ce qu'il faut faire. Est-ce que la ministre peut s'engager devant cette Chambre à faire cela immédiatement?

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, sauf erreur, le sous-ministre a dit qu'il n'était pas certain s'il y avait eu des décisions fiscales avant ou après 1991. Je tiens à rappeler, comme le député le mentionne, qu'en 1991, notre parti n'était pas au pouvoir et que nous prenons maintenant les mesures qui s'imposent pour régler cet aspect capital de la loi relative à l'impôt sur le revenu.

Le député aura tout le loisir d'écouter les témoins qui comparaîtront devant le Comité des finances pour expliquer les complexités de cette partie de la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est une mesure complexe. Elle a des répercussions sur tous les Canadiens. J'encourage le député à écouter attentivement les témoignages et à soumettre au ministre des Finances des recommandations bien étoffées.

* * *

LES MARCHÉS DE L'ÉTAT

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale a fait une utilisation abusive de son budget et voilà maintenant que le président du Conseil du Trésor se met dans une situation de conflit d'intérêts pour essayer de le défendre. J'ai vu les contrats. C'est un exemple flagrant de fractionnement de marchés. Le ministre le sait et approuve cette pratique.

Pourquoi le président du Conseil du Trésor pense-t-il qu'il est acceptable pour le ministre de la Défense de se servir des lignes directrices du Conseil du Trésor pour accorder des contrats à ses copains de campagne afin de les récompenser?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, je ne peux que répéter ce que j'ai dit hier. Les fonctionnaires du ministère de la Défense nationale et du Conseil du Trésor ont examiné les contrats en question et ont jugé qu'ils étaient conformes aux lignes directrices concernant les budgets des cabinets de ministre. Je tiens à ajouter qu'il y a aussi les budgets du personnel exempt, qui sont assujettis à des règles différentes parce que ce personnel donne des conseils de nature partisane. Il y a une différence entre ces deux types de budget pour cette raison.

Dans le cas qui nous occupe, le ministre de la Défense nationale a demandé des conseils qu'il jugeait nécessaires. Encore une fois, tout cela s'est fait en conformité avec les lignes directrices du Conseil du Trésor concernant ces budgets.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, je ne suis pas certain que les Canadiens seront heureux d'entendre que nous avons maintenant des budgets de favoritisme pour les ministres.

Le président du Conseil du Trésor persiste à dire qu'il a fait une enquête approfondie sur ces contrats. L'enquête était une farce monumentale. À qui s'est-il adressé? Il a demandé aux fonctionnaires du ministère de la Défense nationale s'ils avaient suivi les lignes directrices du Conseil du Trésor. À la surprise de tout le monde, ils ont répondu oui. C'est comme demander au renard de surveiller le poulailler.

Étant donné ces abus et conflits d'intérêts flagrants, pourquoi n'a-t-on pas demandé au conseiller en éthique d'examiner cette affaire?


3086

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait reconnaître qu'il a, lui aussi, un budget politique. La secrétaire qu'il embauche avec son budget de député et les gens qu'il embauche pour le conseiller sont habituellement choisis en raison de leur affiliation politique. Chaque député et chaque ministre dispose d'un budget du personnel exempt.

Le député parle de favoritisme. Il essaie d'utiliser des mots chargés. Il ne reconnaît pas le fait que ces budgets portent le nom de budgets du personnel exempt parce qu'ils s'appliquent habituellement à des gens qui sont embauchés pour donner des conseils de nature partisane?

* * *

(1445)

[Français]

LES AFFAIRES EXTÉRIEURES

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires extérieures.

On apprend le sort absolument invraisemblable réservé à quatre réfugiés roumains dont trois auraient été jetés à la mer par le capitaine d'un cargo sur lequel ils étaient montés comme passagers clandestins.

Le ministre des Affaires extérieures peut-il faire le point sur les circonstances entourant ce drame affreux?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais expliquer au député que, parce que l'infraction présumée a eu lieu en eaux internationales, le Canada ne dispose d'aucun recours légal. Les seuls pays qui peuvent prendre des mesures sont les pays directement impliqués dans l'affaire, soit Taïwan, où le navire est enregistré, la Roumanie et les Philippines, parce que l'équipage provient de ce dernier pays.

Nous avons offert notre entière collaboration aux autorités de ces trois pays. Il y a eu des discussions avec la Roumanie. Mes fonctionnaires ont rencontré le chargé d'affaires roumain et lui ont offert notre collaboration. Nous sommes prêts à faire tout ce que nous pouvons.

Le ministre des Transports a déclaré que le navire était toujours immobilisé dans le port. Le ministre de la Justice étudie, avec les Roumains, la possibilité de procéder à l'extradition des personnes soupçonnées. Le Canada collaborera dans toute la mesure du possible.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, comme le ministre le dit, la Roumanie lui a demandé d'intervenir dans ce dossier. Le ministre entend-il intervenir auprès des instances internationales afin qu'un tel drame ne puisse plus jamais se reproduire?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, il y a deux aspects à la question. Tout d'abord, il y a les accords officiels sur l'extradition. Le ministre de la Justice et ses fonctionnaires étudient déjà cette avenue. L'autre aspect, c'est la collaboration au niveau politique de la police, du solliciteur général, du ministère des Transports et de mon propre ministère avec les autorités roumaines afin de déterminer quelles mesures peuvent être prises pour protéger les citoyens roumains et réagir à cet incident très grave.

Nous étudions donc la possibilité de procéder à l'extradition des suspects et nous collaborons pleinement avec les autorités roumaines.

* * *

LES DÉGÂTS CAUSÉS PAR LES INONDATIONS

M. Peter Thalheimer (Timmins-Chapleau, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Les inondations ont causé des dégâts dans les communautés de Chapleau, Foleyet, White River et Timmins situées dans ma circonscription, Timmins-Chapleau. Les conséquences de ce désastre naturel se révèlent de plus en plus coûteuses pour les communautés et leurs résidents.

Que peut faire le gouvernement fédéral pour venir en aide aux communautés de ma circonscription et aux autres localités au Canada qui ont été si durement éprouvées par des inondations?

M. John Richardson (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je profite de l'occasion pour dire que le gouvernement est sensible à la situation des victimes des inondations survenues ce printemps dans la circonscription du député et dans la région adjacente.

Le gouvernement provincial, qui est le principal responsable de ce dossier, a pris des mesures et a demandé l'aide du gouvernement fédéral pour assurer l'évacuation des citoyens. Le gouvernement fédéral a fourni deux avions Hercules pour évacuer les résidents des communautés touchées par l'inondation dans la circonscription du député et aux environs.

* * *

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement a pris des mesures extrêmes pour saisir les navires étrangers lorsque la morue noire était en cause-pour ne rien dire des votes-mais il refuse d'agir immédiatement lorsque l'on prétend que des meurtres ont été commis à bord du transporteur de conteneurs Dubai.

Si le Dubai essaie de quitter Halifax sans que la GRC ait enquêté sur les allégations d'assassinats en haute mer, est-ce que le ministre de la Justice s'engage à détenir le Dubai et son équipage jusqu'à ce que l'enquête soit terminée?


3087

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme le ministre des Affaires étrangères l'a dit, nous travaillons à divers niveaux pour voir quelles mesures peuvent être prises relativement à la tragédie dont on parle et qui se serait produite en haute mer.

Le ministère des Affaires étrangères s'est mis en rapport avec le chargé d'affaires d'autres gouvernements. Je reste prêt à exercer l'autorité que je pourrais avoir en ce qui concerne l'extradition. Le ministère des Transports essaie de faire ce qu'il peut pour enquêter. Nous avons indiqué clairement au gouvernement étranger que nous ferons notre possible pour collaborer.

(1450)

Je voudrais que le député sache qu'autant nous déplorons ces allégations qui nous révoltent, autant nous devons néanmoins respecter la loi. Ces événements, tels qu'ils ont été allégués, se sont produits dans les eaux internationales. Ils mettent en cause un navire roumain et un équipage philippin. Ce qui est important pour nous, c'est de répondre selon le droit et c'est ce que nous ferons. Cela ne signifie pas que nous n'avons pas de moyens, mais c'est un peu plus compliqué. Toutefois, je peux garantir au député que nous ferons tout notre possible pour trouver remède à cette situation.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je ne me sens pas très rassuré par les propos du ministre en ce qui concerne le respect des droits de la personne.

On dit que ce navire était exploité à partir de Taïwan. Le ministre nous a dit qu'il était roumain. Il est taïwanais. Il est exploité par Maersk Shipping, de Madison, au Wisconsin.

Est-ce que le ministre des Affaires étrangères pourrait mettre un terme à cet espèce de charade et appeler Maersk Shipping? J'ai ici le numéro de téléphone et je peux le déposer à la Chambre. Est-ce qu'il pourrait demander à l'exploitant de laisser volontairement son navire ici jusqu'à ce que l'enquête soit terminée? Je l'ai déjà demandé à la compagnie.

L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le navire Dubai n'ira nulle part. Transport Canada a inspecté le navire à la suite des déclarations de l'équipage. Nous avons conclu qu'il y avait des problèmes avec le système d'échappement du moteur principal, lesquels entraînent des fuites de fumées.

Des voix: On, oh!

Le Président: Le ministre des Transports.

M. Anderson: Monsieur le Président, ce que le Parti réformiste semble oublier c'est qu'il y a des raisons légales pour détenir ce navire et empêcher qu'il ne parte. Nous explorons toutes les possibilités. Ce navire ne quittera pas le port tant que nous ne serons pas satisfaits.

[Français]

LA JUSTICE

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

L'indépendance des juges est une pierre d'assise de notre système judiciaire. Or, dans une cause devant la Cour fédérale, un sous-ministre adjoint du ministère de la Justice, M. Ted Thompson, a tenté d'influencer le déroulement d'un procès par une rencontre personnelle avec le juge en chef de la Cour fédérale, le juge Isaac.

Comment le ministre de la Justice peut-il accepter qu'un haut fonctionnaire de son ministère s'ingère indûment dans des procédures judiciaires pour tenter d'influencer le juge à un procès?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député a bien raison de soulever cette question importante. Cette affaire est troublante. Nous avons déjà fait savoir au tribunal à cet égard que le ministère de la Justice considère que cette rencontre était déplacée et qu'elle n'aurait jamais dû avoir lieu.

Depuis que cette rencontre a été portée mon attention, j'ai demandé au sous-ministre de faire enquête et de recommander une ligne de conduite. J'ai l'intention de faire une déclaration à la Chambre demain pour faire savoir nos intentions quant à la suite des événements.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, il y a des ministres qui ont déjà démissionné à cause d'interventions dans le processus judiciaire. C'est déjà arrivé.

Quelles mesures le ministre entend-il prendre pour empêcher que de telles entorses à la justice se reproduisent, et a-t-il l'intention de dénoncer au Conseil de la magistrature l'attitude plus que conciliante du juge en chef Isaac et du juge Jerome?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je ferai une déclaration demain pour faire savoir à la Chambre comment le ministère compte réagir à cette affaire.

Je peux dire à la députée que, comme nous l'avons fait clairement savoir au tribunal, je considère tout à fait déplacée la rencontre qui a eu lieu entre le représentant du ministère de la Justice et le juge en chef. Lorsqu'une cause est portée devant les tribunaux, les avocats devraient être avisés de pareilles rencontres et ces rencontres ne devraient pas se tenir sans que les avocats n'en soient informés.


3088

(1455)

Pour ce qui est du rôle du juge en chef ou d'autres intervenants, je ne ferai pas davantage de commentaires avant d'avoir pris connaissance des recommandations du sous-ministre. Je pourrai en dire davantage sur toute cette question demain, quand je ferai ma déclaration à la Chambre.

* * *

LA FISCALITÉ

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, il y a une semaine vendredi, le ministre de l'Agriculture a usé de son pouvoir ministériel et pris des mesures immédiates pour mettre fin aux protestations des agriculteurs qui réclamaient un prix équitable pour leur grain. Pourtant, alors que le gouvernement était parfaitement au courant de l'énorme échappatoire fiscale que la Loi de l'impôt sur le revenu offrait aux gens d'affaires influents et aux fiducies familiales, il n'a rien fait jusqu'à la dernière limite.

La ministre du Revenu national vient d'annoncer pendant la période des questions qu'elle avait suspendu toute décision future sur la question, que le sous-ministre des Finances avait dit que le problème était tellement simple qu'il ne voulait pas en entendre parler.

La ministre du Revenu va-t-elle nommer aujourd'hui une commission d'enquête afin d'enquêter sur les circonstances entourant ces deux décisions fort douteuses?

L'hon. Jane Stewart (ministre du Revenu national, Lib.): Non, monsieur le Président.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, ce matin, le sous-ministre des Finances a comparu devant le Comité des finances. Il a fait de la haute voltige pour essayer de justifier une décision malencontreuse qui a donné naissance à cette échappatoire. Pour tenter de justifier sa position, il a donné de nouvelles interprétations fiscales non fondées; il a dit, par exemple, que tous les biens immobiliers que possèdent les Canadiens sont maintenant des biens canadiens imposables.

Le ministère des Finances et le ministère du Revenu national sont en train de s'enfoncer. Et le ministre des Finances? Va-t-il admettre que ce jeu a été trop loin? Va-t-il colmater la brèche et demander maintenant la nomination d'une commission d'enquête pour enquêter sur les circonstances?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la ministre du Revenu national a déjà dit clairement qu'aucune autre décision anticipée ne serait prise dans cette affaire tant que le comité parlementaire n'aurait pas terminé ses travaux.

Il y a un comité parlementaire. Il s'est réuni ce matin. Je suis quelque peu surpris que le député d'en face prenne si peu ses responsabilités au sérieux qu'il n'a pas cru bon, non plus que ses collègues, de devoir chercher à obtenir tous les détails nécessaires. De ce côté-ci de la Chambre, nous avons confiance dans la démocratie, dans le système parlementaire et dans le Comité des finances pour faire le travail.

LA COMMISSION CANADIENNE DES VALEURS MOBILIÈRES

Mme Judy Bethel (Edmonton-Est, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État chargé des Institutions financières internationales.

Le gouvernement albertain veut des marchés financiers équitables et efficaces et une harmonisation accrue des exigences réglementaires entre les provinces. Dans le discours du Trône, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il collaborera avec les provinces intéressées pour créer une commission canadienne des valeurs mobilières.

Comment une commission canadienne des valeurs mobilières tiendrait-elle compte des différences régionales dans les marchés financiers qui existent au Canada?

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, il est important que les différences régionales dans les marchés financiers soient prises en compte dans une commission canadienne des valeurs mobilières, si elle était créée, et nous poursuivons cet objectif.

Nous devons nous rappeler que c'est un groupe de provinces qui a lancé l'idée d'une commission canadienne des valeurs mobilières. Les commissaires des régions, les bureaux régionaux feraient valoir les différences régionales.

Il importe de souligner que le Canada est le seul grand pays à ne pas être doté d'une commission nationale des valeurs mobilières. Dans les pays qui en possèdent, le développement régional est très vigoureux.

* * *

HOLLINGER INC.

M. John Solomon (Regina-Lumsden, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

La société Hollinger Inc. de Conrad Black a récemment acheté tous les quotidiens de la Saskatchewan. Depuis, on a assisté à une baisse constante de la qualité, de la proportion d'informations locales et de l'équilibre entre les divers types d'informations; en outre, le nombre d'emplois a diminué de 25 p. 100. Depuis cette date, la participation de Hollinger dans les quotidiens canadiens a grimpé à 53 p. 100 et sa part de la diffusion à 42 p. 100.

Le premier ministre entend-il mettre un frein à ces acquisitions jusqu'à ce que le gouvernement procède à un examen complet de cette concentration de la propriété et de ses effets sur les Canadiens, soit en commandant une commission d'enquête, soit en créant une commission d'examen sur la propriété de la presse?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, j'aurais bien aimé que le député explique, à titre de préambule à sa question, quels motifs d'ordre juridique pourraient justifier de telles mesures extraordinaires. Le député sait fort bien que le directeur du Bureau de la politique de concurrence va examiner les acquisitions et leur impact sur la


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concentration économique de la propriété et que les transactions seront analysées en conséquence.

* * *

(1500)

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune du ministre de l'Éducation de la République de Cuba, M. Luis Igacio Gomez Gutierrez.

Des voix: Bravo!

* * *

LA CHAMBRE DES COMMUNES

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, au nom de la liberté, je sollicite le consentement unanime pour présenter la motion suivante:

Que, de l'avis de cette Chambre, comme les marchés mondiaux deviennent de plus en plus ouverts, déréglementés, diversifiés et spécialisés, et comme pas. . .
Le Président: Il faut d'abord obtenir le consentement unanime pour présenter la motion. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

* * *

LE DÉCÈS DE M. CARL GILLIS

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à un électeur, collègue et ami décédé, Carl Gillis. Carl Gillis est décédé hier soir à l'âge de 26 ans. Sa mort prématurée nous rappelle à tous combien la vie est fragile.

Il convient d'honorer la mémoire de Carl ici, à la Chambre des communes, parce que c'est ici qu'il a travaillé comme page lorsqu'il poursuivait ses études à l'Université Carleton. Il était chez lui à la Chambre et il s'y est fait beaucoup d'amis dans divers partis politiques.

Carl est né à East Bay, en Nouvelle-Écosse, le 27 mars 1970. Il est venu à Ottawa poursuivre ses études postsecondaires en sciences politiques. Mais ses connaissances politiques n'étaient pas seulement livresques. Il s'occupait de gestion étudiante et avait présidé la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. C'est le poste qu'il occupait lorsque nous avons pris le pouvoir. Je sais que certains de mes collègues des banquettes ministérielles et, en fait, des députés de l'opposition se souviendront de lui en tant que président de cette association. Nous nous souvenons tous de lui avec affection.

Carl est venu me voir au printemps de 1994 au nom de la Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants. Il partageait les pressions constantes et les joies occasionnelles du Parlement avec beaucoup de députés, leurs adjoints et de nombreux amis.

Ceux d'entre nous qui l'ont connu savent qu'il était un brillant étudiant de la politique présidentielle américaine. Carl était un grand admirateur du regretté John F. Kennedy et je suis persuadé que ces propos de l'ancien président lui étaient familiers:

Ceux d'entre nous qui reçoivent beaucoup sont appelés à donner beaucoup. Et lorsque chacun d'entre nous passera un jour en jugement devant le haut tribunal de l'Histoire, on déterminera si, au cours de son bref mandat, il aura rempli son devoir à l'égard de l'État, s'il aura réussi ou échoué dans le poste qui lui aura été confié, en répondant aux quatre questions suivantes: Premièrement, a-t-il vraiment été un homme courageux? Deuxièmement, a-t-il vraiment fait preuve de jugement? Troisièmement, a-t-il vraiment été intègre? Et, enfin, a-t-il vraiment été un homme dévoué?
(1505)

Carl Gillis a beaucoup reçu et beaucoup lui a désormais été enlevé. En réponse à ces quatre questions, on peut dire que, malgré son jeune âge, il était un homme courageux, un homme de jugement, intègre et dévoué.

Les qualités qu'il possédait en abondance sont malheureusement trop rares et il est mort trop jeune. Nous devons trouvé le réconfort dans le souvenir de sa vie et la conviction qu'il a enrichi la vie de ceux qui l'ont connu. C'est dans la générosité et la compassion qu'il a vécu et qu'il est mort.

En cette triste occasion, nos pensées et nos prières accompagnent les membres de la famille de Carl, sa mère, Peggy, son père et ses neuf frères, ses proches et ses nombreux amis, dont certains sont ici.

La mort est venue te chercher trop vite, mon ami, mais ton souvenir ne s'éteindra jamais.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, c'est avec tristesse que nous avons appris l'accident tragique dont a été victime M. Carl Gillis. Je n'ai pas eu la chance de connaître personnellement M. Gillis, mais on m'a appris qu'il était bon, généreux, savait communiquer sa joie de vivre et était aimé de tous.

Son départ prématuré nous force à réfléchir et à nous sensibiliser sur les mesures de sécurité dans les pratiques des sports. À M. le ministre de la Santé, à ses parents, sa famille, ses amis, le Bloc québécois et moi-même souhaitons offrir nos plus sincères condoléances.

[Traduction]

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, au nom de mon parti, je veux moi aussi présenter nos sympathies à la famille de Carl. Il est inconcevable qu'un être si jeune nous soit enlevé.

Qu'un jeune homme si sain s'adonnant à autant d'activités de plein-air, qu'il adorait, soit si soudainement fauché par la mort est une véritable tragédie. Il est facile de se demander pourquoi? Sa famille ainsi que tous ceux qui l'ont cotoyé dans leur travail sur la colline pleurent sa perte.

3090

Je souhaite que nous réfléchissions tous à notre propre mort et que nous prenions conscience de l'importance d'apprécier chaque moment de notre vie. On se laisse facilement prendre par l'importance des choses, pourtant, la vie elle-même est le plus précieux des biens. Il est important de vivre chaque jour de notre vie en étant conscient de la chance que nous avons d'en jouir.

J'exprime nos sincères condoléances à ceux que ce jeune homme laisse dans le deuil. Qu'il soit pour nous tous un exemple chaque jour de notre vie.

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, je vous remercie de me donner la possibilité d'ajouter quelques mots au sujet de mon adjoint, Carl Gillis, dont le décès, survenu hier soir, nous bouleverse.

Comme l'a dit le ministre de la Santé, Carl est arrivé à Ottawa pour travailler comme page à la Chambre des communes et c'est ici qu'il a contracté le virus de la politique, comme beaucoup d'entre nous. Il a ensuite été vice-président de l'association des étudiants de l'Université Carleton, puis président de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants.

Il était sans conteste un des Canadiens les meilleurs et les plus brillants. Il faisait partie de notre famille parlementaire. Carl, comme beaucoup de jeunes qui sont venus ici, que ce soit pour travailler comme pages ou comme adjoints de ministres ou de simples députés, était animé par les mêmes espoirs que nous tous pour l'avenir du Canada. Carl aimait profondément le monde dans lequel nous vivons. Il aimait les gens qui l'entouraient et voulait désespérément apporter une contribution utile.

(1510)

Je n'ai jamais rencontré les parents de Carl, mais ils devaient être extrêmement fiers de lui. C'était un étudiant brillant. Il était honnête, intègre, persévérant, poli, loyal et aimable et il avait un bon sens de l'humour. En fait, on peut se demander comment un jeune homme qui était le neuvième d'une famille de dix garçons a pu si bien tourner.

Il a travaillé avec moi pour la première fois en 1992 et j'ai rapidement appris à respecter ses capacités, son jugement et ses qualités morales. Lorsqu'il a joint mon personnel, plus tôt cette année, il s'est rapidement intégré à l'équipe et a assumé ses nouvelles tâches avec enthousiasme et dévouement.

Je tiens à exprimer ma sympathie et, j'en suis certain, la sympathie de tous les députés, à la famille Gillis. Je tiens à ce que sa famille sache que nous étions aussi fiers qu'elle de Carl et que nous éprouvons durement sa perte nous aussi. Nous ne pourrons pas remplacer Carl. Nous ne le verrons jamais réaliser pleinement son potentiel. Notre ami nous manquera.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, au nom de mon collègue, le député de Sherbrooke, je veux offrir mes plus sincères condoléances à la famille de Carl Gillis, une jeune homme qui était connu non seulement sur la Colline, mais aussi au Cap-Breton.

Lorsque je suis arrivée sur la Colline ce matin, mon adjoint législatif m'a dit qu'il avait assisté à une séance de prières pour Carl la semaine dernière et que beaucoup de gens y étaient venus parce qu'ils aimaient ce jeune homme. Il était un exemple non seulement pour les pages, mais aussi pour tous les députés. On me dit que Carl avait beaucoup d'amour à donner et que, lorsqu'on était ennuyé par quelque chose, on n'avait qu'à s'asseoir quelques instants avec lui pour retrouver le sourire. C'était un jeune homme très spécial. Pourquoi venir le chercher si tôt dans sa vie? Nous ne connaissons pas la réponse à cette question.

