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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 8 octobre 1996

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

PÉTITIONS

LE REGISTRE NATIONAL DES PÉDOPHILES

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 5203

LE CODE CRIMINEL

LA MAIN-D'OEUVRE ENFANTINE

LES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES MESURES EXTRATERRITORIALES ÉTRANGÈRES

    Projet de loi C-54. Étape du rapport 5204

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

MOTIONS D'AMENDEMENT

    Motions nos 2 à 5 inclusivement 5205
    Adoption de la motion no 1 5210
    Adoption de la motion no 3 5212
    Adoption de la motion no 4 5212
    Adoption de la motion no 5 5212
    Adoption de la motion d'approbation 5212

LA LOI SUR LA MARINE MARCHANDE

    Projet de loi C-58. Motion 5212
    Adoption de la motion; renvoi du projet de loi àun comité 5215

LOI SUR LES OCÉANS

    Projet de loi C-26. Reprise de l'étude entroisième lecture 5215
    M. Chrétien (Frontenac) 5215
    M. Bernier (Gaspé) 5218
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 5219
    M. Bernier (Gaspé) 5230

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LES ENSEIGNANTS

LE CENTRE D'INTERPRÉTATION DE LA CANNEBERGE

L'AGRICULTURE

    M. Hill (Prince George-Peace River) 5236

LES VOIES FERRÉES

LA VIOLENCE

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 5237

L'ÉCOLE SECONDAIRE PARKDALE COLLEGIATE INSTITUTE

LEONARD BIRCHALL

LA FAMILLE

LA JOURNÉE MONDIALE DES ENSEIGNANTES ET DES ENSEIGNANTS

    M. Leroux (Shefford) 5237

THÉRÈSE LAVOIE-ROUX

EXPO 2005

LES MINES TERRESTRES

KEITH MILLIGAN

LA JOURNÉE MONDIALE DES ENSEIGNANTES ET DES ENSEIGNANTS

L'ÉCONOMIE

LE MINISTRE QUÉBÉCOIS DES RELATIONS INTERNATIONALES

LE PREMIER MINISTRE DU QUÉBEC

QUESTIONS ORALES

LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5240
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5240
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5240

LA DÉFENSE NATIONALE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5241
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5241
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5242

L'ACCÈS À L'INFORMATION

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 5242
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5242
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 5242
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5242

LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL

L'AGRICULTURE

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

L'ASSURANCE-EMPLOI

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

    M. Martin (LaSalle-Émard) 5245
    M. Martin (LaSalle-Émard) 5245

L'IMMIGRATION

LA JUSTICE

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

LA JUSTICE

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 5247

LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURE

LE TOURISME

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LES OCÉANS DU CANADA

    Projet de loi C-26. Reprise de l'étude de la motion 5248
    Report du vote sur l'amendement 5248

LOI SUR LES ADDITIFS À BASE DE MANGANÈSE

    Projet de loi C-29. Reprise de l'étude entroisième lecture 5248
    M. Hill (Prince George-Peace River) 5252
    M. Bernier (Gaspé) 5253
    M. Hill (Prince George-Peace River) 5254
    M. Hill (Prince George-Peace River) 5261
    M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) 5261
    M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) 5264
    M. Hill (Prince George-Peace River) 5264

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR LES BREVETS

    Projet de loi C-311. Motion de deuxième lecture 5269

MOTION D'AJOURNEMENT

L'ASSURANCE-EMPLOI

    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 5278

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

L'IMMIGRATION


5203


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 8 octobre 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à deux pétitions.

* * *

PÉTITIONS

LE REGISTRE NATIONAL DES PÉDOPHILES

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Ind.): Monsieur le Président, j'interviens pour présenter, au nom d'électeurs de l'Ontario, une pétition portant sur la préoccupation de tous les parents du pays qui appuient les efforts visant la création d'un registre national des pédophiles.

Les pétitionnaires que je représente désirent assurer une meilleure sécurité aux enfants, tant dans les lieux publics que dans les lieux privés, et ils sont opposés au statu quo quant au traitement réservé aux pédophiles dans nos collectivités.

Les pétitionnaires demandent donc au gouvernement fédéral de mettre en place un registre des pédophiles afin de mieux protéger nos enfants.

LE CODE CRIMINEL

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai plus de 1 000 pages de pétitions portant un total de 26 021 noms.

Des citoyens de tout le Canada demandent ce qui suit au gouvernement: Attendu que les crimes graves entraînant des blessures corporelles et les infractions sexuelles contre des enfants deviennent de plus en plus fréquents; attendu que chaque incident nuit au public; et attendu qu'il y aurait moins d'incidents de ce genre si certaines mesures législatives étaient prises, les pétitionnaires demandent que le Parlement établisse une procédure d'émission d'avis publics annonçant la libération des délinquants sexuels et permette que ces avis soient disponibles dans les postes de la GRC et d'autres organismes gouvernementaux. Ils demandent également un registre central, des modifications à la Loi sur le casier judiciaire et au Code criminel.

J'espère que le solliciteur général et le Parlement écouteront cette requête de 26 000 autres Canadiens qui demandent une plus grande protection contre les prédateurs sexuels.

LA MAIN-D'OEUVRE ENFANTINE

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter deux pétitions.

La première a été préparée par les étudiants de français du troisième trimestre de la classe de dixième année de Madame Cadorette, à l'école secondaire Cowichan, qui ont été inspirés par le jeune Craig Kielburger et ont récolté les signatures. La pétition dit ceci: Attendu que, dans le tiers monde, des enfants ayant parfois seulement quatre ans sont forcés de travailler dans des conditions pénibles dans des plantations de sucre et de café, ainsi que dans l'industrie du vêtement qui exigent énormément de main-d'oeuvre bon marché.

Pour cette raison, les pétitionnaires demandent au Parlement de déposer une plainte formelle aux Nations Unies et d'adopter des mesures législatives exigeant que tous les produits entrant au Canada portent une attestation indiquant qu'aucun enfant de moins de 15 ans n'a travaillé à leur production.

LES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une deuxième pétition qui a été circulée par la United Senior Citizens of Ontario Inc., et est appuyée par le député provincial néo-démocrate de Windsor-Riverside, Dave Cooke. Cette pétition a été signée par des habitants de sa circonscription et d'ailleurs.

La pétition fait remarquer que la sécurité des consommateurs, et des personnes âgées en particulier, est menacée parce que des fabricants de médicaments brevetés essaient de forcer des fabricants de médicaments génériques à commercialiser leurs produits équivalents sous une forme différente en ce qui concerne la taille, la forme et la couleur. Toute action qui modifie l'aspect d'un médicament générique peut être dangereuse pour la sécurité des patients qui risquent de mal utiliser ces médicaments.

Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de réglementer la pratique canadienne qui veut que les médicaments génériques soient commercialisés sous une forme similaire à celle de l'équivalent breveté quant à la taille, à la forme et à la couleur.

5204

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, on répondra aujourd'hui à la question no 53.

[Texte]

Question no 53-Mme Meredith:

Conformément à l'entente de modification entre le ministère/ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et Stone Ridge Estates Ltd. (Colombie-Britannique) en vue de prolonger pour une période de 20 ans la location de terres sur la réserve indienne # 13 de Tzeachten, quel montant Stone Ridge Estates a-t-elle payé au ministère/ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien pour obtenir cette prolongation?
L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Le montant que la firme Stone Ridge Estates Ltd. a payé au ministre/ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en fiducie à l'intention de la bande afin de prolonger le bail pour 20 ans est égal au montant des loyers à verser pendant cette période. Le montant du loyer est fixé par le ministre, selon les loyers courants, au début de chaque période de quatre ans couvrant la durée du bail. Le loyer versé de 1992 à 1996 était de 86 400 $ par année.

[Traduction]

M. Zed: Monsieur le Président, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.

Le vice-président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour demander au leader de la Chambre quand je peux m'attendre à recevoir une réponse à la question no Q-52 que j'ai fait inscrire au Feuilleton.

J'aimerais présenter à la Chambre un bref historique de cette question. Je l'ai fait inscrire au Feuilleton des Avis le 16 mai 1996.

(1010)

J'ai prié le gouvernement de bien vouloir y répondre dans les 45 jours qui suivent. Or, 146 jours ont passé depuis lors. La réponse à la question a trait à la destruction par le gouvernement de biens valant plusieurs millions de dollars.

Le gouvernement a tendance à ne pas respecter le délai de 45 jours. Voilà pourquoi, monsieur le Président, je me demande pendant combien de temps encore allez-vous tolérer ce genre de situation.

Il y a très longtemps de cela, j'ai fait inscrire une autre question au Feuilleton. Elle porte le numéro Q-4. Si le gouvernement ne me fournit pas ces renseignements nécessaires à mon travail, je ne suis pas en mesure de représenter mes électeurs à la Chambre. D'où ma préoccupation.

M. Zed: Monsieur le Président, il est important que le député se garde de déformer certains faits. La réalité, c'est que le renseignement que le député a demandé est très détaillé. Il exige la tenue de milliers d'enquêtes dans tout le pays.

En théorie, le délai de 45 jours est une limite que nous essayons de respecter. Si l'on regarde les statistiques, on verra que dans 75 p. 100 des cas, les questions reçoivent une réponse avant que les 45 jours ne soient écoulés. Le député connaît bien ce genre de situations. Il a fait inscrire au Feuilleton deux questions extrêmement détaillées.

Des milliers et des milliers d'heures-personnes et de dollars sont nécessaires à l'obtention de ce renseignement. Certes, on peut jusqu'à un certain point discuter le pour et le contre de ce procédé, mais le député n'a pas lieu de déformer les faits concernant le renseignement qu'il a demandé.

Il s'agit de poser une question très précise à l'ensemble des postes de la GRC. Par souci d'exactitude, nous nous gardons bien de fournir un renseignement qui risquerait d'induire les gens en erreur.

______________________________________________


5204

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES MESURES EXTRATERRITORIALES ÉTRANGÈRES

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-54, Loi modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères, dont un comité a fait rapport sans propositions d'amendement.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le vice-président: Je vais rendre une décision.

[Français]

Il y a cinq motions d'amendement inscrites au Feuilleton des Avis en ce qui concerne l'étape du rapport du projet de loi C-54, Loi modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères.

[Traduction]

Les motions nos 1 et 2 seront regroupées aux fins du débat. Le résultat du vote sur la motion no 1 s'appliquera à la motion no 2.

Les motions nos 3, 4 et 5 seront regroupées aux fins du débat, mais mises aux voix séparément.

MOTIONS D'AMENDEMENT

L'hon. Douglas Peters (au nom du ministre de la Justice, Lib.) propose:

Motion no 1
Que le projet de loi C-54, à l'article 7, soit modifié par adjonction, après la ligne 40, page 3, de ce qui suit:
«7.1 Les jugements rendus en vertu de la loi des États-Unis intitulée Cuban Liberty and Democratic Solidarity (LIBERTAD) Act of 1996 ne sont ni reconnus ni exécutoires au Canada.»


5205

Mme Catterall: Monsieur le Président, pour éviter de perdre du temps, je pense que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour considérer que les motions nos 1 à 5 ont été proposées et appuyées.

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

L'hon. Douglas Peters (au nom du ministre de la Justice, Lib.) propose:

Motion no 2
Que le projet de loi C-54, à l'article 7, soit modifié par substitution, à la ligne 33, page 5, de ce qui suit:
«vertu de l'article 8 ou un jugement fondé sur la loi des États-Unis intitulée Cuban Liberty and Democratic Solidarity (LIBERTAD) Act of 1996, le procureur général du».
Motion no 3
Que le projet de loi C-54, à l'article 7, soit modifié par substitution, aux lignes 35 à 37, page 5, de ce qui suit:
«partie est autorisée à recouvrer, en vertu de celles des dispositions de l'article 9 qu'il précise, la totalité ou une partie des sommes qu'elle a versées, des frais qu'elle a engagés ainsi que des pertes ou dommages qu'elle a subis.»
Motion no 4
Que le projet de loi C-54, à l'article 7, soit modifié
a) par substitution, à la ligne 11, page 6, de ce qui suit:
«entre avocat et client,
(iii) des pertes ou dommages qu'elle a subis en raison de l'application du jugement;»

b) par substitution, à la ligne 26, page 6, de ce qui suit:
«et client,
(iv) de telle partie-que précise le procureur général-des pertes ou dommages qu'elle a subis en raison de l'application du jugement.»

Motion no 5
Que le projet de loi C-54, à l'article 7, soit modifié par substitution, à la ligne 7, page 7, de ce qui suit:
«toute autre personne qui la contrôle ou qui fait partie d'un groupe qui la contrôle en droit ou».
M. Ron MacDonald (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour appuyer ce projet de loi et les amendements qui ont été présentés.

Le gouvernement canadien est confronté aux actions prises par les Américains en ce qui concerne la mesure législative tout à fait répréhensible qu'ils ont adoptée, c'est-à-dire la loi Helms-Burton qu'on voit d'un très mauvais oeil au Canada.

Cette loi est arrivée au moment où la campagne présidentielle américaine battait son plein, durant donc cette période insensée du système politique américain. Elle va à l'encontre de la récente tendance aux États-Unis et dans la plupart des pays occidentaux qui consiste à essayer de supprimer tous les obstacles au libre-échange de biens et de services.

En ce qui concerne l'accord de libre-échange négocié entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, le gouvernement canadien et, je pense, la majorité des députés croient que la loi Helms-Burton est non seulement d'application extraterritoriale, mais également contraire aux termes de l'accord de libre-échange que ces trois États souverains ont négocié.

(1015)

Pour essayer de voir au juste ce que cette loi essaie de faire et pour comprendre la réaction du gouvernement et les amendements dont nous discutons aujourd'hui, il suffit de revenir en arrière et d'être conscient du fait que la droite au Congrès américain est de plus en plus protectionniste.

Il ne faut pas oublier que c'est en pleine campagne présidentielle américaine que nous sommes confrontés à ces mesures législatives qui vont à l'encontre des orientations prises depuis quelques années. Aux États-Unis, il y a des républicains et des démocrates qui vont essayer de s'attirer les faveurs des Américains d'origine cubaine qui sont extrêmement importants sur le plan électoral dans certains États comme la Floride.

En n'opposant pas son veto, le président a permis qu'on présente cette mesure révisionniste et rétrograde au Congrès américain et qu'on l'adopte. Cette loi cherche à punir les compagnies canadiennes et étrangères qui ont des échanges commerciaux normaux avec Cuba. Le gouvernement canadien a adopté face à Cuba une politique étrangère qui est différente de celle des États-Unis depuis un certain nombre d'années. Nous l'avons fait car nous croyons que c'est seulement en adoptant une politique d'engagement, d'accroissement des échanges de produits et de services et d'investissement également que le régime actuel à Cuba sera remplacé par un nouveau régime plus respectueux des droits de la personne et plus démocratique dans ses orientations.

Nous ne suivons pas la politique isolationniste des États-Unis, qui cherche non seulement à nuire à l'économie de Cuba, mais également à punir indûment les Cubains, du seul fait que le gouvernement américain déteste le régime politique en place.

Le gouvernement du Canada a exprimé ses craintes concernant les violations des droits de la personne à Cuba. Il a vivement condamné le gouvernement cubain d'avoir abattu un avion il y a quelques mois. C'est cet événement qui, à bien des égards, a accéléré l'adoption de la loi Helms-Burton par le Congrès américain.


5206

Le gouvernement canadien est bien décidé à poursuivre sa politique d'engagement économique avec Cuba. Nous croyons que les entreprises et le gouvernement du Canada ont un rôle à jouer pour que nos alliés cubains ne soient pas davantage lésés par le discours protectionniste de pays comme les États-Unis.

La loi Helms-Burton a pour objet de punir les entreprises étrangères et canadiennes qui font des affaires à Cuba. Le gouvernement canadien a fermement exprimé sa réaction face à une telle mesure législative et ce, dès son adoption. Le premier ministre et certains ministres, dont ceux du Commerce international et des Affaires étrangères, ont mené de vastes consultations auprès d'alliés partout dans le monde, notamment auprès de l'Union européenne et du Mexique. Nous avons mis en oeuvre toute une gamme d'initiatives pour faire clairement savoir qu'à notre avis, une telle mesure législative n'a pas sa place dans le monde moderne du commerce international. Nous croyons que la loi Helms-Burton est une illustration flagrante des mesures extraterritoriales qu'appliquent les États-Unis. En fait, cette mesure contrevient aux responsabilités et aux règles prévues par l'ALENA et les organisations du commerce mondial.

Le projet de loi que nous avons présenté traduit une réaction mesurée. Les modifications proposées qui font aujourd'hui l'objet d'un débat à la Chambre doivent faire en sorte que tout jugement rendu par les tribunaux américains aux termes de la loi Helms-Burton ne soit pas exécutoire au Canada. Le projet de loi autorise la non-reconnaissance d'arrêtés, ce qui est extrêmement important pour que les jugements rendus contre des entreprises, contre des personnes physiques et morales canadiennes qui font des affaires à Cuba, ne soient pas exécutoires au Canada.

Il est aussi prévu que les peines imposée aux termes de la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères et de la loi américaine seront égales. Cette disposition est très importante. Nous ne voulons pas pénaliser les entreprises canadiennes qui seraient visées par cette loi. Nous voulons plutôt éviter qu'elles prennent pas des décisions qui soient contraires à leurs intérêts, ou même qui violent le droit international, en se fondant sur une différence entre les peines imposées aux termes de la loi américaine ou canadienne.

(1020)

Avec ce projet de loi, nous avons tâché de ne pas recourir aux mêmes mesures que les Américains, comme nous l'aurions fait, par exemple, en donnant à certains ministres le droit d'interdire à certaines personnes l'entrée au Canada.

Nous croyons que certaines des mesures prévues dans la loi Helms-Burton sont carrément déraisonnables quand elles visent à interdire l'accès aux États-Unis des dirigeants, ou des membres de leur famille, de sociétés canadiennes que les Américains auraient accusées de faire le trafic de biens confisqués.

Nous estimons cela contraire aux règles et règlements établis dans le cadre de l'ALENA. Dans notre réaction, nous avons tâché

d'éviter de faire comme les Américains, c'est-à-dire contrevenir aux règles et règlements de l'ALENA.

Les amendements proposés aujourd'hui et dont nous discutons présentement visent à renforcer les dispositions du projet de loi. Ils ont été examinés par tous les membres du comité, sous la présidence du député de Rosedale, qui a accompli un excellent travail pour assurer l'adoption rapide du projet de loi qui donnera au gouvernement canadien les outils dont il a besoin pour nous protéger contre l'ingérence dans notre champ de compétence et contre les entorses à notre souveraineté.

Les députés d'opposition y voient une mesure législative très positive et qui s'impose pour faire en sorte que ces incursions des États-Unis hors de leur champ de compétence ne restent pas sans riposte de la part de notre gouvernement.

Je tiens à féliciter les membres du comité non seulement de la rapidité avec laquelle ils ont étudié le projet de loi, mais aussi de l'appui qu'ils ont donné aux propositions d'amendement dont nous sommes saisis aujourd'hui et qui renforcent énormément le projet de loi.

J'espère bien qu'à la fin de la journée, après que nous aurons entendu le président du comité et les députés d'opposition qui appuient le projet de loi, ce dernier sera rapidement adopté tant à l'étape du rapport qu'à celle de la troisième lecture, de sorte que le gouvernement du Canada dispose des outils nécessaires en vertu de la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères pour répliquer aux répercussions les plus négatives de la loi Helms-Burton adoptée par le Congrès des États-Unis.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le Président, j'expliquerai, un peu plus tard dans mon discours, à l'honorable secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international combien j'ai été surpris d'entendre ses propos, lorsqu'il disait que le parti gouvernemental s'opposait dans le domaine du possible. Et c'est l'aspect «domaine du possible» dont je voudrais l'entretenir un peu plus tard, parce que je crois que l'expression «dans le domaine du possible» a une certaine signification pour nous et une autre pour eux.

Le parti gouvernemental a présenté cinq légères modifications, cinq légers amendements au projet de loi C-54 qui avait été déposé en deux étapes, mais à sept mois d'intervalle. Ils sont très rapides, les libéraux, n'est-ce pas? Le gouvernement américain a réagi il y a sept mois en imposant une loi à caractère extraterritorial et on est en train de discuter, sept mois plus tard, d'une modification avant l'adoption de cette même loi.

Les cinq amendements proposés par le Parti libéral sont des amendements mineurs, et comme le secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international l'a mentionné précédemment, le Bloc québécois va appuyer ces cinq amendements, comme je suppose le feront aussi nos collègues du Parti réformiste.


5207

Cependant, comme ces cinq amendements ont été divisés en deux blocs, les deux premiers amendements nous ont fait nous interroger quelque peu, à savoir que nous faisons mention spécifiquement de la Loi Helms-Burton, ou de cette loi sous sa vraie appellation, dans le projet de loi C-54.

Si le gouvernement avait réfléchi un peu plus longuement ou avait pensé de façon un peu plus pratique, et s'il avait plutôt écrit, dans cette partie de la loi, aux amendements nos 1 et 2: «les projets de loi à portée extraterritoriale en vertu de l'annexe 1», tel qu'on peut le voir dans le projet de loi, nous n'aurions pas eu besoin de rouvrir le projet de loi C-54 advenant le cas où, à l'avenir-on doit adopter des législations en fonction de l'avenir-d'autres projets de loi à portée extraterritoriale soient mis en vigueur par d'autres pays.

(1025)

En présentant les deux premiers amendements au projet de loi C-54, le Parti libéral, si vous me permettez l'expression, se peint un peu dans le coin. C'est-à-dire que s'il y a d'autres lois, nous allons devoir revenir en Chambre, rouvrir le projet de loi C-54, qui sera loi à ce moment-là, pour ramener ces projets de loi à portée extraterritoriale en annexe et modifier ces deux amendements.

Nous avons tenté d'influencer quelque peu le Parti libéral en faisant cette suggestion. Nous avons eu, un peu tardivement, ces amendements. Nous avons compris et nous comprenons, nous aussi au Bloc québécois, qu'il est très important de protéger les entreprises québécoises et canadiennes. C'est pour cette raison que nous allons accepter le cas par cas, comme on nous l'a indiqué, et que nous allons accepter-espérons que ça ne se produira pas-de rouvrir la loi s'il d'y a d'autres lois à portée extraterritoriale qui nous sont présentées.

Je le répète, ces amendements présentés par le parti gouvernemental sont des amendements vraiment techniques. C'est pour cette raison que nous ne pouvons nous y opposer et que nous ne pouvons non plus les expliciter de façon très détaillée, parce que ce sont des amendements qui viennent préciser que le projet de loi C-54 doit davantage faire référence à la Loi Helms-Burton. On a dit que c'était un miroir de la Loi Helms-Burton.

Les modifications apportées par les amendements ne viennent pas changer le fond du projet de loi, ils viennent simplement le spécifier. Cependant, tout comme je l'ai dit lors de mon premier discours sur le projet de loi C-54, lors de la deuxième lecture, nous allons voter pour le projet de loi, car il vise à protéger des entreprises canadiennes et québécoises qui font affaire avec Cuba.

Toutefois, comme je l'ai dit précédemment, nous sommes à même de nous demander pourquoi le gouvernement canadien réagit sept mois plus tard. Nous nous rendons compte que le gouvernement canadien est à la remorque, premièrement, de la politique étrangère américaine, deuxièmement, il y a la campagne présidentielle américaine et, troisièmement, de la politique étrangère internationale.

Au moment où les dangers sont, à toutes fins pratiques, éliminés de la carte politique, à ce moment-là, le gouvernement canadien dit: le président américain a décidé qu'il reportait à plus tard l'article 3 de la Loi Helms-Burton pouvant pénaliser les entreprises canadiennes et québécoises; donc, étant donné que cela ne fait pas trop mal, on va penser à regarder la possibilité de faire quelque chose. C'est à peu près la rigueur ou la vigueur démontrée ici par le ministre du Commerce international et le ministre des Affaires étrangères.

Cependant, même avec les cinq amendements présentés ce matin par le gouvernement, l'article 4, qui peut interdire l'accès aux États-Unis à des familles ou des descendants des employés de compagnies canadiennes ou québécoises-comme c'est le cas présentement pour la compagnie Sherritt-demeure en vigueur.

Dans ces amendements, nous ne faisons pas mention de l'article 4. Tout à l'heure, le secrétaire parlementaire disait qu'on ne veut pas, nous, faire comme les Américains, parce qu'ils ont posé un geste qui n'était pas élégant, celui d'interdire leur sol à des Canadiens et des Canadiennes faisant affaire à Cuba en vertu de la Loi Helms-Burton. Nous ne voulons pas faire la même chose.

À ce moment-là, pourquoi ont-ils qualifié le projet de loi C-54 loi miroir, s'ils ne veulent pas faire la même chose? Lorsque le secrétaire parlementaire dit, et je le cite: «Nous nous opposons, dans le domaine du possible. . .», je lui ferai respectueusement remarquer que dans le domaine du possible, depuis le mois de juillet, lui et son gouvernement peuvent demander un comité spécial dans le cadre de l'ALENA.

Tout le monde en convient, la Loi Helms-Burton contrevient à l'ALENA. Tout le monde en convient maintenant. Le gouvernement libéral a, depuis le mois de juillet, la possibilité d'appeler un comité spécial pour rendre invalide la Loi Helms-Burton. Le gouvernement canadien l'a bien compris en ne pouvant pas amender le projet de loi C-54 de façon à faire que l'article 4 soit contrecarré. La seule façon de contrecarrer l'article 4 de la Loi Helms-Burton serait de demander à un comité spécial d'invalider cette loi.

(1030)

Le gouvernement canadien a cette carte dans son jeu depuis le mois de juillet. Il attend après l'élection américaine, et c'est clair, avant de sortir cette carte. Pendant tout ce temps, nous sommes témoins de ce qui arrive a des compagnies canadiennes comme la compagnie Sherritt et d'autres. Allons-nous attendre que d'autres compagnies se voient interdire l'accès à leurs dirigeants aux États-Unis et même à leur famille avant de contrevenir à l'article 4?

En conclusion, nous allons appuyer ces cinq amendements proposés au projet de loi C-54, car nous voulons protéger les entreprises québécoises et les entreprises canadiennes faisant affaire à Cuba. De plus, on répète et on réitère notre peu de satisfaction face au gouvernement fédéral d'agir, premièrement, trop tard et, deuxièmement, trop peu.

[Traduction]

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, le Parti réformiste va appuyer ces cinq amendements qui portent sur la forme pour améliorer le projet de loi C-54, dont le but est de contrer la loi Helms-Burton.

Les États-Unis ont un différend avec Cuba, c'est évident, et ils doivent trouver une solution, mais ils ne devraient pas exporter ce différend.

Il s'agit ici de savoir si les États-Unis ont les moyens ou le pouvoir d'appliquer leurs lois en dehors de chez eux. Je soutiens que non. Cela va à l'encontre de l'ALENA, et il y a longtemps que le Canada aurait dû saisir du problème un groupe spécial de l'ALENA.


5208

Mon collègue du Bloc québécois a dit que le Canada temporisait depuis juillet, et je partage son opinion. Nous avons obtenu de haute lutte un mécanisme de règlement pour résoudre des problèmes comme ceux-là dans le cadre de l'ALENA et du GATT. Nous avons maintenant l'Organisation mondiale du commerce. Mais le Canada semble avoir peur de s'adresser à ces organisations internationales pour faire régler définitivement le problème.

À quoi bon négocier longuement des accords pour régler des problèmes de cette nature si nous n'y avons jamais recours?

Le secrétaire parlementaire a fait remarquer que c'était année d'élections aux États-Unis et que, au moment des élections, il se passait parfois des choses étranges aux États-Unis en politique étrangère. Je suis d'accord avec lui, mais je ferai observer que le président des États-Unis, un démocrate, a signé le projet de loi Helms-Burton. Cette loi n'est donc pas l'oeuvre des seuls républicains. Le président a accordé une sorte d'exemption au Canada pour un certain temps, mais le temps passe.

Les motifs de poursuite contre les sociétés canadiennes en cause continuent de s'accumuler, et je crois que le projet de loi C-54 néglige un ou deux problèmes. Il ne traite pas du fait que les motifs de poursuite continuent de s'accumuler. Il ne traite pas non plus de l'interdiction de séjour aux États-Unis qui est faite aux dirigeants des sociétés visées et aux membres de leur famille. Par conséquent, le projet de loi C-54 est pour moi une demi-mesure. C'est une mesure qui s'impose, mais il y a longtemps que nous aurions dû saisir du problème un groupe spécial de l'ALENA.

Un tendance troublante semble se dessiner au gouvernement libéral. Ainsi, en 1994, le Canada a accepté un plafonnement des exportations pour régler un différend avec les États-Unis au sujet du blé dur. Est-ce que cela est fidèle à l'esprit du libre-échange? Je soutiens que non.

De toute évidence, le Canada et les États-Unis ont convenu, en vertu de l'Accord canado-américain de libre-échange, de supprimer les barrières au commerce entre les deux pays, d'éliminer progressivement les droits de douane, l'objectif général étant d'essayer d'établir une économie de marché fondée sur la capacité des producteurs de présenter certains avantages régionaux.

Le gouvernement semble toutefois prêt à céder aux États-Unis chaque fois qu'il y a un différend. En voici un autre exemple. En 1994, le Canada et les États-Unis ont eu un différend à propos du blé. La même chose s'est produite dans le cas du bois d'oeuvre, le Canada ayant alors décidé de s'imposer des quotas restrictifs qui sont très lourds à mettre en place et à administrer. En fait, tout le processus a encore été retardé d'un mois parce qu'on n'arrive pas à s'entendre sur la façon d'établir les allocations aux provinces et qu'on n'a même pas encore déterminé les allocations à chaque entreprise.

(1035)

Aujourd'hui, il y a un différend attribuable au fait que les États-Unis essaient d'appliquer leur loi à l'extérieur de leurs frontières, ce

qui va nettement à l'encontre de l'ALENA que nous avons signé, mais le gouvernement cherche encore à gagner du temps. Si nous avions soumis le problème à un groupe spécial de l'ALENA, il serait probablement déjà réglé. À mon avis, le groupe aurait donné raison au Canada.

Nous appuyons les amendements qui renforcent le projet de loi C-54. Ce sont des amendements de forme. Le projet de loi aidera un peu les entreprises canadiennes, mais il est évident que le différend devrait être réglé à la lumière de l'accord international conclu entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Nous appuierons le projet de loi, mais le gouvernement doit commencer à répondre aux États-Unis avec plus de fermeté. Au chapitre de la politique commerciale, les États-Unis ont tendance à se comporter de manière un peu tyrannique. Si nous ne répondons pas avec autant de fermeté, je pense que les Américains ne nous respecteront pas. Nous devons leur montrer notre fermeté et notre détermination à leur tenir tête dans ce genre de différend.

Nous appuierons donc ces amendements à l'étape du rapport, mais nous devons aller plus loin, faire preuve de fermeté et contester les pays comme les États-Unis lorsqu'ils essaient d'appliquer leur loi à l'extérieur de leurs frontières.

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi C-54 à l'étape du rapport. Ce débat donne l'occasion au Parlement canadien, qui parle au nom de la population du Canada, d'adresser un message très ferme à la classe politique et au peuple américains. Par la même occasion, nous adressons un message de solidarité à la population de Cuba. J'appuie le principe du projet de loi ainsi que les propositions d'amendement qui le renforcent.

Il importe d'examiner le contexte dans lequel s'inscrit ce projet de loi. Ce qui est en train de se passer aux États-Unis est très clair. Un petit groupe de législateurs puissants et influents dirigé par le sénateur Helms et le représentant Dan Burton se plie aux désirs de ce j'appelle la mafia de Miami, la Mas Canosas, la fondation cubano-américaine. Ce faisant, ces législateurs ne font pas qu'enfreindre le droit international, ils font la promotion de politiques qui, à mon avis, sont profondément immorales et répugnantes pour une société civilisée.

Le Parlement du Canada peut non seulement condamner la loi Helms-Burton, une loi qui, sans l'ombre d'un doute, enfreint le droit international en matière d'application de mesures extraterritoriales à d'autres pays, mais encore il devrait aller encore plus loin, à mon avis. En effet, il devrait également, sans équivoque, condamner le blocus américain de Cuba, qui dure depuis longtemps.

Je suis membre de l'Association d'amitié parlementaire Canada-Cuba, qui comprend des députés et des membres de l'autre endroit représentant tous les partis. Nous avons tenté de promouvoir le dialogue et la compréhension entre la population du Canada et celle de Cuba. Le député de Bourassa et la députée d'Etobicoke-Lake--


5209

shore, qui était ici plus tôt, sont également membres actifs de l'association.

Nous avons eu l'occasion de nous rendre à Cuba pour rencontrer les représentants du gouvernement cubain et le président Fidel Castro. Nous avons rencontré aussi de simples citoyens cubains. Plus tôt cette année, nous avons accueilli une délégation cubaine dirigée par le ministre de l'Éducation, Luis Gomes.

Il était très clair pour les membres du groupe d'amitié parlementaire que la population de Cuba, en cette époque très difficile, doit surmonter de terribles obstacles. Ce blocus, ce blocus immoral et illégal, qui est de plus en plus condamné au sein des Nations Unies, doit être également et fermement dénoncé par notre gouvernement et le Parlement.

(1040)

La population et le gouvernement de Cuba tiennent tête à l'orthodoxie de droite et affrontent la vague néo-conservatrice qui déferle sur trop de régions du globe. Ce qu'ils disent, c'est que l'économie doit servir à combler les besoins des êtres humains, elle ne doit pas se résumer uniquement aux intérêts de l'élite du monde des affaires ou à la maximisation des profits. Si l'on tient compte des indicateurs socio-économiques, le gouvernement et la population de Cuba ont remporté de grands succès en dépit de tout ce qui jouait contre eux. Ils ont en effet l'un des taux de mortalité infantile les plus bas d'Amérique latine, un des plus hauts taux d'alphabétisation et un pourcentage d'enfants vivant dans la pauvreté nettement inférieur à ce qui existe partout ailleurs. Tout cela a été réalisé en dépit des très grandes difficultés rencontrées par Cuba après l'effondrement de l'ancienne Union Soviétique.

Lorsque je regarde la situation en Europe de l'est et dans l'ancienne Union Soviétique, où un capitalisme sauvage s'est imposé, où règne la corruption, où le fossé s'élargit entre les riches et les pauvres, où beaucoup de jeunes et de personnes âgées vivent dans la pauvreté, je comprends pourquoi la population et le gouvernement de Cuba ont déclaré qu'ils rejetaient ce modèle. Ils croient en un modèle économique socialiste basé sur les besoins des Cubains et sur les aspirations et la situation unique de la population de Cuba. C'est cela qui enrage tant la classe politique américaine.

Il est vrai que la situation des droits de la personne à Cuba donne lieu à certaines inquiétudes. Le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme est allé à Cuba et a fait rapport. Ces inquiétudes sont réelles, il faut faire quelque chose. Cependant, j'estime que l'attitude du gouvernement des États-Unis, qui consiste à faire la leçon au peuple et au gouvernement de Cuba sur les violations des droits de la personne, est entachée d'hypocrisie.

Ce gouvernement qui sermonne Cuba sur les violations des droits de la personne a, bien sûr, gardé et garde encore le silence sur les violations massives de ces droits dans d'autres régions du monde, en Indonésie et au Timor oriental où un génocide est perpétré, et ailleurs en Amérique latine où les violations sont généralisées. Les Américains n'ont rien dit des escadrons de la mort au Salvador, des massacres au Quatemala ou de la junte sanguinaire au Chili, pourtant, la CIA était très active dans ces pays. Les Américains n'ont de leçons à donner à personne sur le respect des droits de la personne.

Et qu'en est-il des droits économiques, sociaux et culturels? Pensez au fossé qui s'élargit entre les riches et les pauvres, entre les puissants et les petits aux États-Unis mêmes. Et qu'en est-il de la démocratie et des élections libres? Pensez aux millions et aux millions de dollars qu'il faut dépenser dans ce grand bastion de la démocratie que sont les États-Unis d'Amérique pour se porter candidat dans des élections.

L'ironie de cette tragédie, c'est que le blocus américain fait souffrir même le peuple américain. J'ai visité un centre de technologie biomédicale à Cuba. Ce pays est l'un des leaders mondiaux dans ce domaine. On m'a signalé que Cuba fabrique un médicament, le streptokinase, utilisé pour traiter les traumatismes, arrêts cardiaques et autres problèmes semblables et qui permet de sauver des vies humaines en écourtant le temps d'intervention. Or, ce médicament n'est pas accessible aux États-Unis à cause de l'embargo. C'est insensé.

Je saisis l'occasion pour rendre hommage aux nombreux citoyens et organismes canadiens qui témoignent leur solidarité envers Cuba en ces temps très difficiles, en y expédiant des fournitures médicales, des ordinateurs et autre matériel dont la population a un urgent besoin.

(1045)

Le mouvement ouvrier compte divers groupes de solidarité. Les groupes Brigadista se rendent à Cuba et d'autres groupes travaillent en étroite collaboration avec la population cubaine.

J'encourage les entreprises canadiennes à investir à Cuba. Je félicite la société Sherritt Gordon, qui a tenu tête à l'intervention législative brutale du Congrès américain en tenant récemment une réunion de son conseil d'administration à La Havane.

J'invite les Canadiens à envisager sérieusement de passer leurs vacances d'hiver à Cuba plutôt qu'en Floride. Nous donnerions ainsi une preuve tangible de notre appui à Cuba, un pays magnifique.

J'accorde mon appui à ce projet de loi et j'exhorte la population et le gouvernement canadiens à manifester leur soutien à Cuba en dénonçant énergiquement cette loi répugnante.

[Français]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.


5210

Le vice-président: Le vote porte sur la motion no 1. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Le vice-président: Je déclare la motion no 1 adoptée. En conséquence, la motion no 2 est également adoptée, en vertu de la décision que j'ai rendue ce matin.

(La motion no 1 est adoptée.)

[Traduction]

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du second groupe d'amendements proposés au projet de loi d'opposition à la loi Helms-Burton et présentés aujourd'hui à la Chambre.

Avant de passer aux technicalités derrière ces amendements, je voudrais ajouter quelques commentaires à ceux qui ont été faits par certains de mes collègues à la Chambre, en particulier le député de Terrebonne, le député de Peace River et le député de Burnaby-Kingsway, qui ont tous fait savoir qu'ils sont d'accord sur les principes du projet de loi et les buts de ces amendements.

Le député de Terrebonne a exprimé certaines réserves au sujet du moment choisi pour proposer ces amendements. Le député de Peace River estime que nous devrions nous montrer plus agressifs dans notre action contre les Américains. Peut-être se prépare-t-il à envoyer les tanks à la frontière américaine. Ses camions de grain seront entourés par des patrouilles montées. Nous verrons ce que nous pouvons faire à cet égard.

Je voudrais rappeler aux députés de la Chambre les principales raisons pour lesquelles ce projet de loi a été présenté à la Chambre et passer ensuite aux amendements.

Le député de Peace River l'a bien dit, nous entrons dans une période où nous devons reconnaître que même si nous vivons dans un monde où le libre-échange est le mot d'ordre, le régime de libre-échange dont le gouvernement américain se prétend le principal adepte est constamment menacé. Tout en parlant en faveur du libre-échange, les États-Unis usent depuis longtemps de moyens qui vont à l'encontre du libre-échange.

Ils ont recours à l'unilatéralisme, comme à l'article 301 du Trade and Tariff Act. Ils disent aux pays: «Si vous ne faites pas ce qu'on vous dit, des sanctions commerciales seront prises à votre égard, même si cela va à l'encontre de nos obligations en vertu du droit international.» Ils le font de façon particulièrement injurieuse lorsqu'ils recourent à des mesures extraterritoriales pour essayer de faire rentrer d'autres pays dans les rangs.

Ce n'est pas un problème nouveau. Nous avons tous connu les années 50 où la compagnie Ford s'était vu interdire, en vertu de la législation américaine en matière de contrôle des exportations, l'exportation de camions à la Chine communiste à partir du Canada, quand bien même il s'agissait d'une compagnie canadienne faisant affaire en Chine. Les travailleurs canadiens ont pâti de cette interdiction qui a entraîné des pertes d'emplois, mais les États-Unis ont forcé le Canada à le faire parce que cela faisait partie de leur politique étrangère.

La même chose en ce qui concerne l'application extraterritoriale de mesures antitrust pour faire appliquer les lois antitrust américaines qui-aussi louables soient-elles en soi-sont inacceptables lorsqu'elles sont appliquées dans un autre pays alors qu'elles sont contraires aux objectifs politiques de ce pays.

D'où la présentation et l'adoption par la Chambre, au cours de la législature précédente, de la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères. Cette loi s'inspire de la législation britannique et de la législation française, qui contiennent des dispositions visant à bloquer l'application d'une loi étrangère et qui prévoient la possibilité de recouvrer les dommages-intérêts excessifs accordés par les tribunaux américains. Voilà un autre aspect regrettable du système judiciaire américain. Il permet de réclamer ce qu'on appelle des triples dommages-intérêts.

(1050)

Voilà le danger que représente la loi Helms-Burton, si l'on s'arrête aux détails juridiques. Le problème que pose cette loi et beaucoup d'autres lois américaines, quand on les applique à l'extérieur des États-Unis, c'est que des Canadiens, des personnes qui ne sont pas citoyens américains, risquent de faire l'objet de poursuites juridiques pour des dommages-intérêts de 5 millions de dollars, multipliés par trois, ce qui donne 15 millions.

Ce sont des mesures provisoires visant à permettre les poursuites devant les tribunaux américains et, en bout de ligne, à parvenir à des fins que la loi Helms-Burton a déjà permis d'atteindre jusqu'à un certain point, soit de créer un froid. On dit ainsi aux gens que, s'ils ont des biens aux États-Unis, s'ils font des affaires aux États-Unis, il leur en coûtera tellement cher qu'il ne vaudra plus la peine pour eux de faire affaire avec Cuba, ou avec la Libye. Cela ne vaudra plus la peine de faire affaire avec quelque pays que ce soit si les États-Unis n'approuvent pas cette relation. Voilà ce qui pose un problème à notre avis dans la loi Helms-Burton.

La loi pose un problème parce qu'on l'applique d'une manière qui contrevient totalement aux règles du droit international public. Elle permet d'intenter des poursuites à la suite d'une expropriation, non pas à des gens comme les Américains qui avaient des propriétés à Cuba au moment où l'île a été prise, ce qui pourrait être acceptable, elle donne ce droit à des gens qui étaient Cubains à l'époque. Ces poursuites ne seront pas intentées par ceux qui ont été expropriés. Ce seront leur famille, leurs petits-enfants, qui le feront.

Nous sympathisons avec ceux qui ont ainsi perdu des biens. Nous ne trouvons pas acceptable, en droit international public, qu'on puisse saisir des biens, mais c'est évident qu'il faut des règles de droit international établissant un cadre acceptable pour ce genre de mesures. C'est en cela que la loi Helms-Burton va trop loin. Elle autorise des mesures qui n'existeraient pas en temps normal, pour les motifs politiques auxquels le député de Burnaby-Kingsway a fait allusion dans son discours. Dans le cadre des ententes de commerce international, c'est extrêmement troublant.


5211

J'ai fait valoir à mes collègues américains ce qui se produirait si les Canadiens décidaient de faire la même chose avec l'Ukraine, par exemple. Il y a un million d'Ukrainiens chez nous. Pourquoi ne pas leur donner les moyens d'être dédommagés pour toutes les propriétés qu'on a saisies en Ukraine? Toutefois, comment pourrions-nous jamais faire affaire avec l'Ukraine par la suite si nous adoptions cette attitude?

Qu'arrivera-t-il aux États-Unis d'Amérique quand la Chine leur dira qu'elle adopte une loi du même genre à l'égard de Taïwan? Quelle réponse motivée les États-Unis d'Amérique fourniront-ils quand le gouvernement chinois, fort de sa puissante armée, leur dira: «Si vous faites des affaires à Taïwan, vous ne pourrez pas faire des affaires ici. Nous vous rendrons la pareille pour les mêmes motifs juridiques que vous évoquez dans le cadre de la loi Helms-Burton»? Quelle sera leur réponse?

Les Américains ne sauront que répondre et c'est précisément pourquoi ces mesures ne sont pas vraiment dans l'intérêt des États-Unis d'Amérique. Ce n'est pas dans l'intérêt de quiconque croit dans un système de commerce international ouvert, car si d'autres pays décident d'adopter des mesures semblables, nous aurons tôt fait de créer un monde où les affaires, les capitaux et la main-d'oeuvre se heurteront aux murs que ne manqueront pas d'ériger ces poursuites en triples dommages-intérêts.

Le projet de loi C-54 se veut une réponse raisonnée à ce problème. Il bloque toute tentative de la part des Américains de faire exécuter un jugement sur notre territoire. Il prévoit une disposition de recouvrement dont on ne fait pas état à propos de ces amendements. De plus, il augmente les amendes à infliger aux sociétés qui exécutent les décisions politiques prises par les Américains à l'extérieur des États-Unis, et non pas les décisions politiques prises par les Canadiens.

Nous croyons que le maintien d'un système de commerce ouvert avec Cuba est la meilleure façon d'y faire avancer la cause de la liberté, la cause des droits de la personne et la cause de la justice. Nous poursuivons ces objectifs depuis toujours et ce n'est pas maintenant que nous allons y renoncer. Ce n'est pas quelque chose que nous faisons au nom de M. Castro ou d'un quelconque régime cubain.

Il s'agit d'un projet de loi destiné à assurer le maintien d'un système de commerce ouvert. À condition qu'il soit appliqué dans les règles, il fera en sorte que nous ayons les coudées franches, que des échanges culturels soient possibles afin que le peuple cubain comprenne les avantages de la démocratie, les avantages d'un système ouvert. C'est ainsi que nous apporterons des changements dans ce pays. Nous appliquons régulièrement ce principe dans d'autres pays, par exemple au Vietnam et en Chine. Il n'y a pas de raison logique pour agir autrement dans le cas de Cuba.

Le deuxième groupe d'amendements dont je veux parler maintenant sont fondamentalement de nature administrative. Ils portent sur des problèmes liés au fait que nous ne pouvions en aucun cas mettre la Loi Helms-Burton en vigueur au Canada. J'apprécie l'appui des partis d'opposition à ces amendements. Il est vrai, comme ils le disent, qu'ils ont été présentés après le renvoi du projet de loi à notre comité. Les députés étaient présents lorsque nous en avons discuté.

On a jugé, après mûre réflexion, qu'il fallait s'attaquer à un problème précis. Le problème, c'est que si nous, au Canada, sommes menacés de poursuites en triples dommages-intérêts aux États-Unis, nous pouvons très bien dire: «Une fois que tout cela sera terminé, nous obtiendrons une ordonnance du ministre de la Justice pour empêcher l'application du jugement rendu au Canada et nous n'aurons aucun problème chez nous.» Or, nos avocats vont nous demander comment nous pouvons être sûrs que nous allons obtenir cette ordonnance du ministre de la Justice, comment nous pouvons savoir que nous ne serons pas entraînés dans des poursuites aux États-Unis.

(1055)

Les avocats vont probablement nous dire que nous devons nous rendre aux États-Unis pour défendre notre cause. Nous serons probablement forcés de dépenser des centaines de milliers de dollars, peut-être même des millions, dans ces cas de poursuites importantes et complexes pour nous défendre contre une demande de règlement non fondée et sans application au Canada.

Pour plus de certitude, le gouvernement a présenté une disposition qui précise qu'aucune décision rendue aux termes de la Loi Helms-Burton ne sera mise en vigueur au Canada. C'est un signal clair qu'on envoie pour que les Canadiens qui font des affaires au Canada sachent qu'ils n'ont pas à donner suite à des poursuites intentées aux États-Unis.

À mon avis, il est clair que cet amendement et les autres, dont nous discutons maintenant sur la même question, sont une façon de faire savoir à nos citoyens et à d'autres qui exploitent une entreprise au Canada qu'ils n'auront pas à participer à ces poursuites coûteuses que les Américains aiment intenter. Ils n'auront pas à s'inquiéter de poursuites en triples dommages-intérêts.

En terminant, je voudrais simplement formuler une observation.

[Français]

En terminant, j'aimerais commenter les observations de mon collègue de Terrebonne. Il a dit que nous avions attendu sept mois.

Monsieur le Président, vous le savez et les députés de cette Chambre le savent très bien, les négociations internationales sont subtiles, sont difficiles avec les Américains, et nous avons agi de façon très responsable en attendant de voir ce qu'allait faire le Président des États-Unis qui avait un droit de veto sur cette loi.

Dès qu'il a été apparent que le président n'exercerait pas son pouvoir de veto sur cette loi, nous avons agi. Nous avons agi le plus vite possible. Nous avons soumis ce projet de loi à cette Chambre à l'ouverture de cette session. On aurait pu agir plus vite mais, à mon avis, on n'aurait jamais pu agir plus raisonnablement pour la protection des Québécois et des Canadiens en matière de commerce international.


5212

[Traduction]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Le vote porte sur la motion no 3. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.

(La motion no 3, mise aux voix, est adoptée.)

[Français]

Le vice-président: La prochaine mise aux voix porte sur la motion no 4. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Le vice-président: Je déclare la motion no 4 adoptée.

(La motion no 4 est adoptée.)

Le vice-président: Le vote suivant porte sur la motion no 5. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

(La motion no 5 est adoptée.)

[Traduction]

L'hon. Douglas Peters (au nom du ministre de la Justice) propose: Que le projet de loi, ainsi modifié, soit agréé.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.

(La motion est adoptée.)

Le vice-président: Quand étudierons-nous ce projet de loi pour la troisième fois? Avec votre permission, maintenant?

Des voix: Non.

Le vice-président: Il n'y a pas consentement unanime.

* * *

LA LOI SUR LA MARINE MARCHANDE

L'ordre du jour appelle: Initiatives ministérielles:

19 septembre 1996: -Le ministre des Transports-Deuxième lecture et renvoi au Comité permanent des transports du projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada (responsabilité en matière maritime).
L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je propose:

Que le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada (responsabilité en matière maritime), soit renvoyé immédiatement au Comité permanent des transports.
-Monsieur le président, je suis heureux d'entamer le débat sur le projet de loi C-58, Loi relative à la responsabilité des propriétaires de navires en matière de créances maritimes en général, et de dommages dus à la pollution par les hydrocarbures en particulier.

(1100)

Ce projet de loi a pour objet de moderniser la législation canadienne relative à la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes se trouvant à la partie IX de la Loi sur la marine marchande du Canada, et à la responsabilité et l'indemnisation en matière de dommages dus à la pollution par les hydrocarbures se trouvant à la partie XVI de la même loi.

La révision des limites existantes de responsabilité en matière de créances maritimes est un pas important vers la modernisation de cette loi.

[Français]

Ce régime est unique au transport maritime. Il a pour objet de permettre aux propriétaire de navires de limiter le montant de leur responsabilité financière pour certains types de dommages survenus en rapport avec l'exploitation d'un navire. La limitation est calculée sur la base de la taille du navire et s'applique à toutes les créances découlant du même accident. Cette caractéristique permet aux propriétaires de navires d'évaluer leur responsabilité éventuelle, ce qui est une condition essentielle à l'assurabilité commerciale.

Avec les années, la limitation actuelle de la responsabilité établie dans la Loi sur la marine marchande du Canada est devenue désuète.

Ce régime est basé sur une convention internationale adoptée en 1957 et, par conséquent, les limites de la responsabilité ont perdu une grande partie de leur valeur en raison de l'inflation.

[Traduction]

Cet état de choses a donné lieu à des tentatives répétées de la part des créanciers et des tribunaux de casser les limites afin de recouvrer entièrement leurs pertes.

Un autre point de préoccupation réside dans la limitation de responsabilité pour les propriétaires de navires de moins de 300 tonneaux de jauge brute, ce qui inclut les navires de plaisance. La navigation de plaisance compte de loin le plus grand nombre d'accidents comportant des blessures graves et des pertes de vie.

Il nous faut donc hausser considérablement la limite actuelle d'environ 140 000 $ qui s'applique aux navires de plaisance afin que les créanciers aient de meilleures possibilités de recouvrer leurs pertes.

En résumé, l'insuffisance des montants des limites, jointe aux tentatives répétées de la part des créanciers de casser les limites afin d'obtenir une indemnisation complète, est la principale raison de la révision de ce régime.

La convention de 1976 sur les créances maritimes a été adoptée par l'Organisation maritime internationale en remplacement de la


5213

convention de 1957. Puisque les limites de la convention de 1976 ont été érodées par l'inflation, l'organisation maritime a révisé ces limites dans un protocole adopté en mai de cette année. Ainsi, notre proposition prévoit l'adoption de nouvelles limites qui sauront mieux répondre aux besoins des Canadiens.

[Français]

En ce qui concerne les navires de plaisance, la limite de responsabilité proposée de un million de dollars pour perte de vie ou lésions corporelles sera plus conforme aux niveaux de responsabilité adoptés depuis longtemps par le secteur automobile, par exemple. La nouvelle limite ne devrait pas avoir d'impact spectaculaire sur les frais d'assurance des navires de plaisance.

Comme pour tous les autres types d'assurance, c'est l'expérience des futures créances intentées contre les propriétaires de navires qui déterminera leurs frais d'assurance sous le nouveau régime.

Je souhaite maintenant aborder la deuxième composante de ce projet de loi, soit la révision du régime existant de responsabilité des propriétaires de navires en matière de dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.

[Traduction]

Nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis les accidents du Nestucca et de l'Exxon Valdez sur le côte ouest de l'Amérique du Nord, qui ont fait prendre conscience aux Canadiens et en particulier à la population de ma province, la Colombie-Britannique, des dangers que représentent les déversements de pétrole.

La Colombie-Britannique, dont les ports reçoivent des millions de tonnes de matériel à destination de nombreux autres pays, a tiré avantage de son rôle de porte d'entrée maritime internationale.

Par ailleurs, nos passages maritimes étroits sont parmi les plus fréquentés au monde et tout déversement de marchandise pourrait compromettre l'équilibre fragile et irremplaçable de leur écosystème marin.

(1105)

Il y a plus de vingt ans, j'ai créé le Comité spécial de la pollution environnementale de la Chambre des communes.

De 1969 à 1973, de concert avec des groupes comme la Fédération canadienne de la faune, le Environmental Defence Fund, le Cordova District Fishermen's Union de l'Alaska et Friends of the Earth aux États-Unis, nous avons demandé aux tribunaux américains de se prononcer sur le projet de pipe-line de l'Alaska à la lumière de la National Environmental Policy Act de 1969.

