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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 31 octobre 1996

AFFAIRES COURANTES

DÉPÔT DE DOCUMENTS

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LE RÔLE DE L'ÉTAT

LES DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

LOI SUR L'INSPECTION DU POISSON

    Projet de loi C-64. Adoption des motions de présentation etde première lecture 5919

LOI SUR LA PROTECTION DES ESPÈCES EN PÉRIL AU CANADA

    Projet de loi C-65. Adoption des motions de présentation etde première lecture 5919

PÉTITIONS

L'INDIVISIBILITÉ DU CANADA

LE SÉNAT

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LES PROGRAMMES DE COMMERCIALISATION AGRICOLE

    Projet de loi C-34. Reprise de l'étude à l'étape du rapportainsi que des motions du groupe no 1 5920
    M. Hill (Prince George-Peace River) 5920
    M. Chrétien (Frontenac) 5921
    Report du vote sur la motion 5925

LOI SUR LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS (MESURES CORRECTIVESET DISCIPLINAIRES)

    Projet de loi C-49. Reprise de l'étude de la motion deseconde lecture ainsi que de l'amendement 5925

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Proposition et adoption de la motion 5929

LOI SUR LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS (MESURES CORRECTIVESET DISCIPLINAIRES)

    Reprise de l'étude en deuxième lecture 5929
    M. Leblanc (Longueuil) 5929
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 5932

AFFAIRES COURANTES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

FINANCES

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS (MESURES CORRECTIVESET DISCIPLINAIRES)

    Projet de loi C-49. Reprise de l'étude de la motion dedeuxième lecture et de l'amendement 5938
    M. Breitkreuz (Yellowhead) 5940
    Report du vote sur l'amendement 5942

LOI SUR LES TECHNIQUES DE REPRODUCTION HUMAINE ET DEMANIPULATION GÉNÉTIQUE

    Projet de loi C-47. Reprise de l'étude en deuxièmelecture 5942
    Mme Gagnon (Québec) 5942
    M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) 5948

QUESTION DE PRIVILÈGE

LES COMPTES DE DÉPENSES

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

L'ÉCOLE À CLASSE UNIQUE

WEBBCO WEST INDUSTRIES INC.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LES SOINS DE SANTÉ

LE CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS

ENTREPRENEUR DE L'ANNÉE POUR LA RÉGION DE L'ATLANTIQUE

LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT

LA MÉNOPAUSE

LES POLITIQUES DU GOUVERNEMENT LIBÉRAL

    M. Breitkreuz (Yellowhead) 5951

LA IXE RENCONTRE INTERNATIONALE DES FLOTTEURS ET DES RADELIERS

LE DÉCÈS DE MERVIN GOODEAGLE

LA JOURNÉE PARLEMENTAIRE DES FRÈRES ET SOEURS

LA COMPÉTITION INTERNATIONALE DE PILOTES DE CHASSE

LE ZAÏRE

LE CANCER DU SEIN

LES FIDUCIES FAMILIALES

LES POLITIQUES DU GOUVERNEMENT

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

QUESTIONS ORALES

L'ÉTHIQUE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5954
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5954
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5954

L'ÉTHIQUE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5955
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5956
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 5956

L'ASSURANCE-EMPLOI

LES SOINS DE SANTÉ

L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE

LES SOINS DE SANTÉ

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 5958
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 5958

LES FIDUCIES FAMILIALES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 5958
    M. Martin (LaSalle-Émard) 5958

L'UKRAINE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 5959

BOMBARDIER

LES EX-TRAVAILLEURS DE LA COMPAGNIE SINGER

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 5960
    M. Martin (LaSalle-Émard) 5960

LES ESPÈCES EN PÉRIL

L'IMMIGRATION

LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE REPRODUCTION

LES ESPÈCES EN PÉRIL

LE MULTICULTURALISME

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

LA SEMAINE DES ANCIENS COMBATTANTS

    M. Leroux (Shefford) 5963

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

LA MOTION M-221

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES TECHNIQUES DE REPRODUCTION HUMAINEET DE MANIPULATION GÉNÉTIQUE

    Projet de loi C-47. Reprise de l'étude de la motion dedeuxième lecture 5965
    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 5968
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 5974
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 5977

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI SUR L'IMPORTATION AU CANADA DE DÉCHETS RADIOACTIFS

    Projet de loi C-236. Reprise de l'étude de la motion dedeuxième lecture 5983
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 5988

5917


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 31 octobre 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

DÉPÔT DE DOCUMENTS

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un rapport intitulé Repenser le rôle de l'État: améliorer la mesure des résultats et de la responsabilisation, rapport annuel au Parlement par le président du Conseil du Trésor.

Madame la Présidente, j'ai l'honneur aussi de déposer 16 rapports pilotes sur le rendement.

* * *

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Ovid L. Jackson (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 15 pétitions.

* * *

[Français]

LE RÔLE DE L'ÉTAT

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Madame la Présidente, messieurs les députés, mesdames et messieurs, j'ai l'honneur de déposer aujourd'hui le rapport intitulé Repenser le rôle de l'État: améliorer la mesure des résultats et la responsabilisation. Il s'agit là du deuxième rapport annuel du président du Conseil du Trésor. C'est un rapport qui se concentre sur les résultats, le rendement et la responsabilisation.

Mon rapport ne se contente pas d'énumérer les examens clés et leurs objectifs, mais montre également ce que les Canadiens sont en droit d'attendre de leurs impôts.

[Traduction]

Ce rapport fait état des attentes de seize ministères et organismes gouvernementaux à l'endroit de leurs activités. Nous avons conçu une mise en page qui facilite la consultation. Notre nouvelle approche découle directement des décisions de l'Examen des programmes et des plans d'activités des ministères. C'est la première fois que le gouvernement regroupe tous ces renseignements dans un seul document.

Je dépose également aujourd'hui seize rapports ministériels sur le rendement. Ces documents «pilotes» témoignent de notre nouvelle façon de faire axée sur les résultats dans la gestion de la chose publique. Ils permettront aux Canadiens de constater les objectifs de chaque ministère et organisme de même que les progrès accomplis dans l'atteinte de ces objectifs.

Les ministères et organismes fédéraux doivent désormais satisfaire à trois exigences: d'abord, préciser et communiquer les résultats visés; ensuite, améliorer la mesure de ces résultats; et enfin, améliorer la manière dont ils font rapport au Parlement.

[Français]

Les documents que je dépose aujourd'hui montrent que nous respectons nos engagements d'améliorer constamment l'information que nous communiquons au Parlement et à tous les Canadiens de manière ouverte et transparente. Une information pertinente au moment opportun permettra au Parlement de mieux accomplir son travail. L'amélioration de la qualité de l'information assurera que les discussions et les débats sont plus éclairés au sein du gouvernement, de la Chambre et de la population. La qualité de ces débats conduira en retour à des décisions plus éclairées, à une responsabilisation accrue et, en fin de compte, à un meilleur gouvernement.

Je désire ici souligner le travail infatigable du député de Saint-Boniface qui a joué un rôle de premier plan auprès des parlementaires dans la définition de leurs besoins d'information touchant la gestion des dépenses. Grâce à son aide, nous avons produit des documents plus concis, plus clairs et axés sur les résultats.

Ces rapports représenteront une étape importante dans le processus de planification du prochain exercice financier.

[Traduction]

Si les documents pilotes sont conformes à nos attentes, nous comptons demander l'autorisation de la Chambre pour que tous les ministères et organismes déposent des rapports distincts sur la planification, au printemps, et sur le rendement, à l'automne.


5918

Je pense que les efforts des membres du gouvernement pour évaluer objectivement la réalisation de leurs engagements ministériels vous encouragera.

Centrer notre attention sur les résultats et faire la preuve de nos réalisations représentent un pas important dans nos efforts pour repenser le rôle de l'État.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Madame la Présidente, j'inviterais le ministre à poursuivre dans la voie qu'il a empruntée au niveau d'une plus grande imputabilité et une plus grande transparence dans l'administration des affaires publiques. Je l'inviterais surtout à faire en sorte que les députés et les ministres soient aussi liés par un devoir d'imputabilité et de transparence.

(1010)

Je l'inviterais aussi en même temps à réaliser les promesses faites par le gouvernement libéral quant à la revitalisation de la démocratie. On a trop souvent l'impression dans la fonction publique, dans l'administration fédérale depuis trois ans, que ce sont les grands mandarins qui mènent souvent les ministres et ce sont les ministres qui se laissent mener par ces grands mandarins.

Revitalisation de la démocratie, comme les libéraux l'ont si bien présenté durant la dernière campagne électorale, cela veut dire plus de transparence dans le travail des comités, ce qui n'a pas été le cas dans le dossier des fiducies familiales, notamment celle de deux milliards qui a été transférée aux États-Unis, où il y a eu absence totale de transparence. Il y a eu un exercice de camouflage systématique. Je pense qu'il y a beaucoup de travail à faire de ce côté-là.

Quand on parle de revitalisation de la démocratie, de l'imputabilité de transparence aussi, on parle de toute la question du financement des partis politiques. Là encore, nous pouvons nous vanter d'avoir une structure de financement populaire. Mais encore une fois, les grands partis fédéraux n'ont pas cette structure de financement populaire.

J'inviterais donc le ministre à poursuivre dans la même veine qu'il a entreprise en faisant en sorte que l'imputabilité, la transparence et, entre autres, la revitalisation de la démocratie soient des choses concrétisées, que ce ne soit pas uniquement des promesses en l'air.

[Traduction]

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Madame la Présidente, le travail décrit par le ministre découle des recommandations du sixième rapport du Comité permanent des comptes publics déposé en mars 1994.

Il ne fait pas de doute que le président du Conseil du Trésor a pris très au sérieux sa responsabilité de faire rapport au Parlement. Nous avons maintenant plusieurs documents détaillés du Conseil du Trésor, soit le Budget des dépenses principal, le rapport annuel et ces nouveaux rapports sur le rendement.

Il incombe maintenant aux parlementaires de faire leur travail et d'examiner ces documents pour voir ce qui manque et ce qui peut être amélioré. Le Secrétariat du Conseil du Trésor, à l'instar du Comité des comptes publics et du vérificateur général, a reconnu la nécessité d'améliorer les méthodes de mesure des résultats et d'accroître l'imputabilité dans le secteur public.

J'applaudis à cette admission, mais, après avoir examiné les documents, je constate qu'il reste encore beaucoup à faire. Après examen des rapports, il faut répondre aux deux questions suivantes: Avons-nous amélioré le système? Ces rapports nous aideront-ils à examiner les orientations du gouvernement et à les améliorer? Je ne pense pas que l'on ait répondu à ces deux questions.

L'an dernier, le Conseil du Trésor a examiné 19 priorités ou programmes clés du gouvernement. Je ne conteste pas que ces 19 priorités ont toutes fait l'objet d'un examen. Nombre d'entre elles ont été examinées par des comités permanents ou spéciaux. Après l'examen, avons-nous pris les mesures nécessaires pour améliorer les programmes ou modifier la prestation des services? Laissez-moi vous donner quatre exemples.

L'an dernier, le Conseil du Trésor a dit que le gouvernement avait examiné la TPS, les fiducies familiales, le programme d'infrastructures et la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. Qu'est-il arrivé par suite de cette étude? En ce qui concerne la TPS, le gouvernement a amorcé l'harmonisation avec quatre provinces, mais n'a pas aboli la taxe. La solution consiste à cacher la TPS dans le prix, ce qui n'est pas une solution bien créative.

On a bien examiné les fiducies familiales, mais cette échappatoire est restée béante. En ce qui a trait au programme d'infrastructures, 85 000 $ par emploi ont été dépensés, mais le taux de chômage est encore de 9,9 p. 100. Chez les jeunes, le taux de chômage est encore le double de la moyenne nationale. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler une solution bien créative.

Qu'avons-nous appris au sujet de ant à la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique? La situation est aussi mauvaise, voire pire. Même ceux qui ont bénéficié de la stratégie en sont très insatisfaits, et les pêches du Pacifique sont dans une situation encore lamentable.

Je ne crois pas que nous ayons fait de progrès au sujet de ces programmes. L'examen a été intéressant, mais les résultats n'ont démontré aucune amélioration dans le processus décisionnel du gouvernement. Mais comprenez-moi bien. Je peux bien croire que l'on ne puisse pas changer radicalement les choses du jour au lendemain. Cependant, une des qualités essentielles d'une organisation gouvernementale efficace, c'est la recherche du rendement optimal, c'est le refus de se contenter d'une deuxième place.

Dans l'examen de la TPS, des fiducies familiales, du programme d'infrastructure et de la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, il n'y a pas de descriptions du rendement optimal. Nous n'avons aucun point de repère pour nous dire si les programmes ont un bon rendement ou s'ils atteignent leurs buts. Je précise ma pensée au moyen d'un exemple plus concret.

L'un des défauts que l'on reproche aux institutions publiques, c'est de ne pas produire de données tangibles. Pourtant, dans quelques cas, ce n'est pas exact. Le mois dernier, le vérificateur général a produit un rapport sur la qualité du service dans la fonction


5919

publique. Il a constaté que 30 millions d'appels téléphoniques dirigés vers les ministères restaient sans réponse, dont 20 millions à Revenu Canada seulement. Je prends ce chiffre comme étant une donnée bien tangible. Revenu Canada est, dans une large mesure, un ministère de service. C'est le ministère des Finances qui établit l'essentiel de notre politique fiscale.

(1015)

On constate que le problème est souligné dans le rapport de rendement présenté par Revenu Canada. C'est un début. Cependant, aucun plan concret n'a été élaboré pour régler ce problème. Aucun point de repère n'est donné au Parlement pour aider les parlementaires à évaluer le succès ou l'échec des mesures correctives.

Revenu Canada dit savoir que des clients ont de la difficulté à obtenir des services par téléphone. La première étape consiste à s'attaquer au problème, ce qui a été fait. Mais quels progrès sont enregistrés? Où sont les améliorations? Le ministère continue d'étudier des améliorations à apporter à ses systèmes téléphoniques.

Les explications données ne feraient pas long feu à une réunion de conseil d'administration. Le P.D.G. poserait des questions sur les objectifs, les plans et les alternatives. Encore une fois, le Parti réformiste a demandé au gouvernement de préciser ses objectifs. Sommes-nous en train d'essayer d'améliorer nos programmes ou d'enterrer nos problèmes sous les explications?

* * *

LES DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 34 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, un rapport de la section canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth concernant la 42e Conférence parlementaire du Commonwealth, qui a eu lieu à Kuala Lumpur, en Malaysia, du 17 au 24 août 1996.

* * *

LOI SUR L'INSPECTION DU POISSON

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-64, Loi sur l'inspection du poisson et des plantes marines.

-Madame la Présidente, conformément au paragraphe 73(1) du Règlement, je désire informer la Chambre que le gouvernement a l'intention de renvoyer ce projet de loi à un comité avant la deuxième lecture.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

LOI SUR LA PROTECTION DES ESPÈCES EN PÉRIL AU CANADA

L'hon. Sergio Marchi (ministre de l'Environnement, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-65, Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada.

-Madame la Présidente, je suis très heureux de présenter pour la première fois, au nom du gouvernement du Canada, une mesure législative fédérale visant à promouvoir et à protéger les espèces en péril d'un bout à l'autre de notre pays.

Comme mon collègue, le ministre des Pêches et des Océans, je désire informer la Chambre que nous avons également l'intention, conformément à la même disposition du Règlement, de renvoyer ce projet de loi à un comité avant la deuxième lecture.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

(1020)

[Français]

PÉTITIONS

L'INDIVISIBILITÉ DU CANADA

L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre des communes une pétition qui déclare que le Canada est indivisible et que les frontières du Canada et de ses provinces et territoires, ainsi que ses eaux territoriales, ne peuvent être modifiées, que ce soit par tous les citoyens canadiens en vertu de leur droit de vote, tel que garanti par la Charte canadienne des droits et libertés, ou par le mode de révision, tel que stipulé par la Constitution canadienne.

Cette pétition est signée par les citoyens qui demeurent à Saint-Laurent, à Montréal, à Dorval, à Pointe-Claire, à Lachine, à Toronto, à Pierrefonds et autres endroits dans la province du Québec et la province de l'Ontario.

LE SÉNAT

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, il me fait grand plaisir de déposer une pétition signée par 860 pétitionnaires, citoyennes et citoyens de la région de l'Outaouais, du comté fédéral de Verchères et de la grande région de Montréal.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'entamer des mesures visant à abolir le Sénat, et ils fondent leur demande sur un certain nombre d'arguments que je vais me permettre de vous indiquer. Tout d'abord parce que le Sénat est composé de non-élus qui n'ont pas à rendre compte de leur action; parce que le budget d'opération du Sénat est de 43 millions de dollars annuellement; parce que le Sénat refuse de répondre de ses crédits aux comités de la Chambre des communes; parce que le Sénat ne remplit pas son mandat de représentation régionale; parce que le Sénat dédouble les travaux faits par les députés à la Chambre des communes.

5920

Compte tenu de la nécessité d'adopter des institutions parlementaires modernes et compte tenu également de la motion qui est actuellement débattue par cette Chambre et sur laquelle la Chambre sera appelée à se prononcer la semaine prochaine, je répète que les pétitionnaires demandent l'abolition du Sénat.

* * *

[Traduction]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Ovid L. Jackson (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Madame la Présidente, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): D'accord?

Des voix: D'accord.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Je désire informer la Chambre qu'en raison de la déclaration ministérielle, les ordres émanant du gouvernement seront prolongés de 11 minutes.

______________________________________________


5920

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LES PROGRAMMES DE COMMERCIALISATION AGRICOLE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 30 octobre, du projet de loi C-34, Loi constituant des programmes de commercialisation des produits agricoles, abrogeant la Loi sur l'Office des produits agricoles, la Loi sur la vente coopérative des produits agricoles, la Loi sur le paiement anticipé des récoltes et la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies et modifiant certaines autres lois en conséquence, dont le comité a fait rapport avec des propositions d'amendement, ainsi que des motions du groupe no 1.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-34 et de pouvoir parler brièvement de l'état du secteur agricole au Canada.

D'abord, je voudrais mentionner le projet de loi C-34. Il comporte des objectifs admirables, à savoir rationaliser, clarifier, moderniser et regrouper. Cette terminologie de la gestion moderne est plutôt séduisante, mais elle n'empêche pas la dette et les impôts d'augmenter et la qualité des services de diminuer.

Ce projet de loi vise à combiner quatre lois et un programme agricole en une seule loi plus concise. Je suis tout à fait en faveur de la réduction des coûts d'administration et des complications bureaucratique. Dès sa création, le Parti réformiste a pris position fermement en faveur de la réduction de la bureaucratie à tous les échelons.

Je suis également en faveur d'une démocratisation accrue du Parlement, mais le projet de loi C-34 illustre comment les libéraux, malgré la promesse du livre rouge de permettre à tous les députés de participer davantage à la rédaction des projets de loi, continuent de les adopter à toute vapeur sans consulter adéquatement la population canadienne et ses représentants élus à la Chambre des communes.

Tous les amendements au projet de loi C-34 proposés par les réformistes ont été rejetés par le comité de l'agriculture, qui est dominé par les libéraux. J'ose espérer que nos propositions d'amendement auront plus de chance à la Chambre, mais je ne parierais pas là-dessus.

(1025)

En fait, les agriculteurs qui suivent le débat actuel ne sont probablement pas très intéressés par le projet de loi C-34. Ceux de ma circonscription, Prince George-Peace River, essaient tant bien que mal d'engranger leurs récoltes. C'est déjà l'hiver là-bas. J'étais à la maison en fin de semaine dernière et j'ai constaté que la situation est à tout le moins désastreuse.

J'ai parlé aux représentants de l'assurance-récolte dans ma ville natale, Fort St. John, et ils m'ont dit qu'en Colombie-Britannique, dans la région de Peace River, les agriculteurs ont probablement récolté en moyenne environ 25 p. 100 de leurs récoltes. Les chiffres peuvent varier d'une région à l'autre.

La semaine dernière, je me suis rendu dans une petite localité agricole, Buick Creek, située au nord de Fort St. John. Les agriculteurs là-bas me disaient qu'ils avaient à peine pu sortir leurs tracteurs. Le terrain n'est qu'un bourbier et ils ont de la chance lorsqu'il peuvent ramener un chargement ou deux. Moins de 10 p. 100 de la récolte a été moissonnée dans la région. La situation ne semble pas brillante.

Quand j'ai parlé aux représentants du ministère de l'Agriculture, à Bill Greenhalgh, des services provinciaux d'assurance-récolte, pour être précis, il m'a dit que seuls 21 p. 100 de la récolte de cette années sont couverts par l'assurance-récolte. Ça représente environ 80 000 acres sur à peu près 384 000.

Je demande instamment au ministre fédéral de l'Agriculture de faire une tournée de la région de Peace, en Colombie-Britannique, en compagnie de son homologue provincial. Il devrait voir dans quel état est la récolte. Je ne saurais trop insister là-dessus. Il devrait aller là-bas rencontrer les groupements professionnels agricoles et parler aux gens concernés.

J'ai consulté mon collègue de la circonscription albertaine de Peace River et je sais que la situation là-bas n'est pas bonne non plus. La frontière entre les provinces ne fait aucune différence quand il s'agit du temps. La moisson est un petit peu plus avancée dans les régions de Grande Prairie et de Peace River, encore que dans la région de Peace River, il y a des poches où les agriculteurs n'ont pu pratiquement rien moissonner de la récolte. Cette année, Noël va être très triste pour un grand nombre de familles agricoles de la région de Peace River.

Les agriculteurs avaient de l'espoir vu la remontée des cours du grain ces quelques dernières années et le montant des précipitations enregistré cet été. Il semblait que la récolte allait être bonne.


5921

Toutefois, les pluies ont persisté durant la saison de la récolte, transformant les champs en bourbiers. Dans certains coins, les agriculteurs n'ont pas pu sortir leur équipement. Les conditions ne se prêtaient absolument pas à faire la récolte. Ils ont de la chance s'ils ont peut sortir leur moissonneuse-batteuse un jour sur dix.

Les agriculteurs doivent payer un prix terrible pour moissonner le peu de récoltes qu'ils ont. Il leur faudra des années avant de connaître le coût réel des dommages qu'ont subis leur matériel et leurs terres. J'insiste de nouveau sur le fait que les représentants du gouvernement devraient se rendre en personne dans la région de Peace River pour constater d'eux-mêmes la situation.

Le deuxième point que je veux soulever au nom des agriculteurs de notre région, c'est que j'ai écrit à l'ancien ministre des Transports, il y a près d'un an, au sujet du coût du transport ferroviaire. Il y a deux ports accessibles par train pour les agriculteurs de la région, Vancouver et Prince Rupert.

Le port de Prince Rupert est extrêmement sous-utilisé, même si ses installations sont supérieures à celles du port de Vancouver. Il est libre de glaces 12 mois par année et sa capacité de mouillage est plus grande. Cela signifie qu'un navire peut être chargé complètement à l'emplacement du terminal céréalier, tandis que, à Vancouver, il faut charger partiellement un navire à un terminal et l'amener à un autre terminal pour finir le chargement, à cause d'une profondeur insuffisante. Mieux encore, il faut une journée et demie de moins pour franchir la distance qui sépare Prince Rupert des marchés du grain dans les pays du Pacifique.

(1030)

Finalement, j'ai reçu au printemps dernier une réponse de l'actuel ministre des Transports qui traitait de la différence de coût du transport ferroviaire vers Prince Rupert et vers Vancouver. Dans cette lettre, le ministre me dit que le problème des tarifs ferroviaires est une question commerciale entre les parties en cause, soit les transporteurs maritimes et les deux compagnies de chemin de fer, et que la politique du gouvernement est de ne pas intervenir dans de telles décisions d'affaires.

Un mois plus tard, à la suite de protestations soutenues, le ministre des Transports a finalement reconnu la gravité de la situation et a créé le groupe de travail sur le corridor de transport dans le Nord-Ouest. Paradoxalement, ce groupe ne s'est décidé à tenir des audiences dans la région de Peace River que sur l'insistance du maire de Dawson Creek et de moi-même. Deux audiences sont prévues pour le début du mois prochain à Fort St. John et à Dawson Creek pour entendre les vues des agriculteurs locaux sur le corridor de transport dans le Nord-Ouest.

Le fond du problème vient de la différence entre les tarifs ferroviaires. D'après ce qu'on m'a dit, malgré les récents changements, il coûte encore 3,81 $ plus cher la tonne pour expédier des céréales à Prince Rupert par rapport à Vancouver, même si la distance est à peu près la même. La différence était de 8,08 $ auparavant, à cause des frais de manoeuvres interréseaux que B.C. Rail devait payer pour transférer les wagons sur les rails du CN à Prince George. J'espère que cette question sera sérieusement examinée.

Durant le temps qu'il me reste, j'aimerais aborder brièvement une autre question, soit la pénurie de wagons dans la région de Peace River. Même si la récolte est maigre, nous n'avons pas assez de wagons pour expédier les céréales récoltées malgré tout. Les gens de mon bureau ont communiqué avec Mike Burton, un agent de Cargill aux élévateurs de Fort St. John; celui-ci a dit que, l'autre jour, on lui avait demandé 70 wagons et qu'il n'avait pu en fournir que 17.

Les agriculteurs de Peace River sont habitués à téter de l'arrière, pour employer une expression du terroir, étant donné qu'ils ne reçoivent pas du gouvernement les services et l'attention qu'ils méritent. Nous ne croyons pas que ce soit une bonne façon de les traiter et nous aimerions bien que le gouvernement accorde plus d'attention à la région de Peace River et aux besoins de ses agriculteurs.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Madame la Présidente, avant de débuter cette allocution portant sur la motion déposée par mon collègue de Kindersley-Lloydminster, j'aimerais commenter la confusion qui semblait régner dans l'entourage du député réformiste et qui somme toute reflète l'image bien réelle de son parti quant aux orientations à donner aux multiples changements législatifs dans le domaine agricole.

Il est décevant de constater l'hésitation et surtout les barrières idéologiques qui caractérisent l'apport, somme toute limité, du parti réformiste au débat de fond en cours dans le secteur agricole québécois et canadien bien sûr.

Enfin, passons aux choses sérieuses, soit le projet de loi C-34 lui-même. La motion dont nous débattons aujourd'hui, bien que transformée à plusieurs reprises depuis quelques jours, comporte des éléments législatifs à l'encontre du souci que se doit de porter le gouvernement à l'endroit des producteurs agricoles.

En effet, nous savons que le projet de loi C-34 consiste à élaborer des programmes de commercialisation des produits agricoles, ce qui implique des produits qu'on peut mettre en marché et dont les agriculteurs pourraient en retirer des bénéfices et les consommateurs payer un juste prix. Cela implique pour les agriculteurs des moyens plus efficaces de recouvrer les coûts liés à l'exploitation de leur ferme.

(1035)

L'amendement que propose mon collègue du troisième parti consiste à éliminer deux fondements de ce projet de loi. D'une part, l'abolition du rôle de l'État comme régularisateur du marché agricole qui consiste en l'article 31 du projet de loi et, d'autre part, l'impunité du refus de transmission de renseignements pouvant permettre une meilleure analyse visant à définir adéquatement les préceptes de l'article 31.

Cela me porte à croire que mon collègue tente de créer une forme de précédent par le biais du projet de loi C-34 afin d'en appliquer le principe dans le débat entourant la restructuration de la Commission canadienne du blé. Toutefois, j'aimerais informer mon collègue


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réformiste que la Commission canadienne du blé, de quelque façon que ce soit, ne peut être associée à ce type de modification législative en raison de ses statuts et de ses prérogatives. Dans cette optique, la motion du député réformiste vise à limiter le rôle important que joue le gouvernement dans la stabilisation des prix dans le domaine agricole.

Dans un cadre concret, cela permet au gouvernement de soutenir le prix d'un produit dans le cas d'une mauvaise récolte due au mauvais temps, par exemple, ou, à l'inverse, lors d'une moisson trop généreuse.

Afin de mieux illustrer la problématique, on pourrait se référer au cas du sirop d'érable lors de la récolte de 1988. En 1988, si vous avez une bonne mémoire, la récolte de sirop d'érable a dépassé toutes les espérances. Donc, les acériculteurs se sont ramassés sur les bras avec des barils de sirop de classe A1, AA même, et qu'on ne pouvait vendre même à un prix en deçà du prix qu'on qualifiait de base pour pouvoir couvrir au moins les frais de l'exploitation de l'érablière. Donc ici, dans le cas du sirop d'érable, le gouvernement avait décidé, justement pour soutenir les prix, d'acheter des producteurs le surplus de sirop d'érable afin d'éviter justement un affaissement des prix. On entreposait ces stocks de manière à les mettre en marché au moment d'une relative pénurie ou encore, l'année suivante ou dans deux ans, lorsque la récolte aurait été beaucoup moins généreuse. Cela explique donc la faible fluctuation du prix du sirop d'érable année après année. Voilà une règle de base en matière économique que semble ignorer mon collègue réformiste.

Pour poursuivre selon la même approche, la seconde partie de la motion du député réformiste tente d'appliquer une règle d'impunité à une action visant à limiter l'accès du gouvernement à des informations visant son rôle de stabilisateur des prix. Il est évident, et vous en conviendrez avec moi, que cette ligne de pensée est tout à fait inacceptable, puisqu'on annule les efforts de l'État pour faciliter les conditions de production des agriculteurs.

La logique de mon collègue devient encore plus défaillante lorsqu'on considère le haut niveau de confidentialité régissant ce type d'intervention gouvernementale. Personne n'a intérêt, dans un point de vue administratif, à connaître la situation individuelle de chacun, puisque l'idée maîtresse de ce projet de loi est d'intervenir pour le bien des exploitants agricoles dans une vision globale et collective des choses.

Avant de conclure, j'aimerais rappeler que les députés du Bloc québécois étaient et continuent d'être en accord avec le principe général du projet de loi C-34. Toutefois, nous nous opposons avec virulence à l'amendement que propose le député de Kindersley-Lloydminster. Notre souci à l'endroit des agriculteurs en raison du rôle qui leur incombe est trop grand pour risquer une diminution des standards d'opération de leur industrie.

(1040)

Sur ce, je termine en invitant même les députés du Parti réformiste, peut-être à revoir leur opinion et leur situation de base, et pour le bien des consommateurs, et pour aussi le bien des producteurs agricoles.

Dans le cas d'une très mauvaise récolte, les prix pourraient augmenter indûment et encore éliminer un certain nombre d'agriculteurs. Dans trois ans, dans quatre ans, dans cinq ans on pourrait soit manquer d'agriculteurs ou encore que les prix resteraient anormalement élevés.

Pour le bien de l'ensemble de la population, des agriculteurs, des consommateurs et des transformateurs, bien sûr, il est avantageux d'appuyer l'essence du projet de loi C-34 et de voter contre les deux amendements de mon collègue réformiste.

M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Madame la Présidente, vous m'avez joué un petit tour parce que vous m'aviez dit qu'il y avait un réformiste qui devait parler avant moi. J'avais donc dix minutes pour me préparer mais il n'y a pas de problème, je vais quand même faire mon discours.

Comme vous le savez, le comté de Lotbinière, que j'ai l'insigne honneur de représenter, est l'une des plus grandes circonscriptions agricoles du Québec. C'est donc avec un grand intérêt et devoir que je m'adresse à vous aujourd'hui, madame la Présidente et chers collègues, sur le projet de loi C-34, intitulé Loi sur les programmes de commercialisation agricole.

Tout d'abord, je suis heureux de constater que le projet déposé vise à fusionner quatre lois existantes et à faciliter ainsi la commercialisation des produits agricoles.

Ce projet de loi touche la Loi sur le paiement anticipé des récoltes, la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies, la Loi sur la vente coopérative des produits agricoles, la Loi sur l'Office des produits agricoles. En plus, ce projet de loi C-34 regroupe le programme d'accroissement des liquidités.

Si mon parti, le Bloc québécois, est en faveur en général des objectifs du projet de loi C-34, c'est que celui-ci est essentiellement conforme à ce que l'industrie demande et apparaît plus conforme aux valeurs et aux modèles de développement agricole que nous avons dans la province de Québec.

Néanmoins, je me permets de relever une incohérence importante en matière d'imputation budgétaire. Si les articles 25 et 30 sont d'ordre financier, pour ces deux articles le gouvernement espère pouvoir verser de l'argent aux agriculteurs dans le cadre du programme des paiements anticipés et dans le cadre de la mise en commun.

On a appris que les fonds prévus au programme des paiements anticipés seraient de 40 millions de dollars par année, et ce pour une période de trois ans. Si l'on fait le calcul, on devrait avoir 120 millions de dollars après ces trois ans. Là où ça fait terriblement mal, c'est quand Agriculture Canada et Agroalimentaire vont puiser dans les fonds pour les programmes de la commercialisation à même l'enveloppe budgétaire réservée au programme de protection du revenu.

Ce transfert, que dis-je, ce détournement de fonds de l'enveloppe vient amputer d'autant les montants disponibles pour les agriculteurs dans ce dernier domaine. En agissant de la sorte, le fédéral viendra malheureusement et encore une fois réduire davantage la part du Québec.

Ne vous en déplaise, la part du Québec, dans les programmes de protection du revenu pour les agriculteurs, est déjà, oui déjà, inférieure à ce que la province est en mesure d'exiger et d'obtenir, compte tenu du poids relatif de l'agriculture pour la belle province.

(1045)

On aurait tendance à croire que l'histoire se répète: le Québec est toujours plus fortement pénalisé en bout de ligne. Ce n'est pas nouveau que le Québec ne reçoive pas ce qui lui revient en tenant compte de sa population.


5923

Souvenez-vous des interventions de mon collègue et député de Laurier-Sainte-Marie, la semaine dernière en cette Chambre, lequel a énuméré quelques domaines où le Québec ne recevait pas ce qui lui était dû.

Souvenez-vous du dossier du fromage au lait cru, où plus de 50 p. 100 de tous les producteurs étaient du Québec. Quand on veut l'interdire, ça peut avoir un très grand impact pour les producteurs québécois. En fait, ce que je veux souligner ici, c'est que souvent, quand le gouvernement pose des gestes, comme dans le dossier du fromage au lait cru et dans d'autres, il désavantage les Québécois et les Québécoises.

Pour en revenir au projet de loi sur la commercialisation, il faut faire ou plutôt exiger que l'on soustraie le budget dévolu au programme de paiements anticipés du budget des programmes de protection du revenu. Je crois que c'est là l'irritant majeur pour les producteurs agricoles du Québec.

Après cela, les agricultrices et les agriculteurs de ma circonscription, comme ceux du Québec, auront eu justice, à tout le moins, dans ce programme.

L'enveloppe budgétaire des programmes de protection du revenu pour 1997-1998 d'Agriculture et Agroalimentaire Canada est de 600 millions de dollars. Il s'agit d'une baisse de 250 millions de dollars, soit de 30 p. 100, par rapport au niveau prébudgétaire de 850 millions. Si le fédéral va de l'avant avec ce détournement de fonds en allant puiser dans les fonds destinés aux programmes de protection du revenu, ce sera 120 millions de dollars dans trois ans qui manqueront dans cette enveloppe.

En termes clairs et brefs, il est indécent qu'une partie du budget destiné à la protection des revenus agricoles soit utilisée pour financer le programme de paiements anticipés qui, faut-il le rappeler, est un programme de commercialisation des produits agricoles. Quel lien peut-il y avoir entre le programme des paiements anticipés et les programmes de protection du revenu? Aucun.

Quand le ministre des Finances dépose son budget, est-ce qu'il le fait dans l'intention de tromper les contribuables canadiens et québécois? L'objet budgétaire ne devrait-il pas refléter ce pourquoi il est prévu? Ce serait la logique, d'autres préfèrent le gros bon sens. Au contraire, si l'on suit la logique du présent gouvernement, faut-il comprendre que les chiffres en place ne voudraient rien dire, car ils ne correspondraient plus du tout à ce à quoi ils étaient destinés? C'est terrible, je suis, excusez-moi, atterré.

Le budget du programme de protection du revenu est déjà trop insuffisant, il n'est pas nécessaire de trouver des raisons pour aller puisant dedans, sauf évidemment si on veut pénaliser les agricultrices et les agriculteurs québécois. Si le gouvernement fédéral, par le biais du ministère concerné d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, prend des fonds prévus aux programmes de protection du revenu pour financer le programme de paiements anticipés, qui est un programme de commercialisation des produits agricoles, pourquoi n'y aurait-il pas dès à présent des modifications à ce sujet?

Tout d'abord, il faudrait une réelle volonté politique pour faire changer la situation et faire en sorte que les fonds prélevés pour le programme des paiements anticipés viennent directement des fonds réservés aux programmes de commercialisation des produits agricoles. Je crois que le gouvernement devrait injecter davantage d'argent au niveau du budget des programmes de commercialisation et qu'il cesse ses coupures et ses détournements de fonds d'une enveloppe budgétaire à l'autre. Il s'agit d'une solution tout simple, mais combien importante.

Cela ferait en sorte qu'à l'avenir, les agriculteurs de mon comté de Lotbinière et des agriculteurs québécois seraient mieux desservis en matière de protection du revenu. On pourrait aussi soustraire 120 millions de dollars de l'enveloppe budgétaire réservée aux programmes de protection du revenu, mais ceci reviendrait en fait à la situation actuelle, où il y aurait moins d'argent pour les agriculteurs québécois dans ce domaine et dans une proportion plus inéquitable pour les neuf autres provinces de la fédération canadienne.

D'autres diront qu'il y a aussi la possibilité pour le gouvernement d'injecter de l'argent neuf dans le budget des programmes de la commercialisation des produits agricoles et où l'on couperait ceci avec un transfert d'argent de l'enveloppe budgétaire des programmes de protection du revenu.

(1050)

À mon avis, il s'agirait là d'une solution partiellement acceptable. C'est pour ces raisons que mon parti, le Bloc québécois, demande au gouvernement fédéral d'apporter des changements qui s'imposent, que le gouvernement corrige la situation et qu'il rende justice aux agriculteurs et agricultrices du Québec.

En termes clairs, on demande simplement au gouvernement de soustraire le budget dévolu au programme de paiements anticipés du budget des programmes de protection du revenu. Je ne vous cacherai pas qu'il s'agit-là d'un irritant majeur pour les producteurs agricoles du Québec et bien sûr de mon comté de Lotbinière.

Le gouvernement nous dit que cette loi n'aura aucun impact pour les producteurs du Québec qui participeraient au programme des paiements anticipés, sauf dans la situation suivante: où un producteur ne rembourse pas son avance, cette loi serait alors beaucoup plus sévère. Force est de conclure que cette loi aurait beaucoup plus d'impact pour les producteurs du Québec.

Par ailleurs, le projet de loi C-34 avec ses nouvelles règles d'admissibilité viendrait exclure toute forme de mise en marché collective. En effet, il faut refuser l'une des conditions d'admissibilité des producteurs et spécialement celle qui spécifie que celui-ci doit pouvoir décider du moment pour vendre sa récolte. Cette condition a pour effet d'exclure les cultures placées dans un système de mise en commun des prix à la récolte. L'un des plus touchés serait le Groupe VEGCO Inc. du Québec.

En terminant, je suis d'accord que le gouvernement fédéral utilise les taxes des contribuables de façon efficiente et en rationalisant ses programmes, tout à ce que les agriculteurs reçoivent les mêmes avantages et respectent les mêmes obligations. Cependant il y a une incohérence de taille dans l'imputation budgétaire, et si on laisse faire le gouvernement, ce dernier va réduire encore davantage la part du Québec dans les programmes de protection du revenu.

Je crois qu'il est de mon devoir de défendre les intérêts des agriculteurs de ma circonscription de Lotbinière et de défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises.

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Madame la Présidente, je trouve intéressant de pouvoir prendre la parole sur la Loi constituant des programmes de commercialisation des produits agricoles. Au départ, je pense qu'il est important, surtout quand on regarde les amendements proposés par le parti réformiste,


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de se rendre compte que finalement le principe de base important c'est que l'agriculture est un industrie très différente, très particulière et qu'il faut approcher de façon unique.

Il faut avoir une approche économique bien ciblée pour être certain de ne pas nuire à ce secteur en voulant le traiter comme les autres secteurs industriels. Vous savez que dans le domaine de l'agriculture, on est dépendants de la température, des marchés et de toutes sortes d'éléments intangibles et difficiles à prévoir.

La motion du parti réformiste vise à faire disparaître un article autorisant le ministre à acheter, vendre et importer des produits agricoles pour stabiliser les prix pour assurer de meilleures conditions de commercialisation. Ma réaction suite aux rencontres que j'ai eues, cet été, avec les intervenants agricoles de ma circonscription, c'est que le Parti réformiste fait preuve d'une méconnaissance assez flagrante de plusieurs secteurs industriels. Il y a plusieurs secteurs de l'agriculture qui ont nécessairement besoin de ce genre d'interventions.

Que ce soit dans le domaine du sirop d'érable, de la production de pommes de terre, du lait, il y a beaucoup de secteurs d'activités où il faut que le gouvernement ait la poignée lui permettant de régulariser les marchés, sinon on revivra ce qu'on a vécu il y a 15, 20 ans. Une année les producteurs font un chiffre d'affaire très intéressant, mais l'année suivante le chiffre d'affaire tombe et c'est la fermeture de la ferme. Ces situations ne sont pas bonnes pour la personne concernée, ni pour l'entreprise familiale, ni pour l'économie en général.

(1055)

Donc, il faut absolument que cet amendement du Parti réformiste soit battu pour que le ministre puisse continuer d'avoir ce rôle régulateur qui permet d'assurer à nos économies, à notre agriculture d'avoir un cheminement stable. Regardez un peu le portrait de l'agriculteur québécois et de l'agriculteur canadien et celui de l'agriculteur des États-Unis, où on pratique ce genre de compétition à outrance sans aucune intervention de l'État, puis on voit que la situation économique des agriculteurs est de beaucoup moindre qualité.

Les gens sont beaucoup plus dépendants des cycles économiques, alors qu'au Québec et au Canada, on a quand même réussi à développer une agriculture qui, sans être facile, tout en demandant de très gros efforts, de très gros sacrifices de la part des agriculteurs, leur permet quand même, par des politiques de stabilisation, de poursuivre leurs activités. Là-dedans, le Québec a été un précurseur et est intervenu de façon régulière et systématique pour s'assurer que ses agriculteurs auraient des conditions intéressantes pour qu'il y ait une relève en agriculture.

Des amendements comme celui du Parti réformiste aujourd'hui auraient également comme conséquence, à moyen terme, de faire courir le bruit que l'agriculture, c'est terriblement incertain. C'est un domaine où, si on a une mauvaise année ou si on a un surplus qu'on ne peut pas écouler, on est en situation difficile. Donc, on ne peut pas investir notre vie dans un secteur comme celui-là.

Le Parti réformiste aurait intérêt à retourner sur le terrain. Peut-être qu'il ne représente pas le même type d'agriculture que nous avons au Québec, mais cet amendement n'est sûrement pas très intéressant.

L'autre élément ne touche pas nécessairement nos agriculteurs, mais il est quand même important sur le plan moral. Un amendement comme celui du Parti réformiste va contre l'aide internationale. Il ferait en sorte que le gouvernement du Canada n'aurait plus les moyens de poser des gestes en cas de situations d'urgence un peu partout dans le monde nécessitant des interventions pour assurer l'alimentation de populations en situation difficile.

On a donc à s'assurer que l'image que le Canada a développée dans le passé est maintenue. En général, il y a quand même un consensus sur le fait que le Canada est un pays reconnu pour sa façon d'assurer sa présence internationale. Il y a beaucoup de failles à régler, mais il y a quand même une ligne maîtresse qui doit être maintenue, et l'amendement du Parti réformiste ne permettrait pas de répondre à cet objectif.

L'autre aspect que je voudrais mettre de l'avant est celui de l'attention particulière qu'il faut pouvoir donner aux petits producteurs. J'ai eu des rencontres cet été avec les producteurs, notamment ceux de sirop d'érable. L'acériculture est un domaine où on a de grandes chaînes bien organisées, qui ont des lignes de commerce intéressantes, mais il faudrait permettre la création de produits maison qui pourraient être exportés.

Évidemment, le sirop d'érable en est un, mais si par exemple on voulait mettre sur pied un système d'appellation contrôlée, comme il en existe un pour le vin et pour d'autres produits, si on voulait particulariser notre produit et en obtenir un prix supérieur à cause de la qualité, par exemple, du sirop d'érable d'une telle région ou des particularités du sirop d'érable d'une telle région, de ce côté, on a encore de très gros efforts à faire.

Les gouvernements réussissent à être sensibles aux représentations des groupes bien organisés, bien structurés des grands intervenants, mais les gens qui peuvent faire progresser, qui peuvent faire grossir les petites entreprises dans les milieux ruraux doivent encore fournir un effort important, un effort significatif. Il faut leur donner une voie d'accès au marché extérieur et je souhaite qu'une loi comme celle qu'on s'apprête à faire adopter va aider à ces choses et ne va pas lui nuire d'une façon quelconque.

En résumé, le gouvernement doit pouvoir continuer d'assumer un rôle de protecteur du revenu de l'agriculteur. Il ne faut pas interdire au gouvernement de pouvoir acheter les surplus de production, de se donner le temps. Voici à ce propos un exemple qu'on nous donne et qui est très intéressant. Il y a quelques années, il y a eu un surplus dans le domaine de la pomme. Le gouvernement fédéral a acheté une grande quantité de pommes et il a ensuite pu les revendre à une entreprise qui fait du jus. À ce moment-là, le producteur a eu son prix, le gouvernement a réussi à couvrir ses dépenses et celui qui fait la transformation la fait aussi au Québec, au Canada.

(1100)

Cette mesure permettant d'avoir un rôle régulateur a permis de maintenir les emplois, de maintenir une production et aussi de maintenir le lien entre la personne qui fait la transformation, qui produit le jus de pomme, et son marché. Il n'y a pas d'interruption


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de marché à ce moment-là, ce qui contribue à assurer une économie plus stable sur le plan agricole.

C'est peut-être la caractéristique majeure qu'il faut assurer en agriculture. Oui, on a de bons agriculteurs, oui il faut s'ajuster en termes de recherche et développement. Le gouvernement a fait des gestes qu'on peut lui reprocher. Il y a néanmoins une ligne maîtresse faisant que si on compare notre agriculture à celle d'autres pays, elle comporte certains avantages qu'il faut continuer à mettre de l'avant. Ce n'est pas en créant de l'insécurité pour les producteurs agricoles qu'on pourra améliorer la situation.

C'est pour cela que le Bloc québécois votera contre l'amendement du Parti réformiste.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Le vote porte sur la motion no 2.

Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Convoquez les députés.

Après l'appel du timbre:

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Le vote sur la motion no 2 est différé.

* * *

[Traduction]

LOI SUR LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS (MESURES CORRECTIVES ET DISCIPLINAIRES)

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 22 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-49, Loi autorisant la prise de mesures correctives et disciplinaires à l'égard des membres des tribunaux administratifs, portant réorganisation et dissolution de certains organismes fédéraux et modifiant certaines lois en conséquence, soit lu pour une deuxième fois et renvoyé à un comité; ainsi que de l'amendement.

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Madame la Présidente, c'est avec plaisir que je participe aujourd'hui au débat sur le projet de loi C-49, Loi sur les tribunaux administratifs (mesures correctives et disciplinaires).

Où que j'aille dans ma circonscription ou au Canada, je trouve les gens terriblement cyniques. Ce n'est pas toujours la vie qui les rend cyniques, c'est la politique.

Par exemple, il y a une quinzaine de jours, j'ai rencontré une dame qui m'a dit sans ambages ce qu'elle pensait des politiciens. J'étais quelque peu surpris du caractère vociférateur de ses attaques. Elle m'a dit: «Ils disent une chose et ils en font une autre.» Nous savons tous que ce n'est pas nécessairement vrai ou pas toujours vrai, mais cela donne une idée du cynisme qui règne dans notre pays.

Ce cynisme est tellement courant qu'on doit se poser la question suivante: Pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi tant de Canadiens font preuve de tellement de cynisme à l'égard de leurs dirigeants politiques et du régime politique? Pourquoi sont-ils tellement en colère?

L'une des principales raisons qui m'a été donnée pour expliquer pourquoi les politiciens ont une si mauvaise réputation se trouve dans les nominations politiques dont ce gouvernement a fait profiter et continue à faire profiter ses amis, tout comme d'ailleurs ses prédécesseurs.

En tant que députés, nous voulons que les Canadiens aient foi dans leurs dirigeants et fassent confiance aux politiciens pour faire ce qu'ils ont dit qu'ils feraient, et ce aussi honnêtement et équitablement que possible. Pour nous acquitter correctement de notre mandat, qui est de représenter nos électeurs et notre pays, il faut que nous puissions compter sur leur confiance. En tant que législateurs, nous avons un rôle à jouer pour garantir notre bonne réputation en faisant correctement notre travail.

(1105)

Par exemple, nous pourrions adopter une mesure législative qui éliminerait toutes les nominations partisanes aux postes gouvernementaux importants, ce qui garantirait que les nominations clés sont ratifiées par un organisme approprié.

Malheureusement, le projet de loi C-49 n'est pas ce genre de mesure législative. C'est pour cette raison que la Chambre des communes ne devrait pas l'adopter. Ce projet de loi permet que le favoritisme continue. Il ne fera que perpétuer et renforcer l'attitude cynique qu'ont déjà les Canadiens à l'égard de leurs dirigeants.

Quel est le rapport entre le favoritisme et le projet de loi C-49? Ce projet de loi est censé être une deuxième étape à caractère législatif dans le programme gouvernemental de rationalisation du fonctionnement des organismes, conseils et commissions du gouvernement fédéral. Il est également censé modifier le processus de nomination, réduire le nombre de nominations par le gouverneur en conseil, c'est-à-dire le Cabinet, surveiller plus étroitement certains organismes et éliminer ceux qui font double emploi.


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Ce projet de loi comporte une lacune énorme. Il ne garantit pas que les postes aux organismes, tribunaux et conseils du gouvernement seront comblés strictement selon le principe du mérite. Il permet au gouvernement de continuer à pratiquer abusivement le favoritisme.

Il y a un moment, j'ai mentionné que les nominations partisanes de l'actuel gouvernement et des gouvernements précédents avaient contribué à susciter le cynisme des Canadiens à l'égard de leurs politiciens. Le favoritisme conduit les gens à penser de cette façon pour deux raisons distinctes. Tout d'abord, le gouvernement n'a pas tenu la parole qu'il avait donnée aux Canadiens à propos des nominations d'amis du parti. Le livre rouge libéral, que beaucoup appellent dorénavant le livre mort libéral, promettait qu'un gouvernement libéral nommerait des gens aux organismes, commissions et conseils selon la compétence, mais cela ne s'est pas concrétisé. Les postes sont toujours accordés aux fidèles du Parti libéral.

Lorsqu'on ne dit pas la vérité aux Canadiens, on ne peut pas les blâmer d'être cyniques. Pour vous montrer à quel point les libéraux n'ont pas tenu parole, je vais vous citer des noms de personnes nommées par le gouvernement.

