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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 19 septembre 1996

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

LA LOI SUR BELL CANADA

    Projet de loi C-57. Adoption des motions de présentationet de première lecture 4415

LA LOI SUR LA MARINE MARCHANDE DU CANADA

    Projet de loi C-58. Adoption des motions de présentationet de première lecture 4415

LOI SUR LE TRANSPORT DE PASSAGERS PAR EAU

    Projet de loi C-59. Adoption des motions de présentationet de première lecture 4415

LOI SUR L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

    Projet de loi C-60. Adoption des motions de présentationet de première lecture 4415

PROJET DE LOI C-201

    Adoption de la motion 4416

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 4416
    Motion d'adoption du 25e rapport 4416
    M. White (North Vancouver) 4422
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 4440
    Adoption de la motion 4447

PÉTITIONS

LE CODE CRIMINEL

LA CONDUITE AUTOMOBILE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

LA FISCALITÉ

L'ÉTIQUETAGE DES BOISSONS ALCOOLISÉES

LA MARINE MARCHANDE EN TEMPS DE GUERRE

LES PROFITS DE LA CRIMINALITÉ

LE CANADA

LES PRÉDATEURS SEXUELS

LA FISCALITÉ

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA VIOLENCE FAMILIALE

LES INDUSTRIES CASCADES DE KINGSEY FALLS

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

L'EMPLOI

LE DRAPEAU CANADIEN

LES JEUX DU CANADA

LES JEUX OLYMPIQUES D'ÉTÉ

LE SYNDROME DE LA GUERRE DU GOLFE

LA DÉFENSE NATIONALE

L'UNIVERSITÉ ACADIA

LE DÉVELOPPEMENT LOCAL EN MILIEU RURAL

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

L'ALPHABÉTISATION

    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 4451

LE DÉPUTÉ DE GLENGARRY-PRESCOTT-RUSSELL

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 4451

LE PARTI LIBÉRAL

LE CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS

LE CONGRÈS RÉGIONAL DU PARTI QUÉBÉCOIS

QUESTIONS ORALES

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

    M. Martin (LaSalle-Émard) 4452
    M. Martin (LaSalle-Émard) 4452
    M. Martin (LaSalle-Émard) 4452
    M. Martin (LaSalle-Émard) 4453
    M. Martin (LaSalle-Émard) 4453

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4454

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

    M. Martin (LaSalle-Émard) 4454
    M. Martin (LaSalle-Émard) 4454

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

    M. Martin (LaSalle-Émard) 4455
    M. Martin (LaSalle-Émard) 4456

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4456
    M. Martin (LaSalle-Émard) 4456

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 4456
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 4457

LES PÊCHES

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 4457

LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4458

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 4458
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 4458

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

    M. Martin (LaSalle-Émard) 4459

LES PÊCHES

RECOURS AU RÈGLEMENT

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 4459

LA DÉPUTÉE DE SAINT-DENIS

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

LE DÉCÈS DE M. ARNOLD PETERS

    M. Harper (Simcoe-Centre) 4461

AFFAIRES COURANTES

PÉTITIONS

LA JUSTICE

LES PROJETS DE COOPÉRATIVE D'HABITATION

LES ANCIENS COMBATTANTS DE LA MARINE MARCHANDE

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-45. Motion de troisième lecture 4462

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-201. Reprise de l'étude de la motion dedeuxième lecture 4479
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 4479
    Demande de report et report du vote sur la motion 4484

4415


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 19 septembre 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à sept pétitions.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le 25e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre concernant les membres des comités.

* * *

LA LOI SUR BELL CANADA

L'hon. Ralph E. Goodale (au nom du ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.) demande à présenter le projet de loi C-57, Loi modifiant la Loi sur Bell Canada.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

(1005)

LA LOI SUR LA MARINE MARCHANDE DU CANADA

L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada (responsabilité en matière maritime).

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

LOI SUR LE TRANSPORT DE PASSAGERS PAR EAU

L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-59, Loi de mise en oeuvre des articles 1 à 22 de la Convention d'Athènes de 1974 relative au transport par mer des passagers et de leurs bagages.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

M. Anderson: Monsieur le Président, avec votre permission, je voudrais informer la Chambre que, conformément au paragraphe 73(1) du Règlement, le gouvernement a l'intention de renvoyer ce projet de loi en comité avant la deuxième lecture.

Le président suppléant (M. Kilger): Je souhaiterais avoir l'aide du ministre. J'ai omis de lui donner la parole pour le premier projet de loi que j'ai présenté en son nom. Est-ce que sa dernière remarque s'applique au premier projet de loi, au deuxième ou aux deux?

M. Anderson: Monsieur le Président, je vous remercie de me donner cette possibilité de demander à la Chambre que les deux projets de loi soient renvoyés en comité avant la deuxième lecture à la Chambre.

Le président suppléant (M. Kilger): Je m'excuse auprès du ministre et de mes collègues de ne pas lui avoir donné la parole la première fois.

* * *

LOI SUR L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-60, Loi portant création de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PROJET DE LOI C-201

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je crois que vous obtiendrez le consentement unanime de la Chambre à l'égard de deux motions. La première se lit comme suit:

Que, à la fin du débat relatif au projet de loi C-201, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies) plus tard aujourd'hui, un vote par appel nominal différé soit réputé avoir été demandé et ledit vote réputé avoir été différé jusqu'au mardi 24 septembre 1996, à la fin de la période prévue pour les Ordres émanant du gouvernement.


4416

(La motion est adoptée.)

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je crois que vous obtiendrez aussi le consentement unanime de la Chambre à l'égard de la motion suivante:

Nonobstant tout ordre de la Chambre, le débat sur la motion portant adoption du rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre sur la composition des comités qui a été déposé plus tôt aujourd'hui se termine au plus tard à 13 h 50 aujourd'hui et que, à la fin de ce débat, la motion soit réputée avoir été mise aux voix et agréée avec dissidence, et que le Comité permanent de la justice et des questions juridiques et le Comité permanent des finances soient autorisés à tenir des réunions d'organisation plus tard au cours de la journée.
(La motion est adoptée.)

(1010)

Le président suppléant (M. Kilger): La motion présentée à la Chambre par le whip en chef du gouvernement a été adoptée, comme je l'ai dit, et nous poursuivons maintenant l'étude des motions.

M. Williams: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. La motion présentée à la Chambre et adoptée propose un débat sur la motion. À quel moment ce débat va-t-il commencer?

Le président suppléant (M. Kilger): Dès que le gouvernement aura déposé la motion, nous passerons au débat. La motion présentée par le whip en chef du gouvernement stipulait que le débat sur la motion se poursuivrait selon certains paramètres, dès que la motion aurait été déposée. Je crois que la limite indiquée est 13 h 50 cet après-midi.

Je vais consulter le parti ministériel pour voir si nous pouvons revenir aux motions.

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je propose que le 25e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre qui a été déposé aujourd'hui soit adopté.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je me réjouis de l'occasion qui m'est offerte de débattre de la motion d'adoption que le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des Communes vient de nous proposer avec grande compétence.

Alors que nous entamons le débat, nous sommes en train de mettre en place les comités pour cet automne et pour le printemps prochain, comités qui pourraient en fait rester en place jusqu'aux prochaines élections. Bien entendu, l'automne prochain, si la session et cette législature se prolongent, les whips, par l'intermédiaire d'un comité de sélection et de ses mécanismes, déposeront un autre rapport qui sera l'objet d'un exercice similaire à celui auquel nous nous livrons aujourd'hui et de nouveaux comités seront constitués.

[Français]

En attendant, nous sommes tous réunis ce matin pour débattre de ce rapport. Le rapport en question va mettre en place ces comités comme je l'ai dit tout à l'heure.

En débutant aujourd'hui, je voudrais parler des modifications qui ont été apportées à tout le système des comités durant les dernières années et de toute cette nouvelle ouverture qui existe présentement au Parlement. Dans les Parlements antécédents, les comités parlementaires n'avaient pas du tout le même niveau d'autorité dont jouissent ces mêmes comités aujourd'hui.

Par exemple, aujourd'hui un comité a l'autorité de rédiger lui-même un projet de loi. Ces comités l'ont fait, d'ailleurs. Si on prend l'exemple de la Loi sur les lobbyistes, c'est en fait une loi qui a été rédigée par un comité parlementaire.

M. Bellehumeur: Ce n'est pas un bon exemple.

M. Boudria: Moi je trouve que c'est un bon exemple, parce qu'on a fait un bon travail. Je félicite les députés de l'opposition pour leur excellent travail, nonobstant la critique de ces députés que vient d'énoncer mon ami d'en face. Je crois que les parlementaires qui siégeaient à ce comité, des deux côtés de la Chambre, ont fait du bon boulot.

Vous ayant fait part de cet exemple-là, je pourrais en soulever plusieurs autres.

[Traduction]

Ce matin, un ministre a déposé deux projets de loi qui vont être étudiés en comité avant d'être lus pour la deuxième fois. Dans un tel cas, le principe général du projet de loi, et non seulement les articles, est alors soumis à un examen critique beaucoup plus intense et à un niveau très différent que lorsque les projets de loi sont renvoyés en comité après la deuxième lecture. C'est une innovation de ce Parlement et un exemple du bon travail que peuvent faire les comités parlementaires lorsque les projets de loi leur sont soumis avant la deuxième lecture en vertu des nouveaux mécanismes qui ont été instaurés conformément, bien sûr, aux promesses faites dans le livre rouge, promesses qui ont été tenues comme tant d'autres contenues dans le livre rouge.

(1015)

Les comités parlementaires ont fait un travail formidable. Pas plus tard qu'hier, le Comité des finances a déposé un rapport à la Chambre portant sur la question des fiducies familiales.

[Français]

Il y a quelque temps, on a vu toute une série de rapports préparés par des comités parlementaires, du bon travail qui a été fait.

Lorsque je suis arrivé ici à titre de parlementaire, en 1984, je dois vous dire que les comités ne faisaient à peu près rien sauf la législation et les prévisions budgétaires. Aujourd'hui, grâce au paragraphe 108(2) du Règlement, par exemple, les comités peuvent se transformer en presque groupes de travail pour étudier à peu près toutes sortes de dossiers qui relèvent de la compétence des ministères qui se rapportent aux comités respectifs.


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Grâce au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité des transports peut étudier des dossiers qui relèvent du domaine des transports, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur des prévisions budgétaires.

M. Lavigne (Beauharnois-Salaberry): Le vérificateur général.

M. Boudria: Le député d'en face parle du dossier du vérificateur général. En fait, ce pouvoir existait avant la modification que je viens de soulever. Ce n'est pas un bon exemple, parce que ce pouvoir existe depuis longtemps. Il n'a pas fallu le paragraphe 108(2) du Règlement pour le faire, il existait d'avance. En fait, le pouvoir que le Comité des comptes publics a, en ce qui a trait à l'étude du rapport du vérificateur général, est un pouvoir semblable à celui qui existe maintenant dans les autres comités, et il n'existait pas auparavant.

En ce sens, je suis content que le député ait abordé ce sujet. Aujourd'hui, les comités ont beaucoup plus de latitude qu'ils n'en avaient il y a par exemple 10 ou 12 ans quand je suis arrivé dans cette honorable Chambre comme nouveau venu.

Bien sûr, depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, il y a eu des progrès encore plus grands de réalisés, puisqu'on a ouvert toutes sortes de nouvelles occasions pour bien faire fonctionner les comités parlementaires.

[Traduction]

On a vu, par exemple, les comités des affaires étrangères et de l'environnement se consacrer à l'examen d'une série de dossiers: la pollution, les affaires circumpolaires, etc. Je crois savoir que le Comité des affaires étrangères étudie actuellement la possibilité d'oeuvrer dans ce domaine. Tout ceci aurait été impossible dans le cadre des règles qui étaient en vigueur il y a quelques années.

On a vu, au début de la présente législature, un comité mixte procéder à l'examen de la politique et du ministère des Affaires étrangères et de la Défense. Il s'agissait d'un effort collectif de la part du Comité des affaires étrangères et du Comité de la défense. C'était au commencement de la législature. Ils ont produit un excellent rapport, abondamment cité, et ce travail a été accompli sous la présidence compétente de l'ancien député d'Ottawa-Vanier, qui oeuvre maintenant à l'autre Chambre. Je veux parler du sénateur Jean-Robert Gauthier. Voilà le genre d'excellent travail accompli au cours de la présente législature par les comités parlementaires.

Ce que je veux faire ressortir, c'est que les comités parlementaires jouent aujourd'hui un rôle bien différent de celui qui étaient le leur quand je suis arrivé ici. J'aurais alors souhaité, en tant que nouveau député, avoir le pouvoir de faire tout le travail qui incombe maintenant aux nouveaux députés au Parlement. Le degré de frustration que certains d'entre nous éprouvaient il y a quelques années quand ils essayaient de faire quelque chose au sein des comités était inimaginable.

Je vois mon distingué collègue d'Edmonton qui était député depuis plusieurs années à l'époque où, je crois savoir, le budget des dépenses était, pour ainsi dire, établi ici même, à la Chambre des communes. Les comités travaillaient peu ou pas. On ne pouvait même pas faire comparaître des témoins devant un comité parlementaire. C'est à peine si on pouvait entendre des témoignages de quelque nature que ce soit en ce qui a trait aux projets de loi.

Aujourd'hui il y a des comités siégeant à Ottawa qui font appel à des experts pour qu'ils viennent donner des conseils afin de nous permettre d'améliorer les mesures législatives élaborées par le gouvernement et d'étudier les questions à fond. Tout cela aurait été pratiquement impossible auparavant.

(1020)

À compter de la semaine prochaine, le Comité permanent de la justice parcourra le pays pour examiner la Loi sur les jeunes contrevenants. Je suis persuadé qu'il présentera un excellent rapport.

J'entends un collègue réformiste se montrer critique déjà, mais je ne suis pas aussi négatif au sujet du député réformiste qui siégera à ce comité. Je pense qu'il accomplira probablement du très bon travail. Je suis prêt à lui accorder le bénéfice du doute malgré les critiques que formulent déjà certains de ses collègues. C'est très bien ainsi.

Nous avons confiance dans certains réformistes. Nous croyons que ceux qui siègent à ce comité devraient faire du très bon travail. Je l'espère. Je suis toujours plein d'espoir. J'espère que ces réformistes ne prendront pas personnellement les critiques que leurs propres collègues viennent de formuler. Nous sommes de leur côté. Nous allons défendre les réformistes siégeant au Comité de la justice.

Les comités parlementaires accomplissent de l'excellent travail depuis quelques années. Nous avons pu le constater au cours de la présente législature. Ils présentent des projets de loi et des rapports. Ils étudient diverses questions et soumettent au Parlement des recommandations qui, bien souvent, aboutissent à des lois.

Durant la campagne électorale de 1993, notre parti avait son livre rouge. Je sais que vous êtes une personne objective, monsieur le Président, mais je suis persuadé que vous vous souvenez de ceux d'entre nous qui sont plus sectaires. . .

Des voix: Oh, oh!

M. Boudria: Ceux de nos vis-à-vis qui veulent abolir la Société Radio-Canada n'ont pas eu gain de cause. Je suppose que c'est pour cela qu'ils sont agités ce matin.

Quoi qu'il en soit, voici ce que nous avons dit. Nous avons promis de donner aux députés un plus grand rôle dans la rédaction des projets de loi par l'entremise des comités de la Chambre des communes. Cela a été fait. On doit diverses mesures aux comités. Ainsi, un comité parlementaire s'est penché sur la révision des limites des circonscriptions électorales et a présenté une mesure législative à cet égard, un autre a examiné l'enregistrement des lobbyistes, et ainsi de suite.

Nous avons dit que nous allions donner la possibilité aux comités parlementaires d'examiner les nominations par décret. La plupart de nos vis-à-vis n'ont même jamais utilisé ce processus. On s'en est servi beaucoup plus lorsque nous siégions dans l'opposition. Nous


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examinions alors ces nominations de beaucoup plus près que certains députés de l'opposition ne le font maintenant.

Nous nous sommes engagés à l'époque à tenir davantage de votes libres à la Chambre des communes. Des votes libres sont tenus presque exclusivement dans le caucus libéral. Quand avons-nous vu pour la dernière fois les députés du Parti réformiste voter les uns contre les autres? Je sais que quelqu'un attirera mon attention sur la question du contrôle des armes à feu et du député qui a voté différemment de tous les autres. S'est-il retrouvé dans un autre poste quelques jours plus tard, un poste où il avait moins d'autorité? Nous avons néanmoins tenu des votes libres. Les conséquences ont été quelque peu différentes dans le Parti réformiste.

Nous avons également dit que le comité parlementaire tiendrait une consultation prébudgétaire. Cela a probablement été le plus grand succès de toutes les initiatives des comités parlementaires. Je félicite tous les membres du Comité des finances des deux côtés de la Chambre et des trois partis politiques qui sont officiellement représentés au Parlement. Cette consultation a eu lieu chaque automne. Elle a donné aux Canadiens une idée plus précise des finances du pays et, bien sûr, nous avons pu surveiller graduellement l'évolution de l'économie canadienne. C'est un fait sans précédent.

Les délibérations du Comité des finances sont télévisées dans tout le pays. Des députés de tous les partis de la Chambre lui posent des questions et il peut indiquer à tous les Canadiens les progrès réalisés dans l'économie du pays. Auparavant, ce processus avait lieu officiellement une fois par année, avant le dépôt du budget, mais nous avons élaboré un système de consultation qui se déroule presque deux fois par année. Nous avons maintenant le processus de consultation en automne, où le ministre et d'autres personnes comparaissent devant le Comité des finances, puis la période de consultation prébudgétaire qui a lieu au printemps.

(1025)

Pourquoi cela s'est-il produit? Je crois que c'est en grande partie grâce aux efforts assidus des députés de tous les côtés de la Chambre. Pour que cela se produise, il fallait au départ créer un climat propice. Ce processus a été rendu possible parce que le gouvernement voulait modifier les règles et permettre au Parlement de le faire. Nous l'avons fait. Nous en avions pris l'engagement dans le livre rouge. Nous avons tenu notre promesse. Nous avons rendu ce processus possible ou, du moins, nous avons créé le climat propice.

La raison pour laquelle je fais cette distinction, c'est que si, en dépit des désirs du gouvernement, les députés de tous les partis de la Chambre avaient fait un mauvais travail, le processus n'aurait pas donné des résultats positifs. Bref, le gouvernement a pris un engagement. La Chambre a mis la structure en place. Les députés de tous les partis de la Chambre ont bien agi et ont fait en sorte que le processus fonctionne. Je félicite tous les députés. Ils ont fait un bon travail, et ce processus possède désormais un niveau de crédibilité incroyable.

[Français]

Donc, vous voyez certainement le bon travail fait par les comités parlementaires. Le Comité permanent du développement des ressources humaines a également fait du bon boulot en ce qui a trait aux programmes sociaux au Canada, toute son étude dans ce domaine.

Je le mentionnais plus tôt, le Comité permanent des finances s'est chargé des études prébudgétaires. Le Comité permanent de l'industrie fait une enquête continuelle dans le domaine de l'industrie bancaire au Canada; il a tenu des audiences au cours de l'été, et tout le reste qu'il a fait. Pourquoi les gens de l'industrie bancaire sont-ils nerveux à savoir ce que fera le Comité permanent de l'industrie? Parce que le comité a une certaine crédibilité dans ce dossier parce qu'il a fait du bon travail et que les règles d'aujourd'hui permettent aux comités de faire un travail de ce genre. Ce sont des règles qui n'existaient pas quand je suis arrivé ici en tant que nouveau parlementaire en 1984.

M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul, Lib.): Ça fait longtemps.

M. Boudria: Oui, ça fait longtemps. D'ailleurs, dans quelques jours, il y aura 20 ans que je suis en politique, mercredi prochain pour être plus précis. Les règles ont changé depuis et elles ont changé pour le mieux.

Je veux conclure pour donner tout le temps possible aux parlementaires des autres partis de prononcer des discours. Je suis convaincu que, comme moi, ils seront heureux du fonctionnement des comités parlementaires et qu'ils voudront féliciter les députés pour leur excellent travail à ces comités.

Tout ceci a pu se faire grâce à l'excellente collaboration des comités et grâce à l'initiative du gouvernement qui a voulu, d'une part, créer et améliorer le système pour rendre tout cela possible et qui, par la suite, a écouté les conseils des parlementaires. Dans les rapports des comités, on a, tous ensemble, donné aux Canadiens et Canadiennes un meilleur gouvernement.

[Traduction]

M. Harb: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Si vous le demandiez, vous auriez peut-être le consentement unanime de la Chambre pour consacrer quelques minutes à la présentation des pétitions et revenir ensuite à la motion, plutôt que d'attendre que le débat s'éternise. Nous pourrions donc terminer la présentation des pétitions et reprendre ensuite le débat sur la motion.

Le président suppléant (M. Kilger): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

[Français]

M. Laurin: Monsieur le Président, si on passe tout de suite à la présentation des pétitions, cela nous enlève du temps pour débattre de la motion des comités. Est-ce que je suis dans l'erreur lorsque j'affirme cela? Mais tout d'abord, j'aimerais savoir combien il y a de pétitions. On peut toujours les présenter à 15 heures.

Le président suppléant (M. Kilger): J'apprécie la participation du whip de l'opposition, mais de toute façon, le consentement unanime n'a pas été accordé. Nous poursuivons donc avec les questions et commentaires qui s'adressent au dernier orateur.


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(1030)

[Traduction]

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais faire une observation et poser une question au député de Glengarry-Prescott-Russell.

Dans son commentaire, le député a parlé longuement sans toucher à rien de fondamental, si ce n'est vanter le statu quo, qui n'est vraiment pas le but de notre présence à la Chambre. Nous avons été élus pour apporter des changements positifs. Le député a également fait allusion au rôle que j'ai rempli comme whip ainsi qu'aux votes libres. Je voudrais lui expliquer brièvement ce que représente un vote libre au Parti réformiste.

Un vote libre signifie qu'un député se prononce selon la discipline du parti, du programme et des politiques qu'il défend auprès de la population, à moins d'avoir une position exprimée clairement par l'ensemble de ses électeurs, même ceux qui ne l'ont pas élu, mais qui ont voté pour quelqu'un d'autre. Un député connaît cette position au moyen de sondages, d'émissions-débats, d'assemblées publiques, de questionnaires dans le bulletin aux électeurs et d'études scientifiques. Je l'ai fait dans le cas du contrôle des armes à feu. J'habite dans une circonscription urbaine dont la population est très variée. Je me suis donc prononcé selon les souhaits de mes électeurs, qui approuvaient la position du gouvernement sur cette question. Mes collègues en sont fiers. C'est ça un vote libre.

Si nous formions le gouvernement, voici comment fonctionnerait le vote libre et, contrairement à ce que soutient le député, ce serait différent des votes libres qui sont pris dans le cas des projets de loi d'initiative parlementaire. C'est vraiment de la comédie et ces votes n'ont rien à voir avec des votes libres.

Sur la question de l'orientation sexuelle, j'ai aussi voté librement. Je me suis prononcé comme le gouvernement, parce que mes électeurs m'avaient clairement recommandé de voter sur ce projet de loi selon la position du gouvernement, et non selon la discipline de mon parti. Mon parti ne m'a pas expulsé pour autant. J'ai démissionné volontairement et librement du poste de whip de mon parti.

Quand le député dit aujourd'hui que c'était commode, encore une fois, il induit la population en erreur, comme l'ont fait d'ailleurs le ministre des Finances et tous les ministres en face, à part l'actuel ministre du Développement des ressources humaines. C'est lui qui fait le meilleur travail.

Voici la question que je pose au député. Comme il est whip du gouvernement, qu'il se vante d'avoir acquis une expérience de 20 ans dans le système, d'être un homme honnête et intègre, il me donnera sûrement une réponse franche sans tenter de se dérober à la question, je lui demande: Quand ces comités seront mis sur pied, dira-t-il aux membres qui seront nommés comment voter et qui élire comme vice-présidents? Acceptera-t-il de répondre avec conviction, honnêteté et courage concernant les présidents et les vice-présidents? Il faut noter qu'aucun membre d'un parti d'opposition ne peut assumer la présidence du comité des comptes publics. Sur ce sujet, pourrait-il me faire bénéficier de son expérience de 20 ans et être honnête avec moi?

M. Boudria: Monsieur le Président, je commencerai par parler des voeux des électeurs avant de passer à la deuxième partie. Le député vient de nous dire qu'il a pris la bonne décision en votant en faveur du projet de loi sur les armes à feu parce que c'était ce que ses électeurs souhaitaient qu'il fasse.

Il y a cependant quelque chose qui cloche dans son raisonnement, car son chef a déclaré que, même si ses électeurs voulaient qu'il vote en faveur du projet de loi, il allait voter contre. Le député vient de nous dire qu'il avait pris la bonne décision en s'écartant de la ligne du parti. Il doit cependant reconnaître qu'il vient de dire à son chef que ce dernier avait pris une mauvaise décision puisqu'il a fait le contraire de ce que souhaitaient ses électeurs. Voilà le raisonnement qu'il vient de. . .

M. Silye: Et je devrai rendre des comptes.

M. Boudria: Il vient maintenant de nous dire que ses électeurs vont probablement s'en débarrasser. Cela se peut bien, mais là n'est pas la question. Ce que je voulais faire remarquer, c'est que le député vient de nous dire qu'une règle s'applique à lui et qu'il l'a suivie, et que cette règle est celle du Parti réformiste. Toutefois, le chef du parti n'a pas lui-même suivi la règle dont le député vient de dire qu'elle était la règle pour le Parti réformiste. Il faut admettre qu'il y a quelque chose d'incohérent dans son raisonnement.

Passons à la deuxième partie. Le député m'a demandé comment je m'acquittais de mes fonctions de whip du Parti libéral. J'espère que je le fais honnêtement. J'espère que je sers bien mon pays, mon parti, le premier ministre du pays et nous tous à la Chambre des communes. Je crois que c'est ainsi que nous devrions tous nous conduire dans l'exercice de nos fonctions.

(1035)

Le député a été le whip de son parti; il a exercé ces fonctions pour son parti pendant quelque temps et il a fait du très beau travail d'ailleurs. Que ce soit pour décider du moment où tenir un vote ou pour trancher quelque autre question que ce soit, le député a consulté ses collègues et son chef avant de prendre la décision. C'est après avoir pris cette décision qu'il adoptait une position sur quelque question que ce soit.

J'ignore si, dans son parti, c'était lui, quand il était le whip, ou son chef qui choisissait le porte-parole officiel du parti, qui correspondait à peu près, du côté de l'opposition, au président ou au vice-président du côté ministériel. J'ignore tout à fait comment fonctionne le processus de sélection. Peut-être les porte-parole sont-ils choisis en tirant à la courte paille. Peut-être est-ce le chef qui les choisit. Je l'ignore, car c'est une affaire interne qui ne regarde que leur caucus.

M. Strahl: Les comités sont censés être indépendants, Don.

M. Boudria: Le député fait remarquer que les comités sont censés être indépendants.

Nous venons de nommer les membres des comités. Mon vis-à-vis ne me fera pas croire qu'il ne les a pas nommés. Sa signature figure sur le rapport que nous venons de déposer à la Chambre il y a


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quelques minutes. Il est évident qu'établir la composition des comités ne constitue pas un processus indépendant. En vertu du Règlement, cela se fait par les whips de tous les partis politiques.

Le député ne peut pas dire qu'il ne connaît pas le Règlement. Après tout, il a été le whip pendant un certain temps, et je sais que le whip connaissait le Règlement.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant que le débat ne reprenne, je voudrais que nous comprenions tous les règles du débat sur cette motion. Je vais donner la parole au Bloc québécois, puis au Parti réformiste.

Les périodes prévues sont toujours les mêmes: 20 minutes suivies de 10 minutes de questions et observations. Nous reviendrons ensuite aux règles qui régissent normalement le débat, en alternant entre les deux côtés de la Chambre.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, comme d'habitude, j'ai bien aimé l'intervention du whip du gouvernement. Il est toujours très divertissant. Il égaye toujours ses propos d'une petite anecdote politique, mais il arrive souvent qu'il ne réponde pas à la question. La question qui lui a été posée aujourd'hui était précise: est-ce que lui ou un autre responsable du Parti libéral donne des instructions aux membres de ces comités sur l'élection du président et du vice-président?

Les comités sont censés être indépendants de la Chambre. Autrement dit, ils doivent normalement avoir leur programme à eux. Ils convoquent des témoins et tirent des conclusions en toute indépendance par rapport à la Chambre. Ils dirigent leurs propres affaires, s'organisent et, s'ils doivent faire des dépenses, ils demandent la permission à la Chambre.

Nous voudrions que le whip du gouvernement réponde à cette question: les comités jouissent-ils vraiment d'une grande indépendance ou bien le whip du gouvernement ou un autre membre de la hiérarchie leur dictent-ils leur conduite?

Comme l'élection des présidents et des vice-présidents aura lieu bientôt, il sera intéressant de voir ce qui se passe. Le whip du gouvernement refuse de répondre à la question parce que, à la vérité, on dit aux membres comment ils doivent voter aux comités. On leur dit qui sera président, et, quant au poste de vice-président, on leur dit de voter en faveur des députés bloquistes, les séparatistes. Voilà les instructions qui leur sont données. S'ils enfreignent les mots d'ordre, ils doivent payer le prix.

Voilà le type de discipline que nous essayons de faire disparaître aux Communes. Selon nous, ces décisions sont la prérogative des députés eux-mêmes. Ils travaillent les uns avec les autres depuis maintenant plusieurs années.

Je ne peux pas dire à quel point je trouve inconcevable que la vice-présidence du Comité du patrimoine canadien soit confiée à un séparatiste qui veut disloquer notre pays. Au Comité des affaires étrangères, nous voulons des gens qui représentent le Canada et les opinions de ses citoyens, des gens qui présentent la perspective du Canada sur des questions de nature internationale. Qu'avons-nous? Un séparatiste, quelqu'un qui veut diviser le pays, est nommé au poste de vice-président, qui agit un peu comme le comité de direction, si vous voulez, de ce comité.

C'est honteux, d'autant plus que cela s'est fait à l'initiative du whip du gouvernement, celui-là même qui refuse de répondre à la question que lui pose notre ancien whip. Il connaît la réponse, mais préfère tergiverser. Voilà un des aspects du système de comités qui cloche.

(1040)

Pourquoi débattons-nous cette question aujourd'hui? Je vais vous expliquer. Nous parlons de ce qui ne tourne pas rond dans le système des comités.

J'aurais dû mentionner au début de mon intervention que je partage le temps qui m'est accordé.

Nous traiterons aujourd'hui de deux grands thèmes, deux grands aspects de la structure des comités qui clochent, du moins à notre avis. Premièrement, les comités ne sont pas assez indépendants du parti ministériel. J'ai déjà donné un exemple pour illustrer ce propos et je reviendrai sur la nature sectaire de la structure des comités. Deuxièmement, et c'est tout à fait paradoxal, les comités sont trop indépendants du Parlement. Ils sont trop tributaires de la hiérarchie des partis et du Parlement. Je voudrais prendre le temps qui me reste pour brièvement expliciter cela.

À titre d'exemple, j'ai participé aux travaux du comité chargé d'examiner le projet de loi C-64, celui sur l'équité en matière d'emploi. Lorsque le moment était venu de présenter des amendements, j'en avais évidemment un bon nombre à proposer pour améliorer, de mon point de vue, le projet de loi. Cependant, les amendements proposés par le parti ministériel n'émanaient absolument pas des membres du comité. C'étaient des amendements que le ministre a proposés; ils ont été déposés sur le bureau des membres du comité, et la présentation des amendements a débuté. Il y a eu des membres unilingues anglophones du comité qui ont proposé des amendements à la version française du projet de loi. En d'autres termes, ils n'avaient pas la moindre idée de ce qu'ils proposaient d'amender. Il est bien évident qu'ils n'ont absolument pas eu leur mot à dire au sujet de cette mesure législative.

Le comité s'est évidemment penché sur le projet de loi. Nous l'avons bien entendu étudié. Mais le mot d'ordre est venu d'en haut: «Voici les amendements que le ministre veut. Faites-les adopter sinon. . .» Ce n'est pas cela l'indépendance et ce n'est pas ce que nous avions espéré, c'est-à-dire une véritable indépendance par rapport au parti ministériel.

La partialité et le fait que les membres des comités craignent ce qui pourrait leur arriver s'ils ne respectent pas la ligne de parti portent atteinte au processus politique. Cela nuit à l'indépendance des comités. Cela nuit à la capacité de chaque membre d'influer sur la direction de notre pays.

Par moments, c'est grotesque et cela tourne vraiment mal. Par exemple, l'an dernier, lorsque la présidente du Comité de la défense a refusé que nos députés interrogent le ministre de la Défense lorsqu'il a comparu devant le comité. Quelle raison a-t-elle invo-


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qué? Elle a dit que c'était notre invité et qu'on ne posait pas de questions embarrassantes à un invité. Les travaux sont partiaux, extrêmement partiaux. La présidente était choisie à l'avance et n'avait pas la confiance des membres du comité. Elle n'a pas fait ses preuves au sein du comité. Au lieu de cela, elle utilisait son pouvoir absolu pour dire aux gens ce qu'ils pouvaient faire et ne pas faire.

Si seulement le gouvernement comprenait que si on faisait des comités des organismes non partisans, ces derniers deviendraient tout d'un coup des organes utiles, puissants et dynamiques qui auraient l'indépendance requise pour faire en sorte que les députés puissent influer sur les affaires du gouvernement. Au lieu d'être des machines à voter, ils participeraient à l'élaboration des politiques. C'est tout ce qu'il faut faire.

C'était la même chose qui n'allait pas dans le système parlementaire il y a 20, 30 ou 40 ans, et rien n'a essentiellement changé. Qu'un projet de loi soit renvoyé à un comité à la première, à la deuxième ou à la troisième lectures, nous savons tous la vérité. Les comités font ce qu'on leur dit de faire, et ç'est cela que veut absolument le gouverment, malgré tous nos efforts pour changer les choses.

Le deuxième thème, c'est que les comités sont trop indépendants du Parlement. Ils doivent respecter la discipline de parti dans leur fonctionnement à cause de la façon de gouverner du parti d'en face. C'est dommage et tous les membres des comités devraient être libérés de la discipline de parti afin que les simples députés qui siègent aux comités aient une véritable influence.

Les comités parlementaires sont trop indépendants par rapport au Règlement. Ce dernier est l'oeuvre de la Chambre des communes. Il sert à maintenir l'ordre et la civilité dans les débats. C'est pourquoi je m'adresse à vous, monsieur le Président, au lieu d'appeler les députés d'en face par leur nom.

L'expression latine qui sert de guide au système parlementaire est lex rex. En français, cela signifie la loi règne. Autrement dit, la primauté du droit, notre comportement, le déroulement des débats, les questions que nous posons, tout cela est régi par la loi ou, dans le cas du Parlement, par le Règlement, qui prévoit comment tout doit se passer et dans quel ordre.

(1045)

Le système des comités a son propre règlement. Quand la majorité ministérielle prend une décision, c'est elle qui l'emporte. Autrement dit, c'est le parti qui décide. Je ne sais pas comment cela se dit en latin, mais le parti règne. Ce n'est pas la règle de droit qui prévaut, ce n'est pas un règlement clairement énoncé qui régit les travaux des comités, car la majorité ministérielle fait comme elle l'entend quand les choses se corsent.

Le 17 mai 1995, le Comité des droits de la personne étudiait ce même projet de loi sur l'équité en matière d'emploi. Pendant cette pseudo étude, j'ai soulevé la question de privilège. Je voudrais vous raconter un peu ce qui est arrivé lorsque j'ai soulevé la question de privilège. J'avais fait part à la Chambre des communes de certaines observations.

Premièrement, j'ai tenté de soumettre des propositions d'amendement en anglais au comité et je n'y ai pas été autorisé parce qu'elles étaient en anglais seulement. Le président ne voulait pas les accepter. Ils étaient parfaitement réguliers, mais en anglais seulement. Cela est tout à fait inacceptable dans un pays où les deux langues sont reconnues. Tout à fait inacceptable, mais qui s'en soucie? Le président frappe de son marteau et il est roi. Les ordres sont venus d'en haut. La décision du président a été contestée, mais il a été soutenu par le whip du gouvernement et d'autres députés présents. Le président avait tous les pouvoirs.

Lorsque certaines propositions d'amendements ont été étudiées, certaines ont été adoptées par le comité sans qu'il y ait de vote. Le président a dit: «Je ne veux rien entendre à ce sujet!» Et c'est ainsi que des amendements ont été adoptés. Nous avons protesté que ces amendements n'avaient même pas été déposés, mais il a répliqué que cela ne changeait rien, qu'ils étaient adoptés. C'est cela la nouvelle ouverture d'esprit, le nouveau style de collaboration.

Le comité a ensuite imposé l'attribution de temps. Il a déclaré qu'il y aurait bel et bien un débat, mais en imposant un maximum de cinq minutes par article. Ce délai ne suffisait même pas pour lire certains articles, mais c'est toute la liberté dont nous disposons en comité.

Le problème demeure entier et il a deux dimensions. Dans le système partisan, tout vient d'en haut, la hiérarchie au sein du Parti libéral doit être rigoureusement respectée. D'un autre côté, ce parti ne connaît pas d'autres lois que la loi de la jungle. Ceux qu'ils nomment à ces postes font le jeu des dirigeants. C'est déplorable. Nous avons un système de comité efficace et les simples députés de tous les partis devraient être scandalisés de la façon dont il est exploité.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, plusieurs des exemples qu'apporte mon collègue sont justes. Je pense qu'il y a à revoir le fonctionnement des comités, des élections au sein des comités, mais la question que l'on pose aujourd'hui est bien plutôt la question de la ligne de parti.

Je pense qu'une des bases du parlementarisme britannique est effectivement l'existence de la ligne de parti. On le voit aux élections. Les gens se présentent avec un programme, ils se font élire en fonction d'une ligne de parti. Pourquoi, une fois élus, n'auraient-ils plus de ligne de parti? Ces gens peuvent se présenter à titre d'indépendants s'ils le veulent. S'ils se font élire, ils auront leur ligne à eux seuls, c'est leur affaire. Mais quand j'entends les gens du Parti réformiste dire qu'eux ont des idées, eux ont un programme, eux ont quelque chose à offrir aux gens, ils se feraient élire sur cette base et par la suite ils l'oublieraient? Ça n'a aucun sens.

Je pense que le problème est bien plutôt le fait que ce nouveau parti ici en Chambre a beaucoup de problèmes, de difficulté à s'adapter au fonctionnement de la Chambre. Je vous donne un exemple. On a déjà siégé ici une soirée en raison d'une série


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d'amendements proposés par un député du Parti réformiste qui a même voté contre ses amendements. Il y a eu unanimité en Chambre, tout le monde a voté contre et il les avait proposés. Il faut quand même le faire. Il faut se dire les choses telles qu'elles le sont.

J'ai participé aux négociations sur la constitution des comités quand le Parlement a ouvert, en janvier 1994. On négociait sur les locaux. Ça m'a pris deux heures, au nom du Bloc, à choisir les locaux des députés du Bloc. Cela a pris une dizaine de jours aux membres du Parti réformiste. Ils ont même choisi un garde-robe pour un de leurs députés. Il y a comme un problème quelque part.

(1050)

J'ai proposé aux députés du Parti réformiste, et c'était une première, une innovation ici à Ottawa, en ce Parlement, cinq comités dont ils pouvaient avoir la vice-présidence. Ils ont dit: on exige les finances, le commerce, l'agriculture, la justice et l'industrie. Et un chausson aux pommes avec ça? Il ne manquait que ça.

Cela n'a aucun sens. Ils ne savent pas comment négocier et ensuite ils se plaignent que ça fonctionne mal. Moi je pense qu'ils doivent s'adapter à la façon dont ça se passe ici. On est un parti souverainiste. On a des désaccords majeurs avec le parti au pouvoir, il va sans dire, but we agree how to disagree. On est capable de s'entendre sur les règles du jeu pour dire: ça va se passer comme cela. Par la suite la partie sera dure, mais on s'entend sur les règles.

Il y a moyen de fonctionner avec ces règles. Nous l'avons fait, nous, un parti souverainiste. On est capable de fonctionner avec les règles du Parlement. Je comprends mal qu'un parti fédéraliste comme eux ait de la difficulté à fonctionner ici. Le problème, ce ne sont pas les règles, le problème c'est ce parti.

[Traduction]

M. Strahl: Monsieur le Président, je souhaite entendre un plaidoyer ferme en faveur du respect de la règle du droit. J'espère que les députés d'en face prendront position, pendant un débat référendaire et au cours des négociations qui suivraient, en faveur du respect strict de la primauté du droit au Canada et du respect de la Constitution. J'espère que c'est ce qu'ils feraient, quoique je n'en mettrais pas ma main au feu. Ils semblent utiliser le principe de la primauté du droit à leur convenance.

En fait, les comités peuvent se conformer aux règles et c'est certainement ce que nous ferons, mais le problème est qu'il n'y a pas de règles comme tel. Certains comités font leurs propres règles.

Il arrive qu'un comité soit dirigé par un parlementaire chevronné. Le député d'en face en est un bon exemple. Nous divergeons d'opinions avec lui à bien des égards, sur beaucoup de politiques, d'opinions et d'idées qu'il défend.

Même pendant le débat sur le contrôle des armes à feu, qui a été long et très animé, nous n'avions rien à redire quant à la façon dont mon collègue à agi et a assumé la présidence. Ce n'est pas le cas de façon générale.

Des personnes sans expérience, mises au rancart ou que l'on veut récompenser obtiennent parfois la présidence d'un comité, qu'elles dirigent de façon autoritaire afin de satisfaire les seuls désirs des dirigeants de leur parti. Ce n'est pas acceptable.

Par ailleurs, malgré nos divergences politiques, je sais que mon collègue d'en face, qui a déjà été ministre de la Justice et possède une longue expérience, saura agir de façon impartiale en comité. Je n'ai aucune crainte à cet égard. Il est intéressant de signaler qu'il a déjà voté contre le gouvernement et qu'il a perdu son poste de président de comité il y a an après avoir fait ce qu'il croyait juste de faire. Nous ne pouvons plus bénéficier de son expérience et c'est regrettable.

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de discuter aujourd'hui de la question des comités.

Bien que ce soit un débat sur les comités, on pourrait presque parler de débat sur la démocratie elle-même. C'est vraiment un débat sur une définition de la démocratie qui conviendrait à notre structure de comités.

Je pourrais parler des comités en général. Mon collègue a déjà présenté des exemples précis. Je pourrais parler en général, mais je commencerai par faire certaines observations sur un comité particulier, probablement le pire qu'on puisse trouver sur la colline. C'est peut-être le meilleur exemple de ce que j'appellerai de la manipulation de la démocratie.

Ce comité est celui qui décide si oui ou non les projets de loi d'initiative parlementaire feront l'objet d'un vote. Juste avant le congé d'été, en juin 1996, une députée ministérielle, la députée de Mississauga-Est, a fait un commentaire sur le comité qui venait de décider que son projet de loi ne ferait pas l'objet d'un vote. Ses propos ont été rapportés dans le Hill Times: «Je ne veux pas dire que c'est un tribunal irrégulier. Ce serait plutôt un tribunal fantôme. Il travaille dans l'ombre et ses membres disparaissent aussitôt leur oeuvre accomplie.»

C'est vraiment une bonne description de ce comité. La députée a dit qu'elle avait un projet de loi d'initiative parlementaire qui aurait mis un terme aux peines concurrentes et forcé les violeurs et les meurtriers à purger des peines consécutives lorsqu'ils ont commis plusieurs crimes. Son projet de loi n'a pas fait l'objet d'un vote parce que le gouvernement a décidé qu'il ne voulait pas que cette question fasse l'objet d'un vote libre à la Chambre.

(1055)

Est-il possible, pour les députés, de savoir pourquoi on n'a pas voulu que ce projet de loi fasse l'objet d'un vote? Son auteur peut-il savoir ce qui s'est passé au comité? Non. On ne garde pas en archives les travaux du comité. Tout se passe en secret, à huis-clos, et rien n'est conservé. Pas étonnant que la députée de Mississauga--


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Est ait qualifié ce comité de comité fantôme. C'est exactement cela: il travaille dans l'ombre et ses membres disparaissent aussitôt leur oeuvre accomplie.

Ce qui est arrivé à la députée est chose courante. Ça m'est arrivé aussi. Tous les projets de loi d'initiative parlementaire que j'ai présentés ont été déclarés comme ne devant pas faire l'objet d'un vote. Peut-être y avait-il de bonnes raisons logiques à cela, mais je ne peux absolument pas trouver d'explications. Pour moi et peut-être pour d'autres députés dans cet endroit qui ont présenté un projet de loi d'initiative parlementaire, il n'y a probablement pas pire comité sur la colline.

Comme la députée de Mississauga-Est l'a dit, si elle avait présenté un projet de loi qui prévoyait un meilleur traitement des criminels, il aurait été expédié en une semaine. En revanche, lorsque vous présentez un projet de loi qui prend le parti des victimes ou remédie à une injustice monstrueuse, vous pouvez vous attendre à vous heurter à une forte résistance et à de nombreuses années d'efforts et de débats. À la députée, je dis bienvenue au club, car c'est ce que ce côté de la Chambre combat tout le temps.

L'an dernier, sur un total de 16 projets de loi d'initiative parlementaire visant à resserrer le système judiciaire, pas un n'a réussi à franchir l'obstacle que le système a mis en place par le biais de ces comités pour empêcher qu'un projet de loi ne soit adopté. Même les projets de loi qui ont été déclarés par ce tribunal fantôme comme pouvant faire l'objet d'un vote et qui sont ensuite adoptés à la Chambre sont renvoyés à des comités qui alors font de l'obstruction, les laissent traîner et les gardent là sur les ordres des ministres jusqu'à ce qu'ils disparaissent de la carte.

Nous en avons eu maints exemples. Le projet de loi qui aurait pu permettre de se débarrasser de l'article 745 du Code criminel a été adopté par la Chambre, et pourtant le comité et le ministre résistent à la volonté des députés. À notre avis, c'est un outrage au Parlement.

Les députés des deux côtés de la Chambre demandent de plus en plus que toutes les mesures d'initiative parlementaire fassent l'objet d'un vote et que les comités arrêtent de s'immiscer dans le processus. Nous devrions avoir le droit de faire valoir la volonté des Canadiens dans cet endroit et de légiférer de façon à répondre à leurs attentes. J'espère que nous assisterons bientôt au démantèlement de ce comité, ce tribunal fantôme, qui nous pose un grand problème.

Les problèmes qui se posent dans les comités ne sont pas sans rappeler la foule de problèmes qui se présentent ici même, mais qui ne sont qu'effleurés et qui font de la Chambre une simple mascarade, pour ainsi dire. Les vraies questions se règlent ailleurs, derrière des portes closes. Tout se décide à l'avance et ce qui se passe à la Chambre n'est que pure mascarade.

Par exemple, j'écris des lettres à des ministres au sujet de questions importantes concernant ces comités. Les mois passent. Une lettre écrite au ministre de la Justice demeure toujours sans réponse après deux mois. Une question inscrite au Feuilleton le 5 octobre 1995, dont le délai de réponse est de 45 jours, et demandant quels montants reçoit la bande indienne Squamish, dans ma circonscription, est toujours au Feuilleton depuis octobre 1995 et n'a jamais obtenu de réponse. Ce n'est là qu'un autre symptôme des problèmes que nous avons constamment.

Mon collègue de Fraser Valley a mentionné le comité sur l'équité en matière d'emploi. Je siégeais avec lui à ce comité lorsque le projet de loi traitant de cette question a été examiné l'année dernière. On nous avait dit que le projet de loi serait renvoyé au comité avant sa deuxième lecture pour que les députés puissent apporter une contribution positive à sa formulation avant sa deuxième lecture à la Chambre. Quelle comédie. C'était incroyable. Lorsque nous décrivons la situation à des gens du monde extérieur, d'en dehors de la Chambre, ils ont du mal à croire que nous leur disons la vérité.

Un délai a été fixé-des règles arbitraires établies par le comité-pour discuter de tout article du projet de loi. Il importait peu que l'article soit long ou court. Le délai était de cinq minutes, et cela comprenait le temps qu'il fallait au ministériel pour le lire à haute voix et en décrire la teneur. Mon collègue de Fraser Valley et moi n'avons même pas pu poser des questions aux experts qui comparaissaient devant ce comité, des experts du gouvernement, pour préciser. On ne nous a même pas permis de les interroger. Nous avions des questions formulées par nos électeurs à leur poser et on nous a refusé ce droit. Le comité a procédé à l'étude du projet de loi en question à toute vapeur, après les heures normales de travail, après un court délai d'avis, de sorte qu'il nous a été impossible de faire comparaître des témoins devant ce comité. C'est un abus et une manipulation de la démocratie. C'est inacceptable.