Nous avons obtenu gain de cause. Nous avons exigé, par le truchement des tribunaux, une évaluation environnementale et en particulier une évaluation des aspects maritimes du projet.

À l'époque, le pétrole arabe, et en particulier celui des pays de l'OPEP, était soumis à un embargo et le président Nixon était déterminé à modifier l'issue des procédures judiciaires que nous avions entamées.

Aussi, en ayant recours à un mécanisme rarement utilisé dans le système américain, en vertu duquel les pouvoirs exécutif et législatif décident que les tribunaux ne peuvent être saisis d'une loi, le gouvernement nous a privés de notre victoire judiciaire.

Néanmoins, la question a fait l'objet d'un débat très animé et le vote tenu au Sénat américain a donné un partage égal des voix. Le vice-président, qui était alors Spiro Agnew, a utilisé sa voix prépondérante contre notre cause.

Quoi qu'il en soit, le combat a valu la peine d'être livré et nous avons quand même obtenu gain de cause d'une façon imprévue. De nombreuses concessions ont été faites pour faire approuver la construction du pipe-line.

En ce qui concerne la route maritime, la principale source de préoccupation des Canadiens, de nombreuses concessions ont été faites aux chapitres des types de navires autorisés et de la sécurité maritime. Il y a bien eu le désastre de l'Exxon Valdez il y a huit ans et un autre accident semblable pourrait se produire, mais le combat que nous avons mené il y a vingt ans aura permis de réduire sensiblement les risques pour notre littoral.

En 1989, j'ai effectué une nouvelle étude de la question pour le gouvernement provincial. Je suis fier de recommander à la Chambre cette étude, qui contient 184 recommandations. Les députés y trouveront certainement des choses intéressantes.

Je suis également très heureux de déposer le projet de loi C-58, qui réglera en grande partie la question de l'indemnisation. Ce projet de loi permettra au Canada de mettre en oeuvre les protocoles de 1992 relatifs à la responsabilité civile et au fonds d'indemnisation.

Le vice-président: Je regrette, mais le temps de parole du ministre est écoulé. Y a-t-il consentement unanime pour lui accorder une ou deux minutes de plus?

Des voix: D'accord.

M. Anderson: Je remercie les députés. Il ne me reste que quelques phrases à ajouter.

Les modifications à la Loi sur la marine marchande du Canada contenues dans le projet de loi C-58 nous permettront d'harmoniser la législation canadienne concernant la responsabilité en matière maritime à celle des autres pays maritimes. Autre fait tout aussi important, sinon plus, les modifications haussent les montants des indemnisations qui pourront être demandées dans les réclamations touchant des questions maritimes en général et les cas de pollution par le pétrole en particulier.

[Français]

M. André Caron (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que j'interviens sur la motion de renvoi au comité avant la deuxième lecture du projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur la marine marchande.

Comme le ministre l'a dit, il s'agit de mettre à jour la Loi sur la marine marchande du Canada. Il s'agit d'augmenter la responsabilité des propriétaires de navires de voir à une plus grande compensation des créanciers publics et privés en cas de désastre provoqué surtout par les hydrocarbures.

Il s'agit aussi d'harmoniser la loi canadienne avec un certain nombre de protocoles et d'ententes internationales qui sont interve-


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nues au cours des 20 dernières années. Il est évident que le Bloc québécois est d'accord en principe avec l'objectif du projet de loi.

Je vous dis d'emblée que nous allons examiner tous ces beaux principes avec attention lors de l'étude en comité pour voir s'ils s'appliquent en réalité de la bonne façon.

Le ministre a parlé, dans son exposé, de la tragédie de l'Exxon Valdez.

(1110)

Nous aurions aimé qu'il mentionne aussi la tragédie de l'Irving Whale. Vous savez que depuis des dizaines d'années, une barge appartenant à la compagnie Irving a coulé au large des Îles-de-la-Madeleine. Cette barge a été renflouée cet été. Elle appartenait à une grande entreprise canadienne bien connue pour ses activités commerciales, mais aussi pour certaines particularités qui sont apparues évidentes à la population lors du décès du propriétaire.

Il est devenu évident, à ce moment-là, que le propriétaire, fondateur, créateur de la compagnie Irving a bien dit à ses héritiers que l'important, dans une entreprise, c'était l'intérêt. L'important n'est pas de voir à ce que la compagnie voit au bien public. Pour la compagnie qui a été créée dans une province, dans un pays, qui a bénéficié du soutien des citoyens et des lois des différents gouvernements pour améliorer ses affaires, cela a moins d'importance que l'intérêt.

Cela nous a heureusement rappelé qu'une entreprise, c'est une entreprise, ça suit ses intérêt. On devrait bannir de notre vocabulaire l'expression «citoyen corporatif». Il existe des citoyens, c'est-à-dire des personnes qui ont une dignité de par le fait qu'elles ont la citoyenneté d'un pays, mais une entreprise n'a pas, malgré tous les services qu'elle rend à la collectivité, cette dignité.

Alors, je pense qu'il faudrait bannir de notre vocabulaire l'expression «citoyen corporatif», et c'est un peu dans cette perspective, sans avoir une attitude particulièrement acariâtre ou négative envers les entreprises, que nous allons examiner la loi. Nous allons voir à ce que cette loi vise à responsabiliser, dans une plus grande marge que celle que l'on connaît actuellement, les propriétaires de navires, surtout à la suite d'accidents qui dégagent des hydrocarbures dans les eaux.

C'est très important qu'on mette en oeuvre le principe admis dans notre société, celui du pollueur payeur. C'est un principe populaire, mais il faut faire attention. Souvent, pour justifier certains projets de loi, pour justifier certaines mesures, les gouvernements, actuellement, surtout dans la voie de la nouvelle idéologie qui dit que les usagers devront payer, utilisent certains termes comme «le pollueur payeur», «que l'usager paie», des choses comme ça. Donc, cela nous paraît évident.

Par contre, quand on remarque les applications, cela devient souvent beaucoup plus problématique. On a vu dernièrement, dans la Loi sur la tarification des services de la Garde côtière canadienne, comment un tel principe a été appliqué. Vous savez tout ce qui s'est passé, le Bloc s'est opposé à différentes mesures, la bataille a été dure, on a vu des gens faire représentation sur représentation, disant qu'avant d'imposer de nouveaux tarifs, il fallait d'abord faire le ménage à la Garde côtière.

On nous a décrit des pratiques administratives à vous faire dresser les cheveux sur la tête, mais le ministre des Pêches et des Océans a balayé tous ces arguments du revers de la main et n'a retenu aucune des recommandations des gens qui sont venus déposer des mémoires. Parmi tous les gens qui sont venus déposer des mémoires et qui ont fait des représentations, 75 p. 100 d'entre eux se sont opposés aux nouvelles tarifications. L'est du Canada, surtout le Saint-Laurent et les Grands Lacs, a été nettement défavorisé par ces nouvelles tarifications.

On voit là un principe qui est souvent admis dans notre société, que l'usager paie pour les services qu'il reçoit. On a vu là un principe qui a été mis de l'avant pour justifier des mesures qui sont nuisibles pour une partie de la côte canadienne, celle qui comprend la Voie maritime du Saint-Laurent et les Grands Lacs au profit de l'Atlantique-on ne fera pas encore le procès de cette loi-mais au profit de la côte atlantique.

(1115)

Le Bloc examinera le projet de loi attentivement à l'étape de l'étude en comité. Nous aurons à l'esprit, à ce moment-là, ce qui s'est passé avec le Irving Whale.

Les citoyens canadiens trouvent inadmissible qu'une compagnie puisse se décharger de toute responsabilité, laisse le gouvernement, c'est-à-dire les contribuables canadiens, payer pour le renflouage de cette barge et qu'en plus, le gouvernement, par les lois actuelles, soit obligé de remettre la barge au propriétaire. Peut-être verrons-nous dans un an ou deux, ou même dans quelques mois, dépendant du temps que ça prendra pour réparer la barge, le Irving Whale croiser au large des Îles-de-la-Madeleine. C'est un scandale, cela a coûté 30 millions de dollars aux citoyens canadiens.

Le gouvernement cherche peut-être des moyens pour se faire rembourser, mais dans les lois actuelles, on ne pense pas que le gouvernement ait l'emprise nécessaire pour le faire. Nous examinerons le projet de loi en comité à la lumière des événements qui se sont produits. Je pense que nous aurons des amendements intéressants à proposer, surtout à la suite des mémoires que nous recevrons et des témoins que nous entendrons lors des audiences du comité.

[Traduction]

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, comme vous le savez, le critique du Parti réformiste pour les transports ainsi que plusieurs autres membres du Comité des transports ont eu un problème de transport. Leur autobus a été frappé par une roue qui s'était détachée d'un autre véhicule ce qui fait que, aujourd'hui, nous avons l'équipe B. C'est tout à fait regrettable. Il semble y avoir une épidémie dans la province d'Ontario. Peut-être devrait-on essayer d'améliorer la fixation des roues aux véhicules.

Le Parti réformiste appuie la motion du ministre voulant que ce projet de loi soit renvoyé au comité immédiatement. C'est une bonne mesure législative qui s'attaque à un problème de grande importance.

C'est un très vieux problème dans le secteur du transport maritime qui, je pense, est la cause indirecte d'un grand nombre d'autres problèmes dans le secteur maritime. Il y a beaucoup trop de navires qui arborent un pavillon de complaisance, ce qui fait qu'il nous est très difficile de leur appliquer nos règlements sur l'environnement, la sécurité, le travail etc.

Le Canada dispose de certains moyens, en vertu des lois existantes, pour faire pression sur ses citoyens pour qu'ils immatriculent


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leurs navires au Canada. Pour cela, il suffit de refuser l'accès aux ports canadiens à tous les navires immatriculés à l'étranger qui ne répondent pas à nos normes de sécurité, de salubrité et de protection de l'environnement. Toutefois, il resterait des navires battantpavillon de complaisance qui échapperaient à notre contrôle même s'ils se conforment à ces normes. Ils arborent ce pavillon de complaisance principalement pour échapper aux lois du travail et aux impôts. Il est très difficile de faire quelque chose contre eux.

J'ai une bien modeste proposition. Étant donné que la ministre du Patrimoine canadien distribue gratuitement des drapeaux canadiens, comme tous les députés le savent, elle pourrait peut-être en donner certains au ministre des Finances et il pourrait les mettre sur certains navires qui arborent actuellement des pavillons étrangers.

(1120)

M. George S. Baker (Gander-Grand Falls, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le ministre des Transports. Je voudrais également signaler officiellement que les partis d'opposition semblent favorables à cette mesure législative.

C'est une journée historique pour la Chambre des communes. Cette mesure législative vient compléter la gamme des mesures destinées à protéger l'environnement, notamment contre des substances telles que les BPC dont elle réglemente l'utilisation et le transport au Canada.

À compter d'aujourd'hui le Canada dispose d'une loi qui interdit l'utilisation des polychlorobiphényles. Cette mesure législative, nous la devons à l'ancienne ministre de l'Environnement d'un précédent gouvernement libéral, madame Sauvé. Elle a été suivie de l'adoption d'autres grands projet de la loi par le gouvernement du jour, à savoir la Loi canadienne de protection de l'environnement, la Loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique et la Loi sur les pêches, qui assurent notamment la protection de l'environnement océanique. Ce projet de loi complète ces mesures de protection. Il aura pour effet à la fois d'éliminer les polychlorobiphényles présents dans notre environnement et d'accroître la responsabilité des sociétés qui assument le transport des BPC.

C'est une chose que de proscrire une substance telle que le polychlorobiphényles, mais c'en est une autre que de la transporter à l'endroit où l'on doit la détruire.

Je tiens donc à féliciter le ministre des Transports. C'est un projet de loi tout à fait remarquable. Je félicite également les partis d'opposition pour y avoir souscrit.

[Français]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est renvoyé à un comité.)

LOI SUR LES OCÉANS

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 7 octobre 1996, de la motion: Que le projet de loi C-26, Loi concernant les océans du Canada, soit maintenant lu une troisième fois et adopté, ainsi que de l'amendement.

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, c'est donc avec grand plaisir que j'interviens aujourd'hui dans le débat concernant le projet de loi C-26, Loi concernant les océans du Canada.

Le projet de loi dont il est question a déjà fait l'objet de plusieurs interventions depuis son dépôt devant le Parlement, et tout semble indiquer que le ministre des Pêches et des Océans, fidèle à l'esprit de son parti et du gouvernement, refusera d'écouter les propositions d'amendement émanant de l'opposition officielle.

Force est de constater que le premier ministre et son Cabinet ont pris l'habitude de légiférer sans tenir compte des apports critiques et analytiques que fournit l'opposition officielle, lesquels sont d'une importance d'autant plus grande qu'ils représentent souvent les préoccupations du milieu concerné. Alors que dans les faits, le gouvernement ne fait que répondre aux grandes corporations qui souscrivent allègrement à la caisse du Parti libéral. Les lobbies gravitant autour du pouvoir sont si puissants qu'on en vient à se demander qui gouverne réellement dans ce pays. Est-ce le premier ministre, depuis l'édifice Langevin, ou encore ces grands financiers de Yonge Street?

(1125)

Peu importe, des exemples de cette situation sont si nombreux que les énumérer ici prendrait tout le temps alloué à ce débat. Or, je vous propose de vous pencher sur l'analyse du projet de loi C-26 dont il est question aujourd'hui et vous serez en mesure de mieux comprendre mon point de vue.

Le projet de réglementation du ministre des Pêches et des Océans est certes louable à plusieurs égards. Le fait de construire un système de normes régissant le secteur maritime et les industries s'y rattachant démontre une volonté d'harmoniser les visions du gouvernement à celles des principaux intervenants dans ce domaine. Or, si l'on se penche cependant davantage sur les principales modalités de ce projet de loi, on constate avec stupéfaction qu'il n'en est rien.

Prenons un exemple, le projet d'enregistrement des embarcations de plaisance. Si le ministre se limitait à un concept d'immatriculation des bâtiments de la marine marchande ou des navires à vocation touristique, ce système de normes permettrait un meilleur contrôle de la circulation maritime. Dans cette perspective, le gouvernement pourrait s'assurer de la catégorisation des embarcations sur une base logique et précise. Or, il n'en est rien. Le ministre propose l'enregistrement de toutes les embarcations, sans égard à l'utilisation qu'en feront les propriétaires. Pouvez-vous seulement imaginer les coûts reliés à une telle initiative? À mon avis, l'idée du ministre déborde d'absurdité et laisser supposer une certaine impertinence de la part de ses conseillers.


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Le projet de loi du ministre propose une grille tarifaire selon le type d'embarcation, soit de 5 $ à 35 $ annuellement. Serait-il vraiment nécessaire et surtout pertinent d'immatriculer son pédalo pour environ 5 $ par année? Je vous pose la question, monsieur le Président, et je ne fais nullement allusion aux coûts dérisoires que cela implique.

Évidemment, pour la première année, on dira aux citoyens: «Vous devez enregistrer votre pédalo, 5 $ annuellement.» Or, ce sera pour la première année, 5 $, mais comme on va viser à court terme l'autofinancement de ces enregistrements, je vous parie que d'ici à cinq ans, le pédalo qu'on pourra enregistrer à 5 $ coûtera facilement 20 $, 25 $ et 30 $ annuellement, ce que le gouvernement ne dit pas présentement.

Il est bon de savoir également que le ridicule ne tue pas car, à l'heure où nous débattons de cette absurdité, tous les drapeaux de ce pays seraient en berne et la population en deuil d'un ministre des Pêches et des Océans.

Enfin, revenons à ce qui nous intéresse plutôt qu'à l'état d'esprit de l'honorable ministre. Outre les débordements législatifs du ministre lui-même, le fondement de ce projet de loi trouve sa source dans les consultations publiques. Du moins, c'est ce qu'affirme le ministre. Or, selon les recherches effectuées par le Bloc québécois, les trois quarts des témoins entendus devant le Comité des pêches se disaient contre la mise en place de cette mesure législative. La Garde côtière canadienne a elle-même mené une série de consultations où presque la totalité des intervenants se sont opposés à la méthode proposée de tarification.

Si vous me suivez bien, et je le sais, vous devriez faire assez fidèlement le lien avec mon introduction. Poursuivons.

(1130)

La Garde côtière n'a nullement tenu compte des représentations et des témoignages entendus lors de son exercice consultatif. Dans cette perspective, comment le ministre peut-il oser formuler une ébauche de loi aussi primaire soit-elle? Je vous le demande encore une fois.

En utilisant un processus consultatif biaisé dès le départ, on ne peut que se retrouver avec un amalgame de normes plus ou moins logiques, teintées d'absurdité et d'un ridicule dépassant l'entendement, ce qui, somme toute, cadre assez bien avec l'esprit du gouvernement actuel et de son chef.

De plus, il est légitime de s'interroger sur la pertinence de la Garde côtière d'enregistrer toutes les embarcations pour en assurer le contrôle, alors que cet organe relevant du ministère n'est présent que sur le fleuve Saint-Laurent, le Saguenay, le Richelieu et la rivière des Outaouais.

Comment voulez-vous que la Garde côtière s'arroge le privilège de venir taxer le pédalo sur le lac de l'Est alors que la Garde côtière ne verra jamais de sa vie le lac de l'Est, puisqu'au Québec, la Garde côtière n'effectue présentement son travail que sur le fleuve Saint-Laurent, le Saguenay, le Richelieu et la rivière des Outaouais.

On tente de nous faire croire que l'on s'appuie sur le concept d'utilisateur payeur. Qu'en est-il des milliers de lacs du Québec et des centaines et des centaines de rivières navigables? Je pourrais vous en énumérer quelques-uns, comme par exemple, dans ma région, le lac Aylmer, le Petit lac Saint-François, le Grand lac

Saint-François, le lac Bisby, le lac Rond, le lac à la Truite, le lac William, le lac Bécancour, le lac Bolduc à Saint-Méthode où les citoyens devront éventuellement payer pour l'enregistrement de leurs bateaux à rames, de leurs chaloupes avec un moteur de six forces, de leurs pédalos, alors que jamais on ne verra les officiers de la Garde côtière canadienne.

La vraie raison que tente désespérément de camoufler le ministres des Pêches et des Océans est bien simple. Le responsable québécois de la Garde côtière, d'ailleurs, en a fait mention. Écoutez bien ça: «Il manque la somme de 14 millions de dollars afin de boucler le budget de fonctionnement.» Je vous parie que pour aller chercher ces 14 millions de dollars qui manquent au fonctionnement de la Garde côtière, cette même Garde côtière devra dépenser 16, 18 ou 20 millions en frais d'administration, en salaires au personnel et en paperasserie. C'est ça, l'administration de ce gouvernement. Ce qui démontre de manière probante les véritables visées du gouvernement fédéral et surtout les moyens détournés utilisés pour arriver à ses fins.

Cependant, jamais je n'aurais cru le gouvernement actuel capable de s'abaisser au point de rendre obligatoire l'immatriculation d'un pédalo, d'une barque ou encore d'un kayak. Pourquoi pas un petit radeau comme vous avez probablement construit lorsque vous étiez adolescent, radeau qu'on construisait au mois de mai et qu'on laissait pourrir le long de la rivière ou sur la rive l'automne venu. Le tout pour une question de recouvrement des coûts.

Bien sûr, on pourrait croire en la pertinence d'exiger des droits d'enregistrement des motos-marines ou des bateaux à forte cylindrée. Mais cela peut tout de même paraître un tantinet exagéré pour un véliplanchiste à qui la Garde côtière ne dessert aucun service. Et on ose nous parler du concept en grande vogue, celui de l'utilisateur payeur.

Mais on ne s'arrête pas là, le ministre propose même la mise en place d'un système de formation et de contravention pour les plaisanciers. Un peu comme le cours de maniement d'armes à feu qui existe à la grandeur du pays. Possiblement que les intentions du ministère seraient de former éventuellement les propriétaires ou les conducteurs de chaloupes à rames, de pédalos. Voyez-vous jusqu'où le ridicule pourrait se rendre.

(1135)

Je ne peux tout simplement pas m'empêcher de sourire à l'idée de voir mes propres enfants suivre un cours de navigation en pédalo, ou pire encore, de voir mon fils Martin payer une contravention pour avoir effectué quelques acrobaties sur sa planche à voile. Et encore faudrait-il qu'il ait été pris en flagrant délit sur le fleuve, sur le Richelieu, le Saguenay ou encore la rivière des Outaouais parce que, bien entendu, la Garde côtière ne patrouille pas les rives du lac Aylmer, derrière chez moi, pas plus d'ailleurs que le Grand lac Saint-François ou le lac de l'Est.

J'ai relevé ici les modalités les moins subtiles de ce projet de loi. J'aurais pu utiliser une tangente tout à fait différente afin de démontrer l'absurdité de la mesure législative proposée. Or, mon collègue de Gaspé a déjà abordé la question, sans pourtant recevoir, de la part du ministre, un quelconque signe d'attention. Tout au plus, certains amendements pourraient être débattus avec l'impact que l'on peut déjà anticiper.


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Le gouvernement fédéral, par le biais de son ministre des Pêches et des Océans, démontre une fois de plus le peu d'attention qu'il consacre au principe de la consultation publique. La population est en désaccord avec le fondement de ce projet de loi et le gouvernement s'entête à l'adopter sans égard à la volonté populaire. Il y a lieu de s'interroger sur les motivations réelles de ce gouvernement dans tout le processus mis en branle depuis près d'un an.

De plus, il est relativement simple de constater jusqu'à quel point le gouvernement fédéral tente encore une fois de s'immiscer dans les champs de compétence des provinces, non seulement en voulant contrôler les embarcations circulant sur les plans d'eau du Québec et des autres provinces, mais en mettant de l'avant certaines normes de contrôle de l'environnement, ce qui, de toute évidence, donne un pouvoir étendu au ministre des Pêches et des Océans, tout en diminuant le rôle du ministère de l'Environnement.

Le ministre désire à tout prix orchestrer un dédoublement des contrôles à l'intérieur même de l'appareil fédéral, alors que l'on tente désespérément de limiter et de réduire cet état de fait entre le gouvernement central et les provinces. À n'en plus douter, le ministre est en proie à une sérieuse crise de pouvoir, ce qui explique peut-être le problème de leadership à l'intérieur du Cabinet et l'incapacité du premier ministre à le raisonner.

Avant de conclure, j'aimerais attirer votre attention sur une situation d'autant plus critique et révélatrice des visées du gouvernement. En ce sens, le projet de loi C-26 ne prévoit nullement la nécessité pour le ministre des Pêches et des Océans de s'entendre avec les autres membres du Cabinet, pas plus qu'avec les fonctionnaires du ministère de l'Environnement. Cette situation laisse présager des chevauchements et des dédoublements encore jamais vus, qui n'existaient pas avant l'adoption prochaine de ce projet de loi C-26, puisque le ministre des Pêches et des Océans, en raison de la mission qu'il se confie lui-même, pourra s'approprier à sa guise le rôle de ministre de l'Environnement.

Et dire que le gouvernement fédéral tente de vendre son programme à la population canadienne sur la base d'un assainissement des finances publiques. Autant le dire tout de suite, la population du Québec commence à voir de plus en plus clair dans le jeu du gouvernement fédéral et sera bientôt en mesure de fixer elle-même, et je le souhaite de tout coeur, les règles du jeu.

(1140)

Ce gouvernement libéral, au lieu de courir après les propriétaires de pédalos, de bateaux à rames qui s'amusent sur des plans d'eau de juridiction provinciale, tels le lac Saint-François, le lac William, le lac du Huit, le lac à la Truite ou le lac de l'Est, par exemple, dans ma circonscription, ferait bien mieux de voir au maintien des 2 000 emplois qui existent présentement dans nos mines d'amiante.

Qu'attend ce gouvernement, au lieu de s'amuser encore à courir après des jeunes gens, à vouloir faire immatriculer des embarcations, tels les pédalos, qu'attend-il pour investir des montants équivalents pour la défense de l'amiante, pour combattre les mensonges véhiculés notamment dans l'émission Amiante: 50 ans de mensonges présentée sur le réseau TV5?

En terminant, j'invite encore une fois ce gouvernement à écouter son ambassadeur en France qui lui suggérait, il n'y a pas moins de deux semaines, d'initier une vaste campagne de promotion pour promouvoir l'utilisation sécuritaire de l'amiante.

[Traduction]

M. George S. Baker (Gander-Grand Falls, Lib.): Monsieur le Président, le député bloquiste qui vient d'intervenir fait exactement la même chose que ses collègues bloquistes dans le cas de ce projet de loi.

Il se concentre, comme le député de Gaspé l'a fait, sur six ou sept articles du projet de loi seulement. Or, cette mesure en renferme 109. Le Bloc a choisi six articles à peu près, soit de l'article 47 à 52, où on dit que «le ministre peut». On ne dit pas le ministre doit faire telle ou telle chose ou fera telle ou telle chose. C'est simplement une possibilité.

On précise ensuite qu'il faut publier le décret dans la Gazette du Canada dans les trente jours suivant sa prise. On ajoute que le comité visé par la Loi sur les textes réglementaires en est saisi et que le Comité permanent pertinent de la Chambre des communes doit l'examiner.

Le député ne parle même pas du principal objectif de ce projet de loi, qui est de donner au gouvernement canadien le pouvoir de déclarer, au nom des Canadiens, une zone économique exclusive s'étendant jusqu'à 200 milles marins de la ligne de base de la mer territoriale du Canada.

Ce projet de loi historique a pour principal objectif de protéger les ressources marines et les fonds marins du Canada.

Il suffit de lire ce que le ministère de la Justice a écrit dans le sommaire du projet de loi. C'est exactement ce que j'ai dit. Il s'agit de respecter l'évolution du droit maritime international aux termes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

Nos vis-à-vis ont décidé de ne même pas en parler. Ils s'attardent sur les droits qui ont été imposés aux termes de mesures législatives précédentes qui donnaient au ministre le pouvoir de faire ceci ou cela. Or, dans cette loi, dans les six articles dont ils parlent, on ne dit pas que le ministre doit, mais bien qu'il peut. Aux termes de cette loi, le ministre est forcé de suivre toute une procédure.

Je suis persuadé que le député se lvera à la Chambre pour féliciter le gouvernement pour l'objectif général de ce projet de loi qui va protéger les droits de pêche des pêcheurs de la côte nord du Québec et de la Gaspésie.

Pour une fois, un gouvernement fédéral fait ce que beaucoup d'autres nations du monde font. On aurait dû le faire il y a des années. Cependant, c'est tout à l'honneur du gouvernement actuel qu'on aille maintenant de l'avant avec cela.


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(1145)

J'espère que le député va intervenir et féliciter le gouvernement du Canada, le gouvernement libéral, pour ce qu'il fait pour les pêcheurs canadiens.

[Français]

M. Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, si mon distingué collègue s'était donné la peine d'écouter mon discours en entier, pas seulement les bribes qui lui ont déplu, mais le discours en entier, il aurait remarqué qu'à certains égards, je trouve louables certaines parties du projet de loi C-26.

Cependant, pour la réussite de la mise en place de la stratégie, il vaut mieux définir clairement les relations entre les partenaires. Pourquoi le ministre des Pêches et des Océans s'immisce-t-il encore une fois dans le domaine des compétences provinciales? Le lac Aylmer, le Grand lac Saint-François, le lac Bisby, où il y a à peine 18 pouces d'eau, vous allez venir y immatriculer les pédalos? C'est friser le ridicule. Jamais ces contribuables ne verront un officier de la Garde côtière de ce pays.

Je m'imagine son ministre venir courir après des adolescents de 14, 15 ou 16 ans en leur offrant un cours de maniement de pédalo. Êtes-vous sérieux de vouloir administrer le pays, le Canada, en vous immisçant de façon aussi éhontée avec vos gros pieds et vos gros sabots dans des juridictions provinciales?

Il y a aussi la rivière Saint-François, que je descendais allègrement dans ma jeunesse, avec des radeaux de fortune qu'on construisait. Est-ce qu'il va falloir cogner à la porte de son ministère pour obtenir une immatriculation de 5 $, 10 $ ou 20 $, alors que tout le monde sait très bien, selon le principe d'utilisateur payeur, qu'on paie lorsqu'on reçoit des services, telle une surveillance?

À cet égard, j'énumérais les plans d'eau où on risque de rencontrer la Garde côtière, mais jamais dans ma circonscription, dans la grande région de l'Estrie, on va voir une figure connue de la Garde côtière. Ce qu'on va voir, cependant, ce sera des collecteurs. Au début, on parle de 5 $ pour un pédalo mais, encore une fois, dans 5, 6 ou 7 ans, ces 5 $ deviendront 60 $ ou 70 $. Ça frise le ridicule.

C'est pourquoi nous, du Bloc québécois, avons peur des nouveaux pouvoirs de tarification et c'est pourquoi aussi nous n'avons pas hésité un seul instant à dénoncer cela avec vigueur et, bien entendu, nous allons tous, du Bloc québécois, voter contre ce projet de loi C-26. J'ose espérer que le gouvernement libéral s'assoira et reverra les consultations qu'il a effectuées, de même que les consultations que la Garde côtière a effectuées, pour revenir en arrière, parce que l'erreur est humaine et que ce gouvernement est en train d'accomplir une de ses pires bêtises, depuis l'année dernière et cette année, en allant de l'avant avec ce projet de loi.

C'est sûr que certains points sont bons, mais lorsqu'on prend l'ensemble du projet de loi C-26, il n'y a aucune hésitation, il faut le rejeter immédiatement.

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, j'admire la vivacité avec laquelle mon collègue de Frontenac exprime la position du Bloc québécois dans le dossier du projet de loi C-26 via les commentaires qu'il a adressés au député de Gander-Grand Falls.

(1150)

Le Bloc québécois ne s'oppose pas à l'objectif, à la vertu d'avoir une stratégie nationale sur la gestion des océans. Cependant, ce qu'on a toujours dit, et c'est ce qui est supposé être le coeur de ce projet de loi, c'est qu'il vaudrait mieux définir les relations entre les partenaires. C'est ce que mon collègue a dit, et en l'absence de cette définition claire, on a peur des nouveaux pouvoirs que le ministre va se donner avec ce projet de loi.

Il n'avait pas ces pouvoirs avant, et regardez la liste des horreurs qui ont été commises le printemps dernier. Qu'on ne vienne pas nous faire croire que c'est pour la beauté et la grandeur du Canada que l'on parle de cette stratégie nationale. Il y a d'autre bibittes qui vont avec ça, ces nouveaux pouvoirs de tarification.

Si le Canada a réellement envie que sa stratégie nationale fonctionne, il faudra qu'il établisse des liens clairs avec ses partenaires. Je prends à témoin le député de Gander-Grand Falls. Il a peut-être passé 22 ou 24 ans en cette Chambre, il a vu des premiers ministres conservateurs passer, et il se souviendra qu'il y a eu un premier ministre libéral dans sa province, à l'époque, M. Brian Peckford.M. Peckford était un ardent défenseur de la morue, et M. Peckford ne trouvait pas oreille à Ottawa lorsqu'un premier ministre conservateur était au pouvoir.

Si on ne veut pas répéter les erreurs du passé, et le député de Gander-Grand Falls conviendra avec moi que la santé électorale du premier ministre actuel ou les champs électoraux du premier ministre actuel, tant à Ottawa que chez lui à Terre-Neuve, ont toujours une fin, et que s'il veut éviter que les chicanes recommencent à l'avenir, il faudrait définir les rôles et les liens entre les partenaires. C'est ce qu'il faut faire. Je suis sûr que mon collègue pense la même chose.

M. Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, dans la Constitution canadienne de 1867, on a fait un partage des pouvoirs. Au sujet des eaux, on a dit que les eaux navigables seraient de juridiction fédérale, puisqu'il y a plusieurs citoyens de ce vaste pays qui pourront utiliser ces eaux, comme le fleuve Saint-Laurent, par exemple, le Richelieu, la rivière des Outaouais. Ça, on en convient.

J'ai énuméré des lacs, tout à l'heure, qui existent dans le Grand Nord québécois. Il y a des milliers et des milliers de lacs au Québec et autant de rivières, j'en suis convaincu, qui sont totalement de juridiction québécoise. Alors, le ministre va s'arroger le pouvoir de venir contrôler la navigation sur un lac en voulant immatriculer toute embarcation. Et ça, je ne le prends pas. Il faut dénoncer cela.

Je me rappelle de l'ex-premier ministre libéral, M. Trudeau, qui, petit à petit, s'arrogeait des pouvoirs. Sa philosophie était un Québec faible, un Canada fort, et là, on va administrer les provinces comme des petites municipalités. C'étaient vos visées, n'est-ce pas? Vous étiez en cette Chambre à ce moment-là. On ne vous laissera pas faire. On ne laissera pas faire ce gouvernement, et soyez assurés que nous allons veiller à ce que la juridiction du Québec soit sauvegardée là-dedans.


5219

Encore une fois, l'odieux, si jamais, par sa majorité ici en cette Chambre, le Parti libéral réussissait à imposer une tarification aussi absurde que celle d'immatriculer et pénaliser des enfants qui vont souvent s'amuser dans les rivières et les lacs, alors le Parti libéral aura l'odieux de pénaliser cette jeunesse, autant celle du Québec que celle d'ailleurs dans ce vaste pays.

Encore une fois, j'invite ce gouvernement à s'asseoir avec les provinces et à discuter de stratégie avec ses partenaires. Vous n'êtes pas seuls dans ce vaste pays. Il y a d'autres provinces, il y a deux territoires, et ces juridictions, est-ce que les autres provinces sont prêtes à vous les céder? Je ne crois pas. Si on donne un pouce au gouvernement fédéral, il prendra un pied, et si on lui donne un pied, il va vouloir prendre tous les plans d'eau.

(1155)

J'espère que le gouvernement reverra ses positions et relira, encore une fois, les notes des consultations qu'il a tenues à la grandeur du pays, puisque plus des trois quarts s'opposent au projet de loi C-26.

C'est un peu comme le premier ministre qui disait, la semaine dernière, que le général Boyle était le meilleur et qu'on ne changerait pas le ministre de la Défense à tous les 12 mois comme faisaient les conservateurs. Il s'est entêté à défendre son général et son ministre de la Défense, et aujourd'hui, tout y fait dans les mains. Je pense qu'on pourrait parier vous et moi, monsieur le Président, sur la longévité du général Boyle présentement. Gardera-t-il son poste pendant les quelques jours qui restent dans la présente semaine?

Je termine en invitant ce gouvernement à faire un acte d'humilité en retirant de larges extraits du projet de loi C-26, notamment en ce qui concerne l'immatriculation des embarcations sur les petits plans d'eau de juridiction provinciale.

[Traduction]

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux aujourd'hui d'intervenir dans le débat sur le projet de loi C-26 concernant les océans.

Je compte m'arrêter sur des questions précises touchant un aspect extrêmement important de la société canadienne, que le gouvernement actuel et ses prédécesseurs ont pourtant négligé. Des océans bordent trois côtés de notre pays. Ils nous offrent d'énormes possibilités mais ils nous imposent aussi de lourdes responsabilités sur le plan commercial, social et sur le plan de la protection du milieu marin et des espèces qui l'habitent. Ils profitent non seulement aux Canadiens, mais aussi à toute la population mondiale.

Je vais d'abord traiter du plan du ministre ayant trait à la stratégie sur la pêche commerciale, qui représente une énorme déception pour moi qui vis en Colombie-Britannique. Les représentants des divers groupes chargés de la pêche commerciale ont rencontré le ministre et lui ont présenté des propositions concrètes, précises et raisonnables qui sont équitables envers tous et qui protégeraient nos pêches actuelles et futures.

En contrepartie, le ministre a proposé le plan Mifflin qui va malheureusement éliminer la pêche commerciale sur la côte ouest et y reproduire le désastre de la côte est. Il est parfaitement possible d'éviter cette situation. Que va faire le ministre?

Le ministre va concentrer la pêche commerciale dans un très petit nombre de mains. Il réduit le nombre des bateaux de pêche, ce qui est très bien, mais, au lieu de le faire de façon équitable, il va s'assurer que la pêche commerciale en Colombie-Britannique soit confiée au très petit nombre de gros intervenants. Il en résultera un taux de chômage élevé dans le secteur de la pêche commerciale. Les petites localités éparpillées le long des côtes de la Colombie-Britannique qui ont vécu de la pêche durant des décennies seront décimées. On ne peut sous-estimer les répercussions sociales.

Tout le monde à la Chambre comprend clairement ce que cela signifie pour une petite localité que de se voir privée de son unique industrie. Cela est encore évitable. À cause des frais qui seront imposés, la pêche commerciale en Colombie-Britannique se trouvera concentrée entre les mains des propriétaires de grands navires. Les petits pêcheurs se retrouveront sans emploi et dans le pétrin.

Nous devrions plutôt proposer une stratégie intelligente. De concert avec les scientifiques, le ministre devrait établir la quantité de prises permise. À partir de ces données, les divers groupes intéressés décideront eux-mêmes de la diviser entre eux. De cette manière, le gouvernement ne participera pas à cette répartition et ne s'attirera pas de critiques à cet égard. La responsabilité résidera uniquement dans les différentes stratégies de pêche commerciale. Cela devrait inclure également la stratégie de la pêche sportive, qu'il ne faut pas sous-estimer comme on l'a fait dans le passé.

En Colombie-Britannique, on compte environ 300 000 pêcheurs sportifs, qui injectent chaque année des milliards de dollars dans l'économie de la province.

(1200)

Le ministre actuel et les gouvernements précédents ont complètement ignoré cet important secteur. Ils se sont contentés de dire aux pêcheurs combien de poisson ils pouvaient pêcher chaque année, mais beaucoup trop tard. Par exemple, les premiers salons pour les organisations de pêche sportive se tiennent à partir de janvier en Colombie-Britannique. Les amateurs de pêche ont besoin de savoir avant la tenue de tels événements combien de poissons ils seront autorisés à prendre et où ils seront autorisés à pêcher, de sorte que les exploitants de services de pêche puissent inciter les visiteurs et les touristes de partout dans le monde à venir pêcher dans nos cours d'eau.

L'année dernière, ces renseignements ont été communiqués au printemps. Les visiteurs qui seraient normalement venus pêcher dans notre province n'ont donc pas répondu à l'invitation parce qu'ils croyaient qu'il n'y aurait pas de poisson à pêcher et parce qu'ils ne savaient pas combien de poisson ils seraient autorisés à prendre. Beaucoup de gens dans le monde ont eu l'impression qu'il n'y avait tout simplement pas de saumon à pêcher en Colombie-Britannique. Voilà une catastrophe qu'on pourrait éviter.


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Si cela continue, les groupes de pêche sportive en Colombie-Britannique vont être décimés, ce qui sera une lourde perte pour la province et pour l'économie canadienne.

Ces données seraient publiées en novembre. Je propose que le ministre, de concert avec les scientifiques, décide combien de poissons les groupes de pêche sportive peuvent prendre et à quel endroit. Le ministre leur ferait connaître le volume des prises au plus tard le 1er décembre. C'est un défi que je lance au ministre des Pêches et à ceux qui travaillent au ministère des Pêches et des Océans.

Si nous agissons de la sorte, les groupes de pêche sportive auront la possibilité de faire venir au Canada des pêcheurs du monde entier qui dépenseront chez nous leur argent et injecteront ainsi des capitaux dans l'économie canadienne. Cela peut se faire, et je le supplie d'agir tout de suite au lieu d'attendre au printemps, car il sera alors trop tard.

Le ministre ne s'occupe pas de façon intelligente de la stratégie de la pêche commerciale. Il ne fixe pas les limites qui s'imposent, il les fixe trop tard, et il ne laisse pas les entreprises se partager les prises entre elles de la manière appropriée.

Les pêcheurs commerciaux ont avancé bien des idées intelligentes, par exemple au sujet des prises à l'embouchure des rivières ou à l'extérieur de certaines zones, au sujet de l'interdiction de dresser des barrières infranchissables avec des filets pour vider l'océan. Le ministre doit veiller à ce qu'on laisse passer assez de poissons pour qu'ils aillent frayer et que des petits poissons redescendent des rivières. Autrement, les cours d'eau vont se vider.

Le ministre ne s'est pas occupé de tout cet aspect de l'application des règlements. Il est essentiel que la loi soit appliquée de façon juste et équitable indépendamment de la nationalité, de la couleur de la peau ou de l'origine ethnique. Le ministre des Pêches et des Océans doit absolument rappeler aux fonctionnaires de son ministère, qui en sont empêchés à l'heure actuelle par les bureaucrates supérieurs, qu'ils doivent exécuter la loi dans l'intérêt de tous.

Peu importe qui vous êtes, tout le monde bénéficiera de l'exécution juste et équitable de la loi. Ce n'est pas ce qui arrive à l'heure actuelle. On ferme les yeux sur la pêche illégale et le braconnage auxquels s'adonnent certains segments de notre société. Les agents du ministère des Pêches et des Océans et de la GRC ont l'ordre de ne rien faire parce que le gouvernement a peur d'une confrontation avec ces gens-là ou encore d'être traité de raciste ou d'anti-autochtone, et c'est inacceptable.

Cela rend un très mauvais service aux autochtones qui, par exemple, pêchent en respectant leurs limites de façon juste et équitable, comme le fait la vaste majorité d'entre eux, et qui souhaitent un développement durable des pêches à long terme. Cela rend un très mauvais service aux membres non autochtones de la collectivité qui se sentent trahis et traités en citoyens de seconde catégorie. La loi est la même pour tous et doit s'appliquer à tous. Autrement, on n'aura aucun respect pour les lois de notre pays, aucun respect n'est possible.

(1205)

Le ministre doit aussi rassembler les gens qui ont endommagé l'environnement dans lequel vit le poisson. La réjuvénilisation de l'habitat est un élément clé de la réjuvénilisation des pêches de la côte ouest. Un grand nombre de cours d'eau ont été décimés par l'exploitation forestière et l'industrie minière.

Il importe de remettre ces cours d'eau dans l'état où ils étaient auparavant, mais il importe tout autant que les contribuables n'aient pas à payer pour cela. C'est là que le ministre intervient. C'est là qu'il doit faire preuve d'autorité et dire aux responsables: «Vous avez fait du tort à ce cours d'eau et vous allez réparer ce tort, mais nous allons vous fournir la possibilité de le faire en collaborant avec vous de façon coordonnée». Des avantages fiscaux seraient peut-être tout indiqués dans ce cas.

De cette manière, nous pouvons restaurer nos cours d'eau, accroître les stocks de saumon naturels et, partant, augmenter la rentabilité économique de nos pêches sur la côte ouest. Toutes ces questions sont interreliées et il faut les régler: entretenir de bons rapports avec les secteurs de la pêche commerciale et sportive, fixer des limites à la satisfaction de tous les groupes, restaurer l'habitat, appliquer la loi.

Si le ministre pouvait cesser d'étudier ces questions et s'il commençait à prendre des mesures concrètes pour les régler, nous pourrions sauver les pêches de la côte ouest au lieu d'examiner dans le menu détail le désastre de la côte est.

La question des phares constitue un autre problème qui est très important sur la côte ouest et que le projet de loi pourrait régler, ce qu'il ne fait toutefois pas. Il a été démontré de manière non équivoque que l'automatisation des phares sur la côte ouest aura des répercussions négatives sur la sécurité de ceux qui naviguent dans les eaux de cette région. On a démontré qu'il y aura des répercussions négatives non seulement par rapport à la sécurité, mais surtout, du point de vue économique. S'il faut examiner les faits froidement, allons-y.

Si on automatise un phare, son entretien coûtera plus cher aux contribuables que si un gardien est sur place, comme c'est le cas actuellement. Le travail que le gardien effectue pour entretenir le phare vaut bien plus que le salaire qu'il touche et que ce qu'il coûte aux contribuables. Il est insensé et parfaitement stupide d'automatiser les phares de la côte ouest.

J'exhorte le ministre, avant qu'il ne soit trop tard, à réévaluer la situation, à l'examiner intelligemment, à étudier les faits. Il arrivera, j'en suis certain, à la conclusion qu'il vaut mieux ne pas automatiser les phares de la côte ouest.

Il y a aussi d'autres initiatives locales qui peuvent être appuyées. En Colombie-Britannique, la communauté maritime de l'Ouest a présenté une proposition pour le financement de notre garde côtière. C'est une proposition sensée, qui ne coûterait pas plus cher aux contribuables. Cette proposition prévoit des activités efficaces de recherche et sauvetage menées par la garde côtière en Colombie-Britannique. Je demande à nouveau au ministre d'examiner cette


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proposition très intéressante de la communauté maritime de l'Ouest.

Dans le cadre de nombreuses initiatives locales, les gens ont aussi conjugué leurs efforts pour fournir une capacité de recherche et sauvetage dans les petites collectivités qui sont difficilement desservies par la garde côtière. Ce sont là des façons peu coûteuses d'assurer la sécurité sur la côte ouest. Le ministre peut jouer un rôle de chef de file, non pas en injectant des fonds dans le système, mais en encourageant les groupes locaux à prendre ce genre d'initiative et, je le répète, en faisant payer les usagers.

Je suis certain que les plaisanciers qui naviguent sur les eaux de la côte ouest n'auront rien contre l'idée de payer un service dont ils pourraient avoir désespérément besoin, un jour, dans leur vie.

Un autre domaine dont ne traite pas ce projet de loi et qui me tient beaucoup à coeur, comme à beaucoup de Canadiens sans doute, parmi les jeunes surtout, est l'environnement. En ce moment même, nos océans connaissent de graves problèmes de pollution. Cela se manifeste par la plus grande quantité de substances oncogènes et tératogènes comme les BPC et de nombre d'autres substances qui entrent dans la chaîne alimentaire et leur concentration au fur et à mesure qu'elles montent dans la chaîne. Il en résulte que les animaux atteints meurent et, qu'au sommet de la chaîne, ces agents toxiques et oncogènes s'accumulent dans nos propres organismes.

(1210)

D'aucuns croient peut-être que ce n'est pas un problème, mais je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur l'Arctique. La population de l'Arctique souffre d'effets tératogènes, de malformations génétiques et de taux de cancer plus élevés que la normale. Cela est attribuable aux agents toxiques et oncogènes qui s'accumulent dans la chaîne alimentaire. Quant les gens mangent, ces agents s'accumulent dans leur organisme, ce qui cause un désastre médical.

Je prie le ministre des Pêches et des Océans, le ministre de la Santé et le ministre de l'Environnement de présenter des solutions intelligentes et efficaces pour régler ce problème. Cela ne peut pas se faire isolément. Les polluants qui contaminent nos eaux arctiques viennent aussi d'autres pays riverains.

Récemment, je suis allé à Yellowknife où les pays riverains de l'Arctique se sont réunis pour discuter de cette question. J'avais espéré que des solutions seraient proposées. Malheureusement, ils ont choisi d'étudier le problème et de créer un conseil de l'Arctique pour que ce dernier se penche sur la question. Le temps des études et des examens est passé. Ce n'est plus le temps de tenir des commissions d'enquête ou de charger un comité de la Chambre d'étudier la question. Il est temps de passer à l'action dès maintenant. La population de l'Arctique a besoin que le gouvernement passe à l'action. Quiconque en doute devrait aller dans l'Arctique se rendre compte par lui-même des horribles maladies dont souffrent les habitants de cette région. Et les choses vont empirer.

Le Canada est un chef de file dans un certain nombre de domaines. L'un d'entre eux est la recherche. Sur la côte ouest, à Victoria, il existe de superbes installations de recherche qui font des travaux utiles des points de vue commercial et scientifique. Les scientifiques du monde entier ont les yeux braqués sur nous et se servent des résultats de nos recherches à leurs propres fins.

Des compressions doivent certes être apportées, mais nous ne devrions pas supprimer d'importantes recherches. La recherche réalisée dans ces domaines aura de profondes répercussions sur toute notre société dont nous profiterons tous. Abolir certains programmes de recherche nous ferait économiser quelques dollars, mais, au bout du compte, nous en perdrions des milliers.

Il y a quelques années, nous avons laissé passer une excellente occasion de devenir des leaders mondiaux en pisciculture. Ce sont les Chiliens qui ont saisi cette occasion à notre place. Les Islandais étaient venus nous voir en nous disant: «Nous sommes très forts en pisciculture. Nous gérons très bien nos pêcheries. Laissez-nous travailler avec vous pour élaborer des stratégies permettant d'améliorer la pêche commerciale et la pêche sportive au Canada.» Ils sont repartis dégoûtés et découragés. Ils n'arrivaient pas à croire que le Canada ne faisait rien pour sauver ses pêcheries. Ils ont vu le potentiel de notre grand pays. Pourquoi ne pouvions-nous pas le voir?

Nos pêches et nos océans ont un potentiel énorme. Mais cela nous impose de grandes responsabilités. Nous n'avons rien fait de bon pour nos océans. Plutôt que de jouer un rôle créatif, intelligent et efficace dans la gestion de nos pêcheries et de nos océans, nous nous sommes soustraits à nos responsabilités. Nous devrons un jour payer pour cette erreur. Mais il n'est pas trop tard pour nous reprendre. Je sais que le ministre aimerait travailler avec mes collègues réformistes et avec les députés bloquistes. Ensemble, nous pouvons collaborer avec des représentants de la population et des secteurs intéressés pour élaborer des stratégies efficaces permettant de sauver la pêche commerciale et la pêche sportive dans nos océans, nos lacs et nos rivières.

(1215)

Je mets le ministre au défi de travailler avec nous. J'attends sa réponse tout de suite.

M. George S. Baker (Gander-Grand Falls, Lib.): Madame la Présidente, je me demande si le député pourrait faire quelques observations sur la raison d'être générale du projet de loi qui est, bien entendu, la conservation et l'amélioration de la gestion des pêches, ainsi que le fait que le Canada étend maintenant sa zone économique exclusive à 200 milles de la ligne de base de la mer territoriale pour les besoins de la gestion et de la conservation. Peut-être que le député voudra féliciter le gouvernement fédéral, le ministre des Pêches et des Océans et le secrétaire parlementaire d'avoir enfin pris cette magnifique initiative au nom de la population du Canada.

Le député a mentionné le fait que les toxines et les polluants pénètrent dans les cours d'eau de la province de Colombie-Britannique et d'autres parties du Canada. N'est-il pas d'accord avec la récente décision du gouvernement canadien, notre gouvernement,


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de remplacer l'utilisation des produits chimiques toxiques, tels que le matacil, le fénitrothion et d'autres produits chimiques, sur de grandes superficies de terres forestières par un produit biologique, comme le bacillus thuringiensis, couramment appelé BT, qui a été mis au point au Canada par des scientifiques canadiens? En fait, ce scientifique, c'est le professeur Smirnoss du Québec.

Le député est-il d'accord avec ce remplacement des produits chimiques pour la protection des forêts et dans d'autres domaines puisque, inévitablement, les produits chimiques finissent par aboutir dans les cours d'eau et, de là, dans les océans?

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Madame la Présidente, le fait est que nous ne pouvons pas administrer une zone de 20 milles et encore moins une zone de 200 milles. C'est la réalité à laquelle nous sommes confrontés sur la côte ouest.

Actuellement, par exemple, des bateaux de pêche sont en train de ratisser les océans. Ils vont au large et prennent du poisson qu'ils transbordent sur des navires de conditionnement et de congélation venant d'autres pays en bordure du Pacifique. Tout cela est fait clandestinement. Les agents d'application de la loi et la Garde côtière savent cela, mais ne font absolument rien.

Je sais que le député est très favorable au secteur, qu'il est actif dans ce domaine, qu'il a fait beaucoup pour la population et qu'il sait ce qui se passe.

Nous pouvons très bien étendre la zone à 500 milles, si l'on veut, mais cela ne changera rien parce que nous n'avons pas la volonté politique de faire quoi que ce soit. Le problème, c'est la volonté politique. Le reste, c'est de la poudre aux yeux.

J'implore le député, lui qui a travaillé si dur pour les gens qu'il représente, de faire pression sur le ministre, comme nous essayons de le faire, pour que l'on trouve des solutions efficaces à l'intérieur de la zone de 20 milles, de la zone 200 milles, peu importe la zone, parce que rien ne se fait en ce moment.

(1220)

Pour répondre à l'autre question du député, la bureaucratie du ministère des Pêches et des Océans est trop lourde. Elle travaille à l'encontre du bien public et les employés du ministère sur le terrain sont démoralisés. Les meilleurs agents du ministère sont retirés des endroits où ils seraient les plus efficaces pour être placés dans des endroits où ils le seront le moins. C'est ce qui se passe actuellement pour des raisons purement politiques. On fait cela parce que les bureaucrates au sommet du ministère ne veulent pas que ces gens fassent leur travail parce qu'une partie de leur travail est politiquement incorrect.

Les bureaucrates du ministère des Pêches et des Océans ont peur de faire respecter les règlements qu'ils sont censés faire appliquer. Les agents du ministère sur le terrain, qui sont des personnes dévouées et travailleuses, veulent véritablement sauver les pêches. Cela leur brise le coeur et les démoralise de voir comment les bureaucrates leur répondent. Ce sont des faits.

Pour répondre à la dernière question du député, je suis d'accord avec lui pour dire que le remplacement des produits chimiques tératogènes, carcinogènes et dangereux pour l'environnement est excellent. Il a soulevé l'exemple du BT, une découverte canadienne comme il le mentionnait. Je voudrais lui rappeler également que nous n'allons probablement pas avoir de nouvelles découvertes de produits comme le BT au Canada parce que la recherche a été complètement éviscérée par la bureaucratie et le ministère.

M. Ron MacDonald (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le discours du député. Les faits sont bien différents des arguments qu'il a présentés.

Le député essaie de faire deux choses en même temps. Son parti présente des arguments en faveur de compressions supplémentaires dans tous les ministères. Ensuite, il intervient en faveur de ses intérêts locaux, reproche au gouvernement les compressions qu'il fait pour aider à équilibrer le budget et à rationaliser l'administration des ministères, comme celui des Pêches et des Océans.

Il est tout à fait clair qu'il ne peut gagner sur les deux tableaux. Le chef de son parti ou le porte-parole de son parti en matière de finances ne peuvent pas intervenir tous les jours à la Chambre pour réclamer davantage de compressions, puis, dans certains débats, se mettre à critiquer le gouvernement et à dire de ne pas faire de compressions, mais, au contraire, de prévoir davantage de ressources.

Je connais bien cette divergence que défendent les députés réformistes. En tant que président du comité qui a examiné cette loi, j'y ai été confronté presque quotidiennement. Les députés réformistes se disaient d'accord avec les gens qui venaient présenter leurs arguments. Ils ont dit très clairement que ce projet de loi se faisait attendre depuis longtemps, que c'était une initiative courageuse, de la part du ministre des Pêches de l'époque, qui est maintenant premier ministre de Terre-Neuve, et de la part du premier ministre du Canada, de procéder à un regroupement de ce genre.