Tout d'abord, il y a les 18 nominations au Sénat, l'institution qui, selon le premier ministre, en 1991, devrait être élue, égale et efficace. Deuxièmement, il y a Richard Campbell, un ancien directeur de campagne qui a été nommé au conseil d'administration de Marine Atlantique. Troisièmement, Richard Cashin, membre de longue date du Parti libéral et député de 1962 à 1965, a été nommé membre de l'Office canadien de l'adaptation du transport des récoltes. Quatrièmement, Dorothy Davey, épouse de l'ancien sénateur libéral Keith Davey, a été nommée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Cinquièmement, Fred Drummie, chef de cabinet du ministre de la Défense nationale, a été nommé au conseil d'administration de la Commission du parc international. Sixièmement, Raymond Gay, député libéral de 1963 à 1980, a été nommé au Tribunal du commerce extérieur. Septièmement, Roy Heenan, un associé du cabinet d'avocats de l'ancien premier ministre Trudeau, a été nommé au conseil d'administration de la SRC. Huitièmement, Ethel Teitelbaum, ancienne adjointe exécutive de Pierre Trudeau, a été nommée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Et je pourrais continuer encore longtemps.

Après avoir promis aux Canadiens d'être au-dessus de tout soupçon, de ne pas agir comme les conservateurs, de nommer les membres des commissions et des conseils selon le principe du mérite, plutôt qu'en fonction de leur loyauté envers le Parti libéral, le gouvernement libéral a procédé à plus de 200 nominations par favoritisme. C'est honteux!

Ce qu'il y a de plus honteux encore, c'est que certains députés libéraux soutiennent ouvertement ce genre de pratique. La semaine dernière, le député de Broadview-Greenwood a dit, et je cite: «Je crois au favoritisme. J'y ai toujours cru et je ne vais pas changer d'idée.» Ce n'est donc pas étonnant que les Canadiens soient cyniques quand des députés affichent une pareille attitude.

Le favoritisme suscite le cynisme pour une autre raison. La population en conclut que le gouvernement cherche davantage à ménager les amis qu'à protéger les intérêts de la nation et à traiter tous les Canadiens équitablement.

C'est ainsi que notre système judiciaire en est venu à poser un sérieux problème. Depuis leur arrivée au pouvoir, les libéraux ont nommé des avocats qui ne sont pas des procureurs de la Couronne compétents. Quand il doit s'en remettre entièrement aux éléments de preuve que les avocats soumettent à la cour et que les éléments de preuve que présentent les procureurs sont insuffisants ou erronés, le juge n'a pas d'autre choix que de rendre un jugement compatible avec les données présentées et le droit. Ce n'est pas étonnant que le système judiciaire ne protège pas nos citoyens contre les criminels. Il ne faut donc pas s'étonner de ce que les gens soient cyniques quand les éléments de preuve ne sont pas présentés comme il se doit, ce qui empêche le juge de punir sévèrement des gens qui ont commis des crimes graves.

(1110)

Le favoritisme nuit aux intérêts des Canadiens lorsqu'on fait des nominations politiques à des organismes administratifs, comme la Commission nationale des libérations conditionnelles et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Maintenant, même ces commissions n'ont plus la crédibilité qu'elles doivent avoir pour bien s'acquitter de leurs tâches.

Les criminels, qui ont profité d'une forme ou d'une autre de libération anticipée en 1995-1996, ont commis au total 165 crimes graves. Il est question de 15 meurtres, de 15 tentatives de meurtre, de 22 agressions sexuelles, de 21 voies de fait graves et de 71 vols à main armée.

Lorsque la Commission nationale des libérations conditionnelles a libéré ces individus, on nous a dit qu'ils n'étaient pas considérés comme des gens à risque. On peut dire qu'elle s'est trompée. Depuis toujours, les gens qui siègent aux commissions des libérations conditionnelles sont nommés par favoritisme politique à des postes bien rémunérés, même s'ils n'ont aucune connaissance ou presque du système de justice pénale. Les membres des commissions doivent avoir une expérience du domaine de la criminologie ou des services correctionnels. Cependant, le problème demeure le même. Lorsqu'on nomme à la Commission nationale des libérations conditionnelles des copains du Parti libéral ayant une connaissance très limitée du système de justice pénale, les chances que la commission prenne de mauvaises décisions augmentent. Les Canadiens ont besoin qu'on leur assure une certaine sécurité avant que le gouvernement libéral ne s'occupe des besoins de son parti. Ils le méritent.

On peut dire la même chose de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Une bonne partie des 215 membres de cette commission sont nommés par favoritisme politique. Ainsi, dans le numéro du 5 octobre 1995 du Vancouver Sun, on a publié une liste qui énumère les membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en Colombie-Britannique et on précise les dates de nomination. Or, 9 des 19 membres n'avaient aucune formation officielle en droit de l'immigration. Les membres de la commission doivent entendre les témoignages oraux des demandeurs d'asile et déterminer si les demandeurs sont admissibles au statut de réfugié. Lorsque le gouvernement nomme ses amis et ses solliciteurs de fonds cyniques à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, on est certain que de mauvaises décisions seront prises.

En mars dernier, le Comité de la citoyenneté et de l'immigration a entendu deux anciens membres de la commission. Ils ont déclaré


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qu'au moins la moitié de leurs anciens collègues n'avaient pas les compétences voulues pour s'acquitter de leur travail. Permettez-moi de citer un témoignage de l'un de ces témoins, M. Bauer. Il a déclaré ceci:

Je crois que la plupart de mes collègues conviendront avec moi que le quart des membres de la CISR sont incapables de mener convenablement une réunion. Même lorsqu'ils font partie d'un tribunal composé de deux personnes, ces membres-là ne sont pas très utiles. Je peux vous assurer que je pèse mes mots en disant cela, mais c'est la vérité. Peut-être qu'avec la formation, les conseils et la surveillance voulus, environ un autre quart des membres de la commission pourrait se tirer d'affaire seul, bien que je crois que cela risque de causer des problèmes d'ordre juridique et administratif à la commission.
Nous avons été témoins de l'incompétence que décrit M. Bauer. Par exemple, le 12 novembre 1995, la Cour fédérale du Canada a dû rejeter une décision de la commission du statut de réfugié qui interdisait de donner asile à une femme dont le patron lui avait d'abord ordonnée de se soumettre à une agression sexuelle. Elle avait ensuite été condamnée pour prostitution. Le juge Frederick Gibson, qui a rejeté la décision, a dit: «Une nouvelle audience devrait avoir lieu, car la commission a commis des erreurs juridiques et a négligé d'importants éléments de preuve.»

Il s'agit là d'un exemple classique de ce qui se passe lorsque des nominations teintées de favoritisme sont faites à des commissions gouvernementales. Nous ne pouvons pas reprocher aux gens d'être cyniques lorsque nous avons un gouvernement qui s'occupe mieux de ses amis que des personnes qui ont recours au processus d'examen des immigrants et des réfugiés ou qui veulent pouvoir profiter de la sécurité dont jouissent les Canadiens.

Non seulement le favoritisme menace la sécurité et les intérêts des Canadiens, cela fait que lon traite les gens injustement. Par exemple, le nouveau directeur du scrutin de ma circonscription a été nommé par le Parti libéral. Cette personne est peut-être en mesure d'exercer ses fonctions avec compétence, mais là n'est pas la question. Celle qui occupait le poste auparavant était compétente, avait exercé ses fonctions au cours de deux élections, mais a été congédiée pour faire place à cette personne. Qui plus est, le poste n'a même pas été annoncé. Il n'y a pas eu de concours ouvert. Comment les gens de Cariboo-Chilcotin peuvent-ils savoir si la personne la plus qualifiée a obtenu ce poste? En fait, ils l'ignorent. Ce qu'ils savent à coup sûr, cependant, c'est que le gouvernement libéral se préoccupe davantage d'accorder des faveurs à ses amis qu'à traiter les Canadiens équitablement.

(1115)

Comme je viens de le mentionner, les Canadiens sont cyniques envers les politiciens. Ce cynisme résulte surtout des nominations partisanes que le gouvernement actuel et celui des conservateurs qui l'a précédé n'ont pas hésité à distribuer aux amis de leur parti. Dans la mesure où le gouvernement est à blâmer, il pourrait tout aussi bien être partie à la solution des problèmes, s'il le voulait.

Le gouvernement rétablirait la confiance des Canadiens et regagnerait du crédit à leurs yeux s'il acceptait de leur donner un nouveau départ. Autrement dit, il n'aurait qu'à adopter et mettre en oeuvre le programme réformiste. Toute une partie de notre programme traite d'ailleurs de la façon d'obliger les politiciens à rendre des comptes.

C'est garanti, le nouveau départ réformiste pour les Canadiens ferait ce qui suit. Premièrement, il donnerait aux Canadiens les outils nécessaires pour que les politiciens remplissent leurs promesses, puisqu'il leur fournirait les moyens de révoquer les députés qui ne tiennent pas parole. Deuxièmement, il veillerait à ce que les Canadiens soient mieux représentés, grâce à une participation directe dans le processus démocratique et à la possibilité d'obliger les politiciens à rendre compte de leurs décisions. Troisièmement, il supposerait la tenue de votes libres à la Chambre des communes. Quatrièmement, il remplacerait le Sénat actuel qui est antidémocratique et non représentatif par un Sénat élu, égal et efficace. Cinquièmement, il inviterait les électeurs à participer directement au processus décisionnel par des référendums et des initiatives de citoyens sur les questions importantes. Sixièmement, il ferait en sorte que les Canadiens participent directement aux modifications de la première loi du pays, la Constitution.

Plus important, pour revenir à l'objet du débat, la garantie de nouveau départ du Parti réformiste mettra fin aux nominations politiques en assurant que les postes et les contrats seront accordés selon le principe du mérite et assujettis à l'examen des comités parlementaires.

Si le gouvernement amendait le projet de loi C-49 pour y inclure ce genre de disposition, il ferait un pas important pour se gagner la confiance des Canadiens et montrer qu'il donne à leurs besoins et à leurs préoccupations la préséance sur les intérêts de ses amis libéraux.

En terminant, je répète que les Canadiens éprouvent une bonne dose de cynisme à l'égard des politiciens et des institutions publiques. Le favoritisme est une des causes de cet état d'esprit. En tant que députés, nous voulons que les Canadiens aient confiance en leurs dirigeants et dans les membres de la classe politique, qu'ils sachent que leurs dirigeants se préoccupent avant tout des intérêts de la population et que nous agirons équitablement et honnêtement en représentant le Canada et nos électeurs.

En tant que législateurs, nous devons contribuer à nous acquérir cette réputation positive. C'est ainsi que nous pourrions adopter une mesure législative interdisant les nominations politiques aux postes clés de l'administration publique. Comme le projet de loi C-49 ne correspond malheureusement pas à ce genre de mesure, la Chambre des communes ne devrait pas l'adopter. Le projet de loi C-49 laisse en effet continuer ces manifestations honteuses de favoritisme politique. Cela ne pourra que perpétuer et renforcer le cynisme que les Canadiens éprouvent déjà envers leurs dirigeants.

Le favoritisme politique nourrit le cynisme pour deux raisons. Tout d'abord, il démontre que le gouvernement n'a pas tenu parole envers les Canadiens à propos des nominations politiques et, deuxièmement, que le gouvernement tient davantage à faire des faveurs à ses amis politiques qu'à protéger les intérêts des Canadiens, répondre à leurs besoins et traiter tout le monde équitablement.

Voilà pourquoi j'exhorte le gouvernement à faire adopter une mesure visant non seulement à mettre fin aux nominations politiques, mais aussi à assurer que les postes et les contrats sont accordés selon le principe du mérite. C'est là une façon dont nous pouvons gagner la confiance de la population. Cela représenterait également le nouveau départ que réclament les Canadiens de la part de leurs dirigeants et de leurs institutions politiques. C'est un nouveau départ qu'ils méritent réellement.


5928

M. Ovid L. Jackson (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Madame la Présidente, j'aurais quelques observations à faire.

Les critères du gouvernement, ce sont la compétence et le mérite. Le processus est transparent. Les postes sont annoncés, et des annonces paraissent dans la Gazette, le journal officiel. Notre processus de sélection est transparent et repose sur les descriptions de poste.

Ce que le député a dit est le produit de son imagination. Les faits montreront que, depuis qu'il est au pouvoir, le 4 novembre 1993, le gouvernement a nommé environ 2 000 personnes à des postes au sein d'organismes, de commissions et de sociétés d'État. Sur ce nombre, il y a eu 525 reconductions de mandat. Nous ne connaissions même pas les titulaires, qui ont été maintenus en poste parce qu'ils faisaient du bon travail. Ils s'y connaissaient et s'acquittaient fort bien de leurs fonctions. Nous avons eu des mutations et des promotions de personnes nommées par le gouvernement précédent. La grande préoccupation du gouvernement, c'était que ces personnes aient les compétences pour faire leur travail.

(1120)

Il est mesquin de faire des affirmations qu'on ne peut pas étayer. Il est mesquin de prétendre que le gouvernement n'est pas là pour servir les intérêts de la population. C'est sa raison d'être. Je suis l'un des premiers à avoir pris la parole à la Chambre. J'ai dit dès mon arrivée ici que l'intégrité et la compétence étaient importantes à mes yeux. C'est ma façon de voir les choses. Je suis sûr que c'est le point de vue de la plupart des députés.

Le député a parlé du représentant de Broadview-Greenwood. Si ma mémoire est fidèle, ce parlementaire a dit à l'époque que, peu importe qu'on soit banquier ou industriel, on nomme des gens avec qui on peut travailler, en qui on a confiance et qui ont les compétences voulues. Ces gens, ils se trouvent un peu partout. Ils peuvent aussi bien être des réformistes que des conservateurs ou des libéraux. Pourquoi cela écarterait-il leur candidature?

Lorsqu'il fait des observations semblables, le député ferait bien de donner des exemples. Il devrait faire preuve de transparence et poser des questions à la Chambre. Cela permettrait d'améliorer le processus. Il ne peut pas prétendre simplement que le gouvernement est mauvais. Je ne pense pas qu'il le soit. Nous avons un rôle important à jouer pour les Canadiens. Les Canadiens comptent que nous soyons transparents et honnêtes. La plupart d'entre nous le sont.

M. Mayfield: Madame la Présidente, je suis consterné de voir que le député a porté si peu d'attention à ce que je disais. J'ai cité des exemples bien concrets pour illustrer mes propos.

En ce qui concerne la compétence des titulaires, j'ai signalé de graves problèmes qui minent notre système de justice, notamment la nomination de procureurs de la poursuite qui ne sont pas compétents et qui font mal leur travail. Les juges ont du mal à traiter les preuves qui leur sont mal présentées et doivent parfois laisser filer des contrevenants ayant commis des crimes graves. La situation est très sérieuse et est directement attribuable aux nominations par favoritisme d'avocats ne possédant pas les compétences nécessaires pour remplir les fonctions qui leur sont confiées.

J'ai également décrit la situation dans ma circonscription où le poste de directeur du scrutin a été comblé sans être annoncé. Nous n'avons découvert cette nouvelle nomination que par hasard. C'est en discutant avec l'ex-directeur du scrutin que j'ai appris qu'il avait été licencié même après avoir accompli de l'excellent travail au cours des deux élections précédentes.

Il n'était pas réformiste. Il n'avait aucune visée politique et n'était pas d'allégeance libérale non plus. Aujourd'hui, il n'est plus en poste et en est désolé. Il remplissait ses fonctions de façon très consciencieuse. Il prenait son travail au sérieux. Il s'est inscrit au programme dans le cadre duquel, au nom du gouvernement, il se rendait dans diverses régions du monde pour y observer les élections. Je ne le défends pas parce qu'il est réformiste, car il ne l'est pas. Il s'agit d'un directeur de scrutin exceptionnel qui a perdu son poste.

En posant cette question, le député admet qu'il ne sait pas ce qui se passe dans son propre parti. La situation est grave, parce que la nomination de gens incompétents n'est pas sans conséquence. La situation est grave aussi parce qu'elle alimente le cynisme qu'éprouve la population à l'endroit des dirigeants politiques. Bien des députés tentent de se défaire de cette mauvaise réputation, mais cela leur sera impossible tant que le gouvernement n'aura pas la volonté d'agir en ce sens.

(1125)

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, le député de Cariboo-Chilcotin pourrait-il dire à la Chambre s'il estime qu'un gouvernement a parfois raison de nommer une personne à un poste en se fondant sur l'appartenance de celle-ci à tel ou tel parti ou son adhésion à telle ou telle idéologie? Peut-il arriver que le favoritisme soit justifié lorsqu'il s'agit de nommer des personnes à des postes publics?

M. Mayfield: Madame la Présidente, je parle du favoritisme éhonté que l'on voit aujourd'hui et qui a à voir non pas avec la compétence de la personne nommée, mais simplement avec sa loyauté envers le parti.

Ce serait dommage que les exigences ne tiennent pas compte des besoins et des intentions du parti au pouvoir ainsi que de l'orientation qu'il entend prendre, car la personne qui est nommée doit pouvoir appliquer convenablement la politique gouvernementale.

Ce contre quoi je m'insurge, c'est que des gens non compétents soient nommés principalement sinon uniquement à cause de leur appartenance au parti. Cela devrait passer au second rang, après les besoins du pays.

Pour être bien clair, je dirai que je trouverais malheureux que le gouvernement choisisse ou nomme une personne qui n'approuverait pas l'orientation que le gouvernement entendrait prendre, par exemple, en modifiant les programmes. Il serait malheureux que l'on nomme une personne qui favoriserait le statu quo alors qu'un changement s'impose.


5929

Le gouvernement doit être très prudent dans ses nominations. Il doit publier les qualifications qui sont nécessaires pour que les gens soient bien au courant et sachent si le poste les intéresse, choisir l'heureux candidat en tenant compte des besoins du gouvernement et faire ratifier la nomination par l'organisme pertinent.

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Madame la Présidente, de l'avis du député, quel ajout ou quel genre d'amendement pourrait-on faire au projet de loi pour faire disparaître ou éliminer en quelque sorte le favoritisme. Il faut en arriver là.

M. Mayfield: Madame la Présidente, je suis heureux que mon collègue soulève cette question. La façon la plus efficace d'atteindre cet objectif consisterait à faire ratifier les nominations par une tribune publique, par exemple un comité parlementaire. Le public serait alors au courant des nominations proposées et il pourrait les étudier, les comprendre et exprimer ses objections si elles laissaient à désirer.

M. Ovid L. Jackson (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Madame la Présidente, j'ai une brève observation à faire. Avant d'assumer mes fonctions actuelles, j'ai été 19 ans dans le domaine de la politique municipale. Il n'est pas facile de trouver des candidats.

À un moment, nous avons dû embaucher un chef de police. Les gens ont dit qu'il fallait laisser les autres chefs de police choisir le candidat. Si on ne procède pas à la sélection du candidat, dans la culture organisationnelle, on peut vous dissimuler des faits. C'est la décision du ministre. Il n'y a pas de solution magique pour recruter des gens.

Le député croit-il que tout le monde est parfait et que son processus de sélection est idéal?

M. Mayfield: Madame la Présidente, comme le député, je reconnais qu'il n'y a pas de solution magique, mais le processus doit être ouvert. Les Canadiens, les personnes concernées, doivent participer au processus. Il doit s'agir d'autre chose qu'une aventure politique au chapitre des nominations. Lorsque le processus sera ouvert, que les gens sauront quels emplois sont disponibles et ce pour quoi ils pourront poser leur candidature, et lorsque le candidat retenu aura vu sa demande soumise à l'examen du gouvernement, certes, mais aussi du public, le processus deviendra alors beaucoup plus équitable et il répondra bien mieux aux besoins des Canadiens.

* * *

(1130)

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Bob Kilger (Stormont-Dundas, Lib.): Madame la Présidente, j'estime que vous constaterez qu'il y a unanimité quant à la présentation de la motion suivante. Je propose:

Que les votes par appel nominal qui sont demandés le jeudi 31 octobre 1996 sur toute affaire inscrite sous les Ordres émanant du gouvernement, y compris les votes par appel nominal déjà demandés sur le projet de loi C-34, et tous les votes par appel nominal sur l'Adresse en réponse au discours du Trône qui sont demandés le vendredi 1er novembre 1996, soient reputés différés jusqu'au mardi 5 novembre 1996, à 17h30.
(La motion est adoptée.)

* * *

[Français]

LOI SUR LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS (MESURES CORRECTIVES ET DISCIPLINAIRES)

La Chambre reprend l'étude de la motion ainsi que de l'amendement

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui pour dénoncer le projet de loi C-49, Loi autorisant la prise de mesures correctives et disciplinaires à l'égard des membres des tribunaux administratifs. Il faut retenir le mot «disciplinaire». Le ministre veut se donner le pouvoir de fouetter un peu et beaucoup ses administrateurs. Notre collègue et membre du Bloc québécois a proposé un amendement disant qu'il devrait y avoir un mécanisme parlementaire régissant la nomination et la révocation des membres de ces tribunaux.

En introduction, j'aimerais expliquer un peu ce que sont les tribunaux administratifs et leur importance. Le projet de loi C-49 apporte des changements majeurs au fonctionnement des tribunaux administratifs. Bien que ces modifications ne recueillent pas un intérêt marqué des médias, cela ne diminue en rien leur importance.

Les tribunaux administratifs, souvent moins connus que les cours supérieures, ont toutefois des impacts majeurs sur la vie quotidienne des citoyens canadiens et québécois. Ces tribunaux rendent souvent beaucoup plus de décisions que les cours supérieures. De plus, les conséquences de leurs décisions sont souvent très importantes pour les citoyens et pour l'État canadien et québécois. En effet, l'importance qu'ont pris les tribunaux administratifs dans les récentes années n'est plus à démontrer. Ils sont devenus des lieux privilégiés de décisions où les citoyens affrontent régulièrement le gouvernement pour faire valoir leur droits.

Je vous nommerai quelques-uns de ces tribunaux pour vous montrer l'importance qu'ils ont et le rôle qu'ils jouent dans la société. Les Anciens combattants, le Tribunal de révision des produits agricoles, la Commission canadienne des grains, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal de la concurrence-c'est un tribunal très important-la Commission des droits d'auteur, le Conseil de radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Enfin ce sont tous des commissions ou des tribunaux jouent un rôle très important dans notre société.

Les libéraux ont décidé d'amender, de changer la façon de gérer ces tribunaux. Cela aura des conséquences assez graves. Je pense que la première raison, et ils le mentionnent d'ailleurs, c'est pour abolir des postes et couper des dépenses administratives. Ceci m'apparaît légitime. Mais si on approfondit un peu les vraies raison, ce n'est pas celle-là.

Les changements que le gouvernement apporte brimera l'indépendance des tribunaux et aura aussi comme conséquence de cen-


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traliser encore davantage les pouvoirs du gouvernement fédéral à Ottawa. Les vraies raisons que j'ai découvertes pour ces changements à la législation des tribunaux administratifs, c'est principalement que le gouvernement veut désigner au lieu de nommer les présidents.

(1135)

Désigner c'est très grave. Quand on désigne, on peut aussi révoquer très rapidement et, comme c'est mentionné dans la loi, si le ministre responsable calcule qu'il a un rôle à jouer, si un président de tribunal ne répond pas ou ne reflète pas exactement les idées du ministre ou du gouvernement, on peut le révoquer, c'est-à-dire le mettre à la porte pour des raisons plus ou moins fondées. On dit que c'est pour la flexibilité de l'administration, mais ça m'apparaît très grave et je vais l'expliquer davantage dans quelques minutes.

Dans le passé, quand on nommait un président d'un tribunal c'était pour deux, cinq ou sept ans. Cela créait une certaine stabilité et une certaine indépendance dans la façon de se comporter du président. Par contre, le fait qu'il sera désigné et pourra être révoqué n'importe quand, cela signifie que le président devra toujours répondre au bon vouloir du gouvernement en place.

Je pense que la principale raison d'être de cette loi est de pouvoir nommer plus facilement les amis du régime. Comme vous le savez, les conservateurs ont été au pouvoir pendant neuf ans; pendant ce temps ils ont changé presque toutes les 2 000 personnes qui siègent sur ces tribunaux. Ce sont des nominations très intéressantes, des postes très bien rémunérés.

Les libéraux sont au pouvoir depuis 1993, depuis trois ans, et ils se rendent compte qu'ils ne peuvent pas placer suffisamment rapidement leurs amis du régime. Ils amendent donc la loi pour avoir la possibilité de le faire rapidement, c'est-à-dire de pouvoir mettre à la porte la plupart des gens qui siègent à ces tribunaux pour les remplacer par leurs amis.

À mon avis, ce genre de projet de loi est scandaleux. C'est pour cela que je suis heureux de dénoncer publiquement cette façon de faire du gouvernement actuel.

On sait qu'un grand nombre des personnes qui seront nommées sont des amis du régime. D'ailleurs, lors de la dernière élection, un des administrateurs du Parti libéral a rassuré publiquement les candidats défaits, leur disant qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter, qu'on leur trouverait de l'emploi, qu'il y avait des emplois en masse, que ceux ou celles qui le désiraient pourraient obtenir un emploi du gouvernement fédéral.

Je pense qu'aujourd'hui on se rend compte qu'on ne peut pas nommer nos amis assez rapidement. On change donc la loi pour qu'il soit plus facile de renvoyer, de révoquer les gens en place afin de nommer nos amis libéraux à ces tribunaux administratifs.

À mon avis, c'est la raison principale de tous ces changements dans la loi. C'est pour cela qu'il faut les dénoncer. C'est pour cela aussi que mon ami, le député de La Prairie, a présenté un amendement disant que la Chambre des communes devrait avoir son mot à dire sur la désignation ou la nomination des membres des tribunaux administratifs.

Si dans le futur nous voulons avoir des gouvernements responsables, il ne faut pas que cela serve de prétexte, que les gens qui votent doivent voter pour le cheval gagnant. Au cours des dernières années on a remarqué que, souvent, des individus qui s'occupent de politique ou d'organisations politiques changent de bord dans le dernier tournant. Si le gouvernement est en train de gagner, si les gens ou les sondages disent que tel parti est en train de gagner, souvent beaucoup de gens changent de bord à la dernière minute; on voit des changements rapides dans les dernières semaines. C'est souvent une des raisons pour lesquelles ils le font, soit d'avoir la possibilité d'être nommé à quelque commission que ce soit.

Dans ce sens, cela ne m'apparaît pas sain non plus. Il faut que les gens qui s'occupent de politique le fassent parce qu'ils ont des idéaux, parce qu'ils croient à la philosophie d'un parti et non pas qu'ils travaillent pour un emploi, c'est-à-dire travailler pour eux-mêmes. Je pense que si nous voulons des gouvernements responsables et capables de vendre leurs idéaux, il faut que l'on purifie un peu la machine. Dans le fond, ce projet de loi fait exactement le contraire. Il fait en sorte que les gens travaillent dans le but d'avoir un emploi dans le futur si le parti gagne les élections. Ces amendements à la loi sur la nomination des administrateurs des tribunaux législatifs m'apparaissent passablement honteux.

(1140)

Ce qui est malheureux avec ce projet de loi, c'est qu'on va brimer l'indépendance des tribunaux. Nous avons toujours eu des systèmes judiciaires renommés mondialement. On avait vraiment des systèmes judiciaires et des tribunaux stables. Il n'y avait pas d'ingérence entre le législatif et la justice. Ce que le ministre et le gouvernement sont en train de faire, c'est donner au gouvernement le pouvoir de s'ingérer directement dans les décisions des tribunaux. Un tribunal doit être indépendant du légilatif.

Le gouvernement propose exactement le contraire. Il veut s'ingérer en se donnant des moyens de discipline. D'ailleurs, c'est écrit dans la loi, il va pouvoir prendre des mesures disciplinaires pour gérer les tribunaux administratifs. Ça veut dire que le gouvernement s'implique directement dans les décisons des tribunaux législatifs, et cela m'apparaît très, très grave.

On sait que dans le système judiciaire les juges sont nommés jusqu'à l'âge de 75 ans. Ce sont de longues nominations qui permettent une stabilité et une indépendance totale du système judiciaire. Ce que le ministre propose est exactement le contraire, c'est de rendre les tribunaux administratifs moins stables.

La bâtonnière du Québec l'a dit assez clairement lorsqu'elle a déclaré que «l'absence de sécurité d'emploi risquerait d'avoir des effets psychologiques insoupçonnés sur les décisions d'une personne qui pourrait être plus préoccupée à plaire au pouvoir qu'à rendre justice.» Comme je l'ai mentionné tantôt, ces gens seront préoccupés à plaire, à répondre aux aspirations du gouvernement au jour le


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jour au lieu de prendre les décisions qu'ils doivent pouvoir prendre librement.

Ce projet de loi et ces changements sont honteux parce qu'ils reflètent exactement le contraire. C'est aller à l'encontre du bon sens. Nous sommes une société qui se doit d'évoluer et aujourd'hui le gouvernement retourne dans les années 1920, 1930, les années de Duplessis ou du début du siècle. Ce genre de mesures est complètement inacceptable.

On a souvent tendance à critiquer les États-Unis dans leur façon de gérer. Je peux vous dire qu'aux États-Unis, par exemple, les tribunaux sont nommés par les comités et ça m'apparaît beaucoup plus juste, plus équitable. Ce n'est pas le parti au pouvoir qui devrait nommer seul les présidents et les membres des comités. Ce sont les comités de la Chambre des communes qui devraient faire les nominations.

(1145)

Le gouvernement pourrait suggérer des noms mais leur nomination serait débattue en comité afin qu'on puisse éloigner le pouvoir politique de ces décisions. Alors choisir des personnes pour leurs compétences et non pas par rapport aux liens qu'ils ont avec les partis politiques, cela permettrait à ces gens de pouvoir jouer leur rôle avec compétence et grande liberté d'action. Cela me paraît très important pour purifier la machine.

On aurait dû s'inspirer de la méthode du gouvernement américain pour nommer nos responsables à la justice.

Ce grand pouvoir que le gouvernement se donne en ce qui concerne les tribunaux est énorme. Lorsque le ministre seul, au nom du gouvernement, nomme toutes ces personnes, il le fait unilatéralement; il ne consulte jamais les provinces, alors qu'on sait que ces tribunaux auront parfois à juger dans des secteurs très importants, comme les secteurs du pétrole, de l'uranium ou de l'électricité.

Dans le domaine énergétique, ce sont de grandes sociétés très influentes. Il se pourrait que, si le ministre n'est pas satisfait de la façon dont le tribunal juge, il pourrait tout simplement nommer quelqu'un d'autre. Si le ministre a ce pouvoir de nommer quelqu'un d'autre, c'est un très grand pouvoir parce qu'il pourra contrôler directement les décisions. C'est ça l'enjeu. S'il a le pouvoir de désigner et de révoquer pour toutes sortes de raisons plus ou moins fondées, ça veut dire qu'il a le pouvoir direct de la décision. Alors, créer des tribunaux et, en même temps, garder ce grand pouvoir de décider lui-même, c'est une farce.

On sait très bien que ces gens-là devront répondre aux aspirations du gouvernement, et que des décisions qui touchent des grands secteurs, tels que ceux que j'ai mentionnés plus tôt, le pétrole, l'uranium et l'électricité, pourraient déplaire ou défavoriser le Québec, et je pense particulièrement à l'électricité. Le gouvernement pourrait décider lui-même et non laisser son tribunal le faire, pour les raisons que je vous ai mentionnées préalablement. Il pourrait décider lui-même et aller à l'encontre des intérêts du Québec. Il est très important de le mentionner.

Vous savez, on a déjà eu dans le passé passablement de problèmes à obtenir justice en ce qui concerne nos grands secteurs économiques du Québec. Et présentement, le gouvernement s'apprête à se donner des pouvoirs extraordinaires. C'est-à-dire que le gouvernement ne consultera jamais les provinces en ce qui a trait aux nominations et, en plus, la personne qu'il aura nommée ne pourra pas prendre de décision sans avertir le ministre, puisque, si ce président déplaît au ministre, le ministre pourra le renvoyer-c'est écrit dans le projet de loi-sans compensation. On pourrait le mettre à la porte froidement, tout simplement, comme ça, parce qu'il ne correspond pas à la façon dont le gouvernement aimerait régler ces cas particuliers.

C'est vraiment de l'ingérence dans la justice. Je le dénonce aujourd'hui, tel que l'ont fait plusieurs de mes collègues d'ailleurs ainsi que des réformistes. On ne le dénoncera jamais assez. J'espère bien que le ministre reviendra sur sa décision parce que c'est vraiment injuste et inacceptable, c'est vraiment reculer au lieu d'avancer.

Ce projet de loi C-49 aura des conséquences graves sur l'indépendance de nos tribunaux. Au lieu d'avancer en démocratie, on diminue. Le gouvernement se donne un pouvoir beaucoup trop grand. Pour ces raisons, je suis en faveur de l'amendement de mon collègue de La Prairie et je suis contre ce projet de loi C-49.

(1150)

[Traduction]

M. Ovid L. Jackson (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Madame la Présidente, la discussion d'aujourd'hui porte en bonne partie sur le changement et l'imagination des gens. Ceux-ci s'imaginent des situations hypothétiques qui pourraient se produire ou non.

Quand j'écoute la période des questions à la Chambre, je constate que les ministres doivent rendre des comptes. S'ils ne font pas leur travail, les députés de l'opposition demandent qu'on leur livre leur tête sur un plateau d'argent. L'image qui me vient à l'esprit, c'est celle d'un ministre qui se trouve dans l'arène face à Mike Tyson, les mains liées dans le dos, mais qui est quand même censé gagner.

Si nous voulons un bon gouvernement, nous devons pouvoir compter sur des gestionnaires compétents pour ce dossier. Nous pouvons ensuite les tenir responsables de la gestion du dossier en cause. La compétence en cette matière ne signifie pas que l'on doive adopter un si grand nombre de règlements qu'ils ne puissent faire leur travail.

Le député peut-il nous dire qui est responsable du dossier? Qui est tenu responsable quand il arrive quelque chose dans un ministère?

[Français]

M. Leblanc (Longueuil): Madame la Présidente, bien sûr que c'est le gouvernement qui est responsable. Mais être responsable et


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prendre des pouvoirs excessifs, c'est deux choses différentes. Ici, au Canada et au Québec, on a dit qu'on ne voulait pas que le législatif soit lié avec le décisionnel, c'est-à-dire la justice.

Si le gouvernement est lié directement avec ses tribunaux, il est aussi bien de ne pas en faire. Que le ministre décide par lui-même et qu'il nomme des administrateurs comme ça, mais qu'il ne crée pas un tribunal pour régler des différends en même temps qu'il se donne le pouvoir de régler lui-même les différends.

En plus, le vrai prétexte, à mon avis, c'est que le gouvernement veut nommer ses amis. Il pourrait nommer au moins 1 000 personnes. Il pourra les nommer après avoir adopté ce projet de loi. Je dis donc au moins 1 000 personnes, il y en a 2 000 aux tribunaux. Le gouvernement, qui se voit arriver aux élections, a hâte de pouvoir nommer ses amis. Il n'a pas réussi à le faire, parce que les conservateurs avaient fait la même chose, ils avaient nommé des amis. Mais eux, au moins, ils les avaient nommés, ils ne désignaient pas un ami pour un mois ou deux. Là, le gouvernement libéral va pouvoir désigner un ami pour un, deux trois ou quatre mois, puis le mettre à la porte et en prendre un autre, et il va s'amuser avec cela. C'est effrayant et c'est scandaleux tout ça.

Au moins, avant, les nominations étaient de trois, cinq ou sept ans, mais là, ce n'est pas cela. Ce ne sera plus des nominations, mais des désignations. On va désigner pour la période de temps que les libéraux seront au pouvoir. Il reste un an, on va désigner pour un an et si on est réélus, on pourra avoir l'occasion d'en nommer d'autres qui travailleront fort pour nous à la prochaine élection. C'est ce que cela veut dire. C'est scandaleux tout cela. C'est vraiment revenir 100 ans en arrière. Au lieu d'avancer, on recule avec ce gouvernement. C'est un gouvernement totalitaire, si je puis dire. S'en va-t-on vers un gouvernement totalitaire ou si on veut demeurer dans une démocratie?

On veut que les gens qui ont des responsabilités puissent les prendre en toute liberté et qu'ils ne soient pas directement liés au gouvernement. Il est là, le problème majeur. Il faut le dénoncer fortement. C'est grave ce qui se passe aujourd'hui. C'est beaucoup plus grave que ce que le député libéral vient de nous dire, que le gouvernement est là pour gérer. Oui, le gouvernement est là pour faire des lois, il est là pour faire des règlements, et après cela, on met en place des gens pour faire respecter ces règlements ou ces lois, mais on ne doit pas s'ingérer directement dans les règlements ou lois qu'on a faits. Il faut séparer les deux parties pour s'assurer au moins que quand on adopte une loi, elle soit appliquée par des gens indépendants, non pas avec l'influence du gouvernement.

(1155)

Ce que le gouvernement fait par intérim, par la façon dont il va désigner les présidents des tribunaux administratifs, c'est qu'il se donne le grand pouvoir de les mettre à la porte n'importe quand. C'est le problème de l'ingérence du gouvernement dans les tribunaux administratifs. Cela aura souvent des conséquences graves sur les citoyens qui sont souvent aux prises avec de grosses machines.

Dans le système judiciaire, c'est souvent le petit qui gagne. On avantage le petit. Dans les tribunaux c'est un peu la même chose, mais avec les changements administratifs que le gouvernement apporte, c'est le gros qui gagnera. Le petit perdra tout le temps. Le gouvernement s'ingérera directement et indirectement dans les décisions. C'est complètement inacceptable, et le Bloc québécois votera massivement contre.

[Traduction]

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir dans le débat d'aujourd'hui, qui porte sur le projet de loi C-49, Loi sur les tribunaux administratifs (mesures correctives et disciplinaires).

En commençant, je voudrais citer un passage du livre rouge libéral sur un trait qui devait caractériser les actions, les responsabilités et les promesses du gouvernement. À la page 88 du livre rouge, on trouve une promesse sur le favoritisme libéral et le favoritisme en général:

Un gouvernement libéral adoptera un train de mesures pour rétablir la confiance dans les institutions publiques et fera de la compétence et de la diversité les critères régissant les nominations fédérales. La transparence sera le mot d'ordre des libéraux.
Ensuite? Ensuite, nous avons constaté que le favoritisme se portait plutôt bien sous le gouvernement libéral et qu'au moins 1 800 postes, de toutes sortes, avaient été attribués à des amis du régime.

Par exemple, deux libéraux bien branchés sur les circuits du pouvoir, les anciens députés Richard Cashin, de St. John's, à Terre-Neuve, et Keith Penner, de Kapuskasing, en Ontario, ont été nommés à l'Office national des transports, qui a été réorganisé l'été dernier. Voyons maintenant quelques nominations récentes à la magistrature. La soeur d'un ministre, une ancienne présidente du Parti libéral, a été nommée juge, avec un traitement d'environ 140 000 $ par année. Un ancien député libéral à la législature ontarienne a aussi été appelé à la magistrature. Gary McCauley, député libéral défait et ancien chef de cabinet de Pierre Trudeau, a été nommé à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, avec un salaire annuel de plus de 86 000 $.

Ce ne sont là que quelques-unes des centaines de nominations de personnes dont le seul, ou le principal, titre de gloire est d'avoir été membres du Parti libéral. Cela contredit totalement la promesse faite dans le livre rouge de réduire le favoritisme.

Le projet de loi C-49 n'est pas marqué par l'attitude cavalière de l'ancien premier ministre conservateur, mais plutôt par l'hypocrisie politique.

Quelques questions importantes ont des répercussions. Le budget des contrats d'experts-conseils aurait dû être réduit d'au moins 15 p.


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100, mais cela n'a pas été fait. Ce budget n'a subi aucune compression en dépit des promesses en ce sens.

On aurait dû donner aux parlementaires le moyen d'examiner les nominations à des postes élevées faites par le Cabinet, mais cela ne s'est pas fait. Rien n'a bougé à cet égard. De plus, le gouvernement n'a pas expliqué pourquoi il n'a rien fait pour donner corps à cet aspect important de l'imputabilité qui permettrait de garantir que les candidats les plus compétents sont nommés aux postes importants. Toutes les nominations devraient être fondées sur la compétence et le mérite, pas sur le fait d'appartenir ou pas au Parti libéral. Jusqu'à maintenant, plus de 1 800 nominations ont été faites, dont la vaste majorité sont allées à des amis de longue date du Parti libéral, celui du gouvernement au pouvoir.

(1200)

Le gouvernement a dit que les nominations devraient être fondées sur le mérite et la compétence, que ce sont là les principaux critères. Nous n'avons pas vu cela. Nous croyons que le mérite et la compétence sont effectivement les plus importants critères à utiliser pour évaluer si une personne est apte ou non à occuper un poste, et non pas le groupe socio-démographique qu'elle représente, son sexe, la couleur de sa peau, sa race, sa langue ni sa province d'origine.

Il est discriminatoire de juger une personne selon des critères autres que le mérite et la compétence. C'est pourquoi, selon nous, l'action positive est discriminatoire. Cependant, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour aider les groupes défavorisés dans notre pays, ceux qui ont généralement de la difficulté à réussir. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour leur donner les outils et les chances dont ils ont besoin pour tirer le maximum de leurs capacités.

Nous sommes contre l'idée d'établir les résultats à l'avance. Nous ne pouvons pas dire à la Chambre que nous voulons un taux de représentation de 25 p. 100 pour tel groupe et de 15 p. 100 pour tel autre groupe. Cette façon de faire est discriminatoire et troublante. C'est une insulte pour les gens qui auront ces postes. Ils ne sont pas jugés selon leur mérite et leur compétence, mais selon la couleur de leur peau, leur sexe ou un autre critère quelconque qui n'a absolument rien à voir avec leur capacité de faire le travail.

C'est là une des questions les plus troublantes pour moi qui possède des origines ethniques très variées. Il est discriminatoire de juger un être humain selon des critères autres que son mérite et sa compétence.

Le jour où nous pourrons tous être jugés selon notre mérite et notre compétence au Canada et surtout en tant qu'êtres humains, nous aurons réussi à créer une société fondée sur l'égalité, le respect mutuel et la compréhension. Juger les gens selon tout autre critère est injuste et discriminatoire envers eux.

Je suis certain que les Canadiens seraient très surpris d'apprendre que notre Charte des droits, le document qu'on vante comme étant un gage d'égalité, est en fait un document discriminatoire. J'ai été très étonné de voir, lorsque j'ai lu ce document, qu'on y disait qu'il était acceptable de faire de la discrimination contre les groupes qui avaient auparavant été favorisés dans notre société.

Il faut supprimer cette disposition parce qu'elle est discriminatoire. Elle va à l'encontre de ce que cela veut dire que d'être canadien. Elle va à l'encontre d'une des choses qui font la fierté des Canadiens, soit la reconnaissance de l'égalité de tous, peu importe la couleur de leur peau, leur race, leur nationalité, leur sexe ou quelque autre critère. En fin de compte, ces critères n'ont pas d'importance. Ce qui compte, ce sont les qualités d'une personne, son mérite et la compétence dont elle saura faire preuve dans un emploi ou dans toute autre situation. Ce qu'a fait le gouvernement montre qu'il ne voit pas les choses de cette manière.

Le projet de loi fait un certain nombre d'autres choses, ou plutôt il les omet. Il ne réduit pas le pouvoir du Cabinet de faire des nominations, mais il retire à la Chambre ou à tout autre organisme de surveillance le pouvoir d'examiner les nominations faites par le Cabinet.

Le projet de loi dit que cela éliminerait 271 emplois. Cela intéresserait peut-être les députés d'apprendre que ces postes sont actuellement vacants. Le gouvernement fait preuve d'hypocrisie en présentant à la Chambre des communes un projet de loi qui annonce la suppression de 271 emplois qui n'existent pas vraiment.

(1205)

En outre, le projet de loi apporte très peu de modifications aux allocations de déplacement et aux indemnités journalières. Il n'accroît pas la responsabilité redditionnelle.

La grande majorité des personnes que je connais et qui travaillent à la Chambre et dans l'administration sont des gens honnêtes qui prennent très au sérieux leurs responsabilités envers la population canadienne. Ils surveillent de près leurs dépenses car, en fin de compte, cet argent vient des poches des travailleurs et des contribuables canadiens.

Or, certains individus ne tiennent pas compte de ce fait et dépensent de façon inconsidérée pour leurs déplacements. Ils abusent de leurs pouvoirs de députés élus ou de fonctionaires nommés. Il faut les rappeler à l'ordre. Il faut les obliger à rendre compte des dépenses qu'ils font. Le projet de loi C-49 n'impose aucune obligation en ce sens, bien que le gouvernement ait eu une belle occasion de le faire.

Les mesures correctives et disciplinaires auraient également dû être normalisées par les tribunaux administratifs. Or, le pouvoir du ministre d'intervenir au sujet des mesures disciplinaires n'est pas réduit mais accru. Actuellement, il incombe vraisemblement au ministre qui a nommé une personne de prendre des mesures disci-


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plinaires à l'endroit de cette même personne. Le Parti réformiste ne voit pas les choses du même oeil. Le ministre devrait exercer ces responsabilités conjointement avec d'autres personnes. Le système devrait comporter plus de transparence et une obligation redditionnelle accrue.

Je pourrais parler de bien d'autres cas de nominations faites par favoritisme. Comme je l'ai dit, la liste se monte à 1 800 au total. Je rappelle encore une fois à la Chambre la promesse faite dans le livre rouge et je voudrais la comparer à celle du Parti réformiste.

En 1993, les libéraux avaient promis aux Canadiens qu'ils adopteraient un train de mesures pour rétablir la confiance dans les institutions publiques et ferait de la compétence et de la diversité les critères régissant les nominations fédérales. La transparence serait le mot d'ordre des libéraux.

La promesse que nous faisons aux Canadiens est la suivante. Le Parti réformiste approuve les restrictions et les limites imposées sur le nombre et le type de décrets que peut prendre un gouvernement durant son mandat. Nous voulons introduire cette condition dans le système pour favoriser la reddition des comptes.

Lorsqu'il est arrivé au pouvoir, le gouvernement avait une occasion unique de rétablir la confiance des Canadiens dans cette institution. Nous sommes conscients à la Chambre, et le public aussi, de l'extraordinaire apathie du public à l'égard de cette Chambre, de cette institution et des représentants élus qui s'y trouvent. Cette question n'est pas sans fondement si on examine l'histoire de près.

Le gouvernement avait l'occasion de démocratiser cette Chambre. Il avait l'occasion de rétablir le pouvoir du peuple dans cette Chambre par l'entremise de ses représentants élus. Or, il a décidé de ne pas le faire. Quand ils se trouvaient du côté de l'opposition, les libéraux eux-mêmes avaient fait de bonnes suggestions quant à la façon de démocratiser la Chambre. Nous n'avons vu aucun résultat de tout cela à la Chambre.

Avec la nomination du député à la présidence, le gouvernement a rompu sa promesse. Alors qu'il aurait dû nommer un député de l'opposition, il a nommé un des siens.

Il est des choses que nous pouvons encore faire quant à la structure des comités. Les comités de cette Chambre ont été créés afin de tenir les députés occupés et de les empêcher de tourner en rond. La vaste majorité des travaux des comités se font souvent à grands frais non seulement pour les députés, qui y consacrent beaucoup de temps, mais aussi pour la Chambre et le personnel auxiliaire qui travaille très dur et de façon très consciencieuse pour produire des documents qui, espèrent-ils, peuvent faire une différence.

Que se passe-t-il en comité? En comité, on écoute posément les opinions claires, honnêtes et documentées des particuliers. Après plusieurs mois d'études et d'examens, le comité présente un document. Ce document fait parler de lui durant environ une journée, dans les médias. On le range ensuite sur une tablette, comme un grand nombre de ses semblables.

(1210)

On en a eu un exemple impressionnant au Comité de la santé quand la présidente de la société Inuit Tapirisat est intervenue, au moment où le comité s'apprêtait à étudier la santé des autochtones au Canada, un problème très grave auquel on aurait dû s'intéresser il y a des décennies. C'est une grande tragédie qui se déroule tout près de nous.

La présidente de la société Inuit Tapirisat s'est présentée les bras pleins de dossiers. Elle s'est assise et nous a dit: «Vous ne serez pas bien accueillis si vous venez à Inuvik pour nous étudier. Ces documents que j'ai dans les bras ne sont que quelques exemples des douzaines et des douzaines d'études que je peux vous fournir sur la santé des autochtones. Nous ne voulons plus d'études; il est temps d'agir.»

La population canadienne veut que la Chambre agisse, mais ce n'est pas quelque chose qu'on voit souvent. Le gouvernement aurait pu se permettre de donner aux comités le pouvoir de présenter des projets de loi, de proposer de bonnes solutions, de diminuer la domination de la structure en place, avec le whip au sommet.

Cette structure fait peur aux députés et les empêche de représenter efficacement le public à la Chambre. Pour un ministériel, dénoncer le gouvernement à la Chambre, c'est s'attirer les foudres du whip. Il pourrait se faire retirer son droit de parole à la Chambre, qui est aussi une responsabilité. Il peut être frappé d'ostracisme par ses collègues et perdre ses postes aux comités.

Je peux en citer deux exemples touchants. L'un d'eux a trait au projet de loi sur le contrôle des arme à feu, le projet de loi C-68. Une demi-douzaine de députés ministériels ont courageusement représenté leurs électeurs et se sont prononcés contre ce projet de loi. Ils ont été sommairement écartés par le gouvernement dont ils sont membres. Ils ne pouvaient plus prendre la parole à la Chambre. Ils ne pouvaient plus siéger aux comités. Ils ont été frappés d'ostracisme et, pendant un long moment, c'était comme s'ils étaient devenus superflus, qu'ils s'étaient atrophiés, qu'ils avaient disparu de la Chambre.

Lorsqu'un gouvernement traite ainsi des députés, ce n'est pas seulement eux qu'il touche, c'est avant tout les citoyens qui ont élu ces individus pour les représenter à la Chambre. Ce n'est pas dans une démocratie que nous vivons. Nous vivons dans un État féodal et c'est là une partie du problème.

Pour ce qui est des projets de loi d'initiative parlementaire, le gouvernement aurait pu proposer dans le projet de loi C-49 de bonnes solutions pour que les projets de loi d'initiative parlementaire puissent être présentés à la Chambre et faire l'objet d'un vote. Nous sommes la seule nation au monde qui prétende être une démocratie et où certains projets de loi d'initiative parlementaire ne peuvent faire l'objet d'un vote. Pourquoi les simples députés se mettent-ils en quatre pour présenter des projets de loi qui ne pour-


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ront faire l'objet d'un vote et qui n'auront donc jamais force de loi? Quel gaspillage de l'argent des contribuables.

Nous pourrions vraiment donner la parole aux citoyens, par l'intermédiaire de leurs élus, en garantissant que les projets de loi d'initiative parlementaire puissent faire l'objet d'un vote et soient ainsi susceptibles de devenir loi. On exploiterait ainsi au maximum les grands talents des députés de cette Chambre, de quelque bord qu'ils soient, et on soumettrait les bonnes idées du public à la Chambre qui en débattrait pour aboutir à des projets de loi efficaces pour le plus grand bien du Canada et des Canadiens.

La population serait choquée de voir le simulacre de programme que suit la Chambre. Quelle serait son indignation si elle savait que le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui ne concerne en aucune façon l'emploi, l'économie, la sécurité publique, ou la pauvreté! Il ne renforce pas nos programmes sociaux, il ne touche les Canadiens en aucune façon, pas plus dans leur essence que dans leur vie de tous les jours.

(1215)

La grosse majorité des projets de loi qui sont présentés à la Chambre sont anodins et ne concernent qu'un petit nombre de personnes. Le gouvernement devrait avoir honte. Il aurait dû présenter un bon projet de loi pour régler le problème.

