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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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36e Législature, 2ième Session

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 31

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 30 novembre 1999

VAFFAIRES COURANTES

. 1005

VRÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
VM. Derek Lee
VCOMITÉS DE LA CHAMBRE
VJustice et droits de la personne
VL'hon. Andy Scott
VQUESTIONS AU FEUILLETON
VM. Derek Lee
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLES CRÉDITS
VJour désigné—Le crime organisé
VM. Michel Bellehumeur
VMotion

. 1010

. 1015

VM. Peter MacKay

. 1020

. 1025

VMme Pierrette Venne

. 1030

VAmendement

. 1035

VM. John Reynolds
VMme Louise Hardy

. 1040

VM. Peter MacKay
VL'hon. Lawrence MacAulay

. 1045

. 1050

VM. John Reynolds
VM. Svend J. Robinson

. 1055

VMme Aileen Carroll

. 1100

. 1105

VM. Randy White
VM. Ghislain Lebel

. 1110

VM. Randy White

. 1115

. 1120

VM. Peter Mancini
VL'hon. David Kilgour

. 1125

VM. John Reynolds

. 1130

. 1135

VL'hon. David Kilgour
VM. Jim Abbott

. 1140

VM. Peter Mancini

. 1145

. 1150

VM. Peter MacKay

. 1155

VM. Pat Martin

. 1200

. 1205

VM. Sarkis Assadourian
VM. John Reynolds

. 1210

VM. Peter MacKay

. 1215

. 1220

. 1225

. 1230

VM. Jim Abbott

. 1235

VM. Yvan Loubier

. 1240

. 1245

VM. Jim Abbott

. 1250

VM. John Reynolds
VMme Christiane Gagnon
VMme Pauline Picard

. 1255

. 1300

VM. Yvan Loubier

. 1305

VM. Jacques Saada

. 1310

. 1315

VM. Norman Doyle
VM. Yvan Loubier
VMme Eleni Bakopanos

. 1320

. 1325

VM. Jim Abbott

. 1330

VM. Peter Stoffer
VM. Réal Ménard

. 1335

. 1340

. 1345

VM. Garry Breitkreuz
VM. Denis Coderre

. 1350

VMme Christiane Gagnon

. 1355

VLE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL
V
VDÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
VKIYOSHI TAKAHASHI
VM. Lou Sekora
VLA CULTURE
VMme Val Meredith

. 1400

VLES PROGRAMMES D'ÉCHANGE D'AMITIÉ DU SPORT DU CANADA
VMme Rose-Marie Ur
VLE PRIX DE L'ESSENCE
VM. Guy St-Julien
VLA CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DRUMMOND
VMme Pauline Picard
VL'AILE QUÉBÉCOISE DU PARTI LIBÉRAL DU CANADA
VMme Eleni Bakopanos
VLA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE
VM. John Reynolds
VL'HÔPITAL MONTFORT
VM. Eugène Bellemare

. 1405

VL'HÔPITAL MONTFORT
VM. Louis Plamondon
VL'AGRICULTURE
VM. Rick Casson
VLA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES
VM. Gary Pillitteri
VLE PARTI LIBÉRAL DU CANADA
VM. Robert Bertrand
VLES DROITS DES JEUNES
VM. Peter Stoffer

. 1410

VLES RÉFÉRENDUMS
VMme Madeleine Dalphond-Guiral
VLES RÉFÉRENDUMS
VMme Marlene Jennings
VLES PÊCHES
VM. Gerald Keddy
VLE MOIS INTERNATIONAL DU DIABÈTE
VM. Gurbax Singh Malhi

. 1415

VLE TRANSPORT DU GRAIN
VM. Jake E. Hoeppner
VQUESTIONS ORALES
VL'UNITÉ NATIONALE
VM. Preston Manning
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Preston Manning
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Preston Manning
VLe très hon. Jean Chrétien

. 1420

VM. Grant Hill
VL'hon. Stéphane Dion
VM. Grant Hill
VLe très hon. Jean Chrétien
VLES RÉFÉRENDUMS
VM. Gilles Duceppe
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Gilles Duceppe
VLe très hon. Jean Chrétien

. 1425

VM. Daniel Turp
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Daniel Turp
VL'hon. Stéphane Dion
VLE COMMERCE
VMme Alexa McDonough
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Alexa McDonough

. 1430

VLe très hon. Jean Chrétien
VL'UNITÉ NATIONALE
VM. Peter MacKay
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. André Bachand
VLe très hon. Jean Chrétien
VLA DÉFENSE NATIONALE
VM. John Williams
VL'hon. Arthur C. Eggleton

. 1435

VM. John Williams
VL'hon. Arthur C. Eggleton
VLE MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL
VM. Stéphane Bergeron
VL'hon. Don Boudria
VM. Stéphane Bergeron
VL'hon. Don Boudria
VMme Deborah Grey
VL'hon. Don Boudria
VMme Deborah Grey

. 1440

VL'hon. Don Boudria
VM. Michel Gauthier
VL'hon. Don Boudria
VM. Michel Gauthier
VL'hon. Don Boudria
VM. Chuck Strahl
VL'hon. Don Boudria
VM. Chuck Strahl

. 1445

VL'hon. Don Boudria
VL'INDUSTRIE DU TRANSPORT AÉRIEN
VL'hon. David M. Collenette
VL'OFFICE NATIONAL DU FILM
VMme Sarmite Bulte
VL'hon. Sheila Copps
VL'EMPLOI
VMme Diane Ablonczy
VL'hon. Jane Stewart

. 1450

VMme Diane Ablonczy
VLe très hon. Jean Chrétien
VLe très hon. Jean Chrétien
VLA SANTÉ
VMme Judy Wasylycia-Leis
VL'hon. Allan Rock
VMme Judy Wasylycia-Leis
VL'hon. Allan Rock

. 1455

VL'ASSURANCE-EMPLOI
VMme Angela Vautour
VL'hon. Paul Martin
VMme Angela Vautour
VL'hon. Paul Martin
VLES SPORTS
VMme Nancy Karetak-Lindell
VL'hon. Denis Coderre
VLA GRC
VM. Philip Mayfield
VL'hon. Lawrence MacAulay
VLES ALIMENTS TRANSGÉNIQUES
VM. Réal Ménard

. 1500

VL'hon. Allan Rock
VLA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ
VM. Peter Mancini
VL'hon. Ralph E. Goodale
VL'INDUSTRIE DU TRANSPORT AÉRIEN
VM. Bill Casey
VL'hon. David M. Collenette
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES

. 1505

VLES CRÉDITS
VJour désigné—Le crime organisé
VMotion
VMme Christiane Gagnon

. 1510

VM. Michel Bellehumeur
VM. Steve Mahoney

. 1515

. 1520

VMme Diane St-Jacques

. 1525

VM. Lynn Myers

. 1530

. 1535

VM. Réal Ménard

. 1540

VM. Jim Abbott

. 1545

. 1550

VM. Jacques Saada
VMme Diane Ablonczy

. 1555

VM. Gurmant Grewal

. 1600

. 1605

VM. John Maloney

. 1610

. 1615

VM. John McKay

. 1620

. 1625

VMme Francine Lalonde

. 1630

. 1635

VM. Michel Bellehumeur

. 1640

VMme Suzanne Tremblay

. 1645

. 1650

VM. Ted McWhinney

. 1655

VM. Michel Bellehumeur
VMme Sophia Leung

. 1700

. 1705

VM. John Bryden

. 1710

. 1715

VAdoption de l'amendement

. 1745

(Vote 59)

VLa motion amendée est adoptée.
VLOI SUR LES SUBVENTIONS AUX MUNICIPALITÉS
VProjet de loi C-10. Deuxième lecture

. 1750

(Vote 60)

VAdoption de la motion
VINITIATIVES PARLEMENTAIRES

. 1755

VLOI SUR LE RECONNAISSANCE DES CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ
VProjet de loi C-224. Deuxième lecture
VM. Sarkis Assadourian

. 1800

. 1805

VM. Peter Goldring

. 1810

VMme Maud Debien

. 1815

VMme Wendy Lill

. 1820

. 1825

VM. Mark Muise

. 1830

. 1835

VMme Sophia Leung

. 1840

VM. Clifford Lincoln

. 1845

VM. Sarkis Assadourian

. 1850

. 1855

VLe président suppléant (M. McClelland)

. 1900

VMOTION D'AJOURNEMENT
VLe commerce
VMme Libby Davies
VM. John Cannis

. 1905

(Version officielle)

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 31


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 30 novembre 1999

La séance est ouverte à 10 heures.



Prière


AFFAIRES COURANTES

 

. 1005 +

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à deux pétitions.

*  *  *

COMITÉS DE LA CHAMBRE

JUSTICE ET DROITS DE LA PERSONNE

L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 14 octobre 1999, votre comité a étudié le projet de loi C-202, Loi modifiant le Code criminel, dont il fait rapport avec des propositions d'amendement.

*  *  *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

Le président suppléant (M. McClelland): Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ—LE CRIME ORGANISÉ

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ) propose:  

    Que la Chambre ordonne au Comité permanent de la justice et des droits de la personne d'étudier la question du crime organisé, d'analyser les avenues qui s'offrent au Parlement pour lutter contre les activités des groupes criminalisés et de faire rapport à la Chambre au plus tard le 31 octobre 2000.

M. Stéphane Bergeron: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je veux simplement porter à votre attention que mon honorable collègue de Berthier—Montcalm partagera le temps qui lui est alloué avec notre collègue de Saint-Bruno—Saint-Hubert, et que conséquemment, tous les députés du Bloc québécois partageront leur temps pour tout le reste du débat.

Le président suppléant (M. McClelland): Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le Président, aujourd'hui, nous allons tenir un débat extrêmement important à la Chambre. On conviendra que lors d'une journée consacrée à l'opposition, on discute généralement d'un sujet qui, de l'avis de l'opposition, est le plus important de l'heure.

Or, on aurait facilement pu parler de Constitution aujourd'hui, avec tout ce qui se passe de l'autre côté de la Chambre et avec le voeu du premier ministre de présenter une loi pour encadrer certaines règles se rapportant au Québec, pour encadrer certains éléments qui relèvent de la juridiction exclusive du Québec, alors que l'on sait que seul le peuple québécois peut décider de son avenir. Donc, on aurait pu parler de Constitution, mais le Bloc québécois a préféré se pencher sur un autre sujet qui est sans doute le sujet le plus important, non seulement de l'heure, mais qui sera probablement le sujet le plus important des années 2000.

Il faut vraiment qu'aujourd'hui, on prenne conscience qu'il y a une problématique majeure, autant au Canada qu'au Québec, qui est le crime organisé.

 

. 1010 + -

Notre motion en est une d'ouverture. C'est une motion en vertu de laquelle le Bloc québécois tend la main non seulement au gouvernement d'en face, mais à tous les partis de cette Chambre. Il faut qu'on se comprenne bien, le Bloc tend la main à tous les partis de cette Chambre pour qu'on étudie très sérieusement et de façon non partisane, comme on est capables de le faire et comme on l'a démontré par le passé, des questions importantes comme celles liées au crime organisé, avec un seul et unique objectif, soit celui de trouver une solution à un problème majeur.

Quel est le problème? Pourquoi le Bloc québécois pense-t-il que c'est un problème qui est suffisamment important pour y consacrer une journée des travaux de la Chambre? Pourquoi veut-il tenter de convaincre le gouvernement et les autres partis de l'opposition de se joindre à lui pour adopter une motion qui ordonnerait au Comité permanent de la justice et des droits de la personne d'étudier cette question du crime organisé et de faire des propositions, si cela s'impose, suite aux témoignages que nous aurons entendus lors de cette étude?

Pourquoi? Parce que ces dernières années, et surtout depuis 1995, toutes sortes de choses sont arrivées qui démontrent cette ampleur et cette urgence. À titre de rappel, très rapidement, parce que j'ai seulement 10 minutes, on se souviendra qu'en 1995 le jeune Daniel Desrochers est décédé suite à l'explosion d'une bombe. Je suis sûr que mon collègue de Hochelaga—Maisonneuve va en parler parce que c'est dans son comté. C'était relié à toute la guerre des motards.

En 1997, deux gardiens de prison ont été abattus froidement. Il semble que, selon les informations que nous avons, c'était relié directement au crime organisé.

Très récemment, comme si ce n'était pas suffisant, il y a des collègues de cette Chambre qui ont reçu des menaces de mort. Ce fut notamment le cas du député de Saint-Hyacinthe—Bagot, parce qu'il a osé dénoncer quelque chose qui se passait dans son comté au niveau de la culture de la marijuana dans des champs de maïs et parce qu'il a pris la défense des agriculteurs de son comté. Il a dénoncé haut et fort un geste inadmissible et il a reçu des menaces de mort.

Je regardais les statistiques avant de venir ici. Entre 1994 et 1998, au Québec seulement, on se rend compte qu'il y a eu 79 meurtres et 89 tentatives de meurtres reliés à la guerre des motards. Toutefois, ce n'est pas seulement une problématique québécoise. Cela se passe également dans les autres provinces, mais je n'avais pas les statistiques en ma possession ce matin.

On parle de tentatives de meurtres et de meurtres, mais il y a également les incendies criminels et les attentats à la bombe. Pour cette période, il y eu 129 incendies criminels et 82 attentats à la bombe. Ce sont des informations qui proviennent de la GRC et qui sont sans doute fiables.

Si on regarde également au niveau de l'ampleur des drogues illicites au Canada, il faut se demander ce que représente en valeur monétaire le trafic des drogues qui se fait présentement au Canada? C'est un peu plus difficile parce qu'on y va au niveau des saisies. C'est naturellement seulement un pourcentage des drogues en circulation qu'on saisit et on fait une extrapolation pour en savoir l'ampleur. On dit que le trafic des drogues illicites au Canada représente entre 200 et 500 milliards de dollars américains. C'est de l'argent!

C'est pour cela que je dis que c'est un sujet extrêmement important. Nul doute que le sujet le plus important des années 2000, c'est de lutter efficacement contre le crime organisé parce que, au rythme où vont les choses, de 200 à 500 milliards de dollars américains par année, cela ne prendra pas beaucoup d'années avant qu'il contrôle à peu près tout au Canada. Il faut donc voir si la législation que nous avons présentement est suffisante.

Le Bloc québécois a entrepris une vaste consultation depuis le mois de juin. Celle-ci s'est intensifiée à partir de septembre. On a rencontré plusieurs intervenants, soit des policiers, des juges et des gens qui appliquent la loi. On se rend compte que, de toute évidence, les outils dont nous disposons ne sont peut-être pas suffisants.

 

. 1015 + -

La motion qu'on présente ce matin a pour but de permettre à tous les partis de prendre conscience de l'ampleur du crime organisé et de la déficience des outils dont nous disposons, au niveau législatif, ce dont nous nous sommes rendu compte.

Les policiers diront qu'ils ont besoin de budgets supplémentaires. Effectivement, lorsqu'on regarde les budgets, on se rend compte qu'au cours des dernières années, le gouvernement a coupé dans les fonds accordés aux services policiers, a coupé dans les budgets de certains bureaux de la GRC, ou s'apprête à le faire, même si le gouvernement d'en face le nie.

M. Yvan Loubier: À Saint-Hyacinthe même.

M. Michel Bellehumeur: Mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot va sûrement en parler dans son discours. On se rend compte qu'il y a peut-être un manque au niveau monétaire, mais il y a plus que cela, et il faut se pencher très sérieusement sur les outils législatifs.

Lorsque je parle d'outils législatifs, il me vient tout de suite à l'esprit la protection des témoins et la protection des membres des jury. Est-ce que les jurés sont suffisamment protégés, lorsqu'ils siègent à un procès, quand on sait qu'ils doivent trouver l'accusé coupable ou non coupable, pendant que tous les beaux petits amis de l'accusé occupent les deux premières rangées, les bras croisés, fixant les membres du jury dans les yeux pendant que le procès? C'est très intimidant. Ce n'est pas pour rien qu'on a de la difficulté à trouver des membres de jury qui acceptent de l'être et qui se plient aux règles.

Il y a aussi les témoins. Est-ce qu'on donne suffisamment de protection aux témoins? Il faut vérifier cela.

Une des grandes difficultés des policiers, c'est justement de monter les dossiers. Il existe une méthode d'infiltration de ces groupes criminalisés, mais est-ce suffisant? Est-ce qu'il ne faut pas revoir certaines dispositions du Code criminel pour permettre aux agents doubles, comme on les appelle communément, de commettre des actes criminels pour se mettre sur le même pied que les criminels et éventuellement venir témoigner? C'est un domaine extrêmement complexe, mais il faut s'y pencher, il faut examiner cela.

Il faut aussi améliorer les échanges d'informations entre la GRC, la Sûreté du Québec et différents ministères, parce qu'aujourd'hui, les corps policiers se plaignent qu'il y a une très mauvaise communication.

J'aurais pu vous entretenir pendant encore une heure de ce sujet, mais je sais que je dois conclure. Je termine en priant tous les députés de ce Parlement de faire abstraction du fait que cette motion est présentée par l'opposition, par des souverainistes de cette Chambre qui amènent le débat du crime organisé et qui demandent la formation d'un comité pour qu'on étudie sérieusement toute cette question-là.

Je leur demande de faire abstraction de ce fait et de voter avec le Bloc québécois afin qu'on étudie sérieusement, sans partisanerie, toute la question du crime organisé, et qu'on fasse rapport à la Chambre au plus tard le 31 octobre de l'an 2000, pour vraiment commencer le nouveau millénaire avec de bons outils pour lutter efficacement contre le crime organisé.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je voudrais commencer par féliciter le député du Bloc québécois pour cette motion. C'est très important pour le Québec, pour le pays et pour chaque Canadien.

 

. 1020 + -

[Traduction]

Le député a souligné bon nombre des problèmes auxquels nous sommes confrontés et a fort bien exposé l'ampleur de l'infiltration du crime organisé dans de nombreuses villes canadiennes et aux diverses strates de la société.

Cette menace est on ne peut plus réelle pour nos agents de la paix qui sont devenus particulièrement vulnérables en raison des compressions effectuées. Leurs salaires ne sont pas au niveau de ceux que l'on trouve dans d'autres professions données, d'où les risques de corruption. Le député a expliqué de quelle façon les agents de la paix peuvent être infiltrés. Le député pourrait-il revenir là-dessus?

Il a tout à fait raison de dire que c'est un thème où le sectarisme n'a pas sa place. Je puis l'assurer de l'appui total du Parti conservateur du Canada.

Quels sont les éléments de financement qui, à son avis, pourraient contribuer à la solution du problème? Qu'est-ce qui contribuerait à soutenir nos agents de la paix et à entraver le processus d'infiltration par le crime organisé, qui corrompt nos agents de la paix ou, à tout le moins, tente de les corrompre?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le Président, je remercie mon collègue du Parti progressiste-conservateur pour sa question et je prends bonne note du fait qu'il appuiera probablement la motion présentée ce matin.

Sa question est extrêmement complexe. Pour y répondre, il me faudrait plus de temps que ce qu'on m'offre ce matin. En ce qui concerne l'infiltration, avec 250 à 500 milliards de dollars américains par année, le crime organisé peut se payer bien des gens, incluant des députés et des ministres, et non pas seulement des policiers. Je pense que personne ou aucun groupe n'est à l'abri de se faire acheter un jour ou l'autre par le crime organisé.

J'ai confiance autant au système politique qu'au système de justice et aux policiers. Autant les Canadiens que les Québécois ont certaines valeurs. Entre autres, on ne se fait pas acheter aussi facilement que cela. Il faut cependant réaliser que c'est un risque que vivent le Canada et le Québec actuellement et il faut voir si la législation actuelle est suffisante.

Lorsque, dans mon discours, je parlais d'infiltration, c'est parce qu'un des outils utiles aux policiers est celui d'infiltrer les groupes criminalisés. À l'heure actuelle, avec la législation que nous avons, c'est extrêmement complexe et difficile pour les policiers d'infiltrer des groupes criminalisés. Entre autres, il faut des années aux policiers pour suivre tous les échelons du crime organisé, pour se rendre à la tête, là où se prennent les décisions.

Ce que je dis ce matin c'est que j'ose espérer que si le Comité permanent de la justice et des droits de la personne étudie cette question, on se penchera très sérieusement sur la législation permettant aux policiers d'infiltrer les groupes criminalisés et de voir s'il est possible d'aider les policiers à infiltrer ces groupes criminalisés. Dans ce cas-là, est-ce que la société serait d'accord pour modifier le Code criminel afin de permettre aux infiltrateurs, aux agents doubles, de commettre des gestes illégaux en vertu du Code criminel pour que les groupes criminalisés les reconnaisse comme étant des criminels?

Les policiers me disent qu'ils ont des «agents-source» dans certains groupes criminalisés. Lorsque le chef d'un gang a des doutes sur la loyauté d'un de ses sujets, sait-on ce qu'on lui demande de faire? On lui demande d'aller tuer quelqu'un. À l'heure actuelle, le Code criminel traite cette personne comme étant une criminelle. Il n'y a aucune possibilité pour cette personne de se soustraire à l'application du Code criminel.

De plus, cette personne est mal prise. Si elle ne va pas tuer quelqu'un, probablement que ses jours sont comptés, et si elle le fait, ses jours sont aussi comptés parce qu'elle sera traitée comme une criminelle en vertu du Code criminel.

Est-ce que la société en est rendue à un point où elle serait prête à autoriser, avec des mandats en bonne et due forme, un agent double à aller jusqu'à commettre un crime, jusqu'à faire un meurtre pour tenter de protéger la société et sauver peut-être des dizaines et des centaines de personnes? Je pense que nous sommes rendus à ce point-ci de l'interrogation et il faut éventuellement la faire en comité.

 

. 1025 + -

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je vous entretiendrai de cette motion du Bloc québécois demandant que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne se penche sur les tenants et aboutissants du crime organisé au Canada, dossier qui me tient à coeur et que le Bloc québécois a confié à mon collègue de Berthier-Montcalm et à moi-même.

En effet, il nous apparaît clair que le crime organisé est en pleine expansion au Canada et dans le monde. On ne surnomme ces organisations de «pieuvres» pour rien. Elles ont des ramifications dans tous les secteurs de la société et trouvent facilement la main-d'oeuvre nécessaire pour mener leur sale besogne.

Nous savons que la tentation de l'argent vite gagné est l'appât auquel plusieurs succombent. Bien entendu, afin de maximiser leur efficacité, les groupes criminalisés font prévaloir la «loi du silence», et la transgresser équivaut à la peine de mort immédiate et inconditionnelle pour le délateur.

Nous reconnaissons que certains efforts ont été faits par les différents paliers de gouvernement afin de circonscrire le problème. Il y a eu la mise en place de l'escouade Carcajou au Québec et les nouvelles dispositions criminelles qui, entre autres choses, rendent illégal le regroupement de cinq personnes et plus lorsque deux d'entre elles ont été condamnées pour des crimes passibles de plus de cinq ans d'emprisonnement. Ces mesures sont louables, mais la question qui se posait lors de la mise en vigueur de celles-ci et qui se pose encore aujourd'hui est la suivante: est-ce assez? La seule réponse qui me vient à l'esprit, c'est non.

Les problèmes demeurent, et je vais énumérer quelques obstacles encore d'actualité: les chefs de gang ont souvent seulement des infractions mineures à leur dossier. Il faut donc convaincre le juge du danger que cette personne représente pour la société.

L'efficacité des ordonnances émises en vertu du projet de loi C-95 afin d'interdire à un membre de gang de se lier à d'autres membres du gang laisse songeur.

L'appartenance à un groupe de motards n'est pas une infraction criminelle en soi. La preuve hors de tout doute raisonnable que le prévenu a accumulé sa fortune par une série d'offenses criminelles bien précises et identifiées n'est pas facile à faire non plus.

Il y a également la «loi du silence» qui régit tous les rapports entre les gens du milieu; les mandats de perquisition qui sont restrictifs à cause de l'interprétation que font les tribunaux des dispositions de la Charte canadienne des droits; les petits budgets de police par rapport aux moyens dont disposent les groupes criminalisés; la difficulté d'affirmer qu'une personne est véritablement liée à d'autres individus dans un but criminel par simple association, le crime organisé n'étant pas considéré comme un crime, seules les actions individuelles l'étant; et le secret bancaire des paradis fiscaux qui protège contre le blanchiment de l'argent du crime. Somme toute, le crime organisé n'a pas de frontières.

Les mesures à prendre devraient l'être avec nos partenaires économiques et commerciaux, sinon, toute tentative de circonscrire le problème du crime organisé sera tenue en échec.

De plus, toutes les mesures législatives ou autres devraient avoir un impact sur tous les groupes criminalisés, de la mafia russe jusqu'aux triades chinoises, en passant par la mafia italienne et les groupes de motards criminalisés. Toutes les dispositions prises à l'encontre d'un seul de ces groupes ne feraient que créer un vide qui serait immédiatement comblé par les autres groupes criminalisés.

C'est pourquoi nos recommandations doivent prendre en considération ce qui se fait dans les juridictions hors du Canada.

En général, les lois anti-gangs cherchent à améliorer les outils mis à la disposition des autorités policières et judiciaires afin de combattre le crime organisé. Je vais citer des exemples.

À Hong-Kong et en Russie, on facilite l'accès à la preuve dans ces pays. Aux États-Unis, on a légiféré sur des infractions spécifiques au crime organisé. Notons que dans le cas du recyclage des produits de la criminalité, la loi canadienne est plus efficace que la loi américaine puisqu'elle permet la confiscation pour un seul délit désigné et non pas pour deux, comme c'est le cas aux États-Unis.

Rappelons qu'il est important, avant de comparer les lois canadiennes avec celles des autres pays, que le Canada s'inspire largement de la common law britannique et est donc très différent, dans son application, de celui des systèmes judiciaires d'autres pays.

 

. 1030 + -

On peut douter que l'ensemble des dispositions de tous ces pays soit d'une quelconque efficacité puisque le crime organisé continue de sévir.

Peu d'informations existent sur les résultats réels de ces législations sur le crime organisé. Malgré tout, je désire faire état brièvement d'une loi qui a démontré son efficacité et aussi ses limites, soit la «Racketeer Influences and Corrupt Act», dite la RICO, adoptée en 1970, qui crée quatre infractions qui sont encadrées par deux définitions.

La première infraction est le «racketeering activity», qui est une activité criminelle qui comprend 50 délits, dont l'extorsion, le vol, l'incendie criminel, l'enlèvement, la fraude, l'impression de fausse monnaie, et ainsi de suite.

La deuxième est le «pattern of racketeering activity», qui est un ensemble d'au moins deux activités criminelles visées, dont l'une a lieu après l'entrée en vigueur de la RICO, et l'autre dans les 10 ans précédents.

Voici une brève description des quatre infractions auxquelles je faisais allusion précédemment et qui vise à prévenir l'infiltration des groupes criminalisés dans des entreprises. Il s'agit ou bien d'un investissement ou de l'acquisition d'un intérêt dans une entreprise faisant affaire soit à l'étranger, soit dans plus d'un État américain, de capitaux provenant directement ou indirectement d'une série d'activités criminelles ou du recouvrement d'une dette illicite.

Il pourrait également s'agir de la participation ou de la gestion, par suite d'une série d'activités criminelles visées ou du recouvrement d'une dette illicite, d'une entreprise faisant affaire à l'étranger ou dans plus d'un État américain par une personne qui y est soit employée, soit associée, ou du complot lié à l'une ou l'autre des infractions que je viens de mentionner.

L'emprisonnement maximal prévu pour ces infractions va de 20 ans à la peine à perpétuité, tout en prévoyant des amendes pécuniaires.

Il n'est pas nécessaire que l'inculpé soit reconnu coupable des activités criminelles visées pour qu'il y ait poursuite en vertu de la RICO. L'État n'a qu'à faire la démonstration que des crimes ont été commis. Après le verdict de culpabilité du prévenu, l'inculpé peut même être poursuivi en vertu des dispositions de la RICO.

La RICO prévoit la confiscation des biens obtenus grâce à l'infraction et de tout intérêt dans l'entreprise impliquée. Cette loi prévoit également un mécanisme de protection et de redressement des droits des tiers relativement aux biens confisqués.

La RICO prévoit aussi deux types de recours civils, l'un pour le gouvernement, l'autre pour les particuliers. Elle autorise les «US District Courts» à émettre, à la demande du Procureur général des États-Unis, des ordonnances. Dans le cas du gouvernement, les recours sont les suivants: la dépossesion relativement à tout intérêt direct ou indirect qu'a une personne dans une entreprise quelconque; l'imposition de restrictions quant aux activités futures ou aux investissements de toute personne; la dissolution ou la réorganisation d'une entreprise quelconque, quoique, dans ce cas, le tribunal doive tenir compte des droits des tiers.

Elle prévoit pour les particuliers les recours suivants: un dommage équivalant à trois fois le montant de la perte que la victime a subie et le droit d'être remboursé pour toutes dépenses liées à la poursuite ainsi que les frais d'avocats.

Malgré les lacunes énormes de la RICO et le fait que ses dispositions soient loin d'être parfaites, elle nous donne un exemple d'une juridiction qui a utilisé des moyens exceptionnels pour parvenir à ses fins. En s'inspirant entre autres de la RICO, les membres du Comité pourraient mettre à profit les expériences positives de cette loi et éviter les inconvénients et lacunes qui l'ont minée, afin de doter le Canada d'outils juridiques appropriés.

En conclusion, je rappelle qu'il est important de sensibiliser le public québécois et canadien, les groupes de pression et le gouvernement à cette problématique afin de resserrer les mailles du filet et mener une lutte efficace contre les gangs criminels. C'est pourquoi je convie tous les députés de cette Chambre à appuyer la motion d'aujourd'hui afin que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne et le Parlement contribuent de façon constructive au débat et donne une direction claire au gouvernement sur la façon de lutter contre ce fléau de notre société.

En terminant, je propose:  

    Qu'on modifie la motion en ajoutant entre les mots «lutter» et «contre» ce qui suit: «efficacement».

 

. 1035 + -

Le président suppléant (M. McClelland): Le débat porte maintenant sur l'amendement.

[Traduction]

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, je félicite le Bloc pour cette motion que je juge excellente et dont je me réjouis que nous débattions à la Chambre. Mon parti appuiera cette motion lorsqu'elle sera mise aux voix ce soir.

J'ai effectué de nombreux déplacements un peu partout au pays en tant que principal porte-parole du Parti réformiste en matière de justice. Il ressort des entretiens que j'ai eus avec les forces de police municipales, la GRC, les forces de police provinciales et les membres des forces armées que l'une des principales préoccupations est l'absence d'une force de police nationale spécialisée dans la lutte contre le crime organisé. Le Bloc appuierait-il l'idée de créer une force de police nationale spécialisée dans la lutte contre le crime organisé aux niveaux municipal, provincial et fédéral afin d'essayer d'aller au fond de ce grave problème?

[Français]

Mme Pierrette Venne: Monsieur le Président, je suis heureuse d'apprendre que le Parti réformiste va appuyer notre motion ce soir. De la façon où vont les choses, j'ai l'impression qu'on n'aura même pas besoin de mise aux voix, étant donné que toute la Chambre semble se rallier à nous.

Pour ce qui est de la question de mon honorable collègue, à savoir si nous appuierions une force nationale qui s'occuperait du crime organisé, encore là, tout dépend de la notion que nous avons du mot «nationale» et tout dépend également si on veut imposer des normes nationales à tous les corps policiers de tout le Canada.

Je pense qu'il y a des particularités, même dans le crime organisé, qui sont spécifiques à chaque province, à chaque région. Je crois également que jusqu'à maintenant, les policiers se sont entraidés. On l'a vu avec ce qui s'est passé au Québec quant à la récolte—si je puis utiliser ce terme—de la marijuana. Les policiers de la GRC et ceux de la SQ ont collaboré pour éradiquer la marijuana. C'est une collaboration qui existe depuis quelques années, et cela devrait continuer.

[Traduction]

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Monsieur le Président, le député pourrait-il nous en dire un peu plus sur les répercussions du crime organisé sur les femmes? C'est un aspect que l'on a souvent tendance à négliger.

[Français]

Mme Pierrette Venne: Monsieur le Président, si j'ai bien compris, ma collègue s'interroge sur les effets du crime organisé sur les femmes.

On sait que la plupart, si ce n'est la majorité des proxénètes, font partie du crime organisé. C'est donc directement relié à la prostitution, bien entendu. Je pense que c'est toute la société qui écope de ce fléau que nous avons au Canada et qui s'accroît malheureusement d'année en année.

Oui, effectivement, il y a des effets secondaires. Il y a des femmes qui sont affectées par le crime organisé. Il y a la destruction des familles, les conjoints qui sont divisés, alors que l'un doit subir ce que l'autre fait.

Je pense qu'il faut agir et c'est l'occasion d'en débattre aujourd'hui et de décider si nous, les parlementaires, allons nous en occuper et demander au Comité permanent de la justice de se pencher sur le problème et de soumettre un rapport avec des recommandations effectives, efficaces et rapides.

 

. 1040 + -

[Traduction]

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je félicite ma collègue qui est aussi membre du comité de la justice.

Elle a fait plusieurs remarques à propos de l'échange, voire dans certains cas du manque d'échange d'informations entre les organismes chargés de faire appliquer la loi. Ne trouve-t-elle pas que le plus important à ce stade est que le ministère du Solliciteur général fasse preuve de leadership pour s'assurer que le SCRS et la GRC travaillent en étroite collaboration?

[Français]

Mme Pierrette Venne: Monsieur le Président, je pense que mon collègue du Parti progressiste-conservateur a entièrement raison, puisque même les membres de ces deux organisations ont déjà dit qu'ils étaient en concurrence les uns avec les autres. Il est sûr qu'on leur a demandé fréquemment une participation et une collaboration beaucoup plus étroite.

Je crois que le solliciteur général, qui est ici actuellement, pourra certainement approuver ce qu'on a demandé et ce que lui-même, je crois, soutient et appuie.

Je remercie encore notre collègue du Parti conservateur qui a également dit qu'il voterait en faveur de cette motion ce soir.

[Traduction]

L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais vous signaler que j'entends moi aussi partager mon temps de parole.

La motion dont nous sommes saisis aujourd'hui est très importante. Elle touche tous les Canadiens et, en fait, tous les citoyens du monde. Le problème du crime organisé ne connaît pas de frontières. Les groupes de criminels organisés n'ont même pas à mener leurs activités au Canada pour faire des victimes ici. Autrement dit, le crime organisé est un problème mondial.

Le gouvernement a réalisé de grands progrès dans sa lutte contre le crime organisé. Nous sommes conscients du fait qu'il s'agit de la principale priorité du gouvernement en matière d'application de la loi et nous collaborons avec d'autres gouvernements pour offrir aux organismes d'exécution de la loi des outils meilleurs et plus nombreux pour lutter contre le crime organisé.

Dans le récent discours du Trône, le gouvernement a répété son engagement à l'égard de la lutte contre le crime organisé afin de faire de nos collectivités des endroits plus sûrs où vivre. La GRC joue un rôle clé dans la lutte contre le crime organisé. En fait, pour la première fois de son histoire, la GRC a récemment créé un nouveau poste de sous-commissaire responsable des enquêtes sur le crime organisé.

Le gouvernement reconnaît également que dans le cadre de la guerre contre le crime organisé, aucun ordre de gouvernement ne peut agir seul. De nombreux niveaux d'organismes d'exécution de la loi et de gouvernement participent à la protection de la sécurité publique. C'est pourquoi la lutte contre le crime organisé de façon coordonnée est la principale priorité. En fait, c'est essentiel. Depuis quelques années, le gouvernement fédéral prend de nombreuses mesures en partenariat avec les provinces et les territoires pour aider la police dans sa lutte contre le crime organisé.

Les Canadiens savent que le gouvernement s'est engagé depuis longtemps à garantir la sûreté de nos collectivités. Nos efforts pour lutter contre le crime organisé ont été et continuent d'être globaux et d'une grande envergure. Je vais vous donner quelques exemples des initiatives que nous avons prises depuis 1993.

L'Initiative anticontrebande lancée en 1994 offre des ressources à la GRC, ainsi qu'aux ministères de la Justice et du Revenu. Elle cible des réseaux de contrebande et de distribution à la frontière, dans nos ports et dans tout le pays. Cette initiative a permis de porter 17 000 accusations reliées à la contrebande et d'imposer des amendes totalisant plus de 113 millions de dollars. Cette année, le gouvernement fédéral a débloqué 78 millions de dollars de plus sur quatre ans pour lutter contre la contrebande.

Le blanchiment d'argent est un autre aspect du crime organisé. C'est pourquoi nous avons créé 13 groupes intégrés des produits de la criminalité en 1997. Ils réunissent des policiers, des fonctionnaires et des experts de l'extérieur pour cibler les groupes de criminels organisés et saisir leurs gains acquis illégalement. On a récupéré plus de 110 millions de dollars jusqu'à maintenant. En fait, ces sections sont conçues pour retirer au crime organisé ses profits.

 

. 1045 + -

En avril 1997, le gouvernement a présenté un projet de loi sévère contre les bandes organisées. En vertu de ces modifications du Code criminel, faire partie d'une organisation criminelle devient un acte criminel passible d'un maximum de 14 années de détention. En outre, en vertu des modifications de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, les personnes inculpées d'un acte criminel lié au crime organisé ne peuvent pas bénéficier d'un examen accéléré de leur demande de libération conditionnelle.

En mai 1997, le gouvernement a adopté une loi destinée à lui permettre de lutter contre le trafic de stupéfiants. Nous avons modernisé notre façon de procéder en appliquant des techniques policières novatrices pour déceler les opérations de blanchiment d'argent et enquêter sur les milieux de la drogue. Ces changements ont contribué à renforcer la capacité du Canada en matière de répression pénale sur son territoire et, notamment, la conduite d'opérations d'infiltration dans les milieux des narcotrafiquants de grande envergure.

La Loi visant à améliorer la législation pénale, adoptée en 1997, a permis d'ajouter au Code criminel de nouvelles dispositions visant à permettre à la police de mener des opérations d'infiltration pour lutter contre le blanchiment de l'argent.

Les modifications apportées à la Loi sur la concurrence en mars dernier sanctionnent désormais le télémarketing frauduleux. Ces infractions sont aujourd'hui considérées au titre de crimes érigés en entreprise, c'est-à-dire qu'elles ressortissent au Code criminel, qui prévoit la saisie et la confiscation des revenus tirés d'activités criminelles.

Comme s'en souviendront les députés, la loi constituant une banque de données sur les empreintes génétiques a reçu la sanction royale en décembre dernier. Depuis, en collaboration avec ses partenaires, la GRC s'est chargée de la mise en place du système qui devrait être opérationnel d'ici juin 2000. Le Canada innove en créant cette banque nationale de données qui facilitera considérablement la répression criminelle dans le prochain millénaire.

La banque nationale de données sur les empreintes génétiques permettra l'identification plus rapide des suspects et accélérera les enquêtes judiciaires. Elle permettra d'accélérer les procès et débouchera sur un plus grand nombre de plaidoyers de culpabilité. Cette technologie permettra aussi de dédouaner les innocents qui auront été accusés à tort.

J'ai annoncé en avril dernier l'affectation de 115 millions de dollars à l'équipement du Centre d'information de la police canadienne, le CIPC, avec de la technologie informatique moderne. Les prestations de ce centre bénéficieront d'une amélioration notable en ce qu'il pourra désormais diffuser l'information dans des délais plus opportuns et auprès d'un plus grand nombre d'intervenants, notamment les services de police, les substituts du procureur général, les tribunaux, les services correctionnels et les services de libération conditionnelle. Le CIPC se veut le complément des actions menées par les provinces et les territoires, qui se soucient également d'améliorer le partage de l'information dont elles disposent.

Le CIPC sera doté d'un système informatique moderne qui facilitera l'échange, avec les autres organismes de répression, de l'information provenant des bases de données fédérales et provinciales. Nous pourrons ainsi éviter ou solutionner des crimes, ou encore mieux coordonner les actions contre le crime organisé.

Il y a cinq mois, j'ai annoncé un budget d'environ 15 millions de dollars pour la GRC en vue de lutter contre le crime organisé dans les trois plus grands aéroports du Canada, à savoir Vancouver, Montréal et Toronto. Ainsi, nous avons maintenant 100 membres de la GRC supplémentaires pour exercer une plus grande pression quant à l'exécution des lois fédérales afin de cibler les criminels organisés qui utilisent ces aéroports pour entrer au Canada.

En septembre 1996, le solliciteur général et la ministre de la Justice ont tenu un forum national sur le crime organisé qui a rassemblé la police, les gouvernements fédéral et provinciaux, le secteur privé, la communauté juridique et les universitaires. Il était alors clair qu'il fallait au Canada une approche plus coordonnée pour lutter contre le crime organisé.

C'est précisément dans cet esprit que la ministre de la Justice et moi allons, cette semaine, à Vancouver, rencontrer nos collègues des provinces et des territoires. Nous allons examiner les défis que présente le crime organisé et ce que nous pouvons faire de plus, collectivement, pour régler le problème. Ce n'est qu'en continuant de travailler efficacement, conjointement avec les autres niveaux de gouvernement, les services de police et autres que nous pourrons mettre en place le dispositif nécessaire pour protéger les Canadiens.

Il n'existe pas de solution facile au problème. C'est pourquoi je suis heureux d'appuyer cette motion à la Chambre. Comme je l'ai dit, le gouvernement a fait du crime organisé sa plus grande priorité en matière de répression criminelle.

 

. 1050 + -

Nous avons rassemblé les gouvernements provinciaux et municipaux, nous avons examiné les solutions possibles avec nos partenaires internationaux et nous avons recueilli l'avis de la police dans tout le Canada et dans le monde entier. Nous reconnaissons que, dans la lutte contre le crime organisé, nous devons unir nos forces et faire intervenir autant de gens que possible afin de trouver une solution. Cela inclut le fait de porter la question devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Les criminels organisés ciblent les plus vulnérables dans notre société et ils font de nous tous des victimes. Il est de notre devoir envers les Canadiens de rassembler nos ressources afin de lutter contre le crime organisé.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux que le gouvernement appuie cette motion et que la question soit soumise à l'étude d'un comité.

Le solliciteur général a parlé de bon nombre d'actions entreprises par le gouvernement, y compris la création de la Direction de la lutte contre le crime organisé. L'un des principaux problèmes est que la nouvelle Direction n'a toujours pas de personnel. Comme le solliciteur général le sait bien, la GRC ne dispose pas même de tout le personnel dont elle aurait besoin dans la plupart des grands détachements au pays, ce qui cause un grave problème. J'aimerais donc qu'il nous dise où il compte prendre les fonds nécessaires pour affecter du personnel à cette nouvelle Direction de la lutte contre le crime organisé pour aider à redresser la situation.

J'aimerais revenir un peu en arrière, au début des années 1990. Une opération majeure réunissant 8 pays, connue sous le nom de Green Ice, avait été mise sur pied dans le cadre de la lutte antidrogue. Cette opération visait les cartels colombiens et elle a remporté un grand succès. Elle a permis la saisie de 47 millions de dollars américains et de 140 comptes de banque en plus de l'arrestation de nombreuses personnes. On en a beaucoup vanté les mérites. Toutefois, les profits des cartels colombiens sont évalués à 30 milliards de dollars américains par année. Toute l'opération a donc permis de saisir les 2/10 de 1 p. 100 de tous les gains réalisés.

Ce fut une bonne opération, mais elle n'a touché que 2/10 de 1 p. 100. Dans cette optique, non seulement nous avons besoin de cette Direction de la lutte contre le crime organisé, mais nous devons également pouvoir compter sur un service de police national efficace en matière de lutte au crime organisé. Le solliciteur général serait-il prêt à s'entendre avec les premiers ministres, les ministres de la Justice et les solliciteurs généraux des provinces pour mettre sur pied un service de polie national qui serait chargé précisément de la lutte contre le crime organisé? Ce service travaillerait de concert avec les municipalités, les provinces, les autres services de police et les forces armées pour toucher le coeur du problème du crime organisé au Canada.

L'hon. Lawrence MacAulay: Monsieur le Président, je comprends la préoccupation du député de Vancouver.

La fonction de sous-commissaire chargé des enquêtes sur le crime organisé représente une initiative importante pour coordonner nos efforts. Le député sait également qu'un examen mené par le Conseil du Trésor et par la GRC vise à évaluer toutes les ressources de la GRC. Cet examen a lieu avec la collaboration de la GRC, du Conseil du Trésor et de mon ministère.

Le député sait également fort bien que, dans le discours du Trône, on mentionnait que le gouvernement est certes conscient de la nécessité d'appuyer davantage la GRC et que cet appui constitue une priorité.

Comme je l'ai dit précédemment, nous avons fait de nombreuses démarches et nous avons pris un grand nombre d'initiatives pour les mettre en oeuvre. Par exemple, les 13 unités qui sont chargées des profits de la criminalité sont très importantes, car elles enlèvent les profits au crime organisé. Le député a raison de dire que nous ne les enlevons pas tous, mais nous nous organisons de manière appropriée pour nous assurer de coordonner nos efforts afin de lutter contre le crime organisé.

Le gouvernement est pleinement conscient que nous ne pouvons pas lutter contre le crime organisé uniquement avec son aide. Nous avons besoin de la collaboration des provinces et des municipalités. C'est pourquoi je me rends à Vancouver pour y rencontrer des gens. J'y recueillerai le point de vue des dirigeants des provinces et des municipalités de tout le pays, ce qui est très important.

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général.

Il doit aller à Vancouver. Je l'exhorte à se rendre, non seulement à Vancouver mais également à Burnaby. Je représente un groupe de citoyens qui habitent la région métropolitaine de Burnaby et qui en ont plus qu'assez de l'ineptie du présent gouvernement qui se montre incapable de mettre fin à un très grave problème, une crise qui sévit dans leur localité.