Le décès de Carl est une lourde perte pour nous tous ici, pour tous les gens qui travaillent sur la Colline, pour le Canada et pour sa famille, à qui nous offrons nos plus sincères condoléances.

Le Président: Chers collègues, c'est une chose extraordinaire que nous rendions hommage de cette façon à ce jeune homme à la Chambre des communes. Beaucoup de ses collègues sont ici cet après-midi, de jeunes Canadiens, de fiers Canadiens. Il nous a servis et a servi le Parlement à titre de page.

Je suis ici depuis 22 ans et c'est la première fois que j'entends des hommages de ce genre. J'aurais bien voulu connaître ce jeune homme. Il faisait partie de notre famille, et nous partageons aujourd'hui la douleur que ressent sa famille.

Je remercie tous ceux qui ont rendu hommage à Carl aujourd'hui et tous ceux qui continueront de le porter dans leur coeur.

______________________________________________


3090

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE BUDGET DES DÉPENSES PRINCIPAL ET LE SÉNAT

La Chambre reprend l'étude de la motion.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, je consacrerai ces quelques minutes à parler de la motion dont la Chambre est saisie. Je remercie ma collègue de l'île de Vancouver de l'avoir présentée. C'est une occasion historique. Il est malheureux qu'un grand nombre de députés d'en face ne saisissent peut-être pas toute son importance.

(1515)

Afin que tout le monde comprenne bien, je rappelle qu'il y a 100 ans, personne du Sénat n'était appelé à comparaître devant la Chambre des communes. Étant donné que nous sommes à la toute fin de ce siècle, il est assez surprenant de songer qu'un sénateur soit tenu de parler des dépenses et du financement du Sénat.

Ce matin, la députée de Vancouver-Centre a demandé si le Sénat était maître de ses affaires internes. Puis elle a elle-même répondu


3091

par l'affirmative à la question qu'elle avait posée pour la forme. Elle a dit qu'on perdait une journée entière de débat. Ce dernier propos témoigne bien du mépris que certains députés d'en face éprouvent pour le Sénat du Canada.

Mon collègue de Kingston et les Îles a déclaré qu'il y avait de la matière pour un discours de trois heures. Sur ce point, je dirais qu'il avait raison. C'est tout à fait possible. Mais ne voulant pas l'embêter outre mesure, je vais me contenter de ces quelques minutes.

Perdons-nous une journée entière en parlant de la légitimité et de l'imputabilité du Sénat? Ce n'est pas mon avis. J'aimerais bien que la députée quitte un instant la Colombie-Britannique, sa province natale, pour se rendre en Alberta, là où, depuis 1989, nous avons une mesure législative qui a trait à la légitimité et à l'importance d'un Sénat élu. J'aimerais qu'elle vienne converser avec certaines personnes avec lesquelles je me suis entretenue lors de réunions populaires la semaine dernière. Ces gens étaient furieux contre les nouvelles nominations au Sénat.

La réforme parlementaire est un des motifs qui m'ont conduite au Parlement il y a plusieurs années. Si nous voulons nous prononcer sur la légitimité ou le mandat du Sénat, qu'il s'agisse de son rôle, de sa portée ou de ses coûts de fonctionnement, il est de la plus haute importance que nous en faisions l'historique et que nous nous interrogions sur les raisons qui ont milité en faveur de sa création.

Au départ, ce devait être la Chambre de second examen objectif. En principe, sur papier, c'est très impressionnant. En réalité, une telle assemblée devant représenter les régions devrait donner de merveilleux résultats. Dieu sait comme nous avons tous besoin d'un second examen objectif. Si le Sénat jouait vraiment son rôle, ce serait fantastique. Ce devrait être une institution où les mesures législatives seraient renvoyées après avoir été étudiées à la Chambre, pour que les sénateurs puissent les examiner pour voir, notamment, dans quelle mesure elles sont équitables envers les régions.

Malheureusement, quelque chose a mal tourné depuis la Confédération, moment où le Sénat a été établi, et aujourd'hui, compte tenu de l'estime que lui porte les Canadiens. On pourrait dire qu'il a fait l'objet d'une réforme, quoique une réforme est censée être positive. Le Sénat s'est plutôt déformé avec le temps. Maintenant, au lieu d'être une Chambre de second examen objectif pour les Canadiens ou pour la Chambre des communes, le Sénat ne rend des comptes qu'au premier ministre. C'est probablement l'aspect le plus regrettable de cette assemblée. Le Sénat s'est déformé. Il ne remplit plus le rôle qui lui a été destiné au départ.

En tant que réformiste, je dis que, puisque le Sénat a tant changé et se trouve si mal en point, une réforme s'impose. Nous devons y voir sans tarder. Bien sûr, je suis favorable au Sénat triple-E. Je n'ai pas honte de cette idée. Ma province a beaucoup milité en faveur d'un Sénat triple-E, ce qui signifie que ses membres devraient être élus, qu'il devrait y avoir un nombre égal de sénateurs représentant chaque province et, espérons-le, qu'il serait efficace.

Dans les vastes pays où la population est répartie inégalement, il est fondamentalement nécessaire d'équilibrer la représentation selon la population avec une représentation selon les régions ou les provinces. Il se peut que des députés ne soient pas d'accord avec moi. Je m'y suis habitué après tant d'années. Je rappelle toutefois qu'aux États-Unis, il y a un Sénat élu, composé d'un nombre égal de représentants de chaque État. Le meilleur exemple est probablement celui de l'Australie. La Tasmanie, qui est peu peuplée, a le même nombre de sénateurs élus que la Nouvelle-Galles du Sud, qui est très populeuse. C'est un excellent exemple qui pourrait nous servir de modèle. Ce n'est pas impossible.

Les gens disent qu'il faut abolir cette assemblée. Malheureusement, c'est ce que nous entendons d'un bout à l'autre du Canada. Les Canadiens se demandent ce qui se fait au Sénat et trouvent qu'il s'y fait bien peu de choses. Alors, qu'on s'en débarrasse. Après tout, il est question des dépenses et de la reddition de comptes de la part du Sénat. Il dépense environ 40 millions de dollars par année, ce qui n'est pas rien.

(1520)

Les Canadiens exigent qu'on donne un mandat, une légitimité au Sénat, et nous devons nous veiller à ce qu'une représentation régionale puisse faire contrepoids à la représentation d'après la population.

Un de mes collègues a fait remarquer que l'Ontario avait 99 députés parce qu'elle a une nombreuse population. Je vois ici certains de mes collègues de l'Ontario. Ma province compte moins d'habitants et nous n'avons que 26 députés, ce qui est certes beaucoup moins. Nous avons la représentation d'après la population à la Chambre des communes.

Il nous faut cela dans un pays comme le nôtre où il existe une telle disparité entre les régions, mais il faut y faire contrepoids à la Chambre haute ou seconde Chambre, qui est censée être la Chambre de second examen objectif. Étant donné que la stricte discipline de parti oblige les parlementaires à voter en bloc, le système parlementaire canadien illustre bien pourquoi nous avons besoin de pareil contrepoids. Nous l'avons constaté maintes et maintes fois à la Chambre.

Les Pères de la Confédération souhaitaient que le Sénat offre ce genre de contrepoids. Il en a malheureusement été incapable et il a été neutralisé à tel point qu'il ne peut remplir ce rôle. Un Sénat dont les membres sont nommés n'est pas démocratique.

Nous pourrions dire cela de bien des façons différentes, et nous aimerions peut-être penser qu'il existe des façons aimables de le dire, mais il n'y en a tout simplement pas. Nous pouvons le dire poliment, mais nous ne pouvons pas dire aimablement que les gens qui siègent au Sénat à l'heure actuelle n'ont absolument rien de démocratique et n'ont absolument aucun compte à rendre aux gens qu'ils sont censés servir. Ce n'est tout simplement pas correct. Il est grand temps d'avoir un Sénat élu.

Si je considère le nombre de personnes qui ont été réellement élues au Sénat du Canada depuis la naissance du pays, je n'en trouve qu'une. C'est bien simple, il n'y a qu'une personne à avoir été élue au Sénat du Parlement du Canada, et c'est très intéressant.


3092

Une voix: Il a été nommé.

Mme Grey: Un député d'en face hurle qu'il avait été nommé. Oui, il a nommé au Sénat, mais seulement après avoir remporté une victoire électorale historique le 16 octobre 1989. Cela a été rendu possible par une loi provinciale, le Senatorial Selection Act, que le gouvernement de l'Alberta a fait adopter pour permettre la tenue d'élections au Sénat en 1989.

Le vainqueur s'est porté candidat et a recueilli des centaines de milliers de voix. Il a obtenu la plus forte majorité qu'un représentant élu ait jamais eue dans le pays, car l'élection se tenait à l'échelle de la province. Il faut reconnaître que le premier ministre de notre province a transmis au premier ministre du Canada la candidature de M. Waters, qui venait de remporter l'élection, et qu'il s'agissait là de la procédure légitime à suivre.

Il a fallu attendre neuf mois, soit la période normale de gestation, avant que Brian Mulroney le nomme au Sénat. En juin 1990, mon ami, mon collègue, l'un de mes héros, Stan Waters, a été nommé ou élu, comme vous le voulez, au Sénat. S'il a été nommé, c'est essentiellement parce que nous avons réussi à exercer des pressions incroyables sur le premier ministre de l'époque, qui se disait: «Ces Albertains me causent des problèmes. Je vais nommer ce bonhomme au Sénat en espérant qu'il se tienne tranquille.»

Stan Waters ne n'est pas tenu tranquille. Pendant les neuf mois où il a attendu sa nomination au Sénat, peu importe qui l'interviewait, peu importe le thème qui était abordé, il ne cessait de répéter: «Différer la démocratie, c'est la refuser.» Il ne cessait de le répéter parce qu'il était le seul sénateur démocratiquement élu au Canada. Lorsqu'on lui faisait remarquer qu'il allait peut-être être nommé au Sénat, et peut-être que non, il ne bronchait pas le moins du monde.

J'ai eu l'occasion d'aborder la question à la Chambre des communes. Il a pu le faire lui-même au Sénat, à l'extérieur du Sénat, partout au pays. Il déclarait régulièrement: «Différer la démocratie, c'est la refuser.»

Heureusement, il a accédé au Sénat, parce qu'il avait obtenu un mandat des Albertains. Il pouvait prendre l'avion et retourner chez lui quand il le voulait, en sachant fort bien que les gens qu'il reverrait chez lui étaient, en fait, ses électeurs. Autrement dit, comme il avait été élu, il savait qu'il avait un mandat. Et comme il avait été élu, il savait aussi qu'il pouvait retourner chez lui et parler au Parlement au nom des Albertains.

(1525)

Il a laissé les Albertains choisir, pas le premier ministre. Les Albertains l'ont choisi. Ils ont voté pour lui et, en raison de l'incroyable mandat dont il était investi, Brian Mulroney n'a eu d'autre choix que de le nommer au Sénat, car il savait qu'une petite révolution risquait d'éclater dans l'Ouest.

Dieu sait que nous avons eu notre part de rébellions dans l'Ouest, et le gouvernement ne voulait pas qu'il y en ait une autre. Quand,

enfin, Stan Waters a été nommé au Sénat, il savait qu'il représentait les Albertains.

Je voudrais maintenant consacrer quelques instants à certains des sénateurs nommés plus récemment qui viennent de ma province, de l'Ouest, et parler de certains d'entre eux qui croient de tout leur coeur en un Sénat élu. Ils pensaient que les sénateurs devraient être élus. Ils pensaient que tous les sénateurs devraient se soumettre à l'épreuve des urnes. Ils pensaient que tous les sénateurs devraient renoncer à leur nomination et se faire élire au Sénat.

L'un de ces sénateurs était Sharon Carstairs, du Manitoba. Pendant les négociations sur l'accord de Charlottetown, elle a fait grand état de l'importance d'un Sénat élu. Je me souviens de l'avoir entendue pendant la campagne sur cet accord. Elle était contrariée à ce sujet.

Tout d'un coup, peu de temps après l'arrivée au pouvoir des libéraux, nous avons appris que Sharon Carstairs était nommée sénatrice.

J'étais dans l'ascenseur avec elle dernièrement. Je lui ai dit: «Je croyais que vous étiez en faveur d'un Sénat élu. Comment avez-vous pu changer d'idée aussi rapidement?» Elle a répondu: «Eh bien, j'essaie de changer les choses de l'intérieur.»

Les députés savent que si une personne touche une rémunération de 64 000 $ par année, en plus des billets d'avion aller-retour, comment cette personne peut-elle retourner chez elle au Manitoba, descendre d'avion et dire: «Oui, j'ai toujours dit que j'étais favorable à un Sénat élu. J'ai toujours dit que je me présenterais à une élection. J'ai toujours dit combien cela était important, mais les choses ont changé. Je suis ici maintenant et je gagne un assez bon salaire. Je suis au Sénat, mais je fais tout ce qui est en mon pouvoir.»

Ce n'est pas légitime. Ce n'est tout simplement légitime. Ce n'est que la première des personnes qui ont connu leur chemin de Damas. On pourrait intituler ces conversions comme ceci: «Une chose étrange s'est produite sur la route du Sénat.» Ces personnes croyaient passionnément en un Sénat élu, mais, dès qu'elles ont reçu un appel du premier ministre, les choses ont changé.

Sharon Carstairs est la première. Un collègue et un bon ami à moi, Nick Taylor, vient de plus près de chez moi. J'ai beaucoup d'estime pour lui. Il a été un des députés de ma circonscription fédérale à l'assemblée législative de l'Alberta. Il a lui aussi fait la traversée du désert politique en Alberta, en tant que chef du Parti libéral.

Il n'a pas obtenu de siège. Il n'a pas réussi à se faire élire. Il a connu des moments très difficiles. Il a suivi les travaux de l'assemblée législative surtout de la tribune parce qu'il n'arrivait tout simplement pas à se faire élire.

Par un coup de chance et grâce à sa personnalité, il a fini par être élu dans la région de Bon Accord, Redwater, Smoky Lake, en 1986.


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Pendant plusieurs années, il a siégé en tant que chef du Parti libéral et il a prôné un Sénat élu. Et c'est reparti.

Lors du Congrès biennal fédéral des libéraux qui a eu lieu en 1992 et dont il a déjà été question, les participants ont dit ceci: «Il est résolu que le Parti libéral du Canada souscrive au principe d'un Sénat élu et efficace qui prévoit une représentation égale de chacune des 10 provinces canadiennes sans pour autant se limiter à cela.» C'était là la résolution des libéraux.

Qu'est-il advenu de Nick Taylor dans tout cela? Il croyait à cette résolution. Je parie un dollar qu'il était présent au congrès de 1992 et qu'il a voté en faveur de la résolution. Je lui ai parlé à maintes reprises.

Figurez-vous qu'il n'y a pas si longtemps, il a reçu un appel du premier ministre. Les députés ont-ils une idée du motif de cet appel? «Nick, j'aimerais que vous soyez candidat lors d'une élection sénatoriale qui est déjà prévue dans votre province.» Les députés sourient. Ils doivent s'imaginer que c'était là le motif de l'appel. Bien non. On lui a dit: «Vous êtes nommé au Sénat.» Lalalère, encore des nominations politiques!

Nick Taylor qui a un excellent sens de l'humour, qui est toujours prêt à rigoler et qui a toujours une plaisanterie à raconter a dit: «Évidemment, c'est une nomination politique, mais j'en bénéficie. J'accepte.» J'ai récemment assisté à son assermentation, suite à sa nomination au Sénat. Il semble avoir oublié tout ce qu'il a dit au sujet d'un Sénat élu.

(1530)

Il siège maintenant au Sénat. Posons-nous la question: Accordons-nous plus d'importance à la pension, à l'indemnité et aux avantages secondaires qu'aux principes? J'espère que non. J'aurais aimé qu'il dise: «Monsieur le premier ministre, je vous remercie de m'avoir appelé au Sénat, mais, étant donné que je suis un fervent partisan d'un Sénat élu et que ma province a déjà adopté une loi, la Senatorial Selection Act de l'Alberta, je dois refuser votre invitation et me présenter plutôt à des élections. Je me présenterai en vertu de la loi albertaine.»

Je suis prête à parier qu'il aurait remporté cette élection, mais qui sait? Il aurait certes pu croire en la légitimité de son mandat s'il avait été élu au Sénat par la population albertaine. Il aurait eu des raisons d'être fier et de dire qu'il siégeait au Sénat parce qu'il méritait d'y être et non pas pour se plier aux exigences du premier ministre.

Malheureusement, le 9 mai, le premier ministre a déclaré dans cette enceinte sacrée de la Chambre des communes que la Constitution canadienne l'obligeait à choisir et à nommer un sénateur qui allait représenter son parti. Ce sénateur joue-t-il un rôle de second examen objectif? Le premier ministre, lui, dit plutôt ce qu'il doit faire et il exige qu'il représente son parti. Ce sénateur respectera-t-il la volonté de la Chambre des communes? Et pourquoi ne respecterait-il pas la volonté de la population qui l'a envoyé au Sénat? Malheureusement, Nick Taylor ne pourra pas le faire.

M. Taylor est admissible à une pension de député provincial de 16 000 $. Je participais l'autre soir à une réunion publique dans cette même circonscription. De nombreuses personnes qui vivent dans la région de Red Water-Bon Accord donneraient n'importe quoi pour avoir 16 000 $ par année, pas le salaire d'un sénateur plus les 16 000 $ par année pour la pension. Il y a quelque chose de très malheureux dans tout cela. C'était la deuxième question sur ma liste.

Je voudrais maintenant parler du troisième point, le tour du chapeau des sénateurs qui étaient de fervents partisans d'un Sénat élu et qui ont tout à coup été appelés à y siéger. En mai de cette année, Mme Jean Forest, une Albertaine très respectée qui a elle aussi beaucoup apporté à la société et qui a parlé de la nécessité d'avoir un Sénat élu, aurait pu elle aussi tenter de se faire élire au Sénat si le premier ministre ne l'y avait pas appelée.

Mon collègue a dit plus tôt qu'il était important de prêter attention aux souhaits de l'Alberta. Le premier ministre, Ralph Klein, a voulu envoyer une lettre au premier ministre à la suite du décès du sénateur Earl Hastings. Il a pensé qu'il devrait au moins avoir la décence d'attendre la fin des obsèques. On n'avait pas plus tôt appris le décès que Jean Forest a reçu un appel. Second examen objectif? Les obsèques, oui, mais pas l'appel qui a été si prompt à venir que c'en était étourdissant.

Nous aurions dû au moins attendre de voir ce que souhaitaient les Albertains. Elle aurait dû dire: «Monsieur le premier ministre, merci d'avoir téléphoné, mais permettez. Voyons ce qui est convenable. Ayons un peu de décence et de respect.»

Non. Elle s'est rendue immédiatement au Sénat. «On vous a convoqué au Sénat à l'âge de 69 ans», alors qu'elle aurait dû être à la retraite et s'être achetée une autocaravane pour aller camper ou quoi encore. Il y a une deuxième personne de ma province, dont la nomination a été plus rapide que l'éclair, qui a dit: «Je crois fermement à un Sénat élu, mais maintenant que j'ai reçu l'appel, je suis désolé, je serai nommé.» Ce n'est pas bien. C'est extrêmement frustrant et ce n'est pas bien.

Les Canadiens paient la facture de tout cela. Ils devraient au moins pouvoir savoir que le Sénat accomplit un travail qui en vaut la peine, car ça leur coûte plusieurs millions de dollars par an.

Je parlerai d'une autre personne de ma province, Bud Olson, qui fait le va-et-vient. Il recevra une pension de député. Il a été élu la première fois en tant que créditiste, s'est joint aux libéraux à l'occasion du débat sur le programme énergétique national et a été nommé au Sénat, où il a siégé longtemps avant de retourner chez lui pour y assumer le poste de lieutenant-gouverneur. Il gagne des milliers de dollars. Il reçoit un salaire considérable du gouvernement fédéral à titre de lieutenant-gouverneur. Je lui souhaite tout le succès possible dans ces fonctions. Je ne lui en veux pas personnellement.


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(1535)

Toutefois, quand son mandat de lieutenant-gouverneur sera terminé, il pourra toucher sa pension de député, sa pension de sénateur et sa pension de lieutenant-gouverneur. Cela fera beaucoup d'argent. Il a présenté comme excuse qu'il aurait fait beaucoup plus d'argent dans l'entreprise privée. Cette raison ne contente pas les électeurs qui travaillent, qui paient des impôts et qui acquittent la facture pour ces dépenses. Pour vous et moi, monsieur le Président, ce n'est pas suffisant de dire que nous sommes bien contents d'être ici, mais que nous aurions fait tellement mieux dans l'entreprise privée. Vous et moi, monsieur le Président, nous sommes des enseignants. Aurions-nous pu faire mieux? Quelle importance? Le service est notre but ultime.

Cela me rappelle une phrase tirée de l'un de mes livres préférés: «Que celui qui veut être votre chef soit le serviteur de tous.» Voilà ce que le Sénat et la Chambre des communes doivent apprendre à faire.

M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.): Monsieur le Président, la députée de Beaver River vient de récrire un peu l'histoire. Je l'ai entendue dire dans son discours qu'elle se souvenait que l'ancien premier ministre, M. Mulroney, avait été forcé par la honte à nommer un réformiste au Sénat.

Je sais qu'elle aime prétendre que le sénateur en question a été élu alors qu'en fait il a remporté un concours de popularité organisé en Alberta en vertu d'une loi de cette province qui n'avait aucune validité en ce qui a trait à l'élection d'un sénateur. Toutefois, le premier ministre de l'époque, qui avait plus de conservateurs qu'il ne lui en fallait au Sénat, était donc prêt à y nommer un réformiste. Mais d'après la députée de Beaver River, c'est la honte qui l'a poussé à choisir un réformiste qui avait remporté un concours de popularité en Alberta.

Monsieur le Président, vous étiez ici à l'époque. Moi aussi, j'y étais. Le député de Nunatsiaq y était également. Je ne me souviens pas d'avoir vu la moindre trace de honte sur le visage du premier ministre lorsqu'il a nommé ce vieux cheval de bataille réformiste au Sénat.

La députée de Beaver River adore récrire l'histoire. Je sais qu'elle croit que cet homme a été choisi par la population simplement parce qu'il a remporté un concours de popularité en Alberta. Elle dit qu'il a recueilli plus de voix que n'importe quel autre candidat. Sans doute, mais il n'y avait aucune qualification requise. C'était une fraude organisée par le gouvernement albertain pour essayer de faire modifier la Constitution, ce qui a échoué.

M. Abbott: Vous êtes en train d'insulter les Albertains.

M. Milliken: Je ne les insulte pas, je rétablis la vérité. Je récris l'histoire, tout comme la députée de Beaver River, mais moi, j'essaie de présenter les événements sous un jour plus juste.

Je me demande si la députée se souvient du jour où l'ancien premier ministre a été assailli par ce sentiment de honte qui, selon elle, l'a poussé à nommer ce type au Sénat. Personnellement, je ne m'en souviens pas et je doute que mes collègues qui étaient alors présents à la Chambre se souviennent d'avoir jamais vu la honte envahir le visage du premier ministre, Brian Mulroney, pas plus le jour de la nomination d'un réformiste au Sénat du Canada qu'à aucun autre moment.

Je me demande si elle peut nous dire quand ça s'est passé, car j'aimerais bien le savoir. Je me demande également si elle se souvient d'avoir vu la moindre honte sur son visage le jour où il a nommé huit sénateurs conservateurs de plus au Sénat pour faire adopter la TPS. Je pense qu'elle était ici à ce moment-là aussi.