Les réformistes étaient d'accord avec les témoins, mais, lorsque c'était le temps de débattre des principes et d'essayer de soutenir ce que nous avions appris durant les audiences du comité, ils s'esquivaient. Ensuite, ils incitaient d'autres députés qui ne siégeaient pas au comité à intervenir à la Chambre pour essayer de jouer sur les deux tableaux. Ça ne va pas être le cas aujourd'hui.

Le député vient de dire que le gouvernement, le ministre actuel et son prédécesseur n'avaient pas vraiment le courage de s'attaquer aux questions de l'heure. Je lui demanderais donc de nous dire si son parti a appuyé, au comité, le regroupement de programmes et de lois dont il est question dans la Loi sur les océans.

Le Parti réformiste a-t-souscrit aux efforts que le gouvernement a déployés pour réduire les effectifs d'une bureaucratie pléthorique dans tous les ministères, notamment celui des Pêches et des Océans qui a connu une diminution de 40 p. 100. Peut-il me dire aussi si les réformistes ont donné leur aval aux efforts de l'ancien ministre des Pêches et du gouvernement qui se sont présentés devant l'opinion


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mondiale pour s'opposer à la surpêche, alors que les bateaux espagnols épuisaient nos stocks de flétan aux extrémités des Grands Bancs.

Le député ne peut gagner sur les deux tableaux. Est-il prêt à reconnaître que nous avons été courageux dans ces domaines, que nous avons pris les mesures qui s'imposaient et que nous avons assumé nos responsabilités, en tant que gouvernement, même si ce n'était pas toujours facile? Dans l'affirmative, il est alors tout à fait clair pour moi qu'il est plus intéressé à marquer des points auprès de ses partisans locaux, qui sont de moins en moins nombreux dans sa circonscription, qu'à participer à ce type de débat animé et bien informé auquel nous avons normalement droit lorsque la Chambre est saisie de projets de loi.

(1225)

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Madame la Présidente, je suis heureux que le député reconnaisse comme moi que l'ancien ministre n'a pas eu le cran d'apporter les modifications nécessaires pour sauver notre industrie des pêches.

Voyons le genre de compressions que le gouvernement consent à effectuer. Dans ma circonscription, il a fermé le bureau local du MPO à Sooke, qui se trouve à environ 35 ou 40 kilomètres de Victoria. Pourquoi a-t-il retiré les deux agents responsables de l'application du règlement sur la pêche à Sooke, l'un des ports de pêche les plus occupés de la côte ouest? Pourquoi a-t-il décidé de fermer ce bureau? Parce qu'il voulait garantir un poste de secrétaire à mi-temps à Victoria. Voilà le genre de compressions que le gouvernement est disposé à effectuer et qu'il juge efficaces. Il se débarrasse de deux agents d'exécution pour établir un poste de secrétaire à mi-temps.

Je voudrais bien continuer, mais je n'en ai guère le temps. Si c'est le genre de compressions que le gouvernement entend faire et fait vraiment, nous ne sommes pas d'accord avec lui. Nous voulons des compressions efficaces qui nous débarrasseront de la bureaucratie exagérée qui règne ici, à Ottawa. Confions le pouvoir à la population locale. Appuyons les initiatives locales et donnons aux agents du MPO le soutien dont ils ont besoin.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi C-26 concernant les océans du Canada.

Il s'agit d'un projet de loi qui vise à permettre l'imposition de tarifs sur les services de la Garde côtière, notamment pour les aides à la navigation et le déglaçage, en donnant au ministre des Pêches et des Océans le pouvoir d'imposer cette tarification.

Ce projet de loi nous amène aussi à parler d'environnement, de même que d'enregistrement et tarification des embarcations de plaisance par la Garde côtière, aspects que je traiterai plus loin.

La tarification de la Garde côtière est encore une fois un bel exemple d'une mesure prise sans consultation réelle, sans collaboration avec les principaux acteurs touchés, et finalement, sans connaître les impacts réels qu'elle aura sur les régions concernées.

Le projet de loi C-26 nous donne notamment un bel exemple de la considération réelle qu'a le gouvernement libéral actuel à l'égard du rôle du gouvernement et des provinces. Il est en effet incompréhensible et inacceptable que le projet de loi considère les provinces au même titre que n'importe quel autre intervenant, comme les groupes de pression, les municipalités ou les industries. C'est un manque flagrant de respect et de bon sens, et nous sommes en droit de penser que ce projet de loi risque de créer plusieurs autres conflits entre Ottawa, les provinces et aussi avec les différents intervenants du milieu.

Pour ce qui est des consultations, le gouvernement libéral a procédé à sa façon habituelle. Il a fait mine de consulter, il fait semblant d'écouter, mais à la fin, il fait toujours à sa tête, sans tenir compte des commentaires qu'on lui a adressés. Car des audiences, il y en a eu, et durant ces audiences du Comité des pêches et des océans, tous les témoins ont déploré le processus de décision et de consultation de la Garde côtière, notamment le fait que le ministre aille de l'avant avec une tarification sans avoir au préalable mesuré les impacts économiques sur l'industrie maritime et les secteurs industriels dépendant du transport maritime.

De plus, 75 p. 100 des témoins ont demandé au ministre un moratoire sur la tarification dans l'attente des études d'impacts commandées pour cet automne. Les témoins ont aussi proposé au ministre de collaborer avec l'industrie maritime pour la réalisation des études d'impacts économiques. Enfin, un consensus clair des intervenants du Saint-Laurent et des Grands Lacs, notamment par les gouvernements de l'Ontario et du Québec, s'est dégagé contre la proposition du ministre jugée tout à fait inacceptable.

Tous s'entendent pour dire qu'il faudrait attendre pour ne pas commettre l'irréparable avant d'avoir eu les résultats des études menées actuellement. Mais, faisant fi évidemment de toutes ces recommandations et de toutes ces objections, le ministre, lui, a quand même décidé d'aller de l'avant avec sa tarification, sans se soucier des effets potentiellement dévastateurs de celle-ci sur les emplois dans l'industrie maritime, un secteur économique très développé, particulièrement au Québec.

Comment expliquer autrement qu'après des semaines de consultations où des intervenants de toutes les régions et de tous les milieux sont venus dire au gouvernement de ne pas procéder comme il le proposait, qu'aucune modification n'ait été apportée au projet de loi par rapport à sa version initiale? Et la facture est une fois de plus dirigée vers le bas, vers la population, à travers un écran de fumée qu'on appelle le principe de l'utilisateur payeur.

(1230)

Ce qui est le plus aberrant, c'est que rien n'indique que la Garde côtière n'ait fait un effort de rationalisation de son fonctionnement avant de refiler la note. D'après les témoins entendus, le gouvernement n'aurait tout simplement pas fait ses devoirs afin de s'assurer que cet effort soit réalisé.

On est donc placé dans une situation où le gouvernement, au lieu de rationaliser ses effectifs, impose des tarifs à l'industrie et met ainsi en péril cette même industrie et les emplois qui en dépendent.


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Aucune démonstration d'un quelconque effort de la Garde côtière n'a été montrée. Car si la Garde côtière, qui coûte plus de 860 millions par année, avait réussi à rationaliser ses opérations, cela aurait été des sommes de moins à collecter aux utilisateurs des services de la Garde côtière.

De plus, il est difficile de savoir quels sont les services réellement rendus par la Garde côtière. On ne s'est pas astreint à faire la démonstration rationnelle la plus logique possible, la plus convaincante possible des services réellement rendus à ces utilisateurs qu'on veut dorénavant faire payer à la population.

Le gouvernement fédéral se permet aussi de diviser le Canada, pour les besoins de la cause, en trois régions. Le but est de régionaliser sa politique de tarification. Pourtant, alors que la problématique est tout à fait identique d'est en ouest, on divise le Canada en trois grandes régions: l'Ouest, le Centre, c'est-à-dire les Grands Lacs et le Saint-Laurent, et finalement, les Maritimes. Comme par hasard, c'est le Québec qui écope, parce qu'il assumera, avec les Grands Lacs, à peu près 48 p. 100 des 20 millions de dollars en cause pour cette année.

Le projet de loi C-26 répartit donc très mal la tarification entre les différentes régions et les différents ports canadiens. On pourrait donner l'exemple du transporteur qui vient d'outre-Atlantique décharger sa cargaison à Sept-Îles et à qui ça coûtera beaucoup plus cher. Il aura à payer beaucoup plus cher pour les services, tandis que celui qui se rendra à Thunder Bay n'aura rien à payer. Il a quand même fait 3 700 kilomètres de plus sur le fleuve, sur une voie navigable qui est entretenue par le Canada.

Un autre exemple: un armateur canadien qui enregistre son navire à l'étranger paiera sept fois moins que celui qui enregistre le sien au Canada. Ce fait n'est sûrement pas étranger au ministre des Finances. Ces deux exemples démontrent que la tarification contenue dans le projet de loi C-26 pose des problèmes. Cette mesure renferme donc plusieurs iniquités. Plan B ou hasard, ce qui reste certain, c'est qu'elle nuira considérablement à la compétitivité des ports québécois par rapport à ceux des Maritimes.

Un autre problème majeur est la baisse de compétitivité des ports du Saint-Laurent et des Grands Lacs face aux ports américains. Les navires passant par le Saint-Laurent et la Voie maritime pour aller aux États-Unis sans s'arrêter aux ports ne paieront pas pour les services de la Garde côtière, risquant ainsi de miner fortement la compétitivité des ports du Saint-Laurent et des Grands Lacs.

Que sera la performance de nos ports comparée à celle du nord des États-Unis? Par exemple, un transatlantique qui arrive d'Europe s'engage dans l'estuaire du Saint-Laurent, remonte le fleuve, passe à Saint-Lambert, se ramasse dans les Grands Lacs et s'en va à Pittsburgh. Il ne paie rien, bien qu'il ait utilisé le chenal, l'eau et le fleuve. Il paiera seulement pour les écluses de Saint-Lambert, mais il n'a pas d'autres coûts. Par contre, le petit transporteur qui se promène d'un port à l'autre sur la Côte-Nord, de part et d'autre du Saint-Laurent, aura à payer le gros prix.

D'autre part, le principe de l'utilisateur payeur prôné par le ministre n'est pas respecté en plusieurs occasions, notamment pour les ports de Sept-Îles et de Port-Cartier qui paieront jusqu'à cinq millions de dollars annuellement pour l'utilisation d'une seule bouée.

Enfin, les frais que veut imposer le ministre ne sont que la pointe de l'iceberg, puisqu'ils ne comprennent que les aides à la navigation. Les autres services que le ministre a l'intention de tarifer sont le dragage des ports et de la Voie maritime et le déglaçage des voies navigables.

Ces autres frais risquent d'être bien plus élevés que ceux pour l'aide à la navigation et il y a lieu de s'inquiéter pour la survie et la compétitivité des ports du Saint-Laurent, notamment le port de Montréal et plusieurs ports dans les régions.

(1235)

Pourtant, plusieurs amendements à ces articles ont été déposés par le Bloc québécois, notamment par mon collègue de Gaspé, qui s'est donné beaucoup de mal à essayer de trouver un moyen de travailler avec le gouvernement. Les amendements déposés visaient notamment à rendre le principe de la tarification plus équitable et à obliger le ministre à collaborer avec l'industrie et les provinces avant l'imposition ou la hausse des tarifications.

Ces modifications auraient empêché le ministre d'agir unilatéralement sans tenir compte des consultations publiques, comme il l'a fait pour la tarification déjà imposée en juin 1996. Bien évidemment, le ministre a constamment suivi sa politique de la sourde oreille, si populaire auprès de son gouvernement.

L'environnement maintenant. Ce projet de loi comporte aussi un aspect environnemental qui aura des effets sur le ministère de l'Environnement. Ce nouveau projet de loi transfère vers le ministre des Pêches et des Océans des pouvoirs qui appartiennent présentement au ministre de l'Environnement. Encore là, on vient chevaucher un autre ministère et ce n'est pas la première fois qu'on vit des tensions entre ces ministères. On vit le yin et le yang encore une fois, puisqu'au comité parlementaire, l'année dernière, l'ex-ministre des Pêches, Brian Tobin, avait reconnu que c'était le yin et le yang entre lui et Mme Sheila Copps, ministre de l'Environnement de l'époque.

Ce chevauchement additionnel nous donne l'impression que le projet de loi C-26 crée un ministère de l'Environnement sectoriel. C'est comme un ministère de l'Environnement côtier, si on veut.

Si chaque ministère faisait la même chose, au ministère des Transports, il y aurait un département environnement-transports, un autre, environnement-industrie, et tous les ministres du gouvernement auraient des pouvoirs en matière de protection et de conservation de l'environnement. On imagine facilement le danger quand les préoccupations environnementales sont ainsi diluées entre différents ministères. Si c'est la direction que le gouvernement actuel


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désire prendre, il ne lui reste plus qu'à abolir complètement le ministère de l'Environnement.

La tendance de ce gouvernement en matière d'environnement est de centraliser les pouvoirs à Ottawa au nom de l'intérêt national et de la mondialisation des problèmes environnementaux. Le projet de loi C-26 s'inscrit évidemment dans cette tendance.

Certains articles donnent au ministre des Pêches et des Océans les pouvoirs d'élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie nationale de gestion des écosystèmes estuariens, côtiers et marins. Cette stratégie nécessite la mise sur pied de plans de gestion des activités, la création d'organismes de gestion ou de consultation, l'élaboration de multiples programmes, l'établissement de normes environnementales, de même que la cueillette et l'analyse de données scientifiques sur les écosystèmes concernés.

Il faut réaliser que pour plusieurs de ces activités, le travail était déjà fait par le ministère de l'Environnement. On vient encore doubler, comme si on avait les moyens de se payer des dédoublements entre des ministères fédéraux.

Dans tout ce processus, en aucun cas, le ministre n'est tenu par la loi de s'entendre avec les autres ministères fédéraux ou les provinces. Dans la majorité des cas, il peut, s'il le désire, demander la collaboration d'autres instances, mais cela, c'est seulement s'il le désire.

Ces dédoublements représentent une menace réelle à long terme pour l'efficacité de l'action environnementale. Il est incompréhensible et inacceptable que le ministre n'ait pas l'obligation de travailler en collaboration avec les fonctionnaires du ministère de l'Environnement en particulier, et aussi des autres ministères fédéraux. Il aurait dû y avoir plus de réflexion, plus de consultations sur ces points avant de faire de tels changements, car confier une part de responsabilité en environnement, c'est presque confier l'écosystème en entier. Qui trop embrasse mal étreint.

Le projet de loi C-26 représente enfin un pas de plus vers cette centralisation dans le domaine de l'environnement. En 1988, la Cour suprême du Canada, dans un jugement de quatre contre trois, dépossédait les provinces de la gestion du milieu marin et de son territoire au profit du gouvernement fédéral. Aujourd'hui, par le projet de loi C-26, le fédéral cherche à tirer le maximum de profit de ce jugement. Cette tendance centralisatrice laisse craindre que le gouvernement fédéral tente, à moyen ou à long terme, de revendiquer la gérance complète des eaux et des usages.

Parlons maintenant de la navigation de plaisance. Un vrai principe d'utilisateur payeur implique qu'on doit aller de l'avant avec les gens qui utilisent ces services pour leur demander quel service ils voudraient avoir réellement. En plus, les gens qui paieront pour ce service sont en droit de s'exprimer. Ils demandent au gouvernement si le service leur est offert au coût le moins élevé, tout cela, en tenant compte de l'impact socio-économique et de l'impact humain pour la population.

(1240)

Ce principe de l'utilisateur payeur n'est absolument pas respecté dans le projet de loi C-26, puisque la Garde côtière a annoncé son intention d'apporter des changements majeurs pour la navigation de plaisance sur tous les plans d'eau du pays. Certes, il y a bien des consultations annoncées, mais quand on sait quelle importance le fédéral accorde aux résultats des consultations qu'il fait, on n'a pas de raison de croire qu'il en irait autrement pour la Garde côtière.

Le projet de partenariat annoncé omet de dire qu'à la base de cet exercice, il y a la récupération de 14 millions de dollars, peu importe ce que la population viendra exprimer lors de ces consultations. Ce n'est ni plus ou moins qu'une hausse de taxe déguisée malhabilement par le fédéral en tentative de promouvoir la sécurité des utilisateurs.

Entre autres mesures, la Garde côtière vise l'enregistrement de tous les types de bateaux, du voilier de 30 pieds à la chaloupe à rames. De plus, une tarification de tous ces bateaux serait imposée via l'obligation d'acheter un permis d'enregistrement au coût variant de 20 $ à 35 $ annuellement. On veut aussi exiger des connaissances minimales de toute personne qui manoeuvre une embarcation et instaurer un système de contravention semblable à celui de la circulation routière.

Selon la Garde côtière, ces mesures visent essentiellement à améliorer la sécurité nautique en misant sur la compétence des utilisateurs de petites embarcations de plaisance. Mais il faut être aveugle pour ne pas voir que la sécurité n'est qu'un prétexte pour justifier sa tarification. Il est en effet difficile de voir comment le fait de payer de 20 $ à 35 $ pour mettre son embarcation à l'eau va rendre les gens plus prudents. On le sait, la sensibilisation et l'information restent la meilleure façon de changer les comportements des individus.

J'aimerais aussi saisir l'occasion pour m'exprimer un peu sur ce que cela veut dire dans un comté comme celui de Drummond. C'est un comté où il y a beaucoup de bateaux de plaisance et où les sports nautiques sont très importants. Alors, vous pouvez imaginer l'impact de la tarification des bateaux de plaisance sur une région comme la mienne. On parle de tarifer même les pédalos et les planches à voile!

Imaginez-vous les petites et moyennes entreprises qui vivent de la location de ces équipements à la saison, pour l'été, et qui devront payer cette tarification, et les autres, qui font la location de petites embarcations. Toutes ces entreprises, qui déjà ne sont pas les plus riches, devront en plus payer des frais supplémentaires pour enregistrer toutes leurs embarcations. Est-ce que ceux qui les louent seront de meilleurs utilisateurs pour autant?

Les propriétaires d'embarcations, comme ceux qui en font la location et sûrement ceux qui en louent, sont ciblés comme des utilisateurs de services de la Garde côtière. Mais dans un comté comme Drummond, la Garde côtière, elle n'existe pas. Le principal cours d'eau utilisé pour la navigation de plaisance est la rivière Saint-François, une petite rivière qui coule du lac Champlain vers le lac Saint-Pierre. Elle ne fait pas partie de ces rivières, comme l'Outaouais, le Richelieu et le Saguenay, qui sont desservies par la Garde côtière.


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Mais les milliers de plaisanciers qui en utilisent la modeste section navigable devront quand même payer les services de la Garde côtière au même titre que ceux qui sillonnent les rives du Saint-Laurent. Pourtant, et le moins qu'on puisse dire, c'est que les brise-glace se font plutôt rares pendant la saison hivernale.

En conclusion, pourquoi faudrait-il qu'on adopte aujourd'hui ce type de tarification? Avons-nous fait tous les efforts nécessaires pour trouver une autre solution? Absolument pas. À travers le projet de loi C-26, on assiste à une offensive du fédéral contre le Québec pour qu'une tarification soit imposée, car il ne faut pas oublier qu'elle s'accompagne de l'opération de dessaisissement des ports.

D'un côté, on laisse miroiter un avenir intéressant en décentralisant la gestion des ports, mais de l'autre côté, on va augmenter la tarification sur le fleuve. Donc, les ports des Maritimes, eux, deviendront beaucoup plus concurrentiels. Alors qu'on donne d'une main en autonomie, on l'enlève de l'autre en transformant les règles et en ayant une tarification injuste pour les responsables des ports du Québec.

Dans le projet de loi C-26, le gouvernement se permet de transférer la Garde côtière vers le ministère des Pêches et des Océans, sans savoir exactement s'il y aura une réforme à l'intérieur, si les services offerts par la Garde côtière sont ceux que les utilisateurs aimeraient avoir, et ce, sans que les utilisateurs puissent avoir leur mot à dire sur les services qu'ils veulent recevoir.

(1245)

On ne peut rien dire, on ne peut pas prédire les conséquences économiques du projet de loi C-26 sur les utilisateurs. Aucune étude n'a été faite et analysée sérieusement. Pourtant, on le présente à la Chambre en disant qu'on verra comment ça ira. Quand on se fie aux libéraux, chaque fois qu'ils ont déposé quelque chose, cela a souvent mal été, que ce soit sur les plans constitutionnel ou économique.

On touche à tout et on ne touche à rien. Ce projet de loi est un autre projet de loi à l'image de ce gouvernement. Il intervient encore une fois dans tous les domaines, unilatéralement, et sans réellement consulter, ce qui ne résout absolument rien, bien au contraire.

Je vous dis que moi, députée du Bloc québécois, je voterai contre ce projet de loi.

[Traduction]

M. George S. Baker (Gander-Grand Falls, Lib.): Madame la Présidente, je vois bien ce que la députée est en train de faire. Comme ses collègues bloquistes, elle s'attarde aux frais que la Garde côtière pourrait imposer. Elle dit que ces frais seront imposés sur tout ce qui flotte, jusqu'aux baignoires et aux pédalos.

La députée pourrait-elle commenter l'objet principal du projet de loi à l'étude? Que pense-t-elle de la principale raison d'être du projet de loi? C'est un projet de loi incroyable qui sera marquant.

Il ne s'agit pas d'un accord conclu avec un autre pays. Il invoque une convention de l'ONU et dit que le Canada va gérer au nom de ses citoyens les systèmes de conservation. La zone sera de 200 milles marins au-delà de la mer territoriale, qui est de 12 milles, à partir de la laisse de basse mer.

Ce projet de loi est extraordinaire. Il y a jamais eu rien de semblable depuis que le Canada existe. Il s'agit de la zone économique exclusive. Au cours de la dernière campagne électorale, le gouvernement libéral a promis de présenter ce projet de loi. L'ONU a consacré des réunions à cette question pendant des années et a préconisé cette approche pour assurer la préservation des ressources.

La députée est-elle disposée à féliciter le gouvernement libéral de cette initiative historique qu'est la déclaration d'une zone économique exclusive, principal objet du projet de loi?

[Français]

Mme Picard: Madame la Présidente, je pense que ce sont les mêmes commentaires et qu'il s'agit de la même question que celle qui a été posée à mon collègue de Frontenac, alors, je tiendrai à peu près le même discours.

Le Bloc québécois n'est pas contre une stratégie nationale des océans. Ce que le Bloc québécois dénonce, dans le projet de loi C-26, c'est que le ministre avait normalement annoncé qu'il tiendrai compte des différents partenaires de l'industrie maritime et des provinces. À l'heure actuelle, ce dont on s'aperçoit dans le projet de loi C-26, c'est qu'il n'en a pas tenu compte. Ce fut seulement, comme d'habitude, une oreille sourde à toutes les revendications.

Je félicite mon collègue et porte-parole de l'opposition officielle en matière de pêches et océans. Il a fait un excellent travail et a déposé des amendements, dont le gouvernement a encore fait fi.

(1250)

Je pense que s'il en est un qui a vraiment senti les besoins de transformation concernant ce projet de loi, parce qu'il vient d'une région où on vit de la pêche, c'est mon collègue de Gaspé. On l'a complètement ignoré comme on a complètement ignoré les divers intervenants des industries maritimes et des ministères provinciaux.

Ce qu'on dénonce, c'est l'absence d'une politique claire pour définir les relations des différents partenaires. On dénonce aussi le fait qu'on avait établi, selon la Constitution, que les eaux navigables étaient de juridiction fédérale. Arrive ce projet de loi C-26 et on s'amène encore, comme le disait mon collègue de Frontenac, avec nos gros sabots et on vient dédoubler des services, on vient s'immiscer dans des juridictions qui sont du domaine provincial.

Je donnais tantôt l'exemple de mon comté. Dans mon comté de Drummond, il y a des gens qui utilisent la petite rivière Saint-François, des gens qui font partie d'organismes comme Chasse et Pêche, des plaisanciers, des propriétaires de petits bateaux à voile, etc. J'ai


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comme mandat de représenter ces gens qui sont venus me dire: «Madame Picard, j'espère que vous allez protester contre cette tarification qui est tout à fait aberrante.» C'est pour ça qu'aujourd'hui, j'ai pris part au débat sur le projet de loi C-26, pour faire connaître les besoins de mon comté, les revendications de mes électeurs.

Il semblerait que tout coule chez les députés du gouvernement. Ils n'ont pas de représentants, ils n'ont pas de petits lacs, ils n'ont pas de petites rivières, ils n'ont pas d'électeurs qui s'opposent à ce projet de loi.

C'est tout à fait odieux de venir demander à mes filles qui possèdent un pédalo de l'enregistrer et de leur dire qu'il faut l'enregistrer parce que la Garde côtière est supposée leur donner des services de sécurité. Il ne faut pas prendre la population pour des gens sans raisonnement. C'est le commentaire que j'avais à apporter à la question de mon collègue libéral.

[Traduction]

M. Ron MacDonald (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention de la députée d'en face. Je pense bien qu'elle fait ce qu'elle estime être le mieux pour protéger les intérêts de ses électeurs.

J'ai deux observations à faire. Elle a consacré la plus grande partie de son intervention à la proposition de tarification pour les bateaux de plaisance. Pourquoi pas? Après tout, c'était son temps de parole et elle pouvait l'utiliser comme elle l'entendait.

Il aurait cependant été sage de la part de la députée de tenir compte du degré de consultation qui est entré dans l'élaboration du projet de loi et du taux presque sans précédent d'acceptation par le gouvernement des propositions d'amendement faites par les membres du comité une fois que le projet de loi est revenu du comité.

La députée a dit une chose qui n'est pas vraie, qui est dénuée de fondement. Les députés du Bloc québécois ont tendance à intervenir sur chaque mesure dont la Chambre est saisie pour essayer de la peindre en noir et blanc et de faire croire qu'elle va en quelque sorte à l'encontre des droits des Québécois. Le gouvernement gouverne en tant que gouvernement national. Il n'est tout simplement pas vrai de dire, comme la députée l'a fait, que le gouvernement du Québec n'a pas été consulté à propos de ce projet de loi.

Dans le processus d'élaboration du projet de loi, le ministère et le ministre ont abondamment consulté les fonctionnaires du gouvernement québécois. En effet, lorsque je présidais le comité chargé d'étudier le projet de loi, nous avons invité le ministre québécois intéressé à venir témoigner devant le comité permanent de sorte que nous puissions prendre connaissance des préoccupations du gouvernement du Québec à cet égard. Le ministre a cependant décliné l'invitation. Que faire dans les circonstances? Devions-nous faire du pied aux séparatistes de Québec ou les forcer à comparaître à une audience publique de la Chambre des communes sur ce projet de loi pour en connaître la position?

Des députés du Bloc québécois siégeaient au comité et avaient parfaitement accès à moi en tant que président pour me faire part des intérêts du Québec et, puisqu'ils sont censés former l'opposition nationale, de ceux du Canada à l'égard du projet de loi.

Je commence bien franchement à en avoir assez d'entendre ces affirmations dénuées de tout fondement de la part du Bloc québécois. Les gens du Québec, tout comme ceux de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse, de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord-Ouest, ont eu accès au comité et ont pu participer au processus. Ils peuvent encore participer par l'intermédiaire de leurs députés. Qu'un porte-parole du Bloc québécois vienne nous dire que l'accès au processus a été refusé aux Québécois, cela est tout simplement faux et ne peut plus être toléré à la Chambre.

(1255)

[Français]

Mme Picard: Madame la Présidente, le député libéral a beau faire un très grand exposé, ce que j'aimerais lui dire, c'est que le problème qui existe actuellement, c'est que les relations entre les différents partenaires ne sont pas claires.

Ce que j'aimerais lui poser comme question à lui pour qu'il y réfléchisse, c'est ceci: Comment se fait-il que les représentants de la Colombie-Britannique, en juin dernier, ont claqué la porte parce qu'ils ne se sentaient pas écoutés? Justement, comme mon collègue libéral qui n'écoute pas actuellement. C'est le même principe. Comment se fait-il que les représentants de la Colombie-Britannique aient claqué la porte?

Qu'il ne vienne pas dire que ce sont seulement des revendications du Bloc québécois, que c'est seulement le Québec et qu'on ferait cela juste pour le Québec. On est d'accord aussi avec une stratégie nationale, mais une stratégie nationale qui est discutée entre les différents partenaires, qui n'est pas seulement une voix de façon unilatérale.

Ce qu'on demande, et ce que tous les partenaires demandent, c'est bien clair, c'est un délai de six mois pour qu'on puisse étudier la situation et s'entendre entre partenaires. C'est ce qu'on demande.

[Traduction]

M. Ron MacDonald (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Madame la Présidente, il y a longtemps, me semble-t-il, que nous n'avons pas eu l'occasion de débattre ici de ce projet de loi. Ce projet de loi a été présenté au cours d'une session parlementaire antérieure, mais, dans leur sagesse, le gouvernement et tous les députés, je crois, ont décidé qu'un projet de loi de ce genre devait être présenté à nouveau au lieu de rester au Feuilleton.

Ce projet de loi est très important. Comme l'a dit tout à l'heure mon collègue, le député de Gander, c'est un projet de loi historique. Tant dans l'opposition qu'au gouvernement, j'ai maintes fois reproché au gouvernement d'être trop lent à réparer les torts et à regrouper les divers secteurs et organismes de réglementation du gouver-


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nement afin que l'intérêt public soit effectivement et plutôt promptement respecté.

Ce qui m'a toujours préoccupé, notamment, c'est que lorsqu'on commence à séparer la gestion des océans de la gestion des pêches, on se retrouve avec beaucoup trop de chefs. Il y a beaucoup trop de ministères et de programmes qui se recoupent plus ou moins, ce qui freine vraiment l'établissement d'une politique globale en ce qui concerne la gestion des océans du Canada et des ressources qu'ils renferment.

Comme l'a fait valoir le député de Gander, il fallait même moderniser les mesures législatives concernant les limites territoriales au-delà des côtes, la zone économique et la limite des 12 milles. Parce que plus de 14 ministères différents pouvaient tous, dans une certaine mesure, faire valoir leur compétence par rapport aux diverses questions complexes liées à la gestion des océans, les problèmes ont souvent été cernés, mais le leadership a été nettement insuffisant dans le passé pour qu'on réussisse à rallier tous les différents ministères, programmes et ministres et pour que quelqu'un, instinctivement et légitimement, décide d'agir comme chef de file dans ce dossier.

Le projet de loi à l'étude a tenté de rectifier cette situation. Il constitue une première approche globale par rapport à la gestion des océans, approche fondée sur un principe de prudence, celui du développement durable et de la gestion intégrée des ressources.

C'est l'ancien ministre des Pêches, qui est actuellement le premier ministre de Terre-Neuve, qui a déposé ce projet de loi. Il a délimité très fermement ses exigences après avoir été nommé ministre des Pêches. Il a dit qu'il était prêt non seulement à parler haut et fort, mais aussi à agir avec fermeté pour préserver nos stocks de poisson.

Si quelqu'un doute de la détermination de l'ancien ministre des Pêches et de l'actuel premier ministre de Terre-Neuve, il suffit de lui rappeler que ce ministre a été le premier, dans notre histoire, à faire fi des menaces internationales lors du pillage transfrontalier de certains de nos stocks de poisson grands migrateurs au large de la côte est du Canada.

(1300)

C'est ce ministre qui s'est élevé et a déclaré: «Je suis prêt à affirmer qu'aucune autre espèce de nos océans ne sera décimée tant que je serai aux commandes.» Il était prêt à affronter l'Espagne et l'Union européenne. Il était prêt à garder la tête haute. Il était prêt à mener le combat pour que les erreurs et la gestion nébuleuse des ressources océaniques dans le contexte de la pêche deviennent choses du passé.

L'ancien ministre des Pêches a non seulement obtenu l'appui de ses collègues du parti ministériel, mais aussi des députés du Parti réformiste, du Nouveau Parti démocratique, du Parti conservateur et, bien entendu, du Bloc québécois.

Si je me souviens bien, dans l'affaire de la guerre du flétan noir, l'actuel premier ministre du Québec, qui était alors le chef de l'opposition, a appuyé les mesures et la loi que nous avons adoptées pour nous donner les outils juridiques nécessaires afin d'arrêter la surpêche qui a décimé nos stocks de poisson de la côte est et qui a contribué à jeter sur le pavé des milliers de travailleurs de la côte atlantique.

Aucun député du Bloc québécois ni du Parti réformiste ni aucun autre Canadien ne devrait se surprendre de ce que c'était le même ministre qui disait alors qu'il restait une autre tâche à accomplir, à savoir tenter d'en arriver à une démarche globale intégrée non seulement en ce qui concerne la gestion des pêches, mais encore celle des océans.

Je ne pense pas qu'il soit facile d'aller au Cabinet et de dire aux autres ministres: «Certains projets de loi et certains domaines font partie de vos responsabilités à titre de ministres. Toutefois, j'estime que ces éléments ne devraient plus en faire partie parce que l'intérêt public exige que l'on aborde la gestion des océans selon une approche intégrée.» C'est ce qu'a fait ce ministre, et le ministre actuel continue dans la même voie. Il a cru bon de s'assurer que ce projet de loi, celui dont nous sommes saisis aujourd'hui, soit présenté de nouveau au Parlement.

Ce projet de loi regroupe les activités de 14 ministères. Il stipule très clairement qu'au sein du Cabinet, c'est le ministre des Pêches et des Océans qui a la responsabilité première de veiller à ce que le Canada dispose d'une politique globale sur les océans. Le ministre s'est assuré que toutes les fonctions liées aux océans du Canada et à leur gestion soient regroupées au sein d'un seul ministère. Il regroupe le Service hydrographique du Canada, la Garde côtière et bien d'autres programmes et organismes gouvernementaux sous un même toit et sous la responsabilité du ministre des Pêches et des Océans.

L'opposition a parlé en long et en large de la tarification. Je peux comprendre ses inquiétudes. Le gouvernement a pris des mesures pour que l'établissement de nouveaux tarifs liés aux services de la Garde côtière se fasse après de larges consultations.

Le député d'en face a déclaré tout à l'heure qu'il n'existait aucune forme de processus public permettant de discuter des propositions, de les arbitrer et, si nécessaire, de les modifier, mais il se trompe. Je me souviens très clairement, parce que je m'intéresse aux répercussions des tarifs associés à la Garde côtière sur la navigation commerciale et sur les plaisanciers, qu'il existe un processus qui était dirigé par le commissaire Thomas, de la Garde côtière, aujourd'hui sous-ministre adjoint à Pêches et Océans. Il a été ouvert et transparent. Il est allé au front à Québec, à Halifax, à Saint John et à St. John's. Il est aussi allé sur la côte ouest du Canada et, là, il a déclaré: «Voici les tarifs que nous proposons pour recouvrer les coûts de la Garde côtière. Je suis prêt à vous écouter pour déterminer quels seront les répercussions de ces tarifs et voir s'il existe un système plus équitable».


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Je suis moi aussi inquiet des répercussions, mais je sais que moi-même et la population que je représente avons pu nous exprimer dans le cadre d'un processus très transparent. Voir l'opposition concentrer ses critiques sur l'aspect du projet de loi qui ne lui plaît pas, mais ne pas parler du reste du projet de loi me montre qu'elle n'est pas encore devenue efficace après trois ou quatre ans ici.

Le projet de loi, et ce n'est pas négligeable, reconnaît pour la première fois l'importance de zones de protection marine et établit des critères pour leur désignation. De nombreux lobbyistes ont dit dans le passé que, parce que le Canada est d'abord et avant tout un pays maritime dont le littoral découpé s'étend sur des dizaines de milliers de kilomètres le long des océans Atlantique, Pacifique et Arctique, la structure de gestion et la responsabilité hiérarchique exigeaient la création de zones marines protégées.

(1305)

De fait, le Canada a reçu des marques d'approbation non seulement de la part de ceux qui s'intéressent à la question au Canada, mais également de gens de partout dans le monde.

Le projet de loi dont nous sommes saisis met en place un processus d'établissement de zones marines protégées. Le Canada a démontré, une fois de plus, qu'il entend joindre l'acte à la parole, tant dans les eaux internationales que dans les eaux canadiennes, pour assurer la conservation d'espèces menacées par la pollution toxique, la surpêche ou quoi que ce soit d'autre.

Nous avons tenu des consultations sans précédent. Si les membres de l'opposition veulent donner une idée juste des travaux qui ont abouti à ce projet de loi, ils devront admettre, d'après les documents qu'ils ont reçus parce qu'ils siégeaient au comité, que le dépôt de ce projet de loi a été précédé de consultations sans précédent auprès de ceux qui étaient touchés par cette mesure.

Le Comité canadien des ressources arctiques n'a ménagé aucun effort pour s'assurer que ceux qui, dans sa sphère d'influence, allaient être touchés par le projet de loi seraient consultés. À la fin, le comité a accordé une note parfaite au gouvernement et aux ministres responsables pour avoir fait preuve d'autant de courage et pour avoir eu l'intelligence de proposer un projet de loi aussi complet.

Ce comité, que j'ai eu grand plaisir à diriger à ce moment-là, a entendu des témoins de partout au Canada. Par souci d'économie, il ne s'est pas déplacé, puisque cela aurait exigé des députés un temps qu'ils doivent employer à d'autres responsabilités à la Chambre et dans leur circonscription. Nous avons plutôt eu recours aux téléconférences, comme d'autres comités l'avaient fait avant nous.

Nous avons utilisé ce moyen en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve et sur la côte ouest. Nous avons écouté les témoins avec une vive attention. De nombreux participants ont fait valoir certaines améliorations qui pouvaient être apportées à ce projet de loi. Le comité a examiné ces améliorations. Je crois que, nombre de ceux qui ont participé à ce vaste processus de consultation conviendront avec moi que, s'il a jamais été un comité qui a fait son travail et qui a vraiment eu un impact sur une mesure législative, c'est bien ce comité.

Le ministre responsable à l'époque m'avait donné sa parole que, si nous examinions ce projet de loi de façon équitable et raisonnable, il serait prêt à accepter n'importe quelle modification pouvant améliorer ce projet de loi. C'est ainsi que, ce que nous avons entendu au cours des vastes consultations que nous avons eues à l'étape de l'étude en comité, a donné lieu à un nombre substantiel d'amendements qui ont été proposés et adoptés et qui figurent maintenant dans cette mesure législative. À mon avis, cette mesure législative s'en trouve renforcée, plus applicable et plus à même d'être appuyée.

Le député de Gaspé, qui non seulement est un de mes amis, mais qui en plus s'intéresse vivement au portefeuille des Pêches et des Océans, se rappellera peut-être, comme nous nous en souvenons tous, que, durant l'une de nos téléconférences, des pêcheurs de Nouvelle-Écosse nous ont fait part de leur opinion. Le député de St-John's-Ouest s'en rappellera clairement. Les pêcheurs reprochaient au gouvernement et au comité ces changements concernant les droits d'accès, qui allaient avoir de terribles conséquences.

Nous nous sommes tous grattés la tête et, par égards pour les témoins, j'ai demandé: «Quelqu'un là-bas a-t-il lu ce projet de loi?» Ils ont répondu qu'ils ne l'avaient pas lu, mais que M. Chisholm l'avait lu. Il s'est avéré que M. Chisolm était celui-là même qui allait bientôt devenir le chef du Nouveau Parti démocratique de la province de Nouvelle-Écosse.

Il avait fait une chose, à mon avis, très regrettable. Je tiens à dire publiquement que je trouve tout à fait irresponsable son attitude à l'égard de ce projet de loi. Il ne l'a manifestement pas lu. S'il l'a lu, il ne l'a pas compris, ce qui ne serait pas étonnant.

(1310)

Il a largement dénaturé la portée des dispositions du projet de loi. Il a tenté de convaincre les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse, qu'il prétend vouloir représenter à titre de premier ministre de cette province, puisqu'il est maintenant le chef du Nouveau Parti démocratique, qu'il faut à tout prix s'opposer à ce projet de loi parce qu'il va influer sur les droits d'accès des pêcheurs. Il n'en est absolument pas question.

Quoi qu'il en soit, je digresse. Je tenais simplement à signaler publiquement que nous avons malheureusement dû consacrer le temps précieux passé avec certains des excellents témoins de la Nouvelle-Écosse à rétablir un malentendu créé intentionnellement ou involontairement par l'actuel chef du Nouveau Parti démocratique de la Nouvelle-Écosse quant aux répercussions de ce projet de loi.


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Il s'agit d'une excellente mesure législative. J'espérais que le Bloc québécois le reconnaisse. Je sais bien que les bloquistes ont un penchant particulier. Chaque fois qu'une mesure législative est introduite à la Chambre des communes, ils se sentent obligés d'y voir une tentative d'empiétement sur les droits et les obligations juridiques de la population du Québec.

Je sais également, car il m'arrive d'adopter une position fort sectaire à l'occasion, que cette mesure peut mousser l'esprit de parti. Néanmoins, j'aurais cru que, pour une mesure législative qui a reçu un aussi large appui au Canada et à l'échelle internationale, les bloquistes, pour une fois, auraient mis de côté leurs arguments de plus en plus discrédités en faveur de la souveraineté et parlé du fond du projet de loi pour le plus grand bien des Québécois qui, comme les autres Canadiens, s'intéressent aux océans du Canada et désirent les protéger, ce qui est essentiellement l'objet de ce projet de loi.

Je les conjure à nouveau, puisque d'autres députés bloquistes n'ont probablement pas encore pris la parole, de renoncer à leur attitude loufoque à l'égard de cette mesure législative. Après tout, si l'on s'en tient aux grandes traditions démocratiques, même si ça ne plaît pas à tout le monde, le Bloc québécois forme l'opposition officielle dûment élue. Il a obtenu la deuxième place quant au nombre de sièges à la Chambre.

Dans cet esprit, quand les députés du Bloc étudient des projets de loi de ce genre qui ont des conséquences nombreuses et très favorables pour les Canadiens de toutes les provinces, ils ne devraient pas agir en tant que membres de l'opposition séparatiste, mais en tant que membres de l'opposition officielle. Ils devraient collaborer avec le gouvernement, pas seulement aux comités, mais aussi à la Chambre.

Encore une fois, je suppose qu'il n'est pas dans leur intérêt de donner l'impression que la Chambre des communes et les comités fonctionnent bien, pour le bénéfice de tous les Canadiens, quelles que soient les différences de langue, de couleur et de religion et les différentes provinces d'origine des députés.

Je dois dire aux députés du Parti réformiste que nous avons appris, durant les audiences et depuis lors, que la structure tarifaire et le mode de recouvrement des coûts proposés par la Garde côtière du Canada les intéressent vivement. Ils ont le droit et le devoir de discuter de ces choses au nom de leurs électeurs et, bien sûr, de tous les Canadiens. J'ai hâte que nous reprenions la discussion sur cette question.

J'aimerais toutefois que les députés réformistes aillent au-delà de cet aspect limité, quoique important, de la mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui, et qu'ils s'intéressent à l'ensemble du projet de loi, que le gouvernement mérite ou non des éloges pour avoir été aussi persévérant, innovateur et juste dans l'établissement d'un processus de consultation qui a permis aux Canadiens de donner leur avis. Il a donné suite à beaucoup de leurs suggestions et a finalement présenté un projet de loi majeur, que la plupart des intéressés du monde approuveraient, et qui deviendra probablement un modèle pour beaucoup d'autres États.

En conclusion, il reste des choses à faire pour intégrer divers éléments de la loi et différentes responsabilités. À la fin de nos audiences, nous avions dit que nous voulions ajouter d'autres éléments à la Loi sur les océans.

À notre avis, il aurait fallu poursuivre l'étude en comité, peut-être même la confier à un comité mixte réunissant les membres du Comité permanent de l'environnement et du Comité permanent des pêches et des océans, afin que la partie VI de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, portant sur l'immersion en mer, la pollution et les déchets, ainsi que certaines dispositions de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, soient incorporées à la Loi sur les océans du Canada.

J'admets que nous avons fait d'énormes progrès, mais nous devons aussi reconnaître qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

(1315)

Nous ne devons pas blâmer le gouvernement d'avoir osé et d'avoir pris une initiative difficile, mais qui produira des résultats très favorables pour les Canadiens. J'espère que ce projet de loi obtiendra autant d'appui en cette Chambre qu'il en a obtenu de la part de la population canadienne et de la communauté internationale.

Puisque c'est sans doute la dernière fois que je pourrai le faire à l'égard d'un projet de loi auquel j'aurai contribué, je tiens à remercier tous les membres du comité, mes collègues du Bloc québécois et du Parti réformiste, et surtout la députée de St. John's-Ouest, qui était la vice-présidente du comité à l'époque, pour leur dévouement incroyable et leur travail acharné. En bout de ligne, ils ont prouvé que les rouages de cette Chambre peuvent donner d'excellents résultats lorsqu'on fait appel à des gens vraiment dévoués au service de la population. Je tiens à les remercier de leur dévouement et de l'exemple qu'ils ont donné.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Madame la Présidente, je tiens tout d'abord à saluer le collègue de Dartmouth. Cela faisait un certain temps que je ne l'avais pas vu. Il est vrai qu'on ne travaille plus aux mêmes comités.

J'aimerais reprendre quelques points de son discours, et surtout lui préciser que, oui, le Bloc québécois a travaillé à faire avancer ce point de projet de loi. Le Bloc québécois ne s'est pas opposé à la vertu contenue dans le milieu du projet de loi, c'est-à-dire la stratégie nationale de gestion des océans.

Nul ne peut être contre la vertu, mais pour être sûr que ça ne reste pas que des voeux pieux, que du beau papier qui restera sur des tablettes, cette stratégie de gestion, il faut s'assurer que les partenaires qui vont la fabriquer, les partenaires qui s'assureront de sa mise en oeuvre soient dûment à l'aise avec le lien de communication qu'on établit avec eux. Si on n'est pas capables de définir, en accord avec tout le monde, quel est le lien de partenariat, je vous dis tout de suite que cette stratégie de gestion nationale des océans ne vaudra pas plus cher que le papier sur lequel elle sera écrite. Ce sont là les propos que le Bloc a tenus en cette Chambre et c'est contre cela qu'on était aussi lors des travaux faits par le Comité.


5231

Le député de Dartmouth sait très bien cela. Le ministre des Pêches de l'époque, M. Brian Tobin, nous a même assurés que l'esprit de partenariat serait respecté. Mais lorsqu'on dit aux gens qu'on va les respecter, que la personne donne sa définition et qu'on lui dit qu'il n'y a aucun problème avec cela, comment se fait-il que cette définition de partenariat ne soit pas couchée sur le papier, en tête de la définition de la stratégie de gestion nationale des océans? Comment cela se fait-il?

Si le député de Dartmouth avait vraiment regardé le sujet de débat aujourd'hui, c'est un amendement qui dit qu'on veut que la troisième lecture se fasse dans six mois. Pourquoi? Justement pour offrir la chance au gouvernement de combler ces lacunes, de régler la définition de partenariat, de préciser les points gris dans le projet de loi. Quand on parle d'environnement, quand on parle des espaces ils nous disent qu'ils n'ont pas envie d'empiéter sur nos territoires.

Parfait. Vous n'avez pas envie d'empiéter sur nos juridictions? Parfait. On va le préciser noir sur blanc lorsqu'on veut établir un partenariat. Ils ont besoin du partenariat des provinces dans cette stratégie, eh bien qu'on l'écrive. Pourquoi jouer à la cachette? On nous accuse de faire de la partisanerie. Je rappellerai tout de suite, et le député doit s'en souvenir, que le Bloc québécois a tendu la main le premier lorsque Brian Tobin a voulu faire une loi pour contrer la surpêche sur ce qui se faisait sur le nez des Grands Bancs. On a tendu la main.

Je me souviens, et je pense que le secrétaire parlementaire était là, on a adopté un projet de loi, trois étapes dans la même journée. Ça c'est de la collaboration; ce n'est pas de l'entêtement. Aujourd'hui on demande que cette même bonne foi soit reconnue dans une stratégie qui nous semble nécessaire. Mais pour qu'elle passe, pour qu'elle soit efficace ensuite, il faut respecter cela.

(1320)

En conclusion du commentaire, je veux poser une question au secrétaire parlementaire. Si les relations sont tellement claires, c'est pour cela que je demande qu'on ait un délai d'au moins six mois, comment se fait-il qu'un premier ministre d'une province, M. Glen Clark pour ne pas le nommer, et je suis très fier de lui, a claqué la porte lors de la conférence des premiers ministres au mois de juin dernier, justement parce qu'il ne se sentait pas écouté par Ottawa concernant les matières de gestion des pêches, par les problèmes de pêches qu'il avait chez lui?

Et là, M. Clark a obtenu du ministre des Pêches et des Océans actuel une entente grâce à laquelle ils sont en train de regarder quels pouvoirs ils pourraient partager. C'est ce genre de relation qu'il nous faut agrandir et dont il faut tenir compte dans le présent projet de loi. Alors si ce que le député du Bloc dit est faux, si on est aveuglés par la souveraineté, comment se fait-il que quelqu'un à l'autre bout du pays-c'est sûr qu'on n'est pas dans le même parti-lui, signale les mêmes problèmes que nous? Comme ça se fait? C'est ma question.

[Traduction]

M. MacDonald: Madame la Présidente, il est agréable de croiser le fer avec mon ami et collègue, le député de Gaspé. Néanmoins, les députés du Bloc québécois devront apprendre un jour que chaque projet de loi dont nous sommes saisis ne peut être pour eux l'occasion de réécrire la Constitution canadienne. C'est pourtant ce qu'ils essaient de faire. À chaque fois, ils pensent que le projet de loi est une violation des pouvoirs du Québec ou qu'il devrait être réécrit pour donner davantage de pouvoirs au Québec.

On le sait, le gouvernement précédent a essayé, dans les limites du contexte canadien, de rééquilibrer les pouvoirs entre le fédéral et les provinces. Il y a un processus à suivre, pour ce faire. Avec tout le respect que je dois à mes collègues, je dois dire que chaque projet de loi qui nous est soumis ne peut être exploité dans ce but.

J'aimerais que cela soit parfaitement clair pour tous ceux qui se donnent la peine d'écouter. Ce projet de loi ne procède à aucun transfert de pouvoirs. Les pouvoirs du Québec y sont respectés et les pouvoirs du fédéral ne sont pas étendus. Nous avons rassemblé des responsabilités relevant de 14 ministères différents et nous les avons transférées au ministère des Pêches et des Océans placé qui relève du ministre.

Au lieu de perdre leur temps à parler de questions constitutionnelles à la Chambre, les bloquistes feraient mieux d'aborder les principes du projet de loi.

Je répète au député ce que j'ai dit à l'orateur précédent, il est absolument insensé pour un député bloquiste de se lever et de dire que le gouvernement du Québec n'a pas eu son mot a dire et n'a pas pu se faire entendre en ce qui concerne la Loi sur les océans du Canada. Le député a une bonne voix. Il s'est fait entendre. Il a participé aux travaux du comité, tout comme certains de ses collègues. Le processus était on ne peut plus transparent et ouvert, la preuve de ce que l'on peut accomplir lorsque les gens sont disposés à travailler dans le cadre des comités. À mon avis, c'est un modèle de ce à quoi on peut parvenir quand des gens de bonne volonté sont prêts à s'asseoir et à suivre les règles régissant les travaux des comités parlementaires.

Je le répète, les occasions n'ont pas manqué. Des Québécois sont venus témoigner devant le comité. Le ministre québécois responsable du dossier n'a pas comparu, non pas que nous ne lui avions pas demandé, mais parce qu'il a décliné notre invitation.

Peut-être que la vision des bloquistes est obscurcie. Peut-être que leur cerveau est embrumé par une vision de grandeur et d'un État québécois distinct. Il me semble que, lorsqu'on est élu en vertu de principes démocratiques dans toutes les provinces de cette grande nation, nous avons la responsabilité fondamentale de participer au processus au nom de la population. Le ministre responsable du gouvernement du Québec a choisi d'être négligent à cet égard et de ne pas participer lorsqu'on lui a demandé.


5232

(1325)

En ce qui concerne mes collègues de l'autre côté, et j'ai un grand respect pour beaucoup d'entre eux, je pense qu'ils serviraient mieux leurs électeurs et tous les Canadiens si, au lieu de parler constamment des domaines de compétence, ils laissaient cela à d'autres tribunes. Ils devraient utiliser servir de leur matière grise pour faire en sorte que le processus auquel nous avons le privilège de participer, en tant que membres de la Chambre des communes, le plus haut tribunal du pays, soit mis au service de leurs électeurs afin que les mesures législatives que nous étudions soient les meilleures que l'on puisse adopter au nom des Canadiens.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La période de questions est maintenant terminée. La période des discours de 20 minutes suivis de commentaires et de questions de 10 minutes est aussi terminée pour ce projet de loi. Nous débutons maintenant la période de discours de 10 minutes.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Madame la Présidente, j'avais préparé un discours de 20 minutes, mais enfin. Stimulée par l'honorable collègue de Datrmouth, j'aurais même pu en faire davantage. Je veux commencer par dire que se faire rappeler à l'ordre parce qu'à l'occasion d'un projet de loi canadien, nous, de l'opposition officielle, invoquerions la question du partage des pouvoirs comme une question non pertinente, c'est fâchant.

C'est justement parce que nous sommes l'opposition officielle que nous avons à souligner que dans un semblable projet de loi la confusion est telle qu'elle ne peut faire autrement qu'entraîner des problèmes importants ou alors, et c'est un autre choix, une alternative, ce projet de loi ne veut rien dire.

Avant de continuer, je voudrais rappeler que récemment quand les premiers ministres provinciaux se sont rencontrés dans le train de l'unité, ils se sont trouvés face à un nouveau document parlant d'union sociale proposé par l'Ontario. Un document de M. Tom Courchene qui propose quoi en fait? La gestion coordonnée par les provinces du fédéralisme canadien et ça c'est sans tenir compte du Québec et de la volonté d'une grande partie des Québécois de réaliser la souveraineté et de négocier un partenariat.

Il y a à l'intérieur du Canada un problème de répartition des pouvoirs. Nos collègues réformistes en parlent à leur manière en disant qu'il faut décentraliser. Il y en a d'autres qui en parlent autrement comme la province de l'Ontario et de la Colombie-Britannique en disant que les provinces doivent gérer le Canada. Et il y a le Québec qui est jaloux, pour son peuple, de ses prérogatives historiques. La leçon de l'honorable collègue de Dartmouth, je ne la prends pas. Et je pense que je peux dire au nom du Bloc que nous ne la prenons pas.

Parlons maintenant de ce grand projet de loi, digne d'un capitaine Canada qui a investi les eaux territoriales qui n'étaient pas les siennes pour arraisonner un bateau, et qu'il n'en avant pas le droit.