En conclusion, nous allons voter contre le projet de loi parce qu'il démontre l'hypocrisie du gouvernement. Il avait l'occasion de renforcer l'institution démocratique qu'est la Chambre et, une fois de plus, il a choisi de ne pas le faire. Ce n'est qu'une promesse de plus qu'il renie.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt les propos du député. Je regrette qu'il n'ait pas parlé du projet de loi dans son ensemble, car celui-ci comporte certains éléments fort importants.

Comme il est en droit de le faire, le député a profité de l'occasion pour donner au débat un certain ton de partialité politique et se faire du capital politique.

Il a d'abord soulevé toute la question du favoritisme. Ce mot est assorti de plusieurs connotations négatives. Cependant, le député a bien cité le livre rouge en parlant de l'engagement du gouvernement à veiller à ce que toute nomination soit fondée sur la compétence et la diversité.

Le député a laissé entendre que les seules personnes nommées sont des libéraux ayant des amis au sein du parti. Il ne voulait certainement pas dire à la Chambre que des libéraux ne devraient jamais être choisis. L'allégeance n'a rien à voir avec la compétence ou la diversité. Cependant, il a affirmé que, dans certains cas, le seul talent des personnes nommées était leur appartenance au parti libéral. Je ne crois pas qu'il ait cité des noms ou dit si l'on avait tenu compte de la compétence ou de la diversité lors de la nomination de ces personnes. Il a parlé souvent d'hypocrisie politique. Cependant, je ne vois pas le lien entre l'hypocrisie politique et la nomination de certaines personnes, qui représentent divers intérêts, auprès d'organismes publics ou de conseils.

Malheureusement, lors de débats teintés de partialité politique comme celui-ci, on met tous les députés dans le même panier. Or, tous les députés travaillent très fort afin d'améliorer la crédibilité de ceux qui sont élus à la Chambre des communes à titre de représentants de la population.

Le député devrait savoir que toute nomination à un organisme ou un conseil quelconque comporte un certain risque. La personne nommée tombe nécessairement sous l'oeil scrutateur de la population en général.

En terminant, je voudrais poser une question précise au député. La crédibilité d'une personne ou d'un organisme qui approuve une nomination et qui l'annonce publiquement tombe aussi sous l'oeil de la population et elle est soumise à ses critères d'évaluation.

Malgré ses remarques, le député peut-il donner à la Chambre un exemple de nomination non conforme aux critères de compétence et de diversité?

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question.

Je vais donner quelques exemples. Même si j'avais beaucoup de respect pour l'ancien ministre des Affaires étrangères, je me demande ce qu'il sait de la Société canadienne des postes. Cet ancien député a reçu 160 000 $, en plus de sa pension de député à laquelle, dois-je le répéter, tous les députés du Parti réformiste sauf un ont renoncé. Il a été nommé président de la Société canadienne des postes. Je ne vois pas le rapport entre les Affaires étrangères et Postes Canada.

Nous pourrions parler du député défait Gary McCauley, un ancien chef de cabinet de Pierre Trudeau qui a été nommé à la Commission de l'immigration de statut de réfugié. Je me demande quelles connaissances et quelles qualifications cette personne pouvait bien avoir dans le domaine de l'immigration et du statut de réfugié. Il y a toute une liste que je serais heureux de fournir au député. La liste est longue, mais je ne vais pas embêter la Chambre plus longtemps avec cela.

(1220)

Il n'en reste pas moins-et ce n'est pas être partisan, c'est simplement appeler les choses par leur nom-qu'un des principaux critères pour obtenir une nomination consiste tout simplement à être membre du Parti libéral. Ce n'est pas correct.

M. Szabo: Monsieur le Président, le député a fort bien exposé son point de vue. Je lui ai demandé précisément s'il pouvait nous donner des exemples d'incompétence ou de manque de diversité dans une nomination. Comme premier exemple, il cite un ancien ministre qui est maintenant président de la Société canadienne des postes. Il a demandé quel lien il pouvait bien y avoir entre les Affaires étrangères et Postes Canada. C'est une bonne question, mais il devrait savoir que ce ministre a déjà été responsable de Postes Canada et qu'il a dirigé ce ministère. Il fait erreur avec cet exemple.

Le deuxième exemple qu'il a donné, c'est l'argent qu'une personne a reçu. Le montant d'argent est assujetti aux lignes directrices


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visant certains emplois. Là encore, dans ce deuxième exemple, le député n'a pas démontré qu'il y avait incompétence. Il ne s'agit pas de se demander si une personne a la compétence voulue. Il faut démontrer que c'est une mauvaise nomination et que la personne n'est pas en mesure de s'acquitter de ses nouvelles responsabilités.

Je répète ma question: le député peut-il donner à la Chambre un exemple de nomination où il est possible de prouver l'incompétence?

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je n'ai pas voulu vraiment soulever cette question parce que je ne veux pas porter atteinte de quelque façon que ce soit à nos honorables forces armées. Nos militaires travaillent courageusement pour faire honneur non seulement au Canada, mais également aux troupes de maintien de la paix à l'étranger.

Toutefois, il est inutile de chercher plus loin que l'ancien chef d'état-major, le général Jean Boyle, qui a été nommé alors qu'il y avait des personnes beaucoup plus compétentes et expérimentées. Cette nomination a été un désastre. Elle montre bien ce qui peut se produire lorsqu'une personne a des connexions avec le parti et qu'elle est nommée à un poste supérieur à son niveau de compétence.

Le député pourrait penser à cet exemple, si sa mémoire remonte jusque-là.

M. Ovid L. Jackson (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, j'ignore de quel droit un politicien peut dénigrer une autre personne. Je prierais le député de tenir ce genre de propos ailleurs que dans cette enceinte. À mon avis, ce serait la chose à faire.

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, je suis d'avis que l'histoire et les faits témoignent du degré d'incompétence de cet homme. Sinon les tristes affaires qui se sont produites dans les hauts rangs de notre armée n'auraient jamais eu lieu. Les faits sont très éloquents à ce sujet.

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends part au débat sur le projet de loi C-49. Ces derniers temps, on se penche davantage sur le favoritisme pratiqué par les libéraux, d'où l'intérêt que présente ce projet de loi.

Le Parti réformiste s'oppose à ce projet de loi parce qu'il ne constitue pas une mesure efficace pour réduire le favoritisme. Il ne vise pas le pouvoir de nomination que possède le Cabinet. Celui-ci peut encore nommer qui bon lui semble.

Le cabinet peut encore combler 2 225 postes. Compte tenu de la façon dont le gouvernement s'acquitte de cette tâche, tout indique que le favoritisme a encore de beaux jours devant lui.

(1225)

Les libéraux prétendent que ce projet de loi vise à uniformiser les mesures correctives et disciplinaires à l'égard des membres de tribunaux administratifs. Or, le pouvoir dont dispose le ministre pour influer sur ces mesures s'en trouve accru. En effet, le ministre déterminera s'il y a lieu de punir un membre ou non. En ma qualité de membre du Comité de l'agriculture et de l'agroalimentaire, il m'a souvent été donné de voir les libéraux rédiger des projets de loi comportant des dispositions qui leur permettaient de pratiquer encore et toujours le favoritisme.

Ainsi, le projet de loi C-60 qui est actuellement à l'étude créera un nouvel organisme d'inspection des aliments. Certaines dispositions de ce projet de loi visent à créer un climat propice à l'édification d'empires et au favoritisme. En effet, ce projet de loi précise que c'est le gouverneur en conseil qui nommera le président et le premier vice-président du nouvel organisme. Ces gens seront responsables des opérations quotidiennes de l'agence et conseilleront le ministre sur des questions touchant le mandat de l'agence. On ne parle pas des compétences qu'ils doivent avoir. Ce type de situation ouvre la porte à davantage de népotisme politique.

Le projet de loi C-60 précise que le président et le premier vice-président reçoivent une rémunération établie par le gouverneur en conseil. Nous ignorons même le montant de ces rémunérations. Je me demande pourquoi on n'annonce pas des postes comme ceux-là. Il faut certaines compétences pour prendre ces commissions et tribunaux en charge.

Dans le secteur privé, on lance généralement des annonces et les candidats doivent avoir certaines compétences. De plus, la rémunération ou le salaire est censé être négociable. Cela semble être la direction dans laquelle le gouvernement doit aller pour que ces commissions et tribunaux rendent davantage de comptes.

Tout d'abord, nous pourrions devenir plus efficients en négociant de meilleurs salaires ou des salaires qui reflètent mieux les compétences des candidats. De plus, si nous pouvions, grâce à des annonces, encourager des gens compétents à poser leur candidature pour diriger les commissions, cela rapporterait davantage à long terme. On rendrait ainsi davantage de comptes.

Le projet de loi précise également que chaque membre du comité consultatif reçoit pour ses services des honoraires fixés par le ministre. Là encore, on ne peut dire aux contribuables canadiens à combien ils vont s'élever, car nous ignorons le montant en cause. Cela montre bien la façon dont fonctionnent les libéraux. On ne rend aucun compte. Seuls les libéraux peuvent se porter candidats.

Les libéraux ont été très occupés cet été à combler des postes en nommant des gens par favoritisme politique. On a pu le constater dans le cadre de la réorganisation de l'Office des transports du Canada où on a nommé quelques personnes qui ont des amis influents au sein du Parti libéral. On a récemment nommé à la magistrature la soeur d'un ministre, un ancien président du Parti libéral et un ancien député à l'assemblée législative de l'Ontario notamment. Ces gens devaient être membres du Parti libéral. Dans la négative, ils ont été très chanceux.

Le gouvernement nomme des libéraux au sein de Petro-Canada, de la Banque du Canada, de la Cour fédérale du Canada et du Sénat. Le tout nouveau bureau d'information du Canada emploiera des amis du Parti libéral et des membres du parti et il diffusera la propagande libérale aux frais du contribuable.

Le principal critère que ces personnes doivent respecter, c'est d'avoir certains liens avec le Parti libéral. Aucun autre facteur ne semble vraiment important. L'exemple le plus souvent cité probablement du népotisme libéral réside dans les nominations à la Commission nationale des libérations conditionnelles où des mem-

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bres incompétents ont fait de graves erreurs en libérant des criminels dangereux qui ont commis d'autres crimes horribles à nouveau.

J'ai parlé à un certain nombre de reprises des questions de criminalité. Je trouve regrettable que l'ingérence politique puisse avoir des répercussions sur la façon dont fonctionnent le système des libérations conditionnelles ou le système de justice. Les libéraux font passer leurs amis politiques avant la sécurité des Canadiens.

(1230)

C'est le parti qui avait promis d'agir pour restaurer la confiance des Canadiens dans leurs institutions gouvernementales. Ces derniers jours, nous avons débattu de la nomination d'un vice-président. Cette promesse aurait pu être tenue si facilement sans qu'on n'impose de fardeau financier aux contribuables. Cela aurait permis d'accroître l'indépendance de la présidence et montrer aux Canadiens que le gouvernement est déterminé à améliorer la démocratie au Parlement.

Le Parti libéral avait promis dans son livre rouge d'agir pour restaurer la confiance des Canadiens dans les institutions fédérales. La promesse faite dans le livre rouge disait que la transparence serait le mot d'ordre des libéraux. Ces mots sonnent maintenant très creux et vont à l'encontre de la promesse faite lors de la campagne électorale.

Je me rappelle fort bien du temps où les conservateurs avaient battu les libéraux aux élections de 1984 et où M. Mulroney s'en était pris au premier ministre de l'époque, M. Turner, en disant: «Vous n'aviez pas à faire ces nominations. Vous aviez le choix. Nous allons agir différemment.»

Que s'est-il passé lorsque les conservateurs ont pris le pouvoir en 1984? Les nominations teintées de favoritisme ont continué de prendre de l'ampleur. C'est devenu encore plus important à ce moment-là. Le Sénat a été rempli de conservateurs pour faire adopter la loi sur la TPS. Nous savons à quel point cette loi est devenue controversée. La TPS n'aurait pas pu être adoptée si les conservateurs n'avaient pas eu le pouvoir de remplir le Sénat en nommant huit sénateurs de plus.

Il est important de modifier ce régime dans les plus brefs délais. Notre pays ne peut pas se permettre des nominations, des décisions ou des programmes dictés par ce genre de politique.

Lorsque nous examinons la dette de 600 milliards de dollars, nous constatons facilement que des décisions très peu judicieuses ont été prises et que les générations à venir devront en subir les conséquences et les corriger. Je ne crois pas que les politiciens pourront y arriver. Il faudra élire à la Chambre des hommes et des femmes d'une intelligence, d'un caractère et d'une honnêteté sans pareils. La première chose à faire pour apporter des améliorations, c'est de licencier les personnes qui ont été nommées par favoritisme politique.

Cela m'effraie parfois de penser que nous sommes venus si près, non seulement de la faillite, mais également de la scission du pays et d'une division telle que nous ne puissions pas coexister.

Lorsque je regarde les informations des quelques derniers jours et que je vois ce qui se passe au Zaïre et au Rwanda, cela m'effraie de voir des frères se battre entre eux. Je ne crois pas que nous voulions jamais voir cela dans notre pays. Nous préférerions abandonner la vie politique plutôt que de devenir divisés au point de devoir prendre des mesures plus fortes que celles que nous prenons lorsque nous nous rendons aux urnes.

Si nous n'essayons pas de changer le régime pendant la présente législature, comment pouvons-nous être sûrs de pouvoir le faire au cours de la prochaine? De toute évidence, les libéraux essaient de miser sur le dégoût qu'éprouvaient les Canadiens à l'égard des conservateurs de M. Mulroney. Je ne reproche certainement pas au gouvernement de s'attaquer à cette question avec une certaine véhémence. Le gouvernement précédent avait fait subir des abus énormes au Parlement.

(1235)

Nous savons que les nominations politiques avaient atteint de nouveaux sommets au cours de cette période-là. Nous ne sommes pas obligés de croire qu'on guérit le mal par le mal. Nous devons commencer à nous attaquer aux questions avec lesquelles nous sommes aux prises et qui. . .

Le vice-président: Je regrette d'interrompre le député, mais ses 10 minutes sont écoulées. Après cinq heures de débat, nous en sommes maintenant aux discours de 10 minutes.

______________________________________________


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AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

FINANCES

M. Jim Peterson (Willowdale, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Si vous le demandez, je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour que le Comité des finances dépose son quatrième rapport. Ce rapport donne notamment suite à l'examen des lois régissant les institutions financières du Canada.

En présentant ce document, je voudrais avant toute chose remercier les employés de la Chambre des communes, en particulier nos greffiers, qui ont accompli un travail fantastique pour que le rapport soit prêt en un temps record. Ils disposaient d'un délai très court.

[Français]

J'aimerais aussi remercier tous les députés, les membres du comité et surtout, de l'opposition officielle, le député de Saint-Hyacinthe-Bagot. Je ne lui ai pas donné beaucoup de temps pour répondre au rapport majoritaire, mais sa coopération a été très bien appréciée.

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime pour adopter cette motion?

Des voix: D'accord.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, je vous annonce que l'opposition officielle a déposé une opinion dissidente en annexe du rapport de la majorité libérale. Vous retrouverez trois arguments de force de cette opinion dissiden-

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te. La première est que l'opposition officielle refuse que le gouvernement fédéral intervienne dans le domaine des valeurs mobilières, un domaine de compétence exclusive aux gouvernements provinciaux et, en l'occurrence, au gouvernement du Québec.

Le rapport de la majorité libérale propose la création d'une commission pancanadienne des valeurs mobilières et nous nous y opposons formellement, parce que cela va à l'encontre de la constitution même de ce pays, la Constitution de 1982. Deuxièmement, cela porterait un dur coup à l'économie de Montréal, qui verrait ses meilleurs éléments au niveau des valeurs mobilières, gestion conseil, etc. être transférés à Toronto avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir sur le plan financier et, surtout, sur le plan économique.

Nous nous opposons aussi à une des recommandations qui exigerait par exemple des banques étrangères qui voudraient évoluer dans le domaine des valeurs mobilières qu'elles demandent la permission au ministre fédéral des Finances pour intervenir dans le domaine des valeurs mobilières, qui est un domaine de compétence exclusif aux provinces.

Finalement, nous nous opposons à la recommandation de la majorité libérale, qui demande qu'on crée un bureau fédéral de la protection des consommateurs. Ce n'est pas qu'on est contre la protection des consommateurs, mais on crée des chevauchements, des dédoublements, des situations inusitées d'inefficacité, parce que ces organismes de protection de consommateurs, comme la protection du consommateur, la protection des renseignements personnels, la Loi des assurances, les sociétés de fiducies au Québec, etc. ont déjà comme rôle ce qu'on veut donner à un bureau fédéral de protection des consommateurs.

Pour toutes ces raisons, l'opposition officielle demande au gouvernement de renoncer à son projet de création d'une commission nationale des valeurs mobilières, de laisser les provinces gérer la protection du consommateur, puisque ce domaine relève de leurs responsabilités, et troisièmement, de laisser aux juridictions provinciales le soin de permettre aux filiales étrangères de courtage de faire affaire ou non sur leur territoire, puisque cela relève de leurs compétences exclusives.

______________________________________________


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

(1240)

[Traduction]

LOI SUR LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS (MESURES CORRECTIVES ET DISCIPLINAIRES)

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-49, Loi autorisant la prise de mesures correctives et disciplinaires à l'égard des membres de tribunaux administratifs, portant réorganisation et dissolution de certains organismes fédéraux et modifiant certaines lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, ainsi que de l'amendement.

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir intervenir concernant le projet de loi C-49, Loi sur les tribunaux administratifs. Le projet de loi C-49 apporte des modifications administratives à des organismes et des tribunaux. Je me joins à mes collègues qui s'opposent à cette mesure. Ce projet de loi devrait être rejeté et réécrit de manière à proposer des mesures correctrices importantes pour éliminer le favoritisme et améliorer l'obligation de rendre des comptes.

Le projet de loi C-49 n'apporte pas de modification fondamentale à l'obligation de rendre compte. Il ne va pas assez loin pour éliminer ou réduire le favoritisme. En fait, il ne propose pratiquement rien pour modifier ce qui se fait aujourd'hui.

Bon nombre de Canadiens ne seront pas d'accord avec la proposition visant à éliminer l'exigence de posséder la citoyenneté canadienne pour pouvoir être nommé membre de neuf organismes, dont la SCHL, le Conseil canadien des relations du travail, le CRTC et la Société Radio-Canada. Le projet de loi C-49 renferme également des modifications à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, de sorte qu'un membre siégera seul. On peut douter que cette modification renforce l'obligation de rendre compte et, en fait, le contraire pourrait se produire.

Le projet de loi C-49 propose d'élargir et non de réduire le rôle du gouverneur en conseil et des ministres dans certaines nominations. Le gouvernement libéral actuel peut continuer de nommer tous ses amis à des postes en vue sans tenir compte du sens des responsabilités, de la compétence ou de la qualité des candidats.

Quand ils étaient dans l'opposition, les libéraux ont protesté bruyamment contre les nominations politiques du gouvernement Mulroney. Ils avaient alors complètement oublié l'utilisation outrancière que leur parti avait fait de cet outil politique sous le gouvernement Trudeau.

On trouve à la page 88 du livre rouge le passage suivant: «Les conservateurs ont également pratiqué le copinage lorsqu'ils ont comblé des milliers de postes au sein des conseils, des commissions et des agences. Le Conseil des ministres est chargé de ces nominations en vertu de la loi. Un gouvernement libéral», j'attire l'attention des gens d'en face sur ce qui suit, «[. . .] rétablira la confiance dans les institutions gouvernementales et fera de la compétence et de la diversité les critères régissant les nominations fédérales. La transparence sera le mot d'ordre des libéraux.» D'après moi, cela se produira quand les poules auront des dents.

La liste des nominations politiques est tellement longue que je n'aurai jamais le temps aujourd'hui de citer tous les noms, mais il est important que cette liste figure au compte rendu, qui fait la honte des libéraux.

Tout au haut des nominations politiques, on trouve celle de Roméo LeBlanc, ce fidèle serviteur du Parti libéral devenu Gouverneur général du Canada. M. LeBlanc a été attaché de presse, rédacteur de discours, organisateur, député et sénateur pour les libéraux fédéraux.

Cet été, l'Office national des transports a été remanié afin de faire de la place pour plusieurs libéraux jouissant de bonnes relations au sein du parti, dont l'ancien député fédéral de St. John's, à Terre--


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Neuve, Richard Cashin, et l'ex-député fédéral de Kapuskasing, en Ontario, Keith Penner.

Le Cabinet libéral a récemment nommé Roger Légaré, ancien directeur général du Parti libéral du Canada et candidat défait en 1993, au poste le plus élevé à la direction de la Commission de la capitale nationale.

La liste est longue des nominations politiques au poste de juge, assorti d'un traitement annuel d'environ 140 000 $. L'on remarque parmi les plus récentes nominations à la magistrature la soeur du nouveau ministre de la Défense; l'ancien président du Parti libéral, Michael Robert; un ex-député provincial de l'Ontario, Albert Roy; Thomas Lofchik, un organisateur libéral de Hamilton, nommé à la Cour d'appel de l'Ontario; John Richard, un ancien associé du premier ministre et fils de l'ancien député fédéral libéral, Jean T. Richard; Bryan Williams, un partisan libéral de longue date, déjà pressenti comme candidat libéral, nommé à la Cour suprême de la Colombie-Britannique; et Gerald Albright, un autre partisan libéral bien connu, nommé à la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan.

Mentionnons parmi les amis politiques nommés à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié Gary McCauley, député fédéral libéral défait et ancien chef de cabinet de Pierre Trudeau; Dorothy Davey, la femme de l'ex-sénateur Keith Davey; Elke Homsi, travailleuse de campagne pour le ministre de l'Environnement, longtemps assistante du député provincial de l'Ontario, Tony Ruprecht, et assistante de divers députés libéraux fédéraux de l'Ontario.

La liste des amis politiques nommés à des sociétés d'État comme Postes Canada est également longue. Les nominations à la Société canadienne des Postes Canada revêtaient un tel caractère politique que le rapport du comité chargé d'examiner la mission de la société d'État a recommandé récemment que le conseil d'administration de Postes Canada soit composé uniquement de personnes possédant l'expérience et les compétences nécessaires pour apporter la meilleure contribution possible à la direction d'une entreprise de cette importance. Que peut-on en déduire à propos de la qualité des nominations? Qu'elles devraient sûrement être faites en fonction de la compétence. Les libéraux ne semblent pourtant pas le comprendre.

(1245)

Il est ironique de constater que George Radwanski, choisi pour présider le comité d'examen de la mission de Postes Canada, était lui-même un ancien rédacteur de discours pour le premier ministre et avait participé activement à la campagne de 1990 pour la direction du Parti libéral. Il avait donc clairement obtenu son poste par favoritisme politique.

L'ancien ministre André Ouellet a été nommé président du conseil de la Société canadienne des postes et touchera 160 000 $ par année, en plus de sa pension de député, déjà fort généreuse.

Plus récemment encore, Gilles Champagne, depuis longtemps collecteur de fonds pour le premier ministre, a été nommé au conseil d'administration de la Société canadienne des postes.

Ce favoritisme politique limite gravement la capacité du gouvernement de nommer les personnes les plus compétentes. Malheureusement, ces nominations ne sont qu'une infime partie de l'ensemble des faveurs politiques.

Lawrence Freeman, libéral bien connu et ami du ministre de la Santé, a été nommé au comité consultatif du Groupe Communication Canada.

Roy MacLaren, ancien ministre libéral du Commerce international, a renoncé à son siège aux Communes pour accepter le poste fort confortable de haut-commissaire en Grande-Bretagne.

Parmi les personnes qui ont été appelées au Sénat par le premier ministre, notons Lorna Milne, organisatrice libérale en Ontario; Léonce Mercier, stratège et organisateur libéral de longue date au Québec; Céline Hervieux-Payette, ancien ministre de second rang dans le gouvernement Trudeau; John Bryden, ancien chef libéral au Nouveau-Brunswick et directeur, dans la même province, de la campagne du premier ministre à la direction de son parti en 1990; Sharon Carstairs, ancien chef du parti libéral manitobain, ancienne députée à l'Assemblée législative du Manitoba et fille d'un ancien sénateur libéral; Landon Pearson, bru de Lester B. Pearson. William Rompkey, ancien député libéral, Jean-Robert Gauthier, ancien député libéral d'Ottawa-Vanier et Shirley Maheu, députée libérale, ont tous renoncé à leur siège aux Communes pour obtenir eux aussi leur récompense. Nick Taylor, libéral qui a été élu à l'Assemblée législative de l'Alberta et qui a brigué le poste de chef du parti libéral provincial, a également eu droit à sa récompense au Sénat.

La liste des nominations partisanes n'en finit plus. Et pourtant, les libéraux avaient promis dans le livre rouge de faire les choses différemment. Les libéraux ont nommés de leurs amis à toutes sortes de postes, soit à des tribunaux, à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, aux sociétés, au conseil d'administration de la Banque du Canada. Et tout ce temps, les médias ont à peine froncé le sourcil. Peut-être sont-ils un peu partisans aussi.

Le gouvernement se défend en disant que toutes les personnes nommées étaient compétentes. Qu'est-ce que cela veut dire, puisque la seule qualification qui importait était, bien sûr, d'appartenir au Parti libéral?

Avant les dernières élections, le député de Scarborough-Rouge River disait aux Canadiens que deux conditions devaient prévaloir dans toute nomination: d'abord, il fallait exiger la qualité et, ensuite, il fallait rendre compte de la démarche empruntée. Il fallait s'assurer que les nominations sont examinées par la Chambre des communes ou un comité de la Chambre des communes ou que quelque autre mécanisme soit prévu.

Qu'est-il advenu de cette promesse? Qui examine les nominations des libéraux? Pas un comité, comme le proposaient les libéraux avant les élections, mais l'épouse de l'ancien ministre de la Défense, Penny Collenette, qui a bénéficié elle-même d'une nomination partisane. Cela en dit long sur la façon libérale de rendre des comptes.


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La liste des nominations partisanes est en soi très éloquente. Les libéraux ont prouvé à quel point ils se moquent de rendre des comptes aux Canadiens en invitant à nouveau tous leurs amis à venir manger à l'auge. Les Canadiens méritent mieux que cela. Ils méritent des nominations fondées sur la qualité et la compétence et il est grand temps qu'ils les obtiennent. Le gouvernement doit enfin donner l'exemple dans sa façon de nommer les titulaires de ces postes très importants. Il faut que les Canadiens reprennent confiance dans leur gouvernement et l'intégrité de nos institutions.

(1250)

Le Parti réformiste est pour qu'on limite le nombre et le genre de nominations par décret que peut faire un gouvernement. Les personnes devraient être nommées en fonction de leur compétence. Il faut que les postes de prestige et d'influence soient occupés par des personnes fortes, indépendantes et efficaces et non par des partisans intéressés du parti ministériels.

Au lieu de conférer aux ministres un plus grand pouvoir discrétionnaire, il faut les obliger à rendre des compte des nominations qu'ils font et cela, non pas au parti ministériel, mais au peuple canadien. Si le gouvernement n'est pas disposé à apporter les changements qui s'imposent, un gouvernement réformiste s'en chargera.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté l'intervention du député et je ne l'ai pas entendu une seule fois aborder la question primordiale qu'est la compétence de tous les gens qu'il a mentionnés. Je vais lui donner un exemple auquel il pourra réfléchir. S'il estime que Son Excellence le Gouverneur général ne possède pas les qualités ou les compétences nécessaires pour remplir cette fonction, qu'il le dise aujourd'hui. Je ne crois pas qu'il soit disposé à faire une telle affirmation.

Je vais lui donner trois raisons d'appuyer cette mesure législative.

Premièrement, cette mesure législative, combinée à un autre projet de loi de la Chambre, vise à abolir 88 organisations d'ici les prochaines élections. Cela représente 868 postes; 868 nominations disparaîtront. Cela nous fera économiser environ 10 millions de dollars par année. Voilà un changement notable que le député reconnaîtra, je l'espère.

Deuxièmement, le député regrette l'absence d'un mécanisme sérieux pour examiner les nominations. Le député n'est sûrement pas sans savoir qu'il existe un comité consultatif qui est chargé d'examiner toutes les nominations de juges faites par les autorités fédérales et qui fonctionne très bien. Il y a également un comité consultatif chargé d'examiner les nominations à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui fonctionne, lui aussi, très bien.

Permettez-moi de vous raconter une anecdote. Au cours du dernier mois, un libéral m'a abordé pour me dire ceci, et je cite: «Je viens de recevoir une lettre du comité consultatif où on me dit que je ne possède pas les compétences requises pour siéger à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Comme expliquez-vous cela?» Je lui ai répondu: «Ce n'est pas parce que vous êtes libéral que vous possédez les compétences nécessaires pour siéger à cette commission.» Cette personne était très déçue. Voilà le travail qu'accomplit le comité consultatif. S'il juge que certains candidats n'ont pas les qualités requises, il le leur dit et la nomination de ces candidats n'est pas recommandée au ministre.

Voilà donc deux exemples, les juges nommés par le fédéral et les membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, où des personnes apolitiques recommandent les nominations à faire.

En troisième lieu, en ce qui concerne l'examen des nominations, je sais, puisque j'ai siégé au Comité de la justice, que toutes les nominations judiciaires sont renvoyées à ce comité. Si ce n'est pas là un mécanisme d'imputabilité pour les nominations judiciaires, je me demande bien ce que c'est.

Je sais également que toute nomination au sein d'un organisme relevant du gouvernement fédéral peut être examinée par le comité permanent chargé du ministère en cause. Il suffit que les membres du comité décident d'examiner la nomination.

J'ai siégé à des comités quand une question semblable a été soulevée. C'est arrivé dans le cas, notamment, des Services correctionnels du Canada. C'est arrivé en ce qui concerne la Commission nationale des libérations conditionnelles et dans un certain nombre d'autres cas, y compris le renvoi de nominations judiciaires qui, en vertu d'un article du Règlement, ne font pas l'objet d'un examen par le comité; mais le cv des personnes nommées à un poste judiciaire est renvoyé au comité permanent.

(1255)

J'espère que le député conviendra qu'il existe des mécanismes. Ceux-ci ne sont pas parfaits, certes, mais ils existent. Des changements ont été apportés depuis les élections, et 88 organismes ont été supprimés. Le nombre de nominations a diminué de 10 p. 100, de 20 p. 100 ou de 25 p. 100, dans le cadre de l'examen des programmes. Il existe une disposition visant à garantir la compétence. L'examen des nominations n'est peut-être pas exhaustif, mais des progrès ont été réalisés dans ce domaine. J'espère que le député reconnaîtra au moins une partie de ce que je viens de lui expliquer.

Le vice-président: Le député de Scarborough-Rouge River ne s'en est peut-être pas rendu compte, mais nous ne sommes pas dans la période des questions et des observations. Quoi qu'il en soit, cela sera considéré comme une intervention de la part du député de Scarborough-Rouge River.

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Monsieur le Président, j'estime de mon devoir de participer à la Chambre au débat sur le projet de loi C-49, qui concerne les nominations, les désignations, bref, le favoritisme.

J'ai été heureux d'entendre le député du parti ministériel qui vient de prendre la parole dire que le gouvernement fait des efforts, même s'ils sont modestes et timides, pour modifier cet abus de pouvoir. Chacun sait qu'il y a au Canada une surabondance de favoritisme encouragé par le gouvernement. L'exemple le plus flagrant du favoritisme ou de l'abus de pouvoir qui existe dans notre


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pays est certainement celui des nominations à l'autre endroit, c'est-à-dire au Sénat.

Hier, le gouvernement libéral a rejeté une motion proposant d'abolir le Sénat. Les réformistes ne souhaitent pas l'abolition de la Chambre haute. Ce que nous voulons, c'est la modifier, la réformer. Ce dont le Canada a vraiment besoin, c'est d'un Sénat qui soit représentatif de l'opinion des Canadiens d'un océan à l'autre et d'une Chambre qui fasse contrepoids à la Chambre des communes.

Ce que nous préconisons, c'est un Sénat s'inspirant du modèle triple E, un Sénat élu, efficace et égal, un modèle de Chambre haute qui est la pierre angulaire des réformes parlementaires proposées par le Parti réformiste.

La plupart des Canadiens conviendraient sans doute avec moi que, dans sa forme actuelle, le Sénat est plutôt léthargique et que son rôle consiste essentiellement à avaliser les décisions du parti ministériel. Après les prochaines élections, le gouvernement réformiste amorcera toutefois des changements qui obligeront l'apathique chambre de second examen objectif à rendre des comptes, ce qui est impératif.

Pour réformer le Sénat, nous prendrions tout d'abord des dispositions afin que les sénateurs soient élus plutôt que nommés. Cela peut se faire sans qu'il soit nécessaire de chambouler complètement la Constitution. L'histoire récente a prouvé que la réforme sénatoriale peut se faire sans grands changements, débats et négociations constitutionnels.

Ma province, l'Alberta, qui est novatrice à bien des égards au Canada, a déjà pavé la voie d'une réforme du Sénat. En 1989, le gouvernement de la province a adopté une loi sur l'élection des sénateurs. L'automne de la même année, les Albertains ont voté pour élire le premier sénateur canadien. Ils ont massivement choisi Stan Waters, un réformiste, comme premier sénateur élu de l'histoire du Canada.

Les Albertains veulent-ils encore élire leurs sénateurs? Je vais lire une lettre en date du 9 mai 1996 adressée à mon collègue de Kootenay-Est. Elle dit ceci:

Je vous confirme par la présente mon intention d'écrire au premier ministre, afin de lui demander de s'engager à nommer un sénateur de l'Alberta pour remplacer le regretté sénateur Earl Hastings. Le bénéficiaire de cette nomination sera le candidat qui se sera fait élire comme sénateur, conformément à la Loi albertaine de 1989 sur les élections sénatoriales.
Veuillez agréer, monsieur le député, l'assurance de ma considération distinguée.
Le premier ministre de l'Alberta,
Ralph Klein

(1300)

Évidemment, les Albertains veulent toujours élire leurs sénateurs.

C'est regrettable que, durant les derniers jours du gouvernement Mulroney et sous le gouvernement actuel, aucun sénateur élu n'ait été nommé à la Chambre haute. Le gouvernement, ou plutôt le premier ministre préfère nommer des sénateurs non élus au Sénat même s'il a lui-même admis et déclaré qu'une réforme majeure était nécessaire au Sénat.

Voici ce que le premier ministre a dit, quand il était dans l'opposition, le 24 septembre 1991: «Il est essentiel de réformer le Sénat. À cette fin, il nous faut un Sénat élu, efficace et équitable.» On est donc justifié à poser les questions suivantes: Qu'a fait le premier ministre pour donner suite à ce voeu? A-t-il donné suite à sa propre recommandation? Qu'a fait le premier ministre? A-t-il tenu promesse ou s'agit-il là d'une autre promesse libérale non remplie?

Voici comment le premier ministre a tenté de réformer le Sénat depuis l'arrivée au pouvoir de son parti en 1993: il a nommé Lise Bacon, ex-présidente du Parti libéral du Québec et partisane du premier ministre, à titre de sénatrice à la Chambre haute.

Sharon Carstairs, la fille d'un ancien sénateur libéral, a été également choisie par le premier ministre pour siéger à la Chambre haute. Le premier ministre est fidèle non seulement à son parti, mais également à la famille. Que dire de la nomination de Céline Hervieux-Payette, qui était une ministre de second rang dans le gouvernement Trudeau? Toutes ces personnes ont été nommées par le premier ministre et elles sont toutes libérales.

Le temps m'empêche de faire mention de toutes les évidentes nominations partisanes au Sénat. En bref, 17 sièges de sénateurs sont devenus vacants sous le premier ministre actuel et, vous l'avez deviné, tous ont été accordés à des libéraux.

Qu'est-il advenu de l'engagement que le premier ministre a pris d'appuyer la proposition réformiste de réforme du Sénat selon la formule triple E? Il ne l'a pas tenu, c'est bien évident.

Voici ce que le premier ministre a dit le 9 mai au sujet des nominations partisanes, le même jour où le premier ministre de l'Alberta lui a écrit sa lettre: « Je nommerai un sénateur de mon choix qui représentera mon parti. » Cette attitude libérale de gauche et arrogante est bien loin de la promesse précédente des libéraux en faveur d'un Sénat réformé.

Nous n'appuierons pas ce projet de loi. Il ne fait pas grand-chose pour contrer la pratique des nominations partisanes, et il ne mérite pas que la Chambre l'étudie.

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Le vote porte sur l'amendement. Plaît-il à la Chambre d'adopter l'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.


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Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Conformément à l'ordre pris plus tôt, le vote par appel nominal est reporté à 17 h 30, le mardi 5 novembre.

* * *

[Français]

LOI SUR LES TECHNIQUES DE REPRODUCTION HUMAINE ET DE MANIPULATION GÉNÉTIQUE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 23 octobre 1996, de la motion: Que le projet de loi C-47, Loi concernant les techniques de reproduction humaine et les opérations commerciales liées à la reproduction humaine soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, le sujet qui concerne le projet de loi C-47 est d'une très grande importance pour les concitoyens et concitoyennes.

(1305)

En effet, la reproduction humaine est un sujet qui touche tout le monde, sans exception, et il nous incombe donc, à titre de parlementaires, d'entreprendre le débat sur ce projet de loi de façon mature et réfléchie.

À cause justement de la nature à la fois privée et universelle du sujet, plusieurs de ces volets soulèvent les passions. On aura qu'à penser, à titre d'illustration, aux débats sur l'avortement, l'aide à la reproduction, la protection du foetus, les méthodes de contraception et les manipulations génétiques.

Nous nous sentons tous interpellés par ces sujets parce qu'ils concernent notre origine, notre vie actuelle et celle de nos descendants. On pensera, par exemple, aux vives réactions suscitées récemment par une Britannique qui avait reçu des traitements pour la fertilité. Cette dame est devenue enceinte, contre l'avis de ses médecins, de huit foetus et les a tous perdus. La raison pour laquelle cette histoire a fait sensation dans le monde entier est que tous et chacun d'entre nous avons une réaction instinctive face à la nouvelle réalité de la reproduction et aux questionnements qu'elle suscite. Quand il s'agit de la vie humaine, tous les humains réagissent, et c'est tout à fait légitime.

Pour faire face à cette réalité, la responsabilité des élus de cette Chambre est de déterminer quelle est la meilleure approche à adopter face aux développements scientifiques qui permettent aujourd'hui d'influer considérablement sur la reproduction des Canadiens et Canadiennes, des Québécoises et Québécois.

Par ce projet de loi, le gouvernement nous propose une orientation basée sur les recommandations émises dans le rapport de la commission Baird. Celle-ci a étudié à fond toutes les questions connexes et a même dépassé son mandat original, tellement l'éventail des problèmes était vaste.

Le projet de loi sur les nouvelles techniques de reproduction est arrivé au menu législatif parce que le moratoire provisoire volontaire imposé l'an dernier n'a pas fonctionné. Cependant, avant d'aborder l'analyse du projet de loi, j'aimerais faire quelques commentaires d'ordre général qui doivent, à mon avis, précéder toute discussion sur un projet de loi précis traitant des nouvelles techniques de reproduction humaine.

Tous les auteurs, tous les experts qui se sont penchés sur la question des nouvelles techniques de reproduction sont unanimes à dire qu'il s'agit d'abord et avant tout d'une question d'éthique, de valeurs morales et sociétales.

Ainsi, même si je ne suis pas d'accord avec l'ensemble des recommandations de la commission Baird-j'y reviendrai d'ailleurs au cours de débats ultérieurs-je lui reconnais cependant une grande expertise, en vertu du nombre de témoignages entendus et d'experts consultés.

Ces experts se disent conscients des problèmes soulevés par les nouvelles techniques de reproduction qui ne sont pas uniquement des problèmes juridiques, des problèmes d'éthique ou des problèmes de santé. La recherche et le développement et l'utilisation des nouvelles techniques de reproduction soulèvent des préoccupations nationales qui relèvent tout à la fois des domaines social, éthique, juridique, médical, économique et autres, et intéressent aussi plus d'une instance.

Malheureusement, la commission en a conclu qu'il fallait que le gouvernement fédéral prenne l'entièreté du dossier en main, qu'il en réglemente et gère tous les aspects sans tenir compte, évidemment, du partage des compétences et de la réalité de la société québécoise. C'est ce que déplore le Bloc québécois.

On voit que c'est une histoire qui se répète et que nous connaissons tous. D'ailleurs, j'aurai l'occasion d'y revenir un petit peu plus loin dans mon texte.

Ainsi donc, il s'agit d'abord et avant tout de questions d'ordre moral, ce qui soulève, à mon avis, une première question, à savoir s'il faut légiférer.

L'expérience de la France, qui adoptait il y a deux ans une législation à peu près comparable à celle qui nous est présentée maintenant, est fort révélatrice.

La France a donc légiféré sur la fertilisation in vitro, le diagnostic prénatal, le diagnostic préimplantatoire, et d'autres aspects de la technologie reproductive.

Cependant, certains sujets comme les embryons surnuméraires et la réduction embryonnaire étant très délicats, on a décidé en France d'attendre avant de légiférer.

Dans un article publié dans la revue Express en février 1994, l'auteur Luc Ferry relève certains problèmes. Il note d'abord que les techniques de procréation médicalement assistées sont les plus controversées, au point, dit-il, «qu'on se demande aujourd'hui s'il était bien nécessaire de légiférer dans un domaine si sensible».


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(1310)

La question se pose à cause de la complexité des phénomènes biologiques et du pourcentage infime de la population concernée.

D'ailleurs, plusieurs observateurs croient que, le nombre de cas concernés étant si infime, il aurait été préférable de laisser les tribunaux décider des mérites de chaque cause.

D'ailleurs, l'auteur souligne plusieurs problèmes difficiles à réglementer à cause de leur application pratique et des composantes «éthique et liberté de la personne». Par exemple, il se demande comment éviter concrètement l'utilisation du diagnostic prénatal pour sélectionner le sexe, quand les parents font de fausses représentations à leur médecin.

Une autre situation problématique est celle où une femme utilise l'insémination par donneur pour s'assurer d'une progéniture radicalement différente d'elle-même, par exemple une femme de couleur qui, parce qu'elle a vécu des situations racistes, choisira un donneur de race blanche, afin d'éviter certaines problèmes à son enfant.

De même, une femme ménopausée pourra donner naissance à un enfant. Cette possibilité suscite une controverse fondée sur l'argument qu'on détourne la nature de son cours normal. Que faire alors de la liberté de choix?

On peut aussi penser aux phénomènes que j'ai mentionnés un peu plus haut, soit la réduction des embryons où, afin de permettre à certains de survivre, on détruira les autres, et aux embryons surnuméraires, où des embryons inutiles sont produits et conservés en cas d'échec de premières procédures.

Comme on le voit, toutes ces situations comportent diverses facettes d'un ordre tout autre que médical et qui peuvent difficilement faire l'objet d'une législation rigide et circonscrite. Et pourtant, elles se rapportent toutes aux technologies de la reproduction humaine.

Ainsi donc, dans une première réflexion, il faut nous assurer de bien identifier l'ampleur de la problématique et la complexité des possibilités afin d'adopter une législation adéquate.

J'aimerais maintenant m'attarder à la portée générale de ce projet de loi déposé par le ministre de la santé. Je réserverai pour l'étape de la troisième lecture mon analyse détaillée des articles du projet de loi. Aujourd'hui, je n'aborderai qu'un seul sujet, d'intérêt beaucoup plus vaste: celui de ce nouvel empiétement du fédéral dans un domaine de juridiction provinciale.

Je tiens d'abord à rappeler que le Bloc québécois a réclamé à maintes reprises une intervention du gouvernement fédéral dans un domaine qui lui est propre: celui du droit criminel.

En effet, le Bloc québécois croit que certaines pratiques devraient être interdites par le Code criminel, puisqu'elles vont à l'encontre des moeurs socialement acceptables par la vaste majorité des citoyens et citoyennes. Ainsi, nous avions demandé que des pratiques telles que le commerce des ovules, des embryons et des tissus foetaux soient criminalisées. La commission Baird a d'ailleurs abondé en ce sens.

D'ailleurs, on peut lire, en page 505 du rapport, ceci: «Les commissaires s'opposent carrément à la commercialisation de la procréation, à l'instar de la majorité des Canadiens et Canadiennes. Il est ressorti clairement que la population canadienne ne prise guère l'idée d'exploiter des techniques ou des services de reproduction dans un but lucratif, surtout lorsque l'accès en est réservé à ceux et celles qui ont les moyens de payer.»

Il s'agit donc là d'un consensus sociétal avec lequel le Bloc québécois est d'accord.

Cependant, là où nous ne sommes plus du tout d'accord, c'est quand les commissaires, au nom de la compétence fédérale sur la paix, l'ordre et le bon gouvernement, désirent confier à ce dernier une compétence unique sur tous les aspects reliés à la reproduction humaine. Là, comme on dirait au Québec, la sauce se gâte, et on n'est pas du tout d'accord.

Pour comprendre, il faut analyser le déroulement logique des commissaires. D'abord, on énonce que les «notions et pratiques liées aux nouvelles techniques de reproduction en font un tout au caractère distinctif. L'objet premier de ces techniques est d'assurer la procréation, avec toutes les incidences historiques, sociales et éthiques distinctes que cela suppose.»

Ce raisonnement est difficilement acceptable. Si on suivait cette même logique, on donnerait au fédéral pleine compétence sur la périnatalité, dont l'objectif est l'aboutissement du processus de procréation.

(1315)

On donnerait également pleine compétence au fédéral sur l'éducation, l'environnement, la santé, que sais-je, puisqu'il s'agit de tout au caractère distinctif.

Le fait qu'il s'agisse d'un sujet important pour les êtres humains ne constitue nullement un critère valable pour confier à un palier de gouvernement le contrôle sur un domaine qui ne relève pas de lui. Vous connaissez sans doute la position du Québec à ce sujet, et j'aimerais vous le rappeler, c'est de laisser les compétences de juridiction provinciale aux provinces.

La commission écrivait par ailleurs: «Les nouvelles techniques de reproduction sont, à bien des égards, uniques en leur genre dans le système de santé canadien en ce qu'elles sont administrées en vertu de la compétence des provinces et territoires, mais elles soulèvent des questions exigeant une attention nationale en raison de leurs importantes incidences sociales, éthiques et juridiques. Ces techniques touchent, d'une façon ou d'une autre, pratiquement tous les particuliers et toutes les familles au pays.»

Il s'agit donc, de l'aveu même de la commission, d'un débat de société en matière de santé.

D'une part, à ce qu'on sache, la santé est un domaine qui a été confié aux provinces parce que ces dernières sont mieux à même de prendre les décisions adéquates pour leur population.

D'autre part, puisque justement il s'agit de valeurs sociales, il est évident que la compétence doit relever des provinces. Agir autre-


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ment serait renier, encore une fois, l'existence de la société québécoise, avec toutes ses composantes et ses différences.

Il n'est nullement question que nous acceptions cet ordre des choses.

Il n'est également nullement question que le Bloc québécois entérine un projet dont une des composantes est la mise sur pied d'une agence canadienne de supervision et contrôle des techniques de reproduction. À notre avis, si les provinces sont parfaitement capables de faire appliquer le Code criminel, elles le sont également pour réglementer et faire appliquer des mesures dans le domaine de la santé.

Elles le font d'ailleurs déjà, et personne au fédéral n'a songé à remettre en question leur compétence. Pourquoi alors le ferait-on dans un nouveau domaine?

Le Bloc québécois rejette carrément l'approche adoptée par le gouvernement où on adoptera une loi statutaire au lieu de criminaliser des pratiques inacceptables.

Nous avons donc demandé à maintes reprises que l'on modifie plutôt le Code criminel. Or, on nous propose une loi fédérale, dont l'application sera contrôlée par une agence fédérale et dont l'exercice des sanctions se fera sous la seule autorité du gouvernement fédéral. Voilà ce qui est inacceptable.

Ainsi donc, au lieu de laisser aux provinces l'administration de la loi par leurs tribunaux et leur personnel judiciaire, comme c'est le cas avec le Code criminel, le fédéral les exclut complètement et ramasse sous son aile tout ce qui touche à la compétence sur les nouvelles techniques de reproduction.

Je me répète: le Bloc québécois dira non à cette nouvelle intrusion.

Il est, à mon avis, utile, à cette période anniversaire du référendum québécois, de rappeler au premier ministre et à son cabinet l'engagement pris auprès des Québécoises et Québécois dans le feu de la ferveur fédéraliste qui les animait l'an dernier. On leur a promis solennellement, et malheureusement trop de personnes y ont encore cru, que le fédéralisme serait renouvelé, que les pouvoirs seraient décentralisés, que l'on remettrait aux provinces les compétences qui leur appartiennent déjà sur papier.

Comment concilier ces belles promesses avec le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui? Impossible. Loin de décentraliser, on veut envahir un peu plus le domaine de la santé et, pire encore, se réserver tous les pouvoirs futurs en la matière. C'est inacceptable

Les belles paroles n'étaient encore que du vent, et j'espère que les Québécois vont s'en rappeler. En voici un autre bel exemple.

Je crois que ce projet de loi est inacceptable parce qu'il empiète dans la juridiction des provinces.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, je remercie ma collègue du discours qu'elle vient de prononcer et de toutes les informations qu'elle nous a données par rapport aux nouvelles techniques de production et au projet de loi C-47.

(1320)

Je voudrais maintenant apporter des commentaires et poser une question à ma collègue.

Je voudrais commencer par vous faire un historique qui nous amène au projet de loi C-47. Vous savez, en 1977, il y a un groupe de féministes qui ont pressé le gouvernement et qui réclamaient la mise sur pied d'une commission royale. Douze ans après, dans un discours du Trône, on nous promettait cette fameuse enquête et est née la Commission Baird.

En 1993, la Commission Baird a déposé son rapport final. Il y a eu 40 000 témoignages, 300 chercheurs qui nous ont livré leurs données par rapport à ces recherches, qui nous ont livré leurs recherches, et cela a coûté 30 millions de dollars et a duré deux ans de plus que prévu. Cela veut dire qu'ils se sont penchés là-dessus pendant quatre ans et sont nées de cela 293 recommandations.

Je voudrais apporter une précision. Toute l'enquête s'est faite sans qu'on consulte les personnes les mieux placées pour pouvoir répondre aux attentes des citoyens, j'ai nommé les provinces, les ministères de la Santé de chaque province. Aucune province n'a été consultée par la Commission Baird sur ces nouvelles techniques et on a passé à côté, on n'a pas demandé si elles avaient des recommandations à nous faire, on les a carrément ignorées.

On arrive avec un rapport qui ressemble aux grandes lignes du rapport Warnock, en Grande-Bretagne. Vous savez que la Grande-Bretagne n'a pas du tout la même fédération. Les provinces n'ont pas les mêmes pouvoirs que nos provinces à l'heure actuelle. Alors ce rapport n'est pas significatif par rapport aux besoins que nos provinces réclament.

Comme ce rapport demandait au gouvernement fédéral de déposer un projet de loi, c'était en 1993, on se retrouve en juillet 1995, parce qu'il y a des choses qui se passent sur le plan des techniques de reproduction qui sont tout à fait contre l'éthique, et on décide de déposer un moratoire volontaire.

Voulez-vous me dire ce que ça veut dire, un moratoire volontaire, quand on pense que des chercheurs, des scientifiques sont rendus à faire du clonage et à faire des hybrides humain-animal? On dépose un moratoire volontaire. Il faut vous dire que les spécialistes et les chercheurs ont reçu ce moratoire volontaire dans la plus complète indifférence. C'était un échec, c'était une aberration.