Mme Grey: Oui, monsieur le Président, j'étais ici lorsqu'il y a eu tout ce brouhaha au Sénat au sujet de la TPS. Je me souviens très bien que les libéraux, assis de ce côté de la Chambre, ont déclaré qu'ils annuleraient, qu'ils aboliraient, qu'ils feraient disparaître la TPS. Je suis la seule ici qui ait retenu cette petite promesse jamais réalisée. Ils n'ont pas pu tenir cette promesse.

J'ai dit que Brian Mulroney a été forcé sous peine de honte de nommer Stan Waters au Sénat. Mais être forcé ainsi de faire quelque chose ne signifie pas nécessairement qu'on porte un air honteux. Stan Waters s'est certainement souvenu de l'appel. Le premier ministre a téléphoné pour lui annoncer qu'il devait le nommer sénateur parce qu'il était forcé de respecter cette élection.

Mon collègue affirme que Stan Waters a gagné un concours de popularité. Je ne connais pas les chiffres par coeur, mais je crois qu'il a reçu 275 000 votes, ce qui est de loin supérieur à ce que chacun de nous a pu recevoir au cours d'une élection quelconque. Ce n'était certes pas le résultat d'un concours de popularité.

Mon collègue a aussi affirmé que l'Alberta avait commis une fraude. Il s'agit d'un gouvernement provincial tout à fait légitime au Canada. Il possède des droits provinciaux. Il a adopté une mesure législative provinciale qu'il a tout simplement appelée la loi sur le choix d'un sénateur. Il est donc incorrect de la part d'un Ontarien d'intervenir pour dire que l'Alberta a commis une fraude. Nous n'avons pas besoin de modifier la Constitution pour qu'une telle mesure soit mise en oeuvre. La volonté politique du gouvernement au pouvoir suffit.

(1540)

Oui, nous pourrions adopter une mesure visant la modification complète du Sénat et notre parti est fin prêt si jamais l'occasion se présente. Celui qui aura la volonté politique de dire que c'est important fera ce que les libéraux ont fait en 1992, lors de leur congrès bisannuel comme je le croyais, lorsqu'ils ont déclaré: «Qu'il soit résolu que nous allons adopter le Sénat élu». Je me demande ce qui est arrivé à la mémoire du député.

Il pourrait dire comme le premier ministre: «Vous avez voté contre l'accord de Charlottetown alors, puisque cet accord a été rejeté, vous avez renoncé au Sénat élu.» Ce n'est pas vrai. Il y avait tant de balivernes dans cet accord de Charlottetown que le concept de Sénat élu se perdait dans le lot. Effectivement, le Sénat élu faisait partie des six ou sept grandes questions, mais ça n'aurait pas été un


3095

Sénat efficace car il aurait été contrebalancé par le nombre de députés à la Chambre des communes.

Mon ami de Kingston et les Îles connait ces subtilités beaucoup mieux que moi, mais je suis assez perspicace pour comprendre que ce Sénat n'aurait pas été un véritable Sénat triple-E. L'accord de Charlottetown a été rejeté à travers le pays pour diverses raisons, mais certainement pas parce que mon parti était contre la réforme du Sénat. Nous voulons une véritable réforme, une réforme équitable du Sénat.

Ma province, l'Alberta, est celle qui a amorcé un processus légitime. Ce n'était ni une fraude, ni un concours de popularité. Ce fut un processus absolument légitime et nous demandons qu'il soit entériné à nouveau et que personne ne nous dicte, à partir de la Chambre des communes, ce qui devra se passer dans notre province. Comme le premier ministre l'a déclaré si clairement non pas une, mais deux fois, et comme je l'ai répété le 9 mai: «Je nommerai un sénateur de mon choix qui représentera mon parti.» Il a dit cela sans aucune honte et pourtant il devrait avoir honte.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, avant de faire mes observations, je voudrais inviter, s'il en a le courage. . .

Le Président: À l'ordre.

M. Abbott: Je suis désolé, vous avez raison monsieur le Président, nous avons quelques difficultés avec ce mot aujourd'hui, n'est-ce pas? Je comprends parfaitement.

Je voudrais inviter mon collègue de Kingston et les Îles à nous exposer la position de son parti. Il semblerait qu'il y ait un vide total-nous parlons des libéraux-en ce qui concerne la participation des libéraux. Ils savent très bien que s'ils prennent la parole dans cette Chambre on va leur demander: «Êtes-vous en faveur du principe qui permettrait que 40 millions d'argent des contribuables aillent au Sénat sans que celui-ci ait de compte à rendre?» J'aimerais que le député se lève et fasse un discours à ce sujet.

Mme Grey: C'est au tour de qui de se faire poser des questions?

Le Président: À l'ordre. Je suis sûr que le député se rend compte que ce n'est pas le député de Kingston et les îles qui a fait un discours. C'est la députée de Beaver River. C'est peut-être une question par la bande et peut-être que la députée de Beaver River acceptera d'y répondre.

Mme Grey: Laissez-moi rentrer la boule, si on parle de coups par la bande.

Les libéraux d'en face peuvent rire et parler-et il y en a trois ou quatre qui chahutent en ce moment-il n'en reste pas moins qu'à leur congrès de 1992, ils ont adopté une résolution qui disait qu'ils appuyaient un Sénat élu.

Si l'un d'entre eux veut bien se lever et prendre la parole dans ce débat, et jusqu'à présent je n'en ai pas vu beaucoup, j'aimerais bien qu'il s'intéresse à cette question de sorte que nous puissions l'interroger et rentrer une boule.

Le Président: Après ce dernier coup, je pense que nous allons reprendre le débat.

(1545)

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir dans ce débat concernant la motion présentée par notre collègue du Parti réformiste, le député de Comox-Alberni, et cette motion se lit comme suit:

Que, comme le Sénat n'a pas répondu au message que la Chambre lui a transmis pour demander qu'un représentant du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration vienne témoigner devant le Comité permanent des opérations gouvernementales afin de rendre des comptes sur l'utilisation de fonds publics d'un montant de 40 millions de dollars, la Chambre signale au Sénat qu'elle est mécontente qu'il n'ait pas tenu compte des principes démocratiques modernes liés à la reddition de comptes et qu'elle donne par conséquent avis qu'elle s'oppose à l'adoption du crédit 1, sous la rubrique Parlement, dans le Budget des dépenses principal de l'exercice se terminant le 31 mars 1997.
Voilà le libellé de la motion, et ce n'est pas la première fois qu'on se retrouve à discuter en cette Chambre du fonctionnement ou de la façon de fonctionner de la Chambre haute, l'autre Chambre, le Sénat. Ce n'est pas la première fois que l'on questionne les dépenses occasionnées par le Sénat. Ce n'est pas non plus la première fois que l'on questionne la raison d'être du Sénat.

Quand je rencontre des gens de mon comté, et c'est comme ça pour l'ensemble de mes collègues, il y a une question qu'on se fait poser régulièrement. Les gens nous demandent: À quoi ça sert, le Sénat? Qu'est-ce qu'ils font les sénateurs?

La population a eu l'occasion de saisir des images du Sénat lors de la lecture du dernier discours du Trône, et je pense que ce n'est pas cette séance du Sénat qui va permettre à la population d'avoir une image plus positive du Sénat. On se souvient que quelques sénateurs, un ou deux, ont été pris en flagrant délit de sommeil, et ce, au vu et au su de la population entière. L'animateur Jean-Luc Mongrain, un animateur très connu et très populaire au Québec, en a fait ses choux gras en en parlant pendant une heure lors de l'une de ses émissions.

On peut naturellement caricaturer ce qui se passe au Sénat. Bien sûr, il y a des sénateurs, des sénatrices qui font un travail sérieux, qui sont assidus, qui font des recherches, qui s'impliquent dans la vie politique de notre pays en vue d'améliorer celle-ci, en vue d'améliorer le sort de nos concitoyens et concitoyennes. Mais force nous est de constater que pour un grand nombre du moins, l'impression que la population en a, c'est qu'ils ne rapportent ou ne produisent absolument rien et qu'ils sont, à toutes fins pratiques, davantage une charge qu'un actif pour la population canadienne et la population québécoise.

Nos concitoyens et concitoyennes que l'on côtoie, que l'on rencontre régulièrement et qui nous posent cette question ne sont pas les seuls à poser ce genre de question. Autant des commentateurs politiques que le vérificateur général lui-même, et je revien-


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drai sur le rapport du vérificateur général dans quelques instants, plusieurs commentateurs politiques ont, année après année, fait ressortir le fonctionnement étrange du Sénat.

Vous me permettrez d'en citer un de façon particulière, puisque je considère que les exemples qu'il donne sont ceux qui rejoignent la population et ce sont des exemples qui reposent sur des faits vérifiables.

(1550)

Il s'agit d'un article paru dans le journal La Presse, signé par le chroniqueur Claude Piché qui, lui-même, se réfère à un article écrit par le journaliste Gord McIntosh du Financial Post.

Suite au discours du ministre des Finances, M. Piché disait dans son introduction «qu'au moment où le ministre fédéral des Finances-et c'est vrai pour chacune des provinces canadiennes-coupe dans toutes les dépenses, demande aux concitoyens et concitoyennes de se serrer la ceinture, exige des efforts supplémentaires de la part des employés et du gouvernement, en fait au moment où on dit à tout le monde qu'on n'a plus d'argent à jeter par les fenêtres, il faut en bon père de famille, ou en bonne mère de famille devrais-je dire davantage, gérer son budget avec parcimonie, avec intelligence, s'assurer que l'argent est dépensé aux bons endroits.»

En parlant du Sénat, M. Piché nous dit: «Bien sûr les états financiers du gouvernement nous apprennent que le Sénat coûte 43 millions année après année aux contribuables canadiens.» On sait aussi, et M. Piché le rappelle, que le salaire d'un sénateur est de 64 400 $ et qu'à cela s'ajoute une allocation de dépenses non imposable de 10 100 $. Donc on parle d'un salaire brut, excluant les dépenses reliées à la fonction, d'environ 85 000 à 90 000 $, ce n'est pas vraiment l'équivalent du seuil de la pauvreté ou du bien-être social.

M. Piché parle de l'enquête menée par M. McIntosh et nous dit que ce qu'il trouve tout à fait inacceptable ce sont les allocations de dépenses en plus de ce salaire, en plus du fait qu'un bon nombre de sénateurs sont absents plus souvent qu'autrement.

Il nous dit que ce qu'il déplore et que la population en entier déplore ce sont les dépenses complètement exagérées. Il donne quelques exemples. Il demande qui a visité les bureaux des sénateurs. «L'an dernier un nouveau hall lambrissé d'acajou et agrémenté de granit vert, noir, saumon et gris, précise le journaliste McIntosh, a coûté aux contribuables 125 000 $. Et même qu'un sénateur a eu le culot, dit le journaliste, d'ajouter qu'il s'agissait là d'une aubaine.»

M. Piché rappelle également qu'en 1993, le Sénat n'a siégé que 47 jours. «Le Sénat emploie 11 personnes à temps plein au salaire moyen de 60 000 $ et ce simplement pour immortaliser, dit-il, les propos des sénateurs dans le hansard, une sorte de procès-verbal des travaux parlementaires. Il va de soi que ces fonctionnaires ont beaucoup plus de temps libre et peuvent donc arrondir leurs fins de mois en vendant leurs services à d'autres agences gouvernementales.»

Autre exemple: «Les sénateurs possèdent leur propre centre de conditionnement physique, aménagé bien entendu aux frais des contribuables. L'équipement de ce centre mis à la disposition des sénateurs est évalué à 29 000 $.» Le rapport de l'enquête deM. McIntosh révèle qu'au cours de l'année où il a fait cette enquête, un seul sénateur a utilisé les services de ce centre de conditionnement physique.

(1555)

Et ça continue. Il ajoute même, et je pense que c'est là ce qui frappe le plus l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes: «Au cours de 1993, de février à mai, le Sénat s'est réuni six jours en février, dix en mars, cinq en avril et huit en mai, pour un total de 29 jours en quatre mois.» M. Piché ajoute: «Ce rythme de travail endiablé s'est révélé intolérable pour beaucoup de sénateurs, dont le taux d'absentéisme est effarant.»

Ces exemples démontrent à n'en pas douter le bien-fondé de la motion que nous avons devant nous. Je pourrais continuer à me référer et à énumérer ce genre d'exemple pendant des heures et des heures. Le journaliste McIntosh de même que le chroniqueur Piché ne sont pas les seuls à soulever ce genre de situation tout à fait inacceptable. J'ai parlé au début de mon intervention du rapport du vérificateur général de 1991. Cela fait donc cinq ans, et rien ne nous permet de croire que les situations qui ont été dénoncées, relevées, décrites par le vérificateur général en 1991 ont été corrigées en 1996.

D'abord parlons du budget du Sénat ou de la Chambre haute. On fait référence, dans la motion, à des dépenses de l'ordre de 40 millions de dollars. En 1991, on parlait d'un budget de 42,6 millions. Mais le vérificateur général ajoute: «Le total des coûts du Sénat se rapproche davantage de 54 millions de dollars si l'on tient compte du coût des services fournis au Sénat par certains organismes du gouvernement, que nous avons estimés à 11,4 millions de dollars.» Le «nous», ce n'est pas le Bloc, ce n'est pas celui qui vous parle, c'est le vérificateur général. Donc on devrait, dans la motion, parler davantage de 50 millions de dollars et plus, plutôt que de 40 millions.

Dans ce rapport d'une centaine de pages, bien sûr je vous ferai grâce de la lecture du rapport, mais je me permettrai de vous relever quelques exemples un peu dans la ligne de ce qu'a dit M. Piché, mais avec plus de détails, des détails fournis, je le rappelle, par le vérificateur général, dont le mandat relève de la Chambre, qui fait un travail non partisan, qui a les ressources nécessaires-peut-être que lui ne les juge pas toujours suffisantes-les ressources lui permettant de faire un travail sérieux.

Que dit ce rapport concernant les dépenses du Sénat? Il fait une recommandation, et c'est la recommandation no 2 que l'on retrouve à la page 13 du rapport: «Le vérificateur général recommande que le Sénat devrait publier ses dépenses de deniers publics et le rendement de son administration.» En 3.23, toujours à la recommandation no 2, il dit: «Le Sénat devrait publier régulièrement un sommaire des activités et des dépenses de ses comités.»

(1600)

Si le vérificateur général, en 1991, a fait une telle recommandation, si, comme je l'ai dit, rien n'a changé depuis cette date, la population est en train de réaliser, comme nous, que les activités du Sénat et des sénateurs ne sont soumises à aucune vérification. Ils n'ont de comptes à rendre à personne. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent des deniers publics mis à leur disposition. Je le répète, la motion du député réformiste est on ne peut plus justifiée.


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Parlons des frais de déplacement. Dans le rapport du vérificateur général, il est dit: «Rien ne garantit que les frais de déplacement assumés par le Sénat le soient pour le fonctionnement du Sénat.» Il affirme que «rien ne garantit que les frais de déplacement assumés par le Sénat le soient pour le fonctionnement du Sénat», et il donne un exemple.

Il donne l'exemple d'un sénateur qui s'est fait rembourser un voyage d'une semaine à Vancouver pour lui-même et quatre membres de sa famille. De plus, tous venaient de différentes régions du Canada. En outre, le sénateur lui-même n'était pas originaire de la Colombie-Britannique. Est-il permis de s'interroger sur une dépense de cette nature? Le vérificateur général, lui, pense que oui. La population qui nous écoute, qui nous élit, la population, les Canadiens et Canadiennes qui paient des taxes pensent que oui.

Monsieur le Président, vous me signalez qu'il ne me reste que deux minutes pour mon intervention, c'est malheureusement trop court. Je terminerai en parlant de la raison d'être du Sénat.

Je ne ferai pas un cours de sciences politiques pour expliquer la différence entre la Chambre haute et la Chambre des communes, mais dans l'esprit de nos concitoyens et concitoyennes, particulièrement au Québec, plusieurs croient que cette Chambre haute, le Sénat, est complètement inutile.

Les députés du Québec dans leur ensemble partagent cette opinion. Qui plus est, l'option politique que nous défendons légitimement, qu'on soit d'origine canadienne, québécoise ou étrangère, cette option politique fait en sorte que nous souhaitons, non seulement l'abolition du Sénat, mais aussi toute représentation au niveau fédéral.

Mais même dans une perspective fédéraliste, et nos collègues du Parti réformiste l'ont démontré je pense avec beaucoup d'à-propos, même dans une perspective fédéraliste, à peu près tout le monde s'entend sur la nécessité de réformer la Chambre haute. Si vraiment on veut avoir des institutions qui respectent l'esprit de la tradition britannique, il faudrait au moins que cette Chambre-là ait de réels pouvoirs. Il faudrait que cette Chambre ait également la responsabilité de rendre des comptes. À l'heure actuelle, et je terminerai là-dessus, ce que l'on constate du Sénat, c'est qu'il s'agit plus d'un Club Med pour récompenser des organisateurs politiques ou encore leur permettre de vaquer à leurs activités de financement des partis politiques. C'est à cela que sert le Sénat plus souvent qu'autrement par les temps qui courent.

(1605)

Au moment où on demande à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes de se serrer la ceinture, de revoir leur façon de faire, ils sont en droit d'exiger la même chose de leurs élus. La première dépense que l'on devrait couper, ce ne sont pas les subventions qu'on accorde aux organismes qui représentent les personnes handicapées, mais bien les dépenses relatives au Sénat. On devrait faire en sorte que nos sénateurs, nos organisateurs politiques, s'ils veulent se payer des vacances, se les paient à même leurs propres deniers.

[Traduction]

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, les observations du député du Bloc québécois m'ont vivement intéressé.

Permettez-moi de lire les deux premiers paragraphes d'un article que Mike Scandiffio a fait paraître dans le Hill Times il y a quelques semaines. «``Le Sénat est sous-financé et a besoin d'au moins 4 millions de dollars supplémentaires pour atteindre ses objectifs'', déclare le sénateur qui préside le comité chargé d'établir le budget de la Chambre haute. ``Le budget laisse au Sénat peu de marge de manoeuvre pour exercer ses activités courantes'', a dit le sénateur Colin Kenny, qui préside le Comité de la régie interne. ``C'est 4 millions de dollars au bas mot. Je préférerais 7 millions.''»

Nous nous rendons compte de la gravité de la motion qu'a présentée le Parti réformiste, même si nous entendons toutes sortes de ricanements du côté du poulailler. Ces députés ne se rendent pas compte que les Canadiens en ont assez du fait que les sénateurs, qui ont déjà un généreux régime de retraite, continuent de soutirer de l'argent aux contribuables. Ils ne comprennent tout simplement pas que les Canadiens en ont assez des libéraux et de tous les vieux partis qui ne font que leur arracher de plus en plus d'argent.

J'ai une question à poser au député. La motion donne avis de l'opposition au budget des dépenses du Sénat. Elle vise à exercer des pressions auprès du Sénat pour qu'il rende compte des dépenses de 40 millions de dollars. Il faudrait qu'une majorité de députés fasse savoir que nous sommes disposés à refuser d'accorder les crédits au Sénat s'il ne daigne pas comparaître devant le Comité permanent des opérations gouvernementales.

Le député est simple député, comme moi. Il n'occupe pas une charge officielle au sein du Bloc québécois, du moins pas à ma connaissance. Je voudrais cependant lui demander quelle est la position du Bloc sur cette question. Convient-il que le Comité de la régie interne du Sénat devrait être convoqué devant le comité permanent pour rendre compte de ses 40 millions de dollars, afin que les Canadiens aient leur mot à dire dans les dépenses?

[Français]

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le Président, la position du Bloc a été exprimée par mon collègue qui a pris la parole ce matin tout de suite après le proposeur de cette motion. Quant à moi, je dis et je l'ai dit au cours de mon intervention, évidemment, que je trouve que l'exigence faite à la Chambre haute de rendre des comptes selon la formule que l'on retrouve dans la motion est non seulement acceptable, souhaitable, mais cela m'apparaît être un minimum que les sénateurs rendent des comptes sur leur administration.

Je rappellerai donc évidemment que je suis d'accord pour que l'application de cette motion se réalise, mais je suis convaincu que le gouvernement n'aura pas le courage d'y donner suite. On m'offre l'occasion de rappeler une autre dépense qu'a relevée le vérificateur général au plan des télécommunications. J'ai mentionné tout à l'heure le nombre de jours de séance auxquels participaient un bon nombre de sénateurs. On sait que s'il y a des records qui se battent à ce niveau, ce n'est certainement pas quant à la présence. Il n'y a pas


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de marathon et on ne voit personne qui tombe de fatigue à la suite. . .

Une voix: Ils s'endorment.

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Ils s'endorment oui, mais il n'y a personne qui tombe de fatigue pour avoir siégé trop longtemps.

(1610)

Mais qu'est-ce que le vérificateur général dit des télécommunications? C'est important qu'on écoute et je m'adresse à mes collègues libéraux qui devraient réfléchir à ce sujet. Le vérificateur général dit: «La moyenne annuelle des dépenses en télécommunications est d'environ 10 000 $ par sénateur, mais nous avons constaté une grande variation. Au cours d'une période de 10 mois, c'est-à-dire à partir d'avril 1989, les dépenses dans le cas de sept sénateurs ont dépassé 2 000 $ par mois en 26 occasions différentes au total.»

Deux mille dollars de frais de téléphone par mois, je comprends qu'ils ne siègent pas souvent, ils sont toujours au téléphone. Ça me fait penser à mes adolescents. J'espère qu'ils ont le service de mise en attente pour qu'on puisse les joindre à l'occasion. Par contre certains d'entre eux avaient des dépenses inférieures à 500 $ par mois.

Ce genre d'exemples est important. Je le répète ce ne sont pas des racontars que les gens se font au coin de la rue pour déblatérer contre les hommes et les femmes politiques, c'est le vérificateur général qui dit cela, une personne crédible, reconnue par l'ensemble des politiciens canadiens. C'est dans son rapport qu'on retrouve ce genre d'exemples.

Pour répondre à mon collègue, je le répète, nous, le Bloc ce qu'on souhaite c'est l'abolition pure et simple du Sénat. Ce qu'on retrouve dans la motion de notre collègue du Parti réformiste est un minimum pour répondre à la décence politique.

M. René Canuel (Matapédia-Matane, BQ): Monsieur le Président, je remercie mon collègue. Ce qu'il vient de dire tout le monde l'a compris mais tout le monde ne l'accepte pas. Ce sont nos collègues d'en face qui ne l'acceptent pas. Le vérificateur général a sorti ces chiffres et tous les ont devant eux.

Cependant quand j'explique dans mon comté que le Sénat coûte 43 millions de dollars et qu'on voit des industries subir des coupures de 30 p. 100 parce qu'on ne veut pas investir en foresterie, c'est dur à prendre pour mes électeurs. C'est très dur à prendre.

Je suis tout à fait d'accord avec la motion de mon collègue de Comox-Alberni, mais elle n'est pas suffisante. Comme le disait mon collègue de Mégantic-Compton-Stanstead, il faut abolir le Sénat. Il faut réfléchir sérieusement à cette question.

Quand j'ai assisté au discours du Trône, j'ai vu des sénateurs dormir et être filmés par les caméras. Y a-t-il une meilleure preuve du travail que certains font au Sénat? Sûrement pas. On vu cette image très souvent à la télé. Les gens de mon comté m'ont demandé ce que ces gens faisaient là.