Oui, le mobile était noble, mais le moyen c'était se faire justice soi-même. Dans les institutions internationales cela n'est pas très prisé.

Je voudrais parler des attendus qui précèdent le projet de loi et qui ont l'air d'en faire une proposition émanant d'un congrès plutôt qu'un projet de loi, même si on y invoque le Parlement.

Comme je n'ai que peu de temps, j'irai tout de suite au premier et au troisième amendement-on pourrait parler des autres-mais je pense que ce sont les plus importants.

(1330)

On dit:

que le Parlement désire réaffirmer le rôle du Canada en tant que chef de file mondial en matière de gestion des océans et des ressources marines;
Évidemment, personne ne viendra s'opposer à cela, mais on pourrait dire qu'on souhaite l'être. Mais s'autoproclamer le chef de file mondial en matière de gestion des océans, c'est un peu ambitieux. Mais on verra quelle sorte de moyens on retrouve derrière cette ambition. Qu'on veuille l'être, on peut le comprendre, mais qu'on s'autoproclame, c'est une autre chose.

Et il y a le troisième élément de ces amendements qui dit:

que le Parlement désire affirmer, dans les lois internes [. . .]
En anglais, on dit: «in Canadian domestic law. . .»

[. . .] les droits souverains du Canada sur sa zone économique exclusive et les responsabilités qu'il compte assumer à cet égard;
Est-ce que par là, on veut dire que le Parlement s'attribue de nouveaux droits souverains sur le territoire? Parce que cette fois-là, on ne dit pas réaffirmer, on dit affirmer. Auquel cas, s'agissant des océans, des fleuves et de tous les plans d'eau, il peut arriver qu'il y ait des inquiétudes.

Je soulève cet attendu, parce qu'il m'apparaît, à l'exemple de ce projet de loi, flou, vague et appelant, au mieux, les chicanes, même interministérielles. Que penser du rôle des provinces dans ce projet de loi, les provinces dont je viens de dire qu'au plan social et au plan économique, elles commencent à vouloir gérer conjointement? Et je n'ai pas parlé du Québec.

Le Québec a historiquement, même avant d'avoir des gouvernements souverainistes, exprimé sa volonté de gérer sur le plan économique et social sa province-c'était sa province-son État et, pour plusieurs maintenant, son futur pays. Mais je parle des provinces qui sont celles qui vivent sur la frontière des océans, qui vivent avec les abords marins et qui vivent donc cette situation dont on parle. Quelle place leur est-elle faite dans ce projet de loi?

À vrai dire, on dit qu'on va les consulter. On n'a pas obligation de les consulter, même quand on édicte toute espèce de règlements qui vont les toucher. Je n'ai qu'à rappeler le règlement sur la tarification, dont on a le sentiment que l'application va relever des provinces, et même dans ce cas, on n'a pas besoin de les consulter. Le rôle


5233

des provinces, dans ce projet de loi, fait penser que le Canada, et je ne parle pas du Québec, est loin d'avoir réglé son problème de «governance», comme on dit dans les colloques d'intellectuels maintenant, de la façon dont il veut lui-même se gouverner.

Et ce qui apparaît dans ce projet de loi, et je ne sais pas si celui qui l'a parrainé à l'époque aurait toujours le goût qu'il soit ainsi, attendu que maintenant il est à la tête d'une province qui, elle-même, vit cette question de façon constante, ce projet de loi se trouve à faire la place congrue aux provinces et exprime qu'il y a toujours de vivant dans ce Canada la volonté qu'avait le premier premier ministre, John. A. Macdonald, quand il voulait faire un pays unitaire, ce qu'il n'a pas pu faire, parce qu'à l'époque, en particulier, le Canada est, qui est l'actuel Québec, s'est opposé.

Il y a un problème de répartition des pouvoirs et il y a un problème de partage des responsabilités. Il y a un problème d'efficacité qui, au bout, arrive aussi à être un problème d'argent. Être le chef de file mondial de la gestion des océans et des ressources, ça suppose de l'argent. Où est l'argent qui doit accompagner l'application de ce projet de loi?

(1335)

Je n'en ai vu nulle part. Le seul que j'ai vu passer c'est celui qui viendra de la tarification inéquitable et injuste pour le Québec et pour les ports situés sur le fleuve Saint-Laurent, tarification qui, je l'espère, n'est pas le seul moyen que le Canada entend se donner pour devenir le chef de file mondial de la gestion des pêches et des océans.

Ce projet de loi est inquiétant à plus d'un égard. Il l'est aussi sur la question de l'environnement. On sait que le budget de l'environnement diminuera de 32 p. 100 en trois ans. Or voilà que par ce projet de loi, le ministre des Pêches et Océans se constitue son propre ministère sur la question des pêches et des océans. Il se pose un problème grave de coordination à l'intérieur même du Cabinet, sans rappeler celle avec les provinces.

C'est à croire que ce projet de loi n'a peut-être pas été vraiment étudié par le Cabinet parce qu'on se demande comment il peut être géré conjointement par le ministre de l'Environnement et le ministre des Pêches? Nous voterons en faveur de l'amendement parce qu'il me semble qu'on a fait abondamment la démonstration que ce projet de loi n'est pas digne de l'objectif qu'il se donne de devenir le chef de file de la gestion des océans et des ressources marines.

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Madame la Présidente, c'est avec plaisir que j'interviens aujourd'hui dans le débat entourant la troisième lecture du projet de loi C-26. Comme vous avez pu le constater, le Bloc québécois s'oppose à ce projet de loi qui, comme plusieurs autres qui ont été présentés en cette Chambre depuis le début de la deuxième session de la 35e législature, ne tient aucunement compte des intérêts des provinces.

Plus particulièrement, ce projet de loi ne cherche d'aucune façon à impliquer les provinces dans la gestion des ressources halieutiques. Lors du débat à l'étape du rapport, en juin dernier, le Bloc québécois avait déposé un grand nombre d'amendements présentés par mon collègue de la circonscription de Gaspé et membre du Comité permanent des pêches et des océans, visant justement à faire en sorte que le gouvernement fédéral soit tenu, par des dispositions contenues dans la loi, de tenir compte des intérêts des provinces en ce qui concerne la gestion des ressources marines.

On en parle des provinces dans ce projet de loi mais c'est pour les assimiler à n'importe quel organisme tels que les municipalités, personnes de droit public ou privé, organisations autochtones ou collectivités côtières.

Malgré les beaux discours du premier ministre et de ses lieutenants sur le fédéralisme évolutif et coopératif, on peut constater que la réalité est plutôt que ce gouvernement, tout comme les autres gouvernements qui l'ont précédé, est incapable de renouveler le fédéralisme précisément parce que le fédéralisme est non renouvelable.

Le Bloc proposait donc, en juin dernier, des amendements au projet de loi qui auraient permis aux provinces de pouvoir s'impliquer dans la gestion des ressources marines même si, selon la Constitution de 1867, les océans sont de juridiction fédérale. Il y aurait donc eu possibilité d'un réel partenariat fédéral-provincial pour le bien d'une saine gestion des ressources marines.

Plutôt que d'ouvrir la porte à ce partenariat, le gouvernement préfère faire la sourde oreille et rejeter du revers de la main toutes les demandes formulées par le Bloc québécois. On peut donc voir clairement que le gouvernement tient mordicus à ces domaines de juridiction et qu'il n'a aucune intention de les partager avec les provinces.

Quels sont les arguments invoqués par ce gouvernement pour persister à refuser de partager cette responsabilité avec les provinces? Un des arguments mis de l'avant était le respect de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer en vigueur depuis le 14 novembre 1994. En effet, selon le secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et Océans, lors du débat du 10 juin dernier, les amendements que nous proposions allaient à l'encontre de cette convention internationale.

(1340)

En effet, à la page 3606 du hansard du 10 juin dernier, le secrétaire parlementaire disait, et je cite:

Les motions bloquistes nos 15 et 16 concernant le plateau continental font les mêmes insinuations trompeuses, à savoir que le plateau continental pourrait se trouver dans les limites d'une province. Il est nettement au-delà de ces limites. Si l'on apportait les amendements proposés par les bloquistes à ce projet de loi, la nouvelle loi concernant les océans du Canada irait à l'encontre du droit international. Ce n'est pas bien ni légal.
On peut noter en passant qu'il est toujours facile pour les membres de ce gouvernement de nous accuser de faire des insinuations trompeuses au lieu de débattre du fond des questions.

Pourtant, aux États-Unis, la fédération la plus près du Canada, du moins physiquement, le gouvernement central partage une partie de ses responsabilités avec les États membres en ce qui concerne une partie du territoire côtier. Cela ne fait pas des États-Unis un contrevenant au droit international. Cela n'empêche pas les États-Unis d'exercer leur pleine souveraineté sur leurs côtes et eaux territoriales. C'est plutôt une façon plus moderne de concevoir le fédéralisme.

Un autre argument pour refuser d'indiquer clairement dans la même loi que les provinces pourraient jouer un rôle dans la gestion des ressources maritimes est que cela va à l'encontre de la Constitution canadienne et que ce n'est pas le rôle de cette Chambre de faire des changements constitutionnels. Mais ceci n'est pas vraiment nouveau. Pour le gouvernement fédéral, tout ce qui va dans le sens des intérêts du Québec va à l'encontre de la Constitution. Encore


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une fois, permettez-moi de manifester mon étonnement devant un tel argument.

Depuis le discours du Trône, en février dernier, le premier ministre répète à qui veut l'entendre que le fédéralisme canadien est en constante évolution, qu'il n'y a pas besoin de changements constitutionnels pour que les provinces s'impliquent davantage dans différents dossiers, que la voie des ententes administratives est la voie de l'avenir.

En réalité, lorsqu'il s'agit d'adopter des dispositions législatives claires, on rejette les demandes du Québec du revers de la main, on s'assoit sur une Constitution figée dans le béton, immuable, irréformable lorsqu'il s'agit de partager des compétences avec les provinces ou même de respecter les compétences des provinces.

En effet, le gouvernement fédéral se préoccupe bien peu du respect de la Constitution lorsqu'il s'agit d'envahir ou d'empiéter dans les champs de juridiction dévolus aux provinces. C'était donc principalement sur cet aspect que j'intervenais contre ce projet de loi, qui, comme bien d'autres, ne démontre pas la volonté du gouvernement fédéral de coopérer avec le Québec et les autres provinces.

Ce gouvernement nous démontre donc une fois de plus qu'il ne veut pas que ça change et c'est ce que les Québécoises et les Québécois exprimeront clairement lorsqu'ils seront consultés à nouveau sur l'avenir du Québec.

Évidemment, il y a d'autres aspects dans ce projet de loi qui retiennent mon attention, particulièrement l'impact qu'ils auront dans les circonscriptions du Québec où se trouve un port.

Premièrement, concernant toute la question de la tarification des services de la Garde côtière canadienne, on a l'impression dans ce dossier que le gouvernement agit rapidement, beaucoup trop rapidement. L'industrie maritime n'est pas totalement opposée à une certaine tarification, mais elle veut s'assurer par des études des incidences de cette tarification. C'est pour cette raison que la grande majorité des témoins entendus au Comité des pêches et des océans ont demandé un moratoire sur la tarification des services de la Garde côtière. Ce que l'on peut comprendre de l'attitude du gouvernement, c'est qu'il veut récupérer des sommes importantes sans tenir compte des conséquences.

Un autre aspect de ce projet de loi qui touche toutes les circonscriptions est la tarification sur les embarcations de plaisance. Les organismes de toutes les circonscriptions seront également touchés advenant l'établissement d'une tarification pour les embarcations de plaisance.

En effet, les organismes à but non lucratif, qui ont pour but de faire connaître et de préserver la faune et la flore de nos rivières, sont touchés.

(1345)

Ces organismes sont financés en partie par des fonds publics et en partie par des fonds privés et ils devront subir les conséquences. Tel organisme possède une flotte de 10 rabaskas, de 120 canots ou de 20 kayaks, alors qu'un autre possède 10 chaloupes à rames, 26 pédalos, etc. On sait que ces embarcations seront touchées par la tarification dont il est question et la conséquence sera qu'on mettra en cause la viabilité de ces organismes qui, pourtant, jouaient, et jouent encore, un rôle important dans l'activité économique et sociale des communautés dans lesquelles ils évoluent.

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Madame la Présidente, je vous prie de m'excuser, j'arrive un peu à la course voyant qu'il y a moins de participation que prévue des autres partis à cet important débat. Il me fait plaisir d'intervenir pour m'opposer à l'adoption du projet de loi C-26. Le gouvernement a, entre autres, voulu bousculer, non seulement l'opposition, mais aussi les intervenants dans le domaine. Même si c'était juste à ce point de vue, c'est totalement inacceptable.

Pourtant, on a entendu des députés libéraux dire un peu plus tôt que c'était un projet de loi historique, vanter l'envergure de l'impact de ce projet de loi sur la vie des Canadiens et des Canadiennes et, bien sûr, des Québécois et Québécoises.

Avant d'aller plus loin, comme je pense être un des derniers intervenants sur ce projet de loi, j'aimerais féliciter le député de Gaspé pour le travail qu'il a accompli. Il a réussi, par la qualité de ses arguments, par la mobilisation que ses arguments ont provoquée, notamment dans le débat que j'ai appelé le «débat des chaloupes», à faire en sorte que le ministre recule temporairement. Je dis bien temporairement, pour ne pas trop rassurer le député de Gaspé qui doit demeurer vigilant, concernant l'enregistrement des chaloupes, des pédalos et des embarcations légères.

Tous les députés du Bloc se sont promenés dans leur comté, dans leur région respective et plus les gens apprenaient l'existence de cette volonté gouvernementale, plus ils disaient que c'était ridicule, incroyable. Depuis quand la Garde côtière s'intéresse-t-elle à des embarcations légères qui naviguent sur les lacs? On peut comprendre la présence de Pêches et Océans si on est sur les océans Pacifique, Arctique ou Atlantique, même sur le fleuve Saint-Laurent, car on s'y est habitué. Mais sur les rivières, les affluents du Saint-Laurent, les gens n'en revenaient tout simplement pas.

Le travail du député de Gaspé a suscité l'intérêt des médias, de sorte que le ministre a retardé l'entrée en vigueur de l'enregistrement des embarcations légères. J'avoue que je suis encore craintif parce que, somme toute, nous sommes dans une année pré-électorale, on ne sait pas quand le premier ministre déclenchera des élections, et on peut voir qu'évidemment, on essaie de gagner un peu de temps.

Le ministre, par ce projet de loi, veut se faciliter la tâche pour faire de tels règlements. La tentative qu'il a faite, c'est un peu en parallèle avec le présent projet de loi, il a utilisé une loi sur l'administration financière. Mais là, il veut se rendre la tâche beaucoup plus facile. C'est tout à fait à l'encontre de ce que les gens veulent.

Mais l'élément le plus important, c'est bien celui de l'absence de concertation, l'absence d'écoute, l'absence de compréhension du ministre face à ce que les intervenants ont dit. Ils les a écoutés mais n'a pas tenu compte de ce qu'ils ont dit, sauf en ce qui concerne le report de l'enregistrement des embarcations légères. Pour ce qui est du reste, le ministre, par son projet de loi, veut réaffirmer de plus en plus la souveraineté du Canada sur ses eaux intérieures, mais aussi


5235

élargir, rendre plus officielle la zone des 200 milles. On veut bien qu'il parle de souveraineté.

(1350)

Nous, les souverainistes du Québec, on est très au fait de ce que la souveraineté veut dire, mais lorsqu'il parle de collaboration, il utilise le mot «peut», mais nous, on connaît l'habitude et on n'a pas beaucoup d'exemples, jusqu'à maintenant, depuis trois ans, et on surveille tous les débats, où la collaboration du gouvernement fédéral avec les provinces s'est manifestée. Elle s'est parfois manifestée dans les paroles, mais rarement, et j'oserais dire presque jamais, dans les actions.

Or, ce projet de loi est la continuité de cette mauvaise habitude. Le ministre à Ottawa, avec ses hauts fonctionnaires, veut décider, et peu importe ce que diront les provinces, le ministre a décidé d'en faire à sa tête. Il n'a même pas écouté le premier ministre de la Colombie-Britannique. Le député de Gaspé rappelait, lors de son dernier discours, l'épisode où, dans une conférence avec les premiers ministres provinciaux, le premier ministre de la Colombie-Britannique, pas un ministre québécois, a claqué la porte en disant: «J'ai l'impression de perdre mon temps. Ça ne donne rien, il ne nous écoute pas, il ne veut rien savoir.»

Alors on fait un projet de loi et je vois des députés tel celui de Gander-Grand Falls, qui, à la veille d'élections, veut gagner du galon, parce qu'on sait qu'assez souvent il a été un député dissident ou encore critique, un des rares à faire valoir son esprit critique à l'intérieur du parti gouvernemental, mais à la veille des élections, il se trouve tout d'un coup une mission particulière, celle de frapper sur le Bloc québécois.

On sait que c'est une astuce connue, utilisée maintes fois. Je suis un jeune député, ça fait seulement trois ans que je suis ici, mais je vois le député de Richelieu, qui a une longue expérience, je vois également le député de Rosemont, qui m'en parle maintes et maintes fois, qui ont dit: «Ça a toujours été comme ça.» Que font les députés ou les ministres du parti gouvernemental pour se gagner des galons à l'extérieur du Québec? Ils essaient d'assommer le Québec, d'assommer les députés, d'essayer d'insulter parfois. Ça n'a pas été le cas ici, il n'a pas atteint cette bassesse, mais on sent quand même que ce n'était pas très pertinent.

Lui qui a été longtemps dans l'opposition devrait comprendre que les députés du Bloc québécois essaient de faire ici un travail important, celui d'être l'opposition officielle, et en ce sens, d'être le représentant de ceux qui ont l'impression de ne pas avoir été entendus suffisamment, à tout le moins pas bien compris.

Mais non, on continue, on adopte ce projet de loi, dont le député de Gander-Grand Falls dit que c'est le plus important depuis la Confédération, à son point de vue. Je comprends qu'il l'est pour lui, dans son coin, l'océan Atlantique. Je comprends cela. Mais quand même, si c'est si important que cela, on devrait y aller de façon plus prudente et déterminer, préciser beaucoup de choses qui sont restées des zones grises.

J'ai travaillé longtemps avec l'ancien ministre de l'Agriculture et des Pêches du Québec et je me souviens que jusqu'en 1984, le fédéral déléguait une partie de sa responsabilité aux provinces pour ce qui est de la gestion des pêches. Et ça marchait. Ça fonctionnait dans ce temps-là. Et depuis qu'on a enlevé ça au Québec, on a vu ce qui est arrivé aux pêches et là, c'est rendu qu'on cherche les poissons. Toutes les espèces commencent à diminuer. C'est depuis ce temps que ça va mal.

Au lieu d'accueillir dans ses rangs, de vouloir par sa stratégie préserver le poisson, on tente de dire que c'est à Ottawa qu'on va faire ça, qu'on va diriger, d'ici, à partir des fonctionnaires.

Je me rappelle d'une parole historique qu'un politicien avait dit à Québec. C'est plus difficile de déménager un fonctionnaire d'Ottawa pour aller voir ce qui se passe vraiment dans le domaine des pêches que de faire nager un poisson partant de la Gaspésie jusqu'à Ottawa.

M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): Madame la Présidente, je suis surpris, après avoir entendu d'aussi éloquents discours du député en face de moi de même que du député de Lévis, que nos honorables confrères libéraux n'aient pas envie de se lever pour acquiescer à ces arguments forts justes.

(1355)

Le député de la région de Québec a très bien expliqué la situation injuste dans laquelle ce projet de loi plonge le Québec. Quand un gouvernement est tellement inconscient qu'il en vient à déposer un projet de loi qui taxe les pédalos et les chaloupes, il y a vraiment quelque chose de déréglé dans sa machine; il y a vraiment quelque chose qui ne fonctionne pas.

Ce gouvernement, en déposant sérieusement ce projet de loi sans se rendre compte qu'il nuira énormément à tout ce qu'il y a comme petit parc touristique ou petit parc de plein air dans des régions comme le Québec et même dans d'autres provinces, démontre son incompréhension totale de la situation quotidienne dans laquelle vivent les gens bien ordinaires.

On a vu que cette tarification sur les pédalos et sur les petites chaloupes aurait un impact incroyable financièrement sur les petites entreprises de plein air qui, tel cet été, avec un été plus pluvieux que les autres années, ont de la difficulté à joindre les deux bouts.

Heureusement, le Bloc a proposé des amendements et a fait entendre des témoins lors de la comparution en comité, permettant de faire comprendre partiellement et peut-être seulement temporairement au gouvernement la fausse route dans laquelle il s'était dressé.

Dans ces documents qu'il nous présentait pour faire valoir ce point de vue, on se rend compte qu'il allait encore une fois en contradiction complète avec ses intentions du livre rouge lorsqu'il parlait de diminuer le poids de la fonction publique, lorsqu'il parlait d'un grand ménage dans la fonction publique, lorsqu'il parlait de moins légiférer pour laisser à l'entreprise. . .

Le Président: Mon cher collègue, comme il est presque14 heures, vous reprendrez la parole après la période de questions.

Nous passons maintenant aux déclarations de députés.

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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LES ENSEIGNANTS

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Monsieur le Président, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture a officiellement désigné le 5 octobre Journée mondiale des enseignants. Je suis persuadée que tous les députés voudront se joindre à moi pour rendre hommage aux hommes et aux femmes qui consacrent leur vie à l'enseignement.

Éduquer nos enfants est une tâche essentielle qui est rarement reconnue à sa juste valeur. Indispensable à notre réussite économique dans les années à venir, l'éducation est aussi le fondement de la démocratie et le garant d'une société de plus en plus tolérante et compatissante.

Il nous arrive trop souvent de nous attarder à ce qui cloche dans notre système d'éducation, passant sous silence l'extraordinaire apport de tous ces enseignants dévoués qui, malgré tous les défis que pose une société en rapide mutation, réussissent à inculquer l'amour des études.

Tous les députés voudront sans doute joindre leur voix à la mienne pour remercier tous les enseignants canadiens de leur dévouement et de leurs efforts en faveur de l'éducation de nos enfants.

* * *

[Français]

LE CENTRE D'INTERPRÉTATION DE LA CANNEBERGE

M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, il me fait extrêmement plaisir de saluer la direction et les employés du Centre d'interprétation de la canneberge, inauguré la semaine dernière à Saint-Louis-de-Blandford. Cet événement, unique au Québec, émerveillera ceux et celles qui se rendront sur les lieux.

Puisque le site est aménagé au centre d'une cannebergière en production, vous pourrez assister à la récolte de ce fruit. Sous un immense chapiteaux, de nombreux graphiques et photos vous feront connaître toutes les facettes de ce fruit.

La canneberge est un petit fruit sauvage d'Amérique du Nord. Les autochtones lui avaient attribué le nom d'atoca.

Actuellement, on compte au Québec environ 1 000 âcres de canneberge en production.

En fait, dans un rayon de 20 km autour de la municipalité de Saint-Louis-de-Blandford on retrouve 95 p. 100 de la production au Québec. Par ailleurs, la municipalité voisine qu'est Villeroy organise chaque année un festival de la canneberge.

C'est ainsi que le comté de Lotbinière est le comté par excellence pour la culture québécoise de la canneberge.

* * *

[Traduction]

L'AGRICULTURE

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, les agriculteurs canadiens sont passés maîtres dans l'art de l'euphémisme. Je me contenterai donc de dire que 1996 ne passera pas à l'histoire comme une année record en matière d'agriculture dans l'Ouest.

Les agriculteurs de Prince George-Peace River ont l'habitude des années de vaches maigres. Ayant moi-même consacré une bonne partie de mon existence à l'agriculture, je sais pertinemment ce que signifie pareille année pour les fermes familiales.

(1400)

Après une série d'années marquées par de faibles marges de profit, les perspectives commençaient à changer grâce à l'amélioration des prix des céréales, mais c'était sans compter sur la saison 1996. Un long hiver et un printemps tardif et pluvieux, suivis d'une saison de culture où il a plu presque sans arrêt, expliquent une récolte dangereusement tardive.

Des centaines de milliers de Canadiens, où qu'ils soient au pays, comptent sur une bonne récolte pour se nourrir. Les agriculteurs, tant dans ma circonscription qu'ailleurs au Canada, se sont attelés hardiment à la récolte. Je demande à tous les députés de joindre leur voix à la mienne pour souhaiter bonne chance aux agriculteurs.

* * *

LES VOIES FERRÉES

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, l'autre jour, j'ai posé une question au ministre de l'Environnement au sujet de l'abandon de voies ferrées. Je lui ai demandé s'il était disposé à procéder à une évaluation environnementale des divers abandons de voies qui touchent ma province, le Manitoba. Il était question, par exemple, de l'abandon possible de lignes de chemins de fer dans le Nord et de la subdivision de Lyleton, dans le Sud.

J'ai eu droit à une belle petite réponse. Le ministre m'a répondu simplement «Pas encore». Il semble que le style méprisant deM. Trudeau soit de nouveau à la mode.

Le fait est qu'il y a de bonnes raisons d'effectuer une évaluation environnementale de ces divers abandons de voies ferrées. Il s'agit de voir leurs répercussions sur l'environnement à la suite d'un plus grand recours au transport par camions et se pencher sur un éventail d'autres questions.

J'exhorte le gouvernement, pour respecter son engagement devant la commission Bruntland, à procéder à ce type d'évaluations environnementales. C'est ce que les gouvernements du monde entier se sont engagés à faire lorsqu'ils ont souscrit au travail de la


5237

commission Bruntland qui prônait une évaluation environnementale de toutes les principales initiatives politiques, pas simplement sur le plan environnemental, mais également dans le domaine des transports et sur toutes sortes d'autres domaines. Le gouvernement n'en fait rien et ce devrait être le cas.

* * *

LA VIOLENCE

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Ind.): Monsieur le Président, il y a une semaine aujourd'hui, Morley Sangwais était reconnu coupable du meurtre au premier degré de sa conjointe de fait, Kelly Howe, à Calgary.

Je pourrais réfléchir à l'amertume et à l'exaspération de la famille de la victime tout au cours de cette épisode traumatisant, mais j'interviens plutôt aujourd'hui pour exhorter les femmes de tout le pays qui sont confrontées à la violence familiale, qui sont brutalisées, terrorisées, démoralisées et mises en péril quotidiennement, à trouver un lieu sûr pour elles-mêmes et leurs enfants.

On peut également parler de l'injonction et de tous les documents qui viennent appuyer notre structure juridique, mais pour Kelly Howe, cette injonction a eu pratiquement autant de valeur que cet avion de papier.

* * *

L'ÉCOLE SECONDAIRE PARKDALE COLLEGIATE INSTITUTE

M. Jesse Flis (Parkdale-High Park, Lib.): Monsieur le Président, les élèves de l'école secondaire Parkdale Collegiate Institute, dans la circonscription de Parkdale-High Park, méritent d'être félicités. Cet établissement se trouve dans une région moins riche de Toronto, ce qui n'a pas empêché les élèves de croire au rêve canadien et de le réaliser.

Selon Jim Craig, professeur d'anglais de l'école, 99 p. 100 de ses élèves iront à l'université, en dépit du fait que la plupart sont des immigrants de collectivités non anglophones. Malheureusement, beaucoup sont des réfugiés venus de régions en guerre.

Récemment, ces élèves ont compilé un recueil de prose et de poésie décrivant leur perception de la vie et intitulé «Images de Parkdale».

Ce recueil est réellement exceptionnel, car il nous permet de voir la vie à travers les yeux de jeunes gens qui ont traversé des moments très difficiles et qui ont pourtant surmonté ces épreuves en réunissant un ouvrage vraiment remarquable, qui est une source d'inspiration.

Je félicite sincèrement les employés et les élèves de l'école secondaire Parkdale Collegiate Institute pour leur excellent travail.

* * *

LEONARD BIRCHALL

M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.): Monsieur le Président, le 6 octobre, plus de 400 personnes se sont rassemblées à l'aéroport Norman Rogers, dans le canton de Kingston, pour l'inauguration de la rue Len Birchall Way. Le nouveau nom de cette rue, qui a été dévoilé par le maire de Kingston, Gary Bennett, et la préfète du canton, Isabel Turner, rend honneur au commodore de l'air Leonard Birchall, ancien commandant du Collège militaire royal.

Le 4 avril 1942, Leonard Birchall, a été chargé d'une patrouille aérienne au large de la côte du Ceylan, où la marine britannique était stationnée. Il amorçait son retour quand il a aperçu toute la flotte japonaise qui se dirigeait vers le Ceylan. Apparemment, les Japonais avaient planifié une autre attaque comme celle de Pearl Harbour. Leonard Birchall a réussi à signaler son observation à la flotte britannique avant que son avion soit abattu par les Japonais. Capturé, il a survécu à quatre années de coups et de torture dans un camp japonais pour prisonniers de guerre.

Sir Winston Churchill a déclaré que Leonard Birchall avait sauvé le Ceylan. Si les Japonais avaient attaqué, ils auraient pu éliminer toute la marine britannique et peut-être modifier le cours de la guerre. Le commodore de l'air Birchall est vraiment un grand héros de guerre canadien. On lui a rendu un bel honneur dimanche dernier.

* * *

(1405)

LA FAMILLE

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, cette semaine, tous les Canadiens redécouvrent les valeurs familiales. C'est en effet le thème de la Semaine nationale de la famille, cette année.

Dans ma circonscription de Saint-Denis, j'ai organisé pour la deuxième année consécutive un concours de dessin, afin d'encourager les élèves des écoles primaires à redécouvrir les valeurs familiales. Le concours de l'an dernier a été un succès et, cette année, les participants seront encore plus nombreux.

[Français]

À titre de députés, nous avons la responsabilité d'enseigner et de démontrer aux jeunes, les décideurs de demain, à quel point la famille tient une place importante dans notre société.

Les valeurs familiales représentent notre plus grande ressource. Sans le soutien et l'amour de notre famille, il nous serait difficile, pour ne pas dire presque impossible, de se réaliser pleinement et d'atteindre nos propres objectifs et ceux de notre société.

[Traduction]

D'ailleurs, sans l'amour, le soutien et les valeurs de mes parents, de mon époux et de mes deux filles, je ne pourrais pas m'acquitter aussi bien de mes fonctions à la Chambre.

Redécouvrons les valeurs de nos familles et soyons heureux en famille, pas seulement cette semaine, mais toute l'année durant.

* * *

[Français]

LA JOURNÉE MONDIALE DES ENSEIGNANTES
ET DES ENSEIGNANTS

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, mieux connue sous le nom de UNESCO, a désigné le 5 octobre Journée mondiale des enseignantes et des enseignants, en


5238

hommage aux femmes et aux hommes qui consacrent leur vie à l'éducation.

Pour les enseignantes et les enseignants, la vision d'un monde où les gens vivront ensemble en harmonie, dans la tolérance et la compréhension mutuelle, est plus qu'un rêve, c'est un but à atteindre.

La présidente de l'Internationale de l'éducation, Mme Mary Hatwood Futrell, soulignait, et je cite: «Lorsque le potentiel épanoui d'un étudiant rencontre l'art libérateur d'un enseignant, un miracle se produit.» Ce miracle arrive tous les jours.

Au nom de tous mes collègues, merci à ces femmes et à ces hommes qui sont les artisans de ce miracle.

* * *

[Traduction]

THÉRÈSE LAVOIE-ROUX

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, Elizabeth Roux, aidée de sa mère, le sénateur Thérèse Lavoie-Roux, a escroqué plusieurs milliers de dollars au gouvernement canadien en fraudant l'assurance-chômage.

La GRC a recommandé de porter des accusations contre Elizabeth Roux, car elle a fraudé le gouvernement du Canada de plus de 5 000 $ par la supercherie, le mensonge et d'autres procédés trompeurs. Or, le ministère de la Justice a refusé de porter des accusations contre le sénateur ou sa fille, même si les employés fédéraux ont signalé de nombreux cas où d'autres Canadiens avaient fait l'objet de poursuites pour avoir fraudé l'assurance-chômage.

En refusant de porter des accusations, le régime libéral actuel fait donc comprendre aux Canadiens que la loi s'applique à tous, sauf aux amis politiques du gouvernement. Le sénateur a été autrefois ministre d'un gouvernement provincial libéral.

Le ministre de la Justice devrait avoir honte de laisser régner au Canada un système de justice à deux vitesses. Les avocats du ministère de la Justice devraient avoir honte d'avoir rejeté les accusations recommandées par la GRC. Le gouvernement libéral devrait avoir honte d'afficher son mépris envers le principe selon lequel tous les Canadiens sont égaux devant la loi. Il faut porter des accusations contre le sénateur et contre sa fille.

* * *

EXPO 2005

M. John Loney (Edmonton-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole à titre de député d'Edmonton-Nord pour signaler que Calgary propose sa candidature comme hôte d'Expo 2005 et pour appuyer cette initiative.

Cette manifestation internationale sera très avantageuse sur les plans économique et culturel pour Calgary, Edmonton et tout le Canada, car elle attirera des touristes du monde entier et permettra de faire connaître notre grand pays et sa population.

L'hospitalité traditionnelle de l'Ouest transformera certainement tous les visiteurs en ambassadeurs itinérants du Canada. Affublés de leur stetson, ils proclameront à qui veut l'entendre que le Canada est un pays bien à part où il fait bon vivre.

L'appui que mobilise cette candidature est si large que même Edmonton, la grande rivale de Calgary, soutient vigoureusement l'initiative de sa voisine du sud. Ajoutons le soutien de l'Alberta et la campagne menée sous les auspices du Sun de Calgary, et nous pouvons dire que l'avenir s'annonce très prometteur pour Calgary.

Encore une fois, je félicite Calgary de son initiative et j'invite mes collègues députés à relever ce défi pour le plus grand bien de notre pays.

* * *

LES MINES TERRESTRES

M. Harbance Singh Dhaliwal (Vancouver-Sud, Lib.): Monsieur le Président, partout dans le monde, plus de 110 millions de mines terrestres armées peuvent exploser à tout moment. Ces engins meurtriers tuent chaque année 10 000 personnes et en blessent plus de 16 000.

(1410)

Cinq cents de ces mines explosent chaque semaine. La très grande majorité des victimes sont d'innocents civils, souvent des femmes et des enfants. Lors de la réunion de l'Union interparlementaire, le Canada s'est efforcé de faire adopter une résolution musclée afin d'interdire complètement les mines antipersonnel.

Je tiens à féliciter le ministre des Affaires étrangères, qui a assumé un rôle de chef de file en convoquant une conférence au Canada, ainsi qu'une conférence de suivi qui aura lieu en décembre.

Je souhaite que son initiative réussisse et que les mines terrestres antipersonnel fassent l'objet d'une interdiction totale.

* * *

KEITH MILLIGAN

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Monsieur le Président, le 5 octobre 1996, soit samedi dernier, a eu lieu le plus grand congrès politique de l'histoire de l'Île-du-Prince-Édouard. Pour la première fois, chacun des membres du Parti libéral a eu le droit de voter directement pour le nouveau chef du parti. Près de 5 000 libéraux se sont présentés au congrès pour exercer leur droit.

Ce grand exercice démocratique a mené à l'élection du ministre des Transports, Keith Milligan, à la tête du Parti libéral et de la province de l'Île-du-Prince-Édouard.

Je veux profiter de l'occasion pour féliciter le premier ministre élu et son organisation pour les efforts exceptionnels qu'ils ont déployés et qui leur ont valu la victoire en fin de semaine.

Je tiens aussi à féliciter Wayne Cheverie, Tex MacDonald et Daniel Mullins qui ont mené de très belles campagnes et qui ont grandement contribué à la revitalisation du Parti libéral de l'Île-du-Prince-Édouard.

Au terme du congrès, il était réconfortant de voir les diverses factions appuyer le nouveau chef et attendre avec impatience le moment de contribuer à une victoire des libéraux aux prochaines élections.


5239

Je désire offrir mes meilleurs voeux à Keith et à sa famille et remercier sincèrement la première ministre Callbeck pour le travail remarquable qu'elle a accompli.

* * *

[Français]

LA JOURNÉE MONDIALE DES ENSEIGNANTES
ET DES ENSEIGNANTS

M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau, BQ): Monsieur le Président, nombre de gouvernements provinciaux et territoriaux et plusieurs municipalités ont proclamé, à l'instar de l'UNESCO, le 5 octobre Journée mondiale des enseignantes et des enseignants.

Retraité de l'enseignement après 46 ans, je tiens à souligner cette journée de façon particulière. Plusieurs députés, dont une vingtaine parmi les députés de l'opposition officielle, certains ministres et vous-mêmes, monsieur le Président, ont oeuvré dans ce milieu. Autrefois, les gens issus du milieu professionnel constituaient une large majorité parmi les politiciens. Nous constatons aujourd'hui que les enseignantes et les enseignants peuvent influencer autrement l'avenir d'un pays.

Ce métier est le plus beau du monde, puisque la valeur et la richesse de nos société dépendent de la qualité de son exercice. À l'aube du troisième millénaire, les enseignantes et les enseignants assument une responsabilité majeure.

Je veux, en mon nom et au nom de mes collègues du Bloc québécois, les remercier de leur engagement et de leur professionnalisme.

* * *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, les restrictions budgétaires du gouvernement sont de la frime.

Primo: la réduction totale du déficit de 25 milliards de dollars est compensée par une augmentation de 25 milliards de dollars des impôts versés par les contribuables. Secundo: les réductions des dépenses de programmes requises pour payer les intérêts supplémentaires sur la dette ont été faites principalement par le transfert de responsabilités du gouvernement fédéral aux provinces. Bientôt, les transferts en matière de santé et d'éducation représenteront 84,3 p. 100 de toutes les compressions du gouvernement fédéral.

Comme l'a dit le ministre des Affaires intergouvernementales de l'Ontario: «Eh bien, monsieur le Ministre, c'est le temps de dire la vérité. Vous réduirez les transferts aux provinces de 42,2 p. 100, alors que vous n'avez diminué que de 1,3 p. 100 les dépenses d'autres programmes fédéraux.»

La décroissance du gouvernement est, dans une grande mesure, un mythe libéral. Les ponctions fiscales et le transfert du déficit sont des tactiques répugnantes.

[Français]

LE MINISTRE QUÉBÉCOIS DES RELATIONS INTERNATIONALES

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, le ministre québécois des Relations internationales,M. Sylvain Simard, vient de confirmer la véracité du vieil adage qui dit «Les voyages forment la jeunesse».

À peine revenu d'un périple en Asie, M. Simard indiquait que la culture des affaires en Asie nécessite une forte implication des gouvernements, et je le cite: «[. . .] l'aide gouvernementale est nécessaire pour soutenir les acteurs de l'économie. Il est indispensable que des ententes soient d'abord conclues entre les pays, sans quoi les gens d'affaires étrangers ne peuvent pénétrer cet univers. C'est une question de confiance. L'Asie ne fonctionne que comme cela.»

Nous sommes heureux de voir que le ministre des Relations internationales du Québec reconnaît l'importance de la présence et du rôle joué par les premiers ministres du Canada et des provinces lors de la première mission asiatique d'Équipe Canada.

Souhaitons que, lors de notre prochaine mission, il parvienne à convaincre Lucien Bouchard d'y participer pour le mieux-être de tous les Québécois.

* * *

(1415)

LE PREMIER MINISTRE DU QUÉBEC

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre péquiste du Québec a livré un important discours, ce midi, à Laval.

En substance, Lucien Bouchard a repris à son compte les principaux arguments économiques qui ont animé l'action de notre gouvernement depuis notre élection. La lutte au déficit est prioritaire si l'on veut être capable de maintenir les acquis sociaux, créer de l'emploi et accroître la compétitivité de notre économie.

Cependant, le chef séparatiste devrait cesser de chercher ailleurs les raisons des déboires économiques de sa province. Depuis que son parti, le PQ, a été élu en 1994, il n'a jamais cessé de «référender» et il menace même de nouveau de tenir un référendum lorsque les conditions seront propices.

Lucien Bouchard doit mettre un terme à l'insécurité économique causée par son projet souverainiste. C'est là le prix à payer pour assurer l'avenir et la prospérité du Québec. Déjà, deux référendums, c'est deux de trop.

[Traduction]

Le Président: Chers collègues, avant que la Chambre ne passe à la période des questions, je voudrais vous signaler que, depuis quelques jours, j'ai remarqué que vous utilisiez souvent le pronom «vous», comme si vous vouliez adresser directement la parole à un autre député ou à un ministre. Je n'aime pas intervenir de la sorte, mais je voudrais souligner que vous ne devez pas utiliser le pronom «vous» quand vous posez des questions ou faites des observations. Je me demande si vous ne pourriez pas utiliser une formulation plus indirecte, plutôt que d'attaquer de front.

5240


5240

QUESTIONS ORALES

[Français]

LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, on vient d'apprendre, il y a quelques minutes à peine, que le général Boyle, le général en chef des forces armées, a démissionné de ses fonctions.

On savait, depuis hier, que les discussions entre le Bureau du premier ministre, son ministère, le Conseil privé et le général Boyle avaient été fort longues, et probablement fort difficiles. Quoi qu'il en soit, il faut se rappeler que depuis plus d'un mois, à nos questions, le premier ministre se lève en cette Chambre et répète, d'une fois à l'autre, qu'il a confiance dans son ministre, dans son ex-ministre de la Défense, et qu'il a confiance, toute sa confiance, disait-il, dans le général Boyle.

Comment le premier ministre peut-il expliquer, aujourd'hui, sa soudaine volte-face relativement à celui en qui il avait tellement confiance voilà quelques jours? Qu'y a-t-il de changé?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le général Boyle, qui a rencontré le ministre de la Défense, m'a fait parvenir, ce matin, sa lettre de démission. Je l'ai acceptée avec regret. Je ne lui ai pas demandé de démissionner, cependant, il a cru qu'il était dans l'intérêt des membres des Forces armées canadiennes et dans l'intérêt du ministre de la Défense de remettre sa démission.

C'est sa décision personnelle. Il l'a fait dans l'intérêt des troupes. Nous étions d'avis qu'il aurait pu attendre la fin de l'enquête pour voir s'il avait commis une erreur ou pas. Toutefois, il a pensé, à cause de la controverse dans laquelle il se trouvait, qu'il était dans l'intérêt du nouveau ministre de la Défense d'avoir la possibilité de choisir son personnel. Je trouve que c'est un geste très admirable et très courageux.

Je l'ai remercié pour les services qu'il a rendus au pays. Maintenant qu'il est parti, le ministre de la Défense me recommandera, j'espère bientôt, un successeur. Entre-temps, c'est celui qui était l'adjoint du général Boyle qui va agir par intérim.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre a tenté de nous faire croire, la semaine dernière, que l'ex-ministre de la Défense avait démissionné pour quelque chose qui n'avait absolument rien à voir avec la question de la Somalie, c'était une malencontreuse lettre qui l'a sauvé.

Maintenant, il essaie de nous faire croire que le général en chef a démissionné, mais personne n'a rien à voir là-dedans, alors qu'on sait que les fonctionnaires de son ministère ont discuté avec lui pendant plusieurs heures hier après-midi. Le premier ministre peut toujours repasser.

Je voudrais simplement dire ceci: Le premier ministre n'admettra-t-il pas que dans les faits, il a beaucoup trop défendu son ami, l'ex-ministre de la Défense qui, lui, protégeait son ami le général en chef, tout cela pour refuser d'admettre que lui avait fait une erreur en choisissant l'ex-ministre de la Défense qui, lui, avait fait une erreur en choisissant le général Boyle?

(1420)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la lettre de démission du ministre de la Défense vendredi était très claire et c'est la seule raison pour laquelle il a démissionné. Il m'a envoyé une lettre de démission que j'ai acceptée parce qu'il avait été informé qu'il avait commis une erreur qui enfreignait les directives qui ont été données à tous les ministres. Il a accepté ses responsabilités d'une façon très honnête. Je sais que tous les députés de cette Chambre devraient reconnaître qu'au cours des trois dernières années le ministre de la Défense qui a démissionné vendredi a fait un travail extraordinaire en effectuant les compressions qui devaient s'imposer, à la fermeture de bases, à la réduction du personnel et à la diminution du nombre de généraux d'une très bonne façon. Je suis très fier de lui.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, selon l'habitude dans l'armée, peut-être devrait-on enregistrer sur vidéo les exploits de l'ex-ministre de la Défense.

Le premier ministre peut-il nous assurer que les longues discussions d'hier à son ministère, entre ses fonctionnaires et le général Boyle, n'avaient pas pour objet de lui paver une voie de sortie dorée et, deuxièmement, peut-il s'engager à ce que rien ne soit offert au général Boyle avant que nous connaissions les conclusions d'un rapport intérimaire qui nous fera toute la lumière sur la falsification de documents dans l'armée canadienne?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le général Boyle a remis sa démission. Il n'a demandé aucune faveur au gouvernement. Il a même clairement dit qu'il ne souhaitait pas recevoir une nomination, même si on avait voulu lui en offrir une. Et il se retirera aux conditions appropriées pour tout chef d'armée qui prend sa retraite.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense.

Le nouveau ministre de la Défense nationale déclarait hier que ce n'est pas en faisant rejeter la responsabilité sur une seule personne que l'on réglerait la situation mais plutôt en s'attaquant à l'ensemble du système.

Hier, le nouveau ministre de la Défense disait trouver intéressante l'idée d'un rapport intérimaire pour faire toute la lumière sur l'opération falsification de documents, comme l'a réclamé l'opposition officielle.

Le ministre se rend-il compte, maintenant, que non seulement l'idée est intéressante mais que le gouvernement n'a d'autre choix que d'exiger un rapport intérimaire et rapidement, s'il veut faire


5241

toute la lumière sur toutes les personne impliquées dans ce scandale.

L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, il est très important de surveiller ce que l'on dit dans cette Chambre et ailleurs. Ce que j'ai dit à l'honorable député et à d'autres, c'est que j'allais prendre en considération les suggestions qui nous viendraient des députés et d'autres sources.

Ce qui est important pour moi en ce moment, c'est de reconnaître que le chef d'état-major a soumis sa démission, qu'on a acceptée. Maintenant, on va procéder à faire la lumière sur les questions de la Somalie.

C'est peut-être le moment de souligner maintenant que ceux qui ont demandé à ce qu'on ait un rapport intérimaire sur les faits découverts jusqu'à maintenant par l'enquête sur la Somalie devraient aussi considérer qu'il est important de faire également toute la lumière sur ce qui s'est passé en Somalie.

Il ne faudrait pas oublier que, ce qui est important ici pour les Canadiens et les Canadiennes c'est de savoir ce qui s'est passé en Somalie: qui était responsable, comment a-t-on réussi à ce que se produise une situation de ce genre et comment peut-on l'éviter à l'avenir. C'est ce que nous allons essayer de faire.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, l'idée d'un rapport intérimaire n'écarte en rien de faire toute la lumière sur ce qui s'est aussi passé en Somalie.

Est-ce que la résistance du ministre à demander un rapport intérimaire ne s'explique pas du fait que son gouvernement ne veut pas que soit dévoilé un rapport sur la falsification des documents avant les prochaines élections, ce qui pourrait éclabousser non seulement l'ex-général Boyle mais, bien sûr, l'ex-ministre de la Défense et le premier ministre lui-même.

L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, depuis quelques jours, deux gestes très difficiles pour les personnes impliqués ont été posés. Mon collègue, l'ancien ministre de la Défense nationale, a remis sa démission. Aujourd'hui, le général Boyle remet la sienne.

(1425)

Je profite de l'occasion pour demander à mon honorable collègue, s'il est sérieux à l'effet qu'il veut faire la lumière sur ce qui s'est passé dans tout cet incident, aussi bien ce qu'il demandait hier en ce qui concerne le rapport préliminaire que sur toute la situation en Somalie, moi je suis prêt à engager le gouvernement, si on a l'appui de l'opposition et d'autres députés de cette Chambre, à faire une demande au Parlement du Canada, de la Chambre des communes, de demander aux enquêteurs qui font le travail pour vérifier ce qui s'est passé en Somalie, non seulement de nous donner un rapport préliminaire mais nous donner un rapport sur ce qui s'est passé en Somalie afin que l'on puisse agir dès que nous l'aurons, à la fin du mois de mars, tel que prévu dans les instructions données à l'enquête.

[Traduction]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, comme tous les députés le savent, le ministre de la Défense nationale a démissionné vendredi. Aujourd'hui, c'était au tour du chef d'état-major de la Défense de démissionner. Le gouvernement a accepté ces démissions. Nous tenons à féliciter le premier ministre pour avoir enfin reconnu, quoique tardivement, qu'il y avait un problème de leadership dans ce ministère.

Pas plus tard que la semaine dernière, le premier ministre disait à la Chambre que le général Boyle et l'ancien ministre de la Défense nationale jouissaient de l'entière confiance du gouvernement. Expliquera-t-il à la Chambre ce qui s'est passé entre jeudi dernier et aujourd'hui pour détruire cette confiance?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, vendredi, le ministre de la Défense nationale m'a remis sa lettre de démission. Je l'ai acceptée. Cette lettre de démission était très claire, tout comme la lettre d'acceptation de la démission. Ce sont des documents publics.

L'ancien ministre de la Défense a montré son grand sens du devoir lorsqu'il a dit que, malheureusement, il avait enfreint les lignes directrices que j'avais établies et devait donc démissionner. Je lui ai dit que j'espérais un jour avoir l'occasion de lui souhaiter de nouveau la bienvenue au sein du Cabinet. C'est un homme d'honneur, un bon parlementaire et un Canadien dévoué.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, l'explication du premier ministre est incomplète et contradictoire.

L'ancien ministre de la Défense aurait été forcé de démissionner parce qu'il est intervenu auprès d'un organisme quasi judiciaire, ce qui, semble-t-il, constitue une infraction aux lignes directrices en matière d'éthique auxquelles sont assujettis les membres du Cabinet. Pourtant, au cours des deux dernières années, sept autres ministres sont intervenus auprès du CRTC, un organisme quasi judiciaire, et s'en sont tirés indemnes.

Le premier ministre déposera-t-il à la Chambre ces lignes directrices en matière d'éthique qui permettent à sept ministres du Cabinet d'intervenir impunément auprès d'un organisme quasi judiciaire, mais qui obligent le ministre de la Défense à démissionner pour avoir fait la même chose?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, lorsque j'ai formé le gouvernement il y a trois ans, il n'existait pas de lignes directrices régissant la conduite des ministres relativement à leurs communications avec les organismes quasi judiciaires.

Lorsque nous avons eu une controverse à la Chambre à ce sujet, j'ai dit que j'éclaircirais la question, et c'est ce que j'ai fait. Les ministres ont alors reçu de nouvelles instructions. Malheureusement, l'ancien ministre de la Défense nationale a enfreint les lignes directrices.


5242

Ces lignes directrices existaient par écrit sous les gouvernements précédents, mais n'avaient jamais été rendues publiques. Il s'agit d'instructions que le premier ministre donne à ses ministres. Elles concernent les relations entre les ministres et le premier ministre.

J'ai reçu la lettre de démission du ministre vendredi et je l'ai acceptée.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je voulais simplement savoir si le premier ministre était prêt à déposer à la Chambre ces lignes directrices qui permettent des comportements aussi contradictoires.

Certains d'entre nous viennent de provinces, par exemple l'Alberta, où le ministre le plus inexpérimenté sait qu'il n'y a que trois façons de communiquer avec un organisme quasi judiciaire: au moyen des lois, au moyen d'un décret ou au moyen d'un témoignage public devant cet organisme.

Pourquoi est-il si difficile d'appliquer cette règle ici? Je pose la question au premier ministre: déposera-t-il à la Chambre les lignes directrices en matière d'éthique qui permettent des comportements aussi contradictoires de la part de ses ministres?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il ne faut pas oublier la réalité dont nous avons discuté à la Chambre. Un ministre est aussi député. Il a certaines obligations envers les gens qui ont voté pour lui pour ce qui est de les aider à résoudre leurs problèmes. Le ministre a expliqué dans sa lettre ce qu'il avait fait en tant que député. Il a enfreint les lignes directrices, mais il aura toujours ses responsabilités de député.

(1430)

C'est très difficile de s'acquitter des responsabilités de ministre et de député en même temps. Je préviens mes ministres d'être très prudents dans ce cas. Le ministre a jugé qu'il avait été imprudent. J'ai vérifié, et il avait bel et bien enfreint les lignes directrices. J'ai accepté sa démission. Il a fait ce qu'il devait faire.

Si le député pense que ces lignes directrices ne sont pas assez sévères, croit-il qu'aucun député ne devrait être aussi membre du Cabinet? C'est comme cela à certains endroits. En France, un député doit abandonner son siège pour devenir membre du Cabinet. Cependant, je défends la tradition britannique et je suis les règles britanniques.

* * *

[Français]

L'ACCÈS À L'INFORMATION

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Le Globe and Mail nous apprenait ce matin que le gouvernement a mis au point un système parallèle permettant au Bureau du premier ministre d'organiser à sa guise la gestion de l'information demandée en vertu de la Loi de l'accès à l'information.

Le premier ministre nous confirme-t-il l'existence d'un tel système?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement, c'est le gouvernement. Il y a un Conseil privé qui doit s'assurer que tout ce qui se passe dans tous les ministères est coordonné et que s'il y a des problèmes dans l'administration publique, le premier ministre en soit informé.

Qu'un premier ministre trouve les mécanismes nécessaires pour savoir ce qui se passe dans la fonction publique, c'est la première règle de la bonne gestion. C'est exactement la façon dont je mène un gouvernement.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, on sait que la demande d'accès à l'information relative à l'ex-ministre de la Défense remonte au mois d'août.

Comment le premier ministre peut-il nous expliquer qu'il se soit porté à la défense de son ex-ministre tout ce temps-là, alors qu'il était parfaitement au courant que celui-ci pouvait avoir enfreint le code d'éthique des membres du Cabinet?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il y a tous les jours des centaines et des milliers de demandes d'information de la part des journalistes, d'universitaires, de députés, qui coûtent des millions et des millions à la fonction publique pour trouver les documents.

Mon bureau a été informé mardi soir. J'ai été informé mercredi matin et le ministre m'a remis sa démission vendredi matin. Je pense que cela prouve que le gouvernement fait son devoir. Lorsque nous avons été informés, nous avons agi dans les heures qui ont suivi.

* * *

[Traduction]

LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Cela fait des mois que le premier ministre dit que l'ancien ministre de la Défense et le général Boyle dirigeaient les forces armées à la satisfaction du gouvernement, sans crise importante. Voici maintenant que le ministre et le chef de l'état-major de la Défense démissionnent tous les deux au moment où ils sont en butte aux soupçons et dans la foulée de nombreux scandales. Hier, le nouveau ministre de la Défense a avoué que les forces armées sont aux prises avec une crise importante.

