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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 novembre 1998

• 1100

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia)): Nous allons reprendre notre réunion. Cette fois-ci, nous n'avons qu'un seul groupe invité, il s'agit de la Commission canadienne du blé.

• 1105

L'exposé de la Commission sera plus long que d'habitude. J'ai parlé aux représentants de la Commission au moment où nous organisions cette séance, et ils m'ont dit qu'ils avaient besoin d'environ une demi-heure pour faire leur exposé et nous permettre de bien comprendre. Évidemment, nous avons jusqu'à 13 heures.

Nous allons écouter avec beaucoup d'intérêt l'exposé de la Commission canadienne du blé, représentée aujourd'hui par Lorne Hehn, commissaire en chef—tout le monde connaît Lorne—Larry Sawatzky, analyste du marché des grains, en enfin, Peter Watts, autre analyste de marché qui fait partie du groupe des analystes. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Nous allons vous écouter avec le plus grand intérêt, et je suis certain que les membres du comité auront ensuite des questions à vous poser. Merci. Allez-y.

M. Lorne Hehn (commissaire en chef, Commission canadienne du blé): Bonjour, monsieur le président, membres du comité. Effectivement, c'est un plaisir pour moi de vous rencontrer encore une fois. Ce matin, nous allons tenter de répondre à certaines questions que j'ai entendues à la fin de la dernière séance. Nous allons essayer de vous donner une idée de la position qui sera celle de nos négociateurs et également des défis que nous allons devoir relever au début de 1999, lorsque les ministres et les négociateurs se rencontreront pour la première fois sur la scène internationale depuis la signature de l'Accord sur l'Organisation mondiale du commerce.

Monsieur le président, vous avez déjà présenté mon équipe. Il y a trois semaines, le ministre et nos dirigeants agricoles se sont rencontrés, et nous avons annoncé les recettes de vente des céréales de la Commission canadienne du blé pour les deux dernières années. Nous avons également donné nos projections pour 1998-1999. Je vais répéter ces chiffres car ils donnent une idée de la gravité du problème auquel nous nous heurtons actuellement.

Nous avons maintenant procédé à la clôture des comptes des quatre pools et la vérification sera terminée dans le courant de ce mois-ci. Si on compare les projections pour 1998-1999 en ce qui concerne le volume total des ventes des quatre pools que nous administrons, on constate une réduction de 35 p. 100 du volume des ventes par rapport à 1996-1997, et en ce qui concerne les recettes tirées des ventes, une réduction de 43 p. 100 par rapport à 1996- 1997. En 1996-1997, nous avons mis en marché 28,5 millions de tonnes et le total des recettes de ces ventes s'est élevé à 6,1 milliards de dollars.

En 1998-1999, l'année de ventes en cours, nous projetons un volume de ventes de 18,3 millions de tonnes et des recettes tirées des ventes de tout juste 3,5 milliards de dollars. Cela pourrait être légèrement plus élevé car depuis trois ou quatre semaines, le marché était légèrement en hausse, mais de toutes façons, c'est certainement de l'ordre de 3,5 à 3,6 milliards de dollars.

Ce matin, nous aimerions vous dire comment nous expliquons une baisse aussi vertigineuse du volume de production—et j'insiste sur le fait qu'il s'agit du volume de production—et des recettes de ces ventes, et en discuter avec vous. Nous essaierons de montrer pourquoi la production a baissé aussi rapidement au Canada et pourquoi les prix ont baissé si rapidement en l'espace de deux ans, et également, pourquoi les agriculteurs canadiens sont à ce point pénalisés pour avoir pris des décisions que j'appellerais justifiées en ce qui concerne la mise en marché. Quand je dis justifiées, c'est en tenant compte des principes fondamentaux de l'offre et de la demande.

La demande mondiale pour le blé est restée relativement constante depuis 1993-1994, et pourtant, la production de l'Union européenne a considérablement augmenté, ce qui n'a pas été le cas ici, au Canada. À mon avis, les décisions des agriculteurs européens n'ont rien eu à voir avec les conditions du marché, et ont été motivées par les programmes de soutien très généreux que les gouvernements de ces 15 pays leur accordent.

Ce sont des problèmes qu'on pouvait prévoir depuis un certain temps, et l'hiver dernier, nous en avons parlé à toutes nos réunions de district, prévoyant que la production de l'Union européenne aurait un impact très grave sur les décisions relatives à la production au Canada et sur les prix.

Il y a lieu de se demander pourquoi la production de blé de l'Union européenne est passée de 84 millions de tonnes à 103 millions de tonnes depuis 1993-94, alors que la demande mondiale est restée relativement constante. Nous ne prévoyons pas que la situation s'améliore en Europe en 1999. Pour l'instant, nous pensons que ces pays produiront de 95 à 96 millions de tonnes, c'est-à-dire la troisième récolte la plus élevée de leur histoire.

• 1110

D'un autre côté, la récolte au Canada a chuté, passant de 27 millions de tonnes en 1993 à 23 millions de tonnes, ce qui comprend le blé durum. Le blé durum a un marché différent de celui du blé de mouture. Si je vous donnais les chiffres exclusivement pour le blé de mouture, la baisse serait encore plus vertigineuse.

Les emblavures européennes—les surfaces cultivées en blé—ont augmenté de 15 p. 100 depuis 1993-94. L'année dernière, elles ont atteint un record. Par contre, les emblavures des agriculteurs canadiens n'ont jamais été aussi limitées depuis 19 ans. De toute évidence, ce sont des considérations particulièrement importantes et particulièrement graves qui motivent ce genre de décisions.

Peter va passer en revue une série de programmes nationaux et de programmes d'exportation que je qualifierais d'assez complexes. C'est une situation qui est difficile à comprendre au premier abord. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé un peu plus de temps à votre président.

Comme nous le savons tous, les agriculteurs européens ne sont pas les seuls à recevoir de l'aide gouvernementale. Les agriculteurs américains continuent à profiter de deux programmes bien distincts de soutien gouvernemental. Pour compléter ces deux programmes, le président Clinton vient d'annoncer un programme très généreux d'aide aux sinistrés. Larry Sawatzky va vous parler de ces trois programmes, de la façon dont ils ont été appliqués l'année dernière et de ce que cela signifie pour nous.

Bien sûr, d'autres facteurs influencent les prix mondiaux et les principaux fondements de l'offre et de la demande, et nous ne voulons pas les minimiser, mais contrairement à la crise économique en Asie, ces programmes d'aide sont des choses prévisibles, mesurables. Il aurait été difficile de prévoir la crise en Asie, mais maintenant qu'elle s'est produite, nous pouvons probablement prévoir certaines tendances sur ce qui va se passer. Les cours des changes ont certes été favorables à l'exportation, mais par contre, ils font augmenter bien des coûts de production des agriculteurs lorsqu'ils achètent des produits en dollars américains.

La situation en Europe de l'Est a des répercussions qui ont tout lieu de nous inquiéter tous. En effet, les États-Unis fournissent de grosses quantités de blé au titre de l'aide alimentaire, et pourtant, certains pays de l'ancienne union soviétique exportent pour obtenir les monnaies étrangères dont ils ont besoin. Nous pouvons donc parler de ces aspects-là, mais j'aimerais mieux que nous nous en tenions aux aspects fondamentaux du problème, c'est-à-dire les causes de notre situation actuelle et ce que nous pouvons faire pour en sortir.

Sans plus attendre, je vais demander à Larry Sawatzky de vous parler de la situation aux États-Unis, après quoi Peter vous parlera de la situation dans l'Union européenne. Ensuite, nous pourrons discuter ensemble de toutes ces questions et aborder d'autres sujets si les membres du comité le souhaitent.

M. Larry Sawatzky (analyste du marché, Groupe des analystes du marché, Commission canadienne du blé): Merci, Lorne. C'est un plaisir de pouvoir nous entretenir avec les membres du comité ce matin. Si vous le souhaitez, vous pouvez vous référer aux tables sur les programmes américains que mon exposé suivra d'assez près.

Ce matin, on a parlé plusieurs fois de la nécessité de mettre tous les joueurs sur un pied d'égalité dans le secteur agricole. Je vais donc discuter des programmes américains d'aide aux agriculteurs. Cela prouvera amplement que tous les joueurs ne sont pas sur un pied d'égalité. Il y a plusieurs programmes de subventions aux États-Unis, je parlerais surtout des deux principaux d'entre eux: Les prêts d'aide à la mise en marché et les paiements compensatoires d'une part et d'autre part, les paiements annuels de flexibilité à la production.

Chaque année, le ministère américain de l'agriculture fixe un taux de prêt national pour divers produits de base, à un taux qui correspond au prix auquel le producteur sera autorisé à obtenir un prêt garanti par le gouvernement. Ce taux national pour le blé a été fixé à 2,58 $ américains le boisseau, c'est-à-dire un prêt de 4 $ canadiens le boisseau. Aux termes de ces prêts, les producteurs ont le choix de rembourser le prêt ou bien de remettre leur grain à titre de remboursement au gouvernement.

La loi américaine de 1996 a sensiblement modifié ces dispositions. Aux termes du prêt préalablement applicable, le producteur devait rembourser l'emprunt au taux de l'emprunt. C'est la différence clé entre le programme de prêts actuel et l'ancien programme. Avec l'ancien programme, lorsque le taux au comptant tombait en dessous du taux de prêt, l'agriculteur cédait tout simplement son grain au gouvernement. En effet, s'il choisissait de rembourser le prêt au taux plus élevé et de vendre son grain lui-même au comptant, et à un prix inférieur, il y perdait. Cet ancien programme assurait aux producteurs américains un prix minimum, et de la même façon, fixait un prix minimum pour les transactions au comptant et à terme. En effet, chaque fois que le prix au comptant chutait en dessous du taux de prêt, le grain disparaissait du marché pour aller approvisionner les réserves du gouvernement.

• 1115

En 1996, la loi a été changée et si le prix au comptant chute en dessous du taux d'emprunt, le producteur peut rembourser l'emprunt à la valeur inférieure du prix au comptant. Le prix au comptant est aligné sur le prix officiel de l'USDA pour le comté. Le producteur, par conséquent rembourse le prêt à un prix moins élevé et reste libre de revendre son grain au comptant ou bien de le mettre en silo. Dès que le «prix officiel du comté» tombe en dessous du prix de l'emprunt, le producteur peut tout simplement faire une croix sur son emprunt et toucher un paiement correspondant à la différence.

C'est en fait la formule pour laquelle optent la plupart des producteurs américains, celle du versement compensatoire. Jusqu'à présent cette année, il y a donc eu des versements compensatoires sur environ 35 millions de tonnes de blé américain, c'est-à-dire un peu plus de 50 p. 100 de la récolte. Le paiement compensatoire moyen pour le blé a été d'environ 27c. le boisseau américain, ou de 44c. le boisseau canadien.

M. Lorne Hehn: Permettez-moi de vous interrompre; j'espère que vous avez tous compris la différence que cela fait pour le taux de prêt. En effet, l'ancien taux de prêt offrait un prix minimum pour les marchés au comptant et à terme et offrait en fait un prix minimum mondial pour ce type de blé. Le nouveau taux de prêt n'offre plus ce prix minimum pour les marchés au comptant et à terme, ni pour le marché mondial, mais par contre, il donne aux producteurs américains un prix minimum. Autrement dit, le producteur américain peut maintenant se débarrasser de son grain, le vendre à une valeur inférieure au taux de prêt, et de son côté, l'exportateur peut l'acheter à une valeur inférieure au taux de prêt et l'expédier dans un autre pays. C'est une des raisons pour lesquelles on voit de tels écarts au PNW, des écarts qui n'existeraient pas si le taux de prêt était normal. C'est une des raisons pour lesquelles on voit de l'orge arriver au Canada, dans la zone d'élevage de Lethbridge.

M. Larry Sawatzky: Le programme de prêts actuellement en vigueur est conçu pour éliminer tout ce qui pourrait encourager les producteurs à remettre leur grain au gouvernement. Le programme offre toujours un prix minimum aux agriculteurs américains, mais il ne donne plus un prix minimum pour les prix au comptant ou à terme. En fait, il exerce des pressions supplémentaires sur les prix car les agriculteurs sont beaucoup plus enclins à vendre dans un marché à la baisse puisqu'ils reçoivent ces paiements compensatoires qui sont des subventions directes aux agriculteurs qui ne sont découplés ni des prix ni de la production. Les agriculteurs peuvent les recevoir sur la totalité de leur récolte. En fait, la loi sur les paiements compensatoires constitue une subvention à l'exportation puisque les exportateurs américains peuvent vendre leurs céréales à un prix inférieur à celui qu'ils versent aux producteurs.

Jusqu'à présent, les États-Unis ont versé environ 1,2 milliard de dollars américains, c'est-à-dire 1,8 milliard de dollars canadiens, au titre de ces paiements compensatoires. Sur cette somme, environ 367 millions de dollars américains ont été versés sur le blé.

Je passe maintenant au Programme de Production Flexible. Aux termes de la Loi agricole américaine de 1996, les producteurs qui avaient participé aux anciens programmes agricoles étaient autorisés à signer un contrat de Production Flexible de sept ans. Aux termes de ce contrat, les producteurs touchent un paiement annuel sur 85 p. 100 de la surface considérée en fonction des rendements déclarés dans le cadre de l'ancien programme. Ces paiements de Production Flexible remplacent l'ancien prix indicatif et l'ancien programme de paiement compensatoire qui étaient entièrement différents du programme de prêt. Ils remplacent donc le système de paiement compensatoire qui prévoyait des versements annuels fixes.