On coupe dans le domaine forestier, dans le domaine de l'agriculture, dans l'assurance-chômage, on coupe partout- l'assurance-emploi, chez nous on ne l'appelle pas comme ça, les gens l'appellent l'assurance-misère et c'est véritablement ce que c'est-tandis qu'au Sénat, on voyage en première classe, le champagne coule à flot et on a d'extravagantes dépenses de communications. Quand ils vont dans d'autres pays, les sénateurs arrivent vers cinq heures, goûtent au champagne et repartent faire la sieste, c'est à peu près ce qui se passe. Je n'invente rien, vous le savez autant que moi.

Pour être honnête, il y a certains sénateurs et sénatrices qui font un certain boulot, mais 90 p. 100 d'entre eux sont une perte de temps, une perte d'énergie, une perte d'argent. Ça jamais les gens de la grande région du Bas-Saint-Laurent, de Matapédia-Matane ne pourront le comprendre.

Si vous ne me croyez pas, faites donc un référendum pour savoir si on devrait garder le Sénat, si on devrait nourrir les sénateurs et sénatrices ou les faire disparaître. Je vous dis immédiatement que le résultat serait très élevé en faveur de l'abolition.

(1615)

[Traduction]

À la suite d'une autre demande présentée par les greffiers au bureau, et comme je viens de remplacer l'occupant précédent du fauteuil, je vais donner la parole à un ministériel. Puis, bien sûr, je la donnerai à un député du Parti réformiste, qui a présenté la motion de l'opposition.

M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.): Monsieur le Président, je me réjouis de l'occasion qui m'est offerte de participer au débat de cet après-midi.

[Français]

Je suis aussi un peu choqué des remarques des honorables députés du Bloc et du Parti réformiste qui viennent de prononcer un discours, parce qu'ils ont fait, pendant leur discours, des remarques insultantes envers les membres du Sénat en indiquant qu'il y en a plusieurs au Sénat qui ne travaillent pas. Ce n'est pas la vérité. Il y a beaucoup de sénateurs qui travaillent pendant plusieurs heures au Sénat et les honorables députés des deux partis de l'autre côté le savent très bien.

Ils savent bien qu'il y a plusieurs sénateurs qui sont membres des comités du Sénat, qui siègent souvent pendant des semaines à ces comités, et dans le Sénat lui-même, et qui travaillent très fort pour les personnes qui demeurent dans leur province et qu'ils représentent au Sénat.

[Traduction]

Pour les députés d'en face, tomber à bras raccourcis sur le Sénat est peut-être un exercice populaire et amusant, mais je ferai valoir qu'en ce qui concerne quelques honorables sénateurs et même un bon nombre, c'est injuste. Beaucoup d'entre eux travaillent d'arrache-pied et servent bien le Canada et le Parlement.


3099

Je sais que de critiquer le Sénat est un sport populaire. Je vais formuler quelques remarques de mon cru sur le Sénat. Elles ne sont pas nouvelles. C'est tout à fait selon les règles. Or, ils sont nombreux les Canadiens qui travaillent d'arrache-pied au Sénat et c'est pourquoi les propos des députés me semblent déplacés et contraires à nos règles et pratiques.

La motion dont la Chambre est saisie est contestable. Cela n'a rien d'étonnant quand on songe à sa provenance. Le député de Comox-Alberni propose une motion qui dit que le Sénat n'a pas répondu au message que la Chambre lui a transmis pour demander qu'un représentant du comité du Sénat témoigne devant le Comité permanent des opérations gouvernementales afin de rendre des comptes sur l'utilisation de fonds publics d'un montant de 40 millions de dollars. Des larmes de crocodile!

M. Abbott: C'est un fait.

M. Milliken: Si le député de Kootenay-Est voulait se contrôler quelques instants, il aura ensuite l'occasion de poser des questions. Il dit que c'est un fait. Soit, c'est un fait. C'est également un fait que la Chambre n'a jamais adressé pareille demande au président d'un comité sénatorial. C'est également un fait qu'il est tout à fait indécent qu'une Chambre demande à des parlementaires de l'autre Chambre d'y témoigner en leur qualité de représentants de leur Chambre.

Honnêtement, je dirai au député que, si des députés étaient invités par les sénateurs à se présenter devant eux pour justifier leurs dépenses, ils traiteraient cette demande avec mépris.

Le député de Kootenay-Est hoche la tête. Il devrait peut-être aller expliquer ses dépenses devant le Sénat, mais, personnellement, je ne me sens nullement tenu de fournir une telle justification.

Le député soutient qu'il est élu, ce qui fait évidemment une différence. Peut-être, mais le fait est que la Constitution confère au Sénat des droits et des privilèges. Les sénateurs ne sont peut-être pas élus, mais ils sont nommés aux termes de la Constitution et leurs pouvoirs découlent de cette loi, la Loi constitutionnelle, qui nous confèrent aussi des pouvoirs.

Même si le député peut avoir raison en affirmant qu'il y a une différence dans la façon dont nous sommes nommés, si je recevais une convocation pour comparaître devant le Sénat et répondre à ses questions, j'aurais le droit de répondre que je n'irai pas. Merci beaucoup. Le Sénat a exercé ce droit.

En proposant sa motion, le député de Comox-Alberni veut faire croire que, d'une façon ou d'une autre, le Sénat agit de façon non démocratique, parce que ses membres non élus disent qu'ils ne comparaîtront pas devant un groupe de représentants élus pour expliquer la façon dont ils rendent compte de leur gestion financière.

Il existe des procédures à cette fin. Il existe des procédures qui obligent le Sénat à rendre compte de la gestion des fonds mis à sa disposition. Les députés peuvent poser des questions sur le budget des dépenses du Sénat, lorsque des sénateurs sont présents à la Chambre. Ils peuvent proposer une motion, comme ils l'ont fait aujourd'hui. Ils peuvent demander à un ministre d'État de discuter du budget des dépenses. Ils peuvent interroger le président du Conseil du Trésor sur le budget des dépenses du Sénat. Ils peuvent aussi prendre des dispositions pour que des sénateurs posent des questions à cet égard au Sénat.

(1620)

Le député d'en face semble laisser entendre que le Sénat est un grand club d'amis, mais il sait aussi bien que moi que le Sénat se compose de membres d'au moins deux partis.

M. Abbott: Les vieux partis traditionnels.

M. Milliken: Le chat sort du sac. Voilà justement ce que nous avons entendu tout au long de ce débat de la part des députés de l'opposition: des paroles qui trahissent l'envie. Les députés des deux partis d'opposition poussent les hauts cris et dénoncent le Sénat. Pourquoi? Parce qu'aucun des leurs n'est au Sénat. Nous n'entendions pas ce genre de critiques à l'endroit du Sénat quand Stan Waters y siégeait.

La députée de Beaver River versait des larmes de crocodile tantôt parce que Stan Waters avait remporté un concours de popularité et avait été nommé au Sénat par Brian Mulroney. Il a été nommé comme n'importe quel autre sénateur. Il était aussi politisé que Lowell Murray et Lynch-Staunton et tous ces autres militants du parti conservateur au Sénat.

Des voix: Oh, oh!

M. Milliken: Le député de Kootenay-Est peut bien protester tant qu'il voudra. Il peut trouver la chose bien terrible, mais au fond, Stan Waters a été nommé de la même façon que les autres.

Écoutez les cris de protestation. La Loi constitutionnelle ne comporte aucune disposition prévoyant l'élection d'un sénateur. La seule façon dont on puisse entrer au Sénat-j'exhorte mes honorables collègues à lire la Loi constitutionnelle-c'est par nomination par le gouverneur général sur la recommandation du premier ministre. Il n'y a aucune autre moyen d'y accéder. Quelqu'un peut bien remporter un concours de popularité, cela ne le fera pas entrer au Sénat à moins que le gouverneur général ne l'y appelle sur la recommandation du premier ministre.

Stan Waters a réussi cet exploit. Il est entré au Sénat, mais il y a été nommé par le premier ministre. S'il n'y avait pas été nommé, il n'y aurait pas siégé. Peu importe combien de campagnes électorales il avait livrées en Alberta ou ailleurs. Il ne pouvait pas y entrer sans le petit document signé par Son Excellence le gouverneur général du Canada.

Il l'a obtenu et il en a été ravi. Il a siégé au Sénat, et tandis qu'il était là, la députée de Beaver River siégeait ici à la Chambre. À l'époque, elle n'a pas fulminé contre les maux du Sénat et ses dépenses.

Une voix: Vous ne la laissiez pas parler.


3100

M. Milliken: Nous avions tout le temps droit aux discours de la députée de Beaver River. Elle nous a encore donné un exemple éclatant cet après-midi.

Nous écoutions tous en retenant notre souffle lorsque la députée de Beaver River avait la possibilité d'intervenir. Il est arrivé souvent que le Parti libéral la fasse figurer dans sa liste d'intervenants pour qu'elle puisse donner son point de vue. Nous voulions savoir ce qu'elle pensait. Nous étions enthousiastes à l'idée de l'écouter. C'est toujours le cas.

Aujourd'hui, elle nous a parlé du Sénat en long et en large et nous a expliqué que certains de ses amis y avaient été nommés, des amis qui, croyait-elle, étaient favorables à l'élection démocratique des sénateurs.

La position du Parti libéral à ce sujet est fort bien connue. Nous sommes en faveur d'un Sénat élu. Cela viendra à son heure. Pour l'instant, c'est la Constitution actuelle qui s'applique. Le premier ministre doit combler les postes vacants en faisant des recommandations au gouverneur général du Canada, qui convoque au Sénat les personnes choisies.

Je suis persuadé que les députés d'en face ne veulent pas que le Sénat reste dominé par le parti qui formait l'ancien gouvernement et qui a essuyé une cuisante défaite aux dernières élections.

Ils font profession de démocratie et se disent attachés aux principes démocratiques. J'ai trouvé très étrange, en arrivant aujourd'hui à la Chambre, de voir que les deux députés conservateurs avaient changé de place, pour ne plus siéger si près des réformistes. Nous savons bien pourquoi. Ils ont été traités si rudement par les réformistes, on leur a tellement crié après qu'ils ne s'entendaient plus penser. Les députés conservateurs se sont rapprochés du Bloc québécois. Je suis plutôt surpris de voir un parti aussi démocrate que le Parti réformiste adopter une telle attitude.

Enfin, les députés ont changé de place. Il est déjà assez triste de les voir se faire malmener aux élections, eux qui ont perdu tous leurs sièges sauf deux, c'est honteux de constater la façon dont le Parti réformiste les malmène à la Chambre.

Le Parti conservateur a encore la main haute sur le Sénat, plus maintenant cependant, mais il a encore un assez grand nombre de sièges au Sénat. Jusqu'à tout récemment, il formait la majorité au Sénat. Je suis sûr que les députés d'en face, qui sont, après tout, des démocrates déclarés, tenaient à régulariser la situation.

(1625)

Le gouvernement a continué de nommer des libéraux au Sénat afin de corriger ce déséquilibre, un reliquat du gouvernement Mulroney, un reliquat dont les Canadiens avaient marre. Le gouvernement a pris la bonne décision. Il a continué de nommer des libéraux au Sénat pour combler tous les postes vacants et ne plus avoir à composer avec la domination qu'exerçaient les conservateurs au Sénat.

Certains de mes collègues ne le savent peut-être pas, mais des députés d'en face ont agi de connivence avec leurs collègues conservateurs du Sénat. Prenons l'exemple du projet de loi C-69 et de la malheureuse tentative de modifier la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Un projet de loi a été présenté à la Chambre et des députés de tous les partis ont consacré beaucoup d'efforts pour peaufiner la mesure législative.

Le projet de loi a été adopté à la Chambre des communes, puis renvoyé à l'autre endroit. Je me souviens d'avoir assisté à une séance de comité afin de répondre à des questions au sujet du projet de loi, puisque j'étais à l'époque président du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre de même que secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre. Je me suis donc présenté au Sénat pour répondre à des questions sur le projet de loi. Qui ai-je aperçu? Le député de Calgary-Ouest. Il s'était dépêché à créer un pacte avec le sénateur Staunton et le sénateur Murray. Ils étaient de mèche. À la table du comité, il leur chuchotait: «Posez-lui cette question, puis cette question.» Il faisait à ces sénateurs toutes sortes de remarques en aparté pour attiser la discorde au sujet d'un projet de loi qui avait été adopté à la Chambre.

Voilà le Sénat dont nous entendons parler aujourd'hui et qui, à en croire le Parti réformiste et le Bloc québécois, est si antidémocratique, autocratique, injuste et rempli de ces êtres horribles. Pourtant, lorsque le projet de loi C-69 a été à l'étude là-bas, le député de Calgary-Ouest, qui était encore membre du Parti réformiste la dernière fois que j'ai vérifié, est allé s'entretenir avec les sénateurs conservateurs pour essayer de les convaincre d'emboîter le pas aux réformistes et d'empêcher l'adoption du projet de loi. Ce fut un succès. Il a réussi haut la main. Il a convaincu les sénateurs conservateurs que le projet de loi était mauvais, et ils ont bloqué son adoption. Ils l'ont retardée pendant des mois. Maintenant, la députée de Beaver River perd son siège.

Nous avons entendu la députée de Beaver River aujourd'hui. Elle prêchait l'envie. Elle veut un siège au Sénat.

M. Abbott: Oh, c'est en plein cela.

M. Milliken: Le député de Kootenay-Est me donne raison. Il sait que j'ai raison. Avec le remaniement de la carte électorale, son siège disparaît. Elle veut aller au Sénat. Avec le discours qu'elle a faits ici aujourd'hui, elle voulait créer des vacances au Sénat en dévoilant une sorte de scandale qui serait survenu là-bas. Si elle pouvait obliger le Sénat à rendre compte de ces 40 millions de dollars et si elle pouvait découvrir des dépenses injustifiées, il y aurait une vacance qu'elle pourrait combler.

Elle a parlé de trois de ses amis qui ont été nommés au Sénat et qu'elle veut aller rejoindre. Je comprends qu'elle veuille le faire. J'imagine que si j'avais trois amis proches au Sénat, je voudrais y avoir moi aussi un siège. En attendant, je suis très heureux d'être ici.

Je n'ai pas encore terminé. Je sais que les députés d'en face veulent me poser des questions, et c'est pour cette raison que j'ai


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fait ce discours. Je veux leur donner l'occasion de me poser des questions, mais il va falloir qu'ils attendent que j'aie terminé.

L'autre point relatif au Sénat, c'est comment se fait-il que le Parti réformiste, qui affirme être tellement en faveur de la démocratie, propose un Sénat triple-E? Pourquoi un Sénat triple-E est-il aussi sensé pour le Parti réformiste et très peu pour qui que ce soit d'autre, ou presque?

Je vais essayer de l'expliquer. En vertu de la proposition de Sénat triple-E des réformistes, les sénateurs seraient élus par province et il y aurait un nombre égal de sénateurs par province, disons dix.

Mme Grey: Qu'est-ce que j'entends?

M. Milliken: La députée de Beaver River vient de réapparaître. Telle le phoenix, elle renaît de ses cendres. Je suis si heureux de savoir qu'elle soit arrivée. J'espère qu'elle n'a pas raté le début de mon histoire.

Les réformistes veulent ce Sénat triple-E, composé de dix sénateurs par province qui seraient élus par province pour pouvoir recueillir un nombre énorme de voix.

La députée de Beaver River, dans ses remarques, a fait éloquemment ressortir que son ami, Stan Waters, a obtenu un nombre énorme de voix, le plus élevé jamais recueilli dans une élection au Canada parce qu'il s'est présenté dans la plus vaste circonscription qui soit au Canada, dans ce concours de popularité en Alberta. Tout ce que je puis dire à la députée, c'est que si une élection semblable se tenait aujourd'hui dans chaque province, à l'Île-du-Prince-Édouard, le gagnant pourrait obtenir autant de votes que moi.

(1630)

Une voix: Pas autant.

M. Milliken: Le député a dit «pas autant». Je sais qu'il tente de me flatter. On pourrait ensuite aller dans une autre province comme l'Ontario, où le gagnant pourrait recevoir dix fois plus de voix qu'un candidat du Manitoba, de la Saskatchewan ou une autre province, mais le nombre de voix serait beaucoup plus élevé que celui obtenu par Stan Waters en Alberta.

Poussons le raisonnement un peu plus loin. Ces personnes seraient élues au Sénat et ce dernier deviendrait efficace. Il disposerait de tous les pouvoirs dont jouit le Sénat actuel: celui de bloquer tout projet de loi. Nous aurions donc un nouvel organe élu de dix personnes par province disposant du pouvoir de bloquer la volonté des élus de la Chambre des communes.

Que fait-on des principes de la démocratie dans ce cas? Les cinq plus petites provinces pourraient faire échec aux cinq plus grandes s'il y avait un vote égal.

Une voix: Qu'y a-t-il de mal à cela?

M. Milliken: Le député demande ce qu'il y a de mal à cela. Dans une démocratie, c'est normalement la majorité qui l'emporte. Au Canada, nous avons fait certains compromis en accordant un nombre minimal de sièges à certaines provinces sans tenir compte de leur population, en donnant certaines garanties et le reste. Ces exceptions existent au Canada, mais c'est la Chambre des communes qui gouverne le pays, pas le Sénat. En théorie, le Sénat possède un pouvoir illimité, mais en pratique, son pouvoir est très limité. La Chambre des communes a des pouvoirs pratiquement illimités.

Le député sait que les différentes régions sont représentées à la Chambre des communes. Cependant, avec le Sénat triple-E, on veut donner aux plus petites provinces le pouvoir de faire échec aux provinces plus grandes.

Nos vis-à-vis savent sans nul doute qu'il serait inacceptable qu'un quart de la population du Canada puisse empêcher la réalisation des désirs des trois autres quarts. S'ils ne le savent pas, c'est que leur conception de la démocratie est plutôt fantaisiste.

Me suis-je exprimé en termes trop complexes pour mes vis-à-vis?

Le Canada doit être gouverné par un groupe de personnes élues pour représenter leur région selon un quelconque système de représentation égale. Ce que proposent les députés est tout à fait à l'opposé. En dépit de leurs prétentions démocratiques, ils veulent transformer le Sénat en un organisme capable de dominer le système politique Canadien selon des règles des plus antidémocratiques.

Cela me rend très méfiant lorsque j'entends le point de vue des réformistes sur le Sénat triple-E et que je pense au député de Calgary-Ouest, qui s'est allié aux sénateurs conservateurs au sujet du projet de loi C-69, et à la députée de Beaver River, qui voudrait bien un siège au Sénat pour compenser la perte de son siège dans la redistribution. Toutes ces choses me rendent méfiant. Je commence à penser que je suis peut-être paranoïaque ou quelque chose du genre. Cependant, lorsque je parle avec mes collègues, je me rends compte qu'ils partagent tous mon opinion de ce que les réformistes veulent vraiment ici.

Si le député de Calgary-Sud-Ouest était ici, même si je suis certain qu'il est présent en esprit, et s'il devait assumer les fonctions de premier ministre, j'ai ma petite idée sur ce qu'il aurait fait ces dernières semaines s'il avait eu des vacances à combler au Sénat. Je peux voir le député de Nanaïmo-Cowichan au Sénat. Je peux voir le député d'Athabasca au Sénat. Je parie que, si elle avait bien joué ses cartes, la députée de Calgary-Sud-Est aurait peut-être même pu se retrouver au Sénat. Je parie que ce serait une bonne place pour eux. Ce serait tout aussi bien qu'ici sur les banquettes arrières.

La pauvre députée de Calgary-Sud-Est se retrouve maintenant dans la dernière rangée là-bas, avec les députés du Bloc. Pauvre elle! Le député de Mégantic-Compton-Stanstead est de retour après son discours; il peut maintenant parler avec la députée de Calgary-Sud-Est de ce que serait la vie au Sénat. Je suis certain


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qu'ils partagent les mêmes opinions sur l'importance des nominations au Sénat et sur la vie productive qu'ils pourraient mener là-bas après les prochaines élections.

(1635)

Le député de Calgary-Sud-Ouest n'est pas le premier ministre du Canada, et c'est pourquoi nous avons ce débat motivé par l'envie. S'il était le premier ministre du Canada, nous n'entendrions pas toutes ces plaintes au sujet du Sénat. Savez-vous pourquoi? Parce qu'il y aurait des réformistes au Sénat. Ils cesseraient alors de se plaindre.

J'admets que cela n'empêcherait pas le Bloc de se plaindre puisqu'il ne cherche pas à former le gouvernement du Canada. Il est très peu probable que nous ayons des nominations au sein du Bloc qui feraient taire les députés de ce parti.

Je peux assurer à mon collègue de Mégantic-Compton-Stanstead que, si le premier ministre, une fois qu'il y aura une majorité libérale au Sénat, choisit de nommer un de ses collègues au Sénat, il sera d'accord lui aussi pour dire que le Sénat est une institution merveilleuse, que les sénateurs travaillent très fort, et il regrettera toutes les paroles qu'il a dites aujourd'hui. Il retirera ces paroles et s'excusera auprès de ses amis au Sénat pour les choses méchantes qu'il a dites.

J'espère que tous les députés sauront tempérer leurs critiques à l'égard de l'autre endroit dans leurs remarques et dans leurs questions parce que je crois que le Sénat sert bien le Canada.

Le président suppléant (M. Kilger): Étant donné l'intérêt considérable qu'a suscité l'intervention du député de Kingston et les Îles, je tenterai de donner la parole au plus grand nombre de députés possible pendant la période de questions et d'observations.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, nous discutons de cette question depuis des années. J'ai peine à croire que mon collègue tempête et pousse les hauts cris contre un Sénat élu. Je lui demande d'appuyer ou de rejeter la proposition contenue dans la résolution que son parti a présentée à son congrès de 1992 et qui affirmait que le Parti libéral du Canada était en faveur d'un Sénat élu.

En tempêtant comme il le fait, le député ne semble pas se conformer à la politique de son parti. Son ami, le député d'Etobicoke-Lakeshore pour qui j'éprouve beaucoup de respect, m'a dit plus tôt: «Ça, c'est le passé.»

Ce parti a changé lorsqu'il est passé de l'autre côté de la Chambre. Lorsqu'ils siégeaient dans l'opposition, les libéraux pouvaient dire tout ce qu'ils voulaient. À leur congrès de 1992, bien entendu, les libéraux pouvaient produire tous ces beaux documents puisqu'ils ne formaient pas encore le gouvernement.

La chose qui différencie mon parti du parti de mon collègue, c'est que, lorsque nous tenons une assemblée et que les délégués votent sur la politique du parti, les députés risqueraient gros en votant contre cette politique, car c'est la population qui a le dernier mot. Je ne pourrais jamais siéger à la Chambre des communes et revenir sur mes positions, une fois que je ferais partie du gouvernement, en affirmant que la situation est maintenant bien meilleure. Le député appuie-t-il ou rejette-t-il cette résolution?

Il a parlé davantage de moi que du Sénat. Je n'ai pu m'empêcher de l'entendre réfléchir à haute voix et se demander si je voulais obtenir un siège au Sénat en raison de la modification des limites de la circonscription de Beaver River.

Je tiens à préciser ouvertement que si jamais je siégeais au Sénat du Canada, ce serait en tant qu'élue. J'y siégerais de façon démocratique et légitime et j'y exercerais un mandat. Je n'aurais pas été nommée au Sénat par un valet du parti.

Mon collègue disait également qu'il pourrait y avoir des réformistes au Sénat. Il y en aura sans doute, mais ceux qui y siégeront auront été élus et n'auront pas été nommés pour services rendus. Ce n'est pas ainsi que les choses se passeront dans notre cas, quoique le député rêve d'accéder au Sénat de cette façon.

Mon collègue est sans doute un peu déçu que son nom ne figure pas sur la liste des personnes désignées. Plusieurs personnes ont été nommées au Sénat depuis qu'on l'a mis à proximité des portes vitrées. On peut difficilement se trouver plus près de la sortie.