Comment le premier ministre peut-il expliquer cette volte-face? Croit-il que les forces armées sont secouées par une crise importante, oui ou non?

L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, le député fait dire au premier ministre qu'il n'y a pas de crise au sein des forces armées.


5243

À l'instar de tous les autres députés, le député n'ignore pas qu'il y a une enquête sur la Somalie et pas seulement une enquête sur les activités du général Boyle. Le général Boyle n'était pas en Somalie. Le général Boyle n'était pas dans les vidéofilms que le député et d'autres ont vus. Le général Boyle n'était pas un commandant en Somalie.

À mon avis, le député rend service à la Chambre en demandant si les forces armées sont secouées par une crise. J'ai dit hier et je répète aujourd'hui que le remplacement d'un ministre de la Défense et la démission d'un chef de l'état-major de la Défense ne régleront pas les graves problèmes des forces armées canadiennes qui se reflètent dans les activités qui ont eu lieu en Somalie.

(1435)

Le député voudra certes veiller autant que moi à encourager la commission à présenter dès que possible un rapport qui nous dira ce qui s'est passé en Somalie, pourquoi et par la faute de qui.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens commencent à être habitués à ce qu'on ne réponde pas aux questions à la Chambre des communes.

Il ne faut pas oublier que ce qui s'est produit aujourd'hui n'a rien d'honorable. La personne qui a démissionné a avoué avoir menti à la police militaire. Elle a avoué avoir menti et avoir violé l'esprit de la Loi sur l'accès à l'information. Le gouvernement est responsable de cela.

Cela fait des mois que les Canadiens entendent le premier ministre dire jour après jour qu'il n'y a pas de problème au ministère de la Défense nationale. Le premier ministre assume-t-il l'entière responsabilité du fait qu'on s'est trompé en nommant le général Jean Boyle au poste de chef d'état-major de la Défense?

L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, les députés et les Canadiens en général ont entendu poser des questions se rapportant au général Boyle.

Le député parle d'honneur, disant que ce qui s'est produit aujourd'hui n'a rien d'honorable. Je crois que quiconque a autant de respect pour les forces armées que le député reconnaîtra qu'il a dû être extrêmement pénible pour un officier du calibre et de l'âge du général Boyle de devoir en venir à la conclusion qu'il était dans l'intérêt supérieur des membres des forces armées canadiennes et du Canada qu'il offre sa démission au gouvernement.

Le député et moi-même sommes parfois d'accord, mais je ne suis vraiment pas d'accord avec lui, et je crois que la plupart des Canadiens honnêtes ne le seront pas non plus, lorsqu'il dit que ce que le général Boyle a fait aujourd'hui n'était pas la chose honorable à faire.

[Français]

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général. Le détenu Marcel Blanchette, alors qu'il était en libération conditionnelle, a été impliqué dans le meurtre crapuleux d'Isabelle Bolduc, commis près de Sherbrooke en juillet dernier. Pourtant, les agents de probation qui le suivaient ont refusé de sévir à son endroit, même s'ils savaient fort bien qu'il ne respectait pas les conditions de sa libération conditionnelle.

Comment le solliciteur général peut-il nous expliquer que ce détenu qui ne respectait aucune des conditions de sa libération conditionnelle ait malgré tout été laissé en liberté, plutôt que d'être aussitôt remis en prison?

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait fort bien, la Commission nationale des libérations conditionnelles est une agence quasi-judiciaire. On attend ses recommandations d'une journée à l'autre.

Je ne peux pas commenter la décision de la Commission des libérations conditionnelles parce que c'est une agence quasi-judiciaire. Mais entre-temps je peux annoncer au député que la commission fait enquête et qu'on attend le rapport sous peu, d'ici quelques semaines.

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, quelle garantie précise le ministre peut-il nous donner qu'il n'y a pas et qu'il n'y aura pas d'autre cas semblable à celui de Marcel Blanchette dans le système carcéral canadien?

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, un incident est un incident de trop, je l'admets. Mais quand même, le système fonctionne très bien. Je ne peux pas croire que le député soit en train de nous dire qu'on devrait éliminer la révision et la Commission des libérations conditionnelles.

C'est un système qui fonctionne très bien et c'est un système qui a fait ses preuves. Dans ce cas-là on va vérifier la source et, comme je l'ai dit, on attend le rapport d'ici peu et on prendra les mesures nécessaires.

* * *

[Traduction]

L'AGRICULTURE

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, vendredi dernier aurait pu être un jour de gloire pour le ministre de l'Agriculture. Sa conférence de presse sur la Commission canadienne du blé aurait pu faire de lui le roi de la journée, mais elle a malheureusement confirmé qu'il est le roi des atermoiements.


5244

À la Chambre, le ministre a promis aux réformistes qu'il présenterait une réponse détaillée aux recommandations du groupe d'étude. En réalité, son message a été tellement nébuleux qu'il a fallu à ses collaborateurs quatre autres jours pour rédiger un communiqué.

Après trois ans de préparation en prévision de ce grand jour, pourquoi le ministre a-t-il fait une déclaration aussi vague et aussi peu convaincante? Quand dira-t-il aux agriculteurs des Prairies ce qu'il entend faire exactement?

(1440)

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je puis comprendre la déception du député. Évidemment, il est parfaitement libre de convoquer ses propres conférences de presse, mais il préfère venir aux miennes pour être sûr d'y recevoir un peu d'attention.

Vendredi, j'ai eu l'occasion d'expliquer aux médias de Regina et de l'ouest du Canada les grandes orientations du gouvernement à l'égard de la commercialisation du grain et des modifications apportées au système de commercialisation du grain au Canada. Hier, nous avons rendu publique une déclaration qui explique en détail l'objectif de ces modifications.

Nous préparons actuellement un projet de loi. Celui-ci sera déposé à la Chambre des communes le plus tôt possible.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, j'ai certainement appris ce qu'il ne faut pas faire quand on organise une conférence de presse. C'est une bonne chose que le ministre ne soit pas le Directeur général des élections, car tout notre processus démocratique serait alors sens dessus dessous.

Comment le ministre peut-il parler d'un plébiscite qui sera mené auprès des producteurs alors qu'il ne connaît même pas la question, qu'il ne sait pas qui pourra voter, qu'il ne sait pas ce qui constituera une majorité et qu'il ignore si le résultat de la consultation aura force obligatoire?

Le ministre s'engagera-t-il, aujourd'hui, à la Chambre, à donner à tous les producteurs d'orge de l'ouest du Canada une question claire et honnête visant à déterminer s'ils veulent pouvoir choisir le mode de commercialisation de leur orge?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, vendredi et hier, j'ai expliqué très clairement quelle serait la nature de la question.

Permettez-moi de répéter ce que j'ai dit: On demandera clairement aux agriculteurs s'ils veulent que l'orge tant fourragère que brassicole soit entièrement mise en vente sur le marché libre ou s'ils préfèrent maintenir le mode de commercialisation actuel, en vertu duquel la Commission canadienne du blé, modernisée à la suite des nouvelles modifications annoncées par le gouvernement, demeurerait le seul organisme autorisé à vendre toutes les catégories d'orge destinée à l'exportation et, au Canada, l'orge destinée à la consommation humaine. C'est très clair et très précis.

[Français]

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre responsable de la Société canadienne des postes.

Aujourd'hui, la ministre a enfin déposé le rapport sur l'examen du mandat de la Société canadienne des postes. La ministre affirme qu'elle ne privatisera pas la Société canadienne des postes tant et aussi longtemps que celle-ci remplira un rôle en matière de politique publique.

La ministre peut-elle nous dire comment elle définit le rôle que doit jouer la Société canadienne des postes en matière de politique publique?

L'hon. Diane Marleau (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, nous vivons dans un grand pays avec plusieurs régions éloignées. J'imagine que le Québec a aussi des régions éloignées, et c'est entendu que les Canadiens et Canadiennes, partout au pays, veulent recevoir leur courrier et c'est une nécessité pour eux.

Tant et aussi longtemps que cette nécessité durera, la Société canadienne des postes devra continuer à servir les Canadiens.

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, la ministre annonce aujourd'hui son choix de cesser la livraison des envois publicitaires sans adresse, tout en refusant la recommandation du rapport quant à l'augmentation du prix du timbre.

La ministre attendra-t-elle après la prochaine élection pour autoriser l'augmentation du prix du timbre de 5 c., tel que recommandé dans le rapport?

L'hon. Diane Marleau (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, je me demande si c'est la position du Bloc. Veulent-ils qu'on augmente le prix du timbre? Selon nous, ce sont les petites et moyennes entreprises qui assumeraient le coût de cette augmentation, ce seraient les gens dans les régions éloignées, et à ce moment, nous ne sommes pas prêts à faire cela.

* * *

[Traduction]

L'ASSURANCE-EMPLOI

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au nouveau ministre du Développement des ressources humaines.

Le 1er juillet dernier, la première phase du projet de loi C-12 est entrée en vigueur. Le ministre pourrait-il expliquer à la Chambre comment la nouvelle Loi sur l'assurance-emploi protège le revenu des Canadiens à faible revenu?

(1145)

L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le Canada avait besoin d'un système d'assurance-emploi plus moderne. Nous avons fait un virage assez marqué en transformant un régime passif en


5245

régime actif qui aidera les chômeurs à réintégrer le marché du travail, ce qui était absolument nécessaire. Les modifications visent à remettre les gens au travail, à les amener à s'aider eux-mêmes et à permettre au système de s'adapter a la transformation du travail associée à la nouvelle économie. Ce dernier volet était important pour nous.

Notre objectif consiste à aider les gens à retourner au travail lorsqu'il existe des emplois et à encourager les employeurs à créer plus d'emplois pour les chômeurs.

* * *

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement propose de désindexer partiellement les prestations du Régime de pensions du Canada versées aux personnes âgées. En agissant ainsi, il réduira leurs revenus et rompra une promesse faite par le premier ministre au dernier référendum québécois.

Pourquoi le gouvernement réduit-il les prestations du Régime de pensions du Canada après avoir promis de ne pas y toucher?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement n'a pas fait de proposition semblable. Lorsque les gouvernements fédéral et provinciaux se sont réunis, ils ont examiné une liste de possibilités. La désindexation n'est qu'une des mesures envisagées. Elle est contenue dans le livre de consultation que toutes les provinces ont signé.

L'option a été examinée et de nombreuses personnes, y compris des gens de la propre province du député, y ont souscrit pendant le processus de consultation. Aucune décision n'a cependant encore été prise. Ce qui a été convenu par les ministres des finances, c'est que nous examinerons la situation et l'ensemble des mesures proposées avant de parvenir à un consensus.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je remercie le ministre de sa réponse, car de nombreuses personnes âgées sont très inquiètes de ce qu'il risque d'arriver à leur pension et autres revenus. L'élimination des crédits de taxe et d'impôt en raison de l'âge dans le dernier budget a coûté 1 200 $ à chaque personne âgée.

Nous savons que les provinces hésitent beaucoup à permettre au gouvernement fédéral d'utiliser les cotisations d'assurance-chômage pour compenser le coût des cotisations du Régime de pensions du Canada. Les provinces croient que les deux devraient être liées, c'est-à-dire que les cotisations d'assurance-chômage devraient être réduites quand les autres augmentent.

Pourquoi le gouvernement manquerait-il à sa parole envers les personnes âgées, en particulier les moins fortunées, compte tenu de toutes les menaces qui pèsent sur elles, en particulier l'impôt sur le revenu de 50 p. 100? Pourquoi les libéraux manquent-ils à leur promesse?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je crois pouvoir répondre, mais il faut d'abord que j'essaie de voir quelle est la question.

Le gouvernement a fait en sorte que les personnes âgées et toute une génération de jeunes sachent qu'ils pourront compter sur le Régime de pensions du Canada, la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti. Nous n'avons pas voulu faire la même erreur que les générations précédentes de politiciens, qui ont reporté le problème jusqu'à ce que le Régime de pensions du Canada se retrouve dans une situation telle que nous n'ayons d'autre choix que la terrible solution proposée par le Parti réformiste.

Dans notre budget, nous avons instauré une prestation pour les personnes âgées qui bénéficiera à 75 p. 100 au moins des Canadiens et à neuf femmes au moins sur dix. La nouvelle prestation permettra aux Canadiens âgés de garder la tête haute lorsqu'ils verront. . .

Des voix: Bravo.

* * *

[Français]

L'IMMIGRATION

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Depuis 1986, le gouvernement canadien exige un visa pour les citoyens portugais en visite au Canada. Pourtant, le Portugal, lui, n'exige pas un tel visa pour les Canadiens en visite dans ce pays. En fait, c'est le seul pays de l'Union européenne pour lequel le Canada impose une telle exigence. Dans l'opposition, le Parti libéral était contre cette exigence.

(1450)

Qu'attend la ministre pour enfin lever l'exigence du visa pour les visiteurs portugais, de la même façon qu'elle l'a fait pour plusieurs autres pays?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, il est très clair que de façon régulière, nous révisons notre politique en matière de visas au pays.

Il y a plusieurs facteurs qui sont pris en considération. Vous le savez, beaucoup de visiteurs viennent au Canada, et en même temps, il faut aussi contrôler nos frontières. Quant à la situation du Portugal, il me fera plaisir, cette semaine, de discuter de la question avec le secrétaire d'État du Portugal qui sera en visite parmi nous.

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, je rappelle à la ministre que cette mesure est profondément discriminatoire envers un pays ami et allié.

La ministre peut-elle nous expliquer quelles sont les raisons qui l'amènent à maintenir l'obligation du visa, alors même que le Portugal est le seul pays de l'Union européenne à subir une telle exigence?


5246

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, vous le savez, les situations varient d'un pays à l'autre. Nous avions décidé, il y a quelque temps déjà, d'enlever le visa pour le Chili. Vous l'avez vu, on est obligé d'imposer à nouveau le visa pour le Chili, à cause d'un problème très particulier que nous avions d'immigrants illégaux venant au pays en provenance du Chili.

Quand nous prenons une telle décision, nous devons regarder l'ensemble des facteurs en présence, à savoir, à ce moment-là, si le pays d'où originent les personnes a lui-même un bon contrôle sur les passeports et les visas qui sont émis et s'il y a un pourcentage important de visas qui sont refusés ou non.

C'est ce contexte qu'on regarde. C'est pourquoi je suis très ouverte à discuter de nouveau avec les autorités portugaises de la question sur la table présentement.

* * *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, cette semaine marque la Semaine nationale de la famille, et c'est le moment de se concentrer sur la sécurité des familles canadiennes.

Ce matin, j'ai présenté une pétition venant de plus de 25 000 personnes au Canada et dans laquelle les pétitionnaires demandent au ministre de renforcer le système judiciaire et de sévir contre les pédophiles.

Le solliciteur général est-il d'accord avec les pétitionnaires? Est-il d'accord avec eux quand ils demandent que, lorsque des délinquants sexuels sont sur le point d'être mis en liberté dans leur municipalité, les agents de la GRC de l'endroit soient autorisés à notifier les habitants?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ce sont précisément ces raisons qui ont amené le gouvernement à tenir des consultations et à produire le projet de loi C-55 que nous avons présenté à la Chambre il y a deux semaines.

Les changements qu'il est proposé d'apporter au système de justice pénale dans le projet de loi C-55 nous permettront de décharger la police de ce fardeau. Ils permettront au juge qui prononce la peine d'imposer au délinquant récidiviste non seulement une peine d'emprisonnement, mais de veiller à ce que, à la fin de sa peine d'emprisonnement, le délinquant soit placé sous surveillance pendant une période appropriée pour protéger les intérêts des Canadiens et de leurs familles.

Une fois que le délinquant sexuel est sorti de prison après avoir purgé sa peine, il devra régulièrement se présenter à la police, faire part de ses coordonnées aux autorités, poursuivre le traitement au besoin, voire dans certains cas porter un appareil de surveillance électronique. C'est le meilleur moyen de mettre fin à cette menace à notre sécurité.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, le ministre devrait savoir que, dans le projet de loi C-55, les seules communautés qui doivent être avisées de la libération d'un prédateur sexuel sont les communautés autochtones. Le projet de loi ne contient aucune disposition similaire en ce qui concerne les autres communautés. C'est une de ses lacunes.

Depuis avril dernier, un arrêté de délégation de pouvoir attend sur le bureau du solliciteur général pour que celui-ci la signe. Le solliciteur général n'a qu'à signer cet arrêté et la police locale sera ainsi autorisée, lorsqu'un délinquant sexuel va être remis en liberté dans une collectivité, à avertir les habitants de l'endroit.

Le solliciteur général va-t-il signer cet arrêté, et ce dès aujourd'hui?

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je ne suis pas au courant de cet arrêté, mais j'attirerai l'attention du solliciteur général à ce sujet dès la première occasion.

* * *

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Je tiens à reconnaître le mérite du gouvernement, lorsque c'est de rigueur, et je remercie la ministre d'avoir maintenu le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux. Les Canadiens des régions rurales la remercient.

(1455)

Dans une de ses recommandations à la Société canadienne des postes, la ministre demande qu'on améliore la qualité du service dans les régions rurales, plutôt que de la diminuer, notamment en établissant des normes raisonnables concernant la distribution du courrier dans ces régions.

La ministre peut-elle garantir aujourd'hui à la Chambre qu'elle veillera à l'établissement de ces normes et au maintien d'un service rural qui réponde aux besoins des habitants de ces régions, et pas seulement à ceux de la société, et qu'elle consultera toutes les personnes intéressées des régions visées pour la définition de ces normes?

L'hon. Diane Marleau (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, si nous avons réagi immédiatement à certaines recommandations du rapport de M. Radwanski, c'est justement parce que toutes les régions du pays nous tiennent à coeur, surtout les régions rurales.

Pour assurer l'amélioration des normes de service, j'ai demandé à la Société canadienne des postes de donner suite immédiatement à ces recommandations. Je me prépare à rencontrer moi-même les intéressés et j'ai hâte d'entendre leurs suggestions.

* * *

[Français]

LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine.


5247

Dans un article intitulé L'autre côté de la médaille, la ministre écrivait, en fin de semaine dernière, que le nombre de francophones hors Québec avait augmenté de 50 000 depuis 1971. Mais ce qu'elle n'a pas dit cependant, c'est que 90 000 francophones ont cessé d'utiliser le français au cours de la même période. Autrement dit, l'assimilation se poursuit.

Pourquoi la ministre tente-t-elle de camoufler le fait qu'un total de 340 000 francophones sont dorénavant anglicisés sur le million de francophones hors Québec et que le rythme ne fait que s'accélérer?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, il faudrait se rappeler que la question vient d'un député qui a lui-même traité des francophones hors Québec de «paraplégiques en chaise roulante.»

C'est aussi vrai d'insister sur le fait que ce même député, qui parle assez bien le français, est un Franco-Ontarien qui a appris à parler français dans la belle province de l'Ontario. Alors quand le député prétend que les francophones hors Québec ne se débrouillent pas très bien en français, il faudrait d'abord commencer par se regarder dans son propre miroir.

* * *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, dans le cadre de la dernière campagne électorale, les libéraux avaient promis, à la page 80 de leur livre rouge, qu'ils prendraient des mesures sévères contre «la pornographie violente et dégradante». Cela faisait partie d'une vaste stratégie pour s'attaquer aux facteurs conduisant à la violence familiale et à la déviation sexuelle.

Le gouvernement n'a encore rien fait pour mettre un frein à la production, à la vente ou à la possession de pornographie violente et dégradante.

Pourquoi le ministre de la Justice est-il revenu sur sa promesse de prendre des mesures sévères contre ce genre de saleté?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, deux mesures me viennent immédiatement à l'esprit. Nous les avons prises pour faire exactement ce que nous avions dit que nous ferions.

Tout d'abord, en collaboration avec mon collègue, le ministre de l'Industrie, et son comité d'experts sur l'inforoute, nous sommes en train d'étudier des mesures précises que nous pourrions prendre, de concert avec la communauté internationale, pour enrayer la violence et la pornographie sur l'Internet.

Des voix: Oh, oh!

M. Rock: Deuxièmement, le Comité de la justice a publié un document qui présente diverses stratégies pour enrayer la violence et la pornographie à la télévision, dans les films et dans l'industrie du spectacle.

Des voix: Oh, oh!

M. Rock: Ces mesures nous permettront, j'en suis sûr, d'intensifier la lutte contre le genre de documents auquel ni le député ni moi ne voulons voir notre société exposée.

Ce ne sont que deux des nombreuses mesures que nous avons prises pour tenir la promesse faite dans le livre rouge.

Le Président: Chers collègues, lorsqu'on pose une question ou qu'on y répond, je vous demanderais de bien vouloir écouter attentivement et la question et la réponse. J'accorde un certain laps de temps pour chacune, et je tiens à ce qu'il soit respecté.

* * *

(1500)

LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURE

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor.

Il sait à quel point le renouvellement d'un programme fédéral d'infrastructure, qui réserverait 20 p. 100 des fonds à l'amélioration des laboratoires, des bibliothèques, de la technologie et des infrastructures de recherche et de développement, est appuyé partout au pays et notamment par l'Association des universités et collèges du Canada, l'Association canadienne des professeurs d'université, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants et le Consortium national des sociétés scientifiques et pédagogiques.

Le ministre peut-il s'engager à appuyer cette proposition très importante, qui créerait des emplois et répondrait au besoin manifeste d'amélioration dans le domaine des infrastructures universitaires?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, nous envisageons actuellement un programme d'infrastructure. Comme le député le mentionne, nous avons reçu des universités une présentation de très grande qualité, fondée sur la recherche et le développement. À elle seule, elle suffirait à justifier la mise en oeuvre d'un programme d'infrastructure.

* * *

LE TOURISME

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, le tourisme est une industrie évaluée à 26 milliards de dollars au Canada. Pour aider à le développer, on a lancé il y a un peu plus d'un an la Commission canadienne du tourisme dont l'objectif est de réduire le déficit touristique international du Canada.

Est-ce que le ministre pourrait nous dire si la Commission canadienne du tourisme a été efficace? A-t-elle été en mesure de recruter de nouveaux touristes?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le député représente une des plus belles destinations touristiques de l'Ontario.

5248

Il sait que la Commission canadienne du tourisme est un bel exemple de partenariat entre les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral, le secteur privé et l'industrie touristique. Elle a amené une réduction d'un milliard de dollars du déficit touristique, une augmentation de 13 p. 100 des recettes du tourisme d'origine étrangère et une augmentation de presque 2 p. 100 de l'emploi dans le secteur touristique.

Le tourisme est une grande entreprise et le gouvernement espère le voir augmenter encore.

* * *

[Français]

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais souligner la présence à la tribune de son Excellence monsieur Taïb Fassi Fihri, secrétaire d'État aux Affaires étrangères et à la coopération du Royaume du Maroc.

Des voix: Bravo!

______________________________________________


5248

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI SUR LES OCÉANS DU CANADA

La Chambre reprend l'étude de la motion, ainsi que de l'amendement.

M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): Monsieur le Président, je m'en tiendrai à une conclusion d'environ une minute simplement pour rappeler que l'amendement que nous proposons va dans le sens des revendications, non seulement du Québec mais aussi d'autres provinces.

On se rappellera que le Canada et la Colombie-Britannique, par exemple, ont convenu d'effectuer un examen bilatéral sur des questions de pêche au saumon. La Colombie-Britannique s'était retirée d'une table provinciale réunissant toutes les provinces, et on a convenu d'une relation bilatérale à un moment donné. On dit que l'examen des responsabilités prendra fin en février 1997, donc dans environ cinq ou six mois. Ce communiqué était daté du mois de juillet et le gouvernement fédéral et la Colombie-Britannique annonçaient ça comme une bonne nouvelle.

(1505)

Notre amendement va à peu près dans le même sens. Prenons donc le temps d'établir, en ce qui a trait à la partie II de la loi, le rôle de chacun des partenaires et de le définir clairement, de déterminer les responsabilités, leur forme d'intervention, etc. Prenons quelques mois de plus pour s'assurer que ce projet de loi ait l'effet souhaité au départ lorsqu'on l'a déposé, allant dans le même sens des revendications de la Colombie-Britannique, par exemple, pour d'autres provinces qui souhaiteraient la même chose, notamment le Québec en ce qui regarde ce projet de loi.

Le report de six mois demandé dans cet amendement, que nous souhaitons voir accepté par l'ensemble des députés de la Chambre aujourd'hui lors du vote, m'apparaît donc fort justifié. Il m'apparaît très défendable, en terme de délai, en terme d'opportunité, de le déposer aujourd'hui puisque déjà, dans d'autres domaines ou des domaines connexes en rapport avec la tarification, on a conclu des ententes bilatérales comme celle-là avec certaines provinces. On pourrait donc avoir ce dialogue de province à province pour pouvoir connaître les besoins. Ensuite, on pourrait déterminer, comme je l'ai dit tout à l'heure, le rôle de chacun des partenaires, pour pouvoir arriver à un meilleur résultat et aussi à une meilleure utilisation de ce projet de loi.

Je termine en souhaitant voir le gouvernement prêter une oreille attentive à ces justes revendications de l'opposition dans la demande de cet amendement pour un délai de six mois.

[Traduction]

Le Président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le Président: Le vote porte sur l'amendement. Plaît-il à la Chambre d'adopter l'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le Président: Convoquez les députés.

Après l'appel du timbre:

Le Président: À la demande du whip du gouvernement, le vote est différé à demain, à la fin des initiatives ministérielles.

* * *

[Français]

LOI SUR LES ADDITIFS À BASE DE MANGANÈSE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 27 septembre 1996, de la motion: Que le projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse, soit maintenant lu une troisième fois et adopté, ainsi que de l'amendement.

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui, comme mes collègues l'ont fait précédemment, pour m'opposer à l'adoption du projet de loi C-29 intitulé Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances de manganèse.


5249

Ce projet de loi, comme son titre l'indique, vise à interdire l'importation de certaines substances à base de manganèse, soit le MMT au Canada et son commerce avec les autres provinces.

(1510)

Les débats qui entourent ce projet de loi sont très intéressants, car il s'agit d'étudier un projet de loi assez inusité.

Inusité en effet, puisque le gouvernement tente d'interdire l'utilisation du MMT non pas par le biais de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, comme il aurait été plutôt normal de s'y attendre, mais plutôt par un moyen détourné au niveau commercial, en utilisant un prétexte: la nuisance à la santé et à l'environnement.

Au lieu d'interdire la vente du MMT au Canada ou de le déclarer simplement produit toxique ou dangereux, le gouvernement tente de légiférer en interdisant l'importation de ce produit et le commerce entre les provinces, et ce, en flagrante violation de l'Accord de libre-échange nord-américain et des compétences des provinces. Il est effectivement étrange de constater par contre qu'une entreprise pourrait produire et vendre du MMT à l'intérieur d'une province sans contrevenir d'aucune sorte au projet de loi C-29.

Si le gouvernement a tellement peur des effets supposément toxiques du MMT, pourquoi ne pas avoir complètement interdit l'utilisation de ce produit plutôt que d'en limiter l'importation et le commerce interprovincial comme il le fait?

Si le ministre de l'Environnement avait une preuve de l'effet nocif pour la santé ou pour l'environnement du MMT, il aurait rédigé son projet de loi différemment, mais malheureusement pour lui, il n'en a aucune. Or, il appert que l'Agence américaine de protection de l'environnement, l'EPA, a elle aussi tenté de prouvé que le MMT est nocif pour la santé, mais elle a échoué.

En effet, l'utilisation du MMT dans l'essence sans plomb était interdite dans certains États américains jusqu'à l'année dernière, mais en avril 1995, la compagnie américaine Ethyl a gagné une bataille juridique contre l'Agence américaine de protection de l'environnement. Un jugement de la cour d'appel des États-Unis pour le district de Columbia a conclu que l'EPA n'avait pas réussi à prouver ses allégations à l'effet que le MMT est nocif pour la santé.

L'industrie automobile n'a pas réussi quant à elle à démontrer que le MMT est dommageable pour les systèmes antipollueurs des automobiles. L'agence américaine n'a pas logé d'appel contre cette décision. Le MMT est donc maintenant permis dans certains États américains. Je me demande bien, dans ces circonstances, ce qui fait croire au ministre de l'Environnement qu'il pourrait, lui, faire la preuve des effets dommageables de ce produit.

Au surplus, Santé Canada a publié, le 6 décembre 1994, les résultats d'une étude indépendante sur les risques présumés du MMT. L'étude conclut que l'emploi du MMT dans l'essence ne constitue pas un risque sanitaire pour aucune section de la population canadienne.

Finalement, plusieurs organismes scientifiques internationaux et canadiens concluent tous que des bas niveaux de manganèse, comme par exemple le cas du MMT dans l'essence sans plomb, ne posent pas de problèmes pour la santé.

Force nous est donc de constater, et ce, contrairement à ce qu'en pense le ministre de l'Environnement, qu'aucune preuve sérieuse ne permet de condamner le MMT et de le bannir pour l'instant. Par conséquent, le projet de loi C-29 n'a pas raison d'être, tant et aussi longtemps que des études respectables et sérieuses ne nous donneront pas des preuves des effets négatifs du MMT sur la santé et sur l'environnement.

Interdire maintenant le MMT et le remplacer par un autre produit comme l'éthanol, par exemple, qui lui cause des problèmes à l'environnement, c'est remettre à plus tard le problème. Mieux vaut faire des études sérieuses avant d'adopter une loi que les faire après.

Évidemment, le Bloc québécois est très préoccupé par la santé des Québécois et la santé des Canadiens, de même que par les questions environnementales, et c'est pourquoi nous exigeons ces études avant d'interdire le MMT.

Je vous souligne dès maintenant que le projet de loi sous sa forme actuelle sera toujours inacceptable, puisque le ministre de l'Environnement désire réglementer le commerce, et non pas l'environnement.

Il faut alors se questionner sérieusement sur les vrais motifs du ministre de l'Environnement pour aller de l'avant avec le projet de loi C-29, alors qu'il sait très bien que le projet de loi occasionnera des coûts importants aux contribuables québécois et canadiens, soit une hausse probable des prix de l'essence, des pertes d'emplois dans l'industrie pétrolière et les frais d'une demande possible de compensation en vertu de l'ALENA.

(1515)

Peut-être pouvons-nous penser que, secrètement et sûrement inconsciemment, le ministre actuel de l'Environnement, tout comme sa prédécesseure, a réalisé que le produit de remplacement pour le MMT-soit dit en passant, le MMT est fabriqué exclusivement par la compagnie américaine Ethyl-est l'éthanol qui, lui, par hasard, est fabriqué à base de maïs, qui est cultivé principalement en Ontario. Il est à noter aussi que l'éthanol pose des problèmes au niveau environnemental.

Cependant, il y a une chose que le ministre n'a pas encore comprise, et ce, même si son collègue du Commerce international a tenté en vain de lui expliquer. Le projet de loi C-29 va à l'encontre d'un accord commercial que nous avons signé avec les États-Unis et le Mexique: l'ALENA. En vertu de cet accord, le gouvernement canadien n'a pas le droit de limiter le commerce et de permettre la production d'un produit uniquement sur son territoire, comme il entend le faire avec ce projet de loi.

En interdisant l'importation et le commerce interprovincial, le projet de loi sous étude aujourd'hui oblige de produire au Canada tout le MMT qui y est vendu. En plus, le ministre souhaite bloquer l'importation d'un produit qui n'est pas nécessairement dommageable pour l'environnement en violant ainsi le principe de la libre


5250

circulation des biens. En agissant en contravention avec l'ALENA, le gouvernement fédéral s'expose à une plainte et à une demande d'indemnité, telles que prévues par l'ALENA.

Le ministre de l'Environnement a été averti par le ministre du Commerce international, dans une lettre datée du 23 février dernier, que le projet de loi C-29 viole certains principes de base de l'ALENA et que, par conséquent, en adoptant un tel projet de loi le Canada risque de recevoir une demande de compensation en vertu de cet accord. Mais le ministre de l'Environnement s'entête et préfère exposer la population canadienne à une poursuite possible et probable de plusieurs millions de dollars. J'ai envie de vous citer un passage de cette lettre qui est très éloquente. Le ministre du Commerce international est d'avis que, et je cite:

[Traduction]

«L'interdiction du MMT sur une grande échelle serait incompatible avec les obligations qui incombent au Canada du fait de son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce et à l'Accord de libre-échange nord-américain. Premièrement, il s'agirait d'une interdiction d'importation inadmissible, notamment si la production, la vente ou l'utilisation à l'échelle nationale ne sont pas interdites elles aussi. Deuxièmement, compte tenu des preuves scientifiques actuelles, pareille interdiction ne saurait être justifiée pour des raisons de santé ou des considérations environnementales.»

[Français]

Le ministre du Commerce international conclut en demandant à son collègue de laisser tomber le projet de loi C-29. L'éventuelle poursuite se matérialise de plus en plus chaque jour, puisqu'une notification d'intention de soumettre une plainte a été déposée formellement par la compagnie américaine Ethyl le 10 septembre dernier. Ethyl demande une indemnité de 201 millions de dollars US. Une plainte pourrait être déposée dans les 90 jours suivant la notification d'intention.

Ce processus de plainte de l'article 1116 de l'ALENA a déjà été utilisé dans le passé dans deux autres secteurs d'activité. En effet, cette année, deux autres notifications d'intention de plainte en vertu de l'article 1116 de l'ALENA ont déjà été déposées contre le Canada et sont toujours pendantes. L'une vient d'une compagnie pharmaceutique mexicaine appelée Signa, d'un montant de 50 millions de dollars, et l'autre de la compagnie Waste Management Inc., dont le montant est gardé secret.

La compagnie américaine est d'avis que sa filiale canadienne subira des dommages lors de l'entrée en vigueur du projet de loi C-29 et c'est pourquoi elle demande une compensation en vertu de l'article 1116 de l'ALENA. Cet article prévoit que tout investisseur d'une partie qui estime avoir subi une perte ou un dommage en raison ou par suite du manquement d'une autre partie à une obligation découlant de cet accord peut soumettre une plainte à l'arbitrage.

Certains affirment que l'ALENA permet au gouvernement canadien d'adopter des lois lorsqu'elles visent à protéger les êtres humains, les animaux ou les végétaux ainsi que leur santé. Le processus d'exception de l'ALENA est complexe et il faut tout au moins que le gouvernement canadien soit en mesure de faire la preuve d'un quelconque effet dommageable du bien qu'il veut restreindre et qu'il démontre un élément de nécessité à agir de la sorte. Ce que le gouvernement canadien ne saurait faire dans le cas du MMT.

Le plus dramatique de l'histoire c'est que si la compagnie Ethyl a gain de cause, le gouvernement canadien devra payer plusieurs millions de dollars en compensation à la compagnie plaignante, et ce, à même les poches des contribuables québécois et canadiens.

(1520)

La compagnie Ethyl, seule productrice de MMT et unique exportatrice au Canada de ce produit, soutient que le gouvernement canadien a manqué à ses obligations en vertu de trois dispositions de l'ALENA: l'article 1110 sur l'expropriation et l'indemnisation, l'article 1106 sur la prescription des résultats ainsi que l'article 1102 sur le traitement national.

Sur l'expropriation, Ethyl invoque d'abord l'expropriation de son achalandage, puisque le Canada a nui à sa réputation tant au niveau national qu'au niveau international en affirmant sans preuve que le MMT est nocif. La compagnie américaine invoque aussi l'expropriation de ses investissements au Canada, puisque le projet de loi C-29 interdit l'exploitation commerciale du MMT par Ethyl Canada.

Ethyl est aussi d'avis que le projet de loi crée une préférence pour le contenu national en permettant que le MMT puisse être fabriqué légalement dans une province canadienne, ce qui viole l'article 1106 de l'ALENA. Le droit international oblige les gouvernements à verser une indemnité chaque fois qu'il exproprie un bien.

Finalement, Ethyl invoque une violation de l'article 1102 sur le traitement national, puisque le gouvernement canadien agit de façon discriminatoire en interdisant l'importation de MMT, parce qu'il sait très bien qu'Ethyl est la seule compagnie à fabriquer ce produit.

En conclusion, combien le gouvernement veut-il encore sacrifier en compensation? Comme le ministre de l'Environnement le disait si bien lors d'une réponse à ma question, le 25 septembre dernier, une multinationale américaine ne devrait pas dicter au gouvernement du Canada ce qu'il doit faire pour défendre les intérêts des Canadiens dans le domaine de l'environnement et de la santé. Mais par contre, une telle compagnie a le droit de rappeler au gouvernement canadien les ententes commerciales qu'il a signées.

Considérant les coûts énormes pour les contribuables québécois et canadiens de l'absence véritable d'avantages d'interdire le MMT du projet de loi proposé par le ministre de l'Environnement, je ne peux que vous demander de voter contre le projet de loi C-29 et d'éviter ainsi une débâcle économique pour le pays.

En terminant, je demande le consentement unanime pour déposer à la Chambre, une lettre écrite par le ministre du Commerce international au ministre de l'Environnement.

Le Président: Le député de Terrebonne demande la permission de déposer cette lettre.

[Traduction]

Y a-t-il consentement unanime pour que cette lettre soit déposée à la Chambre des communes?

Des voix: D'accord.


5251

Une voix: Non.

Le Président: J'entends un non, nous allons donc en rester là.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, dois-je comprendre d'après les observations du député que son parti souhaite que l'on continue d'utiliser l'additif MMT dans l'essence? Cet additif, on le sait maintenant, contribue à l'accroissement des niveaux d'ozone et de smog dans nos villes. On le soupçonne, sans encore avoir réussi à le prouver, de présenter un danger pour la santé. De toute évidence, il nuit au fonctionnement des systèmes diagnostiqueurs de bord des véhicules en Amérique du Nord, ce qui sera alors une cause indirecte d'augmentation du smog.

Par ailleurs, le député a laissé entendre que l'éthanol que l'on veut substituer au MMT présentait un danger pour la santé et ne constitue pas un bon substitut.

(1525)

[Français]

M. Sauvageau: Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je vais tenter de répondre aux deux questions de mon honorable collègue.

Tout d'abord, je suis un peu surpris qu'il me demande de lui prouver que l'éthanol est un bon produit, alors qu'il affirme sans le prouver que le MMT n'est pas un bon produit. Selon l'expression anglaise on pourrait faire du give and take, c'est-à-dire que moi je pourrais vous demander de me prouver aussi que le MMT est un bon produit.

Monsieur le Président, je vous dis que mon cher collègue affirme que le MMT est dommageable pour la santé, qu'il crée des dommages pour le smog, qu'il crée des dommages pour la couche d'ozone, qu'il crée des problématiques pour le diagnostic des systèmes d'automobiles. Où prend-il ses informations, si pertinentes soient-elles? Qu'il nous les confirme en cette Chambre.

Si l'EPA arrive à une conclusion voulant que le MMT n'est pas dommageable pour la santé, n'est pas dommageable pour l'environnement, si les grands de l'automobile ne sont pas capables de fournir une étude solide pour dire que le MMT endommage le système d'évacuation des automobiles, comment fait-il, lui, pour affirmer que le MMT est dommageable?

La seule chose que le Bloc québécois lui demande, s'il a bien compris, c'est tout simplement de nous prouver que ce qu'il dit est vrai. On n'est pas seuls. Parfois, lorsqu'on est dans l'opposition, on peut se poser la question suivante: Est-ce qu'on s'oppose pour s'opposer?

Je ne suis pas seul. Je vous ferais remarquer, monsieur le Président, ainsi qu'à mon honorable collègue, que même le ministre du Commerce international, auprès duquel on m'a refusé de déposer la lettre, a écrit au ministre de l'Environnement en lui disant: C'est dangereux ce que tu fais là, parce que premièrement ce n'est pas prouvé; deuxièmement ce projet de loi n'est pas une bonne raison, on n'est pas sur la santé, on est sur le commerce; et troisièmement, en vertu de l'ALENA, on contrevient au moins à quatre ou cinq articles.

En réponse à sa question, je vais moi aussi lui poser des questions, comme le fait souvent le ministre des Finances. Premièrement: Est-ce qu'on contrevient oui ou non à trois ou quatre articles de l'ALENA? Deuxièmement: Est-ce que vous pouvez me prouver, vous ou votre gouvernement, que le MMT est dommageable? Troisièmement: après cela je vous répondrai sur l'éthanol.

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais féliciter mon collègue pour son discours. Évidemment, on n'est pas ici pour s'opposer, strictement pour faire de l'opposition systématique.

Par contre, si vous avez bien lu mon amendement déposé en cette Chambre il y a quelques semaines, nous demandons simplement au gouvernement d'attendre encore six mois pour qu'on puisse avoir en main des études concluantes, je dis bien concluantes, qui vont nous prouver quelque chose. Parce qu'on n'a rien en ce moment; on a demandé aux distributeurs automobiles de nous fournir des études précises, claires; ils nous ont dit que leurs études étaient confidentielles. C'est spécial de nous faire répondre que c'est confidentiel.

On a demandé au ministère de la Santé de nous confirmer si c'était dangereux pour la santé. La dernière étude qui a été faite confirme que ce n'est pas dangereux pour la santé. Ce qu'on demande c'est qu'on attende, qu'on s'assure qu'on prend la bonne décision. Quand on parle aussi d'un marché nord-américain, parce que là les États-Unis viennent de le réintroduire sur le marché, nous on s'en va à l'encontre d'une politique nord-américaine.

L'éthanol est aussi un additif. Il n'y a rien de prouvé que l'éthanol va faire un meilleur travail que le MMT. C'est un nouveau produit sur le marché. La vraie solution, c'est qu'un jour on n'ait plus à employer d'additif du tout. C'est la solution de rêve. Mais on n'en est pas rendus là.

Je vais vous raconter une petite chose qui s'est passée chez moi, dans mon comté. On a eu la voiture électrique qui a fait sa sortie. C'est ça la solution de l'avenir. Mais on n'a pas encore développé assez profondément cette technologie pour pouvoir la mettre sur le marché.

J'aimerais savoir de mon collègue ce qu'il en pense, dans l'avenir prochain, de développer une technologie qui va être différente mais qui sera vraiment environnementale, plutôt que de simplement changer un additif pour un autre. On parle de deux lobbies.

(1530)

M. Sauvageau: Monsieur le Président, très rapidement, je dois dire que je suis tout à fait d'accord avec ma collègue de Laurentides qui dit qu'entre deux maux, il faut choisir le moindre, mais on serait peut-être mieux d'essayer de trouver une alternative plus intéressante.

Il est évident que j'appuie toutes les recherches et démarches qui sont faites pour le développement d'un véhicule automobile électrique ou fonctionnant avec d'autres conditions plus environnementales, mais je vais aussi revenir aux commentaires de mon honorable collègue.

Si, effectivement, il a raison que le MMT est dommageable pour la santé, pour l'environnement, pour les automobiles et tout cela, pourquoi ne le déclare-t-on pas produit toxique et dangereux? Ce que les libéraux essaient de faire, c'est d'interdire l'importation de


5252

MMT au Canada, un point, c'est tout. On va pouvoir continuer à en fabriquer, on va pouvoir continuer à en vendre, on va pouvoir continuer à l'utiliser, on va pouvoir continuer à tout faire avec le MMT, sauf l'importer.

Je pense que si ce qu'il dit est vrai, il devrait prôner l'interdiction totale d'utilisation, de vente, de consommation et tout ce qui s'ensuit.

Ce qu'on leur propose donc, comme ma collègue l'a dit, c'est un moratoire de six mois pour qu'ils soient cohérents avec ce qu'ils pensent et ce qu'ils disent, et après cela, on posera des gestes concrets et cohérents.

[Traduction]

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les observations du député au sujet du projet de loi. Comme il l'a dit, ce n'est pas la première fois que nous tenons un débat à la Chambre sur l'interdiction éventuelle du MMT. Je suis consterné, comme il l'est sûrement, de voir que ce projet de loi nous revienne sans propositions d'amendement.

Je voudrais souligner très brièvement qu'il est fort inhabituel que le Bloc québécois et le Parti réformiste du Canada s'entendent sur quoi que ce soit. Dans le cas qui nous occupe, nous sommes d'accord pour dire que ce projet de loi est mauvais. Chaque fois qu'il arrive que les deux partis d'opposition soient d'accord pour s'opposer à un projet de loi, j'espère que le gouvernement fédéral en prendra note. Peut-être qu'une sonnette d'alarme retentira et que les ministériels diront que quelque chose cloche vraiment dans le projet de loi. J'aimerais que le député fasse une observation à ce sujet.

[Français]

M. Sauvageau: Monsieur le Président, je vais probablement prendre moins d'une minute pour répondre à mon collègue en lui disant que je suis excessivement heureux d'apprendre aujourd'hui que le collègue réformiste est fier de voir qu'on peut être d'accord tous les deux. Il ne nous reste qu'un pas à faire et on pourra être d'accord et sur la souveraineté et sur le partenariat.

M. Clifford Lincoln (Lachine-Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur le Président, il y a deux questions fondamentales au sujet du débat sur le projet de loi C-29 pour bannir le MMT au Canada.

La première est: est-ce que le gouvernement du Canada et le ministre de l'Environnement ont l'autorité et le droit de faire adopter une loi par rapport à l'environnement, par rapport à la formulation de notre essence au Canada, tout en favorisant les méthodes alternatives d'énergie, ou bien est-ce qu'on devrait sacrifier ce droit à une corporation multinationale américaine qui, surtout, nous menace de nous amener en cour pour des centaines de millions de dollars?

Je vois que l'alliance entre le Parti réformiste et le Bloc québécois est une belle alliance. La compagnie Ethyl n'aura même pas besoin de lobbyistes, parce qu'ils ont tous les lobbyistes ici en Chambre, de l'autre côté.

La deuxième question qui se pose est celle-ci: est-ce que le MMT est la méthode, la formulation, l'additif le plus sécuritaire et le plus sûr pour ajouter à notre essence ou bien est-ce qu'il y a des alternatives qui sont plus favorables à la santé des Canadiens? Ce sont les deux questions.

Tout d'abord, pour répondre à la première question, je n'appuie aucunement la compagnie Ethyl, qui passe son temps en cour aux États-Unis, qui a passé des années en cour aux États-Unis pour se battre contre l'EPA américain, et qui, aujourd'hui, menace le ministre de l'Environnement de l'envoyer en cour pour 201 millions de dollars, pensant que le gouvernement canadien battrait en retraite tout de suite devant la compagnie Ethyl.

(1535)

La compagnie Ethyl est une compagnie puissante, une multinationale américaine qui, jusqu'à tout récemment, vendait son produit seulement au Canada. Le Japon ne l'achète pas, l'Allemagne ne l'achète pas, le Danemark ne l'achète pas, la Suède ne l'achète pas, aucun autre pays du monde excepté le Canada se sert du MMT.

Tous les autres ont tort excepté nous. Mais aujourd'hui nous avons découvert nous aussi qu'il y a d'autres méthodes qui sont plus sûres, qui sont plus sécures. Cette bataille c'est de dire que nous les Canadiens ne voulons pas être les cobayes de la compagnie Ethyl.

[Traduction]

Nous ne voulons pas être les cobayes de la société Ethyl. En fait, l'Agence américaine de protection de l'environnement a perdu la bataille devant les tribunaux, mais elle croit fermement encore aujourd'hui que le MMT est nocif pour les Américains.

La directrice de l'EPA, Carol Browner, a déclaré qu'on ne devait pas vérifier la sûreté du MMT en prenant les Américains comme cobayes. En tant que Canadiens, nous ne voulons pas non plus que la société Ethyl nous utilise pour tester le MMT.

De nos jours, aux États-Unis, malgré les contestations devant les tribunaux au sujet du MMT et le fait que le MMT a obtenu un sursis, on ne peut l'utiliser comme additif dans l'essence reformulée en Californie, dans l'État de New York, en Pennsylvanie et au Wisconsin. Presque un tiers des États américains ne veulent pas entendre parler du MMT. Ces États utilisent de l'essence reformulée qui renferme des additifs. Ils croient que c'est beaucoup plus sûr pour la santé des Américains.

J'entends qu'il n'y a pas de preuve concluante que le MMT met en danger la santé des Canadiens. Pourtant, j'ai cité plusieurs études qui concluent que le MMT pourrait fort bien être très dangereux pour la santé humaine. Je vais citer à nouveau une étude que j'ai reçue avant le dernier débat, en novembre 1995. Elle a été effectuée par trois scientifiques: Kimberley Treinen, de la division de recherches Sanofi, de Collegeville, en Pennsylvanie; Tim Gray, du centre de recherches Alnwick, à Alnwick, dans le Northumberland, en Angleterre; et, William Blazak, de Nycomed, de Collegeville, en Pennsylvanie. Voici ce qu'ils disent:


5253

En résumé, les données présentées ici révèlent qu'un syndrome particulier de malformations squelettiques chez les rats a été provoqué par le MnDPDP, et s'est produit en l'absence de toxicité maternelle à quatre fois la dose clinique prévue. Les mêmes malformations particulières ont également été observées à la suite de l'administration par voie intraveineuse de doses de manganèse équivalentes ou moindres. Comme il a été démontré que le manganèse traverse le placenta (Jarvinen et Ahlstrom, en 1975; Koshida et autres, en 1963; Rojas et autres, en 1967), il appert que le manganèse est le facteur taratogène actif dans le MnDPDP.
Si nous attendons de voir si le manganèse est mauvais pour les êtres humains, s'il a un effet sur le cerveau humain, alors qu'on a constaté ses effets sur le cerveau des rats et d'autres animaux de laboratoire, est-ce là le principe de prudence que les Canadiens devraient appliquer?

C'est ce qu'on avait l'habitude de dire au sujet du DDT, jusqu'à ce que Rachel Carson écrive son célèbre livre. C'est ce qu'on disait aussi des BPC. Ils étaient censés être sûrs également. On disait aussi cela des CFC. Ils étaient considérés comme les gaz les plus purs, jusqu'à ce qu'on découvre qu'ils perforaient la couche d'ozone. On disait cela aussi au sujet du plomb. On utilisait le plomb dans l'essence tous les jours de notre vie. Beaucoup de gens dans le monde l'ont fait, jusqu'à ce qu'on s'aperçoive que le plomb causait le cancer.

Ainsi, devons-nous attendre d'avoir la preuve finale et concluante qui va satisfaire mes collègues réformistes et bloquistes? Si jamais nous constatons cela, que ferons-nous s'il est trop tard et si les effets sont irréversibles? S'il n'existait aucune autre solution, ils auraient un argument convaincant, mais il y a des solutions de rechange.

(1540)

Quand je quitte Ottawa pour aller à Montréal, j'arrête sur la rue Bank à la station-service McEwen's, où l'on vend de l'essence à l'éthanol. Mon auto roule aussi bien avec cette essence qu'avec de l'essence ordinaire avec du MMT. En fait, comme mon collègue le dit, elle roule encore mieux.

Le député bloquiste a déclaré que c'était un truc des libéraux pour vendre du maïs en Ontario. Il saura qu'au Québec, il y a une grande société qui produit de l'éthanol à partir du bois. On peut produire de l'éthanol avec des restes de canne à sucre, du bois et toutes sortes de matières. Ce n'est pas un truc des libéraux pour vendre du maïs.

Il est temps de dénoncer la nocivité du manganèse. Dans les derniers sondages réalisés au Canada sur la santé et l'environnement, au moins 75 p. 100 des gens interrogés ont déclaré que, tant que nous ne serons pas certains de l'absence de risque, nous devrions éviter d'utiliser le manganèse. Ils ont soutenu qu'il faudrait l'interdire.

Non seulement les gens qui veulent interdire le MMT n'ont rien à voir avec General Motors et Honda, mais ce sont des gens qui appuient l'Association d'information sur l'asthme, l'Institut canadien de la santé infantile, les départements de santé publique des villes de North York et de Toronto, l'Environmental Defence Fund, les Troubles d'apprentissage-Association canadienne, l'Association pour la santé publique de l'Ontario, Pollution Probe et le Sierra Club of Canada. Ce ne sont pas des fabriquants d'automobiles. Ces Canadiens craignent beaucoup les effets du manganèse.

Ethyl Corporation ne me préoccupe pas du tout. Il m'importe peu que cette société subisse des pertes, dans la mesure où la santé des Canadiens s'améliore.

La question à se poser est la suivante: allons-nous laisser Ethyl Corporation nous menacer? Est-ce que Ethyl Corporation devrait dicter la politique canadienne? Pourquoi cette société ne vend-elle pas son produit au Japon, en Allemagne, au Danemark, en Suède et en Hollande? Ces pays croient en l'environnement. Ils n'utilisent pas le manganèse. Pourquoi serions-nous les seuls cobayes dans le monde? Pourquoi devrions-nous céder à la menace de la multinationale américaine de recourir aux tribunaux pour nous forcer à adopter une politique apparemment si merveilleuse? Si elle est si fantastique, pourquoi y a-t-il tant de pays qui la rejettent?

Voici mon argument: en tenant compte de l'environnement, de la santé des Canadiens et du principe de la prudence, le gouvernement du Canada et le ministre de l'Environnement sont libres de décider s'il faut interdire le MMT et adopter de meilleures solutions. C'est l'argument que je fais valoir aujourd'hui.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de faire quelques commentaires et d'adresser une question au collègue d'en face.

J'ai pris quelques notes durant son discours. Le député a débuté son discours en disant: «Est-ce que le Canada a le pouvoir de légiférer en la matière?» Sa réponse était oui. «Est-ce que ce serait la bonne solution d'enlever le MMT?» Il pensait que oui. Il finit son discours en parlant des pressions des multinationales américaines. Cependant, il passe sous silence les pressions du lobby des constructeurs automobiles qui, eux, par exemple, veulent se débarrasser du MMT.

Est-ce que le député d'en face est en train de dire: «Non, on ne cédera pas aux pressions des multinationales américaines mais, par exemple, on va céder aux pressions des multinationales qui construisent des voitures ici.

Le vrai débat, je pense que le Bloc et le Parti réformiste l'ont bien précisé, l'amendement de la collègue de Laurentides est d'attendre six mois avant de passer à la troisième lecture de ce projet de loi. Pourquoi? Et c'est là où on ne cède à aucune pression, nous, du Bloc. On ne cède à aucune pression.

(1545)

On s'attend à ce qu'il y ait des études sur l'impact du MMT. On veut connaître les impacts et on veut savoir s'il y a des substituts réels qui pourraient être ajoutés. Ces études sont nécessaires. Pourquoi le gouvernement est-il si empressé à faire adopter son projet de loi, alors que les réponses pourraient être très claires dans six mois?