Il y a, dans les quartiers avoisinant l'aérotrain, des trafiquants de drogues qui défient ouvertement la loi. Il y a des gens qui violent la loi de l'immigration et le Code criminel.

 

. 1055 + -

Le ministre dit qu'il étudie la situation. Qu'il en est très conscient. Qu'il a fait une demande au Conseil du Trésor. Ça ne suffit pas.

Mon collègue de Kamloops a rapporté qu'une enquête sur le crime organisé avait été abandonnée car, selon ce qui a été dit à un ménage de sa circonscription, la GRC n'avait pas les ressources nécessaires.

Quand le ministre se rendra à Vancouver, rencontrera-t-il les habitants de Burnaby? Selon le détachement de la GRC à Burnaby, c'est un problème très grave. Il manque totalement de ressources. Le ministre va-t-il prendre ses responsabilités au sérieux et réagir face à la crise?

L'hon. Lawrence MacAulay: Monsieur le Président, mon collègue a tort. Je n'ai pas dit que nous nous contentions d'étudier la situation. En fait, s'il avait écouté ce que j'ai dit, il serait au courant des nombreuses initiatives prises par le gouvernement à cet égard.

Ce que j'ai dit au sujet de l'examen des ressources, c'est que mon ministère, en collaboration avec la GRC et le Conseil du Trésor, avait fait une étude pour s'assurer que l'argent qui sera dépensé, notre argent, l'argent des contribuables de la Colombie-Britannique et du Canada, le sera de façon coordonnée. Cela nous permettra de lutter contre le crime organisé avec la plus grande efficacité possible.

C'est à cette fin qu'ont été créés la Section des produits de la criminalité, la banque de données génétiques, et le CIPC, dans lequel nous avons investi 115 millions de dollars; ainsi, nous disposons maintenant de la meilleure technologie possible afin de partager les renseignements que nous possédons avec toutes les forces de police de notre pays. Ce sont des initiatives importantes qui ont été prises par le gouvernement. Nous ne nous contentons pas de faire des études. Nous sommes passés à l'action et nous continuerons d'agir.

Le président suppléant (M. McClelland): Avant la reprise du débat, je voudrais apporter une précision concernant les questions et les observations. Je constate qu'il y a un vif intérêt et une certaine consternation.

Nous étudions une motion d'opposition parrainée par le Bloc. Au cas où des députés bloquistes voudraient poser des questions à d'autres députés, je précise que d'habitude la présidence accorde plus souvent la parole au parti qui parraine la motion. De même, la présidence donne souvent la parole aux députés qui ont été présents à la Chambre toute la journée et qui veulent poser une question. Je demande à tous d'être brefs pour poser les questions et pour y répondre, car la motion soulève beaucoup d'intérêt. De plus, la présidence donne souvent la parole aux porte-parole et aux responsables chargés du dossier.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Monsieur le Président, moi aussi, je félicite le député bloquiste membre du comité de la justice d'avoir proposé cette excellente motion.

La motion dont nous sommes saisis ce matin mérite vraiment toute notre attention. Le crime organisé n'est pas un problème nouveau au Canada, mais on reconnaît que c'est un problème qui s'aggrave. Il touche aussi bien les Canadiens d'un océan à l'autre que les habitants de tous les autres pays. Qu'il s'agisse d'un réseau de télémarketing frauduleux au sein de la population âgée de Montréal ou d'une importante expédition de stupéfiants dans le port de Vancouver, les activités du crime organisé prennent diverses formes.

La mondialisation sert de plus en plus le crime organisé à mesure que le nouveau millénaire approche. L'évolution des technologies informatiques et des réseaux entraîne une véritable révolution dans les communications personnelles et commerciales, mais elle crée aussi de nouveaux débouchés pour la criminalité et nous devons maintenant nous attaquer à ce problème. Au Canada, l'élaboration de mesures efficaces pour contrer la criminalité informatique a posé de nombreux défis. Nous avons été forcés de relever ces défis par des moyens que les générations antérieures n'auraient jamais pu imaginer.

Pour trouver des solutions, nous devons de plus en plus nous tourner vers la communauté internationale. Nous cherchons des réponses chez nos voisins car on peut profiter de leurs idées et tirer leçon de leurs réussites et de leurs échecs. Mais cela va plus loin. Dans un nouvel environnement de communications très rapides et à bas prix, il nous faut des politiques, des lois et des solutions pratiques et compatibles avec celles de nos voisins. Dans un environnement de haute technologie, la liste des voisins avec lesquels il faut coopérer est beaucoup plus longue qu'auparavant.

Nous partageons nos problèmes de contrôle de la criminalité non seulement avec les pays limitrophes et nos partenaires commerciaux dont les croyances politiques et sociales sont semblables aux nôtres, mais aussi avec des pays distants de nous tant géographiquement qu'idéologiquement.

 

. 1100 + -

Tout pays où l'on trouve un aéroport, des téléphones, des télécopieurs ou un lien avec le réseau Internet peut servir de base à des contrevenants visant des Canadiens ou être une source de victimes pour des contrevenants canadiens. Il peut aussi servir de refuge pour la dissimulation de preuves ou de profits illégaux provenant de la criminalité.

Les développements dans le monde de la haute technologie créent bien des défis que nous devons relever si nous voulons maximiser les avantages de la mondialisation pour nos citoyens tout en protégeant ceux-ci contre les risques dont nous discutons à la Chambre aujourd'hui.

Je voudrais parler de quatre défis particuliers que le Canada et ses partenaires internationaux doivent relever dans le domaine de la criminalité technologique. Il y a tout d'abord le défi du temps, en raison de la rapidité et de la grande volatilité des communications par ordinateur. Ceux qui font enquête sur ce type de crime doivent pouvoir repérer les sources des attaques et saisir les éléments de preuve électroniques ou les produits du crime dans un environnement où ils peuvent être effacés complètement d'une seule touche ou transférés à l'étranger sans qu'on puisse s'en apercevoir. Pour les forces de l'ordre, le défi consiste à réunir les moyens techniques et les ressources suffisantes pour repérer les criminels et conserver les données. Le gouvernement a dit clairement que nous entendions fournir à la GRC les moyens dont elle a besoin pour lutter contre le crime organisé.

Le défi que les législateurs ont à relever est plus difficile. Il s'agit d'adopter des loi qui permettront d'éviter que les frontières nationales ne multiplient les occasions qui sont laissées aux délinquants de cacher leur identité et leur repaire ou encore de cacher ou de détruire les preuves pour éviter d'être décelés.

Une autre défi se rapporte à l'adoption de nouvelles règles. Jusqu'ici, dans la communauté internationale, l'élaboration de la politique a été un processus lent, car toutes les mesures sont examinées et discutées à fond jusqu'à ce qu'un consensus se dégage. Le consensus reste bien entendu un élément indispensable de notre approche, mais nous faisons toujours face à la nécessité de parvenir au consensus plus rapidement que jamais avant de prétendre suivre l'évolution d'une technologie en rapide évolution tout en protégeant nos citoyens et en favorisant un climat sain pour le circulation de l'information et les échanges commerciaux au cours du prochain millénaire.

Le troisième défi dont j'aimerais parler a trait aux coûts associés à l'application des lois dans le nouvel environnement informatique mondial. Une bonne part des coûts évidents liés au dépistage des activités criminelles transnationales et aux enquêtes sont actuellement assumés par les gouvernements et les organismes nationaux. Le défi auquel font face les gouvernements, et qu'ils partagent avec les industries et le secteur privé, consiste à créer des règles et des pratiques qui répondent à tous les défis que j'ai mentionnés, mais qui réduisent également au minimum les coûts que les gouvernements doivent assumer et augmentent au maximum le degré de répression de la criminalité que nous pouvons espérer atteindre avec nos ressources limitées.

Il y a d'autres facteurs de coût à considérer. Plusieurs des options qui s'offrent à nous, comme exiger que les fournisseurs de services utilisent certains types de technologie ou conservent des données durant de longues périodes, permettent une répression efficace de la criminalité, mais à un coût considérable.

Jusqu'à assez récemment, les conséquences financières auraient constitué des questions de politique purement nationale, mais à notre époque de mondialisation, c'est devenu une question de commerce international également.

Nous devons établir des règles et des pratiques de lutte contre les activités criminelles transnationales qui soient économiquement équitables et qui maintiennent des règles du jeu équitables pour les industries des communications qui fonctionnent déjà maintenant dans un environnement mondial très compétitif. Si nous imposons des fardeaux excessifs à certaines industries, cela pourrait bien avoir pour résultat de les inciter à aller s'établir ailleurs que dans notre pays, ce qui aurait pour effet de créer des refuges sûrs pour les criminels qui veulent abuser des nouveaux réseaux de communication et d'information.

Nous avons entamé un dialogue ici au Canada avec le secteur privé, que nous trouvons très disposé à coopérer pour prévenir les abus criminels.

Nous sommes engagés dans cette entreprise et résolus à la mener à bien, et nous nous réjouissons de l'occasion que nous donne la motion à l'étude de saisir de cette question le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, dont je fais partie.

 

. 1105 + -

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, j'approuve moi aussi la motion du Bloc. Elle se fait attendre depuis longtemps. Nous sommes en 1999. Le gouvernement est en place depuis plus de six ans.

La députée d'en face parle plus ou moins de dialogue, de consensus et de renvoi aux comités. Chez nous, nous en avons plus qu'assez des politiciens qui disent que nous avons besoin d'un consensus, d'un dialogue, d'études et de comités pour considérer ce problème. Nous sommes aux prises avec celui-ci depuis nettement plus d'une décennie. Ma petite localité agricole connaît désormais la prostitution et des drogues comme la cocaïne et l'héroïne.

D'après la députée d'en face, combien de temps devrait durer le dialogue, la recherche d'un consensus, l'étude au comité, etc.? Il y a aujourd'hui dans la rue des gens qui souffrent depuis des années déjà. Je puis lui assurer que je me suis entretenu maintes et maintes fois avec eux. Ils en ont marre que la Chambre dise que nous avons besoin de consensus, de temps et de dialogue.

Mme Aileen Carroll: D'abord, monsieur le Président, il ne faut pas déduire de mon explication sur la nécessité d'un consensus que la démarche s'en trouvera nécessairement ralentie. Ce n'est pas le cas.

Je suis absolument persuadée que nous établissons les meilleures lois pour notre pays en passant au crible les questions qui nous amènent à vouloir en adopter de nouvelles. La nécessité du consensus est enracinée dans la common law et la common law fait partie de la tradition de notre pays. Il n'est pas conforme à notre tradition d'adopter des lois après avoir bâclé l'examen, l'analyse et la compréhension de questions essentielles, car cela donne des lois faibles.

Nous parlons d'une ère de l'information que nous commençons seulement à percevoir sur bien des fronts. Comme elle influe sur le crime organisé, nous devons nous aussi nous assurer que nous disposons de toute l'information nécessaire pour venir à bout des problèmes et des crimes mêmes que le député d'en face veut nous voir combattre. Nous accomplirons de l'excellent travail. Nous avons un excellent comité de la justice.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, je tiens à dire à la députée qui vient de s'exprimer que la motion du Bloc, ce matin, a justement pour but de renvoyer la chose en comité et d'en discuter, et ensuite, on va pouvoir parler de toutes ses préoccupations et ses craintes.

Je ne comprends pas ses propos. Je lui demande d'être plus explicite, parce qu'en fait, ce qu'on propose ce matin, c'est que, toute partisanerie mise à part, on se rencontre en comité et qu'on analyse le dossier. On s'est donnés jusqu'à la fin octobre de l'an 2000, l'an prochain, dans un an, pour le faire. Je me demande ce qui la dérange dans cette motion.

[Traduction]

Mme Aileen Carroll: Il n'y a rien qui me dérange, monsieur le Président. Je n'ai absolument aucune réserve. Je ne voulais pas donner l'impression d'être préoccupée.

[Français]

Je ne suis pas inquiète. Je suis contente que nous ayons assez de temps pour discuter de ce problème, et des autres problèmes que nous avons discutés ce matin.

[Traduction]

Nous avons un comité de la justice. Je sais que tous les partis à la Chambre voudront que nous prenions bien notre temps pour examiner convenablement ces questions une fois que le projet de loi sur les jeunes contrevenants aura franchi l'étape de la deuxième lecture. Je sais que ce sujet est très important pour le Bloc. Je serais étonnée d'entendre dire que le Bloc souhaite que nous retirions ce point de notre liste de priorités afin de passer à l'étude d'une autre question importante.

Il faut prendre en considération tous ces aspects. Toutes ces questions et dispositions législatives ont d'énormes répercussions sur nos collectivités.

[Français]

Il y a un impact sur les communautés du Québec et celles de l'Ontario. Mais il est nécessaire de franchir les étapes. Il faut penser et bien considérer. Bien sûr, je ne suis pas inquiète, je suis très contente.

 

. 1110 + -

[Traduction]

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'appuyer la motion dont la Chambre est saisie aujourd'hui.

Je veux toutefois obtenir quelques éclaircissements. Je trouve intéressant que la députée d'en face dise que le gouvernement ne veut pas agir sans avoir suffisamment étudié la question. Je puis lui donner l'assurance que cette question a été étudiée ad nauseam. Si elle le veut, je peux lui fournir une foule d'informations sur les drogues dans notre pays, leur trafic, le crime organisé ainsi que les répercussions de l'héroïne et de la cocaïne sur nos vies et celles de nos concitoyens.

C'est d'ailleurs ce qui est si décevant à la Chambre des communes. Quelqu'un à la Chambre propose que nous devons étudier une question, que nous devons trouver le temps de le faire, que nous devons examiner la situation et que nous n'avons pas assez d'information. En réalité, ce ne sont pas les renseignements qui manquent. Ce sont plutôt tous les partis représentés à la Chambre qui hésitent à agir.

Je suis en mesure d'examiner la situation sous deux angles différents. J'aurais aimé que le solliciteur général entende certaines des observations faites aujourd'hui. Il a mentionné la somme de 50 millions de dollars visant à combattre le crime organisé dans les aéroports. Au même moment, le gouvernement abolit les services de police portuaire. Par où exactement la drogue entre-t-elle au Canada sur la côte ouest, selon le gouvernement? Elle arrive par les ports. Depuis l'abolition des services de police portuaire, la situation a empiré.

Pour régler le problème, le gouvernement déclare: «Nous allons consacrer 50 millions de dollars à la lutte contre le crime organisé dans les aéroports.» Entre-temps, il abolit la police portuaire. Ce n'est pas du tout logique.

En tout, le gouvernement verse 78 millions de dollars pour lutter contre la contrebande. C'est très bien, mais dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique, entre Vancouver et Hope, de nombreuses pistes sont laissées sans surveillance. Il y a deux semaines, je me suis rendu sur l'une de ces pistes, celle qu'on appelle la piste Ho Chi Minh. Cette piste sert à la contrebande. La police le sait. J'étais d'ailleurs accompagné de policiers. Je m'y suis rendu plusieurs fois. Il existe un certain nombre de ces pistes, des sentiers battus, qui font quatre pieds de large, entre le Canada et les États-Unis. Elles servent au déplacement des immigrants illégaux, au blanchiment d'argent, au trafic des armes à feu, de la marijuana qui est acheminée vers le Sud ainsi que de l'héroïne et de la cocaïne qui sont expédiées vers le Nord. La somme de 78 millions de dollars ne parvient même pas à couvrir cette région, puisqu'il y a au plus six agents de la GRC qui travaillent dans ce secteur, dont l'un est l'administrateur qui gère ce dossier. C'est loin d'être suffisant.

Le ministre a parlé de la loi sur les produits de la criminalité. Cependant, cette loi n'est pas efficace. Le solliciteur général a parlé de l'efficacité de la loi antigang. Pourtant, il refuse de reconnaître—et je le sais parce que j'ai parlé à ses collaborateurs ainsi qu'à lui-même— l'existence de cartels de la drogue dans les prisons. Le commissaire du Service correctionnel du Canada refuse aussi de reconnaître ce problème, mais il existe.

La stratégie nationale antidrogue mise en oeuvre par les conservateurs dans les années 80 n'a pas donné grand-chose. Si nous regardons maintenant la stratégie nationale antidrogue élaborée l'an dernier par les libéraux et que nous la comparons à la précédente, ce que j'ai fait, nous constatons qu'elles sont pratiquement identiques. De l'avis des libéraux, rien n'a changé. Le problème, c'est que beaucoup de choses ont changé.

L'an dernier, à un seul emplacement dans la partie est du centre-ville de Vancouver, on a donné un million et demi de seringues à plus de 6 000 toxicomanes. Pourtant, nous parlons encore à la Chambre des communes de former un comité, de discuter et de faire de la recherche. Pas étonnant qu'on se sente si frustré ici.

Hier, j'ai demandé au solliciteur général pourquoi il allait construire un centre de recherche de 2,5 millions de dollars dans sa circonscription pour étudier le problème de la drogue en prison. Il a répondu qu'on peut étudier ce problème où que l'on soit. Il n'a rien compris. L'immeuble de 2,5 millions de dollars a une espérance de vie de 25 à 50 ans. Étudiera-t-il cette question pendant 25 à 50 ans? S'il doit étudier cette question, qui a été étudiée si souvent, pourquoi ne peut-il pas le faire dans un des nombreux immeubles gouvernementaux devenus vacants? À Chilliwack, en Colombie-Britannique, il y a une base militaire entière à sa disposition pour étudier tous les problèmes carcéraux qu'il veut étudier, la drogue, les cartels, et le crime organisé. Il pourrait aussi utiliser la base d'Aldergrove, qui a été fermée.

 

. 1115 + -

C'est ce qui me fait dire que le gouvernement n'est pas sincère au sujet de cette question. Un des ministres a annoncé qu'il allait construire un immeuble dans sa circonscription pour étudier cette question lorsqu'on sait très bien que c'est essentiellement du favoritisme politique. Il s'intéresse plus à sa circonscription qu'à la lutte contre les drogues.

Les Canadiens sont d'avis que le gouvernement n'en fait pas assez. Selon un article du Citizen d'Ottawa:

    Le crime organisé étend tellement ses tentacules que la police en est réduite à éteindre des incendies isolés dans une économie clandestine en pleine expansion.

C'est vrai et le gouvernement le sait.

Un parti d'opposition a soulevé la question et a proposé de la faire étudier par un comité. Le gouvernement a dit que c'était une bonne idée. Un autre député ministériel a dit qu'il faut étudier la question d'une façon plus poussée, qu'il faut dialoguer et dégager un consensus à cet égard.

Il faut que le gouvernement fasse preuve de leadership, et ce, dès maintenant. Voilà le problème. J'ai eu affaire à assez de toxicomanes pour savoir qu'ils ont perdu tout espoir que le gouvernement fédéral leur vienne en aide. Les gens qui travaillent avec des toxicomanes ont perdu tout espoir que le Parlement leur vienne en aide.

Un ministre, le solliciteur général en l'occurrence, dit que le gouvernement a consacré 78 ou 50 millions de dollars à la lutte contre le crime organisé. C'est une farce. Pareille somme n'est rien à Vancouver. Beaucoup de trafiquants ont 50 millions de dollars dans leur compte en banque. Nombre d'entre eux disposent de ce capital dans ma circonscription.

Je partage mon temps de parole, et je constate qu'il me reste deux minutes.

Les députés estiment peut-être que le gouvernement m'exaspère un peu à cet égard. J'ai épaulé un organisme qui tente d'établir un centre de réadaptation pour jeunes filles toxicomanes. Je suis allé voir le ministre de la Santé pour lui dire que l'organisme en cause avait besoin d'aide. Il m'a renvoyé à un bureaucrate de Vancouver qui n'a absolument rien fait. Pourtant, nous avions plus de jeunes filles toxicomanes dans notre petite collectivité que ce dont nous pouvions nous occuper.

Je dirais que Vancouver, Burnaby, Coquitlam et toutes ces autres villes ont davantage que nous, dans la vallée du Fraser, mais il faut que ce soit un parti d'opposition qui dise au gouvernement de se grouiller, de soumettre la question à un comité et de faire quelque chose. C'est épouvantable.

Tout ce que je peux dire, c'est que je ne crois pas à la sincérité du gouvernement. S'il était sincère, il ferait quelque chose. Je félicite le Bloc québécois d'avoir soulevé la question et je dis aux libéraux qu'ils devraient avoir honte. Beaucoup de Canadiens comptent sur les 300 députés fédéraux pour que quelque chose soit fait. Le leadership fait cruellement défaut à la Chambre des communes. Si le gouvernement disait aujourd'hui qu'il va former un comité pour élaborer une stratégie nationale de lutte contre la drogue qui donne de véritable résultats dans nos rues, je serais le premier à l'appuyer et à collaborer. J'ai présenté la stratégie gouvernementale de lutte contre la drogue partout, de Sydney, en Nouvelle-Écosse, jusqu'à Vancouver, en Colombie-Britannique, et tout le monde dit: «Cela ne vaut rien. Cette stratégie ne nous aide pas. Nous distribuons des aiguilles. Nous voyons des toxicomanes tous les jours. Prenez votre document et disparaissez».

 

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Je ne pense pas que le gouvernement fera quoi que ce soit. Je félicite les bloquistes d'avoir soulevé la question, mais je leur souhaite bonne chance s'ils espèrent obtenir une aide quelconque de ces gens-là.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le Président, il arrive peu souvent que l'orateur précédent et moi nous entendions sur de nombreuses choses; toutefois, à mon avis, il a soulevé aujourd'hui des points intéressants et j'ai applaudi à l'évocation de certains d'entre eux.

Je m'intéresse particulièrement à son intervention concernant la construction d'une nouvelle installation à l'Île-du-Prince-Édouard pour y étudier les effets de la drogue dans les prisons. Il a dit que des installations existantes pourraient être utilisées. Je retiens ce point parce que ma propre circonscription—et il a mentionné Sydney dans ses commentaires—est aux prises avec une grave crise de l'emploi en raison de la fermeture de certaines industries traditionnelles. Je me demande s'il serait prêt à pousser cette idée un peu plus loin et à appuyer la création de ce genre de centre dans des régions du pays qui connaissent un taux élevé de chômage. Si le gouvernement a l'intention de créer ce genre d'installation et qu'il n'y a pas lieu de construire un nouvel immeuble et de dépenser des deniers publics, et je ne limite pas mes propos à ma seule circonscription, ne serait-ce pas là un mode plus judicieux de décentralisation des bureaux du gouvernement qui contribuerait à améliorer la situation de ces collectivités et à leur permettre de produire des recettes?

M. Randy White: Monsieur le Président, en toute honnêteté, je ne m'intéresse pas beaucoup à la création d'emplois par le biais de la recherche concernant l'usage des drogues dans les prisons. Cette question a maintes et maintes fois fait l'objet de travaux de recherche. L'élément qui fait défaut dans le système, c'est la volonté des services correctionnels de mettre en oeuvre leur propre procédure. Les directives du commissaire prévoient la tolérance zéro dans les prisons; pourtant, on distribue du javellisant pour stériliser les aiguilles utilisées pour l'injection de la cocaïne. Comment doit-on qualifier cette contradiction? Le problème n'est pas lié à la recherche. La difficulté réside dans la mise en oeuvre.

Je suis tout à fait dégoûté que le solliciteur général veuille construire un immeuble d'une durée utile de 50 ans pour étudier une question qui ne devrait pas l'être et qui devrait plutôt faire l'objet d'une intervention. Si l'on prévoit s'occuper de la question de la drogue, ce devrait être à l'intérieur ou à proximité d'une prison, dans un établissement postsecondaire où se déroulent des travaux de recherche; ce devrait être une tout autre solution que de construire un immeuble. Le problème n'est pas lié à la création d'emplois et consiste plutôt à adopter des mesures visant à épargner des vies. Ils n'ont pas privilégié la bonne question.

L'hon. David Kilgour (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Monsieur le Président, le député de Langley—Abbotsford sait que je partage sa préoccupation au sujet du problème de la drogue à Vancouver et ailleurs au Canada.

Peut-il nous dire comment nous allons empêcher qu'environ une personne par jour ou par jour et demi ne meure d'une surdose dans Vancouver-Est et à beaucoup d'autres endroits au Canada? Que pouvons-nous faire pour combattre ce phénomène de façon plus efficace?

M. Randy White: Monsieur le Président, le plus gros problème réside dans l'approvisionnement en drogues. Il faut mettre en place des programmes pour couper cet approvisionnement.

La seule façon de réduire la demande de drogue est de réduire le nombre de toxicomanes. Malheureusement, à Vancouver, nous n'allons pas être en mesure d'empêcher des gens de mourir à cause de l'utilisation de drogues. C'est impossible à faire tant que nous ne pourrons pas mettre un terme au trafic de stupéfiants. Tant que nous ne pourrons pas démanteler le crime organisé et couper cet approvisionnement, il y aura quelqu'un qui mourra aujourd'hui, demain et après-demain.

 

. 1125 + -

Il suffit de se rendre dans certains hôtels de l'est du centre-ville pour être témoin d'une scène terrible. J'invite tous les Canadiens qui nous regardent et qui nous écoutent à prendre le temps de le faire—les policiers nous amèneront dans le district est du centre-ville de Vancouver. C'est comme une zone de guerre. Je ne plaisante pas. J'y ai vu des jeunes filles et des jeunes garçons se piquer entre les orteils, car tous les autres endroits possibles ont été utilisés.

Je ne pense pas cependant que cela va cesser tant que tous les députés ne prendront pas des mesures pour couper l'approvisionnement. Cela veut dire arraisonner les navires qui mouillent dans les eaux de Vancouver, s'emparer des drogues, saisir les navires, vendre ces navires et dire aux avocats qu'ils doivent cesser de défendre les criminels, ainsi que commencer à poursuivre les individus avec tout l'arsenal juridique possible.

Il n'y a pas de solution facile. Cependant, il faut réveiller la Chambre et plus particulièrement le gouvernement.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, nul autre problème ne menace davantage la souveraineté du Canada, et partant, celles d'autres pays, que le crime organisé. Le crime organisé opère au Canada en toute impunité. L'ampleur du crime organisé a atteint des proportions épidémiques.

Permettez-moi de lire une déclaration de l'Association canadienne des policiers: «Les récentes menaces dont a été la cible le député bloquiste devraient avoir l'effet d'un cri d'alarme pour tous les politiciens», selon M. David Griffin, directeur de l'Association canadienne de la police qui regroupe 30 000 membres. «Ce qu'il y a d'inquiétant, c'est que l'ampleur du crime organisé a atteint des proportions épidémiques et que la police se sent impuissante, faute de posséder les outils et les ressources de lutte suffisants. Le Canada est comparable à un pays du tiers monde pour ce qui est de la présence du crime organisé et du blanchiment d'argent», d'ajouter M. Griffin. «Même nos institutions sont menacées par les criminels qui opèrent à l'échelle mondiale. Deux gardiens de prison du Québec ont été assassinés. Un député et sa famille sont actuellement sous la protection de la police et certains joueurs de la Ligue nationale de hockey sont devenus les cibles de gangsters russes.»

Des policiers me disent que l'intérêt politique intervient beaucoup trop et qu'il y a trop de conflits internes pour savoir qui est chargé de la lutte contre le crime organisé au Canada. On me dit que c'est insensé de s'en remettre exclusivement aux organismes chargés de l'application de la loi dans les provinces. Il y a tout lieu de créer un organisme national de lutte contre le crime organisé. Il faut unifier toutes les forces policières qui oeuvrent dans ce domaine.

Dernièrement, le solliciteur général a annoncé la formation au sein de la RCMP d'une direction générale de lutte contre le crime organisé, dont le directeur aura rang de sous-ministre. Un policier m'a dit hier soir que tout cela était de la foutaise. L'individu en charge de cette direction n'est pas à même de s'acquitter du mandat qui lui a été confié. Il n'a aucune ressource à sa disposition et ne sait pas par quel bout commencer. Il ne sert à rien.

Tous les ans, au mois d'août, le Service canadien des renseignements criminels présente un rapport sur le crime organisé. Chaque fois, on a droit à toute une litanie sur la prolifération du crime organisé. Selon mon ami le policier, il ne propose jamais de plan d'action, se contentant de reconnaître ce que tous les policiers savent déjà mais n'ont pas le pouvoir de changer.

Soyons sérieux. Si le Canada veut vraiment combattre le crime organisé, arrêtons cette rhétorique et attaquons-nous aux véritables problèmes, par exemple le manque d'effectifs dont souffre la GRC en Colombie-Britannique par suite des coupures budgétaires. Les coupures se chiffrent à plusieurs millions de dollars et le détachement de la GRC n'arrive pas à remplir son rôle et s'attend à ce que la police le fasse pour elle. On dirait qu'il existe une sorte de complicité avec les milieux du crime organisé pour permettre une telle situation au sein de la GRC.

Si nous étions vraiment sérieux, nous nous attaquerions au problème de l'entrée illégale d'immigrants chinois, mais nous savons que les milieux du crime organisé sont payés pour faire entrer ces immigrants illégaux au Canada. Si nous étions vraiment sérieux, nous ferions attention au type de compagnies que nous autorisons au Canada, par exemple la compagnie COSCO qui est autorisée à opérer dans le secteur riverain de Vancouver, alors qu'elle a été interdite dans les ports américains parce qu'on la soupçonne d'avoir des activités criminelles. S'étant vu interdire les ports américains, cette compagnie se tourne maintenant vers le port de Vancouver. Le fait que ce gouvernement permette que la police portuaire disparaisse au même moment n'est-il pas intéressant? Pourquoi sommes-nous si naïfs?

Si nous étions sérieux, nous n'aurions jamais admis au Canada Tong Sen Lai, chef de triade bien connu dans le milieu. Il a été refoulé à Hong Kong, mais admis par notre antenne à Los Angeles. Il est bien connu des autorités et figure sur la liste des principaux chefs de triades. Si nous étions sérieux, nous n'aurions jamais admis au Canada Tong Sen Lai, chef de triade bien connu dans le milieu. Il a été refoulé à Hong Kong, mais admis par notre antenne à Los Angeles. Il est bien connu des autorités et figure sur la liste des principaux chefs de triades. Si nous étions le moindrement sérieux, nous n'aurions pas effacé toute trace de la façon dont il a réussi à échapper à notre vigilance en répondant faussement à l'interrogatoire mené par les services de l'immigration. Beaucoup de ceux qui connaissent l'histoire de Li savent qu'il y a eu un règlement de comptes par fusillade devant sa résidence de Vancouver. Il est encore dans les parages. Ne pouvons-nous rien faire d'autre que fermer les yeux sur l'existence de triades connues à Vancouver?

 

. 1130 + -

Si nous étions sérieux, nous mènerions une enquête sur les policiers corrompus de Hong Kong qui se seraient retirés au Canada. Ces agents étaient moyennement rémunérés à Hong Kong, pourtant ils vivent aujourd'hui dans de somptueuses résidences vancouveroises. Comment ont-ils fait pour mettre la main sur tout cet argent? Touchent-ils des pots de vin? Et que fait le gouvernement?

Des enquêtes policières ont révélé qu'au moins 44 anciens agents des forces constabulaires de Hong Kong ayant fui la répression de la corruption dans l'ancienne colonie britannique se sont établis au Canada avec l'argent acquis malhonnêtement. Surnommés les policiers millionnaires, ces anciens agents de Hong Kong, leurs épouses et leurs concubines ont investi des dizaines de millions de dollars dans les affaires et l'immobilier au Canada, essentiellement en Colombie-Britannique et en Ontario.

Une enquête secrète menée par des spécialistes du crime organisé en Asie, en collaboration avec des agents de l'immigration du Canada, a permis de découvrir que 30 de ces policiers ont investi dans au moins 13 entreprises de la Colombie-Britannique et fait l'acquisition de 50 propriétés immobilières dans la région de Vancouver. Il s'agit notamment de grandes résidences dans l'ouest de Vancouver, d'immeubles à vocation commerciale, de centre commerciaux, et de terrains vacants. D'autres ont investi dans des restaurants et acheté des actions dans un hôpital privé.

L'étude a également découvert que quatre d'entre eux, qui touchaient en moyenne un traitement annuel d'environ 30 000 $ HK, un salaire de misère d'après les normes nord-américaines, ont fait construire à Toronto un hôtel de 600 chambres composé de deux tours, évalué à plus de 20 millions de dollars. D'après des sources policières, l'étude de la Colombie-Britannique sur les policiers entretenant des liens étroits avec les triades de la mafia chinoise avait débuté à la fin des années 70 et été mise à jour dans les années 80, mais n'avait pas été rendue publique.

Hier soir, un policier chargé de la lutte contre le crime m'a dit qu'il pensait que l'ambassade du Canada à Hong Kong a été achetée et payée par le crime organisé. Il a l'impression que notre système de sécurité a été infiltré, et il a raison. Je m'explique.

Le projet Sidewinder, entrepris conjointement par le SCRS et la GRC, a été lancé au milieu des années 90 pour enquêter sur l'influence exercée au Canada par les magnats chinois et sur leurs relations politiques. L'enquête allait gaiement, peut-être trop bien; des noms s'accumulaient et l'information grossissait sur les activités chinoises d'espionnage et sur les activités liées aux triades au Canada. Après deux années environ, on a mis abruptement fin à l'enquête, et le SCRS a par la suite détruit les documents se rapportant à l'enquête. Pourquoi? Deux hommes qui y avaient participé le savent. L'un était agent d'immigration à l'ambassade à Hong Kong, Brian MacAdam, un spécialiste des criminels chinois. Il sait que certaines personnes avaient accès à l'ordinateur, aux dossiers et aux codes du service de l'immigration, alors qu'elles n'auraient pas dû y avoir accès.

Un autre Canadien, le caporal Robert Read, de la GRC, qui avait accepté de parler du projet Sidewinder, a été suspendu. Le projet Sidewinder a été rendu public grâce à une série d'articles fascinants rédigés par le journaliste d'enquête Fabian Dawson, du Vancouver Province. On a fait intervenir le SCARS pour examiner le dossier en profondeur. Beaucoup de noms importants émergent et beaucoup de ces noms sont ceux de gens ayant des investissements et des intérêts au Canada.

Franchement, le gouvernement méconnaît la prolifération des figures du crime organisé chinois au Canada. On se demande d'où viennent les ordres lorsqu'on met fin à une enquête telle que le projet Sidewinder?

Si le gouvernement canadien traitait le crime organisé avec sérieux, cela n'arriverait pas. Serait-on en train de vendre notre souveraineté? C'est une bonne raison pour porter la question devant le comité. Des organisations suspectes de notre bureau de l'immigration de Hong Kong commencent à apparaître. De plus, il faut s'interroger sur la sagesse de notre tribunal fédéral lorsqu'il s'agit de laisser entrer des chefs de triades au Canada. Je vais donner un exemple. Un chef de triade s'est vu refuser l'immigration un certain nombre de fois. Son nom est Lam Chum-wai et il est membre d'une triade très connue. Cependant, le tribunal fédéral a annulé ces refus et lui a permis de venir s'installer au Canada. Un criminel connu—et chef de traide, d'après tous les rapports—ne devrait pas se trouver en liberté dans ce pays. Pourtant, le juge du tribunal fédéral l'a autorisé à rester au Canada. Personne n'a remis en question la décision du juge; pourtant, nous devrions le faire. Nous devrions demander pourquoi cela se produit.

En octobre, j'ai eu le plaisir d'assister à la conférence ministérielle des pays du G-8 sur la lutte contre le crime organisé international qui règne à Moscou. Je savais que le crime organisé proliférait, mais je ne savais pas dans quelle mesure ni par quels moyens technologiques. Il est clair que les méchants l'emportent.

Un communiqué a été diffusé lors de la conférence et il disait ceci:

    Les pays du G-8 sont résolus à lutter contre les effets néfastes de la mondialisation, c'est-à-dire contre le crime organisé international qui risque de nuire à nos sociétés et à nos économies.

    Nous avons convenu qu'on ne pouvait lutter contre le crime organisé international qu'en combinant des mesures préventives et coercitives.

    Nous nous sommes entendus pour dire que tous les membre du G-8 qui ne l'ont pas encore fait devraient songer à adhérer à la Convention de 1990 du Conseil de l'Europe sur le blanchiment de capitaux, la recherche, la saisie et la confiscation des produits d'activités criminelles. Nous nous sommes également entendus sur l'importance de collaborer avec les médias et les organismes non-gouvernementaux parce qu'ils ont un rôle important à jouer dans la lutte contre le crime organisé et la corruption.

    8. Aujourd'hui, nous avons avalisé les Principes directeurs et le plan d'action en vue de lutter contre la contrebande et le trafic d'êtres humains préparés par le Groupe de Lyon du G-8, conformément aux directives émises au Sommet de Birmingham en 1998.

    10. Nous avons accepté de travailler ensemble pour combattre la menace immédiate, c'est-à-dire le recours possible au passage à l'an 2000 pour masquer les fraudes transnationales au niveau de la criminalité technologique organisée. Nous avons accepté d'appuyer la poursuite du travail de notre sous-groupe de Lyon sur la criminalité technologique. Nous devons étudier d'autres options pour tenter de retrouver et d'identifier les criminels qui se servent des réseaux de communication à des fins illégales.

 

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Ce débat pourrait se poursuivre longtemps. J'ai encore beaucoup de choses à dire à ce sujet, mais je sais que mon temps de parole est presque épuisé.

Je félicite les députés du Bloc de leur initiative d'aujourd'hui et je félicite le gouvernement d'avoir accepté de soumettre la question à l'étude d'un comité. Je crois qu'il est temps que nous ayons des discussions sérieuses en comité sur la façon de mettre un frein au crime organisé au Canada. Regardons la réalité en face. Appelons le caporal Reeds, M. MacAdams et des gens de ce genre au comité et faisons parvenir leur déposition sous serment à ce groupe de parlementaires qui pourront finalement prendre des mesures contre le crime organisé au Canada.

L'hon. David Kilgour (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Monsieur le Président, le député pourrait-il nous en dire un peu plus long sur la façon dont il pense que nous pourrions rendre l'entrée au Canada plus difficile pour les criminels, particulièrement les criminels de carrière qui sont membres d'organisations criminelles?

M. John Reynolds: Monsieur le Président, ils ont certainement leurs façons d'entrer au Canada.

Il y a le cas de ce chef d'une triade qui a été repoussé à Hong Kong, mais qui est entré par le bureau de Los Angeles. Pour moi, il ne fait aucun doute, en dépit du rapport rédigé par un ancien ambassadeur, qu'on a cherché à cacher à vérité. Les éléments de preuve sont très convaincants et je pense que nous devrions faire comparaître ces gens devant le comité. M. MacAdam, qui a fait des révélations au sujet du projet Sidewinder, et le caporal Read ont des réponses à la question de savoir pourquoi ces gens sont admis. Il faut leur demander de venir témoigner devant le comité.

Il faut mettre fin à la fraude et aux pots-de-vin . Nous savons tous que la GRC enquête dans de nombreuses ambassades sur des membres du personnel qui reçoivent des pots-de-vin pour donner la priorité à certaines personnes. Il faut mettre fin à ces pratiques.

On peut se demander pourquoi un juge fédéral détenant des éléments de preuve fournis par la GRC et des organismes de police du monde entier sur un dirigeant bien connu d'une triade lui a permis de rester au Canada. Rien ne justifiait une telle décision et pourtant c'est bien ce qu'a fait un juge, un juge fédéral par dessus le marché. C'est ce qui me trouble le plus car, comme chacun sait, la nomination de la plupart des juges fédéraux est politique. Je me pose des questions.

Je travaille dans ce domaine depuis longtemps. Dans les années 70 j'ai assisté aux travaux d'un comité de la Chambre sur les pénitenciers. Tous les députés étaient unanimes et pourtant le gouvernement n'a absolument rien fait. J'espère que si nous faisons assez de battage autour de cette question, nous obtiendrons des réponses, nous les rendrons publiques et nous veillerons à ce que les choses changent afin que le Canada ne soit plus un objet de dérision parce qu'il est si facile pour le crime organisé d'y entrer.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Monsieur le Président, j'ai ici un exemplaire d'un bulletin du service de renseignement criminel publié par la GRC le 15 juin. J'ai déjà porté ce texte à l'attention de la Chambre la semaine dernière. J'aimerais que le député commente un extrait de ce document.

Voilà ce qu'il dit sur le crime informatique et la sécurité nationale:

    Le risque d'une attaque grave, délibérée et ciblée contre un système d'infrastructure canadien essentiel est passé de faible à moyen, et l'impact d'une telle attaque est important. [...]

    Plusieurs ministères faisant face à un nombre croissant d'attaques subtiles cherchent conseil, assistance et aide auprès des organismes d'exécution de la loi, seulement pour s'apercevoir que ces organismes manquent de personnel compétent et entraîné.

Fait intéressant, lorsqu'un journaliste a demandé à des représentants de la GRC de commenter la publication du bulletin, ils ont répondu que la GRC allait déplacer certaines ressources.

Je ne crois pas que ce soit la bonne façon de procéder; le député sera sans doute d'accord avec moi sur ce point. Il ne suffit pas de déplacer les ressources. Il faut trouver de nouvelles ressources et il faut une détermination accrue de la part du gouvernement.

M. John Reynolds: Monsieur le Président, il ne fait aucun doute que ce n'est pas seulement en déplaçant des ressources que nous allons régler des problèmes. Comme nous l'avons mentionné plus tôt au solliciteur général, la GRC manque de ressources partout au Canada et il faut des fonds pour combler ce manque. Le crime organisé coûte aux Canadiens environ 18 milliards de dollars par an. Il faut ajouter à cela les profits que réalisent les criminels et les milliards de dollars qui sont consacrés chaque année pour lutter contre les drogues et d'autres problèmes.

 

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À la conférence du G-8 tenue à Moscou, il a été question de divers problèmes, dont celui des nouvelles données informatiques, qui se posent au Canada et partout ailleurs dans le monde. Il est intéressant de noter que l'Allemagne ayant fait valoir son opposition, il n'y a pas eu d'accord. Les pays membres ont simplement convenu de se pencher sur la question pendant encore un an, à peu près comme nous le faisons ici. Notre façon de faire de la politique ressemble assez à ce qui se fait ailleurs dans le monde. Tout le monde veut participer à une telle conférence.

Maintenant les criminels du cryptage peuvent se parler ouvertement. L'écoute est impossible dans ce cas, contrairement à celle qu'on fait au téléphone dans le cadre d'enquêtes. Il n'y a donc pas que les ressources qui font problème. Il faut une volonté de dire à la population qu'on doit s'attaquer au crime organisé au Canada, que c'est possible de le faire et qu'il y a des choses que nous n'avons pas faites. J'espère que le comité fera des recommandations au gouvernement et que ce dernier les écoutera et y donnera suite sans délai.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le Président, je partagerai, moi aussi, le temps qui m'est accordé et, à l'instar de tous ceux qui ont déjà abordé cette résolution, je tiens à féliciter les députés du Bloc québécois qui proposent la motion. Il s'agit d'une résolution importante et je peux affirmer que mon parti l'appuiera.

Je n'ai qu'une seule grande réserve, c'est que, malheureusement, le gouvernement actuellement au pouvoir n'accueille pas toujours très bien les rapports que lui remettent les comités. Nous connaissons tous des comités dont les recommandations ont été soit édulcorées soit carrément rejetées par le gouvernement. Je pense notamment au Comité permanent des pêches et des océans ainsi qu'au Comité permanent de l'environnement et du développement durable qui, à différents moments au cours du mandat du gouvernement, ont formulé des recommandations importantes qui sont ressorties édulcorées de l'étude qu'en a faite le Cabinet.

J'espère donc que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne sera véritablement chargé d'étudier cette question, comme on le recommande dans la résolution, qu'il l'examinera, qu'il entendra des témoins et qu'il déposera le genre de rapport qu'il est capable de rédiger. Je siège au comité de la justice. Nous avons étudié d'importantes questions et soumis à la Chambre des rapports qui faisaient l'unanimité. J'espère que le gouvernement adoptera les mesures que nous lui avons proposées.

Certains se disaient déçus de tout le temps que le gouvernement a mis à reconnaître que le crime organisé pose un problème qu'il faut régler au Canada. Je partage leur déception.

Nous sommes le 30 novembre 1999. Je voudrais vous rappeler les observations que j'ai formulées il y a environ un an, lorsque le solliciteur général a fait sa déclaration sur le crime organisé. Il y a presque un an aujourd'hui, le 3 décembre 1998 pour être exact, j'ai abordé cette question. À ce moment-là, nous parlions de la nécessité de prendre des mesures pour lutter contre le crime organisé dans notre pays. Une bonne partie de ce que nous avons entendu de la part du gouvernement aujourd'hui avait été dit il y a presque 12 mois. Il aura donc fallu un parti de l'opposition, le Bloc québécois, pour présenter cette motion, et il faudra l'intervention du Comité de la justice, je suppose, pour amener le gouvernement à agir.

Le crime organisé touche chacun des portefeuilles ministériels du gouvernement et chacune des régions géographiques du pays. Lorsque je dis qu'il touche chacun des portefeuilles ministériels, il touche notamment les transports, et je reviendrai sur ce point. Le député de Langley—Abbotsford a commencé à parler de la police portuaire. Notre pays est entouré de trois océans et, pourtant, lorsque je suis arrivé au Parlement il y a deux ans, le ministre des Transports s'apprêtait à éliminer la police portuaire, un des principaux moyens de protection contre l'importation de drogues, d'armes et de produits de contrebande dans notre pays.