Mon collègue n'a pas pu être nommé au Sénat. Aussi, je me demande s'il serait d'accord avec moi pour reconnaître qu'il est important de ne pas tourner la question de l'élection en dérision et parler de fraude en Alberta. Je me demande s'il reconnaîtrait comme moi qu'on ne doit pas compter sur une nomination politique. Je préférerais me pendre que de me laisser nommer au Sénat sans y avoir été élue légitimement.

M. Milliken: Monsieur le Président, malgré les protestations véhémentes de la députée de Beaver River, je n'ai pas l'intention de me pendre avant d'avoir eu la chance d'accéder au Sénat, ni après d'ailleurs.

(1640)

Pour répondre à sa question, j'appuie la résolution du Parti libéral de 1992. Si j'avais le choix, j'abolirais le Sénat. J'ai remarqué qu'il y aura vendredi un débat sur une motion à cette fin présentée par le député de Kamouraska. J'espère que la députée de Beaver River appuiera cette motion afin que nous puissions nous débarrasser du Sénat pour le moment. Si nous pouvions plus tard nous entendre sur la création d'un Sénat élu, je serais en faveur de ce changement. Il faudra qu'il y ait un certain accord pour en arriver là.

Selon moi, la chose à faire serait de restreindre certains pouvoirs du Sénat, qu'il soit élu ou non, mais la députée de Beaver River et moi-même pourrions nous rencontrer une autre fois pour rediscuter


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de cette possibilité. Je serais très heureux d'avoir une discussion approfondie là-dessus.

À l'occasion du référendum sur l'Accord de Charlottetown, qui nous donnait une chance d'instituer un Sénat élu, j'ai milité activement en faveur du oui.

Mme Grey: C'est mon camp qui a gagné.

M. Milliken: Je suis bien conscient du fait que c'est le camp de la députée, le camp du non, qui a gagné. Mais la députée a eu une chance cette fois-là d'appuyer l'idée d'un Sénat élu et elle a fait campagne contre l'accord. J'ai été conséquent. Mon parti a appuyé un Sénat élu et, malgré ma préférence pour l'abolition, j'ai suivi. J'ai appuyé l'idée d'un Sénat élu dans l'espoir que l'accord soit mis en oeuvre. Par contre, quand la députée de Beaver River a eu une chance d'appuyer l'idée d'un Sénat élu, elle n'a pas osé foncer. Elle a pensé qu'elle n'allait pas appuyer le projet de Sénat élu parce que ce n'était pas si important pour elle.

C'était assez important pour notre parti pour que je sois capable d'appuyer l'accord, et j'ai fait ma part pour promouvoir l'idée d'un Sénat élu. Même si nous avons perdu la bataille, dans Kingston et les Îles, nous avons gagné la guerre.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai ici une photocopie d'un article de Mike Scandiffio, paru dans le Hill Times du 6 février dernier. Je pense que ça intéressera le député:

À court d'argent et jouissant d'une faible cote de popularité, les conservateurs essaient de puiser dans les fonds du Sénat pour reconstruire leur parti et l'emporter sur les libéraux.
Un mémoire de dix pages rédigé par les membres du personnel du Parti conservateur au Sénat, dont le Hill Times a obtenu copie, décrit un plan conçu par les sénateurs et employés du Sénat afin de constituer des groupes de travail dans le cadre d'un «réseau de recherche sur les questions stratégiques» financé à l'aide du budget alloué à chaque sénateur pour la recherche.
Selon ce mémoire, les groupes de travail sont censés «fournir de l'aide au leader». . .
le député de Sherbrooke

«et au parti en agissant comme source d'information pour les demandes de renseignements urgentes» ainsi que de «faire des analyses de fond et de faire une contribution au parti».
Je me demande si ça n'explique pas tout. Trêve de plaisanteries, il devrait, en tant que député, exiger que le Sénat rende des comptes, s'il se propose d'utiliser des fonds à d'autres fins que celles pour lesquelles ces fonds avaient été alloués. Selon cet article, il est proposé de détourner des fonds du Sénat pour reconstruire le parti conservateur.

Je demande au député de nous dire, en toute sincérité, s'il ne trouve pas qu'il est important que ce corps élu et légitime de par son élection exige, au nom des Canadiens qui l'ont élu, que le Sénat rende des comptes. Pourquoi est-ce tellement difficile à comprendre? Le Sénat devrait-il être tenu de rendre aux Canadiens des comptes sur l'utilisation qu'il fait des fonds, oui ou non?

M. Milliken: Monsieur le Président, il est bien évident que le Sénat devrait rendre des comptes sur l'utilisation de ses fonds. Je suis très heureux que le député ait posé la question. L'article semble indiquer que les fonds mis à la disposition des sénateurs conservateurs pour la recherche et à d'autres fins ont été utilisés pour faire de la recherche au nom du Parti conservateur du Canada.

M. Abbott: Pour leurs députés à la Chambre des communes.

M. Milliken: Ou pour le Parti conservateur du Canada. Les sénateurs ont un budget de recherche, comme nous, et ils ont le droit d'utiliser cet argent dans un but politique, tout comme nous.

Dans mon bureau, je peux élaborer des déclarations politiques destinées à être utilisées par le Parti libéral du Canada, si je le veux. Je peux utiliser mon personnel de la Chambre des communes dans ce but, tout comme le député peut le faire.

Je voudrais vous citer quelques exemples. Il y a le cas d'un ancien candidat réformiste qui travaille pour un député du Parti réformiste, mais qui était ici avant de se présenter comme candidat. C'était un candidat en attente. C'est comme un steak congelé. Vous le sortez lorsqu'il y a une élection et vous commencez à le préparer. Ensuite, lorsque l'élection a été perdue, vous le remettez dans le congélateur. C'est ce qui est arrivé avec un des leur.

(1645)

Ensuite le Parti réformiste dépense 30 000 $ de l'argent des contribuables, somme obtenue grâce à des dons au parti, pour acheter des costumes à son chef. Est-ce qu'on pense que ceux qui ont contribué au Parti réformiste imaginaient que ces 30 000 $ allaient servir à acheter des costumes pour le député de Calgary-Sud-Ouest? Est-ce que c'est ça rendre des comptes? Qu'on nous en parle un peu.

Si la redditon de comptes inquiète tellement le député, pourquoi ne nous parle-t-il pas de la voiture que le parti fournit à son leader? Lorsqu'il a rendu les clés de la voiture officielle qui lui avait été fournie par la Chambre des communes, il a pris une voiture du parti et déclaré que ce n'était pas financé par les contribuables. Mais n'oublions pas que sur 100 $ de cotisation à un parti politique, l'État rembourse 75 $, ce qui fait que c'est encore la population qui paie pour cette voiture. Tous les autres doivent contribuer davantage parce qu'il y a eu ces 75 $ de crédit d'impôt pour la première tranche de 100 $.

Le député dit que c'est une réclamation imposable. Mes chiffres sont exacts. Si une personne donne 100 $ au parti, elle reçoit un crédit d'impôt de 75 $. Cela vient des poches du contribuable tout comme n'importe quelle autre déduction.

Je sais que le député de Kootenay-Est est heureux de m'avoir posé cette question. Je suis d'accord avec l'obligation de rendre des comptes. Je pense que les gens doivent rendre des comptes. Son parti devrait reconnaître honnêtement ce qu'il fait avec l'argent des contribuables, tout comme nous le faisons.

Le président suppléant (M. Kilger): En conformité de l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions


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qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir: le député de Notre-Dame-de-Grâce-Le terrorisme; le député de Labrador-L'industrie minière.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, c'était intéressant d'écouter l'intervention du député de Kingston et les Îles et très divertissant. Il y a actuellement dans les salles de cinéma un film qui connaît un grand succès et qui s'appelle «Tornade». Il est également très divertissant, et j'y vois une similarité. En effet, après avoir passé deux heures à se distraire, tout ce que les spectateurs ont fait, c'est dépenser de l'argent pour voir beaucoup de vent.

Depuis qu'il siège à la Chambre, le Parti réformiste parle de la nécessité de modifier notre système parlementaire. Nous avons parlé de la nécessite de modifier le Sénat.

Il y a ici beaucoup de députés bloquistes, quelques libéraux et quelques néo-démocrates qui recommandent l'abolition du Sénat. D'un océan à l'autre, les Canadiens reconnaissent que le Sénat n'est rien d'autre qu'un repère peuplé de gens nommés par favoritisme politique. Cela dure depuis longtemps et cela ne plaît pas aux Canadiens. Ils n'en ont pas pour leur argent. Ils reconnaissent que cela n'est rien d'autre qu'une occasion de rembourser les partisans politiques pour les faveurs reçues et ils veulent que cela change.

La solution simple serait d'abolir le Sénat. Cela semble souhaitable. Je peux comprendre pourquoi les députés de l'Ontario et du Québec seraient satisfaits de cette solution. Ils ne sont pas confrontés aux problèmes des régions plus éloignées du Canada où la représentation en fonction de la population signifie que bien des décisions politiques les laisseront vulnérables. Le Sénat est le moyen d'assurer un équilibre régional et une équité pour les régions face à la représentation en fonction de la population.

Les Canadiens comprennent que le Sénat actuel n'assure pas l'équité régionale. Il n'a pas suffisamment de distance par rapport aux mesures prises à la Chambre. Il ne veille pas à ce que tous les projets de loi adoptés à la Chambre soient bien justes pour tous les Canadiens. Ce n'est rien d'autre qu'une institution qui permet au premier ministre en poste d'accorder des sièges à ses amis politiques. Les contribuables canadiens doivent, à toutes fins utiles, supporter ces gens pendant toute leur vie. On n'en sort pas.

Le Parti réformiste a reconnu, il y a longtemps déjà, que le Sénat n'était pas efficace. Au lieu de proposer la solution simpliste de l'abolition, nous disons que nous devons le modifier, comme nous devons modifier la Chambre pour qu'elle fonctionne.

(1650)

Nous avons parlé de la révocation de députés. Nous avons parlé de référendums. Nous avons parlé d'ouvrir le processus parlementaire canadien, tant à la Chambre des communes qu'à la Chambre haute, pour que le régime soit plus démocratique et pour avoir une façon de faire plus démocratique. Nous avons dit que le fonctionnement actuel du Parlement est ni plus ni moins une dictature démocratique.

Une vague de démocratie déferle tous les quatre ou cinq ans, lorsque les Canadiens se rendent aux urnes pour élire un nouveau gouvernement. Nous ne faisons qu'élire notre prochain dictateur. Celui qui devient premier ministre au sein d'un gouvernement majoritaire, ce qui est le cas la plupart du temps, devient pratiquement un dictateur pendant les quatre ou cinq années suivantes.

Le premier ministre exerce un pouvoir sur le Cabinet parce qu'il nomme et congédie ses ministres. La loyauté consiste à veiller à ce que la volonté du premier ministre soit faite dans ce petit cercle fermé de ministres influents.

Le premier ministre a tout intérêt à ce que le Sénat demeure inchangé, car cela lui permet de récompenser ses copains politiques. Cela lui permet également de faire croire aux Canadiens qu'il existe un endroit de réflexion sur des projets de loi qui sont adoptés à la Chambre. En réalité, le Sénat ne fait que les approuver automatiquement.

Cependant, les choses commencent à changer. Les Canadiens exigent que des modifications de fond soient apportées au fonctionnement de la Chambre des communes et du Sénat. Je dis pour la gouverne des députés d'en face que toute personne en politique au Canada aujourd'hui qui ne reconnaît pas cela et n'est pas prêt à l'accepter n'y sera pas pour longtemps. C'est le changement qui s'amorce au Canada et qu'exigent les citoyens ordinaires.

Le mouvement prend de l'ampleur dans tout le pays. Je sais qu'il y aurait certains députés de certains partis à la Chambre qui vont être entraînés par ce vent de changement, contre leur gré, ça s'en vient.

Le député de Kingston et les Îles a dit à propos du Sénat qu'un premier ministre avait nommé un sénateur réformiste. Dire qu'il s'agissait d'une nomination politique, c'est manquer d'égards envers la mémoire de Stan Waters, un grand Canadien qui a postulé une charge publique, qui a posé sa candidature à un poste de sénateur et qui a été élu par plus d'un quart de millions d'électeurs albertains.

Je ferai savoir au député de Kingston et les Îles que si Stan Waters vivait encore aujourd'hui et l'entendait dénigrer son élection au Sénat, le connaissant bien et connaissant bien sa manière de faire, il lui donnerait une bonne correction, car c'est comme ça que Stan Waters était.

À propos de l'accord de Charlottetown les députés d'en face nous tiennent à peu près ce langage: «Méchants réformistes, vous prônez un Sénat triple-E, mais quand vous avez eu l'occasion de voter pour un tel Sénat vous l'avez refusée en rejetant l'accord de Charlottetown.»

Je signalerai aux députés d'en face que les Canadiens ne sont pas des sots. Ils ont compris depuis longtemps que l'accord de Charlottetown n'avait pas trait à la création d'un Sénat triple-E. Il n'était pas question d'élire les sénateurs. On offrait aux premiers ministres provinciaux-non pas au premier ministre-la possibilité de nom-


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mer des sénateurs, mais il n'y avait pas obligation de procéder par la voie d'élection.

Il n'y était pas vraiment question d'un Sénat efficace, parce que l'accord de Charlottetown ne prévoyait aucune disposition accordant au Sénat un droit de regard sur de nombreux aspects des mesures législatives que nous, de ce côté-ci de la Chambre, sommes d'avis que le Sénat devrait être en mesure de contrôler.

Au moment de cet accord, on a demandé aux Canadiens et aux réformistes d'acheter chat en poche, autrement dit de tout accepter les yeux fermés. On nous a dit: «Si vous voulez un Sénat triple-E, vous l'aurez, mais seulement si vous votez pour l'accord de Charlottetown.» Or, il n'était pas du tout question d'un Sénat triple-E.

(1655)

Au lieu d'un Sénat triple-E, il s'agissait d'un Sénat à un E et demi, ce qui ne voulait pas dire que nous étions en voie d'atteindre notre objectif. Cela signifiait simplement que nous aurions amélioré légèrement un système lamentable.

On a également dit aux Canadiens que l'accord de Charlottetown conférerait au Québec un statut de société distincte. On a dit qu'un des cinq éléments fondamentaux de l'accord de Charlottetown était le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des autochtones. C'est pour ces raisons que de nombreuses régions du Canada ont rejeté l'accord. Ce n'est pas à cause de dispositions extrêmement limitées prévoyant des modifications au Sénat que l'accord a été rejeté, mais pour d'autres raisons.

Le gouvernement s'empresse de mettre en oeuvre les aspects de l'accord de Charlottetown qui soulevaient pourtant l'opposition des Canadiens partout au pays. À peine arrivé au pouvoir, le gouvernement a modifié sa position et déclaré qu'il reconnaissait le droit inhérent des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale. C'était pourtant un des principaux éléments de l'accord de Charlottetown que les Canadiens avaient rejeté. Les libéraux ont décidé que nous allions l'accepter bon gré mal gré.

L'an dernier, le gouvernement a reconnu le statut de société distincte du Québec, alors que la population du reste du Canada l'avait rejeté au cours du référendum sur l'accord de Charlottetown. Si les libéraux peuvent mettre en oeuvre d'autres aspects de l'accord de Charlottetown contre la volonté des Canadiens, pourquoi ne décident-ils pas de modifier le Sénat?

Selon la circonscription où ils habitent, 80 à 85 p. 100 des Canadiens d'un océan à l'autre souhaitent voir apporter des changements au Sénat. Ils comptent y voir apporter des changements. Ils exigent qu'on y apporte des changements. Durant sa campagne électorale, le gouvernement avait laissé entendre qu'il apporterait des changements, qu'il croyait en un Sénat élu.

Nous avons la réalité sous les yeux. Il avait beau promettre des changements pendant la campagne électorale. Ce moment-là est passé. Il n'y aura pas de Sénat élu. L'espoir de changement qu'entretenaient les Canadiens a été brisé par les propos que les députés d'en face ont tenus aujourd'hui. Il est devenu évident que le gouvernement, le Parti libéral, n'a absolument aucune intention de changer les règles pour faire élire les sénateurs. Il l'a démontré très clairement.

Il y avait un livre bien populaire il y a plusieurs années. Je ne puis m'en rappeler l'auteur, mais je m'en rappelle une des phrases: le pouvoir est rarement sinon jamais donné, mais presque toujours pris. Nous, du Parti réformiste, sommes venus à Ottawa parce que nous voulions que le pouvoir énorme qui est centralisé dans le cabinet du premier ministre soit en quelque sorte dispersé et démocratisé de sorte que davantage de pouvoir se retrouve entre les mains des Canadiens ordinaires.

Un élément important de cet objectif consiste à faire en sorte que les Canadiens aient le droit d'exiger des comptes du Sénat, pour lequel ils paient 40 millions de dollars. Ils devraient en obtenir des comptes dans une certaine mesure. Il devrait y avoir moyen de s'assurer que les sénateurs font ce que les électeurs souhaitent plutôt que ce que veut le premier ministre.

Je répète qu'un parti politique ou un représentant politique qui ne reconnaît pas son obligation de rendre des comptes et qui n'est pas disposé à le faire à l'avenir ne reconnaît pas, non plus, les changements fondamentaux dont a besoin notre système et court à sa perte. C'est ce qui devrait arriver très bientôt, et les électeurs n'accepteront rien de moins.

Les députés libéraux ont beau nous dire à quel point ils croient en la démocratie et veulent tenir leurs promesses, ce n'est tout simplement pas le cas. Ils ne croient pas en la démocratie. Ils déforment tout ce qu'on dit. Ils déforment tout ce qu'ils promettent. Ils sont prêts à tout pour éviter d'apporter les changements qui s'imposent. Ils sont prêts à tout pour éviter le Sénat triple-E, car cela nuirait aux intérêts de leur parti et aux intérêts du premier ministre. Par contre, cela favoriserait les intérêts de la population canadienne.

(1700)

Je le répète, les Canadiens ne se contenteront plus de regarder la situation se détériorer. Il y aura des élections l'an prochain ou dans deux ans, peut-être même à l'automne. À mon avis, deux des grands enjeux de la prochaine campagne électorale seront liés à l'opinion des Canadiens quant à la nature démocratique du processus et à la façon dont ils sont représentés à Ottawa.

Lorsque je me rends au Canada atlantique, je discute avec les pêcheurs. En tant que porte-parole de mon parti en matière de pêches, je discute énormément avec les pêcheurs. Ceux-ci me disent que leurs élus ne partagent pas toujours l'avis du ministre au sujet de certaines politiques. Les électeurs que ces députés sont appelés à représenter ne sont pas d'accord, eux non plus, avec la politique du ministre. Cependant, leurs députés n'osent pas revenir à Ottawa et s'opposer au ministre, par crainte de représailles. Au cours des six ou sept dernières semaines, nous avons vu le premier ministre distribuer les sanctions avec éclat.


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Nous avons pu voir éjecter en moins de temps qu'il faut pour le dire un député libéral qui voulait que les promesses électorales soient tenues et qu'on réponde aux voeux de ses électeurs.

La représentation est une question de plus en plus importante pour les électeurs canadiens. Ils ne veulent plus se contenter du statu quo.

En guise de conclusion, je dirai que les députés libéraux nous font toujours des discours éloquents. On nous explique en termes ronflants que le gouvernement souhaite un processus plus ouvert et plus démocratique. C'est ce qu'on lit dans le livre rouge. C'est ce qu'on entend dans les interviews que les députés libéraux accordent aux médias à l'occasion. La réalité, je le dis à tous ceux qui nous écoutent, c'est qu'il n'y a aucun engagement réel à cet égard. Le gouvernement ne tient pas à remettre le statu quo en question. Seule l'élection d'un gouvernement réformiste permettra de progresser.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec intérêt que j'ai écouté les observations du député de Kingston et les Îles qui renvoient directement à la nécessité de procéder à la réforme institutionnelle dont mon collègue vient de parler.

Il est tout particulièrement intéressant de constater que, comme on peut le lire à la page 2595 du hansard du 24 septembre 1991, le premier ministre a dit ceci:

Les régions du Canada doivent participer plus activement à la prise de décisions et à l'élaboration des mesures au niveau national. Pour satisfaire aux aspirations des Canadiens de l'Ouest et de l'Atlantique et pour réaliser leurs rêves, il est essentiel de réformer le Sénat. À cette fin, il nous faut un Sénat élu, efficace et équitable.
Mon collègue conviendra sûrement que le député de Kingston et les îles ne sait même pas ce que le premier ministre avait au moins l'habitude de dire.

Je viens juste de m'entretenir au téléphone avec un monsieur de Calgary, Glen Schey. Contrairement à ce que les libéraux voudraient nous faire croire, ce n'est pas là une invention des réformistes. Voici le texte de la pétition que cette personne est en train de faire circuler:

Nous, Albertains, demandons que Jane Forest démissionne de son poste de sénateur. Nous demandons aussi que, conformément à la loi provinciale, le gouvernement albertain tienne des élections pour la remplacer.
Je lui ai dit que cette pétition, telle que formulée, ne pouvait malheureusement pas être présentée à la Chambre des communes. Toutefois, les libéraux devraient savoir que les Albertains et, en fait, si j'en juge par mes nombreux entretiens avec des hauts fonctionnaires gouvernementaux, les Ontariens estiment qu'il est temps que le gouvernement prenne ses responsabilités.

Il semble qu'un mouvement populaire se dessine effectivement en Alberta, dans les Maritimes et en Ontario pour qu'on restreigne le Sénat, surtout en ce qui concerne ses 40 millions de dollars de dépenses. Qu'en pense mon collègue?

(1705)

M. Scott (Skeena): Monsieur le Président, les Canadiens d'un océan à l'autre sont mécontents du statu quo. Ils veulent des changements considérables.

Ils sont mécontents que le Sénat soit, pour les bénéficiaires de nominations politiques, un refuge qui est foncièrement antidémocratique et qui dispose d'un énorme budget. Ils savent que les sénateurs voyagent partout dans le monde aux frais de la princesse, sans rendre de comptes aux électeurs ni à personne. Nous voulons qu'ils rendent des comptes à la Chambre, et le député de Kingston et les Îles dit que nous n'avons pas le droit d'exiger cela.

À qui les sénateurs rendent-ils des comptes lorsqu'il est question de leur budget? Ont-ils des comptes à rendre au premier ministre? Ils n'ont pas de comptes à rendre aux électeurs parce qu'ils n'ont jamais été élus et qu'ils n'ont pas à briguer de nouveau les suffrages.

Les Canadiens sont très mécontents de cela. Il est décevant pour les Canadiens d'entendre le premier ministre faire des promesses et des déclarations sur les changements à apporter au Sénat. Ils lisent ensuite le livre rouge et entendent des déclarations comme celle qu'a faite le député de Kingston et les Îles cet après-midi, et tout cela est contradictoire.

Cela rappelle ce que le Parti libéral a fait pendant des générations au Canada, c'est-à-dire faire des promesses puis changer d'idée. Nous devons continuer d'évoluer; les promesses changent toutefois avec le temps, et l'horrible réalité ressurgit.

Je suppose que, comme la Reine Rouge, les libéraux peuvent interpréter à leur guise les promesses du livre rouge. Le premier ministre peut changer d'avis deux ou trois fois en un mois et il semble s'en tirer. Mais je ne pense pas que cela puisse fonctionner dorénavant. Cela n'a certainement pas été le cas en ce qui concerne la TPS. La députée de Hamilton a dû démissionner parce qu'elle n'a pas tenu ses promesses. Depuis 18 mois, je me suis entretenu avec des Canadiens d'un océan à l'autre, et ils me disent qu'ils veulent de véritables changements au Sénat. Ils ne sont pas satisfaits du statu quo.