(1100)

Mon collègue de Fraser Valley a donné un exemple qui a trait à la façon dont le président a décidé qu'il avait assez discuté et a adopté une mesure de son propre chef. Il y a aussi le cas où nous avions réussi à déjouer la vigilance de certains ministériels qui roupillaient et à faire adopter une disposition, hé bien, le président a de lui-même annulé la décision. Il a modifié les résultats du vote. Les oui l'avaient emporté et la mesure avait été adoptée. Il a dit que c'étaient les non qui l'avaient emporté et que, par conséquent, la mesure était rejetée. Et nous n'avons pas pu faire renverser la décision. Par la suite, quand l'affaire a été renvoyée à la Chambre et que nous avons réclamé justice au Président afin que les décisions prises par le comité des ressources humaines soient annulées, on nous a répondu que les comités étaient maîtres de leur propre destinée.

Voici un autre exemple. J'ai siégé à un petit comité qui devait examiner les changements à apporter au tracé de la circonscription de Vancouver North. Il n'y avait que trois députés au sein de ce comité, deux ministériels et moi-même en tant que représentant du Parti réformiste. Le service du greffier comprenait cinq personnes, une pour vérifier la traduction, une autre pour surveiller ce qui ce passait et d'autres pour faire je ne sais pas trop quoi, mais toujours est-il qu'il étaient cinq, plus nous trois. Il nous fallait élire un président. Un des ministériels m'a demandé si je ne voyais pas d'inconvénient à ce qu'il propose un autre ministériel au poste de président. Je lui ai répondu que je connaissais les us et coutumes et qu'il devait faire ce que doit. Il a donc proposé l'autre député libéral


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pour occuper la présidence. Puis ils m'ont tous deux regardé pour me signifier d'appuyer la proposition. Non mais, est-ce croyable? «Pas question, fis-je, vous ne pouvez tout de même pas vous attendre à ce que j'acquiesce, c'est anti-démocratique.» Ils se sont donc regardé l'un l'autre un moment, ils ont regardé le greffier et celui-ci a dit: «On pourrait toujours modifier les règles.» Ce qu'ils firent. Ils ont modifié les règles de façon à ce qu'ils n'aient même pas besoin de faire appuyer la candidature du président.

Le système des comités tout entier est une honte. Je pourrais donner des exemples pendant une heure. Je vois que mon temps de parole tire à sa fin et j'aime bien la période des questions et observations. J'ajouterai simplement qu'un changement s'impose.

[Français]

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, à l'instar de mon collègue tout à l'heure, le député de Laurier-Sainte-Marie qui posait une question, je suis également d'accord pour reconnaître que certains des arguments préconisés par le Parti réformiste peuvent recevoir notre assentiment. C'est vrai qu'il est difficile de travailler au sein des comités avec un gouvernement qui a une représentation majoritaire sur chacun de ces comités. Comme le gouvernement, évidemment, agit dans ces comités avec une certaine solidarité ministérielle, il est difficile de tout le temps avoir gain de cause. C'est le jeu démocratique.

Dans cette hypothèse, il peut arriver qu'il soit très frustrant pour le Parti réformiste, comme il peut l'être aussi pour l'opposition officielle, de se voir à l'occasion refuser certaines demandes ou certaines propositions.

Si on veut améliorer les choses, j'aimerais que le député nous dise comment il souhaiterait, lui, voir le fonctionnement des comités. Avant de savoir si on peut appuyer leur position, avant de savoir si on peut dénoncer l'attitude du gouvernement là-dessus, j'aimerais savoir quel alternative le Parti réformiste préconise dans ces comités. Quel fonctionnement démocratique voudrait-il voir utiliser pour arriver, lui, à ses fins, parce que je les soupçonne bien d'entretenir certaines frustrations sur des propositions qui n'ont pas eu la majorité dans le comité? Par quelle stratégie, par quel mécanisme le Parti réformiste voudrait-il voir siéger des comités dans le respect de tous les autres membres qui ne font pas partie de leur formation politique?

[Traduction]

M. White (North Vancouver): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de sa question concernant le fonctionnement des comités. On a discuté du système parlementaire britannique. Il est vrai que le fonctionnement de la Chambre fait appel à une grande tradition. C'est tout à fait exact.

(1105)

Cependant, il suffit d'avoir la volonté politique nécessaire pour changer ces choses qui existent depuis très longtemps. Dans la plupart des cas, elles correspondent à une époque depuis longtemps révolue, où les gens n'étaient pas très instruits et les communications pas très bonnes.

Edmund Burke a dit qu'on ne rendait pas service à ses électeurs en représentant leurs souhaits. C'était il y a 200 ans. Nous vivons aujourd'hui à l'ère de l'information. Nos électeurs sont extrêmement bien informés. Ils savent ce qui se passe dans le monde. Ils peuvent savoir dans le menu détail ce qui se passe à la Chambre.

Je suis persuadé que tous les députés rencontrent de temps à autre des électeurs qui en savent plus qu'eux sur un projet de loi en particulier et sur ses éventuels avantages et désavantages. Il y a un député là-bas, qui représente les îles. Il a avoué qu'il ne lisait jamais les projets de loi. Il y a des électeurs qui s'y intéressent directement.

Pour les réformistes, on peut se présenter aux élections avec un mandat général définissant ses grandes positions, mais, dans ce cadre, il faut avoir la souplesse voulue pour se conformer à l'ère de l'information et adapter ce programme à la volonté des gens, ceux qui, après tout, paient nos salaires. Ainsi, lorsqu'un comité parcourt le pays pour entendre les instances des gens, il doit vraiment le faire de façon démocratique pour que le résultat ne soit pas déjà établi. Il doit vraiment vouloir savoir ce que les Canadiens souhaitent et être prêt à avoir la volonté politique nécessaire pour ajuster son programme et mettre de côté tout sectarisme.

Cela ne se produit pas très souvent. Ces trois dernières années à la Chambre, j'ai eu à me prononcer à trois reprises contre la position de mon parti pour représenter les souhaits de mes électeurs face à des projets de loi d'initiative ministérielle. Ainsi, ce n'est pas chose courante. Cela arrive dans le cas de questions extrêmement bien réfléchies. Le fait d'être en mesure de faire cela n'entraîne aucune conséquence pour moi.

C'est une nouvelle démocratie. Tout ce que cela prend, c'est la volonté politique. J'exhorte les députés à appuyer ces modifications pour avoir un système vraiment démocratique.

[Français]

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, je regrette de devoir dire à cette Chambre qu'il m'apparaît que le Parti réformiste, ce matin, en faisant ce débat, utilise un prétexte à un débat qui aurait pu être celui d'une journée des subsides.

L'honorable député réformiste n'a pas répondu à la dernière question que je lui posais. J'ai lancé la balle dans son camp en lui demandant, par votre intermédiaire, s'il pouvait nous indiquer comment il souhaiterait qu'on procède dans les comités. Il n'a pas répondu à cette question.

L'enjeu véritable de la discussion, c'est la frustration du Parti réformiste de ne pas avoir obtenu le titre d'opposition officielle dans ce Parlement et partant, de ne pas pouvoir obtenir le nombre de vice-présidences dans les comités qu'il désirerait. C'est ça le véritable débat.

Sous le couvert d'un vote libre, le Parti réformiste nous laisse entendre qu'il permet à ses députés de voter librement, qu'ils n'ont pas à suivre la ligne de parti. J'aimerais qu'ils nous parlent de Mme Jan Brown; qu'est-il arrivé à cette dame? Je m'excuse, monsieur le Président, j'aurais dû mentionner le nom de son comté.


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Le président suppléant (M. Kilger): Je m'excuse, mais en ce moment, personne ne vous entend, parce que c'est mon micro qui est ouvert et non le vôtre. Il n'y en a qu'un qui peut être debout à la fois. Le député s'est quand même corrigé lui-même, mais je tiens à rappeler qu'on doit parler de nos collègues en utilisant le nom de leur comté ou de leur ministère.

M. Laurin: Comme je n'ai pu me corriger au micro, je le fais maintenant puisque mon micro est ouvert; j'aurais dû dire la députée de Calgary-Sud-Est. Je voudrais que les députés du Parti réformiste me disent ce qu'ils ont fait de la députée de Calgary-Sud-Est lorsque celle-ci a décidé de voter librement, lorsqu'elle a décidé de ne pas suivra la ligne de Parti parce qu'elle trouvait les réformistes trop radicaux, trop extrémistes?

(1110)

On n'a pas permis à ce député de demeurer au sein de leur parti, on l'a exclu. Aujourd'hui les purs, sous un air angélique, viennent nous dire qu'eux préconisent la liberté de vote au sein de leur parti. Je veux bien, mais sur certains projets de loi qui n'ont pas trop d'importance. Si le Parti réformiste présente un projet de loi pour décider de l'utilisation du poil de vache dans le mortier, je pense bien qu'il peut permettre à ses députés de voter librement sur une question comme celle-là. Mais sur des questions fondamentales et très importantes, sur lesquelles un parti s'est fait élire, il est important que l'on maintienne une solidarité, et cette solidarité doit se répercuter au sein des comités.

Je doute également de la sincérité des gens du Parti réformiste, parce qu'on a eu des exemples de leur comportement dans les comités. Depuis trois ans que nous sommes élus, chaque fois qu'on a procédé à l'élection des présidents et des vice-présidents des comités, le Parti réformiste s'est toujours opposé à ce que ce soit un député du Bloc québécois qui soit élu président, au Comité des comptes publics par exemple, ou à la vice-présidence dans les autres comités, puisque traditionnellement la présidence des comités est occupée par un député du parti au pouvoir et, pour le Comité des comptes publics, la présidence est traditionnellement occupée par un membre de l'opposition officielle.

Le Parti réformiste aurait voulu être l'opposition officielle. Malheureusement, l'électorat a décidé de lui donner deux députés de moins que le Bloc québécois. Le Parti réformiste, devant cette très grande frustration, avait décidé de tenter de changer les règles, de changer la tradition. C'est vrai que ce n'est pas un règlement, mais la tradition parlementaire a fait en sorte qu'on a toujours procédé ainsi. On a toujours accordé la vice-présidence des comités à l'opposition officielle.

C'était aux membres du Parti réformiste à travailler plus fort pendant la campagne électorale et à faire élire le plus grand nombre de députés. Ils auraient été reconnus à titre d'opposition officielle et ils auraient obtenu ce privilège. Eux qui parlent de démocratie, eux qui parlent de tradition britannique devraient savoir que la démocratie et la tradition britannique font en sorte que c'est la loi du plus grand nombre qui est majoritaire, c'est la loi du plus grand nombre qui décide.

Le plus grand nombre, c'est le Bloc québécois qui l'a obtenu. Ils refusent d'accepter le plus grand nombre, et ça aussi c'est un autre prétexte, parce que la véritable raison pour laquelle ils veulent mettre des bâtons dans les roues de l'élection de vice-présidences, de représentants du Bloc dans les comités, ce n'est pas parce que ce sont des gens du Bloc, c'est surtout parce que les gens du Bloc sont des souverainistes.

Nous sommes souverainistes parce que nous avons bâti notre programme comme ça. Nous l'avons présenté au peuple du Québec et le peuple du Québec a choisi démocratiquement de nous envoyer majoritairement à Ottawa pour les représenter. Le peuple du Québec a tellement bien fait son choix qu'il a fait en sorte que nous obtenions l'opposition officielle. On peut dire merci au peuple québécois, parce qu'il est maintenant bien représenté.

Les gens du Parti réformiste voudraient, parce que nous sommes de cette opinion souverainiste, que cette option politique nous empêche, nous enlève le droit de siéger démocratiquement sur les comités. Parce que nous sommes souverainistes, ils voudraient que les bloquistes n'aient pas le droit d'avoir un poste de vice-présidence aux comités.

Si on n'avait pas le droit d'avoir un poste de vice-président, pourquoi aurions-nous le droit d'avoir un membre au sein du comité? Si on n'a pas de membre au comité, que devient notre droit démocratique? N'est-ce pas là le premier respect qu'il faut avoir de la démocratie?

(1115)

Le premier respect qu'il faut avoir de la démocratie, c'est d'accepter le choix qu'ont fait les électeurs d'un comté, d'une province, pour envoyer leurs représentants à la Chambre des communes. C'est là qu'est le premier respect de la démocratie. Il ne s'agit pas de dire qu'on refuse une vice-présidence parce que cela ne fait pas notre affaire cette fois-ci. Cette personne a des opinions que nous ne partageons pas, en conséquence, nous lui refusons le droit d'être vice-présidente d'un comité. Si c'était comme ça, on n'irait pas très loin en démocratie.

On a vu l'attitude du Parti réformiste au comité qui s'est penché sur l'affaire Jacob, par exemple. C'est drôle comme ils ont manifesté beaucoup de solidarité à ce moment-là. On n'a pas senti que les représentants du Parti réformiste, à ce comité, avaient beaucoup de latitude pour exprimer leur opinion. Ils devaient tous penser de la même façon, sinon, ils ne pouvaient faire partie du comité. Quand ça n'allait pas, ils en remplaçaient un par un autre.

Encore une fois, sous le couvert d'allures angéliques, le Parti réformiste vient nous parler aujourd'hui d'une plus grande démocratie dans les comités. C'est vrai, et je le reconnais avec eux, qu'on se fait parfois bousculer par le parti au pouvoir qui a la majorité dans tous les comités. Et c'est vrai que le parti au pouvoir qui a la majorité et qui décide d'exercer sa solidarité peut nous battre à chaque fois.

M. Pettigrew: C'est ce que le peuple veut.

M. Laurin: Ça aussi, c'est la démocratie qui l'a décidé. J'aimerais bien voir ce que ferait le Parti réformiste s'il se retrouvait au pouvoir demain matin, pour voir si ce parti dirait: à partir d'au-


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jourd'hui, vous êtes libres d'élire qui vous voulez comme président du comité, même si nous avons la majorité ministérielle.

C'est de l'angélisme. Ce n'est pas vrai que le Parti réformiste se conduirait ainsi. À ce moment-là, il serait le premier à vouloir utiliser les règles de la démocratie qui parleraient en sa faveur, il serait le premier à vouloir les utiliser et à se battre contre tous les autres qui s'y opposeraient.

Je regrette, mais le véritable débat d'aujourd'hui porte sur la frustration du Parti réformiste de ne pas être l'opposition officielle et c'est ce qu'il faut entendre dans leurs propos.

[Traduction]

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais faire une observation sur ce que j'ai entendu à la Chambre ce matin au sujet de la règle de droit. Mon collègue, le député de Fraser Valley-Est, a été très précis à ce sujet. Il a dit que la Chambre avait comme principe que la loi est reine. L'expression latine qui traduit cela est lex Rex.

Il a ensuite décrit ce que faisaient les comités, ce qui n'est pas la règle de droit. Il a soutenu plutôt que les comités semblaient observer la règle de la politique, que le système politique était Rex, ou roi. Il ne savait pas comment dire en latin que le parti était roi.

Je me suis penché sur la question et j'ai une proposition à faire à la Chambre. Je crois que la traduction latine pour la règle qui s'applique au système des comités est «tyrannosaurus Rex» et vient de l'ère des dinosaures.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Je ne sais pas si le député de Joliette veut faire un commentaire suite aux remarques de son collègue.

M. Laurin: Oui, monsieur le Président. Je trouve étonnant d'entendre de tels propos de la bouche du député qui vient de s'exprimer, compte tenu de ce qu'on connaît de ses dernières déclarations du printemps et de l'été.

La loi n'a pas beaucoup d'importance pour ces gens-là. Ce qui compte, ce sont leurs opinions, leurs opinions d'extrémistes. Quand la loi ne fait pas notre affaire, on passe à côté. Quand la personne qui est devant nous ne partage pas notre opinion, on veut la limoger. Si la personne devant nous n'a pas la bonne couleur de peau, on la met dehors. Si la personne qui est devant nous n'a pas la bonne politique, la bonne philosophie politique sur les orientations du pays, on voudrait la mettre de côté, la limoger.

(1120)

On l'a toujours dit, on est ici depuis trois ans et on le répète, autant le parti au pouvoir que l'opposition officielle: le Parti réformiste est un parti d'extrémistes qui se comporte comme tel non seulement dans ses déclarations officielles dans les journaux, non seulement dans les exagérations personnelles de certains de ses députés, mais aussi dans son comportement dans chacun des comités de la Chambre. On veut exclure les gens à cause de leur opinion politique. C'est de la discrimination. C'est de l'extrémisme. C'est comme le racisme. C'est comme ceux qui sont contre la religion.

Aujourd'hui, ces gens voudraient aujourd'hui nous donner une leçon de démocratie. Ils ne sont même pas capables de nous définir comment les comités devraient fonctionner pour que ce soit plus respectueux de l'opinion des gens.

Je les retourne à leurs réflexions personnelles et je pense que c'est la dernière fois qu'ils se posent cette question, parce qu'aux prochaines élections ils ne devraient pas être en nombre suffisant pour pouvoir revendiquer quoi que ce soit, ni au sein des comités ni à la Chambre des communes.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): La période de cinq minutes allouée pour les questions et les observations est brève. Comme je tiens à satisfaire le plus d'intervenants possible, je demande la collaboration du député de Calgary-Centre. Il dispose d'une minute pour faire une observation ou poser une question, et j'accorderai le même délai au député de Joliette pour qu'il réponde.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, le député a parlé de la tradition, et ce que nous avons proposé devrait s'appliquer dans les comités permanents.

Le député a fait allusion à la tradition. Je voudrais plutôt me reporter au Règlement, qui est clair. Nous voudrions que les comités permanents se conforment au paragraphe 106(2) du Règlement, qui dit ceci:

Chacun des comités permanents et spéciaux élit un président et deux vice-présidents, dont deux parmi les députés du parti ministériel et un parmi les députés de l'opposition. . .
Cette disposition n'interdit pas aux membres du troisième parti à la Chambre d'occuper ces postes.

Depuis 1958, le président du Comité permanent des comptes publics est un député de l'opposition, conformément à la tradition parlementaire britannique. Même le commentaire 781 de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne dit que le Comité permanent des comptes publics est normalement présidé par un député de l'opposition. Cela n'exclut aucun parti d'opposition. La tradition à laquelle le député fait allusion ne parle pas de l'opposition officielle.

La procédure n'empêche aucun député de quelque parti que ce soit d'occuper la présidence d'un comité quelconque. Un précédent a été créé pendant la troisième session de la 35e législature, car des députés du NPD, tiers parti comme nous le sommes, ont occupé la vice-présidence de certains comités et sous-comités et même présidé des comités législatifs.

Notre parti recommande une transparence réelle dans l'élection des présidents et vice-présidents, et des votes vraiment libres, au lieu des scénarios que le gouvernement impose à tous les comités permanents. Voilà ce que nous recommandons. Qu'on laisse aux membres le soin de leur propre destin et qu'on les laisse voter librement pour leurs présidents et vice-présidents.


4427

[Français]

M. Laurin: Monsieur le Président, le député de Calgary-Centre a parfaitement raison dans ce qu'il vient de dire. C'est vrai que la loi dit cela, mais c'est vrai aussi que, dans notre parlementarisme, il y a des traditions parlementaires, il y a des pratiques parlementaires qui souvent nous guident.

Mais dans l'hypothèse où on s'en référait seulement qu'à la loi, le parti du Bloc québécois a présenté des candidats au poste de vice-président dans les comités. Il les a présentés, et le Bloc québécois a réussi à convaincre les représentants du gouvernement de voter pour ses candidats. Tout ce que cela prouve c'est qu'on avait le même droit que les députés du Parti réformiste. On a utilisé ce droit et, comme on est meilleur qu'eux, on a réussi à convaincre le gouvernement de voter en faveur de nos candidats. C'est pour ça aujourd'hui qu'on a des vice-présidents, et ça s'est fait démocratiquement.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, la chose la plus extraordinaire qu'il y a dans la vie politique parlementaire, ce sont les rebondissements. Je vous avoue sincèrement que hier soir, quand je me suis couchée, je ne m'attendais pas à me retrouver ce matin en plein débat au sujet d'un rapport présenté par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

En 1993, pendant la campagne électorale, il y avait effectivement quatre grands partis qui allaient tenter de séduire l'électorat. Il y avait le Parti libéral qui prétendait qu'il était le meilleur parti pour gérer le Canada; il y avait les conservateurs qui, évidemment, maintenaient la même chose; il y avait le Parti réformiste qui, lui, voulait changer le Canada, et qui savait comment changer le Canada; et il y avait un autre groupe, des séparatistes, des souverainistes, qui ont dit: «Nous autres, on veut aller à Ottawa pour défendre les intérêts des Québécois.»

(1125)

Le soir du 25 octobre, on s'est retrouvé avec le parti ministériel actuel, le Parti libéral, fortement majoritaire avec, bien sûr, la responsabilité que cela implique. Quand on est fortement majoritaire, on a finalement tout le pouvoir de faire ce qu'on veut. Il y a un prix à payer pour ça et je pense que les électeurs pourront faire payer le prix quand le temps viendra.

Le Parti réformiste, lui, a fait élire 52 députés ce qui, en fait, n'était pas mal pour un nouveau parti. Malheureusement au Québec, il y en a eu 54. Autrement dit, on devenait l'opposition officielle par une longueur de nez. Comme chez nous les nez ne sont pas très longs, c'était seulement deux députés, sauf qu'on les avait.

Le parlementarisme tire toute sa valeur et tout le respect que la société lui doit des règles et de la tradition. Donc nous sommes devenus l'opposition officielle. Ça n'a pas fait l'affaire des gens du Parti réformiste, et je peux le comprendre.

Ce que je comprends moins, par ailleurs, c'est qu'après trois ans, ils ont été incapables de faire la part entre le bon sens, la logique et, finalement, la responsabilité qu'ils ont en tant que parti dans cette Chambre de s'assurer que le temps de la Chambre soit géré de façon intelligente. Ils voulaient réformer le Canada. Quand on est capables d'utiliser le temps de la Chambre pour des choses très intéressantes mais discutables, on peut se poser des questions.

Que veut dire «le temps de la Chambre»? Cela veut dire 295 députés qui sont là pour défendre les intérêts de leurs concitoyens, ça veut dire du personnel qui travaille avec ces députés, ça veut dire du personnel de soutien à la Chambre. Quand on perd le temps de la Chambre, c'est par dizaine de milliers de dollars qu'on lance l'argent par les fenêtres.

Mon collègue de Joliette a parlé de l'affaire Jacob. L'affaire Jacob, tout le monde s'en rappelle, je pense. Quand on va parler de la 35e législature, c'est un élément qui en ressortira. On a écouté le Parti réformiste, on s'est présenté au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, les gens ont travaillé très fort et la conclusion finale a été que dans le fond, il n'y avait rien là.

Ce qui se passe ce matin, et grâce au ciel le débat se terminera à deux heures moins cinq, il n'y a effectivement rien là. Que l'opposition officielle se retrouve depuis trois ans avec le poste de vice-président dans chacun des comités, je peux comprendre que cela est frustrant pour le Parti réformiste, mais c'est une des responsabilités de l'opposition officielle. Le parti ministériel l'a compris et il trouve tout à fait raisonnable de voter pour les candidats que le Bloc québécois soumet aux comités.

Quand on reconnaît que quelqu'un a une responsabilité, il y a des gestes qui vont avec ça. Je pense que le parti ministériel s'accommode bien de l'opposition que nous sommes et il le manifeste. Je suis tout à fait d'accord avec ça, je n'ai pas du tout de problème avec cela.

Par contre, de là à dire que c'est facile de travailler en comité, ce n'est pas toujours facile. Parfois, on a des bonnes idées, on est convaincu d'avoir d'excellentes idées et on est convaincus de pouvoir enrichir les projets de loi du gouvernement. Hélas, quelquefois, nos enrichissements sont jetés à la poubelle. Ça, c'est le choix du gouvernement et c'est le choix du comité majoritaire.

Ce qu'il faut arriver à démontrer, c'est que les arguments, les éléments que l'on apporte sont des éléments importants qui peuvent effectivement améliorer la vie de nos concitoyens. Quand on fait notre travail en comité et qu'on essaie de convaincre nos vis-à-vis ministériels que tel amendement est un amendement important et qu'il devrait être adopté par le comité et par la Chambre ensuite, c'est là notre travail.

On peut regretter de ne pas toujours réussir, mais je ne pense pas que c'est en prenant trois heures de débat pour dire qu'on n'est pas d'accord avec le rapport déposé par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre et que vraiment tout devrait être libre, je ne suis pas certaine que cela fait avancer les choses.

Quand on demande aux gens, au monde ordinaire qui fait un peu de «zapping», qui discute autour d'une table, ce qu'ils pensent des


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hommes et des femmes politiques, ce n'est pas toujours très rassurant.

(1130)

Quelque part, c'est assez douloureux à entendre quand on a l'impression qu'on travaille fort et qu'on fait de notre mieux. Je peux vous dire que s'ils nous voient aujourd'hui, et j'imagine qu'il y en a qui nous voient, ils seront obligés de réfléchir et de dire: «Mais est-ce que cela a du bon sens? Qu'ils aillent donc travailler en comité plutôt que de perdre leur temps!» Ils n'auront peut-être pas tout à fait tort.

Mais ce que je veux dire aux électeurs et aux électrices qui ce matin nous regardent, je veux qu'ils retiennent une chose, c'est que le parlementarisme a des exigences, que de se donner un gouvernement majoritaire comporte en soi un prix, et que de se donner une opposition officielle qui, actuellement, est l'opposition par un seul député comporte aussi un prix.

Je les engage donc lors du prochain scrutin, qui viendra sûrement dans les 12 prochains mois, à choisir une opposition officielle importante. Je suis convaincue que cette opposition officielle viendra du Québec, parce qu'il m'apparaît clair que pour le reste du Canada, ce n'est pas le Parti réformiste qui est en mesure de former une opposition officielle convaincue de ses responsabilités, capable d'y faire face.

Monsieur le Président, c'est extraordinaire, vous me faites signe qu'il me reste une minute, alors je vais vous faire un cadeau, j'ai envie de ne pas prendre cette minute. Je suis sûre que mes amis du Parti réformiste ont plein de questions à me poser, et peut-être les députés d'en face, sait-on jamais, alors je vous remercie et j'attends les questions.

[Traduction]

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, il est très intéressant de noter que la députée de Laval-Centre est la seule à ma connaissance à avoir parlé de la décision prise au comité ou de la transaction à propos de l'affaire Jacob. C'est elle qui a évoqué cette affaire, pas les députés du Parti réformiste.

Nous ne contestions pas la décision de ce comité ici dans ce débat. Je trouve absurde que des députés du Bloc québécois puissent mettre en doute les préoccupations que nous avons à l'égard des comités. Si les députés du Bloc pensent vraiment qu'être l'opposition officielle est la fin des fins, ils devraient peut-être avoir le courage de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions du pays pour voir s'ils ont l'appui des Canadiens à propos du genre de questions qu'ils soulèvent et du genre de positions qu'ils prennent. Ils savent bien qu'ils ne représentent qu'une province dans ce pays. S'il y a quelqu'un d'extrémiste, c'est bien les députés du Bloc québécois qui parlent de quitter le pays, ce qui aurait pour effet de le briser. Si cela n'est pas être extrémiste, je me demande bien ce qui l'est.

Je voudrais demander à la députée si le Bloc québécois aura le courage de présenter des candidats ailleurs qu'au Québec lors des prochaines élections.

Le président suppléant (M. Kilger): J'ai été négligent en ne signalant pas plus tôt le problème quand il a surgi pour la première fois. Je crois que dans l'affaire évoquée, nous faisons allusion à un de nos collègues. Je fais simplement appel à la coopération des députés de sorte qu'en parlant de cette affaire, on l'évoque en parlant du député de Charlesbourg.

[Français]

Mme Dalphond-Guiral: Monsieur le Président, je retiens votre intervention.

Je veux dire à ma collègue que les choses absurdes sont absurdes dépendant de quel côté de la lorgnette on les regarde. J'ai effectivement fait référence à l'affaire du député de Charlesbourg. J'y ai fait référence pour donner un exemple dont tout le monde se rappellera. Vous savez, quand on enseigne, l'exemple le plus pertinent est celui qui est le plus clair. Pour tout le monde, autant au Québec que dans le reste du Canada, l'affaire du député de Charlesbourg est un exemple qui parle de lui-même, qui a «mangé» du temps. Que ma collègue me trouve absurde d'oser évoquer cette affaire, je ne pense pas, une fois que cette affaire a été enterrée par la Chambre, qu'on ait en même temps signé comme quoi vraiment on n'en parlerait plus jamais.

Quant au fait de présenter des candidats dans tous les comtés du Canada, c'est assez intéressant, mais ce dont il faut que notre collègue se rappelle bien, c'est que nous sommes ici pour défendre les intérêts des Québécois et pour dire tout haut ce qui ne va pas dans ce système, parce qu'il y a des choses qui ne vont pas. Je vois mon collègue qui me fait un grand sourire. Je suis sûre que c'est parce qu'il est d'accord avec moi. Il y a des choses qui ne vont pas et nous prétendons que c'est non seulement notre droit, mais notre responsabilité de le dire, comme nous disons ce qui ne va pas pour le reste du Canada quand nous mettons notre tenue, fort élégante par ailleurs, de l'opposition officielle.

(1135)

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté l'échange et, en ce qui concerne l'enquête sur le député de Charlesbourg, la députée a essentiellement déclaré qu'il s'agissait d'une perte de temps. Ce qu'elle dit, en fait, c'est que la Chambre a pris, par l'entremise de ses membres, la décision de tenir cette enquête et que c'est donc l'ensemble de la Chambre qui est responsable de cette perte de temps.

La députée voudra peut-être reconsidérer la question à savoir si l'intégrité de la Chambre est véritablement en jeu, parce que c'est nous, et non un comité, qui avons décidé de mener cette enquête.

[Français]

Mme Dalphond-Guiral: Monsieur le Président, à ce commentaire je vais répondre une chose: la Chambre, bien sûr, dans son


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grand esprit démocratique a accepté qu'un comité se penche sur l'affaire du député de Charlesbourg.

Ce que je veux dire, c'est que s'il n'y avait pas eu la motion du Parti réformiste, à ce que je sache je ne crois pas que la Chambre aurait été obligée d'utiliser du temps tellement précieux pour en venir à la conclusion suite au dépôt du rapport de la procédure et de notre rapport minoritaire, qu'en fin de compte il n'y avait pas là de quoi fouetter un chat.

Il faut reconnaître quelquefois que nous perdons notre temps. Ce n'est pas parce qu'il y a eu une décision que, a posteriori, on ne peut pas dire qu'effectivement il n'y avait rien là. Donc, quelque part, notre temps a été perdu.

[Traduction]

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement le débat ce matin et je dois dire que je me suis intéressé d'assez près au dossier qui a mené au débat d'aujourd'hui.

En tant que nouveau député, j'avoue que j'ai découvert, moi aussi, tout le défi que représente l'apprentissage du Règlement, du décorum et des principes généraux qui régissent le comportement des députés et celui des membres de l'autre Chambre.

Dans l'ensemble, l'un des aspects que je trouve pénibles, quand j'écoute certains de mes collègues du Parti réformistes, c'est le fait qu'ils. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. J'hésite à interrompre les délibérations et, en particulier, le discours du secrétaire parlementaire, mais nos greffiers au Bureau me signalent un détail que nous devrions, je crois, éclaircir.

Étant donné que le secrétaire parlementaire a présenté, un peu plus tôt, la motion, on considère qu'il est déjà intervenu dans le débat. Comme je veux m'assurer de respecter la procédure parlementaire qui s'applique, je vais demander le consentement unanime de la Chambre pour permettre au secrétaire parlementaire de poursuivre. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Zed: Monsieur le Président, voilà un bon exemple qui nous fait découvrir une nouvelle règle et met en lumière notre manque d'expérience.

Le point que je veux faire valoir, c'est que nous devons examiner les promesses que le Parti libéral du Canada a faites au cours de la campagne électorale de 1993.

Un certain nombre de ses engagements avaient trait à la réforme parlementaire. On parlait, premièrement, de confier aux députés un rôle plus important dans la rédaction des lois, par l'entremise des comités de la Chambre des communes. Nous avons pris cet engagement. Nous avons aussi promis un examen parlementaire des nominations par décret.

(1140)

C'est un engagement que nous avons pris en tant que membres du Parti libéral. Nous nous sommes présentés devant la population du Canada et nous lui avons dit que tel était le principe. Nous estimions avant les élections de 1993 que la population du Canada faisait moins confiance aux députés. Maintenant que nous sommes ici au Parlement, nous devons essayer de regagner leur confiance et de rétablir l'intégrité du système.

Avant le début de la campagne, il a également été question de la tenue de votes libres à la Chambre des communes. Nous avons parlé du fait que les députés devraient participer au processus de consultation prébudgétaire.

Franchement, que le Parti réformiste l'ait accepté ou non, nous avons gagné les élections. Par conséquent, notre programme est celui qui sera adopté et appliqué. Malgré l'opposition de son parti, je trouve intéressantes certaines des observations que le whip du Bloc québécois a faites ce matin. Tous les partis doivent travailler ensemble au sein des comités pour améliorer le travail du gouvernement.

Alors que je réfléchissais à ce que j'allais dire ce matin, j'ai été frappé par la toute première ligne du Beauchesne. La voici:

Les principes du droit parlementaire canadien sont les suivants: protéger la minorité et tempérer l'imprévoyance ou l'oppression de la majorité; garantir une suite ordonnée des affaires publiques; permettre à chaque député d'exprimer son avis, sous réserve des restrictions indispensables au maintien du décorum. . .
Il doit y avoir certaines limites et certaines règles. Même si le Parti réformiste n'aime pas les règles, ce n'est pas une raison pour les changer.

Les règles font maintenant partie de la tradition canadienne et se fondent sur les principes de la Chambre des communes britannique, principes que tous les députés respectent. Sous réserve de ces principes ou de ces précédents, le Parti libéral du Canada a proposé une série de changements et a fait valoir qu'il convenait de modifier le fonctionnement du Parlement pour le rendre plus flexible. Nous avons fait campagne là-dessus, nous avons été élus et nous avons mis en oeuvre ces changements.

Le 7 février 1994, notre leader parlementaire a proposé une motion substantielle énonçant en détail les changements apportés au Règlement de base. Il a pris la parole à la Chambre et a dit qu'il faudrait présenter une motion pour modifier le Règlement. Il a ajouté qu'il voulait mettre en oeuvre un certain nombre d'engagements que notre parti a pris durant la campagne électorale et dans le discours du Trône. C'est comme cela que les choses se sont passées. Il a parlé de la revitalisation du Parlement.

Le Parti réformiste n'a pas complètement tort. Tout ce que le Parti libéral, le Bloc québécois ou d'autres Canadiens ont dit n'est pas faux. Mais nous nous fondons sur une série de principes de la tradition parlementaire qui existent depuis des centaines d'années. Quand on pense à ce que les Canadiens ont dit de la présente législature et celle qui l'a précédée depuis 1993, cela en dit long sur ce qu'ils pensent de nous à titre de députés. Je ne dis pas cela d'une manière partisane. Je le dis du point de vue du bon travail qu'ont fait


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des comités comme le Comité de l'industrie, le Comité de l'administration gouvernementale et le Comité des lobbyistes.

(1145)

En tant que nouveau député, j'ai eu la possibilité et l'honneur de travailler aux côtés de députés réformistes et bloquistes au sein du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre; ensemble, nous avons tenté de résoudre des questions difficiles et complexes, par exemple lorsque la mesure législative est renvoyée au comité après la première lecture, ce qui fut le cas du projet de loi sur les lobbyistes.

Nous avons eu une nouvelle chance exceptionnelle au Canada. Nous avons eu une chance qui nous a permis de respecter l'engagement que nous avons pris en tant que gouvernement et parti. Nous avons dit que les députés devraient avoir plus de souplesse et, concrètement, nous avons rédigé un nouveau projet de loi.

Un ministre a comparu devant le comité et a dit ceci: «Je saisis cette chance de vous présenter mon projet de loi et de vous expliquer comment il faudrait mettre en oeuvre, selon moi, une politique en matière de lobbying.» Le comité a pris cet exercice très au sérieux, et les représentants du Parti réformiste, du Bloc et de notre parti ont travaillé très fort ensemble. Des députés libéraux se sont entendus avec ceux du Bloc et du Parti réformiste. En bout de ligne, nous avons obtenu d'excellents résultats. Il s'en est suivi un meilleur projet de loi.

Nous avons réinvité le ministre. Il a dit que nous étions allés un peu plus loin qu'il ne l'aurait fait, mais que si c'était le résultat d'un consensus, il était disposé à l'accepter. J'utilise cet exemple pour montrer la crédibilité des députés. Celle-ci est en jeu chaque jour, car à la fin de la journée, tous les députés doivent travailler ensemble. Ils n'ont pas à être d'accord sur tout, de la coiffure ou l'habillement aux idées, mais ils respectent l'opinion d'autrui.

Ce qui me déçoit de certaines observations de députés réformistes aujourd'hui, c'est qu'elles laissent entendre que les comités ont manipulé la démocratie. Je voudrais bien savoir aux yeux de qui la démocratie a été manipulée. À leurs yeux? Aux yeux de la population? De quels Canadiens parle-t-on?

Le problème, ce n'est pas que le gouvernement n'a pas respecté ses engagements. Le véritable problème, c'est que le Parti réformiste n'a pas compris qu'il n'a pas remporté les dernières élections. Bon nombre de mes collègues savent que durant toute ma carrière au Parlement j'ai tenté d'être impartial à titre de président du Comité de l'industrie, du Comité des opérations gouvernementales, de celui chargé d'étudier le projet de loi sur les lobbyistes et du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. J'ai essayé d'être un président de comité impartial, aux risques et périls de mon propre parti.

Je trouve tout à fait irritant de voir des députés d'en face, particulièrement des réformistes, tenter de faire croire que le gouvernement manipule les processus démocratiques parce que leur attitude constitue justement une perversion de la démocratie. Ce sont eux qui biaisent leur description du fonctionnement réel de notre institution. Beaucoup de Canadiens n'ont pas la possibilité de se faire une bonne idée de ce qui se passe ici.

Plutôt que de télédiffuser les débats de la Chambre, nous devrions peut-être télédiffuser plus souvent les travaux des comités, là où beaucoup de travail s'accomplit, où des hommes et des femmes de tous les partis travaillent coude à coude pour atteindre un même but.

Parce qu'un certain parti a un programme précis, qui ne représente qu'un petit élément d'un programme plus vaste, je trouve irritant, perturbateur. . .

Une voix: Foutaise.

M. Zed: Monsieur le Président, le député dit que c'est de la foutaise. Il est important de regarder ce que notre parti a fait, ce que nous avons accompli, ce que nous avons dit que nous ferions et ce que les Canadiens pensent des députés actuellement.

(1150)

Quand je rencontre des gens dans un taxi, un restaurant, dans la rue ou au marché, je me sens plus à l'aise de dire que je suis député. Il y a dix ans, j'aurais probablement été jugé en disant cela.

Les campagnes électorales durent 45 jours tous les quatre ou cinq ans. J'invite les députés réformistes qui n'ont pas pris la peine de lire les journaux à se réveiller et à prendre conscience qu'ils ont perdu les élections, à examiner les sondages sur l'impression que les Canadiens ont du Parlement. Nous faisons du meilleur travail. Je ne parle pas uniquement ici du Parti libéral, même si ce parti fait excellente figure. Je suis très fier du travail accompli, mais les députés devraient réfléchir à la façon dont les Canadiens perçoivent le Parlement, à la perception que les Canadiens ont du travail des comités et du rôle des députés eux-mêmes.

Je suis très fier des comités dont j'ai fait partie. Je suis fier du travail des députés réformistes et des députés bloquistes. Ils ont apporté leur contribution. Nous sommes devenus amis, collègues et compatriotes. Nous sommes devenus partenaires dans un processus visant à transformer cet endroit en l'améliorant. Nous travaillons ensemble pour moderniser et rendre plus souple la tradition parlementaire britannique, que nous avons si soigneusement préservée ici.

Comme la députée de Surrey-White Rock-South Langley l'a déclaré, il ne faut pas que notre institution soit comme celle dont parlait sir Edmond Burke il y a 200 ans. Elle doit être plus moderne. Nous avons une démocratie plus moderne et une fédération plus moderne.

Bien que je n'appuie pas certaines des opinions du Parti réformiste et certaines des opinions du Bloc québécois, nous sommes devenus une meilleure fédération. Je ne crois pas qu'il soit juste de considérer comme de la manipulation de la démocratie les nouvelles initiatives que le gouvernement a mises en oeuvre suite aux


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engagements pris dans le livre rouge pour donner aux députés plus de flexibilité afin qu'ils puissent participer plus activement à la rédaction des mesures législatives. C'est une erreur. C'est nuisible. C'est de la malhonnêteté intellectuelle.

Une voix: C'est de la foutaise.

M. Zed: Voilà un bon exemple. Le député entre à la Chambre, crie que c'est de la foutaise et veut ensuite participer au débat.

Si les Canadiens veulent voir ce qui se passe vraiment, ils pourraient peut-être examiner de plus près le comportement de certains député réformistes. Franchement, je m'inquiète beaucoup du sort de la démocratie lorsque je vois les opinions extrémistes exprimées par certains réformistes.

Je respecte le droit du député. Je vous demanderais cependant de respecter aussi notre droit de. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Je suis ici depuis le début du débat. Les positions sont très tranchées sur cette question. Laissez la Chambre faire son travail comme elle le fait habituellement selon la tradition parlementaire. Nous survivrons à ce débat et à tous les autres débats.

M. Zed: Monsieur le Président, je veux terminer en citant ce que les députés réformistes ont dit lorsque notre leader parlementaire a parlé des réformes que nous proposions d'apporter à la Chambre, des réformes très éclairées, à mon avis.

Le leader parlementaire du Parti réformiste, que je considère comme un collègue et un ami, a dit ce qui suit. Je respecte ce qu'il dit. Les députés réformistes devraient écouter attentivement ces propos et en tenir compte: «Monsieur le Président, aujourd'hui, c'est assurément un grand jour, un jour d'une très grande importance pour la Chambre, pour le Parlement et pour l'ensemble des Canadiens. D'abord, je tiens à remercier le gouvernement.» Il a prononcé ces paroles en réponse au leader du gouvernement à la Chambre. Il a prononcé ces paroles en réponse aux initiatives que nous avons proposées et mises en oeuvre, comme nous avions promis de le faire durant la campagne électorale.

(1155)

Une voix: Soyez précis.

M. Zed: Si vous aviez écouté le débat, vous sauriez de quoi je parle.

Le président suppléant (M. Kilger): Je sais que nous arriverons bientôt à la période réservée aux questions et aux observations. Je vous exhorte à faire vos interventions par l'intermédiaire de la présidence.

M. Zed: Monsieur le Président, je crois que les députés devraient jouer un plus grand rôle. Je crois que les députés ont eu la possibilité de faire examiner des projets de loi par le Parlement. Je crois que nous avons eu un plus grand nombre de votes libres. Je crois que nous avons été plus efficaces au niveau de la participation au processus de consultation.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai assez aimé le discours de mon collègue. Il s'est livré à une belle rhétorique politique, quand même pas aussi belle que celle du whip du gouvernement qui a fait mieux, car il porte le discours politique à un niveau différent. Des grands bouts, je n'ai rien cru, mais le discours était relativement bon.

Ma question comporte deux volets. Elle a déjà été posée au whip du gouvernement à la Chambre, et je demanderai la même chose au leader parlementaire adjoint. Les comités sont censés être indépendants, au-dessus de tout soupçon et maîtres de leurs affaires. J'ai demandé au whip du gouvernement s'il disait aux membres des comités qui nommer à la présidence et à la vice-présidence. Il ne m'a pas répondu. Je lui pose donc la même question. Qui dans la hiérarchie du Parti libéral décide des personnes à nommer à la présidence des comités?

Deuxièmement, en ce qui concerne la question plus générale du respect des promesses faites dans le livre rouge, une des mesures concernant la réforme parlementaire prévoyait que le poste de vice-président serait occupé par un député de l'opposition. Cette promesse faite dans le livre rouge a été rédigée par le député de Kingston et les Îles. Elle ne s'est pas réalisée. Même si on fait un effort d'imagination, les libéraux n'ont rien fait. Qu'est donc devenu cette promesse du livre rouge? Qui désigne les présidents des comités?

M. Zed: Monsieur le Président, cette plainte a déjà été faite par le whip du Parti réformiste, par son prédécesseur et par le whip suppléant de ce parti. Je trouve un peu amusant-selon la vieille expression-de voir des gens qui vivent dans un maison de verre lancer des pierres.

Je trouve curieux que le Parti réformiste veuille avoir des renseignements sur la façon dont fonctionne le caucus libéral. Les comités continuent de fonctionner de façon transparente et le Parti libéral demeure le parti le plus transparent sur la colline. Nous tenons des élections démocratiques et transparentes. Il n'y a aucune entrave ou ingérence. Nous appliquons un système de caucus.

Je suis bien conscient que j'ai été élu en tant que membre d'un parti politique. Nous avons fait campagne sur ce thème. Nous avons présenté notre programme noir sur blanc et nous avons été élus sur la foi de ce programme. Nous avons pris des engagements, nous avons été élus, puis nous avons tenu nos promesses. Le député en voit-il une que nous n'ayons pas tenue? Avons-nous donné plus d'importance à la rédaction de projets de loi? Combien de projets de loi ont été renvoyés à un comité après l'étape de la première lecture? Combien de nominations par décret ont fait l'objet d'un examen par le Parlement? Combien de votes libres le Parlement actuel a-t-il tenus de plus que le Parlement précédent?


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(1200)

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de donner la parole au député de Chambly, je devrais expliquer à la Chambre que, quand nous avons commencé le débat sur cette motion, chacun des partis a eu la parole à tour de rôle, soit le parti ministériel, le Parti réformiste et le Bloc québécois. Nous revenons maintenant à l'ordre habituel des orateurs, et je m'adresse maintenant à l'opposition officielle pour voir si l'un de ses membres veut la parole. Je reviendrai ensuite au gouvernement, pour voir s'il y a un porte-parole intéressé, et je passerai enfin au Parti réformiste.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole ici devant vous et en cette Chambre pour commenter un peu l'attitude du Parti réformiste aujourd'hui.

Je suis député de ce Parlement. Je copréside avec un sénateur le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation. Comme le disait si bien le député qui vient de s'exprimer, c'est à l'intérieur des comités que la politique se fait vraiment. C'est là qu'on peut véritablement influencer le processus législatif, souvent sans égard véritable à la représentation qu'il y a au sein du comité.

J'arrive ce matin du Comité de l'industrie, par exemple, et là siège avec nous un membre comme moi de ce comité qui a eu de bonnes questions, qui a tenté d'influencer la position de la majorité libérale au sein du comité et, à mon sens, par la réponse qu'on a eue des autres membres de ce comité et de la majorité libérale, je suis en droit de croire en ce moment que sa position ou ses propositions puissent être tenues. C'est cela le but ultime de la présence des députés au comité, et cela pour quelque comité que ce soit.

Ce n'est pas différent au Comité de la réglementation. C'est la même chose. On a un député réformiste qui pose souvent des questions pertinentes et qui apporte une réflexion à l'intérieur du comité dont on serait mal avisé de se priver, parce que c'est souvent, je ne dirais pas toujours, mais souvent empreint de bon sens et de recherche véritable de solutions.

Par exemple, je dois souligner au Parti réformiste, au troisième parti, que puisque la politique s'exécute et s'exerce véritablement au sein des comités, il est bien sûr que les gens qui ont à nommer un exécutif de comité seront enclins à nommer des gens qui ont une pensée un peu dans l'orientation de la leur.

C'est probablement pourquoi le Parti libéral, sur bien des points de vue, est en parfaite harmonie avec les représentants du Bloc québécois, et c'est probablement la raison pour laquelle les députés du Parti libéral présents au sein d'un comité voteront plus souvent qu'autrement en faveur d'un membre du Bloc québécois à la vice-présidence, parce qu'en dehors du fait de la souveraineté, vous n'avez qu'à relever l'historique des débats et des votes qui ont eu lieu ici, le Bloc québécois a souvent adopté ou avait intrinsèquement en lui la même position que défendait le Parti libéral. C'est de la politique.

Par contre, je dois le rappeler aux réformistes, qui souvent ne viennent pas ici pour se faire les défenseurs de la veuve et de l'orphelin, mais plutôt de l'opprimeur, et je peux étayer mes propos.