En juin 1996, le ministre dépose un projet de loi. Vous allez remarquer que ça fait 20 ans qu'on réclame des choses à ce niveau, et on nous dépose un projet de loi tout à fait incomplet et incompréhensible et qui en plus fait encore fi des besoins des provinces selon la Constitution, parce que ce sont les provinces qui administrent les prestations des soins de santé.

Mais là, on arrive avec un projet de loi qui criminalise, mais ne modifie pas le Code criminel. Cela veut dire un projet de loi qui devient parallèle et donc, le fédéral va pouvoir avoir les moyens de


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déposer des normes nationales. Et il le fait, parce qu'il dit que ce projet de loi est fait en trois étapes. On arrive avec des interdictions avec lesquelles nous sommes d'accord, nous sommes en faveur de criminaliser certaines pratiques, mais il faut s'assurer qu'on ne vient pas s'ingérer dans des domaines comme la santé. Ce sont les provinces, selon la Constitution, qui doivent gérer les soins de santé.

(1325)

En douce, on nous pousse une petite loi parallèle pour vraiment centraliser encore et, je vais vous donner un fait concret, on arrive avec une agence nationale qui, elle, va imposer des normes nationales et on lui donne le mandat de contrôler et de surveiller.

En plus, dans le projet de loi, on nous dit que le ministre se réserve de faire les nominations, une agence indépendante, supposément distincte et indépendante, mais tous les administrateurs dans cette agence seront nommés par le ministre. Je ne sais pas si vous comprenez la même chose que moi, mais s'il y a plus centralisateur que ça, je ne sais pas où on s'en va.

Aussi, on retrouve dans ce projet de loi des articles complètement imprécis. Juste dans le titre on remarque une imprécision dans le texte français par rapport au texte anglais. En effet, le terme «manipulation génétique» utilisé dans la version française est plus restrictif que le terme anglais.

Je termine ici, mais je voudrais demander à ma collègue de Québec qu'elle nous donne plus de précisions sur l'article 5, juste pour vous démontrer comment les articles peuvent être flous et porter à confusion, qu'elle nous parle en détail de l'article 5.

Mme Gagnon (Québec): Monsieur le Président, je remercie ma collègue pour ses commentaires. Je pense qu'elle a pu très bien expliquer comment le fédéral, par cette loi statutaire, empiétera dans les juridictions provinciales.

Je vais répondre à ma collègue sur l'article 5 qui concerne le cas des mères porteuses et prévoit l'interdiction de rémunérer ou d'offrir de le faire pour les services d'une mère porteuse. L'interdiction se concentre sur la rémunération ainsi que sur la présence d'intermédiaires.

En conséquence, une mère porteuse pourrait le faire à titre gratuit. L'article n'est pas des plus limpides, notamment lorsqu'il prévoit au paragraphe 3:

(3) Il est interdit à quiconque n'est pas la mère porteuse d'arranger ou d'offrir d'arranger [. . .]les services d'une mère porteuse.
D'un côté on prévoit l'impossibilité de rémunérer ou d'offrir de le faire, et de l'autre on permet à une mère porteuse de faire un arrangement pour ses services. Il faudrait être clair. On fait l'un ou on fait l'autre.

Par contre, le but visé de cette loi, de cette disposition, est d'empêcher le marchandage d'enfants qui résulte notamment de la présence d'intermédiaires entre les couples et les mères porteuses, de même que les sommes d'argent impliquées, mais il en va tout autrement du simple fait que le contrat ne sera pas rémunéré ou encore négocié par la mère porteuse.

C'est là où l'on s'interroge. Le but visé ne sera pas atteint parce qu'il n'y a pas une volonté claire, bien définie dans ce projet de loi. On peut aisément prévoir que cette disposition sera contournée. De plus, il faut mentionner que les dispositions du Code civil du Québec édictent que les contrats de mères porteuses sont d'une nullité absolue.

Il y a l'article 5, mais on pourrait aussi parler de l'article 7 qui interdit l'utilisation sans le consentement des donneurs de sperme, d'ovules ou d'embryons humains pour des techniques de procréation humaine assistée ou pour la recherche médicale. Plusieurs termes utilisés dans les dispositions posent des problèmes par leur manque de clarté, encore une fois.

Par exemple, l'article 4 prévoit l'interdiction de tests de diagnostic à seule fin de déterminer le sexe, sauf pour des motifs de santé. Quels sont exactement ces motifs de santé? Est-ce que la santé mentale de la femme sera un motif? Est-il question de la santé du foetus ou de celle des parents? Encore là, ce texte de loi n'est pas clair.

Un autre exemple de manque de clarté peut nous faire croire que ces interdictions n'en sont pas vraiment. Ainsi, l'article 7 prévoit l'impossibilité d'utiliser le sperme, l'ovule et l'embryon ou le zygote aux fins de recherche, de donation, de maturation ou de fécondation sans le consentement des donneurs impliqués. Encore une fois on peut présumer qu'il sera possible de le faire s'il y a un consentement des donneurs.

(1330)

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui et d'appuyer le projet de loi C-47, la Loi sur les techniques de reproduction humaine et de manipulation génétique qui est destinée à maintenir et à préserver la dignité et le caractère sacré de la reproduction humaine et de préserver la dignité et la sécurité de tous.

Ce projet a trois objectifs. Protéger la santé et la sécurité des Canadiens et des Canadiennes constitue l'un de ces objectifs.

[Traduction]

Je veux répliquer aux observations de la députée de Québec. Elle a clairement dit que les recommandations de la commission royale d'enquête ne lui convenaient pas.

Ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que la commission sur les techniques de reproduction était une commission d'enquête fédérale. Lorsqu'elle a terminé ses travaux et produit son rapport, elle avait consulté plus de 50 groupes sur une longue période pour connaître l'opinion de la population et essayer de déterminer où se trouvait l'intérêt public avant de prendre une décision sur certaines questions.

Je veux donc parler de ces questions parce qu'elles semblent mal comprises ou ont été déformées. Je veux aussi aborder quelques aspects de la question soulevée par la députée de Drummond et corriger certaines interprétations erronées des faits.


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La députée de Drummond a déclaré que, en 1977, une coalition de groupes féministes avait réclamé une commission royale d'enquête sur les techniques de reproduction. La coalition avait été formée en 1987 et le premier bébé issu d'un oeuf fécondé in vitro n'est né qu'en 1978. La députée de Drummond semble avoir oublié tout ce que son parti a déclaré au sujet du projet de loi.

Elle n'a jamais cessé de réclamer le dépôt du rapport et la prise de mesures concernant la commission royale. Le 4 mai 1994, elle s'est plaint à la Chambre que le gouvernement était trop lent à donner suite au rapport. Elle a déclaré que cela aurait des répercussions sérieuses sur l'éthique et sur la recherche.

Le 7 octobre 1994, sa collègue de Laval-Centre a demandé au gouvernement de déposer un projet de loi pour réglementer les pratiques liées aux nouvelles techniques de reproduction.

Le 9 décembre 1994, la députée de Laval-Centre a déclaré à la Chambre qu'il devenait de plus en plus clair que la commercialisation de matériel génétique humain, d'embryons et de tissus foetaux prenait de l'expansion au Canada. Elle réclamait l'adoption le plus tôt possible d'une réglementation.

Lorsque le gouvernement a imposé un moratoire volontaire sur certaines techniques en juillet 1995, les députées lui ont reproché de ne pas aller assez loin et de ne pas prévoir de sanctions contre ceux qui continueraient d'utiliser ces techniques.

Plus encore, le 19 février 1996, la députée de Laval-Centre a tenu une conférence de presse pour dénoncer le gouvernement parce qu'il n'agissait pas assez rapidement. Elle réclamait des mesures immédiates pour inscrire dans le Code criminel les plus odieuses de ces techniques.

Le 5 juin 1996, la députée de Drummond a répété qu'il fallait légiférer d'urgence sur la question. Nous avons enfin cette mesure législative tant attendue. D'après les réactions des députés d'en face, je suis certaine qu'ils nous donneront leur appui.

Ce projet de loi traite de considérations morales. Toute technologie doit être réglementée. Il faut toujours évaluer les bienfaits d'une nouvelle technologie par rapport aux torts qu'elle peut causer. C'est la première règle d'éthique des médecins de voir au bien-être du patient d'abord et de s'assurer de ne causer aucun tort.

Ce projet de loi vise précisément à contrôler les pratiques de reproduction humaine qui sont dangereuses ou contraires à l'éthique et à réglementer celles qui sont acceptables afin qu'elles soient offertes aux Canadiens de façon sûre et efficace.

Beaucoup de Canadiens seront touchés par ces techniques, plus spécialement les femmes et les enfants. Certaines interdictions concernent des questions morales sérieuses que la technologie nous force à considérer en tant que société, par exemple le clonage et la création d'hybrides issus du croisement d'animaux et d'humains, pour n'en nommer que deux. Cependant, nous ne pouvons pas oublier que ce sont les femmes qui sont le plus profondément touchées par ces techniques, qui sont pratiquées presque exclusivement sur le corps des femmes.

Prenons, par exemple, les contrats de grossesse, cette pratique qui consiste à porter un enfant pour quelqu'un d'autre contre rétribution et qui rappelle étrangement The Handmaid's Tale, de Margaret Atwood. Les contrats de grossesse violent la dignité des femmes en réduisant la procréation à un phénomène de marché et le statut de parent à une transaction. Les fonctions reproductrices de la femme deviennent des produits à acheter ou à vendre. Les femmes ne sont pas des produits.

(1335)

Les mères porteuses ont tendance à être plus jeunes, moins instruites et moins indépendantes financièrement que les couples qui les engagent pour porter un enfant. Le déséquilibre sur le plan des ressources et du pouvoir signifie que l'autonomie de la mère porteuse est vulnérable. Même si elle agit de son plein gré, elle ne peut pas négocier sur un pied d'égalité avec les autres parties au contrat.

Quant à la vente d'ovules et de sperme, une femme qui accepte de vendre ses ovules compromet sa santé et son bien-être. Généralement, cette femme est en parfaite santé et n'est certainement pas stérile. Pourtant, cette femme féconde et en bonne santé devra prendre, sur ordonnance, des médicaments pour stimuler l'ovulation. Elle devra ensuite subir des interventions chirurgicales douloureuses pour qu'on aille récupérer ces ovules et recevra 2 000 $ ou moins en retour. Le gouvernement ne permettra pas qu'un système de vente d'ovules se développe au Canada.

En tant que médecin, j'ai souvent eu l'occasion d'assister au miracle de la naissance. En fait, j'ai moi-même mis au monde plus de 800 bébés. Je trouve l'idée de transformer la reproduction en un acte commercial tout à fait inacceptable. Les femmes sont profondément touchées par ces techniques de reproduction. Dans bien des cas, il s'agit presque d'expériences qu'on fait sur leur corps.

Et que dire des enfants issus de ces techniques? L'utilisation d'ovules et de sperme provenant d'un donneur constitue une grande menace pour le bien-être émotif des enfants. Le secret et l'anonymat sont deux caractéristiques importantes du système de don de sperme au Canada.

Le principe de l'anonymat, selon lequel l'identité du donneur de sperme n'est divulgué ni à la femme qui le reçoit ni à l'enfant, est étroitement lié au secret. Le secret entourant l'insémination artificielle peut être une source de tension dans une famille. Des adultes nés par insémination artificielle ont parlé du tort que leur a causé le maintien du secret, surtout lorsque la vérité leur était révélée dans une situation de crise familiale.

L'anonymat est également une source de grave tension pour les enfants qui finissent par apprendre qu'ils sont nés par insémination artificielle, soit par don d'ovule ou de sperme et qui, après avoir demandé des renseignements au sujet de leurs parents naturels, apprennent que cette information ne leur est pas accessible.


5947

On sait que l'état de santé d'une personne dépend de son bagage génétique et de ses antécédents familiaux. Les recherches au sujet de l'adoption ont démontré l'importance, pour le bien-être physique et affectif d'un enfant, d'avoir de l'information au sujet de ses parents naturels.

Dans le cadre de ses efforts pour assurer une gestion intégrée des nouvelles techniques de reproduction et des manipulations génétiques, le gouvernement étudie les répercussions d'un système d'information plus transparent au sujet des dons de gamètes et d'embryons. Il est de la responsabilité du gouvernement d'exiger que les enfants nés grâce à ces techniques puissent connaître tous leurs antécédents car la santé et le bien-être des enfants doivent avoir une importance primordiale dans les décisions que nous prenons au sujet des techniques de reproduction et des manipulations génétiques.

Les enfants ont une valeur intrinsèque aux yeux de la société. Il demeure néanmoins important de déclarer clairement et sans équivoque qu'ils ne sont un moyen pour parvenir à une fin. Leur valeur ne tient pas aux talents qu'ils possèdent, à la façon dont ils réalisent les rêves de leurs parents ou encore à la joie qu'ils leur apportent, mais au simple fait qu'ils existent.

Le gouvernement considère les enfants comme des être précieux. Il croit qu'on peut juger une société à l'importance qu'elle accorde aux intérêts et au bien-être de ses enfants. Il a établi un cadre transparent et explicite pour sa politique concernant les nouvelles techniques de reproduction et les manipulations génétiques.

L'importance accordée aux intérêts des enfants constitue un élément essentiel de ce cadre. Notre approche à l'égard des enfants et des nouvelles techniques de reproduction tient compte de la nécessité de protéger ceux qui sont les plus vulnérables aux conséquences néfastes de la technologie, c'est-à-dire les enfants.

Outre qu'elles influent sur le bien-être affectif et physique des enfants, les techniques de reproduction et les manipulations génétiques ont d'autres conséquences. Certaines pratiques et techniques ont des conséquences tellement néfastes et évidentes que la seule solution consiste à les interdire. D'autres applications technologiques ont des conséquences, néfastes ou non, moins visibles qui peuvent être contrôlées par voie de réglementation. C'est ce que nous essayons de faire.

Le gouvernement croit que certaines pratiques doivent être réglementées et que d'autres doivent absolument être interdites. Parmi elles, celles qui ont des conséquences pour la santé de l'enfant, pour le bien-être de l'enfant à long terme. Il faut songer aux sérieuses questions concernant le statut juridique de l'enfant.

Lorsque nous avons présenté cette mesure législative, nous avons dit que certaines procédures sont tellement abominables qu'il n'y a pas d'autre solution que de les interdire et de les punir par des sanctions pénales car toutes ces pratiques ont fait de l'enfant une marchandise qui se vend et s'achète. C'est pourquoi cette mesure législative établit que l'achat ou la vente de sperme ou d'ovules humains constitue une infraction criminelle. Le sperme et les ovules sont les composantes de base de la vie humaine. En faire des marchandises, assujetties aux conditions du marché, c'est les dé-shumaniser. À long terme, cela aura un impact sur l'importance que la société attache aux enfants, sur l'importance que nous attachons à la vie humaine.

(1340)

Autoriser que l'on paie pour l'obtention de sperme et d'ovules augmente les risques de problèmes de santé pour les enfants qui peuvent naître à partir de ce sperme ou de ces ovules. Les études ont montré que quand un don est fait contre paiement, le donneur a moins de raisons d'être honnête au sujet de sa santé et de ses antécédents familiaux.

L'interdiction du clonage tombe sous le sens étant donné les conséquences de cette pratique pour la santé de l'enfant. Nous ne savons tout simplement pas quelles sont les conséquences pour la santé de l'enfant ou de la population dans son ensemble de créer de grands nombres d'individus génétiquement identiques. Il suffit que nous lisions Boys from Brazil pour savoir de quoi nous parlons.

L'utilisation d'ovules prélevés sur les foetus pour créer un embryon humain pourrait être nuisible si les ovules sont prélevés sur un foetus provenant d'une fausse couche étant donné que les troubles génétiques du foetus sont généralement l'une des principales raisons de l'avortement spontané.

Le recours à nombre de ces techniques peut gravement nuire à la santé physique de l'enfant à court terme mais peut avoir aussi à long terme des conséquences sur lesquelles nous ne sommes pas suffisamment renseignés. Les enfants nés à la suite de l'utilisation de ces techniques sont encore trop jeunes pour que nous puissions voir les conséquences que le recours à ces techniques peuvent avoir sur leur vie. Nous prenons des risques en faisant des expériences sur les enfants au Canada.

Des études canadiennes et américaines ont révélé que de 20 à 25 p. 100 des bébés ayant un faible poids à la naissance souffrent d'une incapacité grave et continueront à divers degrés d'exiger de l'attention et des soins pendant une grande partie de leur vie.

Les autres effets des nouvelles techniques de reproduction sont tout simplement inconnus à ce jour. C'est pourquoi l'on doit être très prudent en ce qui concerne les techniques comme l'injection intracytoplamisque de sperme.

Cette technique permet de surmonter l'infertilité masculine en sélectionnant un spermatozoïde, souvent immature ou inférieur, et en l'injectant dans le noyau de l'ovule. Le recours à cette méthode s'étend rapidement dans le monde, y compris au Canada.

Ce n'est qu'une fois que l'enfant né à partir de cette technique atteint l'âge adulte que nous pouvons savoir en fait si le sperme était sain. S'il arrive qu'on découvre ensuite que le spermatozoïde n'aurait pas dû survivre, ce qui se serait produit par sélection naturelle, ce ne sont pas les médecins qui en souffrent, ni même les parents. À long terme, ce sont les enfants qui subiront le gros des conséquences de l'utilisation de cette technique.


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Nous ne connaissons pas les effets que les fécondostimulants peuvent avoir sur les enfants. Nous utilisons couramment ces substances maintenant. Nous ne savons pas si la fécondation in vitro plutôt que dans le corps de la femme peut causer des dommages. La documentation des effets à long terme de l'aide à la reproduction serait justement l'une des tâches que le gouvernement confierait à l'organisme de réglementation décrit dans l'exposé de principes publié au moment de la présentation du projet de loi C-47 à la Chambre.

Les dommages physiques ne sont que l'un des aspects de la technologie génétique. Parlons un peu de la sélection du sexe de l'enfant, que cette mesure législative interdit parce que cela va à l'encontre de l'engagement du gouvernement à préserver le bien-être émotif des enfants. Un enfant qui sait qu'il est né uniquement parce qu'il était du bon sexe risque de ne pas se sentir valorisé. Les frères ou soeurs de cet enfant risquent d'avoir toujours l'impression qu'ils ne méritent pas l'amour et l'attention de leurs parents parce qu'ils ne sont pas du bon sexe.

Ce n'est qu'une petite étape, quand on pense à certaines de ces techniques interdites qui pourraient permettre de manipuler l'ensemble de la société des points de vue génétique, ethnique et sexuel.

C'est évident pour moi, comme cela devrait l'être pour l'ensemble des députés, que le projet de loi C-47 est une mesure équilibrée face aux dangers que pose cette prolifération débridée des technologies de reproduction. Cette mesure ne dit pas que cette technologie est mauvaise en soi. Elle dit que nous n'en savons pas suffisamment sur certaines d'entre elles et que certaines ne sont pas compatibles avec notre conception des droits de la personne.

Cette mesure dit clairement que la vie et la dignité humaines ne sont à vendre à aucun prix. C'est la seule façon pour nous de rassurer les Canadiens quant au respect de nos valeurs sociétales et à l'importance que nous accordons aux droits de tous les citoyens sans considération de leur sexe ou de leur âge, et de montrer que nous ne tolérerons pas une exploitation aussi manifeste du moindre d'entre eux.

(1345)

[Français]

M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole sur ce sujet aujourd'hui, mais cela me fait passer des frissons. Vous savez, lorsqu'on parle de techniques de reproduction, on parle de recherche, on parle de manipulation génétique, on parle de plein de choses en même temps. C'est un débat qui n'aurait jamais pu avoir lieu il y a 30 ans, bien sûr. Mais à mesure que la recherche avance, nous devons nous poser de sérieuses questions et je suis bien heureux qu'on en parle. Ce domaine médical est un peu un domaine qui relevait de la fiction auparavant mais qui, aujourd'hui, devient réalité. On peut voir à plus long terme quelles seront les conséquences.

J'écoutais le discours de ma collègue d'en face, ma collègue du gouvernement, il y a certainement bien des choses là-dedans avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord. La chose qui me chicote le plus, comme je viens de le dire, on parle d'un domaine extrêmement délicat. . .

[Traduction]

Le Président: On m'a signalé qu'on voulait soulever la question de privilège. J'ai reçu une lettre m'avisant qu'un député soulèverait la question de privilège. Je l'ai reçue il y a plus d'une heure et, par conséquent, la question est recevable. La ministre chargée de la Jeunesse a la parole.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

LES COMPTES DE DÉPENSES

L'hon. Ethel Blondin-Andrew (secrétaire d'État (Formation et Jeunesse), Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui sur un point de privilège personnel, pour parler de la question de mon utilisation des cartes de crédit du gouvernement et pour préciser certaines questions et inquiétudes qui demeurent.

Lorsque j'ai été nommée secrétaire d'État pour la Formation et la Jeunesse par le premier ministre, en novembre 1993, le ministère du Développement des ressources humaines m'a remis deux cartes de crédit, En Route et American Express.

À cette époque, on m'a parfaitement informée des directives ministérielles concernant l'utilisation de ces cartes de crédit. Il était clair pour moi à cette époque, et ce l'est encore aujourd'hui, que je serais tenue de rembourser intégralement au ministère toutes les dépenses personnelles que je pourrais faire.

Depuis que j'ai ces cartes de crédit, j'ai fait des dépenses professionnelles et des dépenses personnelles. Je n'ai jamais ni caché ni nié ce fait. J'ai systématiquement remboursé intégralement au receveur général tous les achats faits à titre personnel. C'est ce que je fais depuis le premier jour.

J'ai toujours su que mon utilisation des cartes de crédit était sujette à examen par le public en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et je n'ai jamais essayé de cacher quoi que ce soit ou d'induire le public en erreur. Je désire faire valoir officiellement les trois points suivants.

Je n'ai jamais demandé à utiliser des cartes de crédit du gouvernement et je n'ai jamais demandé de traitement particulier ni d'être exemptée de l'application des lignes directrices en vigueur.

La procédure administrative pour le remboursement des dépenses effectuées sur les cartes de crédit a été mise en place par le ministère. Je n'ai rien eu à dire dans cette procédure.

Hier, dans cette Chambre, le député d'Elk Island a parlé d'une note en date du 22 janvier 1996. Il n'a pas mentionné que joint à cette note était un chèque personnel pour toutes mes dépenses non officielles. Il n'a pas mentionné que jointe également à cette note de service était une ventilation complète de ces dépenses indiquant celles qui étaient personnelles. Il n'a pas mentionné que cinq jours avant, soit le 17 janvier, mon cabinet avait envoyé une note au


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ministère précisant quelles étaient mes dépenses personnelles et indiquant que je présenterais un chèque pour les rembourser.

J'admets que cette procédure administrative est complexe. La note à laquelle le député d'Elk Island se reporte est un formulaire préparé par les fonctionnaires du ministère et, pris isolément, il est trompeur. En fait, mon personnel l'a mentionné aux fonctionnaires du ministère et demandé que l'on prépare une note d'accompagnement révisée qui indiquerait plus clairement quelles sont les dépenses professionnelles et les dépenses personnelles. Une copie de cette note révisée fait partie des dossiers subséquents et est certainement antérieure à toute demande d'accès à l'information.

Durant les trois ans pendant lesquels j'ai utilisé ces cartes, on ne m'a pas dit une seule fois que je ne respectais pas les directives du ministère.

Au public canadien, à mes électeurs, à ma famille bien sûr et à mes fidèles amis, monsieur le Président, je veux dire que je n'ai jamais utilisé ces cartes de crédit de mauvaise foi ou pour un gain financier personnel.

(1350)

L'accusation des médias qui prétendent que je me suis servi de ma carte de crédit gouvernementale pour acheter des billets d'avion pour aller en vacances à Hawaï et au Mexique est tout simplement fausse. J'ai été en vacances à Hawaï, c'est vrai. Je trouve que je travaille fort et que je mérite mon salaire et mes vacances. J'ai payé mes billets d'avion avec du liquide. J'ai les factures, je peux les montrer aux médias.

Je me suis également rendue au Mexique et j'ai le chèque oblitéré confirmant que j'ai moi-même payé ces billets d'avion.

Pour ce qui est de l'accusation d'avoir acheté un manteau de fourrure avec ma carte de crédit gouvernementale, tout ce que je peux dire c'est qu'il fallait faire un acompte de 554,53 $ avec une carte de crédit. Cette somme a été remboursée rapidement. Comme beaucoup de Canadiens, je dois maintenant le reste et je verse des mensualités au détaillant.

Enfin, je suis tout à fait d'accord avec le premier ministre qui estime que, bien que je ne sois pas allée à l'encontre des lignes directrices du ministère, j'ai fait une erreur de jugement en me servant de ma carte de crédit gouvernementale pour mon usage personnel. Je viens du Nord et je passe beaucoup de temps dans des localités éloignées où il n'y a pas de services financiers, et de ce fait, je n'avais encore jamais éprouvé le besoin d'avoir ma propre carte de crédit.

À posteriori, je me rends compte que c'était une erreur de compter sur les cartes de crédit que je reçois du gouvernement. Après avoir consulté le conseiller en éthique, j'ai demandé et obtenu une carte de crédit personnelle pour tous mes achats non ministériels.

Je suis maintenant prête à déposer toute la documentation nécessaire pour étayer la déclaration que je viens de faire. Je demande le consentement unanime de la Chambre pour déposer cette documentation.

Le Président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Le Président: Je ne suis pas sûr que ce soit une question de privilège. C'est certainement une déclaration ministérielle. Je vais permettre au député d'Elk Island de faire une intervention puisque son nom a été mentionné directement dans la déclaration.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, je vous en remercie. Je suis très heureux que la députée soit intervenue aujourd'hui. Mon objectif a toujours été de veiller à ce qu'on rende des comptes aux contribuables et je continue de le faire.

Je voudrais revenir sur les allégations de la députée quant au fait que je n'ai pas mentionné qu'un chèque était joint, ni détaillé tous les items. Malgré tous nos efforts, nous n'avons pas pu obtenir ces données. Nous avons obtenu des documents complètement raturés de blanc; en fait, plus de la moitié des éléments étaient cachés sous du correcteur liquide. L'objet même de notre intervention, c'est justement que nous n'avons pas pu obtenir ces données.

Nous voulons que tous ces renseignements soient accessibles afin d'assurer la transparence promise par le premier ministre dans le livre rouge et ailleurs. Voilà notre intention.

Nous allons maintenant examiner ce que la ministre a déposé. J'espère que cela réglera la question. Sinon, nous poursuivrons nos pressions.

Le Président: Nous avons eu la déclaration d'un député et l'autre députée mentionnée a fait une intervention. À mon avis, tout cela ne constitue pas une question de privilège. Cependant, je suis prêt à accepter les documents, comme vous avez affirmé que je devrais le faire, à l'unanimité.

(1355)

Je considère donc que la question est close. Il ne s'agit pas d'une question de privilège, mais plutôt d'un point d'information. Et puisque l'information fait maintenant partie des travaux d'aujourd'hui, elle est à la disposition de tous les députés et de tous les groupes qui s'intéressent à ce dossier.

[Français]

Mon cher collègue de Lac-Saint-Jean était au milieu de sa question. Je me demande si nous pourrions peut-être laisser la question et vous pourriez la reposer après la période des questions et, à ce moment, l'honorable ministre pourra répondre à votre question.

[Traduction]

Comme il est presque 14 heures, et puisque nous manquons toujours de temps pour entendre toutes les déclarations, avec votre permission, la Chambre passera immédiatement aux déclarations de députés si les députés sont prêts.

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5950

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

L'ÉCOLE À CLASSE UNIQUE

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais profiter de cette occasion pour féliciter le comité de rénovation de l'école S.S. 14 et les nombreux bénévoles et donateurs qui ont contribué à la rénovation et au déménagement de cette école à classe unique que le canton d'Enniskillen à donnée au Petrolia Discovery, dans la circonscription de Lambton-Middlesex.

J'ai eu le bonheur d'assister à l'ouverture officielle de l'école S.S. 14, le 15 septembre dernier, et je peux attester de l'importance historique de cet édifice.

Cette école à classe unique, qui existe depuis plus de 100 ans, a accueilli plusieurs générations de mes électeurs, jusqu'à ce que le conseil scolaire de l'Ontario ne la ferme en 1969. Lorsque les membres du Petrolia Discovery ont appris qu'elle devait être démolie, ils ont demandé au canton d'Enniskillen de leur donner l'édifice afin qu'ils le déménagent sur leur site.

Comme on dit, le reste appartient à l'histoire. Je félicite les gens de ma circonscription qui ont contribué à sauvegarder le patrimoine du comté de Lambton.

* * *

WEBBCO WEST INDUSTRIES INC.

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, cet après-midi je voudrais rendre hommage à Webbco West Industries Inc., qui a remporté le titre d'entrepreneur de l'année lors de la remise des prix d'excellence en affaires à Kelowna cette semaine.

Il y a quatre ans et demi, dans la circonscription d'Okanagan-Centre que je représente, Greg Webb a fait part à sa famille de son intention de créer une aciérie. L'usine, qui se réduisait à un seul travailleur au départ, en compte maintenant 65 et fabrique des pièces pour les camions de Western Star et la scierie Newness Sawmill. Elle fabrique également des pompes hydrauliques destinées à l'industrie pétrolière albertaine, ainsi que les jupes d'acier inoxydable qu'utilise un fabricant américain de caravanes motorisées haut de gamme.

En diversifiant le plus possible ses activités, M. Webb a fait en sorte que sa société ne soit pas tributaire d'un seul secteur du marché. Il attribue sa réussite au fait qu'il a su constituer de bons réseaux et qu'il traite les gens comme ils le méritent.

Je vous prie de joindre vos voix à la mienne pour féliciter l'entrepreneur de l'année à Kelowna, M. Greg Webb de Webbco Industries Inc.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, on s'inquiète de plus en plus du sort des six syndicalistes kurdes qui ont été arrêtés par les forces de sécurité turques. Ces arrestations mettent en lumière les critiques que mes collègues du NPD et moi-même formulons depuis fort longtemps quant au traitement que l'État turc inflige aux Kurdes vivant sur son territoire.

Le Réseau d'information canadien kurde a suggéré que la Croix-Rouge soit autorisée à se rendre dans la région kurde. C'est une excellente idée et le Canada devrait l'appuyer tout en condamnant le comportement des autorités turques.

Les six syndicalistes et tous ceux qui ont subi un pareil traitement devraient pouvoir regagner sains et saufs leurs foyers. Le fait que la Turquie soit membre de l'OTAN ne devrait pas nous empêcher de voir les fautes dont elle se rend coupable ni pousser le Canada à se taire davantage au sujet du traitement dont les Kurdes sont l'objet de la part des Turcs qu'il ne le fait lorsque les minorités kurdes sont maltraitées dans d'autres pays.

Les Kurdes sont actuellement dépourvus de pays. Peut-être cela changera-t-il un jour. Dans l'intervalle il incombe à la communauté internationale et à des pays comme le Canada de veiller à ce que leurs droits individuels soient respectés.

* * *

LES SOINS DE SANTÉ

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le Président, c'est le dernier jour du Mois de la sensibilisation au cancer du sein. Je rappelle à tous que, au Canada, plus de 17 000 nouveaux cas de cancer du sein sont diagnostiqués chaque année. Cela signifie que, chaque jour, 49 Canadiennes en moyenne apprennent qu'elles sont atteintes de cette maladie.

[Français]

De ces femmes, 5 400 meurent chaque année et 15 meurent chaque jour de l'an. Malheureusement, on connaît très peu de cette maladie. Sa cause est encore un mystère.

(1400)

[Traduction]

Le remède nous échappe. Beaucoup de femmes remettent jour après jour leur auto-examen des seins parce qu'elles ont peur, ce qui réduit leurs chances de vaincre la maladie.

[Français]

Seulement les familles et les amis des femmes qui souffrent de ce cancer connaissent la tragédie dont elles sont frappées. Seulement ceux qui voient une femme mourir de ce cancer en comprennent la vraie signification.

Il est nécessaire de faire de la recherche, mais pour ça on a besoin d'argent, et le gouvernement doit continuer son assistance.


5951

[Traduction]

À Vancouver, 1 600 femmes ont participé à deux événements organisés par la Société pour le cancer du sein qui ont remporté un grand succès. Le cancer du sein demeure toujours la plus grande crainte d'une femme.

* * *

[Français]

LE CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, chaque année l'Halloween nous ramène son cortège de fantômes, de sorcières et de monstres. Hier, c'est du cimetière séparatiste que nous est parvenue l'apparition la plus troublante: l'ex-grand sorcier Parizeau est revenu de l'au-delà pour hanter son successeur qu'il accuse d'être trop timide sur la question de la promotion de la souveraineté.

À peine avait-il vu le fantôme de son maître à penser se profiler à l'horizon que le petit farfadet de Roberval, tel un enfant effrayé, se dépêchait de pointer du doigt son ex-chef Lucien Bouchard en déclarant: «Ce n'est pas moi qui ne parle plus de la souveraineté.»

Le chef du Bloc québécois aurait beau s'entourer d'un nuage de fumée pour cacher ses véritables intentions, les masques sont irrémédiablement tombés. Lors de la prochaine élection, le chef bloquiste s'en retournera siéger à la droite de Jacques Parizeau dans le cimetière des séparatistes déchus.

* * *

[Traduction]

ENTREPRENEUR DE L'ANNÉE POUR LA RÉGION DE L'ATLANTIQUE

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais rendre hommage aux candidats d'Halifax-Ouest au Prix de l'entrepreneur de l'année pour la région de l'Atlantique. Ce prix reconnaît les meilleurs entrepreneurs du Canada atlantique et les place à l'avant-scène de ce programme national de remise de prix.

Les candidats d'Halifax-Ouest sont: Joe Dunford, président de la société EnviroSeal Engineering Products, de Waverley; Glenn Wadden et Rob Spencer, de la société Trihedral Engineering Limited, de Bedford; Ron Mayhew, propriétaire de la société Sportwheels, de Lower Sackville; et le propriétaire du magasin de fruits et légumes le plus célèbre au Canada, Pete Luckett, président de Pete's Frootique, à Bedford.

Les commanditaires, y compris l'APECA et Ernst and Young, ont compris ce que les gens d'Halifax ont toujours su: les entrepreneurs de la région de l'Atlantique comptent parmi les meilleurs et les plus brillants au Canada.

* * *

LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter la McMaster University, la Connaught Laboratories et la DORSET Industrial Chemicals Ltd., d'avoir obtenu les prix remis pour le développement et la recherche effectués dans le cadre d'une synergie université-industrie.

Ces prix, parrainés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et le Conference Board du Canada, sont conçus pour favoriser des liens plus étroits entre les chercheurs universitaires et les industries canadiennes. Les liens étroits entre la McMaster University et ses partenaires industriels sont des exemples de la coopération qui a aidé à créer des emplois et à favoriser la croissance, à Hamilton.

La McMaster University et la société Connaught ont reçu le prix pour leurs efforts en vue de trouver une nouvelle technologie grâce à laquelle on pourrait administrer les vaccins par voie orale. Ce partenariat réussi a aidé à faire de Connaught et de la McMaster University des chefs de file mondiaux dans ce domaine.

La McMaster University et la DORSET Industrial Chemicals ont reçu un prix pour leur mise au point conjointe de procédés pour réduire la pollution créée par l'industrie des pâtes et papiers.

Je suis persuadée que tous les députés vont se joindre à moi pour féliciter tous les récipiendaires de ces prix.

* * *

[Français]

LA MÉNOPAUSE

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, cette année, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada a axé sa campagne nationale de sensibilisation sur le thème «La ménopause, tout le monde en parle». C'est la première fois en Amérique du Nord qu'une société médicale entreprend une sensibilisation publique aussi large sur ce sujet.

D'ici l'an 2000, l'Amérique du Nord comptera plus de 40 millions de femmes ménopausées, dont 4 millions de Canadiennes. Autrement dit, toutes les dix secondes au cours des 20 prochaines années, une femme de la génération du baby-boom atteindra l'âge de la ménopause.

La ménopause ne se vit plus dans le silence, mais il y a encore beaucoup de prévention à faire auprès des femmes, puisque la ménopause augmente notamment les risques d'ostéoporose, ainsi que les maladies cardio-vasculaires. La femme d'aujourd'hui peut s'attendre à passer au moins 30 ans de sa vie en post-ménopause.

La vie des femmes continue après la ménopause et la prévention est le meilleur garant d'une vraie qualité de vie.

* * *

(1405)

[Traduction]

LES POLITIQUES DU GOUVERNEMENT LIBÉRAL

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Monsieur le Président,

C'est la nuit de l'Halloween et, dans le pays tout entier,
Les libéraux se tortillent et se tordent comme des vers.
Des millions de dollars seront versés à Bombardier,
Grâce à leurs supplications et à leurs instantes prières.
Les promesses du livre rouge gisent ça et là, oubliées,
Pendant que, à la ronde, on distribue les retraites dorées.
Et, qu'est-ce qui, des ténèbres épaisses, sort sur l'heure?
Ministre, ministre, une promesse trahie au rictus moqueur.
Soudain, un cri perçant déchire l'obscurité,
On promet des drapeaux et des impôts plus élevés.
Supprimer la TPS? Voyons, c'était juste une blague sinistre.
Pinocchio serait-il venu hanter le siège du premier ministre?


5952

Loin de la colline, les réformistes, pour leur part,
Proposent au vrai monde un «nouveau départ».

* * *

[Français]

LA IXE RENCONTRE INTERNATIONALE DES FLOTTEURS ET DES RADELIERS

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, la Mauricie et plus particulièrement la ville de Trois-Rivières étaient l'hôte récemment de la IXe Rencontre internationale des flotteurs et des radeliers. Cet événement regroupait au-delà de 500 participants venus de France, d'Italie, d'Espagne, de Norvège, de Suède, des États-Unis, d'Autriche, d'Allemagne, de Finlande, du Canada et bien sûr du Québec.

Chez nous, les flotteurs et les radeliers, on les appelle des draveurs et des raftmen. Ai-je besoin de rappeler que par leur courage, ces draveurs et ces raftmen ont contribué à développer des régions entières du Québec telles l'Outaouais et la Mauricie.

C'était donc un honneur pour notre région d'accueillir cet événement exceptionnel au point de vue culturel, historique et touristique, d'autant plus que celui-ci se tenait pour une toute première fois en Amérique du Nord.

Je tiens à souligner le travail tout à fait exceptionnel accompli par M. François De Lagrave, de Pointe-du-Lac, le président et secrétaire exécutif de cette rencontre, ainsi que celui de son comité organisateur qui ont fait de cet événement un succès extraordinaire.

* * *

[Traduction]

LE DÉCÈS DE MERVIN GOODEAGLE

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River, Lib.): Monsieur le Président, je suis bien triste de me lever aujourd'hui pour rendre hommage à un jeune homme. Mervin Goodeagle, âgé de 19 ans, s'est suicidé dans une collectivité de ma circonscription. C'est en jouant le rôle de «Joey» dans une série populaire du réseau anglais de Radio-Canada, que M. Goodeagle a touché de nombreux Canadiens.

En général, on apprend avec douleur une telle tragédie, tant la mort d'une personne si jeune et talentueuse est difficile à accepter. Mais de telles tragédies ne sont pas rares dans ma circonscription. Elles se produisent beaucoup trop souvent.

Face à ces tragédies, autochtones ou non, nous sommes tous poussés à collaborer pour panser les plaies qui en résultent dans notre société et pour remédier aux conséquences tragiques de ces tragédies sur nos jeunes. Dans toutes nos paroles et tous nos actes, procédons avec dignité et respect envers tous. Nos paroles et nos actes peuvent aider ou faire du tort. Optons pour la réconciliation et la compassion.

Je suis certain que les députés se joignent à moi pour offrir nos sincères condoléances à la famille et aux amis de Mervin Goodeagle. Nos pensées et nos prières les accompagnent dans cette période difficile.

* * *

LA JOURNÉE PARLEMENTAIRE DES FRÈRES ET SOEURS

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, cette semaine, nous avons célébré pour la première fois à la Chambre des communes la Journée parlementaire des frères et soeurs.

Le mardi 29 octobre, 22 députés et moi avons eu le privilège d'agir en tant que grands frères et grandes soeurs auprès de garçons et de filles membres des associations des Grands frères et des Grandes soeurs d'Ottawa-Carleton.

Ces deux organisations ont collaboré avec mon bureau et celui de la députée de Burlington pour que des députés parrainent un petit frère ou une petite soeur.

À l'occasion de la Journée parlementaire des frères et soeurs, ces jeunes Canadiens ont pu voir à l'oeuvre le processus parlementaire et faire le tour de la cité parlementaire.

Les garçons et les filles ont bénéficié d'une visite privée de la Chambre des communes, rencontré leur député respectif, assisté à la période des questions et participé à une rencontre spéciale avec vous, monsieur le Président, dans l'appartement qui vous est officiellement réservé. Comme l'a dit l'un des jeunes: «C'est un Président ``cool''.»

La Journée parlementaire des frères et soeurs est une excellente occasion de montrer comment les députés peuvent s'unir pour aider les jeunes Canadiens. J'espère que mes collègues appuieront le travail des associations des Grands frères et des Grandes soeurs dans tout le pays.

* * *

LA COMPÉTITION INTERNATIONALE DE PILOTES DE CHASSE

M. John Richardson (Perth-Wellington-Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui à la Chambre pour rendre hommage aux as-pilotes du Canada. Lors de la fameuse compétition internationale de pilotes de chasse tenue récemment en Floride, les pilotes canadiens ont remporté les séries mondiales de l'aviation. Pour la première fois, l'équipe canadienne a remporté les honneurs généraux de la compétition.

Je félicite le capitaine Ross Granley, de Red Deer, en Alberta, le capitaine Brian Murray, de Markham, en Ontario, le capitaine Dave Mercer, de Montréal, et leurs équipages. Je tiens à féliciter également les membres du personnel d'entretien et du personnel de soutien au sol qui ont beaucoup contribué à la victoire de l'équipe canadienne.

Je voudrais féliciter plus particulièrement le capitaine Steve Nierlich, de Sunderland, en Ontario, qui a remporté le titre prestigieux d'as-pilote pour le meilleur résultat individuel dans la compétition de combat aérien.


5953

(1410)

Les pilotes de chasse de la base des Forces canadiennes de Cold Lake et leurs équipages ont permis au Canada de se classer au premier rang mondial dans l'épreuve de combat aérien. Au nom de tous les députés à la Chambre, je rends hommage aux pilotes de chasse canadiens et je les félicite de leur excellente performance.

* * *

[Français]

LE ZAÏRE

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, au nom du Bloc québécois, je tiens à saluer la décision de l'ONU de permettre l'envoi d'un envoyé spécial dans l'est du Zaïre. Cette mission ne sera pas simple: l'envoyé spécial de l'ONU, M. Raymond Chrétien, a pour mandat d'aider le Zaïre à sortir de la crise en favorisant un cessez-le-feu et en préparant la tenue d'une conférence internationale sur la région des Grands Lacs africains.

Chaque jour qui passe, la situation s'envenime dangereusement. Les affrontements se sont étendus hier à l'armée rwandaise et les victimes commencent à se compter par centaines. La situation devient aussi de plus en plus critique dans les camps de réfugiés. Un demi-million de réfugiés attendent avec impatience une solution à ce conflit. Le défi qui attend l'envoyé spécial de l'ONU au Zaïre est donc de taille et nous espérons que sa mission sera fructueuse.

* * *

[Traduction]

LE CANCER DU SEIN

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui le dernier jour du Mois de sensibilisation au cancer du sein.

Octobre a été un moment particulièrement poignant pour moi, car cela faisait un an qu'une de mes adjointes, Renée Fairweather, avait entrepris un traitement pour vaincre le cancer du sein.

Au Canada, une femme meurt de cette maladie toutes les deux heures ou, autrement dit, environ 400 femmes en sont mortes au cours du Mois de sensibilisation au cancer du sein.

Le 1er octobre, la députée de Lambton-Middlesex a signalé que le gouvernement fédéral consacre près de 5 millions de dollars par année à la recherche sur le cancer du sein. Elle a cependant omis de mentionner que c'est presque 20 millions de moins que ce que la ministre du Patrimoine canadien dépense pour son programme de distribution de drapeaux.

Certains estiment peut-être approprié d'observer une minute de silence pour les victimes du cancer du sein, mais je crois que c'est plutôt un moment d'indignation qui s'impose. Les priorités de dépense du gouvernement actuel sont complètement détraquées. La ministre du Patrimoine canadien devrait peut-être expliquer aux familles des victimes du cancer du sein qui sont décédées au cours du mois pourquoi son programme de drapeaux est plus important que la recherche sur le cancer du sein.

* * *

[Français]

LES FIDUCIES FAMILIALES

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, le Bloc québécois livre de fausses informations sur les fiducies familiales. Les faits parlent pourtant d'eux-mêmes, et je vous les rappelle.

Ce dossier remonte à 1991, lorsque les conservateurs étaient au pouvoir. En mai 1995, le vérificateur général du Canada nous a fait part de ses préoccupations vis-à-vis de la loi régissant les fiducies. Le gouvernement fédéral ayant agi avec efficacité, nous pouvons depuis le 2 octobre garantir aux Canadiens et Canadiennes que toutes les mesures ont été prises afin que de telles situations ne puissent se reproduire.

S'ils veulent vraiment se rendre utiles, les députés bloquistes devraient faire pression sur le gouvernement du Québec pour qu'il mette fin aux échappatoires fiscales qui existent dans son propre régime. Même si ça ne se fait pas sur le dos du fédéral, cela s'appelle aussi défendre les intérêts des Québécois.

* * *

[Traduction]

LES POLITIQUES DU GOUVERNEMENT

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, les libéraux se vantent d'avoir réduit les dépenses, contenu le budget et dompté Léviathan. Tout cela n'est que balivernes.

Les compressions budgétaires de 14 milliards de dollars ont à peine égratigné le monstre. Seulement 29 p. 100 de cette somme, soit 4,1 milliards de dollars, ont été retirés au monstre gouvernemental qui rédige les règlements, verse les pensions aux députés et finance le multiculturalisme. Cela représente seulement 1 milliard de dollars par année.

Les trois quarts des compressions s'expliquent par la réduction de 3,4 milliards de dollars des prestations d'assurance-chômage, entièrement attribuable à la reprise économique, et de 6,5 milliards de dollars des paiements de transfert aux provinces.

Ces chiffres illustrent à merveille la stratégie des libéraux. Gardons le lourd appareil de l'État et laissons les provinces en subir les conséquences politiques.

Voici que le premier ministre promet de bien nourrir Léviathan en augmentant les dépenses. Mes concitoyens canadiens feraient bien de ne pas oublier le vieux dicton: chassez le naturel, il revient au galop. Les libéraux trouveront toujours des façons de dépenser votre argent.

* * *

(1415)

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Chers collègues, nous allons procéder un peu différemment aujourd'hui.

5954

[Français]

Nous avons aujourd'hui un invité spécial dans notre tribune.

[Traduction]

Natif de Regina, en Saskatchewan, il est devenu l'une des personnalités canadiennes les plus reconnues dans le monde du cinéma et de la télévision. Je demanderais aux députés de se joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à cet acteur exceptionnel, à ce grand comique et à ce grand Canadien qu'est M. Leslie Nielsen.

Des voix: Bravo!

______________________________________________


5954

QUESTIONS ORALES

[Français]

L'ÉTHIQUE

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, il y a quelques minutes en cette Chambre, la secrétaire d'État à la Jeunesse a fait une déclaration concernant la situation qui a été portée à l'attention du premier ministre depuis quelques jours. Nous ne mettons absolument pas en doute les éléments de cette déclaration mais nous avons quelques questions à poser au premier ministre quant au processus qui a conduit à la situation dans laquelle on se trouve.

Hier, au bulletin The National à CBC, on a appris que le conseiller en éthique n'avait pas vu le compte de dépenses de la ministre, pas plus que la déclaration écrite de la ministre, au moment de prendre sa décision. Or, on connaît la propension du premier ministre à défendre ses ministres jusqu'à la limite et même parfois au-delà.

J'aimerais demander au premier ministre, et c'est lui qui est en cause là-dedans, comment il justifie sa déclaration d'hier à l'effet qu'il avait vérifié auprès du conseiller en éthique, alors que ce dernier aurait admis qu'il n'avait pas vu le compte de dépenses ni la déclaration de la secrétaire d'État. J'aimerais que le premier ministre nous donne des explications.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, comme en toute matière de cette sorte, le conseiller en éthique a été saisi du problème. Il a eu des conversations avec la secrétaire d'État. Ensuite il a convenu que l'explication était suffisante.

On a fait allusion à un document en cette Chambre qu'il n'avait pas vu mais qu'on lui avait apparemment expliqué verbalement. Quand il a vu le document cela confirmait la version de la secrétaire d'État.

J'accepte la version donnée en cette Chambre par la secrétaire d'État, qui est une version tout à fait acceptable.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, la question ne porte pas sur la secrétaire d'État. J'ai pris la peine de dire que nous acceptions ses explications. Ce n'est pas cela qui est en cause. Ce qui est en cause, c'est la propension qu'a le premier ministre à défendre à tout prix son gouvernement, à tort ou à raison.

Quand le premier ministre s'est appuyé, au-delà des faits, sur un avis du conseiller en éthique, comment peut-il brandir un tel avis comme étant valable, alors que cet avis a été rendu uniquement sur quelques discussions, sans avoir pris connaissance de tous les documents? Que vaut un avis d'un conseiller en éthique qui n'a pas été au fond des choses? C'est cela la question.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le conseiller a vérifié le document qui avait été montré en cette Chambre. Il l'a analysé. Comme je le disais tantôt, il était tout à fait conforme avec la version que l'honorable secrétaire d'État lui avait donnée.

Je n'ai rien à ajouter. Si l'honorable député ne discute pas la version de la secrétaire d'État, qu'il respecte sa parole. Qu'il arrête de poser des questions.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, en tout respect pour le premier ministre, je veux lui dire que je vais poser toutes les questions que j'ai envie de poser et de la façon dont je veux les poser. C'est mon problème, ce n'est pas le sien. Et, retour de politesse, j'aimerais bien qu'il donne des réponses.

(1420)

Comment le premier ministre peut-il justifier avoir pris avis du conseiller en éthique sans s'être assuré lui-même, à titre de premier ministre, puisqu'il s'agit de défendre l'intégrité de son gouvernement, que les documents ont tous été portés à l'attention du conseiller?

Est-ce que ce n'est pas la façon normale de procéder, avant de brandir un tel avis pour défendre l'intégrité de son gouvernement? Est-ce que ça ne serait pas plus prudent, plus sage, plus rassurant pour la population canadienne? Et de faire prendre des avis au conseiller en éthique sans qu'il ait tous les documents sous la main, est-ce que ce n'est pas pour obtenir des avis complaisants?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit et je répète que tous les documents ont été vérifiés par le conseiller en éthique et que la version qui a été donnée par la secrétaire d'État est la version qui confirme la décision dont j'ai informé la Chambre hier à l'effet qu'il n'y avait eu aucune intention de nuire dans cette erreur administrative. Et dans les conséquences, quand on a pu montrer un document additionnel, le conseiller en éthique l'a regardé et a conclu que ça ne changeait absolument pas la décision qu'il avait d'abord prise, soit de m'informer qu'il n'y avait pas raison de continuer dans ce dossier, qu'il fallait accepter la version du secrétaire d'État.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, dans un article publié par le Ottawa Citizen et intitulé:

[Traduction]

«La vice-première ministre refuse de porter le blâme pour les compressions budgétaires à la SRC.»