Il faut se poser ce genre de questions. Il faut se questionner sur l'empressement du gouvernement, alors que le Bloc et le Parti réformiste tendent la main, lorsqu'on dit qu'on devrait retarder l'adoption de ce projet de loi de six mois. Si le député d'en face est réellement sincère lorsqu'il dit qu'il veut que la santé des Canadiens soit prise en compte et que l'environnement soit le plus propre possible, que c'est vraiment la santé des Canadiens et des Québécois qui le préoccupe, je pense qu'un délai de six mois pour l'adoption de ce projet de loi, avec l'opportunité d'avoir des alternatives


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réelles, et surtout de connaître les incidences réelles, serait une décision éclairée, juste et raisonnable.

La question que je pose au député est la suivante: Dans sa recherche pour le mieux-être des Québécois, n'est-il pas opportun d'attendre six mois pour avoir les vrais outils pour prendre la vraie décision?

M. Lincoln: Monsieur le Président, tout d'abord, je pense que le député n'a pas bien écouté ce que j'ai dit. Je n'ai pas parlé seulement des compagnies d'automobiles. Les compagnies d'automobiles, c'est leur affaire. Elles font leur lobby, et ça les regarde. J'ai nommé des compagnies, des institutions de la santé, des institutions environnementales. J'ai dit que dans un sondage, 75 p. 100 des Canadiens avaient dit que si on ne peut pas prouver à 100 p. 100 que le MMT et le manganèse sont sécuritaires, on devrait les bannir.

De plus, la question fondamentale est celle-ci: on va attendre encore six mois pour faire plaisir à l'opposition. Mais ça, ce n'est pas discuté d'aujourd'hui. Je pense que le prédécesseur de ma collègue de Lambton-Middlesex, M. Ralph Ferguson, en discutait depuis 1988.

Si les députés du Bloc québécois et du Parti réformiste s'intéressent à cette question, qu'ils parcourent les travaux des comités de la Chambre qui ont discuté de cette question ad infinitum. M. Ferguson, lui-même, en a fait une croisade ici à la Chambre des communes. Il est temps d'agir.

Le manganèse, c'est potentiellement dangereux pour la santé. Même Mme Browner de l'EPA le dit. On ne veut pas être les cobayes de la compagnie Ethyl. Nous, les Canadiens, ne voulons pas être des cobayes de la compagnie Ethyl. Qu'ils aillent vendre leur manganèse ailleurs, si c'est tellement bon. Personne ne veut l'acheter. Pourquoi serions-nous les seuls au monde?

C'est pourquoi il ne faut pas tarder et bannir le MMT maintenant et ne pas tergiverser, parce que la cause est une cause que la grande majorité des Canadiens appuient.

[Traduction]

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement le député. J'ai remarqué qu'il a dit au début de ses observations que nous ne devions pas capituler devant la société Ethyl, qui menace de nous traîner devant les tribunaux. Il a accusé le Parti réformiste et le Bloc d'être en quelque sorte de connivence avec cette énorme multinationale et de lui servir de démarcheurs.

Le député du Bloc a soulevé un bon point. Il n'y a pas qu'un côté qui marque des points ici. Si l'on est pour se lancer des accusations d'un côté à l'autre de la Chambre, certains députés libéraux pourraient être accusés d'agir de démarcheurs pour le compte des constructeurs d'automobiles. Je ne crois pas que cela ferait avancer le moindrement le débat aujourd'hui.

J'ai deux ou trois questions à poser au député. Il a parlé d'effets potentiellement nocifs du MMT. Il a fait bien attention d'employer le mot «potentiellement».

Premièrement, pourquoi le ministère de la Santé n'appuie-t-il pas les conclusions de toutes ces études que le député présente? Si leurs conclusions sont fondées, pourquoi le ministère de la Santé ne recommande-t-il pas d'interdire complètement le MMT?

(1550)

Deuxièmement, si c'est le cas, c'est-à-dire si le député et son gouvernement croient vraiment que le MMT est nocif et que cela a été prouvé-à mon avis, cela ne l'a pas été-, pourquoi le gouvernement ne décide-t-il pas d'interdire complètement le MMT au lieu de présenter cette demi-mesure visant à interdire le transport transfrontalier du MMT?

M. Lincoln: Monsieur le Président, premièrement, le ministre de la Santé a confirmé, en juillet 1996, qu'il appuie tout à fait l'interdiction du MMT. Voilà la première chose à mentionner.

Deuxièmement, cette question relève du ministre de l'Environnement. C'est le ministre de l'Environnement qui, en 1988, a proposé d'interdire le plomb dans l'essence et non pas le ministre de la Santé. C'est sa prérogative, et le ministre de la Santé l'appuie inconditionnellement, tout comme le gouvernement du Canada. Voilà notre position. Même le ministre du Commerce international, après avoir fait une mise en garde, s'est ravisé et a dit que, après avoir examiné la question, il reconnaît qu'elle ne contrevient pas à l'ALENA.

Une voix: Oh, oh!

M. Lincoln: Auriez-vous l'obligeance de me laisser parler?

Le président suppléant (M. Kilger): Laissez-moi voir si je puis aider le député et demander à la Chambre sa coopération de manière que nous puissions reprendre le débat et permettre d'autres questions de même que d'autres réponses.

M. Lincoln: Ce que je veux dire, c'est que je ne fais pas de lobbying pour l'industrie automobile. Je me fiche de cette industrie. Elle est assez grande pour se débrouiller toute seule.

Je n'aime pas qu'une multinationale qui vendait son produit exclusivement au Canada jusqu'à ce qu'un tribunal américain lui donne raison nous intimide en disant: «Si vous ne conservez pas le MMT, si votre pays ne demeure pas le seul territoire du monde entier, si vous ne restez pas les seuls imbéciles à vendre du MMT partout dans le monde, si vous ne faites pas cela, nous vous intenterons une poursuite de 200 millions de dollars devant les tribunaux.» À ma connaissance, l'industrie automobile n'intente pas de poursuites de 200 millions de dollars contre le Canada ou contre n'importe lequel des députés.


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Pourquoi interdisons-nous le MMT? Pour mon bien, en tant que député, en raison des risques potentiels. . .

Une voix: Oh, oh!

M. Lincoln: Voudriez-vous me laisser parler? Il ne vaut pas la peine de courir ce risque, à cause des problèmes que cela peut poser pour la santé et l'environnement. Le Bloc québécois et le Parti réformiste tiennent peut-être au MMT au point de vouloir courir ce risque, mais nous nous refusons à le faire. Nous croyons qu'il y a de graves dangers potentiels et nous voulons interdire le MMT. C'est ce que nous allons faire.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le Président, tout d'abord je tiens à souligner à mon honorable collègue de Lachine-Lac-Saint-Louis que je le comprends, comme ex-ministre de l'Environnement, de s'emporter lorsqu'il est question d'un projet de loi qui touche à l'environnement.

Ma question, très simplement, est un peu en reprise à la question proposée par le collègue réformiste. Monsieur le Président, par votre entremise, je demanderais au député de Lachine-Lac-Saint-Louis de trouver dans mon discours une place où j'appuie formellement la vente ou la production de MMT. Ce n'est pas ce que je dis.

Si ce produit-là est aussi toxique ou dangereux qu'il le laisse dire, pourquoi le projet de loi vise à interdire l'importation, ouvrant la porte à des actions en regard de l'ALENA? C'est le ministre du Commerce international qui le disait aussi. Pourquoi interdit-on l'importation et également pourquoi on n'interdit pas la production, l'utilisation et la consommation au Canada par l'entremise d'un autre ministère et d'un autre projet de loi?

M. Lincoln: Monsieur le Président, je ne suis pas ministre de l'Environnement, je ne suis pas du Conseil des ministres du Canada. Le gouvernement choisit les alternatives qu'il juge les plus appropriées dans une circonstance ou une autre. Dans ce cas, il a choisi cette loi. Les faits, c'est ce qui est important.

Le résultat, c'est que nous voulons d'une façon ou d'une autre, et on a choisi ce projet de loi, c'est plus expéditif, on veut à tout prix bannir le MMT. On n'en veut pas au Canada. C'est simple, c'est ce qu'on veut.

[Traduction]

M. Paul Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, je pense que nous en sommes tous au point de saturation avec ce projet de loi. Nous débattons cette question du MMT, un additif à l'essence, depuis un an et demi. Le moins qu'on puisse dire, c'est que nous débattons cette question depuis tellement longtemps que les libéraux devraient en être embarrassés, mais nous continuons d'en parler pendant que d'autres questions urgentes restent en plan.

(1555)

Depuis que ce projet de loi a été présenté par l'ancienne ministre de l'Environnement, en mai 1995, nous avons entendu maints arguments des deux côtés de cette enceinte. Le gouvernement est d'avis qu'il faut interdire le MMT à titre d'additif à l'essence afin de protéger l'environnement aussi bien que la santé des Canadiens. Or, ce projet de loi n'interdit pas directement le MMT. Il ne fait qu'en interdire le commerce interprovincial et l'importation.

Quant on interdit l'importation d'une substance, faut-il en conclure que cette dernière est nécessairement nuisible? Qu'en est-il du fait d'interdire le commerce interprovincial de la même substance? Si cette dernière est nuisible, ne suffit-il pas de l'interdire une fois?

Si une substance donnée est préjudiciable à notre santé ou à l'environnement, il existe des organismes de réglementation qui peuvent s'occuper de ce problème. Il s'agit de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la LCPE. On trouve en annexe de cette loi la liste des produits jugés dangereux pour la santé ou pour l'environnement. Cette loi existe pour protéger les Canadiens. En fait, le gouvernement doit modifier cette loi au besoin pour protéger toujours mieux notre fragile environnement.

Cependant, si nous consultons l'annexe de la LCPE, on n'y trouve pas le MMT et il n'y sera jamais inscrit. Pourquoi? Parce qu'il n'est pas dommageable pour la santé ou pour l'environnement.

Pour qu'un produit soit ajouté à l'annexe de la LCPE, il faut d'abord que Santé Canada le déclare dangereux. Je crois que la population a le droit de savoir ce que Santé Canada pense du MMT. Tous ceux qui ont suivi le débat sur le projet de loi, qui a cours depuis un an, ont entendu parler du rapport d'évaluation du risque des produits de la combustion du MMT, que Santé Canada a rendu public le 6 décembre 1994.

Je sais que la déclaration qui suit a déjà été citée, mais elle me paraît être une partie si indissociable de la question qu'elle mérite d'être lue à nouveau. On lit donc ceci dans le rapport:

Selon toutes les analyses effectuées, les produits de la combustion du MMT présents dans l'essence ne posent pas un danger accru pour la santé de la population canadienne.
J'imagine qu'il est apparu que le MMT n'était pas plus dommageable que la vulgaire poussière que l'on trouve par terre.

Le 18 octobre, un représentant du ministère de la Santé a témoigné devant le Comité permanent de l'environnement et du développement durable et il a reconnu que le rapport de 1994 demeurait la position du ministère.

Ainsi, j'exhorte tous les députés à ne pas dire dans leur discours à l'étape de la troisième lecture que la suppression du MMT va avoir des effets positifs sur la santé. Plusieurs ministériels ont dit cela à l'étape de la deuxième lecture. Or, c'est une affirmation fausse et inexacte. Un député peut, sans le vouloir, commettre une erreur. Cependant, dans ce cas-ci, les faits nous donnent une bonne idée de ce qu'on peut affirmer.

Je veux citer une autre déclaration révélatrice de Santé Canada. Elle a trait au MTBE qui, selon les fonctionnaires d'Environnement Canada, pourrait remplacer le MMT.


5256

Le 18 octobre 1995, M. Rod Raphael, chef de la Division de la surveillance et des critères, à Santé Canada, a déclaré ceci sur le MTBE devant le comité de l'environnement. Il a déclaré:

Nous avons des préoccupations en ce qui a trait au MTBE. Le MTBE figurait sur la Liste des substances d'intérêt prioritaire de la LCPE, une évaluation en a été faite en fonction d'un scénario particulier et voilà où en sont l'utilisation et le confinement du MTBE à l'heure actuelle. Faudrait-il ajouter du MTBE au carburant canadien comme produit de remplacement du MMT? L'exposition qu'entraînerait ce scénario modifie la situation pour nous et nous évaluons le produit à la demande de l'Office des normes générales du Canada, qui envisage d'accepter le MTBE comme produit de reformulation de l'essence. Nous avons aussi des inquiétudes au sujet du MTBE parce qu'il existe de nouvelles données qui n'existaient pas à l'époque de l'évaluation initiale faite aux termes de la LCPE. Nous avons maintenant les résultats d'une étude à long terme sur le cancer, qui doit être évaluée et dont il faudra tenir compte dans l'évaluation du produit.
Les réformistes ont toujours clairement dit qu'ils appuieraient l'interdiction du MMT si le gouvernement pouvait prouver, par des tests scientifiques indépendants, que ce produit était nuisible pour les systèmes diagnostiqueurs de bord ou pour la santé des Canadiens et l'environnement.

Parlons brièvement des systèmes diagnostiqueurs de bord. Leur fonction consiste simplement à contrôler les dispositifs antipollution sur la plupart des modèles automobiles récents. Il faut rappeler qu'ils ne réduisent pas les émissions directement. En fait, si les systèmes diagnostiqueurs étaient retirés des automobiles, les émissions de gaz du tuyau d'échappement ne seraient aucunement modifiées.

Les systèmes diagnostiqueurs devaient être installés à bord des modèles 1996. L'ancienne ministre de l'Environnement avait assuré les fabricants d'automobiles que le projet de loi présentement à l'étude serait adopté à temps en 1995 pour permettre l'impression des manuels et l'installation des systèmes à bord des véhicules. Ce ne fut pas le cas.

(1600)

Dans l'industrie de l'automobile, ce n'est un secret pour personne que les systèmes de diagnostic intégré sont nouveaux et pleins de défauts. Aux États-Unis, où l'ajout du MMT dans l'essence n'est pas encore répandu, bien qu'un tribunal en ait récemment permis la vente, il arrive aussi que ces systèmes fonctionnent mal.

La question qui se pose est donc de savoir si c'est le MMT qui cause le problème ou si c'est simplement un défaut de la nouvelle technologie. Si j'étais joueur, je parierais sur la deuxième hypothèse.

Pour régler ces problèmes de fonctionnement, les constructeurs d'automobiles américains ont toute une ribambelle d'excuses pour expliquer les problèmes: l'altitude, la température, le soufre, l'essence de mauvaise qualité, l'état des routes, les habitudes de conduite et les températures extrêmes. Au Canada, ces mêmes constructeurs attribuent toutes les pannes des systèmes de diagnostic intégré au même facteur, le MMT.

Qu'est-ce qui ne va pas dans tout cela? Le gouvernement et nos deux ministres de l'Environnement ont été amenés à croire que le maintien du MMT aura des conséquences catastrophiques et ils ont malheureusement amené un bon nombre de leurs collègues à penser comme eux. Toutefois, c'est intéressant de voir à quel point le Cabinet libéral est partagé sur cette question.

Le ministre de l'Industrie a affirmé qu'il espérait que les États-Unis et le Canada finissent par uniformiser leurs normes sur l'essence, mais ses espoirs ont été anéantis par la décision d'un tribunal américain de permettre la vente du MMT. La ministre des Ressources naturelles a été particulièrement discrète à cet égard, parce qu'elle sait ce qu'il en coûtera aux raffineries de sa circonscription d'Edmonton si le projet de loi est adopté.

Pensons maintenant au ministre du Commerce international, qui a écrit au ministre de l'Environnement, le 23 février dernier, pour lui demander catégoriquement d'oublier ce projet de loi pour de bon. Le ministre du Commerce international a affirmé que le projet de loi «pourrait avoir nombre d'effets néfastes sur le commerce canadien, sans présenter, en contrepartie, d'avantages pour l'environnement».

Ce ne sont là que trois ministres qui ont fait part publiquement de leur mécontentement. Je ne serais pas surpris d'apprendre que, en privé, beaucoup d'autres ministres expriment des doutes quant à la valeur de ce projet de loi.

La position du Parti réformiste est très solide. Nous voulons protéger la santé des Canadiens. Nous voulons aussi garder notre environnement propre et libre de tout polluant dangereux. Le Parti réformiste appuiera ce projet de loi si le gouvernement peut prouver que le MMT est dangereux pour notre santé et notre environnement. Autrement, il restera tout à fait contre. Notre attitude est absolument raisonnable, puisque l'utilisation du MMT présente des avantages pour l'environnement.

Le ministre de l'Environnement a un choix à faire, et ce choix est assez simple. Retirez ce projet de loi du Feuilleton et procédez à une série de tests réalisés par un expert indépendant pour prouver sans l'ombre d'un doute les effets du MMT. Les Canadiens ne veulent pas que ces tests soient effectués par les fabricants d'automobiles ou par les sociétés pétrolières. Nous savons comment ces tests peuvent être orientés de façon à refléter les vues de ceux qui paient pour leur réalisation, et je crois que c'est ce qui est arrivé jusqu'ici. Il faut que le processus soit équitable et que les tests soient réalisés par quelqu'un qui n'a aucun lien avec l'une ou l'autre partie.

Le ministre va laisser le MMT pour legs politique, un legs qui ne sera pas favorable. Il a hérité du portefeuille de l'Environnement d'une ministre qui agit sans réfléchir. Le projet de loi C-94 a vu le jour parce que la vice-première ministre a réagi à un groupe de pression sans connaître tous les faits. À présent, cette même ministre se drape dans le drapeau sans réaliser tous les ennuis qu'elle a.

J'encourage le ministre de l'Environnement à faire ce qui s'impose, à retirer ce projet de loi et, à la place, à présenter une mesure législative qui assurera vraiment la protection de notre environnement, c'est-à-dire qui modifiera la Loi canadienne sur la protection


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de l'environnement, et qui proposera une nouvelle loi fédérale sur les espèces en voie de disparition et les espèces menacées.

Pour terminer, je voudrais lire deux lettres ayant trait au projet de loi C-29. Mon collègue d'Esquimalt-Juan de Fuca a récemment lu à la Chambre plusieurs lettres provenant de ministres provinciaux de l'Environnement qui sont opposés à l'adoption du projet de loi C-29. Je veux vous lire, quant à moi, une lettre adressée au premier ministre par le président du Conseil d'administration de la Federated Cooperatives Limited, dont le siège est en Saskatchewan. Cette lettre a été adressée au premier ministre le 23 septembre de cette année, avec copie à trois ministres du Cabinet:

Nous sommes très déçus d'apprendre que le projet de loi C-29, une loi qui interdit en fait l'utilisation du MMT dans l'essence au Canada, est de nouveau examiné.
La Federated Cooperatives Limited (FCL) possède la Consumers' Cooperative Refineries Limited (CCRL) qui exploite une raffinerie de pétrole à Regina. La CCRL produit de l'essence et du carburant diesel pour ses membres et pour d'autres clients.
Au nom de nos membres, nous nous opposons à toute mesure législative qui interdirait l'usage du MMT, en tant qu'additif, tant qu'une évaluation technique satisfaisante n'aura pas été effectuée. Voici 18 ans que nous utilisons le MMT et que nous n'avons eu aucune plainte de la part des consommateurs. Le MMT a permis à nos raffineries de produire des essences de haute qualité à un prix moindre et d'arriver à une réduction des émissions plus importante que celle qui aurait été nécessaire en l'absence du MMT.
Nous ne croyons pas que les raffineries de pétrole, pas plus que nos membres et autres clients, devraient être obligées d'assumer le coût de l'élimination du MMT, à moins qu'on ne puisse prouver sans l'ombre d'un doute qu'il existe un besoin légitime de le faire.
Nous avions cru que si l'utilisation du MMT était approuvée aux États-Unis, le projet de loi C-29 ne serait plus jugé nécessaire, et cela, dans l'intérêt de l'harmonisation de la qualité de l'essence. Avant que le MMT ne soit approuvé aux États-Unis comme additif du carburant, on a procédé à plusieurs études et à des essais sur de nombreux véhicules.
Si des études et des essais supplémentaires devaient avoir lieu au Canada, nous suggérons que ça se fasse en collaboration avec l'industrie pétrolière, la CPPI, et l'association des fabricants d'automobiles, la MVMA, sous les auspices du groupe de travail du CCME sur les carburants et les véhicules non polluants. Nous pensons qu'interdire le MMT sans preuve scientifique des effets nocifs de l'utilisation de cet additif est prématuré.
Nous tenons également à souligner qu'il n'existe aucun lien entre l'interdiction du MMT et l'augmentation de la consommation d'éthanol. Le MMT est un additif qui accroît l'indice d'octane, alors que l'éthanol est une substance à haute teneur en octane qui, lorsqu'elle est mélangée à l'essence, a à la fois des effets positifs et des effets négatifs. La solution préconisée par les raffineries, pour compenser l'interdiction proposée du MMT, serait de raffiner l'essence selon des normes plus strictes, ce qui en augmenterait le coût. Les considérations concernant l'éthanol constituent une question à part que notre organisme connaît très bien.
FCL offre des services administratifs centralisés d'achat en gros et de fabrication à plus de 800 coopératives locales de ventes au détail dans l'ouest du Canada et de l'Ontario. FCL appartient aux détaillants qui en sont membres, et ces coopératives appartiennent à leurs membres dont on estime le nombre à 750 000. FCL et les coopératives qui en sont membres sont connus dans l'ouest du Canada sous le nom de Co-operative Retailing System.
Je vous prie d'agréer mes salutations distinguées.
E. Klassen, président, président directeur général

(1605)

Pour finir, j'aimerais lire une lettre qui a été envoyée au ministre des Ressources naturelles par le coprésident du Conseil des ministres de l'Énergie. La lettre est datée du 20 septembre 1996 et est adressée au premier ministre, au ministre de l'Industrie et au ministre de l'Environnement:

Monsieur le ministre,
Durant la réunion de 1996 du Conseil des ministres provinciaux de l'énergie, à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, les ministres ont discuté du projet de loi C-29, la Loi sur les additifs à base de manganèse, qui vise à éliminer l'importation et le commerce du MMT.
Au cours de cette réunion, les ministres ont fait état de leurs inquiétudes, étant donné l'absence de toute consultation efficace auprès de l'industrie et des provinces au sujet d'une proposition qui imposera des coûts directs à l'industrie et aux consommateurs et touchera directement une compétence provinciale.
En outre, il est clair que, du point de vue technique, il n'existe aucun consensus quant à l'impact du MMT et aux dommages qu'il pourrait causer aux systèmes diagnostiqueurs de bord.
Les ministres connaissent la proposition fort utile que l'Institut canadien des produits pétroliers a présentée au premier ministre le 11 septembre 1996 et ils souhaitent la recommander au gouvernement fédéral.
En bref, l'ICPP s'engage à ce que «toutes les entreprises membres de cette organisation cessent d'employer le MMT si un examen impartial, effectué en collaboration par l'ICPP, le gouvernement fédéral et tous les autres intervenants que le gouvernement jugera bon de convoquer, révèle que ce produit est dommageable pour la santé, la qualité de l'air ou les véhicules». L'ICPP croit qu'un processus d'évaluation crédible pourrait être parachevé en trois mois.
Cette proposition de l'ICPP est très constructive. Les ministres provinciaux et territoriaux présents à la réunion du Conseil (Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta), ainsi que les sous-ministres et les représentants du Québec, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Yukon, ont prié le gouvernement fédéral de reporter l'adoption du projet de loi C-29 afin que l'évaluation proposée par l'ICPP puisse avoir lieu et qu'un rapport soit présenté au sujet des questions techniques.
Recevez, monsieur le ministre, l'assurance de ma haute considération.
Stephen Kakfwi

Les Canadiens s'attendent à ce que les projets de loi soient élaborés à la suite d'études approfondies et d'analyses scientifiques sérieuses. Les Canadiens exigent ce qu'il y a de mieux de la part de leur gouvernement. L'adoption du projet de loi C-29 montrera simplement aux Canadiens qu'il est possible d'acheter la modification de règlements si l'on y met le prix. Le jour de l'adoption du projet de loi C-29 sera un triste jour pour la démocratie au Canada.

Reportez ce projet de loi et laissez des scientifiques indépendants faire leur travail. Le gouvernement doit d'abord fournir des données, puis élaborer des projets de loi et, ensuite, nous l'appuierons s'il prend des mesures appropriées au lieu d'exaucer les voeux de groupes d'intérêts spéciaux. Comme pays, nous devons être de bons voisins et ne pas violer les promesses commerciales faites à l'échelle internationale. En outre, nous devons respecter nos objectifs d'union économique complète dans nos frontières canadiennes.

Mme Karen Kraft Sloan (secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le député d'en face a soulevé un certain nombre de points intéressants, surtout en ce qui concerne l'indépendance de la science. Or, il faut se demander de quelle science on parle et de quel côté on se range.

Certaines études indiquent que le MMT peut entraîner chez l'être humain des altérations neurologiques, qui influent sur la parole et l'appareil locomoteur. J'aimerais bien savoir de quel côté se rangent les réformistes et les bloquistes. Du côté de l'intérêt public ou du côté des raffineries et de l'Institut canadien des produits pétroliers?

(1610)

Je demande au député pourquoi il prend position contre la majorité des Canadiens, alors que c'est son parti qui prétend être le parti du peuple. La grande majorité des Canadiens appuient nos initiatives dans ce domaine.


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Je voudrais aussi lui demander pourquoi il prend position contre l'Association d'information sur l'allergie et l'asthme, l'Institut canadien de la santé infantile, les services de santé publique de la ville de North York, les services de santé publique de la ville de Toronto, le Conseil des Canadiens, l'Environmental Defence Fund, Troubles d'apprentissage-Association canadienne, l'Association pour la santé publique de l'Ontario, Pollution Probe et le Sierra Club, alors que ces organismes n'ont clairement pas pris position en faveur de groupes d'intéressés précis, si ce n'est en faveur des Canadiens?

M. Forseth: Monsieur le Président, ces propos viennent confirmer ce que j'essaie de faire comprendre, soit qu'on avance n'importe quoi. Nous ne disposons pas de preuve scientifique concluante. Nous ne contribuons nullement au débat en disant que ma liste des groupes de lobby est plus longue que la vôtre.

Ce qu'il faut se rappeler, c'est que Santé Canada a examiné toute la documentation scientifique et a conclu que l'utilisation du MMT dans les véhicules n'est pas plus préjudiciable que la poussière qui se trouve sur le sol. Nous ne recommandons pas aux gens de manger la poussière qui se trouve au sol, cependant, Santé Canada affirme que le MMT est essentiellement bénin et ne se compare pas au grave problème que nous avons connu précédemment avec le plomb dans l'essence.

Le plomb dans l'essence posait un risque pour la santé. Les scientifiques ont été très catégoriques sur ce point et le Parlement est finalement intervenu. Mais la science est dans une situation tout à fait différente à propos du MMT. Nous n'appuyons ni un côté, ni l'autre.

Nous avons dit au gouvernement qu'il ferait mieux de disposer de meilleures preuves scientifiques avant de légiférer. Il ne nous a pas écoutés, mais a préféré suivre la voie que lui a indiqué l'industrie. Il est maintenant en difficulté, accusé d'être un mauvais voisin qui ne respecte pas l'ALENA, et il va être traîné en justice. Cela fait un bon bout de temps que nous l'avons mis en garde.

Nous disons que nous n'appuyons ni un côté, ni l'autre. Qu'on nous montre des preuves scientifiques véridiques et nous déciderons quel parti prendre.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, un peu plus tôt, mon collègue de Terrebonne a tenté de déposer une lettre ici en cette Chambre et ça lui a été refusé. J'aimerais peut-être vous citer quelques passages de cette lettre, qui a été écrite par le ministre du Commerce international, le 23 février 1996, et qui est adressée au ministre de l'Environnement.

Je cite:

[Traduction]

«Le ministère que je dirige continue d'avoir, à l'égard de ce projet de loi, certaines réserves que je veux porter à votre attention. Récemment, la Cour d'appel des États-Unis a infirmé cette interdiction, détruisant ainsi l'argument d'harmonisation avancé en faveur du projet de loi C-94. Puisqu'il est maintenant permis d'ajouter du MMT aux produits pétroliers aux États-Unis, on se trouverait à promouvoir l'harmonisation en n'introduisant pas de nouveaux règlements au Canada.

L'interdiction d'importation du MMT serait incompatible avec les obligations qui incombent au Canada du fait de son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce et à l'Accord de libre-échange nord-américain. Les États-Unis pourraient fort bien contester nos actions en vertu d'une initiative de l'USDR ou sous la forme d'une pétition fondée sur l'article 301. De plus, la société Ethyl pourrait faire valoir l'argument qu'une telle interdiction constituerait une mesure équivalant à l'expropriation de ses investissements au Canada. En outre, on pourrait prétendre, aux termes du chapitre 11 de l'ALENA, que le Canada viole ainsi ses droits en tant qu'investisseur.

À l'approche des élections à la présidence et au Congrès, les politiciens américains sont particulièrement sensibles à toute initiative étrangère susceptible de nuire à leurs industries.

En terminant, je me permets d'insister sur le fait que mon ministère estime que le projet de loi C-94 ne devrait pas être présenté de nouveau, car il pourrait avoir nombre d'effets néfastes sur le commerce canadien, sans présenter, en contrepartie, d'avantages pour l'environnement.»

[Français]

Monsieur le Président, pour une fois, c'est vrai qu'on est en accord avec le Parti réformiste, et on demande encore une fois que ce projet de loi soit reporté de six mois.

(1615)

On sait que l'industrie automobile, présentement, pour la première fois d'ailleurs, a investi énormément dans des recherches, dans des études pour tenter de savoir si le MMT est vraiment nocif pour les voitures et pour la santé.

Attendons ces études et réagissons à ce moment-là, plutôt que d'adopter un projet de loi comme ça, à toute vitesse-parce que ça se fait très rapidement-sans attendre d'avoir des résultats concrets d'études. Nous ne sommes ni d'un côté ni de l'autre, ni pour Éthyl, ni pour l'association automobile, sauf que je ne sais pas si on peut se permettre une poursuite de 201 millions de dollars américains, en ce moment, dans la situation où est le Canada.

J'aimerais avoir l'opinion de mon collègue réformiste à ce sujet.

[Traduction]

M. Forseth: Monsieur le Président, il est utile de déposer cette lettre. Elle montre qu'il y a division au sein du Cabinet sur cette question. Il n'y a pas de preuve scientifique concluante de ce que le projet de loi avance.


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Depuis tout le temps que nous débattons de ce projet de loi, il est temps que nous nous demandions qui tient vraiment les rênes. Est-ce le ministre ou la bureaucratie? Les ministres changent, mais les mêmes balivernes ressortent. Quelquefois, les ministères ont leurs propres idées. Je me demande qui tient les rênes dans le gouvernement. Est-ce le ministre et le Cabinet ou bien les bureaucrates qui, une fois qu'ils ont une idée en tête, s'acharnent à la faire adopter?

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir participer au débat de troisième lecture et dernier débat sur le projet de loi C-29, anciennement le projet de loi C-94. Le projet de loi a pour principal objet d'interdire l'additif MMT dans l'essence au Canada. Comme les députés le savent bien, ce débat est en cours à la Chambre depuis le 19 mai 1995, lorsque le projet de loi C-94 a été déposé et lu pour la première fois. Il est temps que la Chambre prenne une décision au sujet du projet de loi.

Le projet de loi a été décrit comme une guerre d'intérêts entre deux groupes puissants: les fabricants d'automobiles, qui veulent l'interdiction, et Ethyl Corporation, le fabricant du MMT, et ses alliés de l'industrie pétrolière, qui veulent que le MMT demeure dans l'essence canadienne. Pour nous, de ce côté-ci de la Chambre, ce n'est pas l'un ou l'autre. Il s'agit purement d'un débat sur les questions d'environnement et de santé, sur les questions de développement durable qui découlent des émissions des automobiles, la plus grande source de gaz nocifs dans l'atmosphère.

Nous prenons ces mesures car nous devons protéger les plus récents systèmes diagnostiqueurs de bord que les fabricants d'automobiles de l'Amérique du Nord installent dans leurs véhicules. Ces systèmes sont extrêmement importants pour l'environnement. Ils sont chargés de surveiller les dispositifs antipollution d'un véhicule et d'informer son conducteur lorsque l'un d'eux est défectueux. Sans ce genre de technologie, on ne saurait pas si le véhicule et ses dispositifs antipollution fonctionnent bien.

Ces systèmes font en sorte que les moteurs moins polluants d'aujourd'hui et de demain fonctionnent comme ils le devraient. Ils font en sorte que les automobiles soient bien entretenues, ce qui réduit les émissions provenant des tuyaux d'échappement et permet d'économiser de l'essence. Autrement dit, cette nouvelle technologie constitue un outil important de plus pour nous aider à lutter contre la pollution atmosphérique, le smog et le changement climatique.

Le gouvernement ne permettra pas que le MMT empêche l'industrie automobile canadienne de concevoir des véhicules beaucoup moins polluants et plus efficaces. L'environnement du Canada et les consommateurs canadiens ont le droit d'avoir le meilleur dispositif antipollution possible. En fait, il est de notre devoir, en tant que parlementaires, de faire de notre mieux pour maximiser les conditions environnementales par les mesures législatives que nous adoptons à la Chambre.

Par l'entremise de sa filiale Ethyl Canada, Ethyl Corporation, le fabricant du MMT, réfute les conclusions de l'industrie automobile concernant les effets nocifs du MMT sur les dispositifs antipollution des véhicules. En fait, la société soutient au contraire que le MMT est bénéfique pour l'environnement. Qui faut-il croire?

Ce qui est certain, c'est que les efforts pour réduire la pollution attribuable aux véhicules motorisés n'est plus seulement la responsabilité de l'industrie pétrolière, de l'industrie automobile ou du gouvernement fédéral. Les progrès réalisés à cet égard exigent des efforts de tous les Canadiens. L'industrie pétrolière a besoin de progresser pour améliorer la composition et les caractéristiques des combustibles consommés par ces moteurs. L'industrie automobile a besoin de faire des progrès en matière de techniques de contrôle des émissions des véhicules, comme celles des systèmes diagnostiqueurs de bord. Le gouvernement doit prendre des mesures décisives dans le projet de loi C-29, ce qui lèvera un obstacle majeur à l'introduction de ces technologies. Cet obstacle est le MMT.

(1620)

Un rapport d'Environnement Canada précise que, au niveau national, les véhicules fonctionnant à l'essence et au diesel produisent encore quelque 60 p. 100 des émissions d'oxyde de carbone, 35 p. 100 des émissions d'oxyde nitreux ou smog, 25 p. 100 des émissions d'hydrocarbure et 20 p. 100 des émissions de dioxyde de carbone. Il est évident que ces véhicules fonctionnant à l'essence et au diesel contribuent encore beaucoup à nos problèmes de smog et de pollution.

Le même rapport insiste sur la nécessité d'agir sur tous les fronts en même temps et dans tous ces domaines. Il dit:

Les secteurs de la technologie automobile et de la composition des carburants, quoique distincts l'un de l'autre, doivent être considérés comme un système intégré aux fins de l'élaboration des politiques et des programmes, si l'on veut réduire sensiblement les émissions automobiles.
Voilà une bonne recommandation. Nous devrions nous en inspirer dans l'élaboration d'une stratégie générale contre les émissions des véhicules automobiles. L'intégration des progrès réalisés en ce qui concerne les technologies de contrôle des émissions et les carburants nous aidera à respecter ces normes. Cependant, nous ne pouvons évidemment espérer atteindre ces normes sans le genre de mesures que nous prenons contre le MMT dans le projet de loi C-29.

Contrairement à ce que prétendent certains de nos vis-à-vis, ce projet de loi n'est pas le fruit de l'impatience. Au contraire, depuis 1985, le gouvernement attend vainement que les industries automobile et pétrolière règlent le problème sans qu'il ait à légiférer. L'attente est déterminée. Il est maintenant temps d'agir.

En octobre 1994, l'ancienne ministre de l'Environnement a demandé instamment aux deux industries de régler volontairement d'ici la fin de 1994 la question du MMT au Canada, faute de quoi le gouvernement prendrait des mesures. Ce délai a été ensuite étendu à février 1995, mais en vain. Ainsi, le gouvernement a présenté le


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projet de loi C-94 en mai 1995. Nous en discutons, ainsi que du projet de loi qui l'a suivi, le C-29.

La question du MMT n'est plus un différend industriel. Son issue peut avoir un impact sur le programme que nous sommes en train de mettre en place, comme gouvernement, pour réduire les émissions des véhicules, comme les nouvelles normes d'émissions que le ministre de l'Environnement a annoncées récemment pour les modèles 1998 des automobiles. Les nouvelles normes sur les émissions supposeront des essais obligatoires garantissant que les seuls véhicules automobiles autorisés sur les routes soient dotés de systèmes d'échappement appropriés.

Comme me l'a fait remarquer récemment l'un de mes électeurs qui, avant sa retraite, était directeur d'une zone de services pour la société Ford du Canada, une des principales raisons qui expliquent que les véhicules émettent tant de matières polluantes dans l'air, c'est qu'un bon nombre d'entre eux sont dotés de systèmes d'échappement bon marché et de piètre qualité qui ne sont pas des pièces d'origine. Grâce aux essais obligatoires, on remplacerait ces systèmes par des systèmes plus perfectionnés.

Cependant, tous les efforts seront inutiles, s'ils ne sont pas accompagnés par des lois qui exigent des carburants plus propres. C'est précisément l'objet du projet de loi C-29. L'absence de mesures aura finalement des répercussions sur tout le secteur automobile.

Les Canadiens sont prêts pour cette mesure législative. D'après les résultats d'un sondage réalisé en mai dernier par Compas Incorporated, les Canadiens ont des opinions claires sur la question. La constatation la plus révélatrice du sondage indique qu'entre deux façons de procéder face au MMT, les Canadiens préfèrent la plus prudente.

La question était la suivante: Afin de déterminer si le MMT devrait être utilisé au Canada, laquelle des deux opinions correspond le mieux à la vôtre: le MMT devrait être interdit, à moins qu'il soit prouvé qu'il ne produit aucun effet nocif sur la santé; ou le MMT devrait être autorisé, à moins qu'il soit prouvé qu'il produit des effets nocifs sur la santé?

Le sondage a révélé que 64 p. 100 des Canadiens étaient d'avis que le MMT devrait être interdit, à moins qu'il soit prouvé qu'il ne produit aucun effet nocif sur la santé. Autrement dit, environ deux Canadiens sur trois s'inquiètent des risques que le MMT pourrait présenter pour la santé à tel point qu'ils préféreraient qu'on l'interdise.

Les Canadiens ne veulent pas servir de cobayes. Ils ont entendu suffisamment de preuves démontrant les effets toxiques du manganèse. Les Canadiens se rappellent avoir entendu l'argument que les sociétés pétrolières ont fait valoir concernant l'utilisation du plomb dans l'essence. On nous avait dit de ne pas nous inquiéter à ce sujet. Tout comme le plomb, le manganèse est un métal lourd. Et tout comme le plomb, le manganèse agit vraiment à la façon d'une neurotoxine.

Soixante-quinze pour cent des répondants ont dit que l'argument selon lequel on devrait interdire le MMT au Canada parce qu'il est démontré scientifiquement que le manganèse aéroporté a des effets nocifs pour les gens est, à tout le moins, un bon argument pour en justifier l'interdiction. Dans une proportion un peu plus faible, mais atteignant quand même 65 p. 100, les répondants acceptent l'argument selon lequel on devrait interdire le MMT au Canada parce qu'il endommage les dispositifs antipollution dont sont dotées les automobiles pour contrôler et réduire les émissions.

(1625)

Je crois qu'on ne peut encore rien dire sur les réactions des Canadiens à l'égard de la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd'hui. Il est très clair pour moi que les Canadiens nous appuient dans notre désir de supprimer enfin le MMT de l'essence canadienne.

L'adoption de cette mesure va accomplir un certain nombre de choses importantes. Elle va remplir un engagement de longue date d'interdire le MMT dans les carburants de véhicules à moteur. Elle va soutenir les efforts visant à réduire les émissions et contribuer à améliorer la qualité de l'air d'une façon compatible avec les recommandations du Conseil canadien des ministres de l'Environnement dans son rapport d'octobre 1995. Elle va réduire au minimum les risques pour la santé des générations actuelle et à venir de Canadiens en adoptant une approche préventive jusqu'à ce que l'on comprenne bien les effets de l'exposition prolongée à de faibles concentrations de MMT. Elle va défendre les intérêts des consommateurs en faisant en sorte que l'essence sans MMT soit disponible partout au Canada. Elle va élargir les débouchés commerciaux existants et nouveaux pour des solutions de rechange aux additifs d'essence à base de manganèse, comme les carburants renouvelables, notamment l'éthanol qui est déjà largement disponible au Canada.

J'exhorte mes collègues à la Chambre à appuyer le projet de loi. Assurer que les carburants sans MMT soient disponibles, cela permettra aux consommateurs canadiens de bénéficier des réductions d'émissions et de la qualité de l'air qu'ils ont réclamées et qu'ils sont en droit d'attendre. En tant que leurs représentants, nous devons aux Canadiens d'adopter ce projet de loi. Ainsi, nous défendrons les intérêts des consommateurs en faisant en sorte que. . .

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais rappeler à l'honorable députée que nous avons six provinces sur dix qui se sont opposées au projet de loi C-29. Encore une fois, on fait de l'ingérence, le fédéral décide de présenter quand même le projet de loi. On veut remplacer le MMT par l'éthanol. Je ne sais pas s'il y a des études concernant la production d'éthanol, mais nous, à date, n'en avons pas entre les mains. La production d'éthanol est très coûteuse et on n'en connaît pas les conséquences environnementales.

On sait que la production de ce produit est très polluante pour les sols. C'est fait à base de maïs. Est-t-il rentable de produire de l'éthanol? C'est très subventionné par le gouvernement, mais est-ce


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qu'un jour on pourra obtenir une rentabilité de ce produit? Est-ce que dans cinq ans on ne sera pas obligé de changer le produit, de revenir au MMT?

Est-ce qu'on ne peut pas attendre six mois comme on l'a demandé? Six mois, ce n'est pas la fin du monde. Est-ce qu'on ne peut pas attendre six mois pour avoir des études concluantes, indépendantes et non faites par les lobbyistes afin de pouvoir savoir si le MMT est vraiment un produit dangereux?

[Traduction]

Mme Ur: Monsieur le Président, l'éthanol semble susciter beaucoup d'inquiétude à la Chambre. On se demande si c'est un polluant et combien il coûte.

J'exhorte vivement les députés à prendre le temps de lire l'information sur l'éthanol pour voir à quel point il est rentable. Je ne peux pas voir comment un problème de métaux lourds pourrait se poser si on brûle du bois et utilise des déchets de maïs. J'encourage les députés à lire cette information.

Il y a l'éthanol, le MTBE et l'ETBE, mais il semble y avoir beaucoup de méfiance à la Chambre quand on parle d'éthanol. Il n'y a pas de pollution lorsqu'on utilise un sous-produit comme des copeaux de bois et du maïs pour fabriquer un produit comme celui-là. C'est une initiative écologique qui aidera tous les Canadiens à mieux respirer.

Nous devrions tous nous rallier et appuyer l'utilisation de l'éthanol.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, comme d'habitude, j'ai écouté très attentivement le discours de la députée au sujet du projet de loi C-29.

Au cours de son intervention, la députée a mentionné que le gouvernement avait espéré que l'industrie automobile et l'industrie pétrolière, et plus précisément Ethyl Canada, une filiale de la société américaine Ethyl, puissent en venir à une entente volontaire sur l'utilisation du MMT. C'est ce que la députée a dit.

(1630)

Ce que je trouve intéressant dans tout cela, c'est la durée des pourparlers. Douze ans se sont écoulés entre 1984 et 1996. J'aurais cru que, en douze ans, si le gouvernement actuel et le gouvernement antérieur avaient vraiment voulu régler cette question, comme le prétend la députée, ils auraient insisté pour que les deux camps collaborent et commandent une étude indépendante, ce que réclament le Bloc et le Parti réformiste depuis un an et demi. De toute évidence, cela fait 12 ans qu'on nous présente des témoignages et des études contradictoires.

Fait intéressant à noter, l'industrie automobile a toujours beaucoup hésité à présenter les conclusions de ses études, comme le signalait d'ailleurs un député bloquiste. L'industrie se contente simplement de dire qu'elle a établi que le MMT nuisait aux systèmes diagnostiqueurs de bord et à la santé.

J'ai deux brèves observations à faire. Dans son discours, la députée a déclaré, à l'instar de l'orateur libéral qui l'a précédé, que le MMT est nocif à la santé des Canadiens. Pourtant, Santé Canada ne partage pas cet avis, comme le faisait remarquer le député de Burnaby un peu plus tôt.

Deuxièmement, lorsque la députée affirme que le MMT encrasse les systèmes diagnostiqueurs de bord des nouvelles voitures, est-elle consciente du fait que les fabricants automobiles affirment connaître tout autant de problèmes avec les systèmes diagnostiqueurs de bord des nouvelles voitures vendues aux États-Unis? Le MMT n'est pas utilisé dans l'essence aux États-Unis depuis déjà quelques années. Par conséquent, comment explique-t-on le problème là-bas?

Pour que le gouvernement puisse attribuer la mauvais fonctionnement des systèmes diagnostiqueurs de bord à l'utilisation du MMT dans l'essence vendue au Canada, il ne faudrait pas qu'il y ait de problèmes aux États-Unis. Pourtant, il y en a. La députée est-elle au courant de cette situation?

Mme Ur: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de poser la question.

Je ne suis pas vraiment au courant des problèmes que posent aux États-Unis les systèmes diagnostiqueurs des automobiles. Je me fie à la recommandation d'un de mes électeurs-dont je ne connais pas l'affiliation politique-qui m'a dit, pour avoir travaillé dans l'industrie automobile, qu'il était de mon devoir en tant que Canadienne d'appuyer ici le projet de loi C-29, compte tenu de l'information dont il dispose.

Je ne suis pas garagiste. Je ne connais pas les pièces, mais cet électeur m'a dit que, par suite de la présence de MMT dans l'essence, les services de réparation itinérante devaient stocker de nombreuses caisses de bougies et de convertisseurs catalytiques. Il estime que le gouvernement ferait certainement bien d'interdire le MMT.

On a aussi affirmé que le MMT n'était pas utilisé aux États-Unis. En fait, 85 p. 100 des raffineries américaines ont confirmé qu'elles n'emploient pas de MMT à l'heure actuelle. Elles savent manifestement qu'il vaut mieux ne pas utiliser le MMT dans leur essence à cause de ce que vient de dire le député. Cela ne prend pas la tête à Papineau pour faire le lien entre ces deux choses.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera, ce soir, à l'heure de l'ajournement, à savoir: l'honorable député de Saskatoon-Clark's Crossing-L'assurance-emploi; l'honorable député de The Battlefords-Meadow Lake-La Commission canadienne du blé; et l'honorable député de Bourassa-L'immigration.

M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi C-29 porte sur l'interdiction d'importation du manganèse dans l'essence, le méthylcyclopentadiényl tricarbonate,


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expression chimique assez compliquée à entendre, mais parfois plus simple que la cohérence du gouvernement.

Lorsque, dans mon comté, on m'a élu comme jeune député, je pense que c'est parce que les gens savaient très bien que l'avantage d'élire de jeunes politiciens, c'est de pouvoir voir à long terme, comme par exemple dans 30 ans.

L'environnement est un sujet qui me tient beaucoup à coeur, parce qu'on sait que les décisions qui seront prises maintenant pourront avoir des répercussions très néfastes dans 30 ans. J'espère que dans 30 ans, je serai encore là, il y a de bonnes chances que je le sois, du moins, je l'espère.

(1635)

Il est impératif de réduire au minimum les émissions d'oxyde de carbone dans l'air. Pour ce faire, il existe un additif que l'on ajoute à l'essence et qui contribue, selon des études, à réduire jusqu'à 20 p. 100 ces émissions d'oxyde de carbone tant dommageables pour notre environnement, et par le fait même pour notre santé.

Cet additif, c'est le manganèse ou, si vous préférez, le MMT. Même les opposants de l'utilisation du MMT s'accordent à dire que l'utilisation de ce produit réduit les émissions d'oxyde de carbone, et ce, de 5 p. 100 environ.

Donc, si l'on tente, chose qui n'est pas toujours facile, de comprendre le raisonnement du gouvernement libéral, il est d'accord et souhaite même voir notre atmosphère polluée encore plus qu'elle ne l'est présentement. Une fois de plus, le gouvernement tente de faire croire à la population que l'environnement fait partie des priorités, mais je pense qu'on a peut-être une preuve que ce n'est pas vraiment le cas.

Quand je parle d'environnement, j'ai toujours un petit pincement qui me vient au coeur, parce que vous savez, la situation actuelle, malgré ce que certaines personnes prétendent, elle n'est pas rose. On n'a qu'à regarder dans le ciel, où on a des problèmes avec la couche d'ozone dans le nord, à regarder au sud, où il y a du smog partout. La qualité de nos eaux est terrible. On ne peut même plus boire l'eau de nos lacs, on ne peut plus se baigner à certains endroits, on ne peut même plus pêcher. Sur le plan de la terre, il se fait de la coupe à blanc.

En fin de compte, je vais faire un peu comme le ministre du Développement des ressources humaines qui me qualifiait dernièrement de jeune frustré, parce qu'on n'a pas toujours la chance, comme écolo, disons, de parler en cette Chambre.

Oui, je suis un peu frustré, parce que les générations antérieures ont un peu craché dans les airs et aujourd'hui, ça retombe sur nous. Avec des projets de loi comme aujourd'hui, on n'a pas tendance à vouloir dire: «Oui, on sait ce qui se passe et voilà vers où on s'en va.» J'ai l'impression aujourd'hui que le projet de loi qu'on tente de faire adopter est un peu un retour en arrière. C'est décevant.

Hubert Reeves disait: «L'univers engendre la complexité. La complexité engendre l'efficacité, mais est-ce que l'efficacité engendre le sens?» Quand je regarde à l'échelle mondiale tout ce qui se fait en termes de pollution, je pense que l'efficacité n'engendre pas nécessairement le sens.

Malheureusement, il y a encore beaucoup de chemin à faire sur le plan environnementaliste. J'ai parfois l'impression qu'on s'est trompé sur divers domaines, mais il est temps de poser des gestes concrets, actuellement, et j'ai l'impression que ça prend toujours trop de temps. On tend à faire l'autruche. On essaie de montrer que ça va bien.

Je ne peux pas passer sous silence le fait que j'ai entendu, la semaine passée, les propos d'un ministre très influent dans le gouvernement. Il s'exclamait: «Ça va bien au Canada.» C'est incroyable, quand on sait qu'on a un taux de chômage de plus de 10 p. 100, que les jeunes sont désabusés. Même en sortant des universités, il n'y a presque pas d'emplois. Le Canada a le taux de suicide le plus élevé au monde. On a une dette de plus de 600 milliards de dollars, mais ça va bien! C'est décevant, mais ça montre un peu vers quoi on s'en va.

Je vois que je fais réagir certains députés en cette Chambre et je m'en réjouis, parce qu'il y a lieu de réagir. Vous me direz: «Oui, mais tu nous sembles bien pessimiste.» Je ne veux pas être pessimiste, je veux être réaliste. En fin de compte, je lisais dernièrement dans une revue au Québec que 50 espèces disparaissaient chaque jour à l'échelle planétaire. En fin de compte, ce sont les habitats de ces espèces qu'on détruit chaque jour, tant par la destruction de nos terres, de nos cours d'eau ou de notre air. En fin de compte, notre air, aujourd'hui, c'est le projet dont on parle.

En fin de compte, ce qu'il faut comprendre, c'est que cela aura probablement des répercussions dans 20 ans. Avec la chaîne alimentaire qu'on connaît, si on tape sur la tête des plus petits, ça vient que ça monte. Quand je parle des plus petits, je parle des espèces que bien des humains ne connaissent même pas encore aujourd'hui. Malheureusement, les «verts» sont encore mal compris. Quand je parle des «verts», je parle des écologistes.

Quand Galilée a dit que la Terre était ronde, on a ri de lui pendant plusieurs années. Bien, les écologistes aujourd'hui nous lancent un cri d'alarme et encore trop de gens sur cette planète rient d'eux autres, et au rythme où cela va, ça m'inquiète beaucoup. Quand on voit la modernisation ou lorsqu'on voit que les pays comme l'Asie se modernisent et que bientôt chaque individu aura sa voiture comme ici, je crois qu'il y a lieu de s'inquiéter. Mais enfin, restons sur une plus petite échelle.

(1640)

Je disais tout à l'heure que les marginaux sont incompris; les écologistes sont incompris. Ça me fait penser un peu au projet souverainiste. En fin de compte, le projet souverainiste est d'aller vers une voie différente, une voie nouvelle, ce qui fait peur aux gens ou on n'est pas encore prêt. Ça prend plusieurs années avant que les gens puissent adhérer à des projets comme ceux-ci. Mais l'environnement, c'est demain matin qu'il faut régler ça. C'est par des gestes concrets.

Il y a encore des marginaux, tels que je le disais. Dernièrement, j'en écoutais un dans mon comté qui disait qu'on ne devrait pas consommer plus d'un repas de viande par jour. Ce sont encore des choses que, même moi, j'ai de la difficulté à concevoir. Mais il faut se pencher vers les écologistes. J'ai de l'espoir. Je sais que j'ai l'air pessimiste, mais pas je ne le suis pas trop; je dirais que je suis réaliste et rationnel. Je suis optimiste, mais je ne veux pas faire


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l'autruche. Je veux quand même voir la réalité en face, je veux quand même voir les problèmes qu'on a, mais je vois aussi qu'il y a du bon travail qui se fait actuellement et qui me redonne espoir, justement.

Je vous donne d'abord un exemple dans mon comté que j'étendrai à l'échelle mondiale par la suite. Dernièrement, cette année, on a fait l'arrêt du flottage du bois qui polluait énormément nos rivières. La rivière Péribonka, qui longe le nord de mon comté, pourra peut-être, dans une dizaine d'années, être exploitable du côté touristique. On pourra même s'y baigner. Dans mon comté, il y a également le comité ZIP, Zone d'intervention prioritaire, qui s'acharne à sensibiliser la population sur les problèmes environnementaux. Une rivière coule près de ma ville et j'espère que je pourrai m'y baigner un jour ou y pêcher. Je sais que je parle d'une rivière de mon comté, mais ce n'est pas la seule. J'ai traversé le Canada et il y a de la pollution partout.

J'ai un autre soupçon d'espoir. La région de Saguenay-Lac-Saint-Jean qui est la région laboratoire du développement durable. On voit encore qu'il y a du chemin de parcouru. On voit aussi les tenants qui ont été contre le projet de développement de la Chamouchouane, une rivière de mon comté qu'on a décidé de garder naturelle. Une des seules rivières au Québec qui a tout son état naturel.