(1205)

Ils me font souvent penser à cette farce qu'un député me racontait, il n'y a pas longtemps. Deux jeunes hommes essayaient d'arracher le sac à main d'une vieille dame dans la rue. Ils avaient beaucoup de difficulté, car la vieille dame se défendait. Il raconte ça, c'est une blague; il me dit: «Je suis intervenu et je te dis qu'à trois, on l'a eu le sac de la vieille dame.» C'est un peu ce que fait le Parti réformiste en cette enceinte.

Par exemple, prenez la Loi sur les banques, la Loi sur l'intérêt qu'on a présentées ici. Cette année-là, les banques avaient fait 3,2 ou 3,4 milliards de bénéfices nets, après prise de toutes réserves pour créances douteuses permises par la loi. Les réformistes-à ce moment-là, je n'avais pas visité le Canada comme je l'ai visité depuis-se sont opposés à ce qu'on dise aux banques qu'elles faisaient beaucoup trop de profits et qu'elles devaient lâcher les consommateurs qu'elles tenaient à la gorge.

Les réformistes se sont unanimement levés pour voter contre ça. Je me suis dit que tout le monde dans l'Ouest canadien doit être des banquiers, des gens très riches, des gens qui vivent de la banque, ce ne sont pas des consommateurs, des débiteurs; ils doivent être des créanciers, les gens de l'Ouest.

Je suis passé par là, depuis, à quelques reprises. Le long des routes, j'ai vu des maisons pas plus somptueuses, pas plus grosses que celles qu'on voit dans les campagnes du Québec. J'ai vu qu'il y avait des gens qui avaient de la grosse machinerie, probablement hypothéquée, probablement financée, et qu'ils auraient eu besoin d'un soulagement quelconque lorsqu'on avait proposé cette fameuse législation.

Pas un réformiste ne s'est levé, selon leur ligne de parti, pour dire qu'il pensait que les banques en faisaient un peu trop. Tous les réformistes ont voté contre quand le député de Portneuf a présenté un projet de loi pour que les derniers travailleurs avant la faillite soient priorisés dans la distribution des actifs, qu'ils passent avant les banques dans la distribution des actifs d'une faillite. Unanimement, les réformistes ont voté contre. Ce ne sont pas des gens de droite, ce sont des gens d'extrême droite et c'est ce qui est malheureux.

Ils voudraient que la majorité plie l'échine, se taise, leur laisse la patinoire. Ils voudraient évoluer avec des idées farfelues comme celle-là, ou comme le rétablissement de la peine de mort. Ils ont apparemment même envoyé quelqu'un dans les pays de l'Est pour apprendre comment donner une correcte bastonnade, comment flageller les gens. Je sais qu'ils sont forts dans l'art de s'autoflageller. Ils avaient trouvé là quelque chose de bon, d'équitable, de juste, aller apprendre comment fouetter les autres.

Pensez-vous qu'on endurera des attitudes semblables aux comités? Pour les réformistes, quand le message ne nous convient pas, on s'en prend au messager. On tue le messager. C'est plus simple d'écraser le messager, on fait ainsi taire toute opposition.

J'ai entendu des réformistes, qui sont sûrement des membres d'allégeance puritaine, dire que Dieu a fait les hommes inégaux. Il a créé des riches et des pauvres. Il n'appartient pas à l'homme, ni au législateur, ni à la société de rétablir un juste équilibre. Dieu l'a ainsi désiré, respectons la volonté de Dieu. Les pauvres, qu'ils meurent, qu'ils crèvent de faim. C'est la pensée fondamentale réformiste. Les riches peuvent devenir plus riches; Dieu les a


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choisis riches, Dieu a voulu qu'ils soient riches. Ça, c'est la contrepartie de la pensée fondamentale des réformistes.

Heureusement qu'aux comités, et je l'avoue, leur position est un peu moins pire, elle est un peu moins dure. Ils se savent en position minoritaire et ils ne peuvent pas imposer une pareille philosophie et c'est ce qui les frustre.

Mettez-vous du côté de la majorité maintenant. Est-ce qu'aux comités, on va se laisser galvauder par les réformistes qui vont vouloir nous imposer toutes sortes d'idées plus abracadabrantes les unes que les autres, dans un cheminement politique tellement tortueux qu'on a de la peine à le suivre?

Dans ce cas-là, je comprends les députés du Parti libéral de voter ou d'appuyer les candidatures des députés du Bloc québécois qui ont, depuis le début, en plus d'essuyer à peu près toutes les invectives qu'on puisse imaginer, su garder quand même le cap sur leur idéal, sur leur philosophie: compassion envers les plus démunis, les pauvres, compréhension de la situation politique au Canada, et au Québec en particulier.

(1210)

C'est tout ça qui fait qu'on est élu à un comité ou on ne l'est pas.

Je voudrais rassurer tout de suite les réformistes pour leur dire que le redécoupage électoral qui s'en vient pour la prochaine élection va fortement les favoriser. On aura plusieurs députés dans l'Ouest canadien, en Colombie-Britannique, et à partir de l'Ontario on aura encore quelques sièges de députés de plus. Voilà la belle occasion pour eux de conquérir cette opposition officielle qu'ils revendiquent tant et qu'ils veulent tant avoir. Est-ce qu'on doit interpréter leur attitude de ce matin comme étant une renonciation ou un constat de fait qu'effectivement, comme l'avait dit la whip du parti, qu'ils seront peut-être rayés de la carte politique au Canada à la prochaine élection. C'est peut-être ce qu'ils ont constaté; bien sûr, ils ne viendront pas tous le dire.

Tout ça pour vous dire qu'on ne peut pas, à l'intérieur de comités, donner une représentation exécutive à quelqu'un qui est minoritaire. Ça ne se fait pas.

Comme vous me faites signe qu'il ne me reste qu'une minute, je voudrais répondre au député de Vancouver qui nous avait cité une maxime latine de son cru. Je lui en citerais simplement une et j'espère qu'il va la comprendre. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, Vox populi, vox Dei. Quand la majorité se prononce, c'est la base même de la démocratie et il faut respecter cela. Il ne faut pas commencer à interpréter la démocratie. Quand la démocratie s'est exprimée, on doit la respecter.

À ce qu'il propose, je conclurais en disant que le plus beau chant d'oiseau n'est pas toujours et nécessairement le plus long. À ce qu'il propose ce matin, je dis non.

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Madame la Présidente, je suis ici depuis le début de ce débat et je dois vous avouer très franchement que je n'ai pas réussi à comprendre et à savoir où les réformistes veulent aller avec ce débat. Où se dirigent-ils?

En aucun temps, lorsqu'ils ont pris la parole, ils ont été capables de nous décrire ce que serait pour eux la démocratie qu'ils veulent nous faire vivre ici.

J'ai compris une chose, toutefois. Actuellement, les réformistes ne peuvent travailler dans des structures préétablies. Qu'on soit au Parlement du Canada, qu'on soit ici, qu'on soit membre d'un syndicat, qu'on travaille dans une école, que l'on travaille dans un hôpital, il y a des structures que nous devons respecter. Sans ces structures, il est bien évident que nous sommes toujours à couteaux tirés. Ce sont des débats inutiles. Il n'y a pas d'ordre établi. Il est donc très difficile d'en arriver à des consensus.

On sait très bien que même entre eux les réformistes ont de la difficulté à s'entendre. Imaginez-vous à l'intérieur de structures établies.

Si l'on veut faire changer des choses, il suffit de participer à ce qui existe actuellement. C'est à l'intérieur de ces structures que nous pourrons les améliorer.

(1215)

J'avoue très honnêtement que, parfois, j'ai de la difficulté à accepter un mode de fonctionnement à l'intérieur des comités. J'ai fait partie du Comité des comptes publics, là où l'opposition officielle détient la présidence du Comité. Je dois vous dire que cette présidence-là assumait son rôle d'une façon parfaite, c'est-à-dire en essayant non pas de favoriser l'opposition officielle lors des débats, mais de respecter les critères qui étaient établis au départ.

Il est bien sûr que j'aurais voulu à ce moment-là, puisque le président du Comité des comptes publics était un représentant de mon parti, qu'il nous favorise, qu'il nous donne un peu plus de temps de parole. Non, on respectait le temps déterminé pour le fonctionnement du Comité.

Il y a des choses qu'on pourrait améliorer à l'intérieur des comités. Il y a des procédures qu'on pourrait améliorer également. Mais est-ce que les députés du Parti réformiste ont fait des suggestions constructives pour le faire? En tout cas, dans les comités auxquels j'assiste, et plus particulièrement celui des opérations gouvernementales, en aucun temps je n'ai vu ou entendu un député du Parti réformiste tenter d'apporter des correctifs à notre mode de fonctionnement. Je ne vous dis pas que c'est l'idéal, c'est loin d'être idéal, sauf qu'à l'intérieur on peut tout de même permettre à tous les gens de s'exprimer.

Les choses sont difficiles parfois lorsque vient le temps de présenter à cette Chambre un rapport sur un comité; là aussi il y aurait peut-être place à l'information et surtout à de l'amélioration.

Tous les membres d'un comité devraient être capables de se parler, de faire face à certaines discussions, et non pas continuellement frapper la porte et dire continuellement que rien ne marche et que c'est de cette façon que nous allons réussir à améliorer les choses.

Le Parti réformiste, on le sait, voulait changer le Canada. Regardons ce qu'ils ont fait depuis trois ans. D'après moi, ils n'ont pas réussi à changer grand-chose, sauf, et je l'ai entendu ce matin du député de Vancouver-Nord, de transformer ce Parlement, cette enceinte, cette salle en salle de spectacle, en salle de vaudeville.

Je n'irai pas chercher bien loin. Depuis la reprise des travaux de la Chambre cette semaine, que s'est-il passé ici? On a eu l'occasion d'entendre des histoires à dormir debout, des histoires qui ont grugé énormément de temps à cette Chambre, des histoires qui ont pris tout le temps des députés qui, pendant ce temps-là, ne pouvaient


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s'attaquer aux véritables problèmes que vivent les Canadiens et les Canadiennes. Tout pour eux devenait un prétexte pour transformer cette Chambre en foire.

On a évité les vrais débats sur la création d'emplois. On a évité de parler des fiducies familiales. C'est de ça que les gens veulent entendre parler. Le débat de ce matin est un débat que je juge inutile. Pourquoi remet-on question ce sujet? Pourquoi remettre en question la validité du Bloc québécois à être l'opposition officielle et de vivre selon les règles préétablies à l'intérieur du parlementarisme canadien? C'est la démocratie qui a parlé.

(1220)

La démocratie a fait en sorte que le Bloc québécois, qui a comme mandat de protéger les intérêts des Québécois et des Québécoises en cette Chambre et qui, jusqu'à ce jour, a exécuté sont mandat de façon honorable et digne, soit élu opposition officielle. Alors, pourquoi cette légitimité est-elle remise en question par les mêmes personnes, par la même formation politique?

Je peux croire qu'il y ait un peu de frustration, mais vient un moment où il faut arrêter d'être frustré. Il faut se relever les manches et travailler. Je pense que le Parti réformiste n'a pas encore compris cela. Pourquoi perdre autant de temps à discuter d'un mode de fonctionnement qui n'apporte rien aux Canadiens et aux Canadiennes, qui n'apporte rien dans le déroulement des choses, qui n'apporte aucune amélioration, alors qu'il y a tant à faire?

Bien sûr, on dira simplement et uniquement que c'est la faute des séparatistes. Non. Dans les comités, nous avons offert toute notre participation au gouvernement, nous le faisons depuis l'élection de 1993 et nous continuerons de le faire. Nous voulons représenter dignement les gens qui nous ont élus, les gens de ma circonscription, les gens du Québec. C'est de cette façon que les choses doivent être faites. S'il y a des éléments à corriger, qu'on utilise les structures existantes, qu'on se présente, qu'on en discute et les choses s'amélioreront.

Je termine en posant une seule question: qu'ont fait les réformistes pour essayer d'améliorer le système? Ma réponse à moi c'est: rien. Je partage l'avis exprimé par le whip de mon parti tout à l'heure, et je vous dis «à la prochaine».

[Traduction]

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une observation à formuler, puis une question à poser au député.

Le député a parlé de démocratie, de structures, de pertes de temps et de choses de ce genre. On a tenu des propos semblables dans des débats précédents. Je signale au député que le Parlement à des rôles à jouer. Je suis d'accord pour dire que nous sommes élus comme représentants ici. Le groupe le plus nombreux forme le gouvernement et les autres, selon leur nombre, occupent une certaine place au sein de l'opposition.

Selon moi, le rôle de l'opposition est de critiquer. Le troisième parti ne s'en prive pas. Nous ne voyons pas l'opposition officielle jouer ce rôle. Or, il faut bien que quelqu'un le fasse, quel que soit la mission que l'on poursuive. Nous devons aussi remplir le mandat de la Chambre. C'est là la structure de fonctionnement normale de notre institution.

Le député a aussi mentionné que nous devons respecter certaines structures. Selon moi, les structures sont établies par les hommes et peuvent aussi être changées. Ce n'est pas nécessaire de continuer à employer éternellement les mêmes procédés parce qu'ils existent depuis longtemps. C'est le rôle de l'opposition de critiquer la structure en place et de la rendre aussi fonctionnelle que possible dans le contexte actuel.

Le député croit-il que ce n'est pas un principe démocratique que de critiquer des choses de ce genre et de les adapter aux circonstances actuelles, comme la population nous demande de le faire, plutôt que de se contenter de dire que c'est une perte de temps?

(1225)

[Français]

M. Fillion: Madame la Présidente, je remercie ma collègue de sa question. Je lui répondrai ceci: lorsqu'on veut faire changer des choses, lorsqu'on veut améliorer un fonctionnement, c'est à l'intérieur de la structure qu'il faut le faire, c'est à l'intérieur de ce qui existe, ou en se parlant, en négociant qu'on peut améliorer des choses.

Le fonctionnement des comités que l'on connaît dans cette session, dans cette législature, est complètement différent de ce qui existait auparavant. Donc il y a eu place à de l'amélioration et il y a encore de la place pour le faire.

Maintenant, quant au rôle du Bloc québécois comme opposition officielle, je dois vous dire qu'il le joue pleinement. Il joue pleinement son rôle en plus de son mandat qui est de défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises. Chaque fois que les intérêts des Québécois sont mis en jeu, nous avons des solutions à apporter, nous interrogeons le gouvernement, peu importe les sujets, que ce soit sur ce qui s'est passé en Somalie, ce qui se passe actuellement au sujet de la création d'emplois, ce qui se passe également dans le domaine des fiducies familiales, mais sur tout ce qui se passe également sur les discussions qu'il y a dans les différents comités.

À l'intérieur des comités il y a des prises de position qui ne satisfont pas le Bloc québécois. À ce moment-là nous les critiquons et jouons pleinement notre rôle d'opposition officielle.

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre part à ce débat. Certains députés qui viennent d'arriver se demandent peut-être ce qui se passe exactement à la Chambre.

Nous examinons une motion qui a trait à un rapport déposé par un des comités de la Chambre. Conformément au Règlement de cet endroit, après l'ajournement de la Chambre pour l'été, tous les comités doivent être reconstitués. La nomination des présidents, vice-présidents et membres de tous les comités doit être réévaluée et confirmée par chaque parti. Ce rapport a été soumis à l'adoption de la Chambre.


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La procédure normale voudrait que ce rapport soit déposé à l'étape des affaires courantes et qu'une motion soit présentée pour l'adopter. Alors, avec le consentement unanime de la Chambre, le rapport serait adopté et les comités pourraient poursuivre leurs travaux.

Ce n'est pas ce qui se passe ici. Nous débattons actuellement de la motion visant à adopter le rapport de ce comité et à accepter la composition des divers comités, non pas parce que le gouvernement voulait examiner les travaux de ce comité, mais parce que le Parti réformiste a décidé de gaspiller le temps de la Chambre en lui faisant part de ses désirs et de ses doléances.

Les réformistes voulent nous dire à quel point ils trouvent épouvantable de ne pas avoir formé le gouvernement aux dernières élections et de ne pas être devenus les maîtres de cet endroit. Un des orateurs précédents a dit qu'ils ne comprenaient tout simplement rien à la démocratie. Nous discuterons donc de l'affaire pendant quatre heures.

La motion présentée par le Parti réformiste vise à faire observer que nous perdons trop de temps dans cet endroit. Voilà que 295 députés sont là et qu'ils seront incapables d'accomplir quoi que ce soit pendant quatre heures. Les comités ne peuvent se réunir parce qu'ils ne sont pas officiellement constitués. Ils attendent que la motion soit adoptée.

L'hypocrisie du Parti réformiste est évidente. Le Parti réformiste ne juge même pas l'affaire assez importante pour participer au débat ou le suivre.

C'est une perte totale de temps et, pourtant, nous devons passer par là. On ne devrait pas mener ici un débat partisan sur la question de savoir si les vues du Parti réformiste, les vues du gouvernement ou celles des autres partis sont valables.

Madame la Présidente, si vous aviez été ici hier soir, vous auriez entendu l'intervention fort intéressante du député de Gander-Grand Falls sur ce qui devrait se passer dans cet endroit.

(1230)

Nous avons travaillé aux affaires de la Chambre jusqu'à 23 heures hier soir. Certains députés se sont occupés à autre chose, ils ont fait des appels téléphoniques ou se sont préparés au vote à venir, mais lorsque le député de Gander-Grand Falls a pris la parole, ils ont tous interrompu leurs activités pour l'écouter. Ils ne se sont pas contentés de rester écouter dans les couloirs, ils sont revenus à l'intérieur de la Chambre pour regagner leurs sièges; ils voulaient entendre ce qui se disait et participer à l'événement.

L'événement en question était un discours à l'emporte-pièce. Les gens écoutaient attentivement. Je sais que les téléspectateurs ont prêté l'oreille à ce que disait ce député de longue date, qui n'est ni membre du Cabinet, ni secrétaire parlementaire, ni président de quelque comité à ma connaissance, mais qui est l'un des orateurs les plus éloquents de la Chambre. Les gens portaient donc attention à ce qu'il disait.

Voilà un député exemplaire pour les autres, un député qui travaille aussi fort qu'il le peut dans un but, celui d'améliorer l'image des politiciens, l'image des députés non seulement en cette Chambre, mais aussi ailleurs dans leurs collectivités et partout où ils se rendent dans tous les coins du pays. La tâche la plus importante de tout député est probablement d'apporter une contribution à sa manière, d'augmenter la productivité de cette assemblée et d'améliorer l'image et la crédibilité de cet endroit comme l'a fait le député de Gander-Grand Falls.

L'un des éléments importants que nous devons accepter en cette Chambre, c'est qu'un gouvernement majoritaire a été élu lors des dernières élections. À certains égards, une telle situation est déplorable pour un gouvernement. Un gouvernement majoritaire contrôle entièrement la Chambre des communes. La démocratie le veut ainsi; lorsqu'un parti est majoritaire, il conserve le contrôle pourvu que tous les membres de ce parti forment une équipe solidaire. Ils se sont tous présentés sous la bannière d'un parti, ont défendu le même programme et ils sont ici pour remplir leurs promesses. Tant que le gouvernement est fidèle à lui-même et à son programme, dans toute la mesure de ses moyens et des éléments qui sont de son ressort, il contrôle la Chambre. Il le peut du fait que lors des votes sur les différentes questions, un gouvernement majoritaire remporte nécessairement le vote. C'est là un des caprices de la démocratie, un gouvernement majoritaire contrôle entièrement les différents aspects de cette Chambre.

La situation est très frustrante non seulement pour le parti de l'opposition, mais, dans une certaine mesure, même pour les députés d'arrière-ban qui, individuellement, ne comptent pas lourd dans la masse de leur caucus. Il est difficile pour chacun d'eux de participer aussi pleinement aux travaux que leurs collègues de l'opposition.

Il suffit d'écouter les informations n'importe quel soir pour constater que les extraits des travaux de la Chambre diffusés aux bulletins d'information montrent toujours les députés de l'opposition. Un député de l'opposition se lève et dit: «Le ministre ne pensait qu'à protéger ses petits arrières» et ça passe à la télévision. Un autre député montre quelqu'un du doigt en faisant un commentaire désobligeant et ça fait les nouvelles.

Tous les députés, qu'ils soient des ministériels ou dans l'opposition, s'ils font bien leur travail, s'ils profitent des occasions qui leur sont données, ont amplement l'occasion de prouver aux Canadiens ce qu'ils valent ici, en quoi ils contribuent, et s'ils respectent au non cet endroit. Cet endroit doit être respecté.

J'aimerais faire remarquer que nous disposons de quatre heures pour débattre une motion et que tout ce que nous allons faire c'est ressasser de vieux arguments. Sans le consentement unanime de la Chambre, ce débat n'aurait pas pu avoir lieu. Le Parti réformiste, le Bloc et les députés de ce côté-ci y ont consenti à l'unanimité. Si le Parti réformiste se préoccupait réellement de ce qui se passe, il examinerait tous les aspects du fonctionnement de cette Chambre et


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prendrait note des nombreux cas dans lesquels l'unanimité est nécessaire et, effectivement, demandée.

(1235)

Il y en a eu un ce matin, lorsque le secrétaire parlementaire s'est levé pour faire un discours. Quelqu'un s'est aperçu que c'était lui qui avait proposé la motion et que, par conséquent, on considérait qu'il avait déjà pris la parole et que, techniquement, il n'aurait pas dû être là en train de parler. On a donc demandé le consentement unanime de la Chambre pour ne pas appliquer le Règlement et lui permettre de faire son discours. Le Parti réformiste a accepté. Il aurait pu dire non, le secrétaire parlementaire aurait alors été obligé de s'asseoir et nous serions passé à l'orateur suivant.

Si les députés qui critiquent les usages parlementaires se donnaient la peine de les étudier de près, ils s'apercevraient qu'ils ont maintes occasions d'influencer les travaux de la Chambre si seulement ils s'en prévalaient. Mais ils ne font pas.

Je vais vous dire pourquoi les députés ne profitent pas des occasions qu'ils ont d'influencer les travaux de la Chambre. C'est parce qu'il est clair aux yeux de tous les députés que, quelles que soient leur affiliation politique et leur opinion sur les questions dont nous débattons, il est dans notre intérêt et dans l'intérêt de nos électeurs et de tous les Canadiens que nous collaborions et que nous fassions en sorte que cet endroit fonctionne de façon efficace et que nous traitions de sujets importants pour les Canadiens.

Cela signifie que, de temps à autre, les députés de tous bords doivent collaborer. Par conséquent, nous faisons des marchés. Nous collaborons les uns avec les autres. Nous disons: «On vous laisse débattre de la question ce matin mais, écoutez, il faut que les comités commencent à travailler. Par conséquent, pourquoi ne pas accepter qu'il y ait débat mais qu'au lieu de le laisser se prolonger toute la journée, on s'arrête avant?» Les réformistes ont accepté, les bloquistes ont accepté, et la Chambre a accepté. Nous allons au moins limiter le débat, de sorte qu'un vote puisse se tenir sur la motion et que les comités puissent retourner à leurs travaux cet après-midi. C'est cela de la collaboration et du travail.

Les comités représentent un phénomène intéressant. Quelqu'un a dit plus tôt que c'est aux comités que se fait le véritable le travail, c'est tout à fait vrai. En tant que député de l'arrière-ban, je voudrais témoigner personnellement du fait que c'est en comité que se fait le vrai travail, le travail intelligent et le travail qui exploite l'expérience et l'expertise des députés.

Lorsque j'ai l'occasion de m'adresser à la Chambre, c'est une occasion honorable et qui inspire le respect. C'est toujours un grand honneur que de pouvoir parler dans cette Chambre. Toutefois, lorsque cela m'arrive, la Chambre est généralement vide. Il y a habituellement quelque 10 députés présents. Je regarde vers les tribunes et j'essaie de me faire une idée de ce que les gens pensent. «Dis donc, il n'y a vraiment pas beaucoup de monde en bas. Où est-ce qu'ils sont tous? On paie pour 295 députés. Où sont-ils?»

Nous savons tous que, actuellement, beaucoup de nos collègues sont en train de parler à leurs électeurs, de faire leur courrier, d'accueillir des visiteurs à leur bureau, ou encore en comité. Sur la colline du Parlement il y a constamment de l'activité. Nous n'avons pas à être tous ici. En fait, nous n'avons pas à participer tous au débat sur toutes les questions. Ce serait extrêmement improductif pour la Chambre des communes.

C'est pour cela que nous avons un système de comités. Un système où les partis nomment des représentants qui ont l'expérience et l'expertise appropriées ou qui peuvent contribuer aux activités d'un comité particulier, parce que c'est dans leur intérêt que l'opinion de leur parti et l'opinion de leurs électeurs soient représentées et exposées aux comités, là où les choses se passent réellement.

J'ai eu l'honneur de présider un comité législatif chargé d'étudier un projet de loi sur les médicaments. Les travaux ont duré un an. J'ai beaucoup apprécié cette occasion qui m'était donnée de diriger un groupe de collègues dans l'étude d'un projet de loi très complexe, du moins c'est ce que nous avons constaté. Je pense que nous sommes revenus à la Chambre avec quelque 70 amendements qui avaient soulevé tout un tas de problèmes intéressants.

En tant que membre du Comité de la santé, ayant servi comme remplaçant au Comité des finances, ayant participé dans une certaine mesure au Comité de l'industrie, j'ai pu voir divers comités à l'oeuvre. J'ai eu la possibilité de contribuer au débat, de participer à l'interrogation des témoins et d'aider à centrer nos travaux sur les questions importantes du sujet étudié par le comité.

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Il est facile de dire que les comités sont libres d'agir comme bon leur semble. En théorie, c'est vrai. Le secrétaire parlementaire a cité tout à l'heure la toute première ligne de Beauchesne où on dit fondamentalement que les règles, les limites et les principes établis dans le Règlement de la Chambre sont là pour protéger les droits des minorités. Cela signifie que des choses comme le consentement unanime sont nécessaires. Même si le gouvernement est majoritaire, si nous coopérons, nous pouvons être productifs.

Un des changements les plus importants qu'on a effectués à la Chambre pour la rendre plus productive résidait dans la modification proposée par le leader parlementaire, le whip du gouvernement, au sujet de la procédure de vote. Nous tenons littéralement des centaines de votes à la Chambre. Il faut environ dix minutes pour faire l'appel de tous les députés. Si on voulait paralyser la Chambre, il suffirait de refuser qu'on puisse tenir un vote à la Chambre sans qu'on appelle tous les députés, chaque fois.

Ceux qui refusent le consentement unanime dans ce cas-là le feront à leurs risques et périls, car les Canadiens comprendront rapidement que la Chambre traverse un processus qui n'est pas


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productif. Nous sommes d'accord sur un certain nombre de choses et cela signifie que nous pouvons appliquer le résultat de certains votes à d'autres votes. On peut ainsi exprimer la volonté de nos électeurs, de nos partis ou notre point de vue personnel.

Dans certains cas, de simples députés ont voté d'une façon contraire à la position de leur parti. Ils se sont prononcés selon leur propre point de vue. Il y a aussi des votes libres. Je suis très heureux que le gouvernement laisse ses députés voter librement sur certaines questions. Les autres partis font de même ou prennent des mesures semblables. Ils respectent les valeurs, les intérêts et les opinions de leurs députés parce que certaines questions ne sont pas sectaires. Ce sont des questions personnelles. Elles reflètent les valeurs sociales et personnelles qui sont très chères aux députés.

Nous ne forçons pas les gens à être simplement des lemmings qui se jettent du haut d'une falaise si quelqu'un le leur demande. Les députés ont davantage d'intégrité que cela. Nous essayons d'améliorer l'opinion que les gens ont de la Chambre des communes, de son intégrité et de l'image de la classe politique.

Il s'agit d'une profession tout à fait honorable. C'est un grand honneur que d'être ici pour servir les Canadiens. Nous savons tous que nous abandonnons bien des choses pour siéger dans cette enceinte, car nous croyons que nous avons quelque chose à apporter. La plupart des députés, sinon tous, renoncent à une partie de leur vie de famille pour être ici. Beaucoup de nos députés qui vivent loin d'Ottawa et qui doivent parcourir des grandes distances pour rentrer chez eux renoncent à une bonne partie de leur temps personnel pour siéger à la Chambre et représenter les Canadiens, car ils ont des positions bien arrêtées.

Nous savons que personne ne devient député pour s'enrichir. Les députés ne deviennent pas riches. La plupart des députés que je connais avaient un revenu supérieur dans leur carrière précédente. Je connais beaucoup de députés. Il faut voir ce qu'ils ont fait dans leurs collectivités respectives dans le passé. Ils ont été actifs à la base, au niveau politique local, aux niveaux provincial et territorial. Ils ont participé à des collectes d'argent pour des causes qui leur tiennent beaucoup à coeur. Ils ont accompli beaucoup dans le passé et c'est pourquoi ils sont ici. Ils siègent à la Chambre parce qu'ils ont une expérience et des compétences que leurs électeurs ont jugé importantes à titre de députés.

Les gens apportent cette contribution en tant que députés et nous respectons cela. J'espère que nous réalisons tous des progrès, que nous nous assurons que nos électeurs et les Canadiens que nous rencontrons savent que nous faisons de notre mieux pour améliorer l'image de la classe politique.

Cela dit, est-ce bon? Nous avons vu les sondages qui montrent que les gens n'ont pas une très haute opinion des députés. Nous sommes très bas. Les gens ont très peu de respect pour ceux et celles qui font de la politique. C'est malheureux. Il nous a fallu environ 25 ans pour en arriver là et il nous en faudra probablement autant, sinon davantage, pour avoir droit au degré de respect qui nous est indispensable dans cette enceinte.

Mais revenons à la question des comités. Certains ont fait valoir que nous devrions sans doute donner la vice-présidence à certains partis ou quelque chose du genre. Je peux faire part aux députés de mon expérience des comités. Je ne voudrais pas occuper le poste de vice-président. Si le président ne peut pas au moins décider du déroulement de la réunion et avoir l'occasion d'exercer sa sagesse, je préfère être un membre ordinaire du comité qui soit en mesure de prendre part aux débats. Je peux dire à la Chambre que si j'avais à choisir le meilleur poste au sein d'un comité, pour moi ce serait celle de député de l'opposition. Selon les procédures normales et le Règlement de la Chambre, c'est aux représentants de l'opposition officielle de poser les premières questions aux témoins et de faire les premières interventions. Ils peuvent poser toutes les bonnes questions. Ils peuvent établir le tempo et l'objet de la séance. C'est ensuite au troisième parti. Quand arrive enfin le tour des ministériels, il reste très peu de questions de fond à aborder. Très souvent, c'est l'évidence même, le temps presse parce qu'on ne dispose que d'une demi-heure par témoin et la séance prend fin avant que les ministériels aient eu l'occasion de participer au débat. Il y a des situations délicates.

(1245)

Néanmoins, on a beaucoup fait pour rendre cette Chambre plus transparente. Aussi longtemps qu'on accordera aux partis d'opposition le droit de refuser le consentement unanime, je serai réconforté de voir qu'ils en usent à bon escient. Ça revient à dire que nous avons besoin de la collaboration de tous. Et si nous nous trouvons parfois en pareilles situations, c'est qu'il faut être réaliste et que notre côté partisan prend le dessus.

Je n'ai pas voulu tenir des propos partisans. Je respecte tous mes collègues à la Chambre. Certes, je ne suis pas d'accord avec eux à bien des égards. Mais je respecte leur droit de penser autrement et je me réjouis de ce qu'on me permette d'exprimer mes opinions dans cette enceinte.

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Madame la Présidente, je voudrais poser une question au député de Mississauga-Sud. Il a parlé du respect que doivent inspirer les parlementaires de cet endroit et du fait que la population doit à nouveau respecter ceux qui ont choisi de servir leur pays de cette manière.

Je voudrais que le député m'explique comment la population peut respecter les députés et les membres des comités alors que, souvent, les présidents et autres membres des comités ne respectent pas le droit du député d'exprimer sa propre opinion plutôt que celle de son parti au sein du comité? Ne devrions-nous pas résoudre ce problème? Le député représente alors le Parlement, mais pas nécessairement un parti politique et il devrait avoir la liberté de dire ouvertement ce qu'il pense au lieu d'être sous la coupe du whip du parti. N'est-ce pas une forme de respect essentielle pour le membre d'un comité?


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M. Szabo: Madame la Présidente, la députée soulève une excellente question. Elle reconnaîtra toutefois qu'elle passe sous silence les répercussions de l'élection d'un gouvernement majoritaire sur la Chambre des communes et le Parlement.

Si j'étais dans la situation des réformistes, je partagerais probablement leurs frustrations à certains égards, notamment en ce qui concerne les comités. Si le comité a décidé d'étudier un projet de loi ou une question et que la politique ou le programme du gouvernement est clairement énoncé et bien défini, les membres du comité qui représentent le parti ministériel appuieront le programme qu'ils ont mis de l'avant durant la campagne électorale. Ils appuieront la mesure qu'ils étudient au sein du comité ou l'opinion du parti pour lequel ils ont été candidats.

Malgré ce que les représentants du Parti réformiste ou du Bloc ou même du Parti libéral ont à dire au sein du comité, il est vrai que, lorsque le gouvernement est majoritaire, les décisions prises par un comité traduisent généralement la position du gouvernement.

Il est arrivé que des changements très importants soient apportés et que des points soient soulevés dans les comités. C'est au sein des comités que le travail se fait. Je sais que la députée a travaillé très activement au sein du Comité de la justice. Je sais qu'elle et bien d'autres députés qui oeuvrent au sein des comités en enrichissent très positivement les travaux par leur contribution et leurs idées.

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Comme quelqu'un l'a affirmé plus tôt, je souhaiterais aussi que les travaux d'un plus grand nombre de comités soient diffusés afin que les Canadiens puissent voir la députée, ainsi que tous les autres députés, à l'oeuvre. Les débats spectaculaires durent 45 minutes en cette Chambre pendant la période des questions. C'est à ce moment que les événements se produisent. Les Canadiens croient que les travaux se poursuivent de la même façon durant toute la journée, mais ce n'est pas le cas.

En fait, c'est un forum pour les partis de l'opposition. Je me souviens d'un ancien collègue qui avait posé une question pour la forme; il avait demandé: «Quel est le rôle de l'opposition?». Quelqu'un avait alors laissé échapper la réponse suivante: «Le rôle de l'opposition, c'est d'assener des coups qui pourraient attendrir la peau d'une tortue.»

La question avait été formulée pour la forme et la réponse était désinvolte, mais lorsqu'un gouvernement majoritaire siège en cette Chambre, le parti minitériel peut soit prendre la situation au sérieux, soit s'en amuser un peu. Les ministériels auront aussi à rendre compte de leur comportement lorsqu'ils se présenteront à nouveau devant leurs électeurs. Un gouvernement majoritaire qui détient le contrôle jour après jour doit entièrement assumer la responsabilité de ses décisions et des conséquences qu'elles entraînent. Cela signifie que, même durant les travaux des comités, le gouvernement doit mener le jeu. Le vrai responsable, c'est lui et non les partis d'opposition.

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Madame la Présidente, je veux commenter ce que le député vient de dire et peut-être en profiter pour lui poser une question.

Il dit que les choses se sont améliorées aux comités. C'est mon premier mandat au Parlement, alors je ne sais pas exactement de quelles améliorations il parle. Ce qui m'inquiète, ce sont des choses comme, par exemple, le fait que l'élection des vice-présidents ne soit pas un processus démocratique. Où sont les améliorations à cet égard? Nous avons là une démonstration de l'absence de progrès. Je ne veux pas gaspiller le temps de la Chambre en donnant des exemples précis, mais j'en aurais à donner. Le député peut-il commenter cet aspect de la situation?

J'aimerais aussi savoir ce qu'il pense d'une autre chose. Je sais qu'au cours de la dernière législature, il y avait certains vice-présidents qui étaient membres du troisième parti. Pourquoi n'y en a-t-il plus? Je sais qui étaient ces vice-présidents, et leur parti n'avait que 44 députés à la Chambre. Pourquoi le troisième parti à la Chambre ne pourrait-il avoir de représentants aux comités au titre de vice-présidents? Ce ne serait que juste et progressiste. Si l'on doit parler de progrès, je crois que ce serait un exemple de mesure progressiste.

Le processus démocratique m'inquiète également quand un projet de loi sur une question non sectaire a été adopté à l'unanimité à la Chambre des communes. Le député a beaucoup parlé de sectarisme. Ce projet de loi particulier portait sur une question non sectaire. C'est ainsi qu'on l'a présenté. Au comité, on a voté contre. On l'a tué et enterré de telle façon qu'il ne pourrait pas retourner à la Chambre. Le comité ne voulait pas le renvoyer à la Chambre. Pourtant, sur les plans de l'administration et de la procédure, ce projet de loi était considéré comme toujours valide. Cela contrecarrait tout ce que pouvait faire le député, qui s'efforçait de défendre des intérêts non sectaires.

Quand il a finalement été présenté de nouveau à la Chambre, en février dernier, parce qu'on avait prorogé les Chambres, la même chose s'est produite. Il a été renvoyé au comité qui l'a rejeté en refusant de le renvoyer à la Chambre. Cela n'est pas un processus démocratique. Nous devons faire quelque chose pour changer cette façon de faire. J'aimerais que le député commente cet état de fait. Comment pouvons-nous changer cela?

Une de mes motions suit actuellement le processus. Je l'ai présentée en juin dernier. Elle est donc bien en avance sur ce que nous avons fait au cours des deux dernières semaines. Nous devons nous pencher sur ces questions.

Troisièmement, j'ai suggéré à ceux qui sont responsables des comités que, lorsque des témoins apportent de l'information, on en fasse part au député dont le projet de loi est étudié à ce moment-là. En fait, cette information doit être communiquée au député dont le projet de loi est a l'étude, sinon celui-ci est désavantagé. J'en ai parlé à ceux qui sont responsables des comités.

Le député pourrait-il commenter ces trois points?

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, pour ce qui est de la question des vice-présidents, je crois comprendre que les réformistes voudraient voir certains des leurs remplir ces postes. Ils savent bien que chaque comité a deux vice-présidents, un qui représente le gouvernement, l'autre qui représente l'opposition officielle, ainsi que le veut la procédure.


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En l'absence du président, c'est le vice-président représentant le gouvernement qui le remplace. En l'absence du vice-président représentant le gouvernement, c'est le vice-président représentant l'opposition officielle qui le remplace. Cette situation se produit tellement rarement qu'à mon avis, occuper le poste de vice-président est en fait un inconvénient. En tant que membres d'un parti d'opposition, les députés qui n'occuperaient pas la présidence auraient l'occasion d'interroger les témoins. À mon avis, ce n'est pas important.

Je comprends la tradition parlementaire. C'est frustrant, mais personnellement, je ne vois là aucun problème.

En ce qui concerne les projets de loi d'initiative parlementaire, je suis d'accord. Pour l'information de la députée, je me trouve dans une situation similaire avec le projet de loi C-222, un projet de loi concernant l'apposition sur les contenants de boissons alcooliques d'étiquettes de mise en garde sur les dangers de l'alcool pour la santé. Ce projet de loi a été examiné en sous-comité qui ne l'a pas mis aux voix mais l'a renvoyé au comité principal en demandant que l'on continue de l'examiner. Le projet de loi est maintenant examiné par le comité. Il se peut qu'on ne le revoie jamais, ce qui est très frustrant.

Le problème, c'est la façon dont on traite les mesures d'initiative parlementaire. Je suis donc en faveur d'une réforme en ce qui concerne le choix des projets de loi d'initiative parlementaire. Je ne crois pas qu'il convienne de débattre de projets de loi qui ne peuvent faire l'objet d'un vote. Si l'on juge que certains projets de loi ne sont pas suffisamment importants pour faire l'objet d'un vote, inutile de les mettre dans le circuit, d'en parler pendant une heure et de faire perdre son temps à la Chambre.

Je suis contre le fait qu'un comité ne fasse pas rapport à la Chambre sur un projet de loi qui lui a été renvoyé après adoption à l'étape de la deuxième lecture. À tout le moins, le comité devrait faire savoir qu'il a décidé que le projet de loi en question n'était pas bon. La Chambre aurait ainsi la possibilité de déterminer si elle partage cet avis. Ce serait une clarification importante et je suis pour.

Pour ce qui est des témoins, il semble que ce soit une question technique. Quiconque a quelque chose à voir avec les travaux de la Chambre ou d'un sous-comité devrait pouvoir consulter tous les documents. C'est un problème que la députée pourrait régler elle-même.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Madame la Présidente, je vais partager mon temps avec la députée de Surrey-White Rock-South Langley.

Je suis heureux d'avoir la possibilité de participer au débat. Lorsque je me suis présenté aux élections pour la première fois, en 1993, j'avais un certain nombre d'inquiétudes au sujet des années précédentes. Il me semblait que, à maintes occasions, on n'avait pas respecté la volonté de la population. Le gouvernement Trudeau a commencé une époque où toutes sortes de mesures législatives ont été imposées à la population du Canada contre son gré.

Lorsque c'est la volonté du peuple qui guide les politiciens, c'est la démocratie. Ce n'est pas ce que nous avons et c'est le problème ici et dans ce pays, et c'est aussi la raison pour laquelle je suis ici. Au lieu de respecter la volonté du peuple, ce sont les politiciens qui prennent des décisions qui touchent la population du Canada, même si ces décisions sont contre sa volonté. À mon avis, c'est de la tyrannie et c'est ce que nous devons abolir.

Je trouve amusant que les députés du Bloc parlent de la question de la démocratie lorsqu'ils refusent même d'accepter le résultat d'un référendum où la population a dit non à la séparation. Je me demande quelle partie du «non» ils ne comprennent pas. Ce fut le résultat non pas une fois, mais deux fois. Et ils nous parlent de démocratie. Je trouve ça plutôt amusant.

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Amusant, mais triste.

M. Thompson: Tristement amusant, oui.

Aujourd'hui, nous parlons des comités. En regardant dans la salle, je vois le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui a été président du Comité de la justice lorsque j'en étais. Il faisait un excellent travail, car c'est quelqu'un de juste.

Toutefois, c'est cela qui est décourageant. Un jour, il a choisi de faire ce qu'il estimait être son devoir de politicien, de représentant d'une groupe de la population. Il a voté d'une certaine façon et, de ce fait, il n'a pas pu continuer à présider ce comité.

On pourrait dire que les comités sont censés exister pour le bien des parlementaires. Les comités examinent les questions pour être sûrs que les choses sont correctes et, par conséquent, on pourrait penser que l'on chercherait à mettre à leur tête, c'est-à-dire à la présidence, les personnes les plus capables, les plus compétentes. Pourtant, j'ai constaté que ce n'était pas le cas.

La présidence des comités est utilisée pour récompenser les députés qui se sont bien comportés. Si un député ne fait pas ce qu'on lui demande, il est démis de ses fonctions.

(1300)

Je vois un autre député ici, celui de Scarborough, que j'ai admiré à ce même comité, en raison de sa capacité d'examiner des mesures législatives d'un point de vue juridique, quelque chose que je ne suis pas capable de faire en tant qu'ex-éducateur. Je m'en remettais à ses déclarations et ses opinions présentées devant le comité. C'était une ressource importante pour moi. Un jour, il a choisi de s'opposer à quelqu'un en comité, sur une question mineure, et il a été démis. Nous n'avons plus besoin de lui là et, à sa place, nous allons mettre quelqu'un d'autre. Savez-vous qui ils ont imposé? Quelqu'un qui n'est peut-être pas aussi compétent, mais qui fera ce qu'on lui dit de faire.

Lorsqu'on a un gouvernement qui répète constamment à ceux qui administrent ce pays de s'asseoir, de se taire et de faire ce qu'on leur demande ou d'en subir les conséquences, ça ne va pas. Je vais faire tout ce que je peux pour informer la population de ce pays de ce qui se passe. C'est une dictature et non une démocratie. Plus vite les électeurs s'en rendront compte, plus vite ils flanqueront les libéraux à la porte. C'est ce que j'attends. J'espère, pour le bien de mes petits-enfants, que c'est exactement ce qui va se produire.


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En 1993, les libéraux ont, dans leur livre rouge, fait toute une série de promesses sur ce qu'ils allaient faire s'ils étaient portés au pouvoir. À la page 88, voici ce qu'on dit:

Pour améliorer le fonctionnement de la Chambre des communes, nous élargirons le rôle des députés dans l'élaboration des lois, par le biais des commissions.
C'est une belle promesse vide. Combien de mesures législatives sont adoptées à l'étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes et renvoyées à un comité, où elles demeurent? On ne les ramène jamais à la Chambre pour en discuter. e trouve tout à fait déplorable que nous nous prononcions sur le projet de loi C-45 cette semaine, alors qu'il y a deux ans environ, 78 députés ministériels ont voté en faveur de l'abolition de l'article 745. Ces mêmes 78 députés devront probablement appuyer le projet de loi C-45, car un certain ministre a déclaré que les choses devaient se passer ainsi.

C'est une honte. À une époque, ils appuyaient totalement un projet de loi d'initiative parlementaire qui avait pour objectif d'abolir l'article 745 du Code criminel. Ils font maintenant volte-face. Pourquoi? On a dû vous faire comprendre que vous feriez mieux de vous ranger. Est-ce ce qui s'est passé, petites marionnettes que vous êtes? Quand allez-vous vous réveiller et commencer à vous comporter comme vos électeurs s'attendaient à ce que vous le fassiez? Quand allez-vous représenter vraiment les Canadiens?

Cette déclaration à la page 88 n'est rien d'autre qu'un autre mensonge, une autre fausse promesse. Nos vis-à-vis devraient avoir honte. C'est une véritable blague. On fait simplement semblant d'agir. J'ai eu le sentiment que tout ce que nous faisions au Comité de la justice, c'était de faire semblant d'étudier sérieusement la question, jour après jour. Un ministériel a demandé, il y a un certain temps, qui lisait cela. Des membres très consciencieux du Parti libéral qui siégeaient au Comité de la justice ont fait de leur mieux pour apporter des modifications importantes. Ainsi, ils ne siégeront probablement plus à ce comité sous le règne de ces ingénieurs sociaux que nous avons sur les premières banquettes ministérielles aujourd'hui.

Une voix: Il n'y a personne ici aujourd'hui.

M. Thompson: Nous nous servirons de notre imagination. C'est ce que nos vis-à-vis font tout le temps.

Il y a une règle que nous pourrions suivre. J'ai parlé au président de notre comité, le député de Notre-Dame-de-Grâce, et j'ai signalé que le député de Calgary-Nord-Est, ainsi que John Edwards, l'ancien commissaire du Service correctionnel du Canada et moi étions allés à l'Université de l'Alberta. Nous nous sommes entretenus avec certains chercheurs sur place qui nous ont transmis des messages très fermes: «Nous devons livrer notre message au Parlement du Canada; c'est indispensable pour la sécurité des Canadiens.» Je me suis entretenu avec le président du comité. Il m'a suggéré de transcrire ces propos dans une lettre et de la faire parvenir au comité pour demander que ce groupe de recherche comparaisse devant un comité et lui transmette ses constatations, puisqu'il lui était impossible de se faire entendre du gouvernement. Même M. Edwards a indiqué, à la suite de sa comparution devant le comité, que ces renseignements devraient être portés à notre attention et qu'ils pourraient être extrêmement importants.

(1305)

Le 27 avril 1995, j'ai écrit une lettre au président du Comité permanent de la justice et des questions juridiques. Je n'ai même pas reçu d'accusé de réception, et je siège au comité. Je n'ai même pas obtenu du comité directeur qu'il s'engage à examiner la question. Il ne s'est absolument rien passé.

J'ai demandé au président suivant d'examiner la question, et il a dit: «Quelle lettre? Quelle demande? Je ne sais absolument pas de quoi vous parlez.» En 1995, les recherchistes nous ont dit que, si des mesures ne sont pas prises au sujet de leurs constatations, dans un avenir très rapproché, d'ici un an ou deux, nous assisterons à une augmentation considérable du taux d'infection par le VIH dans les prisons partout dans le pays. Nous pourrions prendre des mesures, mais le gouvernement doit nous écouter. On tente d'y parvenir en passant par un comité, comme on est censé le faire. En vain.

Le gouvernement va les écouter parce que je vais parler aux médias. Nous allons ébruiter l'affaire. Je vais me mettre en rapport avec les recherchistes et ils vont collaborer avec moi. Nous allons faire passer le message. On a feint d'ignorer ces recherchistes.