N'est-il pas ironique que nous soyons ici aujourd'hui à parler du crime organisé pendant que les négociations de l'Organisation mondiale du commerce sont en cours? Il existe une Organisation mondiale du commerce; elle fait le commerce des munitions. Le commerce le plus important entre les pays est celui des armes illégales. Ce commerce représente des milliards de dollars dans le monde entier. Mon collègue a eu raison de dire que les armes sont des instruments de destruction, et nous en faisons le commerce pour des milliards de dollars.

Le commerce de la drogue vient au deuxième rang. Même si je n'ai pas de chiffres, je soupçonne que le commerce des êtres humains vient au troisième rang, le commerce des immigrants illégaux, des gens qui cherchent une vie meilleure. Quand on regarde ce qui fait l'objet de trafics dans le monde aujourd'hui, on constate que ce sont les armes, les drogues et les êtres humains. Il y a grand temps que l'on s'attaque à ce dossier.

 

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Parmi les dispositifs de protection qu'on possédait jadis, il y avait la police portuaire. Je me suis disputé vivement à la Chambre avec le ministre des Transports au sujet de la décision de démanteler la police portuaire. Le gouvernement n'en a eu cure et a privatisé les ports. Le gouvernement est en passe de privatiser les aéroports. Le rôle du gouvernement diminue à tous les points d'entrée, alors que c'est là que les activités illégales ont cours.

J'ai dit que ce problème déborde du cadre des ministères. Ce n'est pas la responsabilité propre d'un ministre donné. J'ai parlé du trafic des êtres humains. Depuis ce qui s'est passé à Vancouver avec les navires pleins d'immigrants, nous-mêmes et le grand public savons maintenant que des gens se spécialisent dans le trafic des êtres humains qui sont à la recherche d'une vie meilleure.

Le crime organisé touche la santé et la justice. On sait ce qu'il en coûte d'avoir des jeunes qui consomment du crack et de la cocaïne. On sait ce qu'il en coûte d'avoir des toxicomanes. On sait ce coûtent les prisons. On sait ce qu'il en coûte pour assurer le traitement des victimes du crime organisé.

Le crime organisé touche les finances et le commerce international. Et n'oublions pas le crime des cols blancs. Quand on parle du crime organisé, on a trop tendance à tout ramener au motard. C'est un fait: bien des gens portant costumes, cravates et chemises hors de prix sont impliqués dans le blanchiment d'argent. Ils font passer les produits de la criminalité d'un pays à l'autre et nous volent d'un seul trait de plume. Cela leur suffit pour donner naissance à une activité criminelle.

Le crime organisé a une incidence sur les finances, sur le commerce international, sur les douanes canadiennes et aussi sur la défense parce qu'en de nombreux cas nous nous en remettons aux militaires du pays pour combler le vide créé par la réduction des budgets, de la GRC et de l'élimination de la police des ports.

Le dossier du crime organisé est une responsabilité de tous les membres du Cabinet. Le fait que peu ou pas de mesures aient été adoptées à cet égard est une honte que partage chacun des membres du Cabinet. Il n'y a pas de limites géographiques dans le pays en ce qui concerne le crime organisé. Aucune région du pays n'est affectée plus qu'une autre. Dans de petites villes partout au Canada le crime organisé est un sujet de préoccupation.

À Halifax, en Nouvelle-Écosse, nous avons droit au triste spectacle de deux bandes rivales, soit les Hell's Angels et une autre bande. Une des bandes est située à Dartmouth et l'autre, à Halifax. Les gens de cette collectivité vivent dans la crainte constante de se retrouver dans une situation semblable à celle qui, selon mes collègues du Bloc québécois, a cours dans la province de Québec.

Dans des villes de l'Ontario, il existe une crainte et un danger réels de trafic transfrontalier de toutes sortes de produits allant du tabac et de l'alcool jusqu'aux drogues. Dans des villes comme Winnipeg, il existe de véritables préoccupations. Le nouveau gouvernement du Manitoba commence à adopter des mesures concrètes de lutte contre la criminalité et le crime organisé en milieu urbain.

Comme mes collègues l'ont souligné, il y a eu en Colombie-Britannique une hausse draconienne du commerce des drogues. Pour les gens qui vivent dans ces collectivités, il semble que le gouvernement soit incapable de mettre un frein au crime organisé en raison des réductions du budget de la GRC. C'est aussi une question qui exige une coopération internationale.

Je terminerai mon intervention sur une note plus positive. Je félicite le gouvernement d'avoir adopté des mesures visant à collaborer avec la collectivité internationale. J'ai eu le plaisir et l'honneur d'accompagner le ministre aux Nations Unies, à New York, où nous avons échangé des idées avec les procureurs généraux d'autres pays concernant la façon de lutter contre le crime organisé.

Je félicite les députés du Bloc d'avoir présenté cette motion et je vais l'appuyer.

 

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M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, j'apprécie toujours dans une certaine mesure les commentaires de mon savant collègue de Sydney—Victoria, dans la province de la Nouvelle-Écosse.

Il a toujours des idées très judicieuses. Je voudrais lui poser une question en ce qui concerne le problème du crime organisé dans les Maritimes. Comme en Colombie-Britannique, la situation dans les provinces maritimes est unique en ce sens qu'elles sont bordées par les eaux et présentent une côte particulièrement vulnérable, notamment à l'importation de drogues, de matériels de contrebande, de matériel pornographique et d'armes en provenance de grands centres urbains comme Boston et New York.

Je me demande si le député pourrait nous parler de la vulnérabilité accrue des côtes du Cap-Breton et de la Nouvelle-Écosse en général par suite du démantèlement de la police portuaire. Je sais qu'anxieuses de voir le port de Halifax désigné mégaport, les autorités de Halifax ont réglé ce problème en temps opportun. En fait, leur action pourrait bien avoir joué dans la décision finale de faire de Halifax un mégaport.

Le député pourrait-il s'étendre là-dessus et nous dire ce que, selon lui, nous pourrions faire pour lutter contre ce problème en Nouvelle-Écosse et s'il a des conseils à donner au solliciteur général à cet égard?

M. Peter Mancini: Je remercie le député de sa question et je suis heureux que mes propos l'intéressent. Le député a raison en ce qui concerne cette question. La police portuaire jouait un rôle important, mais elle ne travaillait pas seule. Je pense que c'est important de le souligner. Les douaniers qui travaillaient dans les ports de la Nouvelle-Écosse dépendaient beaucoup du travail effectué en partenariat avec la police portuaire, celle-ci les aidant à empêcher l'importation d'articles volés, qu'il s'agisse d'automobiles, de drogue ou d'autres choses.

À mon avis, il faudrait rétablir la police portuaire. Fait intéressant à signaler, il a été question que le comité de la justice se penche sur la possibilité qu'un corps policier national effectue une partie du travail autrefois accompli par la police portuaire, si celle-ci n'était pas rétablie.

Le député a parlé de la vulnérabilité de la région de l'Atlantique. C'est un fait. Le littoral comprend bien des anses et des endroits où les bateaux peuvent accoster. Il faut prévoir des mesures de protection supplémentaires dans cette partie de notre pays. Autrefois, nous pouvions compter, dans une certaine mesure, sur un partenariat entre les pêcheurs et la GRC. Dans le cadre de certains programmes, les pêcheurs pouvaient signaler toute activité qu'ils estimaient douteuse. Encore une fois, à cause de la réduction des effectifs de la GRC, cela devient de plus en plus difficile.

Nous avons parlé du littoral marin. J'ai remarqué que, dans ses observations, le solliciteur général a parlé du financement de certains aéroports, celui de Halifax n'étant pas au nombre des aéroports mentionnés. En adoptant des politiques gouvernementales qui provoquent un exode rural et qui poussent les habitants des régions rurales à se regrouper dans de grands centres urbains, nous perdons aussi la capacité de protéger nos côtes, car la population des petits villages et des petites localités s'exile.

Comme il représente la circonscription de Pictou—Antigonish—Guysborough, le député comprendra certainement qu'à mesure que la ville de Halifax voit sa densité démographique augmenter, parce que le gouvernement a décidé que c'est là que l'activité économique se concentrerait, nous perdons certaines ressources le long de la côte et dans d'autres localités, des ressources qui sont un atout dans la lutte contre le crime organisé, les localités en question s'en trouvant donc plus vulnérables.

M. Peter MacKay: Monsieur le Président, je remercie à nouveau le député pour ses observations. Je sais qu'il a un coeur d'or lorsqu'il s'agit de la province de la Nouvelle-Écosse. En fait, on le presse beaucoup de passer plus de temps dans sa province natale.

Je voudrais lui poser une question au sujet de l'aéroport, car il soulève un point très intéressant. On a beaucoup discuté dans les milieux policiers de la privatisation du maintien de l'ordre, c'est-à-dire des services des gardiens de sécurité. L'idée est de faire sortir la GRC des aéroports. Cela inquiète beaucoup à cause de la vulnérabilité des aéroports, à cause du point chaud que ceux-ci constituent pour l'importation de substances de contrebande. L'aéroport de Halifax est certes un aéroport international à cet égard.

Le député pourrait-il nous exposer la position de son parti et la sienne propre sur la privatisation des services de sécurité. Les normes sont abaissées et je crois que les agents de sécurité eux-mêmes ne reçoivent pas autant de formation que les membres de la GRC ou des forces policières municipales.

 

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M. Peter Mancini: Monsieur le Président, je conviens à nouveau avec le député que la privatisation des forces de sécurité n'est pas la solution. Ce qu'il nous faut, ce sont des agents de police bien formés qui, parce qu'ils sont bien formés et bien rémunérés, sauront protéger les collectivités.

Il a raison de dire qu'on me presse de passer plus de temps dans la province. Il subit parfois lui-même des pressions semblables.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, je suis content de prendre part à ce débat. Je commencerai par remercier nos collègues bloquistes pour avoir aujourd'hui amené sur le tapis cette question fort opportune et pertinente. Je remercie tout particulièrement le député de Berthier—Montcalm d'avoir proposé la motion.

Je représente la circonscription de Winnipeg-Centre, le coeur de Winnipeg, et je ne suis pas fier de dire que les problèmes liés au crime organisé ne nous sont pas étrangers, même s'il ne s'agit que de problèmes mineurs. Je songe notamment aux gangs de voyous dans les rues de la ville, que l'on croit souvent à tort n'être constitués que de jeunes autochtones. On a tort de croire que le problème ne concerne que la jeunesse autochtone. Ces gangs de voyous sont organisés et menés par des adultes qui souvent exploitent et maltraitent les jeunes pour arriver à leurs fins. Que l'on me comprenne bien: quand je fais allusion aux difficultés posées par les gangs dans les rues de Winnipeg, je pense aux jeunes voyous des villes et non pas aux jeunes autochtones.

Le problème du centre de Winnipeg tient en fait en bonne partie aux conséquences fort prévisibles d'une politique sociale désastreuse, voire inexistante. C'était à prévoir après tant d'années de négligence. Nous avons laissé ce secteur pourrir année après année, et il était parfaitement prévisible qu'une sous-catégorie sociale finirait par prendre forme et s'incruster. Quelle surprise! Affamons des gens pendant quelques décennies et nous allons créer une sous-catégorie qui s'organisera, car, lorsque nous écartons des gens de l'économie courante, où iront-ils pour trouver une meilleure qualité de vie?

Lorsque nous parlons du crime organisé, tout le monde songe à la mafia. C'est presque un cliché. Selon les députés, d'où vient la mafia? Dans les années 1900, à New York, des gens ont été écartés de l'économie courante. Des employeurs refusaient d'embaucher des Méditerranéens au teint basané. Ils ont été écartés de l'économie et ont créé leur propre économie. Était-elle illégale? Oui. J'ai souvent dit qu'il était facile de choisir entre laisser mes enfants crever de faim et commettre des actes un peu répréhensibles. Ces gens aiment aussi leurs enfants et ils sont obligés de commettre des actes illégaux pour survivre.

C'est ce qui se produit dans le cas des gangs de rue qui existent à Winnipeg. Toute une génération de gens sont écartés de l'économie courante et ont créé leur propre petite économie, ce qui est illégal. Lorsqu'il doivent choisir entre la survie et l'illégalité, ils choisissent la survie.

Le grave problème social des quartiers du centre de Winnipeg s'est manifesté récemment par des incendies criminels. Nous avons une épidémie d'incendies criminels. C'est comme Watts en 1965. On cherche à tout brûler. Des gens expriment leur frustration en faisant flamber le quartier misérable où ils habitent. Ils le rasent au complet. Ils font leur propre loi, ils s'expriment et manifestent leur frustration en incendiant le quartier où ils vivent, peut-être dans l'espoir qu'un monde meilleur renaîtra des cendres.

Là encore, cela est très prévisible. Quiconque étudie l'expérience humaine aurait pu nous dire que c'est ce qui se produirait. Nous jouons avec le feu et maintenant nous en subissons les conséquences, après des années et des années de manquements fondamentaux au centre de la ville.

Heureusement, nous avons élu un maire progressiste et un gouvernement provincial progressiste. Peut-être pourront-ils travailler ensemble et commencer à redresser la situation. Toutefois, il ne faut pas se le cacher. Le crime organisé et le crime de rue sont une conséquence prévisible de la pauvreté à long terme et nous aurions dû le prévoir.

Mon collègue a parlé d'une question qui m'intéresse beaucoup: l'asservissement humain, l'esclavage et la réapparition de l'esclavage.

 

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Je vois que le député conservateur trouve cela excitant. Je conviens que l'asservissement humain peut avoir de nombreuses significations. Le sens dont je parle maintenant est celui du spectacle terrible de gens désespérés qui arrivent sur les côtes de la Colombie-Britannique à la recherche d'une vie meilleure. Ils entrent dans un circuit qui est en fait le crime organisé. Tout le réseau qui profite de ces gens désespérés est le crime organisé dans son sens le plus exact. Ces personnes ont des relations. Il existe un réseau dans toute l'Amérique du Nord qui sort ces gens des bateaux sur lesquels ils arrivent et les plonge dans l'illégalité ou dans la violence. Ces derniers doivent alors s'acquitter de leur dette envers ceux qui les ont fait entrer clandestinement au pays.

Des gens plus sensibles examinent la situation et essaient de comprendre comment elle a pu se produire. Des habitants de la province du Fujian, en Chine, sont assez désespérés pour quitter leur communauté. Ils sont prêts à monter à bord de navires qui tiennent à peine la mer et à contracter des dettes de 40 000 $ envers des criminels pour venir ici se faire une meilleure vie pour eux et leurs enfants. Essayons de comprendre ce qui pousse ces gens à agir ainsi. Quelle situation veulent-ils quitter au point de risquer leur vie dans une telle aventure?

En faisant des recherches, j'ai appris certaines choses sur la province du Fujian, d'où viennent ces désespérés. C'est la première région de Chine où on a établi les fameuses zones économiques de libre-échange. Ce sont des bastions du capitalisme. Ces zones sont entourées de clôtures et les lois du travail ne s'y appliquent pas. Les travailleurs y fabriquent des poupées Barbie, des jeans Gap et des chandails Liz Claiborne. Beaucoup des produits que nous consommons en Occident sont fabriqués dans les zones commerciales de la province du Fujian, en Chine.

Le BIT, le Bureau international du travail, a fait quelques recherches. Il a constaté que les travailleurs doivent gagner environ 85 cents l'heure pour avoir un niveau de vie raisonnable en Chine. Pour vivre comme un paysan chinois, il faut gagner 85 cents l'heure. Cela représente six ou sept dollars par jour. Dans ces zones économiques, le salaire horaire s'établit à 18 cents. C'est un cinquième de ce qu'il faut à un paysan pour survivre. Gap, Liz Claiborne et toutes ces entreprises paient ces gens 18 cents l'heure pour fabriquer leurs produits occidentaux. Ces travailleurs ne sont pas stupides. Ils pensent. Ils savent qu'il existe un monde où la vie est bien meilleure que la vie qu'ils vivent. Ils sont prêts à tout pour essayer d'améliorer leur sort et celui de leur famille, pour venir au Canada. Ils sont optimistes et espèrent connaître un meilleur niveau de vie.

Je crois que nous n'avons vu que la pointe de l'iceberg en ce qui a trait à cette situation. Le jour viendra où nous devrons faire quelque chose pour changer cette situation. En tant que pays occidental développé, nous ne pouvons pas laisser ces gens dans ces conditions pour toujours. Ils savent que nous vivons la belle vie ici alors qu'ils vivent une vie de misère et de désespoir. Nous avons ce spectacle bizarre de gens qui vivent dans des huttes de paille au plancher de terre et qui écoutent des reprises de l'émission Mary Tyler Moore sur un téléviseur couleur en se demandant pourquoi ils ne pourraient pas vivre la belle vie eux aussi. Ils deviennent donc désespérés.

Encore une fois, beaucoup de Canadiens moins sensibles ou qui n'ont pas bien réfléchi à la question disent: «Pourquoi devrait-on permettre à ces gens de venir au Canada et de devenir des immigrants reçus sans qu'ils aient eu à attendre? Et que fait-on de toutes ces bonnes gens qui attendent patiemment leur tour?»

Je vais dire quelque chose à la Chambre. Il est absolument impossible de partir de là-bas pour venir ici. La Chine compte 1,2 milliard d'habitants, et le Canada a un seul agent d'immigration dans ce pays. Cet agent, une femme, est à Beijing, très loin de la province de Fujian. Comment une personne qui gagne 18 cents l'heure peut-elle épargner assez d'argent pour se rendre à Beijing et faire la queue là-bas parfois pendant des mois, couchant littéralement dehors à la porte de l'ambassade avant de pouvoir entrer pour obtenir un visa afin de venir au Canada?

J'ai demandé à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration pourquoi nous ne pouvions pas ouvrir un petit bureau satellite là-bas. S'il y a une si grande demande pour venir au Canada dans la province de Fujian, nous pourrions y ouvrir un petit bureau pour dix-huit mois. Il n'y aurait pas de marché pour les passeurs d'immigrants illégaux. Nous leur couperions l'herbe sous le pied si nous donnions aux gens la possibilité de venir dans notre pays par la voie normale. Eh bien, la ministre a dit qu'il n'y avait pas de budget pour promouvoir le Canada, et ainsi de suite. Tout est une question de budget. Nous faisons maintenant face aux conséquences de ces gens qui sont suffisamment désespérés pour venir sur nos côtes et devenir les victimes de ce terrible réseau de passeurs criminels.

La dernière chose que je vais dire à ce sujet, c'est que je suis très critique à l'égard de la façon dont le gouvernement traite cette question. Nous connaissons certains des dirigeants de ce réseau. Nous connaissons certains individus à Vancouver, Toronto et New York. Je connais le nom de certains. Cependant, pour une raison quelconque, le gouvernement espère pouvoir, comme on le voit dans les émissions policières à la télévision, réussir une grande opération policière et, à la dernière minute, arrêter tout le monde et passer ainsi pour un héros.

Pourquoi la police ne s'en prend-elle pas aux gens qu'elle connaît déjà—en respectant la loi, bien entendu? Pourquoi ne pas arrêter ces gens et les interroger? Pourquoi ne fait-on pas ce qui est possible pour mettre un terme à ce trafic et envoyer un message à la province du Fujian que le Canada ne tolérera pas le passage de réfugiés clandestins ni l'asservissement d'êtres humains dans notre collectivité? C'est une question au sujet de laquelle j'ai de vives critiques.

 

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Mon collègue de Sydney—Victoria a également parlé de l'incapacité de la GRC de faire respecter la loi et de mettre un terme à certaines des terribles activités du crime organisé au Canada.

Nous recevons des lettres d'agents de la GRC nous disant que, faute de personnel ou de budget, ils sont incapables de faire enquête sur des crimes qu'ils savent être commis. Cela donne le feu vert au crime organisé, surtout dans les cas de questions complexes reliées aux crimes économiques. Il est vraiment terrible de ne pas avoir l'argent pour arrêter les criminels qui, comme nous le savons, minent leurs activités dans notre collectivité et exploitent des Canadiens. Tout cela pour une question de budget, d'argent. On semble préférer équilibrer le budget plutôt que protéger les Canadiens contre des criminels organisés, et je trouve cela scandaleux.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Madame la Présidente, le député pourrait-il déposer les lettres des agents de la GRC, dont il a parlé tout à l'heure? J'aimerais les voir.

M. Pat Martin: Madame la Présidente, ces lettres sont du domaine public. Le député de Kamloops s'est levé et a non seulement fait des observations, mais il a aussi interrogé le gouvernement à cet égard. Il a cité un passage en précisant sa provenance exacte ainsi que le nom d'un officier supérieur de la GRC qui nous avait écrit. Il parlait alors d'une escroquerie impliquant des cols blancs dans la circonscription de Kamloops.

On aurait extorqué des centaines de milliers de dollars à des personnes âgées. Des agents de la GRC étaient au courant de l'affaire. Ils connaissaient les détails, le montant, les personnes impliquées, mais ils avaient écrit que «Malheureusement, nous ne pouvons faire enquête à ce moment-ci. Nous n'avons pas les ressources, le personnel ou la main-d'oeuvre nécessaires pour enquêter.» En d'autres termes, ils avaient soutenu qu'il n'y avait pas d'argent pour protéger les intérêts des victimes.

Nous serions heureux de mettre ces lettres à la disposition du député, parce que nous tenons autant que lui à ce que cette affaire soit connue de tous.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Madame la Présidente, en posant sa question, le député fait état d'un problème qui existe entre l'Est et l'Ouest, où tout le monde est au courant de ces incidents.

J'ai écrit au solliciteur général et au chef de la GRC au sujet du manque d'agents dans Sunshine Coast, où les 46 000 habitants devraient bénéficier des services de 52 agents. Il en manque une dizaine, ce qui est nettement au-delà des 10 p. 100 dont parle parfois le commissaire. À cause de cela, on signale parfois que les agents de la GRC soutiennent ne pas pouvoir enquêter immédiatement sur des crimes, des introductions par effraction par exemple, parce qu'ils n'ont pas le personnel nécessaire. Selon un agent, les responsables à Ottawa auraient conseillé aux agents en poste à Sechelt de ne pas répondre aux appels venant de Pender Harbour, qui compte pourtant quelques milliers d'habitants. Nous savons qu'il y a un problème grave.

Comparez à cela Vancouver ouest qui, avec une population de 40 000 personnes, possède son propre service de police et 77 agents en poste. C'est une région bordée d'eau sur deux côtés et beaucoup plus dense que la région côtière de Sunshine Coast. Nous manquons vraiment de ressources.

Le député a parlé de la province du Fujian. Je suis d'accord avec une bonne partie de ses propos à ce sujet. Mais il a également parlé de notre unique bureau qui se trouve à Beijing et des travailleurs gagnant 18 cents l'heure qui ne peuvent s'y rendre. C'est peut-être vrai, peut-être pas. Mais alors, comment font-ils pour payer les 40 000 $ que demandent les passeurs pour les amener jusqu'aux bateaux? C'est évident que le crime organisé se cache derrière cela.

Voilà pourquoi nous devons transmettre un message clair. La majorité des membres de la communauté chinoise de Vancouver m'ont dit que si nous ne retournons pas les bateaux, ou du moins si nous ne renvoyons pas ces gens immédiatement par avion, les habitants de cette province ne vont pas comprendre que l'immigration au Canada se fait autrement que par le trafic de personnes.

Voilà donc une divergence évidente. Ils ne peuvent s'offrir la procédure d'immigration, mais ils peuvent trouver 30 000 $ ou 40 000 $; c'est sans doute qu'ils devront rembourser la somme en travail une fois arrivés ici. Comment le député explique-t-il cela?

M. Pat Martin: Madame la Présidente, le député a répondu à sa propre question. Personne ne paye en argent. Personne ne possède de telles sommes dans cette région. Ils signent une reconnaissance de dette ou un autre document certifiant qu'ils doivent cette somme et qu'ils la rembourseront une fois arrivés ici.

Mon frère est avocat à Toronto et un de ses clients est un migrant arrivé ici clandestinement. Cette personne a été attachée à un lit dans le sous-sol d'une maison et forcée de travailler de 16 à 18 heures par jour dans l'esclavage et l'asservissement. C'est une main-d'oeuvre captive. C'est un retour à la triste époque de l'esclavage. Les gens sont désespérés au point d'accepter ce genre d'obligation. Ils auront une dette de 40 000 $ et, s'ils ne remboursent pas, ils seront sous le coup de lourdes menaces de coercition, et leur famille restée en Chine risque de souffrir. Beaucoup d'entre eux comptent probablement des parents restés dans la province de Fujian.

 

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Voilà les contraintes et les manipulations auxquelles ces désespérés sont réduits. Peut-on s'imaginer la profondeur de leur désespoir? Le chiffre de 18.c l'heure n'est pas de moi. L'Organisation internationale du travail a récemment réalisé une étude des zones de libre-échange économique dans la province de Fujian, où on fabrique une foule de produits comme des jouets, des meubles et des produits électroniques. Les vêtements que je porte en ce moment ont peut-être été cousus dans cette région de la Chine. Il y a maintenant en Chine 200 zones de libre-échange, dont un grand nombre dans la province de Fujian, où on fabrique des produits occidentaux. Je n'ai pas inventé ce chiffre. Selon les estimations de l'Organisation internationale du travail, un salaire horaire de 85¢ permet d'avoir une vie décente dans cette région chinoise. Or, les travailleurs ne touchent que 18¢ Beijing est bien loin de la province de Fujian. Je ne vois pas comment ces gens peuvent s'y rendre pour présenter une demande de visa. Je ne crois pas que ce soit possible. Légalement, on ne peut pas aller de Fujian à Beijing.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Madame la Présidente, je suis très heureux de pouvoir prendre part au débat au nom du Parti progressiste conservateur.

Je félicite tout d'abord le Bloc québécois qui a pris l'initiative de lancer ce débat à la Chambre. La discussion sera certes très utile et nous permettra d'apprendre des tas de choses. Je félicite aussi le Bloc québécois pour la prévoyance dont il fait preuve en consacrant sa journée d'opposition à l'étude de cette motion.

Quand on connaît toutes les options et toutes les priorités auxquelles un parti doit songer lorsqu'il lui faut déterminer la question à aborder à la Chambre, je trouve très intéressant que le Bloc ait choisi de parler de crime organisé. Cela prouve, de toute évidence, que le Bloc comprend l'importance du problème et reconnaît la priorité qu'il faut lui accorder au Canada.

Pourtant, le premier ministre, lui, cherche plutôt à provoquer le Bloc et s'aventure follement dans un autre débat sur la séparation. Les Canadiens en ont assez de ce débat qui s'éternise. Le premier ministre se cherche un piédestal ou une façon de se faire pardonner sa piètre performance de 1995, lorsqu'il a fui le débat et a laissé le chef du Parti progressiste conservateur de l'époque livrer la bataille à sa place.

Nous convenons tous que le crime organisé menace toutes les valeurs qui nous sont chères: la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Le Bloc québécois a choisi d'accorder la priorité à ce problème. Nous devons lui en être reconnaissants. Cette question touche de très près le Québec, où les gangs de motards se livrent une guerre dangereuse dans les rues de Montréal. Nous savons aussi que l'un des plus grands groupes criminalisés du pays s'est installé à Lennoxville. Une section des Hell's Angels a son quartier général à Lennoxvile. Cette motion tombe à point nommé.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais rappeler à la Chambre toute la procédure d'étude des crédits en vertu de laquelle cette motion a été présentée aujourd'hui et qui culminera la semaine prochaine lorsque le gouvernement demandera l'autorisation de dépenser plus de 4 milliards de dollars appartenant aux Canadiens.

En ce qui concerne le Budget des dépenses supplémentaire, qui est renvoyé d'office à divers comités, à ce jour le gouvernement n'a encore fait comparaître aucun ministre pour répondre aux questions des comités ou pour tenter de justifier ces demandes d'affectations supplémentaires. C'est une insulte à la démocratie qui offense les citoyens. Je suis sûr que même les municipalités les plus petites de ce pays n'oseraient pas traiter leurs contribuables d'une manière aussi cavalière. Quatre milliards de dollars sans une seule explication.

Je vais donner un seul exemple de ce qui est en jeux quand on parle de ce genre de budget. La Commission de la capitale nationale demande 40 millions de dollars pour faire des travaux sur la rue Sparks, à une rue d'ici. Les réunions de la NCC ont lieu à huis clos. Seul un comité pourrait entreprendre un examen public de l'organisme, et cela n'arrivera probablement pas.

Par ailleurs, le gouvernement réclame 35 millions de dollars pour son programme de contrôle des armes à feu, qui est un désastre et un gouffre qui engloutit l'argent des contribuables. La ministre et ses fonctionnaires sont incapables de défendre leur gestion de ce programme.

 

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Le gouvernement a abandonné le processus d'examen du budget des dépenses. Les libéraux sont d'avis qu'il ne convient pas que les ministres assistent aux séances des comités. Or, je vous le rappelle, il incombe aux ministres d'assister à ces séances pour en rendre compte au public et à la Chambre.

Il ne revient pas aux ministres de dire aux comités quand ils peuvent comparaître. Il leur incombe d'être là pour répondre aux questions au sujet des crédits. Trop de gens au Canada, voire à la Chambre, ont oublié que les ministres, plus particulièrement, sont au service de la population du Canada.

Je soulève cette question pour informer le gouvernement que la population du pays et les députés sont complètement insatisfaits de son arrogant traitement des comités. Le fait de demander à la Chambre d'approuver des dépenses publiques sans que les députés aient eu l'occasion de poser des questions au gouvernement à cet égard est tout à fait inacceptable. Il est grand temps qu'il laisse les comités faire leur travail. Il est temps que nous, députés de l'opposition, demandions davantage de comptes au gouvernement.

Je voudrais maintenant parler de la motion dont nous sommes maintenant saisis. En guise d'introduction, je tiens à féliciter les hommes et les femmes qui travaillent en première ligne dans la lutte contre le crime. Qu'il s'agisse des policiers, des agents de la paix, des agents des douanes, des avocats de la Couronne, tous les membres de l'appareil judiciaire et des forces de police méritent notre appui. Ils ont besoin d'une attention accrue de notre part et de ressources très rapidement. Accroître le budget de la police, voilà le seul véritable élément de solution aux problèmes qu'a su très bien décrire la motion des députés bloquistes.

En gros, ce qu'on demande à tous les policiers, c'est de faire plus avec moins de ressources. Ils ont dû subir les compressions décidées par le gouvernement et, tel un animal épuisé, ils demandent qu'on allège un peu ce fardeau dont le gouvernements ne cesse de les accabler. Résultats: les multiples compressions effectuées par le gouvernement ont amené les Canadiens à mettre en doute l'engagement du gouvernement envers ce secteur.

C'est ce qui explique l'extrême vulnérabilité du pays face au crime organisé, ainsi que l'ampleur de l'activité du crime organisé. Je parle ici des diverses mafias, des bandes criminalisées et des gangs de rue. Quelle que soit leur origine ou leur appartenance nationale, elles poussent comme des champignons un peu partout dans notre pays.

Elles s'en donnent à coeur joie dans la criminalité en col blanc: fraudes, escroqueries par le télémarketing, blanchiment d'argent, importation et exportation de drogues, plus particulièrement sur la côte ouest. Elles pratiquent également le commerce de matériel pornographique et de produits de contrebande tels qu'armes à feu, prêts à taux usuraires et le trafic d'influence, un autre domaine où le crime organisé est très actif.

Ce phénomène est dû à des groupes internationaux et multiculturels qui oeuvrent dans notre pays: gangs de l'Europe de l'Est spécialisées dans la contrefaçon, membres de bandes de motards, qui sont pour la plupart caucasiens, armes à feu, explosifs volés, mafias russe, italienne et asiatique, extorsion, gangs formées d'autochtones, pornographie et trafic d'armes à feu, ce sont là autant de groupes mêlés activement à l'activité criminelle. Mais la pire menace de toutes, c'est encore l'importation et le trafic de drogues. Il s'agit là de l'aspect le plus lucratif de l'activité criminelle organisée.

Un certain nombre d'intervenants précédents ont parlé de l'intimidation de témoins. L'intimidation de jurés, de représentants de la loi et d'agents de la paix a pour effet de saper et de miner les fondements de notre système de justice pénale. Si ceux qui travaillent dans le système se sentent mal traités et brimés par des membres du milieu du crime organisé, ils ne pourront pas bien exercer leurs fonctions. Des efforts insidieux pour pénétrer et pervertir notre système de justice sont déployés en ce moment même. Bon nombre de ces menaces contre le système de justice découlent directement d'une négligence et d'un sous-financement de la part du gouvernement actuel.

Nous savons que beaucoup de gens viennent de l'étranger, de régions très agitées et parfois déchirées par des guerres. Ils viennent au Canada et, s'ils se livrent à ce genre d'activité criminelle, ils se réjouissent de l'attitude laxiste que les autorités adoptent parfois envers le crime organisé et du fait qu'elles ferment parfois les yeux sur cette activité.

Ces criminels sont des professionnels. Souvent, ils viennent au Canada en sachant bien comment contourner la loi. Il n'existe ni code ni règle non écrite de conduite parmi les éléments criminels qui sont dans notre pays. Ce n'est pas comme les vieux films hollywoodiens ou les gangsters, qui avaient parfois un code de conduite entre voleurs. Ce n'est pas le cas.

 

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Les gangs croissent à un rythme stupéfiant. Récemment, je me suis entretenu avec un agent d'infiltration de la ville de Montréal. Il m'a donné des statistiques et m'a parlé de cas qu'il connaissait personnellement, de gangs qui poussent comme des champignons dans différents secteurs de la ville et dans le reste du pays.

En 1999, un rapport annuel du SCRS disait que les organisations criminelles asiatiques continueront de poser des défis pour la police et les organismes de tout le pays, en raison de leur capacité de fonctionner en unités étroitement serrées. Les agences en place pour lutter contre le crime organisé sont conscientes de l'apparition de ces réseaux criminels; pourtant, elles sont de plus en plus frustrées, car elles ne disposent pas des ressources nécessaires pour réagir.

Ce même rapport indiquait que les Hell's Angels ont pratiquement vu leur nombre doubler au cours des deux dernières années, soit depuis leur arrivée dans la province. En 1997, ils étaient 26. En 1999, ils sont 46. Comme je l'ai dit, nous avons vu le nombre de branches doubler au cours des dernières années dans la ville de Montréal et autour.

Afin de combattre cette nouvelle forme de crime organisé, il faut fournir aux policiers et aux agents du SCRS un équipement de pointe. Ils doivent au moins être sur un plan d'égalité avec les criminels organisés et unir leurs efforts pour atteindre leur objectif commun qui consiste à stopper l'expansion du crime organisé. Afin de protéger le public, ils doivent au moins disposer de ressources et d'outils équivalents.

Au lieu de cela, nous entendons dire que la GRC ne peut pas enquêter sur les affaires de fraude dans la province de la Colombie-Britannique en raison d'un manque de ressources. Nous savons qu'en Colombie-Britannique, on a actuellement besoin de près de 400 agents de la GRC pour combler les postes vacants. La fermeture des écoles fédérales de la GRC au cours de la dernière année, même temporaire, a porté un coup terrible à la police. L'élimination de la police portuaire a engendré une augmentation du trafic de drogue et d'êtres humains sur nos côtes. On a ordonné à la police montée du Québec de cesser de recruter. On paie des informateurs afin qu'ils apportent leur aide au cours des enquêtes. Ce sont là des problèmes réels qui existent.

En particulier, le crime organisé lié à l'importation de drogue augmente actuellement parce que la police manque d'argent et qu'elle ne peut pas payer des gens pour lutter contre ce problème. C'est triste à dire, mais l'un des moyens les plus efficaces dont dispose la police pour s'infiltrer dans le réseau du crime organisé est de payer des informateurs et ces derniers ne veulent pas le faire. Ils ne jouissent pas du même niveau de protection que celui accordé aux témoins en vertu du programme de protection des témoins, faute de fonds. Beaucoup d'enquêteurs ne peuvent recourir à l'écoute électronique parce que cela représente du temps et des frais pour transcrire les bandes.

Le solliciteur général refuse d'être responsable des actions de son ministère quand des documents disparaissent mais nous savons, d'après les rapports internes produits par le SCRC et la GRC, qu'il n'existe pas de collaboration entre ces organismes. Ces organismes n'usent pas du pouvoir discrétionnaire qu'ils ont d'échanger des informations servant à un objectif commun parce qu'elles se font concurrence pour obtenir des ressources. C'est tout à fait alarmant. Cette rivalité coûte aux enquêteurs dont elle met potentiellement la vie en danger.

Résultat, certains groupes comme les triades asiatiques s'occupent de faire passer clandestinement des gens, des êtres humains dans ce pays. Ce problème s'aggrave du fait que nos frontières sont de plus en plus mal gardées. Certains suggèrent que de nombreux gangs criminels au Canada ont des liens avec l'armée chinoise. J'allais dire l'armée canadienne, car certains suggèrent aussi cela.

Nous sommes tous au courant de l'enquête Sidewinder qui a permis de révéler un complot insidieux de grande portée visant à permettre aux milieux du crime organisé de s'étendre dans ce pays. Cette enquête a été mise de côté pour plusieurs raisons, entre autres l'absence de ressources. Cependant, nous n'avons pas fini d'en entendre parler et cela va faire beaucoup de vagues au sein de l'appareil politique et de l'appareil judiciaire.

Au Québec, des bandes font pousser de la marijuana dans les champs de cultivateurs qu'ils forcent à demeurer silencieux en employant des mesures d'intimidation. Ils intimident également des familles et des députés. Je félicite le député ayant reçu des menaces du courage dont il fait preuve en poursuivant la lutte qui mènera à l'éclatement de ce genre d'associations de malfaiteurs.

La faute n'est pas imputable à nos agents d'application de la loi. Ces hommes et ces femmes qui travaillent dur et qui participent à cette bataille continuent de mettre leur vie en danger. Ils continuent de mettre en péril leur propre sécurité même devant le manque de soutien du gouvernement. Ils ont besoin de fonds supplémentaires. Ils ont besoin d'un meilleur appui et d'une meilleure surveillance. Ils ont besoin d'équipement, d'hélicoptères et de bateaux de patrouille pour effectuer de la surveillance et prendre une part active aux efforts visant à endiguer cette vague d'activités criminelles.

 

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Certains diront que cela coûte trop cher. Les libéraux et le solliciteur général lui-même peuvent dire que cela coûte trop cher. Toutefois, nous savons qu'ils n'ont parfois pas assez d'argent pour faire réparer des voitures de patrouille. Ils n'ont pas assez d'argent pour fournir des armes à feu adéquates à nos agents. Une situation scandaleuse se dessine.

Nous sommes de plus en plus vulnérables à l'échelle internationale en raison de l'érosion des organismes de surveillance policière. D'autres pays ont reconnu cet état de fait. Selon des rapports de la CIA et du FBI, les États-Unis d'Amérique sont de plus en plus vulnérables en raison de la dégradation des organismes d'application de la loi au Canada. C'est là une situation dont nous devrions tous très franchement avoir honte.

Je n'ai pas à entrer dans les détails au sujet du moral qui règne au sein des organismes d'exécution de la loi. Il arrive aussi au creux de la vague tout comme il en va du financement. En avril 1999, le président du sous-comité judiciaire des États-Unis, le républicain Lamar Smith, a déclaré que le Canada sert de point d'entrée aux terroristes du Moyen-Orient, aux bandes de motards et aux familles criminalisées qui se servent de la frontière canadienne pour faire passer illégalement leurs gens dans ce pays.

Plus tôt cette année, le gouvernement a réinjecté un peu d'argent dans la lutte contre le crime organisé. Dans le langage du gouvernement, ce sont 15 millions de dollars par année accordés à la GRC afin de cibler le crime organisé dans trois aéroports internationaux, soit Montréal, Toronto et Vancouver. Comme on l'a déjà souligné, on n'a pas du tout tenu compte de Halifax. Le gouvernement a aussi consacré 19,5 millions de dollars par année à l'initiative canadienne antidrogue.

Je félicite le gouvernement d'avoir reconnu la nécessité d'investir cet argent, mais il arrive souvent qu'il verse de l'argent sur une très longue période de temps. Il en fait tout un plat au moment de l'annonce, comme ça a été le cas pour le discours du Trône et le livre rouge avant cela. Il y a toutes sortes de promesses d'engagement mais, à long terme, ce qui importe, c'est de mettre fin à l'hémorragie. Nous devons verser l'argent dès maintenant.

La reconnaissance du gouvernement n'est que la première étape. Nous savons que les services d'application de la loi ont besoin de cet argent maintenant. La mise sur pied d'une banque de données génétiques et la réouverture de l'École de formation de la GRC sont deux excellentes initiatives et nous en félicitons le gouvernement.

Dans ses commentaires, le Solliciteur général a parlé de modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et de changements à l'appareil judiciaire qui permettraient aux policiers de faire comparaître des témoins et de leur offrir une plus grande protection pour les encourager à témoigner.

Il y a toutefois une grave omission, qui peut tenir en une phrase toute simple. Nous ne pouvons pas garder les gens en prison plus longtemps et nous ne pouvons pas les traduire devant les tribunaux à moins que les policiers soient capables de les prendre sur le fait, de les arrêter et d'appliquer le système. Cela n'arrive pas.

Le système d'information de la police canadienne a été modernisé récemment par le solliciteur général, qui a affirmé avec grande pompe et cérémonie qu'on avait consacré 150 millions de dollars à cette mise à niveau. Nous savons bien, et les membres de la GRC eux-mêmes l'ont affirmé, qu'il aurait fallu dépenser 280 millions de dollars pour assurer l'efficacité du système. Le solliciteur général n'a donc versé que moins de la moitié de la somme nécessaire.

Au vu des dépenses annoncées par le gouvernement, il est manifeste que ce dernier a voulu s'occuper de trop de choses à la fois pendant beaucoup trop longtemps. Le solliciteur général ne manque pas de rappeler que la lutte contre le crime est une grande priorité au Canada. Nous nous interrogeons à ce sujet, de ce côté-ci de la Chambre. Il y aurait, semble-t-il, un grand nombre de questions prioritaires concurrentes.

Le solliciteur général nous débite une série de platitudes dénonçant les activités criminelles et les changements de stratégie observés dans les milieux du crime organisé. Mais nous n'observons pour notre part qu'une bureaucratisation et une sclérose accrues dans les services du ministre. Je m'interroge sincèrement sur sa maîtrise du portefeuille dont il est chargé.

Nous observons un manque de coordination des actions menées. Nos services ne travaillent pas en aussi étroite collaboration qu'ils le devraient par manque d'initiative chez les dirigeants du pays. Le ministère du Solliciteur général ne donne pas l'impulsion nécessaire. Les différents hauts fonctionnaires, par exemple le directeur du SCRS, qui a complètement renoncé à ses responsabilités dans l'affaire des documents volés, n'assument pas leur rôle de chef. Nous savons qu'un agent du SCRS a été effectivement réprimandé récemment, mais le directeur du SCRS lui-même n'a pas été le moindrement perturbé, alors qu'il semblerait qu'il aurait contribué à étouffer l'affaire.

Bien que le solliciteur général ait promis de moderniser ses services et de tout mettre en oeuvre pour en accroître le financement, nous ne voyons rien venir.

 

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Le député a parlé de la section antigang et de l'examen de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Là encore, ces mesures sont loin de suffire lorsqu'il s'agit d'injecter de véritables ressources très rapidement. Les partis d'opposition et moi-même croyons que les gouvernements provinciaux sont conscients du problème. Il est grand temps que le gouvernement fédéral fasse de même.

Je veux également féliciter le Bloc québécois. Je tiens notamment à féliciter le député de Charlesbourg, qui a parrainé un projet de loi d'initiative parlementaire tendant à supprimer les billets de 1 000 $, très populaires parmi les trafiquants de drogue. De plus, je veux parler à nouveau du député de Saint-Hyacinthe—Bagot, qui n'a pas reculé devant de véritables menaces venant de producteurs de drogue dans sa région du pays. Je le félicite de son courage.

Divers éléments du système de justice pénale doivent continuer d'unir leurs efforts, par exemple pour la mise en commun de l'information. Plus tôt durant la période des questions et observations, j'ai parlé du programme de privatisation qu'on risque de lancer. J'espère qu'il n'en sera rien. Les libéraux continuent de se féliciter d'avoir lancé quelques initiatives. Cependant, cette autoglorification et cette propension à plagier sont typiques du gouvernement libéral. On peut le voir dans le cas de la TPS, du libre-échange et d'autres initiatives. C'est le Parti conservateur qui, en fait, a lancé une bonne partie des initiatives touchant le crime organisé.

En 1989 et à nouveau en 1993, les progressistes-conservateurs ont adopté quatre mesures législatives importantes pour aider les services de police. En 1989, les conservateurs adoptaient la loi touchant les produits de la criminalité, une première dans l'histoire du droit pénal au Canada. Ils ont aussi adopté une loi tendant à aider les agents à retracer le chemin suivi par l'argent tiré d'activités criminelles. Un gouvernement conservateur a adopté la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité en 1991.

Le Parti progressiste conservateur a également présenté une mesure législative portant sur la saisie de biens. Je voudrais enfin vous parler du projet de loi touchant le crime organisé, qui avait une très grande portée et qui a modifié notre Loi sur les douanes.

Le gouvernement a, sans aucun doute, un exemple difficile à suivre. Le solliciteur général doit reconnaître que son ministère doit faire davantage. J'espère qu'il le fera.