Pour répondre à mon collègue du Parti réformiste, je dirai qu'ils ne regarderont pas passivement la Chambre haute dilapider 40 millions de dollars par année sans avoir à rendre de comptes et qu'ils n'accepteront pas qu'elle ne soit rien d'autre qu'un endroit où le premier ministre en fonction peut placer ses amis.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, depuis ce matin j'entends des députés réformistes discuter de cette motion extrêmement importante relativement aux dépenses du Sénat et au sujet desquelles il refuse de témoigner devant le Comité permanent des opérations gouvernementales. C'est extrêmement important et il faut que les Canadiens le sachent.

Depuis ce matin j'entends les réformistes dire qu'on ne peut pas contrôler les dépenses du Sénat, qu'il ne veut pas rendre des comptes quant aux 40 millions de dollars qu'on lui accorde. Soit dit en passant, selon le rapport du vérificateur général de 1991 on


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devrait plutôt parler de 54 millions parce qu'il y a des dépenses qui s'ajoutent aux 40 millions. Ils disent aussi que le Sénat est un nid à patronage, une nomination à un poste de sénateurs équivaut à une récompense politique.

Ma question est la suivante, dans ce cas-là pourquoi le Parti réformiste ne prône-t-il pas l'abolition pure et simple du Sénat tout comme le fait le Bloc québécois? C'est la question que je me pose.

[Traduction]

M. Scott (Skeena): Monsieur le Président, peut-être le député n'était-il pas ici pendant toute mon intervention. Je vais donc la résumer pour lui être utile.

Le député vient d'une province qui compte environ sept millions d'habitants. Je viens d'une province qui en compte environ trois millions. Il y a des provinces au Canada qui comptent seulement quelques centaines de milliers d'habitants. Dans un système démocratique où les circonscriptions électorales des députés sont délimitées en fonction du nombre d'électeurs, certaines provinces et certaines régions sont sous-représentées.

(1710)

Je voudrais expliquer à l'aide d'un exemple comment les forces politiques puissantes du centre du Canada peuvent jouer contre les intérêts régionaux. Au cours des années 1970 et au début des années 1980, le gouvernement libéral dirigé par Pierre Trudeau manquait d'argent. Il s'est tourné vers l'Alberta et la Colombie-Britannique où il a vu la possibilité de puiser à même les ressources énergétiques pour renflouer ses caisses. Si les députés s'en souviennent bien, les prix de l'énergie étaient alors en hausse.

L'Alberta et le nord-est de la Colombie-Britannique possèdent d'immenses réserves de gaz et de pétrole. Ils mettaient constamment de nouveaux gisements en exploitation. Le gouvernement fédéral a adopté un programme énergétique national.

Ce programme n'était rien d'autre qu'une mainmise légalisée sur les réserves de pétrole et de gaz de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Il n'y avait pas alors de Sénat capable de revoir la loi pour protéger les intérêts des deux provinces touchées contre les visées des forces politiques centrifuges à Ottawa, en Ontario et au Québec. C'est pourquoi j'ai peur pour l'avenir de la Confédération, pour l'avenir du Canada en tant que pays comptant 10 provinces égales vivant en harmonie si nous n'avons pas de Sénat.

Nous verrons un jour un autre gouvernement fédéral, peut-être même le gouvernement actuel-qui a déjà eu des idées assez farfelues-, élaborer un autre plan aussi idiot que le programme énergétique national. Ce plan sera imposé de force à une région du Canada qui n'en voudra pas. Cela provoquera de l'agitation et un sentiment de mauvaise volonté et il se pourrait même que d'autres provinces parlent sérieusement de séparation.

Il est important de réformer le Sénat pour préserver l'unité nationale.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, je veux d'abord vous aviser que je partagerai mon temps avec le député de Berthier-Montcalm, qui parlera un peu plus tard d'ici la fin.

Les députés du Bloc n'appuient pas régulièrement des motions parrainées par le Parti réformiste. Cette proposition en est une minimale, parce que nous, comme le député de Berthier-Montcalm l'a rappelé tout à l'heure, nous sommes en faveur de l'abolition Sénat.

Ce que dit le député du Parti réformiste qui a proposé la motion, c'est qu'il faut soumettre le contrôle des dépenses, l'examen des dépenses à cette Chambre, afin qu'elles soient connues du public le plus possible. Cela nous apparaît un minimum, parce que le vérificateur général s'est penché sur le sujet et a soumis un très grand nombre de recommandations, et j'en parlerai tout à l'heure. Il y a 27 recommandations au total qui sont toutes sensées.

Dans le contexte de la réduction des dépenses à laquelle tous les citoyens s'attendent au Canada actuellement, face à la dette publique qui continue d'augmenter et qui atteindra bientôt 600 milliards de dollars, on se dit qu'il faut couper quelque part.

Or, le Sénat n'est soumis à aucune règle coutumière ou habituelle des ministères. Donc, aux yeux des citoyens, ça rend les activités du Sénat un peu moins crédibles. Ce que le vérificateur proposait était plein de sens, à notre avis, et il a soumis toute une série de recommandations. Mais ce que propose le député du Parti réformiste est aussi un autre bon moyen, celui de présenter un rapport ici en Chambre pour que les gens puissent l'examiner.

Mais la question, à mon avis, se pose autrement. Un Sénat, pourquoi faire? Premièrement, j'ai demandé à des électeurs de mon comté encore dernièrement ce que le Sénat voulait dire pour eux. Les gens disaient qu'ils ne le savaient pas trop.

(1715)

Ils ont d'ailleurs demandé qui était le sénateur qui représentait leur secteur ici? Cette question me fut posée il y a quelque temps, et je sais maintenant qui est ce sénateur parce que je me suis informé. Je ne veux pas m'en prendre aux personnes qui accomplissent ce travail, ce n'est pas l'objet de la question, mais les électeurs de mon comté ne connaissaient pas le nom du sénateur qui les représentait ici.

Je suis allé visiter une classe de jeunes, à un moment donné, et je leur ai demandé ce que signifiait le Sénat pour eux. «Eh bien oui, on connaît les sénateurs. On les voit souvent.» Comme j'étais un peu étonné, je leur ai demandé de m'en nommer. Ils m'ont alors parlé des joueurs de hockey. Cela vous rappelle-t-il quelque chose, monsieur le Président? Les jeunes, et même les adolescents et les étudiants de cégeps m'ont dit: «Les sénateurs, ce sont les Sénateurs


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d'Ottawa. Ils jouent au hockey. Pas si bien que cela, mais ils s'améliorent. Ils finiront par être bons.» Les jeunes ne sont absolument pas au courant des activités régulières des sénateurs de l'autre Chambre.

Après m'être amusé longtemps à poser la question et après avoir découvert qu'un grand nombre de personnes me donnaient la même réponse, je me suis posé la question à quoi servait le Sénat. Je me suis interrogé sur son mandat.

D'ailleurs, en lisant le rapport du vérificateur général, sa première recommandation était la suivante: il faudrait que le mandat du Sénat et des comités sénatoriaux soit précisé, parce qu'il est confus. Alors, je m'y suis intéressé davantage à la question de savoir à quoi sert le Sénat?

Finalement, on s'est rendu compte que la fonction du Sénat, malgré que ce ne soit pas écrit de cette façon, était de bloquer, d'empêcher l'adoption des projets de loi. En fait, elle est d'examiner les projets de loi adoptés par la Chambre des communes mais, dans certains cas, les bloquer parce que c'est le seul moyen mis à la disposition du Sénat. Par exemple, cela pourrait avoir une certaine utilité, s'il l'avait fait dans le cas du projet de loi C-12 sur la réforme de l'assurance-chômage. Le Sénat s'est servi de ce moyen dans certains cas.

Pourquoi cela arrive-t-il? Parce que les sénateurs sont nommés par le gouvernement. Ils ne sont toutefois plus nommés à vie maintenant, la limite d'âge étant de 75 ans, mais il y a toujours un certain nombre de sénateurs, en raison des droits acquis qui remontent à la fin des années 1960, qui sont là et qui ont plus de 75 ans.

Lorsqu'un nouveau gouvernement est élu, on retrouve au Sénat la majorité de l'ancien gouvernement qui, selon la ligne de parti, a intérêt à bloquer le travail du gouvernement actuel. C'est une partie de saute-mouton qui devient, à mon avis, paralysante, stérilisante. Déjà que nous, du Bloc québécois, comme vous le savez, trouvons que le système fédéral est stérilisant, alors imaginez qu'il y a en plus un autre système qui passe par-dessus et qui ralentit le processus législatif.

Au Québec, constatant cela, à la fin des années 1960, possiblement en 1968, le Conseil législatif a été aboli. Depuis ce temps-là, personne ne s'est plaint au Québec que les lois étaient moins bonnes, moins bien étudiées, moins bien articulées. Pourtant, c'est une dépense de moins. On parle de 42 millions, mais lorsqu'on inclut toutes les dépenses des autres ministères concernés, la dépense est de 54 millions, au sujet desquels la grande majorité des Canadiens ne sait pas à quoi ils servent.

Bien sûr, qu'il y a des gens travaillants parmi eux. Je n'en ai pas contre les personnes, mais, en même temps, certaines années, quand il y a juste 42 ou 45 jours de session, le Sénat siège trois après-midi par semaine, normalement, pour cinq jours de séance de la Chambre des communes. Ce n'est pas un rythme infernal.

Alors, la question fondamentale est de savoir à quoi sert le Sénat. Je dis que, quand les gens ne savent même pas qui sont les sénateurs et qu'ils les confondent avec des joueurs de hockey, il y a des questions à se poser. Il faut absolument remettre ça en question, d'autant plus que le Sénat est dispendieux.

Donc, la motion présentée par le Parti réformiste est extrêmement intéressante et pertinente, puisque, si on allait plus loin, au moins, ce serait une étape de franchie, on examinerait les crédits comme il le faut. L'autre étape serait d'abolir carrément le Sénat pour fins d'économie, ce qui pourrait contribuer à diminuer la dette canadienne.

Là-dessus, je m'interromps pour laisser le temps au député de Berthier-Montcalm d'ajouter ses commentaires.

(1720)

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, la motion devant nous est extrêmement importante. Je pense qu'il vaut la peine qu'on la regarde avec beaucoup d'attention. Cette motion présentée par l'autre parti d'opposition dit ceci:

Que, comme le Sénat n'a pas répondu au message que la Chambre lui a transmis pour demander qu'un représentant du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration vienne témoigner devant le Comité permanent des opérations gouvernementales afin de rendre des comptes sur l'utilisation de fonds publics d'un montant de 40 millions de dollars. . .
La motion est plus longue, mais je pense qu'on connaît le plus important. C'est un peu bizarre que le Sénat ne veuille pas discuter des sommes que la Chambre des communes lui alloue par l'intermédiaire des budgets. Ce sont des sommes extrêmement importantes.

Le système actuel est constitué par la Chambre des communes et à côté, le Sénat. Les contribuables élisent un gouvernement avec une plate-forme, un programme, une idéologie. Ils savent à qui ils donnent mandat de dépenser l'argent et d'administrer une province ou un pays.

Et maintenant, les personnes démocratiquement élues demandent à une institution qui bénéficie de 40 millions de dollars par année, le Sénat, de rendre des comptes à un comité, mais là, c'est lettre morte. Personne ne vient rendre les comptes qu'on veut obtenir. C'est un peu une aberration du système dans lequel nous vivons présentement.

Je pense que dans l'esprit de M. Tout-le-Monde, c'est la Chambre des communes qui détient le pouvoir décisionnel et c'est elle qui doit utiliser les deniers publics. Quand on dit que le Sénat ne veut pas rendre de comptes, qu'il ne veut pas répondre aux questions des députés, c'est peut-être qu'ils ont des choses à cacher. Il y a peut-être des choses que les sénateurs ne voudraient pas que les contribuables sachent. Si on n'a rien à cacher, on y va et on explique le bien-fondé de tout cela.

Je sais que le système est ainsi fait, mais un système peut être amélioré, surtout quand on entend le ministre des Finances dire qu'on est dans une période extrêmement difficile et que tout le monde doit se serrer la ceinture, tout le monde va contribuer. Alors, le Sénat devrait peut-être commencer.

Demandons à nos électeurs si le Sénat est utile. Je peux vous dire que si, demain matin, il y avait un référendum au Québec sur l'opportunité de conserver le Sénat, de part et d'autre, on n'aurait pas à s'interroger sur l'interprétation du résultat, ce serait clair que


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les Québécois et les Québécoises ne veulent pas d'un sénateur qui est là pratiquement juste pour dépenser l'argent des taxes et des impôts.

La motion parle de 40 millions, mais comme je le disais plus tôt, il faudrait plutôt parler de près de 54 millions. Pour le budget de 1990-1991, selon le vérificateur général: «Le total des coûts du Sénat se rapproche davantage de 54 millions de dollars si l'on tient compte du coût des services fournis au Sénat par certains organismes du gouvernement que nous avons estimés à 11,4 millions de dollars.» C'est de l'argent, cela. Et on s'interroge encore à savoir si le Sénat est profitable ou pas, si on doit le garder ou pas. Dans le système où l'on vit à l'heure actuelle, le minimum serait qu'un représentant du Sénat vienne rendre des comptes au Comité permanent des opérations gouvernementales.

Tantôt, je disais que s'ils ne veulent pas rendre de comptes, c'est peut-être qu'ils ont des choses à cacher. Je vais vous révéler certaines petites choses qu'on a apprises par l'intermédiaire des journaux et d'autres informations. Il semble qu'il y a quelques années, en 1992 je pense, les sénateurs ont fait effectuer des rénovations dans le hall d'entrée. Le hall d'entrée n'était pas assez beau, alors ils ont investi dans un hall décoré avec du granit noir, vert, saumon et gris, de l'acajou, etc. C'est très beau, mais cela a coûté 125 000 $.

(1725)

Peut-être que les sénateurs ne veulent pas que la population en général sache cela. C'est peut-être pour cela qu'ils ne veulent pas se présenter devant un comité pour répondre de leurs dépenses.

On se souviendra également du sénateur qui voulait avoir une meilleure vue sur la Colline parlementaire et a décidé de se faire faire un faux plancher dans tout son bureau. Cela aussi c'est des dépenses qu'on ne veut peut-être pas que la population en général connaisse.

Tout à l'heure mon collègue a souligné quelque chose de véridique. C'est vrai que la moyenne, semble-t-il, de jours de session pendant lesquels les sénateurs siègent au Sénat tourne aux alentours de 45 à 50 jours par année. Peut-être que si les sénateurs venaient devant un comité et qu'on leur posait des questions du genre: Comment se fait-il que vous ne siégiez que 47, 45, 50 jours par année et que ça coûte 54 millions? Vous ne trouvez pas que ça coûte cher la journée?

Une voix: Un million par jour.

M. Bellehumeur: Un million par jour de séance. Peut-être que c'est pour cela qu'ils ne veulent pas venir devant le comité pour s'expliquer. Il y a toutes sortes d'autres dépenses: VIA Rail, des déplacements, les points avec lesquels on peut voyager partout au Canada qui sont transférables à n'importe qui. C'est tout cela que les sénateurs ne veulent pas qu'on sache.

Mais tout cela pourquoi? Pourquoi un Sénat? On est 295 ici. On est dans un pays surgouverné: fédéral, provincial, municipal, scolaire, ecclésiastique. Où met-on le Sénat? Ecclésiastique? Monsieur le Président, vous riez, mais le gouvernement de Terre-Neuve, présentement, se rend compte que les Églises ont encore un pouvoir sur certaines personnes. Il y a des élus, mais le Sénat, dans tout le système, on le met où? Je pense que c'est de trop.

Comme le disait mon collègue tout à l'heure, c'est rare que le Bloc appuie les motions que présente le Parti réformiste. Je vais vous dire: à ma connaissance, depuis 1993, je pense que c'est la seule fois, mais on reconnaît les bons coups. Je pense que c'est une motion extrêmement importante. Je vois que mon temps file et j'arrêterai ici.

Vu l'importance, justement, de cette motion, je suis persuadé que si vous le demandiez, vous obtiendriez le consentement unanime de cette Chambre pour que cette motion fasse l'objet d'un vote et on pourrait ainsi se prononcer. En conséquence, je propose:

Que cette motion fasse l'objet d'un vote.
Le président suppléant (M. Kilger): Y a-t-il le consentement unanime de la Chambre?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Il n'y a pas de consentement unanime.

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, bien que sa demande ait été rejetée, les gens ont le droit de savoir pourquoi mon collègue de Berthier-Montcalm proposait que cette motion fasse l'objet d'un vote. Puisqu'il s'agissait de crédits, j'aimerais qu'il m'explique les raisons qui l'ont amené à présenter cette demande.

M. Bellehumeur: Monsieur le Président, je trouve cela un peu déplorable. Je suis surpris que les partis d'opposition soient d'accord pour que cette motion fasse l'objet d'un vote mais que les amis libéraux d'en face, que le gouvernement refuse que cette motion extrêmement importante le soit. C'est important de savoir où sont allés les 54 millions de dollars dépensés en 1991. C'est important de savoir pourquoi les sénateurs ne veulent pas venir s'expliquer devant un comité.

Je m'explique fort mal que les députés libéraux sortent de derrière les rideaux pour venir voter contre cette proposition. Je pense qu'on aurait pu avoir un consentement unanime. On aurait pu voter et cela aurait donné une indication aux contribuables canadiens que oui on est dans une période difficile, oui tout le monde va contribuer, mais ceux qui bénéficient d'argent, des taxes et des impôts, devront au moins venir s'expliquer devant les élus, devant ceux qui représentent le peuple, parce que ce ne sont pas les sénateurs mais les élus, ceux qui siègent à la Chambre des communes, qui représentent la population. Ils ont un mandat clair. Ce sont eux, les vrais représentants. Ce n'est pas la Chambre de l'autre côté.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 30, il est de mon devoir de faire savoir à la Chambre que les délibérations relatives à la motion sont terminées.

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[Traduction]

Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________


3110

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LES DÉLINQUANTS DANGEREUX

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 25 mars, de la motion.

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'intervenir sur la motion M-116 aujourd'hui. Je remercie la députée de Surrey-White Rock-South Langley d'avoir présenté cette motion à la Chambre. Je suis heureuse également d'avoir l'occasion de faire connaître à la Chambre certaines des préoccupations de mes électeurs sur des questions liées à la justice.

Nous débattons maintenant des crimes plus graves que constituent les agressions sexuelles. Si les études sur la criminalité ne font pas erreur, seulement 10 p. 100 des agressions sexuelles sont déclarées à la police. Évidemment, une agression sexuelle, c'est plus qu'un crime. Ce sont des gens qui sont victimes des agressions sexuelles, et ces personnes, leur famille et leurs amis risquent d'être marqués pour la vie.

La population de Guelph-Wellington se réjouit des efforts déployés pour réduire la criminalité, punir les criminels et soutenir les programmes de prévention du crime. Elle sait que la prévention signifie plus de prisons. La prévention de la criminalité signifie dissuader les gens de commettre un crime, et renforcer les gens, les familles et les collectivités.

Parmi les facteurs propices à la criminalité, on compte une vie familiale déréglée, la violence au foyer, l'analphabétisme, la consommation excessive d'alcool et de drogues, le chômage et la pauvreté. Certes, la population de Guelph-Wellington veut que des programmes soient créés pour trouver une solution à ces problèmes, mais elle demande aussi que le gouvernement soit plus sévère envers les criminels et qu'il renforce les programmes de soutien des victimes de crimes.

Le présent débat porte sur les agressions sexuelles. Si cette motion est adoptée, tous les délinquants sexuels condamnés seront envoyés dans un établissement pour subir un examen approfondi par deux psychiatres. Je crains que cela ne crée un système inefficace et coûteux et que ce ne soit là une mauvaise utilisation de nos ressources limitées.

J'appuie cependant toute mesure législative qui, selon moi, améliorerait notre système de justice. Par exemple, j'ai voté en faveur d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui visait à abroger l'article 745 du Code criminel parce que je sais que mon service de police appuie cette mesure, tout comme, je crois, la grande majorité de mes électeurs.

Plus tôt ce mois-ci, j'ai voté en faveur du projet de loi C-217, une mesure législative visant à protéger les témoins dans les affaires d'agression sexuelle. J'ai demandé au premier ministre et au ministre de la Justice d'être plus sévères à l'endroit des récidivistes et de permettre les peines consécutives pour les crimes avec violence. Le message que doit faire passer le gouvernement, c'est que nous ne tolérerons pas la criminalité.

La prévention du crime est l'affaire de tous. Dans la circonscription de Guelph-Wellington, des organisations comme Guelph Block Parents, Hospitality Connection, Tough Talk et Guelph Neighbourhood Watch sensibilisent le public, offrent du soutien aux familles et aux pairs et nous rappellent que nous avons tous une responsabilité les uns envers les autres. Nous devons nous occuper les uns des autres. Ces organisations travaillent avec notre service de police, qui est le meilleur au Canada, pour rendre nos localités plus sûres, pour s'attaquer aux causes de la criminalité et pour cerner les problèmes qui peuvent mener à la criminalité.

Il y a deux semaines, j'ai assisté à la première cérémonie de remise de prix pour honorer les agents de police locaux et les leaders communautaires qui s'efforcent de faire de Guelph-Wellington un endroit plus sûr. Nous avons rendu hommage à des sociétés comme la Compagnie d'assurances générales Co-Operators, Guelph Hydro; nous avons honoré des personnes comme T. Sher Singh et Jeff Heymans; des clubs philanthropiques comme le club Kiwanis de Guelph et le club Optimiste de Royal City; des organismes pédagogiques comme le Conseil scolaire du comté de Wellington; des organismes bénévoles comme Enfant Secours et le Senior Peer Advisory Service; des policiers comme les agents Paul Crowe et Rick Devine.

Le message le plus important que nous avons retiré de cette soirée est qu'il faut travailler ensemble pour construire une communauté sûre. Le chef de police de Guelph, Lenna Bradburn, ne peut y arriver seul, non plus que les agents Tom Gill et Dave Johnson. La compagnie State Farm Insurance et les organismes Parents-Secours ne peuvent non plus réussir tout seuls. Nous avons tous et chacun la responsabilité de travailler en famille, avec nos collègues de travail et au sein de nos communautés pour réduire la criminalité.

(1735)

Le gouvernement a promis de déposer un projet de loi sur les criminels qui présentent des risques élevés. Je m'en réjouis et j'attends le dépôt de cette mesure. La population de Guelph-Wellington attend des mesures concrètes. Les gens appuient leur gouvernement lorsqu'il travaille pour eux. Nous pouvons continuer de le faire en adoptant des lois qui répondent aux attentes des gens et qui atténuent leurs craintes. C'est pourquoi j'ai appuyé les projets de loi C-41 et C-37.

Nous pouvons constater chaque jour les effets de la criminalité. M. Yaqub Rahmaty, un membre du conseil exécutif libéral de ma circonscription et propriétaire d'un dépanneur à Guelph a lui-même été victime de deux vols. Il a eu peur.

On estime que la criminalité coûte environ 46 milliards de dollars chaque année au Canada. Ces coûts comprennent les services de police, l'hospitalisation des victimes, l'administration des établissements correctionnels et des tribunaux, les coûts associés à la perte de biens, aux services de sécurité et aux fraudes contre les compagnies d'assurance. Et la liste ne s'arrête pas là.

Pourtant, ces coûts ne sont rien comparés aux souffrances engendrées par la criminalité elle-même. Comment établir le coût d'une agression sexuelle? Comment mesurer la douleur causée par la perte d'un enfant victime de violence? On ne pourra jamais évaluer en dollars la souffrance subie par une femme ou par un enfant victimes de violence familiale. Ces actes nous coûtent cher en


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productivité, traumatisme et perte de qualité de vie. Les effets de la criminalité ne se limitent pas qu'au vol d'une voiture ou de bijoux. Imaginons par exemple quel aurait pu être le potentiel de jeunes de la rue victimes de meurtre. La criminalité a des conséquences palpables.