Tout à coup, la semaine dernière, nous entendons parler d'une augmentation énorme du taux d'infection au VIH et d'hépatite C dans les prisons parce qu'un groupe non démocratique n'est pas intéressé par ce que l'opposition a à dire. À mon avis, la vraie opposition est juste ici, pas là-bas. Les députés de l'opposition sont d'accord avec les libéraux sur tellement de projets de loi qu'ils devraient avoir un exemplaire du livre rouge pour accompagner les autres documents de propagande qu'ils lisent.

J'espère que les Canadiens se rendront compte un jour du genre de personnes qui dirigent le pays. Ce groupe n'est pas démocratique. Nous avons besoin d'un changement.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Madame la Présidente, deux ans après mon élection au Parlement, j'ai siégé au Comité du développement des ressources humaines pendant deux ans. J'aimerais brièvement faire part de mon expérience au sein de ce comité et demander au député de Wild Rose de dire ce qu'il en pense.

Un des premiers mandats que le gouvernement a confiés à ce comité, ça été de consulter les Canadiens. On nous a chargés de parcourir le Canada pour savoir de quelle façon les programmes sociaux devaient être modifiés, réformés et modernisés.

Étant un tout nouveau parlementaire, j'étais persuadé que c'était là un objectif très important. Si j'ai été élu, c'est en partie parce que j'étais en faveur de la réforme et de la modernisation de nos programmes sociaux. Les Canadiens souhaitaient conserver les programmes sociaux qu'ils jugeaient les plus utiles et j'ai donc participé à cette tournée pancanadienne. Nous avons parcouru le Canada et, pendant plus de six semaines, procédé à des consultations. Nous avons amassé quantité d'informations sur les attentes des Canadiens à ce chapitre. Je me réjouissais à l'avance d'étudier toutes les possibilités qui s'offraient à nous.

Cette tournée a coûté des millions de dollars. Nous sommes allés du Yukon à Terre-Neuve pour consulter les Canadiens sur ce qu'ils préconisaient faire dans le cas de l'assurance-chômage, des pen-


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sions, du bien-être social, de la santé et dans d'autres domaines de ce volet. Cela englobait presque la moitié des dépenses du gouvernement.

Les Canadiens ont été très explicites en ce qui concerne l'assurance-chômage. C'était un de mes grands sujets de préoccupation. Les Canadiens souhaitaient que l'assurance-chômage redevienne un véritable programme d'assurance. Ils voulaient qu'on supprime du programme bien des choses que le gouvernement y avait mises et qu'on en fasse un véritable programme d'assurance où employeurs et employés auraient davantage leur mot à dire sur la façon de gérer les fonds.

J'ai été très déçu de constater à l'issue de la tournée que le ministre n'avait aucunement tenu compte des résultats de notre consultation. Le ministre n'a pas daigné écouter l'avis que les Canadiens avaient pris la peine de formuler par l'entremise de ce comité.

(1310)

J'ai été scandalisé par le gaspillage de fonds. Quand on pense à tous ces documents dont on s'est débarrassé. J'ignore où ils sont passés, mais l'endroit doit être vaste, parce qu'il y avait des piles de mémoires venant de personnes qui, de bonne foi, pensaient se faire entendre par le gouvernement. Tout cela a été mis de côté. C'était une farce, comme l'a déclaré mon collègue.

Le gouvernement dit qu'il écoutera les comités, que ces derniers seront efficaces et qu'ils auront une influence sur le programme. Nous avons une preuve irréfutable que rien de cela ne s'est produit. Le système des comités n'est qu'une farce. Le gouvernement n'a jamais tenu compte du rapport et des recommandations qui ont été faites.

Le gouvernement a promis que les comités seraient efficaces et il a inscrit cette promesse dans son livre rouge, mais il n'a pas tenu parole. Je m'inquiète du fait qu'il continue de faire croire que, par l'entremise des comités, des modifications législatives seront apportées. Ce n'est pas le cas. J'ai été témoin du gaspillage du gaspillage de fonds et de temps que représentent les comités, parce que les Canadiens n'ont pas droit de parole, même quand le gouvernement veut donner l'impression qu'il les consulte.

Le député aurait-il un commentaire à ajouter là-dessus? L'affaire est grave et, à ce que je sache, personne ne s'en occupe. Tout se fait toujours en cachette.

M. Thompson: Madame la Présidente, je remercie mon collègue de sa question. Je suis d'accord avec lui, et je sais de quoi il veut parler. Il parle d'un groupe qui a été constitué pour faire semblant de consulter.

Les décisions sur toutes ces questions se prennent à l'avance, derrière les portes closes du bureau du ministre. Cela a été flagrant à bien des reprises au cours des trois dernières années. La décision est prise, mais on fait semblant de consulter et on prétend que le comité et les citoyens ont leur mot à dire. Ce n'est que de la frime.

Le 16 janvier 1995, je n'oublierai jamais la date, le sociologue du ministère de la Justice, notre ministre de la Justice, a lancé une invitation: «Faites-nous parvenir vos mémoires sur la Loi sur les jeunes contrevenants.» Il en est venu par milliers de tous les coins du pays, et j'ai même présenté le mien. Ils sont arrivés au bureau du ministre, et le comité a été mis sur pied. Le projet de loi C-37 a ensuite été déposé, puis adopté par la Chambre.

Devinez quoi? Après tout ce travail, le comité va faire une tournée pour savoir ce que les citoyens veulent faire de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est une farce et une perte de temps. On gaspille l'argent des contribuables.

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Madame la Présidente, après avoir siégé à plusieurs comités, je suis en mesure de corroborer les propos de mon collègue en disant qu'il y a eu de bons présidents issus des rangs du gouvernement qui ont rempli leur rôle de façon très judicieuse. Toutefois, j'ai aussi siégé à un comité qui a violé les règles et modifié sa composition pour en arriver à ses fins, soit faire avorter un rapport du sous-comité de la sécurité nationale.

Pour m'en tenir uniquement à 1995, ce comité a tenu des réunions pendant sept mois. Il a passé plus de 35 heures à entendre des témoins et à préparer un rapport. Tout ce temps-là, c'est le député de Scarborough-Ouest qui y représentait le gouvernement et qui était chargé d'exprimer la position du gouvernement sur le rapport du CSARC, le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, que nous avions à étudier.

Ce député y a consacré de nombreuses heures de recherche et a représenté le gouvernement avec beaucoup de compétence à mon avis. Il possède en effet un esprit juridique très fin et a apporté une grande contribution aux discussions entourant le rapport. Je le répète, les membres du comité ont passé plus de 35 heures à entendre et à contre-interroger les témoins pour en obtenir autant d'information que possible.

Les membres du comité, composé également d'un député du Bloc québécois et d'un député réformiste, en arrivèrent à la quatrième ébauche d'un rapport le 8 septembre. On préparait le rapport pour le présenter et le déposer à la Chambre des communes avant la fin du mois.

Or, c'est alors qu'un des autres membres du comité, la députée de Windsor-Sainte-Claire, agissant de toute évidence sur les instructions du parti et du gouvernement, a décidé de faire avorter cette quatrième ébauche. Elle n'avait peut-être pas compris les questions qui étaient en jeu, même si elle avait participé aux discussions et aux travaux préparatoires à cette quatrième ébauche.

(1315)

Le 19 septembre, le gouvernement a donc fait en sorte que ce rapport avorte et ne soit pas présenté à la Chambre des communes. Le gouvernement a retiré du comité le député de Scarborough-Ouest, qui était pourtant le seul membre du côté ministériel à avoir


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probablement vraiment lu le rapport à l'étude et à savoir un peu de quoi il retournait. Le gouvernement l'a donc remplacé par un député qui n'avait pas passé plus de 35 heures à entendre des témoins avec la chance de les contre-interroger.

La deuxième réunion du comité avec les nouveaux membres du côté du gouvernement a duré 10 minutes avant que ces derniers ne l'ajournent. Ils ont attendu d'avoir mangé les sandwiches. Nous nous réunissions à l'heure du dîner parce que c'était le seul temps dont nous disposions, étant des députés très occupés. Ils ont attendu de s'être gavés de sandwichs et de fruits avant de lever la séance parce qu'ils ne voulaient pas se pencher sur le rapport.

Une députée du parti ministériel a décidé de rédiger à nouveau le rapport, alors que le comité en était à sa quatrième ébauche. La députée de Windsor-Sainte-Claire s'en est allée et a rédigé à nouveau tout le rapport sans consulter les membres du comité qui représentaient l'opposition. Quelle farce!

Pour empêcher que le rapport soit déposé à la Chambre des communes, le gouvernement n'a même pas respecté un de ses propres représentants. Il n'a même pas respecté la présidence du comité. La levée de la séance du comité a été décidée à son insu, par les représentants de son propre parti. À trois occasions, ils ont levé la séance du comité prématurément pour ne pas aborder la question. Ils n'ont même pas eu la courtoisie de prévenir de ce qu'ils faisaient le président qui représentait leur parti, le parti ministériel.

À mon avis, cela montre bien le manque de respect et de considération du gouvernement pour le travail impartial d'un comité désireux de travailler sérieusement et de déterminer si une mesure est dans l'intérêt de la population canadienne.

Il est à peu près temps que le gouvernement comprenne que chacun d'entre nous est ici pour donner le meilleur de lui-même, y compris les députés du parti ministériel. Si ces derniers constatent que quelque chose ne fonctionne pas et qu'il faudrait le signaler au gouvernement, ils devraient pouvoir le faire.

J'ai été témoin à maintes occasions de ce genre d'ingérence de la part du whip du gouvernement. Durant l'étude du projet de loi C-41 au sein du Comité de la justice, il est arrivé que deux députés libéraux respectent la marche à suivre, qu'ils fassent inscrire le nom de leurs remplaçants et que le whip du parti s'interpose et dise: «Non, ce ne sont pas là les représentants du gouvernement. Voici les remplaçants que nous avons approuvés.»

Il n'est tenu aucun compte du processus et des règles en vigueur qui font que nous, les députés, pouvons faire notre travail au nom de la population en examinant les projets de loi en comité et en nous assurant que le résultat final est le meilleur possible pour la population.

Je suis d'avis que le gouvernement a beaucoup de chemin à faire avant de remplir sa promesse du livre rouge d'accorder plus d'indépendance aux comités, de donner aux députés la possibilité d'influer sur le processus législatif et de contribuer à l'élaboration des lois.

J'ai moi aussi présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été adopté en deuxième lecture à la Chambre des communes. Ce projet de loi a été adopté à l'unanimité il y a deux ans et renvoyé au Comité de la justice où il est toujours. Or, le ministre de la Justice vient de présenter un projet de loi sur le même sujet. Pourquoi le comité n'a-t-il pas étudié un projet de loi traitant des contrevenants dangereux et des moyens à prendre pour les garder à l'écart de la société? Il y a deux ans, mon projet de loi a été adopté à l'unanimité dans cette enceinte, renvoyé à un comité, puis relégué aux oubliettes.

J'estime que la tyrannie de la majorité, à laquelle un député libéral a fait allusion plus tôt, est exactement ce que nous avons avec le gouvernement actuel. Fort de son écrasante majorité, le gouvernement pense qu'il a le droit de faire abstraction des droits de ses propres députés, qui représentent la population canadienne dans ce qu'ils estiment juste et équitable.

(1320)

Toutes les fois qu'un examen critique fait ressortir un point ou une question que le gouvernement devrait réexaminer ou un secteur d'où il devrait se retirer, il n'en est pas tenu compte. Peut-être que j'ai mal compris la position du député, mais je croyais que nous étions tous ici pour faire le meilleur travail possible pour la population canadienne et veiller à ce que ceux qui nous suivront aient les meilleures lois possibles, les meilleures règles possibles pour gouverner le pays et garantir qu'il sera fort, dynamique et unifié dans les années à venir.

Je ne vois pas en quoi notre travail au sein des comités nous permet de le faire. J'ai noté que le gouvernement fait pression non seulement sur les membres de comités représentant l'opposition, mais encore sur ses propres membres, ce qui va à l'encontre des règles du système parlementaire.

Si le gouvernement veut revenir à la Chambre avec une majorité, voire une écrasante majorité, j'estime qu'il a intérêt à se secouer et à se mettre à l'écoute de la population canadienne parce qu'il pourrait ne pas avoir une deuxième chance.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, la députée vient d'exprimer sa frustration. Je suis heureux qu'elle ait pu se défouler contre la démocratie. Cependant, nous sommes devant une contradiction, parce que l'on ne peut pas éprouver de l'amertume envers la démocratie.

Le fait est qu'un gouvernement majoritaire, justement parce qu'il détient la majorité, est maître des travaux et des décisions de la Chambre des communes. L'électorat tiendra le gouvernement entièrement responsable des décisions de la Chambre des communes en sachant très bien que les partis d'opposition n'étaient pas en mesure de défaire quoi que ce soit.


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La députée a évoqué une affaire survenue au Comité de la justice et a parlé de notre travail. Elle a dit, je crois, «notre travail collectif en comité», comme si un comité n'était pas un reflet direct, à petite échelle, de la Chambre des communes. Un comité est, par définition, sectaire parce que composé de membres qui défendent les positions de leur propre parti. Cela signifie que, peu importe les bons arguments présentés par la députée, la décision ultime appartient au comité. Le comité est dirigé par le parti majoritaire au pouvoir et, par le jeu du transfert des responsabilités, le gouvernement est le premier responsable de toutes les décisions prises par le comité et doit en rendre compte devant la population.

Si la députée croit que le travail du comité et, au bout du compte, les résultats de ses décisions, les amendements proposés, l'appui ou le rejet des projets de loi étaient des erreurs et ne servaient pas les intérêts des Canadiens, ceux-ci pourront se faire entendre lors des prochaines élections.

La députée devrait se souvenir qu'un gouvernement majoritaire doit vivre avec la pensée que tous les Canadiens le voient comme étant le responsable ultime. Il devra rendre compte de toutes ses décisions et toutes les mesures qu'il prend sont à ses propres risques.

Mme Meredith: Madame la Présidente, je trouve très intéressant d'entendre un député libéral déclarer que le gouvernement est entièrement responsable de toutes les décisions du comité. En l'occurrence, le membre du comité que le gouvernement a remplacé reconnaissait qu'il existait des divergences entre l'information et les témoignages des témoins et émettait des doutes à ce sujet. Puisque le comité ne voulait pas reconnaître avec moi qu'il y avait des contradictions dans les témoignages et qu'il fallait les dénoncer, j'ai porté l'affaire devant la Chambre des communes en soulevant la question de privilège.

(1325)

Je veux citer la décision rendue plus tôt cette semaine par le Président: «Toutefois, à mon avis, il y a matière à débat, mais non à soulever la question de privilège. Il ressort que la députée a manifestement une divergence d'opinion quant aux faits présentés au comité. Si la députée veut soumettre la question au comité et si celui-ci choisit de faire rapport à la Chambre sur cet aspect de la question, la Chambre pourra alors décider de se saisir de l'affaire.»

Le comité a cependant refusé d'étudier la question à l'étape du rapport. C'est pourquoi le député de Scarborough-Ouest a été éjecté de ce comité. Il a reconnu que les autres membres du comité ne voulaient pas étudier cette question. À mon avis, le gouvernement est responsable de la décision de camoufler des choses.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Madame la Présidente, je voudrais demander à ma collègue ce qu'elle pense vraiment du choix des vice-présidents, particulièrement parmi les députés du parti séparatiste qui veut détruire le Canada.

Mme Meredith: Madame la Présidente, je crois que ce qui compte vraiment, c'est la capacité des membres du comité de choisir la personne qui, selon eux, est le plus apte à représenter l'opposition. Je suis certaine qu'il y a eu des cas où les ministériels auraient aimé appuyer un député réformiste qui leur était présenté, mais se sont fait dire de ne pas l'appuyer.

Le jour où les membres libéraux de ces comités auront la liberté, et je veux dire ici l'entière liberté, de choisir la personne qui, selon eux, est le plus apte à représenter l'opposition, nous verrons des députés réformistes nommés à des postes de vice-président.

M. George S. Baker (Gander-Grand Falls, Lib.): Madame la Présidente, j'ai quelques remarques à faire au sujet de ce débat.

L'élément déclencheur de ce débat est le dépôt de cet excellent rapport par notre whip, le député de Glengarry-Prescott-Russell, qui fait un travail extraordinaire. Je dirais qu'il est l'un des meilleurs whips dans l'histoire de cette Chambre. La liste des membres de ces comités est le fruit de plusieurs mois de consultation visant à s'assurer que, dans le mesure du possible, les députés font partie des comités où ils désirent siéger.

Voilà soudainement que le Parti réformiste intervient à la Chambre, frustré par sa propre impopularité, frustré parce que le gouvernement jouit d'une énorme avance dans les sondages, mais surtout frustré à cause du Bloc. Selon notre système, c'est le Bloc, l'opposition officielle, qui a beaucoup des privilèges que le Parti réformiste aimerait avoir.

Les réformistes sont là aujourd'hui en train de critiquer le gouvernement du Canada parce que les comités ne respectent pas la démocratie, parce qu'ils ne rendent pas suffisamment de comptes à la Chambre des communes, aux Canadiens, et parce qu'ils n'ont pas assez de pouvoir dans le processus législatif. Dans notre système, les comités de la Chambre des communes n'ont que deux fonctions, soit l'obligation de rendre des comptes et la fonction législative.

N'est-il pas étrange que les réformistes critiquent le seul gouvernement dans l'histoire de la Chambre qui ait permis des votes libres non seulement sur des mesures d'initiative parlementaire mais aussi sur des mesures d'initiative ministérielle? Si nous regardions ce qui se passe au modèle des parlements, soit le Parlement britannique, je ne crois pas que nous y trouverions des mesures aussi progressistes que celles prises par le gouvernement du Canada sous la direction du premier ministre actuel. C'est historique. Cela ne s'est jamais fait auparavant.

(1330)

En plus du pouvoir nouvellement acquis par les députés à l'égard des projets de loi d'initiative ministérielle et d'initiative parlementaire, la Chambre des communes possède l'un des meilleurs systèmes de toutes les assemblées législatives du système parlementaire britannique pour rendre des comptes. Je fais référence à la période des questions.


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Aucune autre assemblée législative au monde ne possède de période de questions où les ministres-le pouvoir exécutif-doivent être là pour répondre à toutes les questions des partis d'opposition. On n'en trouve l'équivalent dans aucune autre assemblée législative.

Je vais expliquer comment les choses se font ailleurs. Le Parti réformiste voudra peut-être le savoir. Les réformistes aimeraient peut-être que nous fassions comme les parlements britannique ou australien ou d'autres parlements où les parlementaires doivent donner avis d'une question à un ministre du Cabinet. Les ministres du Cabinet n'ont même pas l'obligation d'être présents à la Chambre chaque jour. Ils doivent seulement y siéger une journée toutes les deux semaines pour répondre à des questions dont ils ont préalablement reçu avis.

Pourquoi avons-nous adopté ce système? Parce que le gouvernement canadien, surtout dans le contexte actuel, doit faire face à un parti séparatiste qui représente l'opposition officielle. Le gouvernement canadien a rejeté les nombreuses recommandations des milieux universitaires qui voulaient que nous adoptions les modèles britannique et australien, ces systèmes qui obligent les parlementaires à donner avis de leurs questions et qui n'obligent pas les ministres à être présents tous les jours à la Chambre pour répondre à toutes les questions que veulent bien leur poser les partis d'opposition.

Notre système ne peut fonctionner que dans la mesure où les deux grands partis d'opposition, dont le parti séparatiste, usent de leurs pouvoirs pour obliger le gouvernement à rendre des comptes.

On peut comprendre le sentiment de frustration des réformistes. Un des deux principaux partis d'opposition utilise uniquement la période des questions pour démembrer le pays. C'est le programme que ce parti s'est donné. Il ne s'intéresse à rien d'autre. Je ne crois pas que les députés bloquistes aient d'autres sujets d'intérêt. Ils en rêvent dans leur sommeil. Jour après jour, ils se demandent quoi dire pendant la période des questions pour disloquer le pays. Ils n'agissent évidemment pas dans le meilleur intérêt du Canada. Puis il y a le deuxième parti.

Une voix: Des extrémistes.

M. Baker: Comme quelqu'un vient de le dire, ce parti défend des positions politiques extrêmes. On se demande enfin qui sont les perdants. Ce sont les Canadiens.

Une voix: Donnez-nous un exemple de position extrême.

M. Baker: Le député demande un exemple. Nous pouvons en donner. Imaginez un parti politique, qui insiste autant sur l'obligation de rendre des comptes, qui serait opposé à notre régime de soins de santé. Imaginez un parti politique dont la position est, entre autres, que le public devrait faire construire les routes par une entreprise privée et qui après viendrait vous dire que vous ne pouvez faire autrement que d'avoir des postes de péage. Imaginez la route de l'Alaska. Imaginez s'il y avait des postes de péage sur l'autoroute transcanadienne. C'est le parti qui a une position tout à fait extrême sur certaines questions.

Un député réformiste vient de mentionner l'assurance-chômage. Les réformistes avaient un plan formidable. Parlons de la position extrême qui consiste à s'opposer à la réduction des cotisations des employeurs et des employés, à se servir des fonds de l'assurance-chômage pour réduire le déficit, à s'assurer que tout soit réduit à zéro avant d'abaisser les cotisations. C'est à la page 24 du budget qu'ils ont présenté.

(1325)

Le gouvernement du Canada est tenu responsable envers les Canadiens par deux partis politiques qui ne sont pas représentatifs de ce que veulent les Canadiens et qui, donc, ne peuvent pas vraiment tenir le gouvernement responsable de ses actions. De son côté, le gouvernement respecte les principes de la démocratie à la Chambre en donnant à ses députés la possibilité de voter librement même quand il s'agit des initiatives ministérielles.

Il est clair que si ce système ne fonctionne pas, c'est la faute des partis d'opposition et que ces partis ne peuvent que s'en prendre à eux-mêmes. Ils devraient repenser leur stratégie concernant la période des questions et faire de meilleures suggestions au lieu de bloquer ces excellents comités, ces excellents députés qui attendent de faire leur travail, comme l'a fait valoir notre whip aujourd'hui.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Madame la Présidente, c'est toujours intéressant d'entendre le député de Terre-Neuve.

Le député a parlé d'extrémisme. Nous voyons des manifestations d'extrémisme depuis 25 ans au Canada. Nous avons été victimes d'extrémisme, avec la politique budgétaire et monétaire qui a créé une dette de 600 milliards de dollars pour le Canada. Cet extrémisme engendre des paiements d'intérêts sur cette dette de 50 milliards par année. Nous avons vu de l'extrémisme dans le régime de pension des députés, qui n'est pas un régime de pension, mais un billet de loterie gagnant.

Nous avons vu de l'extrémisme dans l'article 745, qui permet aux personnes condamnées pour meurtre au premier degré comme Clifford Olson de demander une libération conditionnelle anticipée après avoir purgé seulement 15 ans de leur peine, et de replonger ainsi dans l'horreur, la douleur et l'angoisse tous les membres de ces 11 familles dont un enfant a été assassiné.

Nous voyons l'extrémisme des politiciens qui soutiennent ces droits et ces mesures de protection des meurtriers, dans notre pays, tout en faisant fi de leur devoir et de leur responsabilité de protéger d'innocentes victimes comme les proches de ces enfants.

Oui, notre pays a été soumis à de l'extrémisme. J'en ai déjà parlé et nous pourrions en parler encore pendant des heures à la Chambre. L'extrémisme de la Loi sur les jeunes contrevenants fait que cette loi est considérée comme une farce par un bon nombre de ces mêmes jeunes contrevenants. Le système judiciaire n'est pas en mesure de protéger la vie et la propriété de nos citoyens. Oui, nous sommes aux prises avec de l'extrémisme, au Canada, et c'est la


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conséquence des actes de personnes comme mon collègue qui vient de prendre la parole.

On pourrait parler d'un point que le député n'a pas abordé au sujet de la démocratie dont on fait preuve au sein de nos comités. J'ai siégé au Comité de la justice. Il y avait là le président le plus compétent qui soit. Il connaissait le règlement, il avait de l'expérience et du savoir-faire et il se montrait juste envers le gouvernement et l'opposition. Ce député a été démis de ses fonctions simplement parce qu'il a choisi de défendre ce qu'il croyait être dans l'intérêt de ses électeurs, dans l'étude d'un projet de loi ministériel.

Le député n'a pas abordé cette affaire. Il pourrait peut-être en parler dans le temps qu'il lui reste. Que pense-t-il du fait que le député de Notre-Dame-de-Grâce soit traité de manière aussi odieuse en vertu de ce prétendu processus démocratique par ce gouvernement qui est censé d'être si soucieux de défendre les principes démocratiques de notre pays? Écoutons ce que le député a à dire au sujet de ce qui est arrivé à notre collègue d'en face.

(1340)

M. Baker: Madame la Présidente, le député prétend que nous sommes un gouvernement extrémiste. Il a tout d'abord parlé de la dette et du déficit, des extrêmes économiques comme il le dit.

Je dois admettre que le pays est dans une position extrême à l'heure actuelle car nous sommes effectivement à une extrémité n'est-ce pas? Quel pays du G7 est au premier rang au monde sur le plan du développement économique? Quel pays est à l'extrémité économique? Est-ce l'Italie, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon, les États-Unis? Quel pays est donc à l'extrémité économique? Nous sommes d'accord avec le député. Le pays extrémiste sur ce point est certainement le Canada puisqu'il est en avant de tous les autres.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Madame la Présidente, puisque nous parlons d'extrêmes, le député peut-il nous dire à quel parti le gouvernement a emprunté ces idées extrémistes? Quel parti a fait campagne en promettant des compressions et l'élimination du déficit et en affirmant que les compressions mèneraient à la création d'emplois, à l'augmentation des chances et à l'amélioration du pays? Quel parti a promis des emplois, des emplois et encore des emplois? Quel parti a volé les idées de l'autre? Nous ne voulons pas de leurs idées et nous sommes heureux qu'il ait volé les nôtres, nos opinions extrêmes, nos positions extrêmes, et nous sommes fiers de la contribution extrêmement valable que nous avons apportée au pays.

M. Baker: Madame la Présidente, le Parti libéral du Canada ne serait jamais extrémiste à ce point. Depuis l'automne 1993, le Parti libéral du Canada a dirigé la nation qui, parmi toutes les nations industrialisées du monde, a connu le progrès économique le plus marqué. Selon toutes les prévisions, il en sera de même l'année prochaine, sans que nous adoptions les principes du Parti réformiste qui veut faire payer les routes directement par les utilisateurs, réduire les soins de santé et abolir les programmes sociaux.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, je constate, comme vous, que la majorité ministérielle est heureuse de m'entendre et je ne me gênerai pas pour dire ce que je pense.

Ce que je pense, c'est qu'on est en présence d'une réalité fondamentale, parce que nous sommes en présence d'une opposition démocratiquement élue, une opposition formée de 53 députés, où tous et chacun des membres se sont astreints à des règles démocratiques de financement auxquelles aucun autre collègue en cette Chambre, y compris les réformistes, y compris la majorité ministérielle, n'a voulu s'astreindre.

Ce qu'on vient nous dire aujourd'hui, c'est que le travail parlementaire, particulièrement celui que l'on fait en comité, ne vaut pas la peine d'être fait. C'est ce que disent les réformistes. Les réformistes disent: le travail parlementaire ne vaut pas la peine d'être fait, le travail parlementaire ne vaut pas la peine d'être soutenu, parce qu'ils ne sont pas l'opposition officielle.

Belle hypocrisie que celle que l'on nous sert aujourd'hui. Vous rappelez-vous, nous n'avions pas fait deux semaines en cette Chambre que le chef du Parti réformiste nous invitait à partager un déjeuner-causerie dans lequel il nous disait que son parti allait être renouvelé, qu'on était en présence d'une nouvelle façon de faire de la politique, que ce parti allait être démocrate, que ce parti allait enrichir les débats.

On ose venir nous dire aujourd'hui, alors que nous sommes dans un système où le peuple se prononce, choisit des gens par la voie de la démocratie, que ce système ne vaut pas la peine d'être vécu en comité, parce qu'ils ne sont pas l'opposition. Il faut un méchant front de troupeau de boeufs pour pouvoir se lever aujourd'hui en cette Chambre et venir nous dire cela.

Comment doit-on évaluer le travail de l'opposition? On est en présence d'une opposition démocratique.

(1345)

En opposition, ce que ça veut dire, c'est que nous sommes là parce que nous sommes détenteur d'un mandat. Quel a-t-il été ce mandat? Ce mandat nous est venu d'une campagne électorale démocratiquement tenue selon des règles publique, ce qui a fait en sorte que les citoyens et les citoyennes du Québec ont choisi 53, 54 députés du Bloc québécois. C'est ça la réalité.

Qu'est-ce qui fait mal aux réformistes? J'espère que l'un d'entre eux aura le courage de se lever et de le dire, au lieu de tenir le discours pharisien qu'ils tiennent, parce que ce n'est pas tout de se friser les cheveux, ce qui importe, en démocratie, ce n'est pas ce qu'on a sur les deux oreilles, c'est l'intensité de ce qu'on a entre les deux qui fait en sorte qu'on doit aspirer ou pas à devenir l'opposition.

Qu'est-ce que l'opposition réformiste a à dire? Qu'ont-ils à dire, s'agissant des finances publiques? Qu'ont-ils à dire, s'agissant de la politique étrangère? Qu'ont-ils à dire, s'agissant des droits de la personne? Qu'ont-ils à dire concernant les grands débats de l'actualité? Qu'ont-ils à dire, s'agissant de la reconnaissance des droits du Québec? Ils n'ont rien à dire, et c'est pour ça que, non seulement ils


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ne formeront pas l'opposition officielle mais que nous allons faire en sorte qu'ils soient complètement réduits à néant au cours des prochaines élections.

Ce dont il faut se parler aujourd'hui, c'est ceci: est-ce qu'il y en a un parmi nous, en cette Chambre, qui peut dire que l'opposition officielle n'a pas bien fait son travail en comité? C'est vrai que nous sommes élus pour défendre exclusivement les intérêts du Québec. Personne ne niera ça. Nous, on s'est fait élire sous une bannière très claire. La raison pour laquelle nous, on pense qu'on peut défendre les intérêts du Québec, c'est qu'on a justement choisi de se donner un véhicule qui n'est pas astreint à une dynamique pancanadienne, parce que lorsqu'on veut défendre les intérêts du Québec et qu'on se retrouve dans un parti comme le Parti libéral ou dans un parti national comme celui qu'a été les conservateurs, on ne peut pas parler d'une seule voix au nom des intérêts du Québec parce qu'on sait très bien qu'il y a des intérêts contradictoires.

Madame la Présidente, je vous mets au défi et je mets au défi l'un ou l'autre des députés réformistes-les députés réformistes sont à ce Parlement ce que le cinéma muet est au septième art-de nous donner un exemple où il y a eu un manquement tant sur le contenu, dans des prises de position que dans des comportements éthiques, que dans nos présences en Chambre, que dans la façon dont nous avons animé l'un ou l'autre des véhicules qui donnent vie au travail de l'opposition officielle. Je les mets au défi de nous donner un manquement.

Nous savons bien que nous avons fait notre travail correctement. Nous l'avons fait comme ceux qui savent que, lorsque l'opposition officielle se lève en Chambre, elle parle au nom de la nation québécoise qui a fait un choix démocratique et qui va récidiver ce choix en vue d'un idéal dont nous ne nous sommes jamais cachés, qui est celui de faire en sorte que le Québec pourra, lorsqu'il l'aura choisi, accéder à sa souveraineté.

Mais cela a-t-il voulu dire que, lorsque l'occasion nous a été présentée, nous n'avons pas été capables de se faire les porte-parole honnêtes et respectueux d'une certaine diversité canadienne? Oui, nous avons été capables de le faire. Nous avons été capables de le faire lorsque nous avons parlé de la Bosnie. Nous avons été capables de le faire lorsque nous avons parlé de renouveler les institutions à l'échelle internationale, particulièrement concernant les Nations Unies. Nous admettons que certains dossiers peuvent faire en sorte que la nation québécoise peut avoir des intérêts communs avec le reste de la réalité canadienne, mais nous n'avons jamais été complaisants.

Est-ce que c'est le Parti réformiste qui a fait la bataille sur les fiducies familiales? Est-ce que vous les avez entendus? Est-ce que ce sont les libéraux qui se sont levés et qui ont fait la bataille lorsqu'on a constaté que 2 milliards de capitaux ont quitté, plus ou moins légalement, le pays, le Canada? Est-ce que ce sont eux qui ont fait la bataille? Non.

Ce qui dérange, de ce côté comme de l'autre, c'est que nous sommes porteurs d'un discours original; nous sommes porteurs d'un discours singulier; nous sommes porteurs d'un discours spécifique.

Je sais qu'ils aimeraient ça, tant le Parti réformiste que la majorité ministérielle, que nous soyons capables de nous fondre dans ce grand tout canadien. Mais ça n'arrivera pas, parce qu'on sait ce que les Québécois et les Québécoises feront, parce qu'ils en ont la capacité sur le choix démocratique, sur le plan démocratique, de bien comprendre leurs intérêts. Et bien comprendre leurs intérêts veut dire de se donner des porte-parole qui sont exclusivement voués à la promotion des intérêts du Québec.

(1350)

Je n'hésite pas à vous dire, dans la même foulée, que tous et chacun d'entre nous avons des amis au Canada anglais et nous pensons que la meilleure façon de vivre la politique au prochain siècle sera dans un contexte de partenariat.

C'est ce que nous pensons et nous ne sommes pas naïfs concernant l'éventualité, la plausabilité et le caractère éminemment souhaitable de maintenir un marché commun canadien. Nous ne sommes pas naïfs à ce sujet-là.

Je suis pour le moins inquiet que le Parti réformiste n'ait rien à dire sur ces sujets. De se lever en Chambre, comme ça, sur le ton de la naïveté, de l'indignation d'une couventine de 17 ans, et de dire qu'on n'est pas contents parce qu'en comité, on n'est pas l'opposition officielle, c'est méprisant pour la démocratie.

Qu'est-ce que la démocratie, si ce n'est la capacité de choisir les gens qui nous représenteront? Est-ce que les députés du Parti réformiste pensent sérieusement qu'en tenant ce discours bonbon, éculé par le temps et qui est d'un manque de sérieux grotesque, ils obtiendront des mandats populaires? Est-ce que c'est ça qu'ils pensent? J'espère que non.

[Traduction]

M. Strahl: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je sais que, conformément à la motion adoptée plus tôt ce matin, nous devons temporairement mettre fin au débat. Aurons-nous une période de questions et réponses par la suite?

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Il ne s'agit pas d'un recours au Règlement.

[Français]

M. Ménard: Madame la Présidente, j'aimerais poursuivre mon discours.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Le député de Fraser Valley-Est.

M. Strahl: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. Je sais que les règles du débat veulent que l'on ait d'abord une déclaration, puis une période de débat. . .

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Veuillez vous asseoir. Nous nous étions entendus pour que les discussions sur cette motion se terminent à 13 h 50. Je vais donner au député une minute supplémentaire pour terminer son discours de 10 minutes.

M. Strahl: Y aura-t-il une période des questions?

[Français]

M. Ménard: Madame la Présidente, vous voyez ce que c'est que cette incapacité de se prononcer sur les choses et de jouer d'artifices pour s'éloigner des vrais débats. C'est pour cette raison que ces gens-là ne formeront jamais, je l'espère pour les Canadiens et les Québécois, ni le gouvernement, ni l'opposition.


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Nous sommes là de façon responsables à parler des vrais problèmes, à faire en sorte que la voix du Québec puisse être entendue et puisse continuer à se faire entendre. Tous autant que nous sommes, nous sommes extrêmement enthousiastes pour l'avenir.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Comme il est 13 h 50, il est de mon devoir d'interrompre les délibérations.

Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la motion est réputée avoir été mise aux voix et adoptée avec dissidence.

(La motion est adoptée.)

* * *

[Traduction]

PÉTITIONS

LE CODE CRIMINEL

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.): Madame la Présidente, j'ai trois pétitions de plusieurs centaines de Canadiens de différentes provinces qui déclarent que l'abolition, pour les prisonniers condamnés à une peine à perpétuité, de la possibilité de demander un examen judiciaire après 15 ans ou plus, afin d'obtenir leur libération conditionnelle, ne servira probablement qu'à augmenter le coût humain et économique du système de justice criminelle et à augmenter les craintes du public et les fausses idées qu'il se fait au sujet de la criminalité.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de s'opposer à l'abolition de l'article 745 du Code criminel ou à des restrictions de l'accès des prisonniers à des procédures justes et honnêtes, ainsi que de lancer une campagne concertée d'éducation du public pour promouvoir la nécessité d'avoir des méthodes responsables et humaines de justice criminelle, de façon à améliorer la sécurité de tous les Canadiens.

(1355)

LA CONDUITE AUTOMOBILE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de présenter une pétition contenant plus de 500 noms de personnes de la circonscription de Simcoe-Nord.

Les pétitionnaires déclarent qu'il y a de graves insuffisances dans les pratiques de détermination des peines en ce qui concerne les personnes condamnées pour conduite en état d'ébriété et que le Canada devrait avoir pour principe de ne pas tolérer la conduite en état d'ébriété.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'adopter immédiatement des modifications au Code criminel qui feraient en sorte que les peines imposées à quiconque a conduit avec des facultés affaiblies et provoqué la mort d'une personne soit condamné au moins à 7 ans de prison et au plus à 14 ans de prison, comme le demande le projet de loi d'initiative parlementaire C-201, présenté par le député de Prince George-Bulkley Valley.

LA FISCALITÉ

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais présenter deux pétitions. La première a trait à l'imposition des revenus familiaux.

Les pétitionnaires, qui habitent à Kirland Lake, en Ontario, font remarquer à la Chambre que gérer une foyer et prendre soin d'enfants d'âge préscolaire est une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur dans notre société.

Ils prient donc le Parlement de prendre des mesures pour éliminer la discrimination fiscale contre les familles qui décident de prendre soin à la maison d'enfants d'âge préscolaire, de personnes handicapées, malades chroniques ou âgées.

L'ÉTIQUETAGE DES BOISSONS ALCOOLISÉES

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, la deuxième pétition a trait à l'étiquetage des boissons alcoolisées et est signée par des habitants de Belleville, en Ontario.

Les pétitionnaires désirent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que la consommation de boissons alcooliques peut entraîner des problèmes de santé ou diminuer les facultés d'une personne. En particulier, ils insistent sur le fait qu'il est possible de prévenir totalement le syndrome de l'alcool chez le foetus ainsi que d'autres anomalies à la naissance liées à l'alcool en évitant de consommer de l'alcool pendant la grossesse.

Ils demandent donc au Parlement d'adopter une mesure législative visant à rendre obligatoire l'apposition sur les contenants de boissons alcoolisées d'étiquettes mettant en garde les futures mères et autres personnes contre les risques associés à la consommation d'alcool.

LA MARINE MARCHANDE EN TEMPS DE GUERRE

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais présenter des pétitions venant de gens du Lower Mainland ou de Vancouver au sujet des anciens combattants de la marine marchande qui ne peuvent profiter des dispositions de la Loi sur les allocations aux anciens combattants, des prestations de pension, des études universitaires gratuites offertes aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, des concessions de terrain et des subventions au logement, de l'aide financière accordée aux petites entreprises et de l'aide médicale dont profitent les anciens combattants.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'envisager l'opportunité d'accorder aux anciens combattants de la marine marchande des prestations et une indemnisation semblables à celles des anciens combattants des Forces canadiennes qui ont pris part à la Seconde Guerre mondiale.

LES PROFITS DE LA CRIMINALITÉ

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de présenter une pétition signée par 92 électeurs de ma province, la Colombie-Britannique, qui habitent les collectivités de Horsefly, Williams Lake et Miocene.

Mes électeurs demandent que le Parlement promulgue le projet de loi C-205, qui modifierait le Code criminel et la Loi sur le droit d'auteur de façon à empêcher un criminel de tirer profit de son crime en vendant ou en écrivant son histoire, ou en autorisant sa publication.

4448

LE CANADA

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter la pétition suivante.

Les pétitionnaires souhaitent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que notre pays risque d'être déchiré par des factions régionales et ils demandent donc au premier ministre et au Parlement du Canada de déclarer et de confirmer immédiatement que le Canada est indivisible.

LES PRÉDATEURS SEXUELS

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur que de présenter aujourd'hui deux pétitions signées par des résidants du Lower Mainland de la Colombie-Britannique.

La première fait partie des pétitions Sun Hope, qu'on fait circuler à la mémoire d'André Castet. Les pétitionnaires voudraient attirer l'attention sur une vive préoccupation de la population, à savoir qu'elle n'est pas avisée de la présence de prédateurs sexuels dans les rues.

Ils estiment que le projet de loi C-37 ne répond pas à la demande de la population pour que des révisions considérables soient apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants. Ils demandent à la Chambre d'adopter une loi visant à réformer le système de justice et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en adhérant à un certain nombre de principes, notamment que les nouvelles lois garantiraient la détention des prédateurs sexuels dans des établissements sûrs jusqu'à ce qu'ils ne représentent plus un danger pour la sécurité publique.

LA FISCALITÉ

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition vient également d'un groupe de ma région. Les pétitionnaires demandent au Parlement de s'abstenir d'appliquer une taxe sur les prestations de soins médicaux et dentaires et de remettre à plus tard toute étude à venir d'une telle taxe jusqu'à ce qu'on ait entrepris un examen complet du régime fiscal et de ses répercussions sur la santé des Canadiens.

Je suis heureuse de présenter ces deux pétitions.

Le Président: J'ai l'intention, immédiatement après la période de déclarations et de questions, de reprendre là où nous nous sommes arrêtés pour que nous puissions accueillir toutes les pétitions que vous désirez présenter aujourd'hui.

Comme il est 14 heures, nous passons maintenant aux déclarations de députés.

______________________________________________


4448

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA VIOLENCE FAMILIALE

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens savent que des familles vigoureuses sont la force d'un pays et que nous devons prendre des initiatives pour favoriser cette vigueur. Ces initiatives doivent aussi alléger les problèmes qui affaiblissent et minent la famille, par exemple, l'alcoolisme.

Malheureusement, la violence qui est présente dans 50 p. 100 des familles, les mauvais traitements qui sont infligés aux enfants dans 65 p. 100 des familles et l'éclatement d'une famille sur six au Canada résultent tous directement ou indirectement de la consommation excessive d'alcool.

Les effets de la violence familiale et des mauvais traitements infligés aux enfants sont dévastateurs et durables. C'est un problème social qui exige que les hommes et les femmes collaborent pour définir et éliminer les causes fondamentales de la violence familiale.

Si l'on parvient à réduire la violence familiale, les familles seront en meilleure santé, il y aura moins d'enfants pauvres, les coûts de la santé et des programmes sociaux diminueront, les collectivités seront plus sûres et les familles seront plus vigoureuses.

Enfin, si les familles sont vigoureuses, le Canada sera plus fort. J'invite donc les parlementaires à poursuivre des initiatives qui rétablissent la solidité de la famille canadienne traditionnelle.

* * *

[Français]

LES INDUSTRIES CASCADES DE KINGSEY FALLS

M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je salue aujourd'hui la direction et les employés des industries Cascades. Pour eux, la protection de l'environnement est une valeur importante. Elle fait partie de leur philosophie de gestion. À preuve, ils viennent d'inaugurer officiellement l'usine de traitement secondaire des eaux au complexe papetier de Kingsey Falls. Il s'agit d'un investissement de plus de six millions de dollars qui vise à enlever la demande biologique en oxygène pour ainsi réduire la toxicité des rejets des quatre usines de Kingsey Falls.

La conception, la construction, l'installation des équipements et l'opération ont été effectuées en majorité par les employés de Cascades. Cette compagnie dispose maintenant de l'un des systèmes de traitement secondaire les plus performants de l'industrie des pâtes et papiers. À la direction et aux employés de Cascades, je dis bravo. Cette entreprise devient ainsi un chef de file dans la protection de l'environnement. C'est un exemple à suivre.

* * *

[Traduction]

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Hugh Hanrahan (Edmonton-Strathcona, Réf.): Monsieur le Président, les folles dépenses de l'extravagant gouvernement libéral percent au travers des compressions financières superficielles.

Les libéraux se sont engagés à payer environ trois millions de dollars ou 30 p. 100 du coût total des jeux de la francophonie qui auront lieu à Madagascar. Au cours de cet événement, des médailles seront remises à ceux qui font de la sculpture, qui produisent des vidéos et même qui racontent des histoires.


4449

Nous allons dépenser au-delà de cinq fois plus que nous l'avions fait aux jeux du Commonwealth qui ont eu lieu au Canada et au-delà de dix fois plus qu'aux Olympiques de 1996.

Le gaspillage des fonds publics par le gouvernement est inexcusable. Quand les temps sont difficiles, comme c'est le cas actuellement où de nombreux Canadiens souffrent, le gouvernement est fortement incité à trouver. . .

Le Président: Le député de Markham-Whitchurch-Stouffville.

* * *

L'EMPLOI

M. Jag Bhaduria (Markham-Whitchurch-Stouffville, Lib. ind.): Monsieur le Président, c'est une honte nationale! Le taux de chômage au Canada est encore plus élevé que celui de nos voisins du Sud.

Les Canadiens en ont assez des excuses et des slogans du gouvernement en place. Ils veulent que l'on crée régulièrement des débouchés. La création d'emplois au Canada doit être la principale priorité du gouvernement.

Récemment, le premier ministre a déclaré que plus d'un demi-million d'emplois avaient été créés depuis les dernières élections générales. On passe sous silence le fait que c'est le total net et pas une autre statistique ambiguë. Si ces emplois sont réels, que le gouvernement affiche les vrais chiffres.

Je tiens le gouvernement actuel responsable de la triste conjoncture économique actuelle.

* * *

(1405)

LE DRAPEAU CANADIEN

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, plus de 1 300 Canadiens, de 180 localités éparpillées dans toutes les provinces, ont exprimé leur appui au projet de loi d'initiative parlementaire que j'ai présenté dans le but d'instituer un serment d'allégeance au drapeau canadien.

Les simples Canadiens ne sont pas seuls. Les conseils de 13 municipalités, dont Windsor, Rockland et Guelph, en Ontario, Beaconsfield, au Québec, Chester, en Nouvelle-Écosse, Cardston, en Alberta, et Logan Lake et Cranbrook, en Colombie-Britannique, ont adopté des résolutions d'appui au cours des trois dernières semaines.

Notre drapeau a occupé une place éminente lors de certains des épisodes les plus brillants de l'histoire de notre pays. Les Canadiens aiment leur pays et le drapeau qui est partout fièrement déployé. Jeunes et vieux, ils ont dit cet été: «Vive la feuille d'érable!»

LES JEUX DU CANADA

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, la ville et le comté de Peterborough ont présenté leur candidature en vue de la tenue des Jeux du Canada de 2001.

Cette proposition est le fruit de plusieurs mois de travail de la part de centaines de bénévoles. Elle décrit en détail nos installations sportives et notre compétence en matière de gestion des sports.

La proposition que notre ville a déjà été l'hôte des Jeux d'Ontario pour les personnes handicapées, des Championnats nationaux de balle lente, du Tournoi de la Coupe Memorial et de deux éditions des Jeux d'été de l'Ontario. Nous avons acquis au fil des décennies une grande expérience dans la tenue d'événements sportifs.

La proposition bénéficie d'un appui total de la part des conseils de la ville et du comté, des municipalités locales, de la Première Nation de Curve Lake et de nos organisations sportives. La proposition bénéficie déjà également d'un solide soutien financier et moral.

Peterborough veillera à ce que les premiers Jeux du Canada du XXIe siècle soient les meilleurs qu'on ait jamais connus. J'exhorte tous les députés à appuyer la candidature de Peterborough.

* * *

LES JEUX OLYMPIQUES D'ÉTÉ

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le Président, un nombre record de trois résidents de Terre-Neuve et du Labrador ont participé aux Jeux olympiques d'été qui se sont tenus à Atlanta, en Géorgie, du 19 juillet au 4 août.

Maria Maunder et Phil Graham, qui sont de ma circonscription, St. John's-Est, et Andy Crosby, de Corner Brook, ont tous trois participé aux épreuves d'aviron.

Maunder et son équipe de huit rameuses ont décroché la seconde place et une médaille d'argent. Graham et Crosby se sont classés quatrièmes à l'épreuve réservée aux équipes de huit rameurs.

Je remercie et félicite ces athlètes pour leur contribution aux sports de notre province et du Canada. Ces athlètes nous invitent, par leur esprit sportif et leur détermination, à faire toujours de notre mieux dans tout ce que nous entreprenons. Le Canada est fier de vous.

* * *

LE SYNDROME DE LA GUERRE DU GOLFE

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, il a été scientifiquement démontré, au sujet du syndrome de la guerre du Golfe, que l'utilisation combinée de deux pesticides, le deet et la perméthrine, et d'un anti-agent neurotoxique, le bromure de pyridostigmine, entraîne des dommages neurologiques.