Pour 1998, le taux de paiement pour le blé dans le cadre du Programme de Production Flexible a été fixé à 66c. américains le boisseau, c'est-à-dire 1 $ canadien le boisseau. Les agriculteurs reçoivent donc 1 $ le boisseau sur 85 p. 100 des emblavures qu'ils cultivaient jadis, et cela, quel que soit le prix du marché, donc, aussi élevés ou aussi bas que soient les prix. Ces versements étant découplés à la fois des marchés et des prix, ils bénéficient de l'exemption «boîte verte» de l'OMC et par conséquent, ils échappent aux engagements à réduire les subventions.

• 1120

Jusqu'à présent pour l'année de mise en marché 1998, ces versements de Production Flexible se sont élevés à 5,8 milliards de dollars américains, c'est-à-dire près de 9 milliards de dollars canadiens, et sur cette somme, environ 1,5 milliard de dollars américains ont été versés au titre du blé.

L'une des principales modifications à Loi agricole de 1993 a été d'accorder aux producteurs l'entière flexibilité quant à leurs emblavures. Aux termes de l'ancien programme, les producteurs étaient tenus de maintenir un certain pourcentage dans chacune des récoltes de façon à avoir droit à un versement. Cette mesure encourageait les agriculteurs à être plus sensibles aux conditions du marché qu'aux programmes du gouvernement, elle était certainement positive, mais en même temps, elle éliminait le programme de reconversion annuelle volontaire et les dispositions qui obligeaient les agriculteurs à réserver un certain pourcentage de leurs emblavures à certains types de culture pour tenir compte des conditions du marché. Ces programmes-là ont eu tendance à minimiser l'impact des programmes de soutien sur le plan de la production.

Bref, la production totale américaine de céréales et d'oléagineux a augmenté, et les subventions ont artificiellement encouragé les agriculteurs américains à surproduire pendant une période de production excédentaire et de prix à la baisse.

Pour résumer, le total des dépenses aux termes du Programme de Production Flexible s'élève à environ 5,8 milliards de dollars américains. En ce qui concerne les versements compensatoires, j'estime que les États-Unis ont versé environ 3,7 milliards de dollars et qu'ils ont également dépensé environ 500 milliards de dollars américains dans le cadre des programmes d'aide alimentaire. D'autre part, en octobre le président Clinton a bien sûr signé une initiative de dépenses supplémentaires qui équivaut à environ 6 milliards de dollars américains. Il s'agit en partie d'un programme d'aide d'urgence à la suite de sécheresse ou d'inondations, mais il s'agit surtout de versements directs aux agriculteurs pour «pertes de marché».

J'ai calculé que cette année les agriculteurs américains recevront des subventions directes d'environ 16 milliards de dollars américains, c'est-à-dire 24,5 milliards de dollars canadiens. Sur cette somme, environ 4,5 milliards de dollars américains sont réservés aux subventions pour le blé. Autrement dit, si vous considérez la production américaine de blé cette année, vous voyez que les producteurs américains ont touché environ 1,75 $ américain (environ 2,60 $ canadiens) par boisseau de blé produit cette année.

Ce qui est important ici, c'est que ces programmes de subventions mettent les agriculteurs des pays qui n'ont pas de tels programmes de subventions en position d'infériorité.

M. Lorne Hehn: Voilà pour la situation américaine.

Le président: Lorne, je me permets de vous interrompre. Monsieur Sawatzky, monsieur Hehn, tous ces programmes dont vous venez de nous parler, respectent-ils les engagements pris par les États-Unis sur le plan du commerce international?

M. Lorne Hehn: Dans son exposé, je crois que Peter va vous expliquer qu'ils ont une marge de manoeuvre car en 1995 et 1996 ils s'étaient constitué une réserve qu'ils peuvent maintenant invoquer pour 1998 et 1999. Cela dit, au cours de la sixième année, il faut qu'ils reviennent à 14 millions de tonnes en Europe, il faut qu'ils atteignent une réduction de 35 p. 100 des dépenses et de 21 p. 100 du volume.

M. Peter Watts (analyste de marché, Groupe des analystes de marché, Commission canadienne du blé): Si vous le permettez, à propos de votre question, les subventions américaines sont conformes aux engagements pris au sein de l'OMC dans la mesure où l'on considère qu'ils sont découplés. Larry vous a parlé de la «boîte verte»—je reviendrai moi-même sur ce point—mais il n'y a pas seulement la boîte verte, il y a également l'abominable boîte bleue, soit les paiements qu'on dit découplés et qui ont été autorisés sans engagement de réduction. La plupart des ces programmes américains relèvent soit des paiements découplés de la boîte bleue, soit tout simplement des paiements de la boîte verte, qui sont autorisés.

Le président: Excusez-moi de vous avoir interrompu. Nous écoutons votre exposé.

M. Lorne Hehn: C'était une bonne question. Pour l'instant on considère qu'ils appartiennent à la boîte verte, mais même si nous pouvions prouver qu'ils sont jaunes ou rouges, ils seraient toujours dans la marge autorisée.

M. Peter Watts: Bonjour. Pour ma part, je vais discuter de la situation dans l'Union européenne, et tout comme Larry, je vais parler de l'égalité des joueurs car, une fois de plus, la production agricole européenne est lourdement subventionnée, comme nous le savons tous. Si vous pensez que les programmes américains sont compliqués, attendez de voir les programmes européens.

• 1125

Je vais vous demander à tous de suivre dans le document intitulé «Tables—Union européenne» que nous avons distribué et qui illustre certains éléments de mon exposé.

À la page 1, vous trouverez la production et les réserves de blé dans l'U.E. C'est la production de blé dans l'Union européenne de 1992-1993 jusqu'à l'année en cours, 1998. Comme vous le voyez, la production de blé a augmenté considérablement en 1996-1997, et c'est un niveau qui s'est maintenu.

En ce qui concerne la production de blé, à l'heure actuelle, en 1998-1999, nous sommes à 15 p. 100, c'est-à-dire 13 ou 14 millions de tonnes, au-dessus de la moyenne quinquennale. C'est 103 millions de tonnes, plus d'un sixième de la production mondiale de blé, et cela pour une année où les prix sont extrêmement bas.

Comme vous pouvez le voir, la production de blé a connu une augmentation constante, et je parlerai également des réserves. Sur le graphique, vous voyez une ligne qui traverse les colonnes et qui redescend vers la droite. Elle représente le pourcentage des réserves. Ce sont les réserves obligatoires fixées par l'Union européenne qui sont de 15 p. 100 depuis la réforme de leur PAC en 1993-1994. Ce taux a chuté à 5 p. 10 pour l'année de récolte 1997- 1998, ce qui a contribué à l'augmentation de la production. Il y a tout lieu de se demander pourquoi ils ont jugé bon d'abaisser ce taux à 5 p. 100 et de le garder à ce niveau-là, ce qui a provoqué, une fois de plus, une production incontrôlée.

Soit dit en passant, la réserve a remonté à 10 p. 100 pour cette année. Pour toutes les céréales, la réserve obligatoire a été fixée à 10 p. 100

Si vous tournez la page, vous verrez une comparaison avec la production de blé canadienne sur une période de plusieurs années. Comme vous pouvez le voir, les producteurs canadiens de blé produisent moins lorsque les prix baissent: en 1998-1999, 23,3 millions de tonnes. Autrement dit, une baisse de près de 30 millions de tonnes par rapport à deux années plus tôt. De toute évidence, lorsque les prix baissent, les producteurs canadiens réagissent en réduisant les emblavures et la production. C'est une comparaison qui est intéressante quand on considère la production de blé dans l'Union européenne.

Nous passons maintenant aux subventions versées dans l'Union européenne. À la troisième page, vous trouverez les paiements directs aux producteurs de grain de l'U.E., et plus précisément deux exemples de subvention directe versée aux producteurs européens. Pour le blé, les versements à l'hectare correspondent à 430 $ canadiens l'hectare (175 $ canadiens l'acre) et cela, simplement pour avoir ensemencé. Ensuite, les agriculteurs peuvent vendre leur grain sur le marché. Dans le cas du blé dur, les versements sont très élevés puisque, comme vous le voyez, les producteurs touchent presque 1 000 $ canadiens l'hectare, simplement pour avoir ensemencé en blé dur. Ils peuvent ensuite vendre leur blé sur le marché. Autrement dit, les pays de l'Union européenne subventionnent très lourdement, et comme je l'ai dit, il s'agit de versements directs à l'hectare.

Si vous passez à la page suivante, vous verrez le prix d'intervention au sein de l'UE. Il s'agit en fait du prix-seuil pratiqué dans l'Union européenne. Ils sont payés selon leur zone, puis ils peuvent vendre leur blé au gouvernement lorsque les prix au comptant sont bas, si le marché est déprimé. On leur donne un minimum de 205 $ canadiens la tonne pour leur blé, orge, seigle, sorgho, blé dur, etc. Non seulement touchent-ils les paiements de soutien directs qui correspondent à leur zone, mais on leur garantit en plus 205 $ canadiens la tonne pour leur production.

Maintenant, si vous passez à la page suivante, vous verrez à quel point l'augmentation de la production a fait augmenter les stocks de blé de l'Union européenne depuis trois ans. Sur ce tableau, vous voyez la part du gouvernement et la part du marché. Pour 1998-1999, on s'attend à des ventes d'environ 18 millions de tonnes de blé de l'Union européenne, c'est-à-dire environ 40 p. 100 de plus qu'en 1995-1996, alors qu'il s'agissait d'un peu plus de 10 millions de tonnes. Cela dit, comme vous le voyez en gris pâle en bas de la page, une bonne proportion de ce blé appartient en fait au gouvernement et va devoir être vendue un jour ou l'autre sur le marché international. Ces stocks considérables vont engorger le marché mondial au cours des deux prochaines années.

À la page suivante, vous avez le même graphique pour l'orge. Là encore, une grosse augmentation des stocks et, encore une fois, une bonne proportion de ces stocks sont aux mains du gouvernement et vont arriver sur le marché international au cours des deux prochaines années.

• 1130

M. Lorne Hehn: Monsieur le président, membres du comité, sur ce graphique, vous voyez que la situation pour l'orge est encore plus grave qu'elle ne l'était au plus fort de la guerre commerciale du début des années 90. C'est évident dans le graphique.

L'Union européenne a des stocks d'intervention énormes et va devoir s'en débarrasser avant l'année magique 2000-2001, date à laquelle elle sera forcée de redescendre à 14 millions de tonnes pour le blé et une certaine quantité pour l'orge. À cause de la situation actuelle en ce qui concerne l'orge, on peut s'attendre au cours des deux prochaines années à un véritable bain de sang. À l'heure actuelle, la subvention versée pour l'orge équivaut plus ou moins au prix mondial de l'orge.

M. Peter Watts: Nous allons arriver à cela dans un instant. Si vous passez à la page suivante, vous voyez que les subventions européennes pour le blé sont aujourd'hui inférieures à ce qu'elles étaient au début des années 90. Toutefois, ce qui est important c'est que les stocks des pays de l'Union européenne sont tels qu'ils vont être forcés de vendre ce grain sur le marché international.

Vous voyez qu'au cours des années, les subventions européennes ont diminué chaque fois que les prix étaient très élevés, mais aujourd'hui, elles remontent à nouveau. Vous voyez que la subvention sur le blé se situe à environ 40 $ américains la tonne, ou peut-être un peu moins à l'heure actuelle, de l'ordre de 35 à 45 $ canadiens la tonne. Cela change d'une semaine à l'autre, mais comme vous le voyez, une fois de plus la tendance est à la hausse. La subvention a augmenté au fur et à mesure que les prix baissaient l'année dernière. En Europe, on recommence donc à jouer le jeu des subventions.

Je vous demande de tourner encore une fois la page, et voici un tableau qui est particulièrement critique pour l'année en cours. Il s'agit des subventions à l'exportation de l'Union européenne pour le malt. Comme vous le voyez, pour 1998-1999, l'année en cours, les subventions à l'exportation pour le malt sont d'environ 140 $ canadiens la tonne. Cela dit, le malt se vend actuellement aux alentours de 280-300 $ canadiens la tonne. Autrement dit, près de 50 p. 100 de la valeur du malt est subventionnée pour l'exportation. Cela a donc pour l'année en cours un impact considérable sur le prix du malt et sur le prix de l'orge de brasserie.

M. Lorne Hehn: Encore une fois, Peter, je suis obligé de vous interrompre, car il a été beaucoup question de la valeur ajoutée au cours de la discussion précédente. Nous convenons tout à fait qu'il nous faut essayer d'augmenter la valeur ajoutée.

Dans le secteur agricole canadien, c'est l'orge de brasserie qui constitue le succès le plus spectaculaire sur le plan de la valeur ajoutée. Les deux tiers de l'orge maltée au Canada sont exportés et seulement un tiers sert à la fabrication de la bière ici.

Sur le plan concurrentiel, c'est l'Union européenne qui est le plus gros exportateur d'orge maltée du monde. Au Japon et dans les pays d'Amérique latine, nous concurrençons directement les pays européens. Nous devons affronter leur concurrence également dans des pays comme la Chine qui importent de l'orge en vrac.

La situation est très grave du point de vue des usines de maltage. Ne vous étonnez pas si l'année prochaine certaines usines de maltage doivent fermer leurs portes. L'Australie envisage déjà la fermeture de trois usines.

M. Peter Watts: Je vais essayer de finir l'exposé, monsieur le président.

Passez à la page suivante, et vous trouverez, pour mémoire, les niveaux de subvention actuels de l'Union européenne. Je ne vais pas en dire davantage. Nous vous avons fourni ces tableaux à titre indicatif. Vous constaterez que les subventions à l'exportation frappent actuellement le blé, l'orge et le malt dans les pays de l'Union européenne.