Je prie à nouveau instamment le solliciteur général de nous donner de meilleurs outils plus nombreux et les mesures législatives nécessaires pour résoudre les nombreux problèmes qui se posent. Je remercie le Bloc québécois et le félicite de reconnaître la nécessité de discuter de cette question avant de se lancer dans un débat pénible, propre à semer la division, que le premier ministre aurait voulu avoir s'il avait été en mesure de provoquer les bloquistes comme il a essayé de le faire.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Monsieur le Président, les gens qui lisent le hansard ou qui suivent le débat auront remarqué l'atmosphère de collégialité qui règne aujourd'hui. Il arrive parfois à la Chambre que l'ensemble des députés visent le même objectif et, de toute évidence, le crime organisé au Canada est une question que tous les députés prennent très au sérieux.

L'orateur précédent a mentionné brièvement le porte-documents perdu par le SCRS. Il pense peut-être comme moi que l'action ou l'inaction du gouvernement ressort particulièrement à l'analyse des mesures que prend ou qu'omet de prendre le SCRS.

Depuis que le gouvernement est au pouvoir, outre l'épisode du porte-documents perdu, il y a eu le vol d'une disquette oubliée dans une cabine téléphonique. Le solliciteur général a admis que le CSARS enquêtait sur le SCRS. Le même document nous a appris que le président du CSARS, le comité de surveillance, avait découvert le vol du porte-documents en lisant le journal, et non par l'entremise du solliciteur général ou au moyen d'un mécanisme qui devrait s'enclencher dans de tels cas au ministère. Quant à l'enquête sur la disquette...

Mme Paddy Torsney: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Le député en viendra-t-il à parler de crime organisé?

Le président suppléant (M. McClelland): La question me semble pertinente.

 

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M. Jim Abbott: Monsieur le Président, cela montre simplement que la députée libérale ne saisit pas le lien avec la capacité que le SCRS doit avoir de démasquer le crime organisé.

Ce que j'essaie de dire, c'est que la personne qui a découvert cette disquette dans la boîte téléphonique a dit que le CSARS ne l'avait même pas interrogée sur les circonstances de cette découverte.

Le député conviendra-t-il avec moi que, en réalité, le gouvernement n'avait personne au CSARS qui soit en mesure de surveiller le SCRS? Ce n'est qu'en septembre 1999 qu'il a enfin nommé Bob Rae, Ray Speaker et Frank McKenna à trois des cinq postes. Il a fallu attendre le 15 novembre avant qu'il ne finisse par nommer, après avoir gardé le poste vacant pendant des années, l'inspecteur général du CSARS.

Le député conviendra-t-il avec moi que cette insouciance est incompatible avec l'importance que le SCRS doit avoir dans la lutte contre le crime organisé et dans les activités de renseignement?

M. Peter MacKay: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je reconnais certainement avec lui que c'est complètement symptomatique de la rupture des communications et du fait que le gouvernement refuse de reconnaître la nécessité d'allouer des ressources dans ce domaine. Le SCRS participe très activement, et en première ligne, à la lutte contre le crime organisé.

Les exemples que le député a mentionnés étaient plutôt lamentables. La maladresse à laquelle est attribuable cette perte d'information, qui a accru la vulnérabilité de certaines des opérations que poursuivait le SCRS, était déjà assez lamentable, mais il est absolument épouvantable que cette erreur ait ensuite été encore aggravée du fait que l'organisme de surveillance du SCRS, le CSARS, n'en a pas été informé «en temps opportun», comme dit la ministre de la Justice, mais ne l'a apprise qu'en lisant le Globe and Mail. Ensuite, le gouvernement ne fait rien à ce propos ou attend des semaines et des semaines avant de faire quoi que ce soit à ce sujet.

Cet organisme de surveillance, le CSARS, dont plusieurs postes étaient vacants, ou qui était à court d'hommes...

Mme Paddy Torsney: Ou de femmes.

M. Peter MacKay: D'accord. Je remercie la députée de son interruption politiquement correcte. Aucune substance, mais la rectitude politique est à l'ordre du jour.

Ce que je veux dire, c'est que cet organisme de surveillance ne peut intervenir à moins qu'il ne soit prévenu de l'existence d'un problème, mais il ne l'a pas été en l'occurrence. Je dirais même que tout porte à croire qu'on a cherché délibérément à cacher au CSARS que pareille gaffe s'était produite. Cela est extrêmement problématique, et le gouvernement ne réagit pas à cette affaire d'une façon très responsable.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, c'est avec émotion que je prends la parole sur la motion déposée par le Bloc québécois concernant le crime organisé.

Il y a quelques semaines, après avoir loué un hélicoptère et survolé mon comté, une drôle d'aventure devait m'arriver. C'est une aventure qui a été riche en enseignement puisque, depuis ce temps-là, j'ai réalisé l'ampleur du phénomène et l'ampleur qu'ont prises les activités des bandes criminalisées au Québec comme ailleurs au Canada.

En survolant mon comté et en en parlant avec mes collègues par la suite, je me suis aperçu qu'environ 25 p. 100 à 50 p. 100 des champs du Québec—et la même proportion en Ontario—étaient confisqués par le crime organisé pour produire un des meilleurs cannabis au monde. C'est un cannabis qui n'a rien à voir avec le petit «pot» des années 1970, mais qui contient de 7 à 30 fois plus de matières hallucinogènes que ce que l'on connaissait dans les années 1970.

Ce survol, et ce qui en a découlé, m'a également permis de m'ouvrir les yeux devant une réalité très grave, soit celle de milliers de familles agricoles qui sont, année après année, terrorisées par le crime organisé. Ce sont des familles à qui on empêche de bénéficier de la quiétude de leurs biens, d'aller dans leur champ sous peine d'être tués, sous peine de faire tuer leurs enfants, sous peine d'être victimes d'une explosion parce qu'on a mis des systèmes de trappe dans leur champ. Ce sont des gens qui en ont assez et qui font appel à nous.

J'ai pu également réaliser que dans les villes, il y avait des problèmes de plus en plus graves. Mes collègues en ont fait état ce matin en parlant de Vancouver, de Toronto et de Montréal. Tous ceux et celles qui côtoient par exemple des criminels qui font pousser du cannabis dans des serres hydroponiques, dans leur cave ou sur des surfaces en plein coeur des villes, qui côtoient les piqueries, tout cela aussi, c'est une réalité de plus en plus présente dans les villes comme dans les campagnes.

 

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J'ai réalisé quelque chose de plus grave encore. Le cannabis que l'on produit ici est tellement de très grande qualité qu'il s'échange quelquefois, souvent et de plus en plus, pour la même quantité de cocaïne et d'héroïne, notamment sur les marchés américains. Cela veut dire que les champs du Québec, comme ceux de l'Ontario et d'un peu partout à travers le Canada, servent à faire entrer massivement de la cocaïne et de l'héroïne sur les marchés québécois et canadiens.

Comme cela entre massivement, les prix sont faibles, ce qui permet au crime organisé d'aller en vendre aux enfants dans les polyvalentes. Il n'y a pas que du cannabis dans les polyvalentes, il y a de la cocaïne et de l'héroïne.

Ce n'est pas surprenant que ce que l'on découvre, année après année, c'est que de plus en plus, les adeptes de ces drogues dures sont des enfants de 12 et 13 ans, et cela peut arriver aux enfants de n'importe quel parlementaire de ce Parlement. Je crois qu'il faut être très sensible à ce genre de question et aux répercussions que cela pourrait avoir à long terme sur nos sociétés respectives.

Le crime organisé vit d'abord et avant tout du trafic et de la production de stupéfiants, il faut bien se le mettre dans la tête. Le seul marché canadien représente 10 milliards de dollars américains par année. Le marché international, contrôlé en partie par certaines bandes de motards criminalisés au Canada, peut atteindre jusqu'à 500 milliards de dollars américains par année.

Il y a aussi le fait que du problème des stupéfiants et du crime organisé originent aussi plusieurs actes de violence commis dans nos sociétés. On se bat entre gangs de motards criminalisés, par exemple, pour contrôler le marché de la drogue.

À Montréal, en 1995, un jeune enfant de 11 ans est mort à cause de ces motards criminalisés et à cause de la guerre qu'on se livre pour le marché des stupéfiants. Ce n'est pas surprenant. Cela représente 10 milliards pour le Canada et 500 milliards américains dans le monde.

Des coûts sociaux sont aussi reliés à notre inaction. Seulement pour le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique, on estime à quatre milliards les coûts liés à la consommation de stupéfiants. Ce sont nos enfants qui, à 12 ou 13 ans, se retrouvent cocaïnomanes ou héroïnomanes. On a une grande responsabilité.

Depuis 1994, pas moins de 79 meurtres ont été commis sur le seul territoire du Québec, au nom du contrôle des marchés de la drogue. Il y a eu 89 tentatives de meurtre, 129 incendies, 82 attentats à la bombe. En 1998, il y a eu 450 actes de violence liés au contrôle du marché des drogues.

Toutes les fois que ces choses se produisent, des innocents peuvent mourir, comme le jeune Desrochers en 1995. On ne peut plus laisser passer cela.

Le combat que j'ai entrepris et que je vais poursuivre jusqu'au bout, je le fais d'abord et avant tout pour ma petite Rosalie, mais je le fais aussi pour tous les enfants du Québec et du Canada. Je ne voudrais pas qu'ils soient les prochaines victimes de ces criminels qu'on laisse entrer, grandes portes ouvertes, à cause des lois permissives et qui peuvent voir leur commerce fleurir année après année à cause de notre inaction.

J'ai connu un peu plus la GRC ces derniers temps, tout le monde comprendra pourquoi, mais tous les corps policiers font un travail admirable. Ce sont des gens compétents, des gens déterminés. Très peu de gens iraient travailler avec le sourire tous les matins, si on leur offrait le même environnement que les corps de police au Québec et au Canada.

L'environnement est le suivant: on leur fournit des ressources qui ne sont pas suffisantes pour faire face au crime organisé et aux milliards de dollars dont dispose le crime organisé, année après année, pour faire fleurir ses activités. Par exemple, il y a 77 millions de dollars pour la lutte aux stupéfiants dans le budget de la GRC, 40 millions pour le blanchiment d'argent. C'est ridicule, d'autant plus que depuis 1994, ce budget a diminué de 12 p. 100, alors que les activités du crime organisé, elles, croissent à un rythme exponentiel. Ils ont beau faire un travail admirable, ils ne sont pas appuyés par un budget qui a de l'allure.

C'est la même chose pour le protocole entre la GRC et l'armée pour le prêt d'équipements, notamment des hélicoptères. C'est primordial, pour lutter contre les narcotrafiquants, d'avoir des heures d'hélicoptère disponibles année après année. Il y a 150 heures d'hélicoptère disponibles pour tout le territoire québécois. Il en faudrait dix ou vingt fois plus.

Par ailleurs, le système judiciaire canadien n'aide pas les corps policiers. Encore une fois, ce sont des gens compétents, expérimentés, que j'ai eu l'occasion de côtoyer ces derniers temps. Ils m'ont donné certains indices sur les faiblesses du système judiciaire. Je les en remercie et les salue en passant. Je les remercie pour cette belle contribution.

 

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J'ai relevé cinq faiblesses dans les lois, mais ce sera au Comité permanent de la justice d'en relever encore plus et de trouver des solutions pour colmater ces failles.

Premièrement, les peines imposées aux criminels sont ridicules. Des fois, les peines sont plus courtes que le temps que cela a pris pour inculper les gens ou pour mener l'enquête. Cela en devient ridicule, et ces peines ne visent jamais les têtes dirigeantes, parce qu'on n'a pas les moyens légaux de le faire.

Les peines sont rendues tellement plus faibles au Canada par rapport à ce qui se fait ailleurs dans le monde, que cela attire les criminels. Les narcotrafiquants aiment opérer au Canada; je comprends, avec des peines comme celles-là, qui sont de beaucoup inférieures à ce qu'on retrouve aux États-Unis, ils ont un marché où ils peuvent faire fleurir, de façon constante, leurs activités.

Dans le Code criminel, l'appartenance à un gang criminalisé n'est pas un crime, contrairement à ce qu'on peut retrouver un peu partout dans le monde. L'appartenance à un gang criminalisé devrait être un crime: vous appartenez à un gang criminalisé ou reconnu comme tel, c'est un crime. Et on devrait identifier les 38 gangs qui opèrent au Canada, dans le secteur des drogues ou ailleurs, tous les gangs criminalisés et reconnus comme tels.

Aux bien-pensants, je répondrai que la Charte des droits et libertés comporte une clause nonobstant, et j'espère que cette Charte des droits et libertés n'a pas été mise en place pour aider les criminels, mais les honnêtes gens.

Il faut faire aussi la preuve que les biens dont disposent les criminels sont acquis à partir d'activités criminelles. Pourquoi ne fait-on pas comme aux États-Unis, alors que c'est le criminel qui doit faire la démonstration que ses biens, la résidence cossue, les bateaux, etc., alors qu'il n'a pas d'emploi connu, sont le fait d'activités criminelles?

Bref, j'aurais pu parler d'écoute électronique et de la faiblesse des dispositions au niveau du blanchiment d'argent aussi. J'exhorte mes collègues, auxquels il pourrait arriver ce qui m'est arrivé, auxquels il pourrait arriver ce que des milliers de personnes et de familles vivent, à l'heure actuelle, à travers le Québec et le Canada, parce qu'ils sont terrorisés par le crime organisé, à appuyer notre motion.

Je les exhorte aussi à appuyer cette motion du Bloc et à s'atteler rapidement à cette noble tâche qui consiste à lutter contre le crime organisé et à faire en sorte que les familles québécoises et canadiennes puissent vivre dans la quiétude et en sécurité, et qu'elles puissent jouir de la vie sans être toujours face à des criminels qui leur en veulent ou qui veulent confisquer leurs biens pour tuer, petit à petit, nos enfants.

[Traduction]

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Monsieur le Président, je serai bref pour que mes collègues puissent aussi poser une question.

Je félicite le député. Lui et sa famille ont vécu une situation épouvantable. Je leur souhaite des jours plus heureux.

Devant les difficultés que lui et sa famille ont connues en raison des actions et de l'agressivité des bandes criminelles, je me demande s'il serait prêt à admettre avec moi que le gouvernement doit examiner toute la question de la protection des citoyens qui sont prêts à s'exposer pour contribuer à régler le problème du crime organisé. Ne croit-il pas que nous devrions envisager de renforcer notre législation et nos programmes sur la protection des témoins?

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur le Président, je suis d'accord avec mon collègue. J'ai énoncé quelques problèmes relatifs aux lois et au Code criminel du Canada, mais il y en a bien d'autres.

C'est pour cela que notre motion demande qu'il y ait un ordre du Parlement auprès du Comité permanent de la justice pour qu'au cours de la prochaine année, on se penche véritablement sur l'état de la situation, l'état et le renforcement de ces lois pour faire en sorte qu'elles soient vraiment efficaces.

J'ai parlé plus tôt du fait que les lois canadiennes ne considèrent pas l'appartenance à un gang criminalisé comme étant un acte criminel, alors que tout le monde sait comment fonctionnent les organisations et quelles sont les têtes dirigeantes. Mais parce qu'on est trop pointilleux, parce qu'on a une Charte des droits et libertés, que je respecte par ailleurs, et parce qu'il y a des êtres bien pensants dans notre société qui disent qu'il faut faire attention et qu'il faut appliquer la Charte, cela nous empêche d'agir. La Charte n'est pas pour les criminels.

La même chose s'applique pour les mandats d'écoute électronique. À un moment donné, il va falloir arrêter d'être un petit peu trop doux. Certains mandats pour l'écoute électronique demandent, et c'est par périodes de six mois ou un an, des démarches extraordinaires, des démarches qui découragent tous les corps policiers.

 

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C'est extraordinaire, parce que j'ai pu constater qu'il y a des policiers déterminés, expérimentés et très compétents qui font face à des outils qui ne les aident pas. Il y a surtout le système juridique qui fait en sorte que les criminels rient à la face de tout le monde parce que c'est très permissif et bourré de trous. Cela attire même les criminels des autres pays à venir mener leurs activités ici parce que c'est plus permissif et que c'est plus agréable de mener des activités criminelles au Canada.

Il faut, comme parlementaires, mettre le poing sur la table parce qu'on a une responsabilité immense et il faut avoir cette responsabilité à coeur.

[Traduction]

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, comme mon collègue, je tiens à féliciter le député de Saint-Hyacinthe—Bagot pour ce qu'il fait. Je crois que nous pourrions le qualifier de héros canadien. Le député protestera peut-être et dira que c'est exagéré, mais je ne le pense pas parce que, comme il a pu le constater, ceux qui s'attaquent au crime organisé, peuvent avoir de sérieux problèmes.

Au gymnase, je vois le député suivi par des agents de la GRC. Je ne voudrais pas vivre cela et je suis convaincu que pas un Canadien ne trouve cette situation normale. Notre pays est trop libre pour que cela existe.

J'espère que le gouvernement, en acceptant la motion, acceptera aussi d'entendre les témoins comme le recommandent les partis d'opposition et voudra que le comité tienne des audiences dans des villes comme Montréal, Québec, Toronto et Vancouver afin que nous puissions aller au fond des choses dans chaque ville et régler le problème.

Je ne peux pas laisser passer l'occasion sans dire qu'il est renversant que, dans un pays comme le Canada, le crime organisé soit si solidement implanté qu'il puisse aller jusqu'à menacer un député de la Chambre des communes et sa famille. Nous devons prendre cette situation très au sérieux et faire en sorte que cela ne se reproduise jamais. Il faut faire bien comprendre que le gouvernement et les parlementaires sont déterminés à mettre fin aux activités du crime organisé au Canada.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur le Président, j'aimerais qu'on arrête un peu de personnaliser le débat. Je ne suis pas un héros canadien, mais j'aimerais bien qu'on pense aux milliers de personnes qui ne peuvent pas, parce qu'ils ne sont pas des parlementaires, bénéficier de la protection et de la sécurité offertes par la GRC ou par d'autres corps policiers. ll faut penser à ces gens-là d'abord et avant tout.

C'est la découverte que j'ai faite, à savoir qu'il y a des gens qui vivent dans la terreur depuis plusieurs années déjà, alors que quelques semaines, c'est déjà assez. Vivre pendant plusieurs années sous le régime de la terreur, cela ne doit pas exister.

[Traduction]

Le président suppléant (M. McClelland): La députée de Québec a le temps de poser une très brève question.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ce que je veux savoir, parce qu'on entend souvent cela comme suggestion, c'est la chose suivante. En ce qui a trait au contrôle des champs de marijuana par des bandes criminelles, si on légalisait la marijuana, est-ce que cela ne ferait pas en sorte que les criminels ne contrôleraient plus ce marché? Est-ce que cela pourrait peut-être représenter une solution?

Je demande à mon collègue de nous éclairer là-dessus.

M. Yvan Loubier: Monsieur le Président, je suis loin d'être convaincu que la légalisation des drogues dites douces serait la solution, et je vais expliquer pourquoi.

La légalisation sortirait probablement le crime organisé des champs du Québec ou du reste du Canada. Par contre, il faut dire qu'il y a d'autres biens à ce cannabis de très haute qualité qui sont des biens de substitution, soit la cocaïne et l'héroïne. Si on fait baisser le prix du cannabis canadien de très haute qualité, on fait baisser aussi le prix des drogues de substitution. Ce que cela peut provoquer, c'est une situation où puisque le prix des drogues dures a baissé, le crime organisé peut élargir son marché.

Ce qui a été perdu en termes de prix à cause de la légalisation d'une partie des drogues, on peut aller le chercher en termes du nombre d'adeptes des drogues plus dures.

Alors, je pense qu'il faut regarder cette question-là. Toutefois, je suis de plus en plus convaincu que ce ne serait pas une solution, loin de là, et que cela risquerait d'empirer les choses. Je trouve que c'est trop facile de dire qu'on n'est pas capables de combattre quelque chose parce qu'on ne met pas premièrement les ressources pour le faire, soit les ressources financières et légales, et de dire que ce qu'on ne contrôle pas, on va le légaliser.

Tant qu'à y être, cela pourrait aller loin. Tout ce qu'on ne contrôle pas ou si on n'arrive pas à trouver une solution à un certain problème, alors ces choses-là peuvent être légalisées.

Je pense que c'est une situation de fuite vers l'avant qu'on doit éviter.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, il m'apparaît extrêmement important de prendre part à ce débat dont le sujet sera certainement un des sujets les plus marquants dans les années 2000. La motion du Bloc québécois se lit comme suit:

    Que la Chambre ordonne au Comité permanent de la justice et des droits de la personne d'étudier la question du crime organisé, d'analyser les avenues qui s'offrent au Parlement pour lutter contre les activités des groupes criminels et de faire rapport à la Chambre au plus tard le 31 octobre 2000.

 

. 1255 + -

Ce débat est d'autant plus important qu'il me touche particulièrement comme élue et représentante d'un comté situé au centre du Québec où les trafiquants de cannabis ont utilisé les terres agricoles pour produire la substance illicite.

Je tiens à féliciter mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot pour son courage. Malgré les menaces de mort qu'on a proférées à son égard et contre sa famille, il a décidé de poursuivre sa croisade dans le but de contrer ce qu'il qualifie de véritable fléau. Oui, cela prend du courage, mais il a fait son devoir comme député pour défendre les intérêts de ses concitoyens.

Aujourd'hui, c'est à mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot qu'on a proféré des menaces de mort, mais d'autres députés de cette Chambre, collègues et amis, ont peut-être reçu des menaces reliées à leur travail, parce qu'ils ont pris leurs responsabilités, parce qu'ils ont fait leur travail comme parlementaires, comme élus, comme représentants de leurs concitoyens, et maintenant, ils sont actuellement victimes de violence. C'est inadmissible qu'on en soit arrivé là.

Comme je le mentionnais, au centre du Québec et en Montérégie, plus de 50 p. 100 des terres agricoles sont infectées par la présence des producteurs de cannabis qui profitent des conditions créées par la présence du maïs pour obtenir un produit de très haute qualité, comparable à un des meilleurs cannabis au monde. Mon collègue a expliqué pourquoi il est important d'agir et de fournir tous les outils nécessaires aux corps policiers, en plus de renforcer notre législation.

Je désire prendre un court moment pour solliciter le ministre responsable de la Gendarmerie royale, le solliciteur général, pour le supplier de tenir les bureaux de la GRC ouverts dans nos régions. Il y a une menace, une épée de Damoclès qui plane au-dessus de nos régions. Alors qu'on a fait une étude et produit un rapport, ce fameux rapport indique qu'il serait possible que les bureaux de la GRC, dont les agents ont une très grande compétence pour lutter contre le crime organisé dans nos régions, soient en voie d'être fermés et dirigés ailleurs vers d'autres régions.

À ce moment-ci, toute la population, les conseils municipaux et les chambres de commerce s'élèvent contre cet état de fait. Cela n'a pas de bon sens de vivre une situation pareille. Alors qu'on manque déjà d'outils et de ressources pour pouvoir contrer ce fléau qui sévit dans nos régions, on nous arrive avec cette épée de Damoclès: «On ferme vos bureaux de la GRC.»

De plus, ces agents travaillent en étroite collaboration avec d'autres corps policiers, comme la Sûreté du Québec ou les policiers municipaux. Ces derniers tiennent absolument à ce que les agents de la GRC, qui ont une expertise, puissent être maintenus dans nos régions.

Le Parlement doit sérieusement se pencher sur cette question et prendre conscience que le crime organisé est en pleine expansion au Canada et dans le monde. La question qui se pose est celle-ci: est-ce que la mise en vigueur des mesures actuelles est suffisante? Je pense, à la lumière de tout ce qu'on a entendu ce matin, que la réponse est: «Non, les mesures actuelles ne sont pas suffisantes.»

Selon une vaste étude menée par le Bloc québécois auprès de plusieurs intervenants, des gens qui appliquent la législation actuelle, tous sont unanimes pour dire que la législation n'est pas suffisante.

 

. 1300 + -

À ce sujet, l'Association canadienne des policiers et policières affirmait, dans un communiqué émis le 8 octobre dernier, et je cite: «L'effroyable réalité, c'est que le crime organisé atteint un essor épidémique et que la police se sent frustrée par le manque d'outils et de ressources pour le contrer.»

Je vais évoquer ici ce que le Parlement canadien a fait sur le plan législatif. Je pense qu'il est important de le mentionner.

La Loi sur la protection des témoins permet à la police d'être désormais en mesure de protéger plus adéquatement les gens qui collaborent à l'obtention de preuves contre les organisations criminelles.

Grâce à la Loi visant à améliorer la législation pénale, la police peut plus facilement mener des activités de façade.

La loi anti-gang—le projet de loi C-95—promulguée en avril 1997, inclut dans le droit pénal la définition du mot «gang».

Il y a aussi la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui confère à la police le pouvoir d'effectuer des opérations de vente et de livraison contrôlée de drogues par des agents d'infiltration.

Malgré toutes ces dispositions législatives, les forces de l'ordre semblent impuissantes à circonscrire définitivement les activités des gangs criminels.

Le trafic de drogues demeure encore la principale source de revenus de la plupart des groupes de criminels organisés. De toutes les activités associées au crime organisé, c'est le trafic de drogues illicites qui a les plus lourdes répercussions sur le Canada, étant donné ses effets sociaux et économiques et la violence qui en découle.

Les études qui tentent de quantifier, en dollars, le coût imposé au Canada par le commerce des drogues illicites vont d'une estimation prudente de 1,4 milliard de dollars par année à près de 4 milliards de dollars par année pour l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique.

Je veux aussi mentionner les principales difficultés rencontrées par les forces de l'ordre et les procureurs de la Couronne.

En plus des budgets limités, les organisations policières se plaignent de l'incapacité du système judiciaire d'appuyer leurs efforts: la détermination des peines, souvent plus brèves que la durée des enquêtes; l'infiltration très difficile, des organisations criminelles par les forces de l'ordre, puisque l'appartenance à ces organisations présupposent la commission d'actes criminels; la difficulté de prouver hors de tout doute raisonnable qu'un accusé a accumulé sa fortune par une série d'offenses criminelles précises et identifiables, difficulté qu'un renversement du fardeau de la preuve pourrait éliminer; l'échange d'informations parfois difficile entre les divers corps policiers et les différents ministères, tels le ministère de l'Immigration et le ministère du Revenu; le manque d'efficacité des dispositions relatives à la protection des témoins et des jurés.

En conclusion, à la lumière de ce bref survol du crime organisé au Canada, on constate qu'il est important de faire le point sur ces outils afin de déterminer ceux qui peuvent être améliorés et complétés par de nouvelles mesures législatives, administratives et financières.

Je termine en exhortant tous les parlementaires de cette Chambre à voter en faveur de la motion présentée par le Bloc québécois pour qu'enfin, on puisse se doter d'outils qui mettent fin à ce fléau.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, ma collègue a mentionné plus tôt la possibilité de fermeture des postes de la GRC sur son territoire, dans le comté de Drummond. Il est aussi question, depuis un an et demi, qu'on ferme celui qui existe dans le comté de Saint-Hyacinthe. Du côté du gouvernement, on ne cesse de nous répéter que ce ne sont que des rumeurs, mais ces rumeurs sont persistantes.

Est-ce que ma collègue dispose d'informations supplémentaires concernant la fermeture des postes de la GRC? J'aimerais souligner en passant que ce serait une erreur grave, parce que si on veut lutter efficacement contre le crime organisé, on a besoin de ces postes, pour trois raisons principales.

La première, c'est que les agents qui sont à ces postes ont une grande compétence. Ils ont tissé des liens avec la population, des liens de confiance qu'il est très important de maintenir pour lutter contre le crime organisé.

Deuxièmement, leur seule présence est dissuasive.

 

. 1305 + -

Troisièmement, c'est comme un jeu d'échecs, s'il y a un bunker qui ouvre quelque part avec des gangs de motards criminalisés, il faut qu'il y ait un poste de police qui soit à côté pour les dissuader.

Alors, je lui demande si elle a eu vent de rumeurs qui persistent encore quant à la fermeture des postes de la GRC?

Mme Pauline Picard: Monsieur le Président, on se base sur un rapport qu'il est très difficile d'obtenir, qui a peut-être été remis à quelques personnes, lesquelles nous ont fait part des recommandations qu'il contient.

Effectivement, dans les régions de Drummond et de Saint-Hyacinthe, ainsi que dans une partie de l'Estrie qui est près de la frontière, on avait l'intention ou on recommandait, dans ce rapport, la fermeture des bureaux de la GRC.

Dans ma région, le bureau de la GRC est en place depuis une quinzaine d'années, et les agents qui s'y trouvent ne sont pas là pour rien. Ils font un excellent travail. Toute la population, dont les chambres de commerce et les municipalités, a adopté une résolution pour demander au gouvernement fédéral de maintenir ce poste en fonction, car ces agents travaillent actuellement en étroite collaboration avec les autres corps policiers.

C'est la même chose dans la région de Saint-Hyacinthe—Bagot et dans les autres municipalités qui touchent la frontière américaine dans les comtés de nos collègues du Parti conservateur.

On entendait des rumeurs à l'effet que ces postes seraient peut-être fermés, mais là, tout à coup, on apprend que ces rumeurs étaient fondées sur un rapport ou une étude dont on connaît l'existence. Maintenant, on nous dit qu'il serait possible qu'on garde les bureaux de Saint-Hyacinthe—Bagot et de Drummond ouverts. Mais rien ne nous assure que les bureaux de la GRC de nos régions vont rester ouverts.

M. Jacques Saada (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je vous avise tout de suite que je vais partager le temps qui m'est imparti avec la députée de Ahuntsic.

Je vais commencer mon discours par quelque chose qui est un petit peu inhabituel en cette Chambre, mais je vais le faire quand même. Je veux féliciter le Bloc québécois pour avoir mis cette question à l'ordre du jour aujourd'hui.

La motion qui a été présentée se lit comme suit:

    Que la Chambre ordonne au Comité permanent de la justice et des droits de la personne d'étudier la question du crime organisé, d'analyser les avenues qui s'offrent au Parlement pour lutter contre les activités des groupes criminalisés et de faire rapport à la Chambre au plus tard le 31 octobre 2000.

Petit détail linguistique, j'aurais préféré qu'à la place du mot «avenues» on emploie le mot «choix», et qu'à la place du mot «criminalisés» on emploie le mot «criminels». Mais c'est simplement un détail linguistique.

J'aurais pu parler de toutes les initiatives que notre gouvernement a prises. J'aurais pu parler, par exemple, des unités de contrôle des produits de la criminalité. Il y en a eu 13 d'établis à l'échelle du pays, une par grande ville. J'ai visité celle de Montréal. On y retrouve une équipe multidisciplinaire, composée d'avocats, de juristes, de comptables et de services policiers combinés. C'est un exemple de collaboration pour lutter contre le crime organisé.

J'aurais pu parler du projet de loi que nous avons déposé pour lutter contre le blanchiment d'argent. Nous étions le seul pays du G-7 à ne pas l'avoir fait encore. Je suis heureux que nous l'ayons enfin fait.

Je pourrais parler du travail de leadership du Canada dans un regroupement panaméricain, un groupe qui s'appelle le MEM, présidé par le sous-ministre du solliciteur général, M. Jean Fournier. Ce groupe est destiné à lutter contre le crime organisé, et en particulier le trafic de drogues.

J'aurais pu parler de la participation du Canada au NORAD, la défense nord-américaine, et du soutien de cette organisation à la lutte antidrogue.

 

. 1310 + -

On sait sans doute que je suis président du Comité permanent de défense Canada—États-Unis et que les questions de NORAD touchent de très près à ce comité. À ce titre, j'ai eu l'occasion d'aller visiter les installations de NORAD au mont Cheyenne, à Colorado Springs. C'est une merveille de technologie, en particulier au service de la lutte antidrogue.

J'aurais pu parler de l'opération Cisaille, qui est tellement importante dans ma région. D'autres députés avant moi y ont fait allusion. En Montérégie, cette opération est éminemment importante. L'UPA, les intervenants, le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada, les députés de cette Chambre, tout le monde convient que c'est une opération absolument magnifique de collaboration et d'efficacité.

J'aurais pu parler de la Stratégie antidrogues que le gouvernement canadien a mise sur pied, visant à combattre l'offre, autrement dit ceux qui produisent et qui vendent de la drogue, mais qui vise aussi à limiter l'accessibilité à cette drogue. Je parle donc de prévention et de protection contre la demande.

Si j'appuie cette motion, c'est parce que je n'accepte pas que l'on menace mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot dans l'exercice de son travail. Cette menace qui pèse sur mon collègue est une menace qui pèse sur les 301 députés de cette Chambre et sur les 104 sénateurs de ce Parlement. C'est une menace qui pèse sur toute l'institution. Sa vie est déchirée et nous sommes tous concernés par ce genre d'actions. Je les rejette.

Si j'appuie cette motion, c'est parce que je n'accepte pas de voir la détresse de gens âgés qui se sont fait voler leurs économies dans une opération de télémarketing frauduleux.

Si j'appuie cette motion, c'est parce que je n'accepte pas que des enfants soient privés de leur chance dans la vie par des «pushers» qui sont souvent eux-mêmes aussi des victimes du crime organisé.

On déplore la pauvreté chez les enfants et on constate que, bien sûr, quelquefois, trop souvent, certains d'entre eux ne peuvent pas manger avant d'aller à l'école et que ce n'est pas la meilleure façon de commencer une journée scolaire. Ce n'est pas la meilleure façon de promouvoir l'apprentissage. C'est pareil avec la drogue. Un enfant qui est sous l'effet de la drogue ne peut pas apprendre.

C'est pour cela que, conformément à ce que disait mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot il y a quelques secondes, moi aussi je pense qu'on ne doit pas renier nos responsabilités. Il n'est pas question de légaliser la marijuana, il est question d'aller lutter contre ceux qui font en sorte que ce fléau nous afflige tous en tant que société.

Si j'appuie cette motion, c'est parce que je pense sincèrement que nous, comme gouvernement, malgré toutes les belles choses que nous faisons, et je suis convaincu que nous faisons énormément, devons faire encore mieux. Nous devons faire encore mieux pour lutter contre le crime organisé et pour affronter la mondialisation du crime organisé.

Nous parlons beaucoup de l'initiative canadienne en matière de sécurité humaine. C'est une initiative où le Canada est vraiment un leader. Ce ne sont pas des mots galvaudés, c'est vrai, c'est le Canada qui a pris l'initiative mondiale sur le plan de la promotion d'un nouveau concept qui s'appelle la sécurité humaine. C'est dans ce cadre que nous intervenons à l'étranger. C'est dans ce cadre que nous changeons la définition même des frontières. C'est dans ce cadre que l'on remet en question le principe même de la non-ingérence dans les États étrangers. Si la sécurité humaine est menacée, nous nous prévalons du droit d'intervenir.

C'est au nom de ce même humanisme que nous devons intensifier notre lutte contre le crime organisé. C'est au nom de ce même humanisme qu'il faut faire tous les efforts possibles pour lutter contre le crime organisé.

Comme secrétaire parlementaire du solliciteur général, c'est une question qui me tient beaucoup à coeur et à laquelle j'ai beaucoup travaillé. Je me fais une joie à la perspective que cette motion, si elle est adoptée, fera en sorte que je pourrai participer encore plus, comme membre du Comité permanent de la justice, à l'élaboration de suggestions qui, à mon avis, sont fondamentales à l'aube du millénaire.

J'invite tous mes collègues, de ce côté-ci de la Chambre et de l'ensemble de la Chambre, à appuyer cette motion.

 

. 1315 + -

[Traduction]

M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au député.

À Terre-Neuve, ma province, et dans la région canadienne de l'Atlantique en général, nous avons des centaines de milles de côte qui est essentiellement non protégée ni patrouillée. Cette côte est vulnérable à l'importation de stupéfiants, d'armes à feu et de toutes sortes d'autres produits de contrebande. Par suite des compressions du gouvernement, il n'y a plus de forces policières dans les ports. C'est une invitation lancée aux trafiquants de drogues.

Que fera le gouvernement pour protéger des côtes comme celle-là lorsqu'il aura supprimé les forces policières des ports et réduit la capacité de la GRC de faire son travail?

[Français]

M. Jacques Saada: Monsieur le Président, je dois dire que la protection de nos côtes, c'est aussi la protection aérienne de l'accès à nos côtes. À cet égard, j'ai fait allusion, dans ma présentation, au travail que nous faisons, dans le cas de NORAD en particulier, pour avoir l'appui de prévention des vols qui pourraient venir transporter de la drogue chez nous.

Je rappelle à mon collègue que bien sûr, nous avons annoncé, dans le discours du Trône, notre intention de renforcer, d'appuyer l'initiative de la sécurité publique, et bien sûr, la lutte contre le crime organisé est une partie intégrante de cette lutte pour la sécurité publique.

Troisièmement, je pense que si mon collègue a des recommandations concrètes à faire, il va comprendre, d'une part, que je ne suis pas en mesure de donner une réponse maintenant, quand justement je souhaite que le comité de travail ait trouvé des réponses adéquates, mais en même temps et d'autre part, je souhaite vraiment qu'il se prévale, une fois que cette motion sera adoptée et que le comité en sera saisi, de ce moyen pour nous faire part de ses recommandations.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour ses bons mots et je désire lui poser trois questions.

D'ici à ce que le Comité permanent de la justice fasse ses recommandations au niveau, par exemple, des changements législatifs, ne pourrait-il pas prendre l'engagement, premièrement, de ne pas fermer de poste de la GRC au Québec, en commençant par celui de Saint-Hyacinthe—Bagot, parce je trouve, à l'instar de ma collègue de Drummond, que ces gens font un excellent travail, et les citoyens en ont besoin.

Deuxièmement, est-ce qu'il peut nous assurer que son gouvernement est sensible au manque de ressources des corps policiers et qu'il s'engage à travailler très fort pour augmenter ces ressources-là, pour faire en sorte qu'on avertisse les criminels, lorsque la période des «semailles» va commencer, au mois de mai, que la fin de la récréation a sonné pour ces gens et que ce ne sera plus jamais pareil, qu'ils ne pourront plus faire la loi, ces criminels, comme ils l'ont faite par le passé?

Troisièmement, est-ce qu'il...

Le président suppléant (M. McClelland): Malheureusement, il ne reste pas suffisamment de temps pour poser une troisième question.

M. Jacques Saada: Monsieur le Président, j'ai aussi entendu les mêmes rumeurs que tout le monde, mais je dois confirmer que dans l'état actuel des choses, ce sont des rumeurs.

Mon collègue me demande de prendre un engagement vis-à-vis des rumeurs. Il m'est absolument impossible de le faire, et c'est compréhensible.

Mais la seconde question qu'il m'a posée me paraît extrêmement importante. Il a fait allusion au manque de ressources de la GRC. Le Conseil du Trésor a demandé à une organisation indépendante de faire une étude qui vise à évaluer les niveaux de financement de la GRC. Cette étude-là va nous révéler, effectivement, ce qu'il conviendrait de faire pour répondre de façon adéquate aux besoins de la GRC dans les mandats que nous lui confions, et qui sont d'ailleurs de plus en plus larges.

N'oublions pas qu'on a rajouté à leurs responsabilités, par exemple, la banque d'ADN et le contrôle des armes à feu. Il y a de nombreuses fonctions que l'on rajoute à la GRC et il faudrait peut-être qu'on se demande si les ressources dont elle dispose sont suffisantes.

Lorsque ce rapport sera publié, jumelé au discours du Trône que vous avez entendu, je pense qu'il serait souhaitable qu'on envisage que la GRC ait à sa disposition les moyens nécessaires à l'action qu'on lui confie.

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Monsieur le Président, comme mon collègue, le secrétaire parlementaire, je félicite le Bloc québécois pour cette motion, et je dois dire que je l'appuie sans réserve. C'est vraiment une excellente initiative et je les remercie de nous avoir donné l'opportunité de discuter d'un sujet qui touche nos enfants et leur avenir dans ce pays.

Je m'attarderai ici plus particulièrement aux activités des groupes criminalisés, dans la mesure où ils sont liés au trafic des drogues.

 

. 1320 + -

C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup. Récemment, on a lu dans les journaux qu'il y a eu une opération menée par les policiers dans le comté de Ahuntsic, en collaboration avec d'autres policiers du nord de Montréal. Ils ont réussi—l'opération s'appelait Opération Embryon—à obtenir un total de 205 accusations contre deux gangs de jeunes qui sévissaient depuis un certain temps, soit depuis un an ou deux, grâce à des tactiques d'intimidation, de harcèlement et de vente de drogues à des jeunes dans les écoles élémentaires de mon comté et d'autres comtés. La police a réussi à coincer deux groupes composés de jeunes de 19 à 25 ans. Ces jeunes ne s'étaient pas joints à 19 ans à ces gangs, ils ont tranquillement été recrutés par le crime organisé.

C'est justement cela que j'aimerais éviter. C'est également pour cette raison que j'approuve la motion de l'opposition voulant faire une étude exhaustive. Cette étude ne sera quand même pas d'une longue durée. Je suis d'accord avec le fait qu'on n'ait pas laissé trop de temps au Comité permanent de la justice. Même si je n'en suis plus membre, je peux dire que je suis le dossier de la justice de très près, particulièrement celui-là.

J'aimerais, en mon nom personnel, féliciter les corps policiers de ma région et de celle de Montréal-Nord pour cette opération qui fut vraiment une belle réussite pour assurer la sécurité de mes commettants de Ahuntsic.

Ce gouvernement est parfaitement conscient du fait que la plupart des groupes du crime organisé sont fortement impliqués dans le commerce de la drogue. Je viens de donner l'exemple qu'ils font partout le recrutement des enfants dans les écoles.

Dans un rapport publié dernièrement sur le crime organisé au Canada, le Centre canadien de la statistique juridique a constaté que neuf groupes du crime organisé sur dix sont impliqués dans le trafic des drogues. De plus, le trafic des drogues constitue pour ces groupes la source première de revenus, une source extrêmement lucrative. L'estimation la plus fiable du gouvernement canadien quant à la taille du marché canadien des drogues illicites est de 7 à 10 milliards de dollars.

Récemment, un document intitulé «Étude d'impact du crime organisé», publié par le ministère du Solliciteur général, a confirmé l'envergure du trafic des drogues illicites auquel les membres du crime organisé participent et contribuent à soutenir. Là aussi, je veux appuyer les propos de mon collègue, le secrétaire parlementaire, en ce qui a trait au député du Bloc québécois qui a dénoncé une activité criminelle. Il est pris dans cette situation et on est tous, je veux le lui dire, solidaires au niveau des actions qu'il a entreprises. On veut s'assurer qu'il réussisse contre ce groupe de membres du crime organisé qui menace sa famille. C'est déplorable.

De toutes les activités associées au crime organisé, c'est le trafic des drogues illicites, comme je l'ai déjà dit, qui a les plus lourdes répercussions sur le Canada étant donné ses effets sociaux et économiques et la violence qui en découle.

Les études qui tentent de quantifier en dollars les coûts imposés au Canada par le commerce des drogues illicites vont d'une estimation prudente de l,4 milliard de dollars par année, à une estimation de près de 4 milliards de dollars par année pour les trois provinces les plus populeuses du Canada, soit le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique.

Ajoutons à ce fait que plus de 93 p. 100 de ces groupes ont recours à la violence et à des formes d'intimidation et nous obtenons un tableau de plus en plus menaçant de l'impact du trafic des drogues illicites sur notre société et, en particulier, sur nos enfants.

Les coûts sont énormes pour le Canada, si nous tenons également compte de la perte de productivité, des cas de maladie, des décès, de la violence, des crimes contre la propriété et des vols que la consommation et le trafic des drogues peuvent occasionner.

La toxicomanie a des conséquences tragiques sur la vie des gens et spécifiquement sur l'avenir de nos enfants. Les indicateurs économiques et commerciaux ne peuvent mesurer adéquatement les vies ruinées ou le potentiel non réalisé attribuable à la consommation de drogues et les pertes subies en conséquence par la société. Ces pertes ne se limitent pas à l'individu. Leurs effets se font sentir sur les familles, les enfants, les amis et l'ensemble de la société.

 

. 1325 + -

En fin de compte, ce sont peut-être ces répercussions intangibles qui représentent le plus grave tort causé par le commerce des drogues illicites au Canada et dans nos collectivités.

On sait que la consommation de drogues illicites est surtout concentrée chez les enfants et les personnes défavorisées. Les enfants de la rue sont tout particulièrement vulnérables.

Le cannabis est la drogue illicite la plus populaire chez les Canadiens. De plus, la consommation de cannabis chez les adolescents a augmenté de façon considérable ces dernières années, et il semble que la production canadienne de cannabis soit en hausse.

En 1985, la marijuana canadienne représentait 10 p. 100 du total de l'offre sur le marché canadien. En 1995, cette proportion atteignait 50 p. 100. Autrefois simples consommateurs de cannabis, nous en sommes devenus producteurs et exportateurs depuis quelques années.

[Traduction]

C'est tout bonnement horrible. Je suis au nombre des députés qui appuient le fait que le ministre de la Santé ait commandé une étude sur la dépénalisation possible de l'usage de la marijuana à des fins médicales. J'appuie cette démarche du ministre de la Santé. J'espère que les conclusions de cette étude permettront de commencer à dépénaliser l'usage de la marijuana dans notre société. C'est là mon opinion personnelle sur la question.

[Français]

Le gouvernement fédéral est parfaitement conscient de la gravité de la situation. C'est la raison pour laquelle il a adopté plusieurs mesures afin de faire face à ce problème.

Nous sommes encouragés par la collaboration entre les polices fédérale, provinciales et municipales pour combattre la culture illégale de la marijuana. Je crois que si l'on décriminalisait la consommation, peut-être qu'on pourrait arriver à avoir moins de crimes associés à la vente et à l'achat de cette drogue.

[Traduction]

Le gouvernement a pris un certain nombre d'initiatives pour veiller à ce que les autorités chargées de l'application des lois disposent des outils dont elles ont besoin pour lutter contre le crime organisé. Certes, d'autres députés qui m'ont précédée ont énuméré certains de ces outils, mais je voudrais en parler de nouveau parce que l'opposition n'arrête pas de soulever cette question.