Des études effectuées à l'Université de Glasgow ont révélé des dysfonctionnements neurologiques chez des anciens combattants de la guerre du Golfe et le département américain de la Défense a confirmé que des armes chimiques ont été utilisées à sept reprises


4450

pendant la première semaine du conflit, notamment dans la région de Hafr Al-Batin, où il y avait des troupes canadiennes. Ces renseignements confirment le bien-fondé des rapports tchèques et français concernant la présence d'agents chimiques dans cette région.

Le 16 mai, le ministre de la Défense a déclaré que le ministère des Anciens combattants examinerait les demandes d'allocation d'invalidité faites par des anciens combattants de la guerre du Golfe et qu'il s'assurerait que ceux qui montrent des symptômes aient le bénéfice du doute et obtiennent des traitements et une indemnisation.

Toutefois, la réglementation actuelle reconnaît seulement les demandes de sujets affichant des symptômes reconnus médicalement. Il faudra donc modifier la réglementation de manière à reconnaître les incapacités chroniques et multiples dont souffrent nos anciens combattants de la guerre du Golfe. Les paroles ne suffisent pas, il faut agir maintenant.

* * *

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, le NPD déplore, du point de vue politique, que l'attention du Parlement soit mobilisée par le sort du ministre de la Défense et du général Boyle. Cela a permis aux libéraux de s'en tirer à d'autres égards.

Quoi qu'il en soit, le premier ministre et le ministre de la Défense nous ont déçus en défendant inconditionnellement le général Boyle.

Le premier ministre a raison de dire qu'on devrait laisser la commission d'enquête faire son travail, mais il devrait lui aussi faire le sien.

Interroger le général Boyle, cela n'équivaut pas à attaquer ni à critiquer les hommes et les femmes qui se sont engagés dans les Forces canadiennes et qui se distinguent chez nous et à l'étranger.

Il est faux et mesquin de prétendre qu'en interrogeant le général Boyle, on attaque tous ceux qui servent dans les forces. Il est également faux de prétendre que toutes les critiques dont le général Boyle fait l'objet à l'interne ne sont motivées que par une résistance au changement au sein du ministère. En l'occurrence, la question du leadership est légitimement soulevée, et il est difficile de soutenir que ce n'est pas le général Boyle qui l'assure.

Le premier ministre devrait prendre garde, car le fait qu'il se porte à la défense du général Boyle de manière tortueuse, évasive et peu convaincante pourrait suffire pour que les Canadiens commencent à mettre en doute ses aptitudes à diriger. Il est temps qu'il cesse de se glorifier de sa place dans les sondages. Péché d'orgueil ne va pas sans danger.

* * *

(1410)

[Traduction]

L'UNIVERSITÉ ACADIA

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants, Lib.): Je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole pour vous parler des avantages de l'Université Acadia.

En septembre, l'Université Acadia est en effet devenue le premier campus canadien entièrement informatisé.

L'utilisation des ordinateurs ThinkPad d'IBM fait maintenant partie intégrante des cours de première année en administration des affaires et en ordinatique. D'ici l'an 2000, un ordinateur portatif haut de gamme fera partie de la trousse d'admission de tout étudiant. L'Université Acadia reconnaît que les ordinateurs ne sont plus la voie de l'avenir. Ils sont le moyen de communication du monde actuel.

Grâce à l'aide des participants à ce projet, IBM Canada limitée, MT&T, la société Mariott du Canada limitée et les équipes spéciales d'American Express, les étudiants auront les outils nécessaires pour acquérir les compétences dont ils ont besoin pour soutenir la concurrence dans un monde exigeant.

Au chapitre de l'innovation, l'Université Acadia fait vraiment figure de chef de file parmi les universités canadiennes.

* * *

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT LOCAL EN MILIEU RURAL

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, aujourd'hui débute, à Saint-Germain-de-Kamouraska, le premier rendez-vous des acteurs du développement local en milieu rural. Sous le thème «Rebâtir les campagnes, les villages et les petites villes pour le XXIe siècle», ce rendez-vous réunit, du 19 au 22 septembre, plusieurs intervenants du développement local et d'éminents conférenciers venant de la France, de la Belgique et du Québec.

Il faut souligner l'initiative de ce petit village d'à peine 300 habitants qui veut favoriser la réflexion sur les conditions favorable au développement des villages et des petites villes rurales.

Nous sommes convaincus que ce premier rendez-vous du développement local en milieu rural permettra de consolider les actions nécessaires à la renaissance rurale en favorisant l'échange des expériences accumulées dans ce domaine jusqu'à ce jour.

Bravo et bon rendez-vous!

* * *

[Traduction]

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, les marchés de la Défense nationale contribuent à stimuler l'économie ainsi qu'à créer et à maintenir une foule d'emplois dans le secteur du commerce. Par exemple, Atlantis Aerospace Corporation et Fullerton Sherwood Engineering Limited, deux entreprises de ma circonscription, ont récemment présenté, avec succès, des soumissions pour des marchés du MDN d'une valeur de 1 400 000 $ chacun.

Je félicite le MDN de continuer à faire confiance à des entreprises canadiennes dans sa recherche de la meilleure expertise et du meilleur équipement sur le marché. Il est clair que le ministre de la Défense nationale prend son travail très au sérieux. En effet, le ministre fait preuve d'un dynamisme et d'une ténacité remarquables dans les efforts qu'il déploie pour rendre le ministère de la Défense nationale le meilleur possible.


4451

L'ALPHABÉTISATION

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'attirer encore une fois votre attention sur un outil innovateur servant à faire la promotion de l'alphabétisation.

J'ai eu le plaisir d'assister récemment au lancement d'un nouveau timbre de la Société canadienne des postes à Fredericton. Le nouveau timbre est le fruit de la collaboration entre la SCP et ABC Canada, un organisme sans but lucratif qui contribue à sensibiliser les gens à l'alphabétisation et qui encourage le secteur privé à appuyer cette cause.

Le nouveau timbre coûte 50 cents, dont 5 seront versés à ABC Canada.

Je voudrais féliciter la Société canadienne des postes d'avoir songé à ce moyen novateur et créatif servant à appuyer l'alphabétisation au Canada. Elle nous aide encore une fois à recueillir des fonds d'une manière communautaire. Le Nouveau-Brunswick est un chef de file dans la promotion de l'alphabétisation, et j'espère qu'il continuera de l'être en soutenant l'utilisation de ce nouveau timbre. Si tous les timbres, soit dix millions, sont vendus, les groupes d'alphabétisation du pays recevront 500 000 $. Si un Canadien sur trois achète seulement un livret de timbres, tous les timbres seront vendus.

* * *

[Français]

LE DÉPUTÉ DE GLENGARRY-PRESCOTT-RUSSELL

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, le 27 octobre prochain, le whip en chef du gouvernement sera la grande vedette d'un spectacle rock au profit de ceux qui ont délibérément enfreint la Loi électorale du Québec lors du dernier référendum.

Non content de bafouer le processus électoral québécois en finançant la désobéissance civile au Québec avec des fonds publics fédéraux, le député de Glengarry-Prescott-Russell a fait appel à des commanditaires comme Canadian International, le transporteur officiel des amoureux du Québec, le quotidien The Ottawa Sun et son traditionnel «Quebec bashing» et la Chaîne parlementaire par câble, financée par les câblodiffuseurs canadiens.

Le whip en chef du gouvernement aura beau se donner des airs de rock star et inonder son spectacle des drapeaux de la ministre du Patrimoine, la musique de ce gouvernement sonnera toujours faux aux oreilles des Québécois et Québécoises.

* * *

(1415)

[Traduction]

LE PARTI LIBÉRAL

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.):

Monsieur le Président, il est fini le bel été, terminé
Pendant trois longs mois, les libéraux s'étaient mis au vert
Pas tout à fait, vous pensez bien. Quel temps super
Pour engranger quelques votes. La belle affaire

Mais oh, surprise! Y a de la grogne dans les chaumières
C'est qu'il y croyait le bon peuple, avant de déchanter
À ce type de gouvernement, nouveau, amélioré
Las! Libéraux, conservateurs, c'est la même boîte de pois

«Des emplois, crie notre peuple, de vrais emplois!»
Foin de ces programmes d'infrastructure, parlez nous franc
Que les criminels violents fassent leur temps!
L'armée est en déroute, elle a perdu la tête, et les yeux
et le nez. . .

Le général tape du pied: «Ce sont mes subordonnés.»
«Qu'il est admirable cet homme, sourit le ministre
Laissez-le en paix, rayez-le de votre triste liste.»

Et notre bon gouvernement, pour peu, ferait la fête
Mais qui donc, qui veille sur le pays, qui est à la tête
Des emplois, n'en faudrait-il pas
Nos chômeurs, un coup de main, ils n'attendent que ça
Quant aux criminels, qu'ils purgent leur peine, et en entier
Qu'ils le sachent bien, c'est le prix qu'il faut payer

Montrons aussi au monde que notre pays est uni
Arrêtons ces querelles auxquelles les séparatisses ont donné vie
Le Canada est un pays bien, il peut être un phare, une lumière
Mais le temps passe, et ça grogne dans les chaumières

* * *

[Français]

LE CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, d'ici à la prochaine élection, le chef bloquiste et ses stratèges entendent démontrer au Canada, et je cite un extrait de leur rapport: «que le projet de souveraineté et l'offre de partenariat sont les meilleures voies de solution pour l'avenir du Québec et du Canada.»

Comment le chef bloquiste peut-il être pris au sérieux, alors qu'il déclarait exactement le contraire, le 22 décembre dernier, et je cite à nouveau: «Mme Lalonde veut convaincre le Canada des avantages du partenariat économique avec un Québec souverain. Moi, je trouve qu'il est plus important d'être à Ottawa pour défendre les intérêts du Québec et démontrer à sa population que le fédéralisme actuel ne sert pas leurs intérêts pour les convaincre qu'il faudra voter oui au prochain référendum.»

Qui dit vrai maintenant? Le député de Roberval qui voulait devenir le chef du Bloc québécois, ou le député de Roberval qui essaie de se faire réélire?

* * *

LE CONGRÈS RÉGIONAL DU PARTI QUÉBÉCOIS

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, tous se souviennent qu'au début de la dernière campagne référendaire, les séparatistes avaient promis aux fonctionnaires fédéraux qu'ils seraient tous intégrés à la nouvelle fonction publique québécoise.

4452

[Traduction]

Quelques semaines après le début de la campagne, les porte-parole des séparatistes ont commencé à dire qu'ils ne seraient peut-être pas en mesure de garantir un poste à tous les fonctionnaires. Puis on a fini par dire aux fonctionnaires fédéraux qu'il serait irréaliste de garantir du travail à qui que ce soit dans un Québec indépendant.

[Français]

Lors du congrès régional du PQ à Québec, la semaine dernière, les délégués ont demandé que la clause de l'intégration automatique des fonctionnaires fédéraux soit retirée du programme parce que, selon eux, cela constituait la gaffe majeure de la stratégie péquiste dans la région de Québec.

[Traduction]

Ce n'est rien de nouveau. Ils ne tiennent jamais leurs promesses. L'hypocrisie et les volte-face des séparatistes n'en finissent plus de nous étonner et ne contribuent certainement pas à rehausser l'image de tous les Québécois.

______________________________________________


4452

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, dans un geste absolument sans précédent, les députés libéraux ont blâmé le vérificateur général d'avoir dénoncé le scandale des fiducies familiales.

Depuis trois ans, le Bloc québécois dénonce ces échappatoires fiscales, et maintenant, parce que le vérificateur général nous donne raison, parce qu'il confirme que des milliards quittent le Canada sans impôt, voilà que les libéraux mettent en doute sa compétence et la façon dont il s'acquitte de son mandat, lui qui est nommé par la Chambre des communes.

Le premier ministre peut-il nous dire s'il se dissocie de l'opinion de ses députés et s'il rejette ce rapport?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, je désire remercier le Comité permanent des finances pour son rapport. Je veux remercier les députés du gouvernement pour leur rapport majoritaire et j'aimerais également remercier les députés de l'opposition, du Bloc québécois et du Parti réformiste, pour leur rapport minoritaire que j'ai l'intention d'étudier attentivement.

En ce qui concerne les commentaires faits à l'égard du vérificateur général, les députés le savent fort bien, nous, de notre côté, l'avons appuyé fortement dans ses déclarations. Mais il faut dire qu'il y a une différence d'opinion au comité à l'égard de certaines mesures prises ou certaines recommandations du vérificateur général.

(1420)

Je pense que ça fait partie de la démocratie, qu'il peut y avoir des différences d'opinion. Je ne comprends pas, lorsque je regarde le ton du rapport minoritaire du Bloc québécois en ce qui concerne les commentaires à l'égard du vérificateur général, parce que ce n'est pas simplement un désaccord avec le gouvernement. Le Bloc semble prendre la position que le comité, le Parlement, n'a pas le droit de faire des commentaires à l'égard d'un fonctionnaire du Parlement qui est le vérificateur général.

C'est le rôle du Parlement et c'est le rôle des députés, des parlementaires, de faire des commentaires que ce soit à l'égard du premier ministre, du ministre des Finances, des autres ministres ou du vérificateur général. Cela fait partie de la démocratie et c'est ce qu'ils ont fait.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, manifestement, à la faveur de l'été, le ministre des Finances a laissé ses cours de patinage artistique. Il était meilleur quand c'était le temps de changer d'opinion sur la TPS.

Est-ce que le premier ministre réalise que par son silence, il cautionne le rapport de ses députés et attaque de plein fouet l'institution même du vérificateur général, qui est un protecteur pour les citoyens, celui qui doit dénoncer les fautes dans l'administration publique? Est-ce que le premier ministre réalise qu'il cautionne ses députés par son silence?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition est vraiment en train de prouver ce que je voulais soulever lorsque je lui ai répondu, c'est-à-dire que le comité permanent n'a pas le droit de faire des commentaires à l'égard d'un fonctionnaire du Parlement. C'est tout à fait ridicule. Je demanderais au chef de l'opposition de traiter de la substance du rapport majoritaire, un rapport que j'applaudis. Il y a énormément de viande là-dedans, c'est un rapport avec beaucoup de mérite et que nous, de notre côté, avons l'intention d'étudier attentivement.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, si le ministre veut parler de substance, on va en parler. On va parler de la philosophie même de ce gouvernement. On doit comprendre. Quand la Commission sur la Somalie tente de faire la lumière sur les faiblesses administratives et de leadership dans l'armée, le premier ministre discrédite la Commission. Quand le vérificateur général tente de faire la lumière sur la question des fiducies familiales, les députés ministériels discréditent le vérificateur général.

Comment le premier ministre peut-il nous expliquer la nouvelle philosophie de son gouvernement, qui de toute évidence consiste à discréditer ceux qui ne sont pas d'accord avec lui?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, malheureusement, c'est évident que le chef de l'opposition n'a pas eu le temps de lire le rapport majoritaire. D'une part, ils ont d'abord fait leurs critiques très respectueusement, et deuxièmement, ils ont accepté très favorablement la majorité des recommandations du vérificateur général. Point par point, ils l'ont remercié. C'est cité dans le rapport, ils ont remercié le vérificateur général. D'ailleurs nous, du gouvernement, remercions le vérificateur géné-


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ral pour ses points et c'est à cause de cela-le rapport majoritaire le dit-c'est à cause du fait que le vérificateur général a soulevé ces points que le gouvernement sera dans une position pour agir.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, ça fait trois ans qu'on demande au gouvernement de faire toute la lumière sur le scandale des fiducies familiales. Il aura fallu que le vérificateur général dénonce dernièrement un scandale de deux milliards de dollars en fiducies transférées aux États-Unis, sans payer d'impôt, pour que le premier ministre décide enfin de confier le mandat au Comité des finances d'analyser, de faire la lumière autour de cette question. Hier, la majorité libérale a déposé son rapport et tout ce que les députés libéraux ont trouvé à faire, c'est de planter le vérificateur général.

Ma question s'adresse au premier ministre. Qui le premier ministre cherche-t-il à protéger?

(1425)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, d'abord, le sujet à débattre est arrivé en 1991. C'est un sujet qui a surgi pendant le mandat du dernier gouvernement, le gouvernement conservateur, d'une part. Deuxièmement, immédiatement après qu'on a pris le pouvoir, on s'est attaqué directement aux fiducies familiales et, au cours de nos deuxième et troisième budgets, on a éliminé tous les abus fiscaux dans les fiducies familiales. Troisièmement, le député doit savoir que le sujet à débattre n'a rien à voir avec une fiducie familiale; c'était une fiducie familiale, mais la vraie question est à savoir comment allons-nous taxer les immigrants lorsqu'ils quittent le pays. C'est ça le sujet.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, si c'est juste une question de conservateurs, qu'ont-ils à craindre de faire toute la lumière sur ce scandale? Qu'ont-ils à craindre de faire toute la lumière? Pendant que le ministre des finances et le premier ministre tergiversent, il y a encore des milliards qui sortent et qui sont exemptés d'impôt, parce que le trou a été créé en 1991 et que le gouvernement refuse de colmater ce trou.

Le premier ministre est complice des fuites de capitaux, et je lui pose la question à nouveau: Qui veut-il protéger comme intérêts?

[Traduction]

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il est vraiment malheureux que l'opposition soit incapable de traiter une question aussi importante avec tout le sérieux qu'elle mérite.

Au lieu de crier ici à la Chambre ou d'essayer de faire diversion, pourquoi l'opposition n'examine-t-elle pas la question fondamentale, c'est-à-dire les conséquences du rapport majoritaire? Cela s'est passé en 1991, sous le gouvernement précédent. Dès notre arrivée au pouvoir, nous avons éliminé tous les abus fiscaux liés aux fiducies familiales. Nous avons ensuite demandé au Comité des finances d'étudier la question. Cette étude a mené à un certain nombre de recommandations, que nous avons l'intention d'examiner en tant que gouvernement.

J'aurais souhaité que les partis de l'opposition soient capables de comprendre la question parce qu'ils auraient peut-être alors été capables d'en parler de façon intelligente.

* * *

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, dans l'enquête sur l'affaire somalienne, le gouvernement ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Le premier ministre a déploré que la commission soit trop lente, trop coûteuse et trop intransigeante avec les témoins. Si l'enquête a été retardée à maintes reprises, c'est parce que le ministère ne produisait pas les documents nécessaires. Si le gouvernement cherche à blâmer quelqu'un dans toute cette affaire, il devrait commencer par faire un examen de conscience.

Pourquoi le premier ministre n'avoue-t-il pas simplement que, si le ministre de la Défense nationale et Jean Boyle étaient vraiment à la hauteur, la commission aurait eu tous les documents en main et l'enquête irait bon train en ce moment?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, la députée dit que le gouvernement ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Je dirais quant à moi que c'est son parti qui essaie de jouer sur les deux tableaux. Il a réclamé la mise sur pied de cette commission. Comme je l'ai rappelé aux députés, la commission est une instance impartiale permettant de recueillir tous les faits et de traiter tout le monde équitablement.

Jetons un coup d'oeil dans le hansard. Que s'est-il passé ces trois derniers jours à la Chambre? De l'autre côté, on a lancé des accusations, on a fait des procès d'intention, on a commenté des témoignages. On ne peut pas réclamer une enquête qui se déroule en toute impartialité et prendre la parole à la Chambre dès le lendemain pour rendre la chose impossible. C'est l'opposition qui joue sur les deux tableaux.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, le ministre lui-même est passé à la télévision et a proclamé l'innocence de Jean Boyle avant même la fin de son témoignage, il a complètement sapé l'autorité de la commission. C'est aussi simple que cela.

Si la commission a tellement de mal à faire son travail, c'est parce que le ministère manque de vrai leadership. Et le ministre se mêle de faire des déclarations avant même que tout ne soit terminé.

Le ministre et Jean Boyle ne savent plus où ils en sont. Les militaires canadiens n'ont plus grand respect pour le ministre et Jean Boyle. C'est pourquoi il y a un cafouillage total au ministère et c'est pourquoi l'enquête prend tellement de temps.


4454

Je pose ma question encore une fois. Si le premier ministre tient vraiment à faire le ménage chez les militaires, pourquoi ne commence-t-il pas à l'échelon le plus élevé, avec le ministre et Jean Boyle?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, la députée a proféré une absolue contrevérité. Je suis certain qu'elle l'a fait par inadvertance. Je la mets au défi de trouver un seul cas où j'aurais commenté les témoignages faits devant la commission.

(1430)

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, il n'a pas commenté les témoignages, mais il a laissé entendre que Jean Boyle était un type extraordinaire. Le ministre a déclaré à la télévision nationale: «C'est un homme très bien, nous l'appuyons et il fait de l'excellent travail.» Je ne vois pas comment je pourrais montrer plus clairement que le ministre essaie d'influencer la commission et ses conclusions et de s'ingérer dans le processus.

Si le premier ministre ne congédie pas ces gars-là, c'est uniquement parce qu'il craint les retombées politiques. Permettez-moi de lui dire au nom du Canada que les conséquences seront bien pires s'il les maintient en poste que s'il les congédie.

Je le demande au ministre, au premier ministre ou à quiconque tentera de répondre, pourquoi le premier ministre se refuse-t-il à admettre ses torts, à limiter ses pertes et à remercier ces hommes-là?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons une commission qui est en train de s'acquitter de son mandat. Nous voudrions avoir ses conclusions le plus rapidement possible pour régler le problème efficacement.

Entre temps, je demande à tout le monde de laisser la commission faire son travail, de laisser le général Boyle diriger les forces armées et de laisser le ministre de la Défense nationale faire ce qui s'impose dans son ministère pour y instaurer la stabilité et assurer le leader-ship politique nécessaire. Au cours des neufs années antérieures, sous le gouvernement précédent, sept titulaires se sont succédé à la tête du ministère. Il n'y avait aucun rapport entre les besoins politiques et l'administration. Le ministre de la Défense nationale, par le bon travail qu'il fait en ce moment, est en train de rétablir la stabilité nécessaire.

* * *

[Français]

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, c'est plutôt étrange, le dossier des fiducies familiales. On apprend que deux milliards de dollars sont sortis du Canada sans qu'un seul sou d'impôt ne soit payé, le tout avec la complicité des fonctionnaires de Revenu Canada. Le vérificateur général dévoile le scandale, l'opposition réclame une enquête, le gouvernement refuse et attaque le vérificateur général.

Ma question s'adresse au premier ministre. Pourquoi refuse-t-il de s'attaquer à ce scandale qui permet à des milliardaires de sortir leur fortune vers les États-Unis pour éviter de payer de l'impôt comme tout le monde?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, au point de vue de la substance de la question, le rapport majoritaire a fait une série de recommandations qui sont très importantes pour s'assurer que s'il y a eu des échappatoires, elles sont fermées.

Cela étant dit, le député utilise beaucoup le mot «scandale», ce qui signifie qu'il est en train de dire qu'il y a un manque de crédibilité de la part de certaines personnes. Nous n'étions pas au pouvoir, cela s'est passé sous le gouvernement conservateur, mais je dois dire que le vérificateur général que le député cite a lui-même confirmé l'intégrité, la crédibilité de tous les intervenants dans le dossier.

Alors la question que je pose au député: est-il en train de dire que le vérificateur général n'aurait pas raison?

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, comment le premier ministre peut-il expliquer qu'il refuse de revoir un système fiscal aussi injuste qui profite toujours aux mêmes, à moins que le premier ministre ne veuille protéger des gens qui sont près de lui et qui financent sa caisse électorale?

[Traduction]

Le Président: Chers collègues, on semble, par cette question, vouloir prêter des intentions et l'on ne devrait pas s'adresser ainsi entre nous. Je demande aux députés de faire attention à la façon dont ils s'expriment.

Le ministre des Finances se préparait à répondre à la question. S'il veut le faire, je l'y autorise. Sinon, nous passerons sur cette question.

[Français]

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la difficulté que nous avons dans ce débat, c'est que les députés de l'opposition sont vraiment dépassés par les événements.

(1435)

Immédiatement après qu'on ait pris le pouvoir, on s'est attaqué directement au problème des fiducies familiales. La première chose qu'on a faite, c'est qu'on a éliminé la clause qui protégeait à 21 ans.

Deuxièmement, on a éliminé les choix qui visaient les privilégiés. C'est-à-dire qu'à cause des mesures prises par ce gouvernement, il n'y a plus d'abus fiscaux dans les fiducies familiales. Malheureusement, ça fait deux ans que le député est dépassé par les événements.


4455

[Traduction]

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, il existe au ministère de la Défense nationale deux poids et deux mesures. Il y a une politique pour le général Boyle et une autre pour le reste des Forces armées canadiennes. La politique qui s'applique régulièrement pour les subordonnés ne s'applique pas dans le cas du général Boyle.

Le commandant du caporal MacKinnon, le major Hirter, a dit qu'il était responsable de la mort de ce dernier et a été inculpé. Boyle a dit qu'il était responsable, et pourtant rien n'est arrivé.

Il est flagrant qu'il existe deux poids et deux mesures. Le premier ministre en est-il fier?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, le député cherche à me faire du tort quand il sait très bien que les obligations auxquelles je suis tenu en vertu de la Loi sur la défense nationale m'interdisent tout commentaire.

Il a fait allusion à la possibilité que des poursuites soient intentées contre un membre des Forces armées et il veut que cette question soit débattue à la Chambre. Nous avons dans l'armée un système judiciaire auquel les militaires sont assujettis. Il est sanctionné par la Cour suprême, ainsi que le veut la Constitution. Peut-être a-t-il besoin d'être actualisé, auquel cas j'espère que le Parlement nous aidera à le faire.

J'estime qu'il est tout à fait injuste de la part du député de soulever le cas d'individus alors qu'il sait très bien que les obligations auxquelles je suis tenu en vertu de la Loi sur la défense nationale m'interdisent de répondre.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, encore une fois, le ministre de la Défense nationale essaie de tourner l'argument en sa faveur. Il sait parfaitement que l'on appliquera les règles habituelles dans le cas du major Hirter. Le problème c'est qu'il semble impossible d'abaisser une personne nommée par favoritisme politique de façon à l'assujettir à l'application régulière de la loi tel que prévu par le système judiciaire. Il y a nettement deux poids, deux mesures.

Les membres des Forces armées canadiennes ont reçu l'ordre de ne pas préparer leur témoignage dans l'enquête sur les incidents survenus en Somalie pendant leurs heures de travail et de ne pas utiliser de ressources du ministère pour ce faire. Or, malgré cet ordre, les documents obtenus grâce à la Loi sur l'accès à l'information indiquent que le général Boyle a pris plus de 50 heures sur ses heures de bureau pour préparer son témoignage.

Il y a là de toute évidence deux poids et deux mesures et violation des ordres reçus. Le ministre en est-il fier?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député sait que je ne puis faire de commentaires sur les questions examinées par la commission d'enquête. Même si je le pouvais, il me serait très difficile de me retrouver dans sa question alambiquée truffée de fausses conclusions.

* * *

[Français]

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, à écouter le ministre des Finances, on a l'impression qu'il y a uniquement les libéraux qui ont raison dans cette affaire. Les éditorialistes ont tous tort. Ils sont les seuls à avoir le pas, comme dans le dossier de l'armée d'ailleurs.

Le silence du premier ministre est éloquent aujourd'hui. Les propos du ministre des Finances sont assez éloquents également. Il cherche à abrier la gaffe de ses collègues.

Je lui demande aujourd'hui: Que réplique-t-il, qu'a-t-il à dire sur les affirmations du vérificateur, M. Desautels, qui dit qu'il recommencerait le même travail, et sur celui de l'ex-vérificateur, M. Dye, qui dit que les libéraux, que le gouvernement ne comprend strictement rien au rôle du vérificateur général?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, ce que le rapport majoritaire a dit c'est qu'il fallait protéger le processus des décisions anticipées. Le vérificateur général a dit qu'il fallait protéger le processus des décisions anticipées. Est-ce que le Bloc québécois est pour ou contre?

Le rapport majoritaire dit qu'il n'est aucunement question d'attaquer la crédibilité ou l'intégrité des fonctionnaires qui ont été impliqués. Le vérificateur dit qu'il n'avait aucunement l'intention d'attaquer la crédibilité et l'intégrité des fonctionnaires.

(1440)

Le Bloc québécois crie au scandale, mais le vérificateur général n'est pas d'accord avec lui. Il n'y a pas de scandale, il l'a dit lui-même et le rapport majoritaire le dit.

Alors c'est très clair qu'il faut maintenant s'attaquer aux substances des commentaires du vérificateur général. Et là-dessus le rapport majoritaire est d'accord.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, j'ai déjà vu le ministre des Finances plus à l'aise qu'aujourd'hui. Quand il parle de substance, s'il y en a un qui s'est fait attaquer la substance, c'est le vérificateur général, hier. Ils ont beaucoup de difficulté, de l'autre côté de la Chambre, avec la substance.

Je demande au ministre des Finances pourquoi il se réfugie derrière quelque chose qui se serait passé en 1991, un 23 décembre, vers 11 heures, la veille de Noël, pendant que le monde est en party. Il y a des fonctionnaires vaillants qui viennent ici travailler, trouver un petit trou pour faire passer deux milliards, et ça continue, et on ne le bouche pas de l'autre côté. Ça se passe tous les jours encore.

Le vérificateur général disait de mettre fin à cela. Pourquoi ne pas agir? Pourquoi ne pas suivre ce que dit le vérificateur général? Qui protégez-vous?


4456

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, qu'il les nomme, les fonctionnaires! Le député est en train d'attaquer la crédibilité de la fonction publique. Alors s'il veut le faire, qu'il nomme des noms. Qui attaque-t-il? S'il a le courage de parler de substance, qu'il lise le rapport majoritaire, s'il veut commencer à discuter de la substance. On a des problèmes fondamentaux à régler ici. Comment se fait-il que le Bloc québécois a peur d'attaquer ces problèmes pour créer un scandale parce qu'on n'a pas de substance?

* * *

[Traduction]

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, le vérificateur général du Canada est un fonctionnaire indépendant du Parlement dont le mandat est d'enquêter sur la mauvaise gestion, le gaspillage et l'abus de la part du gouvernement.

Non seulement le premier ministre est-il critique à l'égard de l'enquête indépendante sur la Somalie, mais le Comité des finances, dominé par les libéraux, a jugé bon d'intervenir dans les affaires quotidiennes du vérificateur général.

Ma question s'adresse au premier ministre. Quel est le but de cette attaque contre le vérificateur général, un fonctionnaire indépendant de la Chambre, dont le travail est d'enquêter sur le gouvernement et de faire rapport à la Chambre des communes?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons des comités à la Chambre des communes qui étudient les rapports de beaucoup de fonctionnaires, qui relèvent de différents secteurs importants de l'administration publique.

Lorsque les comités se réunissent, la tâche des députés est d'étudier les rapports et d'exprimer leur opinion à leur sujet. Il y a différents partis représentés à la Chambre et il arrive que ceux-ci ne s'entendent pas.

Nous n'allons pas demander aux comités de se réunir, de ne rien faire et de ne pas faire rapport. Ils sont là pour procéder à des examens. Maintenant, le rapport va être étudié par le ministre des Finances. Il y a dans ce rapport des suggestions faites par des députés du parti au pouvoir, mais également par des députés du Bloc et du Parti réformiste. Nous allons examiner toutes ces suggestions, conserver les bonnes et rejeter les mauvaises.

Les membres du comité doivent faire leur travail, étudier le rapport et avoir l'honnêteté de mentionner à la Chambre ce qu'ils estiment nécessaire de signaler.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, ce rapport est extrêmement critique à l'endroit d'un fonctionnaire de la Chambre. Ce n'est pas ce fonctionnaire, le vérificateur général, qui a renoncé à 500 millions de dollars de recettes fiscales. C'est le ministère du Revenu national. Ce n'est pas le vérificateur général qui a approuvé une exemption d'impôt de cette importance, sans aucune documentation. Il était de son devoir de mentionner ces faits à la Chambre.

De toute évidence, le gouvernement est en faveur des riches et préfère imposer les pauvres.

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Est-ce que le gouvernement va agir pour éliminer cette échappatoire dont on peut se prévaloir depuis plusieurs mois, et cela, dès aujourd'hui?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le député disait plus tôt que le comité s'était immiscé dans les affaires du vérificateur général. De toute évidence, c'est une accusation ridicule.

Dès qu'il a reçu le rapport du vérificateur général, le comité s'est réuni, a entendu le vérificateur général, a entendu un certain nombre de spécialistes qui se sont prononcés sur la question et a présenté un rapport qui appuyait en grande partie le vérificateur général sur le chapitre des mesures à prendre. En fait, nous avons maintenant reçu le rapport et nous allons y donner suite aussi rapidement que possible.

Il est absolument ridicule, de la part du député, de dire ce qu'il vient de dire. Ce qui est encore plus ridicule, de la part du député du Parti réformiste, c'est de dire que certains préfèrent les riches aux pauvres. C'est ce parti qui, depuis trois ans, nous demande de nous débarrasser des pauvres pour pouvoir protéger ses amis, nous demande de nous débarrasser des pensions de vieillesse, nous demande d'éliminer l'assurance-santé. C'est ce parti qui a essayé de détruire le tissu social de notre pays. Maintenant, le député a le culot de se lever pour nous dire cela. Monsieur le Président, je n'en crois pas mes oreilles.

* * *

(1445)

[Français]

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine.

Ce matin, Radio-Canada donnait suite à la commande de compressions budgétaires que lui a passée le gouvernement libéral. Lorsque Radio-Canada aura terminé l'opération, son budget aura été réduit du quart, soit de 414 millions et son personnel du tiers, soit de 4 000 postes.

Comment la ministre explique-t-elle que d'un côté elle coupe 414 millions à la SRC, tandis que de l'autre, elle crée un fonds de 200 millions pour faire du patronage en prétextant favoriser la production de contenu canadien?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, il est certain que les coupures subies aujourd'hui par Radio-Canada, à la suite de notre budget, ne sont pas faciles. Je dois rappeler à la députée que les coupures ont été subies par plusieurs niveaux de gouvernement.

Au cours des trois prochaines années, le gouvernement fédéral renverra 40 000 personnes. Je dois rappeler à la députée que l'an dernier, même Radio-Québec a dû réduire son personnel de moitié. Il est vrai que nous perdons des postes, mais Radio-Québec, mainte-


4457

nant Télé-Québec, quand il y a eu des compressions budgétaires l'an dernier, a dû renvoyer la moitié de son personnel.

Je suis satisfaite que le conseil de direction et le président de Radio-Canada aient fait de leur mieux pour au moins respecter le droit de Radio-Canada de se faire entendre dans tout le pays dans les deux langues officielles. Ils n'ont pas été obligés de faire des coupures aussi profondes que celles de Radio-Québec.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, la ministre aurait intérêt à s'informer. Télé-Québec a peut-être fait des coupures, mais il a réouvert toutes les stations régionales, il ne les a pas fermées, lui.

En transférant 127 millions de Radio-Canada vers le Fonds de production télévisuelle, doit-on comprendre que la ministre du Patrimoine, qui n'avait jusqu'à ce jour aucune influence sur le contenu éditorial de Radio-Canada, s'est enfin donné le pouvoir qu'elle a toujours voulu avoir, contrôler Radio-Canada?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit, les coupures ne sont pas faciles. Radio-Québec est passé de 629 employés à 329, ce qui veut dire une réduction de 50 p. 100. Chose certaine, avec le Fonds de la programmation, dont on réserve la moitié des fonds pour Radio-Canada, cela a été appuyé par tous les artistes du Québec, par la communauté culturelle du Québec.

Ce qui est intéressant, c'est que cela permettra à Radio-Canada, travaillant en partenariat avec le secteur privé, d'avoir accès à un capital qui sera maximisé pour la production canadienne, jusqu'à 650 millions de dollars. On crée 10 000 emplois.

C'est sûr qu'on vit des périodes difficiles, c'est pour ça qu'il faut travailler en partenariat avec les cinéastes, eux qui sont vraiment la souche de la culture canadienne et québécoise.

* * *

[Traduction]

LES PÊCHES

M. Gerry Byrne (Humber-Sainte-Barbe-Baie Verte, Lib.): Monsieur le Président, en fin de semaine, nous assisterons au retour d'une activité ancestrale pour les habitants de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que pour les habitants de la Basse-Côte-Nord, au Québec.

La pêche à la morue, commerciale ou de subsistance, était interdite depuis plusieurs années dans le but de permettre aux stocks de se reconstituer, après un déclin catastrophique. La conservation était notre grande priorité. Le ministre peut-il expliquer à ses collègues pourquoi il a permis la reprise de la pêche de subsistance?

(1450)

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, cette année, j'ai autorisé la reprise de la pêche indicatrice, une forme d'étude conçue pour permettre aux pêcheurs et aux scientifiques de déterminer le taux de reconstitution des stocks de morue, qui étaient décimés. Les résultats nous permettent d'être optimistes. Les données de cette année varient entre deux fois et vingt-cinq fois meilleurs que l'an dernier.

Ce n'est pas suffisant pour la pêche commerciale, mais après consultation de tous les intéressés de l'industrie, y compris les scientifiques de niveau supérieur, j'ai décidé qu'il était prudent d'autoriser une pêche de subsistance très limitée et très étroitement contrôlée pour deux fins de semaine. Essentiellement, les habitants de Terre-Neuve, du Labrador et de la Basse-Côte-Nord, au Québec, peuvent renouer, quoique de façon très limitée, avec leur consommation traditionnelle de la morue, tradition qui remonte à plusieurs siècles. J'ai été très heureux de prendre cette mesure.

* * *

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, la question est la suivante: La vice-première ministre a-t-elle aboli la TPS comme elle avait promis de le faire? Non. A-t-elle assuré un financement stable à Radio-Canada? De toute évidence, non. Le premier ministre a-t-il tenu sa promesse d'abolir la TPS sur les imprimés? Il est bien évident que non. En fait, il a doublé la taxe dans ce cas-là.

Étant donné ce bilan qui ferait rougir Pinocchio lui-même, pourquoi les Canadiens prêteraient-ils foi à tout ce que le gouvernement peut dire?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, puisqu'on cherche à savoir qui dit la vérité, je dois avouer que j'ai du mal à prendre au sérieux la question du député alors que lui-même et son parti préconisent l'abolition de Radio-Canada.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, je conseille fortement à la vice-première ministre de ne pas s'approcher des guichets automatiques.

Permettez-moi de citer les documents du congrès politique du Parti libéral où il est écrit: «Le gouvernement libéral réaffirmera les principes historiques assurant l'absence de toute taxe sur les documents écrits et il abolira la TPS sur tout livre et matériel de lecture.» Les libéraux l'ont écrit pour nous et nous leur en sommes très reconnaissants.

Étant donné que le ministre des Finances aime parler de l'engagement de son gouvernement à l'égard de l'éducation et de l'alphabétisation, je me demande s'il pourrait expliquer pourquoi il n'a pas tenu sa promesse, par exemple à l'égard des étudiants en médecine de la Memorial University qui devront payer 400 $ de plus pour leurs livres à cause de cette promesse que les libéraux n'ont pas respectée. En fait, le gouvernement n'a pas seulement violé sa promesse, il a doublé la TPS sur les livres.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit hier, la TPS sur les livres n'a pas changé, elle n'a pas doublé.


4458

J'ai aussi indiqué très clairement à la Chambre, à maintes reprises, que nous étions tout à fait disposés à revoir le processus de taxation des livres. Cependant, nous avons soulevé certaines questions auxquelles le député n'a pas encore répondu. En fait, est-ce la meilleure façon d'utiliser 140 millions de dollars ou existe-t-il d'autres façons d'appuyer l'alphabétisation?

Nous poursuivrons dans cette voie. Notre objectif fondamental est certainement d'améliorer le degré d'instruction des travailleurs et de tous les Canadiens. Je voudrais demander au député pourquoi, selon lui, nous avons augmenté les crédits aux étudiants dans notre dernier budget. Ce budget facilitait le retour à l'école pour ceux qui le désiraient, il rendait l'éducation plus abordable, mais le Parti réformiste a voté contre ce budget.

* * *

[Français]

LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Hier le premier ministre a affirmé que l'armée est en suspens. Évidemment, son général en chef est occupé à se défendre, à préparer son témoignage et à tenter de se dépêtrer du bourbier dans lequel il s'est enfoncé.

Doit-on comprendre des propos du premier ministre qu'il admet ainsi que l'armée est paralysée parce qu'il a refusé de suspendre son général en chef au moment où la crédibilité de celui-ci est mise en cause? Autrement dit, le premier ministre admet-il que s'il avait suspendu le général, l'armée, elle, ne serait pas en suspens?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le général Boyle a terminé son témoignage et maintenant la Commission poursuit ses travaux. Nous espérons que la Commission pourra les compléter dans les plus brefs délais, de telle façon que nous puissions apporter les correctifs nécessaires à la présente situation.

(1455)

Tout le monde a intérêt à laisser la Commission prendre ses responsabilités, faire son travail dans les plus brefs délais, de façon à ce que les réformes nécessaires puissent être terminées aussitôt que possible.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, dans le contexte actuel, est-ce que le premier ministre peut nous dire combien de temps le général Boyle peut consacrer à la direction de l'armée, à l'exécution de ses tâches, au leadership qu'il doit assumer, alors que depuis plus de 12 mois il est occupé à gérer le cafouillage qu'il a lui-même contribué à créer?

[Traduction]

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, les choses sont en train de changer très rapidement dans les forces armées. Je suis heureux de voir que le chef d'état-major de la Défense et ses collègues jouent un rôle de premier plan dans les très importants changements qui touchent les forces armées.

Dans un discours prononcé hier à Ottawa, le général a parlé de certaines des réalisations concrètes consistant à donner davantage de pouvoir aux officiers, à accroître l'autorité des commandants de base dans tout le pays, à rajuster les conditions d'emploi du personnel militaire pour qu'elles soient fonction du rendement.

De nombreuses réformes ont été entreprises. C'est dommage que les gens soient devenus tellement obsédés par certains événements qu'ils négligent de voir les changements fondamentaux, les bons changements qui font que les Forces canadiennes devancent toutes les autres armées du monde pour ce qui est des réformes.

* * *

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais demander au premier ministre de quelle façon son gouvernement distribue les fonds destinés au programme de développement régional.

La semaine dernière, la députée libérale de St. John's-Ouest a adressé un ultimatum à la ville de Placentia. Il se résumait essentiellement à ceci: Ou bien vous vendez deux camions à incendie excédentaires à un prix symbolique, ou bien dites adieu à une subvention fédérale de 350 000 $ pour la construction d'une patinoire couverte.

J'aimerais que le premier ministre explique à la Chambre comment il se fait que les députés libéraux peuvent se servir de l'argent puisé dans les poches des contribuables canadiens pour forcer des gouvernements provinciaux ou municipaux à épouser la position du Parti libéral et à souscrire aux projets d'un de ses députés.

Le Président: Vu la façon dont la question est formulée, j'essaie de voir en quoi il peut cadrer avec la responsabilité administrative de tel ou tel ministre. Je vois le secrétaire parlementaire se lever. S'il veut répondre à la question, je l'y autorise.

M. Morris Bodnar (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, la déclaration qui a été attribuée à la députée ne traduit pas la politique du gouvernement. Je crois savoir qu'elle s'est excusée. Voilà qui clôt le dossier.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, qu'est-ce à dire? Ce n'est pas la politique du gouvernement.

Des voix: Oh, oh!

M. White (Fraser Valley-Ouest): Comment se fait-il que le premier ministre de ce gouvernement doive constamment défendre le comportement inacceptable tantôt de ses ministres, tantôt de ses députés d'arrière-ban? Pourquoi en est-il ainsi? Tout ce qu'on trouve à dire, c'est ceci: «Ce n'est pas notre faute. Ce n'est pas la politique du gouvernement.»

J'aimerais savoir si le premier ministre a assez de courage pour consulter le conseiller en éthique. . .


4459

Le Président: Le député de Winnipeg Transcona a la parole.

* * *

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, lorsque les libéraux qui siègent au comité des finances ont appris du vérificateur général que quelque chose n'allait pas dans la façon dont Revenu Canada chouchoutait la fiducie familiale des Bronfman, ils ont choisi de s'en prendre au messager.

Néanmoins, ils ont fait certaines recommandations. Je voudrais demander au ministre des Finances, qui prétend que les libéraux ont déjà réglé ce problème, pourquoi le comité des finances recommande de régler le problème si, comme le ministre le dit, le gouvernement l'a déjà réglé.

(1500)

Je voudrais également demander au ministre des Finances quand il s'apercevra enfin que les Canadiens qui paient leur juste part des impôts en ont marre des gens qui s'en tirent à bon compte dans ce domaine. Ils veulent qu'on prenne les mesures qui s'imposent. Ils veulent que le gouvernement revienne sur cette décision fiscale parce que c'est légalement possible de le faire. Qu'on reprenne cet argent pour que nous puissions. . .

Le Président: Le ministre des Finances.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, immédiatement après avoir accédé au pouvoir, le gouvernement s'est penché sur la question des fiducies familiales. Il a supprimé tous les avantages fiscaux abusifs que rapportaient ces fiducies. Nous l'avons fait dès notre arrivée au pouvoir.

Le cas qui nous occupe n'a rien à voir avec cette question. Ce qui s'est passé en 1991 nous a amenés à nous demander comment nous devrions traiter les biens appartenant à un résident du Canada qui quitte le pays, comment nous devrions traiter les biens appartenant à un immigrant. Il ne s'agissait pas de fiducies familiales. Il s'agissait en fait d'une question concernant les Canadiens très riches, mais la situation aurait très bien pu se présenter dans le cas de la veuve d'un immigrant qui retourne dans son pays natal et de la façon dont ses biens devraient être traités. C'est la question fondamentale dont il s'agit ici.

Le vérificateur général a fait une série de recommandations et le rapport majoritaire a fait une série de recommandations très importantes que le gouvernement compte étudier très attentivement.

* * *

LES PÊCHES

M. Derek Wells (South Shore, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.

La semaine dernière, l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest a tenu son assemblée annuelle à Saint-Pétersbourg, en Russie. Le ministre pourrait-il faire part à la Chambre des résultats de cette réunion et de ses répercussions sur l'industrie de la pêche au Canada et les ressources halieutiques qui sont si essentielles pour ma circonscription, mes électeurs et tout l'est du pays.

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je dois faire rapport de la réunion qui a eu lieu à Saint-Pétersbourg, il y a deux semaines. C'était une réunion extrêmement importante pour nous, du fait des raisons que tous les députés connaissent bien et qui ont trait à l'importance du secteur de la pêche au Canada.

Grâce à des négociations serrées et beaucoup de travail, la réunion a réalisé trois choses. Tout d'abord, le Canada contrôlera les prises totales lorsque les stocks de poisson se renouvelleront dans la zone 2J 3KL de l'OPANO qui est adjacente à la côte canadienne. Ensuite, les quantités de prises admissibles totales qui seront allouées à des pays membres de l'OPANO autres que le Canada seront limitées à 5 p. 100. Enfin, grâce à un mécanisme de règlement des différends, on pourra examiner les problèmes auxquels nous avons été confrontés dans le passé.

Ces mesures et le maintien du projet de loi C-29 garantiront l'arrêt de la pêche incontrôlée dont on a été témoin dans le passé.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, mon rappel au Règlement porte sur la question que j'ai posée durant la période des questions.

Si je ne m'abuse, il incombe au gouvernement et au ministre compétent de distribuer équitablement les subventions au développement régional. Ma question portait sur les compétences du ministre et je l'ai posée au premier ministre.

J'ai demandé si oui ou non un député libéral pouvait empiéter sur le rôle du ministre. Le Président a jugé cette question irrecevable et je vous demande de réexaminer. . .

Le Président: Dans le cadre de la période des questions, je donne autant de latitude que je le peux. Cependant, lorsque j'ignore où un député veut en venir dans sa question, lorsque je lui donne toute la latitude voulue pour poser sa question, mais qu'il n'en fait rien, je crois qu'il m'incombe alors d'intervenir. J'ai pris une décision et je la maintiens.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais simplement préciser qu'il s'agissait de saisir le conseiller en éthique d'une question qui relève de la compétence du premier ministre. Ne convient-il pas de demander si quelque chose peut. . .

(1505)

Le Président: J'invite l'honorable whip à venir me voir dans mes appartements. Je serai heureux d'en discuter avec lui.


4460

[Français]

LA DÉPUTÉE DE SAINT-DENIS

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, vous m'avez fait remarquer hier, alors que j'intervenais, que nous ne devrions pas utiliser le mot «hypocrisie.» Or, aujourd'hui, lors de la période de déclarations de députés, la députée de Saint-Denis a utilisé ce mot. J'imagine que vous ne l'avez pas entendu. Je vous demande de vérifier les bleus, comme on dit, et de nous revenir.