Je vais vous demander de sauter quelques tableaux. Nous allons passer par-dessus les deux tableaux suivants et je me reporte maintenant au tableau où figurent les engagements pris par les pays de l'Union européenne pour réduire la subvention à l'exportation sur le blé. Monsieur le président, cela est lié à la question que vous posiez tout à l'heure sur les engagements au sein de l'OMC, les subventions à l'exportation et les subventions en général.

On constate donc que les Européens s'engagent à réduire les subventions à l'exportation pour se conformer à l'accord de l'Uruguay Round sur le secteur agricole. Dès l'an 2001, l'Union européenne ne sera plus autorisée à exporter plus de 14,4 millions de tonnes de blé subventionné. Il s'agit donc d'une réduction par rapport à la limite admissible de 20 millions de tonnes, autorisées dès 1995-1996. Voilà donc les engagements pour ce qui est des réductions.

Vous pourriez bien me demander ce qui fait problème étant donné ces engagements de réduction. Quel est donc le problème actuellement sur le plan des subventions à l'exportation?

Le problème est défini à la page suivante. En vertu des accords de l'OMC pour le secteur agricole, il existe une disposition de report. Si un pays n'utilise pas le maximum de ses subventions à l'exportation au cours d'une année, un report est autorisé sur l'année suivante.

Ainsi, en 1995-1996, les Européens ont accordé très peu de subventions à l'exportation du blé étant donné que les prix étaient forts, de telle sorte qu'un énorme montant de subventions autorisées a été reporté à l'année suivante. On constate que ce report déborde jusqu'à l'année 1999-2000, c'est-à-dire l'année qui suit cette année-ci, ce qui fait que, cette année et l'année prochaine, l'Union européenne est quasiment libre d'exporter autant de blé qu'elle le souhaite en les subventionnant à sa guise. Ce ne sera seulement qu'en l'an 2000-2001 qu'elle sera tenue de s'en tenir à 14 millions de tonnes. Ainsi, pendant deux années, au moins, nous n'aurons pas de répit sur le plan d'éventuelles subventions européennes à l'exportation.

• 1135

Permettez-moi en terminant de signaler les deux tableaux suivants, fort intéressants sur le plan de la prévision des niveaux de subventions. Vous trouverez aux pages suivantes les comparaisons de l'OCDE sur les équivalents des subventions à la production. Je me reporte aux chiffres qui se trouvent du côté droit. Vous constaterez que l'équivalent des subventions à la production du blé, selon les chiffres de l'OCDE, représente pour les pays de l'Union européenne 116 dollars canadiens la tonne, pour les États- Unis, 72 dollars canadiens la tonne, et pour le Canada et l'Australie, 15 $ et 13 $ respectivement. Ce sont des chiffres de 1997, mais Larry a fait le calcul en 1998 pour tenir compte du train de mesures de renflouement de 6 milliards de dollars, ce qui en paiements de subventions il évalue à environ 2,68 $ le boisseau canadien.

Je vous signale ces chiffres au cas où vous voudriez la référence des niveaux de subvention tels que calculés par l'OCDE, qui est un organisme international, qui fournit des chiffres très clairs.

Je vais passer rapidement à la page suivante, mais on y trouve les estimations de la Commission canadienne du blé sur les dépenses directes, qui comprennent les mesures de renflouement de 6 milliards de dollars. Il est un fait intéressant que je tiens à signaler. Reportez-vous à la colonne d'extrême droite sur cette page, et vous constaterez que les États-Unis dépensent cette année plus par boisseau de blé que l'Union européenne. Ainsi, les champions du libre-échange dans le monde sont ceux qui offrent la plus grosse subvention à la production du blé.

En terminant, l'avant-dernière page de ce document résume brièvement les propositions actuelles des Européens visant à modifier leur politique agricole commune, à savoir rabaisser le prix de soutien pour les céréales au sein de l'union européenne, prix qui passera de 205 $ canadiens à environ 168 $ canadiens. C'est un pas dans la bonne direction car ainsi les pays de l'Union européenne sont moins enclins à la surproduction.

Mais au deuxième paragraphe, on constate que pour dédommager les producteurs du fait que le soutien des prix n'est pas aussi fort, on va procéder à une augmentation des paiements directs à la surface. Ainsi, ce paiement passera de 175 $ l'acre à 215 $ l'acre, pour le blé. Donc, désormais, le montant à l'acre va être plus élevé et cela constituera un incitatif supplémentaire pour intensifier davantage la production.

Voilà un des problèmes majeurs. Pour ce qui est du taux des réserves obligatoires, rien n'a encore été décidé mais on a proposé à un moment donné que ce taux soit nul pour l'Union européenne. Si cette proposition était retenue, ce serait catastrophique.

M. Lorne Hehn: Peter, si je comprends bien, quand le commissaire Fischler a proposé cet agenda 2000 aux 15 pays de l'Union européenne, il a suggéré, comme compromis, d'adopter un taux de réserves nul afin de les inciter à accepter, à la table de négociations, à réduire le prix-plancher et à augmenter les paiements à l'acre, n'est-ce pas? Ces paiements à l'acre vont donc demeurer. Les règles du commerce mondial ne laissent pas supposer que ces paiements pourraient être interdits ou même réduits. Comme l'a dit Peter, en Europe, on les considère comme une boîte verte.

M. Peter Watts: Nous en sommes maintenant à la conclusion, à la dernière page, intitulée: «dans quel sens le Canada doit-il maintenir les efforts entrepris?» Pour résumer, la difficulté actuelle vient du fait qu'en 1993-1994, quand nous avons négocié l'Accord de l'Uruguay Round... c'est la boîte bleue qui à vrai dire crée le problème. On n'estime pas que les paiements au titre de la boîte verte entraînent une distorsion de la production ou du commerce. Les paiements au titre de la boîte bleue sont une création des Européens et des Américains afin de leur permettre de continuer à verser des paiements directs à la surface.

Ils prétendent que ce sont des paiements découplés et que par conséquent il n'y a pas distorsion du commerce ou de la production mais il y a effectivement distorsion de cette dernière. Quand vous versez directement de l'argent dans les poches d'un agriculteur, vous pouvez être assuré que cet argent sera réinvesti dans l'exploitation pour augmenter la production.

Ainsi, je tiens à dire avant tout ici qu'il nous faut, au cours du prochain cycle de négociations commerciales, réclamer que l'on se penche de nouveau sur les paiements découplés de la boîte bleue pour essayer de mieux comprendre l'influence qu'ils auront à l'avenir en agriculture. Pour les producteurs canadiens, c'est crucial.

• 1140

Deuxièmement, l'Union européenne devrait abaisser ses prix- plancher car cela constitue une forme d'incitatif à la production. Les Européens s'orientent dans cette voie mais il nous faut veiller à ce que ces prix-plancher soient rabaissés de telle sorte qu'ils cessent d'être un incitatif à la production.

Troisièmement, il faut que les Européens imposent un taux de réserve obligatoire. Si les Européens continuent de soutenir leurs producteurs grâce à d'énormes paiements directs à la surface, il faut qu'ils fixent un taux de réserve, qui pourrait être de 10 p. 100, 15 p. 100 ou 20 p. 100. Il faut qu'ils procèdent à une gestion de la production s'ils choisissent de soutenir cette production.

En terminant, je voudrais formuler une demande qui, selon nous, devrait être faite aux Européens, à savoir distinguer entre les subventions à l'exportation pour l'orge fourragère et pour l'orge de brasserie. Pour l'orge vendue à l'extérieur de l'Union européenne, il existe une subvention universelle qui vient saboter les prix de l'orge de brasserie. Cette année, de ce fait, les prix de l'orge de brasserie ont considérablement chuté alors que l'offre d'orge fourragère sur le marché mondial est abondante et que celle d'orge de brasserie est réduite. Cette subvention à l'exportation n'en existe pas moins et elle représente actuellement un peu plus de 100 $ canadiens la tonne d'orge de brasserie exportée.

Merci beaucoup.

Le président: Avez-vous terminé, monsieur Hehn?

M. Lorne Hehn: Je pense que tout cela représente beaucoup de pain sur la planche. Je suis ce dossier depuis plusieurs mois, et, plus je l'étudie, plus je ressens un malaise. Il nous faut absolument vous convaincre, vous, les législateurs et aussi les négociateurs commerciaux que non seulement les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous mais que nous nous engageons sur un terrain glissant et qu'il va falloir tout simplement prendre le taureau par les cornes.

Le président: Merci, Lorne. Merci, Larry et Peter.

Puisque vous parlez de pain sur la planche, que ceux d'entre vous, députés comme témoins, qui ne sont pas trop bouleversés acceptent les sandwiches que nous avons prévus pour vous sur la table à l'arrière. Nous n'offrons pas de bière, du café noir seulement.

Monsieur Hilstrom, sept minutes.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le président, cet exposé ne m'a pas troublé. C'était un excellent exposé et la réalité, dans un monde froid et cruel, n'en demeure pas moins la réalité à laquelle nous devons faire face.

Vous m'avez fermement convaincu grâce à votre exposé. En effet, ce qui cause le plus de tort à une intensification générale de l'activité économique mondiale dans le secteur agricole, ce sont les subventions et les tarifs qui restreignent le commerce tels qu'ils sont pratiqués par le Canada et d'autres pays au nom de la gestion de l'offre.

Les organismes commerciaux d'État seront sans doute présents à la table des négociations, selon moi, et je pense que la Commission canadienne du blé se trouve dans cette catégorie. Il s'agit essentiellement d'une bureaucratie dont l'existence et le mandat sont fixés par une loi fédérale. Nous avons prévu cela dans les dispositions du projet de loi C-4. Il s'agit par conséquent d'une intervention gouvernementale.

Les grandes compagnies de céréales, y compris UGG, l'AgriCorp, la Sask Pool—toutes autant qu'elles sont—vendent actuellement une certaine quantité de céréales par l'intermédiaire de la Commission et certaines personnes, à la retraite, mais autrefois dans le domaine des céréales, y compris des représentants de ces sociétés, ont dit pouvoir être beaucoup plus innovatrices, ou du moins autant que la Commission canadienne du blé dans la commercialisation concurrentielle des céréales, car la Commission est essentiellement sans influence sur le prix du marché.

Si la Commission canadienne du blé en tant qu'entreprise commerciale d'État était représentée à la table des négociations et si les négociateurs du gouvernement réalisaient des progrès substantiels sur le plan de la réduction des subventions accordées par les autres pays et sur le plan de l'accès au marché, le gouvernement ne devrait-il pas consentir à se débarrasser de la Commission canadienne du blé en échange d'un accès accru aux marchés mondiaux et d'une baisse de la production étrangère qui seraient le résultat de la réduction de ces subventions alors que l'agriculteur canadien ne s'en trouverait pas plus mal? Pouvez-vous répondre à cette question?

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): J'invoque le Règlement. Le but de nos séances est d'obtenir le point de vue des représentants d'organisations agricoles d'un bout à l'autre du Canada afin que nous soyons au courant de leur position et que le gouvernement du Canada puisse bénéficier de leurs conseils à l'aube des négociations à l'OMC. Ce n'est ni l'endroit, ni le moment, de discuter de nos propres théories concernant la gestion de l'offre dans le secteur agricole ou le démantèlement éventuel de la Commission canadienne du blé.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Je suis entièrement d'accord avec vous.

M. Joe McGuire: Nous avons demandé à nos témoins de venir nous exposer leurs points de vue car ils représentent une organisation tout à fait reconnue et de nous donner leurs conseils, à nous comme au gouvernement, pour ce qui est du prochain cycle de négociations. Je ne comprends pas que nous nous engagions dans une discussion sur le bien-fondé de l'existence de la Commission canadienne du blé. Je pense qu'il nous appartient d'être conscients du fait que nous avons invité nos témoins dans un but très précis, à savoir pour obtenir leurs conseils et leurs points de vue et non pas pour nous lancer avec eux dans une discussion théorique.

• 1145

Le président: Merci.

M. Howard Hilstrom: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Tout ce que je puis dire, c'est que je ne pense pas que le député ait écouté très attentivement la question que j'ai posée et je l'invite à consulter le compte rendu pour vérifier ce que j'ai dit. Toute ma question portait sur les problèmes de subvention sur le marché mondiale et sur la façon dont nous allons nous y prendre pour réduire ces subventions. J'ai parlé très clairement et je maintiens ce que j'ai dit, car le compte rendu en fait foi. Si ce n'est pas une question équitable à propos des prochaines négociations à l'OMC, celle me dépasse.

J'aimerais qu'on me donne une décision sur ce rappel au Règlement, monsieur le président.

Le président: Je pense que M. Hehn est en mesure de répondre à la question. Dans la mesure du possible, je souhaiterais que nous nous en tenions à l'exposé des représentants de la Commission canadienne du blé. Ils ont fait ressortir les effets très néfastes des subventions sur le prix mondial des céréales.

Monsieur Hehn, vous pouvez répondre à la question.

M. Howard Hilstrom: À propos du même rappel au Règlement, monsieur le président, je vous signale que tout l'exposé portait sur les subventions. Ma question se borne aux subventions et à la façon dont nous pourrions nous y attaquer.

Le président: Monsieur Hehn, allez-y, répondez à la question si vous le pouvez.

M. Lorne Hehn: Je ne suis pas sûr d'avoir très bien compris votre question. Vous avez dit que les sociétés transnationales pourraient devenir très innovatrices sur le plan de la commercialisation. Je n'en doute absolument pas. Mais la question qui se pose est la suivante: combien de temps cela durera-t-il? Est-ce que ce serait de courte durée? Les sociétés transnationales ont d'autres produits que les céréales canadiennes à vendre, comme vous le savez. Quand il s'agit pour elles de vendre, elles le font en majorant le prix de revient. Ce qui les intéressera donc ce sera de vendre les produits achetés au plus bas prix, pour réaliser le plus gros bénéfice possible. Ainsi, nous ne pouvons pas compter sur les sociétés transnationales pour favoriser le Canada quand elles pourront acheter un produit australien ou d'un autre pays, leur permettant d'obtenir un bénéfice plus gros.