Nous avons accordé 150 millions de dollars à la GRC pour qu'elle améliore le système d'information national de la police. Nous avons consacré 18 millions de dollars à la création d'une banque nationale de données génétiques, dotant ainsi la police d'un puissant outil pour lutter contre les criminels violents. Nous avons consacré 78 millions de dollars de plus à la campagne nationale de lutte contre la contrebande et le trafic illicite de stupéfiants. Enfin, nous avons débloqué 15 millions de dollars par année pour accroître le nombre d'agents de la GRC aux aéroports de Vancouver, de Toronto et de Montréal afin de faire échec au trafic de stupéfiants.

Le gouvernement a approuvé le versement de 13,8 millions de dollars à la GRC, somme qui servira à absorber la charge de travail accrue en 1999 et en 2000. Nous avons mis sur pied 13 unités de la GRC chargées des produits de la criminalité. La GRC a récemment créé le poste de commissaire adjoint chargé du crime organisé, qui aura pour fonction de superviser et de coordonner les efforts des forces aux niveaux national et international.

Je voudrais réitérer que je souscris sans réserve à cette excellente motion du Bloc québécois, et j'invite tous les députés à l'appuyer.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Monsieur le Président, j'ai parlé il y a quelques minutes du sentiment de camaraderie qui nous anime mais je ne peux m'empêcher de penser à certaines des observations faites par deux députés ministériels, des personnes qui détiennent un poste important de secrétaire parlementaire. À titre d'exemple, l'avant-dernier orateur a parlé des produits de la criminalité. Il doit savoir que, pour chaque dollar recueilli, il en coûte actuellement au gouvernement 1,40 $. En d'autres mots, il n'y a pas là de gain net.

Il faut aussi se demander pourquoi le gouvernement a mis si longtemps à présenter enfin un projet de loi portant sur le blanchiment d'argent. Le gouvernement parlait du groupe panaméricain et du groupe NORAD dans le contexte de la lutte contre le trafic des drogues tandis que, parallèlement, des réductions draconiennes étaient apportées à la capacité d'exécution de la loi de la GRC dans les basses terres continentales de Vancouver où les voitures de police ne pouvaient être utilisées et où les agents de la GRC ne pouvaient même pas se servir de leur téléphone cellulaire.

 

. 1330 + -

La liste n'a pas de fin. La question est fort simple. Je crois que tous les députés sont d'avis que c'est une excellente initiative. Toutefois, si c'est une si bonne initiative, et c'en est une, je me dois de demander à un représentant du gouvernement, à un député ou à un secrétaire parlementaire pourquoi il a fallu que ce soit l'opposition qui la soumette au gouvernement pour que ce dernier se réveille enfin et commence à agir.

Mme Eleni Bakopanos: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. À mon avis, le député n'a pas écouté très attentivement les observations de mon collègue le secrétaire parlementaire qui a énuméré toutes les différentes initiatives que nous avons adoptées au fil des ans. En tant qu'ancienne secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, je peux aussi mentionner notre programme de prévention de la criminalité de l'ordre de 31 millions de dollars ainsi que toutes sortes d'autres initiatives que nous avons mises en oeuvre et que nous continuons d'adopter.

Je conviens avec le député que nous avons besoin de plus d'argent. C'est exactement ce que nous avons dit dans le discours du Trône. Quand le ministre des Finances présentera son budget, il y aura à mon avis des initiatives, mais j'attendrai de voir ce que le ministre a à dire concernant les mesures souhaitées dans le discours du Trône. J'encourage le député à appuyer le ministre des Finances et le gouvernement afin de veiller à ce qu'il y ait plus de fonds pour lutter contre le crime organisé et le commerce des drogues illicites.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je remercie le Bloc québécois d'avoir porté cette très importante question à l'attention de la Chambre.

Il faudrait également remercier la députée du Parti libéral qui m'a précédé. Malheureusement, parler ne coûte pas cher. Je la renvoie à un communiqué de presse du ministre du Revenu au sujet du projet de loi C-18, qui donne aux agents de douane le pouvoir d'arrêter et de garder à vue les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction au Code criminel. Malheureusement, le ministre a oublié d'inclure le port et l'aéroport de Halifax. Cette approche est fragmentée.

Le gouvernement a inclus dans cette initiative Clair, St. Stephen et Woodstock, dans le Canada atlantique, mais a omis le port et l'aéroport les plus importants de cette région quand il s'est agi de donner aux agents de douanes les outils et la formation nécessaires pour faire leur travail et se protéger.

Malheureusement, il y a quelque temps le gouvernement a éliminé la police portuaire par souci d'économie et a confié les ports aux autorités policières locales. Le député du Cap-Breton a dit clairement que c'était une erreur. La GRC et les forces de police partout au Canada ont subi des compressions budgétaires importantes et, de ce fait, le crime organisé peut faire plus ou moins ce qu'il veut.

Les discours de la députée sont très importants et j'apprécie ses commentaires, mais va-t-elle pouvoir convaincre son gouvernement qu'il existe de graves lacunes, particulièrement en ce qui concerne le projet de loi C-18? Va-t-elle encourager le ministre du Revenu à inclure le port et l'aéroport de Halifax dans cette très importante initiative?

Mme Eleni Bakopanos: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je comprends qu'il a vraiment pris un engagement envers ses électeurs pour qu'ils obtiennent les services dont ils ont besoin.

Comme je l'ai dit dans mon discours et comme l'a déclaré le secrétaire parlementaire, nous allons voir à ce qu'il y ait plus de fonds. Nous avons affecté des fonds à Vancouver, comme je l'ai dit dans mon discours—et je ne crois pas que c'était des paroles creuses; je pense vraiment ce que j'ai dit et ce que le secrétaire parlementaire a dit.

Le gouvernement a donné sa parole. Nous l'avons dit dans le discours du Trône. J'invite tous les députés à appuyer les ministres des Finances et du Revenu national qui, dans le cadre d'un programme, luttent contre la contrebande de stupéfiants et veillent à ce que nos forces policières partout au Canada disposent des fonds nécessaires pour faire correctement leur travail.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je remercie les députés de la majorité ministérielle qui travaillent avec nous aujourd'hui. Je crois que c'est le lot de tous les parlementaires de souhaiter que le débat se transporte en comité, puisque nous savons très bien qu'il n'y a pas beaucoup de problème plus urgent, plus immédiat et d'une plus grande acuité que le crime organisé.

 

. 1335 + -

C'est une question qui m'intéresse beaucoup, et depuis plusieurs années, puisque j'étais député d'Hochelaga—Maisonneuve, en 1995, lorsqu'est survenue l'attentat à la voiture piégée qui a fait, pour la première fois dans les annales judiciaires, une victime innocente, une jeune victime innocente de 11 ans, Daniel Desrochers, qui a eu l'infortune d'être au mauvais endroit au mauvais moment.

Depuis ce temps, j'ai compris que nous devions, comme parlementaires, nous préoccuper du crime organisé. Le crime organisé n'est pas un phénomène qui est dû au hasard. Ce ne sont pas toutes les sociétés qui sont aux prises avec le crime organisé. Il y a des conditions pour qu'il émerge. Premièrement, il faut qu'on soit dans une société riche, dans une société où il y a des axes de communication—des aéroports et des moyens de transport—parce que, évidemment, ce qui intéresse le crime organisé, c'est la mondialisation et la possibilité de faire des affaires et de relier des gens entre plusieurs continents.

Le crime organisé prolifère également dans les sociétés bureaucratisées. À cet égard, il faut reconnaître que la Charte canadienne des droits et libertés, avec les garanties juridiques que l'on retrouve aux articles 7 à 14, se pose quelquefois malheureusement, il faut le reconnaître, tout attachés que nous soyons aux droits démocratiques, en obstacle au dénouement de certaines enquêtes.

Ce n'est quand même pas anodin de réaliser qu'un des paradoxes que l'on doit vivre, présentement, comme parlementaires, comme société, c'est qu'il ne s'agit que d'environ 200 individus. On sait qu'au Canada, il y a 38 bandes de motards criminalisés, dont une en particulier, les Hell's Angels, qui ne comprend pas tout à fait 200 individus au Canada, mais qui est répartie en quinze chapitres, dont six au Québec. Ces individus, ce groupe hautement criminalisé, ont réussi à déjouer les stratégies les plus savantes et à pénétrer l'ensemble des sphères de la société.

Quand on parle de crime organisé, il faut toujours avoir présent à l'esprit qu'il y a un scénario qui opère par phase. Le crime organisé commence d'abord par la lutte pour un territoire. On a vécu cela à Montréal, au début des années 1990.

Ensuite, le crime organisé se manifeste par le blanchiment d'argent. Pensons, par exemple, aux Hell's Angels et aux bandes de motards criminalisés; au Canada, c'est à ce deuxième niveau que nous en sommes, alors que la mafia italienne, elle, est passée maître dans le troisième niveau: une fois que vous contrôlez un territoire, qu'il y a des activités de blanchiment d'argent, le troisième niveau, ce sont des activités, des investissements dans des activités licites et illicites.

Cette situation—je crois que nous devons en être conscients—fait que le crime organisé peut se perpétuer de génération en génération. Les Hell's Angels existent depuis 50 ans, et ils ont bien sûr une interface avec des avocats, des comptables et des commerces.

À Montréal, par exemple, 83 p. 100 des débits de boisson sont contrôlés par des gens liés au monde interlope. Il ne faut pas penser que les policiers ne connaissent pas ces détails, qu'ils ne connaissent pas ces informations. Les policiers sont des gens dévoués, des gens tout aussi soucieux que nous de lutter efficacement contre le crime organisé, mais ils n'ont pas les outils nécessaires pour le faire.

Récemment, j'ai rencontré un policier dont je vais taire le nom qui me disait que juste pour suivre une personne—les policiers savent qu'une personne en particulier appartient à l'une ou l'autre des bandes de motards criminalisés qui existent au Canada—cela coûte en moyenne aux contribuables entre 400 000 $ et 600 000 $ pour faire de la filature. Les députés de cette Chambre ont-ils idée combien on s'attaque à un problème qui, non seulement a des racines profondes, mais qui est tentaculaire?

Ce qui est intéressant dans la motion présentée par notre collègue de Berthier—Montcalm—et je le rappelle, je suis très reconnaissant à tous les députés de cette Chambre d'appuyer la motion—c'est que ce n'est pas une question de partisanerie politique.

 

. 1340 + -

Le crime organisé a des racines dans Hochelaga—Maisonneuve, il en a en Montérégie, il en a en Alberta et il en a à travers le pays. La seule façon de vaincre le crime organisé dans ses manifestations contemporaines, c'est de vraiment réaliser un front commun de tous les parlementaires, un front commun qui ne donnera lieu à aucune fissure tant notre cohésion et notre détermination seront grandes.

Je souhaite que le Comité permanent de la justice se penche sur l'exemple japonais. Le Japon n'a évidemment pas le même contexte juridique. Je mets tout de suite dans la balance le fait qu'il n'existe pas de Charte des droits et libertés dans ce pays. Toutefois, le Japon a interdit à des groupes analogues aux Hell's Angels le port des écussons, qu'on appelle communément des «crests». Il a interdit toute référence publique à ce type d'organisation. Je crois qu'il y a là une piste intéressante.

À cet égard, il y a un policier qui me faisait remarquer la chose suivante: «Vous êtes sur la 20. Vous vous rendez à Québec et vous conduisez paisiblement votre voiture. Vous savez qu'il y a des gens du crime organisé derrière vous qui roulent à 40 kilomètres à l'heure. Il n'y a personne qui va les dépasser et s'attaquer à eux parce que ce qu'ils représentent est perçu comme quelque chose de fort et d'invincible.» Nous n'avons pas de législation qui permettrait d'interdire le port des «crests», des écussons et des insignes.

Il y a toute une mythologie qui est liée à la progression de ces groupes-là. Ce n'est jamais arrivé dans l'histoire des Hell's Angels qu'on en devienne membre et qu'on en soit révoqué tant ils ont réussi à établir des mécanismes de solidarité qui sont forts.

Le Japon, qui est une société qui a connu sa part de sévices et de problèmes liés au crime organisé, a vraiment pris des mesures qui ont permis non pas d'éradiquer le phénomène—ce n'est pas vrai et je ne veux pas donner à penser que c'est le cas—, mais de juguler la progression des bandes de motards.

Je crois que l'idée d'envisager d'interdire toute référence publique et le port des écussons devrait être quelque chose sur laquelle on devrait se pencher en comité parlementaire.

J'étais à la Chambre et je crois pouvoir dire que j'ai été le premier député, en 1995, à déposer un projet de loi d'initiatives parlementaires suite à ce qui est survenu au jeune Daniel Desrochers. On avait vraiment la conviction et on était tous convaincus, autant les libéraux que les députés de ce côté-ci de la Chambre, qu'il nous fallait une loi antigang.

On sait la difficulté qu'on avait. On ne pouvait pas créer une infraction qui consistait à appartenir à une association criminelle parce que le droit, la common law, ne prévoit pas le crime par association. On permet des infractions sur la base d'un «agir», sur la base d'un comportement extériorisé.

Nous avions la difficulté de ne pas pouvoir criminaliser directement l'appartenance à un groupe comme celui apparenté aux Hell's Angels. On a créé une nouvelle infraction qui est celle de commettre un acte de gangstérisme. Aujourd'hui, il est important de réaliser que malgré toute notre bonne foi—et je suis convaincu que tout le monde a agi de bonne foi—le projet de loi n'a pas donné les fruits escomptées.

Cela a été le cas pour deux raisons. D'abord, parce que l'infraction même est beaucoup trop sévère. On dit d'un acte criminel défini par le Code ou par toute autre loi fédérale qu'il est passible de cinq ans de prison. Ensuite, il faut qu'il y ait cinq personnes qui appartiennent au groupe, qu'il soit organisé de façon formelle ou informelle et que les personnes qui commettent cet acte de gangstérisme aient elles-mêmes eu un casier judiciaire au cours des cinq dernières années.

Alors, c'est la théorie des trois 5. Et cela donne comme situation qu'à l'instant où on se parle, malheureusement, malgré le fait que les policiers aient essayé et monté des preuves solides pour déposer une cause-type devant différents tribunaux de droit commun, nous ne pouvons malheureusement pas récolter les fruits du projet de loi C-95.

J'aurais encore beaucoup de choses à dire sur le crime organisé, parce que c'est un sujet qui me préoccupe beaucoup. Le voeu que je formule, c'est que nous ne ménagions aucun effort, que nous ne cédions pas au chantage et que nous ne cédions pas à l'intimidation. Il faut faire ce que certains de nos collègues ont fait. Cela nous a fait grandir dans la lumière que nous devions avoir à l'endroit de ce dossier.

Je suis convaincu que tous les parlementaires qui vont participer aux travaux du Comité permanent de la justice vont le faire avec bonne foi, détermination et ouverture d'esprit.

Cette bataille contre le crime organisé, ensemble, de manière non partisane, nous allons la gagner.

 

. 1345 + -

[Traduction]

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Monsieur le Président, j'avais une question à poser à la députée libérale qui est intervenue tout à l'heure, mais si je reformule un peu ma question, je peux l'adresser au Bloc.

Un de nos problèmes au Canada réside dans les compressions radicales imposées à la GRC. Il peut manquer jusqu'à 40 membres dans un détachement, et les fonds font défaut. En même temps, une des initiatives que le gouvernement a dit avoir prises pour lutter contre le crime est l'enregistrement national des armes à feu, qui a déjà entraîné des dépenses de l'ordre de 300 millions de dollars.

J'espère que le député bloquiste est bien renseigné sur l'utilité du registre des armes à feu. En fait, dans les journaux québécois d'aujourd'hui, il y a d'excellents articles sur ce registre national et sur son inefficacité. Je recommande au député de lire ces journaux. Comme ils sont en français, j'ai un peu de mal à saisir toutes les nuances. Néanmoins, il est clair qu'il y a de graves problèmes.

Le député est-il d'accord avec le solliciteur général de l'Ontario qui, il y a deux semaines, a dit que le gouvernement devrait laisser tomber le registre national des armes à feu et mettre plus de policiers dans nos rues pour lutter notamment contre le crime organisé? Le député reconnaît-il que le gouvernement doit économiser ces centaines de millions de dollars et les affecter plutôt à la lutte contre le crime organisé et à une plus grande présence de la police dans nos rues?

[Français]

M. Réal Ménard: Monsieur le Président, je ne suis pas d'accord avec l'abolition éventuelle du Registre national des armes à feu, parce que je crois qu'il est important, que l'on soit politiciens en Alberta, en Saskatchewan, à Montréal ou à Winnipeg, lorsqu'on se rend sur un lieu de crime ou à un théâtre d'activités de quelque nature que ce soit, de savoir s'il y a des armes à feu ou pas dans le lieu où on se rend. Je pense que c'était un mérite du projet de loi que de proposer une avenue comme celle-là.

Quant aux modalités d'application, nous avons eu des représentations de collègues députés à l'intérieur du caucus qui ont dit que sur le plan technique, il y a peut-être eu des ratés. Par contre, cela n'invalide en rien le mérite d'un projet de loi comme celui que nous avons adopté, le projet de loi C-68. Je suis d'accord avec son principe, et je crois que c'est la responsabilité de tous les parlementaires qui veulent travailler à faire diminuer la violence dans notre société d'y être solidaires.

Je fais une mise en garde à mon collègue contre un lien qui serait beaucoup trop facile à faire. Oui, nous devons ajouter des ressources policières. Cela m'apparaît clair, et tous les gens dans nos communautés qui rencontrent des policiers rendent ce grief très réel.

Par ailleurs, le crime organisé, ce n'est pas qu'une question de ressources policières, c'est une question d'appréciation de la preuve. Depuis 1994, avec un arrêt qui a été rendu par un tribunal qui s'appelle l'arrêt Stinchcombe, la Couronne a l'obligation de divulguer l'ensemble de la preuve, c'est-à-dire autant les notes que les policiers ont prises que l'ensemble des enregistrements.

Qu'est-ce que cela veut dire que la preuve soit divulguée? Cela veut dire évidemment qu'elle ne peut pas servir à une enquête ultérieure, et c'est ce qui complique singulièrement le travail des policiers.

Sans doute est-ce le prix à payer pour une défense pleine et entière, mais en matière de crime organisé, ce n'est pas qu'une question de ressources policières, c'est une question d'appréciation de la preuve et d'outils législatifs, comme nous l'avons bien compris de ce côté-ci.

M. Denis Coderre (secrétaire d'État (Sport amateur), Lib.): Monsieur le Président, dans un premier temps, je veux saluer l'initiative du Bloc concernant la motion d'aujourd'hui.

J'aimerais qu'on approfondisse un peu le débat, cependant. Je trouve regrettables les propos de mes amis du Parti réformiste à l'endroit de la Loi sur le contrôle des armes à feu. On devrait plutôt saluer l'adoption de cette loi, surtout après avoir vécu, il y a quelques années, le massacre de Polytechnique. Je trouve cela un peu dommage.

J'aimerais que mon collègue d'Hochelaga—Maisonneuve me dise si, à son avis, on devrait amoindrir la Charte canadienne des droits et libertés, et deuxièmement, dans sa façon de voir les choses, est-ce que la légalisation de la marijuana, par exemple, aurait aussi un impact sur le crime organisé?

M. Réal Ménard: Monsieur le Président, la question est pertinente. Je pense qu'on aura à se poser cette question comme parlementaires.

Si j'étais laissé seul et que j'avais à décider sur la seule base de ce que je crois sert le mieux les intérêts d'Hochelaga—Maisonneuve, je n'hésiterais pas à dire que l'on devrait utiliser la clause dérogatoire et déclarer que pendant cinq ans—c'est ce que permet la clause dérogatoire; ou on l'utilise ou on ne l'utilise pas—donc, si on l'utilise, dis-je, cela nous permettrait de déclarer hors la loi, pendant cinq ans, les 38 bandes de motards criminalisés qui existent.

 

. 1350 + -

Oui, je crois que c'est quelque chose qu'il faut utiliser et regarder.

En ce qui concerne la légalisation de la marijuana, le lien n'est peut-être pas aussi direct parce que pour ce qui est des stupéfiants, c'est plus avec le trafic de l'héroïne et de la cocaïne que le crime organisé est impliqué. Je crois que la question se pose. Notre collègue va se rappeler de l'excellent travail que fait le député de Rosemont pour légaliser la marijuana sur un plan thérapeutique.

Ma position n'est pas arrêtée, à savoir s'il faut aller plus loin. A priori, je n'ai pas tendance à penser qu'il faut aller plus loin. Je crois toutefois qu'en comité parlementaire, on aura toute la latitude voulue pour entendre des gens qui ont une expertise probablement plus prononcée et définie que la mienne.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, je participe aujourd'hui à un important débat, comme le disait mon collègue de Berthier—Montcalm, compte tenu de l'expansion du crime organisé au Canada et au Québec.

J'aimerais souligner l'importance que le Bloc québécois a accordé à cette question importante qu'est le crime organisé. On pense au député de Hochelaga—Maisonneuve qui, en 1995, avait déposé un projet de loi antigang, au député de Charlesbourg avec le projet de loi sur le blanchiment de l'argent et sur les billets de 1 000 $ qui sont en circulation, au député de Saint-Hyacinthe—Bagot qui n'a pas eu peur de dénoncer ce qui se passait chez les agriculteurs et de prendre leur part. J'aimerais aussi souligner la contribution de la députée de Saint-Bruno—Saint-Hubert au sujet la motion qui est déposée ici à la Chambre et aussi celle de mon collègue de Berthier—Montcalm.

Le Bloc québécois s'est senti interpellé depuis plusieurs années par cette importante question et, aujourd'hui, je me sens aussi interpellée par cette question parce qu'on sait que dans le comté de Québec plusieurs gangs s'affrontent pour contrôler le territoire.

Aujourd'hui, on débat aussi pour la qualité de vie des gens et pour leur sécurité. Je veux rappeler, pour ceux et celles qui nous écoutent, le jeune Desrochers qui, en 1997, a été victime d'une guerre de territoire par l'explosion d'une bombe. Ce fut une triste histoire qui a fait en sorte qu'on s'est interrogés sur l'efficacité des outils qui étaient en place.

On demande par la motion d'aujourd'hui que le Comité permanent de la justice se penche sur les différents aspects du crime organisé et propose aussi des solutions. On sait que le crime organisé est en pleine expansion. Il contrôle le domaine de la drogue et de l'alcool, mais aussi d'autres secteurs comme les vols de voitures de luxe. Récemment, on faisait mention qu'il y avait tout un réseau de voleurs de voitures de luxe. Est-ce que c'est relié à un gang du crime organisé? Il faut faire enquête là-dessus. Il y a également le vol de camions, de biens de luxe, d'armes offensives et de monnaies contrefaites.

C'est un fléau qui existe à travers le Canada. On sait qu'il y a 38 gangs qui existent à travers le Canada. C'est pourquoi nous demandons que les lois soient plus efficaces afin de fournir des outils pour lutter contre le crime organisé. Nous pouvons constater que ce que nous avons présentement comme outils n'est pas assez efficace. Les policiers le déplorent également. Plusieurs discours ont été prononcés ce matin et on a soulevé toute la problématique du financement ou d'une législation qui n'est pas tout à fait adéquate.

Présentement, plusieurs unités ont uni leurs forces. Je pense ici à celle de Carcajou. Il existe aussi la Loi sur le gangstérisme, la Loi C-95. En apparence, on peut penser qu'il y a des outils qui peuvent répondre aux besoins, mais ces outils sont à être réévalués ou bonifiés par un meilleur investissement financier.

Quand on parle de la Loi C-95 sur le gangstérisme, on dit que cela définit un gang comme un groupe, une association ou une organisation comprenant au moins cinq personnes, que leur principale activité consiste à commettre des actes criminels passibles d'un emprisonnement de cinq ans et que c'est une nouvelle infraction.

 

. 1355 + -

Quand on appartient à un gang qui fait des activités criminelles, on doit être condamné comme des gens qui commettent des actes criminels.

On voudrait aussi que soient améliorés les outils pour contrer le blanchiment d'argent. Les billets de 1 000 $ qui sont en circulation favorisent largement les profits du crime organisé. Il pourrait y avoir une amélioration à ce sujet.

En ce qui a trait aux transactions douteuses qui sont transigées via des banques ou des mises de fonds dans les différents casinos, on pourrait en informer les forces policières quand on a un doute raisonnable—pas pour un honnête citoyen qui fait des placements ou des achats de l'ordre de 10 000 $, mais quand on doute de la provenance de ces fonds—afin qu'on puisse avoir les outils nécessaires pour poursuivre les personnes ou au moins faire enquête sur la provenance de ces biens.

On dit que les policiers sont impuissants face aux trafiquants d'alcool et de tabac. Il y avait justement un article dans La Presse à ce sujet. Cela ne veut pas dire qu'ils ne font pas un excellent travail, mais si on pouvait, par certaines législations, les aider dans leur travail et bonifier ce qu'ils sont en train de faire, on ne pourrait que s'en réjouir, parce qu'on sait très bien que c'est la qualité de vie et la sécurité des gens qui sont en cause.

On dit même qu'au ministère fédéral de la Justice, on ne savait pas comment on allait s'y prendre pour remédier aux vices juridiques qui empêchent les policiers, durant leurs enquêtes, de faire l'achat d'articles de contrebande, comme les cigarettes et l'alcool. Quand on infiltre une bande qui fait partie du crime organisé et qu'on ne peut pas faire l'acquisition de cigarettes et d'alcool, on sème le doute à l'intérieur de cette bande...

Le Président: Je dois malheureusement vous interrompre. Il vous restera encore au moins quatre minutes de discours et cinq minutes pour les questions et commentaires après la période des questions orales.

*  *  *

[Traduction]

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

Le Président: J'ai l'honneur de déposer le rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, volume 2, pour la période de septembre à novembre 1999.

[Français]

Conformément à l'alinéa 108(3)e) du Règlement, ce document est réputé renvoyé en permanence au Comité permanent des comptes publics.



DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

KIYOSHI TAKAHASHI

M. Lou Sekora (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de parler des réalisations de M. Kiyoshi Takahashi, un électeur de ma circonscription.

M. Taskahashi vient de rentrer d'un séjour de 16 semaines qu'il a effectué à Bangkok, en Thaïlande, pour le compte d'une organisation qui s'appelle le Service canadien d'assistance aux organismes.

Il a dispensé là-bas une aide technique et présenté de nouvelles techniques de contrôle de la qualité ainsi que de nouveaux produits à mettre au point dans le domaine des composés minéraux.

*  *  *

LA CULTURE

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, alors que les membres de l'Organisation mondiale du commerce se réunissent à Seattle, certains exhortent encore le Canada à protéger notre culture.

Que veulent-ils que nous protégions au juste? Sont-ils contrariés par le fait que, l'an dernier, les quatre chanteuses les plus populaires aux États-Unis étaient d'origine canadienne: Céline Dion, Shania Twain, Sarah McLachlan et Alanis Morissette?

Sont-ils contrariés que, la semaine dernière, les réseaux de télévision américains aient présenté, aux heures de grande écoute, les émissions spéciales de Céline Dion et de Shania Twain à l'occasion du congé de l'Action de grâce aux États-Unis?

La seule chose contre laquelle il faut protéger nos artistes canadiens talentueux, c'est le complexe d'infériorité que le gouvernement perpétue. C'est faire insulte aux artistes canadiens que de laisser entendre qu'ils ont absolument besoin de la protection du gouvernement pour pouvoir être concurrentiels sur la scène internationale.

Si les tenants du protectionnisme culturel ont vraiment à coeur le bien-être des artistes canadiens, ils devraient en faire la promotion au lieu d'essayer de les isoler.

*  *  *

 

. 1400 + -

LES PROGRAMMES D'ÉCHANGE D'AMITIÉ DU SPORT DU CANADA

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, 30 jeunes joueurs de hockey de la ville de Wallaceburg dans ma circonscription vivent une expérience fantastique. Ils participent cette semaine avec une équipe de Gatineau, au Québec, aux Programmes d'Échange d'Amitié du Sport du Canada.

Financé en partie par le ministère du Patrimoine canadien, cet échange au niveau du hockey pour ces jeunes de 14 à 15 ans a pour principal objectif de favoriser l'amitié et une meilleure compréhension entre nos jeunes francophones et anglophones et leurs familles.

Il permettra également d'accroître leur connaissance de l'histoire et de la géographie de notre merveilleux pays. Le principal événement pour ces enfants a été une visite au centre Corel aujourd'hui pendant une séance d'entraînement des Sénateurs d'Ottawa, suivie par un match amical sur la glace de cette équipe de la LNH. Ils ont de plus obtenu des billets gratuits pour le match de ce soir contre les Blackhawks de Chicago.

L'équipe du Québec se rendra ensuite dans le sud-ouest de l'Ontario dans un avenir rapproché. Cela montre également que sur la patinoire ou à l'extérieur, nos jeunes, francophones et anglophones, sont unis dans l'amitié.

*  *  *

[Français]

LE PRIX DE L'ESSENCE

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Monsieur le Président, grâce à son site Internet sur le prix de l'essence, René Goyette fait parler de lui à travers le Québec et le Canada. Le www.abacom.com/essence est devenu l'un des sites les plus visités de la province de Québec.

Selon M. Goyette, tout a commencé avec la hausse subite des prix à la pompe, il y a peu de temps. Comme plusieurs autres automobilistes, René Goyette et moi-même en avons marre des prix élevés de l'essence.

Les internautes sont invités à transmettre le prix de l'essence de leur région. On n'a qu'à cliquer sur une carte de la province pour connaître là où le prix est le plus bas près de chez soi. Chaque région du Québec est identifiée. Ce site est devenu un moyen de se défendre contre les pétrolières.

J'invite les gens à voter sur ce site Internet.

*  *  *

LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DRUMMOND

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, lors de la soirée du Gala des affaires de la Chambre de commerce et d'industrie de Drummond, des hommages ont été exprimés à ceux qui ont mérité reconnaissance et considération pour leur apport au développement et au rayonnement de Drummond en 1999.

Ainsi, la jeune comédienne Karine Vanasse a été nommée Personnalité de l'année, conjointement avec le couple Marielle et Pierre Tremblay qui ont été désignés bijoutiers de l'année au Québec.

Le prix Distinction a été remis à Jacques et Louis-Jacques Laferté pour leur entreprise.

Me André Jean, président de la Caisse populaire de Drummondville, a été nommé Bâtisseur de l'année 1999. Plusieurs autres ont reçu un Napoléon dans autant de catégories.

Au nom de toute la population du comté de Drummond, que je représente, je désire offrir mes félicitations aux personnalités et aux entrepreneurs qui se sont démarqués au cours de la dernière année.

*  *  *

L'AILE QUÉBÉCOISE DU PARTI LIBÉRAL DU CANADA

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais féliciter, tout comme l'a fait le premier ministre du Canada en fin de semaine, les 1 400 militants qui sont venus assister au Congrès de l'aile québécoise du Parti libéral du Canada, dont 40 p. 100 étaient des jeunes.

Les militantes et les militants, incluant des délégués de mon comté d'Ahuntsic, ont soumis et proposé des résolutions qui concrétisaient leur volonté d'améliorer la qualité de vie des Canadiens et des Canadiennes.

Plus particulièrement, j'aimerais féliciter une jeune déléguée du comté de Rosemont, Mme Naomi Arpin, qui a présenté une résolution sur l'inceste. Elle a été victime d'inceste et a présenté des résolutions concrètes pour l'amélioration du Code criminel.

Il faut garder à l'esprit que le travail réalisé par les bénévoles du Parti libéral du Canada est d'une importance capitale. Il contribue à l'élaboration d'un véritable projet de société adapté aux réalités d'aujourd'hui et de demain.

J'aimerais féliciter tous les militants et militantes qui étaient présents.

*  *  *

[Traduction]

LA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, le 2 février 1999, la ministre de la Justice a déclaré ceci au sujet de la pornographie juvénile: «Nous avons décidé d'agir immédiatement. Nous n'attendrons pas que cette affaire se rende devant la Cour suprême du Canada.»

Depuis qu'elle a fait cette déclaration, une pétition portant 300 000 signatures et demandant que la possession de pornographie juvénile soit à nouveau considérée comme une infraction pénale a été déposée. De nombreuses personnes utilisent la décision Sharpe comme moyen de défense pour éviter d'être poursuivies. Soixante-trois députés libéraux et six sénateurs libéraux ont demandé au premier ministre d'invoquer la disposition dérogatoire et d'autres pétitions ont été lancées.

La ministre de la Justice a reçu une pétition portant 6 500 signatures dénonçant la cruauté à l'égard des animaux. La ministre a décidé que cette question ferait partie des priorités législatives.

Il est regrettable que la ministre ne mette pas ses priorités aux bons endroits.

*  *  *

[Français]

L'HÔPITAL MONTFORT

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, hier, la Cour divisionnaire de l'Ontario a tranché dans le dossier de la réduction des services de l'hôpital Montfort. Dans une décision unanime, la Cour a affirmé que la décision de la Commission de restructuration des services de santé bafoue le principe de protection et de respect des droits des minorités prévu par la Constitution canadienne.

 

. 1405 + -

C'est une grande victoire pour tous les Franco-Ontariens et pour toutes les communautés de langues officielles du Canada. Elle servira de précédent dans de futures décisions. Elle envoie un signal à ceux qui cherchent constamment à réduire la force et la vitalité de nos collectivités.

J'espère que le gouvernement de l'Ontario agira conséquemment et cherchera à améliorer les services aux francophones dans ce dossier et dans plusieurs autres dossiers d'actualité. La survie des langues officielles, c'est ça, un Canada uni.

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L'HÔPITAL MONTFORT

M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Monsieur le Président, la cour vient, encore une fois, de donner raison aux Franco-Ontariens. «L'hôpital Montfort restera ouvert parce qu'il est essentiel au développement des communautés francophones», a-t-elle statué.

Ce faisant, la Cour divisionnaire de l'Ontario vient de servir une grande leçon au Canada tout entier. Il y a une distinction de fond à faire entre des services bilingues de façade, qui n'ont aucun impact sur l'érosion des communautés, et la dualité linguistique, qui requiert des institutions francophones pour assurer le développement des communautés francophones.

Le Bloc québécois tient à féliciter toute l'équipe de S.O.S. Montfort pour cette grande victoire, principalement Mme Gisèle Lalonde.

Le Bloc québécois espère que les provinces à majorité anglaise auront compris le message et oeuvreront, dès aujourd'hui, à doter leur communauté francophone de leurs institutions. Si le Canada est un pays où les mots «dualité linguistique» veulent dire quelque chose, les provinces à majorité anglaise agiront avec célérité et éviteront à leur communauté des batailles juridiques coûteuses et perdues d'avance.

*  *  *

[Traduction]

L'AGRICULTURE

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, malgré les affirmations du contraire de la part des libéraux, la crise agricole s'aggrave. Le coût des intrants augmente, le prix des denrées baisse et les mesures commerciales internationales inéquitables se multiplient.

Depuis plus de six ans, les libéraux promettent de négocier pour faire réduire les subventions agricoles, mais sans résultat. Même s'ils y réussissaient, il faudrait des années avant que les répercussions s'en fassent sentir au niveau de l'exploitation agricole. Beaucoup de producteurs sont au bord de la faillite, non pas parce qu'ils gèrent mal leur entreprise, comme le pensent les libéraux, mais parce que le gouvernement n'a pas su adopter une position ferme dans les négociations commerciales internationales.

Le ministre du Commerce international du Canada semble plus préoccupé de protéger tout le monde sauf les agriculteurs contre les mesures de harcèlement commercial qui menacent de faire perdre des millions de dollars aux producteurs agricoles canadiens. Où est le plan à long terme de stabilisation des revenus agricoles?

Les agriculteurs ont souffert assez longtemps des priorités peu judicieuses du gouvernement actuel. Il leur faut un gouvernement ouvert sur l'avenir plutôt qu'un gouvernement embourbé dans le passé. Combien d'agriculteurs devront faire faillite avant que le gouvernement se réveille?

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LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Monsieur le Président, la première semaine de décembre est l'occasion pour nous de nous rappeler un acte de violence contre les femmes.

Cette année, en ce dixième anniversaire du massacre de l'École polytechnique de Montréal, nous nous rappelons cet événement avec tristesse et horreur. En évoquant le souvenir de ces femmes fauchées dans la fleur de l'âge, nous encourageons tous les Canadiens à penser aux autres femmes de notre société qui doivent subir la violence dans leur vie quotidienne.

La violence ne fait pas que marquer de façon indélébile la vie des victimes, elle a aussi un effet sur la vie de leurs enfants, de leurs familles et sur la société toute entière. La violence contre les femmes revêt de nombreuses formes, et l'élimination de toutes les formes de violence dans notre société exige un véritable engagement de tout le monde, qu'il s'agisse des législateurs, des juristes ou des organismes sociaux et religieux.

Nous devons conjuguer nos efforts et être vigilants pour éradiquer cette forme insidieuse de cancer qui ruine tant de vies prometteuses.

*  *  *

[Français]

LE PARTI LIBÉRAL DU CANADA

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Monsieur le Président, au congrès de l'aile québécoise du Parti libéral du Canada qui s'est déroulé en fin de semaine dernière, les militants ont accordé une attention particulière au dossier de la situation sociale au Canada.

Incidemment, ils ont enjoint le gouvernement du Canada à relever les allocations familiales. Ensuite, les militants ont suggéré au gouvernement du Canada d'accorder aux personnes retraitées des crédits d'impôt supplémentaires, majorés selon leur revenu et leur âge.

Les militants libéraux ont aussi résolu d'encourager le gouvernement canadien à initier de nouveaux programmes qui auraient une incidence directe sur l'amélioration de notre système d'éducation et sur la lutte contre la pauvreté.

Voilà le type de préoccupations de notre dernier congrès qui a rassemblé des femmes et des hommes de toutes les régions du Québec.

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[Traduction]

LES DROITS DES JEUNES

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, la semaine dernière, 14 000 étudiants du pays ont participé à une élection sur les droits des enfants qui s'est tenue à l'échelle nationale. Les étudiants devaient choisir parmi dix éléments différents, et malheureusement, l'environnement n'en faisait pas partie.

 

. 1410 + -

Cette élection, qui avait été organisée par Élections Canada en collaboration avec Unicef Canada, a permis aux enfants de notre pays de participer à un exercice démocratique.

J'aimerais remercier Mlle Ramona Joseph ainsi que le personnel et les étudiants de l'école Waverley Memorial and L.C. Skerry de Waverley en Nouvelle-Écosse, de même que M. Fred Hull ainsi que le personnel et les étudiants de l'école secondaire Millwood de Lower Sackville en Nouvelle-Écosse, et tous les autres étudiants et professeurs du pays de leur participation active.

Le premier élément retenu par les étudiants du pays a été le droit à un milieu familial stable et attentionné.

J'espère que tous les parlementaires prendront bonne note de ce résultat et qu'ils feront tout en leur pouvoir pour offrir à nos enfants et à leur famille d'un bout à l'autre du pays des programmes qui leur permettront de jouir d'un milieu familial stable et attentionné.

*  *  *

[Français]

LES RÉFÉRENDUMS

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, hier, le premier ministre nous rappelait, avec toute la vision dont lui seul a le secret, les raisons qui le poussent à rejeter la règle démocratique du 50 p. 100 plus un: le plus un est peut-être la personne qui a oublié ses lunettes à la maison!

Lui et son ministre de l'obsession constitutionnelle devraient tirer leçon des écrits de l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau qui affirmait au sujet de la démocratie, et je cite: «Car si tous les hommes et toutes les femmes sont égaux, et si chacun est le siège d'une pensée suréminente, il s'ensuit inévitablement que le bonheur de 51 personnes est plus important que celui de 49; il est donc normal, compte tenu des droits de la minorité, que les décisions voulues par 51 personnes l'emportent.»

Plutôt que de réfléchir sur le pourcentage de personnes qui oublieraient leurs lunettes lors d'un prochain vote sur l'avenir du Québec, le premier ministre serait mieux avisé de s'inspirer des écrits de celui dont il prétend être l'héritier.

*  *  *

LES RÉFÉRENDUMS

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Monsieur le Président, le Bloc prétend toujours être le seul parti politique à la Chambre des communes à être à l'écoute des Québécois et des Québécoises, le seul parti politique qui représente vraiment les désirs et la volonté des Québécois.

Alors, quand 72 p. 100 des Québécois ne veulent pas de référendum ni d'indépendance, et comme notre premier ministre a tendu la main de la trêve à M. Bouchard, j'ai une question pour les députés bloquistes: pourquoi le leader des bloquistes et député de Laurier—Sainte-Marie ne demande-t-il pas à M. Bouchard d'accepter la trêve et de s'engager à ne pas tenir de référendum au cours de son mandat?

Pourquoi le député de Saint-Hyacinthe—Bagot, le député de Repentigny, en fait, pourquoi aucun député bloquiste n'a publiquement demandé, à haute voix, à M. Bouchard, d'accepter de ne pas tenir un référendum? Pourquoi?

C'est peut-être parce qu'ils ne sont pas à l'écoute des Québécois et des Québécoises.

*  *  *

[Traduction]

LES PÊCHES

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, la saison de la pêche au homard s'est ouverte hier dans les zones 33 et 34 en Nouvelle-Écosse et le ministre des Pêches et Océans a déjà prouvé que lui et son ministère n'étaient pas du tout prêts.

Les membres de la première nation d'Acadia ont menacé d'utiliser 15 bateaux au lieu des 6 auxquels ils devraient avoir droit selon les ententes sur les limites imposées. Le chef Debra Robinson affirme que la première nation n'a jamais conclu d'entente relativement à quelque limite que ce soit sur les bateaux de pêche au homard dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.

Il faut donc se demander ce que le ministre et son négociateur ont fait au cours des mois qui ont suivi l'annonce de la décision Marshall.

La décision rendue le 17 novembre rend le ministre responsable de la question et non les pêcheurs, autochtones ou non. Toutefois, le ministre n'a absolument rien fait pour démontrer qu'il devrait y avoir partage des ressources. Il s'est plutôt contenté de demander des suggestions au Parti conservateur. C'est notre parti qui a conseillé au ministre de négocier avec tous les intervenants et d'adopter un plan de mise en oeuvre basé principalement sur la conservation des ressources. C'est encore notre parti qui lui a conseillé d'adopter la même règle pour tous les pêcheurs.

Les pêcheurs de homard commencent...

Le Président: Le député de Bramalea—Gore—Malton—Springdale a la parole.

*  *  *

LE MOIS INTERNATIONAL DU DIABÈTE

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Monsieur le Président, novembre est le Mois international du diabète. Le diabète a toujours été l'une des principales causes de décès. On estime qu'en Amérique du Nord 500 000 personnes au moins meurent chaque année du diabète et des complications qu'entraîne cette maladie.

Au Canada, plus de deux millions de personnes souffrent du diabète. Outre ses répercussions au plan social et sur la santé, le diabète a aussi des répercussions économiques en ce sens qu'il met à rude épreuve le système des soins de santé. On estime que le diabète coûte plus de 9 milliards de dollars par an.

Il est essentiel que la Chambre des communes se penche sur l'impact grandissant du diabète sur les Canadiens et envisage d'injecter plus de fonds dans la recherche sur cette maladie.

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. 1415 + -

LE TRANSPORT DU GRAIN

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Monsieur le Président, des ventes d'au moins 100 000 tonnes de colza canola à la Chine ont été perdues à cause des problèmes de transport canadiens. Soixante-dix pour cent des déchargements effectués récemment à Vancouver étaient constitués de grains provenant de la Commission canadienne du blé. Pendant ce temps, un navire attend 50 000 tonnes, soit 24 500 wagons de colza canola depuis le 9 novembre. Comment se fait-il que seuls 14 000 aient été déchargés la semaine dernière?

Une enquête menée récemment par la Commission canadienne du blé auprès des agriculteurs révèle que l'appui en faveur d'un guichet unique de vente a baissé d'environ 20 p. 100. Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas se mettre dans la tête que si les agriculteurs sont assez intelligents pour produire du grain, ils le sont aussi assez pour le vendre et l'acheminer?



QUESTIONS ORALES

[Traduction]

L'UNITÉ NATIONALE

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, la nouvelle stratégie référendaire du premier ministre est aussi claire qu'une nuit brumeuse. Il a déclaré qu'il établirait des règles claires pour le prochain référendum, mais il ne peut même pas dire ce qu'il entend par une majorité claire, il ne peut pas dire non plus ce qui constituerait une question claire et, pis encore, il n'a jamais présenté une position claire sur la façon de réformer et d'améliorer la fédération.

Il y a quatre ans, nous avons publié des positions claires sur toutes ces questions. Au nom de la clarté, quelle est la position claire du premier ministre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le maître de la volte-face me demande de trancher cette question, mais ce n'est pas le moment.

Dimanche, j'ai offert à M. Bouchard la possibilité de respecter la volonté des Québécois. Soixante-douze pour cent des Québécois ne veulent pas de référendum. Je veux simplement que le premier ministre du Québec réfléchisse plus longuement afin que personne n'ait à débattre cette question. S'il déclarait qu'il n'y aura pas de référendum, nous ne passerions pas cinq minutes de plus sur ce dossier et nous pourrions nous occuper des autres questions qui intéressent notre pays.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, c'est le premier ministre qui a ressuscité cette question il y a plus d'une semaine et il n'en a pas encore éclairci un seul aspect. Retournons donc au tout début.