Le Président: Mon cher collègue, je n'a pas entendu le mot, mais je vérifierai.

Je demanderais à tous les députés de la Chambre, s'il vous plaît, de ne pas utiliser des mots comme «hypocrite» ou «hypocrisie» parce que cela nous fâche et des fois on donne des réponses qui ne sont pas recevables ici par la Présidence.

* * *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, je demande à un de mes collègues de l'autre côté de la Chambre quel sera le menu législatif pour la semaine qui vient.

[Traduction]

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, la Chambre procédera aujourd'hui à l'étape de l'étude en troisième lecture du projet de loi C-45 concernant l'article 745 du Code criminel. Si nous terminons ce débat, nous reprendrons l'étude du projet de loi C-53 ayant trait au régime correctionnel.

Demain nous débattrons le projet de loi C-54 modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères. Si l'étude de ce projet de loi est terminée, nous reviendrons au point où nous aurons arrêté aujourd'hui.

Lundi et les jours suivants, nous poursuivrons la liste au point où nous nous serons rendus vendredi, puis nous étudierons le projet de loi C-41 sur les pensions alimentaires, le projet de loi C-26 concernant les océans, le projet de loi C-44 visant le transport maritime, le projet de loi C-47 sur les techniques de reproduction et le projet de loi C-29 concernant les additifs dans l'essence.

Nous désignerons probablement jeudi prochain comme journée d'opposition.

Le Président: Nous passons maintenant à la présentation des hommages.

* * *

LE DÉCÈS DE M. ARNOLD PETERS

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, c'est avec une grande tristesse que je prends aujourd'hui la parole pour rendre hommage à Arnold Peters, qui a été député CCF et néo-démocrate de la circonscription de Temiskaming, en Ontario, de 1957 à 1980. Arnold est décédé le 17 septembre à l'âge de 74 ans.

Je n'ai eu que trop brièvement l'honneur d'être un de ses collègues du 22 mai 1979 jusqu'à sa défaite lors des élections générales du 18 février 1980. Durant cette période, j'ai appris à l'apprécier beaucoup et à trouver en lui un joyeux combattant qui connaissait bien l'institution parlementaire, qui connaissait bien ses électeurs et qui connaissait bien la cause qu'il défendait.

Arnold était du côté des travailleurs et ne s'en cachait pas. C'était un homme rude mais gentil, profondément enraciné dans les communautés minières et forestières du nord de l'Ontario. Il aimait les gens de ces communautés et travaillaient d'arrache-pied à améliorer leur sort. Il avait exercé diverses fonctions comme organisateur syndical et a exprimé très clairement son allégeance quand il est entré au Parlement.

Arnold et son collègue CCF, Frank Howard, ont contribué à réformer la législation archaïque canadienne sur le divorce à la fin des années 1950. Sauf erreur, il fallait que le Parlement soit saisi des affaires de divorce inscrites dans certaines provinces, chose qui nous semble maintenant ridicule. En commentant chaque demande de divorce dont le Parlement était saisi ou en les consignant au compte rendu, Arnold et Frank ont fait ressortir tout le ridicule de ce processus, et les choses eurent tôt fait de changer.

Arnold connaissait le Règlement et savait comment l'exploiter. Il n'était pas du genre à se laisser bousculer sur les plans politique ou personnel. Il ne mâchait pas ses mots et les anecdotes ne manquent pas pour montrer à quel point Arnold avait son franc parler avec les bureaucrates qui frustraient les besoins légitimes et les droits de ses électeurs. En tant que député novice, je savais que nous étions entre bonnes mains quand Arnold s'occupait des dossiers.

Arnold Peters s'est également acquis la réputation de champion de la réforme du système pénitentiaire de l'époque. Il était également, pourrais-je ajouter, un défenseur des employés de la Chambre des communes qui ne bénéficiaient pas de conventions collectives.

J'ai conversé ce matin avec un collègue de longue date d'Arnold, Mark Rose, qui m'a dit qu'à une époque, Arnold aurait facilement pu se mériter le titre d'ombudsman des agents de sécurité de la Chambre des communes et d'autres membres du personnel qui avaient souvent besoin de quelqu'un qui se porte à leur défense.

(1510)

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Arnold Peters a servi dans l'Aviation royale canadienne, et nous honorons ses états de service envers son pays en temps de guerre comme nous l'avons fait de ses états de service en temps de paix.

J'ai vu Arnold pour la dernière fois lors du dévoilement des plaques exposées dans l'Édifice du Centre où sont inscrits les noms de ceux qui ont été députés lors des législatures antérieures. Le nom d'Arnold Peters y est inscrit neuf fois. Mais plus important, le nom et le souvenir d'Arnold Peters sont inscrits dans le coeur et la mémoire de tous ceux qui aiment la justice et qui luttent pour les petites gens. Voilà le genre de personne qu'était Arnold Peters, et c'est pour cela que nous l'aimions.

À son épouse Alma, à ses fils et à toute sa famille, j'exprime les sincères condoléances du caucus du Nouveau Parti démocratique. Il continuera de nous inspirer, et nous honorerons sa mémoire en

4461

poursuivant l'oeuvre à laquelle il a consacré tant d'énergie et d'années à la Chambre des communes.

L'hon. Diane Marleau (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage à Arnold Peters, qui a occupé avec distinction le poste de député de la circonscription de Témiscamingue, dans le nord de l'Ontario, pendant de nombreuses années.

Je me souviens très bien d'Arnold Peters, qui a siégé au Parlement pendant toutes les années où j'ai grandi à Kirkland Lake. Arnold Peters est décédé mardi dernier.

Avant d'être élu en 1957, il a été mineur, syndicaliste et militaire au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

[Français]

Lorsque Arnold Peters a été élu pour la première fois en 1957, j'étais encore bien jeune, mais ma famille étant de Kirkland Lake, je me souviens très bien lorsqu'il est devenu le député de notre comté de Témiscamingue.

[Traduction]

Il s'est très vite distingué au Parlement, lorsque lui et son collègue du CCF, Frank Howard, ont réussi à réformer la législation canadienne en matière de divorce. Par la suite, on l'a toujours surnommé ici l'un des divorcés.

Député de l'opposition, tout d'abord avec le CCF puis le NPD, il avait son franc-parler. Je suis sûre que certains de mes collègues de ce côté-ci de la Chambre se souviennent encore des questions fougueuses que posait ce représentant du nord de l'Ontario de son siège de l'opposition.

Il a été récompensé pour son dévouement envers ses électeurs de Témiscamingue et envers tous les Canadiens en étant élu huit autres fois à la Chambre des communes. Ses 22 années à la Chambre des communes en font le député de sa circonscription qui a siégé le plus longtemps.

Au nom de mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, je tiens à offrir mes sincères condoléances à la famille.

[Français]

Nos plus sincères condoléances à la famille du regretté Arnold Peters.

[Traduction]

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, à titre de député réformiste d'Ontario, je me joins aujourd'hui à mes collègues pour rendre hommage à M. Arnold Peters qui est décédé cette semaine.

M. Peters a fait partie de l'ARC durant la Seconde Guerre mondiale et, en 1957, il a été élu député fédéral de la circonscription ontarienne de Temiscaming; il a assumé ces fonctions pendant 23 ans et a remporté neuf élections consécutives.

M. Peters a servi son pays et ses électeurs avec distinction et honneur.

Au nom du Parti réformiste, je lui sais gré de ces années de service et je tiens à transmettre nos condoléances à sa famille et à ses amis.

Le Président: J'ai dit que j'accepterais encore quelques pétitions et des réponses à des questions inscrites Feuilleton avant de passer aux déclarations de députés.

______________________________________________


4461

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

PÉTITIONS

LA JUSTICE

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais présenter trois pétitions, conformément à l'article 36 du Règlement.

La première est signée par des électeurs de ma circonscription qui exhortent le Parlement du Canada à empêcher les personnes trouvées coupables de crimes de profiter financièrement de la rédaction d'un livre, d'établir des numéros 1-900 et de produire des vidéos.

(1515)

LES PROJETS DE COOPÉRATIVE D'HABITATION

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition est signée par des participants à deux projets de coopérative d'habitation de St. John's, Odyssey House et S.O.D. Housing Co-operatives, qui exhortent le Parlement à administrer un bureau d'aide financière aux coopératives d'habitation qui serait financé par le gouvernement fédéral, pour les organismes non gouvernementaux.

LES ANCIENS COMBATTANTS DE LA MARINE MARCHANDE

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Les signataires de la troisième pétition exhortent le Parlement à reconnaître aux anciens combattants de la marine marchande des avantages équivalant à ceux dont bénéficient les anciens combattants qui ont servi dans les Forces canadiennes lors de la Seconde Guerre mondiale.

* * *

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si la question no 10 pouvait être transformée en ordre de dépôt de document, ce document serait déposé immédiatement.

[Texte]

Question no 10-M. Ringma:

En ce qui concerne les stations de radiodiffusion des minorités linguistiques durant l'exercice 1995, quels ont été, d'après le gouvernement, a) le montant total des fonds fédéraux consacrés à ces services et b) le montant total des recettes générées par ces stations?
(Le document est déposé.)

4462

[Traduction]

M. Zed: Je demande que les autres questions restent au Feuilleton.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

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4462

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.) propose: Que le projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en conséquence, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole pour expliquer pourquoi j'appuie le projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence.

Ce projet de loi aurait pour effet de modifier l'article 745 du Code criminel, qui porte sur la révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle dans les cas de peines d'emprisonnement à vie pour meurtre ou haute trahison.

Je remarque, à titre d'information pour les députés, que l'article 745 est maintenant appelé article 745.6 par suite de l'entrée en vigueur du projet de loi C-41, la Loi sur la détermination de la peine, le 3 septembre 1996. Aux termes de l'article 745.6, dans son libellé actuel, un délinquant ne peut demander une révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle que s'il a purgé au moins 15 ans de sa peine.

Pendant une telle révision, la décision de réduire ou non la période d'inadmissibilité est prise par un jury de 12 citoyens ordinaires choisis au sein de la région où le crime a été commis. À l'heure actuelle, le décision peut être prise par une majorité de 8 sur 12 membres du jury, soit les deux tiers. C'est une modalité de la disposition qui serait touchée par le projet de loi C-45. Le jury prendrait sa décision après avoir entendu des témoignages présentés par le requérant et la défense.

Il convient de mentionner qu'aux termes de l'article 745.6, le jury n'a pas le pouvoir de faire libérer le délinquant. Tout ce qu'il peut faire, c'est permettre au requérant de demander une audience devant la Commission des libérations conditionnelles avant l'expiration de la période d'inadmissibilité de 25 ans. Après avoir déterminé si la libération du requérant représenterait un risque indu pour la société, la Commission des libérations conditionnelles prend la décision d'accorder ou non la libération conditionnelle.

Si elle décide de libérer un requérant dont la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle a été réduite, la commission impose toutefois des conditions à cette libération. Ces conditions ainsi que la peine d'emprisonnement à vie continuent de s'appliquer jusqu'à la fin de la vie du requérant ou de la peine et le requérant peut être renvoyé en prison s'il enfreint les conditions de sa libération.

Autrement dit, le délinquant risque en tout temps, jusqu'à la fin de ses jours, d'être réincarcéré s'il enfreint les conditions de sa libération.

Je tiens également à souligner, à titre d'information pour tous les députés, que notre système de révision de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle après 15 ans se compare à celui de nombre d'autres pays occidentaux où le délai préalable à la libération conditionnelle est fixé à 15 ans, voire, dans certains cas, à moins de 15 ans. Aux États-Unis, la durée moyenne de la peine purgée par les meurtriers qui ne sont pas exécutés est de 18 ans au niveau fédéral et de 15 ans au niveau des États.

(1520)

Comme les députés le savent, l'article 745.6 a été adopté en 1976 lorsque la peine de mort a été abolie au Canada. On avait jugé à l'époque que l'article 745.6 était nécessaire comme source d'espoir pour la réadaptation des personnes reconnues coupables de meurtre et comme source de protection pour les gardiens de prison. Nous pouvons tous imaginer des situations où des personnes reconnues coupables de meurtre ont un faible espoir d'être libérées si elles se comportent mieux. Si elles savaient d'avance qu'elles passeraient le reste de leur vie derrière les barreaux, qu'est-ce qui les empêcherait de mettre en danger la vie des gardiens de prison?

L'adoption de l'article 745.6 reconnaissait également que, dans certains cas, il n'est pas dans l'intérêt public de garder des criminels en prison plus de 15 ans. Nous savons tous que l'article 745.6 suscite bien des préoccupations. Beaucoup de gens ont demandé l'abrogation de cette disposition parce qu'ils s'inquiètent de la sécurité publique. D'autres ont parlé de la revictimisation de la famille de la victime lors d'une audience tenue 15 ans après le procès initial, à un moment où les terribles blessures causées par le crime ont peut-être commencé à se cicatriser. D'autres ont mis l'accent sur la période minimum d'incarcération qui devrait s'appliquer à l'infraction la plus grave prévue dans le Code criminel.

Je partage les préoccupations des Canadiens au sujet de la nécessité d'assurer la sécurité publique. Je suis ému par la douleur ressentie par les familles des victimes de ces crimes souvent brutaux et insensés. L'idée de voir les familles des victimes revictimisées à l'occasion d'une révision publique devant un jury dans des cas où le détenu n'a aucune chance raisonnable de succès est l'un des facteurs qui a amené le gouvernement à présenter ce projet de loi à la Chambre. Toutefois, je ne suis pas en faveur de l'abrogation de l'article 745.6. Je crois que les raisons qui en ont justifié l'ajout au Code criminel en 1976 tiennent encore aujourd'hui. Le projet de loi C-45 modifie l'article 745.6 afin que ce recours ne soit accessible que dans les cas où cela convient.


4463

Avant de passer aux trois principaux éléments du projet de loi qu'on cherche à modifier, je veux parler brièvement de certains principes qui sous-tendent notre droit pénal. Ces principes ont évolué pendant des centaines d'années grâce à la jurisprudence des tribunaux britanniques, du Commonwealth et aussi des tribunaux canadiens. Nous devons toujours penser à ces principes lorsque nous pesons certains des arguments avancés dans ce débat, particulièrement ceux en faveur de l'abolition de cette disposition.

Si nous nous arrêtons à ce que nous avons entendu au sujet de notre système de justice pénale, un certain nombre de ces principes sacrés nous viennent à l'esprit. Le plus évident est probablement celui selon lequel, lors d'un procès criminel, pour avoir un verdict de culpabilité, il faut que la culpabilité ait été prouvée hors de tout doute raisonnable. Je suppose que, dans certains cas, les auteurs d'un crime ont été acquittés à cause de cette norme très élevée. Nous pourrions avoir une autre norme prévoyant que la personne est peut-être coupable et qu'il faut donc la condamner, ou encore qu'elle est probablement coupable et que nous devrions peut-être alors la condamner. Le droit a évolué dans notre société civilisée de manière à éviter autant que possible d'emprisonner des personnes innocentes. D'où cette règle très rigoureuse qui exige de prouver la culpabilité de quelqu'un hors de tout doute raisonnable. Ceux qui remettent ce principe en question devraient d'abord se rappeler pourquoi il a été adopté à l'origine.

(1525)

Une autre règle apparue au fil des ans est celle qui interdit l'application rétroactive d'une loi pénale. Que dit cette règle? Elle dit qu'on ne peut pas apporter une modification importante à une loi pénale de manière à ce qu'elle affecte la vie d'une personne après le fait. Autrement dit, nous ne pouvons pas faire en sorte qu'une nouvelle loi s'applique à des actions passées.

Cette règle s'est probablement développée dans la jurisprudence il y a plusieurs siècles. C'était une façon pour le pouvoir judiciaire de protéger les citoyens contre les caprices de l'État, qui était moins soucieux du respect des droits des accusés. Supposons qu'une personne commette à un moment donné un acte qui n'est pas illégal et qu'un gouvernement modifie ultérieurement la loi et rende cet acte illégal. Il serait certainement absurde d'accuser la personne de cet acte après le fait puisqu'il n'était pas illégal lorsqu'elle l'a commis.

C'est la même chose dans le cas d'un individu qui a commis un acte criminel passible d'une peine maximale de tant d'années d'emprisonnement et voilà que le gouvernement décide de modifier la loi et rend l'infraction passible d'une peine d'emprisonnement beaucoup plus sévère. Que dire de la peine de mort? Il serait certainement injuste d'imposer une peine plus lourde que celle en vigueur au moment de la commission de l'infraction. Ce principe est incontestablement reconnu dans la Charte des droits. Ne blâmons pas la Charte aussi souvent que les réformistes ont tendance à le faire. Cette règle a évolué au fil des siècles car il fallait protéger les citoyens des actions capricieuses du gouvernement.

Il y a des années, les gouvernements n'avaient pas autant d'égards pour l'individu. N'oublions pas de nous reporter à l'histoire pour voir comment ces règles évoluent, pour voir quels abus elles avaient pour but de prévenir, avant de les rejeter.

Nous pensons que l'individu doit avoir une idée de ce qui est légal ou non et de ce qu'il en coûte de commettre un acte. C'est pourquoi le législateur a inscrit dans les lois du pays et dans le code les interdictions et ce qu'il en coûte à ceux qui les enfreignent. La société doit pouvoir savoir quelles sont ces interdictions pour ne pas les enfreindre. C'est logique.

Si on y réfléchit, que signifie cette règle de la non-rétroactivité de l'abrogation de l'article 745? Cela signifie qu'à l'avenir, même si cet article était abrogé, les gens qui se trouvent déjà dans le système, c'est-à-dire ceux déjà condamnés pour meurtre et purgeant une peine de prison pouvant aller jusqu'à 25 ans, pourront encore faire une demande en vertu de cet article s'ils ont été condamnés assez récemment.

Les réformistes disent aux gens de faire campagne pour l'abrogation de l'article 745 de sorte que la personne qui a commis un crime contre un de leurs êtres chers ne puisse pas faire une demande en vertu de cet article. C'est ce qu'ils font. C'est un fait. C'est ce que les réformistes disent aux victimes de la criminalité de faire. Le député de MacLeod l'a clairement dit dans une intervention qu'il a faite lundi. Il a préconisé à une personne de faire campagne en faveur de l'abrogation de l'article 745, de revivre les horreurs passées, de dépenser son argent et son temps à faire campagne pour faire en sorte que l'individu qui avait commis le crime en question ne puisse faire une demande en vertu de cet article.

(1350)

Les réformistes ne peuvent pas n'avoir pas compris ce principe qui est l'un des fondements de notre droit pénal ou, s'ils ne l'ont pas compris, leurs recherchistes sont sûrement conscients de ce principe très fondamental. Ils auraient pu dire aux victimes de ces horribles crimes les données réelles du problème plutôt que de les inciter à se soulever contre cette mesure législative, leur faisant croire qu'on pourrait empêcher la personne qui a commis cet horrible crime contre leur famille de présenter sa demande. Voilà la véritable exploitation de la douleur des victimes et de leur famille. C'est exploiter à des fins politiques des gens qui ont connu la pire douleur qui soit.

Le Parti réformiste veut toujours parler des conséquences pour les victimes. Je demande: qu'en est-il des conséquences pour les victimes de ce genre d'exploitation scandaleuse? Les réformistes feraient bien de dire aux gens qui leur demandent conseil ce que signifierait exactement l'abrogation de l'article 745 de la loi avant de les envoyer faire campagne à leur place.

C'est très troublant de voir ces gens qui ont été reconnus coupables d'horribles crimes et qui ne cherchent qu'à faire parler d'eux,


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parce qu'ils savent bien qu'ils ne sortiront jamais de prison, utiliser le Parti réformiste pour se faire de la publicité.

Je me souviens d'une fois, au Comité de la justice, où le député de Calgary-Nord-Est a lu d'un air enflammé une lettre d'un criminel notoire. Le député espérait au-delà de tout attirer l'attention en lisant cette lettre. Le Parti réformiste doit y penser à deux fois avant d'aider sciemment des personnes qui n'ont aucun espoir de sortir de prison et qui ne cherchent qu'à faire parler d'eux. Ils devraient se demander s'il vaut la peine de leur donner ce qu'elles cherchent. Ils devraient réfléchir sérieusement à ce genre de tactique et modifier leur comportement en conséquence.

Notre mesure législative traite de façon réaliste l'article 745 et les modifications nécessaires. Nous reconnaissons que même son abolition ne modifierait pas le système. Les modifications que nous proposons à la loi, à l'exception de l'une d'entre elles qui ne peut être rétroactive, étant une modification de fond, visent la procédure et peuvent donc être appliquées.

Je vais maintenant passer en revue les modifications que propose le gouvernement. Les trois éléments que modifie le projet de loi visent à assurer que seuls les individus qui ont des chances d'être acceptés fassent une demande.

(1535)

La première modification prive du droit de demander une révision judiciaire les personnes qui, à l'avenir, commettront plus d'un meurtre en même temps. Cela comprend les tueurs en série. La modification que nous proposons est conforme à une notion qui se trouve dans le Code criminel et selon laquelle la répétition d'un délit devrait être traitée plus sévèrement qu'un délit unique. Par conséquent, un individu qui commet plusieurs meurtres n'aura pas le droit de bénéficier de l'article 745.

La deuxième modification que nous proposons relève de la procédure. Elle crée un mécanisme d'examen initial des demandes selon lequel un juge d'une cour supérieure décide, au vu des documents accompagnant la demande, si celle-ci à des chances raisonnables d'être acceptée, et ce avant même de procéder à une audience complète. Cela devrait contribuer à assurer que seuls les cas méritants comparaissent devant un jury assemblé en vertu de l'article 745, que seuls les cas répondant aux critères fassent l'objet d'une audience en bonne et due forme. Dans les cas de demandes fantaisistes sans aucune chance d'aboutir, cela assurerait aux victimes qu'elles n'aient pas à revivre les horreurs de la situation.

La troisième modification prévoit qu'une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle ne peut être réduite que par décision unanime du jury. La conséquence de cette disposition est qu'une demande de réduction de la période d'inadmissibilité sera rejetée lorsqu'un jury décide qu'elle doit l'être ou simplement s'il n'y a pas unanimité à ce sujet au sein du jury. En outre, le jury peut décider, lorsqu'il rejette une demande, si le détenu aura l'autorisation de présenter une autre demande et si oui, dans combien de temps; quoi qu'il en soit, le délai minimum sera de deux ans.

En juin, avant les vacances, le comité permanent a reçu des témoins qui avaient une opinion très tranchée sur l'article 745.6. Certains ont demandé qu'il soit purement et simplement aboli. Je ne peux être d'accord avec eux car, outre tous les autres problèmes dont j'ai déjà parlé, l'abrogation de l'article 745.6 n'est tout simplement pas la bonne chose à faire selon moi.

D'autres témoins étaient résolument en faveur du maintien de cet article dans son état actuel. À la lumière des témoignages entendus lors des audiences du comité, qui reflètent les opinions diamétralement opposées exprimées durant les consultations préalables à la présentation de ce projet de loi, je crois que le projet de loi C-45 atteint le juste équilibre entre ceux qui veulent garder l'article tel quel et ceux qui veulent l'abroger.

Lorsque le ministre de la Justice a présenté le projet de loi C-45 le 11 juin dernier, j'ai espéré que la Chambre adopte les modifications très rapidement, avant l'ajournement d'été. Malheureusement, ce ne fut pas possible. Je demande aux députés d'appuyer le projet de loi et de l'adopter rapidement afin que les modifications proposées puissent entrer en vigueur le plus tôt possible.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, j'interviens pour une troisième fois sur le projet de loi C-45, en plus des interventions que j'ai faites au Comité permanent de la justice.

L'honorable député de Prince-Albert-Churchill River a tenu ce que l'on a entendu depuis le début, un double langage. D'un côté, il dit: «Nous n'abolissons pas l'article 745 du Code criminel. Il ne faut pas l'abolir, il faut laisser l'espoir», et d'un autre côté, les dispositions mêmes du projet de loi C-45 sont des dispositions qui rendront, à toutes fins utiles, la libération en vertu de l'article 745 impossible dans plusieurs parties du Canada.

On va commencer par le début. Quand l'article 745 est-il arrivé dans notre droit criminel? Il y a 20 ans cette année, en juillet 1976, suivant les compromis qui avaient été négociés à l'époque par le solliciteur général, député de Notre-Dame-de-Grâce à l'époque et encore aujourd'hui, des amendements avaient été déposés au projet de loi abolissant la peine de mort au Canada. On a qualifié ces amendements du nom de leurs proposeurs, les amendements Prud'homme-Fleming.

(1540)

Pourquoi? Que s'est-il passé? Il n'y avait pas de ligne de parti à suivre à l'époque, c'était un vote libre, à la Chambre des communes, et les partisans de l'abolition de la peine de mort manquaient tout simplement de votes; les chiffres n'y étaient pas. Et si le vote avait été pris sur le simple projet de loi que le gouvernement Trudeau avait déposé, le projet de loi a été battu par 4, 5 ou 6 votes. Les négociations du député de Notre-Dame-de-Grâce et les amendements Prud'homme-Fleming ont fait en sorte que les 6 votes ont été


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rattrapés, et je crois que c'est par cette majorité que la peine de mort a été abolie. Mais quand on négocie, on fait des compromis.

Il y avait un compris à faire à ce moment, avec les gens qui étaient plutôt partisans de la peine de mort, mais qui avaient quand même une marge de manoeuvre dans leur conscience ou dans l'élaboration de leur pensée. Les députés de l'époque qui ont participé aux négociations ont pu leur dire: «Écoutez, le choix fondamental n'est pas de choisir entre 25 ans, 10 ans 15 ans ou autre chose, c'est de décider si on abolit la peine de mort.» C'est ainsi qu'on a réussi à convaincre des gens qui étaient même contre une sentence ferme de 25 ans de se rallier quand même à ces 25 ans, sinon, la peine de mort aurait été maintenue. Le gouvernement avait été très clair à l'époque. Je me rappelle avoir entendu M. Trudeau en cette Chambre dire: «Si le projet de loi est refusé, ne comptez pas sur le Cabinet pour user systématiquement de la prérogative royale de commutation des peines. Il y en aura, des exécutions, au Canada, des échafauds seront dressés.» Le message était très clair. Les députés qui ont voulu en tenir compte en ont tenu compte.

Alors l'article 745 qu'on nous présente aujourd'hui, et le député de Prince Albert-Churchill River semble nous montrer l'article 745 comme une mesure de clémence, mais c'est loin d'une mesure de clémence. En 1976, c'était une aggravation de l'état du droit. Jusqu'en juillet 1976, une personne qui était condamnée à mort et dont la peine était commuée en prison à perpétuité ou une personne trouvée coupable de meurtre au premier degré et condamnée à la prison à perpétuité était éligible à une libération conditionnelle après dix ans. Elle n'avait pas à se présenter devant un jury; elle se présentait devant la Commission des libérations conditionnelles pour demander, suivant les circonstances, sa libération. Et de fait, la moyenne de temps passé par un détenu condamné à perpétuité pour meurtre était de 13,2 ans. On est bien loin des chiffres de l'article 745 qui nous disent que ça doit être un minimum de 25 ans.

Alors toutes ces négociations ont fait en sorte qu'on a aggravé l'état du droit; on ne l'a pas amélioré pour les détenus. L'article 745 est venu nous dire que la personne trouvée coupable de meurtre au premier ou au deuxième degré et qui a une sentence supérieure à 15 ans d'emprisonnement peut, après 15 ans, faire une demande au juge en chef de la Cour supérieure ou de la Cour suprême de sa province pour que celui-ci convoque un jury. Le juge en chef n'a pas de discrétion, il doit convoquer le jury, et le jury examine.

Suivant la preuve qui lui est présentée, suivant les discussions, les rapports de sociologues, de psychologues, de travailleurs sociaux, de gens du milieu carcéral et aussi de certaines informations qui peuvent être données par les familles des victimes, le jury examinera si, oui ou non, nous recommandons la remise en liberté du détenu, parce que le détenu, lui, est toujours condamné à une peine à perpétuité qui le suivra toujours. Ce n'est donc pas une loterie, cette procédure établie à l'article 745.

Le jury, suivant les dispositions actuelles de l'article 745, doit prendre une décision suivant les deux tiers de ses membres, 8 sur 12, ce qui, en l'espèce, m'apparaît tout à fait raisonnable, puisqu'il ne s'agit pas de déterminer la culpabilité, il ne s'agit pas, suivant les critères qui remontent à plusieurs siècles, de juger au-delà de tout doute raisonnable. Il suffit de faire une appréciation de la preuve, de juger effectivement, suivant une prépondérance de preuve, finalement.

(1545)

Est-ce que, dans les circonstances, ce détenu mérite d'avoir accès à une libération accélérée? A-t-on besoin de l'unanimité pour faire cela? Je ne le crois pas.

Je pense qu'en 1976, le législateur a utilisé une certaine sagesse en déterminant que les deux tiers du jury pouvaient agir. Le maintien de la règle des deux tiers du jury, je vous le soumets, fera en sorte qu'on aura la même norme d'application du droit partout au Canada. Peu importe la province où on habite, on aura accès aux mêmes règles de droit en pratique et pas seulement en théorie.

On a entendu le discours réformiste. Ce discours reflète une réalité canadienne qu'on ne peut ignorer. Ces députés représentent une portion non négligeable de la population canadienne qui demande le rappel de l'article 745 ou l'adoption du projet de loi C-45 pour que les peines soient plus sévères. Il y aura donc des parties du Canada, particulièrement dans l'Ouest, où les jurys seront nécessairement plus sévères.

Si les députés qui représentent les circonscriptions de l'Ouest ont réclamé avec tant de vigueur le rappel de l'article 745 du Code criminel, les juges des provinces de l'Ouest canadien, les jurys qui seront formés dans l'Ouest canadien refléteront la même réalité sociale, je présume.

Ces députés ne doivent pas être déconnectés de leur réalité. Alors, on aura une réalité pour l'Ouest, une pour l'Ontario, une pour le Québec, une autre pour les provinces Atlantiques. Je vous soumets que le droit criminel étant de compétence fédérale, il doit y avoir une norme qui s'applique de l'Atlantique au Pacifique à l'Arctique, sans distinction. La norme d'avoir une possibilité de jouer avec quatre jurés, une marge d'erreur, une marge d'appréciation, m'apparaît excellente.

Comme je disais tout à l'heure, après 15 ans, le détenu a un droit strict, sous l'empire du droit actuel, de demander au juge en chef, la convocation d'un jury. On a vu au cours des débats, et des collègues l'ont dit, que c'est une minorité de personnes qui font cette demande. Dans bien des cas, ils savent très bien que cette demande pourrait être refusée.

Le juge en chef convoque le jury, le jury fait une recommandation. Si le jury recommande que la personne puisse être remise en liberté, la personne pourra s'adresser à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Ce qui signifie que lorsque le délai de 15 ans est expiré, il peut y avoir plusieurs mois d'attente avant qu'une décision ne soit prise.

Une chose que l'on a vue, c'est des gens qui ont fait leur demande et qui ont été remis en liberté beaucoup plus tard. Si le jury ne se rend pas aux arguments qui lui sont présentés, le jury fixe un moment où la personne pourra à nouveau présenter une demande de


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libération conditionnelle ou de remise en liberté avant d'avoir purgé 25 ans fermes de sa peine.

L'honorable député de Crowfoot a posé à la plupart des témoins, lors des audiences, tant sur le projet de loi C-226 que sur le projet de loi C-45, une excellente question. Sa question était la suivante et il pourra me corriger si je la reformule mal. Il a demandé aux témoins quelle était la sentence appropriée pour une personne trouvée coupable de meurtre. C'est une question capitale, c'est le point cardinal de tout le débat.

À partir du moment où on a répondu que la sentence qui doit frapper une personne coupable de meurtre n'est pas la peine de mort, à partir du moment où l'on élimine la possibilité de la peine de mort, quelle est la sentence? Rien ne peut remplacer une vie, c'est une chose qu'on nous apprend dès le bas âge, c'est une valeur-j'allais dire presque universelle-qui gagnerait à être davantage universalisée. Dans le monde dans lequel on vit, c'est une des valeurs suprêmes que nous connaissons.

On ne pourra jamais remplacer la vie d'une personne disparue dans des circonstances comme celles-là. Et puis, le Parlement canadien a décidé que d'enlever la vie à quelqu'un, parce qu'il en avait tué un autre, n'était pas une bonne façon de montrer qu'il ne fallait pas tuer.

Or, on est un peu mal pris. On ne peut quand même pas remettre les gens en liberté, il faut donner une peine.

(1550)

Est-ce que c'est 20 ans? Est-ce que c'est 25 ans? Est-ce que c'est la prison à perpétuité? C'est quelque chose dans cet ordre-là, je suis incapable de définir quoi; 25 ans m'apparaît quelque chose d'intéressant, la prison à perpétuité avec une possibilité de révision, oui. D'une part, il faut laisser la possibilité qu'il y ait un espoir. Il faut laisser l'espoir chez l'être humain, c'est ce qui lui permet de vivre. Condamner une personne sans lui donner l'espoir qu'un jour elle pourra être remise en liberté, c'est au moins aussi pire que de l'exécuter.

D'un autre côté, la sentence doit être exemplaire, le meurtre étant le crime le plus grave, à mon avis, qui existe dans le Code criminel. On ne peut pas donner une sentence suspendue pour un meurtre au premier ou au deuxième degré. Il faut donc quelque chose qui soit assez sévère pour qu'il y ait un exemple, pour que la société soit protégée, que la personne trouvée coupable soit punie et pour que la famille, le milieu se sente en sécurité. Les gens ont le droit d'être protégés.

Nous l'avons dit en deuxième lecture, nous voulions un révision de la loi qui a maintenant 20 ans. Cette révision-là, nous avons une journée et demie, deux jours pour le faire, en siégeant à peu près jour et nuit. Nous nous attendions à une révision de l'Atlantique au Pacifique. Comme dans le cas de l'assurance-chômage, semble-t-il que tout était décidé à l'avance. Nous avons entendu les témoins en catastrophe. Il n'a pas été possible de faire un travail en commission parlementaire qui soit digne de ce nom, bien que la très grande majorité des témoins qui se sont présentés, la John Howard Society, la Société Elizabeth Fry, et même des gens représentant des victimes sont venus dire: «Ne touchez pas à l'article 745.»

Où était l'urgence d'agir? Les manifestations publiques, où étaient-elles pour demander des modifications qui touchent à peu près 75 ou 76 personnes qui ont fait des demandes en 20 ans? Il y a des problèmes qui ont beaucoup plus d'acuité qui mériteraient une attention beaucoup plus immédiate. On aurait eu le temps de faire une révision approfondie.

Est-ce qu'il ne serait pas mieux maintenant, étant donné que 20 ans ont passé, de revenir à la situation qui existait avant 1976 et qu'on juge chaque cas au mérite devant la Commission des libérations conditionnelles? C'était une option.

Est-ce qu'il y aurait lieu de maintenir l'article tel qu'il est ou de regarder toute autre avenue? C'est ce que nous voulions faire et c'est ce qu'on ne nous a pas permis de faire et on nous arrive avec une loi qui est fondamentalement rétrograde puisqu'elle obligera désormais l'unanimité du jury avec les conséquences dont j'ai parlé tout à l'heure. Elle obligera également le prévenu qui veut présenter sa demande à s'adresser au préalable à un juge pour lui démontrer, par une preuve littérale, non pas lors d'une audition adversariale où chaque parti fait valoir son point de vue, à envoyer ses papiers au juge qu'il ne verra même pas. La Common Law nous dit que le juge peut toujours décider d'entendre les parties mais il n'y a aucun droit statutaire d'être entendu si le prévenu ne peut pas exiger d'audition. Le juge, suivant qu'il appartient à telle ou telle école de pensée en matière de sentencing pourra dire: Il n'y a pas de probabilité qu'un jury pourrait vous libérer, je ne fais pas droit à la requête.

Personne ne sera donc jugé deux fois. Il y aura deux juges des faits. En matière criminelle, généralement, et si on veut être logique pour la comparaison avec le jury, lorsqu'il y a procès devant jury celui-ci est maître des faits, le juge est le maître du droit. Ici le juge va devenir le maître des faits, il jugera une première fois sur les faits. Si les faits ne lui paraissent pas être suffisamment probants, il ne permettra pas au prévenu ou au détenu de s'adresser à un jury. S'il le permet, le prévenu devra refaire une preuve.

C'est lui qui a le fardeau de la preuve. Qu'on ne nous fasse pas croire encore une fois qu'on veut protéger le système et qu'on veut étendre ce que l'on connaît traditionnellement du jury au système qui existe en vertu de l'article 745. Le prévenu qui s'adresse à 12 jurés pour demander de pouvoir être libéré après 15 ans, il a le fardeau de convaincre les 12. Ce n'est pas la Couronne qui est là pour dire: En m'opposant, il faut que je convainque les 12 d'être unanimes dans leur opposition à la libération.

Le fardeau de la preuve repose sur le prévenu. C'est un fardeau qui nous apparaît beaucoup trop élevé et qui va amener les conséquences qu'on a décrites tout à l'heure.

On mentionnait le projet de loi C-226 contre lequel je me suis battu, qui posait beaucoup plus clairement la question en demandant tout simplement le rappel de l'article 745.


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(1555)

Nous étions au moins avec une question claire et un langage qui n'était pas double, où on pourra dire dans l'Ouest canadien: «Regardez bien, on ne libérera plus les gens en vertu de l'article 745, on a serré la loi», et on pourra dire, en Ontario et au Québec: «Regardez, les travailleurs sociaux, les psychologues, on croit à la réhabilitation, on a modifié, on a rendu encore plus alléchantes les dispositions de l'article 745.» On tiendra ce langage. Comme disait un des mes professeurs à la faculté de droit, la meilleure chose, quand on veut gagner une cause et qu'on n'en a pas une, c'est de mêler le juge.

Le juge, en matière électorale, c'est la population. Quand on veut gagner une cause et qu'on n'en a pas, on mêle le peuple, et quand on a mêlé le peuple, il y a une chance que le jour du scrutin le peuple soit mêlé et fasse son x au mauvais endroit. On a seulement une chance de faire notre x le jour du scrutin, sinon c'est quatre ou cinq ans plus tard. Il ne faut pas s'y méprendre, c'est ce que fait le gouvernement.

Au moins, l'honnêteté a été démontrée par ceux qui prônent l'abolition pure et simple de l'article 745. Je ne partage pas ce point de vue, mais leur demande a été claire, leurs discours ont été clairs. Le discours alambiqué qu'a tenu le gouvernement est dans une toute autre direction. Je tiens cependant à féliciter le courage de l'honorable député de Kingston et les Îles, qui a tenu son point tout au cours du débat et qui, hier encore à l'étape du rapport, a présenté un amendement, a voté contre l'adoption du projet de loi, de même que l'ancien solliciteur général et député de Notre-Dame-de-Grâce, qui a fait la même chose, et quelques autres collègues du côté libéral.

On peut vivre un certain temps dans le double langage. Suivant l'adage bien connu, on peut tromper une personne tout le temps, on peut tromper plusieurs personnes pendant un certain temps, mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps. C'est ce que le gouvernement libéral a essayé de faire depuis le début de son mandat, en croyant qu'on allait améliorer le sort des chômeurs, en croyant qu'on allait améliorer le système carcéral canadien, qu'on allait améliorer le système des transports en privatisant, malgré toutes les remarques qui ont été faites et les nombreuses interventions de mon collègue de Beauport-Montmorency-Orléans. Vous savez comme moi que ses remarques étaient à pic et tombaient à point dans tout ce débat.

Un jour ou l'autre, la poussière va retomber et l'électorat, qui n'est pas dupe, va pouvoir porter son jugement. L'honorable député de Prince-Albert-Churchill River disait aussi tout à l'heure que l'article 745 allait être amélioré parce que le tueur multiple, la personne qui avait commis plus d'un crime, peu importe que ce soit en même temps ou de façon consécutive, n'était plus admissible à l'article 745. C'est de la régression. On peut très bien imaginer une personne commettre plus d'un crime dans une situation qui pourrait justifier une remise en liberté.

Prenons le cas de quelqu'un qui décide de braquer une banque, qui se prépare avec son arme et qui se présente à la banque et qui n'avait peut-être pas l'intention criminelle au début, mais suivant les règles du meurtre par interprétation tue deux personnes lors de la commission d'un même hold-up. C'est un acte regrettable, condamnable, et la personne sera condamnée. Est-ce que cette personne devrait être privée, si elle n'a rien d'autre à son dossier judiciaire, de l'application de l'article 745 au même titre qu'un meurtrier du même ordre que celui qu'on a vu il y a si peu de temps dans le cas dont parlait mon collègue de Mégantic-Compton-Stanstead, le cas d'Isabelle Bolduc, où on a eu un meurtre crapuleux avec viol de personne, avec des choses qu'on n'ose même pas décrire en cette Chambre tellement c'est sordide. Il y a des personnes qui semblent irrécupérables à ce stade-ci pour la société. Souvent, un seul meurtre dans les conditions les plus horribles est bien pire.

On veut aussi établir une gradation dans les meurtres. Est-ce qu'en tuer deux, c'est moins pire qu'un? Est-ce qu'un est moins pire que trois, quatre? Il y a des situations qui méritent une étude particulière et non pas une règle générale comme on veut le faire à l'heure actuelle.

Là, on veut asphalter de mur en mur. Cela a été la mode, cela a aussi été la mode dans la ville de Québec, il y a une vingtaine d'années. Cela a été le bétonnage de la ville de Québec, mais aujourd'hui, il faut défaire le béton pour refaire l'architecture si belle que cette ville a connue. Aujourd'hui, on remet une couche d'asphalte à ce fameux parking du 745 en pensant qu'avec le dégel ça ne travaillera pas trop. Bien oui, on connaîtra les effets pervers dans un an, dans deux ans. On va les connaître dans les prisons, parce que je vous disais tout à l'heure que si on enlève l'espoir aux personnes, on va les forcer à commettre des gestes de désespoir.

(1600)

Est-ce que les agents de prison, les agents de la paix seront plus en sécurité? Est-ce que quelqu'un qui sait qu'il ne sortira jamais de prison ne risquera pas de se faire un ou deux gardiens parce qu'il n'y a plus de mesure d'espoir pour lui? Je pense qu'on s'attaque au problème de façon tout à fait erronée et que le maintien du statu quo aurait été beaucoup plus justifié.

Aucun des amendements de l'opposition n'a été retenu, ni même les amendements du gouvernement proposés par l'honorable député de Kingston et les Îles n'ont été retenus par le gouvernement. Est-ce que son projet de loi était si bon? Il est déposé en première lecture le 11 juin, motion d'attribution de temps pour la discussion en deuxième lecture, et à la vapeur, en comité, pendant une journée et demie ou deux jours, où on a presque siégé jour et nuit. Est-ce qu'on a l'éclairage suffisant pour dire «oui, hors de tout doute raisonnable ou avec une certitude forte, voilà un bon projet de loi qui va améliorer la situation au Canada»? Je vous soumets que non, que ce projet de loi est un mauvais projet de loi qui va faire régresser la situation du droit au Canada.

En fin de discours, après vous avoir indiqué que l'opposition officielle votera contre ce projet de loi, je désire déposer l'amendement suivant, qui se lit comme suit:

Qu'on modifie la motion en retranchant tous les mots suivant le mot «Que» en les remplaçant par ce qui suit: Le projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en

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conséquence, ne soit pas maintenant lu une troisième fois mais qu'il soit lu dans six mois à compter de ce jour.
Le Président: Mon cher collègue, il me semble que cette motion est acceptable.

[Traduction]

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, j'appuie le report. En fait, j'aimerais que ce projet de loi soit reporté aux calendes grecques, sans le moindre espoir qu'il revienne un jour.

Avant de parler directement du projet de loi C-45, je voudrais faire quelques observations sur deux points de l'intervention du secrétaire parlementaire du ministre de la Justice.

Il disait aujourd'hui, dans son discours, que l'élimination de la possibilité de demander la libération conditionnelle est interdite par le principe de non rétroactivité. C'est exactement le sujet de l'article 745. C'est un article qui permet de demander la réduction de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle dans le cas d'une condamnation à perpétuité. Selon les avis juridiques que j'ai reçus, l'élimination de l'article 745 toucherait toutes les personnes qui sont actuellement en prison et qui souhaiteraient demander à profiter de cet article. Cela leur enlèverait le droit de demander un examen et ce serait parfaitement logique et constitutionnel.

(1605)

J'ai écouté soigneusement la déclaration du secrétaire parlementaire qui disait que les députés, y compris les députés réformistes au Parlement, utilisent les peines et les souffrances des familles qui ont eu leur enfant assassiné à des fins politiques. Si je le comprends bien, à mon humble avis, cette déclaration est méprisable.

Je m'oppose à cette mesure législative qui, à mon avis et à celui de beaucoup de Canadiens, fait peu de cas de la vie humaine. Le projet de loi C-45 démontre clairement que le ministre de la Justice libéral et une majorité de ses collègues libéraux n'accordent pas un grand prix à la vie des Canadiens.

Je voudrais que chacun des députés de cette Chambre qui ont voté en faveur du projet de loi C-45, qui ont voté pour permettre que des meurtriers au premier degré aient la possibilité d'être libérés par anticipation se posent cette question: «Quelle valeur accordent-ils à la vie de leurs frères et de leurs soeurs, ou à la vie de leurs enfants? Est-ce qu'ils pensent que ces vies ne valent que 15 ans de prison? Est-ce que 15 ans suffisent pour oublier la joie que donnait la voix de leurs jeunes enfants et petits-enfants?»

J'aimerais que le ministre de la Justice demande aux Rosenfeldt, qui ont assisté aux audiences du Comité de la justice aujourd'hui, s'ils ont oublié le sourire et le rire de leur fils ou s'ils ont oublié la sensation de bien-être que l'on éprouve avec un jeune enfant dans les bras?

J'aimerais demander au ministre de la Justice qu'il demande au Rosenfeldt ce qu'ils ont ressenti le jour où ils ont appris que Daryn avait été torturé, agressé sexuellement et tué par un maniaque comme Clifford Olson.

Je voudrais inviter le ministre de la Justice à demander à Mme Rosenfeldt comment elle se sent chaque fois qu'elle est forcée de penser aux dernières heures de Daryn ou comment elle s'est sentie le 12 août lorsque Clifford Olson a décidé d'exercer le droit que le gouvernement libéral lui a accordé de demander une libération anticipée.

Le ministre de la Justice devrait regarder Mme Rosenfeldt dans les yeux et lui expliquer pourquoi il appuie la demande de libération anticipée du tueur de son fils. Je voudrais que le ministre de la Justice et tous les députés pensent un instant à nos propres enfants et petits-enfants et qu'ils essaient ensuite d'expliquer à Mme Rosenfeldt pourquoi la vie de son fils ne vaut qu'une peine de 15 ans d'emprisonnement.

Le ministre est directement responsable de la demande que Clifford Olson a présentée le 12 août pour obtenir une libération anticipée. Il doit rendre des comptes directement à la famille Rosenfeldt et aux dix autres familles qui pleurent la mort d'un enfant tué par cet homme.

Le ministre de la Justice est responsable du fait que Clifford Olson cherche maintenant à obtenir une mise en liberté anticipée. Le ministre de la Justice a prétendu que le projet de loi C-45 n'avait rien à voir avec Clifford Olson, qu'il ne découlait pas de la possibilité qu'avait cet individu, le 12 août 1996, de demander une libération anticipée. Pourquoi alors le ministre et son gouvernement ont-ils tant insisté pour que le projet de loi soit adopté avant les vacances d'été? Pour quelles raisons le gouvernement libéral nous a-t-il demandé, ainsi qu'au Bloc, de ne pas retarder indûment l'adoption de cette mesure?

Nous nous sommes montrés coopératifs même si nous ne souscrivons pas au projet de loi C-45. Nous nous sommes engagés à ne pas empêcher l'adoption du projet de loi, car nous ne voulions absolument pas être responsables de la demande de libération anticipée de Clifford Olson. Nous ne voulions pas que la famille Rosenfeldt et les autres familles aient à revivre le cauchemar dans lequel elles sont plongées depuis 15 ans.

Et même si le projet de loi C-45 donnerait à un individu comme Clifford Olson la possibilité d'en appeler à un juge, ce qui est vraiment au-dessous de tout, il se peut qu'on lui refuse l'audience devant juge et jury à laquelle il a droit, à l'heure actuelle, aux termes de l'article 745 du Code criminel.