Monsieur le président, je pense qu'il importe de se rappeler la grande concentration qui existe sur le marché mondial, car cela m'inquiète tout autant que l'existence des subventions. Nous avons affaires à ce marché quotidiennement. Nous sommes la plus grosse organisation de commercialisation du blé du monde, de telle sorte que nos agriculteurs ont du poids sur le marché international. Deuxièmement, nous ne vendons que des céréales canadiennes alors qu'aucune autre société n'en vend, si bien que nous savons qu'il n'y a personne qui puisse offrir du blé canadien. Voilà pourquoi nous pouvons exiger un prix plus élevé sur le marché.

Prenez l'état du marché aujourd'hui, et vous constaterez qu'il n'y a qu'une poignée de courtiers. Il y a Toepfer en Allemagne, Dreyfus en France, Glencore en Suisse, Bunge en Amérique Latine. Actuellement, aux États-Unis il y a une société en moins mais de toute façon, il y a Cargill, ADM et ConAgra là-bas. Il y a la Commission australienne du blé et encore deux ou trois autres négociants japonais. C'est tout.

Les agriculteurs australiens et canadiens sont très bien armés pour relever le défi de la concurrence sur le marché. Nous pouvons jouer dans la cour des grands car nous sommes de leur taille. En fait, nous sommes mieux organisés que les autres tout simplement parce que nous sommes mieux renseignés qu'eux. Nous avons investi temps, efforts et argent pour réunir l'information nécessaire pour pouvoir pénétrer dans un marché. Nous sommes souvent tout aussi bien renseignés quel e pays en question sur sa production, sa culture, sa situation économique et son régime politique. Il importe de bien connaître son client pour faire une commercialisation efficace.

Deuxièmement, pour tout ce que nous vendons, nous offrons un service tout compris. Les multinationales ou les transnationales n'en font pas autant, croyez-moi. Nous opérons par l'intermédiaire de l'Institut international du Canada pour le grain, situé à Winnipeg. Nous assumons 40 p. 100 des coûts variables et 100 p. 100 des coûts fixes. L'Institut a une meunerie expérimentale, quatre différentes boulangeries expérimentales, quatre différentes sortes de pâtes instantanées, et un programme de provende. Nous envoyons des techniciens sur le terrain si le blé canadien présente une difficulté. Le client est invité au Canada pour y faire un stage d'apprentissage, et il peut même rouler ses manches de chemise et mettre à l'essai le blé canadien pour le transformer en un produit quelconque qu'il sait pouvoir vendre dans son pays, compte tenu des caractéristiques culturelles et économiques de ses clients.

• 1150

Je ne crois pas pouvoir vous en dire beaucoup plus. Nous pouvons facilement livrer concurrence aux transnationales et les agriculteurs canadiens le peuvent aussi, si vous vous débarrasser des subventions. Cela ne me fait absolument pas peur.

Le président: Merci.

Monsieur Hilstrom, je vous ai donné une minute supplémentaire, vu l'intervention de M. McGuire.

Nous passons maintenant à M. Proctor. Comme le Bloc n'est pas ici, vous allez avoir sept minutes, n'est-ce pas? Ces jours-ci, vous avez la partie belle.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je me rends compte que nous parlons d'audiences exploratoires et de l'OMC, mais vu la crise que nous traversons dans nos propres collectivités agricoles, quel est le sentiment de la Commission canadienne du blé quant à l'absence d'une intervention immédiate pour contrecarrer les difficultés des agriculteurs à court terme? La situation est-elle aussi grave que les gens le disent? Allons- nous perdre beaucoup d'agriculteurs le printemps prochain, ceux qui n'auront simplement pas l'argent pour ensemencer sans une intervention du gouvernement canadien ou du gouvernement provincial?

M. Lorne Hehn: Nous n'avons certainement pas la réponse quant aux mesures qu'il faudrait prendre à court terme. Pour ce qui est de la gravité de la situation, je pense qu'elle est même pire que ce que l'on croit, principalement parce que l'agriculture aujourd'hui est un secteur très capitalistique. Les agriculteurs n'ont pas le moyen de se serrer la ceinture et de réduire leurs coûts, parce que cela se répercute sur leur production céréalière. L'un des grands problèmes est la réduction déjà constatée des quantités produites. Les agriculteurs ne peuvent pas subir une autre carence de production, parce que leur secteur est très sensible aux variations de production.

L'autre aspect de la question, c'est que toute l'industrie de service des approvisionnements, qu'il s'agisse d'un silo à céréales, des chemins de fer, d'un terminal ou d'un producteur d'engrais ou de produits chimiques, tous ces gens là dépendent du volume de production et y sont très sensibles. Nous n'avons pas seulement un problème dans le secteur agricole, nous avons un problème dans le secteur industriel et j'estime que nous allons devoir nous en occuper. La façon la plus simple de le faire est de régler d'abord les problèmes du secteur agricole, parce que les agriculteurs ne vont pas thésauriser. Ils vont réinvestir l'argent dans l'industrie et la maintenir saine.

En parlant à un producteur de porcs qui joue au curling avec moi le samedi matin, j'ai appris qu'il n'allait pas abandonner l'élevage porcin à condition qu'il puisse braver la tempête. Il perd 60 $ par cochon, mais s'il abandonne l'élevage maintenant et s'il a une dernière série de mise à bas pour terminer ses opérations, il ne pourra pas profiter du moment où le marché remontera. Il doit maintenir ses activités. Vous constaterez que les céréalicuteurs et l'industrie des services se retrouvent dans la même situation. Nous ne voulons pas, par la libéralisation et la rationalisation de l'industrie des services, créer une grande catastrophe simplement parce que nous traversons deux années de grandes difficultés. C'est un problème d'infrastructure autant qu'un problème de revenu agricole.

M. Dick Proctor: Il me semble que le ministre de l'agriculture a été très clair dans sa critique des paiements compensatoires et de la façon dont ce nouveau train de mesures d'assistance agricole a été élaboré aux États-Unis. Cela va évidemment profiter à certains agriculteurs américains qui n'ont pas besoin de l'argent ou ne le méritent pas. J'ignore ce qu'éventuellement nous allons faire de notre côté de la frontière, mais je pense que nous allons surtout nous concentrer sur les gens qui sont aux prises avec cette réduction des prix ou dont le revenu est trop faible. Avez-vous des idées là-dessus? Pouvez-vous, vous ou vos adjoints, fournir de plus amples informations?

M. Lorne Hehn: Je n'ai pas les réponses, Dick. Nous nous occupons seulement de la commercialisation. Nous pourrions peut- être offrir des conseils et des opinions, mais proposer en fait les éléments du programme, je pense que cela revient aux dirigeants agricoles et aux autres gens du secteur qui vont manifestement pâtir des deux prochaines années de faible revenu.

Je tiens à répéter qu'il ne s'agit pas simplement d'un problème de revenu agricole; c'est également un problème d'infrastructure.

M. Dick Proctor: C'est exact.

La Commission canadienne du blé a-t-elle participé la semaine dernière—je pense que le ministre responsable était en Argentine—aux conversations avec les Argentins?

• 1155

M. Lorne Hehn: Nous n'y étions pas. Les minotiers latino- américains tenaient leur conférence annuelle des minoteries et des boulangeries en Bolivie. C'était la Conférence ALIME et je ne pouvais pas accompagner le ministre parce que tous nos clients auraient été en Bolivie... Nos intérêts, dans ce voyage, étaient au Chili et au Pérou.

Je vais aller en Argentine la semaine prochaine. On m'a demandé d'être le conférencier principal au Conseil international des céréales. Je peux vous dire que les participants entendront exactement ce que vous avez entendu aujourd'hui et que je vais être explicite. Je sais que les Européens seront très mécontents, mais je pense que nous devons jouer les trouble-fête.

M. Dick Proctor: Si je me souviens bien des articles que j'ai lus sur cette rencontre, on semblait dire que le gouvernement argentin était prêt à travailler de concert avec le Canada relativement à toute cette question des subventions. Quels autres pays participeraient à des mesures communes contre les Européens et les Américains?

M. Lorne Hehn: J'ai longuement parlé à M. Goodale de cette question et il envisage certainement cette possibilité. Je lui ai dit que nous devrions au moins envisager l'union des trois grands exportateurs pour lesquels les entreprises commerciales d'Etat ne représentent pas la première question à l'ordre du jour. Ce sont l'Argentine, l'Australie et le Canada. Je pense que ces trois pays devraient voir ensemble ce que l'on peut faire et essayer ensuite de s'allier les Etats-Unis. Nous avons rencontré hier des fonctionnaires fédéraux des Etats-Unis, du Dakota du Nord, et leur avons expliqué ce point de vue.

Mesdames et messieurs, je ne crois pas que les ECE soient un problème; le problème c'est de savoir quoi faire des programmes gouvernementaux qui entraînent des distorsions du marché. La demande est stagnante et elle pourrait même diminuer un peu en raison de ce qui se passe en Asie et des répercussions de cela sur l'Amérique latine et de ce qui se passe en Europe de l'Est. La demande est stagnante et nous devons donc, d'une façon ou de l'autre, ramener la production aux proportions convenables.

Peter, nos prévisions pour l'Europe sont-elles toujours à 96 millions de tonnes pour la récolte de 1999?

M. Peter Watts: Oui.

M. Lorne Hehn: Cette récolte est pratiquement déjà semée. C'est une année de transactions commerciales mondiales produites dans un seul pays.

Le président: Merci beaucoup. Nous manquons de temps.

Monsieur Calder, sept minutes.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Excellent exposé. J'ai une réunion du sous-comité du commerce international ce soir et j'aurai ce document avec moi.

Peter, je voudrais que vous m'expliquiez ce tableau sur le potentiel des reports de subventions aux exportations de blé par l'Union européenne. Si je comprends bien, en 1996-1997, il pouvait y avoir un report de 36,8 millions de tonnes. Tout cela a-t-il été utilisé? Y a-t-il eu report de chacune de ces périodes de telle sorte que, en 1999-2000, il y aura plus de 37,8 millions de tonnes?

M. Peter Watts: Non. Lorsque nous en serons à 1999-2000, d'après mes calculs, leur limite exportable sera de 37,8 millions de tonnes.

En 1995-1996, ils se sont servis d'une très petite partie de leur limite autorisée, si bien qu'une grande tranche de ces 20,4 millions de tonnes a été reportée à 1996-1997. En 1996-1997, l'UE a exporté environ 17 ou 18 millions de tonnes de blé; au cours des années suivantes, elle a donc pu faire des reports. Elle était limitée à 17 millions de tonnes pour 1996-1997, plus les 16 ou 17 millions reportés, mais elle n'a exporté que 17 millions de tonnes et a donc reporté 19 millions de tonnes en 1997-1998. Cela s'est simplement poursuivi d'une année à l'autre.

Nous ne nous attendons pas que les Européens accroissent leurs exploitations de blé de façon exponentielle au cours des deux prochaines années, mais cela leur permet de liquider ces stocks encombrants s'ils le veulent et de maintenir la pression sur les prix mondiaux du blé pendant les deux prochaines années, sans la moindre des contraintes que nous pensions avoir grâce à l'OMC.

M. Murray Calder: Pour la campagne agricole de 1997-1998, vous avez dit qu'il y a eu une chute de 35 p. 100 des ventes et de 43 p. 100 des recettes. Ont-ils utilisé intégralement les 38,3 millions de tonnes?

M. Peter Watts: Non. En 1997-1998, leurs exportations étaient d'environ 16 millions de tonnes; ils ont donc utilisé 16 millions de tonnes de leur limite d'exportation de 18 millions de tonnes. Ils n'ont même pas eu à utiliser une partie du report.

M. Murray Calder: Ma question, au fond, est la suivante: il semble que nous allons parvenir au véritable jour du Jugement en 1999-2000...

M. Peter Watts: C'est exact.

• 1200

M. Murray Calder: ...s'ils utilisent le total des 37,8 millions de tonnes et les déversent sur le marché.

M. Peter Watts: C'est exact. Ils ne parviendraient jamais à 37,8 millions de tonnes, mais ils pourraient écouler de 20 à 22 millions de tonnes sans la moindre pénalité.

M. Murray Calder: Vous devez avoir des chiffres approximatifs sur la pire des hypothèses. Si nous avons connu une chute de 35 p. 100 des ventes en 1997-1998 et de 43 p. 100 des recettes la même année, et s'ils déversent 20 millions de tonnes sur le marché, qu'est-ce que cela ferait aux ventes et aux recettes?

M. Lorne Hehn: Cela exercerait encore plus de pression sur le marché que nous ne l'aurions fait.

M. Murray Calder: Je le sais, mais avez-vous la moindre idée de ce que serait le pourcentage de la baisse?

M. Peter Watts: Je m'attendrais à une stagnation de la demande par rapport à l'année en cours, par exemple.

M. Lorne Hehn: S'ils déversent toutes ces céréales en un an...

M. Peter Watts: Ah, s'ils déversaient tout...

M. Murray Calder: Ils ont la capacité de le faire. Ils pourraient déverser toutes ces céréales. Qu'arriverait-il aux ventes et aux recettes?

M. Lorne Hehn: Nous aurions une autre année d'intervention du Programme de réduction des stocks de blé. Je ne crois pas qu'il y ait d'autre réponse. Comme je l'ai dit, le marché stagne. S'ils déversent 25 ou 30 millions de tonnes dans les échanges mondiaux, cela signifie simplement que tous les autres devront avoir une plus petite part. Nos quantités d'exportations diminueraient encore plus et cela aurait une épouvantable incidence à la baisse sur les prix.