Le premier ministre dit qu'il veut une majorité claire, mais notre idée d'une majorité est la même que lors des deux derniers référendums au Québec et de celui sur l'Accord de Charlottetown, soit 50 p. 100 plus un. C'est ce que nous disons depuis des années. Le premier ministre dit qu'une majorité de 50 p. 100 plus un n'est pas suffisante, mais il ne veut pas dire ce qui serait suffisant. Au nom de la clarté, pourquoi le premier ministre ne dit-il pas ce qui constitue une majorité acceptable?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est parce que je regarde la constitution du Parti réformiste. Je voudrais savoir pourquoi, aux termes de la constitution du Parti réformiste, il faut deux tiers des votes pour changer un règlement.

Un vote suffira pour démanteler le pays, mais il faut deux tiers des votes pour changer un règlement dans cette alternative très désunie. Il est clair pour moi, et je l'ai dit maintes et maintes fois, que la règle des 50 p. 100 plus un est inacceptable pour moi lorsqu'il est question de démanteler le pays.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, une autre réponse qui nous éclaire beaucoup.

Le premier ministre sait qu'il serait impossible de faire respecter une règle exigeant plus qu'une simple majorité sur une question de sécession. Le premier ministre a laissé entendre qu'il faudrait une majorité de 60 p. 100 pour déclencher des négociations sur la sécession, mais un appui de 59 p. 100 sur une question claire en faveur de la séparation ne règlerait pas la question. En fait, cela ne ferait qu'aggraver le problème. Le gouvernement fédéral se trouverait dans une situation difficile du point de vue constitutionnel et démocratique.

Comme le premier ministre veut hausser la barre, au nom de la clarté, quel plan d'urgence a-t-il pour régler la question s'il y a une majorité de plus de 50 p. 100...

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, les Québécois et les Canadiens ne veulent pas entendre parler d'un troisième référendum. Soixante-douze pour cent des Québécois disent régulièrement qu'ils ne veulent pas un autre référendum. J'implore donc le gouvernement du Québec de reprendre ses esprits, de se plier à la volonté des Québécois et de s'entendre avec moi pour que nous cessions de discuter de cette question. Je crois que cela reflète la volonté de tous les Québécois et de tous les Canadiens.

 

. 1420 + -

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, quel paradoxe! Le premier ministre affirme que personne au Québec ne veut parler du référendum. Qui a lancé le bal? Ciel, est-ce croyable?

Le discours du Trône promettait une nouvelle sorte de franchise et de clarté. J'adresse ma question au premier ministre. Qu'est-ce qu'une majorité suffisante, si 50 p. 100 plus une voix ne sont pas assez?

L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, comment le Parti réformiste peut-il prétendre qu'un suffrage de 50 p. 100 est suffisant, alors que, comme l'a dit le premier ministre, cela ne suffit pas pour modifier la constitution de ce parti. Pour modifier la constitution du Parti réformiste, il faut présenter une résolution visant à modifier la constitution même, y compris les principes du parti. Pour être adoptée, cette résolution doit recueillir non seulement les deux tiers de la majorité des voix, mais également un vote majoritaire des délégués d'une majorité des provinces.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre a enrichi son vocabulaire d'un tout nouveau mot: clarté. Il l'utilise partout où il va, mais ne comprend-il pas que clarté signifie mettre sa position sur papier, pour que tout le monde puisse la connaître?

Je le répète, par souci de clarté, si 50 p. 100 plus une voix ne sont pas suffisants, qu'est-ce que le premier ministre considère comme une majorité claire?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, voilà les gens qui, la semaine dernière, me disaient de ne rien dire. Voilà les gens qui, il y a moins d'une semaine, me disaient de me taire. Je crois que nous allons les laisser se reposer un peu, car de telles volte-face nuisent à leur santé physique et mentale. D'ici les fêtes, ils jugeront peut-être que nous avons eu parfaitement raison d'agir comme nous le faisons en ce moment.

*  *  *

[Français]

LES RÉFÉRENDUMS

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre s'est prêté à une triste comédie en proposant de ne plus parler de Constitution si le Québec acceptait d'en faire autant.

Après avoir appelé la Cour suprême à sa rescousse pour encadrer le processus référendaire, le voilà maintenant qu'il menace d'utiliser la Chambre des communes pour remettre en question le droit du Québec à se prononcer sur son avenir. Nous ne sommes pas dupes.

Le premier ministre comprend-il que son scénario, qui consiste, semble-t-il, à déposer un projet de loi, n'est rien d'autre qu'un chantage politique odieux qui vise encore une fois à mater le Québec dans ses aspirations les plus légitimes?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je l'ai dit et je le répète, l'Assemblée nationale peut poser la question qu'elle veut. On ne l'empêche pas de poser une question. Elle peut poser celle qu'elle veut.

Mais mon devoir, c'est de respecter la décision de la Cour suprême qui dit que pour qu'il y ait des négociations, il faut que la question soit claire et que le résultat soit clair.

C'est exactement ce que je fais. Je respecte la décision de la Cour suprême. M. Bouchard lui-même a dit, en août de l'an dernier, que c'était une bonne décision. Alors, si elle était bonne en août, elle est encore bonne aujourd'hui.

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, la trêve que propose le premier ministre, c'est une période de temps pour qu'on le laisse faire ce qu'il veut, comme il veut, quand il veut, comme il l'a toujours fait depuis le début de sa carrière.

En fin de compte, est-ce que le premier ministre n'est pas en train de nous demander, sous le couvert d'une trêve, de lui accorder un laissez-passer pour bulldozer, une fois de plus, le Québec, comme il le fait depuis 35 ans?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, l'économie de certains endroits du Québec va bien progresser à ce moment-ci, parce qu'il se déchire beaucoup de chemises à propos de pas grand-chose ces jours derniers.

Je l'ai dit, le Québec peut poser la question qu'il veut. Mais comme premier ministre du Canada, je souhaiterais que le Parti québécois comprenne que la population ne veut pas avoir de référendum, que l'économie de la province de Québec a besoin d'une situation de stabilité.

C'est le Bloc québécois et le Parti québécois qui, à toutes les semaines, parlent des conditions gagnantes, alors que nous voulons nous occuper des vrais problèmes des Québécois et des autres Canadiens.

 

. 1425 + -

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, hier, le premier ministre en a remis avec son offre bidon de trêve constitutionnelle.

On se demande comment prendre au sérieux l'offre d'un homme dont la carrière politique a été marquée par sa volonté de mettre le Québec à sa place.

Comment le premier ministre voulait-il qu'on prenne son offre au sérieux, alors que c'est lui qui a imposé la Constitution de 1982, c'est lui qui a été le fossoyeur de Meech, c'est lui qui, par son union sociale, empiète sur les compétences constitutionnelles du Québec et c'est lui qui, maintenant, veut changer la règle du 50 p. 100 plus un?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Franchement, monsieur le Président, à l'époque de l'Accord du lac Meech, je n'étais même pas député. On me donne un pouvoir très grand.

Mais je me rappelle très bien que le Parti québécois a voté contre l'Accord du lac Meech. Le député de Roberval était député a l'Assemblée nationale, et il a voté contre Meech.

Pourquoi ne prennent-ils pas leurs responsabilités? Pourquoi les députés du Parti québécois ne disent-ils pas qu'ils sont les responsables de l'échec de l'Accord du lac Meech, parce qu'ils ont voté contre?

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, au Québec, on connaît les responsables de l'échec de Meech, et le premier ministre est l'un de ces responsables.

Le premier ministre affirmait, en fin de semaine, comme un homme d'État, qu'il offrait une trêve à M. Bouchard. Mais son comportement s'apparente à celui d'un chef de parti, d'un partisan libéral qui veut casser du sucre sur le dos du Québec, qui veut faire plaisir au reste du Canada en prévision des prochaines élections.

Est-ce que la trêve proposée au premier ministre Bouchard n'était tout simplement pas une trappe?

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. L'honorable ministre des Affaires intergouvernementales a la parole.

L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, on laissera les trappes à homards aux autres. Mais au-delà de ça, ce n'est vraiment pas digne du député de Beauharnois—Salaberry de tomber dans les petites rhétoriques partisanes, comme il vient de le faire.

On parle d'un débat important, comment nous, les Québécois, pourrions nous trouver dans une situation où nous perdrions le droit d'être Canadiens sans l'avoir voulu clairement. La réponse à cette question, c'est jamais.

*  *  *

[Traduction]

LE COMMERCE

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, hier le premier ministre a dit à la Chambre que la croissance des échanges commerciaux, sans égard au coût humain, est la meilleure manière de servir les citoyens du monde.

Les Canadiens veulent que leur gouvernement adopte une approche mieux équilibrée. Ils reconnaissent par exemple l'importance que revêtent la sécurité des travailleurs et la protection de l'environnement.

Pourquoi le premier ministre ne tient-il pas compte des droits des travailleurs et des normes environnementales quand il parle de commerce à l'OMC?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le chef du quatrième parti à la Chambre devrait savoir qu'à notre arrivée au pouvoir, nous avons travaillé très fort pour améliorer l'ALENA.

Quelles étaient alors nos préoccupations? Nous avons dit que nous devions améliorer l'accord afin de protéger les droits des travailleurs, de protéger l'environnement et de protéger l'eau, toutes des questions qui causaient des difficultés entre le Canada et les États-Unis. Nous avons apporté les améliorations nécessaires, et c'est exactement là-dessus que revient la députée maintenant. Notre façon de procéder jusqu'à maintenant est pourtant très claire.

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, c'est scandaleux. Il ne faut pas s'étonner que le premier ministre ne veuille pas parler de l'OMC.

Le premier ministre sait parfaitement que les mécanismes d'exécution de l'OMC sont beaucoup plus rigoureux. Quand il s'agit de défendre un produit canadien à l'étranger, ce qui est très important, le gouvernement s'adresse à l'OMC. Pourquoi? Parce que c'est un organisme qui a des dents.

Quand les gens ont besoin d'une protection de leur santé et de leur sécurité, ou encore de leur environnement, le gouvernement les renvoie au sous-comité d'un autre sous-comité relevant d'un groupe de travail, parce qu'il sait que rien ne se fera.

Pourquoi la position que défend le Canada à Seattle manque-t-elle tant d'équilibre?

 

. 1430 + -

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le chef du Nouveau Parti démocratique devrait savoir que c'est à l'OIT que nous renvoyons les problèmes concernant la main-d'oeuvre. Elle doit être la première à le savoir. Elle vient de nous faire une grande concession en disant que nous devrions recourir à l'OMC pour être sûrs de pouvoir vendre nos produits à l'étranger. Je sais que ceux qui profitent le plus de la vente de produits canadiens à l'étranger sont les travailleurs. Or, ces mêmes travailleurs sont membres de syndicats qui subventionnent le parti de la députée.

*  *  *

L'UNITÉ NATIONALE

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, il ressort des propos qu'il a tenus à midi que le premier ministre ne peut pas accepter un non. Il a opté pour la politique des réformistes qui consiste à semer la discorde et a commis une nouvelle erreur tactique en ce qui concerne la stratégie à retenir pour le Québec.

M. Bouchard, le premier ministre de cette province, a indiqué qu'il n'organiserait pas de référendum dans un proche avenir. Voilà que le premier ministre cherche désespérément à revenir en arrière. Loin d'être un coriace, il se bat contre les moulins à vent.

Le premier ministre admettra-t-il que, comme en 1995, il a encore une fois sabordé le dossier de l'unité nationale?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous aimerions connaître l'avis des conservateurs là-dessus. Je voudrais savoir ce qu'en pense le leader des conservateurs, qui a déclaré, il n'y a pas longtemps, que 50 plus un lui suffisaient. Il n'a rien dit depuis mardi dernier. Dans son propre cas, 66 p. 100 des votes exprimés n'ont pas suffi pour lui donner un mandat lui permettant de conserver la direction de son parti, mais 50 plus un lui suffisent pour désunir le Canada. Mais soyons sérieux!

[Français]

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Monsieur le Président, s'il y a une chose qui est claire, c'est que le Parti conservateur n'a jamais changé de position. Il a toujours travaillé à bâtir ce pays dans l'unité et a toujours essayé de trouver le moyen...

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît.

L'honorable député de Richmond—Arthabaska a la parole.

M. André Bachand: Le Québec fait partie du Canada. Il est distinct, il est différent. Jamais le Parti conservateur n'a voulu faire ce que le premier ministre a fait avec l'Accord du lac Meech et ce qu'il a fait en 1995.

Si le premier ministre n'est pas en train de reculer, peut-il écouter ce que le premier ministre du Québec disait, à savoir qu'il n'y aura pas de référendum dans le futur, et ce que le premier ministre du Nouveau-Brunswick disait, soit que le «timing» du premier ministre est non nécessaire et dangereux?

Sinon, que peut-il nous proposer? Une élection référendaire fédérale?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il vient de dire que les conservateurs sont pour la société distincte. Nous avons eu ici un vote en décembre 1995 et les députés du Parti conservateur de l'époque n'ont même pas voté. Il devrait aller vérifier.

Deuxièmement, si 50 plus un c'est suffisant pour lui, il devrait faire comme les réformistes et nous expliquer comment il se fait que les deux tiers des membres votants soient la majorité requise pour amender la constitution du Parti conservateur. C'est ce que dit l'article 14.6 de la constitution du Parti conservateur du Canada. Pour changer les règlements de leur parti, cela prend les deux tiers, mais pour briser le Canada...

Le Président: L'honorable député de St. Albert a la parole.

*  *  *

[Traduction]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. John Williams (St. Albert, Réf.): Monsieur le Président, dans son rapport publié aujourd'hui, le vérificateur général a encore une fois pointé du doigt la mauvaise gestion et l'incompétence des huiles du MDN. Ils n'ont rien fait alors que le personnel militaire recevait des dessous-de-table en argent comptant lorsqu'il achetait du carburant diesel. La police militaire a fait enquête, puis a déclaré qu'il n'y avait pas de problème et a fermé le dossier. Le vérificateur général affirme maintenant que cette petite magouille nous a coûté des millions de dollars chaque année.

Pourquoi les bureaucrates sous la direction du ministre de la Défense nationale n'ont-ils pas réagi devant cette escroquerie et pourquoi ont-ils fermé le dossier alors que cette corruption leur sautait aux yeux?

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, c'est là une question très grave et troublante. Une enquête est en cours. Le député a mal compris. Toute cette affaire fait déjà l'objet d'une enquête.

 

. 1435 + -

Qu'ils soient civils ou militaires, les gens du ministère de la Défense nationale sont tenus de se conformer aux normes les plus strictes en matière d'éthique et nous allons veiller à ce qu'il en soit ainsi.

M. John Williams (St. Albert, Réf.): Monsieur le Président, permettez-moi de préciser que c'est le ministre qui a mal compris.

La police militaire a fermé le dossier et a déclaré qu'il n'y avait rien à signaler. C'est uniquement lorsque le vérificateur général a alerté son ministère que le dossier a été rouvert. Ce que nous essayons de faire ressortir ici, c'est l'absence de reddition de compte de la part de la haute direction de son ministère.

Je le demande à nouveau au ministre: pourquoi son personnel a-t-il fermé le dossier, dans une grave affaire que le ministre reconnaît par ailleurs, au lieu d'enquêter adéquatement?

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, le dossier n'a pas été fermé. Le député confond peut-être cette cause avec une autre où il n'y aurait pas eu de preuves suffisantes. Dans cette affaire, l'enquête se poursuit.

*  *  *

[Français]

LE MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, de très sérieuses allégations pèsent sur le ministre du Commerce international quant au non-respect de la Loi électorale du Canada.

Placé dans une situation analogue, l'ex-ministre conservateur, Marcel Masse, avait démissionné, en 1985, pour que l'intégrité de son gouvernement ne soit pas affectée.

Pourquoi, aujourd'hui, le premier ministre accepte-t-il que le ministre du Commerce international puisse rester en poste? Le niveau de tolérance gouvernementale serait-il devenu à ce point élevé que seul un verdict de culpabilité pourrait entraîner sa démission?

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Bien au contraire, monsieur le Président.

Le ministre du Commerce international, hier, dans une déclaration, a dit, et je le cite: «Je nie catégoriquement avoir reçu directement ou indirectement une contribution de 10 000 $, tel que relaté dans l'article du National Post. De plus, mon organisateur en chef à l'élection de 1997 est formel, la seule contribution reçue de la personne mentionnée est dans mon rapport à Élections Canada.»

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, Marcel Masse également avait nié. Il a même été exonéré. Mais pendant l'enquête, il s'était retiré du Cabinet, ce qui était la chose honorable à faire.

Pour répondre à l'honorable leader du gouvernement à la Chambre, je lui signale qu'une plainte a été déposée auprès du commissaire aux élections contre le ministre du Commerce international dans cette affaire.

Compte tenu du précédent Marcel Masse, est-ce que, pour préserver l'intégrité de son gouvernement, le premier ministre ne devrait pas exiger la démission de son ministre, le temps que l'affaire soit définitivement éclaircie?

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, premièrement, dans le cas mentionné par le député, il s'agissait d'une enquête de la GRC. Il n'y a aucune enquête de quelque sorte que ce soit dans ce dossier, à ce que je sache.

Dans un deuxième temps, le député d'en face doit sans doute savoir qu'il s'agit, dans ce cas-ci, non pas d'une plainte contre un député ou un ministre, ou n'importe quel parlementaire de cette Chambre, mais d'une dispute dans un cas de divorce. Le député sait fort bien de quoi il s'agit.

[Traduction]

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, vu que ces allégations pèsent sur lui, il vaudrait sans doute mieux que le ministre du Commerce international dissipe tous les soupçons à son égard. Je suis convaincue qu'il fait de l'insomnie à Seattle, et ce ne sont probablement pas les pourparlers sur le commerce qui le préoccupent.

Si le ministre du Commerce international nie catégoriquement les allégations, comme ce ministre dit qu'il l'a fait, pourquoi—je vous le demande un peu—le gouvernement ne commande-t-il pas une enquête dans les plus brefs délais afin de le blanchir entièrement?

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je répète pour la gouverne du député la réponse que j'ai donnée il y a un moment. Les allégations en cause sont fondées sur une affirmation non vérifiée qui a été faite au cours d'une cause de divorce. Les députés savent de quel type de cause il s'agit.

De plus, le ministre a publié hier une déclaration dans laquelle il dit: «Selon les informations fournies par mon agent officiel à l'élection de 1997, toutes les dispositions de la Loi électorale du Canada ont été respectées.»

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, ce n'est pas précisément de l'information objective qu'on peut attendre d'un agent officiel.

Le ministre parle dans l'intérêt de son collègue. Dans l'intérêt du pays, il faut que cette question soit...

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. La députée d'Edmonton-Nord a la parole.

Mme Deborah Grey: Monsieur le Président, selon des allégations sérieuses, le ministre du Commerce international aurait enfreint la Loi électorale. Il me semble que la décision la plus sage serait de tenir une enquête, de tirer les choses au clair et de prouver l'innocence du ministre.

 

. 1440 + -

Je pose de nouveau ma question. Peu importe ce que disent le National Post ou un meurtrier reconnu coupable, quand le gouvernement fera-t-il une enquête pour tirer cette sale affaire au clair?

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, voyons ce que la députée a dit au juste. Elle a remis en question le travail de l'agent officiel, une affirmation qu'il a faite sous serment lorsqu'il s'est soumis à la vérification de vérificateurs agréés et qui a été présentée à Élections Canada. La députée peut semer les blâmes à la Chambre, mais est-ce absolument nécessaire de salir la réputation de tout le monde?

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, dans le cas de Marcel Masse, en 1985, des services avaient été offerts par la firme Lavallin et non comptabilisés aux dépenses électorales. Le ministre se prétendait innocent, et il a été effectivement innocenté par la suite.

Dans le cas qui nous occupe maintenant, quelqu'un accuse le ministre du Commerce international d'avoir fourni des services qui ne sont pas inscrits. Il y a une plainte qui a été déposée. C'est exactement la même situation; il se prétend innocent.

Pourquoi, dans ce cas-ci, il ne serait pas tenu de démissionner, alors que les standards de moralité du gouvernement précédent obligeaient Marcel Masse à démissionner?

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, premièrement, contrairement à ce qui est allégué aujourd'hui, il n'y a aucune accusation contre le ministre, aucune accusation contre son comité de campagne, et aucune accusation, à ce que je sache, contre son agent officiel. Il n'y a aucune accusation.

Deuxièmement, il s'agit ici d'une dispute dans un cas de divorce dans lequel une partie accuse l'autre partie, et bien sûr, c'est une dispute qui existe dans un contexte, comme on le connaît.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, on va être sérieux quelques minutes. Il s'agit d'allégations extrêmement sérieuses qui ont fait l'objet d'une plainte officielle, qui est maintenant rendue devant le commissaire aux élections.

Ma question est la suivante: à quel niveau se situe maintenant la barre au-delà duquel il n'est pas permis de penser qu'un ministre puisse siéger dans ce gouvernement? Est-ce qu'il faut attendre qu'il soit condamné, ou est-ce qu'une simple plainte et des allégations sérieuses ne commanderaient pas qu'il se retire du Cabinet momentanément, comme cela s'est toujours fait?

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je pense que le député étire un peu le cas de la plainte dont il nous fait part.

Premièrement, aucune plainte officielle n'a été déposée à ce moment, à ce qu'on sache. S'il en connaît une qui a été faite par quelqu'un qu'il connaît, qu'il nous en informe.

Dans un deuxième temps, il n'y a aucune accusation de portée contre qui que ce soit. Troisièmement, le ministre, dans une déclaration qu'il a faite hier a dit, et je le cite encore pour le bénéfice de la Chambre et du député: «Je nie catégoriquement avoir reçu directement ou indirectement la contribution en question.» C'est clair.

[Traduction]

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, hier, quand nous avons porté à l'attention du gouvernement de graves allégations concernant des fautes que le ministre du Commerce international aurait commises pendant la campagne électorale, le leader du gouvernement à la Chambre m'a exhorté à porter ces allégations à l'attention du commissaire aux élections fédérales, ce que j'ai fait. Malheureusement, le commissaire ne peut intenter de poursuites parce que deux ans se sont écoulés depuis que les événements se sont produits.

Le leader du gouvernement à la Chambre est au courant du problème occasionné par le temps qui s'est écoulé depuis le moment où a eu lieu le présumé incident. Que fera-t-il pour s'assurer que la réputation sans tache du ministre est rétablie et qu'une enquête a lieu?

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, la réputation du ministre visé n'est pas entachée. Certains tentent peut-être de la ternir, mais la réputation du ministre est sans tache et le restera.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, le leader du gouvernement à la Chambre a beau souhaiter que le problème n'existe pas, il a beau souhaiter qu'il n'ait pas été fait mention des allégations dans les médias et que les Canadiens n'en aient pas pris connaissance, le fait est qu'elles existent. Je voudrais bien que tout soit aussi simple que le leader du gouvernement à la Chambre veut nous le faire croire.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Chuck Strahl: Monsieur le Président, les députés du parti ministériel doivent se rendre à l'évidence, les allégations traduisent la réalité. Elles existent. Les médias en ont fait état. On en parle.

Le leader du gouvernement à la Chambre sait que l'article 279 de la Loi électorale interdit clairement au commissaire d'intenter des poursuites pour une infraction qui a été commise pendant la dernière campagne électorale. La loi lui interdit d'intenter des poursuites. Il ne peut le faire.

Le conseil que le leader du gouvernement a donné à la Chambre hier est inutile. Une enquête devrait avoir lieu. On devrait ordonner la tenue d'une enquête qui, je l'espère, blanchira la réputation du ministre. Le leader du gouvernement à la Chambre ne comprend-il pas que nous devrions immédiatement amorcer une enquête pour tirer au clair ces allégations?

 

. 1445 + -

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je vois que ce que le député souhaite par-dessus tout, c'est blanchir la réputation du ministre.

Il vient de dire que ces allégations traduisent la réalité. Non, ce n'est pas le cas. Sauf le respect que je vous dois, pareille affirmation est fausse.

*  *  *

[Français]

L'INDUSTRIE DU TRANSPORT AÉRIEN

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, le transporteur régional québécois InterCanadien est en grande difficulté. Or, le ministre des Transports n'écarte toujours pas la possibilité d'accorder un permis à un nouveau transporteur régional basé à Hamilton.

Le ministre pourrait-il, pour une fois, assumer ses responsabilités convenablement en s'engageant formellement à ne pas ajouter d'autre transporteur régional au Canada avant que ne soit réglée de façon satisfaisante la situation d'InterCanadien?

L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, cette situation regrettable nous préoccupe, mais on m'a informé qu'il existe des capacités avec les autres compagnies aériennes pour servir tous les passagers d'InterCanadien.

C'est bien connu que les problèmes d'InterCanadien existaient avant le mois d'août quand nous avons commencé le processus de restructuration dans le système aérien. Je trouve bizarre que le président d'InterCanadien ait placé le blâme sur Air Canada, Canadian Airlines, la corporation Onex et le gouvernement fédéral, mais pas sur les épaules des gestionnaires d'InterCanadien.

*  *  *

[Traduction]

L'OFFICE NATIONAL DU FILM

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine canadien.

Le Museum of Modern Art de la ville de New York et l'Academy of Motion Pictures de Los Angeles ont célébré le 60e anniversaire de l'Office national du film du Canada.

Que fait le Canada pour fêter l'anniversaire de cet organisme qui nous a donné des gens tels que Norman McLaren et Donald Brittain et qui nous a valu 11 Oscars?

L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, avec l'appui du Parti réformiste et de tous les partis de l'opposition, nous aimerions souligner ce 60e anniversaire de l'Office national du film du Canada.

Au cours de ses 60 années d'existence, cet organisme a obtenu près de 4 000 prix d'excellence. Cette année, il a lancé CinéRoute, un nouveau projet qui vise à placer 1 000 films sur son site Internet afin que tous les Canadiens puissent les voir.

[Français]

Je pense que l'histoire de l'Office national...

[Traduction]

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Chers collègues, il commence à y avoir trop de bruit. La ministre du Patrimoine canadien nous donnait sa réponse.

[Français]

L'hon. Sheila Copps: J'aimerais seulement répéter comment l'Office national du film nous a rendus fiers depuis 60 ans. Je suis certaine qu'avec l'appui de tous les députés, il va continuer à faire un excellent travail dans le monde du cinéma au Canada.

*  *  *

[Traduction]

L'EMPLOI

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, même certains libéraux ne peuvent plus supporter la corruption relativement à l'utilisation du fonds transitoire de création d'emplois. Aujourd'hui, un député libéral a révélé que la ministre de DRHC avait enfreint les règles en se servant d'un million de dollars appartenant à autrui pour attirer une entreprise dans sa circonscription, au détriment de la région voisine affligée par un fort taux de chômage.

La ministre croit-elle qu'elle a le droit de piller le fonds de création d'emplois, au détriment des sans-emploi de Sarnia, simplement parce qu'elle fait partie du Cabinet?

L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je trouve le ton de la question tout à fait déplorable. La députée devrait mieux s'informer.

 

. 1450 + -

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, à l'invitation de la ministre, examinons sa feuille de route. Un montant énorme, soit un demi-million de dollars, auquel sa circonscription n'avait pas droit, a été tiré du fonds de création d'emplois, et des emplois ont été transférés de Hamilton pour qu'elle puisse demander une subvention pour la création d'emplois à Brantford.

Un montant d'un million de dollars refusé à Sarnia a été dépensé injustement dans la circonscription voisine, la sienne. Il est incroyable qu'une ministre occupant un tel poste de confiance ne soit pas réprimandée pour un tel acte de népotisme. S'agit-il simplement d'une autre manifestation de la corruption généralisée au sein du gouvernement libéral?

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Le ton commence à monter un peu trop. Je permettrai au premier ministre de répondre.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais me porter à la défense de la ministre parce qu'elle est une excellente ministre et une députée fort honnête.

Des voix: Bravo!

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Il existe un certain nombre de circonscriptions qui sont dans la même situation que celle de la ministre, qui ont reçu de l'argent du même fonds. Ce sont celles de Kootenay—Columbia, de Nanaïmo—Alberni, de Nanaïmo—Cowichan, d'Okanagan—Shuswap, de West Vancouver—Sunshine Coast, de Lethbridge, de St. Albert, notamment.

*  *  *

LA SANTÉ

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, je crois que nous comprenons mieux aujourd'hui pourquoi la réaction du ministre de la Santé au projet de privatisation de l'Alberta a été si lamentablement faible et timide.

Le vérificateur général annonce aujourd'hui que le gouvernement ne sait absolument pas si les provinces respectent les dispositions de la Loi canadienne sur la santé. Le ministre de la Santé ne sait absolument pas et est incapable de déterminer si les provinces respectent les règles en matière de soins de santé. Il ne sait pas combien reçoivent les provinces, pas plus qu'il ne connaît la destination et l'incidence des fonds.

N'est-il pas temps que le ministre prenne la maîtrise de son ministère afin d'être en mesure de s'acquitter de son travail à temps plein qui consiste à protéger le régime de soins de santé des Canadiens?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le vérificateur général a fait des suggestions très utiles que nous acceptons toutes. Nous mettons déjà en oeuvre bon nombre d'entre elles afin de veiller à ce que le Parlement reçoive chaque année la meilleure information possible du ministre de la Santé en ce qui concerne la situation de la Loi canadienne sur la santé partout au pays.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, le vérificateur général a aussi formulé aujourd'hui une critique acerbe concernant la façon dont le gouvernement s'est occupé d'un épisode d'intoxication alimentaire. C'est un rapport inquiétant qui ne laisse pas entrevoir que le gouvernement a vraiment tiré des leçons et modifié ses façons de faire depuis le printemps de 1998 lorsque s'est produit cet épisode.

Hier, nous avons appris qu'une dangereuse poussée de botulisme risquait d'affecter les bestiaux au Nouveau-Brunswick. Aujourd'hui, nous constatons que le gouvernement a de nouveau mis la sécurité en péril en obtenant rapidement des approbations pour la Monsanto concernant des aliments modifiés génétiquement.

Compte tenu de ces faits, comment le ministre pouvait-il s'attendre à ce que les Canadiens croient qu'il est capable de protéger leur santé?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, en ce qui concerne l'approbation de produits, qu'il s'agisse d'appareils médicaux, de produits pharmaceutiques ou d'aliments résultant de manipulations génétiques, la sécurité du public est la principale préoccupation de Santé Canada.

 

. 1455 + -

Je suis en mesure de dire au député que le rapport rendu public aujourd'hui au sujet du produit Monsanto est absolument faux. Ce produit a fait l'objet de l'évaluation attentive habituelle.

*  *  *

L'ASSURANCE-EMPLOI

Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, PC): Monsieur le Président, en 1997, l'excédent de la caisse d'assurance-emploi s'élevait à 7,5 milliards de dollars. Il est maintenant de près de 25 milliards. Aujourd'hui, le vérificateur général a critiqué l'utilisation qui a été faite de ces fonds.

Je crois qu'il est temps que le gouvernement se rende compte que cet excédent ne lui appartient pas. Il s'agit d'une caisse d'assurance qui appartient aux employés et aux employeurs et à laquelle ils ont droit.

Jusqu'à combien cet excédent devra-t-il s'élever avant que le gouvernement prenne des mesures réelles et réinvestisse dans les collectivités pour redonner espoir et dignité aux sans-emploi du Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comme la députée le sait, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, les cotisations à l'assurance-emploi s'élevaient à 3,70 $, mais nous les avons ramenées à 2,40 $.

Par ailleurs, comme il est dit dans le discours du Trône, la ministre du Développement des ressources humaines présentera une initiative majeure sur les congés parentaux. Cette initiative facilitera beaucoup la vie aux parents qui élèvent leurs enfants.

Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, PC): Monsieur le Président, si la caisse d'assurance-emploi est si magnifique et si le gouvernement peut faire de si grandes choses avec cet argent, pourquoi y a-t-il un excédent aussi élevé et pourquoi tant de travailleurs n'ont-ils pas droit aux prestations ou doivent-ils se passer de revenus pendant si longtemps? Je n'arrive pas à comprendre comment le gouvernement peut justifier l'utilisation qu'il fait de la caisse.

Y a-t-il quelqu'un du côté du gouvernement qui peut expliquer aux Canadiens pourquoi nous avons un tel excédent et pourquoi il y a tant de gens qui n'ont rien?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, il y avait un déficit d'environ six milliards de dollars. Au cours de 11 des 17 dernières années, la caisse a été déficitaire. Si nous faisons les calculs comme nous les faisons c'est parce que le vérificateur général l'avait recommandé en 1986.

La députée demande pourquoi il y a un excédent. La raison, c'est que notre économie fonctionne à plein. Un million sept cent mille Canadiens ont retrouvé du travail, dont 700 000 au cours de la dernière année. Les jeunes Canadiens retournent au travail. Nous avons une des économies les plus fortes des pays du G-7.

*  *  *

LES SPORTS

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Monsieur le Président, étant moi-même une ardente supporter du sport amateur, j'aimerais poser la question suivante au secrétaire d'État au sport amateur.

Le ministre a-t-il vérifié le montant des fonds consacrés au sport amateur pour les filles et les femmes? Quelles mesures le ministre entend-il prendre pour que les athlètes féminins aient leur juste part des fonds gouvernementaux?

L'hon. Denis Coderre (secrétaire d'État (Sport amateur), Lib.): Monsieur le Président, il s'agit sans doute de l'une des questions les plus importantes qui aient été posées aujourd'hui.

Le soutien accordé aux femmes dans la pratique du sport constitue une priorité du gouvernement fédéral. Sports Canada a pour objectif de faire en sorte que les femmes aient les mêmes chances que les hommes dans la pratique du sport.

[Français]

Par exemple, pour avoir droit à des fonds fédéraux, les organismes nationaux de sport et les centres nationaux du sport doivent avoir une politique officielle prouvant qu'ils tiennent à l'équité pour les femmes et doivent s'engager à entreprendre les initiatives permettant de progresser dans ce domaine. Ça, c'est les libéraux.

*  *  *

[Traduction]

LA GRC

M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, selon le rapport du vérificateur général qui a été déposé aujourd'hui, a procédé rapidement à l'attribution d'un contrat à fournisseur unique, a enfreint les règles applicables aux soumissions et a prétexté qu'il y avait urgence à attribuer un contrat de 362 000 $ à un ancien agent de la GRC.

Et cela, après avoir laissé la soumission sur les tablettes pendant quatre mois. Toute une urgence! Pourquoi le solliciteur général a-t-il autorisé la force qui est censée faire respecter la loi à enfreindre la loi?

L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je puis assurer à mon collègue que la GRC n'a pas violé la loi.

*  *  *

[Français]

LES ALIMENTS TRANSGÉNIQUES

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, une entente privée aurait été conclue, en mars dernier, entre les hauts fonctionnaires du ministère de la Santé et la compagnie Monsanto, permettant ainsi l'approbation de deux nouveaux types de semences de pommes de terre modifiées génétiquement.

 

. 1500 + -

Le ministre peut-il nous confirmer s'il est exact que cette entente a permis de contourner le processus régulier d'approbation du ministère de la Santé, en dépit du fait que Monsanto ait refusé de soumettre les informations scientifiques essentielles à l'évaluation de son produit?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le processus d'approbation habituel fut respecté dans ce cas. Nous avons reçu toute l'information nécessaire et les produits ont été évalués.

*  *  *

[Traduction]

LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le Président, en avril, un jeune homme qui travaillait à l'exploitation des gisements pétroliers sous-marins de la Nouvelle-Écosse a été tué. Le ministère néo-écossais du Travail a recommandé que des poursuites soient entamées, mais la décision relevait de la compétence de l'Office Canada—Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et celui-ci n'a pas tenu la compagnie responsable. L'office n'a aucun règlement de santé et de sécurité au travail qui soit applicable et est considéré autant comme le promoteur industriel que comme l'autorité de réglementation en matière de sécurité, ce qui constitue nettement un conflit d'intérêts et ce qui va carrément à l'encontre des recommandations de la commission d'enquête sur la Westray. Le gouvernement néo-écossais a demandé au gouvernement fédéral de s'occuper de cela.

Quand le gouvernement s'occupera-t-il du conflit...

Le Président: Le ministre des Ressources naturelles a la parole.

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à assurer au représentant que je prends la question de la santé et de la sécurité dans le secteur des gisements sous-marins aussi au sérieux que lui. Les gouvernements fédéral et provincial et les autorités de réglementation compétentes sont à examiner cette affaire à l'heure actuelle. Je prendrai toutes les mesures possibles pour m'assurer que ces règlements seront mis en place au plus tôt de telle sorte que la santé et la sécurité des Canadiens puissent être assurées comme il le faut.

*  *  *

L'INDUSTRIE DU TRANSPORT AÉRIEN

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. Peu de temps avant qu'elle n'interrompe ses activités, samedi, la société InterCanadien a adressé une lettre par télécopieur au ministre des Transports. Voici ce que le président de la société écrivait dans sa lettre au ministre: «Le fait est qu'InterCanadien ne peut tout simplement pas continuer de subir les conséquences de l'instabilité de la position du gouvernement.»

Si le ministre qui a causé ces quatre mois de chaos dans le secteur des transports aériens n'intervient pas pour aider InterCanadien, démissionnera-t-il pour laisser à quelqu'un d'autre le soin d'insuffler un peu de bon sens dans ce chaos?

L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, les problèmes financiers d'InterCanadien étaient bien connus longtemps avant que nous ne lancions la restructuration, en août dernier, mais c'est en réponse au secteur des transports aériens, notamment les Lignes aériennes Canadien international, que nous avons entrepris ce processus de restructuration qui est maintenant à l'oeuvre dans tout le système. Des discussions se poursuivent entre les diverses parties et les diverses sociétés, et j'espère qu'elles permettront d'en arriver à une solution.

Entre-temps, je suis tout à fait désolé pour les gens qui ont perdu leur emploi chez InterCanadien, mais la capacité des transporteurs aériens au Québec et dans les provinces de l'Atlantique est plus que suffisante pour servir tous les voyageurs et réduire les perturbations au minimum.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

 

. 1505 + -

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ—LE CRIME ORGANISÉ

 

La Chambre reprend l'étude de la motion, ainsi que de l'amendement.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, un peu plus tôt dans mon exposé, je mentionnais l'apport de plusieurs collègues du Bloc québécois dans ce débat. J'ai souligné l'initiative du député de Berthier—Montcalm ainsi que celle de ma collègue de Saint-Bruno—Saint-Hubert qui ont participé à la présentation de cette motion.

Plusieurs députés du Bloc ont contribué à ce cheminement quant à la réflexion que l'on devrait faire au sujet du crime organisé. Je pense à mon collègue d'Hochelaga—Maisonneuve qui a été directement touché, dans son comté, par la mort du jeune Daniel Desrochers, décédé à la suite de l'explosion d'une bombe.

J'ai également mentionné mon collègue de Charlesbourg qui a proposé un projet de loi d'initiative privée sur le retrait des billets de 1 000 $, en ce qui a trait au blanchiment de l'argent.

Plusieurs députés du Bloc québécois ont vraiment contribué à ce qu'il y ait une réelle réflexion quant à l'éradication du crime organisé. On sait que plusieurs guerres ont cours pour le contrôle du marché de la drogue, entre autres. On lit dans les journaux qu'il y a des incendies, qu'on place des bombes et que des meurtres sont commis. C'est aux gens et à leur sécurité qu'il faut penser.

Une première constatation porte sur l'ampleur du commerce des drogues. De par les saisies, on peut extrapoler et penser que les profits sont de l'ordre de 500 milliards de dollars. C'est beaucoup d'argent que les différents gangs de crime organisé ont en leur possession. On peut facilement penser comment ces gens peuvent contrôler et acheter le silence de beaucoup de personnes.

On sait à quel point il est difficile de percer la «loi du silence» dans ce monde. Plusieurs personnes sont menacées de mort, même des gens qui font partie de ces gangs de crime organisé. C'est difficile pour eux souvent de livrer certains témoignages qui pourraient servir de preuve pour la poursuite.

Plusieurs collègues de tous les partis de la Chambre vont appuyer cette motion. On demande qu'un comité de réflexion soit mis sur pied pour qu'on puisse se pencher sur le problème du crime organisé. Cela permettra de réfléchir sur les différentes législations, les différents outils et sur le financement des forces policières. On pense à la Gendarmerie royale du Canada et aux différents corps policiers des communautés.

On sait qu'il y a beaucoup de difficulté, par exemple, au niveau de l'infiltration de ces groupes. La législation est-elle adéquate? Est-ce qu'on ne pourrait pas revoir toutes les lois pour que ce soit moins lourd d'application?

On sait très bien qu'il y a des victimes du crime organisé dans la société, pas toujours des personnes qui en sont membres, mais aussi des citoyens ordinaires. Dans mon comté, un citoyen a été blessé par balle, justement parce qu'on voulait contrôler un certain territoire.

 

. 1510 + -

Donc, je me sens principalement interpellée parce que je sais qu'il y a différents gangs qui se livrent cette guerre dans le comté de Québec et également dans la grande région de Québec.

Si je peux contribuer à cette réflexion, cela va me faire plaisir, surtout qu'il y va de la sécurité des gens et de la vie de nos jeunes et qu'on sait que le commerce de la drogue est très néfaste pour la santé de nos jeunes.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le président, mes premiers mots s'adressent à la députée de Québec pour la féliciter. Je pense qu'elle a saisi extrêmement bien la problématique du crime organisé dans son ensemble au Québec.

La députée de Québec est souvent intervenue lors des réunions du caucus du Bloc québécois pour dénoncer cette situation et surtout exiger qu'on présente quelque chose à la Chambre des communes pour lutter efficacement contre le crime organisé. Je comprends très très bien sa préoccupation et l'approche qu'elle a défendue tout au long de son discours. C'est un très bon discours, soit dit en passant, et je pense qu'elle a très bien saisi la problématique.

Ma question à la députée est fort simple. Comme on le sait, c'est une députée qui s'occupe beaucoup de la pauvreté et qui se bat pour les gens qui ont des problèmes de pauvreté. La question que je voudrais lui poser est la suivante: le crime organisé n'abuse-t-il pas finalement des gens pauvres ou n'abuse-t-il pas des gens qui sont justement dans le besoin, ne serait-ce que par les prêts sur gages ou autres domaines que la député connaît. J'aimerais qu'elle saisisse la Chambre de ses réflexions relatives à la problématique de la pauvreté versus la criminalité.

Mme Christiane Gagnon: Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour cette question.

Effectivement, on sait que dans les quartiers où il y a un fort taux de pauvreté, il existe plusieurs réseaux de prêts sur gages. On sait qu'on va demander jusqu'à 250 p. 100 d'intérêts dans les commerces de prêts sur gages.

Je peux également déplorer tout le trafic de la drogue. On sait très bien que souvent, dans les quartiers à fort taux de chômage, à fort taux de pauvreté, ce commerce-là est très à l'affût d'une clientèle pour qui c'est peut-être une fuite en avant, compte tenu de certains problèmes qu'elle vit quotidiennement.

On sait également que le crime organisé a besoin de revendeurs de drogue. On peut se joindre à ces milieux-là parce que le gain est facile à faire, mais on sait également combien l'impact des coûts sociaux est énorme. C'est pourquoi je me sens particulièrement interpellée parce que je sais que c'est un fléau et que cela a des conséquences énormes sur la vie des gens, la qualité et la santé des gens et sur les conditions de vie des familles et des enfants qui en font le commerce et des autres qui sont sollicités pour consommer de la drogue.

Il me semble qu'il y a autre chose dans notre société de plus beau à faire et à dire que d'être interpellé par tout le commerce de la drogue.

[Traduction]

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps avec le député de Waterloo—Wellington.

Je félicite le Bloc et le député de Berthier—Montcalm d'avoir proposé, en cette journée d'opposition, une motion que le gouvernement va enfin pouvoir appuyer. Ça fait vraiment plaisir. C'est agir de façon responsable et tirer le meilleur parti du système parlementaire.

Cette motion demande à la Chambre d'ordonner au Comité permanent de la justice et des droits de la personne d'étudier la question du crime organisé. Les membres du comité ne verront peut-être pas d'un bon oeil qu'on leur ordonne quelque chose, mais je pense qu'ils considéreront que c'est la volonté du Parlement qu'ils étudient la question et en fassent rapport d'ici la fin d'octobre 2000. Les délais impartis sont raisonnables. Cela laisse aux membres du comité une bonne partie de l'année pour entendre les témoins, voire pour se déplacer, étudier la question et faire rapport.

 

. 1515 + -

Je me demande à quoi aurait ressemblé cette motion si c'était le Parti réformiste qui l'avait présentée. M'est d'avis qu'elle aurait été formulée d'une telle façon qu'il aurait été impossible à qui que ce soit de l'appuyer. Ils auraient utilisé des formules du genre «le gouvernement a abdiqué sa responsabilité, etc., etc., et donc nous devons faire cette étude.

J'ai souvent critiqué les députés du Bloc, mais je suis obligé de rendre à César ce qui revient à César. Je pense que leur proposition est avisée. Je sais aussi qu'elle leur est inspirée par de graves préoccupations ressenties au Québec.

Nous avons tous entendu parler de la guérilla des gangs de motards du Québec. Des meurtres ont été commis. Le trafic des stupéfiants va bon train. Ces gangs squattent des maisons et ruinent des quartiers. Ils menacent les braves gens qui vont au magasin du coin pour acheter un litre de lait. Les femmes et les enfants ne se sentent pas en sécurité dans les communautés où l'on permet que soit donné libre cours à ce type de terrorisme local, car c'est bien de cela qu'il s'agit.

Les bloquistes se fondent sur leurs mauvaises expériences en la matière, notamment sur des problèmes avec le crime organisé.