Il y a même des conseillers politiques, dont un de la ville d'Alma que je salue d'ailleurs, Gérald Scullion. Il est probablement le premier conseiller «vert» du Québec à s'impliquer dans le projet «négawatts» de Métabetchouan. Dans un village, on a mis sur pied le projet «négawatts». On a décidé de sensibiliser la population et toutes les économies d'énergie en électricité qu'on fera seront réinvesties. Ce projet est piloté par M. Paradis, du Lac-Saint-Jean. À l'échelle régionale, je pense qu'il faut saluer ces tentatives vers un meilleur monde.

Ensuite il y a, bien sûr, tout le recyclage qui se fait. Que nous le voulions ou non, on s'aperçoit de plus en plus qu'on retrouve deux poubelles: une pour le recyclage et une pour les déchets. Ensuite, on parle de la voiture électrique qui, tranquillement, fait son entrée. D'ailleurs, il y a eu, tout dernièrement, un centre de recherche dans le comté de ma collègue de Laurentides. Ce sont des projets qui me donnent espoir. Ensuite, on voit également des mouvements comme Greenpeace.

Tranquillement, on peut sortir la tête de l'eau. Sauf que, quand on sort la tête de l'eau et qu'on rentre dans ce Parlement, et qu'on s'aperçoit de tout ce qui se passe. . . On essaie de se faire passer pour des écologistes, alors que c'est l'action, qui est d'ailleurs une de mes couvertes lors de mon entrée en politique, qui fait la force du lobbying.

On nous dit qu'on sera beaucoup plus écologiste et qu'on va remplacer le MMT par l'éthanol. Or l'éthanol, à ma surprise, lorsque j'ai fait mes recherches pour faire ce discours, on n'a même pas d'étude concrète qui dit que l'éthanol est plus écologique. Bon, oui, d'accord, peut-être lors de la combustion de l'éthanol moins de résidus se retrouvent dans l'air, mais ce qu'il faut voir ce sont toutes les conséquences. Lorsqu'on cultive le blé, à partir duquel on fabrique l'éthanol, tout le processus de production de l'éthanol est là. C'est là qu'est le problème. C'est là qu'on s'aperçoit que, au bout de la ligne, on ressort perdant.

En fin de compte, je parle un peu à travers mon chapeau parce qu'on n'a même pas d'étude et que ce projet de loi nous amène dans une direction incertaine. On ne peut plus jouer avec l'environnement, c'est trop sérieux et ça m'inquiète. Quand je ne vois qu'un simple projet de loi comme celui-ci, c'est un comportement parmi tant d'autres, il y a encore beaucoup de chemin à faire.

(1645)

Je conclurai mon discours en disant que c'est un peu ce qui me désole, ces politiques carpe diem, faites au jour le jour. On ne voit pas à long terme, on voit à court terme. On va construire de grandes cheminées pour que la fumée se dirige vers le village voisin. C'est malheureux, mais c'est comme ça qu'on pense encore.

Je terminerai avec une citation qui dit ceci: «On n'hérite pas de la terre de nos parents, on l'emprunte à nos enfants.»

[Traduction]

Mme Karen Kraft Sloan (secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je suis ravie de constater que le député de Lac-Saint-Jean parle d'une voix entrecoupée lorsqu'il est question d'environnement.

C'est merveilleux de savoir que nous avons un allié de l'autre côté de la Chambre. J'ai toutefois un peu de mal à comprendre pourquoi le député s'oppose au projet de loi C-29. Peut-être aussi que ses électeurs voudraient savoir pourquoi il va à l'encontre de la position de l'ancien chef de son parti, l'actuel premier ministre du Québec.

Quand il parle de politique, je me demande d'où lui vient cette idée alors que c'est l'environnement qui nous préoccupe vraiment.

Je voudrais citer ce qu'a dit un ancien ministre de l'environnement le 21 avril 1989. Cela fait peut-être tellement longtemps que les députés du Bloc l'ont oublié. Le ministre de l'époque a dit qu'il souhaitait réglementer la technologie le plus rigoureusement possible.

Il parlait alors des nouvelles normes sévères concernant la technologie antipollution des nouvelles voitures, les systèmes diagnostiqueurs de bord OBD II dont nous discutons actuellement. Ces systèmes ne pourront fonctionner efficacement dans nos voitures à moins que l'essence soit exempte de MMT.

Si sa voix est effectivement entrecoupée lorsqu'il parle de son amour et de son souci de l'environnement, le député d'en face pourrait-il nous expliquer comment il peut s'opposer si farouchement à ce que préconisait l'ancien député de sa circonscription?

[Français]

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, je vous ferai remarquer que la province du Québec, dont Lucien Bouchard est le premier ministre, est contre ce projet de loi. Je ne parle pas du temps des conservateurs, je parle de maintenant.


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Je pense que ma collègue d'en face n'a pas compris la raison de mon désaccord, mais peut-être que j'ai bifurqué du sujet. En résumé, concrètement, on interdit l'importation d'un produit sans être certain qu'il soit néfaste pour l'environnement.

En réalité, on sait très bien que le commerce interprovincial ne pourra se faire. Les provinces ont le droit de produire du manganèse, il n'y a pas de problème. Mais on sait qu'elle n'en feront pas. On sait que le lobby ontarien a dit que si le gouvernement interdisait le manganèse, ça permettrait d'ajouter de l'éthanol dans l'essence, l'éthanol étant produit en Ontario. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a même pas d'études pour démontrer que l'éthanol est plus propre pour l'environnement.

Comme ma collègue disait tout à l'heure, je demande une période d'attente de six mois pour savoir où on va. J'ai l'impression qu'on fait des projets de loi pour le plaisir de faire des projets de loi, pour dire qu'on s'occupe de l'environnement en adoptant de beaux projets de loi.

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais simplement rappeler quelques faits. L'honorable secrétaire parlementaire de l'environnement qui siège au comité de l'environnement avec moi sait très bien le travail qu'on a accompli au niveau du comité. Par contre, lorsqu'on a besoin de sentir un certain mouvement de la part du ministre de l'Environnement, il ne se passe absolument rien.

On a passé un an et quelques mois à réviser la SCPE, on n'a aucun résultat. Il n'est rien sorti du ministère. On est censé étudier une loi sur les espèces en voie de disparition, il y a urgence et il n'y a absolument rien qui bouge au ministère de l'Environnement.

(1650)

Le ministre de l'Environnement m'a même dit, l'autre jour, qu'il trouvait qu'on ne lui posait pas assez de questions. On n'a même pas de menu législatif au Comité de l'environnement. Plutôt que de nous passer des projets de loi comme le C-29, à toute vitesse, à toute vapeur, pour satisfaire l'Ontario, pour satisfaire l'usine d'éthanol que l'ex-ministre de l'Environnement a annoncée, qui est en construction présentement, pour satisfaire aussi les agriculteurs ontariens, alors qu'on sait très bien que 75 p. 100 de la production de maïs se fait en Ontario, il faudrait peut-être réfléchir et s'assurer, comme on l'a demandé et que je ne cesserai de répéter, d'attendre le temps nécessaire, que des études concrètes soient mises sur la table et là, on prendra la vraie décision.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Monsieur le Président, je continuerai dans la même veine que ma collègue. Je voudrais profiter un peu de l'occasion pour vous parler d'une lettre que j'ai ici qui vient du ministre du Commerce international adressée à la ministre de l'Environnement, lui demandant d'attendre. Encore là, on voit qu'il y a un manque de cohérence, même dans le gouvernement.

Tout ce que j'ai dit aujourd'hui, en ce qui me concerne, ça résume bien le dossier.

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, j'ai trouvé intéressants les commentaires du porte-parole de l'opposition, lorsqu'il a dit que les intérêts de ce projet de loi venaient des fabricants de l'Ontario qui en poussaient l'adoption.

Je pense qu'il y a une autre question ici, c'est la santé des Canadiens et des Canadiennes, des Ontariens, des Québécois, de tout le monde. Je ne pense pas que la question de la santé s'arrête à la frontière du Québec ou à celle de l'Ontario.

Je veux tout simplement poser une courte question à mon collègue qui a fait un exposé, il y a quelques minutes, sur la question de l'environnement. Comment peut-il excuser une chose qui existe depuis longtemps? Les faits sont là, même les fabricants qui ne viennent pas de l'Ontario, c'est-à-dire ceux chez qui j'ai travaillé il y a des années, sont très inquiets, non seulement pour le sort de leurs produits, mais aussi pour la santé des gens.

Il y a beaucoup de personnes qui demandent à cette Chambre d'adopter ce projet de loi. Comment le député peut-il tourner le dos au sort des gens et à leur santé?

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Monsieur le Président, c'est quand même assez incroyable. Le député d'en face nous fait de beaux discours en nous disant qu'il va sauver la vie de la planète avec son projet de loi, alors qu'on n'a même pas d'étude. On n'a même pas d'étude qui démontre qu'il a raison.

J'ai ici une déclaration faite par un député, en vertu de l'article 31 du Règlement: «L'éthanol-Une usine d'éthanol de 153 millions de dollars va ouvrir ses portes à Chatham en Ontario.» On n'est pas en train de débattre d'environnement aujourd'hui, on est en train de débattre de patronage et de lobbying.

[Traduction]

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais répliquer aux propos que vient de tenir le député d'Ontario. Ce dernier a dit qu'en fin de compte, il s'agissait d'une question de santé. Rien n'est plus faux. Si c'est une question de santé, pourquoi Santé Canada n'a-t-il pas recommandé l'interdiction du MMT? Cela ne confirme pas toutes les supposées études que les députés libéraux citent aujourd'hui. Cela ne les confirme tout simplement pas. Si Santé Canada ne peut trouver de raisons pour interdire le MMT, je dirais que les députés d'en face ne font que du vent. Ce n'est certainement pas une question de santé.

Franchement, je trouve consternant qu'ils aient recours à des tactiques intimidatrices, comme ils ont fait si souvent sur d'autres questions, qu'ils tentent de faire peur aux Canadiens en leur faisant croire que ce que le gouvernement propose est vraiment dans leur intérêt. C'est absolument méprisable.

(1655)

Comme l'ont dit plusieurs députés qui ont pris la parole cet après-midi, le projet de loi C-29 remonte à pas mal de temps. Ce projet de loi vise à interdire le transport transfrontalier de MMT.

Il est quelque peu paradoxal que le gouvernement n'interdise pas complètement une substance s'il estime que la santé des Canadiens l'exige. Le MMT serait nuisible non seulement à la santé des Canadiens, mais encore aux systèmes de diagnostic à bord des


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voitures, et serait responsable d'une foule d'autres problèmes. Si le gouvernement croit vraiment que c'est le cas, pourquoi n'interdit-il pas carrément le MMT au lieu d'en interdire simplement son transport?

Comme un député l'a dit, je pense que la Chambre et les députés ont atteint le point de saturation avec ce projet de loi. Ainsi que l'a fait remarquer plus tôt un député libéral, le projet de loi remonte à mai 1995 lorsque la ministre de l'Environnement d'alors a présenté le projet de loi C-94 avant la prorogation du Parlement survenue en janvier dernier, projet de loi qui est donc mort au Feuilleton.

À l'instar d'un certain nombre de députés, j'espérais que le nouveau ministre de l'Environnement nommé après un remaniement ministériel jugerait bon de ne pas présenter de nouveau le projet de loi C-94 non modifié, en dépit de tous les débats tenus à cet égard à la Chambre, de tous les points soulevés par un large éventail d'orateurs, tant du parti ministériel que de l'opposition, aussi bien que par les témoins et, il faut bien l'admettre, les lobbyistes des deux camps. En dépit de toute l'information qui a été présentée, le nouveau ministre de l'Environnement a jugé bon de présenter le projet de loi C-29, qui est presque identique à l'ancien projet de loi C-94.

Il soulève la question de la raison des débats à la Chambre des communes. Si les députés, peu importe leur parti, soulèvent des arguments qui tombent toujours dans l'oreille de sourds, à quoi servent les débats à la Chambre des communes? Nous sommes devant un projet de loi qui nous est soumis une deuxième fois sans aucune modification en dépit des très sérieuses réserves exprimées par beaucoup de gens. À quoi cela rime-t-il?

Je suis presque convaincu qu'à propos du projet de loi C-29 le gouvernement a cédé devant le lobby de la très puissante industrie de l'automobile. Je sais que l'opposition a été accusée de faire le jeu de l'industrie pétrolière, qui a une position opposée à celle des fabricants d'automobiles.

De notre côté, nous pouvons défendre notre position, mais il est très difficile pour le gouvernement d'expliquer la raison du projet de loi, si ce n'est par la volonté d'apaiser l'industrie automobile. Il présente un projet de loi visant à interdire un produit utilisé par l'industrie pétrolière.

La position du Parti réformiste est, et a toujours été, qu'il faut s'en remettre à une étude par un tiers indépendant. Puisque la question remonte à 1984, soit à 12 ans, il est clair que le gouvernement aurait pu légiférer pour forcer les deux à s'entendre plutôt que prendre parti et imposer une interdiction. Nous croyons qu'il n'existe aucune preuve sérieuse contre l'utilisation du MMT.

Plutôt que de se ranger dans un camp, le gouvernement aurait pu présenter un projet de loi imposant une étude indépendante de la

question pour savoir qui a raison. Nous croyons que l'interdiction du transport du MMT repose sur de faux prétextes et sur des tactiques d'intimidation. L'examen des éléments de preuve présentés par les deux camps donne raison aux deux partis d'opposition, qui réclament une étude indépendante. C'est pourquoi je me trouve à parler en faveur de la motion du Bloc québécois visant à reporter de six mois l'étude du projet de loi. C'est ce que nous débattons ici. Il ne s'agit pas vraiment du projet de loi C-29, mais bien de l'amendement présenté par le Bloc québécois pour retarder de six mois le projet de loi, en espérant encore une fois qu'on pourra faire entre-temps une étude qui apportera des preuves à l'appui des arguments présentés d'un côté ou de l'autre.

(1700)

Si ces preuves confirmaient ce que le gouvernement dit à la Chambre depuis le début de ce débat, je sais que tous les députés appuieraient ce que le gouvernement tente de faire. Dans le moment, nous n'avons pas les études ou les preuves nous permettant de prendre cette décision.

Lorsque j'ai interrogé la députée libérale durant la période réservée aux questions et aux observations, elle a mentionné qu'un de ses électeurs lui avait dit qu'il existait des preuves solides montrant que le MMT nuit aux systèmes anti-pollution des véhicules et qu'elle allait donc appuyer le projet de loi. J'ai trouvé cela ironique.

Il est intéressant de voir une députée prendre la parole et dire qu'elle voterait d'une certaine façon sur une mesure législative en se basant sur les arguments qui lui ont été présentés par une seule personne. Je souhaiterais que les députés de tous les partis soient beaucoup plus minutieux dans l'étude d'une question et examinent attentivement les deux côtés de la question avant de voter. C'est du moins ce que j'essaie de faire dans ce cas.

Je veux attirer l'attention de la Chambre sur un point qui est important pour moi en tant que député de Prince George-Peace River. Je veux ramener toute la question du projet de loi C-29 interdisant le commerce et l'importation du MMT au niveau de la circonscription de Prince George-Peace River, que je suis heureux de représenter à la Chambre.

Il y a, dans la ville de Prince George, une raffinerie qui produit quelque 10 000 barils d'essence par jour. C'est la plus petite raffinerie canadienne entièrement intégrée. Elle appartient à Husky Oil.

Des voix: Oh, oh!

M. Hill (Prince George-Peace River): J'entends toutes sortes de cris. La vraie question ici n'est-elle pas que nous sommes censés représenter les intérêts de nos électeurs? N'est-ce pas là la question?


5266

Les députés d'en face semblent défendre les intérêts des partisans d'un certain côté de cette question. Je répète, à cause du chahut que font les députés d'en face, que je ne suis pas favorable à ce qu'on continue d'utiliser le MMT, quoique j'aurais intérêt à l'être pour protéger la raffinerie qui existe à Prince George.

J'affirme, au contraire, que nous devons poursuivre l'étude de ce produit. Nous devons faire une étude exhaustive. Après 12 ans, ce n'est pas trop demander pour les Canadiens que de s'attendre à ce que le gouvernement agisse et fasse cette étude au lieu de s'en tenir à un seul aspect de la question, comme je l'ai déjà dit.

Cette raffinerie, même si elle est toute petite, emploie 80 personnes.

Une voix: Quatre-vingt personnes.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): C'est un très petit nombre, en effet. Le député dit «Oh! Quatre-vingts personnes!». Qu'est-ce que 80 personnes? Ces gens risquent de perdre leur emploi, mais cela ne semble nullement le préoccuper. Cette situation me préoccupe et elle préoccupe certainement les 80 personnes qui craignent de perdre leur emploi. En fait, il est tout à fait inutile d'aller plus avant sans faire une étude appropriée.

Ces gens appuieraient l'interdiction du MMT si la preuve était faite que ce produit nuit à la santé des Canadiens ou cause aux fabricants d'autos des problèmes graves qui ne peuvent être éliminés autrement. D'autres députés ont dit plus tôt qu'ils ne voulaient pas que le gouvernement canadien se laisse intimider par la société Ethyl, qui a menacé d'intenter des poursuites.

(1705)

Que dire de l'industrie de l'automobile, qui depuis un an et demi laisse entendre que, si le gouvernement n'interdit pas l'utilisation de MMT dans l'essence, le prix des voitures va monter de quelque 3 000 $? Si ce n'est pas une menace, alors je ne sais pas ce que c'est. Il n'y a pas lieu d'écouter ceux qui défendent un aspect de la question. Personne ne veut que le prix des voitures augmente. Mais il demeure qu'il n'existe pas de preuve concluante. Alors comment le gouvernement peut-il décider d'interdire ce produit sur la base des données disponibles?

Nous pourrions continuer longtemps à débattre de la question. J'ai parlé 20 minutes à ce sujet en juin 1995-d'autres députés en ont parlé également. Je trouve incroyable qu'un an et demi plus tard, nous soyons encore en train de débattre de cette question. Le gouvernement a refusé d'écouter les arguments avancés par les députés au cours du débat. Il présente à nouveau ce projet de loi afin d'apaiser l'industrie automobile. Il le fera adopter de force en obligeant les simples députés à voter selon la ligne du parti. Je trouve ça dégoûtant.

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, j'ai été heureux d'entendre les observations de mon collègue de Prince George-Peace River, mais je me serais cru dans une assemblée de la société des adeptes de la terre plate.

Je sais que le député doit défendre les intérêts d'une raffinerie qui se trouve dans sa circonscription, et je comprends. Je ne blâme pas la raffinerie, et je ne crois pas qu'il soit juste d'oublier les intérêts des 80 personnes qui travaillent à la raffinerie au profit des nôtres. Après tout, ces gens s'inquiètent de leur santé et de la condition de l'environnement, comme n'importe qui d'autre.

Je signale au député que je connais assez bien l'industrie de l'automobile. Je sais qu'il y a plusieurs concessionnaires Toyota dans sa circonscription, chacun embauchant 20, 30 ou même 40 employés, dont la subsistance et les emplois sont en jeu simplement parce que de nouveaux véhicules entrant au pays n'ont pas été faits en Ontario ni au Québec. C'est bien sûr un prétexte qui permet au député du Parti réformiste de se ranger aux côtés du Bloc québécois. De toute évidence, les députés réformistes se trouvent dans une position très intéressante. L'année en cours est probablement une année électorale, et ils cherchent désespérément une manière de se faire valoir, même aux dépens de la santé des gens.

Le député voudra peut-être résoudre cette énigme: selon les règles de réduction des émissions des véhicules automobiles en Colombie-Britannique, l'an prochain à la même époque, les modèles 1998 ne respecteront toujours pas les normes de la province pour ce qui est du taux d'émissions-car c'est bien de cela qu'il s'agit. Comment expliquera-t-il cela pour le faire comprendre à ses propres électeurs et pour sauver les concessionnaires automobiles de sa circonscription, qui créent des emplois et essaient de joindre les deux bouts? Il sait que ce sont des normes importantes qui devront être appliquées, surtout pour des raisons de santé et de préservation de l'environnement.

M. Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président, j'apprécie l'intervention de mon collègue d'Ontario.

Vu ses longs antécédents chez Toyota, c'est une source fiable en ce qui concerne l'industrie automobile. J'apprécie qu'il m'informe sur le nombre de concessionnaires Toyota qu'il y a dans ma circonscription. C'est certainement important également.

M. McTeague: Ce n'est pas beaucoup. Mais plus de huit.

(1710)

M. Hill (Prince George-Peace River): Si le député n'était pas si occupé à m'interrompre, il pourrait peut-être écouter un autre point. Lui qui a une centrale nucléaire dans sa circonscription, s'il s'agissait d'énergie nucléaire, s'inquièterait-il tellement des risques environnementaux qu'il voudrait nous faire adopter, cet après-midi même, une mesure législative pour fermer la centrale, simplement au vu des renseignements dont nous disposons aujourd'hui, lesquels ne sont pas très probants, je l'admets?


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Je sais, par exemple, que l'industrie et les raffineries de la province de Colombie-Britannique travaillent en étroite collaboration avec la province pour adopter des normes environnementales plus strictes. Le député les a mentionnées. Si je comprends bien, après avoir parlé à des membres du secteur, non seulement dans ma circonscription, mais dans toute la province de Colombie-Britannique, ce secteur a de bonnes relations de travail avec le gouvernement provincial. Il se prépare au respect des nouvelles lignes directrices et des nouveaux règlements avant qu'ils soient adoptés.

Je ne pense pas que l'observation du député soit appropriée car, en un sens, ce qu'il essaie de faire, c'est effrayer les gens en leur faisant croire que l'industrie résiste, autant que faire se peut, à des changements nécessaires pour faire du Canada un endroit plus sûr et plus respectueux de l'environnement.

Comme le député le disait, ceux qui travaillent dans le secteur pétrolier et gazier, que ce soit dans le domaine de l'exploration, de la production ou du raffinage, respirent le même air et boivent la même eau que les autres Canadiens. Par conséquent, il est certainement important pour eux de faire en sorte que l'on ait un pays durable sur le plan de l'environnement et une province de Colombie-Britannique où il fait bon vivre.

Je pense qu'utiliser des tactiques alarmistes et essayer de faire des mauvais de ceux qui défendent un côté de la question ne va certainement pas améliorer les choses. C'est pourquoi la démarche sensée, l'approche qui a l'appui de la majorité des Canadiens, lesquels voudraient avoir tous les renseignements devant eux, ce serait que l'on appuie la position du Bloc québécois et du Parti réformiste, qui demandent depuis un an et demi une étude complète de cette question dont on rendrait les résultats publics.

Mme Karen Kraft Sloan (secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le député d'en face a parlé de l'appui du public. Premièrement, la grande majorité des Canadiens sont en faveur de l'interdiction du MMT. Le député devrait le savoir.

Deuxièmement, le député a également parlé d'une voix indépendante. Je pense qu'il devrait également tenir compte de l'intérêt public. Je ne sais combien de fois je dois revenir là-dessus à la Chambre, mais je vais essayer encore une fois de l'expliquer.

Pour ce qui est de défendre l'intérêt public, eh bien je pense que l'association pour l'information sur l'asthme et les allergies sait de quoi il s'agit, tout comme d'ailleurs l'Institut canadien de la santé infantile, le fonds de défense de l'environnement, Sierra Club Canada et Troubles d'apprentissage-Association canadienne. Selon moi, toutes ces associations et tous ces organismes ont pris la défense de l'intérêt public.

J'aimerais savoir pourquoi le député se prononce contre l'intérêt public et contre les Canadiens dans ce dossier.

M. Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président, j'ai été si souvent debout aujourd'hui qu'il ne sera plus possible d'oublier ma circonscription.

Je remercie la députée de sa question et de ses observations concernant ma présentation. Quant à l'appui des Canadiens à l'égard de l'interdiction du MMT, j'aimerais bien savoir qui a effectué l'étude, quelle était sa portée exactement, quelles informations ont été fournies aux Canadiens interrogés, combien de Canadiens ont fait l'objet du sondage, où s'est déroulé le sondage et quels renseignements de base ont été donnés. On peut tous jouer avec les statistiques. Nous l'avons fait toute la journée. N'importe qui peut faire un sondage et obtenir les résultats qu'il désire. En posant la question appropriée, on obtient la réponse recherchée. Voilà donc mon commentaire concernant le sondage que la députée a mentionné.

(1715)

Elle a aussi parlé de la nécessité d'obtenir une voix indépendante. Comme je l'ai dit plus tôt, et je suis un peu las de le répéter, c'est justement ce que nous avons demandé. Lorsqu'on songe que ce dossier est d'actualité depuis si longtemps, il me semble qu'un gouvernement aurait pu entreprendre, à un moment donné, une étude approfondie à ce sujet afin que nous, parlementaires, ayions suffisamment de données à notre disposition pour prendre une décision sans trop de questionnements.

Pour ce qui est de son commentaire voulant que ma position soit contraire à celle des Canadiens, la députée a lu toute une liste d'intervenants qui ont fait des présentations et fait valoir leurs points de vue et il est certain que ces gens et ces organismes représentent une façon de voir les choses. Ils appuient une mesure qui est, à leurs yeux, favorable à la santé des Canadiens.

Cependant, j'arrive mal à comprendre que, malgré les témoignages entendus au comité, Santé Canada n'ait pas appuyé la recommandation établissant que le MMT est dommageable.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, on ne parle pas d'intérêt public en ce moment, on est en train de parler d'intérêt commercial. D'un côté de la Chambre, il y a des députés qui ont des fabricants d'automobiles dans leur comté, et de l'autre côté de la Chambre, on a des raffineries dans certains comtés. Je vous garantis que dans mon comté, il n'y a ni fabricant automobile, ni raffinerie, alors je pense que je suis capable d'avoir un esprit assez objectif à ce niveau.

Ce qu'on demande est simple: si vraiment l'industrie automobile a fait des études concrètes, pas seulement des histoires de lobbying, des études indépendantes, qu'elle vienne nous les déposer, qu'elle nous les donne pour qu'on les regarde et qu'on soit vraiment convaincus qu'on fait la bonne chose. On a demandé et redemandé sans cesse qu'on nous les dépose.


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On a aussi demandé sans cesse aux gens de la compagnie Ethyl de faire des études. Ils les ont faites, ils ont fait leurs devoirs sur toute la ligne, et ils ont fait faire des études par des firmes indépendantes qui nous ont soumis que le MMT n'était pas dangereux ni pour l'environnement ni pour la santé.

Ce qu'on demande, c'est que les fabricants automobiles fassent la même chose, qu'ils fassent leurs devoirs, qu'on nous laisse les six mois qu'on demande pour pouvoir regarder ces études sans avoir de parti pris ni pour les pétrolières ni pour les fabricants automobiles. C'est ce qu'on demande.

Cela semble être très compliqué pour le gouvernement, et quand je vois les députés libéraux qui prennent la parole, je trouve cela bizarre que ça soit tous des députés de l'Ontario, là où on fabrique de l'éthanol.

J'aimerais avoir l'opinion de mon collègue du Parti réformiste là-dessus, et peut-être qu'il peut élaborer un peu.

[Traduction]

M. Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président, je remercie la députée de ses observations et de sa question, mais, honnêtement, j'ignore comment je pourrais donner d'autres détails sur ce qui s'est dit à ce sujet depuis un an et demi.

Cependant, je met en doute son affirmation au sujet de l'objectivité d'un député qui se trouve à posséder une petite raffinerie de pétrole dans leur circonscription. Si je dis cela, c'est que j'ai pris bien soin de ne pas appuyer l'industrie pétrolière ou la société Ethyl en disant que le MMT n'est pas nocif et que nous devrions aller de l'avant et utiliser pour toujours le MMT dans l'essence. Je n'ai pas dit cela. Le Parti réformiste n'a pas dit cela. Dans sa défense, le Bloc n'a pas dit cela non plus.

(1720)

Ce que nous avons dit à maintes reprises, c'est que nous avons besoin de cette étude indépendante pour savoir quel camp a le plus raison.

Sans vouloir abuser du temps de la Chambre-le temps est précieux-je souligne que nous débattons cette question depuis seulement un an et demi. Je suis sûr que nous espérons tous clore le débat.

Mon seul espoir, c'est que les ministériels dérogent de la discipline de parti et, du moins sur cette question, votent en faisant preuve de bon sens et appuient la motion visant à reporter le débat dans six mois pour permettre une étude, afin que les parlementaires puissent vraiment obtenir les éléments de preuve.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole en cette Chambre aujourd'hui sur le projet de loi C-29 concernant l'interdiction d'utiliser l'additif MMT, le manganèse. D'emblée, j'aimerais dire que j'ai l'impression d'être tombé dans un mauvais film. Je dois reconnaître que chez nous, en Gaspésie, l'air est pur, on n'a pas de problèmes d'environnement, et que venant de la Gaspésie, je suis plutôt sensibilisé à la question des pêches.

Écouter en cette Chambre aujourd'hui tous les propos que le Parti libéral veut tenir pour essayer de justifier son projet de loi C-29 me donne le goût de prendre la parole pour leur demander ce qui se passe.

Monsieur le Président, vous me direz si j'ai mal compris. L'amendement du Bloc demande un report de six mois parce qu'il n'y a pas d'étude. On voudrait connaître le bien-fondé du retrait du manganèse mais on voudrait aussi savoir par quoi on le remplacera. Quand je parle de mauvais film, comme la députée de Laurentides l'a dit tout à l'heure, j'ai l'impression que c'est plutôt un débat de guerre commerciale qui se passe ici.

J'entends des gens qui semblent céder aux pressions du lobby de l'automobile, j'entends des gens qui semblent céder aux pressions du lobby de l'éthanol. Je me demande si la secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement a une solution «popcorn» pour l'élimination du MMT. Vous savez, le popcorn c'est aussi une façon d'utiliser le maïs. Comme mon collègue d'en arrière le mentionne, ça crée de l'énergie. Lorsque le maïs éclate ça fait un déplacement. Mais où veulent-ils en venir avec ce projet? Je ne les suis plus.

Ont-ils une solution de rechange valide à offrir? Je ne pense pas. Si on pense à l'éthanol, quels sont les autres impacts négatifs qu'on n'a pas encore étudiés concernant la production d'éthanol? On m'apprend que si on se lance les yeux fermés dans une production massive et qu'on produit du maïs en grande quantité sur les mêmes sols, il y aura un appauvrissement des sols.

Je me dis qu'on a peut-être assez de terres en Ontario, au Canada, pour varier les cultures, peut-être. Les agriculteurs aiment toujours contrôler leurs risques. Y a-t-il un risque de pollution par l'éthanol? On me dit peut-être pas avec l'éthanol comme tel, mais si on utilise de l'insecticide sur les cultures de maïs il y a un risque de pollution à ce moment-là. Je sais bien que les agriculteurs seront tentés d'utiliser des insecticides.

Comme vous voyez, il n'y a pas de solution claire à ces questions et je n'en suis qu'à la réflexion d'un item qui permettrait au gouvernement d'essayer de trouver une solution de rechange. C'est pour ça que j'aime bien l'image de la solution «popcorn», c'est-à-dire on ne veut que faire pouf! pouf!, mais ce n'est pas en faisant pouf! pouf! que le problème disparaîtra.

Les autres questions qu'on pourrait se poser sur le MMT concernent les études sur les impacts réels sur la santé des gens.

(1725)

Oui, moi aussi je suis sensible à cela mais on n'a pas encore prouvé devant nous les relations de cause à effet direct. Vous me direz, oui, mais aussitôt qu'il y a un danger il vaut peut-être mieux être un peu plus prudent. On voit qu'on n'a pas d'autres solutions. Ce qu'on va tenter d'économiser ou ce qu'on va essayer de sauver comme impact sur la santé des gens, est-ce que ça va nécessairement être totalement éliminé parce qu'on n'a pas travaillé comme il faut la future solution? Je pense que la proposition de la députée de Laurentides est une très bonne solution, soit se donner encore au moins six mois.

Je me suis demandé si on était un cas à part, puisque le député de Lachine-Lac-Saint-Louis, qui a parlé tantôt, nous disait que le

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MMT était presque banni dans le monde entier. On m'apprend que le MMT vient d'être réintroduit dans certains États américains. C'est à la porte. J'essaie de voir si les Américains se sont trompés. Nous sommes 25 ou 30 millions au Canada, ils sont 250 millions, donc ils sont 250 millions à se tromper. Je pense que la solution de se donner encore six mois dans ce dossier serait raisonnable.

Pendant que ma collègue de Laurentides faisait son exposé tout à l'heure, et elle a posé de nombreuses questions, je l'en félicite-ça prend quelqu'un pour talonner le gouvernement, elle le fait très bien-j'entendais des collègues libéraux dire: Oui, si jamais on fait cette étude, le rapport ne sortira qu'après l'élection. Encore une fois, on comprend le sens que le gouvernement veut donner au débat sur le projet de loi C-29: c'est purement électoral. D'un côté, s'ils veulent faire une étude ça ne sortira qu'après, et pourquoi en parlent-ils maintenant, c'est parce qu'il y a des lobbies de constructeurs d'automobiles, des lobbies de producteurs d'éthanol qui, eux, veulent avoir leur part. C'est purement une guerre commerciale qui se livre là à ce moment.

Je me disais que ça fait trois ans qu'on est ici, comment se fait-il qu'en matière environnementale le gouvernement n'a pas autre chose à faire? C'est une bonne question mais j'aimerais entendre les députés du gouvernement, le ministre de l'Environnement, la secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement nous le dire. Qu'en est-il de l'histoire des BPC aux Îles-de-la-Madeleine?

En Gaspésie, les îles sont juste en face de chez nous. À ce que j'ai pu entendre, il y avait un problème de BPC avec le naufrage de la barge Irving Whale. Il y a eu échappement de BPC au fond de l'eau. Des tests ont été faits, et là peut-être comme dans la solution «popcorn», on dirait que pouf! le ministre de l'Environnement ne semble plus retrouver où sont les traces de BPC au fond de l'eau.

C'est tangible, c'est tangible ces choses-là. Le danger a été prouvé par rapport au contact des BPC. Le danger du MMT, lui, n'est pas encore exprimé scientifiquement.

Vous comprendrez mon étonnement, vous comprendrez que je m'interroge sur le bien-fondé des propos des gens du gouvernement et vous comprendrez aussi qu'il y a de quoi rester bouche bée.

Le député de Lachine avait demandé aussi tout à l'heure: Est-ce que le Canada a vraiment le pouvoir de légiférer en la matière? Je pense qu'il a répondu oui. Je pense que oui on peut légiférer.

Ce n'est pas parce qu'on a le pouvoir de légiférer qu'on se doit d'empoisonner la vie des gens, parce qu'on n'a pas de solution alternative à offrir. Je pense que si on veut être vraiment intelligent dans ce domaine, on doit mettre le maximum de chances de notre côté. Justement, ce serait d'adopter l'amendement de la députée de Laurentides, c'est-à-dire de retarder de six mois et de faire le travail qui doit être fait.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 30, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés, selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.


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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR LES BREVETS

M. John Solomon (Regina-Lumsden, NPD) propose: Que le projet de loi C-311, Loi modifiant la Loi sur les brevets, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, tout d'abord, je voudrais remercier mon collègue néo-démocrate, le député de Buranby-Kingsway, d'avoir appuyé mon projet de loi.

Le projet de loi C-311 est une mesure très importante en ce qui concerne les médicaments d'ordonnance au Canada. Le projet de loi limite à 17 ans la durée de validité des brevets pour des médicaments et pourvoit à l'octroi de licences obligatoires pour la fabrication et la vente de ces médicaments quatre ans après que le détenteur du brevet original a obtenu l'autorisation de mettre le médicament en marché.

Le taux de redevance est fixé en fonction de la quantité de recherches médicales menées au Canada par le demandeur de licence et le breveté. Il est pourvu à la possibilité de refuser ou de retarder l'octroi d'une licence si le breveté a subi des retards inhabituels dans la mise en marché du médicament.

Qu'entend-on par l'octroi de licences obligatoires? Il s'agit de donner la possibilité à des fabricants de médicaments génériques de mettre sur le marché une copie de médicaments de marque. Les fabricants de médicaments génériques paient une redevance de 4 p. 100 au détenteur du brevet. On ne peut forcer l'octroi obligatoire de brevets qu'une fois que la validité du brevet accordé par le gouvernement fédéral est expirée.

Avant que le projet de loi C-91 ne soit adopté au cours de la législature précédente, la durée de validité du brevet variait entre sept et dix ans. Sa durée avait été établie par le projet de loi C-22. Le projet de loi C-311, que je propose, réduit cette période à quatre ans. Le projet de loi C-311 n'établit pas le taux des redevances qu'on doit verser aux compagnies pharmaceutiques qui détiennent le brevet, mais il prévoit qu'on doit tenir compte de facteurs comme les montants consacrés à la recherche au Canada dans l'établissement du taux. Une compagnie pharmaceutique qui effectue sa recherche initiale et son développement au Canada recevra une redevance supérieure. Cela va accroître les débouchés dans l'industrie en encourageant les compagnies pharmaceutiques à effectuer leurs recherches au Canada.

Dans tous les sondages d'opinion qu'on a effectués au Canada, au cours des dix dernières années, on s'est aperçu que les soins de santé comptaient parmi les préoccupations importantes. Nous sommes témoins de compressions importantes dans le domaine de la santé. Nous constatons les problèmes qui se posent du fait que le gouvernement fédéral se décharge de ses responsabilités sur les provinces. C'est un grand sujet d'inquiétude pour les familles pauvres, les familles de la classe moyenne et les familles de travailleurs.


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Plutôt que d'apaiser les craintes de ces familles, le gouvernement libéral, à Ottawa, a décidé de faire fi de leurs préoccupations. En fait, les libéraux ont adopté une position simpliste qui consiste à réduire de milliards de dollars les paiements de transfert au titre des soins de santé et à se décharger de ses responsabilités sur les provinces. Il existe de meilleures façons de faire face à la montée des coûts de santé. De tous les coûts du régime d'assurance-maladie, c'est le prix des médicaments d'ordonnance qui croît le plus rapidement. Le projet de loi C-311 se veut un meilleur moyen de freiner l'augmentation de certains coûts.

Depuis l'introduction du projet de loi C-22, en 1988, la facture moyenne des frais relatifs aux médicaments d'ordonnance est passée de 12,48 $, en 1987, à environ 24 $, en 1993. Cette même facture représente une augmentation de 93 p. 100, laquelle est due au fait que l'on a prolongé à 20 ans la durée de protection des brevets sur les médicaments d'ordonnance, ce qui revient essentiellement à accorder aux fabricants un monopole de 20 ans, période où ils ont tout le loisir d'exiger le prix qu'ils veulent pour certains médicaments d'ordonnance.

Pour ce qui concerne l'augmentation qu'ont subie les coûts des médicaments brevetés dans l'intervalle, il faut savoir que le prix moyen est passé en 16,92 $, en 1987, à 43,42 $, en 1993. Cela équivaut donc à une augmentation de 258 p. 100 dans le seul cas des médicaments brevetés. Avant l'adoption des projets de loi C-22 et C-91, au cours des dernières législatures, les coûts des médicaments représentaient 8,9 p. 100 des dépenses totales au titre de la santé au Canada. En 1993, ils représentaient 15,1 p. 100 des dépenses totales au titre de la santé. Cela équivaut à une augmentation de 70 p. 100 des coûts liés aux soins de santé sur le seul chapitre des médicaments. Au lieu de s'attaquer à ce problème, le gouvernement réduit davantage les soins de santé. Mon projet de loi C-311 est une solution à l'augmentation des coûts liés aux programmes de soins de santé.

Selon une recherche effectuée par un économiste canadien spécialisé dans les soins de santé, M. Stephen Schondelmeyer, le projet de loi C-91 coûtera en tout au système canadien de soins de santé de 4 à 7 milliards de dollars. L'impact financier du projet de loi C-91, dont mon projet de loi réclame l'abolition, se fera sentir rapidement au cours des années 2000 à 2010.

(1735)

L'adoption du projet de loi C-91 était censé susciter la création d'emplois chez les fabricants de médicaments d'origine. Or, depuis l'adoption de ces projets de loi, on n'a enregistré aucune amélioration de l'emploi dans la recherche et le développement. En fait, l'industrie a plutôt connu une baisse des emplois. À cause de ces projets de loi, l'Ontario a perdu 1 200 postes et connu à une décroissance de la recherche et du développement dans l'industrie pharmaceutique, tandis que le Québec accuse un déficit de 800 emplois.

C'était pourtant la promesse qu'avaient formulée les sociétés pharmaceutiques quand elles se sont présentées devant le Parlement pour demander que l'on prolonge jusqu'à 20 ans la durée de protection de leurs brevets. Elles avaient promis des emplois, alors que les emplois ont diminué. Elles avaient promis que les coûts des produits pharmaceutiques demeureraient stables, alors qu'ils ont grimpé en flèche.

De plus, les fabricants de médicaments génériques ont fait des progrès qui revêtent une très grande importance pour nos régimes de soins de santé et pour notre pays. Par exemple, voici quelques médicaments génériques qui sont moins chers que les médicaments de marque et dont la production serait encouragée par suite de l'adoption de mon projet de loi: le coût du médicament de marque Zantac contre les ulcères est d'environ 1,10 $ alors que celui du médicament générique est de 42,5 cents, ce qui représente une économie de 61,1 cents. Le médicament Ventolin contre l'asthme coûte 12,27 $ les 15 millilitres, au lieu de 4,95 $ pour le médicament générique. Il y a donc une économie de presque 60 p. 100. Les médicaments de marque pour la tension artérielle sont de 41 à 45 p. 100 plus coûteux que les médicaments génériques. Tous les parents savent que le médicament Amoxil est de 44 à 45 p. 100 plus cher que le médicament générique.

Le projet de loi C-91 et d'autres mesures du genre empêchent les fabricants de produire des médicaments génériques en pourvoyant à l'octroi de licences et des redevances pendant une période allant jusqu'à 20 ans. C'est pourquoi la mesure que je propose est si importante. Finalement, la période serait ramenée de 20 à 17 ans, mais, au bout de quatre ans, les fabricants de produits génériques pourraient obtenir des licences et produire des médicaments concurrentiels.

Nous pouvons compter sur l'appui d'un certain nombre d'organisations, de provinces et de personnes partout au Canada. Le ministre des Services sociaux de la Saskatchewan, M. Lorne Calvert, qui était ministre associé de la Santé lorsque le projet de loi a été étudié à la Chambre des communes, a témoigné au nom de sa province aux audiences du Sénat sur le projet de loi C-91. Il a fait état de ses travaux de recherche concernant le programme sur les médicaments brevetés et il a alors déclaré que le projet de loi ferait grimper le coût des médicaments en Saskatchewan, qui passerait de 6 à 10 millions de dollars par an.

Trois années ont passé depuis que le gouvernement de la Saskatchewan a lancé cet avertissement et nous avons constaté que le ministre avait parfaitement raison, puisque les coûts ne sont pas simplement passés de 7 à 10 millions de dollars, mais ils ont subi une hausse nettement plus forte.

M. Calvert a cité l'exemple des médicaments génériques et des économies qu'ils permettent de réaliser: «Les médicaments génériques font économiser chaque année des millions de dollars au régime provincial d'assurance-médicaments. L'Enalapril, un médicament souvent prescrit pour le coeur, aurait été disponible en tant que médicament générique en 1994 avant la mise en oeuvre de la loi C-91. Cette mesure a reporté à l'an 2007 l'arrivée prévue de l'Enalapril sur le marché des médicaments génériques.» À cause d'une dispute, ce médicament a été brièvement disponible en tant que médicament générique et, en une année, a fait économiser 2 millions de dollars à la province. Et cela, c'est pour un médicament. Or, nous voyons que des députés à la Chambre se préoccupent de protéger leur propre situation à l'égard des sociétés pharmaceutiques et des brevets.

Nous avons reçu des milliers de lettres et d'appels téléphoniques. Nous, les députés du Nouveau Parti démocratique, avons accompli un certain nombre de choses à la Chambre. J'ai déposé des milliers de pétitions réclamant l'abrogation de la loi C-91 et appuyant mon projet de loi, le C-311. Des centaines de personnes m'ont écrit des lettres. Nous avons proposé des motions qui ont fait l'objet de débat à la Chambre. Nous avons posé des questions au gouvernement au sujet de la loi C-91. Tout cela semble avoir tombé dans l'oreille d'un sourd.


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J'ai quelques lettres dont je voudrais lire des passages à mes collègues à la Chambre aujourd'hui. Une d'entre elles dit: «Vous avez mon appui le plus chaleureux dans vos efforts pour faire abroger la loi C-91. Je crois profondément que cette mesure cause un tort très réel à ceux qui ont fait oeuvre de pionniers dans notre pays, qui ont souffert durant les guerres mondiales et une grande crise économique traumatisante et qui se voient maintenant, à la fin de leur vie, mis à rançon par des sociétés pharmaceutiques cupides. Je puis témoigner personnellement de cette horrible exploitation, car, pendant les deux dernières années de sa vie, ma mère payait chaque mois des centaines de dollars pour des médicaments d'ordonnance.»

(1740)

Voilà un exemple des nombreuses lettres que j'ai reçues. J'en ai une autre ici, à laquelle il m'apparaît très important que les députés prêtent attention: «Ma femme et moi sommes des personnes âgées à revenu fixe, et je dois débourser environ 100 $ par mois pour des médicaments d'ordonnance. Pour payer nos médicaments, nous ne pouvons plus réduire nos dépenses que sur la nourriture et les vêtements.»

Les lois C-91 et C-22 ont fait grimper en flèche le coût des médicaments d'ordonnance, et beaucoup de Canadiens doivent choisir entre des médicaments d'ordonnance qui les maintiennent en vie ou améliorent leur qualité de vie, et la nourriture. Quel genre de gouvernement avons-nous là qui ne se préoccupe pas de ces problèmes dans nos communautés, surtout dans le cas de personnes âgées qui ont fait oeuvre de pionniers et qui ont contribué à bâtir notre pays? Nous devons crever cet abcès.

Nous avons peut-être des renseignements qui donneront à la Chambre une idée des raisons qui empêchent le gouvernement d'agir. Alors que M. Nord a écrit dans sa lettre qu'il devait choisir entre des médicaments d'ordonnance qui lui sont nécessaires et une alimentation qui lui est indispensable, le ministre de la Santé du gouvernement libéral répond qu'il est plus important de protéger les brevets et les multinationales pharmaceutiques.

J'ai sous les yeux un article où il est question de «la bonne surprise que le ministre a réservée aux fabricants de médicaments brevetés qui réclament une exclusivité de 20 ans sur la vente des médicaments qu'ils ont mis au point». Le ministre a dit ceci à un congrès des sociétés pharmaceutiques: «Je ne suis pas venu ici ce soir vous parler du projet de loi C-91, car personne ne veut en entendre parler. Le gouvernement croit que les droits de propriété intellectuelle sont importants et qu'il faut les protéger et les renforcer au Canada chaque fois que c'est possible.»

L'article continue: «Un porte-parole de cette industrie a déclaré que les propos du ministre constituent une victoire pour les sociétés qui font de la recherche pharmaceutique.»

C'est là un problème de ce gouvernement: il ne semble pas mettre les priorités à la bonne place. Il préfère protéger les grandes pétrolières et les multinationales du médicament au lieu de s'intéresser à des personnes comme M. Nord, qui doit faire des choix déchirants chaque jour et ne sait pas s'il pourra survivre, à cause de ses problèmes de santé. Quelle sorte d'empathie est-ce là?

J'entends sans cesse les belles déclarations des députés à la Chambre, et cela me donne envie de vomir. Nous fermons les yeux et écoutons toutes les choses merveilleuses qu'ils disent. Nous ouvrons les yeux et nous constatons qu'ils ont toujours fait le contraire de ce qu'ils avaient dit. Ils se répandent en discours sur les merveilles qu'ils ont faites pour les programmes sociaux. À regarder de plus près, on constate qu'ils sabrent dans les budgets de la santé et encouragent les pharmaceutiques à exploiter les consommateurs canadiens. C'est à vous rendre malade. Si vous voulez mon avis, le ministre de la Santé n'est pas le moins nauséeux de toute la bande.

Certains députés se disent peut-être que le député de Regina-Lumsden s'est lancé dans une croisade et qu'il n'a pas beaucoup d'appuis. Eh bien, j'ai le soutien de l'Association des consommateurs du Canada, d'associations de personnes âgées, de la Coalition nationale pour la santé et de quelques autres associations de tout le pays. Le CTC m'appuie également, avec de nombreux organismes et particuliers de la Saskatchewan et d'autres régions.

Je tiens à faire part aujourd'hui aux députés de ma rencontre avec le parlementaire du Congrès national argentin, M. Ernesto Algaba, qui est venu me voir parce qu'il avait entendu parler du travail que j'ai accompli depuis trois ans en ce qui concerne le projet de loi C-91 et la protection des brevets pharmaceutiques.

Il m'a dit ceci: «En Argentine, nous sommes très préoccupés. L'American Pharmaceutical Association nous presse d'adopter, à l'instar du Canada, des États-Unis et du Mexique, une loi sur les brevets pharmaceutiques. L'American Pharmaceutical Association nous a promis des emplois et des médicaments d'ordonnance à coût peu élevé et à prix stable. Et cela nous inquiète un peu, car nous avons tout d'abord dit non. Puis, l'ambassadeur des États-Unis est venu en Argentine s'entretenir avec certains de nos parlementaires et nous a menacés, au nom de l'American Pharmaceutical Association, de nous retirer certains appuis économiques et peut-être même de fermer leur ambassade chez nous si nous n'adoptions pas un projet de loi de ce genre.» Il voulait voir ce qui se passait ici.

(1745)

M. Algaba m'a dit qu'ils étaient allés au Chili. Et savez-vous ce qu'ils ont trouvé là-bas? Le gouvernement chilien s'est vu servir les mêmes foutaises que le gouvernement canadien au sujet du projet de loi C-91: «Adoptez cette loi messieurs et mesdames les parlementaires chiliens. Adoptez-la et vous aurez des emplois à profusion dans la recherche et le développement et vous serez assurés de la stabilité des prix des médicaments d'ordonnance.»

Savez-vous ce qui est arrivé? Les Chiliens ont adopté la loi. Leurs emplois ont disparu et les médicaments sont plus coûteux au Chili qu'au Canada ou presque. Voilà ce qu'on nous dit en Argentine et dans d'autres pays. Le gouvernement doit faire attention aux accusations très graves que portent des parlementaires d'autres pays.


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Nous ne comprenons peut-être pas très bien ce qu'il en est des profits des compagnies pharmaceutiques. J'ai ici des renseignements à ce sujet.

De 1987, année où le projet de loi C-22 a été adopté, à 1992-les choses vont très bien pour les compagnies pharmaceutiques-les revenus de la société Miles Canada Inc. ont augmenté de 52 p. 100; ceux de Merck Frosst MSD AGVET, de 111 p. 100; ceux de Burroughs Wellcome Inc., de 172 p. 100. Les revenus de Merck Frosst Canada Inc. ont grimpé de 185 p. 100 et ceux d'Abbott Laboratories, de 1 120 p. 100 grâce aux brevets pharmaceutiques dont nous parlons et qui font monter les prix en flèche aux dépens des consommateurs.

Enfin, je veux parler de ce que les libéraux ont fait lorsqu'ils formaient l'opposition. Seuls les néo-démocrates ont contesté et voté à l'unanimité contre le projet de loi C-91 lorsque celui-ci a été adopté. En 1992, les libéraux se sont prononcés avec les néo-démocrates contre le projet de loi C-91. Ils ont promis d'abroger le projet de loi C-91 s'ils étaient élus.

Il en est même question à la page 76 du fameux livre rouge des promesses rompues. On parle d'un forum national sur la santé que le Parti libéral promet de mettre sur pied. On dit: «Ce forum doit s'inscrire dans un état des lieux de la santé au Canada. Il a pour mission d'examiner notamment les buts, les résultats et l'évaluation de notre système de soins ainsi que le coût des soins de santé et des médicaments d'ordonnance.» Voilà ce qu'on peut lire dans le livre rouge, ce que les libéraux nous ont promis de faire grâce au forum national sur la santé.

J'ai devant moi le texte d'un discours du premier ministre. Il s'agit de l'allocution inaugurale qu'il a prononcée devant le forum national sur la santé, son bébé dans le livre rouge. Jamais dans ce discours il n'a fait la moindre allusion aux médicaments, aux médicaments d'ordonnance, aux produits pharmaceutiques ou à quelque chose du genre. Jamais il n'a mentionné les mesures que son gouvernement allait prendre dans ce domaine.

Je me demande pourquoi. Eh bien, je pense que c'est celui qui paie qui a le droit de choisir. Lorsqu'on a une ex-ministre libérale de la trempe de Judy Erola comme principale lobbyiste pour les sociétés pharmaceutiques internationales qui exerce des pressions auprès du gouvernement, c'est assez facile d'avoir l'oreille des membres du gouvernement.

Que dire maintenant des contributions de ces sociétés? La compagnie Bristol-Myers Squibb a versé 4 800 $ aux libéraux. Eli Lilly Canada Inc. leur a versé 5 200 $. Burroughs Wellcome Inc., qui a enregistré une forte hausse de ses profits, comme je l'ai mentionné, a fait un don de 8 700 $ au Parti libéral, et la société Merck Frosst, dont j'ai aussi parlé, a contribué la jolie somme de 11 000 $.

Ces gens font des milliards de dollars de recettes. Je crois que les libéraux ne profitent pas pleinement de l'occasion. Ils devraient en demander un peu plus à ces grandes entreprises. Ils devraient leur soutirer un peu plus d'argent. C'est tout ce à quoi on peut s'attendre.

Le comble, ce sont les lettres que les députés libéraux envoient à leurs bons amis des sociétés pharmaceutiques. On voit un député de Winnipeg qui a envoyé une lettre pour essayer d'obtenir de l'argent des entreprises pharmaceutiques. Évidemment, ces dernières s'empressent d'asquiescer à la demande, même si cela ressemble à un pot-de-vin. Qui sait. On a vu ce genre d'article dans les journaux, surtout le Hills Times.

Avant de conclure, je voudrais souligner l'importance du projet de loi auquel j'ai fait allusion dans mes observations d'aujourd'hui. Je voudrais demander aux députés qui croient en l'importance de ce projet de loi-nous devons répondre aux demandes des Canadiens en ce qui concerne les médicaments brevetés et leurs prix qui montent en flèche-de faire de ce projet de loi une mesure pouvant faire l'objet d'un vote.