Le ministre de la Justice a eu presque trois ans pour présenter le projet de loi C-45, mais il a choisi de faire traîner les choses. Il a décidé de présenter cette mesure à la onzième heure. Il a choisi de jouer avec les émotions des Rosenfeldt et des autres dix familles dont les enfants ont été tués par Olson, et il a perdu. Le projet de loi C-45 n'a pas été adopté et encore une fois Olson en a profité, bien sûr, pour jouer les vedettes.

(1610)

Pour le bénéfice des députés de la Chambre qui ne siègent pas au Comité de la justice j'aimerais lire le témoignage que Sharon Rosenfeldt a rendu le 18 juin:


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Un choc émotif, c'est ce que j'ai ressenti le 8 février 1996 quand j'ai appris que Clifford Olson, l'assassin de mon fils, avait demandé un examen judiciaire en vue d'obtenir une libération conditionnelle après 15 ans. Je sais bien que la demande en bonne et due forme ne peut pas être présentée avant le 12 août, mais je sais que toute la paperasse est prête. Je sais depuis longtemps qu'il en a le droit et que c'est vraisemblablement ce qu'il va faire. Cependant, pour une raison ou pour une autre, même si mon esprit était bien conscient de ce fait, mon coeur, mes émotions et mon âme le rejetaient. J'avais peur d'y penser, donc j'ai donc pris l'habitude de maîtriser mes émotions. Je sais comment faire taire certains sentiments. J'ai appris à survivre à cela.
Voyez-vous, je dois rester forte car j'ai promis à mon fils au moment où on mettait son cercueil en terre que je ferais tout mon possible en tant que maman pour que justice soit rendue à la personne responsable de sa mort. Je sais que je dois le laisser reposer en paix et qu'il mérite de reposer en paix, mais les lois de notre pays nous empêchent tous les deux de goûter toute paix.
En apprenant qu'Olson avait fait la demande j'ai été estomaquée. Toutes sortes d'images ont traversé mon esprit. J'en ai été toute bouleversée, mais je ne devrais pas être bouleversée. J'étais furieuse, mais je ne devrais pas être furieuse. J'ai eu mal, mais je ne devrais pas avoir mal. Je me suis sentie trahie, j'étais paniquée. Je ne pouvais pas respirer et rester tranquille. Je passais d'une pièce à l'autre. Je voulais pleurer. Je voulais crier et m'enfuir à nouveau. [. . .] Pourquoi faut-il encore revivre tout cela? Je me sentais faible et vulnérable. Je ne voulais pas perdre encore ma dignité. [. . .] Je suis allée dans la salle familiale et j'ai pris la photo de mon fils sur le cabinet. Je me suis assise et je l'ai contemplé avec amour, suivant le contour de son visage avec les doigts. Il était si beau. Voyez-vous, je dois constamment reconstruire son visage dans mon esprit parce qu'il a été défiguré par un marteau. Il a été battu à en être méconnaissable. J'ai placé sa photo sur mon coeur et j'ai reformulé la promesse que j'avais faite il y a 15 ans.
Je me suis agenouillée et j'ai demandé à Dieu de me donner la force de conserver ma dignité. C'est très important pour moi parce qu'en enlevant la vie à mon fils Clifford Olson m'a aussi enlevé ma dignité pendant quelque temps. Je ne laisserai pas Olson et le système répéter cela.
Le ministre de la Justice n'a pas su arrêter Olson et empêcher Sharon Rosenfeldt, sa famille et les dix autres familles dont les enfants ont été assassinés par Olson, d'être bouleversées et furieuses, d'avoir mal et de se sentir trahies, faibles et vulnérables. Au lieu de cela, le ministre de la Justice et le gouvernement libéral protègent les droits de Clifford Olson en refusant d'abroger l'article 745 du Code criminel. Pour étayer ma déclaration, je voudrais citer les propos de Mme Debbie Mahaffy:

Vous, le Comité de la justice, et je parie, tous les députés fédéraux et provinciaux au Canada, n'avez pas entendu les cris de terreur et les pleurs de votre enfant lorsqu'elle implore ses assassins de lui laisser la vie, de la laisser rentrer chez elle. Mais tout le monde a vu les larmes de crocodile des meurtriers qui veulent qu'on assure leur sécurité en prison ou qui veulent une meilleure nourriture, ou une cellule plus grande, ou pas de compagnon de cellule, ou un compagnon différent, ou leur mise en liberté. Les voeux et les désirs des meurtriers reçoivent même une priorité financière par rapport aux besoins des familles des victimes, dont les membres doivent être suivis par des conseillers professionnels, les mères, les pères, les frères et soeurs de tout âge, les grands-parents, les cousins et les amis, dont la vie est changée à jamais.
Je ne peux même pas imaginer la douleur que ces parents ont éprouvée lorsqu'on leur a dit que leurs enfants leur avaient été enlevés. J'essaie d'empathiser avec les familles des victimes de meurtre. Cependant, je ne peux pas pleinement comprendre toute l'horreur qu'elles ont vécue. Que cette douleur atroce soit avivée par une demande dont le gouvernement du Canada a accepté la présentation en vertu de l'article 745, c'est tout ce qu'il y a de plus méprisable. Comme ces familles, j'estime que la vie de leurs enfants vaut beaucoup plus que 15 ans.

Le projet de loi C-45 et l'ultime tentative du ministre de la Justice d'adopter un projet de loi de cette nature montrent clairement que le ministre n'empathise pas avec les familles de victimes de meurtre et ne sait rien des cauchemars qu'elles font lorsqu'elles revivent les crimes haineux qui ont été commis contre leurs enfants et leurs petits-enfants. Sa sympathie se dirige plutôt vers les meurtriers de nos enfants, les Olson et les Bernardo.

(1615)

Le projet de loi C-45 montre clairement que le ministre est resté indifférent à la lettre que lui a envoyée la grand-mère de Sylvain Leduc, Teresa McQuaig. La douleur de cette grand-mère et sa supplication n'ont eu aucun effet sur la position du ministre en faveur de la libération conditionnelle anticipée pour ceux qui commettent des meurtres au premier degré ou sur son attitude envers la justice.

Voici ce que la grand-mère de Sylvain a écrit au ministre de la Justice:

Dans la vie, la plus grande douleur consiste à vivre en sachant que son enfant est couché nu et froid à la morgue. Mon petit-fils a été à la morgue durant trois jours. J'étais gelée jusqu'au coeur. Je n'arrivais pas à me réchauffer. J'ai pris des bains chauds pendant trois jours. Je n'ai pas pu tenir en place tant que je n'ai pas su qu'on l'avait rhabillé.
Mon coeur est une pompe qui fait constamment circuler le sang dans mes veines. Il y a, dans mon ventre, un lieu sacré. D'où l'expression «avoir du coeur au ventre». Moi, je dis que c'est le siège de mon âme, une source d'amour, de haine, de courage, de foi, d'humour, de colère, de compassion, de bonheur, de conscience et de bienveillance. Le meurtre horrible de mon petit-fils a troublé profondément mon âme. Certains jours, elle est paralysée, d'autres jours, elle est comme de la gélatine. Elle a perdu le goût de vivre. Les choses ordinaires de la vie ne l'intéressent plus. Elle n'a plus d'appétit pour les aliments, le sexe, le plaisir, les voyages ou les livres. Il y a un vide là, un trou qui restera toujours béant. Mon petit-fils a quitté ce monde, mais il en a emporté une partie. L'horreur et la peur ont aussi pris place dans mon âme.
Ce sont les meurtriers de Sylvain qui m'ont fait cela. Quand tout est calme, je ne peux empêcher mon esprit d'imaginer la douleur et l'horreur que Sylvain a ressenties avant de mourir. Je dois prendre des somnifères pour atténuer ces images horribles. Je reçois des soins psychiatriques, mais il m'est difficile de parler de Sylvain au passé et il me faut tant d'énergie pour faire ce cheminement douloureux. De plus, je trouve cela désespérant. Je me sens comme une fleur fanée qu'on a piétinée. J'ai l'impression d'avoir été volée.
Ce passage est extrait de la lettre au ministre de la Justice. Le ministre de la Justice a tort de laisser sourdre cette angoisse, de permettre que les plaies de cette grand-mère s'ouvrent encore et encore. Pourtant, c'est précisément ce que fait le projet de loi C-45. Chaque fois qu'un tueur demande une révision judiciaire aux fins d'une libération conditionnelle, la famille de sa victime et la société revivent des souvenirs horribles et sont terrifiées à l'idée qu'un jour ce tueur jouisse d'une libération anticipée.

Je voudrais partager avec les députés les sentiments et les souvenirs de deux autres mères d'enfants qui ont été tués et qui ont comparu devant le Comité de la justice. Le ministre de la Justice


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aurait dû être présent au cours du témoignage de Mesdames Boyd et Mahaffy. Il aurait dû affronter ces deux mères qui souffrent pour leur expliquer pourquoi il juge que 15 ans d'emprisonnement peuvent compenser la vie de leurs enfants et pourquoi il ne protège pas ces mères plutôt que ceux qui ont tué leurs enfants.

Tout d'abord, Darlene Boyd a déclaré:

En 1982, Laurie, notre fille de 16 ans, a été enlevée, agressée sexuellement à maintes reprises et poignardée 18 fois. Elle n'a eu droit à aucune dignité. On a arrosé son corps d'essence et on y a mis le feu. Elle était la deuxième victime. Il y avait eu la fille de High River. Le scénario avait été identique, mais on l'avait frappée à la tête avec un démonte-pneu.
C'est de cela que nous parlons. Nous parlons de gens qui commettent de tels crimes odieux. Je crois fermement que l'homme qui a enlevé la vie de notre fille et celle de la jeune fille de High River n'a pas et n'aura jamais ce qu'il faut pour être réadapté, surtout après avoir passé seulement 15 années en prison. Il faut pour cela une étincelle de remord, et James Peters n'en a jamais donné aucun signe. Le risque est trop grand de voir des hommes comme James Peters revenir dans la société après 15 ans avec le système que nous avons à l'heure actuelle. Ce serait creuser d'autres tombes pour des personnes innocentes.
Il faut que la peine corresponde vraiment à la gravité du crime. La peine maximale pour meurtre dans notre pays est l'emprisonnement à perpétuité sans admissibilité à la libération conditionnelle durant au moins 25 ans. Cela est cependant un mensonge, et un mensonge qui se perpétue. On répète encore ce mensonge au moment du prononcé de la peine. Personne ne nous avait parlé de l'article 745. C'est un journaliste qui nous en a appris l'existence, non la commission des libérations conditionnelles ni le système juridique. Voilà qui suffit à rabaisser la valeur de la vie de Laurie.
(1620)

L'article 745, le projet de loi C-45 et les députés d'en face ont rabaissé la valeur de la vie de Laurie Boyd comme ils l'ont fait de la valeur de la vie de tous les Canadiens en continuant de défendre le droit du meurtrier à une libération anticipée. L'article 745 fournit aux tueurs une possibilité de libération anticipée. Cela tourne en dérision l'expression emprisonnement à perpétuité.

Faute de la peine de mort, le seul châtiment juste et équitable pour le meurtre prémédité, au premier degré, est la prison à perpétuité. À ceux qui disent que nous n'avons pas de lueur d'espoir sans l'article 745, je fais remarquer qu'il existe une lueur d'espoir après 25 ans parce que c'est ce que prévoit la loi. Pas de libération conditionnelle avant 25 ans. Il est possible aux meurtriers d'obtenir la libération conditionnelle après avoir purgé 25 ans de prison.

Debbie Mahaffy n'est pas en faveur du rétablissement de la peine capitale, mais elle souhaite l'abrogation pure et simple de l'article 745 du Code criminel. Mme Mahaffy croit que l'abrogation de cet article s'impose parce qu'elle estime que la vie de sa fille Leslie vaut au moins l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Je cite le témoignage que Mme Mahaffy a livré le 18 juin dernier:

Ne pas aller jusque-là, ce serait au mieux être irresponsable et déraisonnable, et manquer aux valeurs des Canadiens qui réclament une tolérance zéro pour la violence; ce serait continuer à miner le caractère sacré et précieux de la vie et de la justice. Ma famille et tous les membres des familles des victimes doivent se rétablir après une mort qui n'est pas normale. Le deuil ne se fait pas normalement, la peine n'est pas normale, le rétablissement n'est pas normal. Pour bâtir, redéfinir et vivre une nouvelle vie normale, il faut le reste de la vie. Pas seulement 25 ans, mais le reste de ma vie.
Je parle d'absolus. Ce doit être absolument 25 ans avant toute possibilité de libération, parce que c'est la peine la plus sévère que peut infliger le gouvernement, la plus comparable à ma peine absolue et à la peine absolue des familles d'autres victimes, à la lente redécouverte d'un bonheur qui ne sera jamais aussi grand pendant le reste de mes jours. Ce chagrin absolu est ressenti par de plus en plus de Canadiens-leur nombre grandit d'heure en heure-qui éprouvent cette perte absolue de toute joie. La mort de ceux que nous aimons est absolue. Les assassins n'ont rien de plus absolu que la garantie de passer 25 ans de leur vie en prison.
Le projet de loi C-45 ne donne pas la garantie absolue qu'ils passeront au moins ces 25 ans en prison. C'est précisément pourquoi le projet de loi C-45 suscite l'opposition de Debbie Mahaffy, de Sharon Rosenfeldt, de Darlene Boyd, de l'Association canadienne des policiers et, à mon avis, de la majorité des Canadiens.

Mardi dernier, le ministre de la Justice s'est entouré des représentants de l'Association canadienne des policiers et de ceux des chefs de police pour présenter le projet de loi C-55 au sujet des délinquants dangereux. À propos du projet de loi C-55, Darlene Boyd a dit ce qui suit: «Le ministre essaie de faire oublier le projet de loi C-45, qui prête à controverse, en présentant des mesures au sujet des délinquants dangereux. Il essaie de détourner l'attention alors que rien de moins que l'abrogation totale s'impose.»

L'Association canadienne des policiers et les chefs de police ont appuyé cette semaine le projet de loi que le ministre de la Justice a présenté au sujet des délinquants dangereux. Il a exploité leur appui à la conférence de presse. Je voudrais faire connaître à la Chambre et à l'ensemble des Canadiens l'opinion du vice-président de l'Association canadienne des policiers au sujet de l'article 745. Ce faisant, je voudrais signaler que le ministre de la Justice n'a pas fait grand état de l'opposition de l'Association canadienne de police ni de celle des chefs de police au projet de loi C-45.

Le 18 juin 1996, devant le Comité de la justice, M. Grant Obst, vice-président de l'Association canadienne de police, a déclaré:

Dans le monde où je vis, je rencontre des victimes à qui on a arraché un être cher en commettant le crime le plus répréhensible qu'on puisse commettre: le meurtre. C'est une perte dont elles ne se remettront de toute leur vie. Ce n'est pas une chose qui dure 25 ans ou 15 ans; il n'y a pas de révision judiciaire ou d'article 745 pour les victimes des meurtriers ou pour leur famille. Pour elles, il n'y a pas de deuxième chance. Rien ne peut leur restituer la plénitude de leur vie. Il n'y a pas dans le Code criminel un article qui allège leur douleur.
J'ai assisté aux audiences sur l'article 745 dans ma localité, et j'ai eu l'occasion de me lier d'amitié avec la famille d'une victime. J'ai vu les effets des audiences sur cette famille. J'ai parlé avec des officiers de police, des collègues de tout le pays et c'est presque unanime, ils pensent tous que l'article 745 doit disparaître. C'est l'opinion de ceux d'entre nous qui ont une expérience directe du meurtre, des meurtriers et des victimes.
À cause de l'article 745, on se méfie du système de justice criminelle. Dans une large mesure, mes collègues et moi-même avons de plus en plus de mal à défendre le système dont nous faisons partie, un système auquel nous croyons et auquel nous voulons croi-

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re. Nous avons toujours cru, nous croyons encore et nous continuerons de croire que l'ensemble de l'article 745 doit être abrogé.
(1625)

M. Neil Jessop, de l'Association canadienne des chefs de police, a exprimé les mêmes sentiments, tout comme Scott Newark, le directeur exécutif de l'Association canadienne de police, qui a également déclaré le 18 juin dernier:

L'article 745 porte atteinte non seulement à la confiance du public, mais également aux principes qui, depuis longtemps, servent à étayer notre système de justice criminelle.
C'est la sensiblerie de ceux qui veulent laisser une lueur d'espoir aux meurtriers qui va à l'encontre de la philosophe de notre système de justice. Ce sont eux qui ridiculisent notre système pénal en accordant aux meurtriers les droits que ceux-ci ont délibérément et sauvagement retirés à leurs victimes.

Les meurtriers et violeurs condamnés et tous ceux qui décident d'attaquer ou de tuer un être humain renoncent à leurs droits la minute où ils lancent leur attaque meurtrière, sauf leur droit à un procès juste et à un traitement humanitaire s'ils sont incarcérés.

Le fait que le système de justice criminelle offre aux tueurs ce qu'on appelle une faible lueur d'espoir ou rétablisse leurs droits porte encore davantage atteinte aux victimes, aux familles des victimes et à tous les Canadiens. Voilà la position fondamentale du Parti réformiste en ce qui concerne la justice, position qu'appuient des milliers et même des millions de Canadiens.

Le projet de loi C-45 va à l'encontre de cette position, mais, plus important encore, il diminue la valeur d'une vie humaine. Voilà pourquoi je m'oppose à ce projet de loi. Il ne mérite pas notre appui.

[Français]

Le vice-président: J'accorde la parole à l'honorable députée de Berthier-Montcalm.

Mme Lalonde: De Mercier, monsieur le Président.

Le vice-président: De Mercier, excusez-moi. L'honorable députée de Mercier.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, mes concitoyens vous en voudraient de ne pas apprécier ce comté de l'extrême est de Montréal, célèbre pour sa proximité du fleuve Saint-Laurent en même temps que pour ses pétrolières.

J'ai tenu à intervenir sur ce projet de loi en appui à l'amendement de mon collègue, parce que je tiens à dire que les propos que j'ai entendus à répétition dans cette Chambre de la part des collègues qui sont situés géographiquement à ma gauche sont des propos outranciers qui, malgré leurs prétentions, ne servent pas les Canadiennes et Canadiens.

Je veux parler également en appui à l'amendement de mon collègue parce que j'estime que le projet de loi C-45, à la lecture même, à l'audition même des arguments du ministre, est un projet qui contredit l'essence des propos qui sont tenus par le ministre et qui contredit également l'ancienne réforme, oui, qui avait besoin sans doute d'être revue, mais pas dans le sens ci-indiqué.

Il est important de rappeler une fois de plus, mes collègues l'ont fait, que les dispositions des libérations conditionnelles prévues à cet article 745 ne sont pas des dispositions frivoles ou légères.

(1630)

Avant que quelqu'un qui a été un criminel de premier ou de deuxième degré puisse avoir accès à une libération conditionnelle, il lui faut d'abord, suivant le degré de sa peine, avoir purgé une partie importante de celle-ci, mais surtout, il lui faut franchir trois étapes cruciales. D'abord, qu'un juge soit convaincu qu'il puisse convaincre un jury; qu'il y ait une sorte de procès devant un jury de 12 concitoyens avec témoins qui ne tranchent pas, mais qui vont décider de la possibilité, pour la Commission des libérations conditionnelles, d'entendre et de réviser la peine.

C'est donc au terme d'un processus où les citoyens, comme jurés, sont intégrés, et c'est donc au terme d'un processus qui ne ressemble en aucune façon aux mailles larges d'un filet, qu'il est possible à une personne qui a été punie pour un crime de premier ou deuxième degré, d'obtenir la libération conditionnelle.

Le gouvernement a profité d'une situation qui a énervé, et on le comprend, la population de l'Ouest, alors qu'un tueur en série était éligible à la libération conditionnelle pour présenter le renforcement, cette transformation complète du processus de libération conditionnelle. Je dirais, en faisant de la démagogie, parce qu'à première vue, pour quelqu'un qui n'est pas spécialiste mais qui peut utiliser son jugement, il n'y a aucune espèce de chance que ledit condamné Olson puisse avoir franchi toutes les étapes qui lui auraient permis d'atteindre à la libération conditionnelle. D'aucune espèce de façon, on peut penser qu'il eut pu le faire.

J'en veux pour preuve le fait que parmi les personnes, et je cite des statistiques qu'on a répétées, mais il faut le dire, au 31 décembre 1995, 175 détenus éligibles à demander une révision judiciaire ne l'ont pas fait. Seuls 76 avaient effectué une telle demande et 13 de ces demandes étaient toujours en suspens. Sur les 63 demandes traitées, 39 ont obtenu une réduction de leur délai d'inadmissibilité à la libération et, au 31 décembre 1995, un seul des délinquants ayant bénéficié d'une réduction de délai a récidivé, ce dernier ayant commis un vol à main armée.

Il est donc important de noter que c'est prenant prétexte de cette situation qui a affolé une partie de la population que le gouvernement a voulu se donner un air de matamore. Influencé sans doute par les discours des collègues réformistes qui alimentent l'intolérance, et surtout l'inquiétude, le gouvernement n'a pas su faire mieux que de céder, d'autant plus facilement qu'en réalité, dans l'application, attendu que le jury sera composé, en Alberta, de jurés albertains et au Québec de jurés québécois où on a vu que la société distincte se manifestait, il y a de fortes chances qu'en réalité, la même loi soit appliquée de façon fort différente.


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(1635)

Pourquoi? Notamment parce que cette révision de l'article 745 prévoit qu'à l'étape du jury, contrairement à ce qui existait avant où il fallait les deux tiers des jurés pour qu'un jugement favorable soit rendu, il faudra maintenant l'unanimité des jurés. À toutes fins pratiques, cela équivaut presque à rendre inopérante cette disposition.

Il y a une question qu'il faut se poser. Face aux statistiques que l'on connaît, on a vu que 39 personnes sur 175 ont obtenu une réduction du délai d'inadmissibilité et que de ces personnes, au 31 décembre, un condamné a récidivé. Il faut constater qu'il peut y avoir réadaptation en prison.

En réalité, il y a eu une volonté de réadaptation par une série d'instruments, de formation, en particulier. Si des citoyens, des citoyennes, après avoir payé chèrement leur crime peuvent devenir des citoyens utiles pour la société alors qu'ils coûtent cher en prison, je pense qu'il faut leur en donner la chance. Faut-il rappeler que pour des crimes de premier degré, un détenu coûte 76 000 $ par année?

Après qu'un détenu ait manifesté qu'il avait payé sa dette et qu'il ne présente plus de danger après avoir passé par les mailles de ce filet qui n'est pas large, les trois étapes dont j'ai parlé: un juge, un jury et ensuite la Commission, comment peut-on priver la société de citoyens qui sont désormais prêts à faire leur part et à payer pour leur vie?

Il y a bien sûr deux approches complètement différentes qui s'opposent, dont une qui est punitive, sous un prétexte qui est celui de protéger la société. Comment peut-on protéger la société, comment peut-on faire en sorte que ces crimes qui désolent, qui peinent, qui meurtrissent, ne se produisent plus quand on encourage l'intolérance de toutes les façons?

Je ne suis pas une experte, mais je vois trois grandes sortes de crimes. Il y a les crimes crapuleux, il y a les crimes que j'appellerais sordides, à caractère sexuel et qui soulèvent l'indignation. On pardonne mais on n'oublie pas. Il y a aussi un grand nombre de crimes passionnels. Des personnes, sous le coup de l'émotion, en ayant préparé leur coup, bien sûr, par amour, par esprit de possession peuvent commettre un crime. C'est hautement répréhensible comme façon de régler les problèmes. Mais quand on veut prévenir, ce n'est pas en s'assurant que ces personnes, alors qu'elles ont payé leur dû, alors qu'elles ne présentent plus de menace pour la société, restent en prison. Pourquoi? Au nom de quoi?

(1640)

Parler de prévention, c'est aussi parler de valeurs, parce que garder en prison pendant toute leur existence les prisonniers qui y sont n'assure pas la sécurité des citoyens quand ceux et celles qui sont en liberté ne partagent pas des valeurs de tolérance, de générosité, de règlement de leurs conflits autrement que par la violence, que ce soit la violence faite aux femmes qui, souvent, mène au crime.

Qu'on s'attaque à ce problème, qu'on donne des moyens à celles et à ceux qui travaillent dans les milieux où on sait qu'il y a des risques. Mais de s'acharner sur les personnes qui, après qu'elles aient payé cher, souvent, en ne leur laissant pas la possibilité d'avoir ce raccourcissement de peine, est un acharnement inutile qui, loin de protéger la société, entretient un climat et des valeurs qui sont bien plus de nature à susciter et à justifier les intolérances et la violence que le contraire.

Il faut se parler des vraies choses. Il faudrait aussi se parler de ce que j'ai appelé les crimes liés à la mafia. C'est autre chose. Il faut s'y attaquer avec des moyens adéquats.

Le gouvernement libéral ne s'est pas grandi avec cet amendement, qui rendra presque inapplicable la disposition de l'article 745. Il sera peut-être quand même un peu plus applicable au Québec, mais encore, il le rend extrêmement difficile. C'est pourquoi, au Bloc québécois, à la suite de notre collègue de Bellechasse, nous demandons au gouvernement de surseoir à l'adoption de cette loi, de regarder davantage la situation pour ce qu'elle est, d'identifier ce qui est vraiment sujet d'insécurité, de voir vraiment ce qui fait que la population n'est pas en sécurité. Ce n'est pas en agitant des épouvantails, alors qu'on ne prend pas les bons moyens pour faire en sorte que la violence diminue, qu'on peut rassurer.

J'ajoute que l'emprisonnement sans possibilité, après avoir franchi des étapes normales, est important, bien sûr. Je suis la première en tant que femme, en tant que mère, à ne pas vouloir que quelqu'un qui est jugé dangereux soit libéré, y compris pour lui-même. Mais je connais des gens qui sont réadaptés, qui sont désormais des citoyens qui se possèdent bien mieux que d'autres qui n'ont jamais passé par cette terrible épreuve et par une situation qui continuera à être dramatique dans leur tête. C'est extrêmement important qu'on donne l'occasion aux personnes qui peuvent contribuer utilement à la société de le faire.

(1645)

L'approche punitive préconisée qui voudrait emprisonner à perpétuité le plus de monde possible entre en flagrante contradiction, par ailleurs, avec le credo de mes collègues géographiquement situés à gauche, ceux du Parti réformiste, parce que les prisonniers coûtent cher, même s'il n'y a pas d'autre solution que l'emprisonnement, dans certains cas. On le sait, on le dit surtout des prisons fédérales, quelqu'un qui entre là-et là je ne parle pas de criminels dangereux-après une peine de deux ans, s'il n'était pas un criminel endurci, peut sortir de prison criminel endurci. Il faut le dire, il faut se parler des vraies choses.

Quand on préconise l'emprisonnement à perpétuité, alors que les coûts sont grands, sans qu'on cherche à valoriser, à la place, des mesures préventives, on se trouve devant des situations aberrantes-je le dis comme je le pense-comme celle proposée en Ontario, où le ministre de la Sécurité propose de bâtir d'immenses prisons où, pour diminuer les coûts, la surveillance se ferait de façon électronique. Cela a déjà été essayé ailleurs. Ce que cela fait, c'est de créer d'énormes jungles où les prisonniers établissent les règles qui sont les leurs. On n'aime autant ne pas penser à ce que cela veut dire. Ce sont des cauchemars qui dépassent l'imagination.

Alors, il faut être cohérent dans l'ensemble de ses positions et faire en sorte d'être prudent avant de céder à la démagogie. Il faut protéger les citoyennes et citoyens. Il faut que les vieilles dames-j'en suis-qui sortent le soir n'aient pas peur. Oui, il faut viser une société où on puisse vivre sans avoir peur. Mais il faut identifier les bons moyens. Et si les bons moyens sont seulement l'emprisonnement, de toute manière, on ne parviendra pas à rassurer les citoyens, parce que les causes de cette criminalité sont à chercher dans la société elle-même; elles sont à chercher dans la pauvreté, dans les


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réseaux criminels, dans la difficulté rencontrée par les personnes dans leur jeunesse, auxquelles on n'a pas apporté le soutien suffisant. Cette violence qu'on peut voir, et je pense encore à la violence qui s'exprime dans les couples et qui peut se terminer par des crimes également, elle brise la vie des enfants ensuite.

J'appuie donc mon collègue. Je regrette infiniment que le ministre de la Justice, encore une fois, ait cédé à la démagogie qui ne vise pas à protéger les Canadiennes et les Canadiens.

[Traduction]

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt la députée du Bloc. Je voudrais lui poser la question que j'ai posée à des témoins qui ont comparu devant le Comité de la justice, lors de l'étude de ce projet de loi, mais aussi d'autres mesures législatives connexes.

C'est une question à laquelle la société a du mal à répondre. La voici: Qu'est-ce qui constitue une peine juste et équitable pour le meurtre prémédité d'un innocent? Quelle devrait être la peine dans ce cas? Devrait-il ne s'agir que de trois ans si au bout de cette période l'individu est complètement réadapté aux yeux des autorités et si elles sont convaincues qu'il ne commettra plus jamais de meurtre? Devrait-il s'agir de 15 ans ou de 25 ans? Voilà la question.

Il convient de rappeler que lorsque nous, en tant que société, déterminons quelle devrait être la peine, nous attribuons une valeur à la vie d'un être humain.

(1650)

Je demande à ma collègue ce qu'elle estime être une peine juste et équitable pour le meurtre planifié et prémédité d'un innocent.

[Français]

Mme Lalonde: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je dois commencer par vous dire qu'à l'âge que j'ai, j'ai suivi les débats sur la peine de mort. J'étais déjà à l'âge adulte.

Ce qui m'avait le plus frappé, c'était qu'une des raisons importantes qui avait favorisé cette décision du gouvernement libéral d'abolir la peine de mort était la conviction à laquelle on était arrivés par étude que la peine de mort elle-même, dans plusieurs cas, n'empêchait pas le meurtre. Par exemple, si c'était un crime passionnel, prémédité, mais sous le coup de la passion, quelle que soit cette passion, la passion fait intimement partie de la bête que nous partageons.

Votre question est une bonne question, mais le projet de loi et nos interventions, que disent-ils? On ne met pas en cause la loi actuelle qui dit 25 ans, surtout que dans certains cas on est passé à travers un triple tamis: le juge, le jury-les pairs-et ensuite si le jury est affirmatif, la Commission des libérations conditionnelles, et j'ajoute ensuite des conditions qui sont sévères et qui font en sorte que quelqu'un, s'il trahit ces conditions, est ramené en prison.

Il me semble que depuis des années des citoyens ont bâti un système qui répond, je crois, qui essayait de répondre à la question que vous posez. Jamais je ne dirais trois ans. De toute façon, je ne suis pas qualifiée pour cela.

Ce que je constate, c'est que depuis des années cette société, c'est vrai et c'est vrai avec des couleurs différentes, cette société s'est donné des moyens. Oui, il y a eu quelques cas, mais finalement est-ce qu'il faut, parce qu'il y a eu ces cas, condamner à rester en prison des personnes qui sont prêtes à reprendre leur vie active de citoyen? C'est pour cela que je dis que l'approche, ou bien elle est punitive, ou bien elle estime qu'à un moment donné, oui, la peine a été telle que quelqu'un maintenant peut reprendre sa vie en société et participer avec les autres citoyens.

Je pense que la situation qui est là, encore une fois je ne suis pas spécialiste, je suis vraiment comme Mme Tout-le-Monde dans ce débat, mais quand on regarde l'ensemble des difficultés à travers lesquelles quelqu'un qui a commis cet affreux crime doit passer avant d'obtenir une libération conditionnelle, il me semble que c'est la réponse à votre question. Ce n'est pas trois ans, ce n'est pas six ans, c'est au minimum 15 ans. Ce n'est pas peu.

C'est le mieux que je puisse vous dire, mais pour moi, encore une fois, la conclusion principale, c'est que pour empêcher le crime, même la peine de mort n'y parvenait pas. Alors oui, la société a à décider jusqu'à quel point elle fait payer. Qu'est-ce qui lui sert à la société? Est-ce que c'est que quelqu'un qui pourrait être un citoyen utile après 15 ans demeure 10 ans de plus en prison à 76 000 $ par année? Est-ce que c'est de ça que la société canadienne a besoin? C'est cela la vraie question.

Nous, nous pensons que quand quelqu'un est passé à travers les trois tamis successifs, qu'il y a des conditions à remplir, on pense que la société doit lui permettre de faire sa part. C'est seulement ce qu'on dit. Ce serait inutile, non seulement inutile mais contre-productif sur le plan social. C'est ce que je voulais dire.

(1655)

Le vice-président: Est-ce que tous les députés peuvent adresser leurs paroles et leurs remarques à la Présidence, sinon je me sens très seul.

[Traduction]

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une question à poser à la députée.

Ce que nous essayons maintenant de déterminer, c'est le prix de la vie humaine. La députée a dit que, d'après elle, c'est 15 ans. Toute personne projetant de tuer une autre personne, de commettre un meurtre au premier degré n'écoperait que de 15 ans. À mon humble avis, c'est loin d'être suffisant.

Quand ce débat s'est tenu il y a 25 ou 30 ans, dans les années 70, au moment où la peine capitale a été abolie au profit d'une nouvelle peine d'emprisonnement à vie, cette peine a été assortie d'une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans. Telle était la nouvelle peine. Tel est le compromis qui a été réalisé. Telle est la disposition sur laquelle les politiques de l'époque pensaient s'être entendus. Une peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Tel était le prix à payer pour avoir tué quelqu'un.

Quel châtiment, autre que la peine capitale, mérite celui qui a tué quelqu'un? Quelle est la peine qui servira de moyen de dissuasion à la place de la peine capitale que, de toute évidence, la députée abhorre, et qui, d'après elle, ne serait pas un bon moyen de dissuasion? Bien des gens partagent ce point de vue, ce qui se comprend bien. Le prix était une vie pour une vie. Nous n'exécuterons plus


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personne, mais nous mettrons les meurtriers à l'écart de la société pour la vie. « Nous ne voulons pas que vous fassiez cela. Votre peine est l'emprisonnement à vie. Toutefois, s'il est possible qu'on puisse vous réhabiliter, nous prendrons 25 ans pour déterminer si vous avez appris votre leçon et si vous pouvez de nouveau apporter une contribution à la société. »

Maintenant, ces gens-là peuvent réintégrer la société après seulement 15 ans. Le juge a entendu des témoignages et a prononcé sa sentence. Quel est le sens de la détermination de la peine après que le juge et le jury ont condamné un délinquant à une peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans quand, après avoir purgé une partie de sa peine, le délinquant peut se présenter devant la Commission des libérations conditionnelles, qui n'était pas présente au procès, qui n'a pas entendu les témoignages, qui n'a pas ressenti elle-même toute l'intensité du procès et qui peut, 15 ans plus tard, décider d'atténuer la peine ou d'accorder une libération anticipée au délinquant?

Il s'agit là d'une injustice. C'est cruel et c'est faire peu de cas de la valeur de la vie humaine. Les peines doivent avoir un sens. À défaut de la peine capitale, il faut que la peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans soit appliquée dans toute sa rigueur. La disposition relative aux 15 ans doit disparaître.

[Français]

Mme Lalonde: Monsieur le Président, j'ai deux choses à souligner. La première, c'est que je sais qu'il y a eu 10 années pendant lesquelles la peine de mort n'était en réalité pas appliquée. La peine moyenne était, à ce moment-là, de 12 à 13 ans. J'ai entendu des criminalistes dire à certaines émissions que justement, la peine moyenne-je parle à mon honorable collègue qui ne m'écoute pas, je n'ai pas le droit de le dire mais je le fais quand même-la peine moyenne, quand la peine de mort existait mais n'était pas appliquée, n'était pas de 25 ans, elle était d'environ 12 à 13 ans. C'était cela la réalité.

J'ai toutes les raisons de croire les personnes que j'ai entendues dire cela. Ce sont des personnes fiables et en autorité. J'ai aussi lu des textes auxquels je me fie aussi. Si, à ce moment-là, la peine réelle était de 12 ou 13 ans, alors, quand la peine de 25 ans avec possibilité de libération conditionnelle après 15 ans a été introduite, ce n'était pas un adoucissement. C'était, en réalité, pour le régime en place depuis 10 ans, un durcissement. C'est ce que j'ai compris.

(1700)

Il faut appeler un chat, un chat. Il me semble que c'est la première chose. La deuxième est qu'à partir du moment où vous avez la certitude, et je pense qu'on se donne les moyens d'avoir une certitude morale avec ces trois instruments, à partir du moment où vous avez cette certitude, pourquoi laisser quelqu'un en prison? Pour prévenir qu'il ne commette de nouveau un crime? Nous savons que ce n'est pas vrai, la peine de mort n'empêchait pas cela.

Monsieur le Président, je ne sais pas si l'honorable collègue a déjà pénétré de loin, disons, le milieu carcéral. Qu'il s'approche, qu'il s'informe de ce que c'est. Dans bien des cas, le milieu carcéral ressemble pas mal à l'enfer. Je n'ai pas parlé du purgatoire, j'ai parlé de l'enfer.

[Traduction]

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'appuyer la motion visant à en finir avec ce projet de loi. En fait, je suis d'accord avec mon collègue de Crowfoot qu'il faut en finir une fois pour toute avec ce projet de loi pour qu'il ne revienne jamais devant la Chambre. Avec un peu de chance, peut-être pourrons-nous profiter des prochaines élections pour faire le même sort à cet ingénieur social qu'est le ministre de la Justice. Il y a quelque chose ici d'excessivement exaspérant.

Nos vis-à-vis ne semblent pas se rendre compte que des milliers de Canadiens s'inscrivent à l'organisation Victims of Violence parce qu'ils en ont assez. Mais nos vis-à-vis ne semblent pas comprendre le message. Monsieur le Président, croyez-vous que les Canadiens aiment se présenter année après année à des réunions ou à des manifestations pour tenter de faire comprendre au gouvernement qu'ils n'en sont pas satisfaits? Pas du tout. Ils aimeraient mieux avoir la paix et voir les problèmes se régler.

Chaque jour, à la Chambre des communes, de nombreuses pétitions en faveur de l'abolition de l'article 745 sont présentées. Les signatures se comptent probablement par millions à l'heure actuelle. En plus de cela, il y a tous les articles de journaux et toutes les annonces auxquelles des gens ont répondu. Que faisons-nous de l'article 745? Les Canadiens veulent qu'il soit aboli.

Le gouvernement ne comprend pas que les chefs de police réclament l'abolition de cet article du Code criminel. Je n'arrive pas à comprendre qu'il y ait un député du Bloc québécois ici. Les seuls que les bloquistes savent attaquer, ce sont les réformistes parce que nous aimerions que la population obtienne ce qu'elle réclame. Nous soutenons la population en faisant en sorte que certaines choses nécessaires soient effectivement faites.

Nous aimerions obtenir un référendum sur la peine capitale, mais cela pourrait démontrer que nos vis-à-vis se trompent. Les libéraux disent qu'ils ne veulent pas de la peine de mort, que les Canadiens ne veulent pas cela. Le gouvernement n'oserait pas tenir un référendum sur la question parce que les résultats montreraient probablement qu'il a tort. Il n'ose donc pas en tenir un parce que les sondages indiquent que le moment n'est pas opportun pour la tenue d'un tel référendum. En fait, si les libéraux étaient à environ 15 p. 100 dans les sondages-ce qui va leur arriver un jour, j'en suis certain-ils ne voudraient pas non plus déclencher des élections à ce moment-là.

Le seule chose que je pourrais appuyer, c'est un projet de loi qui abrogerait complètement l'article 745 et rien de moins. Notre système de justice a pris un mauvais tournant au début des années 70 et il tourne en rond depuis ce temps. Il continuera de tourner en rond tant que nous aurons des mesures législatives comme le projet de loi C-45.

Nous avons le projet de loi C-45 et, soudainement, voici que surgit une autre mesure législative concernant les criminels dangereux. Attendez un instant, cette mesure va attirer quelque peu l'attention. C'est ce que nous attendions justement, une mesure pour régler la question des criminels dangereux. Cela semble être


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un stratagème. Le gouvernement veut nous enlever l'article 745 de l'idée parce qu'il ne veut pas s'en débarrasser.

(1705)

Je ne sais pas comment jouer les jeux politiques que certains experts jouent, les ingénieurs sociaux comme le ministre de la Justice. Je dois admettre qu'ils sont très habiles. Je voudrais les voir une fois présenter une mesure qui serait appuyée à l'unanimité par la Chambre parce qu'elle serait conforme à la volonté des Canadiens. Nous sommes vraiment déficients dans ce domaine.

Au début des années 70, Jean-Pierre Goyer avait résumé le programme du gouvernement libéral dans le secteur de la justice de la façon suivante:

Nous avons décidé de mettre l'accent sur la réadaptation des individus plutôt que sur la protection de la société.
Cette philosophie s'est poursuivie jusqu'en 1976 lorsque Pierre Trudeau et le député de Notre-Dame-de-Grâce-qui est avec nous aujourd'hui et qui avait affaire au ministère de la Justice à ce moment-là-ont présenté ce projet de loi qui créait l'article 745. Cela s'est fait même si la plupart des Canadiens étaient contre l'abolition de la peine de mort. Quant aux politiciens d'aujourd'hui, ils n'accordent aucune importance à ce que les Canadiens veulent, pas plus que les vieux partis. Le fait que les Canadiens voulaient la peine de mort à cette époque n'a rien changé. «C'est nous les politiciens, nous savons ce qu'il faut faire.» Cela s'appelle de la tyrannie, au cas où quelqu'un l'aurait oublié. Le gouvernement a agi sans tenir compte de la volonté populaire.

En dépit de cette mesure de remplacement, je crois que les peines étaient clairement définies à l'époque. J'estime qu'elles étaient justes et raisonnables, mais on a tenté d'apporter ces changements. Le problème, c'est que de nombreux coeurs tendres dans notre société ont estimé qu'une peine de 25 ans d'emprisonnement était une peine cruelle et inusitée. Aussi, avant de se déclarer en faveur de l'abolition de la peine capitale, ils ont fait valoir qu'il fallait inciter les détenus à avoir un bon comportement pour pouvoir demander une réduction de la période précédant l'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Cette disposition est connue, depuis, comme la disposition de la lueur d'espoir.

Le problème, c'est que, à cause de tout le magouillage qui a entouré l'abolition de la peine de mort, l'article 745 a permis d'apporter des changements qui ont rendu le système pire qu'il ne l'était. Nous récoltons aujourd'hui les fruits de cette erreur. On ne s'est rendu compte qu'en 1987 de la véritable portée de l'article 745.

La plupart des Canadiens croyaient encore que la peine applicable à un meurtre au premier degré était une peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération avant 25 ans. Le premier cas d'examen judiciaire est survenu en 1992, en Alberta, où William Nichols purgeait une peine pour vol et enlèvement et pour le meurtre d'un policier. L'examen a permis de réduire la période préalable à l'admissibilité de 25 ans à 20 ans.

Selon les statistiques du Service correctionnel du Canada, entre ce premier examen et avril de cette année, 79 p 100, un pourcentage effarent, des auteurs de meurtres au premier degré qui ont obtenu une audition en vertu de l'article 745 ont bénéficié d'une recommandation quelconque de libération anticipée. En décembre 1995, 63 meurtriers avaient déjà demandé un examen et, dans 50 cas, le jury a accordé au demandeur une chance de libération anticipée. Sur ce nombre, 33 détenus ont obtenu une libération conditionnelle totale ou une semi-liberté. Ces chiffres montrent clairement que l'article 745 a entraîné une modification fondamentale de la peine applicable aux meurtres au premier degré au Canada. L'article 745 a tellement bien fonctionné que la peine d'emprisonnement de 15 est devenue une réalité pour de nombreux meurtriers.

Je n'ai pu m'empêcher de rire quand j'ai entendu le député bloquiste demander à mon collègue dans son intervention s'il était déjà allé visiter une prison. Je me demande souvent s'il y a des gens ici qui ont déjà vu une prison. Combien d'entre vous ont déjà visité une prison? Si vous ne l'avez pas fait, je ne vous encourage pas à le faire. Vous constaterez que ces gars-là ne sont pas du genre, une fois libérés, à aider une vieille dame à traverser la rue. Ce ne sont certainement pas des gens à faire partie du choeur de la paroisse ou quoi que ce soit du genre.

Je ne crois pas que les députés savent réellement à quel genre d'individus ils ont affaire. On a complètement oublié le crime et la souffrance de la victime. La punition est la dernière chose à laquelle les législateurs pensent de nos jours et il est clair que l'on fait toutes sortes de concessions pour la réadaptation des personnes condamnées.

(1710)

Traditionnellement, la loi permet aux provinces d'établir leurs propres règles de procédure pour les audiences. Il en a résulté des disparités énormes d'un bout à l'autre du Canada quant au nombre de ceux qui obtiennent une audience de libération conditionnelle anticipée. Voici quelques chiffres publiés en avril dernier: en Alberta, les jurys ont entendu sept demandes et en ont refusé cinq; en Ontario, les jurys ont entendu onze demandes, mais n'en ont refusé que quatre; en Colombie-Britannique, les jurys ont rencontré cinq tueurs et ont accordé l'admissibilité à la libération conditionnelle à chacun d'eux; c'est par ailleurs au Québec qu'on a les meilleures chances d'obtenir une libération conditionnelle anticipée, 27 des 28 demandes ayant abouti à une réduction de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle.

Il faut régler ces disparités régionales. L'abrogation de l'article 745 est la seule mesure législative qui puisse donner des chances égales à tous les Canadiens sur ce chapitre. Ainsi, tous les criminels devraient purger 25 années complètes de leur peine de prison.

C'est intéressant d'entendre tous ces groupes qui sont en faveur de l'article 745 essayer d'en faire valoir l'utilité. Ils disent que peu de tueurs obtiennent une libération anticipée et que seuls 10 p. 100 de ceux qui l'obtiennent récidivent.

Parmi les raisons les plus pathétiques qu'on ait données de maintenir les révisions en vertu de l'article 745, il y a celle qui consiste à donner un certain espoir aux détenus. Cela les amène à tenter de donner une nouvelle orientation à leur vie. Par contre, les détenus qui ont peu d'espoir d'être jamais libérés pourraient devenir des éléments beaucoup plus dangereux en prison, s'ils n'avaient rien à perdre.

Une autre raison a rapport aux coûts. J'ai entendu beaucoup de chiffres quant aux coûts engagés, comme 76 000 $. Le chiffre qui revenait le plus souvent, c'est qu'il en coûte 45 000 $ par année pour garder un tueur en prison, tandis qu'il n'en coûte que 10 000 $ pour les surveiller durant leur libération conditionnelle. Si c'est si


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cher que ça, si le prix de leur détention est trop élevé, réglons ce problème. Je n'ai rien contre. Cela ne devrait pas être difficile.

Une autre des raisons invoquées, c'est que le Parlement avait créé la révision judiciaire à titre de compromis politique, lors de l'abolition de la peine de mort en 1976.

La dernière raison mentionnée, c'est que tous les meurtriers au premier degré ne se ressemblent pas nécessairement et que certains d'entre eux peuvent avoir remboursé leur dette envers la société après 15 ans. Ce n'est pas du tout l'enjeu de la question à mon avis.

Il est difficile d'imaginer que certaines personnes appuient l'article 745. Par exemple, selon le vice-président du Conseil canadien des avocats de la défense, l'article 745 ne devrait pas être abrogé. À son avis, certains pauvres criminels sont prêts à réintégrer la société après une longue période d'incarcération.

Comme l'a souligné mon collègue, le député de Calgary-Nord-Est, ces avocats de la défense sont des activistes qui souhaitent que le système pénal demeure une porte tournante car ainsi ils s'assurent de meilleurs revenus. Il ne faut pas oublier que certaines personnes gagnent leur vie grâce à ce genre de procédures.

J'ai écouté tous les arguments de ceux qui défendent l'article 745 et finalement, je crois malgré tout que nous n'avons pas à accorder de faveurs aux tueurs en leur permettant de demander une libération anticipée. Même songer à les libérer avant la date prévue équivaut à dire que nous ne les tenons pas responsables de leurs actes.

Notre système de justice est déjà trop indulgent. À ceux qui prétendent que ces criminels peuvent être réadaptés, je dis qu'ils pourront le prouver après avoir purgé entièrement leur peine de 25 ans et pas un instant plus tôt.

Franchement, peu m'importe si les espoirs d'un tueur sont limités parce qu'il n'a pas droit à une libération anticipée. Nous ne devons pas oublier que les familles des victimes n'ont absolument aucun espoir de revoir un jour leurs êtres chers. Il n'y a aucune réadaptation possible pour la victime dans sa tombe. Une fois pour toutes, nous devrions songer aux souffrances de ces gens. Voilà ce qui devrait occuper notre pensée.