Je voudrais néanmoins aborder le problème sous un angle quelque peu différent. À mon avis, le meilleur moyen de régler ce problème à long terme, de nous débarrasser du crime organisé, serait de commencer par nos enfants, le système national d'éducation et les familles. Nous devons nous employer plus sérieusement à éliminer la pauvreté. D'aucuns diront que nous n'en avons pas suffisamment fait. Mais nous savons, de ce côté-ci de la Chambre, que le gouvernement est déterminé à présenter dans le budget de février prochain des programmes visant à soulager le problème de la pauvreté chez les enfants. Je suis persuadé que ces programmes verront le jour.

Si nous avons choisi de lutter contre un problème aussi insidieux que le crime organisé en nous concentrant sur nos jeunes gens, c'est que les criminels organisés recrutent chez les personnes qui sont vulnérables. Ils recherchent les personnes aisément influençables. Ils sont à la recherche de personnes, pour le jeu ou pour les drogues, ou ils recrutent des jeunes filles impressionnables et les détournent vers la prostitution en leur promettant beaucoup d'argent et des beaux vêtements et toutes sortes d'autres choses du genre, ou encore ils convainquent des jeunes de nos écoles de vendre de la drogue ou les encouragent à participer en créant une mentalité qui veut que ce soit «cool» de faire partie d'un groupe organisé.

Pensons aux bandes et aux problèmes qu'elles causent. Il y a eu une horrible tragédie dans la région du Grand Toronto il y a quelques semaines. Un jeune homme a été battu à mort par une bande de jeunes. C'est vraiment incompréhensible. Qu'est-ce qui a bien pu pousser ces jeunes à agir de cette façon? Malheureusement, des situations du même genre se sont déjà produites par le passé. Une jeune fille a été frappée et battue à mort par d'autres jeunes filles. À mon avis, la violence dans le système d'éducation des jeunes filles a presque atteint des proportions de crise.

Nous pouvons faire appel à la GRC et à tous les autres services de police possibles dans nos collectivités, mais nous devons tout d'abord nous pencher sur les attitudes fondamentales des jeunes et leur faire comprendre qu'ils doivent se respecter les uns les autres.

Hier, j'ai pris la parole devant quatre groupes d'élèves de l'école Ploughman, à Mississauga. Ils étaient tous réunis dans la bibliothèque. J'ai été étonné d'entendre les questions de ces jeunes de quatrième et cinquième année. Ils me parlaient de violence dans les écoles, me demandant ce que le gouvernement pouvait faire pour l'enrayer. Ils ne se sentent pas en sécurité dans leur propre milieu qui est un milieu familial, un quartier plein de jeunes familles. Des enfants aussi jeunes sont préoccupés. Je suis persuadé qu'ils entendent leurs parents discuter de ces questions autour de la table de cuisine. Ils ne comprennent pas comment un jeune qui a à peine dix ans de plus qu'eux peut en arriver à battre quelqu'un à mort.

 

. 1520 + -

Nous pouvons mettre quelque chose en place. En fait, le gouvernement a fait un certain nombre de choses, dont j'aimerais parler à la Chambre, pour lutter contre la criminalité.

J'aimerais souligner que ce débat ne devrait pas consister à ce que le gouvernement prenne la parole pour se targuer de ce qu'il a fait, en affirmant qu'il adopte une attitude ferme sur la question, pas plus qu'à ce que l'opposition lui reproche de ne pas être assez ferme. Avec tout le respect que je dois à la Chambre, j'aimerais suggérer que nous devrions plutôt chercher le moyen de faire en sorte que nos collectivités soient plus sûres. Comment pouvons-nous arrêter les gros bonnets de la drogue? Comment pouvons-nous arrêter les trafiquants de cigarettes ou d'armes? Je sais qu'il s'agit d'une question litigieuse pour certains députés d'en face, mais des questions comme le contrôle des armes à feu sont aussi en cause.

Quel est le principe de base, le principe fondamental des valeurs du Canada et des Canadiens? Voulons-nous simplement être comme les Américains? Voulons-nous simplement nous plier aux exigences du groupe de lobby des armes à feu ou voulons-nous mettre des lois en place? Oui, elles seront difficiles à faire appliquer. Voulons-nous mettre en place un système d'enregistrement? Oui, et ce sera difficile. Les criminels ne vont manifestement pas enregistrer leurs armes à feu. Nous savons cela, mais nous avons été témoins de tant de tragédies dans le pays.

Je crois que l'aspect insidieux du crime organisé complique les choses. La meilleure façon de lutter contre cela, en plus des nombreux programmes que nous avons déjà mis en place, consiste à sensibiliser nos jeunes gens. J'espère que les députés d'en face verront cela comme je le vois et comme le voient de nombreux Canadiens, c'est-à-dire comme une question qui nécessite que nous unissions tous nos efforts.

Il ne s'agit pas simplement de donner plus d'argent à la police montée. En fait, dans ma propre collectivité, à l'Aéroport international Pearson, la GTAA a conclu un accord avec la police régionale de Peel pour la prestation de services de police à l'aéroport Pearson pour que la GRC puisse libérer davantage de ses membres pour s'occuper des graves problèmes qui se posent à un point d'entrée international aussi important que celui-ci au Canada. Il s'agit d'un partenariat communautaire excellent et vraiment réfléchi. C'est tout à fait sensé.

L'aéroport est situé dans la région de Peel. La police régionale de Peel fait face à une bonne partie des problèmes lorsque les individus en cause quittent l'aéroport. Qu'il s'agisse du crime organisé ou de crimes de quelque sorte que ce soit, la police régionale de Peel devra s'en occuper. Pourquoi ne pas faire en sorte qu'elle puisse s'attaquer au problème immédiatement et mettre en place les systèmes nécessaires pour faire face à l'entrée de criminels au Canada?

D'un autre côté, à une époque où tous les gouvernements sont confrontés à d'énormes pressions financières, cela donne la possibilité à la GRC de se concentrer sur les crimes qui sont peut-être plus de nature internationale, comme la contrebande.

Monsieur le Président, vous me faites signe qu'il me reste une minute. Je voulais parler du passage de réfugiés clandestins dont nous sommes témoins récemment, mais je n'aurai pas le temps de le faire.

Permettez-moi simplement de dire qu'il est important de concentrer nos énergies dans le domaine où, à long terme, nous pouvons éliminer le crime organisé de façon globale. Nous pouvons convaincre nos jeunes dans nos écoles et nos collectivités que ce n'est pas une façon acceptable de se comporter et qu'ils doivent respecter leurs collègues, leurs amis et leurs camarades de classe. Ils ne doivent pas avoir recours à la violence pour résoudre un problème. Il est facile de dire cela, mais c'est dans des endroits comme ici, où on présente des motions réfléchies comme celle soumise par l'opposition dont on peut discuter, qu'on peut commencer à résoudre le problème.

[Français]

Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): Monsieur le Président, premièrement, je désire remercier le Bloc pour avoir déposé cette motion sur le crime organisé.

Comme c'est le cas pour certains de mes collègues, les groupes organisés affectent directement le comté de Shefford que je représente. À l'instar de mes collègues de Saint-Hyacinthe—Bagot et de Drummond, la circonscription de Shefford fait partie du triangle de terres agricoles très fertiles pour la culture de la marijuana.

J'ai écouté très attentivement les interventions d'aujourd'hui, particulièrement celles concernant la fermeture des postes de la GRC, parce que le poste de Granby fait également partie des postes qui seraient fermées, selon les rumeurs.

 

. 1525 + -

Donc, depuis février 1999, nous multiplions les efforts et les demandes auprès du solliciteur général. Également, en mai dernier, une pétition a été déposée par les gens de mon comté.

Tout à l'heure, le secrétaire parlementaire du solliciteur général a dit, suite à une question d'un député du Bloc québécois, qu'il ne commentait pas les rumeurs. J'aimerais souligner que ce ne sont plus que des rumeurs parce que j'ai vu le rapport intitulé «Projet de réorganisation de la structure opérationnelle, Division C», en date du 16 août.

Ce rapport recommande la fermeture de sept postes de la GRC au Québec, dont celui de Granby, avec ceux de St-Hyacinthe, Valleyfield, les Îles-de-la-Madeleine, Roberval, Baie-Comeau et Joliette. Je sais également que ce rapport a été accueilli positivement par le solliciteur général.

Donc, ma question s'adresse à mon collègue du Parti libéral. Est-ce qu'il est au courant de ce rapport et est-ce qu'il appuie ces recommandations?

[Traduction]

M. Steve Mahoney: Monsieur le Président, je suis désolé, je ne savais pas trop si la députée s'était lancée dans un discours ou si elle posait une question. Je vais tenter de répondre. Il me faudrait examiner ces recommandations et je serai heureux de le faire.

La députée a parlé de la fermeture de postes de police dans sa collectivité et des répercussions de ces fermetures. Je la comprends parce que nous sommes aussi passés par là. Notre corps de police a décidé de s'orienter davantage vers un modèle de police communautaire. Nous voulons que nos policiers soient plus présents dans la collectivité, dans les centres commerciaux, les mails et les écoles, ce qui correspond à ce que je disais.

N'ayant pas vu le rapport dont elle parle, je pourrais difficilement répondre à sa question. Je ne pense pas que le maintien de l'ordre exige que toute la collectivité travaille ensemble et comprenne la dynamique et les problèmes qui surgissent lorsque les jeunes n'ont pas l'occasion d'entretenir des rapports normaux avec les forces policières et la collectivité.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre part au débat sur la motion demandant que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne étudie la question du crime organisé et analyse les avenues qui s'offrent au Parlement pour lutter contre les activités des groupes criminalisés.

J'ai 10 ans d'expérience auprès des services de police. En tant qu'ancien président de la police régionale de Waterloo, je trouve cela particulièrement intéressant. Il s'agit certainement d'un cas où tous les Canadiens attendent que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership pour garantir que tous les membres de toutes les collectivités du Canada, y compris les enfants, sont en sécurité.

Les préoccupations des corps policiers face au crime organisé ne se limitent pas à une seule partie du Canada. Les rapports de la GRC indiquent que les clubs de motards criminalisés sont actifs dans plusieurs régions du Canada. En outre, les groupes criminalisés ne sont pas tous des groupes de motards. Outre les bandes de motards, une foule de groupes du crime organisé s'attaquent continuellement aux faibles de leur collectivité et à la société canadienne. C'est inacceptable.

Tout le monde sait que le crime organisé s'occupe activement du trafic de stupéfiants. L'été dernier, le Canada tout entier a pu voir par lui-même comment les «têtes de serpent» du crime organisé ont pu faire cruellement passer des Chinois au Canada dans des navires rouillés. Cela est inacceptable aussi. On sait peut-être moins qu'il est aussi impliqué dans le crime contre l'environnement, comme le traitement et l'élimination illicites des déchets et le commerce d'espèces menacées d'extinction et de substances appauvrissant la couche d'ozone. Il est impliqué dans le crime économique ou le crime d'affaires, dont, par exemple, les fraudes en matière de valeurs et le télémarketing frauduleux. Nous savons aussi qu'il se livre à la vente de produits contrefaits au mépris des droits de la propriété intellectuelle, au piratage de logiciels, au blanchiment d'argent et au vol de véhicules automobiles à des fins d'exportation ou de commerce de pièces.

Certains soutiennent que les forces policières sont impuissantes dans la lutte contre le crime organisé. D'autres prétendent qu'elles ont besoin de plus d'argent. D'autres encore allèguent qu'elles en ont trop. Il faudrait vérifier les faits à cet égard.

Cela fait deux ans seulement que le Parlement a examiné et promulgué une mesure législative concernant les gangs. Les dispositions contenues dans le projet de loi C-95 découlent de discussions avec les forces policières et d'autres membres du système judiciaire survenues en septembre 1996, lorsque le ministre de la Justice et le solliciteur général de l'époque ont tenu une tribune nationale sur le crime organisé. Cet événement avait réuni des représentants des forces policières, du gouvernement fédéral et d'un certain nombre de gouvernements provinciaux, de la communauté juridique, du secteur privé et du milieu de l'éducation pour examiner le problème de plus en plus complexe du crime organisé au Canada et recommander des mesures correctrices intégrées et efficaces. Les participants ont examiné la possibilité d'élaborer une mesure législative qui offrirait de nouveaux outils à la police, aux procureurs à charge et aux tribunaux, afin de combattre le crime organisé.

 

. 1530 + -

Nous devons nous rappeler un autre facteur qui a conduit à l'adoption du projet de loi C-95, à savoir le sentiment de révolte de la population face aux incidents violents qu'a provoqués une guerre de territoire entre deux gangs rivaux de motards, les Hell's Angels et les Rock Machine, au Québec. Non seulement des membres des gangs, mais également des passants innocents, ont connu une fin tragique.

La mesure législative qui a suivi le projet de loi C-95 a conféré de nouveaux pouvoirs concernant l'interception des communications privées, des profits de la criminalité et, entre autres, des biens utilisés pour commettre des infractions. Cette mesure législative insérait également pour la première fois dans le droit pénal canadien une définition d'«organisation criminelle» et créait une nouvelle infraction, celle de la participation dans une organisation criminelle. Cette loi est en vigueur depuis maintenant deux ans.

Cela peut sembler une longue période aux yeux de certains, mais je crois savoir qu'une enquête habituellement complexe sur le crime organisé prend plusieurs années à progresser jusqu'au moment où des accusations sont portées. En fait, je sais que tel est le cas.

Néanmoins, certaines de ces enquêtes sur des organisations criminelles dans lesquelles on a recouru aux moyens prévus dans le projet de loi C-95 sont maintenant terminées. Des accusations ont été portées et les poursuites ont été engagées. Il y a eu des condamnations. Ces dernières semaines, des reportages dans les médias ont fait état de quelques-unes de ces poursuites, notamment au Québec, au Manitoba et en Alberta.

Il est cependant important de faire en sorte que les dispositions du projet de loi C-95 soient bien comprises. Il ne convient pas dans chaque cas d'agir comme s'il s'agissait d'une enquête concernant une organisation criminelle ou d'une poursuite. Le projet de loi ne se veut pas le seul instrument devant servir à combattre le crime organisé. Il s'appuie sur les outils figurant déjà dans le Code criminel et répond à des problèmes particuliers que posent les organisations criminelles sur les plans des enquêtes et des poursuites. Ce sont à cet égard des instruments spécialisés.

Des fonctionnaires du ministère de la Justice ont collaboré avec le ministère du Solliciteur général à la formation de policiers et de procureurs concernant la nouvelle mesure législative applicable aux organisations criminelles. Ils ont donné des séances d'une demi-journée et d'une journée partout au pays à plus de 500 membres des services policiers et de poursuite des gouvernements fédéral et provinciaux.

Les responsables de l'exécution de la loi doivent veiller attentivement à ce que les pouvoirs puissants mais intégrés prévus dans la loi ne soient pas utilisés de façon inappropriée ou inutile.

Il se peut que le comité souhaite évaluer la mesure dans laquelle les dispositions sont mises en application et l'efficacité. S'il existe des façons d'améliorer le mode d'application de la mesure législative, nous devrions faciliter le partage de ces pratiques exemplaires. Si des améliorations de la mesure législative pouvaient être envisagées, nous devrions les évaluer collectivement.

Un autre volet du crime organisé, soit la lutte contre le télémarketing frauduleux, demeure une priorité du gouvernement du Canada, en particulier dans le contexte du programme de lutte contre le crime organisé.

Depuis que le rapport binational a été rendu public en 1997, le Canada en collaboration avec les États-Unis a beaucoup progressé dans la lutte contre le télémarketing frauduleux transfrontalier. Au nombre des principales améliorations législatives figure le projet de loi C-20 qui a récemment ajouté la nouvelle infraction de télémarketing trompeur dans la Loi sur la concurrence.

Ces améliorations comprennent aussi le projet de loi C-51 qui modifie le Code criminel en vue d'établir un lien entre les nouvelles infractions de la Loi sur la concurrence concernant le télémarketing trompeur et les dispositions du Code criminel autorisant la saisie et la confiscation de produits de la criminalité pour infraction de criminalité organisée. Cette modification permet désormais de saisir les produits importants découlant de nombreux procédés malhonnêtes de télémarketing.

Enfin, il y a le projet de loi C-40 qui modifiait la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur l'extradition afin de prévoir l'utilisation de témoignages vidéos à l'occasion de procès criminels et d'audiences d'extradition.

Nous faisons fond sur nos succès et nous continuons de lutter contre le télémarketing frauduleux par le biais de l'éducation du public, du partage de l'information et de l'application coopérative de la loi en faisant appel aux nouveaux instruments législatifs qui ont été mis en place au cours de la dernière année.

Avant de terminer, je tiens également à aborder la question des gestes d'intimidation à l'endroit d'intervenants clés au sein du système de justice criminelle. Mes collègues à la Chambre savent que des préoccupations ont été exprimées au sujet de la question de l'intimidation dirigée contre des fonctionnaires chargés de l'enquête et des poursuites en cas de crimes, contre des juges et des personnes chargés de l'application des sentences des contrevenants reconnus, ainsi que contre des membres du public qui participent au système de justice criminelle en tant qu'informateur, témoin ou membre d'un jury.

 

. 1535 + -

L'intimidation des intervenants en matière de justice vise un but bien précis. Il s'agit de faire en sorte qu'il ne soit pas possible de condamner l'accusé ou, dans le cas d'un organisme, d'autres membres de cet organisme dans l'avenir, ou encore de se venger. On intimide pour déstabiliser le système de justice pénale dans les cas où le crime organisé est mis en cause.

Le gouvernement, donc, intervient dans ce domaine et le ministère de la Justice est à examiner le dossier. Il consulte les représentants des forces de police fédérales, provinciales et municipales, des procureurs fédéraux et provinciaux, des agents correctionnels fédéraux et provinciaux ainsi que des juges de toutes les régions du Canada. Cet exercice a pour objet de déterminer la nature et la gravité du problème que pose l'intimidation et d'élaborer une réponse législative appropriée. Je me réjouis de cette initiative. Il est important que nous mettions tout en oeuvre pour rendre nos collectivités encore plus sûres.

Je termine en faisant observer que le crime organisé est un problème criant qui prend diverses formes. La communauté internationale a désigné la lutte contre le crime organisé comme étant un enjeu priorité. Le gouvernement canadien a adopté cette position, et juste titre d'ailleurs. Il est important pour tous les Canadiens que l'on intervienne dans ce dossier on ne peut plus important.

Voyons si le Comité permanent de la justice et des droits de la personne peut trouver les avenues qui s'offrent au Parlement pour gagner la lutte contre les activités des organisations criminalisées.

Voilà pourquoi, à mon avis, cette motion est tout à fait pertinente. Elle est utile et nous devrions l'adopter afin qu'elle soit renvoyée au comité où l'on pourra examiner cette questions et toutes les questions importantes liées au crime organisé.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de poser une question à mon collègue, parce qu'il est le président du Comité permanent de la santé. Je sais qu'il fait preuve d'un grand fair-play et il est très agréable de travailler avec lui. Je tenais à le lui dire.

Dans le dernier rapport du Service canadien des renseignements criminels, on dresse le portrait du crime organisé, et on y apprend, par exemple, que la vente illicite de drogues rapporte, sur une base annuelle, 10 milliards de dollars et que la contrebande de bijoux vendus sur le marché noir est estimée à 400 millions de dollars. Chaque année, les achats frauduleux par cartes de crédit atteignent 80 millions de dollars au Canada.

S'agissant de crimes économiques, mon collègue y a référé, avec le télémarketing, on parle de pertes de 4 milliards de dollars. Pour les utilisations frauduleuses de cartes de crédit, on parle d'un marché de 127 millions de dollars. Il y a entre 8 000 et 16 000 personnes qui entrent au Canada chaque année avec l'aide de passeurs clandestins.

Il y a le vol de véhicules automobiles qui ne cesse d'augmenter. On pourrait également parler des fonds illicites qui se situent entre 5 et 17 milliards de dollars annuellement en termes d'argent blanchi.

Est-ce que mon collègue est d'accord avec moi pour dire que toutes les options doivent être envisagées pour lutter plus efficacement contre le crime organisé? Ce n'est pas juste une question de ressources additionnelles pour les policiers, mais ne croit-il pas que toutes les options doivent être envisagées, y compris—je crois que le comité devra examiner cette question—le modèle japonais où on interdit d'arborer publiquement des écussons qui appartiennent à des bandes de motards criminalisés, allant jusqu'à l'utilisation possible de la clause dérogatoire?

Est-ce que mon collègue est d'accord pour dire que toutes les options doivent être envisagées et que le Comité permanent de la justice ne doit en écarter aucune?

[Traduction]

M. Lynn Myers: Monsieur le Président, je remercie le député d'en face de sa question. Il me semble que la motion propose que, à la faveur du renvoi de la question au Comité permanent de justice et des droits de la personne, nous devrions analyser les moyens législatifs qui sont à la disposition du Parlement pour lutter contre le crime organisé et que nous devrions ensuite faire rapport à la Chambre.

Si la question est de savoir si nous devons envisager les diverses possibilités qui s'offrent au comité et, en fin de compte, au Parlement et à tous les parlementaires, je crois qu'il faut répondre oui. Nous devons envisager tout ce que les parlementaires et la société devraient faire pour limiter l'activité criminelle partout dans notre grand pays.

 

. 1540 + -

À titre d'ancien président des forces de police régionales de Waterloo, je peux dire, avec mon expérience de première main, que les services policiers de tout le pays ont besoin de l'aide du Parlement dans ce domaine de la plus haute importance. Le gouvernement a fait bien des choses, ces dernières années, pour faire adopter les mesures législatives nécessaires pour donner à la police les moyens dont ils ont besoin pour remplir leurs fonctions dans la société. Ces mesures nous permettent de vivre plus en sécurité dans toutes les villes et localités au Canada.

J'ai hâte de lire le rapport du comité permanent sur cette importante question. Étant donné la très grande compétence de la personne qui occupe la présidence de ce comité, je sais que nous pouvons compter sur un excellent travail. Le comité remettra à la Chambre un rapport très sérieux et fournira au Parlement, et donc à tous les Canadiens, l'analyse et les outils nécessaires pour les aider à réprimer l'activité criminelle au Canada.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir dans ce débat à la Chambre. Je suis très heureux en effet de pouvoir démontrer aux Canadiens la force de l'opposition à la Chambre car, si ce n'était du Bloc québécois, et je leur en reconnais tout le mérite, et si ce n'était des pressions du Parti conservateur de même que du Parti réformiste, la Chambre ne serait jamais saisie de ce genre de motion. Le gouvernement libéral ne prendrait jamais ce genre d'initiative.

Étant donné l'empiétement du crime organisé sur tous les aspects de la vie canadienne, je suis absolument étonné de voir que le gouvernement ne fait tout simplement rien à toutes fins pratiques.

J'en prends pour exemple le fait que le député qui est intervenu juste avant moi a dit, en réponse à une question d'un député du Bloc, que tout va bien au comité de la justice sous la direction de son président actuel. Je rappelle à la Chambre que le député qui occupe présentement la présidence du comité de la justice est l'ancien solliciteur général. C'est sous sa gouverne que bon nombre de ces cas d'incurie ont couvé.

J'attire l'attention de la Chambre sur un cas précis, dont voici certains détails particuliers. À la suite d'une série d'articles dans les médias, les députés et moi avons appris qu'en 1997, le caporal de la GRC Robert Read avait dénoncé une tentative pour étouffer une affaire d'incompétence, de négligence et de corruption au ministère des Affaires étrangères et au ministère de l'Immigration et avait accusé ses supérieurs de fautes graves. Cela se rapportait à des choses qui s'étaient produites à la fin des années 80 et au début des années 90 à l'ambassade du Canada à Hong Kong.

La GRC n'a pas accusé réception de cette plainte et encore moins fait enquête sur le sujet. En janvier 1998, le caporal Read a déposé le dossier complet devant la Commission des plaintes du public contre la GRC. On lui a répondu que ce n'était pas le bon endroit pour le faire, ce qui était exact. La réalité est qu'au gouvernement, au sein de la bureaucratie de la GRC, aucun endroit n'est approprié si la hiérarchie de la GRC ne prend aucune mesure pour donner suite à des allégations de cette nature.

En janvier 1999, il a déposé ce même dossier complet devant le vérificateur général. Aucun de ces organismes d'enquête ne se penche sur ce dossier et le caporal Read est un initié de longue date. Aucun organisme ne fait enquête sur la plainte selon laquelle une importante opération de camouflage se poursuive aujourd'hui au sein de la bureaucratie gouvernementale.

Monsieur le Président, pardonnez-moi, mais je dois faire une parenthèse ici. Je n'ai pas mentionné que je partageais mon temps de parole avec mon collègue de Surrey-Centre.

J'ai moi-même interrogé le caporal Read. Il a confirmé ses allégations et m'a fourni des explications. En fait, j'ai vu de nombreuses pages de preuves qui justifient clairement qu'une enquête doit être faite sur les allégations de camouflage de la part de la GRC.

 

. 1545 + -

Ce camouflage a pour but de protéger le gouvernement contre l'humiliation publique d'être systématiquement trompé par ses propres employés. Cela fait du tort à la sécurité nationale du Canada.

C'est bien beau que le gouvernement dise que la mesure présentée par l'opposition est merveilleuse et que le Bloc propose une bonne motion à laquelle il faudrait donner suite, mais je voudrais savoir ici aujourd'hui pourquoi le gouvernement n'a encore rien fait à l'égard des allégations dont je viens d'informer la Chambre. Pourquoi les députés libéraux sont-ils restés sans rien faire devant des réponses aussi évasives?

Cela a débuté en 1997. Après avoir reçu des réponses évasives des bureaucrates pendant deux ans, le caporal Read a rendu sa plainte publique. Qu'est-il arrivé? Il a été suspendu. Plutôt que de faire quoi que ce soit, la GRC l'a suspendu. À ma connaissance, on n'a encore jamais cherché à ce jour à vérifier les allégations concernant le caporal Read. Les constatations de négligence, d'incompétence et de corruption du caporal Read n'ont pas été contestées. Il semble que personne ne fera enquête et cela, même si cette plainte est imposante et documentée.

Cela représente un premier pas. Grâce à l'opposition, des questions de ce genre vont être soumises au comité permanent. Je puis dire à la Chambre que je sais parfaitement ce qui va se passer au comité. Il y aura d'autres réponses évasives de la part de la majorité ministérielle au comité. En outre, je le répète, le président du comité était le solliciteur général en place en 1997, lorsque ces événements ont eu lieu.

L'actuel solliciteur général va-t-il désigner un procureur indépendant pour examiner la déposition du caporal Read? Pas seulement la déposition du caporal Read. Une bonne partie de sa déposition est corroborée dans des pages et des pages de documents, de tableaux et de graphiques qui ont été colligés par Brian McAdam, un ancien agent de l'immigration au bureau de Hong Kong à l'époque où ces incidents se seraient produits.

Je n'arrive pas à comprendre que nous en soyons rendus à une situation au Canada où une administration professionnelle permette qu'une telle chose se perpétue? Pourquoi cela n'a-t-il jamais fait l'objet d'une enquête en bonne et due forme? Si le solliciteur général refuse d'agir, le Président de la Chambre ordonnera-t-il au vérificateur général de faire rapport directement à la Chambre?

Ce sont des accusations sérieuses. J'ai pleinement conscience de la gravité des accusations que je signale à la Chambre. J'en assume la responsabilité en tant que député. Je le répète. Ces accusations ont été communiquées à la GRC. C'est en partie à cause de ces accusations qu'a été amorcée l'opération «Sidewinder». Nous savons tous ce qu'il est advenu de cette enquête.

Cette enquête devait durer deux ans. Y étaient affectés des membres du SCRS et de la GRC qui ont recueilli pendant deux ans des informations sur les allégations révélées par Brian McAdam. Qu'ont-ils fait? À la fin des deux ans, quelqu'un au sein du SCRS a décidé de mettre fin à l'enquête.

Mais cela ne suffisait pas. Au lieu de simplement mettre fin à l'enquête, cette personne a détruit tous les messages électroniques et tous les documents écrits. Elle a veillé à ce que tous les dossiers électroniques soient également détruits.

C'est tout bonnement scandaleux, car tout cela se passait pendant que le gouvernement omettait de nommer des gens au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, le CSARS. Ce comité a été institué dans la loi portant création du SCRS. Son but était d'assujettir une organisation ultra-secrète à une surveillance civile.

 

. 1550 + -

Le gouvernement a négligé, et j'utilise ce mot dans son sens le plus péjoratif, de placer des gens dans des postes de confiance et de responsabilité au CSRC afin que celui-ci puisse continuer à superviser le SCRS.

Parce que le gouvernement a laissé le poste vacant au CSRC, le SCRS a eu les coudées franches. Lorsqu'il a, probablement, trouvé des résultats qu'il n'aimait pas, il a alors décidé non seulement de mettre fin à l'enquête, mais aussi de détruire tous les documents. Le CSRC était tellement pas au courant qu'il a appris par les journaux que l'enquête Sidewinder avait été annulée et les documents détruits.

Le gouvernement a perdu le contrôle. Il n'a aucune idée de l'ampleur du phénomène du crime organisé. Le moins que je puisse dire, c'est que je suis très heureux de voir que le gouvernement appuie cette motion de l'opposition qui l'a forcé à agir.

M. Jacques Saada (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis vivement impressionné. En louant l'initiative que le Bloc québécois a prise en nous présentant aujourd'hui ce sujet de débat, le député d'en face prétend que c'est grâce à l'opposition que la Chambre est saisie de cette motion.

Tout d'abord, je serais d'accord avec le député s'il était lui-même exclu de la définition du mot opposition. De nombreux jours de débat ont été réservés aux questions proposées par l'opposition. Or, le Parti réformiste n'a jamais jugé opportun, pas même une seule fois, de soumettre cette question à la Chambre. Comment le député ose-t-il dire que le Parti réformiste est responsable de la tenue du débat actuel?

Deuxièmement, j'entends le député parler de démocratie et dire dans la même phrase que le gouvernement devrait intervenir dans le lancement d'une enquête ou sa suspension. Autrement dit, le député propose que le gouvernement intervienne dans le travail d'un corps policier. Je pense que la démocratie serait grandement menacée si nous agissions ainsi. Apparemment, le député ne comprend pas ce principe.

Troisièmement, je rappelle au député que Mme Paule Gauthier, qui dirige le CSARS, s'est dite parfaitement satisfaite de la collaboration qu'elle obtient du SCRS. Encore une fois, nous constatons que le fait d'être alarmistes et de faire des insinuations et des sous-entendus est devenu un mode de vie pour les réformistes. Faut-il s'étonner que la cote de popularité des réformistes ait autant baissé?

M. Jim Abbott: Monsieur le Président, si Mme Gauthier a été informée du vol de la serviette après le match de hockey des Maple Leafs à Toronto, comment en a-t-elle été informée? Le solliciteur général a été informé par le directeur du SCRS de la disparition de la serviette. Le solliciteur général n'en a pas informé le CSARS. Le CSARS, c'est l'organisme. Les personnes responsables de cet organisme doivent rendre des comptes aux Canadiens.

Ce sont des personnes connues auxquelles nous pouvons faire confiance. Nous pouvons faire confiance à Ray Speaker. Nous pouvons faire confiance à Bob Ray. Nous pouvons faire confiance à Frank McKenna. Nous pouvons faire confiance aux gens qui ont de longues années de service dans la fonction publique. Ce sont des gens auxquels ont confie un poste de confiance, le mandat de surveiller le SCRS à cause de toutes les choses absurdes qui se passent là-bas.

Le solliciteur général a gardé l'information pour lui. Il a fallu l'article publié dans le Globe and Mail pour que la présidente du CSARS apprenne que la serviette avait disparu.

L'attitude du secrétaire parlementaire du solliciteur général est plutôt déplacée. Si le gouvernement était un gouvernement réformiste et qu'il n'avait rien fait pour lutter contre le crime organisé, il assumerait ses responsabilités. Cependant, le gouvernement est un gouvernement libéral et c'est donc les libéraux qui n'ont rien fait pour lutter contre la criminalité et qui ne font pas ce qu'il faut pour protéger les Canadiens.

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, je trouve plutôt incroyable que lorsque nous parlons aux Canadiens de choses aussi importantes que leur propre sécurité, le secrétaire parlementaire a l'audace de se lever et de dire que le seul fait de soulever la question fait peur aux gens. Il devrait avoir honte de tenir ces propos. Il devrait avoir honte que la Chambre soit obligée de tenir le débat actuel. Si le gouvernement avait eu la situation bien en main, il n'aurait pas été nécessaire de débattre de la question à la Chambre des communes et des mesures auraient été prises pour assurer la protection des gens. Mais ce n'est pas le cas, le gouvernement est très peu vigilant dans ce domaine.

 

. 1555 + -

Ce que je trouve le plus déconcertant, c'est que non seulement le gouvernement est prêt à fermer les yeux sur tout cela et qu'il invective les gens qui lui demandent de prendre des mesures dans ce domaine. Il a même puni ceux qui ont tenté de soulever la question. L'employé qui a eu le courage de soulever la question est cuit à aujourd'hui. Quel genre de signal est-ce que tout cela envoie aux gens qui veulent s'assurer que les Canadiens connaissent bien tous les faits et qu'on s'occupe comme il se doit de l'injustice et de la corruption au pays?

M. Jim Abbott: Monsieur le Président, c'est un signal très négatif. Dans le cas de ce caporal en particulier, il est condamné depuis un certain temps à rester dans un rayon de 100 kilomètres de la ville d'Ottawa et il n'a aucune idée du moment où cette restriction sera levée.

Il est puni pour s'être avancé et avoir honnêtement tenté de porter ces allégations à l'attention de ses supérieurs. Le seul moyen qu'il avait pour le faire était de porter la chose à la connaissance du public. Le gouvernement devrait avoir encore plus honte.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'interviens au nom des gens de Surrey-Centre pour parler de la motion d'opposition du Bloc qui demande au Comité permanent de la justice et des droits de la personne d'étudier la question du crime organisé, d'analyser les avenues qui s'offrent au Parlement pour lutter contre les activités des groupes criminalisés et de faire rapport à la Chambre le plus tard le 31 octobre 2000.

Aujourd'hui, les ministériels sont forcés par l'opposition de discuter du crime organisé. Nous allons voir le peu de mesures qu'ils s'apprêtent à prendre, s'ils en prennent. Les gens de Surrey-Centre ont hâte d'agir au sujet du crime organisé et de ses répercussions sur notre pays, notre région, nos enfants et de nombreux aspects de nos vies.

Le gouvernement libéral, faible, qui n'a aucune vision et aucune volonté politique, conserve un système de justice pénale faible. Il y a de moins en moins de ressources, d'argent et d'efforts consacrés à nos corps policiers. On peut clairement le constater à Surrey. On peut ressentir les répercussions du peu de ressources que la GRC a pour essayer de protéger nos collectivités.

La ministre de l'Immigration a dit au premier ministre d'adopter un nouveau slogan. La devise est «Le Canada est l'endroit où être». Le premier ministre s'en est vanté. Il n'y a aucune volonté politique sur les banquettes libérales pour donner à la Colombie-Britannique et au reste du Canada les services de la GRC dont nous avons besoin. Ainsi, les criminels internationaux savent que le Canada est le meilleur pays du monde où être.

Les libéraux savent déjà que le crime organisé a des répercussions considérables sur notre pays. Il n'est pas nécessaire d'étudier la question. Des immigrants illégaux arrivent à nos aéroports et sur nos côtes. Ils sont amenés ici par les criminels organisés. Les libéraux ne font rien à ce sujet.

Ils ne font rien pour faire échec à la corruption dans nos ambassades, qui sont de véritables passoires lorsqu'il s'agit de filtrer les criminels. À Hong Kong, 2 000 visas ont été volés. Est-ce que ce sont de braves gens qui les volent et les utilisent? Non, c'est le crime organisé. Ce sont les criminels qui ont volé les visas et les ont utilisés pour faire entrer 2 000 criminels au Canada, et les libéraux ne font rien pour contrer cela.

J'ai réagi lorsque mes électeurs m'ont parlé de la corruption aux ambassades de New Delhi et d'Islamabad. Les immigrants légitimes étaient harcelés pendant que les criminels achetaient leur entrée au Canada.

 

. 1600 + -

J'ai obtenu des résultats. Est-ce que j'ai eu de la chance? Non. J'ai fait mon boulot. J'ai manifesté la volonté politique de porter jusqu'au bout ces accusations de crime et de corruption faites par des personnes qui m'ont élu pour les représenter.

Je suis intervenu en leur nom. Je me suis adressé à la GRC. Ces agents ont accepté volontiers de collaborer et ils ont fait de l'excellent travail. Des personnes ont été renvoyées par suite de ma démarche, et nous avons été débarrassés de la corruption, du moins pour un certain temps.

Les libéraux négligent la GRC, la laissant sans ressources humaines et matérielles. Ils en font autant pour nos forces militaires. Ils négligent aussi la protection civile. Ils n'affectent que quatre agents à la surveillance de la frontière entre la Colombie-Britannique et l'État de Washington, près de ma circonscription. Nos services portuaires et nos chantiers navals sont en sous-effectifs.

À peine 5 p. 100 des conteneurs sont inspectés au port de Vancouver. Pourtant, de nombreux conteneurs contiennent des stupéfiants et d'autres produits de contrebande destinés au crime organisé. Les libéraux ne luttent pas sérieusement contre le crime organisé. Autrement, ils enverraient les militaires en mission spéciale de deux jours pour inspecter les autres conteneurs, les 95 p. 100 qui ne l'ont pas été. Mettons-nous au travail.

Nous savons que des demandeurs du statut de réfugié vendent de la drogue dans nos rues. Nous savons qu'ils sont arrêtés, mais la police nous dit qu'ils sont relâchés en moins de quelques heures, ou du moins le lendemain, après avoir reçu ce qui revient à un simple avertissement. Pourquoi le gouvernement ne fait-il rien pour y remédier? C'est navrant!

Des habitants du tiers monde sont embrigadés dans des activités criminelles et envoyés aux États-Unis via le Canada. Que font les libéraux pour y mettre un terme? Rien du tout. Aux États-Unis, la CIA et le FBI sont furieux de ce qui se passe au Canada. Ils sont furieux contre notre premier ministre, qui réalise réduit les budgets, tergiverse et ne veille pas à ce que le Canada fasse sa part dans la lutte contre le crime en Amérique du Nord.

Le gouvernement est au courant des opérations de blanchiment d'argent au Canada. Le crime organisé représente une économie parallèle énorme, de l'ordre de milliards et de milliards de dollars. Le gouvernement libéral, dans sa faiblesse, n'a pris aucune mesure pour lutter contre cela.

La semaine dernière, les journaux ont publié 10 façons de blanchir de l'argent et ce sont celles contre lesquelles les libéraux ont refusé de prendre des mesures.

En tant qu'ex-directeur de caisse populaire, je sais que le gouvernement fédéral ne fait rien pour empêcher ces fraudes par le biais de nos institutions financières. Il existe de nombreux domaines pour lesquels le gouvernement a abandonné la lutte contre le crime organisé. Ils comprennent l'espionnage industriel, le crime d'affaires, les risques en matière de sécurité nationale et d'autres.

Le gouvernement libéral aurait dû présenter des mesures pour protéger les droits des fonctionnaires qui tentent de dévoiler les affaires de corruption au gouvernement. Il y a longtemps que cela aurait dû être fait. Dans d'autres pays, les droits légaux des fonctionnaires qui dénoncent ces actes sont protégés. Ces gens sont même récompensés. Nous devons, au Canada, au moins protéger les fonctionnaires qui fournissent en toute bonne foi des preuves de ces méfaits. Ils ne devraient pas se voir infliger des mesures disciplinaires comme cela a été fait par le gouvernement au cours des deux dernières années.

Il est nécessaire de mettre en place au Canada un mécanisme pour nos fonctionnaires qui décèlent des méfaits, y compris la mauvaise gestion, les informations trompeuses, les dissimulations et d'autres types de criminalité comme celui dont nous parlons aujourd'hui.

Je proposerai bientôt un projet de loi que le gouvernement pourra appuyer pour protéger et récompenser les dénonciateurs. Il s'agira d'établir une procédure et de fournir des récompenses et des incitatifs appropriés pour les dénonciations. Tous connaissent le travail de Brian McAdam, qui a dénoncé la corruption à notre ambassade de Hong Kong.

L'enquête Sidewinder devrait certainement être précieuse et servir l'intérêt supérieur des Canadiens. Mon collègue en a déjà parlé. Depuis trois mois, Fabian Dawson, journaliste canadien qui travaille en Colombie-Britannique, publie des articles sur la corruption dans les missions du gouvernement fédéral à l'étranger.

 

. 1605 + -

Nous félicitons ces Canadiens de leur travail, mais que fait le gouvernement? Que font les libéraux? Pourquoi ne font-ils pas enquête sur les situations décrites par Fabian? Pourquoi ne l'aident-ils pas? Pourquoi ne font-ils rien lorsque les journalistes découvrent des problèmes grâce à de solides enquêtes?

Nous cherchons aujourd'hui des réponses au problème du crime organisé. Que peut faire le Parlement? C'est facile. Les habitants de Surrey et tous les Canadiens savent à quel point c'est facile. Contrairement à ce que la motion à l'étude laisse entendre, nous n'avons pas besoin d'étudier le problème. Nous connaissons déjà les réponses. Le Parlement peut imposer des peines plus sévères. Le Parlement peut offrir aux dénonciateurs une protection et des récompenses, pour qu'ils puissent présenter les preuves de corruption, exposant ainsi les techniques et les modes d'opération des criminels organisés et de gangs comme les triades.

Au lieu de les écouter et de prendre les mesures qui s'imposent, en récompensant ces dénonciateurs, comme Brian McAdam et le caporal Read, ce faible gouvernement libéral essaie de les faire taire et de les museler, tout en les intimidant et en les menaçant. Ce faible gouvernement devrait veiller à ce que les lois déjà adoptées soient appliquées. Il peut le faire en offrant aux autorités chargées d'appliquer la loi les moyens dont elles ont besoin pour accomplir leur travail.

À Surrey, la GRC est toujours à court de personnel, de matériel, de temps et de ressources. Il n'y a aucune raison à cela, sauf que les libéraux privent les services de police des moyens dont ils ont besoin. Notre ville est celle qui croît le plus rapidement au Canada, et le gouvernement la prive d'une protection policière contre le crime organisé. Quelle honte!

Je demande à ce faible gouvernement libéral de se réveiller. Au lieu de rester les bras croisés, sans réagir, il devrait s'attaquer au crime organisé et envoyer un puissant message aux criminels du monde entier, au nom des habitants de Surrey, en Colombie-Britannique, et de tous les autres Canadiens. Il devrait dire à ces criminels que le Canada n'est pas un pays pour eux.

M. John Maloney (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer aujourd'hui au débat sur cette affaire. Il n'y a aucun doute que le débat en lui-même enverra un message aux éléments du crime organisé: leur comportement et leurs activités ne seront pas tolérés pour les raisons qui ont été données et que je vais continuer d'expliciter.

Je partagerai mon temps de parole avec le député de Scarborough-Est.

Je vais tenter d'aborder la question sous un autre angle. J'aimerais parler de certaines activités internationales auxquelles le gouvernement fédéral participe en ce qui a trait au crime organisé.

Comme les députés des deux côtés de la Chambre le savent, la collaboration internationale dans la lutte contre le crime organisé est indispensable. Comme bien d'autres pays, le Canada se trouve confronté à une forte augmentation du mouvement de biens et de personnes au fur et à mesure que notre économie se mondialise. Par ailleurs, le rôle accru des télécommunications et des finances dans les affaires de tous les jours a pour effet de transformer le monde en un village planétaire.

Or, les criminels ne mettent pas de temps à capitaliser sur les possibilités qu'offrent la mondialisation et les progrès technologiques. Des ministres et de hauts fonctionnaires canadiens sont constamment priés d'assister à des réunions ou à des conférences qui donnent lieu à des discussions et à des négociations capitales et où des décisions sont prises quant à la façon de combattre le crime organisé. C'est un dossier fort complexe. Il s'agit toujours d'adopter une approche coordonnée à l'échelle internationale de la résolution de ce problème, tout en assurant le respect des intérêts souverains de chaque État participant.

Mentionnons entre autres la conférence ministérielle des Nations Unies sur le crime organisé transnational qui a eu lieu à Naples en 1994. Cette séance a permis d'obtenir une déclaration politique et un plan d'action global concernant la lutte contre le crime organisé. Le document a servi de cadre à d'autres activités multilatérales dans ce domaine, et je vais vous en décrire quelques-unes.

Lors du sommet d'Halifax en 1995, à l'initiative du gouvernement canadien, les chefs d'État et de gouvernement du G-8 ont créé un groupe d'experts sur le crime organisé transnational qui porte désormais l'appellation de groupe de Lyon. Ce groupe a produit 40 recommandations préconisant une collaboration plus étroite relativement à l'aide juridique, à l'exécution de la loi et à d'autres efforts nécessaires pour s'attaquer au problème. Ce sommet a été suivi en décembre 1997 d'une rencontre des ministres de la Justice et de l'Intérieur du G-8 portant sur la criminalité technologique. Il y a également eu une vidéo conférence des ministres de la Justice et de l'Intérieur du G-8 en décembre 1998 et, plus récemment, une rencontre des ministres du G-8 à Moscou les 19 et 20 octobre derniers, où les discussions ont porté sur la criminalité financière, la criminalité technologique et l'immigration illégale.

 

. 1610 + -

Les liens qu'entretiennent les gouvernements du Canada et des États-Unis et leurs agences dans la lutte contre le crime organisé sont très importants compte tenu des liens économiques et culturels des deux pays. Nous partageons le même espace nord-américain et bon nombre des mêmes intérêts dans la lutte contre la criminalité transfrontalière et transnationale.