M. Murray Calder: Très bien. Une des choses que j'ai déjà dites c'est que lorsque nous nous sommes lancés là-dedans en 1993 nous sommes arrivés à la onzième heure de ces négociations commerciales, et je ne veux jamais revivre cela.

Très franchement, d'après votre exposé et ce que je vois se produire, je pense que nos négociateurs auraient dû être abattus et limogés—je ne sais pas au juste dans quel ordre—pour avoir permis aux Européens de faire une telle chose. Comment pouvons-nous nous assurer de ne pas nous retrouver dans la même situation? Je le répète, nous sommes en train de faire du sur place, attendant que tous les autres nous rattrapent, et je sais que, comme position de négociation ou de marchandage, ce ne sera pas très fort.

Je voudrais avoir votre avis là-dessus.

M. Lorne Hehn: J'étais à la réunion d'examen de mi-mandat à Montréal, j'étais membre du GCSCE pendant que les négociations de l'accord commercial Canada-États-Unis, j'ai assisté à la réunion de Genève et à celle de Bruxelles, et je me souviens clairement des discussions. Les Européens affirmaient qu'ils allaient continuer de subventionner leurs agriculteurs quoi qu'on en dise. C'est incontournable, parce que nous avons toutes ces petites exploitations agricoles, notamment en Allemagne et en Europe de l'Est, et nous allons simplement les subventionner, parce que ce serait un vaste problème social que de les contraindre à se retirer de l'agriculture. En outre, nous avons notre plan vert. Nous avons certaines idées environnementales et nous allons transformer certaines de ces fermes en exploitations forestières et ainsi de suite.» Ensuite ils nous ont dit: «Écoutez, nous allons découpler ces mesures de soutien des prix et la production commencera à chuter et sera égale à la demande en Europe.»

Franchement, je pense que tous nous les avons crus. Je pourrais dire que cela me rendait nerveux, mais je n'ai certainement pas piqué la crise que je piquerais aujourd'hui, maintenant que nous savons par expérience que lorsqu'on donne à un céréaliculteur un chèque de 50 000 $, il va le réinvestir dans son exploitation agricole parce que ce secteur est capitalistique et parce que c'est ce que cet agriculteur sait le mieux faire. Il va le réinvestir dans son exploitation agricole, être plus efficace qu'il l'était et produire encore plus.

Nous n'avons pas pris suffisamment au sérieux ce facteur déterminant lors des discussions et dans les calculs, sans quoi nous n'aurions jamais accepté d'intégrer les versements découplés à la boîte bleue et accepté qu'ils n'ont pas d'effet de distorsion commerciale. L'examen rétrospectif a maintenant révélé qu'ils ont un effet de distorsion, comme l'atteste, je crois, l'information que nous avons communiquée ce matin.

Le président: Nous sommes à court de temps. Je vais limiter rigoureusement le temps de parole de chacun.

Monsieur Penson.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Merci, monsieur le président. Je suis reconnaissant à la Commission canadienne du blé des renseignements qu'elle nous a communiqués ce matin. Cela éclaire beaucoup la lanterne du comité. Cela permet également de situer l'évolution de l'agriculture dans les années 60, 70 et 80. C'est l'un des secteurs dits sauvages qui n'a été assujetti aux règles commerciales qu'à l'occasion du Cycle Uruguay du GATT. Ce n'était malheureusement qu'un début modeste mais un début quand même: beaucoup de pays, comme le Canada, auraient aimé qu'on en fasse davantage. Nos agriculteurs et nos négociateurs commerciaux espéraient des progrès notables lors du cycle suivant, qui commencera l'an prochain.

• 1205

Comme nous devons affronter des subventions monumentales en Europe et aux États-Unis, il me semble que trois options s'offrent à nous. Ne rien faire; nous mettre à subventionner à nouveau, quoique je ne pense pas que nous puissions gagner à ce jeu-là parce que nos rivaux ont les goussets bien remplis; ou nous pouvons essayer d'enregistrer des progrès notables cette fois-ci. Voici ma question: Quelle est notre meilleure position de négociation pour y arriver?

J'aimerais que M. Hehn nous parle de la démarche sectorielle en agriculture. Aurions-nous plus de chance dans un cycle de négociations générales?

M. Lorne Hehn: Je déduis de ce que vous venez de dire que vous me demandez mon avis sur d'éventuels compromis. C'est vraiment à l'agriculteur de décider. Je ne préconise pas de renoncer à un système partiel de gestion de l'offre alors qu'il faut présenter le même argument en Europe, car c'est le seul qui nous permettra de gagner là-bas, en ce qui concerne les céréales.

Si l'on soutient ici qu'il faut renoncer à la gestion de l'offre, comment peut-on employer cet argument en Europe pour ce qui est des céréales? La seule façon dont on convaincra les Européens de réduire la production, c'est d'adopter un système de gestion, parce qu'on n'arrivera pas à les convaincre de cesser de subventionner leurs agriculteurs. Ça, je peux vous le garantir. Honnêtement, je ne vois pas d'autres façons de faire à court terme.

M. Murray Calder: Bravo!

M. Charlie Penson: Monsieur le président, je ne vois pas où le témoin de la Commission canadienne du blé a vu cela dans ma question. J'ai mes idées à moi sur la gestion de l'offre, mais ce n'est pas du tout ce à quoi je pensais.

Je voulais dire qu'il y a peut-être des avantages, dans un cycle de négociations générales, à convaincre l'Europe de réduire ses subventions. Il y a des considérations politiques que nul ne doit ignorer, et ici, nous devons tenir compte du problème de la gestion de l'offre. Je le sais. Mais les Européens aussi doivent tenir compte de l'aspect politique. Si l'on s'attend à ce qu'ils cèdent lors des négociations agricoles sans rien en retour, je dis que la tâche ne sera pas facile.

C'est pourquoi je vous dis, monsieur Hehn, qu'il vaudrait peut-être mieux tenir un cycle général de négociations dans lequel il est question d'autres secteurs, comme le droit international de la concurrence, une réduction plus importante des droits de douane sur les produits industriels, etc, pour parvenir à nos fins. Je vous demanderais de vous en tenir à cela au lieu de nous entretenir de la gestion de l'offre. Je vous en saurais gré.

M. Lorne Hehn: Excusez-moi. J'avais mal compris votre question.

Il est toujours bon de prendre du recul et de bien cerner les intérêts du Canada. Il y a un véritable problème de régions rurales au Canada, et je félicite le gouvernement d'avoir créé un ministère qui s'en occupe, parce que cela nous inquiète beaucoup. Nous ne pouvons pas renoncer aux intérêts des régions rurales en faveur de la ville, si vous comprenez ce que je veux dire, dans les négociations commerciales. En tout cas, c'est ma position.

Deuxièmement, nous faisons face à de gros problèmes de définition. Il faut d'abord voir ce que l'on entend par «boite bleue». Pour les Européens, cela n'a pas d'effet de distorsion et nous n'arriverons jamais à les convaincre que ce n'est pas le cas tant qu'on n'exercera pas des pressions politiques. Pour ce faire, il faut avoir les États-Unis dans notre camp mais la première chose que les Américains veulent régler, c'est le cas des ECE. Nous avons donc un dilemme.

Le président: Pourrais-je vous demander quelque chose, monsieur Hehn, avant de donner la parole à M. McGuire? L'augmentation de la production était imprévue, et avait été sous-estimée, n'est-ce pas? Ou, en tout cas, on n'y avait pas réfléchi de façon sérieuse. La nature humaine et l'agriculture étant ce qu'elles sont, comment expliquez-vous cela? Pourquoi n'avait-on rien vu venir?

• 1210

M. Lorne Hehn: Je ne sais pas, monsieur Harvard. En tant qu'agriculteur je peux vous dire que si on me remettait un gros chèque, j'investirais le montant dans mon exploitation. Malgré tout le respect que je dois à nos négociateurs, je ne pense pas qu'ils y aient pensé. Il est facile pour nous de...

Le président: Est-ce parce qu'ils ne pensaient pas comme un agriculteur l'aurait fait?

M. Lorne Hehn: Peut-être les agriculteurs que nous sommes ne leur ont pas donné suffisamment de bons conseils. Une partie du blâme me revient à moi aussi. J'ai été conseiller auprès du gouvernement et des négociateurs commerciaux, et je n'ai pas suffisamment rué dans les brancards ni réussi à leur faire comprendre que cela favorisait la production. Je ne me suis rendu compte de l'ampleur du phénomène qu'après coup. Maintenant, j'ai des chiffres. Je n'en avais pas avant.

Le président: Merci.

Monsieur McGuire—désolé. Monsieur McCormick, vous avez cinq minutes.

M. Larry McCormick: C'est la clique des Irlandais et tout le monde peut se rejoindre à nous.

Merci beaucoup d'être venus, messieurs. Merci, monsieur le président.

Je trouve intéressant de constater que nous sommes l'un des rares pays à avoir diminué sa production de blé; vous dites que c'est une réaction à la baisse des cours. Je comprends. Pour ma part, je voulais savoir... Lorsque les cours sont élevés, les producteurs sont peut-être tentés d'emblaver plus fréquemment. Par exemple, quand nous sommes allés à Saskatoon—surtout pour discuter biotechnologie, nous avons aussi examiné des cartes des sols, d'humidité du sol... Parfois, il faut être réaliste et tenter de semer autant de cultures que le sol pourra faire soutenir. Je me demandais s'il y avait le moindre lien, ici, parce que j'ai trouvé ça intéressant.

M. Lorne Hehn: Je pense qu'il y a un lien direct. La réduction de la superficie emblavée aurait été encore plus forte n'eut été des maladies et des problèmes de rotation du canola. Il est risqué de semer du canola sur une terre où on fait une rotation de deux ans. Ça l'est beaucoup moins à tous les trois ans. Je pense qu'il y a un changement encore plus marqué en faveur du canola. C'est un marché très différent réglé par les cours mondiaux d'huile végétale. C'est un marché en croissance très rapide. La demande n'est pas stable comme c'est le cas pour le blé. Je ne sais pas si je peux ajouter quoique ce soit d'autre, mais il est certain que la maladie, la rotation et le type de sol sont de gros facteurs dans les cultures que l'agriculteur choisit. Il n'y a pas que des considérations économiques.

M. Larry McCormick: Merci. Évidemment, nous savons tous—on nous l'a dit et je regrette de dire que nous allons continuer de l'entendre dire—que le carnage aura lieu dans les deux prochaines années. Vous nous avez dit que tout le monde voudra encaisser ses reconnaissances de dette, dont ils se servent aujourd'hui pour verser des subventions, surtout l'an prochain. Mais dans deux ans—si on écarte l'OMC et si on inclut l'OMC—dans combien de temps les choses pourront-elles se tasser après le carnage?

M. Lorne Hehn: Elles pourraient se tasser très rapidement. Le marché des céréales est très élastique et s'il y avait un gros problème de récoltes quelque part dans le monde en 1999...

M. Larry McCormick: Dame nature.

M. Lorne Hehn: ...il pourrait y avoir un gros changement. Mais vu les rendements annoncés pour 1999, je n'en vois pas. Il y aura une très légère réduction en Europe, et une certaine réduction aux États-Unis, parce que les semis sont déjà en terre. Nous connaissons déjà les superficies. C'est du blé d'hiver, la plus grande culture au monde. Il y a eu une augmentation d'environ 40 cents le boisseau depuis la mi-septembre, lorsque les cours étaient à leur plus bas.

Nos analystes du marché, nos vendeurs et nos prévisionnistes prévoient une tendance à la hausse mineure, très graduelle, pour la nouvelle récolte. Mais nous ne voyons pas de changement majeur. Il faudrait ici un changement majeur parce que non seulement les agriculteurs doivent pouvoir dégager un bénéfice, mais celui-ci doit être assez important pour compenser leurs pertes cumulatives. Cela va donc prendre du temps. Honnêtement, dans les deux prochaines années, je n'envisage rien de ce genre.

• 1215

M. Larry McCormick: Merci.

Monsieur le président, je me demandais si les témoins pourraient nous dire ce qu'ils pensent de la crise agricole car nous sommes en plein dedans.

Pour en sortir, il faudra l'appui de tous les intervenants, y compris du gouvernement fédéral. Au moins deux des trois provinces de l'Ouest ont dit qu'elles participeraient aux éventuels programmes, mais pour le secteur des transports, les compagnies de semences, les fabricants d'engrais et les organismes de commercialisation, c'est l'occasion pour eux d'essayer de trouver une solution. Pouvez-vous nous venir en aide?

M. Lorne Hehn: Financièrement, nous ne le pouvons pas, mais nous pouvons vous offrir des conseils. La Commission canadienne du blé n'offre pas de subvention. Toutes nos recettes défalquées des coûts sont rendues à l'agriculteur chaque année. Par contre, nous sommes disposés à prendre le temps qu'il faut pour discuter avec les associations agricoles, les dirigeants politiques et les représentants du secteur pour discuter de la façon de procéder. La crise a atteint des proportions telles qu'on ne peut plus laisser la politique nous diviser.

M. Larry McCormick: C'est exact.

M. Lorne Hehn: Les agriculteurs ne peuvent pas se le permettre.

Le président: Merci beaucoup.

Passons maintenant à M. Hoeppner.

M. Jake Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je vous souhaite la bienvenue, messieurs.

Je voudrais dire à M. Calder qu'il ferait mieux de sortir son arme enregistrée et de se mettre à tirer parce que ce sont les mêmes négociateurs commerciaux qui retournent à la table de négociation.

M. Murray Calder: Je sais.

M. Jake Hoeppner: Aussi bien vous préparer, parce qu'il faudra faire quelque chose.

Je remercie M. Watts de ces tableaux. Je voudrais parler du tableau de 1995-1996. Pendant cette période, les Européens ont assujetti leurs céréales à des taxes à l'exportation parce qu'ils étaient à court.