5955

[Français]

on lit, et je cite:

[Traduction]

«Ne me blâmez pas pour les compressions budgétaires imposées à la SRC», a dit à un groupe de journalistes d'Ottawa la ministre du Patrimoine canadien. «Blâmez le ministre des Finances.»
[Français]

L'article poursuit, et je cite:

[Traduction]

«Elle a répété à plusieurs occasions que c'est le ministre des Finances qu'il faudrait tenir responsable des compressions.»

[Français]

La vice-première ministre et ministre du Patrimoine reconnaît-elle avoir déclaré que le ministre des Finances, son très cher collègue, était celui qui devait porter le blâme pour les coupures imposées à Radio-Canada?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, la citation qui a été faite n'est pas une citation entre guillemets, et c'est pour une bonne raison, parce que ce que j'ai dit à la conférence, c'est que quand j'ai pris le poste de ministre responsable pour Radio-Canada, je leur ai dit au tout début que je ne pouvais pas détourner le processus budgétaire qui était déjà en place, mais que j'allais lutter pour un fonds de programmation de 100 millions de dollars.

Le ministre des Finances est allé de l'avant avec ce fonds de programmation, qui va vouer 50 p. 100 à Radio-Canada. C'est ce que j'ai dit quand j'ai été nommée à la fin de janvier. C'est ce que j'ai livré avec l'appui du ministre des Finances.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, ce n'était pas entre guillemets, mais on l'avait en direct à la télévision. C'était pas mal mieux. Une autre ministre qui a besoin de vidéo.

Hier, la ministre déclarait qu'elle travaillait avec son collègue des Finances sur le financement pluriannuel de Radio-Canada. Or au cours de la fin de semaine, Southam rapportait, et je cite:

[Traduction]

«Le ministre des Finances a dit aux journalistes que le gouvernement est déterminé à faire le nécessaire pour la SRC une fois qu'il aura enrayé le déficit.»

[Français]

Est-ce que la ministre du Patrimoine blâmera à nouveau son collègue des Finances en mars prochain à la télévision, entre guillemets ou pas, pour les compressions que son gouvernement imposera à Radio-Canada?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je vous rappelle ce que j'ai mentionné ici en Chambre, à maintes reprises, c'est que Radio-Canada, comme tous les organismes du gouvernement, comme Radio-Québec, d'ailleurs, a subi des coupures. C'est malheureux que la ministre de la Culture du Québec ait été obligée de couper dans Radio-Québec de façon pire que Radio-Canada.

On vit tous et toutes des périodes difficiles et je suis certaine qu'avec l'appui du ministre des Finances, dans les budgets qui vont s'en venir, le prochain budget, on va continuer à établir un Radio-Canada fort pour tout le Canada.

* * *

[Traduction]

L'ÉTHIQUE

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, je veux simplement dire que le gouvernement place ses ministres dans une situation très embarrassante en ne divulguant pas et en ne rendant pas publiques ses prétendues lignes directrices sur l'éthique à l'intention des ministres. Ceux qui font preuve d'intégrité ne se contentent pas de dire qu'ils sont désolés après coup.

(1425)

Le premier ministre a promis à maintes reprises de rétablir la confiance de la population dans nos institutions politiques. Les Canadiens méritent de prendre connaissance des lignes directrices sur l'éthique que le gouvernement prétend avoir élaborées. Le premier ministre ne peut pas simplement se dérober en invoquant une tradition parlementaire imaginaire.

Afin de rétablir la confiance du public dans cette institution parlementaire, le premier ministre divulguera-t-il ses lignes directrices sur l'éthique à l'intention des ministres? Oui ou non?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il existe une directive que le premier ministre envoie à ses ministres pour leur gouverne. Lorsqu'elles se présentent, les affaires d'éthique sont discutées à la Chambre des communes. Les députés et les journalistes peuvent examiner les décisions qui sont prises.

Quant à l'affaire dont nous avons discuté hier, je suis satisfait de l'explication que la secrétaire d'État a donnée plus tôt aujourd'hui.

Ce sont là les faits. La députée n'est peut-être pas d'accord, mais j'estime que la secrétaire d'État a toujours agi de bonne foi. Toutes les factures ont été dûment remboursées à la Couronne. Il y a eu un problème d'ordre administratif, mais pas un cent n'a été dépensé illégalement ou en contravention de quelque ligne directrice que ce soit. Tout s'est fait dans les règles, et l'argent a bel et bien été remboursé dans un délai respectable.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, la version des faits donnée par le premier ministre n'a rien de bien enthousiasmant. Je veux vraiment connaître les faits, comme l'ensemble des Canadiens, je pense.

C'est une situation très embarrassante. Je me demande combien d'autres ministres assis dans la première rangée se trouvent dans la même situation aujourd'hui. Nous devrions peut-être leur demander de lever la main. Pourquoi serait-il si étrange et incongru qu'une seule ministre se soit fait prendre dans ce genre de combine, et qu'elle soit la seule à avoir agi ainsi? Nous devrions peut-être leur demander de lever la main. Nous avons vu à quel point certains systèmes fondés sur des lignes directrices imaginaires fonctionnent bien.


5956

Hier, le premier ministre a dit qu'il avait consulté le conseiller en éthique, au sujet du remboursement de dépenses demandé par la secrétaire d'État responsable de la Jeunesse. Le conseiller en éthique a toutefois fini par admettre qu'il n'avait pas vraiment vu la demande, qu'il s'était contenté de croire les intéressés sur parole.

Permettez-moi d'interroger le premier ministre sur la parole de son gouvernement, sur sa parole et sur celle de tous les autres. Le premier ministre va-t-il tenir parole et respecter sa promesse du livre rouge concernant la nomination d'un conseiller en éthique indépendant qui devra rendre des comptes au Parlement et non pas simplement à lui?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, en dernière analyse, c'est le premier ministre du Canada qui est responsable de la conduite de tous les ministres. Je maintiens que c'est là ma responsabilité.

Si, un jour, je dis que ce n'est pas là ma responsabilité, que c'est celle de quelqu'un d'autre, la députée sera la première à le savoir. En tant que premier ministre, je suis responsable des activités de tous mes ministres et je ne reléguerai pas cette responsabilité à quelqu'un d'autre. Je vais assumer toutes mes responsabilités.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, je ne vois pas ce que cela a de rassurant pour le Cabinet ou pour les Canadiens qui suivent actuellement nos travaux.

Je pense qu'il y a deux poids, deux mesures. L'ex-ministre de la Défense a été obligé de démissionner pour avoir, en principe, contrevenu aux lignes directrices du gouvernement en matière d'éthique. Que ces lignes directrices soient publiques ou privées, nous ne connaissons absolument pas leur teneur. Les ministres sont censés les connaître, mais je ne suis pas certaine qu'elles soient parfaitement claires.

Le premier ministre s'entête à défendre la secrétaire d'État responsable de la Jeunesse qui, de son propre aveu et de l'avis des Canadiens, je pense, a fait quelque chose de plus grave. Elle a reconnu aujourd'hui à la Chambre des communes que c'était une erreur, et nous lui en savons gré.

La secrétaire d'État a toutefois signé, en toute connaissance de cause, un document dans lequel elle a déclaré qu'il s'agissait de dépenses gouvernementales. Je vais donc poser à nouveau la question au premier ministre: pourquoi le ministre de la Défense est-il écarté pour une question de principe, alors que la secrétaire d'État responsable de la Jeunesse est épargnée après avoir enfreint de manière flagrante les lignes directrices du premier ministre dont nous ne connaissons même pas la teneur?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, quelques jours avant que la formule soit signée, la secrétaire d'État a indiqué que certaines dépenses étaient de nature personnelle. Elle a rendu compte de ces dépenses ce jour-là. Lorsqu'elle a signé le document, elle y a annexé un chèque pour rembourser le montant de ses dépenses personnelles.

[Français]

L'ASSURANCE-EMPLOI

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines. Un bulletin de Statistique Canada nous apprenait hier que le nombre de personnes ayant soumis une demande de prestation d'assurance-emploi était maintenant à son plus bas niveau depuis 1981. Or, ne nous réjouissons pas trop vite, on compte aujourd'hui 55 p. 100 de chômeurs de plus qu'en 1981.

(1430)

Le ministre qui vante les bienfaits de sa réforme peut-il nous expliquer pourquoi le nombre de chômeurs est aujourd'hui si élevé alors que le nombre de prestataires ne cesse de diminuer?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi de répondre au petit aparté de la députée de Mercier. Il y a 700 000 emplois qui ont été créés par le marché au cours des dernières années, depuis 1993.

Pour ce qui est de la question, je pense qu'il est important de réaliser que la loi sur l'assurance-emploi est le résultat de consultations extensives qui ont été faites auprès de 100 000 Canadiens et Canadiennes. Elle prépare les Canadiens et Canadiennes au XXIe siècle, au nouveau marché dans lequel nous sommes.

L'adoption d'un système fondé sur les heures travaillées mène à un programme plus équitable et mieux équilibré. À ce moment-ci, le nouveau régime permettra à 500 000 personnes de plus d'être couvertes par le système, dont 270 000 femmes.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, seulement de juillet à août 1996, le nombre de demandeurs d'assurance-chômage a baissé de 5,3 p. 100, et Statistique Canada attribue à la nouvelle loi cette diminution des demandeurs et des prestataires. Le ministre conviendra-t-il que contrairement à ses propos, sa réforme exclut du droit aux prestations plus de 50 p. 100 des chômeurs?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, nous avons une conception très élevée du travail dans cette société. Nous avons une conception qui valorise le travail, et ce que nous souhaitons, ce n'est pas un système passif qui encourage les gens à ne pas rechercher du travail mais, au contraire, nous investissons dans ceux qui veulent se donner la formation, ceux qui veulent rechercher les mesures de travail.

Nous sommes extrêmement heureux que les mesures actives de retour au travail rencontrent les besoins des Canadiens et des Canadiennes. Ce dont les Canadiens et Canadiennes ont besoin maintenant dans la nouvelle économie dans laquelle nous sommes, c'est de retourner vers le travail en ayant la bonne formation.

Nous sommes heureux que cette réforme rencontre les besoins de mes électeurs dans Papineau-Saint-Michel et notamment des femmes démunies qui sont souvent uniquement capables de faire quelques heures par semaine. Elles sont couvertes dès la première heure et ces personnes nous en sont reconnaissantes.


5957

[Traduction]

LES SOINS DE SANTÉ

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, dans le livre rouge, les libéraux se sont notamment engagés à préserver le régime d'assurance-maladie. Sournoisement, ils l'ont toutefois amputé de quelque 3 milliards de dollars par année. Cette année, le Québec dispose donc de 395 millions de dollars de moins pour les soins hospitaliers.

Le ministre de la Santé reconnaîtra-t-il que toute femme qui est atteinte d'un cancer du sein et qui est inscrite sur une liste d'attente devra patienter encore plus longtemps à cause de ces compressions?

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le député soulève une question importante au sujet du cancer du sein. Je ne pense pas qu'il y ait à la Chambre, d'un côté comme de l'autre, un seul député qui n'appuie pas les initiatives prises pour lutter contre le cancer du sein.

Le gouvernement actuel, en collaboration avec différents groupes, verse une somme appréciable pour la recherche et la mise en oeuvre de solutions.

Ces dernières années, 25 millions de dollars ont été affectés à la recherche. Il y a encore plus à faire.

Nous avons signé avec les États-Unis un protocole d'entente en vertu duquel nos pays s'engagent à affecter non seulement des capitaux et des fonds, mais aussi des ressources humaines à la recherche de solutions que les femmes et la société en général estimeraient souhaitables dans la lutte au cancer du sein.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, les représentants de 44 000 médecins canadiens ont comparu devant le Comité des finances cette semaine. Qu'ont-ils demandé? Il ont demandé au gouvernement de cesser ses compressions aux effets dévastateurs dans le secteur de la santé. Ils estiment que les libéraux ont échoué au chapitre des soins de santé. Ils ont demandé au gouvernement de réinjecter des fonds dans ce secteur. Cela ressemble étrangement à ce que le Parti réformiste propose au sujet de la santé dans son programme Nouveau départ.

(1435)

Le ministre s'appropriera-t-il un autre point du programme politique réformiste, accédera-t-il à la demande des médecins canadiens et réinjectera-t-il plus d'argent dans le secteur de la santé?

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, les volte-face et l'incohérence sont caractéristiques des députés d'en face.

En décembre 1993, le chef du troisième parti a dit que celui-ci serait en faveur d'un ticket modérateur ou d'une franchise et qu'il supprimerait l'universalité. Quelques jours avant les élections fédérales de 1993, le Parti réformiste a dit s'opposer aux soins de santé privés et au ticket modérateur.

Si ce n'est pas là un exemple flagrant de volte-face et d'incohérence, j'invite le député à retourner faire ses devoirs et à vraiment repenser l'image de son parti.

[Français]

L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie. Une étude rendue publique aujourd'hui par Patrimoine Canada conclut que 97 p. 100 des sommes versées par les distributeurs de films au Canada aux productions canadiennes proviennent d'entreprises qui sont sous contrôle canadien et que ces entreprises de distribution sous contrôle canadien créent proportionnellement six fois plus d'emplois que celles sous contrôle étranger.

Qu'attend le ministre pour opposer une fin de non-recevoir à la requête de Polygram étant donné que rien ne justifie d'autoriser cette entreprise étrangère à faire de la distribution de films au Canada, d'autant plus cela est carrément contre des politique canadiennes dans le domaine?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, comme j'ai expliqué à la députée de Rimouski-Témiscouata la semaine dernière, il est impossible selon la loi sur l'investissement au Canada, de discuter des particularités d'application pendant que la question est devant moi.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais citer l'étude de Patrimoine Canada qui, entre autres choses, dit: «Nous concluons que la politique canadienne en matière de distribution est fondée, qu'elle est toujours pertinente et que les conséquences de sa non-application présenteraient un bilan nettement préjudiciable à l'industrie canadienne [. . .]et serait contraire à l'intérêt public.»

En réalité, ce qu'on demande au ministre, c'est de faire respecter les règles canadiennes concernant la culture et non pas de les négocier à rabais. Le ministre de l'Industrie va-t-il prendre ses responsabilités, faire son travail et rejeter la requête de Polygram?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, je prendrai certainement mes responsabilités et j'expliquerai ma décision quand ce sera le temps de le faire.

J'aimerais aussi noter que je suis d'accord avec le député sur l'importance de la culture canadienne. Je suis heureux que les bloquistes soient aussi en faveur de protéger la culture canadienne. J'espère qu'ils travailleront avec nous pour créer un pays où on peut tous ensemble avoir une culture forte et que nous pourrons aussi développer l'appréciation de nos deux cultures française et anglaise.


5958

[Traduction]

LES SOINS DE SANTÉ

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, pour ce qui est des volte-face, mon collègue et moi en aurions beaucoup à apprendre des girouettes que nous avons devant nous.

Hier, les maladies liées au tabagisme ont tué 100 Canadiens. Elles en tueront encore 100 aujourd'hui, autant demain et ainsi de suite.

Le ministre de la Santé avait promis d'adopter sans délai des mesures fermes et énergiques pour contrer l'épidémie qui nous décime. Il a fait cette promesse à deux reprises en juin dernier, une fois en mars et une fois ce mois-ci.

Quand le ministre présentera-t-il une nouvelle loi plus sévère pour contrer cette épidémie?

(1440)

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, ils ne savent vraiment pas quand s'arrêter.

J'aimerais bien savoir quelle est, au juste, la position du Parti réformiste. Le député de Macleod a déclaré qu'il n'appuyait pas l'adoption d'une nouvelle loi sur le tabac. Il a déclaré: «Je ne crois pas que l'interdiction de la publicité soit la mesure à prendre.» Puis, le 7 février, il m'a écrit pour me dire qu'il appuierait inconditionnellement ma nouvelle stratégie concernant la publicité sur les produits du tabac.

Hier, il a déclaré: «Les réformistes estiment que c'est par l'éducation, et non par la législation, que l'on réduira la consommation de tabac.» Pourtant, le 21 juin 1994, il déclarait que les campagnes d'éducation n'étaient pas la solution.

Les Canadiens et les députés voudraient bien savoir quelle est la position du Parti réformiste sur la législation concernant le tabac. Est-ce celle du député de Macleod, celle du chef du parti ou celle que vient d'exposer le député?

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Santé a dit: «Jugez-moi à mes actes, pas à mes paroles.» C'est exactement ce que nous ferons.

Depuis que le gouvernement a réduit les taxes sur le tabac, il y a eu un accroissement de la consommation de tabac de 30 p. 100 chez les jeunes; chaque mois, 10 000 jeunes commencent à fumer. Le ministre et le gouvernement ne peuvent pas nier le problème.

Je répète ma question: que fera le ministre pour contrer l'épidémie? Pour l'amour de nos enfants, que fera-t-il pour mettre fin à cette épidémie qui fait tant de ravages?

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le chef du tiers parti nous a dit qu'il voulait réduire les impôts. Le député vient de nous dire qu'il est favorable à la majoration d'une taxe.

Nous acceptons l'entière responsabilité d'une stratégie globale visant la consommation du tabac et nous présenterons un projet de loi lorsque je serai prêt à le faire.

* * *

[Français]

LES FIDUCIES FAMILIALES

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le 2 octobre dernier, répondant aux demandes répétées du Bloc québécois, suite au scandale des fiducies familiales, le ministre des Finances a annoncé de nouvelles règles pour le transfert d'actifs à l'étranger. Or, le ministre tarde toujours à déposer son projet de loi.

Le ministre peut-il nous indiquer quand il a l'intention de déposer son projet de loi, pour enfin boucher, une fois pour toutes, le trou qui a permis à des milliards de dollars de quitter le Canada sans payer un seul sou d'impôt?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, c'était une ways and means motion, une motion des voies et moyens-dans les deux langues. Cela a pris effet immédiatement dès que je me suis levé à la Chambre.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, il y a un petit bout de la réponse qui nous manque. On verra en question complémentaire s'il sera capable de nous la fournir.

Selon le Globe and Mail, plusieurs grosses firmes de fiscalistes ayant comme clients de riches contribuables sont mécontentes des nouvelles garanties demandées par le gouvernement.

Le ministre a-t-il l'intention de plier face à ces firmes de fiscalistes qui lui demandent d'alléger les garanties financières que devront fournir leurs clients quand ils quittent le pays avec des actifs?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): . . .

[Note de l'éditeur: Problèmes techniques (sonorisation).]

Le Président: C'était pas mal vite, ça, n'est-ce pas?

* * *

L'UKRAINE

M. Jesse Flis (Parkdale-High Park, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

[Traduction]

Les Canadiens attachent une grande importance au renforcement de nos relations socio-économiques avec l'Ukraine, dont l'économie est en pleine croissance.


5959

(1445)

Le ministre des Affaires étrangères peut-il dire à la Chambre ce qu'il a accompli la semaine dernière avec sa délégation de 70 importants chefs d'entreprise canadiens, en Ukraine?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, comme la Chambre le sait, les Canadiens ont établi des relations très spéciales et importantes avec l'Ukraine. Depuis l'accession de ce pays à l'indépendance il y a cinq ans, nous avons travaillé de très près avec lui pour jeter les bases des institutions démocratiques.

Le gouvernement pense maintenant que le temps est venu d'ajouter à ces relations une dimension économique et commerciale.

Par suite des réunions tenues la semaine dernière en Ukraine, qui a reçu la visite de la plus importante délégation étrangère de son histoire, nous avons réussi à signer des ententes commerciales d'une valeur de plus de 600 millions de dollars, qui feront du Canada l'un des principaux investisseurs et partenaires dans l'économie ukrainienne.

En outre, nous avons conclu un accord en vertu duquel Air Canada deviendra le transporteur désigné pour l'Ukraine. Nous avons inauguré la nouvelle commission intergouvernementale formée de gens d'affaires canadiens et ukrainiens et servant à régler nombre de problèmes administratifs.

J'estime que ces relations élargies nous ouvriront une foule d'autres possibilités.

* * *

BOMBARDIER

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et concerne le prêt de 87 millions de dollars accordé à la société Bombardier.

En définitive, l'intégrité et la responsabilité du gouvernement sont en cause ici. En quinze ans, le gouvernement a versé 1,2 milliard de dollars à Bombardier, sans exiger de transparence ou de comptes à l'intention des contribuables canadiens.

Le ministre de l'Industrie va-t-il arrêter le camouflage et divulguer tous les remboursements effectués par Bombardier au cours des quinze dernières années?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le député persiste à parler de cet argent comme d'un prêt. Je crois lui avoir expliqué à plusieurs reprises déjà qu'il ne s'agit pas d'un prêt, mais d'un investissement qui sera remboursé sur les redevances provenant des ventes d'avions chez Canadair.

Je ferai également remarquer au député que ce programme ne concerne pas que la science et la technologie ou la recherche et la technologie, mais qu'il permet également de créer des emplois. Le programme crée des emplois à Montréal, mais aussi ailleurs au Canada.

Lorsque je me suis rendu en Colombie-Britannique la semaine dernière pour faire un premier versement à Paprican dans le cadre de ce programme, c'était pour créer des emplois dans cette province aussi bien qu'à Montréal. Lorsque je suis allé en Alberta en juillet dernier pour accorder à TR Labs une aide financière remboursable concernant les technologies sans fil, cela a également permis de créer des emplois dans la province. Comment se fait-il que le député ne dénonce pas ces efforts de création d'emplois?

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, la politique de camouflage se poursuit.

Le gouvernement a déposé un projet de loi qui devait instaurer le code d'éthique le plus exigeant à l'intention des titulaires de charges publiques et des lobbyistes, mais les lignes directrices de ce code restent cachées dans le coffre-fort secret du bureau du premier ministre.

Nous apprenons aujourd'hui que le président du Groupe aéronautique de Bombardier, Canadair, siège au comité consultatif de Partenariats technologiques Canada, le même organisme qui a accordé le prêt de 87 millions.

Le ministre peut-il dire à la Chambre s'il y a conflit d'intérêts ou non? Et, s'il n'y a pas de conflit d'intérêts, pourquoi?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question car elle me donne ainsi l'occasion de parler du rôle important que, selon nous, le secteur privé doit jouer pour aider à la réussite du programme.

Nous avons créé un comité consultatif composé de représentants du secteur privé pour nous aider à examiner les paramètres du programme de la façon la plus efficace possible. Ce comité nous donne un aperçu des technologies que nous devrions appuyer. Nous lui demandons de faire un examen a posteriori des affectations de fonds et de nous dire s'il estime que le programme atteint sa pleine efficacité d'un secteur à l'autre.

Nous avons pris toutes les précautions possibles pour éviter qu'aucun membre du comité consultatif ne soit consulté au sujet de l'examen d'une demande particulière présentée par l'intermédiaire du programme Partenariats technologiques Canada. L'examen est entièrement confié à des fonctionnaires. Il se fonde sur les lignes directrices qui ont été établies et rendues publiques lorsque le programme a été annoncé. Le gouvernement crée des emplois non seulement à court terme mais également pour le siècle prochain.


5960

(1450)

[Français]

LES EX-TRAVAILLEURS DE LA COMPAGNIE SINGER

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Le gouvernement fédéral était fiduciaire de la caisse de retraite des ex-travailleurs de la compagnie Singer de 1947 à 1962. Il avait donc le mandat de veiller aux intérêts des travailleurs de cette compagnie. Or, le gouvernement fédéral a permis à la compagnie Singer de piger dans les surplus du régime, privant ainsi les retraités d'une somme estimée aujourd'hui à plus de huit millions de dollars.

Le ministre reconnaîtra-t-il la justesse des demandes des anciens employés de la compagnie Singer en leur accordant le dédommagement demandé, et ce, avant le décès du dernier retraité?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je prends bonne note de la question du député de l'opposition et je lui apporterai une réponse aussitôt que j'aurai eu le temps de consulter le dossier.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, ça fait déjà trois semaines que j'ai pris contact avec le nouveau ministre et son bureau sur ce dossier, et je dois aussi ajouter que la moyenne d'âge des employés de la Singer est de 80 ans. Alors on ne peut pas permettre d'attendre.

Le ministre reconnaît-il que s'il laisse pourrir le litige jusqu'à un recours en justice, parce que c'est ça qui s'en vient, un recours en justice, il ne fait qu'engendrer des frais exorbitants pour les contribuables et des délais inhumains pour les retraités, dont la moyenne d'âge est maintenant de plus de 80 ans?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le député fait allusion à une décision de 1962. Je vous avoue que j'étais bien loin du gouvernement à ce moment-là, alors comme je lui ai dit en réponse à sa première question, je vais regarder le dossier aussitôt que j'en aurai la chance. Je peux vous assurer que je donnerai la réponse la plus complète possible, parce que c'est un dossier qui est certainement très important pour les gens en question, et je pense qu'il est légitime de regarder un dossier avant de répondre à travers son chapeau.

* * *

[Traduction]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, les fonctionnaires du ministère des Finances de la Nouvelle-Écosse estiment que la nouvelle taxe harmonisée coûtera environ 200 millions de dollars de plus aux entreprises de cette province la première année et 100 millions de dollars chaque année par la suite pour l'établissement des prix renfermant la taxe.

Comment le ministre peut-il justifier la mise en oeuvre de ce plan désastreux en sachant qu'il entraînera des pertes d'emplois, des hausses de prix et des coûts additionnels de centaines de millions de dollars pour les habitants du Canada atlantique?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, c'est tout le contraire. En fait, les études indépendantes les plus récentes qui ont été faites en Nouvelle-Écosse ont révélé que la nouvelle taxe allait grandement favoriser la création d'emplois dans les petites et moyennes entreprises.

Ce que l'étude publiée hier a révélé, c'est que la taxe harmonisée allait stopper l'hémorragie de fonds qu'avait causée la TPS lors de sa mise en application en Nouvelle-Écosse et dans les autres provinces atlantiques.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, ce n'est pas le cas. Les fonctionnaires du ministère des Finances de la Nouvelle-Écosse disent que cette taxe coûtera 100 millions de dollars par année et 200 millions la première année.

Pendant que le ministre des Finances promet des emplois, le gouvernement vole les contribuables.

Les grandes chaînes arriveront à survivre parce qu'elles peuvent refiler la note aux consommateurs d'un bout à l'autre du Canada, mais les petites entreprises seront forcées de mettre des gens à pied, d'augmenter leurs prix ou de fermer tout simplement leurs portes. Ce ne sont pas là des choix très intéressants. À un moment où les Canadiens réclament désespérément des emplois, pourquoi le ministre cherche-t-il à faire disparaître des emplois?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, les questions du Parti réformiste volent très bas.

Des études indépendantes effectuées au Canada atlantique, particulièrement en Nouvelle-Écosse, ont révélé sans l'ombre d'un doute que la taxe de vente harmonisée favorisera la création d'emplois parce qu'elle réduira les coûts que doivent assumer les petites et moyennes entreprises. Pour la première fois, elles pourront incorporer les crédits de taxe sur les intrants dans leur prix de base, ce qui réduira les coûts. C'est pour cette raison que ces provinces ont accepté l'harmonisation. C'est pour cette raison que Terre-Neuve l'a acceptée.

(1455)

Je ne comprends pas pourquoi le Parti réformiste ne cesse de répéter à la Chambre qu'il s'oppose à des mesures qui rendront les provinces atlantiques plus concurrentielles. Pourquoi ne peut-il pas parler pour le pays tout entier?

* * *

LES ESPÈCES EN PÉRIL

M. Gar Knutson (Elgin-Norfolk, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Environnement et du développement durable.

Une proposition concernant les espèces en péril a fait l'objet d'intenses critiques. Dans quelle mesure le projet de loi présenté aujourd'hui par le ministre tient-il compte de ces critiques et assure-t-il une protection efficace des espèces en péril en protégeant aussi leur habitat nourricier?


5961

L'hon. Sergio Marchi (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, c'est une bonne question.

Des voix: Oh, oh!

M. Marchi: Très franchement, les réformistes sont des spécialistes des espèces en péril.

Le gouvernement a écouté le groupe de travail qui a été constitué et qui reflétait les préoccupations des milieux industriels et agricoles et des groupes environnementaux. S'ils regardent bien la mesure législative que nous avons présentée aujourd'hui, la première mesure législative fédérale sur les espèces en péril. ils constateront que 80 p. 100 des recommandations du groupe de travail ont été suivies.

S'ils regardent bien, ils constateront que cette mesure législative couvre un champ plus vaste qu'auparavant. En outre, des progrès ont été faits en ce qui concerne l'habitat, les infractions et la participation du public.

Enfin, les provinces et les territoires méritent qu'on les félicite pour s'être entendus sur un accord national de sorte à permettre la mise en place d'un plan national et non d'un pis-aller pour protéger et sauvegarder les espèces en péril.

* * *

L'IMMIGRATION

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, le 30 septembre, quand j'ai posé une question à la ministre de l'Immigration au sujet de l'inefficacité du gouvernement lorsqu'il s'agit d'expulser les criminels étrangers, elle a répondu que le projet de loi C-44 de son gouvernement avait réglé tous les problèmes.

Toutefois, le 18 octobre, un juge de la cour fédérale a constaté que plusieurs éléments de cette législation comportaient des failles et il a révoqué la décision dans l'affaire Williams.

Comme le gouvernement utilisait jusqu'à maintenant le projet de loi C-44 comme une panacée pour tous les problèmes du ministère de l'Immigration, la ministre de l'Immigration peut-elle me dire ce qu'elle fera dorénavant pour protéger les Canadiens contre les immigrants et réfugiés qui constituent une menace pour eux?

[Français]

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, dans notre législation actuelle, nous avons tous les pouvoirs nécessaires, comme vous le savez, pour repousser les criminels qui se présentent ici dans notre pays. Nous avons même le pouvoir de les empêcher de faire appel à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

C'est pourquoi nous avons adopté une nouvelle législation dans cette Chambre. Il est clair que jamais le Canada ne sera un refuge pour les criminels.

* * *

LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE REPRODUCTION

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé. Le ministre déposait en juin dernier sa politique sur les nouvelles technologies de reproduction dans laquelle il annonçait la création d'une agence fédérale dont le mandat sera de veiller au contrôle de ces nouvelles technologies. Après l'Agence canadienne d'inspection des aliments voici donc qu'une nouvelle agence fédérale menace de s'ingérer dans le domaine de la santé.

Sachant très bien que les techniques de reproduction sont du domaine de la santé, donc de compétence provinciale, sachant les sommes d'argent qui seront englouties dans la création d'une telle agence, comment le ministre peut-il, en pleine période de coupures budgétaires, justifier la création d'une agence fédérale de plus?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, sauf erreur ce sont les députés de ce parti qui ont été les premiers à me demander de prendre rapidement des mesures, en tant que ministre de la Santé, en ce qui concerne les nouvelles techniques de reproduction. Nous l'avons fait.

Nous avons présenté un projet de loi qui sera renvoyé au comité. Ce projet de loi sera examiné. Il y aura des audiences et, au besoin, on y apportera des améliorations.

Le gouvernement n'a certainement pas l'intention de créer des recoupements et des doubles emplois. Quand on nous en signalera, nous corrigerons le tir.

* * *

LES ESPÈCES EN PÉRIL

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, plus tôt aujourd'hui, devant les médias et pendant la période des questions, le ministre de l'Environnement a parlé en termes élogieux de son plan pour protéger les espèces en péril et leur habitat. Ce faisant, il a reconnu que la coopération des provinces était essentielle à l'efficacité de ce processus.

(1500)

En ce qui concerne les terres fédérales, le ministre est-il prêt à dresser un inventaire complet des habitats des espèces figurant sur la liste? En ce qui concerne la coopération des provinces, de quels pouvoirs exécutoires le ministre dispose-t-il si un gouvernement provincial néglige d'inclure la protection des habitats dans son propre cadre législatif?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, pendant de trop nombreuses années dans ce pays, le sablier de l'extinction a continué à s'égrainer pendant que le fédéral et les provinces ergotaient pour savoir à qui appartenait le rocher sur lequel l'oiseau était perché. On se demandait: Est-ce mon rocher ou le vôtre et qu'allons-nous faire pour résoudre le problème?

Au lieu de continuer sur cette voie sans issue, le gouvernement a décidé de s'y prendre d'une façon diamétralement opposée et de commencer par les espèces en péril.

Nous serons responsables des terres fédérales. Nous serons responsables de la coordination en ce qui concerne les espèces interprovinciales. Nous serons responsables des espèces internationales.


5962

Les provinces et les territoires ont signé un accord qui les engage à prendre leurs propres responsabilités.

Si nous réussissons, ce ne sont pas les provinces et le fédéral qui seront gagnants, mais bien les espèces en péril. C'est là le but de l'exercice.

* * *

LE MULTICULTURALISME

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la secrétaire d'État responsable du Multiculturalisme et de la Situation de la femme.

La ministre a récemment fait une annonce au sujet du programme gouvernemental sur le multiculturalisme et les relations raciales. Pourrait-elle dire à la Chambre pourquoi elle a fait cette annonce à ce moment-ci et si les résultats de l'examen du programme sont conformes aux recommandations du rapport qui demandait l'élimination du financement des groupes ethnoculturels?

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, voilà une excellente question.

Je tiens à dire, premièrement, que la création de la Fondation canadienne des relations raciales représente la réalisation d'une promesse énoncée dans le livre rouge. Deuxièmement, le multiculturalisme ne repose pas uniquement sur les organisations ethnoculturelles. Le multiculturalisme, c'est plutôt le résultat des efforts que tous les peuples du Canada-les autochtones, les Français, les Anglais et ceux venus de tous les autres coins de la planète- ont faits pour apprendre à vivre ensemble avec compassion, dans le respect mutuel et la justice sociale.

Nous continuerons d'appuyer ces efforts et de financer tous les groupes et institutions qui les favorisent.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Chers collègues, je voudrais vous signaler la présence à notre tribune de M. Sean Doherty, chef de la délégation des Comptes publics de la Chambre basse du Parlement irlandais. Il est accompagné de députés et de fonctionnaires du Parlement.

Des voix: Bravo!

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais que le gouvernement nous fasse savoir quel est l'agenda, le menu législatif pour la semaine qui vient.

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, demain, le 1er novembre et jeudi prochain, le 7 novembre, la Chambre procédera au débat sur l'adresse, c'est-à-dire à la dernière partie du débat sur le discours du Trône.

Lundi, mardi et mercredi, nous étudierons des projets de loi en commençant par le projet C-41 sur le divorce et la pension alimentaire pour les enfants. Quand ce sera fini, nous reviendrons à la liste des projets de loi déjà abordés, soit le C-34 sur les amendes en matière de commercialisation agricole, le C-47 sur les techniques de reproduction humaine, le C-62 sur les pêches, le C-59 sur le transport de passagers par eau, les projets de loi C-39 et C-40 concernant les accords de York Factory et de Nelson House et enfin, le C-46 modifiant le Code criminel.

Voilà ma déclaration hebdomadaire concernant les travaux de la Chambre.

(1505)

Le Président: Chers collègues, nous allons maintenant avoir des déclarations concernant les cérémonies du Jour du Souvenir. Je donne la parole au ministre des Anciens combattants.

* * *

LA SEMAINE DES ANCIENS COMBATTANTS

L'hon. Lawrence MacAulay (secrétaire d'État (Anciens combattants) (Agence de promotion économique du Canada atlantique), Lib.): Monsieur le Président, je suis honoré de prendre la parole aujourd'hui à l'approche du 11 novembre, afin de rendre hommage aux Canadiens qui donnèrent leur vie pour leur pays au cours des deux guerres mondiales, de la guerre de Corée et des missions de maintien de la paix. Leur sacrifice permit de protéger la démocratie dont les Canadiens jouissent aujourd'hui.

Le lundi 11 novembre prochain, nous observerons une minute de silence en hommage à ces Canadiens disparus. Nous rappellerons aussi le souvenir des anciens combattants canadiens devant les cénotaphes d'un bout à l'autre du pays, et dans les cimetières où ils sont inhumés à travers le monde. Tout en rappelant à la Chambre les cérémonies qui auront lieu afin de commémorer le sacrifice de ceux qui ne sont jamais revenus de la guerre, j'aimerais aussi rappeler à nos collègues qu'au cours de la prochaine semaine, nous rendrons également hommage à ceux qui en sont revenus.

Le premier ministre a déclaré la semaine du 3 au 11 novembre Semaine des anciens combattants. Les Canadiens auront alors l'occasion de réfléchir aux réalisations et au sacrifice de leurs compatriotes pendant la guerre et dans le cadre des missions de maintien de la paix à travers le monde.

Les anciens combattants canadiens ont servi avec distinction au cours de ces guerres. Ils se sont acquis respect et gratitude. Je rappelle en outre à la Chambre que ces Canadiens venaient de toutes les régions du pays. Ils ont ainsi posé les fondations de notre esprit national.

Mes honorables collègues se souviendront que l'année dernière, les Canadiens ont célébré la Semaine des anciens combattants dans le cadre du programme «le Canada se souvient» qui visait à marquer le 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Anciens Combattants Canada a été heureux de participer à la coordination de ces activités qui visaient à rendre hommage aux anciens combattants. Je connais de nombreux Canadiens et Canadiennes qui ont saisi avec joie l'occasion de revivre les émotions-les moments heureux et les moments tristes-qui marquèrent leur jeunesse.


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Ce qui est peut-être plus important encore, c'est que les célébrations «le Canada se souvient» qui ont eu lieu l'an dernier ont permis de donner aux jeunes Canadiens leur première leçon d'histoire sur ce que notre pays a accompli au cours de la guerre. Cela a donné aux générations l'occasion de se parler. Les jeunes Canadiens n'ont pas connu le spectre de la guerre qui jette un froid sur l'avenir. On peut sans doute les excuser de considérer la liberté comme un acquis.

J'espère qu'au cours de la Semaine des anciens combattants, nous réussirons de nouveau à créer ce lien entre les générations, ce lien qui encouragera les aînés à raconter aux plus jeunes ce qu'ils ont vécu. J'espère aussi que les enseignants à travers le pays profiteront de cette semaine pour faire connaître à leurs étudiants la grande histoire du Canada et leur expliquer l'importance du rôle que nous avons joué sur la scène internationale au cours de ces événements déterminants.

Enfin, j'espère que les Canadiens de tous les âges prendront le temps de rendre hommage à ceux qui donnèrent tant d'eux-mêmes, outre-mer et au pays, pour que le Canada traverse cette période difficile.

J'invite tous les députés à nous aider à rendre hommage aux anciens combattants canadiens au cours de la Semaine des anciens combattants et, en fait, tout au long de l'année.

[Français]

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, c'est avec honneur que je prends la parole aujourd'hui, à titre de porte-parole du Bloc québécois pour les anciens combattants, afin de souligner comme le veut la tradition, le Jour du Souvenir et la Semaine des anciens combattants qui doit se tenir du 3 au 11 novembre prochain.

C'est la moindre des choses que nous nous réservions un moment, chaque année, pour se souvenir de ceux et celles qui ont servi lors des deux grandes guerres mondiales et lors de la guerre de Corée.

Je tiens donc à exprimer, du fond du coeur, notre profonde reconnaissance à tous ceux et celles qui ont servi au front, les marins et les aviateurs de toutes les régions du Canada, les membres de la marine marchande, les infirmières et tous les hommes et femmes qui ont risqué ou donné leur vie afin que nous vainquions la tyrannie.

(1510)

Doit-on encore rappeler que plus de 100 000 jeunes Canadiens et Québécois ont été victimes des deux grandes guerres mondiales et que plusieurs centaines d'autres ont laissé leur vie en Corée et dans les différentes missions de paix?

Malheureusement, de nombreux conflits sanglants se tiennent encore un peu partout sur la planète. Je ne peux m'empêcher de penser aujourd'hui aux graves conséquences du conflit qui oppose les rebelles tutsi à l'armée zaïroise. Plus d'un million de réfugiés sont pris en tenaille. Le pire, c'est que la communauté internationale semble totalement incapable de se mobiliser et de s'interposer entre les factions rivales. Pire encore, les organismes humanitaires ont dû quitter les lieux de toute urgence. Les conséquences sont donc extrêmement graves. Peut-être assisterons-nous encore, impuissants, à une autre catastrophe humanitaire.

Si j'évoque le drame qui se joue présentement au Zaïre, c'est parce que je pense aussi à tous ceux et celles qui assument la responsabilité de maintenir la paix dans le monde, et en particulier aux Casques bleus canadiens. Comme vous le savez, plus de 2 000 Casques bleus canadiens travaillent actuellement à favoriser la paix à l'étranger, en Bosnie et en Haïti notamment.

Nous nous souvenons donc aujourd'hui des sacrifices et de l'abnégation de ceux et celles à qui nous devons cet héritage de liberté et de démocratie, et aussi de tous ceux qui y travaillent présentement.

L'ampleur des pertes humaines et l'horreur des souffrances atroces subies par l'ensemble des populations durant ces interminables guerres dépassent la raison. Que pouvons-nous dire aux veuves et aux orphelins, aux frères et aux soeurs qui ont perdu à tout jamais un être cher?

Si tous ces braves gens ont combattu, si toutes ces vies ont été sacrifiées, c'est pour qu'il n'y ait plus de guerre, c'est pour que ces désastres et ces souffrances soient épargnés aux générations futures.

Je tiens à renouveler, au nom de tous mes collègues du Bloc québécois, nos remerciements les plus sincères à tous ceux et celles qui sont décédés, et bien sûr à tous les survivants de ces tragédies. Parce qu'il ne faut pas l'oublier, il y a encore de nombreux survivants qui méritent toute notre admiration et notre soutien.

À cet égard, vous me permettrez de réprouver le peu de considération de ce gouvernement à l'égard des membres de la marine marchande. Leurs préoccupations doivent être considérées comme prioritaires. Nous ne devons ménager aucun effort pour faire en sorte que le point de vue des anciens combattants de la marine marchande soit pleinement entendu par ce gouvernement et que la coalition qui les représente soit adéquatement consultée.

Cette parenthèse étant faite, permettez-moi de terminer cette présentation en exprimant à quel point le Bloc québécois tient à honorer la mémoire de nos anciens combattants et à leur rendre un vibrant hommage.

[Traduction]

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Madame la Présidente, il y a six Livres du Souvenir dans la Chapelle du Souvenir dans la Tour de la paix, chaque page portant le nom de ceux qui sont morts pour défendre la liberté.

Plus de 114 000 Canadiens ont été tués au cours de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Beaucoup plus sont revenus brisés sur le plan physique et psychologique.

La paix, la sécurité et la liberté dont vous et moi jouissons est le fruit du sang qu'ils ont versé, ainsi que du courage et de la détermination dont ils ont fait preuve pour endiguer la vague de l'oppression. Leur sort est un très grand prix à payer et nous leur devons beaucoup, notre avenir.

La Chapelle du Souvenir porte une inscription qui dit: «Ils sont trop près de nous pour révéler leur grandeur, mais nos enfants comprendront quand, comment et par qui nous avons été sauvés.»

L'automne dernier, durant mon pèlerinage en Extrême-Orient, je me suis recueilli avec de jeunes délégués sur une tombe du cimetiè-


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re du Commonwealth, à Yokohama. Il s'agissait d'un jeune homme qui, à 19 ans, était mort dans un camp de prisonniers. Il avait été fait prisonnier à Hong Kong, trois ans plus tôt, à 16 ans. Nous n'oublierons jamais cette inscription ni dans notre esprit ni dans notre coeur.

(1515)

Cela m'a rappelé mon beau-père, Stanley Edward Akrigg, qui est mort en janvier, à l'âge de 96 ans. C'était un garçon bien bâti quand il s'est enrôlé dans l'armée canadienne en 1914, à l'âge de 15 ans. À 17 ans, il s'est mérité la médaille militaire et a participé aux batailles de la crête de Vimy, de la Somme et de Passchendaele. Deux jours avant son dix-neuvième anniversaire, en octobre 1918, il a perdu son frère, qui servait dans le même régiment et qui a été frappé par un obus.

Cela m'a également rappelé mon cousin, Ronald Loughton Movold, qui était mitrailleur arrière à bord d'un un bombardier Lancaster. Il a perdu la vie en Europe, en avril 1944.

La flamme du souvenir doit être transmise à ceux qui sont trop jeunes pour avoir connu ces guerriers canadiens qui étaient trop jeunes pour mourir. Les coquelicots que nous arborons sont un symbole traditionnel de leur sacrifice. Ils ont été inspirés par le poème qu'a écrit le lieutenant-colonel John McCrae après avoir survécu 12 jours de bombardements intenses dans sa casemate, en Belgique, le 3 mai 1915. Tout au cours de ce bombardement, il pouvait voir, de l'autre côté de la route, un cimetière couvert de coquelicots. Après avoir déchiré une page de son journal, il a écrit le poème «Au champ d'honneur». Nous devons nous rappeler leurs sacrifices courageux, pour qu'ils n'aient pas été faits en vain et pour nous assurer de préserver les libertés et les droits précieux pour lesquels ils sont morts.

Nous devons également nous souvenir des dizaines de milliers de Canadiens qui ont servi dans plus de 30 missions de maintien de la paix sur une période de 36 ans. Plus de 100 membres des Forces canadiennes ont perdu la vie et des centaines d'autres ont été blessés durant ces opérations de maintien de la paix. Il ne faut pas les oublier non plus.

Nos anciens combattants de la guerre du Golfe ont été exposés à l'intensité et à la volatilité de la guerre moderne dans leur lutte pour préserver la stabilité très délicate qui existe au Moyen-Orient. Durant la guerre, de nombreux Canadiens ont pu voir sur leurs écrans de télévision le ciel être embrasé par des feux de mazout et des explosions d'ogives. Pour servir notre pays et le monde entier, des Canadiens ont sacrifié leur vie. Là encore, nous avons été témoins de tragédies et de sacrifices personnels.

La Semaine des anciens combattants, du 3 au 11 novembre, nous donne l'occasion de réfléchir, de nous souvenir et de relever le défi que nous ont lancé nos héros: «À vous jeunes désabusés, à vous de porter l'oriflamme et de garder au fond de l'âme le goût de vivre en liberté. Acceptez le défi, sinon les coquelicots se faneront au champ d'honneur.»

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Madame la Présidente, je me joins à mes collègues du Nouveau Parti démocratique pour rendre hommage aujourd'hui à la Chambre aux anciens combattants canadiens. Nous voulons rendre plus spécialement hommage à ceux qui ont fait le sacrifice suprême: les hommes et les femmes de l'armée, de la marine, de l'aviation et de la marine marchande qui ont donné leur vie au cours des deux guerres mondiales, ceux qui sont morts pendant la guerre de Corée et ceux qui sont morts au cours des opérations de maintien de la paix.

On ne déplore, heureusement, aucune perte de vie durant la guerre du Golfe, mais, comme l'a dit le député de Saanich-Les Îles-du-Golfe, il est démontré que les militaires qui ont participé à la guerre du Golfe souffrent de nombreuses séquelles durables que le gouvernement doit reconnaître.

Voilà pourquoi, lorsque nous nous rassemblons le Jour du Souvenir, nous rendons hommage non seulement à ceux qui sont morts mais aussi à ceux qui sont revenus, comme le dit la Légion dans un de ses principes, après avoir donné les meilleures années de leur vie.

Il y a longtemps, juste avant mon vingtième anniversaire de naissance, je visitais la Hollande à bicyclette avec un ami. Nous sommes arrivés à un grand monument marquant le cimetière de guerre canadien de Bergen op Zoom. Nous nous sommes promenés dans ce bel endroit que les Hollandais avaient été si merveilleusement bien entretenu durant toutes ces années. Nous nous rendions compte du caractère sacré de l'endroit. Nous y avons passé deux ou trois heures, frappés de voir les innombrables allées de sépultures de Canadiens qui y étaient inhumés. J'ai été frappé de constater qu'au moment de leur mort, ils avaient à peu près le même âge que moi, 19 ans.

(1520)

Ce n'est que dix ans plus tard que j'ai eu l'occasion de visiter le cimetière d'Adagem, en Belgique, et dix autres années se sont écoulées avant que je puisse visiter Vimy. Plus j'avance en âge, plus je suis frappé de voir à quel point ces soldats étaient jeunes quand ils sont morts, trouvant encore plus de sens à ce passage de la prière prononcée lors de chaque cérémonie du Jour du Souvenir: «Ils ne vieilliront pas comme nous, à qui il est laissé de vieillir. Le passage des années ne les fatiguera pas, et ils ne ploieront pas sous le poids des ans.» Ceux qui ont perdu un être cher encore jeune, pas nécessairement à la guerre, mais dans un accident, comprennent tout le sens de ces paroles. Ces personnes restent toujours jeunes dans notre imagination. Elles ne vieillissent jamais.

J'étais frappé, comme je le suis toujours, par les images de ces cimetières, par les images de la porte de Menin, à l'extérieur du village d'Ypres, où sont inscrits les noms de 35 000 soldats du Commonwealth qui n'ont pas de sépulture connue. Chaque semaine, les habitants du village se rassemblent pour la sonnerie aux morts à la porte de Menin. Ils l'ont fait depuis 1918, sauf durant les années où le village a été occupé pendant la Seconde Guerre mondiale.

Je mentionne ce fait car, en Europe, que ce soit en Hollande, à la porte de Menin ou ailleurs, les gens apprécient le sacrifice que les soldats canadiens et d'autres pays du Commonwealth et alliés ont fait à cette époque. Nous, au Canada, ne devrions pas être en reste. J'ai souvent l'impression que nous n'apprécions pas autant que nous le devrions le sacrifice que nos anciens combattants ont fait.

J'espère que, lors du Jour du Souvenir de cette année et des années à venir, les futures générations seront aussi chanceuses que la mienne. Mon grand-père a servi pendant la Première Guerre

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mondiale, et mon père pendant la Seconde Guerre mondiale, mais ma génération n'a jamais été appelée aux armes. J'espère qu'on pourra continuer de dire cela à propos de la génération de mon fils et de celle de mon petit-fils. Nous devrions tous nous consacrer à poursuivre cet objectif.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Madame la Présidente, au nom du Parti progressiste conservateur du Canada, je tiens à rendre hommage aux nombreux Canadiens qui ont consenti un si lourd sacrifice pour la cause de la paix et de la liberté dont nous jouissons aujourd'hui.

La Première Guerre mondiale a pris fin à 11 heures, le 11 novembre 1918, et a laissé derrière elle des dévastations qui ont beaucoup marqué. En quelques brèves années, 70 000 Canadiens ont été emportés, et deux fois plus ont été blessés dans ce combat pour la paix. Mon oncle est allé se battre outre-mer et y a été grièvement blessé.

La Seconde Guerre mondiale, épisode horrible de notre histoire, a fauché 45 000 Canadiens, et des milliers d'autres ont été blessés. Un grand nombre sont rentrés au Canada, et nous en remercions le ciel.

Des Canadiens ont également donné leur vie à la guerre de Corée, et nos forces armées ont répondu à l'appel lorsque l'ONU a réclamé des mesures pour mettre un terme à l'agression iraquienne au Koweït.

Deux de mes frères sont partis sous les drapeaux à la Seconde Guerre mondiale. Ils sont en allés en Belgique, en Hollande et en France. Ce ne fut pas facile. Ce ne fut pas facile pour ma mère. Elle confectionnait des gâteaux aux fruits pour eux, elle fabriquait des tas de petits oreillers. Elle leur tricotait des chaussettes. Elle pleurait en attendant le courrier, espérant et priant qu'ils rentrent à la maison sains et saufs. Heureusement, c'est ce qui est arrivé.

Les Canadiens n'ont jamais reculé ni fui devant l'agression. Ils savent que, pour garantir la paix mondiale, il faut faire respecter les lois qui régissent les relations entre les pays. C'est pourquoi nous avons près de 2 000 militaires canadiens qui oeuvrent partout dans le monde au service de la paix et de causes humanitaires.