Le gouvernement ne semble pas comprendre que tous les meurtres sont des gestes répréhensibles aux yeux des Canadiens. Il n'existe pas de bons meurtriers et de mauvais meurtriers. Un criminel ne devrait pas avoir droit à un traitement de faveur parce qu'il a commis un seul meurtre. Cette classification constitue une véritable insulte pour les familles des victimes d'un meurtre unique.

En classant les meurtriers en fonction du nombre de victimes, nous ajoutons un autre palier de bureaucratie à notre système qui ploie déjà sous le poids de la bureaucratie. Nous aurons un palier qui s'occupera des personnes coupables de plus d'un meurtre alors qu'un autre s'occupera des individus soi-disant moins dangereux qui n'ont tué qu'une personne. En fin de compte, cet article qui donne une lueur d'espoir aux assassins est plus bureaucratique et revient plus cher. Un individu coupable de meurtre au premier degré ne présentera pas sa demande directement à un jury mais aura un autre obstacle à franchir. La demande doit être adressée au juge d'une cour supérieure, mais à quel prix?

(1715)

Le projet C-45 prévoit une recommandation royale, ce qui signifie que des sommes supplémentaires seront dépensées. Avant que le projet de loi C-45 ne soit présenté, l'Association canadienne des chefs de police estimait le coût des audiences à 10 millions de dollars, chiffre basé sur 40 demandes par an.

Ce coût ne peut qu'augmenter compte tenu du fait que les détenus faisant une demande en vertu de l'article 745 auront maintenant le droit de faire appel plus souvent. Un requérant pourra interjeter appel devant une cour d'appel de n'importe quelle décision prise par un juge de cour supérieure et demander une révision judiciaire plus d'une fois.

Autrement dit, toute décision judiciaire de rejeter une demande peut faire l'objet d'un appel. Le droit absolu du requérant à une audience a été remplacé par un droit absolu à faire une demande d'audience et à interjeter appel de toutes décisions défavorables.

Il est clair à mes yeux que le processus favorise encore lourdement le détenu. L'accent continue à être mis sur le criminel et sur son comportement en prison ainsi que sur ses chances de réinsertion sociale. L'information concernant le crime initial, les détails et l'impact du crime n'entre pas en ligne de compte.

En outre, le meurtrier devra comparaître devant un jury dans la juridiction où il à été trouvé coupable. Cela signifie qu'il devra se déplacer, entraînant ainsi des frais supplémentaires. Cela augmentera également les risques puisque certains meurtriers devront être transportés à de grandes distances.

À mon avis, au lieu de faire une différence entre les meurtriers multiples et ceux qui n'ont tué qu'une personne, le ministre de la Justice, le spécialiste du génie social de notre gouvernement, aurait pu tout simplement recourir à un système de peines consécutives. Les peines consécutives permettraient au moins de reconnaître une certaine valeur à la vie. Par exemple, Clifford Olson aurait reçu 11 peines d'emprisonnement à perpétuité consécutives.

Dans notre système, il a tué une fois, puis la deuxième fois était gratuite, la troisième fois était gratuite, la quatrième fois était gratuite et ainsi de suite. C'est pas mal triste.

Le problème, c'est que notre ministre de la Justice ne semble pas comprendre vraiment la signification du meurtre. Par exemple, lors de la période des questions du 11 juin, le ministre laissait entendre qu'un meurtrier qui n'a tué qu'une fois mérite un traitement spécial en vertu de la loi.

Il a répondu à la députée de Beaver River: «Si la députée est incapable de saisir la différence entre les meurtriers qui tuent une personne et ceux qui font plus d'une victime, elle néglige, à mon avis, un aspect fondamental de toute cette question.» Je ne peux pas comprendre comment le ministre de la Justice d'un pays civilisé peut considérer que le fait de tuer une personne n'est pas aussi grave que le fait d'en tuer deux. Ce n'est qu'une de ses nombreuses explications de ce projet de loi.


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Je ne peux toujours pas comprendre pourquoi, alors qu'il a eu des années pour présenter quelque chose comme cela, il ait attendu qu'il ne reste que huit jours de séance, en juin, sachant très bien que le projet de loi ne pourrait pas être débattu convenablement dans une période aussi courte.

Comme le disait Darlene Boyd, le fait qu'on ait tardé à présenter cette mesure législative à la Chambre des communes afin de le faire adopter à toute vapeur est une preuve de couardise. Je suis tout à fait d'accord avec elle.

Une fois de plus, c'est un autre exemple de l'idée que se fait le gouvernement de la démocratie en action. Nous avons déjà parlé de cela aujourd'hui et je ne veux pas y revenir, mais la démocratie en action, pour ce gouvernement, n'existe qu'une fois tous les quatre ans et c'est le jour des élections.

Dans l'ensemble, personne ne peut être réellement satisfait de cette maigre tentative de remédier à un grave défaut de notre système judiciaire. L'article 745, même s'il est modifié, existe encore et le ministre de la Justice essaie simplement de dorer la pilule aux Canadiens. Mettez un peu de sucre et cela camouflera l'amertume de la potion.

Environ 600 détenus auront bientôt le droit de demander une révision judiciaire. C'est un problème qui ne disparaîtra pas. D'ici la fin du siècle, le système judiciaire pourrait avoir à procéder à une révision par semaine.

Comme le disait un éditorial du Calgary Sun: «Cette échappatoire du Code criminel qui permet à des meurtriers de demander leur libération anticipée est l'une des fraudes les plus honteuses perpétrées par les politiciens aux dépens des électeurs.»

(1720)

Je suis fier de dire que ce politicien et ceux qui représentent le Parti réformiste entendent bien remettre les pendules à l'heure. Une peine d'emprisonnement à vie pour un meurtre prémédité au premier degré, ça n'a rien à voir avec la réadaptation. Il s'agit d'infliger une peine juste et équitable à quiconque a supprimé une vie humaine.

Nous ne voulons absolument rien savoir du projet de loi C-45 et nous voulons qu'il soit bien clair que toutes les personnes déclarées coupables d'un meurtre au premier degré devraient recevoir une peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle d'aucune sorte avant 25 ans et, par conséquent, que l'article 745 du Code criminel soit abrogé. Nous n'accepterons rien de moins que sa suppression.

Il faut mettre fin immédiatement à ce travestissement de la justice qu'est cette disposition si nous voulons qu'à l'avenir les tueurs ne puissent pas acquérir ce droit en vertu de l'article 745. Cette proposition a reçu l'appui de 98 p. 100 des délégués du Parti réformiste qui ont assisté à notre assemblée en juin.

Elle est appuyée pleinement par l'organisation Victimes de violence, l'Association canadienne des policiers et une grande majorité de Canadiens d'un océan à l'autre. Des millions de signatures confirment cet appui. Qu'on abroge l'article 745. Qu'on cesse de le rafistoler. Nous ne pouvons pas entrer dans le XXIe siècle en faisant abstraction des lois qui ont modifié la peine prévue en cas de meurtre au Canada.

Les raisons éculées que donnent les libéraux, comme les facteurs économiques et le surpeuplement des prisons, ne tiennent plus, tout comme leurs grands discours pleins de compassion sur le remords, la réinsertion sociale, la dissuasion, le dédommagement ou toute autre excuse sur la détermination de la peine ou les directives sournoises qui sont données aux contrevenants, comme celles qu'a données le sénateur libéral Earl Hastings.

Il a conseillé aux criminels, lorsque viendrait le temps d'une révision judiciaire aux termes de l'article 745, d'exprimer du remords, de demander de l'aide juridique avant la 15e année et d'entretenir de bonnes relations et communications interpersonnelles. Développez des qualités de leadership. Comportez-vous parfaitement bien à l'approche de cette 15e année et vous serez libérés. Ce n'est rien d'autre que de la foutaise et de la fourberie. Les libéraux sont pleins de sensiblerie et ont des raisonnements qui ne tiennent pas debout.

L'emprisonnement à vie signifie à vie, rien de plus, rien de moins. J'ai beaucoup de mal à comprendre comment quiconque de ce côté-là de la Chambre peut laisser entendre un seul instant que les signatures qui figurent sur ces pétitions et que les messages que les libéraux reçoivent des milliers de personnes qui font partie de groupes de victimes dans le pays restent entièrement sans réponse. C'est très bien parce qu'ils ont toujours raison. Ils forment le gouvernement.

Le plus triste dans tout cela, c'est que 78 simples députés d'en face ont voté en faveur de l'abolition de cet article, il y a environ deux ans, car ils savaient que c'était la chose honorable à faire.

Ils vont maintenant faire volte-face et appuyer une demi-mesure. J'ai entendu dire que cela s'appelait un pas dans la bonne direction. À mon avis, ce n'est pas un pas dans la bonne direction. C'est de l'immobilisme. Cela n'a rien à voir avec ce qui nous occupe. La question est de savoir où sont les simples députés qui ont voté contre l'article

Ils ont dit à la Chambre qu'ils refusaient de voter pour. Que leur est-il arrivé? Laissez-moi deviner. Le premier ministre et l'ingénieur social de première classe ont peut-être dit: «Nous allons changer les choses un peu et, devinez quoi. Vous allez appuyer le projet de loi. Sinon, vous serez limogés ou punis.»

Le message est clair. Effectivement, le projet de loi a reçu un appui unanime des députés d'en face. Les 78 ont simplement disparu. C'est dommage.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ce n'est pas la tentation qui me manque de répondre à certaines interrogations du Parti réformiste concernant ce projet de loi. Je me retiendrai, parce que je pense qu'on s'éloigne un peu de l'article.

On peut débattre de tout ce qui a été fait, de tout ce qui se fait dans le domaine de la libération conditionnelle, les pour, les contre et le reste. Mais je pense qu'on a dit, dès le départ, qu'il y avait des choses, dans le projet de loi à l'étude, qu'on aurait voulu modifier, mais que, somme toute, c'était un projet de loi qu'on devait examiner avec beaucoup d'attention.


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(1725)

Pour ceux qui nous écoutent et qui entendent des débats philosophiques, mais qui ne savent pas trop sur quoi les députés vont voter, qui se demandent ce que comporte le projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle), il serait peut-être intéressant d'expliquer le contexte pour comprendre comment ça fonctionne, et surtout, pourquoi nous avons des réticences, nous, du Bloc québécois.

L'article 745 du Code criminel touchait déjà aux libérations conditionnelles et c'est cette partie que le ministre de la Justice veut modifier avec son projet de loi. Lorsqu'on regarde le sommaire de ce projet de loi, on voit qu'il y a trois points majeurs. Ce n'est pas une révolution de tout le Code criminel, c'est l'article 745. On peut voir que trois points majeurs sont touchés par les modifications.

Le premier retire aux personnes déclarées coupables de plus d'un meurtre le droit de demander une révision judiciaire; le deuxième introduit un mécanisme d'examen initial des demandes; et le troisième point exige que toute décision prise par un jury de réduire une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle soit unanime. Dans les faits, ce sont les trois points majeurs du projet de loi.

Il faut que les gens comprennent comme cela fonctionne. Dans un premier temps, l'individu qui est derrière les barreaux, comme on dit souvent dans le jargon, qui remplit les conditions de l'article 745, fait une demande par écrit selon les modifications proposées. Avant, cela pouvait se faire verbalement, mais maintenant, en vertu du paragraphe 745(1), on dit que la personne qui demande un bénéfice en vertu de l'article 745 doit le faire par écrit au juge en chef compétent de la province ou à un juge désigné pour l'application de cet article. C'est la première étape.

La deuxième étape est nouvelle, et c'est sur cela aussi qu'on a des réticences, au Bloc québécois, parce que c'est une première évaluation. C'est que le juge, avec les documents qu'il a, avec la demande, entre autres, avec le rapport fourni par le Service correctionnel du Canada ou tout autre document que le procureur général ou le requérant présente au juge, va décider, et pas n'importe quoi, il va décider, en se fondant sur les documents qu'il détient, si le requérant a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu'il existe une possibilité réelle que la demande soit accueillie.

Il y a déjà une évaluation faite par un juge compétent, un juge qui connaît la matière, et dont la valeur d'analyse est une possibilité réelle, une espèce de chance raisonnable que la demande du prévenu soit accueillie. Notre première réticence face à cela est qu'on ne donne pas de balises précises au juge. Cela va de son évaluation, oui, certes. Je comprends que les juges ont de l'expérience dans le domaine, qu'ils vont évaluer cela, qu'ils vont mesurer tout ça et qu'ils vont prendre une décision éclairée, mais j'aurais aimé avoir quelque chose de plus clair ou même que cette partie n'existe pas.

C'est la deuxième partie du processus. Après l'avoir fait par écrit, un juge examine tout cela et décide si oui ou non il va référer ce dossier à un autre juge pour qu'il convoque un jury. Naturellement, si le juge qui examine cela à la face même du dossier arrive à la conclusion que non, il n'y a pas de possibilité raisonnable qu'un jury bien instruit puisse accueillir la demande, c'est évident qu'il va la refuser.

Il y a deux possibilités selon l'amendement, soit de dire que le prévenu devra se présenter à nouveau devant un juge dans deux ans ou que le prévenu n'aura pas le droit de se présenter dans une période x, parce que son dossier n'est pas bon pour la libération conditionnelle, ou bien il ne dit absolument rien, il refuse, et la loi prévoit que le détenu pourra présenter une nouvelle demande dans les deux ans.

Au paragraphe 5 de l'article 745 si le juge dit oui, s'il décide que le requérant a démontré qu'il existe une possibilité réelle que la demande soit accueillie, le juge en chef charge un juge de la Cour supérieure de juridiction criminelle de constituer un jury pour entendre la demande.

Troisième étape, une autre évaluation, mais cette fois-ci devant un jury formé de 12 personnes. Le jury a toute une série de normes à respecter. Je n'ai absolument rien à dire sur les normes fixées par le ministre, elles sont conformes à la jurisprudence et à ce qui se fait présentement. Je n'ai absolument rien à dire sur ça.

Où j'ai un élément à ajouter, où ça accroche pour nous, les députés du Bloc québécois, c'est qu'on dit, au paragraphe 3 de l'article 745.3: «Le jury peut décider qu'il y a lieu de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant. La décision est prise à l'unanimité.» C'est ce sur quoi le Bloc québécois accroche: l'unanimité de 12 personnes. Il y a 12 personnes qui auront le dossier qui a déjà été examiné par un juge. Le juge a dit: «Oui, il y aurait une possibilité raisonnable que le requérant puisse convaincre un jury, on le transporte au jury.» Le jury composé de 12 personnes examine tout ça et doit arriver à une conclusion unanime. Ce sera très dur.

Finalement, si le gouvernement avait décidé qu'on devrait abolir l'article 745, on aurait dû le faire, mais sans imposer des normes excessives, parce qu'il s'agit de normes excessives que d'avoir l'unanimité sur un dossier semblable.

Monsieur le Président, vous m'indiquez qu'il ne me reste que deux minutes, alors que je croyais avoir droit à 20 minutes.

Le vice-président: À 17h30, nous passerons à l'étude des affaires émanant des députés.

M. Bellehumeur: Alors je résumerai très rapidement, monsieur le Président.

L'élément majeur que la loi recherche et avec lequel on est contre, c'est l'unanimité, puis surtout la rapidité avec laquelle le gouvernement veut adopter ce projet de loi. C'est pourquoi mon collègue, le député de Bellechasse, a déposé un amendement, pour nous permettre un délai supplémentaire de six mois pour examiner, étudier ce projet de loi et peut-être l'améliorer. On sent que le gouvernement est précipité dans ce dossier, alors qu'il s'agit d'un projet de loi qui mérite une grande attention.

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Le vice-président: Comme il est 17h30, la Chambre abordera maintenant l'étude des Affaires émanant des députés, selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________


4479

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 16 mai, de la motion: Que le projet de loi C-201, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, le 29 février de cette année, j'ai appuyé le projet de loi C-201 que mon honorable collègue, le député de Prince George-Bulkley Valley a présenté et je voudrais le remercier de me donner l'occasion de parler de ce projet de loi et d'y apporter mon appui.

Il s'agit de la deuxième lecture du projet de loi. Un comité de la Chambre a jugé qu'il pouvait faire l'objet d'un vote. Fondamentalement, ce projet de loi modifierait le paragraphe 255(3) du Code criminel du Canada pour imposer une peine minimale de sept ans à toute personne reconnue coupable d'avoir conduit avec des facultés affaiblies et d'avoir ainsi causé la mort d'une autre personne.

Il s'agit d'une mesure législative connue sous le nom de projet de loi d'initiative parlementaire qui mérite vraiment l'appui de tous les députés. J'espère sincèrement que le premier ministre permettra la tenue d'un vote libre sur cette question et que tous les députés examineront cette mesure, mettront de côté leur allégeance politique, suivront le débat et souscriront à ce projet de loi.

Avant de me pencher sur les nombreuses raisons qui justifient cette mesure, je voudrais demander aux députés de s'imaginer un instant ce que nous devons faire pour que l'on considère sérieusement la conduite avec facultés affaiblies comme un type de comportement extrêmement grave, qu'on ne devrait pas tolérer dans notre société.

(1735)

Nous avons fait beaucoup pour sensibiliser les Canadiens et les convaincre qu'ils ne devraient pas conduire avec des facultés affaiblies. Une grande partie de nos efforts ont été pris au sérieux, mais les efforts ne changent pas toute la donne. Il faut envoyer d'autres messages à la société pour montrer à quel point la question est grave. Personne ne devrait conduire avec des facultés affaiblies. Tuer quelqu'un dans ces conditions revient à commettre un homicide involontaire, et c'est inacceptable.

Le projet de loi pourrait sauver des vies, et il y parviendra peut-être mieux que d'autres mesures législatives que le ministère de la Justice a présenté. À mon avis, de bonnes lois et un châtiment appropriés ne confèrent pas nécessairement plus de bonté aux gens, mais ils limitent le mal et le comportement inacceptable. C'est pourquoi il convient d'appuyer ce projet de loi.

On peut comparer le conducteur ivre sur une grande route à une grenade dotée d'une minuterie qui traîne sur un terrain de jeux. La grenade est dégoupillée, mais personne ne connaît le mécanisme de la minuterie qui déclenche l'explosion. Au moment de l'explosion, on ignore s'il y aura quelqu'un au terrain de jeux ou s'il n'y aura personne parce que ce sera au milieu de la nuit. Il est possible aussi qu'il y ait beaucoup de monde.

C'est la même chose quand un conducteur ivre est au volant sur une grande route. Il ne peut pas contrôler tout à fait son véhicule et réagir comme il faut s'il survient quelque chose à l'improviste. Nous ne pouvons pas tolérer que quelqu'un place une grenade dans un terrain de jeux en ignorant le moment où elle explosera. Nous ne devrions pas tolérer davantage le conducteur ivre qui roule sur une grande route. C'est pourquoi ce projet de loi est vraiment important.

Outre ce que je viens de dire, voici quelques-unes des raisons qui m'incitent à appuyer cette importante mesure. Les conducteurs ivres tuent trois fois plus de personnes que les meurtriers. Cela fait beaucoup de monde en comparaison du nombre de victimes de meurtre. Même si le Code criminel prévoit une peine maximum de 14 ans pour conduite en état d'ébriété lorsqu'il y a mort d'homme, les peines, dans les faits, ne dépassent pas quatre ans. Je le demande aux députés: est-ce que la vie d'une personne ne vaut pas plus que cela?

Par l'entremise des tribunaux, nous devons faire comprendre à notre société qu'il s'agit d'un crime très grave et qu'il faut respecter la loi. Des peines aussi légères ne sont pas une dissuasion suffisante pour ceux qui continuent de conduire en état d'ébriété, sans être en possession de toutes leurs facultés. Les peines ne sont pas à la mesure de l'inquiétude que ces crimes suscitent dans le public. Les conducteurs éméchés sont responsables de 90 p. 100 des collisions fatales dans lesquelles ils sont impliqués. C'est un pourcentage inacceptable.

Si ce carnage sur nos routes continue, c'est en grande partie à cause de l'indulgence des tribunaux. Si on imposait une peine d'au moins sept ans au conducteur en état d'ébriété qui a tué quelqu'un, on signifierait avec beaucoup d'éloquence que la société ne tolère pas ce genre de comportement.

Voici quelques faits qu'il importe de rappeler, me semble-t-il. De 40 à 70 p. 100 des conducteurs en état d'ébriété ont déjà commis par le passé des infractions liées à l'alcool. Ils savent qu'ils ont un problème. Il faut de 200 à 2000 cas de conduite en état d'ébriété pour qu'il y ait une seule arrestation. Pas une condamnation, mais une simple arrestation. Et 57 p. 100 des inculpés ont commis une infraction semblable dans les cinq années précédentes. Les accusations pour conduite en état d'ébriété tombent ou sont réduites dans 40 p. 100 des cas. Il faut que nos tribunaux punissent ces crimes plus sévèrement.

(1740)

Le projet de loi C-201 a reçu l'appui de nombreux organismes. En voici quelques-uns: Mothers Against Drunk Drivers, Canadian Youth Against Impaired Driving, Élèves ontariens contre l'ivresse


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au volant, Nepean Committee Against Impaired Driving, Friends and Family Against Drunk Driving.

Je crois savoir que l'on a fait circuler auprès des députés ministériels des documents mettant en doute l'appui des Mothers Against Drunk Drivers, MADD Canada. Je me permets de citer des passages de deux lettres envoyées au député de Prince George-Bulkley Valley. Le 20 mars 1996, M. Jim Wideman, directeur exécutif de MADD Canada, écrivait ceci:

Au nom du conseil d'administration de MADD Canada, je tiens à réitérer notre appui au projet de loi C-201 d'initiative parlementaire. Je sais que d'autres lettres ont été adressées au cabinet de M. Rock. Je tiens à répéter que le conseil national de MADD Canada, nos sections locales et nos membres appuient de tout coeur le projet de loi C-201.
Le 16 mai 1996, Jane Meldrum, présidente des Mothers Against Drunk Drivers Canada, écrivait ceci:

Je crois comprendre qu'au cours de la dernière heure de débat, le député de Prince Albert-Churchill River est intervenu à la Chambre des communes et a fait allusion à la lettre de MADD Canada en laissant entendre que MADD n'appuyait pas le projet de loi. Cette lettre a été écrite par un membre du conseil d'administration de MADD Canada et reflétait l'opinion de cette personne en tant qu'individu et non celle du conseil d'administration. Cette lettre n'avait pas été approuvée par le comité exécutif du conseil d'administration, et il n'avait pas été approuvé qu'elle soit rédigée sur du papier à en-tête de MADD Canada. L'auteure de la lettre en a été avisée et a été priée de se rétracter.
Je voudrais maintenant profiter des quelques instants qui me restent pour répliquer à deux autres critiques formulées contre le projet de loi.

Nous avons entendu quelques députés libéraux d'arrière-ban qui disaient s'opposer à cette modification parce que la peine minimale serait incompatible avec les dispositions d'autres articles du Code criminel touchant l'établissement de la peine, notamment l'article 220 ayant trait au fait de causer la mort par négligence criminelle.

Bien que nous remercions nos collègues de nous l'avoir signalé, la solution ne consiste pas à s'opposer au projet de loi, mais plutôt à proposer un amendement ou à présenter un autre projet de loi visant à rendre compatibles les dispositions touchant l'établissement de la peine.

Nous en avons entendu d'autres qui disaient craindre que la peine minimale obligatoire n'incite les individus accusés d'avoir causé la mort d'autrui en conduisant avec les facultés affaiblies à ne pas plaider coupable, ce qui aurait pour effet d'engorger davantage les tribunaux et de causer plus de chagrin à la famille des victimes. Selon l'un des plus grands principes de notre système de justice criminelle, la peine doit être proportionnelle au crime commis. Il est manifeste que les personnes qui conduisent en état d'ébriété s'en sortent encore assez bien.

Si la peine moyenne imposée aux personnes reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort d'une autre personne correspondait à la moitié de la peine maximale de 14 ans prévue au paragraphe 255(3), je serais satisfait, mais ce n'est pas le cas. Ces contrevenants se voient imposer, en moyenne, une peine variant entre un an et quatre ans. Je crois que la majorité des Canadiens conviendraient qu'une telle peine n'est pas proportionnelle au crime commis.

En ce qui concerne les droits et les intérêts des familles des victimes, il convient, je crois, que les familles puissent tourner la page et surtout avoir l'impression que la peine imposée au meurtrier est raisonnable. Les familles des victimes ont aussi besoin de savoir que la mort de leur être cher n'a pas été inutile, que la peine imposée pourra, d'une façon ou d'une autre, prévenir la mort d'une autre innocente victime. Voilà à quoi sert une peine minimale obligatoire. Et voilà pourquoi des milliers de Canadiens nous ont exhortés à appuyer ce projet de loi.

Enfin, nos détracteurs affirment que l'imposition d'une peine minimale de sept ans d'emprisonnement aux personnes reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort d'une autre personne sera contestée. On allèguera qu'une telle peine va à l'encontre de la Charte des droits et libertés, puisqu'il s'agit d'une peine cruelle et inhabituelle. À ceux qui pensent vraiment que cette peine est cruelle et inhabituelle, je recommande de mener un sondage auprès de toutes les familles qui ont perdu un être cher, tué par un conducteur en état d'ébriété.

Même si des avocats n'attendent que l'occasion de faire de l'argent en contestant la constitutionnalité de l'imposition d'une peine d'emprisonnement de sept ans pour conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort d'une personne, même si le gouvernement est disposé à payer, dans le cadre du Programme de contestation judiciaire qu'il vient de ressusciter, un avocat pour contester cette peine et même si des juges pourraient se ranger à leur avis, le gouvernement perdra sa cause, du moins aux yeux des juges les plus importants, les citoyens de notre pays.

Franchement, je crois que nous devons appuyer ce projet de loi. J'estime avoir présenté des arguments solides qui sauront, j'espère, convaincre tous les députés.

(1745)

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais partager mon temps de parole avec le député de Sarnia-Lambton, qui appuie lui aussi le projet de loi.

Le vice-président: Je signale au député que le débat se termine à 18 h 11, ce qui devrait laisser le temps aux deux députés d'intervenir. Je ne suis pas certain que, lors de l'étude d'une initiative parlementaire, on puisse partager dix minutes en deux blocs de cinq minutes autrement qu'avec le consentement unanime de la Chambre. Cependant, s'il y a consentement unanime, c'est certainement possible. Le député peut sans doute expliquer ce qu'il en pense et le temps que ceci va prendre ne sera pas déduit de son temps de parole.

M. Hanger: Je demande le consentement unanime de la Chambre.

Le vice-président: Très bien. Y a-t-il consentement unanime pour que la période de dix minutes soit partagée en deux?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Il y aura donc deux interventions de cinq minutes chacune.

M. Hanger: Monsieur le Président, les conducteurs avec facultés affaiblies tuent des Canadiens innocents. Personne à la Chambre ne conteste quelque chose d'aussi évident. Il convient donc de se demander dans quelle mesure nos lois dissuadent les conducteurs


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avec facultés affaiblies de prendre place derrière leur volant. Je voudrais enrichir le débat de l'expérience que j'ai acquise de première main en travaillant comme policier pour la ville de Calgary pendant 22 ans.

Premièrement, je puis dire sans hésitation que le paragraphe 255(3) du Code criminel qui est actuellement en vigueur et qui vise les conducteurs avec facultés affaiblies responsables de la mort d'autrui n'est pas assez sévère. Si je dis qu'il n'est pas suffisamment sévère, c'est qu'il ne s'agit absolument pas d'une disposition dissuasive efficace. À mon avis, bien des vies seraient sauvées si la peine prévue pour la conduite avec facultés affaiblies était renforcée, c'est-à-dire davantage dissuasive.

À mes collègues qui prônent l'indulgence envers les criminels, je tiens à préciser que la notion et la définition de dissuasion se limitent précisément à la dissuasion. Les instruments clés de la dissuasion sont la certitude et la sévérité de la peine. La dissuasion empêche des crimes et sauve des vies. Si d'éventuels contrevenants décident de commettre moins de crimes après avoir pris en considération les risques et la sévérité de la peine auxquels ils s'exposent, il est logique que le nombre de personnes désireuses de commettre des crimes diminue lorsque le risque d'être puni augmente.

Par conséquent, la modification au Code criminel que propose aujourd'hui mon collègue de Prince George-Bulkley Valley est non seulement une bonne mesure législative, mais elle est aussi réclamée désespérément par les travailleurs de première ligne que sont les policiers, les procureurs généraux, les avocats de la Couronne, ceux-ci voyant en elle un moyen de dissuader tous les conducteurs avec facultés affaiblies.

Actuellement, l'article 255 du Code criminel prévoit une peine d'emprisonnement maximale de 14 ans pour le conducteur avec facultés affaiblies qui cause la mort d'autrui. Le projet de loi proposé aujourd'hui obligerait un juge à infliger une peine d'emprisonnement minimale de sept ans à quiconque serait trouvé coupable de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort d'un être humain.

Je puis vous relater un accident qui s'est produit dans ma propre circonscription. Il n'y a pas si longtemps, un conducteur avec facultés affaiblies a écrasé un garçon de sept ans. Il l'a traîné sur une certaine distance. Le garçon est mort. Le conducteur a regardé son corps sur la route, puis il est remonté dans sa voiture et a pris la fuite. Le procès a finalement eu lieu, et le conducteur de la voiture n'a été condamné qu'à neuf mois d'emprisonnement. C'est tout à fait insuffisant. Voilà qui montre bien que les conducteurs avec facultés affaiblies bénéficient de peines beaucoup trop clémentes de la part des tribunaux canadiens.

Permettez-moi toutefois de dire que le système de justice pénale au Canada se trouve à la croisée des chemins. Deux visions s'affrontent quant à l'orientation future de ce système de justice. Selon un point de vue colporté par des socialistes, on peut remédier à l'incapacité du système de justice pénale d'endiguer l'augmentation de la criminalité à long terme à l'aide de la criminologie de l'État-providence. Ce point de vue se fonde sur la croyance que la solution au comportement criminel consiste à rediriger vers des mesures de rechange et l'incarcération les ressources consacrées à la punition du crime.

En ce qui concerne les mesures de remplacement, que va-t-il arriver au juste maintenant avec cette disposition relative à une personne ayant conduit avec facultés affaiblies, voire peut-être à un conducteur en état d'ébriété risquant de tuer quelqu'un. Si un conducteur en état d'ébriété est condamné à neuf mois pour avoir tué quelqu'un, à quoi vont servir les mesures de remplacement? Ces gens-là rétorquent que le crime est un produit de la société et que le remède le plus efficace est que l'État intervienne à l'aide de programmes comme des prestations d'aide sociale accrues et d'autres expériences sociales financées par les impôts.

Trente ans après l'établissement des premiers programmes de criminologie et de pénologie libérales, les crimes violents ont augmenté de 400 p. 100. Je ne vois pas pourquoi la conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort ne devrait pas être considérée comme un crime violent. Les crimes contre la propriété ont augmenté de 500 p. 100 et les conducteurs en état d'ébriété continuent d'estropier et de tuer des innocents. C'est pourquoi il est temps de modifier notre système de justice pénale pour qu'il serve davantage d'outil de dissuasion par l'application de lignes directrices strictes pour les crimes graves. La conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort tombe certainement dans cette catégorie.

(1750)

Quiconque doute de la nécessité de ce genre de loi devrait songer aux peines indulgentes qu'infligent des juges trop cléments. Faisons le tour du pays. La cause R. contre Lewis, au Nouveau-Brunswick, 1992: L'accusé tue une femme après avoir traversé la ligne du centre de la route. Il reçoit une peine d'un an d'emprisonnement. R. contre McLean, Ontario 1990: l'accusé frappe une motocyclette et en tue le conducteur. Il ne reçoit qu'une peine de deux ans d'emprisonnement. R. contre Elkas, Ontario, 1990: Elkus emboutit l'arrière d'une voiture et tue deux personnes. Malgré un lourd casier judiciaire, il ne reçoit qu'une peine de quatre ans d'emprisonnement.

Examinons certains faits. En 1994, 87 838 personnes ont été accusées de conduite avec facultés affaiblies. La même année, 1 414 personnes ont péri dans des accidents causés par la conduite avec facultés affaiblies, ce qui est trois fois plus élevé que le nombre de meurtres. Quatre-vingt-dix pour cent des conducteurs avec facultés affaiblies sont les principaux responsables des accidents mortels dans lesquels ils sont impliqués. Sur les 1 315 décès survenus en 1993 à la suite d'accidents de la route en Ontario, 565 étaient reliés à l'alcool. Et je pourrais donner beaucoup d'autres statistiques.

Je termine en disant que tous les députés ont l'occasion de faire quelque chose pour contrer ce genre de crime. Je les exhorte tous à voter en faveur de ce projet de loi.

M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le projet de loi C-201, qui, nous le savons maintenant, vise à modifier le paragraphe 255(3) du Code criminel, qui a trait à la conduite avec facultés affaiblies.

Je ne reviendrai pas sur l'historique du projet de loi. Je sais que l'essentiel a été dit à ce sujet. On a beaucoup parlé des victimes. Je crois que tous les députés présents et probablement ceux qui nous regardent à la télévision connaissent quelqu'un ou une famille qui a été touché de près par la situation dont il est ici question.


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Je m'arrêterai à un aspect précis du projet de loi. J'ai entendu quelqu'un affirmer que toute sentence minimale portait atteinte au pouvoir discrétionnaire des tribunaux. En règle générale, je crois que c'est vrai. Il est clair que nous ne voulons pas amoindrir le pouvoir discrétionnaire des tribunaux.

Les juges doivent tenir compte de tous les faits et prendre en considération tous les éléments de preuve et ce n'est qu'après cela qu'ils peuvent rendre une sentence. C'est pourquoi, en règle générale, nous ne prévoyons pas de sentences minimales dans nos lois. Nous imposons un maximum. Dans le cas de l'article 255, il est de 14 ans. Cependant, nous parlons ici de cas d'exception. Il y a toujours des exceptions. En droit, ne dit-on pas qu'il y a toujours des exceptions à la règle?

Le député a mis le doigt sur un sujet qui est devenu un problème au Canada: trop de gens conduisent en état d'ébriété. Selon les statistiques les plus récentes, environ 8 000 personnes ont été accusées de conduite avec facultés affaiblies, mais le plus important, c'est que cette infraction a été la cause de plus de 1 400 décès en 1994. À mon sens, la donnée la plus éloquente c'est que le nombre de victimes correspond à un taux trois fois supérieur au taux d'homicide.

Certains pourraient soutenir que, puisque nous n'imposons pas de peine minimale pour les auteurs d'homicides, nous ne devrions pas en imposer non plus pour ceux qui se rendent coupables de conduite avec facultés affaiblies. Mais la réplique est simple. Nous reconnaissons que les meurtres peuvent être commis pour différents motifs. Certains sont prémédités, mais, la plupart du temps, ce sont des crimes passionnels, c'est-à-dire qu'ils sont commis sous l'impulsion du moment.

(1755)

La conduite avec facultés affaiblies comporte deux étapes. Il faut d'abord que la personne se mette dans un état où ses facultés sont affaiblies et cet acte ne se commet pas sous l'emprise de la passion. Cela ne se produit pas sous l'impulsion du moment. Nous pouvons, dans la plupart des cas, le prévenir. Je reconnais qu'il y a des personnes qui ont un problème de dépendance, mais les gens peuvent, dans une certaine mesure, décider de consommer de l'alcool ou de s'abstenir. Les personnes qui consomment de l'alcool devraient se rappeler qu'elles ont laissé une automobile tout près.

Lorsqu'un individu se retrouve avec les facultés affaiblies, il perd tout jugement. C'est la cause des problèmes que nous avons présentement sur les routes au Canada. En 1994, 1 400 personnes ont été tuées, non pas victimes de meurtre passionnel ou d'un acte commis sous l'impulsion du moment, mais par un automobiliste qui n'aurait pas dû être au volant de son véhicule. Je le répète, nous connaissons tous quelqu'un qui a été victime d'un conducteur avec facultés affaiblies.

On a dénombré 1 400 victimes en 1994. C'est trois fois plus que le nombre de personnes victimes de meurtre ou de crime passionnel. Cette situation pose un problème. La Chambre prend des mesures pour régler les problèmes. C'est notre devoir de le faire. C'est pourquoi je félicite le député qui a agi en ce sens.

Je voudrais parler de la question de la peine minimale. J'ignore si une peine de sept ans est suffisante. J'ignore si une peine de deux ans est suffisante, mais je sais que nous devons nous attaquer au problème. La situation actuelle le commande.

Certains disent qu'on pourrait consacrer à une campagne d'éducation l'argent qui est utilisé pour incarcérer les gens. Depuis des années, les provinces font des campagnes d'éducation comportant notamment des contrôles routiers, des vérifications au hasard. Il y a aussi le programme RIDE en Ontario. Ces mesures ont permis dans une certaine mesure d'améliorer la situation. Chaque année, on trouve de nouvelles façons de réagir à cette situation. Cela n'a aucun effet sur certains. La sensibilisation n'agit pas sur eux non plus. Il en résulte que nous devons prendre de nouvelles mesures extraordinaires pour dire aux gens qu'ils peuvent choisir ce qu'ils boivent. Nous devons dire aux gens de réfléchir avant de monter dans leur voiture s'ils ont pris un verre, parce qu'ils deviennent alors un danger sur la route.

Le temps est venu pour nous de renvoyer ce projet de loi au comité et de laisser le comité décider si sept ans, c'est trop sévère, si trois ans, ou peut-être un an, conviendrait mieux. En principe, je pense qu'il n'y a pas de doute que nous devons envisager l'adoption d'une peine minimale.

Cela ne veut pas dire que nous voulons empiéter sur les pouvoirs discrétionnaires des tribunaux. Cela veut dire que nous croyons que ce sont là des circonstances extraordinaires et qu'il faut leur donner les paramètres des conséquences minimales et maximales, plutôt que maximales seulement.

C'est ce que veulent les Canadiens. Il n'y a pas de piège. C'est simplement une exception à la règle. C'est une exception faite à nos règles normales de jurisprudence, mais il s'agit d'un problème exceptionnel et il arrive parfois que nous devions prendre des mesures exceptionnelles pour y faire face.

(1800)

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais d'abord dire que je ferai de mon mieux pour réserver un peu de temps, afin que mon collègue le député de Skeena puisse prendre la parole pendant quelques instants. Toutefois, si c'était impossible nous aimerions que vous nous indiquiez qu'il reste une minute, à 18 h 05 pour que le parrain du projet de loi, le député Prince George-Bulkley Valley puisse disposer de cinq minutes.

Je suis heureux d'intervenir aujourd'hui en faveur du projet de loi C-201, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies). C'est un projet de loi dont nous avons grand besoin au Canada. Il y a longtemps qu'on l'attendait et il mérite l'appui des députés des deux côtés de la Chambre.

Je demande aux députés de s'abstenir de toute intervention empreinte de parti pris afin de permettre l'adoption de ce projet de loi. Je m'abstiendrai quant à moi de toute insinuation politique. Tout ce que je demande en échange, c'est que les députés des deux côtés de la Chambre en fassent autant de façon à éviter les attaques politiques qui semblent caractériser nos délibérations.

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Je crois fermement que la question dont nous sommes saisis transcende les différences politiques et devraient nous unir dans une cause commune. Ce projet de loi n'est représentatif d'aucun parti politique. Il a seulement pour but de protéger les Canadiens. Ni plus ni moins.

Nous avons tous entendu des histoires horribles liés à des accidents dus à la conduite avec facultés affaiblies. Le carnage que font ces accidents chaque année n'a aucun sens, est tragique et doit cesser. Je ne me fais pas d'illusions. L'adoption de ce projet de loi va entièrement empêcher que des gens ne meurent dans des accidents dus à la conduite avec facultés affaiblies. Néanmoins, il contribuera à donner à la famille et aux amis des victimes le sentiment de pouvoir tourner la page, que justice a été faite.

Le plus important dans ce projet de loi est peut-être l'effet de dissuasion qu'il aura sur les nouveaux conducteurs. Ce sont eux qui peuvent être initiés aux dangers de la conduite avec facultés affaiblies alors que seule une peine de sept ans minimum ne pourra arrêter les récidivistes.

Les organisations comme Mothers Against Drunk Driving et les Élèves ontariens contre l'ivresse au volant diront qu'on ne peut plus tolérer le statu quo quant à la détermination de la peine. Ils ont vu trop de tragédies et enterré trop d'êtres chers.

Nous avons tous entendu les histoires. Chaque député à la Chambre en a une à raconter. Je vais vous en raconter une autre. Il s'appelait David Peters. C'était un jeune homme de 25 ans, fils, frère et ami de quelqu'un. Le 24 juin 1989, il conduisait sa motocyclette sur la rue Albion, au sud par rapport à l'endroit où nous nous trouvons. Une voiture qui roulait très vite a traversé la ligne jaune et l'a frappé de front. Il a été tué sur le coup. Le conducteur et les passagers de la voiture ont été conduits à l'hôpital. Ils souffraient de blessures diverses.

Le conducteur a été par la suite inculpé pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort. Au bout du compte, il s'en est sorti libre. Il ne s'est vu infliger aucune peine de détention. La famille et les amis de David Peters étaient ravagés. Une vie a été supprimée et ils méritaient au moins de voir le coupable puni. Pourtant, ils se sont résignés au fait que ce cruel scénario se répétait maintes fois chaque année.

Le député de Prince George-Bulkey Valley l'a déjà dit, mais cela mérite qu'on le répète. Les victimes ne devraient pas payer le prix de la conduite avec facultés affaiblies. Voici quelques chiffres officiels dont les députés ont déjà un peu entendu parler et qui prouvent l'étendue du problème.

Un éditorial paru en 1992 dans le Sun d'Ottawa indiquait que plus de 13 000 personnes avaient été tuées ou blessées cette année-là parce que quelqu'un conduisait en état d'ivresse. En 1994, la conduite en état d'ivresse a coûté la vie à 1 414 personnes. C'est environ trois fois le nombre de personnes assassinées au Canada, mais on peut dire que c'est la même chose. Il s'agit bien de meurtres. Réfléchissez à ce chiffre, 1 414 personnes.

Si cette enceinte était quatre fois plus grande, toutes ces personnes n'y tiendraient pas. En 1993, 1 315 personnes ont été tuées dans des accidents de la route en Ontario. Pour 565 d'entre elles, l'alcool a joué un rôle. Les peines prévues pour ce genre de crime, surtout s'il y a perte de vie, ne sont pas assez sévères. C'est la raison d'être de ce projet de loi.

Il n'a pas d'autre motif que de rendre justice aux familles des victimes et d'imposer des peines plus justes.

(1805)

J'aimerais terminer là-dessus et exhorter à nouveau les députés à mettre de côté leurs différences politiques et, s'il vous plaît, à voter en faveur de ce projet de loi.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, je serai bref car je sais que mon collègue de Prince George-Bulkley Valley aimerait dire quelques mots pour clore le débat.

Je sais qu'il a présenté ce projet de loi à cause d'un horrible accident survenu dans sa circonscription. Mais cette mesure législative a aussi une signification très nette pour les gens de ma circonscription où un père et ses deux enfants ont été tués par un conducteur en état d'ébriété qui avait déjà été condamné deux fois pour le même genre de délit.

La victime, M. Jim Ciccone, a vécu à Prince Rupert pendant de nombreuses années. Les victimes de cet accident ne furent pas uniquement la famille, les parents et les amis de M. Ciccone. Toute la collectivité de Prince Rupert a été touchée car cette famille était bien établie au sein de cette communauté. C'étaient des membres très importants de cette collectivité, qui étaient bien connus et bien considérés. Je ne peux pas exprimer combien cette famille était importante à la collectivité.

Il a suffi d'une soirée de beuverie, après laquelle le coupable a pris le volant, pour que trois membres de cette famille soient tués. La population de Prince Rupert et, j'en suis sûr, tous les membres survivants de la famille Siccone ont attendu de savoir ce qui arriverait à cette personne. Puis la peine a été annoncée, trois ans et demi de prison, guère plus d'un an pour chacune des vies anéanties par une personne qui, depuis longtemps, faisait fi de la loi et conduisait en état d'ébriété.

Qu'est-ce qu'on dit à la famille de M. Siccone lorsque le responsable reçoit une peine de ce genre? Est-ce toute la valeur que l'on accordait à ces vies? La question que nous avons devant nous aujourd'hui est: Sommes-nous prêts à faire quelque chose au sujet de cela ou allons-nous simplement continuer à parler pendant que de tels accidents criminels continuent de se produire et que les gens continuent de mourir?

Le vice-président: Le député de Prince George-Bulkley Valley va maintenant clore le débat.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de clore le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-201.

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Je le fais au nom de toutes les victimes des conducteurs avec facultés affaiblies et au nom des familles de ces victimes et, malheureusement, je le fais aussi au nom des futures victimes des conducteurs avec facultés affaiblies.

La conduite avec facultés affaiblies est une question qui touche toute les régions de notre pays. Je suis même convaincu qu'il n'y a personne à la Chambre ce soir qui n'a pas entendu parler de quelqu'un, d'une famille, d'un parent qui a été victime d'un conducteur avec facultés affaiblies. Cette question touche tout le monde.

Beaucoup de provinces au Canada ont pris des mesures positives pour régler le problème de la conduite avec facultés affaiblies, et nous en sommes heureux. Mais aucune mesure n'a été prise au niveau fédéral, aucun changement n'a été apporté au Code criminel pour montrer aux Canadiens que le Parlement du Canada prend la question de la conduite avec facultés affaiblies très au sérieux, changement qui refléterait un degré de tolérance zéro à l'égard de la conduite avec facultés affaiblies. Le temps est venu d'agir en adoptant ce projet de loi.

Depuis le dépôt du projet de loi C-201, le Parlement et le bureau du ministre de la Justice ont reçu plus de 25 000 signatures en faveur de ce projet de loi.

Je me suis rendu hier sur le mail de la rue Sparks, où nous avons parlé à plus d'une vingtaine de personnes. Les médias y étaient. Nous voulions savoir ce que les gens ordinaires pensaient du projet de loi. Tous lui accordaient leur appui.

Les libéraux savent que ce projet de loi recueille l'appui de millions de Canadiens qui en ont assez du laxisme dont les tribunaux font preuve à l'endroit des conducteurs aux facultés affaiblies qui tuent des gens.

Ce projet de loi reçoit également l'appui de nombreuses associations de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies partout au Canada, principalement MADD Canada, Canadian Students Against Impaired Driving, Ontario Students Against Impaired Driving et le Nepean Association Against Drunk Driving. Ce projet de loi mérite de recevoir l'attention du gouvernement libéral.

Comme on l'a fait remarquer plus tôt, il y a eu hier à la Chambre une tentative délibérée, que je trouve vraiment déplorable, qui a été menée au nom du gouvernement pour désinformer les députés libéraux. Les députés qui ont pris la parole plus tôt l'ont signalée. On a tenté de faire croire aux député libéraux que MADD Canada n'appuyait pas le projet de loi.

Je trouve honteux que les responsables de l'autre parti aient fait circuler cette lettre dans le but délibéré de désinformer les députés et de saboter ce projet de loi à la veille même du vote dont il doit faire l'objet. Ils savaient sans l'ombre d'un doute, parce que nous en avions discuté au printemps, que MADD Canada, qui compte 110 000 membres d'un bout à l'autre du pays, est totalement d'accord avec ce projet de loi. Toutefois, ils savaient que ce projet de loi a l'appui d'un grand nombre de députés libéraux à la Chambre, ils ont tenté, par des manoeuvres de désinformation, de saboter son processus d'adoption. J'ai honte de leur action et j'ai honte pour eux.

Le projet de loi C-201 n'est pas une baguette magique qui éliminera la conduite avec facultés affaiblies, mais c'est une première étape importante. Il faudra prendre d'autres mesures avant de réussir à empêcher cette forme de criminalité. Renvoyons ce projet de loi au Comité de la justice afin qu'on puisse convoquer des témoins, discuter de sa valeur et lui accorder l'attention qu'il mérite.

En terminant, je veux dire à tous les députés libéraux qui comptent voter contre ce projet de loi, s'il y en a, de se poser la question suivante: «Pourrais-je rencontrer la famille d'une victime d'un chauffeur aux facultés affaiblies et lui expliquer pourquoi je n'appuie pas ce projet de loi?» Je leur demande d'y réfléchir.

Le vice-président: Chers collègues, conformément à un ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la motion est réputée avoir été mise aux voix, le vote par appel nominal étant reporté au mardi 24 septembre 1996, à la fin de la période des initiatives ministérielles.

[Français]

Comme il est maintenant 18 h 12, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain à 10 heures.

(La séance est levée à 18 h 12.)