Pouvez-vous m'expliquer pourquoi, pendant cette période, la Commission canadienne du blé a reporté un million de tonnes de blé? Nous n'avons vendu que la moitié du quota que nous avions en 1993- 1994 aux États-Unis. Il y avait 800 wagons-trémies dans ma circonscription inutilisés faute de demande de céréales et pourtant, il y a eu un report jusqu'à l'année d'après. D'où venait le problème? C'était à cause des Européens ou de la Commission canadienne du blé?

M. Lorne Hehn: Encore une fois, M. Hoeppner, comme nous l'avons dit, la demande est restée stagnante. Il faudrait que je revoie cette période pour répondre en totalité à votre question, mais il est certain que notre production était supérieure à notre part du marché et lorsque la demande est relativement stagnante, même si les cours sont hauts, on se retrouve dans une situation très difficile. Je pense que nous avons obtenu un bon prix pour votre blé, mais il faudrait que je revoie cette campagne-là pour vous donner une explication. Si je me souviens bien, il y avait un gros conflit de travail à Vancouver et aussi des problèmes de transport.

M. Jake Hoeppner: La Commission canadienne du blé a causé de gros problèmes lorsqu'elle a permis aux agriculteurs de vendre leurs propres céréales aux États-Unis parce que je peux vous montrer des contrats de rachat dans lesquels vous demandiez jusqu'à 9 $ le boisseau pour le blé d'hiver. Actuellement, comme je l'ai déjà dit à M. Allen, il y a du blé dur qui traîne pour lequel vous demandez 5,12 $ le boisseau, c'est-à-dire 188 $ la tonne métrique, pour du blé dur que vous n'arrivez pas à vendre, dites-vous.

M. Lorne Hehn: J'avais entendu cette question et j'ai téléphoné au bureau pour demander quel était le prix de rachat aujourd'hui. Dans le cas de Morris, assez près d'où vous habitez—pour avoir le bon tarif marchandise—le prix de rachat aujourd'hui pour le blé dur no 5, le DAOC 5, si quelqu'un de votre famille téléphone, est de 3,93 $. Le prix de rachat à Morris du DAOC 3 est de 5,08 $.

M. Jake Hoeppner: J'ai le document ici. Il vient directement de la Commission canadienne du blé en passant par les pools, et le chiffre est de 5,12 $; 188 $ la tonne.

M. Lorne Hehn: Est-ce que c'était le prix de rachat du DAOC 3?

M. Jake Hoeppner: Du numéro 5.

M. Lorne Hehn: Il faudra que je me renseigne, Jake.

M. Jake Hoeppner: C'est ce que je me disais, parce que je sais que nous avons exporté des céréales en 93 et en 94. Nous avons essayé d'en exporter une partie, et je n'en reviens pas de la coopération que l'on a eue de la Commission canadienne du blé et de ses exportations accréditées. Nous avons évalué ce blé dur aux États-Unis, et je sais ce qu'il vaut. Il vaut plus de 1,57 $. Il vaut plus du double de cela dans un rayon de 30 milles de notre ferme.

• 1220

M. Lorne Hehn: Tout ce que je peux dire à ce moment-ci, monsieur le président, c'est que les prix de rachat sont fixés chaque jour. L'agriculteur, ou l'exportateur accrédité, ou le directeur d'élévateur peut téléphoner et demander quel est le prix. S'il peut transporter ses céréales aux États-Unis et toucher la prime du marché, c'est lui qui l'empoche. Le producteur rachète les céréales de la Commission canadienne du blé et l'on fixe la valeur du rachat, moins le montant négocié que le producteur négocie avec la compagnie d'élévateurs pour établir la catégorie et le poids. Le producteur participe ensuite aux versements futurs, aux ajustements, aux versements provisoires et aux versements finaux...

M. Jake Hoeppner: Je ne veux pas perdre tout mon temps là- dessus. Je suis revenu là-dessus je ne sais pas combien de fois. Je sais qu'il y a quelque chose qui ne va pas du tout, sinon vous accepteriez d'ouvrir vos livres et de me le prouver lorsque je vous donne ces chiffres, mais vous refusez.

L'autre chose que je voulais vérifier auprès de vous, M. Hehn, c'est ceci. Vous venez de dire que nous offrons un éventail complet de services aux étrangers. Nous créons des minoteries. Qui le fait? Est-ce que c'est aux frais des producteurs ou du contribuable?

M. Lorne Hehn: Nous ne créons pas de minoteries, Jake. Nous n'avons aucun intérêt dans...

M. Jake Hoeppner: Vous venez de nous dire que vous avez ramené les minotiers qui n'étaient pas heureux de la qualité, et que vous étiez préparés...

M. Lorne Hehn: Nous avons une usine pilote à Winnipeg, une minoterie pilote, et nous avons une boulangerie où l'on prépare quatre produits, ainsi qu'une usine de nouilles instantanées où l'on prépare aussi quatre produits. Nous avons aussi fait passer plus de 13 000 étrangers par l'IICG depuis sa création. Chaque fois que je vais à l'étranger, monsieur Hoeppner, et je suis allé à bien des endroits depuis les huit ans que je siège à la Commission, je tombe toujours sur quelqu'un à un poste de commande qui a eu affaire au Canada par le biais de l'Institut et qui en a gardé un excellent souvenir. Pour cette raison, il achètera toujours un produit canadien dorénavant.

M. Jake Hoeppner: N'avez-vous pas la même réaction lorsque vous vendez de l'huile de canola?

M. Lorne Hehn: Je n'en vends pas.

M. Jake Hoeppner: Pourquoi pas? Si votre office de commercialisation fait du si bon travail, vous arriveriez peut-être à obtenir un meilleur prix.

M. Lorne Hehn: Je pense que cette question est irrecevable, monsieur le président.

M. Jake Hoeppner: Je viens de parler à un Chinois qui me dit que s'ils buvaient une demi-bouteille de bière de plus par habitant, la Chine serait un marché potentiel immense pour l'orge de brasserie. Même chose pour le pain et les nouilles. Ils voudraient beaucoup avoir nos céréales. Alors, quand vous dites que le marché du blé et de l'orge baisse, je ne peux pas le croire, parce que je pense que c'est le travail de commercialisation qui nuit à la commercialisation de ces produits. Nous avons des produits de première qualité.

Le président: Brièvement.

M. Lorne Hehn: Brièvement, monsieur le président, la réalité c'est que l'an dernier, la Chine a acheté très peu de grain, mais que la quasi-totalité de celui-ci provenait du Canada.

Le président: Merci.

Madame Ur, vous avez cinq minutes.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de la séance d'information que vous nous avez donnée. C'est ce que j'ai trouvé de plus instructif jusqu'à présent. Si nous ne pouvons pas voir ce qui se passe ici, nous avons de gros problèmes. J'apprécie beaucoup le travail que vous avez fait. Les tableaux sont très révélateurs. C'est très évident et on comprend très bien.

On nous redit constamment que nous sommes un petit intervenant dans le monde et que notre pays est petit par rapport aux États- Unis, à l'Europe, etc. Les témoins nous conseillent toujours de trouver des alliés pour renforcer notre position. Quand on songe aux subventions des États-Unis et de l'Union européenne, avec qui le Canada peut-il s'allier?

M. Lorne Hehn: Les négociations commerciales, ce n'est pas seulement des négociations entre producteurs; c'est une négociation entre pays consommateurs également. Il y a quantité de pays qui tiennent le Canada en grande estime. Je suis convaincu que si l'on s'y employait de façon déterminée, nous pourrions les rallier à notre cause. Ils ont considérablement de poids dans les négociations.

Il faut donc s'occuper non seulement de la production mais aussi de la consommation. Nous avons beaucoup de sympathisants en Amérique latine. Ils aiment nos céréales et le service que nous offrons. Nous en avons aussi beaucoup en Asie. La difficulté n'est donc pas de trouver des appuis. Il faut toutefois obtenir le soutien des acteurs principaux, sans quoi les deux grands intervenants vont s'unir et faire comme ils l'ont fait la dernière fois.

Nous sommes un gros acteur sur le marché céréalier. Sur le plan politique, le Canada est peut-être un petit pays, mais sur le marché des céréales, il faut compter avec nous. Nous représentons 20 p. 100 du marché du blé. Nous n'atteindrons pas ce pourcentage cette année à cause de la réduction de la production, mais nous représentons bien au-delà des deux tiers du commerce du blé dur. Nous sommes donc un acteur important.

Mme Rose-Marie Ur: Qu'est-ce que notre négociateur devrait faire de façon différente cette fois-ci? Vous avez dit que les producteurs n'avaient peut-être pas suffisamment communiqué avec le négociateur la première fois. Comment pouvons-nous améliorer l'information pour que le négociateur... Ce genre de renseignement lui ouvrirait sans doute des perspectives, mais nous sommes ici pour obtenir des renseignements sur l'OMC...

• 1225

M. Lorne Hehn: Oui. Je pense que cela nous ramène à la question de tout à l'heure sur le fait de savoir s'il faut faire intervenir d'autres facteurs ou d'autres secteurs ici. Lors du prochain cycle de négociation, le principal point pour les Canadiens devra être l'aide de la «boîte bleue» et ce que l'on en fait. Je parle de toutes les négociations, qu'il s'agisse du bois d'oeuvre, du charbon, ou de quoi que ce soit d'autre, parce que cela est un facteur déterminant pour l'économie du Canada, des Prairies, et pour notre infrastructure, ainsi que pour les régions rurales. Pour moi, ce doit être notre priorité.

Évidemment, les États-Unis ne cessent de répéter que la priorité pour eux sera les entreprises commerciales d'État. Il faut lutter contre cela. Il faut recueillir des appuis pour lutter contre le problème qui est encore plus important que celui qui leur semble prioritaire.

Mme Rose-Marie Ur: Dans la même veine, pensez-vous que les premières rencontres devraient porter sur les comptes à rendre? Ce serait une façon de voir comment chaque pays rempli ses obligations en ce qui concerne la boîte bleue, la boîte verte, la boîte ambre et la boîte rouge. Est-ce que ce ne serait pas utile?

M. Lorne Hehn: Le problème, c'est que vu l'interprétation des règles, aucun de ces pays n'a contrevenu aux règles. C'est un de nos problèmes. Chaque fois que l'on en parle à des gens comme le commissionnaire Franz Fischler, il ne manquera pas de vous le rappeler. Il ne fait rien de mal. Il a bien négocié et respecte les règles.

Mme Rose-Marie Ur: Mais vous dites que l'on devrait peut-être ne pas s'en tenir à l'interprétation et se pencher sur la définition proprement dite.

M. Lorne Hehn: Je pense que ce serait une bonne idée, oui.

Le président: C'est tout? Merci, madame Ur.

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Ma question s'adresse à monsieur Sawatzky. Je sais que vous avez parlé de l'aide alimentaire dans la page récapitulative, mais pourriez-vous revenir dessus? Expliquez-moi les 500 millions de dollars d'aide alimentaire américaine. Pendant que vous y êtes, dites-moi qui profite de cette aide alimentaire et si cela a un effet de distorsion sur le marché.

M. Larry Sawatzky: Volontiers. En juillet 1998, le ministère de l'Agriculture des États-Unis a annoncé son intention d'acheter 2,5 millions de tonnes de blé, d'une valeur approximative de 250 millions de dollars. C'est le montant de l'aide que j'avais étudié dans mon analyse. Un certain nombre de pays y avaient droit.

M. Dick Proctor: Pouvez-vous me donner des exemples?

M. Larry Sawatzky: Il y a l'Afghanistan, l'Albanie, la Bosnie et la Macédoine. De fait, les pays sont énumérés dans le document. Il y a un document intitulé «Résumé des programmes de subventions agricoles américains». La liste est là.

M. Dick Proctor: Très bien.

M. Larry Sawatzky: Puis, le 6 novembre, le ministère américain de l'Agriculture a annoncé une aide alimentaire supplémentaire pour la Russie qui comportait 1,5 million de tonnes de blé. C'est ce qui explique l'autre chiffre et qui porte le total à 500 millions de dollars.

M. Dick Proctor: Quel effet cela a-t-il sur le producteur de blé canadien?

M. Larry Sawatzky: Tant que ce blé donné par les États-Unis ne modifie pas la demande commerciale. L'un des pays figurant sur la première liste était l'Indonésie, un grand marché commercial pour le Canada. Le Canada et d'autres exportateurs craignaient que ce programme ne permette aux États-Unis de pénétrer des marchés dont il n'avait pas une grande part. C'était notre principale inquiétude. Mais tant que cela ne modifie pas la demande commerciale, cela ne cause pas de difficulté.

M. Lorne Hehn: Il ne fait pas de doute que l'Indonésie a besoin de ce genre d'aide, mais comme M. Sawatzky l'a dit, la part du marché que détiennent les États-Unis en Indonésie est minuscule. Elle varie entre 2 et 3 p. 100. Une aide comme celle-là ne viendra pas perturber le commerce sur ce marché. La question qui se pose est de savoir s'il s'agit d'aide ou d'aide commerciale.

M. Dick Proctor: En effet. Dans cette liste de pays—je la vois maintenant et je vous en remercie, monsieur Sawatzky—y a-t-il d'autres pays où le Canada est un gros exportateur de blé, comme l'Indonésie, où cela créerait des difficultés? L'Indonésie est-elle un cas d'espèce ici?

• 1230

M. Larry Sawatzky: L'Indonésie serait notre plus gros marché parmi ces pays, mais le Pérou a certainement été également un marché important pour nous.