Cette année marque le 51e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le jour du Souvenir, le 11 novembre, tous sont invités à commémorer les sacrifices consentis par tellement de Canadiens et à honorer tous ceux qui sont revenus.

L'an dernier, à l'occasion des célébrations du Jour de la victoire en Europe, les anciens combattants canadiens ont été traités comme des héros en Hollande pour le rôle qu'ils ont joué dans la libération de ce pays. Ici, au Canada, nous ne devons jamais oublier les risques que ces héros ont pris, les sacrifices qu'ils ont faits pour que nous ayons le pays que nous avons aujourd'hui, la paix et la liberté dont nous jouissons. Nous tenons souvent pour acquise cette liberté qui a été si chèrement payée.

(1525)

Par gratitude, respect et reconnaissance, nous devons travailler plus fort que jamais à préserver les programmes essentiels au bien-être d'un si grand nombre d'anciens combattants. Ils sont nombreux à venir me voir parce qu'ils craignent des compressions dans le Fonds du Souvenir. Nous ne devons pas négliger, non plus, nos anciens marins de la marine marchande.

Aujourd'hui, je remercie tous ceux qui ont lutté pour protéger les libertés dont nous jouissons. Merci à ceux qui continuent de porter l'uniforme du Canada pour le service extraordinaire qu'ils assurent.

N'oublions jamais le prix très lourd qui a été payé pour que nous puissions vivre en paix, individuellement et collectivement. Nous devons faire preuve de vigilance et préserver cette paix.

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

LA MOTION M-221

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Madame la Présidente, il s'est produit un imbroglio hier en Chambre à la fin des débats sur la motion M-221. Je crois aujourd'hui avoir obtenu le consentement unanime de cette Chambre afin de considérer qu'un appel nominal a eu lieu sur cette motion et que, conséquemment, le vote sera tenu le mardi 5 novembre, comme cela était prévu lors des négociations, mais du côté de l'opposition, hier, il y a eu une incompréhension de la motion qui avait été présentée par le gouvernement.

Je pense donc que j'ai le consentement unanime pour que l'on tienne un vote mardi, et je tiens à remercier le whip en chef du gouvernement, qui s'est comporté en gentleman sur cette question et qui a fait preuve d'une grande ouverture d'esprit quant à la compréhension de la situation.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Est-ce que nous avons le consentement unanime de la Chambre?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES TECHNIQUES DE REPRODUCTION HUMAINE ET DE MANIPULATION GÉNÉTIQUE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 23 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-47, Loi concernant les techniques de reproduction humaine et les opérations commerciales liées à la reproduction humaine, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Madame la Présidente, mon intervention d'aujourd'hui porte sur le projet de loi C-47, Loi concernant les techniques de reproduction humaine et les opérations commerciales liées à la reproduction humaine.


5966

Cet important débat touche à des questions de morale et d'éthique, à des questions scientifiques et économiques et au rôle de l'État dans la vie privée des citoyens. Inutile de dire que je m'intéresse personnellement à l'objet de ce projet de loi. Lorsque je pratiquais la médecine, j'ai eu à traiter des couples stériles qui ont eu recours aux méthodes de fécondation artificielle pour réaliser leur rêve le plus cher et fonder une famille. Je ne peux pas oublier la joie, l'émotion et la satisfaction qu'éprouvaient ces patients lorsqu'ils devenaient parents.

Il ne s'agit donc pas d'un sujet théorique qui me laisse indifférent, mais bien d'une question qui m'intéresse énormément. Comme cette question touche à la vie même, ainsi qu'à mes croyances personnelles, en tant que chrétien, je crois que la vie n'est pas un accident, mais bien l'oeuvre d'un être suprême.

Permettez-moi, tout d'abord, de vous rappeler que le Parti réformiste a une façon bien précise d'aborder ce genre de projet de loi. Cette mesure législative a trait à une question de morale. J'énonce ma position en tant que député réformiste, je communique les faits à mes électeurs, je détermine la position de mes électeurs et je vote en fonction de leurs désirs, s'il y a un consensus clair qui se dégage de mes recherches. Je tiens à dire aux Canadiens que c'est exactement la méthode que je suivrai ici. J'insérerai dans mon prochain bulletin parlementaire un questionnaire sur les techniques de reproduction humaine.

Le projet de loi vise trois objectifs: a) préserver la santé et la sécurité des Canadiens dans le cadre de l'utilisation des éléments ou produits du corps humain servant à la reproduction pour la procréation assistée, d'autres actes médicaux ou la recherche médicale, b) assurer le traitement convenable, à l'extérieur du corps humain, de ces éléments ou produits, étant donné leur capacité de créer une vie humaine et c) protéger la dignité de toute personne-plus particulièrement les enfants et les femmes-dans le cadre de l'utilisation de ces éléments ou produits. Ce sont de nobles objectifs, mais comment les atteindre?

Ce projet de loi interdit un certain nombre de choses. Il s'agit d'interdictions très strictes. Les premières interdictions sont presque des procédures qui relèvent de la science fiction. Si elles sont réalisables, elles ne sont pas à la portée de la plupart des Canadiens, et je veux parler de la fusion d'un ovule ou de sperme humain et d'un ovule ou de sperme animal, de l'implantation d'un embryon humain dans un animal. Ces activités sont répugnantes, aux yeux de la plupart des Canadiens. Des contrôles stricts à leur égard seraient raisonnables.

(1530)

La deuxième catégorie d'interdictions vise à contrôler la reproduction assistée en rendant illicite la commercialisation des activités qui la rendent possible. Ces activités font actuellement l'objet de contrôles. Elles sont contrôlées par des organismes professionnels qui s'autoréglementent grâce à des normes relatives à la délivrance des licences, à la formation, aux technologies et à l'éthique. Les activités qui font l'objet de contrôles dans ce domaine sont beaucoup plus accessibles aux Canadiens. Ainsi, les dons de sperme sont une pratique courante. Les donneurs dont payés. Cela ne serait pas autorisé en vertu du projet de loi. Si ce projet de loi était adopté, une soeur ne pourrait pas porter l'enfant d'un membre de la famille, être une mère porteuse, et recevoir une rémunération pour compenser son absence au travail. Aux termes de ce projet de loi, une femme altruiste ne pourrait pas donner des ovules qu'elle a en trop en échange de services qu'elle n'aurait pas les moyens de s'offrir autrement.

Des contrôles sont probablement nécessaires dans ce domaine. À quel point rigoureux devraient-ils être? Un certain nombre de ces décisions sont d'ordre personnel. D'aucuns les considèrent trop personnelles pour que le gouvernement s'en mêle.

Puisque les procédures relevant de la science fiction et les procédures de reproduction assistée n'ont pas la même importance, le projet de loi devrait en tenir compte. Il serait préférable de scinder le projet de loi.

En ce qui concerne l'application des mesures de criminalisation prévues dans ce projet de loi, les peines en cas d'infraction sont très sévères: 500 000 $ et 10 ans de prison pour avoir passer outre à certaines de ces interdictions. Au sujet du mécanisme de réglementation qui devra accompagner ce projet de loi, on nous a remis un document de travail qui en fait état. Le projet de loi est très vague. L'article 12 dit que le ministre peut désigner toute personne à titre d'inspecteur ou d'analyste. L'article 13 dit, sans plus, que le gouverneur général peut prendre des règlements d'application. Ce sont là d'énormes pouvoirs et des questions très importantes. C'est comme si on nous demandait de faire preuve d'une confiance totale.

Premièrement, je souscris au principe qui dit que ces technologies doivent être réglementées par une loi. À ce stade-ci du débat, j'accepte en principe ce projet de loi.

Deuxièmement, j'exhorte le gouvernement à scinder le projet de loi en deux, soit les procédures relevant de la science fiction, d'une part, et les aspects commerciaux qui intéressent les couples sans enfants, d'autre part.

Troisièmement, je n'accepte pas le principe sans autre discussion au sujet de la nécessité ou de l'opportunité d'imposer des peines sévères dans ce domaine et de criminaliser ces actes.

Quatrièmement, qu'une réglementation monopolistique par l'État constitue le seul moyen ou le moyen idéal pour contrôler ces activités me laisse sceptique.

Cinquièmement, ayant vérifié le processus de consultation sur la reproduction, qui était très approfondi, ce document, le projet de loi C-47, et les propositions qui suivront, je trouve que de nombreuses définitions et expressions, comme «dignité humaine» et «protéger la dignité de toute personne», sont vagues. J'accepte très difficilement que ces expressions ne soient pas définies. Quelle définition de la dignité faut-il retenir?

Je soumets ces réflexions à l'étude des autres députés. Mes collègues et moi examinerons attentivement ce projet de loi au cours des audiences du comité.

(1535)

Mme Mary Clancy (Halifax, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureuse de participer au débat sur le projet de loi C-47 sur les nouvelles techniques de reproduction humaine et de manipulation génétique.

De nos jours, un grand nombre de Canadiens vivent en sachant qu'ils risquent de transmettre à leurs enfants un trouble grave lié au sexe de l'enfant. Ils ont vu de près les ravages de la maladie et savent à quel point l'hémophilie et la dystrophie musculaire progressive de Duchenne, par exemple, bouleversent autant la vie de ceux qui en sont atteints que celle de tous les membres de leur entourage. Pour éviter de transmettre la maladie, ces gens n'ont


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souvent pas d'autre solution que de ne jamais avoir d'enfant. C'est bien cher payer.

Le perfectionnement du diagnostic prénatal et d'autres techniques et leur accès permettent à des couples de connaître le sexe d'un embryon ou d'un foetus et, pour la première fois dans l'histoire, de prendre des décisions éclairées quant aux circonstances dans lesquelles ils peuvent avoir des enfants.

Par ailleurs, certains éprouvent une préférence marquée pour des enfants d'un sexe en particulier et ce, pas pour des raisons de santé, mais uniquement pour des raisons personnelles ou culturelles. Les techniques qui apportent une aide immense à des couples qui risquent de transmettre des troubles génétiques, à des familles qui pourraient être confrontées à des situation tragiques, peuvent aussi servir pour satisfaire les désirs de personnes qui, pour diverses raisons, veulent à tout prix un garçon ou une fille.

Le recours à la technologie pour déterminer le sexe d'un embryon ou, pire encore, l'utilisation d'un diagnostic prénatal simplement pour présélectionner le sexe d'un enfant est une pratique qui répugne à la majorité des Canadiens.

Le gouvernement s'est penché sur la question et a conclu qu'il y avait de sérieux motifs pour prohiber la présélection d'un sexe à des fins non médicales. La pratique constitue une menace pour les personnes vulnérables, en particulier les enfants et les femmes. Cela va à l'encontre de l'engagement du Canada d'établir l'égalité entre les sexes. C'est une utilisation incorrecte des ressources médicales.

C'est pourquoi, aux termes du projet de loi C-47, il serait illégal d'utiliser le nouvelles techniques pour tenter de déterminer le sexe d'un embryon ou de connaître le sexe d'un foetus.

Quand on parle de présélection du sexe, on se rapporte en fait à trois différentes techniques, qui ont toutes le même but. La première méthode de présélection du sexe a lieu avant la conception. Un ovule fertilisé au moyen de sperme porteur du chromosome X mènera à la naissance d'une fille et celui qui est fertilisé au moyen de sperme porteur du chromosome Y, à la naissance d'un garçon. Il s'ensuit que si l'on peut séparer le chromosome X du chromosome Y, la possibilité d'avoir un enfant du sexe souhaité est plus grande. Une fois que la séparation est faite, le sexe de l'enfant peut être prédéterminé.

Cette méthode de la sélection du sexe n'est pas toujours efficace, mais la demande est assez grande pour que deux cliniques privées faisant ce genre d'intervention aient été ouvertes au Canada. Des cliniques semblables ont également été ouvertes aux États-Unis, dans le Royaume-Uni et ailleurs.

La deuxième méthode de sélection du sexe vient de la pratique de la fécondation in vitro. La FIV a pour résultat la création d'un embryon à l'extérieur du corps; habituellement, cela donne plus d'embryons qu'il n'en faut pour la transplantation en toute sécurité dans le corps de la mère. Certains critères doivent être respectés pour déterminer quels embryons seront transférés dans le ventre de la mère. On se sert d'une technique appelée diagnostic de pré-implantation qui consiste à prélever des cellules sur un embryon pendant qu'il est à l'extérieur du corps de la mère et à les examiner pour déceler la présence de désordres génétiques ou chromosomiques. Les embryons souffrant d'un désordre quelconque ne seraient évidemment pas implantés.

Le diagnostic de pré-implantation peut également servir à déterminer le sexe de l'embryon. Les personnes ayant une préférence marquée pour le sexe de leur enfant peuvent demander que l'embryon du sexe souhaité soit implanté dans le corps de la mère. Les deux premières méthodes sont utilisées avant la grossesse.

La troisième méthode est utilisée bien plus tard dans le développement du foetus. Le diagnostic prénatal, habituellement par amniocentèse ou ultrasons, peut être utilisé pour déterminer le sexe du foetus.

La protection des éléments vulnérables de la société, y compris les enfants, le respect de l'engagement canadien envers l'égalité sexuelle et la garantie que les ressources médicales sont utilisées de la manière qui convient sont les principes justifiant la prohibition de la sélection du sexe pour des raisons non médicales. La sélection du sexe rend les enfants vulnérables à toute une série de préjudices. Les effets de la sélection du sexe sur le bien-être affectif de l'enfant peuvent être profonds. Il n'est pas le seul à porter le fardeau imposé par le choix du sexe. Ses frères et soeurs pourraient être profondément blessés s'ils en venaient à croire qu'ils ne sont pas du bon sexe et, pour cela, sont moins dignes de l'amour de leurs parents. Chez l'enfant, l'estime de soi et la confiance en soi sont fragiles. Savoir que des parents auraient préféré avoir un enfant de l'autre sexe peut provoquer des blessures profondes et avoir des conséquences qui durent toute la vie.

(1540)

Les femmes peuvent aussi devenir des victimes des techniques visant à choisir le sexe de l'enfant. Certaines femmes, particulièrement dans les groupes culturels où les enfants mâles sont plus estimés, ont subi des pressions pour les convaincre d'utiliser les techniques leur permettant d'avoir des fils plutôt que des filles. Il peut s'agir de menaces de rupture du couple ou de violence physique. Nous ne sommes peut-être pas aussi loin que nous le croyons du siècle d'Henri VIII.

Des représentantes de minorités culturelles ont déployé de grands efforts pour résister aux pressions en faveur du choix du sexe des enfants au sein de leurs collectivités et pour promouvoir une acceptation plus large de valeurs fondamentales comme l'égalité des sexes.

Le gouvernement ne veut pas compromettre ces efforts. Le respect des différences culturelles ne saurait en aucun cas servir de caution à des actes de coercition. Les pays où il existe une préférence pour les enfants mâles ont vu leur taux de natalité faussé depuis l'avènement du diagnostic prénatal. Il y naît plus de garçons que le pourcentage normal, soit environ 51,5 garçons pour 48,5 filles.

Peu d'indices permettent de croire que la possibilité de choisir le sexe des enfants pour des raisons autres que médicales aurait des effets sentis au Canada. Cependant, les conséquences d'un changement même relativement minime du pourcentage d'hommes par rapport au pourcentage de femmes sont inconnues. En l'absence de données, il serait téméraire de risquer de perturber un équilibre qui s'est établi sur des milliers d'années de civilisation pour permettre la perpétuation de notre espèce.


5968

Pour ces raisons, le choix du sexe de l'enfant constitue de la discrimination sexuelle. La société ne doit pas permettre que la technologie serve à promouvoir une image arbitraire de la famille idéale où celle-ci compte et des fils et des filles.

Les techniques permettant de choisir le sexe de l'enfant nécessitent des ressources médicales limitées. À l'exception des cas où il y a lieu de craindre des affections génétiques liées au sexe, elles ne constituent pas des services nécessaires. Elles n'aident ni à traiter la maladie, ni à la prévenir, ni à améliorer la santé de la population.

Au Canada, le système de santé est vu comme un élément de l'identité nationale. Il serait répréhensible de gaspiller les précieuses ressources de notre système de santé pour fournir des services contestables sur le plan moral. Le gouvernement prend des mesures pour éviter cela.

Après beaucoup d'études et après consultation des intervenants, le gouvernement est arrivé à la conclusion que le choix du sexe de l'enfant est si inacceptable compte tenu des valeurs communes aux Canadiens et de la santé et du bien-être des enfants canadiens qu'il ne peut pas être offert ici.

Le choix du sexe de l'enfant est contraire à l'égalité des sexes et à la protection des personnes vulnérables. Cela risque de nuire à des femmes et à des enfants. En outre, ces techniques, qui risquent de fausser le taux de natalité normal, ont des effets à long terme inconnus sur la santé de la population en plus de constituer une utilisation peu judicieuse des ressources limitées dont nous disposons pour notre système de santé.

Pour toutes ces raisons, le gouvernement propose l'adoption du projet de loi sur les techniques de reproduction humaine et de manipulation génétique, qui interdit le choix du sexe des enfants pour des raisons non médicales. Je suis heureuse d'appuyer ce projet de loi.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Madame la Présidente, je tiens à féliciter ma collègue du gouvernement de son discours. Elle y a bien énuméré tous les dangers des nouvelles techniques si on ne prend pas le temps de les criminaliser, si on n'arrive pas avec un projet de loi qui est complet et sérieux.

Pour ma part, j'aimerais revenir au projet de loi C-47 sur un aspect un peu plus technique. J'aimerais lui demander si elle est d'accord avec ce que je vais lui énumérer. À mon sens, ces articles pourraient peut-être alimenter des débats juridiques. Pour cette raison, j'avance que ce projet de loi est incomplet à mon point de vue.

(1545)

Dans l'article 1, on remarque une imprécision du texte français comparativement à celui de la langue anglaise. En français, on dit «manipulation génétique» et en anglais on dit «genetic technologies». J'aimerais tout d'abord lui demander si elle comprend la différence entre ces deux versions.

Dans l'explication qu'on fait du titre abrégé, on parle de procréation assistée et on mêle «procréation assistée» et «recherche fondamentale». Je pense que quand on parle de procréation assistée, il est question de prestation de soins et de traitements et, d'un autre côté, de recherche médicale en génétique. J'aimerais savoir si elle pense qu'assimiler ces deux domaines n'est pas dangereux. Je pense que c'est deux choses complètement différentes.

J'aimerais savoir si ces définitions sont vraiment étudiées sérieusement par les députés du gouvernement en ce qui concerne le projet de loi C-47. J'e n'en suis qu'à l'article 1, mais je pourrais citer tous les articles et il y en a 49. Je crois que ce projet de loi est complètement flou, il n'est pas clair et il alimentera des débats juridiques. Pourrait-elle me répondre à ce sujet?

[Traduction]

Mme Clancy: Madame la Présidente, au sujet de la première partie de la question de la députée sur l'expression «manipulation génétique» et sur l'expression utilisée en anglais, je ne suis pas une experte de la langue française. Si l'expression n'a pas la même signification en français, je ne peux que suggérer à la députée de soulever cette question à l'étape de l'étude en comité.

Je suis certaine que les membres du comité, le greffier, les recherchistes et les gens chargés de la traduction apporteront les corrections nécessaires. C'est un détail et ce n'est pas à moi à répondre à cette question. Je suggère à la députée de soulever la question au comité.

Pour ce qui est de certaines des autres questions, Dieu sait que, étant avocate, je suis habituée à couper les cheveux en quatre. Cependant, il me semble que, le 4 mai 1994, la députée de Drummond s'est plainte à la Chambre de la lenteur du gouvernement dans ce dossier. Je dois dire, relativement à certaines des questions qu'elle pose, que la députée coupe vraiment les cheveux en quatre. Je ne sais pas si elle exerce la même profession que moi mais, si ce n'est pas le cas, elle devrait le faire parce qu'elle a vraiment du talent dans ce domaine. Elle a dit qu'une telle mesure aurait un impact majeur sur l'éthique et sur la recherche et que nous étions trop lents à agir.

Les questions de ce genre ne contribuent pas à accélérer l'étude du projet de loi. Je serais heureuse de répondre à toutes les questions que la députée peut avoir sur le fond du projet de loi. Pour ce qui est des questions qui se rapportent à la terminologie, au titre abrégé et aux définitions, je crois que la députée sait qu'il y a des services législatifs et des gens aux comités qui peuvent régler ces problèmes. En attendant, j'espère qu'elle pourra poser des questions plus sérieuses pour faire avancer le débat.

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet ce loi C-47, la nouvelle Loi sur les techniques de reproduction humaine et de manipulation génétique.

Il est rare que nous soyons saisis de mesures législatives comportant un cadre éthique explicite. Le projet de loi C-47 concerne des questions qui touchent nos croyances les plus profondes sur la nature de la vie humaine, la valeur que nous lui accordons et le rôle de la reproduction et des parents dans notre société.

Emboîtant le pas à la commission royale d'enquête sur les nouvelles techniques de reproduction, le gouvernement fédéral a élaboré un cadre éthique pour guider l'élaboration de sa politique concernant les nouvelles techniques de reproduction et de manipulation génétique. Ces principes sont énoncés dans le document de pétition


5969

que le gouvernement a publié au moment du dépôt du projet de loi C-47. Le gouvernement a agi de la sorte parce qu'il croit que les principes éthiques n'ont de sens que s'ils font l'objet d'un examen et d'un débat publics. Je voudrais maintenant parler de certains de ces principes.

(1550)

Un des principes éthiques qui guident le gouvernement dans l'élaboration de ses politiques est la nécessité d'assurer l'équilibre entre les intérêts de l'individu et ceux de la collectivité. Les Canadiens accordent beaucoup de valeur à la liberté individuelle, mais les gens ne prennent pas leurs décisions dans le vide. Chacun d'entre nous fait partie d'une collectivité et les décisions de chacun peuvent avoir des répercussions sur la collectivité.

La liberté individuelle ne comprend pas le droit de nuire aux autres, de les contraindre ou de miner la stabilité sociale. Les personnes qui souhaitent avoir recours à l'aide à la reproduction ou au diagnostic prénatal, les donneurs de gamètes et les enfants nés grâce à l'aide à la reproduction sont tous des individus dont les intérêts sont affectés par la politique concernant les nouvelles techniques de reproduction génétique. Il faut assurer un équilibre entre leurs intérêts, ceux de la société dans son ensemble et ceux des groupes identifiables.

Par exemple, le diagnostic prénatal soulève la question de la façon dont la société perçoit les personnes handicapées. Les femmes, en tant que groupe, ont une importance particulière puisque ce sont elles qui font le plus directement l'expérience des techniques. Les femmes des minorités ethniques ou raciales ont des intérêts spéciaux dont il faut tenir compte. Les intérêts individuels n'ont pas automatiquement préséance sur les intérêts collectifs et la collectivité ne peut pas non plus tyranniser les individus.

Nous devons protéger les personnes les plus vulnérables aux effets nuisibles des techniques de reproduction tout en respectant le droit des personnes infertiles ou infécondes, ou de celles qui risquent de transmettre une maladie héréditaire à leurs enfants, de demander l'intervention qu'elles estiment la mieux à même de les aider.

Le Canada s'est engagé, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, à respecter le principe d'égalité entre les hommes et les femmes. C'est le deuxième principe du cadre éthique du gouvernement. Cela ne veut pas dire, toutefois, que les hommes et les femmes doivent être traités également. Nous devons plutôt reconnaître que ce sont principalement les femmes qui supportent le fardeau physique et social et les risques associés à la reproduction.

Les interdictions qui figurent dans cette mesure législative reflètent toute la considérarion accordée aux besoins et aux intérêts particuliers des femmes. Les pratiques et les procédures pouvant exposer les femmes à l'exploitation et à la coercition, comme la passation de contrats commerciaux avec des mères porteuses ou le don d'ovules en contrepartie d'un paiement, ont été expressément interdites en raison de leurs conséquences négatives sur le statut d'égalité de la femme dans la société canadienne.

La protection des personnes les plus vulnérables est une priorité pour le gouvernement. C'est le troisième élément de notre cadre éthique. La société a la responsabilité de veiller à ce que les personnes vulnérables ne soient pas manipulées ou contrôlées par ceux qui détiennent le pouvoir et l'autorité. Tout individu ou groupe qui a le pouvoir ou les ressources nécessaires pour se représenter de façon adéquate a besoin d'une protection spéciale. Les femmes sont vulnérables à cette forme d'exploitation, en partie à cause des facteurs socio-économiques qui limitent leur pouvoir. Les individus ou couples qui font appel à ces techniques sont aussi vulnérables. Ils ont besoin de la technologie pour les aider à avoir un enfant, une technologie dont l'accès est limité et déterminé par d'autres.

C'est pourquoi le gouvernement interdit l'utilisation d'embryons à des fins de recherche, sans leur consentement éclairé. Les enfants nés à la suite du recours à ces techniques sont particulièrement vulnérables. Des techniques comme la sélection du sexe et le recours aux services d'une mère porteuse diminuent l'importance des enfants dans notre société et ont été interdites parce qu'elles font des enfants des marchandises.

Avec le projet de loi C-47, le gouvernement cherche aussi à protéger la santé et la sécurité des Canadiens. Cela exige un engagement par rapport au traitement médical. Nous aimerions aider les personnes infécondes ou infertiles, mais, dans un monde où les besoins sont variés et les ressources limitées, nous avons la responsabilité de nous assurer que les décisions relatives à la prestation des traitements médicaux seront prises en fonction de priorités clairement définies en matière de soins de santé.

La première mesure, pour garantir une affectation appropriée des ressources en matière de soins de santé, est de minimiser le nombre de personnes ayant besoin d'un traitement médical en mettant l'accent sur la prévention. Dans son exposé de principe sur le régime de gestion des nouvelles techniques de reproduction et de manipulation génétique, le gouvernement a décrit les initiatives autres que les mesures législatives qu'il prend actuellement, y compris l'établissement d'un cadre pour la santé génésique. Ce cadre servira, entre autres, de fondement à une stratégie globale sur la prévention de l'infertilité. Même avec les meilleurs efforts de prévention du monde, il y aura toujours des gens qui souffriront de stérilité. Le principe de l'usage approprié des traitements médicaux exige qu'on utilise d'abord l'intervention la plus simple et la moins agressive possible pour aider à la conception d'un enfant.

(1555)

La non-commercialisation de la reproduction et des éléments ou produits du corps humain servant à la reproduction est le cinquième principe du cadre éthique du gouvernement. Par commercialisation, j'entends l'application d'une notion de bénéfices financiers aux techniques de reproduction, par l'achat ou la vente de produits du corps humain servant à la reproduction ou de services de reproduction. La commercialisation est contraire à nos valeurs fondamentales comme le principe du droit inaliénable des êtres humains à ne pas être achetés ou vendus. Cette pratique ne rendrait pas justice à l'importance de la reproduction et à son sens profond pour les êtres humains.


5970

Finalement, le gouvernement s'engage à rendre des comptes à tous les niveaux. Les individus ont la responsabilité de protéger leurs propres fonctions reproductives et sexuelles pour aider à prévenir la stérilité. La société canadienne a le droit de régir et de contrôler l'usage de ces techniques pour garantir le respect de nos valeurs et de nos idéaux.

Les gouvernements et le personnel médical ont conjointement la responsabilité de protéger les fonctions reproductives et sexuelles de leurs collectivités et de leurs patients. Ces principes d'éthique constituent un pilier de l'attitude du gouvernement à l'égard des nouvelles techniques de reproduction humaine et de manipulation génétique.

Le gouvernement a aussi d'autres grandes préoccupations, soit la santé et la sécurité des Canadiens, les considérations sur la stérilité et la préservation du bien-être et des intérêts des enfants. Ce sont aussi des éléments essentiels de la politique gouvernementale. Ensemble, ces grandes préoccupations ont constitué le cadre qui a aidé le gouvernement à déterminer quelles pratiques et procédures seraient interdites. Elles continueront à nous guider dans l'élaboration de la réglementation.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Madame la Présidente, je voudrais soulever ici un point bien clair. Je comprends très bien tous les débats que l'on a actuellement sur le projet de loi C-47. C'est un débat social qui touche à toutes nos valeurs, mais j'aimerais bien que l'on puisse être capables d'en arriver à travailler avec le projet qu'on a entre les mains.

Je voudrais aussi mentionner à tous les députés du gouvernement, avant d'aller plus loin, que l'opposition officielle est pour la criminalisation de plusieurs techniques en matière de reproduction. Vraiment, il ne faut pas laisser entendre que l'opposition est contre une réglementation de certaines techniques et une criminalisation de certaines techniques.

Là où le bât blesse, c'est que le projet de loi qu'on nous présente à l'heure actuelle, à notre avis, est incomplet. Je fais partie des groupes féministes qui, en 1977, réclamaient une enquête royale parce qu'on avait cette vision de dire que, au sujet de ce qui s'en vient, il faut absolument faire quelque chose avant que des scandales arrivent.

Douze ans après, on a eu une déclaration, lors du discours du Trône, nous promettant une enquête royale. Mais cette enquête royale a pris quatre ans, a coûté très cher. On a rencontré beaucoup de monde mais on a oublié de consulter les provinces qui, elles, sont les seules capables, selon la Constitution, de gérer les soins de santé. Je pense que les techniques de reproduction relèvent des soins de santé.

Ce que l'opposition officielle avait demandé, c'était de criminaliser certaines techniques et de modifier le Code criminel. Ce qu'on remarque dans le projet de loi C-47, c'est qu'on a une loi parallèle qui donne tous les pouvoirs au gouvernement fédéral, pas aux provinces.

J'aimerais demander à mon collègue qui vient de prendre la parole pourquoi le gouvernement, encore une fois, s'en vient centraliser. Encore une fois, quand on parle de santé, selon la Constitution-et on nous ramène souvent à la Constitution-les pouvoirs de gestion des soins de santé relèvent des gouvernements provinciaux.

Est-ce que mon collègue peut m'expliquer cet acharnement de ce gouvernement, précisément, à vouloir tout centraliser, alors qu'il dit, lui, qu'il décentralise? Dans les faits, c'est tout à fait contraire et c'est pernicieux.

(1600)

[Traduction]

M. Scott (Fredericton-York-Sunbury): Madame la Présidente, en réponse à cette question, tout ce que je peux dire c'est que l'intervention du fédéral en matière de santé et de sécurité est un fait établi.

Qu'il me suffise de rappeler le nombre de fois que la députée a réclamé que le fédéral agisse. Il semble quelque peu illogique de demander au fédéral d'agir alors que, par ailleurs, lorsqu'il agit, on l'accuse d'essayer de centraliser le pouvoir. Ce n'est absolument pas inhabituel pour le fédéral d'intervenir dans ce genre de dossiers. Il y en a plusieurs dont nous avons discuté au comité de la santé qui me viennent à l'esprit.

À cet égard, la députée a également mentionné un peu plus tôt dans sa question à mon collègue que le projet de loi manquait un peu de précision. Cela se traduira probablement par un débat plus fructueux au comité lorsque nous étudierons le projet de loi. Je suis certain que s'il était plus précis, on nous dirait: À quoi ça sert de l'étudier si tout a déjà été décidé?

En résumé, je ne pense pas qu'il soit inhabituel pour le fédéral de jouer un rôle déterminant dans l'intérêt des Canadiens, de leur santé et de leur sécurité. Il existe de nombreux précédents à cet égard. Je me réjouis de l'intervention du gouvernement dans ce dossier.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Madame la Présidente, j'interviens aujourd'hui sur le projet de loi C-47, intitulé Loi concernant les techniques de reproduction humaine et les opérations commerciales liées à la reproduction humaine.

Ce projet de loi, qui fait suite au moratoire volontaire sur certaines techniques de reproduction imposé par le gouvernement libéral en juillet 1995, se veut dans la continuité des travaux de la Commission Baird, qui a travaillé de 1989 à 1993 et dont le mandat était de faire enquête sur les progrès actuels et prévisibles de la science et de la médecine en matière de techniques de reproduction et leurs répercussions pour la santé.

La Commission devait aussi étudier les conséquences morales, sociales, économiques et juridiques de ces innovations en matière de fertilité et de génétique sur la société, afin de recommander des politiques et mesures protectrices à adopter.


5971

Les principales conclusions et recommandations de la Commission Baird reprenaient les grandes lignes des enquêtes qui se sont tenues dans le monde sur le sujet. Cependant, plusieurs des recommandations posent problème, puisqu'elles ne respectent pas le contexte particulier du Canada, et notamment le partage constitutionnel des compétences.

Plusieurs recommandations auxquelles le gouvernement fédéral désire donner suite relèvent des compétences provinciales, notamment en matière de santé, de droit de la famille et de responsabilité civile, ce qui risque d'être une source de problèmes pour leur application.

Ce projet devait-j'ai dit devait-représenter la réponse du gouvernement aux préoccupations de la société face aux progrès scientifiques dans le domaine de la reproduction humaine et à l'utilisation possible des innovations techniques à des fins commerciales ou scientifiques douteuses.

Or, ce projet de loi est une réponse tardive et bien incomplète aux préoccupations de la population. Depuis la publication du rapport de la Commission royale sur les techniques de reproduction en novembre 1993, ce gouvernement libéral s'est traîné les pieds, y est allé de demi-mesures.

Ce n'est qu'en juillet 1995, plus de deux ans et demi après le dépôt du rapport Baird, que le gouvernement a fait un premier geste pour mettre un frein aux excès et à l'anarchie qui existent dans le domaine des technologies de reproduction par un moratoire temporaire et volontaire.

Le Bloc québécois, de même que plusieurs éditorialistes, d'anciens commissaires de la Commission Baird, dont Patricia Baird, des groupes d'intérêt, notamment de femmes et de religieux, ont critiqué le caractère volontaire du moratoire, puisque certains médecins et cliniques continuent d'offrir des techniques interdites par ce moratoire, que le gouvernement ne peut pas ou ne veut pas faire respecter.

(1605)

Le gouvernement fédéral avait annoncé, en janvier dernier, la création d'un comité consultatif provisoire dont le mandat devait être de veiller à faire appliquer le moratoire.

Cela n'a pas empêché un journal d'offrir à des jeunes femmes de vendre leurs ovules à des couples infertiles; des établissements à continuer de payer les donneurs de sperme; des médecins, à la demande de certaines de leurs patientes, de prélever du sperme sur le cadavre des époux décédés. Pour bien comprendre ce dont il s'agit quand on utilise l'expression «nouvelle technologie de reproduction», voici une liste de certaines des activités qui avaient cours et qui continuent à se développer parce que le moratoire gouvernemental n'est que «volontaire»: le contrat de la mère porteuse qui est payée pour porter un bébé qu'elle remettra à ses clients après son accouchement; le commerce d'ovules, de sperme ou d'embryons humains; la sélection du sexe de l'enfant sans aucune raison médicale; la gratuité d'une fécondation in vitro en échange d'ovules de femmes incapables de se payer ce service; la modification du matériau génétique humain présent dans l'ovule, le sperme ou l'embryon et son passage à la génération suivante; l'expérimentation de mener un bébé à terme dans un utérus artificiel; la duplication ou clonage des embryons humains; la formation d'hybrides, de mélanges animaux-humains; l'utilisation d'ovules provenant de cadavres ou de foetus pour donner naissance à des bébés ou pour servir à des fins de recherche.

Il semble y avoir un consensus dans la société sur le fait que ces différentes techniques créent des problèmes d'ordre éthique, moral, social, économique et juridique et qu'elles doivent être encadrées.

Les citoyennes et citoyens canadiens et québécois préoccupés par cette question constatent qu'il était grandement temps que le gouvernement commence à agir, bien qu'il soit inquiétant qu'il ne semble pas savoir exactement où il va.

En effet, de l'aveu même du gouvernement, le projet de loi C-47 est incomplet et temporaire. Il ne présente pas une vision d'ensemble de la problématique et ne fait que reconduire certaines interdictions du moratoire en attendant un autre projet de loi qui celui-ci compléterait la démarche.

De plus, même si ce projet de loi répond à des demandes de l'opposition officielle de criminaliser certaines pratiques, le gouvernement fédéral ne modifie pas le Code criminel, dont l'application serait ensuite gérée par les provinces. Bien au contraire, il propose une loi parallèle qui pave la voie à la création d'une agence fédérale de contrôle des nouvelles techniques de reproduction. Une autre agence fédérale.

Ainsi, l'objet principal de la loi ne serait pas de criminaliser des pratiques jugées inacceptables pour la société, mais plutôt la mise en place d'une agence fédérale de contrôle des nouvelles technologies de reproduction.

Un bon exemple de ce but à peine voilé d'agir strictement au niveau fédéral est l'article 11 du projet de loi qui indique que le procureur général du Canada doit donner son consentement avant qu'une poursuite soit entamée en vertu de la présente loi. Cela souligne la volonté du fédéral de ne pas collaborer avec les provinces. Cela va compliquer l'application de la loi, les hôpitaux, entre autres, étant sous la responsabilité des provinces.

Ce nouvel organisme fédéral de contrôle des nouvelles techniques de reproduction veillerait à l'octroi de permis, à l'inspection des cliniques et au respect des règlements et aurait aussi pour fonction de surveiller l'évolution des techniques de reproduction et de conseiller le ministre fédéral de la santé sur cette matière.

Cet organisme aurait la charge d'octroyer des permis pour des pratiques jugées acceptables. Ces techniques pourraient comprendre, à titre d'exemple: la fécondation in vitro; l'insémination par donneur; l'utilisation des tissus foetaux; la conservation, la manipulation et le don d'ovules, de sperme et d'embryons humains, la recherche sur les embryons, le diagnostic sur le foetus avant son implantation dans l'utérus; la grossesse tardive ou postménopausique.


5972

(1610)

D'autre part, cette agence mettrait sur pied une banque de données sur les donneurs et enfants issus de donneurs afin de permettre une rencontre future dans certains cas particuliers. Mais une grave lacune de ce projet de loi est qu'il ne définit pas comment, par quel mécanisme, les interdictions seront appliquées. Cela se fera on ne sait trop quand, dans une phase ultérieure de la prétendue stratégie fédérale.

Il y a également une imprécision dans l'article 2 du projet de loi. La définition de certains termes techniques qu'on y retrouve ne correspond pas à leur définition médicale et plusieurs termes manquent à la liste. De quoi alimenter les débats juridiques sans fin lorsque cette loi traitera de ces premières infractions. Il me semble que comme parlementaires nous avons le devoir de ne pas voter des lois sans savoir si elles pourront être mises en application.

Dans le cas présent, tout nous porte à croire que pour pouvoir faire appliquer sa loi, le gouvernement fédéral, parce qu'il ne veut pas collaborer avec les autorités provinciales, devra se doter de structures policières et judiciaires additionnelles. Le fédéral devra déployer des ressources considérables pour surveiller les hôpitaux, les centres de recherche et les compagnies privées et ce, dans toutes les provinces.

Outre le fait qu'il s'agit une fois de plus d'une ingérence du fédéral dans le domaine de la santé qui, selon la Constitution, relève exclusivement des provinces, la création de cette agence promet d'être coûteuse et créatrice de dédoublements, ce qui sera la source d'une action lente et inefficace.

De plus, quand on constate l'incapacité du gouvernement fédéral à faire respecter ou appliquer son moratoire sur certaines technologies de reproduction, on doute de sa capacité de faire appliquer sa loi sans l'appui des provinces qui, en tant que responsables des réseaux de santé, sont les mieux placées pour intervenir.

La confusion que l'on observe de ce gouvernement est reflétée dans son projet de loi, et il est étonnant de constater que l'on traite de la même façon les techniques de reproduction, les opérations commerciales qui peuvent y être liées et les manipulations génétiques. Il y aurait eu lieu de faire une différence marquée entre la procréation assistée, la recherche fondamentale et le commerce.

D'une part, il est question de prestation de soins et de traitements légitimes à des citoyennes et citoyens qui tentent simplement de donner la vie pour fonder une famille mais qui ne peuvent y arriver sans faire appel à la science médicale pour les aider à surmonter les obstacles de la nature.

D'autre part, il est question de recherche médicale ou scientifique en génétique dont les buts peuvent être louables mais qui posent de sérieuses questions d'éthique dont la première est de savoir si la fin justifie les moyens et par conséquent si l'on doit permettre toutes sortes de manipulations de matière vivante du moment que cela est pour le bien de l'humanité.

Enfin, il y a l'aspect commercial relié à la vente de produits élaborés grâce à des techniques scientifiques de pointe, si l'on peut parler de produits quand il s'agit de transmettre la vie. Dans notre système de santé qui est public et accessible à toutes et à tous, la notion fondamentale est encore de donner des soins médicaux et des services au public.

L'entreprise privée peut participer avec bénéfices à la fourniture de ces soins, mais il est difficile de tolérer l'idée d'opérations strictement commerciales dont le but premier serait le profit, sans remettre en cause tout notre système. L'idée de vendre des êtres humains, tombée en désuétude avec l'abolition de l'esclavage, ne doit pas renaître.

Vous aurez facilement compris que les nouvelles techniques de reproduction peuvent s'appliquer à des domaines complètement différents et qu'il serait dangereux de les assimiler sans distinction. C'est pourtant ce que le gouvernement a fait. Après sa lenteur initiale, il agit maintenant dans la précipitation et dans la confusion.

Il est ironique de constater que le fédéral crée une nouvelle structure de contrôle des technologies de reproduction alors que les compressions successives appliquées au fédéral aux transferts en matière de santé qui se cachent derrière le titre ronflant de «Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux» ont eu pour effet de placer les provinces dans une situation difficile en ce qui a trait au financement des soins de santé.

(1615)

Comment un gouvernement libéral qui coupe dans le financement de la santé peut-il s'apprêter à imposer aux provinces de nouvelles normes nationales en matière de techniques de reproduction qu'elles auront l'obligation de respecter, sous peine de sanctions financières, sans les consulter sur le contenu des normes et avec une baisse majeure de financement? Parce que le gouvernement libéral a un objectif de centralisation à tout prix et que pour accroître leur pouvoir, les ministres fédéraux veulent tout contrôler.

Cette approche rigide qui voit augmenter les normes fédérales et diminuer le financement nous démontre bien la futilité et la désuétude d'expressions comme «fédéralisme flexible» ou «fédéralisme rentable».

Toute la démarche de ce projet de loi montre bien que la priorité de ce gouvernement n'est pas la santé des Canadiennes et des Canadiens, des Québécoises et des Québécois. Sa priorité est de tout contrôler d'Ottawa, de centraliser dans une atmosphère d'affrontement avec les provinces. Envolé le «fédéralisme coopératif», bienvenue au royaume libéral du plan «B».

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles le Bloc québécois ne peut accepter de cautionner un tel projet de loi. Il est incomplet et ne définit pas bien les objectifs de la loi et les responsabilités quant à sa mise en oeuvre.

Deuxièmement, il ne modifie pas le Code criminel, comme l'opposition l'avait demandé, ce qui rend difficile son application. Troisièmement, il crée une agence fédérale dans le domaine provincial de la santé et veut imposer des normes nationales qui seront


5973

source de nouveaux conflits de juridiction. Pour terminer, il impose des normes nationales en santé.

M. André Caron (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, comme beaucoup de personnes préoccupées par les nouvelles technologies en matière de santé, et ayant suivi les travaux de la Commission Baird qui se sont étendus sur de nombreuses années, j'attendais avec intérêt le dépôt du projet de loi du gouvernement fédéral sur les techniques de reproduction, sur les manipulations génétiques.

Avec les nouvelles approches qu'on peut reconnaître, qu'on peut voir dans le domaine de la santé, de la recherche, on s'est aperçu qu'on pouvait atteindre le code génétique même. C'est heureux, parce qu'on voit que certaines maladies peuvent être guéries de cette façon, qu'on peut prévoir que certains enfants qui sont encore dans le ventre de leur mère auront peut-être des problèmes de santé et qu'on peut, à ce moment-là, essayer d'apporter des correctifs. Il y a quand même plusieurs raisons qui faisaient qu'on attendait cette loi. D'autant plus qu'il n'y a pas seulement une dimension médicale, il y a une dimension morale.

Vous savez que quand on a atteint le code génétique, qu'on parle du choix du sexe, qu'on parle de certaines manipulations qui peuvent se faire, qu'on parle de vente d'embryons, de mères porteuses, il y a un débat de société qui a eu cours au Canada et au Québec depuis plusieurs années.

Je m'attendais à ce que le projet de loi du gouvernement fédéral soit au moins complet dans un sens. J'ai entendu le discours de ma collègue de Laurentides et je me rends compte qu'il y aura un autre projet de loi à un moment donné qui sera censé compenser les lacunes que le gouvernement laisse dans celui qu'il dépose actuellement.

Je voudrais simplement poser une question à ma collègue de Laurentides, compte tenu du fait que le Canada, dans son état actuel, est un pays très vaste où il y a des diversités qui font qu'on est arrivé à des niveaux différents en ce qui concerne la façon de voir les choses.

(1620)

Je me rends compte, en lisant souvent des sondages comme Angus, que les gens du Québec ou de l'Atlantique ne réagissent pas, sur certaines questions, comme ceux de Colombie-Britannique et comme ceux de l'Ouest.

Je pense que ça serait peut-être un des domaines où il aurait fallu décentraliser. Ce serait justement un des domaines où il ne devrait peut-être pas y avoir de normes nationales. Ce n'est pas que je pense que la morale doit être flexible d'un endroit à l'autre, parce que je pense que certaines pratiques devraient être condamnées au Québec comme elles devraient l'être en Colombie-Britannique ou dans les provinces Atlantique, mais je pense que selon les endroits, il y aurait peut-être moyen de faire des interprétations un peu différentes de certaines pratiques.

Si on avait décentralisé vers les provinces, comme c'est leur compétence en matière de santé, à mon sens il y aurait eu moyen d'avoir peut-être une meilleure application de la loi, une application plus souple. Ce que je crains dans ce domaine, c'est l'uniformité, c'est l'agence fédérale, l'agence nationale, et je ne crois pas que ce domaine en soit un propice à l'uniformisation.

La question que je pose à ma collègue est la suivante: Même si on était en dehors de la considération constitutionnelle, à son avis, est-ce que ce serait peut-être préférable qu'on ait procédé, à ce moment-là, à une décentralisation, qu'on ait amendé le Code criminel, qu'on ait laissé les provinces responsables de l'application de la loi, de façon à ce qu'elle s'applique dans la souplesse d'un bout à l'autre de ce qu'est actuellement le Canada?

Mme Guay: Monsieur le Président, sur ce, j'aimerais souligner que la demande qui a été faite par ma collègue de Drummond, qui est responsable du dossier de la santé, était à l'effet que plutôt que de faire une loi comme celle-là, on puisse, sur le plan juridique, donc au ministère de la Justice, légiférer pour pouvoir empêcher certaines techniques d'être utilisées.

Ce n'est pas ce qu'on a fait, on est venu jouer dans une juridiction qui n'appartient qu'aux provinces, et il faut souligner ce fait. J'aimerais, pour que tous le sachent, vous citer ici la position du Bloc québécois, que nous avons toujours eue et que nous continuons à maintenir, en matière de santé.

Donc, je cite:

En vertu de la Loi de 1867, articles 92(7) et (16), de même que de l'interprétation de nombreux tribunaux, les domaines de la santé et des services sociaux relèvent de la compétence exclusive des provinces. Ceci étant dit, le Bloc québécois s'est prononcé en faveur des cinq normes nationales édictées par la Loi canadienne sur la santé, c'est-à-dire qu'il appuie les principes à la base du système de santé. Cependant, sur la forme, il considère que ce sont les provinces qui doivent avoir les pleins pouvoirs en cette matière.
Plusieurs raisons motivent cette position, notamment le désengagement financier du gouvernement fédéral. En effet, les réductions unilatérales et successives du financement aux provinces en matière de santé ont eu pour effet de réduire, pour le Québec seulement, de 7,9 milliards de dollars les budgets affectés à la santé. Alors que des normes nationales assorties de sanction financière en cas de non-respect leur sont imposées par le gouvernement fédéral, les provinces n'ont aucun contrôle sur les enveloppes budgétaires qu'Ottawa lui transfèrent.
Pour le Bloc québécois, cette situation est inacceptable, puisque le gouvernement fédéral ne fait rien d'autre que de transférer aux provinces les coupes mises en place pour combattre le déficit fédéral, et ce, sans aucun égard aux conséquences sur le système de santé, système de santé qu'il prétend pourtant défendre. Le Bloc québécois est extrêmement préoccupé et inquiet des répercussions que ces coupes massives et répétées auront sur le système de santé tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Dans cette optique, le Bloc québécois entend, à travers ses prises de position, tout mettre en oeuvre afin de préserver les principes de l'universalité, de l'accessibilité, de la gestion publique, de l'intégralité et de la transférabilité.
Cependant, dans le contexte actuel, il considère que le gouvernement fédéral met en péril ses propres normes nationales en faisant porter au provinces l'odieux des compressions au nom de la guerre au déficit.
Le Bloc québécois exige donc que le gouvernement fédéral respecte les compétences provinciales en matière de santé et pour ce faire, Ottawa doit se retirer de ce domaine et transférer tous les budgets fédéraux en matière de santé au Québec.


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(1625)

[Traduction]

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, j'ai pris plaisir à écouter ma collègue. Elle a soulevé un certain nombre de questions fort intéressantes.

Ce qui présente un intérêt encore plus vif, c'est que les préoccupations que la députée du Bloc partage avec les Québécois sont identiques à celles des habitants de la Colombie-Britannique, du Manitoba, de l'Ontario, de Terre-Neuve, et de n'importe quelle autre province. Le projet de loi reflète l'attitude interventionniste outrancière d'un gouvernement fédéral centralisateur. Cet aspect nous préoccupe tous.

Si le Québec se séparait, la députée croit-elle que les Québécois seraient protégés par la Loi canadienne sur la santé? Bénéficieraient-ils de cette protection s'ils se déplaçaient dans d'autres provinces du Canada, et inversement?

[Français]

Mme Guay: Monsieur le Président, j'essaierai de répondre rapidement. C'était une très longue question qui impliquerait un débat qui pourrait durer très longtemps. J'aimerais dire à mon collègue que le Québec a toujours été très innovateur dans ses lois, et que spécifiquement au niveau de la santé le Québec a toujours été avant-gardiste. Le Québec continuerait de l'être et peut-être le deviendrait-il probablement encore plus rapidement en étant souverain.

Cela dit, le débat que nous avons aujourd'hui ne porte pas sur la Constitution du Québec ou sur la Constitution canadienne mais bien sur la santé, un domaine qui est aussi moral et éthique. J'aimerais qu'on revienne à ce projet de loi plutôt que de parler de Constitution.

[Traduction]

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Monsieur le Président, je suis ravi que vous occupiez le fauteuil car nous connaissons tous votre amour pour la littérature. Je vais amener la Chambre en tournée littéraire cet après-midi.

D'abord, je dois faire quelques commentaires au sujet du projet de loi C-47, qui détermine comment le gouvernement et le pays devront gérer les techniques de reproduction et de manipulation génétique qui s'annoncent pour le prochain siècle.

J'appuie dans une large mesure ce projet de loi, mais je dois dire qu'il repose sur la peur. Nous réalisons tous que nous sommes maintenant capables de manipuler l'humain, l'être humain physique.

Il y a des techniques interdites qui sont particulièrement horrifiantes. Je crois traduire la pensée de la plupart des Canadiens en disant que nous sommes très nerveux lorsque nous lisons que ce genre de chose est possible, qu'on peut maintenant manipuler les gènes et modifier les caractéristiques des êtres humains qui formeront la prochaine génération. Le clonage des embryons humains est une technique tirée directement des romans de science-fiction. C'est un procédé qu'on pourrait voir dans «Star Trek». Mais maintenant, le gouvernement réalise que cette technique est possible. Nous voulons l'interdire.