Le gouvernement actuel a fait plus pour répondre aux préoccupations et aux craintes des Canadiens que tout autre gouvernement dans l'histoire. Il a examiné la question des cartes de tueurs en série, créé le Conseil national de la prévention du crime, raffermi la Loi sur les jeunes contrevenants, amélioré l'efficacité des engagements de ne pas troubler l'ordre public, permis la présentation d'information sur les victimes aux audiences de libération conditionnelle, adopté une nouvelle mesure législative sur l'utilisation de tests d'ADN et créé un programme de protection des témoins. J'accueillerai favorablement de nouvelles mesures plus sévères contre le harcèlement criminel ainsi que des mesures imposant de plus longues peines à ceux qui tirent profit de la prostitution enfantine.

D'ici la fin de notre mandat, nous aurons également pris des mesures énergiques contre ceux qui se paient des balades dans des voitures volées, qui commettent des agressions sexuelles ou qui font la contrebande d'armes à feu. Nous aurons amélioré les échanges d'information entre diverses professions, permettant par exemple des échanges entre enseignants et policiers. Nous aurons fait en sorte que ceux qui commettent des actes violents pendant qu'ils sont ivres soient tenus responsables de leurs actes.

Comme je le disais il y a un moment, le gouvernement ne peut pas et ne doit pas travailler seul. En tant que citoyens de ce magnifique pays, nous sommes responsables les uns des autres. Cette responsabilité nous oblige notamment à collaborer pour prévenir la criminalité quand nous le pouvons, punir les criminels en employant toute la latitude que nous donne la loi et veiller sur ceux qui en ont le plus besoin.

Encore une fois, je remercie ma collègue d'avoir présenté cette motion. C'est une idée intéressante mais, dans l'état actuel des choses, je ne peux pas l'appuyer. Je demande au ministre de la Justice de présenter rapidement ses propositions pour contrer les délinquants à risques élevés. Je sais que ses efforts en ce sens répondront aux besoins et contribueront à alléger les craintes des femmes, des hommes et des enfants de Guelph-Wellington et de toutes les autres régions de ce grand pays qui est le nôtre, le Canada.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, la motion qui est devant nous et qui a été présentée par la députée de Surrey-White Rock-South Langley est importante. Elle touche à une préoccupation de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens.

(1740)

Il est important que cette Chambre mesure bien la réponse qu'il convient de donner à ces questions de délits sexuels. La motion de ma distinguée collègue du Parti réformiste veut faire en sorte que dans le cas d'une agression sexuelle grave, la personne coupable soit examinée par deux psychiatres afin de déterminer si cette personne est susceptible de récidiver.

Si cette personne est jugée par les deux psychiatres susceptible de récidiver, cette personne serait alors déclarée délinquant dangereux ou délinquante dangereuse et serait ensuite privée de sa liberté pendant une période de temps aussi longue que nécessaire pour protéger la société totalement.

En fait, la distinguée collègue du Parti réformiste disait le 25 mars 1996 en cette Chambre: «Cette motion répond aux demandes des Canadiens qui en ont assez de voir que notre système judiciaire n'est pas capable de protéger les femmes et les enfants.» Le problème que je vois, c'est que malgré cette bonne intention, cette louable intention, cette nécessaire intention de la députée du Parti réformiste, je crois que sa motion aurait un effet contraire aux objectifs qu'elle poursuit.

Suivez-moi bien. Les psychiatres sont des êtres humains. Ils sont dans un domaine où rien n'est toujours très certain. En mathématiques, un et un font deux. Dans des domaines d'ingénierie, la combinaison de certaines forces résultera en une conséquence prévisible, mesurable. Mais dans le domaine de l'humain, il est rare que l'on voie des spécialistes s'entendre toujours parfaitement. Si la motion de notre distinguée collègue du Parti réformiste était adoptée et si le Code criminel était ainsi amendé, nous serions dans la situation où un juge devrait prendre sa décision en fonction de l'opinion de deux psychiatres. Encore faudrait-il que ces deux psychiatres soient d'accord.

Imaginons pour un instant qu'un des psychiatres dise: «Je crois fermement que cette personne va récidiver.» Mais imaginons que l'autre psychiatre croie différemment: «Peut-être que cette personne pourrait récidiver, mais je n'en suis pas tout à fait certain. J'ai un doute.» Le juge n'aurait d'autre choix que de ne pas déclarer cette personne délinquante dangereuse.

Dans un domaine aussi difficile à estimer que celui du comportement humain, demander à deux professionnels de la santé psychique de s'entendre sur quelque chose d'aussi radical, fondamental, décisif pour la vie d'une ou d'un agresseur, ce n'est pas évident. De fait, nous avons déjà au Canada, dans le Code criminel, des lois qui, si elles sont appliquées correctement, devraient donner les résultats nécessaires pour assurer la protection de la population. Mais encore faut-il qu'elles soient correctement appliquées. Faire davantage de lois qui ne seraient pas correctement appliquées ne règle pas le problème. Pire, faire des lois qui rendre plus complexes, plus délicates l'application de ces lois ne peut avoir comme résultat qu'une mauvaise administration de la justice.

(1745)

Actuellement, de par les lois, la procédure pour faire déclarer un délinquant dangereux fonctionne bien. L'article 753 du Code criminel permet au tribunal de déclarer délinquant dangereux, l'individu trouvé coupable d'une infraction qui constitue un sévice grave à la personne. Il peut évidemment s'agir d'une infraction à caractère sexuel. Et toutes ces infractions sont énumérées à l'article 752 du Code criminel.

Mais c'est le juge qui a cette responsabilité, c'est lui qui doit évaluer les rapports des spécialistes de la médecine psychique et les rapports d'autres spécialistes. Ce ne sont pas les psychiatres qui


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prennent une décision, pire encore qui doivent être unanimes dans leur interprétation d'une situation.

Une fois qu'un prévenu est trouvé coupable de l'un ou l'autre des infractions prévues à l'article 752, le tribunal entend la preuve présentée par la Couronne, base sa décision, entre autres, sur l'incapacité de l'individu à se contrôler, son indifférence marquée vis-à-vis ses actes et enfin, bien sûr, sur la brutalité du comportement dont il est question, que des normes ordinaires de restriction de liberté ne suffiraient pas à contenir.

Une fois la décision du tribunal rendue, la loi fait en sorte que le tribunal déclare le délinquant dangereux et lui impose, au lieu de toute autre peine, une sentence de détention pour une période indéterminée. La loi est là. La population peut être correctement protégée par cette loi. En fait, il s'agit d'une des sentences les plus sévères qu'un tribunal puisse imposer. Mais encore là, c'est le tribunal et le juge qui prennent cette décision, pas des psychiatres.

Maintenant, il faut aussi évaluer dans le concret, sur le terrain, comment les choses se passent. Au Québec, en 1994, nous n'avons eu qu'un seul délinquant dangereux. Et on vient tout juste, en 1996, d'en déclarer un autre. C'est en Ontario et dans les provinces de l'Ouest que se trouvent la plus grande majorité de ces détenus.

Pourquoi y a-t-il une divergence entre les comportements au Québec et dans les autres provinces du Canada? C'est-je dirais que c'est le noeud de mon intervention-que le Québec a mis l'accent sur la prévention plutôt que sur la rectification. Dans ce genre d'agressions, punir après le fait pour protéger le reste de la société ne règle pas et ne répare pas le préjudice subi, le sévice causé à la personne qui a été la première victime. Ce qu'il faut faire, c'est d'abord et avant tout de réduire le nombre de ces premières victimes.

Depuis plusieurs années déjà, le Québec s'est doté d'un système médico-légal efficace pour affronter cette problématique de la clientèle judiciarisée, incluant celle des délinquants dangereux. Ce système fonctionne bien et les malades souffrant de troubles mentaux reçoivent des traitements psychiatriques adéquats. Somme toute, l'initiative québécoise est une solution au problème canadien, une solution déjà mise en pratique et qui a fait ses preuves.

Je suggère humblement que plutôt que d'investir dans des processus législatifs complexes dont les résultats, je le mentionnais, sont loin d'être ceux que l'on pourrait espérer, on devrait investir davantage dans la prévention et dans le traitement de ces délinquants dangereux, dans un traitement qui amène le système médical à coopérer avec le système légal.

(1750)

L'expérience québécoise est une expérience heureuse, une expérience qui fait en sorte que les Québécoises et les Québécois sont en sécurité parce que se retrouvent en place des mesures préventives.

Et je conclurai sur ces mots: en ce domaine comme en bien d'autres, une once de prévention vaut bien des livres de judiciarisation.

[Traduction]

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir donner mon avis sur la motion présentée par ma collègue de Surrey-White Rock-South Langley. Cette motion a pour but de modifier le Code criminel de

façon à prévoir certaines dispositions en ce qui concerne les personnes condamnées pour infraction de nature sexuelle, agression sexuelle, agression sexuelle mettant en cause un enfant et agression sexuelle grave. La motion a pour but de demander que l'individu condamné pour l'une de ces infractions soit examiné par deux psychiatres afin de déterminer si l'individu en question devrait être déclaré délinquant dangereux.

Pourquoi cette motion a-t-elle été présentée pour commencer? C'est parce que le système judiciaire n'a pas été capable ou a refusé parfois de protéger des civils innocents contre des individus de ce genre qui menacent notre société.

Certains délinquants sont déclarés dangereux, mais peut-être n'a-t-on pas assez souvent recours à cette désignation à cause des préjugés au sein du système judiciaire. Le préjugé est en faveur du criminel reconnu coupable et non en faveur de la personne innocente. Cela a commencé dans les années 80, lorsque le solliciteur général libéral alors en poste avait déclaré que désormais, le ministère de la Justice se concentrerait sur la réadaptation des criminels au lieu de la protection de la société. À notre avis, le ministère de la Justice ne devrait même pas s'occuper de ça et la motion présentée par ma collègue a pour but de renverser partiellement cette situation.

Nous ne croyons pas que mettre les criminels sous les verrous soit la solution. Nous ne croyons pas que les laisser pourrir en prison soit la solution. La prévention est une solution, mais il est des individus qui ont prouvé par leurs actes qu'ils étaient fondamentalement des délinquants sexuels violents et qu'ils constituaient une menace permanente pour la société.

Je donnerai un exemple tiré de la vie réelle. Quand j'étais médecin dans les prisons, il arrivait qu'on m'appelle durant la fin de semaine si un individu violent était sur le point d'être libéré. Je suis entré dans une cellule où un individu, devenu fou, s'était mis à battre les autres personnes dans la cellule, moi y compris ainsi qu'un certain nombre de gardes. J'ai dû le faire enfermer dans un asile psychiatrique. Si je ne l'avais pas fait, cet individu, dont la liste des condamnations était aussi longue que mon bras, aurait été relâché sur un public qui ne se doutait de rien et aurait commis un autre crime.

Nous devrions également étudier cette motion et l'appliquer aux individus qui sont sur le point d'être libérés à la fin de leur période de libération conditionnelle ou lorsque leur mandat vient à expiration. Il y a des individus que le système ne repère pas. Lorsque cela arrive et qu'ils sont relâchés dans la société, les seules personnes qui en pâtissent sont des innocents. Nous pouvons également faire désigner par deux psychiatres qui les examineront les individus qui risquent d'être une menace pour la société une fois remis en liberté.

Il est important de dire que la raison fondamentale pour laquelle ma collègue présente cette motion est la protection des innocents. Dernièrement, nous avons été témoins de cas tragiques telle l'affaire Melanie Carpentier, qui a été assassinée par Fernand Auger, individu qui n'aurait jamais dû sortir de prison et se promener librement dans la rue.


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Lorsque cette motion sera adoptée, et j'espère qu'elle le sera-les libéraux devraient avoir honte s'ils ne l'appuyent pas-il faudra étudier deux autres aspects. Le premier est la modification de la Charte des droits et libertés pour empêcher qu'elle ne serve à annuler les décisions désignant un délinquant comme dangereux. Le deuxième aspect est la division des responsabilités entre le fédéral et les provinces dont relèvent respectivement la justice criminelle et la santé mentale. C'est la raison pour laquelle le ministre de la Justice doit travailler avec ses homologues, les procureurs généraux des provinces, pour essayer de régler le problème. Ce sera important pour la mise en oeuvre de la motion.

(1755)

Voici d'autres stratégies pour contrer les délinquants sexuels violents: nous devrions avoir, et depuis longtemps, un système national de repérage des délinquants sexuels violents et des délinquants sexuels en général. Actuellement, si un délinquant sexuel passe d'une province à une autre, la police dans cette nouvelle province n'a aucun moyen de savoir qui il est, où il va et quelles sont ses condamnations antérieures. Il est important que nous ayons un système national de repérage pour permettre à la justice de suivre son cours.

Nous avons besoin de méthodes efficaces et homogènes de poursuites des délinquants sexuels. Nous avons également besoin d'une meilleure évaluation avant la détermination de la peine. Cela vaut non seulement pour les délinquants sexuels dangereux, mais également pour les délinquants violents en général. Actuellement, parce que les procureurs de la Couronne sont débordés et parce que l'on manque de ressources, nous sommes incapables de faire cela. Nous pouvons changer nos façons de dépenser pour garantir que l'on protège les individus. Les gens, notamment les agents de libération conditionnelle, qui sont appelés à décider si un délinquant est dangereux ou non doivent être responsables de leur décision.

Il est clair que nous devons également essayer d'empêcher que les gens se transforment en des délinquants dangereux, sexuels ou autres. Actuellement, nous ne pouvons intervenir que lorsque ces personnes se manifestent. Beaucoup ont été elles-mêmes victimes d'agressions sexuelles et de violence, mais cela n'excuse pas leurs actes. Par contre, cela nous donne une possibilité de prévenir leur délinquance.

Nous devons déterminer quels sont les enfants à risque, ceux qui sont exposés à la violence, aux agressions sexuelles, à la négligence. Nous devons identifier les unités familiales et les enfants de manière à pouvoir aider ces derniers très tôt, lorsqu'ils sont encore enfants, pour empêcher qu'ils ne deviennent des délinquants. Il nous faut identifier les familles à risque et empêcher que les tragédies ne se produisent. Pour ceux qui sont victimes de violence et d'agressions sexuelles, il faut intervenir avec sensibilité et compassion, et fournir les services-conseils et les traitements médicaux et psychologiques nécessaires.

Il faut considérer ces personnes qui deviennent des délinquants sexuels violents. Inutile de dire qu'ils n'ont pas une psychologie normale. Les bases d'un comportement normal ont été détruites, déformées ou ne se sont pas établies lors du développement. Il est important de discerner ces personnes pour leur fournir les traitements et les thérapies appropriées afin qu'elles se développent à peu près normalement. C'est le seul moyen de prévenir que des individus deviennent aussi terriblement dysfonctionnels.

Il faut appliquer ces mesures non seulement aux délinquants dangereux ou aux agresseurs sexuels, mais aussi dans le cas de nombreux autres comportements déviants et criminels que l'on voit dans notre société. Bon nombre de ces personnes n'ont pas ce qu'il faut pour se comporter normalement.

Nous devons aussi amener les parents à participer très tôt à l'éducation de leurs enfants. Dans les familles où ces enfants sont victimes d'exploitation, il arrive souvent que les parents ne savent pas comment être de bons parents. Cet aspect de la question n'est pas une responsabilité fédérale, mais il faut que les ministres provinciaux de l'éducation, le procureur général de chacune des provinces et leurs homologues fédéraux s'attaquent à la situation à l'échelle nationale.

À moins de prévenir la criminalité, nous ne réussirons pas à atteindre notre objectif, qui est de réduire le taux de criminalité dans notre pays.

En terminant, je dois dire que nous avons parlé beaucoup des coûts. Les coûts sont importants, mais la redistribution des dépenses l'est aussi. D'abord et avant tout, pour soutenir l'intention de la motion, qui vise la protection de l'innocence dans notre société, notre ministère de la Justice doit cesser de protéger les criminels déclarés coupables et s'intéresser plutôt à la protection des innocents. Il faut aussi placer l'accent sur la prévention. Je rappelle à la Chambre que les femmes ne sont pas les seules à subir des agressions sexuelles et que des hommes et des jeunes garçons en sont aussi victimes.

(1800)

En terminant, j'espère que la Chambre adoptera la motion no 116 de ma collègue de Surrey-White Rock-South Langley pour que le Canada soit un lieu plus sûr.

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir traiter de la motion, car cela me permet de présenter une réflexion sur les nombreux moyens dont s'est servi le gouvernement pour resserrer les mesures d'application de la loi au Canada.

Comme on le mentionne dans le livre rouge, le gouvernement vise à assurer la sécurité dans la rue et chez soi.

Le projet de loi C-41, qui modifie le Code criminel, a reçu la sanction royale le 31 juillet 1995. Pour la première fois, il prévoit une déclaration de l'objectif et des principes de la détermination de la peine, ce qui constitue un précédent dans le système pénal au Canada.

La loi offre une approche équilibrée qui tient compte à la fois de la nécessité d'assurer la sécurité publique et de répondre aux besoins de la victime. Elle est également conforme au principe que les auteurs d'infractions graves devraient être traités différemment des


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contrevenants condamnés pour la première fois pour des infractions mineures.

Pour endiguer la vague croissante de crimes haineux, la loi prévoit également que les auteurs de crimes motivés par de la haine se verront imposer une peine plus sévère.

La loi renferme aussi des dispositions visant à aider les victimes de crime en renforçant les méthodes de remboursement et d'indemnisation des victimes.

En outre, elle offre aux tribunaux un plus grand nombre d'options pour établir une distinction entre les crimes graves et violents qui nécessitent une peine d'emprisonnement et les crimes non violents et moins graves dont les collectivités sont mieux en mesure de s'occuper.

En ce qui concerne la justice pour les jeunes, la Chambre se rappellera que des modifications apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants et figurant dans le projet de loi C-37 sont entrées en vigueur le 1er décembre 1995.

Ces modifications, qui renferment des dispositions visant à mieux s'occuper des jeunes contrevenants violents, complètent le premier volet d'une stratégie en deux volets que le gouvernement a adoptée pour réformer le système de justice pour les jeunes. La loi modifiée contient des mesures améliorées de communication des renseignements entre les responsables scolaires, la police et certains citoyens lorsqu'on craint pour la sécurité d'autres personnes. De même, la police pourra désormais conserver indéfiniment les casiers judiciaires des jeunes contrevenants déclarés coupables des crimes les plus graves.

En outre, la loi modifiée traite de façon plus rigoureuse les crimes graves comportant de la violence en infligeant des peines maximales plus longues à ceux qui sont reconnus coupables de meurtre devant un tribunal pour adolescents.

Il s'ensuit que les jeunes âgés de 16 et 17 ans accusés de crimes avec blessure seront jugés par des tribunaux pour adultes, à moins qu'ils ne puissent prouver que la protection de la population et leur réhabilitation peuvent être assurées s'ils comparaissent devant un tribunal pour adolescents.

Je suis fermement convaincu que les jeunes doivent répondre de leurs actes, conformément aux dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants, dans les limites de leur âge et de leur niveau de maturité. Voilà pourquoi je me réjouis de ce que la loi exige que l'on tienne compte des déclarations des victimes au moment de déterminer la peine à infliger. Il s'agit toujours, d'abord et avant tout, d'empêcher le jeune contrevenant de récidiver.

Soit dit en passant, il y a quelques semaines, un groupe d'agents de la force publique de ma circonscription représentant divers services de police a sollicité mon appui en faveur de la création d'une banque nationale de données sur les empreintes génétiques. Il me fait donc plaisir de mentionner que, plus tard dans le courant de l'année, le solliciteur général du Canada prévoit déposer au Parlement un projet de loi portant sur l'établissement d'une banque de données nationale sur l'ADN et la certification des laboratoires qui font des analyses d'empreintes génétiques.

(1805)

Comme les députés s'en rappellent sans doute, le projet de loi C-104 a été adopté par le Parlement en juin 1995 et a reçu la sanction royale le 13 juillet 1995. Pour la première fois dans l'histoire du droit criminel canadien, une loi renferme des dispositions claires et spécifiques sur lesquelles la police peut se baser pour obtenir des mandats afin de pouvoir prélever chez des suspects des échantillons permettant d'effectuer des tests d'empreintes génétiques. Ces changements aideront le Canada à rattraper les autres pays industrialisés sur ce plan et permettront de constituer une base scientifique fiable pouvant établir la culpabilité ou l'innocence d'un suspect.

Je sais que, à l'instar des forces policières de tout le pays, les policiers de ma circonscription, Bramalea-Gore-Malton, ont fait bon accueil à ce puissant outil d'enquête, qui a déjà mené à des verdicts de culpabilité.

Je suis également heureux de noter que le ministre de la Justice et le solliciteur général du Canada sont en train d'élaborer une stratégie globale axée sur les personnes déclarées coupables qui, une fois libérées, posent un grave risque de causer des lésions corporelles à des membres de la société. On s'attend à ce que la Chambre soit saisie de ces propositions d'ici quelques semaines.

Le gouvernement envisage également la création d'une nouvelle catégorie de délinquants graves, appelés délinquants à long terme, qui permettrait aux tribunaux d'ajouter des périodes de supervision allant jusqu'à dix ans aux peines imposées à de tels délinquants.

Le gouvernement modifiera en outre les dispositions actuelles régissant les délinquants dangereux de façon à permettre au tribunal de désigner une personne délinquant dangereux jusqu'à six mois après le prononcé de la sentence. À l'heure actuelle, il faut le faire au moment de la sentence.

Je crois comprendre que le ministère de la Justice compte élargir le champ d'application des dispositions du Code criminel qui régissent actuellement l'engagement de garder la paix pour que le tribunal puisse imposer des restrictions aux activités des personnes qui risquent d'avoir un comportement violent.

Qui plus est, les dispositions relatives aux délinquants dangereux qui figurent actuellement dans le Code criminel peuvent mener à l'emprisonnement à perpétuité d'un délinquant, pour peu qu'elles soient appliquées. Il s'agit là d'une sanction autrement plus sévère que la «loi des trois prises» en vigueur aux États-Unis.

Bref, il ressort de tous les exemples que je vous ai cités que, de tous les temps, notre gouvernement est le gouvernement qui a cherché le plus activement à réprimer la criminalité et à serrer la vis aux criminels.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à remercier la députée de Surrey-White Rock-South Langley qui me donne l'occasion d'intervenir pour appuyer sa motion no 116.

La motion propose de modifier l'article du Code criminel qui porte sur les délinquants dangereux. Selon cette motion, dès qu'un délinquant est déclaré coupable d'une infraction grave ou d'une agression sexuelle contre un adulte ou d'une infraction sexuelle mettant en cause un enfant, il doit être examiné par deux psychiatres


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qui déterminent s'il est susceptible de commettre encore une telle infraction.

Si les deux psychiatres concluent que le délinquant reconnu coupable peut récidiver, le procureur général ordonne qu'une demande de déclaration de délinquant dangereux soit présentée. Le délinquant reconnu coupable comparaît devant un tribunal pour délinquants dangereux où la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable que le délinquant est susceptible de récidive.

Cette motion traite des inquiétudes que j'ai entendues de la part de Canadiens partout au pays. Ils en ont assez du système judiciaire et de son inaptitude à protéger les femmes et les enfants contre les délinquants dangereux.