M. Lorne Hehn: Nous avons expédié plus d'un demi-million vers le Pérou si bien que c'est un assez gros marché.

M. Dick Proctor: J'ai une autre question à poser à M. Hehn, monsieur le président.

Nous avons beaucoup parlé aujourd'hui des sociétés commerciales d'État et nous savons qu'au cours des six prochaines semaines la composition de la Commission canadienne du blé sera différente et que les agriculteurs y seront majoritaires.

Pensez-vous que cela changera la façon dont les Américains ou les Européens voient la Commission du blé? Je suppose que, comme on l'a dit, le gouvernement canadien retirera ses garanties à la Commission du blé. Continuera-t-elle d'être considérée sous un jour aussi négatif?

M. Lorne Hehn: L'un des véritables défis à relever se situe sur le plan de l'image. La classe politique américaine continue à faire parler dans les médias des énormes subventions dont bénéficie la Commission du blé et des distorsions que cela crée sur le marché. Les Américains associent pratiquement tous nos programmes de soutien à la Commission du blé. C'est donc ainsi que les agriculteurs des États-Unis voient les choses.

Lorsque nous aurons mis la nouvelle structure en place, avec son nouveau conseil d'administration, les Américains devraient nous voir d'un autre oeil. C'est ressorti hier de la petite réunion que nous avons eue avec les gens du Dakota du Nord. Cela améliorera notre image aux yeux de la communauté internationale, mais également aux yeux de nos propres agriculteurs. Je crois qu'ils vont vraiment souscrire à cet organisme. Oui, c'est notre agence de commercialisation. Oui, nous y participons, et oui, nous avons notre mot à dire.

M. Dick Proctor: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Hehn.

Nous devons nous soumettre pendant un certain temps aux règles actuelles de l'OMC, mais les agriculteurs voudront peut-être faire quelque chose de leur côté. La Commission a-t-elle fait un pronostic au sujet des semailles du printemps? Vous attendez-vous à une diminution sans précédent de la superficie des cultures céréalières?

M. Lorne Hehn: En fait, si nous examinons les prévisions pour... Parlez-vous du Canada?

Le président: Oui.

M. Lorne Hehn: Si nous examinons nos prévisions pour 1999, nous nous attendons à une réduction modeste de la superficie de blé dur, mais nous prévoyons qu'elle restera à peu près la même que l'année dernière pour le blé de meunerie. Cela me ramène à la question de M. McCormick. C'est sans doute davantage pour assurer la rotation des cultures que pour une autre raison.

Étant donné les prix, nous pourrions sans doute assister à une réduction de la superficie de blé cultivé, mais jusqu'à présent, d'après les gestionnaires des élévateurs et les sondages, la superficie ensemencée restera à peu près la même que l'année dernière.

Mais je vous rappelle, monsieur le président, que c'était la superficie la moins grande depuis 19 ans.

Le président: Autrement dit, vous êtes déjà au minimum.

M. Lorne Hehn: En effet.

Le président: Monsieur Hilstrom.

M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président. Je voudrais dire que vous avez très bien réussi à faire valoir votre position, alors je vous demanderais d'être encore un peu patient avec nous.

Les sociétés commerciales d'État sont ce qui préoccupe le plus les Américains et je trouve étrange que vous nous suggériez de ne pas négocier à ce sujet. Je ne sais pas s'il vaut vraiment la peine d'ajouter quelque chose à ce propos, à moins que vous vouliez le faire rapidement.

M. Lorne Hehn: C'est le seul véritable instrument de négociation qui reste aux agriculteurs, alors pourquoi le leur enlever et les laisser complètement démunis? C'est les rendre vulnérables au reste du monde.

Permettez-moi de vous donner un exemple, Howard. Nous venons de charger à Vancouver un bateau à destination de l'Indonésie. C'était son premier voyage. Ce bateau a été construit spécialement pour le mouvement Bogasari. Nous y avons chargé 75 000 tonnes de blé. Il y avait deux qualités de blé différentes.

Robert Ponto, l'un des membres de notre comité consultatif, qui ne se présente pas aux prochaines élections, est venu de l'Alberta à ses propres frais. Quand tout a été terminé, Robert a dit: «J'aurais aimé que chaque agriculteur assiste à cela. Il m'aurait fallu 25 récoltes de blé pour remplir ce navire». Et ce n'est pas un petit producteur.

• 1235

Telle est donc l'ampleur du marché. Nous chargeons, en moyenne, trois ou quatre de ces navires chaque jour.

M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur Hehn. Nous en avons discuté avec votre personnel.

L'autre question que je voudrais poser concerne l'aide alimentaire destinée aux divers pays, ce qui comprend certainement des dons de blé. Par exemple—et cela se rapporte au commerce mondial—la Corée du nord a acheté beaucoup de blé, mais elle est en faillite.

Personnellement, je crois que c'est à cause de sa planification centralisée de la production agricole y compris les importations, les exportations et le fait que toute l'économie est centralisée. N'est-il pas vrai que le Canada a vendu son blé—et je suppose que c'est la Commission du blé qui l'a vendu—à un prix extrêmement bas et que c'est, en fait, le producteur de blé canadien qui a donné cette aide alimentaire plutôt que l'ensemble des contribuables? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

M. Lorne Hehn: Non, ce n'est pas vrai. En fait, si nous faisons des ventes par l'entremise de l'ACDI... Je ne me souviens pas si cette vente à la Corée du Nord a été faite par l'entremise de l'ACDI ou non. Nos responsables des ventes ne sont pas ici. Mais si nous faisons une vente par l'entremise de l'ACDI, nous devons indiquer le prix de vente au gouvernement du Canada—et je crois que le vérificateur général se penche également sur cette question. Nous ne désignons pas chaque vente, mais nous devons toutes les indiquer sur un tableau afin qu'on puisse établir si nos prix étaient trop élevés ou trop bas. Et nous le faisons pour assurer la transparence de cet élément de nos activités.

M. Howard Hilstrom: La vente à la Corée du nord n'a pas été faite par l'entremise de l'ACDI, n'est-ce pas?

M. Lorne Hehn: Je n'en suis pas certain. Il faudrait que je vérifie. Je crois que c'était une vente directe.

M. Howard Hilstrom: Oui, d'après ce que j'ai lu dans les journaux...

M. Lorne Hehn: Je ne sais pas si du crédit a été consenti. Je sais qu'il y a eu un AE.

M. Howard Hilstrom: Je ne devrais peut-être pas vous poser la question aujourd'hui, mais je voudrais certainement qu'elle soit de nouveau posée demain pour ce qui est de la contribution de l'agriculteur canadien... Il est impossible de le prouver car nous ne pouvons pas obtenir de chiffres, mais je pense que si...

M. Lorne Hehn: Nous pouvons vous fournir...

M. Howard Hilstrom: Si le pays est en faillite, comment peut- il se permettre un bon prix pour ce genre d'importation?

M. Lorne Hehn: Nous pouvons vous dire quel était le prix américain ce jour-là, sans vous révéler le prix de vente réel, pour vous permettre de voir si ce prix y correspondait plus ou moins.

M. Howard Hilstrom: La Commission du blé ne vend jamais en dessous du prix de base américain?

M. Lorne Hehn: Ce serait très rare. Nous avons un produit de qualité...

M. Howard Hilstrom: C'est ce que je veux dire.

M. Lorne Hehn: ...et il est propre. La qualité est uniforme. Nous obtenons toujours un meilleur prix sur le marché. Nous devons soutenir la concurrence dans les marchés pour lesquels le prix est important. La Corée du nord en fait certainement partie. Nous ne soutenons pas la concurrence sur le plan de la qualité, mais du prix. Je peux vous dire que nous sommes très concurrentiels, mais que nous ne vendons pas notre blé pour moins cher que les Américains. Nous vendons peut-être au même prix qu'eux, mais pas pour moins cher.

M. Howard Hilstrom: Merci.

Le président: Monsieur McCormick, vous avez la parole.

M. Larry McCormick: Merci, monsieur le président. J'aimerais bien savoir quand cette vente-là a été conclue avec la Corée. Je devrais sans doute le savoir. Je suis président du Groupe d'amitié interparlementaire Canada-Corée. Ce groupe est composé de membres de tous les cinq partis.

Cela m'étonne, comme d'autres Canadiens, d'apprendre que la moitié de cette petite péninsule représentait il y a trois ans notre septième partenaire commercial, et pas seulement dans le domaine agricole. Il y a deux ans, c'était notre sixième partenaire et aujourd'hui après la perturbation du marché asiatique, la Corée du Sud est le quatrième partenaire commercial du Canada. La plupart des fonctionnaires ne semblent pas se rendre compte que maintenant ce pays constitue le quatrième marché pour nos produits.

Mais en Corée du Nord, il y a 2 millions de personnes qui sont mortes de faim au cours des deux dernières années, je dis bien 2 millions. Aujourd'hui ils en sont réduits à manger de l'herbe et de l'écorce. J'ai parlé à mon contact l'autre jour en Australie et j'ai dit que j'espérais que nous pourrions envoyer des céréales et des denrées alimentaires en Corée du Nord. J'en ai discuté avec d'autres qui ne voulaient pas leur envoyer davantage d'argent mais qui étaient prêts à les soutenir si vous leur en faisions don. C'était des personnes qui travaillent dans le secteur agricole. Et mon interlocuteur australien m'a dit, nous n'aurions rien à redire à cela parce qu'il n'y a aucun pays au monde aujourd'hui qui retire de l'argent de la Corée du Nord, que ce soit les États-Unis, l'Australie ou nous.

J'estime donc que cela ne représenterait pas grand-chose pour nous étant donné notre crise agricole et l'avenir de ce secteur. J'ai mentionné nos excellentes relations commerciales avec la Corée du Sud mais il est important de se rappeler qu'il y a eu 2 millions de personnes qui sont mortes de faim. Je sais que c'est parce qu'il y a toujours un régime communiste au pouvoir dans le pays mais ce sont quand même des êtres humains qui sont morts de faim. Je vous demanderai donc d'explorer cette possibilité quand viendra le moment.

• 1240

M. Garry Breitkreuz (Yorton—Melville, Réf.): Monsieur le président, permettez-moi de demander une précision à ce sujet.

Le président: Je vous en prie.

M. Garry Breitkreuz: Proposez-vous, monsieur McCormick, que dans le cas où le Canada décide de donner de l'aide à ces pays, il devra d'abord acheter les denrées aux cultivateurs? Pensez-vous que ce sera une bonne façon de procéder vu que...

M. Larry McCormick: Effectivement, monsieur le président.

M. Garry Breitkreuz: Merci.

M. Lorne Hehn: Je viens de passer en revue notre plan de vente pour 1998-1999 et je n'y vois pas la Corée du Nord. Il doit s'agir d'une vente antérieure.

M. Howard Hilstrom: Oui, je pense que c'était le cas.

M. Larry McCormick: Effectivement.

M. Lorne Hehn: Nous allons vous obtenir les renseignements par rapport au marché américain.

M. Larry McCormick: Pour revenir à mon ami, Garry, je dis simplement que ce serait peu de chose. La plupart des Canadiens qui offrent des dons, ceux qui ont le privilège de le faire savent quelle est la satisfaction qu'on en retire. Donner procure davantage de joie que de recevoir. Il y a beaucoup de personnes et de groupes qui sont récipiendaires de nos dons. Nous avons des parlementaires de tous les partis ici. C'est quelque chose qui me tient à coeur.

M. Lorne Hehn: Il faut faire très attention, monsieur McCormick, afin que la compassion ne porte pas préjudice aux intérêts du cultivateur.

M. Larry McCormick: Je propose de payer le cultivateur.

M. Lorne Hehn: Si le cultivateur veut faire de la charité, il peut toujours donner à une banque alimentaire ou à d'autres. Nous tenons à ce que le blé soit vendu au prix qui correspond à sa valeur sur le marché et aux prix qu'exige le concurrent, et c'est cela notre critère.

M. Larry McCormick: Très bien. Je tiens certainement à ce que nos producteurs reçoivent un prix juste.

Lorne, vous avez dit à propos de la boîte bleue que tout le monde avait eu quelque chose à apprendre lors de la dernière ronde de négociations. J'espère—et je ne parle pas uniquement au gouvernement—que tout le monde est intervenu plus tôt que la fois précédente, je veux dire tous les intervenants, et non pas uniquement vous-même.

M. Lorne Hehn: Lors de la dernière ronde, une disposition permettait une discussion préliminaire avant la fin de la ronde. C'est pourquoi nous allons aborder cette discussion en 1999. C'est grâce à la dernière ronde. Ces discussions sont un peu différentes de la plupart des autres, qui ne peuvent débuter qu'après l'expiration du contrat précédent, alors que dans le cas présent, nous allons nous rencontrer avant l'expiration de l'Accord de l'OMC.

M. Larry McCormick: Pour les groupes de producteurs spécialisés qui n'accompagnent pas les négociateurs chargés de nous faire rapport, on devrait ainsi avoir une meilleure idée de ce qui se passera par la suite. N'est-ce pas?

M. Lorne Hehn: Je l'espère. Comme nous le faisons depuis deux ou trois mois, nous avons l'intention de fournir le plus de renseignements possible de façon que les négociateurs soient informés des tenants et des aboutissants et qu'ils puissent prendre des décisions équilibrées. C'est pour cela que nous présentons tous ces détails devant le Sénat, devant le comité de la Chambre aujourd'hui et devant les dirigeants agricoles.

À ce propos, nous avons convoqué tous les dirigeants agricoles en septembre pour leur faire le même genre d'exposé.

M. Larry McCormick: Je vous en remercie.

Je ne voudrais pas qu'on abandonne un produit agricole au profit d'un autre produit pendant la session finale de négociations.

Le président: Merci. Je voudrais donner la parole à M. Breitkreuz dans un instant, mais auparavant, j'aimerais faire une mise à jour pour les membres du comité, car je sais qu'ils sont toujours pressés en fin de séance.