Une des techniques interdites est la création d'hybrides animaux-humains. Songez donc un peu; les cheveux nous dressent sur la tête lorsqu'on songe qu'une telle chose est maintenant possible. Deux autres points. Le transfert d'embryons entre l'espèce humaine et d'autres espèces est aussi une idée assez terrifiante. De même, la création d'embryons à des fins de recherche seulement semble abaisser la dignité humaine à un point où elle disparaît totalement au profit de l'effort scientifique.

(1630)

Ces techniques nous inquiètent tous et nous les détestons plus ou moins toutes. C'est donc la peur qui motive la présentation de ce projet de loi et cette peur est tout à fait justifiée. Elle trouve sa source dans notre culture et même dans notre littérature.

J'aimerais rappeler à la Chambre le roman Frankenstein écrit en 1818 par Mary Shelley. Frankenstein est probablement l'un des romans les plus lus et vendus de toute la littérature anglaise. En fait, il a probablement été traduit dans toutes les langues imaginables.

L'histoire est celle d'un scientifique du début du XIXe siècle, qui parvient à harnacher l'électricité et découvre ensuite qu'il peut animer un être humain qu'il a fabriqué de toutes pièces, avec des parties de corps humains trouvées dans les cimetières. Il volait des cadavres. À l'époque où Mary Shelley a écrit le roman-ça lui a pris environ trois jours-le vol de cadavres pour la recherche médicale était une pratique courante et acceptée en Grande-Bretagne, encore que cela horrifiait le public.

De toute façon, c'est ainsi qu'il a créé son monstre. Au départ, ce n'était pas un monstre. Aux yeux du Dr Frankenstein, le nom du scientifique, c'était quelque chose qu'il pouvait créer grâce à sa science. Il pouvait mettre toutes ces parties de cadavres ensemble et leur donner une nouvelle vie. L'espace d'un instant, le Dr Frankenstein était devenu Dieu. Il était capable de donner la vie.

Nous savons ce qui est arrivé. L'être humain créé par le scientifique devint un monstre aux yeux de l'humanité. C'était une personne qui avait des émotions, qui voulait appartenir à la société, mais qui a fini parcommettre un meurtre. Il était si horrible et si monstrueux d'aspect qu'il a fini par être poursuivi et détruit.

L'image de Frankenstein est quelque chose qui s'est perpétuée tout au long des années. Le personnage fait maintenant partie de notre culture. Il fait aussi partie de la culture francophone, au même plan que le bossu de Notre-Dame, par exemple, un autre monstre de notre société créé par l'homme.

Il y a un autre roman qui s'approche encore plus des pratiques interdites dont nous parlons dans le projet de loi C-47, L'île du docteur Moreau, écrit en 1896 par H. G. Wells. C'est aussi l'auteur des romans La machine à explorer le temps, sur les voyages dans le temps, et La guerre des mondes, dans laquelle la terre est envahie par les Martiens.


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L'île du docteur Moreau est moins bien connu. Dans ce roman, un jeune homme échoue sur une île où un médecin chercheur, le docteur Moreau, se livre à des expériences. Le docteur Moreau pousse la création d'êtres humains une étape plus loin. Il s'est installé sur cette île isolée où il transforme des animaux en êtres humains au moyen d'interventions chirurgicales. L'île est donc pleine de divers types d'animaux variablement «humanisés».

La théorie, à l'époque, voulait que si des parties de l'organisme étaient changées pour humaniser l'aspect d'un animal, celui-ci acquerrait des caractéristiques humaines, dont la parole. Dans l'île du docteur Moreau, ces animaux humains ont donc le pouvoir de parler. Ils épouvantent notre héros.

Je vais vous lire un extrait de ce roman. Cette partie décrit la rencontre du héros avec les créations du docteur Moreau.

Les deux créatures mi-humaines, mi-animales les plus formidables étaient l'homme-léopard et une créature faite à partir d'une hyène et d'un porc. Il y avait des créatures plus grandes, comme les trois taureaux qui avaient tiré le bateau. Il y avait ensuite cet homme au poil argenté, M'ling, qui faisait appliquer la loi et un satyre créé à partir d'un singe et d'une chèvre. Il y avait trois hommes-cochons et une femme-truie, une créature mi-jument, mi-rhinocéros et plusieurs autres femelles dont je ne pouvais deviner l'origine.
L'un des moments les plus terrifiants du roman c'est lorsque le héros essaie de s'échapper de l'enceinte du docteur Moreau et pénètre dans la jungle. Il rencontre d'étranges croisements d'animaux et d'humains, puis il est pourchassé par ces créatures de cauchemar, mi-animal et mi-humain. C'est à vous faire dresser les cheveux sur la tête. J'aimerais vous lire ce passage, mais ce serait trop long. Cela faisait peur d'imaginer cet homme qui traversait cette forêt éclairée par la lune et qui était pourchassé par ces créatures, mi-léopard et mi-homme.

(1635)

Cette image d'horreur qu'a dépeinte H.G. Wells, il y a à peu près 100 ans, a marqué l'âme de la société de langue anglaise de l'époque, tout comme le roman Frankenstein et d'autres écrits semblables où il est question de clonage et de création d'êtres à la fois humains et animaux. Nous éprouvons ce sentiment d'horreur à l'idée d'unir l'être humain avec l'animal, avec une créature.

Ces deux romans s'inspirent, bien sûr, des traditions chrétiennes qui avaient cours au Moyen Âge, des tableaux de l'époque médiévale qui représentaient le démon comme une créature qui était mi-homme et mi-bête. La littérature et les arts marquent notre culture à travers les âges, un peu comme un caillou qui fait des ronds dans l'eau, pour atteindre l'humanité tout entière. Nous ne sommes pas obligés de lire ce genre de romans. Nul n'est besoin d'avoir lu L'Ile du docteur Moreau pour avoir éprouver les sensations qui découlent du récit de H.G. Wells en ce temps-là.

Si nous réagissons si négativement et croyons que le projet de loi C-47 est nécessaire, c'est que nous voyons la possibilioté de créer des hybrides, mi-animal et mi-humain. Nous éprouvons le même genre de crainte que celle que nous inspirent des livres comme Frankenstein ou L'Ile du docteur Moreau. À bien des égards, nous réagissons à quelque chose qui s'est incrusté dans notre culture sous l'effet de la littérature et de la religion.

Cela pose un problème. Que va-t-il se produire dans l'avenir, si nous adoptons ces lois, si nous interdisons, comme nous nous apprêtons à le faire, le tripatouillage génétique? Qu'adviendra-t-il si, dans dix ans, un homme et une femme se marient et désirent avoir des enfants, alors qu'ils sont porteurs du gène de la fibrose cystique ou de la dystrophie musculaire? Ne va-t-il pas y avoir d'énormes pressions pour prendre des mesures pour empêcher ces couples d'avoir des enfants qui vont mourir avant 30 ans? Un de mes amis avait une fille atteinte de fibrose kystique. C'est une maladie terrible qui tue les enfants. Leurs poumons se remplissent de fluides et d'une muqueuse épaisse. La dystrophie musculaire est semblable en ce sens que c'est une maladie qui fait dépérir les gens. C'est une tragédie que de voir de jeunes personnes être atteintes de cette maladie.

Dans les deux cas, ce sont des maladies génétiques. Il se peut que grâce à des manipulations génétiques, nous puissions empêcher les embryons d'être porteurs de ces tares génétiques. Il y aura d'énormes pressions pour contourner le fondement même de cette loi lorsqu'il s'agira de procéder à des manipulations génétiques. Il y aura des gens qui réclameront ce changement pour avoir des enfants en santé.

Il y a un autre aspect de la question. La science évolue. À diverses étapes de notre histoire, les êtres humains ont essayé d'empêcher sa progression parce qu'ils craignaient les résultats en fin de compte. Nous ne sommes pas les premiers à essayer d'adopter des lois pour empêcher le développement de nouvelles technologies. Dans ce cas-ci, la technologie touche les humains, mais bien des fois dans le passé, nous avons déployé des efforts pour empêcher des changements, car nous en avions peur.

Je vais citer à nouveau le livre intitulé L'île du docteur Moreau. C'est le docteur lui-même qui parle. Il explique pourquoi il a entrepris cette terrible expérience de créer des êtres humains à partir d'animaux. Nous devrions tous prendre note de ce qu'il dit:

Voyez-vous, je suis allé de l'avant avec cette recherche en la laissant me conduire là où elle aboutissait. À ma connaissance, c'est la seule façon de procéder à des recherches. J'ai posé une question, j'ai élaboré une méthode pour trouver la réponse et j'ai obtenu une nouvelle question: Est-ce possible ou pas? Vous ne pouvez imaginer ce que cela signifie pour un chercheur, vous ne pouvez comprendre la passion intellectuelle qui l'envahit!
(1640 )

J'appuie tout à fait le projet de loi C-47, mais nous ne serons jamais en mesure d'empêcher les progrès de la science qui évolue dans des directions qui nous effraient. Les possibilités technologiques mêmes que nous craignons vont, quoi qu'il en soit, devenir des sujets de curiosité et de recherche. En fin de compte, je suis persuadé que la recherche va se poursuivre sur ces questions.

J'ai quelques autres citations du docteur Moreau. Il parle de ces êtres à moitié bêtes à moitié humains qu'il a créés. Il dit:

Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais été troublé par des considérations éthiques dans toute cette question. À la fin, l'étude de la Nature rend l'homme aussi dénué de remords que la Nature elle-même.


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Je profite du débat sur le projet de loi C-47 pour faire une prédiction. On y trouve un certain nombre de pratiques interdites, dont celles que j'ai mentionnées. Je prédis que dans 50 ans, les deux tiers de ces pratiques seront légales au Canada et un tiers auront été mises à l'essai ailleurs dans le monde.

[Français]

M. André Caron (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, je reviens une deuxième fois pour dire toute l'appréciation que j'ai du discours du député qui vient de parler. Je pense qu'il a très bien posé la question. Ses références littéraires étaient adéquates.

Il y a un romancier français, je ne suis pas sûr de son nom, qui a écrit un livre intitulé Les animaux dénaturés. C'était l'histoire d'un croisement entre les singes et les hommes, et ça tourne mal.

Il nous a énuméré un certain nombre de pratiques qui, selon lui, et selon moi, sont condamnables. Il nous a mentionné aussi toutes les possibilités que la science nous offre pour la guérison d'un certain nombre de maladies. Je suis d'accord avec lui pour dire que peut-être dans 50 ans, si on regarde ce qui se passe actuellement en recherche génétique, il y a peut-être les deux tiers des choses qui se sont passées qui seront heureuses et l'autre tiers aurait été mis illégal si les lois de la morale et de la simple humanité restent les mêmes pendant ces années-là.

Il y a un savant français qui a, à un moment donné, mis fin à des recherches génétiques sur les animaux, compte tenu du fait que ces recherches étaient transférables sur les hommes et qu'il se disait que dans l'état actuel de la science, de la morale et même de la religion, il fallait mettre un frein à ces recherches.

Il faut quand même que la recherche continue. Mais il y a des choses comme payer des donneurs, comme la sélection du sexe, comme les utérus artificiels, comme le clonage, comme le choix du sexe-on sait que dans certaines cultures il est préférable d'être un homme plutôt qu'une femme-les techniques peuvent nous permettre à un moment donné de faire qu'on ait plus d'hommes que de femmes. Il y a la question culturelle mais il y a une question de morale et il y a même une question religieuse.

Je demande à mon collègue pourquoi le gouvernement n'a pas mis ces mesures, qu'il décrit lui-même souvent comme étant affreuses et effrayantes, pourquoi ne les a-t-il pas intégrées au Code criminel? Je pense que les Canadiens auraient très bien compris que certaines pratiques sont du domaine criminel.

Je pense au clonage. Si je me souviens bien, il s'agit de faire en sorte que deux individus aient le même bagage génétique. Ce ne sont pas des jumeaux, ce sont des clones au sens informatique.

(1645)

À mon avis, ce serait un geste criminel. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas profité de l'occasion pour interdire ces pratiques et intégrer cela dans le Code criminel. À ce moment, les Canadiens auraient compris que c'est un crime, que ce n'est pas bien, que c'est de nature criminelle. Aujourd'hui, on dirait qu'on fait l'adéquation entre quelque chose défendu dans le Code criminel et quelque chose d'immoral. On sait très bien que souvent ce n'est pas pareil. Des choses peuvent très bien être acceptées par le Code criminel mais être quand même immorales.

Pourquoi des pratiques déclarées si affreuses et mauvaises par mon prédécesseur, et avec raison, n'ont-elles pas été intégrées au Code criminel?

[Traduction]

M. Bryden: Monsieur le Président, je remercie le député de Jonquière de sa question. À mon avis, il n'y a pas de réponses faciles à cela.

Il est très difficile de considérer une discipline de la recherche scientifique comme une infraction pénale. Je déteste soulever un tel sujet, mais c'est comme l'avortement, qui est une pratique médicale.

Lorsqu'on applique le Code criminel à ce genre d'activité, monsieur le Président, on s'enfonce dans un énorme bourbier moral, car la recherche scientifique, la connaissance scientifique et médicale, est toujours un couteau à deux tranchants. D'une part, dans le cas de la recherche sur les armes chimiques ou bactériologiques, nous devrions dénoncer comme criminelles ces activités et ces pratiques.

D'autre part, nous savons que la chimiothérapie utilisée contre le cancer découle directement de la mise au point des bombes au gaz moutarde au cours de la première et de la seconde guerres mondiales. La bombe aérosol est un produit de la recherche sur les armes bactériologiques. La pénicilline, un antibiotique, a été mise au point dans le cadre de recherches d'une arme bactériologique.

Lorsque nous entrons dans le domaine des techniques de reproduction, nous avons peur. Ce n'est, après tout, qu'une étape dans l'effort scientifique et la recherche d'une meilleure connaissance de nous-mêmes et du monde dans lequel nous vivons. Nous voulons appliquer des normes morales, et avec raison.

Le principe visant à imposer des peines prévues dans le Code criminel contre la recherche scientifique est dangereux. Je préfère que le problème de morale, d'éthique et d'irresponsabilité soit examiné dans un ensemble de lois distinctes du Code criminel, mais prévoyant également des peines.

M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Hamilton-Wentworth pour son intervention sur le projet de loi. Je m'inquiète un peu des lectures qu'il apprécie, mais, bien sûr, les goûts ne se discutent pas.

J'ai aussi été intéressé par l'intervention du député de Jonquière qui recommande de recourir à ce genre d'activité plutôt que de modifier le Code criminel. Cette recommandation m'a intrigué parce que, le 7 octobre 1994, la députée de Laval-Centre avait demandé au gouvernement de déposer un projet de loi pour réglementer les pratiques liées aux nouvelles techniques de reproduction.

Le 7 décembre 1994, la députée de Laval-Centre a déclaré ce qui suit: «Il est de plus en plus clair que la commercialisation des


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gamètes, des embryons humains et du tissu foetal prend de l'ampleur au Canada.» Elle demandait la réglementation de ce domaine.

La position du Bloc est encore plus ambiguë du fait que, le 5 juillet 1995, quand le gouvernement a imposé un moratoire volontaire sur certaines de ces pratiques, le Bloc a protesté sous prétexte que c'était insuffisant et qu'il n'y avait vraiment aucune sanction contre ceux qui continueraient à y recourir.

(1650)

Le 5 juin 1996, la députée de Drummond a déclaré qu'il y avait un urgent besoin de légiférer en ce domaine. Or, le gouvernement est en train de faire exactement ce que le Bloc lui a demandé.

Les bloquistes soutiennent maintenant que la meilleure façon de procéder consiste à modifier le Code criminel. Il faudrait qu'ils se mettent d'accord. Ils doivent défendre la même position. Ils ne peuvent changer constamment d'avis; ils doivent décider s'il faut réglementer ou modifier le Code criminel.

À part cela, j'ai été vivement intéressé par l'argument qu'a fait valoir le député de Hamilton-Wentworth qui a fait allusion à quelqu'un qu'il connaît qui est atteint de fibrose kystique-nous sommes tous exposés à de telles maladies.

Je me suis donc donné la peine de vérifier. Il semble que l'altération génétique de la lignée germinale peut modifier de façon permanente le patrimoine génétique d'un individu en changeant sa structure génétique, de telle sorte qu'il transmet la maladie à ses descendants.

Cette hypothèse est parfois remise en question. La recherche se poursuit à cet égard dans plusieurs autres pays. Ils sont contre. Des généticiens s'opposent à cette idée, parce qu'ils ne connaissent pas avec certitude l'interaction de ces gènes une fois qu'ils sont modifiés. Ils admettent honnêtement qu'ils ignorent ce qui arrive aux gènes modifiés. À cause de ce manque de connaissances, les pays et les généticiens conviennent aujourd'hui que le domaine recèle des risques. Les recherches se poursuivent.

Encore une fois, le projet de loi-qui ne tiendra peut-être pas compte du contenu que lui attribue le député-n'empêche pas le gouvernement de procéder à une révision, aujourd'hui ou dans deux, trois ou quatre ans, selon le délai que le comité fixera, et, en ce qui concerne cette modification génétique de la ligne germinale, de déclarer: «Nous savons maintenant qu'il n'y a pas de risque. Nous Modifions le projet de loi pour en tenir compte.»

Tant que nous n'aurons pas la certitude que la pratique est sans danger, tant que les généticiens et les autres pays poursuivront les recherches et ne déclareront pas que la pratique ne comporte pas de risque ou ne modifie pas le patrimoine génétique, nous devrons nous montrer très prudents dans l'application de cette mesure législative et de son contenu.

M. Bryden: Monsieur le Président, je remercie de ses observations le député de Hamilton-Ouest, on voisin. Je parlais précisément des lacunes de nos connaissances à l'égard des conséquences de la recherche génétique.

Cela nous inquiète, car nous ignorons quel impact cela aura sur les générations à venir d'êtres humains. Nous ne savons pas à quoi ils ressembleront ni quels problèmes ils auront.

Je voulais cependant faire comprendre dans mon intervention que, malgré ces craintes, même s'il ne sera jamais sans danger de modifier les gènes, de bricoler dans ce domaine, le désir de venir en aide aux personnes atteintes de maladies génétiques comme la fibrose kystique ou la dystrophie musculaire l'emportera sur ces craintes.

Il arrivera précisément ce que disait l'intervenant, la loi sera modifiée plus tard, et nous expérimenterons dans ce domaine. Nous ne pouvons pas arrêter la marche de la science. Nous pouvons la retarder, quelles que soient nos craintes, mais la science progresse.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir de prendre part au débat sur le projet de loi C-47. Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais commenter brièvement les propos de mon collègue libéral.

Il a dit que ce projet de loi reposait sur la peur. Oui, il repose sur la peur. C'est le triomphe de la peur sur la réalité des faits, le triomphe de l'ignorance sur la connaissance. C'est une honte.

Le député a exposé, avec beaucoup de justesse et d'éloquence, les bienfaits énormes qui pourraient découler de la recherche. Il l'a fort bien montré avec deux exemples, ceux de la fibrose kystique et de la dystrophie musculaire, deux maladies d'origine génétique qui frappent cruellement les jeunes du monde entier. Ce sont des maladies qui emportent des jeunes dans la fleur de l'âge, avant qu'ils ne réalisent leur vrai potentiel.

(1655)

Il m'a été donné d'observer ces maladies de près. Ayant vu tant de personnes mourir ainsi, je ne peux dire qu'une chose: il est inconcevable que la Chambre envisage d'adopter un projet de loi qui priverait ces malades de tout espoir de guérison.

Le député a dit fort justement que la chirurgie génétique peut traiter tous les gènes pour que, à l'avenir, tous soient épargnés de ces terribles maladies. Nous pouvons éliminer ces fléaux chez nous si on nous laisse les moyens de le faire. Mais le projet de loi C-47 dit que, désormais, les bureaucrates pourront empêcher les chercheurs et les médecins de concevoir ou de se procurer des outils qui peuvent tant pour aider les malades.

Le député a dit, avec raison, que de nombreuses découvertes ont été le fruit de recherches qu'on avait essayé d'interdire par le passé. Heureusement pour nous tous, ces recherches n'ont pas été interdites. Si elles l'avaient été, je puis vous assurer que certains d'entre


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nous ne seraient pas là aujourd'hui. C'est grâce à la recherche que nous avons éliminé des fléaux et sauvé des millions de vies.

Le projet de loi prévoit treize propositions d'interdiction. Certaines choses doivent effectivement être interdites parce qu'elles constituent une menace pour notre espèce ou d'autres espèces. Or, il faut faire preuve de discrimination. Nous ne devrions pas empêcher les chercheurs d'élaborer certaines techniques susceptibles de profiter à l'ensemble de l'humanité.

Les chercheurs canadiens ont grandement contribué au travail de la communauté médicale internationale, à la recherche et à l'évolution dans bien des domaines. Malheureusement, le gouvernement réduit la recherche et empêche les chercheurs de mettre au point des découvertes importantes qui profiteraient à tous.

Ce projet de loi découle d'une étude qui a coûté plus de 30 millions de dollars aux contribuables canadiens. Cette somme aurait été plus utile dans bien d'autres secteurs, compte tenu surtout du fait que les Canadiens ne reçoivent pas tous les services essentiels dont ils ont besoin, que leur état de santé s'aggrave et que certains patients inscrits sur des listes d'attente meurent avant d'avoir pu être traités. Les services de santé essentiels sont rationnés, parce que l'État n'a plus les moyens de satisfaire à la demande en soins de santé.

Et c'est dans ce contexte que le gouvernement a décidé de consacrer 30 millions de dollars à cette étude, dont les auteurs n'ont même pas consulté les principaux intervenants du secteur des techniques de reproduction et de l'infertilité. Les sujets qu'aborde l'étude sont regroupés en plusieurs domaines, et je voudrais vous en décrire quelques-uns.

Je n'arrive pas à croire que le gouvernement puisse demander à des bureaucrates de priver ainsi 15 p. 100 des couples canadiens qui ne peuvent pas avoir d'enfants et qui en veulent désespérément. Ce qu'il faut être arrogant pour priver ainsi des gens d'une option possible. Le gouvernement a regroupé dans ce projet de loi des questions à traiter très sérieusement, des techniques à réglementer et des méthodes à interdire. Il nous faut cependant déterminer les méthodes qui devraient être prohibées, celles qui devraient être réglementées et les techniques à autoriser.

Le gouvernement a tranché et a dit à la population canadienne: «Tenez. Ces techniques sont prohibées. Les résultats des recherches menées dans ces domaines sont prohibés.»

Il y a d'autres questions qui sont, elles aussi, extrêmement importantes. Le gouvernement parle de la modification de la structure susceptible d'être transmise à des lignées germinales. Le dernier député libéral à intervenir dans le débat nous a même lu des extraits très imagés de l'Île du docteur Moreau et de Frankenstein.

Je crois toutefois qu'il est préférable d'examiner plutôt les faits. En ce moment même, des modifications génétiques sont opérées sur certains animaux, des porcs par exemple, afin d'obtenir des organes qui pourront être transplantés avec succès sur des humains qui en auront besoin.

(1700)

Je prie les députés de se demander si, en leur âme et conscience, ils priveraient de la possibilité d'avoir un nouveau coeur, et donc de continuer à vivre, un jeune de 20 ans dont le coeur serait malheureusement atteint d'une infection virale.

C'est triste, mais il n'y a tout simplement pas assez d'organes humains, à l'heure actuelle, pour répondre à la demande de transplantations. Il faut bénir les personnes qui font don de leurs organes à d'autres, au cas où elles mourraient de façon tragique. C'est un don de vie qui les honore et qui honore les membres de leur famille.

Le projet de loi empêcherait la science de fournir aux gens des organes qui fonctionneraient mieux chez ces gens. Les scientifiques travaillent sur des organes de porc qui posent beaucoup moins de risques de rejet et d'effets secondaires une fois transplantés chez des humains.

Le député du Parti libéral parle de fibrose kystique, de dystrophie musculaire progressive de type Duchenne et d'une foule d'autres problèmes génétiques. En décidant d'interdire des capacités de recherche, le gouvernement prive les Canadiens et le monde de découvertes possibles.

Il y a beaucoup d'autres possibilités génétiques. La science est sur le point de découvrir des moyens d'améliorer considérablement la santé et le bien-être des Canadiens. Le gouvernement veut empêcher les Canadiens de profiter de ces découvertes.

Il veut créer un registre, comme si les bureaucrates en savaient plus long que les scientifiques. Nous n'avons pas d'argent à mettre sur un tel registre, car il faudrait que ces fonds viennent du budget actuel de la santé qui est déjà étiré au possible.

Il ne faut plus compter sur l'Institut de cardiologie d'Ottawa, où, malheureusement, des gens meurent en attendant une chirurgie cardio-vasculaire importante et urgente.

Le projet de loi prévoit aussi que l'on dépense de l'argent. Il prévoit aussi secrètement que des choses comme la fertilisation in vitro soient couvertes par l'assurance-maladie. Au comité, j'ai demandé au docteur Patricia Baird comment cela se ferait puisqu'on n'arrive déjà pas à répondre à la demande de services médicaux des Canadiens. Comment peut-on faire couvrir par l'assurance-maladie des procédés comme la FIV, qui coûte 5 000 $? Cela la rendrait acceptable pour tous les Canadiens. Nous n'avons pas les moyens de faire cela. Il est grand temps que nous établissions nos priorités en matière de dépenses. Le gouvernement a décidé de refuser aux couples infertiles l'accès à cela.

Dans sa grande sagesse, le gouvernement s'est demandé pourquoi des techniques comme la fécondation in vitro devraient être ramenées à leur plus petit dénominateur commercial? Personne ne va s'enrichir en donnant son sperme ou ses ovules. Les gens ne veulent pas se lancer dans ce genre d'entreprise. L'argent remis aux


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personnes qui décident de donner leur sperme ou leurs ovules sert à les indemniser pour leur temps et leurs efforts, ainsi que pour les études approfondies et les tests auxquels elles doivent se soumettre pour faire un don. Ce n'est pas une somme importante, et il faut une forme d'indemnisation pour qu'il y ait des donneurs consentants.

Dans d'autres pays où l'on a supprimé toute forme de rétribution, le nombre de donneurs a chuté de manière vertigineuse. Lorsque le nombre de donneurs chute de façon vertigineuse, il en est de même des couples qui ont accès à la fécondation in vitro. Que vont-ils faire? Ils vont se rendre aux États-Unis et se soumettre à cette procédure là-bas, à un coût plus élevé et au prix de souffrances plus grandes. Ils n'ont pas besoin de cela, alors qu'ils sont déjà accablés par le fait de ne pouvoir avoir d'enfants.

(1705)

Je ne comprends pas au nom de quels principes le gouvernement s'arroge le droit de décider de confier la recherche à un groupe de fonctionnaires qui ne comprennent peut-être rien à toutes les questions complexes en cause. Ne serait-il pas plus logique de tout d'abord déterminer ce qui doit être réglementé parce qu'on poursuit la recherche dans un secteur qui peut présenter un danger pour la société, le genre humain et les autres espèces?

Il faudrait tout d'abord déterminer si ces projets de recherche présentent un danger. Le cas échéant, travaillons ensuite avec les chercheurs, afin d'élaborer des règlements ou, au besoin, d'interdire ces projets. Le gouvernement a décidé de ne pas faire cela. Au lieu, il a préféré porter un coup magistral à ces projets et les rejeter en bloc.

Il existe des solutions constructives auxquelles nous pouvons recourir. Certaines de ces solutions consistent à déterminer les procédures qui doivent être visées, celles qui ne devraient pas être interdites et celles qui devraient être autorisées.

Je ne connais pas vraiment la position du gouvernement, mais ce que je sais, c'est qu'il veut créer un nouveau bureau d'enregistrement et réglementer un secteur où il n'a pas sa place. Je pose la question pour la forme. Le gouvernement va-t-il réglementer d'autres secteurs de la recherche en médecine, en physique, en chimie ou dans une autre science fondamentale? Le gouvernement actuel n'a pas fait cela. Il a choisi ce domaine parce qu'une poignée de gens sont parvenus à imposer leurs vues au sein de Santé Canada quant aux orientations à imprimer à la recherche dans notre pays. Ils n'ont pas seulement manqué de tact, ils ont agi d'une manière complètement arrogante.

Le gouvernement n'aurait pas dû s'ingérer dans un domaine où il n'a pas sa place. Il aurait dû s'intéresser plutôt aux problèmes autrement plus urgents qui menacent la santé et le bien-être des Canadiens.

Aujourd'hui, j'ai assisté à une conférence internationale sur le tabac à laquelle le ministre de la Santé a participé. Il a dit, ce matin, d'une manière sincère, aux centaines de gens présents: «Je vais présenter une loi sévère, constructive, efficace très bientôt à la Chambre.» Il a dit aussi: «Jugez-moi d'après mes gestes, pas mes paroles.» Le ministre disait une chose et son contraire parce que, à la Chambre, aujourd'hui, il a dit qu'il présenterait un projet de loi en temps et lieu.

Au mois de mars, il a promis de présenter sans tarder une loi sévère pour réglementer le tabac. Il l'a promis deux fois en juin. Il l'a promis plus tôt ce mois-ci. Il l'a promis aujourd'hui. Or, jusqu'à maintenant, il n'a présenté aucun projet de loi sévère et constructif pour lutter contre la cause de décès la plus facile à prévenir au Canada.

Nul n'est besoin de rappeler à la Chambre ni à la plupart des députés qui ont des enfants que la consommation de tabac constitue le plus grave problème qui frappe les jeunes Canadiens de nos jours. Et on peut le prévenir. Il est des plus tragiques que, par suite de la diminution de la taxe sur le tabac décrétée par le gouvernement en 1994, la consommation de tabac chez les enfants et les adolescents ait augmenté de 30 à 40 p. 100. Tous les mois, 20 000 adolescents commencent à fumer. Tous les ans, 40 000 Canadiens meurent d'une maladie causée par le tabac. C'est un problème qui devrait préoccuper profondément le gouvernement.

(1710)

Au lieu de s'inquiéter de la cause de décès la plus facile à prévenir au Canada, une cause qui entraîne trois fois plus de décès que ceux qui découlent de suicides, d'accidents de voiture et de l'utilisation d'armes à feu, le gouvernement présente une loi sur les techniques de reproduction humaine. Il prive le public de recherches qui profiteraient à bien des gens de par le monde et qui stimuleraient le développement de technologies et de techniques médicales permettant aux 15 p. 100 de Canadiens qui sont infertiles d'avoir des enfants.

Je ne comprends pas comment le gouvernement peut agir ainsi en toute conscience. Je ne comprends pas pourquoi le ministre de la Santé ne présente pas une loi appropriée pour permettre aux Canadiens d'avoir accès aux services essentiels. Les ministériels affirment les uns après les autres que ce sont eux qui vont sauver la Loi canadienne sur la santé, que ce sont eux qui assureront à chaque Canadien un accès rapide aux services de santé essentiels.

L'accessibilité est l'un des aspects les plus importants de la Loi canadienne sur la santé. Il est plus difficile aujourd'hui d'obtenir des soins de santé qu'au moment où le gouvernement est arrivé au pouvoir. Les listes d'attente des services généraux s'allongent et il faut aussi attendre beaucoup plus longtemps qu'on le devrait pour obtenir des services spécialisés. Ce n'est pas là maintenir la Loi canadienne sur la santé. Ce n'est pas là donner aux Canadiens un accès rapide aux services de santé. Il est déplorable de voir le gouvernement faire de la petite politique sur une question aussi importante pour tous les Canadiens.

Quant à la question de l'usage du tabac, je rappelle à la Chambre qu'elle est particulièrement importante pour le Québec, où on retrouve le plus fort pourcentage de fumeurs au Canada. Fumer est une tragique habitude qui nuit aux Québécois. Les maladies associées à l'usage du tabac créent des pressions énormes sur le budget


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de la santé au Québec. Mais c'est une épidémie qui frappe tout le Canada d'un océan à l'autre.

J'espère que le gouvernement s'efforcera de collaborer avec tous les députés, peu importe la discipline de parti. Croyez-le ou non, nous avons tous le même objectif. Nous voulons tous améliorer la santé des Canadiens. Nous voulons tous que les Canadiens aient accès rapidement aux services de santé dont ils ont besoin. C'est là l'objectif du Parti réformiste, du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique. Nous devons collaborer dans ce dossier et laisser de côté les discours creux. Nous devons renforcer la Loi canadienne sur la santé, qui est un trait distinctif du Canada, et fournir de meilleurs soins de santé à tous les Canadiens.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais poser une question à mon collègue député réformiste, mais avant je voudrais rappeler aux députés du gouvernement qu'il est vrai que l'opposition officielle a pressé le gouvernement pour qu'il criminalise certaines techniques de reproduction. Par contre, on a toujours affirmé que la santé était de juridiction provinciale. Le Code criminel, lui, est du ressort fédéral. Alors, c'est au gouvernement fédéral d'agir dans ce domaine.

J'aimerais demander à mon collègue député réformiste, qui est médecin, s'il a pu noter dans le projet de loi devant nous qu'il y a plusieurs clauses, définitions et termes employés, et que ces termes, clauses et définitions sont flous, et s'il a aussi remarqué que parce que c'est très vague et flou, ça peut prêter à interprétation. A-t-il noté que la définition de ces termes ne correspond pas à la définition médicale?

(1715)

On sait que notre collègue réformiste est médecin, alors je pense que, par ses activités professionnelles, il a sûrement relevé, dans les termes des articles, des termes qui ne sont pas vraiment définis par la médecine.

Est-ce qu'il a noté comme moi, à cause de ce flou qu'on retrouve dans ces termes, que ça pourrait alimenter certains débats juridiques lorsque cette loi traitera de ces premières infractions?

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, je remercie mon amie du Bloc québécois de sa question.

[Traduction]

La députée soulève une très bonne question. Elle a absolument raison. Cela montre bien l'approche que le gouvernement a utilisée pour essayer de présenter un projet de loi fondé sur la peur et non sur une bonne connaissance du domaine.

Les termes et les définitions sont vagues et seraient très difficiles à défendre devant un tribunal, à moins que le gouvernement ne soit plus explicite. En fait, le gouvernement a du pain sur la planche s'il veut procéder de cette façon.

Ce sera l'un des principaux obstacles. C'est l'une des principales réserves que j'ai personnellement au sujet de ce projet de loi. Le gouvernement s'est servi d'une énorme faux pour faire du ménage dans le secteur de la recherche. Il a tout arraché ce qu'il y avait de bon en même temps que la mauvaise herbe. Je suis certain que c'est en partie ce à quoi ma collègue du Bloc québécois faisait allusion et que c'est l'un des problèmes majeurs que pose ce projet de loi mal conçu qui démontre l'ignorance du gouvernement.

M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je vais commencer avec mon observation et je poserai ensuite ma question.

Une voix: Pourquoi?

M. Keyes: Le député d'en face dit qu'il se demande pourquoi. Il a dit, il y a un moment, qu'il déplorait qu'on joue un jeu partisan sur cette question. Je peux signaler certaines contradictions dont le député du troisième parti s'est rendu coupable.

En septembre 1993, le Parti réformiste a appuyé l'idée des frais d'utilisation et des tickets modérateurs. Autrement dit, il approuvait l'élimination de l'universalité. Je rappelle à la Chambre que ça a été publié dans le numéro de septembre 1993 de la revue Canadian Living. Juste avant les élections d'octobre 1993, le Parti réformiste a déclaré qu'il était contre les soins de santé privés et les frais d'utilisation. Où peut-on voir de la constance dans cette attitude?

Le député de Macleod a dit à la Chambre, le 17 octobre 1995, que l'assurance-maladie est une mauvaise chose pour tout le monde. Peut-on imaginer qu'un réformiste dise de l'assurance-maladie que c'est une mauvaise chose pour tout le monde? Je tire cela du hansard. Le 23 novembre 1995, le député de Macleod est revenu dire que l'assurance-maladie était importante pour tous les Canadiens.

Où est la constance? Si le Parti réformiste veut jouer un jeu partisan, il y a bien des occasions de le faire, mais nous ne sommes pas intéressés, sur cette question. Très franchement, je veux rappeler une chose au député, avec tout le respect que j'ai pour lui. Il est spécialiste en chirurgies d'urgence. Il sait de quoi il parle quand il s'agit de médecine. Il a vécu dans ce système, il le connaît personnellement, il a en fait partie. Le député doit comprendre que ce projet de loi a pour but de protéger la santé et la sécurité des Canadiens, de garantir une utilisation appropriée des produits du corps humain à l'extérieur du corps et de protéger la dignité et la sécurité de toutes les personnes, et surtout des femmes et des enfants.

«Approprié» est le mot que nous utilisons aux fins de ce débat. Les chercheurs de notre grand pays qu'est le Canada ainsi que les généticiens de tous les pays du monde qui ont fait des recherches dans ce domaine doivent travailler ensemble. Le député a peut-être l'impression que ce projet de loi comporte des mesures trop générales sur des questions précises, mais c'est intentionnel. C'est pour assurer que nous soyons attentifs à ce qui se passe dans le monde, dans différents domaines de spécialisation de la médecine, aux


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travaux de recherche dans des domaines de pointe et aux actions ou conclusions auxquelles aboutissent les recherches dans le domaine de la médecine. Comme je le disais, nous devons protéger les femmes et les enfants. Nous devons protéger les produits du corps humain utilisés hors du corps, et protéger la dignité et la sécurité de tous.

(1720)

Quand le député a parlé de fécondation in vitro, il a tenté de faire une démonstration à partir de prémisses fausses. Il a prétendu que le projet de loi allait abolir la fécondation in vitro. Sur quoi se base-t-il pour dire cela? Peut-il nous dire où, exactement, dans ce projet de loi, il lit que la fécondation in vitro sera abolie?

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je remercie mon collègue du Parti libéral. Ses préoccupations sont les mêmes que les nôtres. Notre désir est de protéger la santé et le bien-être de tous les Canadiens, de tous les gens dans notre pays. Notre but est exactement le même que celui du député. Le terme «approprié» est extrêmement important, et j'y reviendrai.

En réponse à sa question, le projet de loi C-47 dit qu'il est interdit de vendre et d'acheter des ovules, du sperme ou des embryons, y compris de les échanger contre des biens, des services ou autres avantages, mais que cela ne s'applique pas à l'indemnisation d'une personne autre que le donneur pour les frais qu'elle a engagés dans le cadre du prélèvement, du stockage ou de la distribution d'ovules, de sperme ou d'embryons. Le gouvernement va interdire la fécondation in vitro.

Je vais faire porter mon attention sur les autres préoccupations du député. Il a soulevé la question de l'esprit de parti à la Chambre. Si le député consultait mes bleus, il verrait que, à la fin de mon intervention, j'ai dit que j'étais sûr que les députés de tous les partis seraient heureux de travailler en collaboration avec le gouvernement pour que nous ayons une mesure législative efficace dans ce domaine et, plus important encore, pour que les Canadiens aient accès aux soins de santé essentiels. Le député a fait allusion à cela dans son intervention.

Les Canadiens n'ont pas accès aux de soins de santé essentiels quand ils en ont besoin. On leur refuse ces soins. Les gouvernements provinciaux rationnent les services essentiels parce qu'il n'y a pas assez d'argent pour faire tout ce que nous demandons pour l'instant. Le gouvernement vient de soustraire 3 milliards de dollars aux provinces en réduisant les paiements de transfert.

Si le gouvernement croit que, pour assurer aux Canadiens l'accès aux services essentiels, il doit soustraire 3 milliards de dollars aux provinces, il se trompe. Ce n'est pas ce que nous voulons. Ce n'est pas ce que nous voulons faire.

Pour la centième fois, l'objectif du Parti réformiste est d'assurer que chaque Canadien, quelle que soit la somme qu'il a en poche, ait accès aux services essentiels de soins de santé lorsqu'il en a médicalement besoin, et non pas lorsqu'il peut se le permettre ou lorsque la province en a les moyens. Les réformistes s'opposent avec véhémence à un système de soins de santé à l'américaine et nous sommes le parti qui veut s'assurer que les Canadiens aient accès aux services essentiels.

Si nous voulons voir l'avènement d'une ère où les Canadiens auront accès aux services de soins de santé essentiels, nous devons modifier notre optique. Nous devons modifier la Loi canadienne sur la santé pour que les gens puissent avoir le choix. Ce n'est pas une baguette magique. Ce n'est pas la panacée contre tous les maux qui affectent la santé et le bien-être des Canadiens, mais c'est un début.

En conjonction avec d'autres initiatives favorisant, entre autres, une meilleure gestion, des mesures préventives efficaces, une législation réglementant efficacement le tabac et les cigarettes, ces mesures peuvent servir à élaborer une loi sur la santé plus forte, et à édifier un système distinct de celui des Américains, des Britanniques, des Allemands et des Français, et meilleur que les leurs. Le Canada y parviendra. Nous y parviendrons en apportant ces modifications à la Loi canadienne sur la santé.

Nous ne pouvons rester empêtrés dans une loi vielle de plusieurs décennies qui entrave les progrès des Canadiens et du pays. Si nous adhérons à la loi sous sa forme actuelle, c'est ce qui se produira. Le gouvernement joue la comédie. Il empêche les provinces d'offrir aux Canadiens les soins de santé dont ils ont besoin.

(1725)

Nous nous ferions un plaisir, les députés de mon parti et moi-même, de présenter au gouvernement n'importe quand, n'importe où, n'importe comment, des solutions efficaces pour que les Canadiens puissent avoir accès aux soins de santé quand ils en ont besoin.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-47, Loi concernant les techniques de reproduction humaine et les opérations commerciales liées à la reproduction humaine.

Il y a maintenant plusieurs années que nous attendons un projet de loi visant à encadrer ces nouvelles technologies de reproduction, technologies en constante et très rapide évolution.

Ce que l'on pouvait considérer comme de la science-fiction il y a quelques années à peine est aujourd'hui une réalité plus que présente, qui soulève des questions d'éthique fondamentales. C'est donc un problème complexe qui nécessite l'intervention des gouvernements, bien sûr, afin que la science demeure au service de l'humanité et pour éviter que l'homme ne soit au service de la science.

Ce projet de loi déposé en juin dernier fait suite à un long processus qui a débuté par les audiences de la Commission royale d'enquête sur les nouvelles technologies de reproduction, la fameuse Commission Baird, du nom de sa présidente.

Réclamée depuis 1977, soit pendant quelque 12 ans, par plusieurs organisations féministes, cette Commission a été finalement créée en 1989. Après quatre années de travaux marqués notamment par des problèmes de gestion interne, par la démission de quatre de ses commissaires et, surtout, par un coût astronomique de 28 millions de dollars, la Commission avait entendu, tenez-vous bien, plus de 40 000 témoignages. Il importe de préciser qu'aucun gouvernement provincial n'a fait partie de ces 40 000 témoins.


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La Commission a également examiné les travaux de plus de 300 chercheurs pour finalement déposer, à l'automne 1993, un volumineux rapport de 1 435 pages contenant plus de 300 recommandations. Il y avait vraiment de quoi agir là. Mais quelles ont donc été les actions de ce gouvernement à la suite du dépôt de ce rapport? D'action, point, sauf une longue période de tergiversations et de laxisme qui se reflète très bien dans le projet de loi que nous avons devant nous aujourd'hui.

Ainsi, de 1993 à juillet 1995, ce gouvernement n'a absolument rien fait, à part dire qu'il fallait bien sûr faire quelque chose. Malgré les demandes répétées de l'opposition officielle pendant plus de deux ans, le gouvernement persistait dans son immobilisme. À preuve, aux questions que je posais à la ministre de la Santé de l'époque, les réponses étaient des exemples de flou et de voeux pieux.

Voici, en résumé, l'allure de ces débats. En janvier 1994, répondant à une question d'un député du parti ministériel, la ministre de la Santé d'alors répondait que Santé Canada s'occupait activement des recommandations du rapport Baird, auxquelles il est possible de donner suite sans délai. Janvier 1994.

Par la suite, en février 1994, un mois plus tard, le ministre de la Justice déclare que des études sont en cours et qu'il fera rapport à la Chambre en temps opportun avec la célérité correspondant à l'urgence de la situation.

En octobre 1994, la ministre de la Santé mentionne qu'elle travaille à élaborer des règles à ce sujet et qu'il y a des problèmes de juridiction. «Mais nous faisons notre travail», concluait-elle. Quand il y a des problèmes de juridiction, nous savons quel genre de travail que le gouvernement fédéral fait. Il ignore les juridictions des provinces. Je reviendrai sur cet aspect un peu plus tard.

Nous sommes toujours en 1994, c'était une longue année. En novembre, cette fois, la secrétaire parlementaire de la Santé déclare que la question est grave, difficile et complexe. Elle se prête à controverse. En décembre 1994, la ministre de la Santé répondait que le problème, de complexe qu'il était en novembre, est devenu très complexe. Décidément, on a de la suite dans les idées.

En mars 1995, la ministre annonce qu'elle veut mettre de l'avant une politique concernant une nouvelle technologie de reproduction et qu'il est clair que le gouvernement va faire quelque chose.

(1730)

Il a fait quelque chose par un été absolument extraordinaire, juillet 1995. Alors que la Chambre ne siège pas, que nous essayons tous de prendre des vacances, la ministre décrète un moratoire volontaire sur certaines pratiques associées aux nouvelles technologies de reproduction, moratoire qui ne reçoit même pas la note de passage dans les milieux concernés et qui est tourné en dérision de part et d'autre.

En janvier 1996, avant-dernière étape, le ministère de la Santé annonçait la constitution d'un comité chargé de faire le suivi du fameux moratoire qui était passé de volontaire à provisoire.

Tout ceci nous amène donc au dépôt, en juin dernier, du projet de loi C-47, projet de loi bien mince, bien flou, comme l'ont signalé mes collègues de l'opposition officielle. Mais ce projet de loi est très nettement marqué au sceau des libéraux fédéraux quant à l'ingérence dans les champs de compétence des provinces, en l'occurrence celui de la santé.

Depuis le dépôt du rapport Baird, l'opposition officielle a toujours demandé que les gouvernements encadrent le domaine des technologies de reproduction. Le gouvernement du Québec, pour sa part, a déjà légiféré en ce sens dans la loi fondamentale du Québec: le Code civil contient en effet une disposition ayant pour effet de déclarer nul, de nullité absolue, tout contrat de mère porteuse. Voilà une façon de légiférer avec des outils déjà existants.

Le domaine de la santé étant reconnu de juridiction provinciale, il est de la responsabilité des provinces de préciser les normes et les balises quant à certaines pratiques reliées aux nouvelles technologies de reproduction. Pour agir dans son champ de compétence, il aurait été facile pour le gouvernement fédéral d'agir par le biais du Code criminel en interdisant certaines pratiques. C'est ce que nous lui demandions de faire. Il aurait pu ainsi compléter les efforts des provinces, tout en restant dans ses propres domaines de compétence.

Le gouvernement avait là, encore une fois, une occasion en or d'agir efficacement, tout en respectant l'autonomie des provinces à ce chapitre.

Comme d'habitude, on a pu le constater souvent dans cette Chambre, ce gouvernement préfère envahir les champs de juridiction des provinces. Alors qu'il aurait pu tout simplement amender le Code criminel pour interdire certaines pratiques, notamment le commerce des embryons, des ovules, voilà que le gouvernement crée une agence nationale, de l'Atlantique au Pacifique, une autre, encore une autre, encore une autre de trop qui va servir à édicter des normes aux provinces, alors que celles-ci devraient les définir elles-mêmes.

Quant aux dispositions de ce projet de loi, j'aimerais attirer votre attention sur les articles 4, 5, 6 et 7 qui énumèrent les actes prohibés. C'est tout à fait édifiant: le clonage d'embryons humains, il a fallu trois ans pour arriver à déposer un projet de loi là-dessus; la création d'hybrides animaux-humains et la fusion de zygotes ou d'embryons humains et animaux, là encore trois ans de réflexion; le transfert d'embryons entre l'espèce humaine et autres espèces; la modification génétique des cellules germinales; le prélèvement de sperme ou d'ovules sur des cadavres ou des foetus humains à des fins de fécondation ou de recherche exigeant la maturation du sperme à l'extérieur de l'organisme humain; le choix du sexe en fonction de critères non médicaux; l'ectogénèse, c'est-à-dire le maintien d'un embryon dans un utérus artificiel.

Il y en a encore d'autres. Je pense que je vais continuer, c'est très instructif: la recherche sur des embryons humains après le 14e jour suivant la conception; la création d'embryons aux seules fins de recherche; enfin, l'offre de fournir ou de payer des services interdits.

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Il est également interdit d'acheter ou de vendre des ovules, du sperme ou des embryons, y compris de les échanger en contrepartie de biens, de services ou d'autres avantages, mais à l'exclusion du recouvrement des frais engagés pour le prélèvement, la conservation et la distribution de sperme, d'ovules et d'embryons pour d'autres personnes; et enfin, l'utilisation sans le consentement des donneurs, de sperme, d'ovules ou d'embryons humains pour des techniques de procréation humaine assistée ou pour la recherche médicale.

Les interdictions faisant partie du moratoire volontaire devenu provisoire sont donc reconduites et on en retrouve de nouvelles.

(1735)

Pourtant, après toutes ces années depuis le dépôt du rapport Baird, on aurait pu s'attendre à beaucoup plus de rigueur dans ce projet de loi.

Par exemple, lorsque l'on interdit les tests de diagnostic à seule fin de déterminer le sexe sauf pour des raisons médicales, des motifs de santé, de quels motifs de santé parle-t-on? Est-ce que cela inclut la santé psychologique de la mère ou réfère-t-on à la santé du foetus ou à celle des parents? Le projet de loi est bien peu loquace là-dessus.

En ce qui concerne l'article 7 portant sur l'interdiction d'utiliser le sperme, l'ovule et l'embryon aux fins de recherche, de donation, de maturation ou de fécondation, on spécifie que cela ne peut se faire sans le consentement des donneurs. On peut donc déduire en toute logique que ces pratiques seraient permises avec le consentement des donneurs. C'est une interdiction sans en être vraiment une. De plus, cette situation entre en contradiction avec certaines des dispositions de l'article 4 qui prévoit l'interdiction générale de certaines pratiques. C'est une des illustrations du manque de clarté de ce projet de loi.

Mais une question se pose: Se peut-il que ce manque de clarté soit prévu pour laisser toute la latitude possible à l'Agence nationale de surveillance et de contrôle des nouvelles technologies de reproduction qui sera créée sous peu? C'est à craindre. Le projet de loi est très peu détaillé, et la nouvelle agence, dont les membres seront nommés par le ministre fédéral de la santé, aura les mains libres pour élaborer et voir à l'application de mesures qui toucheront sans doute à d'autres domaines que celui des nouvelles technologies de reproduction et ainsi établir d'autres normes nationales dans le domaine de la médecine et de la santé.

Quand on entend légiférer sur un sujet aussi important et soulevant des questions fondamentales quant au rôle de la science dans le processus de la reproduction humaine, il est déplorable que le gouvernement fédéral ne voit là qu'une occasion d'empiéter sur les compétences du Québec et des autres provinces. Au lieu de créer des agences nationales dans tous les domaines et, par conséquent, de créer des dédoublements inutiles et coûteux, ce gouvernement devrait consulter le Québec et ses autres partenaires provinciaux, les laisser agir à l'intérieur de leur juridiction et agir lui-même dans son propre domaine.