(1810)

Notre système a échoué à maintes reprises comme on peut le constater en lisant la liste de noms qui suit: Clifford Olson, Paul Bernado, Fernand Auger, Mitchell Owen, Joseph Fredricks, Melvin Stanton, Daniel Gingras, Bobby Gordon Oatway. La liste s'allonge à chaque jour et les gens ont peur dans la rue.

Il suffit de lire le journal. Par exemple, vendredi dernier, le 24 mai, le Vancouver Sun titrait: «Un pédophile sur le point de sortir sans escorte». L'article mentionnait que l'un des délinquants sexuels les plus notoires de la Colombie-Britannique, l'ancien enseignant Robert Noyes, est sur le point d'entreprendre un programme de 15 mois de sorties sans escorte pour suivre un programme de thérapie sexuelle dans la région de Montréal.

Noyes a été classé délinquant dangereux en 1986 après avoir plaidé coupable, devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, a 19 accusations d'agression et d'exploitation sexuelles d'enfants. Noyes a aussi admis lors d'une audience de la commission des libérations conditionnelles qu'il avait fait au moins 60 victimes et qu'il était l'auteur de centaines de cas d'exploitation sexuelle d'enfants dans diverses villes de la Colombie-Britannique.

La Commission nationale des libérations conditionnelles juge que Noyes est maintenant considéré comme un risque acceptable en vertu du nouveau projet de sortie de prison. Cependant, la commission signale aussi que l'ex-femme de Noyes s'oppose à sa libération, tout comme le conseil municipal d'Ashcroft, où Noyes enseignait avant son arrestation, en 1985. Ces intéressés ont demandé que ce délinquant dangereux reste en prison.

La Commission des libérations conditionnelles a décidé de ne pas accorder un régime de semi-liberté à Noyes, qui a été diagnostiqué comme étant un pédophile bisexuel incurable. Elle estime qu'il est l'un des délinquants sexuels au sein du système pénitentiaire canadien qui reçoit le plus de traitements, mais les médecins qui l'ont traité l'ont jugé manipulateur et trompeur. C'est là un autre exemple de délinquant sexuel reconnu qui n'a pas été évalué adéquatement et qui réintégrera la société même si l'on sait qu'il n'est pas prêt.

Il faudra s'en remettre à ceux qui oeuvrent à l'extérieur du système judiciaire, notamment les psychiatres, pour évaluer adéquatement les délinquants sexuels. Ce besoin est d'ailleurs confirmé dans le rapport du vérificateur général, qui disait clairement que le Service correctionnel du Canada ne prépare pas adéquatement ces individus à réintégrer la société.

Le vérificateur général signale que ces pervers sexuels reçoivent des millions de dollars en traitements, mais que le gouvernement ne sait absolument pas si ces programmes donnent des résultats. Il a également constaté que Service correctionnel Canada était censé assurer la réinsertion des 14 000 délinquants dont il était chargé, même si certains de ses programmes de réadaptation présentaient de graves faiblesses.

On a dit, par exemple, qu'on avait dépensé environ 10 millions de dollars en 1994-1995 pour traiter environ 1 800 délinquants sexuels. Or, le vérificateur général a constaté qu'on avait dépensé un montant disproportionné pour quelques délinquants sans aucune assurance que le programme donnait des résultats positifs.

De plus, dans la région du Québec, un montant d'environ 1,7 million de dollars pris sur le budget total du programme de réadaptation des délinquants de Service correctionnel avait servi à payer un contrat pour le traitement de 20 délinquants sexuels seulement par année, ce qui revient à environ 85 000 $ par personne. Le reste, 8,3 millions de dollars, avait servi à traiter 1 800 délinquants sexuels d'un bout à l'autre du pays, ce qui revient en comparaison à environ 4 611 $ par personne.

Il est évident que des gens sortent de prison et récidiveront à maintes reprises à cause d'un programme de réadaptation inadéquat. C'est ce que confirme encore le vérificateur général. Il a constaté que 35 p. 100 des délinquants sexuels libérés par les services correctionnels fédéraux ne recevaient pas de traitement pour prévenir la récidive, bien que cela soit considéré comme un facteur crucial. Il a remarqué que cette lacune était plus fréquente dans les Prairies et au Québec, les deux régions où les délinquants sexuels sont le plus nombreux.

Compte tenu de ces carences de notre système de justice, il est facile de constater comment cette motion donnera un peu d'espoir. Le public saurait qu'un délinquant condamné sera examiné par des psychiatres qui pourront mieux renseigner les tribunaux sur les risques de récidive. Il y aurait donc non seulement une deuxième opinion, mais aussi une deuxième possibilité de protéger les Canadiens contre ces prédateurs sexuels reconnus coupables. Plus important encore, les droits des femmes et des enfants à la protection que doit leur accorder notre système de justice seraient reconnus.

(1815)

Ces dernières années, les Canadiens ont commencé à prendre la justice en main, car ils constatent que ces délinquants sont relâchés dans leurs localités sans avoir été traités avec succès. Des gens de Val-d'Or, au Québec, de Prince George, en Colombie-Britannique, et de Toronto, en Ontario, pour ne donner que quelques exemples, ont organisé des campagnes d'affichage et de distribution de dépliants pour avertir la population du retour de gens comme Joe Cannon et Bobby Gordon Oatway. Ils savent que la seule façon de se protéger, c'est d'agir eux-mêmes.


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Ils ne peuvent plus compter sur le système pénitentiaire pour assurer la réadaptation de ces délinquants. Ils demandent que le nom et la photo de ceux-ci soient publiés afin que leurs enfants soient protégés contre ces animaux.

Il n'est pas étonnant que les Canadiens aient perdu l'espoir, sachant que les libéraux contesteraient cette motion parce qu'ils estiment que les juristes en savent plus long que les médecins. Ils estiment que seule la Couronne devrait examiner toute la preuve afin de déterminer si une demande est assez solide pour satisfaire la norme légale de délinquant dangereux. Ils estiment que si cette motion avait force de loi, on aurait plus de chances d'enfermer ces gens-là pour de bon.

En outre, cette motion est jugée dangereuse à cause des personnes qui peuvent reconnaître leurs torts ou éprouver du remord. Nous risquons de leur enlever tout espoir.

Étant donné les motifs pitoyables qu'il invoque pour ne pas appuyer cette motion, il est évident que le gouvernement n'a pas l'intention de faire des intérêts et de la sécurité des Canadiens une de ses priorités.

On ne réussit guère mieux avec le parti d'opposition. La députée de Saint-Hubert considère cette motion comme rien de plus que l'expression d'une mentalité réactionnaire, puisqu'il ne s'agit que de cas isolés. Elle prétend que nous cherchons à marquer des points au détriment des victimes qui souffrent.

À la lumière des arguments avancés tant par les libéraux que par les bloquistes, une chose nous semble certaine: ces députés défendent les droits des délinquants sexuels dangereux et l'infaillibilité de notre régime de justice pénale.

À mon avis, ils font fausse route. Le régime de justice pénale est faillible, comme le prouve le Parti réformiste qui écoute ce que les gens ont à dire et propose ensuite les mesures législatives qui s'imposent. La motion dont nous sommes saisis protégerait notre société, nos familles et nos enfants de ces brutes qui sont libérés tous les jours. Jamais les libéraux ou les bloquistes ne réfléchiraient aux victimes qui ont souffert entre les mains de ces prédateurs sexuels.

Le moment est donc venu d'appuyer la motion. Nous devons prendre immédiatement des mesures pour modifier le Code criminel et pour permettre aux spécialistes de la psychiatrie de protéger la population contre les délinquants sexuels qui pourraient récidiver et qui sont un danger pour les enfants, les femmes, les familles, la société et notre pays.

L'un des devoirs les plus élémentaires de la Chambre des communes, c'est d'adopter des lois qui protègent la vie et les biens des Canadiens. C'est justement ce que fera cette motion lorsqu'elle sera adoptée. Je félicite mon collègue de l'avoir portée à notre attention. Elle nous permettra de nous acquitter de notre devoir le plus élémentaire.

Je ne puis m'empêcher de hocher la tête, comme je l'ai fait il y a un instant, quand j'entends un libéral faire un discours et parler de toutes les merveilleuses réalisations du Parti libéral au cours des trois dernières années: les projets de loi C-37, C-41, C-42, C-68, C-45 et bien d'autres. Trois ans plus tard, la situation ne s'est ni améliorée ni détériorée.

Encore une fois, les libéraux n'ont pas rempli une promesse inscrite dans le livre rouge, selon laquelle ils étaient censés rendre les rues et la société plus sûres, et tout le reste est de la foutaise. Encore une fois, ils pourraient tout aussi bien jeter le livre rouge au panier. Ils ont échoué lamentablement dans ce domaine. Ils ont maintenant l'occasion de se pencher sérieusement sur un projet de loi qui empêchera les prédateurs sexuels violents de retourner dans la société. C'est une mesure de sécurité supplémentaire pour les victimes.

Nul doute que ces gens-là ne sont pas stupides au point de rejeter ce projet de loi et de dire: «Non, cette mesure supplémentaire ne nous intéresse pas. Le système judiciaire remédie à tout.»

(1820)

Je sais que les Canadiens en ont assez de l'incapacité du gouvernement de présenter tout projet de loi raisonnable stipulant catégoriquement qu'il améliorera les choses. Le gouvernement n'a absolument rien fait. Le peu qu'il a accompli a été malheureusement enseveli sous tous les projets de loi pourris qu'il a présentés.

Qu'il accepte des solutions sensées. Qu'il les examine et qu'il fasse quelque chose de bien pour une fois.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, mon collègue de Wild Rose a employé des mots sensationnels pour appuyer cette motion. J'ai l'intention d'adopter une approche un peu plus sensée et équilibrée. Si nous sommes ici, c'est justement pour jeter un regard critique sur les questions dont nous sommes saisis.

Personne de ce côté-ci de la Chambre ne croit pour un instant que certaines de ces bêtes sexuelles, comme mon collègue les appelle, ne devraient avoir toutes sortes de droits. Je suppose que ce que nous disons ici, c'est que le christianisme que la plupart d'entre nous professent devrait probablement être à la base de notre système de justice et des lois que nous adoptons à la Chambre. Cela inclut des idées comme celle voulant qu'on laisse celui qui est sans péché jeter la première pierre, que tout le monde peut se racheter et que tout le monde peut changer. C'est sur cela que je voudrais concentrer mes remarques.

Mon collègue de Wild Rose dit que les choses ne se sont pas améliorées, mais ne présente aucune preuve pour appuyer cette affirmation. Les faits indiquent au contraire que le taux de récidivisme est à la baisse et que le nombre de récidivistes a diminué. En fait, sauf dans certaines collectivités bien précises, la criminalité est en baisse.

Mon collègue a dit quelque chose qui est exact: la nature humaine n'est pas parfaite. Notre système de gouvernement n'est pas parfait. Notre système judiciaire n'est pas parfait. Cependant, nous n'allons pas les perfectionner en sautant aux solutions faciles ou en adoptant des idées autocratiques et déséquilibrées pour corriger le comportement des gens.


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Comme ma collègue de Guelph-Wellington l'a déclaré, nous pouvons arriver à des résultats si nous oeuvrons au sein de nos collectivités pour régler le problème de la criminalité. Nous y parviendrons peut-être si nous soutenons les groupes communautaires qui mettent déjà en oeuvre des programmes destinés à intégrer les laissés pour compte, à améliorer le système d'éducation et les services de garde, à aider les jeunes à avoir confiance en eux-mêmes et à envisager l'avenir avec confiance pour éviter qu'ils restent désoeuvrés, car comme on dit couramment, l'oisiveté est la mère de tous les vices.

C'est en éliminant la pauvreté, le chômage et la peur des gens face à l'avenir que nous réglerons le problème de la criminalité.

Il est important de bien préciser les conséquences qu'aurait cette modification du Code criminel. Premièrement, tout délinquant reconnu coupable d'une infraction sexuelle grave, à savoir une agression sexuelle visée aux articles 271, 272 et 273 du Code criminel, devrait être examiné par deux psychiatres pour déterminer le risque de récidive. Si les psychiatres concluaient qu'il y a un risque de récidive élevé, une demande visant le délinquant dangereux devrait obligatoirement être présentée.

Ni le juge ni le procureur de la Couronne n'auraient de pouvoir discrétionnaire à cet égard. En vertu du système actuel, le juge examine les renseignements pertinents concernant les antécédents criminels du délinquant et son état mental, habituellement sous forme de rapport présentenciel. On tient évidemment compte aussi du point de vue de la victime. Autrement dit, dans une affaire normale, la cour tient compte de tout un éventail de renseignements pour déterminer la peine.

Que se passerait-il si chaque délinquant sexuel devait obligatoirement être envoyé dans un établissement psychiatrique pour que deux psychiatres fassent un examen approfondi afin de connaître les risques qu'il présente?

(1825)

En vertu de la loi actuelle, c'est le contraire: il revient au procureur de la Couronne et au juge de décider s'ils vont demander l'avis de psychiatres quant au danger que représente l'accusé. Les psychiatres ne disent pas aux officiers de justice s'il faut présenter une demande pour faire déclarer le contrevenant délinquant dangereux.

Il y a une bonne raison de laisser la Couronne et le juge décider si le contrevenant doit subir un examen psychiatrique approfondi et être déclaré délinquant dangereux. C'est que la procédure à suivre à cette fin est d'abord et avant tout une procédure légale, et pas seulement une question d'évaluation psychiatrique.

Le procureur de la Couronne doit décider si la demande de déclaration de délinquant dangereux satisfait ou non aux critères juridiques exposés dans la Partie XXIV du Code criminel. Par exemple, aux termes de l'article 753 du code, la Couronne est tenue de prouver que la conduite antérieure du délinquant dans le domaine sexuel, y compris lors de la perpétration de l'infraction dont il a été déclaré coupable, démontre son incapacité à contrôler ses impulsions sexuelles et laisse prévoir que vraisemblablement il causera à l'avenir de ce fait des sévices ou autres maux à d'autres personnes. Comme les tribunaux n'arrêtent pas de le faire remarquer, il s'agit d'un test juridique. Il est inutile de faire une demande en vertu de la Partie XXIV s'il n'y a aucune chance qu'elle soit acceptée.

En fait, les règles concernant les délinquants dangereux exigent que la preuve psychiatrique soit présentée, par les deux parties, lors de l'audience du délinquant en question. Il peut y avoir divergence d'opinion entre des psychiatres compétents, tout comme il peut y en avoir entre avocats, procureurs, voire entre des juges compétents.

Je note également que la compétence des psychiatres et des psychologues pour ce qui est de déterminer la nature et le degré du risque que posent les délinquants s'est améliorée au cours de la dernière décennie. J'ai entendu mentionner le Canada comme un des leaders dans ce domaine. Je note également que le Service correctionnel du Canada emploie toute une gamme de tests cliniques et autres dans son programme de gestion des détenus fédéraux.

Les modifications proposées au Code criminel font pencher la balance dans le mauvais sens. Elles obligeraient la Couronne à présenter une demande pour classer un délinquant comme dangereux chaque fois que deux psychiatres parviennent à une conclusion médicale au sujet du risque. La vie est pleine de risques. Il est inutile d'illustrer cela au-delà du doute raisonnable.

Peut-être que si la motion laissait une certaine discrétion elle pourrait être appuyée. Toutefois, c'est une mesure très vaste qui réduirait le rôle des juges et des procureurs et qui forcerait, dans chaque cas d'agression sexuelle, à procéder à un examen long et coûteux par des psychiatres, même s'il y a peu de chance que ceux-ci établissent que le délinquant représente un risque élevé.

L'Association des psychiatres du Canada a déclaré qu'il n'y a déjà pas assez de psychiatres légistes qualifiés au Canada. Le Service correctionnel du Canada et les ministères provinciaux de la Justice ont déjà beaucoup de mal à trouver suffisamment de conseils psychiatriques pour les cas prioritaires.

Il est intéressant de constater que le Parti réformiste ne regarde pas à la dépense dans ce domaine, même si les chances d'obtenir qu'un délinquant soit déclaré dangereux sont minces. Pour replacer cela dans un contexte, je renvoie les députés à certains des chiffres qui ont été publiés récemment par Statistique Canada. En 1994-1995, le gouvernement fédéral a dépensé 913 millions pour les services correctionnels pour adultes. Les provinces et les territoires ont dépensé 980 millions. Les coûts d'immobilisations liés à la construction de pénitenciers fédéraux ont grimpé de 70 p. 100 entre 1990-1991 et 1994-1995. Il en coûte environ 44 000 $ par année pour garder un détenu dans un pénitencier fédéral. L'exploitation du système correctionnel pour adultes coûte 65 $ par habitant au Canada.

Il existe un moyen d'utiliser nos ressources limitées de façon sélective et stratégique. Le discours du Trône du 27 février dernier renferme l'énoncé suivant:

3118

Le gouvernement concentrera ses ressources correctionnelles sur les délinquants à risque élevé et multipliera les efforts pour réduire le nombre de jeunes qui ont des démêlés avec la justice. Pour ce qui est des délinquants à faible risque, le gouvernement envisagera d'autres peines que l'incarcération.
(1830)

La motion M-116 est typique de ce genre de mesures. J'ai dit au début de mes commentaires que je préconise la détention pour une durée indéterminée dans le cas de certains crimes qui devraient être mieux ciblés.

Je crois que, dans la plupart des cas, les procureurs, les tribunaux et les jurys, avec l'aide des psychiatres, prononceront des jugements appropriés à l'égard des agresseurs sexuels. Je n'appuierai pas cette motion.

Le président suppléant (M. Kilger): La période prévue pour l'étude des initiatives parlementaires est maintenant expirée. Conformément au paragraphe 76(1) du Règlement, l'ordre est rayé du Feuilleton.

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3118

MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LES MINES

M. Lawrence D. O'Brien (Labrador, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais soulever certains points au sujet d'une question que j'ai adressée du ministre des Transports le 17 mai concernant la sécurité de l'aéroport de Nain, dans le nord du Labrador.

Il s'agit d'une petite localité de 1 100 habitants située à 20 milles du très gros gisement de nickel découvert à la baie de Voisey. Il a été porté à l'attention du gouvernement du Canada et du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador qu'il fallait faire quelque chose pour assurer la sécurité générale.

Avant d'aborder l'aspect sécurité à Nain, il serait bon de vous donner un aperçu de la situation. Nain est une localité située à 200 milles au nord de Goose Bay, la grande agglomération du Labrador. La population est composée exclusivement d'autochtones, des Inuit. Ce sont des gens venus du Grand-Nord, le long de la côte nord du Labrador jusqu'à Iqaluit dans les Territoires du Nord-Ouest; ils sont venus à Nain vers le milieu du siècle, pour diverses raisons, et notamment pour avoir accès à de meilleurs services.

Parmi ces services figurait une piste d'atterrissage construite dans les années 1970 pour desservir la population. L'aéroport a une piste de 2 000 pieds de longueur. Il est situé à flanc de colline et soumis aux courants descendants. Il y a surcapacité en raison des découvertes minières, de l'exploration et des projets miniers dans la baie de Voisey.

Chaque jour, on y enregistre entre 100 et 300 mouvements d'hélicoptères et d'avions à voilure fixe. Cette situation a suscité de graves préoccupations, non seulement chez les habitants de Nain, mais aussi chez ceux de partout au Labrador et dans le reste du Canada. Elle touche les gens de Toronto et de Vancouver qui travaillent dans le secteur minier. Elle touche tout le monde qui se rend à Nain ou en revient.

Il n'existe essentiellement aucun service de lutte contre les incendies, carence avec laquelle nous devons composer. Il serait temps d'automatiser la station météorologique. J'implore le gouvernement du Canada de s'assurer qu'il y ait quelqu'un dans cette station météorologique, en raison des variantes dans l'automatisation. Si un avion arrive et qu'il y a une pluie verglaçante à proximité du sol ou à différentes altitudes, les instruments risquent de ne pas pouvoir la détecter. J'implore le gouvernement de réexaminer son opinion à ce sujet.

Il s'agit du contrôle de la circulation aérienne, qui détermine si un avion peut décoller ou atterrir conformément aux instructions d'un employé de Transports Canada. Il est extrêmement important de s'assurer que cela se fait de la même façon que le contrôle de la circulation aérienne. Je sais que le ministre en tient compte. Je sais qu'il s'en occupe. Je veux m'assurer que le ministère continue de s'en occuper et que la priorité est accordée à la sécurité par-dessus tout.

J'ai deux arguments à soulever au sujet de l'économie de la région relativement à cette question. Les gens de Nain veulent certainement que l'aéroport soit amélioré et peut-être même qu'un nouvel aéroport soit construit dans l'avenir, mais la sécurité reste la première de leurs préoccupations. Ils ne vont certes pas dire non à l'industrie minière. Ils appuient le progrès, mais pas à n'importe quel coût. L'environnement, la sécurité, etc., sont importants.

NDT Ventures, une des compagnies minières établies dans la petite localité de Nain, voulait exploiter un gisement à proximité du réservoir à eau de la localité. Le 23 mai, Nain tenait une consultation populaire sur cette importante question. En fin de compte, 64 p. 100 des membres de la collectivité qui se sont prononcés ont voté en faveur de cette exploration minière et 36 p. 100 étaient contre.

Ce que je veux dire par là, c'est que l'exploration minière est possible, tout comme l'exploitation minière d'ailleurs. La collectivité n'est pas réfractaire à ce genre d'activités. Elle leur réserve un accueil plutôt enthousiaste. Les gens ont besoin de travail, mais il ne saurait être question de les faire travailler sans protection adéquate.

Sur ce, je termine en invitant le gouvernement à me faire part de ses suggestions. Le ministre s'est montré d'une aide précieuse, en répondant de façon fort constructive à ma question. S'il a d'autres commentaires à formuler, je lui saurais gré de le faire maintenant.

M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Labrador de me donner la possibilité de faire d'autres observations sur la situation à l'aéroport de Nain.

Depuis qu'il est arrivé à la Chambre des communes, le 15 avril dernier, nous avons pu constater que le député de Labrador fouille ses dossiers à fond. Il est un homme d'action, un vrai travailleur et un excellent porte-parole pour sa circonscription.

3119

L'aéroport de Nain est une haute priorité sur sa liste. Cet aéroport appartient à la province. Comme le disait le ministre, le personnel de la division de l'aviation de Transport Canada surveille l'accroissement du trafic aérien dans les environs de l'aéroport de Nain depuis que la prospection minière a commencé dans la baie Voisey. Je suis convaincu que le député sera heureux d'apprendre que des mesures de sécurité ont déjà été prises devant cet accroissement du trafic aérien.

Une équipe d'examen de la sécurité aérienne s'est rendue à Goose Bay et à Nain à la fin d'avril. Même si les membres de cette équipe n'ont pas relevé d'infraction à la réglementation aérienne, ils ont constaté un certain nombre de lacunes sur le plan de la sécurité. L'équipe chargée d'étudier la sécurité met actuellement la dernière main à son rapport et à ses recommandations.

Je suis heureux d'annoncer au député que des fonctionnaires du ministère rencontreront les représentants de la province la semaine prochaine afin de peaufiner un plan d'action devant résoudre tous les problèmes relevés. Les fonctionnaires de la région de l'Atlantique ont prévu de se rendre à Nain à quelques reprises cette année, dans le cadre de leur programme de surveillance. La sécurité est la priorité numéro un de Transports Canada, et nous sommes certains qu'en travaillant en collaboration avec Terre-Neuve et le Labrador, nous réglerons tous les problèmes de sécurité signalés.

Le ministre attend avec impatience l'occasion de se rendre au Labrador en compagnie du député cet été, pour constater de visu les activités dans la baie de Voisey, et de se pencher avec lui sur les questions qui préoccupent les électeurs du Labrador.

Le président suppléant (M. Kilger): La motion d'ajournement étant adoptée d'office, la Chambre s'ajourne à 14 heures demain, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 38.)