Mercredi prochain, nous allons terminer nos audiences sur la crise agricole. Le ministre sera le dernier témoin. Par respect pour son personnel, nous devons lui accorder quelques jours ouvrables pour faire son travail. La Chambre ajourne à la fin de la semaine prochaine, mais à cause de tout ce qui se passe dans notre domaine, nous allons siéger le lundi 7 décembre. Vous recevrez un avis où le numéro de la salle sera indiqué, mais nous nous réunirons le lundi 7 décembre à 15 h 30 pour préparer notre rapport au Parlement sur la crise des finances agricoles. Voilà la mise à jour que je tenais à faire.

C'est le genre de situation dans lequel nous nous retrouvons à cette période-ci de l'année, mais nous n'avons pas le choix. Nous allons présenter notre rapport et décider de ce que nous dirons à cette réunion. Nous accorderons au personnel un jour ou deux tout au plus, de façon à pouvoir présenter le rapport au Parlement avant que la Chambre n'ajourne le 11 décembre, comme prévu.

• 1245

M. Larry McCormick: Vous me demandez d'en prendre note.

Le président: Oui, prenez-en note.

Monsieur Breitkreuz, pour cinq minutes.

M. Garry Breitkreuz: Je vous remercie de vous présenter devant le comité. C'est toujours très intéressant.

Avant d'en venir à ma question, je dois dire que j'ai été un peu surpris de vos propos—et peut-être pouvez-vous m'apporter des précisions—voulant que si les agriculteurs reçoivent une forme quelconque de paiement, ils vont la consacrer à Dieu sait quoi, et même si l'exploitation agricole n'est pas rentable...

M. Larry McCormick: Ce n'est pas ce que vous voulez dire.

M. Lorne Hehn: Je n'ai pas dit cela.

M. Garry Breitkreuz: J'ai eu l'impression, d'après vos propos...

M. Lorne Hehn: Non, j'ai simplement dit, en tant qu'agriculteur, que j'aimerais réinvestir cet argent dans l'activité que je connais le mieux, c'est-à-dire la production, et je considère que c'est la meilleure façon d'employer cet argent. Mais c'est une observation personnelle et ce n'est pas le point de vue de la Commission canadienne du blé. Vous devez en être conscient, car j'ai dit cela en me plaçant du point de vue de l'agriculteur que je suis.

M. Garry Breitkreuz: Je suis content que vous ayez éclairci les choses, parce que c'est l'impression que vous nous aviez laissée. Je pense que ce n'est pas très sain, puisque c'est faire preuve d'une sorte de condescendance envers les agriculteurs. D'après mon expérience, ils font de leur mieux dans les conditions qui leur sont imposées et je pense qu'il importe de le reconnaître.

Au sujet des subventions avec lesquelles les agriculteurs sont aux prises, j'ai quelques rapports assez circonscrits avec des agriculteurs européens, et je sais qu'ils ont autant de problèmes que les nôtres.

M. Lorne Hehn: Bien entendu.

M. Garry Breitkreuz: Dans l'Union européenne, le coût de production d'une tonne de blé est très élevé.

Les agriculteurs reconnaissent maintenant que ces subventions internationales nuisent vraiment au prix qu'ils peuvent obtenir pour leur produit.

J'aimerais maintenant passer à l'autre aspect de la rentabilité, soit les coûts des intrants. Il y a des coûts, comme des frais d'utilisation, que doivent payer les agriculteurs à cause de l'obligation d'utiliser... Les frais peuvent être imposés par la Commission canadienne du blé ou il peut s'agir de tout autre frais de transport, qu'ils aient à déplacer les céréales sur 5 milles ou sur 500 milles; il y a en outre des taxes intégrées au prix de leurs produits. Votre organisation prétend faire de son mieux pour les agriculteurs; que faites-vous de ce côté-là?

M. Lorne Hehn: Nous étudions soigneusement nos coûts. Nous avons un exercice budgétaire très intensif avant le début de la campagne agricole et nous mesurons le rendement de notre équipe par rapport à cet exercice, tout au long de la campagne. À la fin de l'année, nous présentons directement aux agriculteurs toutes nos dépenses, y compris les salaires et les déplacements, et ils peuvent évaluer notre rendement pour chaque domaine.

Nos dépenses sont habituellement de 40 à 50 millions de dollars. Si nous traitons un volume de 20 millions de tonnes, cela revient à 2 $ la tonne. Ça vous donne une petite idée.

Cette année, les dépenses seront plus élevées principalement à cause des défis posés par l'an 2000, que tous connaissent. C'est un problème très coûteux. À lui seul, il pourrait coûter plus de 12 millions de dollars à notre organisation. Bien entendu, nous ne porterons pas toute cette somme au budget de l'année en cours. La somme sera répartie sur quatre ans.

Pour revenir à votre observation sur les agriculteurs européens, c'est sûr qu'ils ont des problèmes. Il y en a toujours pour profiter des occasions. C'est ce qui se produit dans une économie circulaire et c'est ce que j'essayais de vous expliquer tantôt, lorsque je disais que les agriculteurs réinvestiraient cela dans l'exploitation.

M. Garry Breitkreuz: Je pense que vous essayez d'éviter ma question, sauf votre respect.

M. Murray Calder: Je ne crois pas.

M. Garry Breitkreuz: Vous avez des organisations comme la Commission canadienne du grain et des agriculteurs, à qui l'on impose des frais de transport quand aucun grain n'est transporté. Il y a beaucoup de frais d'utilisateur que doivent payer les agriculteurs—138 millions de dollars, d'après les chiffres du gouvernement même—et des coûts pour les agriculteurs. Que fait-on pour réduire ces intrants? Voilà ma question. Leurs grains doivent être commercialisés par l'intermédiaire de la Commission. Que fait- on pour réduire le coût des intrants?

• 1250

M. Lorne Hehn: Je viens de vous dire ce que nous faisons. Je ne peux pas parler pour la Commission canadienne du grain, ni pour les sociétés céréalières, ni pour personne d'autre dans le secteur.

J'ai quelques préoccupations au sujet du capital qu'on envoie dans les Prairies, pas quant à la somme totale mais quant à la concentration qui se produit. Il y aura trop d'infrastructures dans certains secteurs et trop peu ailleurs; c'est ce qui me préoccupe. Mais je le répète, c'est le problème des sociétés céréalières et pas nécessairement de la Commission. Ce sont tout de même les agriculteurs qui paient pour cela. Nous sommes très soucieux de notre budget et nous mesurons notre rendement en fonction des objectifs fixés, et nous le faisons aussi du côté des dépenses. Nous avons lancé un processus budgétaire il y a déjà quelques années et, à ce sujet, nous fonctionnons comme toute autre entreprise.

Le président: Merci.

Monsieur Hoeppner.

M. Jake Hoeppner: J'aimerais poser une courte question, à la fois à M. Calder et à M. Hehn.

M. Murray Calder: Je suis prêt.

M. Jake Hoeppner: J'ai une exploitation agricole près de la frontière américaine et je parle souvent à des agriculteurs américains. Ils me disent que dès qu'il y a un programme gouvernemental comme celui du retrait obligatoire des terres en culture, vous prenez des mesures pour compenser. Vous utilisez vos réserves, vous faites tout ce que vous pouvez pour vendre plus de céréales. Quelle est votre position à ce sujet, monsieur Hehn? Diriez-vous que nous devons collaborer avec les Européens et les Américains et que s'il y a des surplus, on doit leur plaire en en mettant de côté?

M. Lorne Hehn: Nous avons le plus gros programme de retrait obligatoire du monde, monsieur Hoeppner. Il s'agit de la jachère d'été, et nous ne payons pas nos agriculteurs pour le faire. Ils réagissent au marché.

M. Jake Hoeppner: Oui, mais vous savez ce qu'on met en jachère—le canola, pas le blé.

M. Lorne Hehn: C'est à l'agriculteur de décider. Je ne suis pas convaincu qu'il n'y a pas de blé en jachère aussi, l'été, en Saskatchewan.

M. Jake Hoeppner: Vous en avez peut-être dans certaines régions.

M. Lorne Hehn: Votre exploitation est dans un secteur à culture continue. Moi, j'étais dans une autre zone de culture.

M. Jake Hoeppner: Mais peut-on négliger cette exigence des pays étrangers? Pourquoi n'appuyez-vous pas certains de ces...

M. Lorne Hehn: Étant donné notre part du marché, ce n'est pas notre production qui cause des problèmes. Nous serons bien en deçà de 20 p. 100 du volume mondial cette année, non pas parce que nous n'avons pas vendu notre grain, mais plutôt parce que nous n'en avons pas suffisamment produit pour profiter du marché. Nous faisons donc notre part.

M. Murray Calder: D'ailleurs, Jake...

M. Jake Hoeppner: Mais je vous demande si nous devrions avoir cette part. Les Américains n'exportent que 20 p. 100 de leur grain alors que nous en exportons près de 80 p. 100. Lorsqu'il y a une surproduction, nous y contribuons certainement.

M. Lorne Hehn: Je peux aussi parler de certains de leurs produits, qu'ils exportent à 80 p. 100 ou à 90 p. 100. Ils ont l'avantage d'un marché intérieur énorme, pas nous. Nous n'avons que 30 millions d'habitants. Nous avons une ressource énorme dans l'ouest du pays. Dites-vous que nous ne devrions pas exploiter cette ressource?

M. Jake Hoeppner: Je dis que nous devons coopérer; autrement, c'est suicidaire. À cause de notre taille, nous ne pouvons lutter contre les trésors européens et américains.

M. Lorne Hehn: Je pensais que vous demandiez un marché plus libre, il y a quelques instants.

M. Jake Hoeppner: Nous serons concurrentiels, s'il y a vraiment un marché libre.

M. Lorne Hehn: Vous venez de me dire que nous ne pouvions pas l'être, à moins d'avoir de l'aide.

M. Jake Hoeppner: Vous me dites simplement que nous devons leur céder; mais comment?

M. Lorne Hehn: Nous ne leur céderons pas. Je pense que nous devons adopter une position ferme, pendant ces négociations. Je pense que nous devrions commencer avec le groupe Cairns. Nous avions ce groupe, la dernière fois. Nous devons tabler là-dessus et en obtenir davantage du côté de la consommation en plus d'ajouter des pays; nous espérons avoir la collaboration des États-Unis. Nous ne cessons de nous chamailler entre nous au Canada et les États- Unis adorent cela. Ils veulent que les subventions à l'exportation soient un des principaux points à l'ordre du jour. Jake, il est grand temps que tous les élus se serrent les coudes et demandent que les subventions à l'exportation ne soient plus sur la table. Parlons des vraies questions.

M. Jake Hoeppner: J'aime ce que vous dites. C'est une question de politique. C'est le problème, pour tous ces marchés. Ce n'est pas la production, puisque je vois des gens qui meurent de faim, des millions de personnes. Elles ne peuvent pas mettre de pain sur leur table. Comment cela se fait-il? Ce n'est pas à cause des agriculteurs mais à cause de la politique, n'est-ce pas?

M. Lorne Hehn: Cela pourrait être le résultat de nombreux facteurs, comme la répartition ou le niveau de revenu dans ce pays. Nous aussi, nous avons des gens qui crèvent de faim à Winnipeg. Nous le savons. Les banques alimentaires aident de plus en plus de gens, chaque année. Jake, vous êtes mieux placé que moi pour répondre à cette question.

M. Jake Hoeppner: Je vous dis simplement ce que j'ai vu à l'étranger. Prenons l'exemple de l'Union soviétique. Vous savez que c'était le grenier de l'Europe, au tournant du siècle. Mais qu'est- ce que les sociétés commerciales d'État ont fait pour ce pays? Le pays a été ruiné. Il ne peut pas puiser son pétrole, extraire son or ni cultiver ses terres. Est-ce l'orientation que vous souhaitez que nous prenions?

M. Lorne Hehn: Encore une fois, je ne veux pas m'embarquer dans ce genre de discussion, mais il me semble que ce pays a commencé à avoir de graves problèmes quand il a commencé à se libéraliser, Jake.

M. Jake Hoeppner: Bien entendu, puisqu'ils sont passés d'un régime à un autre, sans rien pour remplacer le premier. J'y suis allé deux fois, je le sais bien. J'ai vu mon cousin faire la queue pendant une journée et demie pour avoir une miche de pain, alors qu'on trouve dans ce pays la moitié des terres agricoles du globe.

M. Lorne Hehn: Nous avons déjà eu cette discussion. Si vous le voulez, j'en discuterai avec vous après la séance.

M. Jake Hoeppner: Pour commencer, nous allons collaborer, nous ferons du commerce et nous irons aux négociations commerciales. Ensuite, nous dirons qu'il faut faire sortir les Américains, parce que nous ne pouvons collaborer avec eux. C'est ce que j'entends.

• 1255

M. Lorne Hehn: Non. J'ai dit que nous devions mettre les Américains de notre côté pour enlever de la table les subventions à l'exportation et y mettre la boîte bleue, Jake. Vous couper les cheveux en quatre. Vous jouez sur les mots.

M. Murray Calder: Comme d'habitude.

M. Jake Hoeppner: Je suis ravi.

Le président: Il est parfois préférable d'écouter un peu plus attentivement.

De toute façon, merci beaucoup.

M. Garry Breitkreuz: Oui, merci.

M. Jake Hoeppner: Merci.

Le président: C'était une très bonne séance, nous avons beaucoup appris.

Oui, c'est très dérangeant. Aujourd'hui, monsieur Hehn, vous ne nous apportez vraiment pas de bonnes nouvelles, mais il nous fallait les entendre, même si ce sont de mauvaises nouvelles, parce qu'il est important que nous comprenions. Espérons que cette information nous permettra d'agir de manière positive.

M. Lorne Hehn: Merci.

Le président: La séance est levée.