(1750)

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre a entendu les propos du député de Regina-Lumsden, qui nous demande de faire de ce projet de loi une motion pouvant faire l'objet d'un vote. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Il n'y a pas unanimité.

M. Solomon: Monsieur le Président, si la motion ne peut faire l'objet d'un vote, puis-je avoir le consentement de la Chambre pour que le projet de loi soit renvoyé à un comité?

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre a entendu la requête du député. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Il n'y a pas unanimité.

M. Morris Bodnar (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, il est très intéressant d'entendre le député de Regina-Lumsden expliquer sa position politique. Il sait pertinemment que la loi C-91 doit être réexaminée en 1997. Il essaie malheureusement de nous montrer à quel point il est consciencieux et préoccupé par cette question.

Je m'oppose au projet de loi présenté par le député de Regina-Lumsden. Je voudrais expliquer pourquoi il est inopportun.


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Premièrement, il fait fi du rôle important que joue la protection de la propriété intellectuelle dans l'économie canadienne, en proposant de réduire la durée des brevets pharmaceutiques et de rétablir l'octroi de licences obligatoires.

Le projet de loi ramènerait la durée du brevet pour les médicaments brevetés à 17 ans à compter de la date de dépôt de la demande de brevet. Il propose de rétablir l'octroi de licences obligatoires qui avait été éliminé en 1993, lorsque la Loi sur les brevets a été modifiée par le projet de loi C-91.

Comme la Chambre s'en souviendra sûrement, avant que la Loi sur les brevets ne soit modifiée, les médicaments brevetés n'étaient pas bien protégés en vertu des brevets. Ils faisaient simplement l'objet d'une période d'exclusivité commerciale de sept à dix ans. Le projet de loi à l'étude n'offrirait même pas cette protection aux sociétés pharmaceutiques novatrices. Conformément au projet de loi à l'étude, le titulaire d'un brevet ne bénéficierait que d'un répit de quatre ans avant que les fabricants de produits génériques puissent copier la composition de son médicament en vertu d'une licence obligatoire. Le projet de loi permettrait au titulaire de brevet de toucher une redevance, et la licence obligatoire pourrait être refusée ou retardée si le breveté démontrait que la commercialisation de son médicament a été anormalement retardée.

Le député de Regina-Lumsden croit peut-être que ces dispositions suffiraient à encourager les entreprises à poursuivre la recherche au Canada. Il pense peut-être que le Canada continuerait à attirer des investissements en R-D à ces conditions. Il croit peut-être que ces mesures seraient adaptées à l'économie actuellement fondée sur la matière grise. Je puis lui donner l'assurance que de telles dispositions ne seraient pas suffisantes. Pourquoi une société investirait-elle dans un pays où la protection de ses biens est insuffisante, y compris celle conférée par les brevets?

Le député devrait le savoir puisqu'il vient d'une province où le gouvernement cherche souvent à attirer les entreprises et modifie, après coup, les accords conclus avec elles. Voilà pourquoi sa province n'attire pas ce genre d'activités de R-D. Si la Saskatchewan n'attire pas d'investissements en R-D, c'est notamment parce que le gouvernement modifie les règles auxquelles sont assujetties les entreprises qui viennent s'installer dans cette province.

Depuis que la protection conférée par les brevets a été mise de l'avant pour la première fois en 1987 au moyen du projet de loi C-22, la proportion de R-D par rapport aux ventes des titulaires de brevets pharmaceutiques n'a cessé d'augmenter. L'an dernier, les sociétés novatrices ont dépensé 624 millions de dollars en R-D. Cela représente 11,8 p. 100 des recettes de leurs ventes, soit près du double du pourcentage de 6.1 p. 100 obtenu en 1988.

Les sociétés productrices de médicaments de marque sont parmi les plus grands investisseurs en recherche et développement au Canada. Dans son numéro de juillet dernier, le magazine Research Money énumérait les entreprises qui consacraient le plus à la recherche et au développement. Parmi les 100 premières, on retrouvait 17 fabricants de médicaments de marque. Ces investissements se traduisent par des emplois de haute technicité pour les Canadiens. Ce sont des emplois dans les sociétés pharmaceutiques mêmes, dans les universités et les hôpitaux qui appuient la recherche, ainsi que dans les nombreuses petites et moyennes entreprises qui ont surgi ces dernières années au Canada dans le domaine de l'élaboration de produits destinés au domaine de la santé.

La croissance des petites et moyennes entreprises de biotechnologie a été particulièrement impressionnante. D'ailleurs, parmi les 100 entreprises mentionnées sur la liste de Research Money, on retrouve sept entreprises biopharmaceutiques canadiennes qui se consacrent à la recherche. La croissance et le succès de ces jeunes entreprises repose sur les bases solides mises en place par les normes de protection de la propriété intellectuelle de calibre international adoptées par le Canada.

(1755)

Pendant que les dépenses en R-D augmentaient, le prix des médicaments brevetés restait sous contrôle. Selon le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, un organisme indépendant qui réglemente le prix des médicaments brevetés, les prix ont même diminué de 1,75 p. 100 en 1995. Au même moment, l'indice des prix à la consommation augmentait de 2,14 p. 100. C'était la deuxième année consécutive qu'une diminution du prix des médicaments brevetés était observée.

En outre, lorsque le conseil d'examen a fait une comparaison internationale des 200 médicaments brevetés les plus vendus en 1994, il a constaté que, pour la première fois, les prix au Canada étaient inférieurs aux prix médians internationaux.

Si le projet de loi était adopté, le Canada deviendrait le seul pays industrialisé où la propriété intellectuelle n'est pas efficacement protégée dans le domaine pharmaceutique. Le Canada deviendrait le seul pays développé dans le monde à avoir un système d'octroi de licences obligatoires pour les médicaments. En plus de l'effet néfaste que cela aurait sur l'emploi et sur la croissance, nous pourrions nous attendre à une vive réaction de la part de nos partenaires commerciaux.

Cela m'amène à la deuxième raison pour laquelle je m'oppose au projet de loi C-311. Les mesures proposées dans le projet de loi du député contreviennent aux obligations du Canada dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce et de l'Accord de libre-échange nord-américain. En limitant à 17 ans la durée de validité des brevets pharmaceutiques à partir de la date de dépôt de la demande, le Canada manquerait à ses obligations internationales dans le cadre de l'OMC. Pour les médicaments, la durée de validité minimale du brevet est de 20 ans à partir de la date de dépôt de la demande.

Il y a un autre aspect de ce projet de loi qui va à l'encontre de nos obligations commerciales internationales. L'OMC et l'ALENA exigent tous deux que les droits de brevet s'appliquent sans distinction à tous les domaines de technologie. Un système d'octroi de licences obligatoires pour les médicaments serait discriminatoire envers les titulaires de brevets pharmaceutiques. Nous pourrions donc nous attendre à ce que des mesures soient prises en vertu de l'accord relatif à l'OMC et en vertu de l'ALENA.

Le gouvernement a signé ces traités internationaux parce que nous croyons qu'ils favoriseront la croissance économique. Le Canada doit faire concurrence aux autres pays non seulement pour


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les parts du marché mondial, mais aussi pour les investissements et les transferts de technologie.

Les accords commerciaux internationaux qui prévoient une protection solide de la propriété intellectuelle créent le climat nécessaire aux investissements et aux transferts de technologie. En tant que pays commerçant, le Canada n'est pas prêt à manquer à ses obligations internationales. Le défi que le Canada doit relever, c'est d'élaborer une politique en matière de brevets pharmaceutiques qui soit conforme à ses obligations commerciales internationales et qui appuie le développement de l'industrie pharmaceutique tout en assurant l'accès à des médicaments brevetés à des prix qui ne sont pas excessifs.

En ce qui concerne certaines remarques faites par le député, il a parlé des recettes croissantes de ces sociétés, mais il n'a jamais parlé de leurs profits. Les recettes ne sont pas nécessairement des profits. Autre fait intéressant, il veut que des millions de dollars soient dépensés par les sociétés au titre de la R-D, mais il veut que le fruit de cette R-D, soit des centaines de millions de dollars, aille à d'autres sociétés qui n'ont pas investi dans la R-D.

M. Solomon: Il y a des redevances de 4 p. 100.

M. Bodnar: C'est ce qu'il veut, et c'est ce qu'il a proposé à la Chambre.

Le moment est venu de trouver un équilibre dans ce domaine au moyen d'un examen du projet de loi C-91. La mesure proposée à la Chambre par le député n'est pas la bonne façon de procéder. Le député essaie de montrer à quel point il est consciencieux lorsqu'il sait fort bien que le Comité de l'industrie entreprendra bientôt un examen complet du projet de loi C-91. J'espère qu'il assistera à certaines de ces réunions.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je vais, à mon tour, m'exprimer sur le projet de loi du député néo-démocrate qui, essentiellement, pour en faire un court résumé, vise à réduire la protection accordée au secteur de la production des médicaments. Il y a des brevets qui les protègent pour une durée de 20 ans mais, en réalité, la durée effective est d'environ une dizaine d'années.

Il faut bien savoir qu'entre la découverte d'une molécule qui va servir à faire un médicament et sa mise en marché, une période de dix ans en moyenne s'écoule, contrairement à d'autres produits où la mise en marché se fait très rapidement après la découverte. La protection effective du brevet se situe bien en deçà des 20 ans que la loi lui permet, parce que la date initiale s'applique à partir du moment où on a breveté la molécule qu'on a découverte.

(1800)

Évidemment, quand on parle de l'industrie pharmaceutique, on parle d'un des secteurs importants de l'économie, particulièrement au Québec et en Ontario, et pour d'autres provinces aussi. Mais quand on parle d'industries novatrices, celles qui font de la recherche et du développement, celles qui découvrent des médicaments au Canada, elles sont essentiellement concentrées au Québec et en Ontario.

D'ailleurs, il y en a un peu plus de la moitié au Québec, dans la région de Montréal et une bonne partie aussi dans la région de Toronto. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle autant la chambre de commerce de Montréal que la chambre de commerce de Toronto recommandent non seulement de maintenir un cadre législatif qui favorise et protège l'industrie novatrice, mais en recommande aussi l'amélioration.

On sait que c'est un débat qui a eu lieu a deux reprises depuis 1987. Une première fois en 1987, on avait modifié l'ancienne loi pour accorder plus de protection aux brevets. Si ma mémoire est bonne, on a accordé à ce moment-là une protection de sept ans. Le député, quant à lui, suggère qu'on revienne au système des licences obligatoires. En 1993, le gouvernement conservateur était revenu à la charge et avait accordé une protection de 20 ans aux brevets pharmaceutiques.

Évidemment, il y avait des lobbies très actifs d'un côté et de l'autre et ces gens-là sont toujours dans le décor. Derrière les objectifs humanitaires souvent invoqués pour permettre moins de protection et favoriser davantage la copie de médicaments, on dit que les médicaments seraient moins cher et d'autres arguments du même genre, mais derrière ces discours se cachent souvent les intérêts des industries qui, elles, copient ces médicaments et qui font quand même beaucoup d'argent.

Il faudrait rappeler que depuis que cette loi est en vigueur, il y a eu une croissance de la recherche dans le domaine de l'industrie pharmaceutique, croissance au niveau de l'emploi autant dans le domaine des médicaments d'origine ou de l'industrie novatrice que dans le domaine des médicaments génériques, donc les médicaments copiés. D'un côté comme de l'autre, il y a eu une croissance.

Cette loi visait à créer un équilibre. C'est sûr qu'il y a un danger lorsqu'on accorde des brevets. Il faut être très attentif et suivre de près la situation. Il y a danger de créer un monopole et d'avoir des prix très élevés. Le gouvernement a créé le Conseil d'examen des prix des médicaments brevetés pour suivre de près la situation. Il y a des normes, des balises imposées pour s'assurer que les médicaments mis au point n'arrivent pas sur le marché à des prix sans aucun bon sens relativement aux coûts encourus.

Il y a donc le Conseil d'examen qui fait des rapports. Que dit-il? J'ai entendu le député qui propose ce projet de loi parler du fait qu'il y a eu des coûts exorbitants et citer quelques exemples. La réalité est que le coût des médicaments brevetés, depuis 1987, n'a augmenté que de 2,1 p. 100 par année. Selon le rapport du Conseil d'examen des médicaments brevetés, le coût est demeuré en deçà de l'inflation. On a toujours raison de surveiller la situation, mais en réalité la loi et la réglementation ont été bien appliquées et sont efficaces.

Ces motifs quant aux coûts exorbitants sont peut-être reliés à d'autres choses. S'il y a une croissance des coûts de la santé au Canada, c'est aussi dû au fait qu'on a une population vieillissante. Il a y d'autres phénomènes du genre qu'il faut prendre en considération. Je voudrais vous rappeler qu'en 1993, quand on étudiait les coûts de la santé dans l'ensemble du Canada, il y avait 3 p. 100 des coûts du système de santé qui étaient des dépenses reliées aux


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médicaments brevetés, donc les médicaments en provenance de l'industrie novatrice. Il faut donc faire attention de ne pas tomber dans le panneau, et s'en tenir à la réalité.

J'aimerais rappeler au député que la loi actuelle prévoit une révision de la loi en 1997. On parle du printemps 1997. Évidemment les gens se demandent si les échéances électorales modifieront la situation. On verra. Mais il y a dans la loi actuelle une obligation de réviser la loi en 1997.

À ce moment-là, chacune des industries, chacun des groupes concernés pourra se faire entendre et dire pourquoi ils voudraient des modifications, pourquoi certains voudraient voir la protection accrue, augmentée, d'autres pourquoi ils voudraient voir la protection des brevets réduite, et de quelle façon. Ils pourront venir s'exprimer.

Il serait très inopportun à ce moment-ci, à partir d'une analyse très partielle de la situation, et d'après les arguments que j'ai entendus, pas souvent connectée de façon réelle aux chiffres, de tirer des conclusions et que le Parlement adopte ce projet de loi pour faire en sorte de réduire à 17 ans, comme le député le propose, la protection concernant les brevets.

(1805)

En réalité, on sait que ce serait réduit de trois ans. C'est beaucoup. Il faut savoir qu'avant de mettre un médicament sur le marché, il y a beaucoup d'étapes, de coûts encourus et de recherches qui n'aboutissent jamais. C'est le cas dans tous les secteurs où on fait de la recherche et développement. Il y a beaucoup de recherches qui ne trouvent jamais d'applications dans la réalité. Ces gens investissent des sommes considérables.

Si on limite la protection qui leur est accordée et la capacité de vendre leurs produits, de récupérer les investissements faits, comment cela sa traduira-t-il dans la réalité? Il y aura une diminution des activités de recherche. Les gens se consacreront davantage à l'industrie générique, copier des documents et les vendre.

Cela nous ramène à un problème social. Tous ici dans cette Chambre, si on tombe malades, on voudrait être soignés, avoir des médicaments qui pourront nous aider, que ce soit des soins palliatifs, des soins qui permettent de guérir ou autres. Eh bien, si on veut avoir accès à ce genre de médicaments, il faut que quelqu'un fasse de la recherche sur les applications. Si on n'encourage pas, par notre cadre légal, notre cadre fiscal et l'environnement économique, il n'y aura pas de production de ces médicaments. On se retrouvera alors avec un autre problème sur les bras, soit celui qui fera qu'on n'aura pas accès à ces médicaments auxquels on voudrait avoir accès.

Il faut faire attention lorsqu'on dit que pour des motifs humanitaires, il faudrait réduire la protection des brevets. Cela a un effet pervers qui est majeur et qui est considérable. L'aspect social est là.

Il y a également l'aspect économique qui viendrait affecter, si on modifiait la loi, l'équilibre qu'on a, à l'heure actuelle, faisant en sorte qu'au Québec et en Ontario en particulier, on a beaucoup de gens qui font de la recherche et développement.

Je vais vous citer quelques chiffres. Quand on parle du Québec, pour l'industrie novatrice, les gens qui font de la recherche, c'est plus de 6 000 emplois. C'est considérable. Ce sont des emplois dans des secteurs où le savoir est important, la technologie est importante, et cela nécessite des investissements et des infrastructures importants. On parle d'au-delà de 600 millions d'infrastructures nécessaires pour les différentes entreprises qui se trouvent au Québec.

On parle de 6 000 emplois et en 1994, la donnée la plus récente dont je dispose, il y a eu plus de 240 millions de dollars de recherches effectuées. C'est considérable, c'est un niveau important et le gouvernement ne serait jamais capable de le faire lui-même dans le contexte actuel. Qui fera cette recherche si, par une loi, on vient réduire le cadre incitatif qui existe pour ces entreprises? Beaucoup de ces entreprises sont concentrées dans la région de Montréal. Il y en aussi dans la région de Laval, dans la région de Toronto et un peu à l'extérieur de la région de Toronto.

L'industrie novatrice, de ceux et celles qui copient, il y en a beaucoup en Ontario, il y en a au Manitoba, un peu au Québec aussi. Il y a eu un redéploiement qui est un peu différent de 1993.

À l'heure actuelle, on a atteint une situation qui permet un développement, de la recherche et une croissance de l'emploi. J'ai entendu le député parler de l'emploi. Il y en a eu de la croissance d'emploi; autant dans le secteur de l'industrie novatrice que dans le secteur du médicament générique, la loi a permis d'atteindre cet équilibre. Faut-il aller plus loin? On examinera la situation. Faut-il surveiller davantage le contrôle des prix? On peut aussi regarder cela.

À l'heure actuelle, le Conseil d'examen des prix et médicaments brevetés nous dit que la situation est sous contrôle et que ça va relativement bien. Dans ce contexte, ce serait très inopportun, ça mettrait en péril une structure industrielle importante pour l'avenir. On n'a qu'à penser aussi au lien qui existe, à l'heure actuelle, entre la communauté scientifique, les institutions universitaires, les entreprises qui ont développé depuis quelques années des liens et une chimie très importants qui vont nous permettre d'être un pays en bonne position dans ce domaine.

En terminant, je rappelle qu'on a des obligations internationales. En vertu de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce, l'ancien GATT, il y a des obligations que le Canada doit respecter. Si on adoptait ce projet de loi, on violerait ces accords internationaux qui nous obligent à donner la protection qu'on avait accordée en 1993. Il faut être très prudent avant d'adopter un projet de loi comme celui-là et s'assurer que ce qu'on va faire va aider la situation de l'emploi, la recherche médicale et fera que notre économie, tant au Québec qu'en Ontario ou ailleurs au Canada, pourra se développer.

(1810)

Dans ce sens, il ne s'agit pas d'un projet de loi sur lequel on devra voter, mais si on avait eu à le faire on aurait dû voter contre, et j'invite le député à venir s'exprimer au printemps prochain lorsque le débat se fera de façon beaucoup plus large et publique. On y rétablira les faits et on regardera la situation.

[Traduction]

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, le projet de loi C-311 dont nous sommes présentement


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saisis est une mesure très intéressante. Je me félicite de l'intention et du but de ce projet de loi d'initiative parlementaire.

Il ne fait aucun doute que nous voudrions tous réduire le coût des soins de santé au Canada, dans les provinces et dans la vie de chaque personne. Nous aimerions le faire, mais nous devons reconnaître, dans ce contexte, que nous abordons un sujet très litigieux. En fait, la pratique médicale est elle-même sujette à controverse.

Tout le concept semble reposer sur le fait qu'une seule variable modifiera le coût des soins de santé, soit le coût des produits pharmaceutiques. Il faut reconnaître que cela constitue un facteur et que ce facteur est une variable. Le fait de suggérer qu'il s'agit d'un aspect majeur a tout autant à voir avec le prix des médicaments eux-mêmes qu'avec la pratique de la médecine. À une certaine époque, la prescription des médicaments n'était pas une pratique aussi généralisée qu'aujourd'hui.

Je respecte l'intention et le but du projet de loi, mais j'ai néanmoins plusieurs réserves. La première tient à notre situation dans le monde. Nous ne vivons plus sur une île appelée Canada. Nous devons maintenant faire face à une concurrence mondiale.

Nous devons reconnaître que de nombreux pays ont accepté la protection des médicaments brevetés pour une durée de vingt ans. Cinquante pays au moins ont déjà accepté cette façon de procéder. Si nous voulons être concurrentiels sur le marché mondial, nous devons en accepter les règles.

Pour ne nommer que quelques-uns de ces pays, l'Allemagne, Israël, le Japon, les Pays-Bas, l'Afrique du Sud, la Suède, la Suisse, la Thaïlande, le Royaume-Uni et les États-Unis d'Amérique, et je pourrais en nommer d'autres, appliquent une période de protection de 20 ans aux médicaments brevetés.

Nous devons reconnaître que la concurrence représente un aspect majeur de la question. Le projet de loi devrait reconnaître le fait que l'industrie des produits pharmaceutiques est d'abord une industrie fondée sur la connaissance. La connaissance ne se laisse pas confiner dans des frontières politiques. Elle peut aisément les traverser dans un sens comme dans l'autre.

Deuxièmement, la raison pour laquelle nous voulons protéger ce brevet particulier, la propriété intellectuelle, c'est que cela nous permet d'attirer les compétences, les capacités, les connaissances et le savoir-faire nécessaire à la recherche si nous voulons être compétitifs sur le marché international.

Je voudrais rappeler ce qui est arrivé en 1987. Lors de la modification de la Loi sur les brevets en 1987, l'Association canadienne de l'industrie du médicament avait promis publiquement que ses membres accroîtraient les fonds consacrés annuellement à la R-D en termes de pourcentage des ventes de 8 p. 100 à l'horizon 1991 et de 10 p. 100 à l'horizon 1996.

Je viens de recevoir le rapport annuel de ce qui est en fait arrivé. En 1995, le ratio dépenses de R-D sur recettes de vente en ce qui concerne l'industrie pharmaceutique fabriquant des médicaments sous brevet était de 11,8 p. 100, une hausse par rapport à 11,3 p. 100 en 1994. L'industrie avait effectivement tenu sa promesse.

Je voudrais citer à la Chambre certains chiffres qui à mon avis illustrent bien ce fait. En 1988, le montant des fonds consacrés aux dépenses de R-D par les compagnies pharmaceutiques était de 165,7 millions de dollars. Ce chiffre ensuite augmente jusqu'en 1995 où il atteint 623,9 millions de dollars. Certains vont tout de suite dire: «Oh, mais ça inclut certaines subventions de l'État». Effectivement. En fait, en 1995, le gouvernement a accordé à l'industrie pharmaceutique 7,6 millions de dollars pour la recherche. Sur 623,9 millions de dollars, ce n'est pas beaucoup.

(1815)

Nous devons ensuite nous demander dans quels domaines ces compagnies ont fait des recherches. Dans le domaine de la recherche fondamentale, c'est-à-dire la recherche guidée par la curiosité pour trouver une idée nouvelle, ou dans celui de la recherche appliquée pour trouver une nouvelle façon de traiter les maladies? La répartition est la suivante: 22,2 p. 100 des dépenses de R-D sont allés à la recherche fondamentale, qui est la base des nouvelles découvertes. Sans la recherche fondamentale, il n'y aura plus de progrès des connaissances et nous ne percerons plus les ténèbres de l'ignorance. Le pourcentage des dépenses de R-D consacrées à la recherche appliquée était de 61,9 p. 100.

Que peut-on espérer de plus? On a là une association de fabricants qui reconnaît la nécessité de développer les connaissances et qui sait aussi comment mettre en marché les produits de ces nouvelles connaissances. Logiquement, on y consacre plus d'argent. En tout, on y a consacré 623,9 millions de dollars en 1995 seulement. Pensons à tous les emplois ainsi créés.

Quand le député a présenté son projet de loi, il a dit que des emplois avaient été perdus, soit environ 1 200 en Ontario et 800 au Québec. Mais on a dépensé 623,9 millions de dollars. Je ne sais pas si ce sont des chercheurs qui ont perdu leur emploi ou d'autres types de travailleurs, mais avec 623,9 millions, on a certainement créé d'autres emplois. J'aurais aimé que le député précise que des emplois avaient peut-être été perdus, mais que beaucoup d'autres avaient été créés.

Avec 623,9 millions de dollars, il faut qu'il y ait eu plus d'emplois créés que d'emplois perdus. C'est pourquoi je n'accepte pas l'idée que nous enregistrons une perte nette à ce chapitre. Quand on investit 623,9 millions dans l'économie, personne ne pourra me prouver qu'on réduit le nombre d'emplois au Canada.

Je veux discuter maintenant de certaines dispositions du projet de loi lui-même. Le projet de loi C-311 propose de remplacer le Bureau d'examen des prix des médicaments brevetés par le Conseil de révision sur les médicaments brevetés. On élimine le mot prix. Je suppose que le député souhaite ainsi que le marché équilibre les prix


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par une sorte de concurrence bénéfique. Sur le fond, si les règles du jeu étaient justes, je serais d'accord.

Toutefois, les connaissances et leur promotion exigent parfois une protection spéciale, et c'est exactement ce que fait la législation sur les brevets. Elle protège les connaissances jusqu'au moment où elles sont suffisamment solides pour pouvoir soutenir la concurrence mondiale et c'eset alors le marché qui détermine les prix.

Ce qu'il importe de retenir c'est que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés a réussi à contrôler les prix à une époque où les sociétés pharmaceutiques exerçaient un monopole sur la distribution de ces médicaments. Il existe des preuves à cet effet et un rapport annuel le démontre. Si tel n'a pas été le cas, il est grand temps d'examiner les fonctions du conseil. S'il ne fait pas son travail, la Chambre des communes devra alors aborder la question avec le conseil. Il ne suffit pas de se lever et de déclarer que la situation devrait être différente. Nous devons donc examiner avec soin les objectifs de ce projet de loi.

En terminant, je tiens à rappeler à tous les députés que les dispositions du projet de loi C-91 feront bientôt l'objet d'un examen complet. Nous devrons alors étudier non pas seulement cet aspect, mais toute la question globale des médicaments et de la place des sociétés pharmaceutiques sur la scène médicale au Canada. Nous avons une lourde tâche à accomplir, mais une tâche magnifique et intéressante. J'espère que le secteur médical et nous-mêmes saurons prendre les bonnes décisions.

M. Joseph Volpe (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais participer à ce débat également, au nom du ministre de la Santé.

(1820)

Je voudrais corriger une ou deux mauvaises interprétations qui ont été présentées par mon hon. collègue, l'auteur de la mesure législative que nous étudions aujourd'hui. Si nous voulons être justes et sincères au sujet de la question, et je pense que tous les députés veulent l'être, alors nous ne pouvons pas commencer en donnant une mauvaise interprétation de ce que le ministre a dit à l'extérieur de cette Chambre.

Le ministre de la Santé a dit à maintes reprises qu'il était résolu à avoir un examen parlementaire, comme l'exige le projet de loi C-91 qu'a mentionné mon collègue il y a un moment. Il est injuste de dire le contraire. Non seulement désire-t-il avoir cet examen, mais il ne se lance pas dans le genre de discours que mon collègue d'en face aimerait qu'il fasse, en essayant de prédire ce que l'examen parlementaire va donner ou en essayant de l'influencer. Il est important de comprendre que le ministre va respecter la réglementation et la mesure législative adoptée par le Parlement. Nous ferions bien, tous autant que nous sommes, de faire la même chose.

Mon collègue de Regina-Lumsden a présenté cette mesure législative pour deux raisons essentielles. Je voudrais faire porter mon attention sur la question du coût des médicaments. Le secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie a déjà parlé de la question des licences. J'aimerais examiner un moment le coût des médicaments et les dépenses de santé.

Sachez que le gouvernement s'inquiète du coût des produits pharmaceutiques dans ce pays et de leur taux d'augmentation. Les dépenses pour les médicaments représentent 12,7 p. 100 des dépenses totales de santé au Canada. C'est le troisième élément des dépenses de santé après les frais hospitaliers et les honoraires de médecins.

Non seulement les médicaments viennent en troisième position, mais ils augmentent beaucoup plus vite que les autres éléments. En 1994, les dépenses au chapitre des médicaments ont augmenté de 3,8 p. 100. Même si on tient compte de l'augmentation de la population, le taux de croissance est encore de 2,1 p. 100. D'autres députés ont déjà mentionné qu'à la fin des années 80 et au début des années 90 la situation était pire qu'elle l'est actuellement puisque les dépenses au titre des médicaments augmentaient de plus de 10 p. 100 par année, et cela tous les ans.

Si nous sommes vraiment sérieux lorsque nous disons que nous voulons limiter l'augmentation du coût des médicaments, nous devons regarder beaucoup plus loin que juste ces simples chiffres. Nous devons nous demander dans quelles mesures les médicaments brevetés contribuent au coût global des médicaments.

À l'heure actuelle, le gouvernement réglemente le prix des médicaments brevetés par l'entremise du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.

Une voix: Quelle farce!

M. Volpe: Tout le monde n'est peut-être pas d'accord. Pour notre part, nous estimons que les règlements du CEPMB sont stricts. L'augmentation du prix des médicaments brevetés ne peut pas être supérieure à celle de l'indice des prix à la consommation. Le prix de lancement des nouveaux médicaments doit se situer dans la fourchette des prix des autres médicaments qui traitent la même maladie, sauf pour les nouveaux médicaments qui constituent une percée ou une amélioration considérable. Dans ce cas, leur prix ne peut pas dépasser le prix médian qu'atteignent ces produits dans d'autres pays industrialisés.

Quoi qu'en disent les députés d'en face, la preuve est faite que le CEPMB s'acquitte de sa tâche, à savoir le contrôle des prix des médicaments brevetés. J'invite les députés à prendre en considération les quelques faits que voici.

Le député de Regima-Lumsden aura noté qu'en 1995 les prix des médicaments brevetés ont baissé de 1,75 p. 100. Les prix baissaient pour une deuxième année consécutive. Cette année-là, l'indice des prix à la consommation augmentait de 2,14 p. 100. Mon collègue a beau ne pas être impressionné, mais il s'agit bel et bien d'une diminution.

(1825)

Depuis la création du CEPMB en 1987, les augmentations du prix des médicaments brevetés ont toujours été inférieures à celles de l'indice des prix à la consommation. Le député n'est pas sans savoir qu'auparavant les prix des médicaments subissaient des augmentations bien supérieures à celle de l'indice des prix à la consommation. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, je veux traiter de l'élément du projet de loi qui a trait aux dépenses au titre de la santé et des coûts des médicaments.

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En 1994, fait sans précédent, les prix des médicaments brevetés pratiqués au Canada étaient en moyenne inférieurs au prix médian international. En 1994, le prix des médicaments révolutionnaires au Canada était, en moyenne, de 11 p. 100 inférieur au prix international moyen.

Si je souligne cela, c'est pour montrer tout d'abord que même en l'absence de l'octroi de licences obligatoires, le prix des médicaments brevetés est demeuré sous contrôle et ensuite, que le fait d'influencer le prix des médicaments brevetés ne va pas nécessairement entraîner une baisse des sommes consacrées aux médicaments. La raison est bien simple.

Les prix des médicaments en général et les sommes qu'on doit y consacrer sont influencés par des facteurs supplémentaires comme le prix des médicaments non brevetés, les honoraires des pharmaciens et le taux d'utilisation. Les gouvernements provinciaux s'aperçoivent à leur grand désarroi que tous ces facteurs contribuent dans une large mesure aux coûts de santé en général. Peu importe à quel point les prix sont bas, plus les gens consommeront des médicaments, plus les dépenses reliées aux médicaments augmenteront.

Les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la santé ont reconnu qu'on peut et doit agir sur de nombreux fronts au sujet des coûts reliés aux médicaments. En avril 1996, ils ont demandé aux sous-ministres de la Santé d'examiner six questions touchant les produits pharmaceutiques et de faire rapport là-dessus. Il s'agissait du prix; de l'utilisation; de la commercialisation; de la sensibilisation des consommateurs; de la recherche et du développement; et du gaspillage.

Les prévisions actuelles en ce qui concerne le gaspillage étonneraient même nos vis-à-vis. Le gaspillage représente nettement plus de 10 p. 100 des coûts globaux. Je suis persuadé que ce travail de la part des sous-ministres conduira à des initiatives conjointes qui auront de véritables répercussions sur les coûts reliés aux médicaments, l'utilisation efficace des médicaments et la santé des Canadiens. La meilleure façon d'obtenir des résultats, c'est de collaborer avec les provinces et les territoires pour trouver les causes fondamentales de l'augmentation des coûts des médicaments et d'y remédier.

Il faut encourager l'investissement, ainsi que la recherche et le développement, dans le secteur pharmaceutique au Canada. C'est avec ce type d'emplois et ce type de débouchés que nous pouvons faire entrer l'économie du Canada dans le XXIe siècle et apporter une contribution importante à la santé et au bien-être des Canadiens.

Les facteurs qui aident le Canada à attirer des investissements dans la recherche et le développement, soit notre excellent réseau universitaire, un régime fiscal compétitif et une abondance de scientifiques éminents, ne pourront pas contrebalancer les répercussions négatives de ce projet de loi. Je me reporte à la loi C-91, car le projet de loi du député devance ce qui est exigé dans cette loi, soit un examen parlementaire quatre années après la sanction royale, c'est-à-dire en 1997.

Comme je l'ai dit dans mon introduction, on peut très bien proposer une mesure législative, mais il n'est pas question de devancer un processus qui est déjà en place et d'essayer de prévoir et d'influencer son résultat, alors qu'il va être ouvert à tous les députés.

(1830)

Ce n'est que lorsque cet examen sera terminé et que nous aurons établi un juste équilibre entre les objectifs de l'industrie et les questions de santé au Canada que nous pourrons étudier la politique des brevets pour voir comment elle pourrait être rajustée.

Comme je l'ai plus tôt, ce projet de loi devancerait cet examen parlementaire et présume qu'un changement s'impose, sans donner aux intéressés une occasion de participer et sans permettre d'examiner les éléments de preuve.

Mon ministre s'est déjà dit tout disposé à faire en sorte que le processus fonctionne bien. En fait, il a déjà demandé au forum national d'accélérer ses travaux et de faire connaître les résultats de ses consultations, dans l'intérêt non seulement de cet examen, mais également d'autres examens sur la santé.

M. Solomon: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Maintenant que le débat a eu lieu sur ce projet de loi, je me demande si nous pourrions obtenir le consentement unanime de la Chambre pour renvoyer le projet de loi à un comité.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre a entendu la requête du député. Y a-t-il unanimité?

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Il n'y a pas unanimité.

L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. L'article est rayé du Feuilleton.

______________________________________________


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MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

L'ASSURANCE-EMPLOI

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing, NPD): Monsieur le Président, il y a quelque temps, j'ai demandé au ministre du Développement des ressources humaines de l'époque comment il pouvait croire que la population redonnerait sa confiance au gouvernement, étant donné la volte-face de son gouvernement sur la question de l'assurance-chômage. Personne n'a oublié la promesse du livre rouge concernant la confiance de la population envers le gouvernement.

J'ai alors demandé au ministre s'il ne voyait pas l'hypocrisie de ses mesures. Pendant qu'ils étaient dans l'opposition, lui et ses collègues se sont opposés aux compressions que les conservateurs imposaient en matière d'assurance-chômage, mais ces coupes n'étaient jamais aussi dures que celles que les libéraux ont forcé la Chambre à adopter.

Dans la conjoncture économique actuelle, des programmes de soutien comme celui de l'assurance-chômage sont nécessaires pour aider les travailleurs à s'adapter à l'évolution des technologies et de l'économie mondiale; toutefois, le soutien du revenu seul n'a pas


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créé et ne créera pas les emplois et la croissance durable dont l'économie actuelle a besoin.

Il est clair qu'il faut approfondir le débat et élaborer une nouvelle approche à l'égard du chômage et de la réforme de l'assurance-chômage. Il ne suffit plus de centrer l'attention uniquement sur les chômeurs, qui ont clairement servi de boucs émissaires aux gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédé. D'après moi, le temps est venu de s'attacher plutôt à ce que demande la société dans son ensemble: ceux qui cherchent de l'emploi, ceux qui peuvent en fournir et les gouvernements qui facilitent la relation entre les deux et qui aident à tracer la voie pour faire des affaires au Canada.

Une approche créative et moderne comprendrait une méthode pouvant évidemment fournir aux chômeurs des ressources leur permettant d'assurer leur vie et celle de leurs familles, mais également de les remettre au travail, si possible, dans les emplois dont ils ont besoin.

Une véritable réforme de l'assurance-chômage aiderait les Canadiens à trouver les emplois dont ils ont besoin et favoriserait le genre de main-d'oeuvre capable de bien se situer dans l'économie mondiale. Cela signifie sûrement qu'il faut s'attaquer au chevauchement et au double emploi. Cela veut aussi dire qu'il faut établir des partenariats entre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux, et le secteur privé.

Il nous faut aussi traiter de la dépendance et de l'abus, mais nous séparer ces questions de celles qui concernent le niveau des prestations et les modalités, de manière que l'admissibilité aux prestations, la formation, la création d'emplois et les autres mesures actives fassent l'objet de discussions plus rationnelles.

Malheureusement, ce n'est pas comme cela que nous avons procédé au Canada lorsque le gouvernement s'est penché sur la réforme de l'assurance-chômage. Avec les politiques actuelles, nous sommes plus loin encore d'atteindre ces objectifs cruciaux que jamais auparavant.

Il est clair qu'avec le genre de réformes opérées par les gouvernements conservateurs et libéraux successifs, on n'a pas fait grand chose d'autre que d'imaginer de nouveaux stratagèmes pour s'en prendre aux chômeurs. Quand ils étaient dans l'opposition, les libéraux s'opposaient à ces mesures, qu'ils appuient maintenant qu'ils forment le gouvernement. L'approche du gouvernement actuel à l'égard du chômage et de l'assurance-chômage constitue davantage un nouvel énoncé du problème qu'une stratégie visant à améliorer le soutien actif et à élaborer des mesures réellement efficaces pour lutter contre le chômage et ramener les chômeurs sur le marché du travail.

La principale solution proposée, c'est que le chômeur touche des prestations moins élevées pendant moins longtemps et qu'il soit plus difficile d'obtenir ces prestations; c'est une stratégie qui a été mise à l'essai et qui s'est révélée un échec depuis une décennie et demie.

De plus, l'une des mesures les plus troublantes peut-être que le gouvernement ait adoptée dans le cadre de sa réforme de l'assurance-chômage tient au vol de 1,9 milliard de dollars appartenant aux employeurs et aux employés. Même compte tenu du réinvestissement dans des programmes prétendument actifs, le gouvernement admet voler plus de 1,1 milliard de dollars, de l'argent qui ne lui appartient tout simplement pas. Le gouvernement prévoit que, d'ici deux ans, la caisse de l'assurance-chômage affichera un excédent de 10 milliards de dollars. Au lieu d'utiliser ces fonds excédentaires pour mettre en oeuvre des mesures de soutien plus dynamiques et plus constructives qui aideraient les chômeurs à retourner au travail, des mesures qui se sont révélées très fructueuses dans d'autres pays, le ministre des Finances utilisera cet argent afin d'atteindre ses objectifs de réduction du déficit. C'est du vol, purement et simplement, et cela ne peut pas continuer.

(1835)

Les Canadiens savent que nous avons besoin d'un régime d'assurance-chômage juste qui assure un soutien financier de base et encourage les chômeurs à réintégrer le marché du travail en leur offrant les outils nécessaires pour y arriver.

Les Canadiens sont en faveur de mesures de soutien dynamiques qui aident les chômeurs à se remettre en selle. Les chômeurs eux-mêmes veulent un régime qui est conçu pour les aider à réintégrer le marché du travail et à conquérir une plus grande autonomie. Ce sont là des objectifs modernes et progressistes, mais cette loi reste malheureusement bien en-deça. Il y a des mesures actives, je l'avoue, mais elles ne suffisent tout bonnement pas à répondre aux besoins des Canadiens.

Je rappelle au ministre que les Canadiens observent le gouvernement, qui continue à écouter les banques et les grandes sociétés et à leur consentir des allégements fiscaux injustes et immérités tandis qu'il coupe les fonds de l'assurance-chômage, des services de santé et d'éducation ainsi que d'autres services dont la population a besoin.

M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, contrairement à ce que semble laisser entendre le député dans sa question, notre gouvernement ne présume pas que la seule façon de se gagner la confiance de la population est d'accroître sans cesse ses dépenses. Tous les gouvernements, quelle que soit leur allégeance politique, doivent respecter les limites que leur imposent la dette et le déficit.

L'ancien programme d'assurance-chômage ne faisait pas exception. Au cours de la première moitié de la présente décennie, les cotisations d'assurance-chômage ont augmenté de plus du tiers et ni les employeurs ni les travailleurs n'avaient les moyens de les payer. En même temps, tous ont reconnu la nécessité de réformer en profondeur ce programme.

En conséquence, notre gouvernement a mis en oeuvre, après avoir consulté plus de 100 000 Canadiens et des centaines de groupes d'intervenants de tout le Canada, un nouveau régime moderne d'assurance-emploi.

Contrairement à l'ancien régime, le régime d'assurance-emploi joue un rôle actif en aidant les chômeurs à se trouver un emploi au plus tôt. Il vise à remettre les gens sur le marché du travail et à répondre de façon juste et équilibrée aux besoins des chômeurs canadiens. Quant aux employeurs, les exigences plus simples et les tracasseries administratives moindres de l'assurance-emploi leur feront épargner temps et argent. Le but est d'encourager et d'aider les travailleurs à accepter les emplois disponibles et les employeurs,


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à assumer une plus grande part de responsabilité dans la création de ces emplois.

En mai dernier, le ministre a soumis une proposition aux provinces et aux territoires, leur offrant la responsabilité de mesures d'emploi effectif et de services du marché du travail financés à même la caisse de l'assurance-emploi. La proposition est assez souple pour que les programmes s'adaptent aux divers besoins et priorités de chaque province. Des négociations sont toujours en cours.

Bref, en tenant de vastes consultations, en protégeant les plus vulnérables et en offrant des programmes abordables qui satisfont au mieux les besoins de tous les Canadiens, notre gouvernement montre qu'il sait quoi faire pour regagner la confiance des Canadiens.

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, vendredi dernier, le ministre de l'Agriculture était à Regina pour rendre publique une nouvelle concernant la Commission canadienne du blé.

Avant l'annonce, j'ai entendu une rumeur selon laquelle le ministre songeait à soumettre la question de la commercialisation de l'orge à un plébiscite. Effectivement, le ministre a bien dit qu'il songeait à soumettre cette question à un plébiscite l'an prochain.

Je peux, aujourd'hui, obtenir une réponse à la question à laquelle le secrétaire parlementaire du ministre ne pouvait répondre alors.

Évidemment, le ministre n'a pas appelé sa consultation un plébiscite. Il a plutôt opté pour un terme plus neutre, soit sondage, mais cela revient au même. Cette façon de procéder est caractéristique du ministre, qui a passé le plus clair de son temps au Cabinet à tenter d'éviter de prendre des décisions. Et quand il le fait, il tente toujours de ménager la chèvre et le chou.

Dans le cas présent, il semble que son idée d'un plébiscite vise à apaiser les producteurs d'orge, notamment ceux de l'Alberta qui veulent un marché ouvert pour leurs produits.

Malheureusement, si le gouvernement libéral va de l'avant avec son plébiscite, il en résultera que l'incertitude sera maintenue quant à l'avenir de la Commission canadienne du blé. Si les résultats du plébiscite sont favorables à un marché ouvert à guichet unique, l'avenir à long terme de la Commission canadienne du blé ne sera pas garanti.

Le ministre, sachant que la vaste majorité des agriculteurs de l'Ouest sont en faveur d'une Commission canadienne du blé forte, voire améliorée, a choisi, à dessein, d'appuyer les intérêts individuels du commerce du grain au détriment des intérêts collectifs des agriculteurs des Prairies. De toute évidence, le plébiscite poursuivra le lent, mais résolu, travail de sape de la commission-dont le but est la disparition de la commission-amorcé au cours de la dernière législature par les conservateurs, qui ont alors enlevé l'avoine à la commission. Souvenez-vous qu'ils ont fait cela sans avoir reçu de mandat de la population.

(1840)

Au Canada, le gouvernement continue de démanteler l'office. Plus tôt cette année, c'était avec le groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest qui a parcouru le pays, maintenant c'est avec le débat sur le plébiscite et, sur la scène internationale, avec le débat entre fonctionnaires de l'Organisation mondiale du commerce.

On semble oublier dans le débat que le ministre de l'Agriculture ne défend pas les intérêts des agriculteurs. Il demande à ceux qui n'ont pas suffisamment de soutien technique ou financier de s'en prendre aux principaux acteurs dans le débat, soit les sociétés céréalières et le gouvernement de l'Alberta.

Si le ministre de l'Agriculture défendait réellement les intérêts des agriculteurs et s'il continuait d'insister sur la tenue d'un plébiscite, il envisagerait d'améliorer plutôt que de perturber le mandat de la Commission canadienne du blé.

D'excellents arguments penchent en faveur de l'accroissement des pouvoirs de la commission. On serait bien inspiré d'étudier la possibilité d'ajouter l'avoine, le seigle et le canola à son mandat. On devrait le faire.

Ce qui est probablement le plus troublant dans tout le processus, c'est que le ministre apporte des modifications majeures à la Loi sur la Commission canadienne du blé et propose la tenue d'un délicat plébiscite sans consulter les représentants élus par les producteurs au sein du comité consultatif de la commission.

Ces gens ont été élus par des agriculteurs pour défendre les intérêts des agriculteurs de toutes les prairies et pour conseiller le ministre sur les questions se rapportant à la Commission canadienne du blé.

Chaque membre de ce comité a étudié le fonctionnement de la commission ainsi que les recommandations du groupe consultatif sur la commercialisation du grain de l'Ouest en évaluant les répercussions de chacune sur sa propre région. Leur apport au processus devrait être inestimable, pourtant on n'a pas tenu compte de leur opinion.

Pis encore, on propose de remplacer ce comité consultatif par une commission provisoire composée de membres nommées. C'est ce qui se passera si le gouvernement adopte les modifications proposées au mode d'administration de la commission. Il est clair que le ministre a raté le coche.

M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je puis assurer au député que je n'étais pas ici vendredi et que je n'ai donc pas répondu à une question.

Le vendredi 4 octobre et de nouveau le lundi 7 octobre, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a donné un aperçu de la position de principe du gouvernement fédéral en réponse au

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débat très émotif qui a cours entre les agriculteurs de l'Ouest au sujet du système de commercialisation du grain de l'Ouest.

La position de principe du gouvernement repose sur les points forts reconnus du système de commercialisation du blé et de l'orge de l'Ouest, mais vise également à moderniser la structure de direction de la Commission canadienne du blé, à accroître l'obligation de rendre des comptes, à établir de nouvelles installations d'exploitation pour accélérer les mouvements de capitaux vers les agriculteurs et à leur céder un pouvoir décisionnel étendu.

Parmi les mesures prévues, une question claire concernent leurs préférences en matière de commercialisation de l'orge sera soumise au vote des agriculteurs cet hiver. Cela est tout à fait conforme aux positions de principe de nombreuses organisations agricoles de l'Ouest.

De façon générale, les projets du gouvernement concernant l'épineuse question de la commercialisation du grain et d'autres questions connexes ont été élaborés à la suite des consultations les plus approfondies de l'histoire de l'industrie du grain de l'Ouest.

Le processus de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest a joué un rôle important depuis le début. À part cela, le comité consultatif de la Commission canadienne du blé a fait connaître ses positions très clairement, tout comme quelque 12 000 autres agriculteurs qui ont participé aux consultations.

Le processus n'en est encore qu'à ses débuts, mais nous sommes heureux de constater qu'un bon nombre d'organisations agricoles ont réagi favorablement aux mesures que nous proposons, notamment le Prairie Pools Inc., Keystone Agricultural Producers du Manitoba et l'organisation Wild Rose de l'Alberta.

La Commission canadienne du blé a aussi réagi de façon très constructive. Des éditoriaux très encourageants ont paru dans le Free Press de Winnipeg, le Leader Post de Regina, le Star Phoenix de Saskatoon et le Herald de Calgary. Tout cela me semble indiquer un bon départ.

[Français]

L'IMMIGRATION

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, le 27 mai dernier, je posais une question à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration à propos du nombre élevé et croissant de revendicateurs du statut de réfugié qui arrivent au Québec. C'est ainsi qu'en 1995 plus de 12 000 demandes sur un total canadien de 26 000 ont été référées à la CISR de Montréal. Pour la première fois, le nombre de demandeurs d'asile ayant atterri à Montréal a été supérieur à celui de Toronto.

(1845)

J'ai également demandé à la ministre si son gouvernement était prêt à partager les frais associés à la couverture sociale offerte aux demandeurs d'asile.

Enfin et heureusement, la ministre et son homologue québécois se sont rencontrés le 6 septembre dernier et ont convenu d'un certain nombre de mesures pour répondre aux préoccupations du Québec. C'est ainsi que les soins de santé offerts aux revendicateurs du statut de réfugié présents au Québec seront couverts par le programme fédéral de santé intérimaire, comme c'est le cas dans les autres provinces canadiennes. À compter du 1er novembre prochain, le gouvernement du Québec se retirera graduellement du financement des soins de santé. Cependant, le financement de l'assurance-maladie continuera à être couvert par le Québec jusqu'à l'échéance des cartes.

En même temps, le gouvernement québécois a réaffirmé son intention de maintenir une gamme de services permettant à ces personnes d'attendre, dans la sécurité et la dignité, la réponse à leur demande d'asile. Ainsi, elles demeurent admissibles à l'aide sociale et juridique, à l'hébergement temporaire ainsi qu'à la recherche d'un logement. Le Québec continue également à prendre en charge les enfants mineurs non accompagnés. Il assume les coûts de l'instruction primaire et secondaire, de même que des services de francisation à temps partiel. Pour l'année 1994-1995, les sommes déboursées pour ces services ont été de l'ordre de 125 millions de dollars.

De plus, le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration, M. André Boisclair, a exigé, et avec raison, du gouvernement fédéral qu'il s'engage à traiter plus efficacement et rapidement les demandes d'asile effectuées au Québec.

À plusieurs reprises, j'ai dénoncé les trop longs délais pour l'audition des demandes à la CISR, particulièrement lorsqu'il s'agit d'un appel. C'est inacceptable que l'on doive attendre un an pour avoir une audition, et parfois des années pour rendre une décision finale.

Il faut que les commissaires de la CISR rendent rapidement leurs décisions pour que les réfugiés acceptés aient accès immédiatement à tous les programmes et à toutes les mesures de protection.

Des économies et des arrangements entre Ottawa et Québec sont les bienvenus. Cependant, il ne faut jamais oublier les obligations internationales du Canada, signataire de la Convention de Genève sur les réfugiés. Il faut réaffirmer constamment notre profond attachement au principe humanitaire de protection des personnes persécutées et en détresse. Quant à moi, je suis très fier du sentiment et de la tradition d'ouverture et de solidarité des Québécois.

[Traduction]

M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je dois avouer que je ne comprends pas très bien ce que le député de Bourassa veut suggérer par là. Veut-il que nous empêchions les réfugiés de venir à Montréal? Veut-il que nous fermions nos portes aux réfugiés de bonne foi? Veut-il que, en quelque sorte, nous intervenions et veillons à ce qu'une plus grande proportion de réfugiés se voient refuser l'admission à Montréal? J'espère que non. Nous ne sommes certainement pas prêts à faire ça, et les Canadiens ne veulent pas une chose pareille.

Le député a laissé entendre que Montréal accueille un nombre excessivement élevé de réfugiés. Il est vrai qu'un grand nombre de réfugiés arrivent dans cette ville. C'est un fait qui ne devrait surprendre personne. Montréal est un important port d'entrée international et est très près d'autres grands ports d'entrée comme New York.

5282

Je serais surpris que des réfugiés ne cherchent pas refuge à Montréal. Nous ne devons pas oublier toutefois que d'autres ports d'entrée internationaux comme Toronto et Vancouver attirent également un très grand nombre de réfugiés. Dans beaucoup de cas, c'est une question de géographie. Nous ne devons pas oublier que la plupart des réfugiés ne peuvent pas se payer le luxe de choisir leur destination. Les gens qui fuient la persécution vont où ils peuvent.

Nous avons une obligation internationale d'examiner les revendications du statut de réfugié sur notre territoire et nous remplissons nos obligations. Nous sommes de bons citoyens du monde qui prenons nos responsabilités au sérieux.

Le député a suggéré à la Chambre que nous devrions travailler en plus étroite collaboration avec le gouvernement du Québec en ce qui concerne ces questions. Nous sommes d'accord, et c'est ce que nous faisons. Notre politique concernant les réfugiés est formulée en consultation avec différentes parties intéressées, dont les provinces.

L'immigration internationale est une question qui nous touche tous et que nous devons régler ensemble. C'est bien sûr en ayant cela à l'esprit que la ministre a rencontré son homologue du Québec, M. André Boisclair, le 6 septembre. Lors de cette rencontre, on a confirmé que, à partir du 1er novembre prochain, le gouvernement du Canada, dans le cadre du programme provisoire de santé, assumerait les frais médicaux des revendicateurs du statut de réfugié qui vivent au Québec en attendant une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Comme dans les autres provinces, au Québec, c'est le gouvernement provincial et non le gouvernement fédéral qui décide quels services sont accessibles aux revendicateurs du statut de réfugié.

Lors de cette réunion, le ministre Boisclair a aussi obtenu l'assurance qu'on avait déjà mis en oeuvre des mesures pour accélérer le traitement des revendications par la Commission, ou qu'on était en voie de les mettre en oeuvre, par exemple la nomination de nouveaux membres. Depuis que le ministre Boisclair est à son poste, plus de 60 p. 100 des nouveaux membres de la Commission ont été affectés au bureau régional de Montréal.

Actuellement, les deux gouvernements travaillent ensemble, dans un esprit de coopération. Nos équipes respectives restent en contact étroit dans le but d'assurer un meilleur échange d'informations et une plus grande compréhension des politiques qui touchent les revendicateurs du statut de réfugié.

La ministre est heureuse que, contrairement au député, le ministre Boisclair ait manifesté un appui ferme à la proposition d'accord entre le Canada et les États-Unis concernant les réfugiés.

Le Canada a un système juste et équitable pour le traitement des réfugiés. C'est l'un des meilleurs du monde. Il n'est pas parfait. Aucun système n'est parfait. Nous tâchons constamment de l'améliorer pour éliminer les personnes, peu nombreuses d'ailleurs, qui nuisent à son efficacité en abusant de ses largesses, mais nous ne devons jamais oublier que la majorité de ceux qui demandent la protection du Canada ont vraiment besoin de protection. Allons-nous leur fermer nos frontières? Bien sûr que non.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): La motion portant que la Chambre s'ajourne est maintenant réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain à 14 heures, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 50.)