Alors qu'il n'aurait fallu que quelques amendements au Code criminel pour faire en sorte que certaines pratiques soient interdites partout au Canada, on a préféré déposer un projet de loi dont deux ministres sont responsables, avec ce que ça sous-entend, celui de la justice et celui de la santé, on préfère mettre sur pied une agence nationale de surveillance et de contrôle.

On pourrait souhaiter que la seule motivation de ce gouvernement soit la protection de la santé des citoyens et citoyennes du Canada et du Québec. Mais hélas, une autre motivation est majeure, et j'ai presque envie de dire qu'une autre motivation est constante dans ce gouvernement, c'est la négation des compétences des provinces.

Pour paraphraser un ancien député de cette Chambre, le gouvernement est bien bon, il veut notre bien et il va tout faire pour l'avoir.

Le vice-président: Je dois signaler le fait que la période prévue de débat se termine dans deux minutes.

J'accorde la parole à l'honorable député de Lévis pour une question ou un commentaire

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, lorsque j'écoute la députée de Laval-Centre, même si j'ai étudié à fond le projet de loi, j'en apprend toujours. Elle nous a fait un tracé historique extraordinaire non seulement parce qu'elle a relaté ce qu'elle a vu en Chambre, surtout l'épisode des réponses floues et vertueuses de l'ancienne ministre de la Santé, mais elle nous a également ramené plus loin au contenu de la commission Baird. Elle nous a rappelé le grand nombre de témoins qui ont comparu à cette commission, quelque 40 000.

(1740)

Je sais que la députée de Laval-Centre a lu le rapport, et je ne voudrais pas l'embêter, mais elle soulève le fait qu'il y a un nombre considérable de pages qui aboutissent à un projet de loi qui n'en contient que quelques-unes. Ce rapport traite d'une question importante et il aboutit presque à un projet de loi tellement minime qu'il en est presque insignifiant pour un problème pourtant si important et si grave. J'aimerais qu'elle me réponde.

Le vice-président: Le temps est écoulé et je crois que mon cher collègue devra céder sa place. Il est maintenant 17 h 41 et la Chambre abordera maintenant l'étude des Affaires émanant des députés.

______________________________________________


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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LOI SUR L'IMPORTATION AU CANADA DE DÉCHETS RADIOACTIFS

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 3 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-236, Loi portant interdiction d'importer des déchets radioactifs au Canada, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Morris Bodnar (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, je vous remercie de me donner l'occasion d'informer la Chambre des conséquences déplorables de l'adoption du projet de loi C-236.


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Ce projet de loi entraînerait plusieurs conséquences défavorables. Mon intervention portera surtout sur les effets nuisibles pour la santé des Canadiens et des habitants des pays en développement ou développés. Je parlerai aussi des conséquences néfastes sur les activités liées au développement durable qui pourraient exiger une coopération internationale.

Le Canada ne prévoit pas importer des déchets de combustibles nucléaires. Néanmoins, les fonctionnaires canadiens participent à l'élaboration de recommandations internationales concernant l'importation et l'exportation de déchets radioactifs, surtout de déchets faiblement radioactifs.

L'Agence internationale de l'énergie atomique a indiqué que tout État exportant du matériel radioactif devrait prendre les mesures appropriées pour autoriser le retour sur son territoire des déchets radioactifs résultant de l'utilisation de ce matériel si l'État importateur ne peut les éliminer adéquatement, à moins que d'autres dispositions ne puissent être prises à cet égard.

Ainsi le projet de loi limiterait l'accès à tout matériel médical ou industriel et à tout équipement de recherche renfermant des sources radioactives pour les pays développés et en développement.

Les pays en développement sont peu nombreux à posséder les installations requises pour éliminer les déchets radioactifs; par conséquent, rares sont ceux qui pourront se procurer ce genre de matériel. Dans bien des cas, le Canada est le principal exportateur de ce matériel et dans certains cas il est le seul fournisseur au monde. Étant donné que bien des pays en développement ne sont pas en mesure d'éliminer adéquatement les déchets radioactifs produits par l'utilisation du matériel et des instruments en cause, il n'y aura plus, pour eux, que deux solutions possibles.

La première, c'est s'adresser à un fournisseur non canadien, s'il y en a un qui accepte de reprendre les déchets radioactifs, même s'il n'est pas acquis qu'il en disposera convenablement. L'autre, c'est tout simplement de renoncer aux activités médicales et environnementales exigeant des sources radioactives. Naturellement, ces deux solutions augmenteraient les risques pour la santé et l'environnement et rendraient plus difficile l'évolution vers le développement durable.

Si nous estimons que renoncer à de bonnes pratiques médicales n'est pas souhaitable, alors vers quels États les déchets radioactifs qui en résultent seront-ils exportés? Le Canada a la capacité technologique de gérer convenablement ces déchets. Est-ce que l'adoption du projet de loi présenté par le député de Fraser Valley-Est n'indiquerait pas au monde que nous cherchons à échapper à nos responsabilités à l'égard du monde en développement?

Nous avons été très heureux d'entendre le député d'en face dire plus tôt dans ce débat: «Le Canada a une responsabilité quand même, en tant que société industrielle avancée, de chercher des moyens d'aider d'autres sociétés qui sont peut-être un peu plus en difficulté actuellement [. . .] de faire que ces gens trouvent les moyens de traiter les déchets nucléaires qu'ils ont produits.»

Comment pouvons-nous aider ces pays, est-ce en les pressant de dépenser des sommes considérables pour disposer de leurs propres déchets radioactifs résultant d'utilisations diverses, y compris de procédures médicales? De nombreux pays en développement ne peuvent pas se permettre ce genre de dépenses et doivent exporter leurs déchets pour pouvoir bénéficier des utilisations pacifiques et bénéfiques de l'énergie nucléaire. Est-ce que les pays développés devraient leur fermer leurs frontières? S'ils devaient le faire, alors non seulement ils renonceraient à aider au développement de ces pays, mais ils contribueraient sciemment à inhiber l'évolution des pays en développement vers des activités de développement durable. Ce serait contraire aux relations internationales du Canada, particulièrement si l'on considère nos activités passées et présentes d'aide aux pays qui essaient de se développer d'une façon durable.

(1745)

La mesure législative proposée, le projet de loi C-236, pourrait également avoir des conséquences sur les activités de coopération internationale en matière de gestion générale des déchets, non seulement avec les pays en développement, mais aussi avec les pays développés et en particulier avec les États-Unis. Une bonne collaboration avec nos voisins pour la gestion des déchets est essentielle, étant donné les circonstances spéciales de l'avenir qui pourraient exiger une aide mutuelle afin de parvenir à une gestion sûre et efficace des déchets.

Par exemple, il y a déjà des cas, dans d'autres pays, d'hôpitaux qui ont dû cesser d'utiliser certaines procédures médicales, parce qu'ils n'étaient pas en mesure d'envoyer leurs déchets radioactifs à des installations nationales d'élimination, ces installations n'étant pas disponibles pour le moment. Dans des cas comme ceux-là, il serait plus que justifié, pour des raisons de santé, de permettre l'expédition de ces déchets à un État voisin, soit pour le stockage soit pour l'élimination, jusqu'à ce que le problème temporaire soit résolu.

L'interdiction de toute importation de déchets radioactifs pourrait paraître critiquable à nos voisins. Par conséquent, ce projet de loi nuirait aux activités d'aide et de coopération du Canada avec les nations du monde, entraînerait une baisse de la qualité des systèmes de santé pour les Canadiens et les habitants des pays en développement ainsi que des pays développés.

J'invite les députés à ne pas voter en faveur de ce projet de loi.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je me réjouis de l'occasion qui m'est offerte d'exprimer mon appui au projet de loi C-236, Loi portant interdiction d'importer des déchets radioactifs au Canada. Ce projet de loi a été présenté par mon collègue de Fraser Valley-Est qui, j'en suis convaincu, a étudié à fond la question des déchets nucléaires et les dangers qu'ils présentent pour l'environnement ainsi que la santé et la sécurité du public. Je sais qu'il y est très sensible et qu'il a consacré beaucoup d'énergie à ce projet de loi.

Voici une des questions que je me pose à ce sujet et qui inquiète les Canadiens, je crois: Le Canada va-t-il devenir la poubelle du monde en ce qui a trait aux déchets nucléaires? Nous espérons bien que non. Il reste que ça me préoccupe de savoir qu'il y a plus 400 réacteurs nucléaires commerciaux dans le monde, auxquels il faut ajouter un nombre encore plus grand de petits réacteurs nucléaires qui équipent des universités, des navires et des sous-marins. Tous ces réacteurs ont besoin d'espace pour stocker leurs déchets radio-


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actifs, lesquels resteront hautement toxiques pendant des milliers d'années.

Y a-t-il meilleur pays que le Canada pour y expédier tous ces déchets? Le Canada est immense. Sa population est relativement peu nombreuse. Il pourrait se trouver des groupes tout disposés à débarrasser de cette bombe à retardement d'autres pays, surtout lorsqu'il s'agit de pays qui acceptent de payer rubis sur l'ongle. Voilà une pensée qui me préoccupe énormément. Ça été pour nous tout un défi de trouver des lieux où stocker nos propres déchets nucléaires. Nous n'avons que faire des déchets radioactifs des autres pays, et il y en a assurément en abondance.

Les États-Unis projettent de se débarrasser de 50 tonnes métriques de plutonium au cours des 25 prochaines années. La Russie en a 50 tonnes métriques. Mon collègue de Fraser Valley-Est me dit que dans le site d'Hanford, aux États-Unis, il y a assez de déchets hautement radioactifs pour couvrir 86 terrains de football sur un mètre d'épaisseur. Il en coûtera 57 milliards de dollars uniquement pour évacuer les déchets enfouis à cet endroit.

Quelqu'un pourrait prétendre que permettre l'enfouissement des déchets nucléaires pourrait rapporter des dividendes. Cependant, nous n'allons pas résoudre nos problèmes économiques en laissant le Canada devenir la poubelle nucléaire du monde. Il faut résoudre ces problèmes ici. Les provinces nous montrent que nous sommes sur la bonne voie. Si le gouvernement fédéral s'engageait dans le projet dans une plus large mesure, nous serions en mesure de résoudre nos problèmes économiques. Ce n'est pas une méthode que nous devrions utiliser pour résoudre les problèmes en question.

On entend dire que certains groupes autochtones du Canada envisagent d'offrir leurs terres aux fins de stockage. Leurs terres se trouvent dans le Bouclier canadien. Ils se disent qu'ils peuvent gagner pas mal d'argent en permettant l'enfouissement de déchets nucléaires à cet endroit. Ils appellent cela du développement économique.

(1750)

Nous sommes confrontés à de la pollution venant de certains pays européens et des États-Unis et le Bouclier canadien n'est même pas capable de filtrer cette pollution. Certains sols des Prairies peuvent jouer le rôle de tampon nécessaire, mais ce n'est certes pas le cas du Bouclier canadien, qui est formé fondamentalement de roc.

Il me semble que dans l'accord conclu avec les Nisga'a, dont on se servira comme modèle pour de nombreux autres accords d'autonomie gouvernementale, on laisse le gouvernement autochtone procéder à ses propres évaluations environnementales. En fait, ce gouvernement local peut décider dans quelle mesure l'enfouissement de déchets nucléaires sur ses terres présente des dangers, et si le jeu en vaut la chandelle.

Si les communautés autochtones veulent stocker sur leurs terres des déchets nucléaires canadiens, car elles jugent que c'est suffisamment profitable pour elles, je n'ai rien contre, mais je n'aime pas l'idée d'importer des déchets internationaux. Nous devons résoudre nos propres problèmes, mais pas les problèmes internationaux. C'est aux pays concernés qu'il revient de le faire. Nous devons déjà nous inquiéter de nos propres déchets toxiques. N'acceptons pas chez nous les déchets toxiques nucléaires dangereux d'autres pays.

Je veux aborder la question de savoir si on contrevient ou non à l'ALENA. Certains prétendent que l'adoption de cette loi irait à l'encontre de notre accord commercial avec les États-Unis et le Mexique. Il existe un groupe spécial de règlement des différends qui est prévu dans l'ALENA. Si on lui demandait d'examiner cette question, il lui faudrait tenir compte de plusieurs facteurs.

Il scruterait certainement le chapitre 9 de l'ALENA. Ce chapitre énonce les obstacles autorisés au commerce qui sont liés aux normes qu'un pays peut vouloir se fixer. L'article 904 autorise un pays à adopter toute mesure normative qui est importante pour sa sécurité, y compris toute mesure de protection des personnes, des animaux et des végétaux, ainsi que de l'environnement. L'article autorise un pays à interdire l'importation d'un produit ou la fourniture d'un service par un autre pays qui ne respecte pas cette mesure normative.

On débattrait probablement la question de savoir si l'enfouissement de déchets nucléaires constitue le commerce d'un produit ou la fourniture d'un service. Il faudrait également prouver que cela présente un danger pour l'environnement, les personnes, les animaux et les végétaux. On pourrait également se demander si l'interdiction de l'importation risquerait de présenter un danger encore plus grand pour le Canada. Enfouir les déchets près de notre frontière risque d'être plus dangereux pour notre sécurité que de l'enfouir très loin des régions peuplées.

Il est toujours difficile de prévoir l'issue des disputes juridiques qui auraient lieu. Beaucoup de choses dépendent de la compétence des avocats et de la composition du groupe spécial. Je serais certes prêt à parier que le Canada pourrait défendre sa mesure normative et maintenir son droit d'interdire l'importation de déchets nucléaires. Cette question est très sérieuse.

Je voudrais ajouter ma voix à celle de tous ceux qui réclamant l'interdiction de l'importation de déchets nucléaires au Canada. Comme il s'agit d'un produit qui est très dangereux pour notre sécurité et qui continuera de l'être pendant des milliers d'années, il faut examiner la question très attentivement. Nous avons besoin de dispositions limitant la capacité de certains groupes d'importer ces déchets au Canada.

En conclusion, je demande à tous les députés de la Chambre d'appuyer ce projet de loi et de voter en faveur de ce dernier. Le Canada est un pays magnifique, ouvert à tous les vents et regorgeant de forêts, de lacs et de rivières. Gardons-le aussi propre que possible et sans déchets. Ne laissons pas le Canada devenir la poubelle nucléaire du monde.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, c'est avec grand intérêt que j'interviens aujourd'hui dans le débat en deuxième lecture du projet de loi C-236 de mon collègue réformiste de Fraser Valley-Est, Loi portant interdiction d'importer des déchets radioactifs au Canada.


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D'entrée de jeu je désire vous rappeler que le vérificateur général du Canada a produit en mai 1995 un chapitre sur cette question, soit la gestion des déchets radioactifs par le gouvernement fédéral. À la page 3-5 de ce rapport, il est écrit, et je cite: «Le Canada ne possède aucune installation de stockage permanent pour les déchets hautement radioactifs ni pour les déchets faiblement radioactifs.» Plus loin dans cette page, il est écrit: «Au Canada, des décisions doivent être prises pour déterminer s'il faut s'engager dans le domaine de l'évacuation des déchets et comment le faire. Malgré des investissements majeurs d'environ 538 millions de dollars faits au Canada en recherche et développement, on n'a pas envisagé d'approches de rechange pour poursuivre le programme de gestion des déchets hautement radioactifs après 1997, soit lorsque le financement actuel du gouvernement prendra fin.»

(1755)

Voilà clairement établi le fait que le Canada n'est pas actuellement en mesure de recevoir des déchets radioactifs en provenance de l'extérieur. Le Canada ne pouvant et ne sachant pas encore quoi faire avec ses propres déchets, comment pourrait-il traiter, évacuer ou stocker ceux des autres pays?

En ce sens, le projet de loi de mon collègue réformiste peut apparaître prématuré, inopportun, étant donné que ce n'est pas la veille où le Canada pourrait devenir la poubelle nucléaire du monde. Mais même si le projet de loi C-236 est importun, il m'apparaît être un bon message à envoyer aux autorités, un message à savoir qu'il faut s'interroger sérieusement sur cette question d'importation de déchets nucléaires.

En ce moment, les autorités nucléaires canadiennes étudient deux projets pour nos déchets nucléaires. Le premier concerne celui du stockage permanent du combustible usé, soit des déchets hautement radioactifs, et l'autre concerne celui d'établir une installation d'évacuation des déchets faiblement radioactifs en Ontario, plus précisément à Deep River.

Pour le stockage permanent du combustible épuisé, les autorités étudient la possibilité d'entreposer ces déchets hautement radioactifs dans une immense caverne creusée dans le roc du bouclier canadien. Selon les plans actuels, cette caverne est prévue pour l'an 2025 et pourrait accueillir plus de 4 millions de grappes de combustible épuisé. Pour votre information, une grappe a la taille approximative d'une bûche de foyer et ces 4 millions de grappes anticipées constituent un volume équivalent à sept piscines olympiques. Ce combustible épuisé, produit à plus de 85 p. 100 par les réacteurs d'Ontario Hydro, demeure hautement radioactif pendant au moins 500 ans, et sa manipulation exige que l'on prenne des mesures appropriées pour garantir la protection des êtres humains et de l'environnement pendant cette période.

En fait, certains éléments de ce combustible demeurent dangereux pendant des dizaines de milliers d'années s'ils échappent au confinement et s'ils sont alors ingérés ou inhalés.

Avec ce portrait de la situation canadienne, pour ne pas dire ontarienne, il y a lieu de se demander si nous voulons en avoir davantage de ces déchets dangereux, nous en rajouter de l'extérieur. Un article du Globe and Mail du 27 octobre 1994 titré:

[Traduction]

«Le Canada considéré comme site d'enfouissement possible pour les déchets nucléaires du monde entier; l'utilisation proposée du bouclier canadien est dangereuse.»

[Français]

-démontre les craintes et les appréhensions des écologistes sur cette question d'enfouissement permanent. Le début de l'article mentionne, et je cite:

[Traduction]

«Cela pourrait prendre de 20 à 50 ans, mais le Canada deviendra le site d'enfouissement des déchets nucléaires du monde entier, ont conclu certains environnementalistes hier.»

[Français]

Les groupes écologistes font valoir que le Canada ne peut pas légalement interdire l'importation de déchets radioactifs des États-Unis et que les autorités nucléaires canadiennes pourraient trouver profitable d'ouvrir leur futur site aux déchets étrangers. Plus loin, on peut lire, et je cite:

[Traduction]

«L'aménagement d'un site ici garantit que les Américains feront l'impossible pour venir y jeter leurs déchets.»

[Français]

Voilà des craintes bien réelles des écologistes que nous devons considérer très sérieusement.

Plus récemment, on a vu le premier ministre du Canada donner son appui à une étude de faisabilité afin d'importer au Canada le plutonium des ogives nucléaires russes et américaines pour le brûler en tant que combustible dans nos réacteurs CANDU. Ce plutonium considéré comme déchets pour ces pays est considéré comme un combustible par le Canada.

On parle d'une centaine de tonnes de plutonium que nous brûlerions au nom d'un effort de paix, selon le premier ministre. Mais une fois ce plutonium brûlé, il aura produit des déchets hautement radioactifs. Combien de grappes viendront donc s'ajouter aux nôtres, aux 4 millions de grappes prévus d'ici la fin de 2033? Il y a lieu de s'interroger sérieusement sur cette façon détournée offerte aux étrangers de se débarrasser des éventuels déchets produits à partir de leur plutonium.

(1800)

Ne vaudrait-il pas mieux leur vendre des réacteurs CANDU afin de les rendre autonomes et responsables de leurs déchets? Aussi, pourquoi ces pays ne trouvent-ils pas leur propre solution à ce problème?

Ce bref aperçu sur l'état des déchets hautement radioactifs montre nettement que nous devons faire preuve de prudence et qu'il apparaît dangereux de lier la question de profit économique à celle de l'environnement dans ce dossier.


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Le combustible épuisé est énormément toxique et il faut le considérer comme tel, avec tous les impacts néfastes qu'il peut produire advenant des problèmes de gestion.

Pour ce qui est des autres déchets, ceux faiblement radioactifs, les autorités canadiennes étudient également une forme de stockage permanent. Le site choisi est situé à Deep River, comme je le mentionnais préalablement. L'un des moyens technologiques actuellement mis au point fait appel à l'utilisation d'une construction souterraine anti-intrusion, soit une série de voûtes souterraines en béton ou seraient stockés les déchets pendant 500 ans, période au bout de laquelle les déchets seront devenus inoffensifs. Ce projet, dans cette municipalité ontarienne, ne se fait pas sans heurt et commence à soulever de nombreuses inquiétudes dans l'ensemble de cette région. Imaginez la réaction des populations concernées si on leur envoyait en plus des déchets «made in USA»?

Je vois d'un bon oeil le projet de loi du député de Fraser Valley-Est. Même si le Canada est perçu comme un pays coopérant à travers le monde, il n'est pas nécessaire de devenir la poubelle nucléaire du monde pour accroître notre réputation.

Enfin, je demande au premier ministre et à ses ministres et députés de réfléchir un peu plus sérieusement aux répercussions de l'importation de plutonium au Canada.

Les députés de l'Ontario, plus particulièrement ceux des circonscriptions où des CANDU sont déjà visés pour brûler du plutonium et, de ce fait, grandir nos déchets radioactifs, devraient consulter leur électorat sur cet enjeu.

[Traduction]

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir sur le projet de loi C-236, que parraine le député de Fraser Valley-Est. Cette mesure a pour objet d'interdire l'importation au Canada de déchets radioactifs.

Malgré son apparence anodine à prime abord, ce projet de loi peut avoir de nombreuses conséquences négatives, tant à l'échelle internationale que nationale. Ces conséquences ont trait à la santé et à l'environnement. À l'heure actuelle, nous n'importons pas le moindre déchet de combustible nucléaire. Le gouvernement du Canada n'a pas l'intention de le faire.

Le député réformiste a fait allusion au plutonium. Des accords et des conventions internationales sont actuellement en application afin d'empêcher le transport transfrontalier de plutonium.

Le plutonium est l'une des substances les plus létales connues. Tous les pays du monde doivent donc être se montrer très vigilants quant à l'entreposage et au transport du plutonium qui est vendu sur le marché noir et qui provient du démantèlement des bombes et des ogives nucléaires dans des pays comme la Russie.

Toutefois, nous importons des déchets radioactifs produits par le matériel médical utilisé à l'étranger. Mettre un terme à cette pratique entraînerait des conséquences négatives importantes. Par exemple, il risque d'y avoir de lourds effets sur la santé des habitants de pays en développement qui ne peuvent gérer aussi efficacement que nous l'élimination de déchets radioactifs.

Plus précisément, les pays en développement qui ont des systèmes d'élimination des déchets inappropriés n'ont peut-être pas accès au traitement radiologique du cancer ni à l'analyse aux fins de dépistage précoce de diverses maladies. Cela leur sera réellement impossible le jour où nous leur refuserons l'accès à nos systèmes d'élimination des déchets. À l'heure actuelle, des clients de partout dans le monde achètent des produits auprès d'entreprises canadiennes qui fabriquent des radio-isotopes et de l'équipement renfermant des matériaux radioactifs qui servent à établir des diagnostics médicaux et à traiter des maladies, surtout pour les patients souffrant de cancer ou de maladies cardiaques, à stériliser les instruments chirurgicaux et le sang destiné aux transfusions, à prévenir des maladies comme le paludisme et à accroître l'efficacité des techniques agricoles.

(1805)

Quand on discute des avantages de l'énergie nucléaire, nous nous attachons souvent à la mise au point d'un moyen de production d'électricité économique et sans danger pour l'environnement. Nous oublions souvent de souligner les autres avantages comme ceux que je viens de mentionner dans le domaine de la santé et qui permettent de prévenir les maladies, d'éliminer les infections et de produire de bons aliments.

Il existe de nombreux exemples où l'utilisation de l'énergie nucléaire améliore considérablement la santé et le développement économique des populations dans le monde entier. Je vais en évoquer un. Le Chili a développé une industrie alimentaire dont les exportations se chiffrent à plusieurs milliards de dollars. C'est également le seul pays d'Amérique du Sud qui s'est acquis à l'échelle internationale la réputation de s'être débarrassé de la mouche méditerranéenne des fruits. Jusqu'à tout récemment, cependant, les fruits et légumes frais du Chili étaient toujours exclus de certains marchés parce que l'on craignait des poussées épidémiques causées par la mouche méditerranéenne dans le nord du Chili.

Après avoir essayé sans succès d'exterminer ces mouches à l'aide d'insecticides, le Chili a finalement adopté en 1990 une méthode biologique utilisant des mouches stérilisées par radiation. Résultat, on ne détecte plus de mouches méditerranéennes sauvages depuis le milieu de 1995. En décembre 1995, le Chili a été officiellement déclaré zone libre de mouches par des experts internationaux.

D'après le ministre chilien de l'agriculture, cela permettra une augmentation des exportations de fruits de 500 millions de dollars par an au cours des cinq prochaines années. Voilà un très bon exemple de l'utilisation du genre de matériel et d'équipement produit et exporté par des entreprises canadiennes.

Les pays qui utilisent de l'équipement et du matériel médical exporté par le Canada s'attendent à ce que nous les aidions à éliminer leurs déchets. Si nous refusions de les aider à cet égard, ils pourraient très bien refuser à leur tour d'acheter du Canada de l'équipement renfermant des sources radioactives et des radio-isotopes. Les exportateurs canadiens d'équipement et de matériel médical et industriel perdraient une fraction importante de leurs


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clients. Une réduction de cette nature entraînerait des pertes d'emplois ici au Canada. Le Parti réformiste ne souhaite certainement pas que le Canada perde des emplois.

Grâce à leur savoir-faire et à de bonnes pratiques de marketing, des entreprises canadiennes sont devenues des leaders mondiaux dans le secteur de la production de radio-isotopes et de matériel d'irradiation. Reconnues comme des fournisseurs fiables, elles contribuent grandement aux exportations du Canada et offrent aux Canadiens des emplois intéressants dans un secteur de haute technologie qui connaît un essor fulgurant. Le projet de loi C-236 freinerait cet essor.

Je voudrais vous parler d'une des sociétés canadiennes qui s'illustrent dans ce secteur. La société Nordion International Incorporated est un leader mondial dans le secteur de la production de radio-isotopes. Elle contribue à la prévention des maladies et au traitement des patients, et ce, à l'échelle planétaire. Les bénéfices globaux de Nordion s'élevaient à 191 millions de dollars au cours de l'exercice financier 1995. La compagnie exporte dans plus de 70 pays et ses ventes à l'exportation représentent 98 p. 100 de son chiffre d'affaires. Nordion compte au-delà de 700 employés, dont plus de 50 p. 100 détiennent un certificat ou un diplôme d'études postsecondaires. Nordion a des installations à Montréal, à Vancouver et à Kanata, en Ontario.

La société songe à l'avenir et prévoit élargir la gamme de ses produits et offrir de nouveaux produits radiopharmaceutiques, de nouveaux procédés de stérilisation, d'irradiation des aliments et de traitement des boues d'épuration et commercialiser des produits utilisés à des fins thérapeutiques. Dans tous ses grands contrats de ventes à l'exportation, la société Nordion s'est engagée à reprendre les sources radioactives usées dont a besoin le matériel d'irradiation qu'elle vend.

(1810)

Le projet de loi C-236 interdirait aux entreprises canadiennes comme Nordion d'offrir des produits essentiels à des compagnies qui, malheureusement, sont incapables de bien gérer les déchets radioactifs provenant de l'utilisation de ces produits.

En fin de compte, ce projet de loi ne rime à rien. Le Canada possède déjà les compétences et la réglementation nécessaires pour veiller à ce que les déchets radioactifs soient traités de façon à ne représenter aucun risque pour la santé des Canadiens ou pour leur environnement. Nous innovons dans ce secteur. Nous possédons les meilleures connaissances dans ce domaine. Nous sommes les leaders de cette industrie. L'adoption de ce projet de loi nuirait à la santé des habitants de certains pays en développement. Elle nuirait à l'environnement de ces pays et ferait perdre des emplois au Canada. Voilà pourquoi il m'est impossible d'appuyer le projet de loi C-236.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je tiens aujourd'hui à appuyer vivement le projet de loi C-236 qu'a présenté mon collègue de Fraser Valley-Est. J'ai écouté les assertions des députés ministériels. Très franchement, je n'arrive tout simplement pas à croire qu'ils puissent affirmer de telles choses. Ils n'ont manifestement pas lu le projet de loi.

Le projet de loi vise seulement à protéger les Canadiens maintenant et à l'avenir. À l'heure actuelle, aucune loi ne protège les Canadiens contre les déchets radioactifs importés de l'étranger pour être enfouis au Canada. Aucun Règlement ne régit cela. Cela veut dire que les déchets radioactifs peuvent être importés. Le projet de loi C-236 vise à combler ce vide. Le député veut faire de la prévention. Cette mesure législative ne doit pas être prise à la légère et est amplement justifiée.

On en a vu la justification ici aujourd'hui et je vais vous donner des exemples de cela. Des députés ministériels laissent fortement entendre que nous, en tant que société bienveillante, devrions, en cette ère de développement durable, importer et enfouir les déchets nucléaires d'autres pays qui ne peuvent pas les enfouir eux-mêmes. Ils invoquent pour cela le prétexte du développement durable.

Le développement durable, ce n'est pas importer des déchets de l'étranger, mais traiter soi-même ses propres déchets à sa façon. Il est vrai que certains pays n'ont pas la technologie qu'il faut pour traiter leurs déchets. C'est là que le Canada et les Canadiens peuvent apporter leur contribution, car nous sommes au premier rang de l'industrie nucléaire. Voilà une occasion pour le Canada de fournir une aide technique à ces pays afin qu'ils éliminent leurs déchets nucléaires.

Nous ne devrions pas importer leurs déchets nucléaires au Canada. Ce n'est pas notre responsabilité. Nous nous soustrairions à notre devoir de promouvoir la santé et le bien-être des Canadiens si nous faisions entrer ces substances hautement toxiques, cancérigènes, tératogènes et mutagènes dans notre pays. Je donnerai plus tard des exemples montrant la gravité du problème dans l'Arctique canadien.

Contrairement à ce qu'ont dit les ministériels, la Saskatchewan, notre deuxième province productrice de plutonium, exporte cette matière qui est destinée à des centrales japonaises. C'est un grave problème, car le plutonium dont les effets peuvent subsister pendant des dizaines de milliers d'années doit être transporté d'un bout à l'autre du Canada, puis par-delà les océans. Nous nous en remettons à des organismes de réglementation pour assurer la sécurité des Canadiens, mais il devrait en être autrement.

(1815)

C'est pour cette raison que mon collègue de Fraser Valley-Est a présenté ce projet de loi très sérieux et important afin de protéger les Canadiens et d'empêcher que des déchets de cette nature puissent entrer au Canada et être transportés en sol canadien, dans des villes et des municipalités où la population canadienne risque d'être exposée à ses effets mortels.

Nous sommes clairement en faveur du développement durable. Nous appuyons sans réserve les Canadiens qui mettent notre technologie à la disposition des moins fortunés d'autres régions du monde pour leur venir en aide, mais nous ne devons pas les laisser amener leurs problèmes en sol canadien.

Il est important de dissiper les mythes colportés par certains députés libéraux qui prétendent que nous sommes contre l'importation de matières nucléaires à des fins technologiques et médicales. Je demande au député de lire le projet de loi. Ce projet de loi traite des déchets et encore des déchets. Il traite des déchets nucléaires, pas des matières nucléaires qui sont effectivement utilisées dans l'industrie et en médecine.


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Il est important que nous placions ce projet de loi dans la bonne perspective, que nous examinions la complexité internationale de la chose et que nous nous demandions pourquoi le député a présenté ce projet de loi. Il y a plus de 413 réacteurs nucléaires dans le monde. Chacun d'eux produit des déchets nucléaires dont il est très difficile de se débarrasser. Nous avons nos propres problèmes lorsqu'il s'agit de nous débarrasser de nos propres déchets. Nous n'avons pas besoin d'amener au Canada les milliers de tonnes de combustible nucléaire et de matières nucléaires qui sont à la recherche d'un site d'enfouissement.

Nous devrions aussi examiner une autre question. J'étais à une réunion avec un certain nombre de scientifiques russes qui disaient qu'ils devaient mettre hors service plus de 100 sous-marins nucléaires au cours des prochaines années. Ce dont ils parlaient, c'était des matières radioactives dans ces sous-marins nucléaires. La réponse des Russes, jusqu'à maintenant, a été de tout déverser sur la péninsule de Kola ou dans le nord de la Russie.

Ce n'est pas un problème qui se passe de l'autre côté du monde et qui ne va pas nous toucher. C'est un problème qui nous touche de près. Pas besoin de chercher plus loin que notre population autochtone dans les Territoires du Nord-Ouest, l'Arctique et le Yukon. Le taux de malformations congénitales est beaucoup plus élevé à cause de la présence de ces matières nucléaires qui ont été répandues de façon négligente, irresponsable et même criminelle sur toute la péninsule de Kola en Russie.

C'est cela le problème. Il touche les Canadiens maintenant. Il faut être parfaitement clair là-dessus. Le gouvernement doit faire très attention à ce problème. Personne ne parle de ces autochtones dans le Nord qui souffrent réellement des effets de ces matières nucléaires.

Ce n'est pas quelque chose que le Canada doit prendre à la légère. De toute évidence, c'est un cas où nous pouvons adopter une position de leadership au sein dans la communauté internationale et présenter de bonnes idées qui pourront aider la population russe à s'attaquer au problème.

Ce n'est pas le seul problème, d'ailleurs. Nous avons beaucoup entendu parler de Tchernobyl. Nous avons beaucoup entendu parler des problèmes associés à cette catastrophe. Toutefois, le réacteur de Tchernobyl n'est qu'un des nombreux réacteurs de Russie en mauvais état. Il y en a des douzaines et des douzaines qui fuient, partout en Russie, et qui, un jour, dans un avenir très rapproché, entraîneront d'autres tchernobyls.

La communauté internationale n'a pas la capacité ni les fonds pour s'attaquer à ce problème qui provoquera une catastrophe semblable à celle de Tchernobyl. Il est extrêmement important que nous, en tant que pays, collaborions avec d'autres pays à la recherche de moyens pour s'occuper de ce problème de façon proactive, avant que ces réacteurs ne se mettent à fuir de partout, ce qui ne manquerait pas d'affecter les Canadiens. C'est aussi simple que cela.

Ce problème, les fuites de matières nucléaires qui se produisent à l'autre bout du monde, nous touche assurément. Selon les ministériels, il n'y a pas lieu de nous inquiéter des déchets nucléaires importés au Canada, car il ne s'est encore jamais produit un incident de ce genre. Il n'est reste pas moins que des organisations internationales ont effectué des études qui ont révélé que le Canada était un lieu idéal pour y déposer des déchets nucléaires. Seulement en Ontario, on a relevé 1 300 sites d'enfouissement possibles dans le Bouclier canadien.

(1820)

En théorie, il s'agit de creuser un trou d'un demi-kilomètre de profondeur dans le Bouclier canadien et d'y déposer les déchets nucléaires. On ne s'est pas préoccupé des tremblements de terre et des écoulements souterrains éventuels. Et c'est sans parler des effets des matières nucléaires dont certains peuvent persister des dizaines de milliers d'années. Elles tuent. Elles sont carcinogènes. Elles sont mutagènes et tératogènes. Elles entraînent de terribles malformations chez les enfants. Et cette réalité est tout à fait d'actualité.

Il y des gens qui pensent sérieusement que le Canada, notamment le Bouclier canadien, est l'endroit idéal pour y enfouir les déchets des autres pays.

En terminant, je tiens à exprimer mon appui au projet de loi C-236 présenté par mon collègue de Fraser Valley-Est. J'invite tous les députés à y souscrire par égard pour la santé et le bien-être de tous les Canadiens.

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui pour parler du projet de loi C-236 qui a des retombées internationales importantes. Il me semble que le Canada a un rôle important à jouer pour renforcer la coopération internationale en ce qui concerne l'élimination sécuritaire des déchets radioactifs. Or, l'adoption de ce projet de loi réduirait ce rôle.

On utilise l'énergie nucléaire à de nombreuses fins pacifiques, comme les traitements médicaux et la production d'électricité, par exemple. Ainsi, tous les pays doivent bien gérer les déchets radioactifs qui en découlent aux niveaux national et international.

Il me semble que toute cette question est un bon exemple de la façon dont nous sommes bien devenus un village global. Nous savons, par exemple, que les questions environnementales, comme la pollution et les retombées radioactives comme dans le cas de la catastrophe de Tchernobyl, n'ont pas de frontières. Les questions de pollution atmosphérique non plus. Nous ne pouvons élever des murs pour empêcher l'entrée de ce type de pollution dans notre pays.

Ainsi, nous devons nous intéresser à la question et ne pas la considérer simplement d'un point de vue national. Nous devons regarder les choses au-delà de nos frontières et comprendre que nous sommes les citoyens responsables d'un village global et qu'il nous incombe donc d'examiner cette question de ce point de vue-là.

Le Canada est le principal fournisseur mondial de radio-isotopes pour le traitement du cancer. Les radio-isotopes ont également d'autres usages industriels. On s'en sert, par exemple, pour vérifier les fuites dans les égouts et d'autres types de conduites. Ils servent


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également pour stériliser les aliments. Les députés ont peut-être déjà entendu parler des aliments irradiés.

Nous devons assumer notre responsabilité en ce qui concerne l'élimination sécuritaire de ces isotopes que nous exploitons. Comment pouvons-nous faire cela si nous refusons de les reprendre au Canada?

Le dernier député à intervenir a laissé entendre que nous abordions le problème de la mauvaise façon. Cependant, je me rappelle que le député de Esquimalt-Juan de Fuca a dit, il y a moins d'une heure, que nous ne devrions pas laisser les décisions touchant les technologies modernes aux bureaucrates du ministère de la Santé. Or, aux termes de ce projet de loi, on laisserait le soin à la commission de contrôle de l'énergie atomique de déterminer ce qu'on entend par des déchets et de décider quels types de déchets pourront ou non entrer au Canada. Il est étrange de constater que, d'une part, le député ne veut pas laisser les décisions entre les mains des bureaucrates et que, d'autre part, c'est exactement ce qu'il fait. Il semble y avoir une contradiction.

Le Canada joue un rôle de chef de file dans la technologie touchant l'élimination de ce type de déchets. À long terme, il vaut mieux pour nous de savoir où aboutissent les déchets qui viennent de produits fabriqués au Canada et exportés, car nous avons un intérêt dans la question. Où qu'ils aboutissent dans le monde, cela risque de nous hanter plus tard.

En fait, la gestion des déchets radioactifs est maintenant réglementée dans la plupart des pays. L'approche du Canada en matière de sécurité dépasse généralement les normes internationales. Soit dit en passant, il est important de noter que le Canada ne prévoit pas importer ou exporter des déchets de combustible nucléaire. Selon nous, ce n'est pas vraiment ce dont on parle. Cependant, si les objectifs du projet de loi avaient été plus clairs, nous n'aurions peut-être pas ce problème. On parle simplement de déchets radioactifs et on ne précise pas s'il s'agit de déchets de combustible nucléaire, de radio-isotopes ou d'autres types de produits.

Quoi qu'il en soit, certains pays moins développés craignent que des pays industrialisés ne soient tentés de se débarrasser de leurs déchets en les envoyant dans les pays en développement. Je comprends pourquoi ces pays craignent cette possibilité. Ils ont interdit l'importation de déchets radioactifs. Toutefois, la plupart des pays développés ne l'ont pas interdite. Par contre, ils croient posséder des compétences considérables dans le domaine et ils aident à prévenir les risques indus à la santé et à l'environnement en éliminant correctement ces produits. Ils considèrent aussi que cette pratique est compatible avec des activités de développement durable.

(1825)

Au milieu des années 1970, la crainte a augmenté dans le monde entier à l'égard des déplacements transfrontaliers des déchets en général. La principale inquiétude était alors que les déchets nucléaires et radioactifs puissent être exportés des pays industrialisés vers des endroits où il n'y avait aucune compétence légale, administrative, réglementaire, financière ou technique. En réalité, les déchets auraient pu être expédiés dans des pays moins développés, causant ainsi de graves problèmes.

Les pays membres de l'OCDE s'inquiètent également du contrôle des déplacements transfrontaliers des déchets dangereux, depuis le début des années 1980. Cette crainte a été à l'origine de la Convention mondiale sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination. Cette importante convention signée à Bâle, en Suisse, le 22 mars 1989, dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l'environnement, est entrée en vigueur le 5 mai 1992. Le Canada est partie à cette convention.

Aux termes de l'obligation générale de la convention, chaque partie interdit l'importation de déchets dangereux, si elle a des motifs de croire que ces déchets ne seront pas l'objet d'une gestion sans risque pour l'environnement. De plus, la convention autorise l'exportation de déchets, si le pays exportateur ne possède pas les installations appropriées pour éliminer ces déchets et si ces déchets sont nécessaires en tant que matières premières aux fins des industries de recyclage ou de récupération dans le pays importateur.

Les pays en développement ont aussi établi leurs propres conventions, car elles ont reconnu qu'elles étaient particulièrement vulnérables parce qu'elles ne possédaient pas des installations appropriées pour gérer les déchets radioactifs. Par exemple, une convention, qui interdit l'importation de déchets dangereux et les déplacements transfrontaliers de déchets dangereux en Afrique, a été adoptée à Bamako, au Mali, le 30 janvier 1991. Même si la convention interdit l'importation de déchets par des pays africains, elle autorise l'exportation de ces déchets lorsqu'un pays ne possède pas les installations appropriées pour leur élimination.

Les États reconnaissent en général que la pratique d'importer ou d'exporter des déchets n'est pas en elle-même nuisible, mais qu'elle doit être assortie de conditions.

Premièrement, il faut en aviser tous les pays intéressés, et obtenir leur approbation. Les gouvernements doivent respecter le droit des autres gouvernements de décider s'ils veulent fournir des aires d'élimination de déchets radioactifs provenant d'autres pays.

Deuxièmement, tous les pays intéressés doivent assurer une bonne gestion des déchets. Un pays songeant à exporter ses déchets devrait d'abord s'assurer que les normes de protection pour les travailleurs, le public et l'environnement dans le pays importateur sont au moins équivalentes à celles qui sont observées à l'intérieur de ses propres frontières.

Au fil des années, des principes généraux ont été élaborés à l'échelle internationale concernant l'importation et l'exportation de déchets dangereux ou radioactifs. En voici quelques uns. Si possible, les déchets devraient être traités dans le pays qui les produit. Il peut exister de bonnes raisons écologiques ou socio-économiques pour exporter ou importer des déchets à diverses fins, comme le traitement, le stockage provisoire, le recyclage ou l'élimination définitive. Il est nécessaire de contrôler l'importation ou l'exportation des déchets, en fournissant des avis, en octroyant des licences et en veillant au respect de la réglementation.

5991

Un État peut exercer son droit souverain de permettre ou d'interdire les importations ou les exportations de déchets à l'intérieur de ses frontières. Un État désireux de participer au transport transfrontalier de déchets devrait avoir un organisme de réglementation et adopter les procédures appropriées, au besoin, pour la réglementation de ce transport. Nul État ne devrait permettre la réception de déchets à moins d'avoir la capacité administrative et technique et la structure réglementaire nécessaires pour gérer et éliminer ces déchets d'une manière compatible avec les normes de sécurité internationales.

(1830)

Enfin, l'objectif ultime demeure, comme il se doit, celui de réduire au minimum la production de toute forme de déchet, en tenant compte des considérations et problèmes sociaux, environnementaux, technologiques et économiques.

En ce qui concerne plus particulièrement la gestion sécuritaire des déchets radioactifs, l'Agence internationale de l'énergie atomique ou AIEA est reconnue comme étant le premier organisme international à fournir une expertise en la matière. Le Canada continue d'appuyer activement les efforts que l'AIEA déploie dans ce domaine. Voici des activités de l'AIEA qui concernent plus particulièrement l'importation de déchets.

En 1990, l'AIEA a établi un code de conduite pour le transport transfrontalier de déchets radioactifs. L'AIEA a élaboré des règlements sur le transport sécuritaire des matières radioactives, règlements que ses États membres sont tenus de respecter. L'expérience a démontré que ces règlements sont efficaces pour assurer un transport sécuritaire de telles matières. Les États membres élaborent actuellement une convention internationale sur la gestion sécuritaire des déchets radioactifs. L'AIEA a produit un document technique sur la nature et l'ampleur des sources de rayonnement épuisées qui posent des problèmes.

En septembre, l'AIEA a adopté une résolution selon laquelle, dans certaines circonstances, la gestion sécuritaire des déchets radioactifs peut être encouragée au moyen d'accords en vertu desquels les États membres pourraient délibérément convenir d'utiliser les installations servant à l'élimination de déchets à faible teneur radioactive d'un État, et ce, au profit d'autres États.

Depuis plus de 20 ans, des pays du monde entier cherchent avec diligence une solution qui permettrait de transporter les déchets chimiques et radioactifs conformément aux principes du développement durable. Nous devons certes demeurer vigilants, mais les progrès qui ont été accomplis et qui continuent d'être réalisés sur le plan international nous donnent tout lieu de penser que l'importation et l'exportation de déchets radioactifs peuvent se faire dans le contexte du développement durable, non seulement à un niveau régional, mais véritablement à l'échelle du village global.

Nous avons démontré que certains pays doivent exporter leurs déchets radioactifs qui sont issus d'activités essentielles au développement durable. Nous devons nous assurer qu'ils les exportent dans des pays ayant l'expertise voulue pour manipuler efficacement les déchets radioactifs. Le Canada peut être un de ces pays et il ne devrait pas tourner le dos aux autres qui sont dans le besoin.

J'exhorte les députés à ne pas appuyer le projet de loi à l'étude.

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-236, qui a été présenté par le député de Fraser Valley-Est. Le projet de loi a pour objet de prévenir l'importation de déchets radioactifs.

Dans le monde entier, on compte 413 réacteurs nucléaires commerciaux et une multitude de petits réacteurs de recherche dans les universités ainsi que de réacteurs à bord de navires et de sous-marins. Ensemble, ces réacteurs produisent d'énormes quantités de déchets hautement toxiques, qui resteront mortels pendant 10 000 ans.

Les Canadiens en général ne veulent pas de déchets radioactifs dans leur arrière-cour. Il a fallu huit ans et 20 millions de dollars au groupe de travail sur le choix des sites créé par le ministre des Ressources naturelles pour trouver un emplacement pour nos déchets de faible activité. À noter que cela ne s'applique pas aux déchets à activité élevée. La municipalité de Deep River a finalement accepté au mois de septembre, il y a un an, mais seulement deux municipalités de l'Ontario s'étaient portées volontaires pour envisager cette possibilité.

L'interdiction de produits radioactifs devrait aller de soi pour la plupart des gens. Je voudrais expliquer les raisons impératives pour lesquelles il faut adopter une loi qui établisse fermement ce principe.

Il doit être clair cependant que ce projet de loi n'interdirait pas l'importation, et j'espère que les gens d'en face écoutent, de plutonium des États-Unis et de têtes explosives de la Russie afin de les utiliser comme combustible dans les réacteurs CANDU. Ce n'est là qu'une des neuf solutions possibles envisagées par les Américains.

Le plan propose essentiellement que les grappes de combustible pour les CANDU soient fabriquées aux États-Unis et importées au Canada sous forme de combustible et non pas de déchets. Ce serait une bonne façon de contribuer au désarmement mondial, mais on s'attendrait que les Canadiens subventionnent le processus de transformation. Je m'oppose à ce que le gouvernement du Canada subventionne de quelque façon que ce soit un processus de ce genre.

(1835)

Si nous y participions, cela devrait se faire sur une base commerciale et probablement avec l'aide d'Énergie atomique du Canada limitée. En tant que société d'État liée de près au gouvernement fédéral, l'ÉACL pourrait avoir comme rôle de payer, c'est-à-dire subventionner le rééquipement d'installations comme le vieux réacteur de Bruce, qui pourrait alors brûler le plutonium.

Il va de soi que tout soutien devrait prendre la forme d'un contrôle du processus de réglementation de la part du gouvernement canadien, sans apport financier. Chose sûre, ça ne devrait pas être aux Canadiens de payer pour transformer les épées des Américains et des Russes en charrues. Soit, nous pouvons utiliser nos outils pour jouer au forgeron des puissances militaires du monde, mais ce n'est pas à nous de payer les matières premières.

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Il y a un prix à payer pour le Canada du point de vue environnemental. Le ministère des Ressources naturelles nous dit que les États-Unis songent à se débarrasser de 50 tonnes de plutonium au cours des 25 prochaines années. Nous nous attendons à ce que la Russie nous en envoie aussi 50 tonnes d'ici 25 ans. En tout, ce sont 100 tonnes de plutonium qui seront générées par suite du démantèlement des 40 000 ogives nucléaires existantes.

Pour la comparaison, il y actuellement 22 000 tonnes de déchets hautement radioactifs enfouis au Canada en provenance de plus de 22 réacteurs nucléaires. Là-dessus, il y a 78 tonnes de plutonium. D'ici l'an 2025, cela fera 58 000 tonnes de déchets, dont 200 tonnes de plutonium.

Le prix à payer pour le Canada, c'est que la quantité de déchets nucléaires enfouis dans notre pays augmentera du tiers. Cette décision gouvernementale devra viser à assurer un équilibre entre la sécurité environnementale des citoyens canadiens et la probabilité que le plutonium présent dans les ogives nucléaires serve à des fins plus dommageables. Quand les Canadiens sauront ce qu'il en est de cette affaire sur le plutonium, ils voudront peut-être y penser à deux fois avant de l'avaliser. De toute façon, le projet de loi C-236 n'aborde pas cet aspect du dossier.

Pour revenir à l'objectif du projet de loi présenté par mon collègue, interrogeons-nous sur la nécessité d'avoir une loi concernant l'importation des déchets nucléaires. C'est uniquement en raison des dividendes que l'on peut retirer de l'enfouissement des déchets hautement radioactifs. Voilà tout.

Il y des groupes qui voudraient importer ces déchets pour faire de l'argent. À eux seuls, les États-Unis sont confrontés à un énorme problème lié aux déchets hautement radioactifs. C'est pourquoi il y a d'énormes profits à réaliser dans ce domaine.

Le site américain de Hanford, à 300 kilomètres au sud de la frontière de la Colombie-Britannique, contient suffisamment de déchets pour en remplir 86 terrains de base-ball jusqu'à un mètre d'épaisseur. On estime que les coûts de nettoyage aux États-Unis seulement atteindraient la somme formidable de 230 milliards de dollars.

Le problème s'aggrave sans cesse. Les Américains ont 77 000 tonnes de déchets à enfouir. Quelqu'un cherchera probablement à tirer profit de cela. Prenons un exemple. Le Conseil tribal de Meadow Lake, qui représente 9 localités indiennes du nord de la Saskatchewan, a fait savoir, le 25 février 1995, qu'il examinait une offre d'achat de terres. Cela montre toute l'ampleur du problème.

Je vais abréger, quoique si j'aie encore beaucoup de choses à dire. Même la loi Nisga'a, qui est à l'étude en Colombie-Britannique, peut avoir une incidence là-dessus.

En conclusion, le projet de loi C-236 offre au Canada une occasion en or d'envoyer un message décourageant aux États-Unis et aux groupes avides de profits qui, à l'intérieur de nos frontières, pourraient miser sur l'absence de dispositions législatives pour profiter de l'importation de déchets radioactifs. Il offre au gouvernement l'occasion de respecter le souhait de la majorité des Canadiens qui s'opposent à l'importation de déchets radioactifs dangereux.

Le vice-président: Le temps prévu pour l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulé. L'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

[Français]

Comme il est 18 h 40, la Chambre ajourne jusqu'à demain, à10 heures, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 40.)