En février 1997, à l'initiative du Solliciteur général du Canada et du secrétaire à la justice des États-Unis, il a été convenu que le Canada et les États-Unis formeraient le Forum sur la criminalité transfrontalière Canada-États-Unis. Cet accord a été renforcé par l'engagement du premier ministre et du président Clinton en avril 1997 de former un organisme binational chargé des questions de justice criminelle.

Le groupe canadien comprend des représentants du ministère du Solliciteur général, qui coprésident le forum avec le ministère de la Justice des États-Unis, de la GRC, du Service canadien de renseignement de sécurité, du Service correctionnel du Canada, de Revenu Canada, de l'Agence canadienne des douanes et du revenu, du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, du ministère des Affaires étrangères, du ministère des Finances, ainsi que des gouvernements provinciaux, y compris le Québec, et des forces policières.

Le groupe américain comprend des avocats américains, des représentants du FBI, de la DEA, du U.S. Marshalls Service, du Service d'immigration et de naturalisation, des Douanes américaines, du Bureau des alcools, du tabac et des armes à feu, du Service secret, du Internal Revenue Service, ainsi que des représentants des régions et des États.

La première rencontre en bonne et due forme du Forum sur la criminalité transfrontalière a eu lieu à Ottawa en octobre 1997. Une deuxième réunion a eu lieu à Washington le 21 mai 1998 et la plus récente rencontre s'est déroulée en juin dernier à l'Île-du-Prince-Édouard.

Le forum donne aux fonctionnaires du Canada et des États-Unis l'occasion de discuter régulièrement des problèmes de criminalité transfrontalière et des stratégies visant à améliorer la coopération et la coordination en matière d'opérations et de politique. Le travail des fonctionnaires se poursuit au moyen de sous-comité du forum portant sur le renseignement de sécurité, l'application des lois, les poursuites et l'escroquerie par télémarketing.

On a élaboré des stratégies binationales et une évaluation des menaces, que l'on continue de mettre au point. Les fonctionnaires évaluent également les priorités actuelles et examinent les pratiques et les lois des deux côtés de la frontière pour soutenir la coopération au niveau national de même qu'aux niveaux régional et local dans les localités où la criminalité transfrontalière constitue un sujet de grave préoccupation pour la sécurité publique.

La prochaine réunion du forum doit avoir lieu en mai ou en juin 2000 aux États-Unis.

Toujours à propos des Amériques, le secrétaire d'État chargé des Institutions financières internationales a participé, au nom du solliciteur général, à une conférence de niveau ministériel sur le blanchissement d'argent à Buenos Aires en décembre 1995. Il en est résulté un plan d'action contre le blanchissement d'argent dans les Amériques qui a permis de renforcer l'application des lois et les mesures légales et réglementaires. Le plan d'action représente un jalon important dans les efforts entrepris dans notre hémisphère pour lutter contre le crime organisé.

Je voudrais également signaler les activités du Canada au sein de la Commission interaméricaine de lutte contre l'abus des drogues, ou CICAD, comme on la connaît sous son acronyme espagnol, de l'Organisation des États américains. La commission se préoccupe surtout de lutte contre l'abus et le trafic des stupéfiants dans les Amériques, de même que d'activités connexes comme le blanchissement d'argent.

Le sous-solliciteur général du Canada a été élu à la présidence du groupe de travail multilatéral d'évaluation et de surveillance de la CICAD à la réunion de mai 1998 de la CICAD à Washington. Ce groupe de travail a mis au point un cadre de travail pour évaluer les efforts des États membres dans la lutte contre le trafic des stupéfiants, qui a été complété à une réunion qui s'est tenue du 31 août au 2 septembre de cette année.

[Français]

Le Canada, en tant que pays membre du G-7, est l'un des pays fondateurs du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI). Ce groupe de travail a été mis sur pied lors du Sommet du G-7 tenu à Paris, en 1989, dans le but d'examiner les mesures permettant de lutter contre le blanchiment d'argent et d'élaborer des normes internationales à cet égard.

Le GAFI a publié un rapport renfermant 40 recommandations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. Celles-ci sont maintenant reconnues comme les mesures de référence pour l'action nationale et internationale commune de lutte contre le blanchiment d'argent.

Ces recommandations ont été révisées en 1996 pour refléter l'évolution des tendances et des contre-mesures dans le domaine du blanchiment de capitaux, comme le blanchiment de capitaux par Internet.

Le GAFI compte maintenant 28 pays membres représentant les principaux centres financiers du monde.

Le Canada est également un pays coopérant et solidaire au sein du Groupe d'action financière antillais, le GAFA, qui est un pendant du GAFI.

 

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Les membres de ce groupe se sont engagés à promouvoir et à mettre en oeuvre les 40 recommandations du GAFI.

[Traduction]

J'ai mentionné les Nations Unies plus tôt. Le Canada participe activement à la lutte contre le crime aux Nations Unies et au sein de ses commissions spécialisées, telles que la Commission des stupéfiants et la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale.

Une convention sur la criminalité transnationale organisée fait actuellement l'objet de négociation à la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale des Nations Unies. Les travaux effectués aux fins de cette convention auront une incidence sur les politiques et les programmes canadiens. Le Canada doit être prête à remplir ses obligations et les gouvernements doivent en tenir compte.

En même temps, la convention fournira les instruments nécessaires pour faire observer la loi et pour fournir une aide juridique à d'autres pays à l'échelle internationale. La convention devrait être adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies au seuil du troisième millénaire, en l'an 2000.

Une approche exhaustive et coordonnée afin de mener une lutte nationale contre le crime organisé est essentielle pour que le Canada devienne un partenaire efficace à l'échelle internationale.

Les principaux objectifs des activités internationales du Canada consistent à promouvoir les valeurs et les politiques canadiennes tout en bâtissant un solide réseau permettant la coopération dans la pratique.

Dans cette initiative, il est important que le gouvernement fédéral travaille en partenariat avec les provinces et les territoires ainsi que toutes les collectivités au Canada. Nous devons voir à ce que les dispositions que nous prenons à l'échelle canadienne et sur la scène internationale soient compatibles et s'appuient mutuellement.

M. John McKay (Scarborough—Est, Lib.): Monsieur le Président, la motion stipule:

    Que la Chambre ordonne au Comité permanent de la justice et des droits de la personne d'étudier la question du crime organisé, d'analyser les avenues qui s'offrent au Parlement pour lutter contre les activités des groupes criminalisés et de faire rapport à la Chambre au plus tard le 31 octobre 2000.

Je tiens à dire tout de suite que j'appuie cette motion et que j'ai hâte qu'elle soit renvoyée au comité auquel je siège et que je considère comme très important.

Je félicite le député de Berthier—Montcalm pour son initiative à cet égard. Il convient toujours que le Parlement surveille les initiatives ministérielles et il s'agit dans ce cas-ci d'une initiative précieuse.

Je veux parler de l'aspect paradoxal du débat qui a trait à la primauté du droit. Le Canada se targue d'être soumis à la règle de droit, au grand désespoir parfois de nombreux députés, surtout lorsque la primauté du droit entre en conflit avec la souveraineté du Parlement, par exemple, ou lorsque des interprétations de la Cour suprême du Canada vont à l'encontre de la volonté du Parlement. Heureusement, nous respectons tous la règle de droit et sommes donc capables de résoudre ces différends.

Les gouvernements sont limités par la règle de droit. Les institutions sont limitées par la règle de droit. Les individus sont limités par la règle de droit. Les gens et les institutions ne peuvent tout simplement pas faire ce qui semble satisfaire le plus leurs intérêts, en matière d'activités criminelles comme de droit civil.

Les Canadiens profitent de la règle de droit et ils considèrent cela comme la meilleure protection qui soit pour eux-mêmes et leur famille ainsi que pour leurs biens contre les actes arbitraires des pouvoirs publics, des institutions, de la police et d'autrui.

Le crime organisé, par ailleurs, ne connaît pas pareille limite. Qu'il s'agisse de traite d'êtres humains, de trafic de stupéfiants ou de voitures volées, le crime organisé défie les fondements mêmes de la société canadienne et, partant, constitue une menace sans équivalent pour notre civilisation.

Le paradoxe, c'est qu'en défiant la loi pour s'enrichir, le crime organisé souhaite en même temps investir ses revenus et ses produits dans des sociétés où la loi est le plus strictement appliquée, car elles possèdent un système bancaire sûr, un système d'enregistrement des biens sûr et des recours judiciaires sûrs.

Quel beau paradoxe que celui où les produits de la criminalité, d'où qu'ils viennent d'Amérique du Nord ou d'ailleurs, sont souvent recyclés chez nous à cause de la règle de droit et du caractère sûr de nos diverses institutions.

 

. 1620 + -

J'espère ne pas être naïf. D'aucuns diront peut-être le contraire, mais j'estime que, tel le péché originel, que nombre de députés connaissent fort bien, le crime organisé est là pour rester. Il existe depuis la nuit des temps, et il n'est pas prêt de disparaître.

De ce fait, nous devons faire preuve de réalisme quant aux mesures que nous pouvons prendre à cet égard. J'estime que nous devrions appuyer les efforts déployés par la GRC au Sri Lanka pour lutter contre la traite d'êtres humains et à Akwesasne pour lutter contre d'autres genres de contrebande. La question que l'on doit se poser, c'est celle de savoir si le gouvernement s'y prend de la meilleure façon possible. Quelles initiatives sont les plus sensées?

Pour moi, il est tout à fait sensé de s'attaquer aux profits de ces organisations. Quel est le meilleur moyen de le faire? Je pense que c'est la question qui déterminera l'orientation du comité. Par exemple, les principes énoncés par les ministres de la Justice du pays disent que le fait de réduire les profits du crime organisé constitue une façon efficace de mettre un terme aux activités de ces criminels et que les efforts pour saisir leurs revenus illégaux devraient être poursuivis avec vigueur. Je partage ce point de vue.

Voyons certaines des initiatives que le gouvernement a prises au cours des dernières années. La première a été l'affectation de 115 millions de dollars à la GRC pour lui permettre d'améliorer son Centre d'information de la police canadienne. J'ai eu la chance de visiter cet établissement au cours de la dernière législature et j'ai jugé que c'était une visite très utile. J'encourage les autres députés à en faire autant, car les renseignements détenus dans ces dossiers sont très utiles dans la lutte contre le crime.

La deuxième initiative est l'affectation de 18 millions de dollars à la banque de données. Beaucoup de ces individus n'ont aucun remords quant à la façon de réaliser leurs profits.

Un montant supplémentaire de 78 millions à l'initiative nationale anticontrebande permettra de financer 100 agents de la GRC supplémentaires aux principaux aéroports, pour aider à cibler les criminels organisés qui utilisent ces aéroports comme point d'entrée au Canada.

On peut ajouter à cela 15 millions de dollars versés annuellement pour affecter davantage d'agents de la GRC à Vancouver, Toronto et Montréal et 13,8 millions de dollars pour que la GRC puisse faire face à une augmentation de sa charge de travail. Au sein de la GRC, 13 groupes des produits de la criminalité ont été créés dans tout le pays.

Même si ce sont toutes des initiatives louables, je ne voudrais pas limiter les travaux du comité, en supposant que cette motion soit adoptée. Je vais simplement écouter ce que le gouvernement a à dire. Dans mon esprit, si ces initiatives ne permettent pas de réduire la rentabilité des activités du crime organisé, nous devons probablement nous demander alors s'il s'agit de dépenses judicieuses. Si les mesures prises nuisent à la rentabilité des criminels, alors, selon moi, l'initiative est un succès.

J'ai hâte que cette question soit renvoyée au comité; je songe au dernier renvoi au Comité de la justice d'une initiative concernant la conduite avec facultés affaiblies. Au comité, nous avons consacré beaucoup de temps à l'étude des témoignages. À mesure que nous entendions les témoins, les modèles se précisaient. Nous découvrions peu à peu les lacunes de la loi. Nous avons eu la chance de produire un rapport unanime, mais aussi de produire un projet de loi qui a été retourné à la Chambre et adopté le 1er juillet.

Mes électeurs ont bien accueilli le travail du Comité de la justice ainsi que l'appui que nous avons reçu du ministre de la Justice, du gouvernement et de tous les partis. Je sais que la présente initiative sera étudiée avec autant de soin et j'espère qu'elle donnera lieu à la présentation d'un rapport utile pour le gouvernement, mais aussi pour la Chambre.

 

. 1625 + -

Franchement, j'examinerai avec soin toutes les mesures efficaces. En fait, j'examinerai avec soin même les initiatives inefficaces. Nous vivons dans un monde où les ressources sont limitées. Cela ne va pas changer; nous vivrons toujours dans un monde aux ressources limitées. On accusera toujours le gouvernement de ne pas fournir suffisamment de ressources. Si effectivement on utilise les ressources à mauvais escient ou en pure perte, il appartient au comité de se pencher aussi là-dessus.

Il est peut-être ironique de voir un groupe de criminels invalider la règle de droit, mais j'espère que le travail du comité la rétablira. J'espère qu'en étudiant la question, nous aiderons à restaurer la primauté du droit et à instaurer une société où la sécurité des biens et des personnes sera assurée pour tous.

Le vice-président: Conformément à l'article 38, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir: l'honorable député de Regina—Lumsden—Lake Centre, Les prix de l'essence; l'honorable députée de Vancouver-Est, Le commerce.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir à mon tour de prendre la parole sur la motion du Bloc québécois. Cette motion se lit ainsi:

    Que la Chambre ordonne au Comité permanent de la justice et des droits de la personne d'étudier la question du crime organisé, d'analyser les avenues qui s'offrent au Parlement pour lutter contre les activités des groupes criminalisés et de faire rapport à la Chambre au plus tard le 31 octobre 2000.

Je salue mes collègues qui, tour à tour, ont travaillé sur ces importantes questions, parfois en prenant des risques personnels, comme mon collègue de Berthier—Montcalm qui, avec ma collègue de Saint-Bruno—Saint-Hubert, dirige ce débat, le député de Saint-Hyacinthe—Bagot, et celui d'Hochelaga—Maisonneuve qui, d'une certaine manière, a attaché le grelot—si vous me permettez cette expression—depuis la terrible mort du jeune Daniel Desrochers, dans sa circonscription. La mort de ce jeune a été causée par l'explosion d'une voiture à la suite d'une lutte violente entre groupes criminalisés.

Je suis fière du travail accompli par mes collègues députés. On ne peut pas laisser s'installer dans notre société, au Québec, dans la société canadienne aussi, mais je dirais que plus largement, on ne peut pas accepter que s'installe la violence comme mode de détermination des marchés. C'est un peu ainsi que ça se passe dans le monde criminalisé. On ne peut pas non plus laisser s'installer le crime comme moyen de s'enrichir sans être puni, parce que, alors, toutes les valeurs, à terme, risquent d'être touchées.

À quelques reprises, on a souligné qu'au Québec, qu'on ne se plaît pas à voir comme une société de violence, de 1994 à 1998, 79 meurtres et 89 tentatives de meurtre ont été le fait de ces bandes criminalisées; 129 incendies criminels et 82 attentats à la bombe leur sont aussi attribués.

C'est une situation qui est grave. Nous savons qu'elle n'est pas grave qu'au Québec, mais cela ne nous réjouit pas pour autant. Cependant, ce fléau est aussi extrêmement lié à ce qui se passe au plan international. On doit parler aujourd'hui de mondialisation de l'organisation internationale. C'est plus que l'organisation internationale, c'est plus que des liens entre le Canada, le Québec et les États-Unis, par exemple, avec quelques pointes vers le Mexique. C'est infiniment plus large que cela.

 

. 1630 + -

Nous savons, je le répète, que les lieux où le crime se nourrit deviennent des marchés qu'on se dispute internationalement. On n'a qu'à voir les différentes bandes qui, effectivement, se font compétition avec les moyens et la violence que l'on sait.

Je veux prendre seulement quelques minutes pour souligner que dans d'autres pays, ceux d'Europe par exemple,—et j'ai été sensibilisé à cela—un des crimes auquel on s'attaque en ce moment est celui de l'utilisation, pour des crimes rentables à caractère sexuel, d'un demi million de femmes des pays en développement qui alimentent chaque année le réseau de l'Europe de l'ouest.

Nous savons ici qu'il y a des enlèvements et des disparitions et que des jeunes femmes et des femmes se retrouvent exploitées quelque part. Quand on additionne les chiffres, on trouve que tout cela ressemble à une nouvelle traite des blanches.

Il y a aussi le déplacement des personnes. L'Organisation internationale pour l'immigration estime que ceux qui font le trafic organisé des personnes sont responsables du déplacement d'un million de personnes, à n'importe quel moment, pour un chiffre annuel de sept milliards de dollars.

Arrêter le trafic des êtres humains était le premier objectif du sommet de l'Union européenne qui s'est tenu en Finlande. Il ne s'agissait pas seulement de l'arrêter pour empêcher le déplacement. Les personnes déplacées auxquelles on demande 20 000 $—si elles viennent par exemple de la Chine—, sont sujettes elles aussi à une espèce d'esclavage et de contrôle comportant la menace.

L'Europe a vu plusieurs de ses migrants parvenir illégalement dans l'Ouest du Canada. On en a vu plusieurs arriver par bateau récemment de la même façon inacceptable.

La drogue est un fléau international et c'est un fléau ici. Les chiffres varient, mais dans un document que nous avons produit, on parle d'un volume mondial se situant entre 100 et 500 milliards de dollars par année. Si on fait une comparaison, on dit que la drogue représente 8 p. 100 du commerce mondial, à peu près les mêmes chiffres, soit autour de 400 milliards de dollars, ce qui est l'équivalent du commerce mondial de l'huile et du gaz. Ce n'est pas rien. L'huile et le gaz représentent un commerce mondial extrêmement important. Or, on évalue la drogue à un commerce d'une égale importance.

Les enjeux sont énormes et les profits du crime organisé pourraient être aussi élevés qu'un billion de dollars. Je ne me trompe pas. Je ne dis pas en français «mille millions», qui est «one billion» en anglais, mais je dis «one trillion», qui est à ma connaissance un billion en français.

C'est dire l'extrême importance de ce niveau d'activités interlopes et violentes de richesse et d'apparat. À Moscou, j'ai vu des boutiques d'une richesse extraordinaire. À Moscou, il y a 20 distributeurs de BMW. Or, il ne semble pas y en avoir beaucoup qui sont licenciés. Il y a donc aussi à la grandeur du monde un trafic de voitures volées qui se revendent.

Pourquoi parler de cela après avoir commencé en parlant de la mort du jeune Desrochers? C'est pour souligner que le travail que les collègues de des deux côtés de la Chambre vont avoir à faire en est un extrêmement important. Ils vont très certainement avoir besoin de savoir exactement ce qui se passe dans les accords internationaux, parce qu'on peut dire de plus en plus que cette mondialisation du crime fait en sorte qu'on ne peut pas décider de régler localement ce crime qui ne l'est plus, d'autant plus qu'il y a désormais de nouveaux moyens comme les crimes «high-tech», les cyber attaques et ceux commis par les «hackers».

 

. 1635 + -

Il y a désormais des crimes financiers, des crimes d'introduction dans toutes sortes de réseaux d'exploitation qui peuvent se faire du bout des doigts de brillants hackers qui, du bout du doigt également, peuvent effacer leur crime ou transférer dans un autre pays le résultat de leur crime.

Il y a une rapidité extraordinaire de développement dans ce domaine-là et ce domaine est au service, aussi bien des bandes de motards criminalisés que de n'importe quel autre groupe. Dans ces conditions, le défi pour les autorités est extrême, parce qu'il faut d'abord localiser le crime et ensuite saisir les données pour être en mesure de les prouver. Il y a donc, de ce côté-là, urgence.

Certains pays—on en parle—veulent rendre obligatoire qu'on puisse fournir les clés de cryptage. Ce sont des formules extrêmement longues qui sont supposées empêcher de pénétrer les messages. Elles peuvent servir à protéger les honnêtes gens contre ceux qui voudraient regarder dans leurs affaires, mais elles peuvent servir également à faire en sorte que les malhonnêtes gens puissent empêcher la justice de regarder dans leurs affaires. C'est arrivé au Japon à l'occasion du crime commis par la secte qui a voulu empoisonner les Japonais dans le métro, et le Japon s'est retrouvé avec des preuves à décrypter. Ils ont trouvé cela très long et très ardu, avant de pouvoir—et ils n'ont pas été capables de le faire complètement—juger les criminels.

Je termine en disant qu'au plan social, on ne peut absolument pas laisser ces crimes impunis, parce c'est tout l'équilibre social qui est menacé, d'autant plus que les jeunes qui ont de la difficulté à réussir peuvent être attirés par cette richesse subite.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement le discours de ma collègue et, encore une fois, je vois que la députée de Mercier connaît très bien la problématique du crime organisé et toute son ampleur au Québec et au Canada.

Son discours était très posé et très pertinent au débat d'aujourd'hui. En fait, tous les partis ont dit, à tour de rôle, qu'ils allaient voter avec le Bloc québécois sur cette motion. C'est quelque chose d'extrêmement important et les partis ont vu que c'était un sujet qui méritait notre attention.

J'ai une question à poser à ma collègue, la députée de Mercier. Je sais que c'est une personne qui s'intéresse beaucoup à tout ce qui se passe sur la scène internationale—elle en a sûrement glissé un mot, mais j'ai manqué le début de son discours—et j'aimerais qu'elle nous parle du plan international, si elle ne l'a pas déjà fait dans son exposé.

Je comprends qu'il faut commencer par avoir une bonne législation nationale. Il est évident qu'il faut commencer par faire le ménage dans notre cour, mais ma question à la députée porte un peu plus sur la scène internationale. Une fois qu'on aura fait le ménage dans notre cour, est-ce qu'elle croit qu'il y a des choses qui devraient être faites au niveau international? Est-ce qu'il y a une coopération qui est souhaitable? Est-ce qu'il y a des choses, dans les pays d'Europe—je sais qu'elle fréquente ce milieu et elle en rapporte de bons éléments—qui pourraient nous être utiles? Je sais qu'elle y a accompagné la ministre de la Justice, récemment, pour parler justement du crime organisé au niveau international.

J'aimerais entendre les commentaires de la députée à cet égard, elle qui a une expérience particulière. On a l'avantage de l'avoir comme députée du Bloc québécois, parce que de plus en plus, elle devient une spécialiste extrêmement importante au sein de notre formation, mais également au sein de toute la nation québécoise. J'aimerais l'entendre sur cette question.

 

. 1640 + -

Mme Francine Lalonde: Monsieur le Président, mon collègue me fait rougir.

Effectivement, j'ai eu l'occasion d'accompagner la ministre de la Justice au sommet du G-8; parfois le fait que le gouvernement ait une petite majorité est utile à l'opposition. J'ai déjà pris connaissance du travail qui se fait en commun et le secrétaire d'État a parlé du Groupe de Lyon.

En fait, pour que les pays travaillent en commun, il faut qu'ils s'entendent sur des règles. Il faut qu'ils sachent que le traitement qu'ils préparent pour le crime organisé dans l'éventualité où un criminel va dans un autre pays, que ce traitement soit le même. Il est donc extrêmement important que les pays s'entendent. Ce n'est pas facile pour des pays de s'entendre, parce que chaque parlement tient à être celui qui dirige.

Je suis heureuse que le comité se penche là-dessus et que les parlements, partout, se penchent sur cette question afin que les parlementaires échangent de l'information entre eux. Il est certain que pour échanger des données, pour prendre une décision quand on a localisé un crime produit par les nouveaux moyens électroniques, il faut décider d'avance du partage du produit du crime et qui jugera la personne identifiée comme ayant commis un acte criminel.

Est-ce que les divers pays sont d'accord avec la façon dont le procès sera mené? Il y a aussi le niveau des peines qui seront imposées. C'est devenu nécessaire à cause de l'extrême facilité avec laquelle, pour un certain nombre de crimes, et pour de nombreux crimes en fait, les criminels peuvent passer d'un pays à l'autre.

Je remercie mon collègue pour sa question. Je pense qu'à l'avenir les parlementaires des pays concernés devront se parler. J'espère que ce comité sera le début de ces échanges. J'espère aussi que le comité d'un Québec souverain pourra poursuivre ces efforts avec les membres du comité d'un Canada souverain et avec les autres comités de parlementaires existant ailleurs. Il sera indispensable de s'entendre sur des règles de base pour assurer une justice minimale.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole dans le cadre du débat sur cette motion pouvant faire l'objet d'un vote. Cette motion a été présentée par le Bloc québécois à l'occasion de ces journées d'opposition prévues dans l'entente intervenue entre les leaders parlementaires des différents partis représentés à la Chambre.

Le texte in extenso de la motion se lit ainsi:

    Que la Chambre ordonne au Comité permanent de la justice et des droits de la personne d'étudier la question du crime organisé, d'analyser les avenues qui s'offrent au Parlement pour lutter efficacement contre les activités des groupes criminalisés et de faire rapport à la Chambre au plus tard le 31 octobre 2000.

En mars 1998, Angus Reid réalisait un sondage omnibus dans lequel on retrouvait des questions portant sur le crime organisé. Les résultats obtenus parlent d'eux-mêmes: 91 p. 100 de la population caractérise le crime organisé comme étant un problème et une ou un Canadien sur deux croit que le crime organisé est un problème grave; 21 p. 100 de la population est d'avis que les efforts actuels pour lutter contre le crime organisé sont suffisants, alors que 77 p. 100 de la population favoriserait une augmentation des mesures de lutte contre le crime organisé. Enfin, le même sondage nous apprend que le crime organisé suscite plus d'appréhension au Québec et en Colombie-Britannique qu'ailleurs au Canada.

Si le Bloc québécois a mis de côté comme thématique possible de cette journée un sujet aussi important pour notre avenir collectif que celui de la souveraineté et des mesures d'encadrement antidémocratiques que concoctent le ministre des Affaires intergouvernementales et le premier ministre, c'est que l'heure est grave en ce qui concerne le crime organisé.

En effet, depuis notre arrivée dans cette Chambre, en 1993, plusieurs incidents sont venus assombrir notre existence de citoyennes et citoyens qui cherchent à vivre en paix et en harmonie. Rappelons brièvement quelques-uns des événements les plus marquants.

 

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En 1995, alors que des bandes adverses de motards criminels s'opposaient et se faisaient la guerre à de multiples reprises pour le contrôle d'un territoire, un jeune garçon de 11 ans, Daniel Desrochers, est décédé violemment à la suite de l'explosion d'une bombe dans le quartier Hochelaga—Maisonneuve situé dans l'est de Montréal.

Puis, quelques mois plus tard, une bombe éclatait à Saint-Nicolas, situé en banlieue sud de la ville de Québec, et des vitres volaient en éclat, entre autres, dans la chambre d'un jeune bébé.

En 1997, deux gardiens de prison, Diane Lavigne et Pierre Rondeau, étaient abattus froidement, présumément par un groupe de motards criminels.

Je me réfère à un article de la Presse Canadienne paru dans le journal Le Soleil du 20 mars 1998, dans lequel le ministre de la Sécurité publique de l'époque, Pierre Bélanger, confirmait que les mesures de sécurité et de détention de l'accusé dans cette affaire avaient coûté un million de dollars à l'État québécois. Qui plus est, le procureur en chef, à Montréal, Me André Vincent, affirmait que les hommes de main des Hell's Angels avaient assassiné deux gardiens de prison au hasard, afin de déstabiliser le système judiciaire. Il ajoutait de plus que ces criminels envisageaient d'attaquer par la suite les avocats de la Couronne et les juges.

Enfin, soulignons que dans cette triste histoire, André Tousignant, un des hommes de main des Hell's devait trouver la mort, puisqu'il a été assassiné et que son corps a été retrouvé le 27 février 1998 dans un bois de Bromont.

Ces affreux incidents s'ajoutent aux problèmes auxquels doit faire face, entre autres, la Sûreté du Québec pour lutter contre les plantations dites «forcées» de marijuana sur l'ensemble du territoire des terres agricoles du Québec. À ce sujet, l'Association canadienne des policiers et policières affirmait, dans un communiqué du 8 octobre dernier, que «l'effroyable réalité, c'est que le crime organisé atteint un essor épidémique et que la police se sent frustrée par le manque d'outils et de ressources pour le contrer.»

Les statistiques sont éloquentes quand on essaie de saisir et de comprendre l'ampleur du problème du crime organisé, et ce, quelle qu'en soit la source. Par exemple, la GRC nous apprend qu'entre 1994 et 1998, de façon globale, il y a eu 79 meurtres et 89 tentatives de meurtre reliés à la guerre des motards au Québec. La guerre entre bandes de motards est aussi à l'origine de 129 incendies criminels et de 82 attentats à la bombe.

Si on se rapporte à une étude d'impact du crime organisé commandée par le bureau du solliciteur général et publiée en 1998, la vente illicite de drogues rapporte à ceux qui s'y adonnent au Canada 10 milliards de dollars annuellement. Les évaluations quant à la taille du marché mondial des drogues illicites varient entre 100 et 500 milliards de dollars américains.

Dans le journal Le Devoir du 8 janvier 1999, on pouvait lire qu'au Canada, pour l'année 1998, la contrebande qui concerne toutes les organisations criminelles était surtout liée au tabac, à l'alcool et aux bijoux. Il était même précisé que pour le seul secteur des bijoux, le marché noir canadien est estimé à 400 millions de dollars. Pour l'ensemble des activités de la contrebande, les pertes en taxes pour les gouvernements fédéral et provinciaux étaient estimées à 1,4 milliard de dollars.

Quant aux crimes à caractère économique, ils sont tout aussi importants. Rappelons rapidement le télémarketing frauduleux qui vise plus particulièrement les aînés, la fraude boursière ou l'utilisation frauduleuse des cartes de crédit. Toujours selon la même source, il semblerait que les crimes économiques font perdre au moins 5 milliards de dollars annuellement aux populations du Québec et du Canada.

Face à de tels incidents, qu'a fait le Parlement canadien sur les plans législatif, financier et international?

Voyons d'abord le plan législatif. Le gouvernement a fait adopter quatre lois que nous jugeons utiles de rappeler brièvement.

Premièrement, la Loi sur la protection des témoins. La police est désormais en mesure de protéger plus adéquatement les gens qui collaborent à l'obtention de preuves contre les organisations criminelles.

Deuxièmement, la Loi visant à améliorer la législation pénale. Grâce à cette législation, la police peut plus facilement mener des activités de façade. C'est en vertu de ce principe que la GRC a conduit l'opération «Compote», où 50 personnes, dont un avocat montréalais, ont été mises en accusation.

La troisième loi est la Loi antigang, promulguée en avril 1997, et qui consiste notamment à l'inclusion dans le droit pénal de la définition du mot «gang».

 

. 1650 + -

Ce projet de loi criminalise la participation aux activités d'un gang et alourdit les peines encourues par ceux qui commettent des crimes pour le compte d'un gang. De plus, il autorise la saisie de biens ayant servi aux activités criminelles des gangs.

Il est cependant important de noter que cette loi ne s'attaque pas aux têtes dirigeantes des gangs criminalisés, puisqu'elle suppose que les individus visés commettent eux-même un crime. Or, il est de notoriété publique que dans ce genre d'organisation criminelle, les sales besognes sont souvent effectuées par des subalternes et que c'est aux têtes dirigeantes qu'il faut toucher pour pouvoir démanteler les réseaux criminels.

La quatrième législation est celle qui porte sur la réglementation de certaines drogues et autres substances. Elle confère à la police le pouvoir d'effectuer des opérations de vente et de livraison contrôlée de drogues par des agents d'infiltration.

Malgré toutes ces dispositions législatives, les forces de l'ordre semblent impuissantes à circonscrire définitivement les activités des gangs criminels. Quant aux ressources financières déboursées par les gouvernements du Canada et du Québec dans la lutte contre le crime organisé, il semblerait qu'elles soient nettement insuffisantes. Mais on comprendra à juste titre qu'il nous soit difficile d'obtenir des données précises et ventilées de l'ensemble des dépenses consacrées au sujet qui nous préoccupe aujourd'hui.

Finalement, au plan international, lors d'une conférence tenue à Montréal en 1998, le commissaire adjoint responsable des enquêtes de la GRC, René Charbonneau, a lancé l'idée de mettre sur pied un tribunal pénal international pour juger les narcotrafiquants.

À la lumière de ce bref survol du crime organisé au Canada, on constate que les dispositions, les législations et les fonds dépensés actuellement ne peuvent éradiquer ce problème. Dans cette optique, le Bloc québécois croit qu'il est important de faire le point sur les outils dont nous disposons afin de déterminer s'ils peuvent être, d'une part, améliorés, et d'autre part, complétés par de nouvelles mesures législatives, administratives et financières.

Il semble y avoir un consensus à l'effet qu'il existe une véritable urgence à adopter de nouvelles mesures législatives plus musclées en élaborant une législation plus solide et plus explicite pour contrer et prévenir les activités des bandes criminelles.

Le crime organisé est sans contredit un problème national qui menace la sécurité publique. Il importe que les efforts du Parlement visant à adapter la législation de manière adéquate à la réalité que vivent les policiers soit à la mesure des efforts que ces derniers déploient sur le terrain pour démasquer les groupes criminels organisés.

Le gouvernement fédéral doit démontrer une volonté politique d'agir en ce sens et doit trouver des moyens réels visant à améliorer la collecte de renseignements par les forces policières, à rendre plus lourdes les peines contre les criminels appartenant aux bandes criminelles et à renforcer les lois contre le blanchiment d'argent.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais féliciter l'honorable députée de Rimouski—Mitis pour son discours tellement intéressant et pour son expérience sur le plan international.

Je me souviens qu'il est très souvent plus facile d'obtenir un consensus international sur un projet de réforme criminelle que d'obtenir un consensus entre des gouvernements fédéral et provinciaux.

Je me souviens qu'on avait complété trois traités de convention internationale sur le contrôle du terrorisme international en quelques mois seulement, dépassant les frontières idéologiques et conventionnelles de cette époque.

Est-ce qu'elle a considéré la possibilité de faire des suggestions au ministre des Affaires étrangères sur l'élaboration de conventions internationales plus détaillées sur ce projet?

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le Président, quand je constate comment le ministre des Affaires étrangères a procédé dans l'élaboration du traité pour les mines antipersonnel et qu'il est parti en croisade pour que les pays joignent son action dans ce domaine, je me dis qu'il pourrait reprendre son bâton de pèlerin, faire le même travail dans le domaine du crime organisé et établir le type de traité qui ferait en sorte que cela assouplirait d'une certaine façon la législation.

 

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Cela permettrait aux pays qui ont signé un tel traité de vraiment pouvoir disposer d'un criminel, par exemple, une personne qui fait le trafic des narcotiques, et qu'on n'ait pas à l'extrader parce que notre pays punit ce genre crime et que l'autre pays ne le fait pas.

Il faudrait que l'ensemble des pays signataires de ce traité puissent mutuellement disposer de ces criminels et leur donner les pénalités qui sont prévues par une espèce de tribunal international ou par ce même traité.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, mon commentaire va dans le sens des autres que j'ai faits au cours de la journée. Il faut comprendre que la motion déposée par le Bloc québécois aujourd'hui, et surtout le vote qui se tiendra ce soir et pour lequel on obtiendra l'unanimité de la Chambre des communes qui votera en faveur de cette motion, est le fruit d'un travail de longue haleine.

Au Bloc québécois, on discute et on travaille sur ce dossier depuis longtemps. J'en profite pour remercier les députés de Saint-Bruno—Saint-Hubert, Saint-Hyacinthe—Bagot, Hochelaga—Maisonneuve, Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, Québec et Drummond, sans compter aussi l'appui des députés de Roberval et Rimouski—Mitis qui, au cours des dernières heures, ont négocié avec les autres partis d'opposition pour arriver avec une motion qui fait l'unanimité de la Chambre. Une fois pour toutes, on va étudier la question de façon sérieuse et avec toutes les hypothèses sur la table.

On sait fort bien que les narco-dollars sont un problème extrêmement important. Le Bloc a déjà déposé un projet de loi sur le blanchiment d'argent. Est-ce qu'au cours de cette étude, nous ne devrions pas regarder également la question du blanchiment d'argent et aller dans le sens d'une proposition du Bloc québécois relativement aux billets de 1 000 $ et au dépôt de sommes d'argent importantes? Est-ce que la députée peut répondre à cette question?

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le Président, je vais aller rapidement à la réponse.

En effet, je pense que nous devons étudier cette question. Notre collègue de Charlesbourg a déjà déposé un projet de loi à l'effet de retirer le billet de 1 000 $. Nous sommes probablement le seul des grands pays industrialisés à avoir une devise aussi élevée. C'est plus facile de traîner 10 billets de 1 000 $ dans ses poches que 500 billets de 5 $ ou 200 billets de 10 $, et ainsi de suite. C'est moins épais d'avoir 10 billets de 1 000 $, et c'est plus facile d'aller les blanchir, par exemple, au casino dans une soirée.

[Traduction]

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le Président, j'appuie la motion dont est saisie la Chambre.

Je partagerai mon temps avec le député de Wentworth—Burlington. Le crime organisé est un problème national et international grave qui pose une menace à la sécurité publique. C'est une entreprise de plusieurs milliards de dollars au Canada. Il a un impact négatif sur tous les Canadiens.

Une grande partie des problèmes auxquels les Canadiens sont confrontés chaque jour sont liés au crime organisé, que ce soit un cambriolage lié à la drogue, un carton de cigarettes passé en contrebande, le télémarketing frauduleux ou la prostitution juvénile. Ces problèmes font généralement partie du problème plus vaste qu'est le crime organisé. C'est pourquoi la lutte contre le crime organisé constitue une tâche majeure pour le gouvernement et une importante priorité pour la GRC.

Le gouvernement a fait beaucoup jusqu'ici pour lutter contre ces criminels. Il est fier ce de qu'il a accompli mais nous savons tous qu'il y a encore beaucoup à faire. Le gouvernement a pris plusieurs initiatives pour lutter contre le crime organisé. Le gouvernement reconnaît aussi qu'aucun pays ou gouvernement ne peut, en agissant seul, sortir victorieux de la lutte au crime organisé qui se déroule à l'échelle mondiale. Songeons, par exemple, aux individus qui font passer clandestinement des êtres humains.

 

. 1700 + -

À l'instar de nombreux Canadiens, le gouvernement est préoccupé et frustré par les défis que pose l'arrivée d'immigrants illégaux. Les Canadiens sont fiers de nos traditions humanitaires, ils y sont profondément attachés, mais il est également vrai que nous n'avons aucune tolérance envers ceux qui abusent de notre générosité. De nos jours, dans le cadre d'un trafic et d'une contrebande dirigés par le crime organisé, il existe un vaste commerce international d'êtres humains et d'individus destinés au travail forcé.

Les Nations Unies estiment que les activités de trafic et de contrebande internationales sont devenues une industrie de dix milliards de dollars par année. Les membres du crime organisé exigent jusqu'à 50 000 $ de leurs victimes naïves et mal renseignées, exploitant ainsi leur simple aspiration à une vie meilleure. Nous savons que le débiteur rembourse généralement sa dette au cours d'une existence brève et empreinte de violence, en se livrant à des activités illicites, en étant exploité sexuellement et en faisant du travail forcé.

Il s'agit là d'un concours de circonstances odieux, mais nous devons connaître son origine, et notre colère et notre indignation doivent viser les criminels qui tentent de profiter de la souffrance humaine, et non pas les victimes qui, parce qu'elles sont en quête d'une vie meilleure, acceptent de se soumettre à un tel esclavage.

Comprenons bien ce qui s'est produit avec les immigrants clandestins qui sont arrivés récemment à bord de bateaux en provenance de Chine. Les bateaux ont été identifiés, ils ont été interceptés, arraisonnés et mis en état d'arrestation. Des accusations ont été portées contre neuf membres d'équipage. Leurs passagers ont été détenus. On a retiré au crime organisé l'accès à sa source de profit. On a fait disparaître l'incitation économique. Ceux qui ont demandé le statut de réfugié obtiennent une audience équitable dont le processus a été accéléré et qui est conforme à notre Charte, à nos obligations internationales et à nos grandes traditions humanitaires.

Les membres de la Garde côtière, de la Défense nationale, de la GRC et d'Immigration Canada ont tous réagi de façon admirable étant donné les conditions extrêmement stressantes, mais l'intégrité du système est une chose que nous prenons très au sérieux. Pour exprimer les choses de manière simple, si nous laissons les gens enfreindre les règles, elles n'ont plus de sens.

Le trafic d'êtres humains est un problème international grave. C'est pourquoi nous y avons apporté une réponse internationale importante. Le Canada a joué un rôle primordial dans l'élaboration des protocoles des Nations Unies sur le crime organisé international et sur le trafic d'immigrants.

Nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos partenaires américains afin d'améliorer nos bases de données sur le crime et de trouver et d'interpeller les criminels et terroristes internationaux. Nous suivons la même voie avec les autorités policières de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de l'Union européenne. Il faut préciser que les autres pays sont confrontés à des problèmes similaires et souvent de façon beaucoup plus importante. Rien que ce mois-ci, 10 navires d'immigrants, transportant près de 900 personnes, ont accosté en Australie.

Nous travaillons en collaboration avec la République populaire de Chine. De hauts fonctionnaires de l'immigration ainsi que des membres de la GRC sont récemment revenus de Beijing et de la province de Fujian où ils ont rencontré des représentants du gouvernement chinois, des agents de surveillance et la police locale.

 

. 1705 + -

En septembre dernier, moi et deux collègues de la Chambre sommes allés en Chine. Nous avons eu des pourparlers et des négociations avec de hauts fonctionnaires chinois en vue de trouver des moyens de lutter conjointement contre le trafic d'êtres humains. Cette visite nous a permis d'améliorer nos relations de travail dans les domaines du trafic d'êtres humains et du rapatriement des ressortissants chinois. Le gouvernement chinois a signalé la récente capture de six navires chargés d'immigrants dont au moins quatre étaient, semble-t-il, à destination du Canada.

Ce genre de trafic n'est pas près de disparaître. C'est que les trafiquants se font grassement payer pour assurer le simple franchissement des frontières internationales. Ils assurent ce service de diverses façons, notamment en fournissant de faux documents de voyage et en empruntant les frontières qui sont laissées sans surveillance. Leurs clients sont parfois des migrants économiques, mais il peut s'agir également de réfugiés comme tels qui n'ont rien trouvé de mieux que le recours à ces trafiquants pour fuir les persécutions.

Le trafic d'êtres humains tient de l'esclavage. Le but des trafiquants, c'est de faire de l'argent sur le dos d'esclaves humains en leur proposant un contrat. Une fois qu'elles se sont fortement endettées, les victimes de ce trafic d'êtres humains sont assujetties à un long plan de remboursement qui comprend les travaux forcés, la prostitution et d'autres activités illicites. Ces victimes ont souvent raison de craindre pour leur vie et pour la vie des membres de leur famille qui vivent au loin.

Pour les trafiquants d'êtres humains, le but n'est pas le statut juridique. Il s'agit d'abord d'échapper aux dispositifs de détection qui se trouvent à nos points d'entrée, afin d'entrer au pays sans se faire remarquer et d'obliger leurs passagers à entrer dans la clandestinité pour mieux les tenir dans l'esclavage. Nous sommes contre la contrebande et le trafic d'êtres humains. Mais par-dessus tout, le Canada ne saurait tolérer que notre système soit mis à mal par des groupes de criminels qui se livrent à une exploitation aussi déplorable d'êtres humains.

La ministre de la Citoyenneté et de l'immigration a parcouru le pays pour consulter ses homologues provinciaux, des représentants de divers organismes non gouvernementaux et d'autres citoyens sensibilisés à la question. Elle a entendu toute une gamme de points du vue sur la question en vue de parvenir à proposer une solution à ce problème.

Il n'existe pas de solution facile à ce problème. Voilà pourquoi je suis heureuse d'appuyer la motion dont la Chambre est saisie. J'exhorte tous les députés à en faire autant.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Monsieur le Président, je suis vraiment ravi de participer à ce débat car, pas plus tard qu'hier, je disais que, en dépit de leur plan d'action en faveur de la souveraineté, la contribution des bloquistes aux travaux parlementaires était infiniment intéressante. La motion d'aujourd'hui témoigne de cette participation très positive du Bloc québecois.

Le temps de parole qui m'est imparti n'est pas très long, mais je voudrais néanmoins orienter le débat sur un aspect particulier. Je voudrais attirer l'attention des bloquistes et des parlementaires en général sur le fait que le crime organisé s'est également infiltré dans les milieux caritatifs. Le Comité de la justice devrait s'intéresser à ce problème quand il effectuera son étude comme le veut la motion du Bloc québecois.

Monsieur le Président, le crime organisé s'est infiltré dans le secteur du bénévolat de différentes façons. Je songe notamment à la prolifération des services de télémarketing et de publipostage direct. L'escouade des infractions commerciales de la GRC a récemment signalé avoir découvert qu'il existait, à Montréal, des liens entre ces services et les gangs de motards. Elle a établi qu'il existait des liens entre ces gangs et des organismes de sollicitation de fonds par le truchement d'opérations de télémarketing.

 

. 1710 + -

Il s'agit, monsieur le Président, de personnes qui, au moyen du téléphone, exploitent essentiellement des personnes âgées, aussi bien en anglais qu'en français, je dois dire. Cette activité est typiquement canadienne et tous, tant que nous sommes, risquons, comme nos parents âgés, de donner dans le panneau.

Voilà ce qui se passe, monsieur le Président. Ce qui arrive aussi, encore là à cause du crime organisé, je crois, du crime organisé international, notamment, c'est que des organisations profitent de la diversité ethnique du Canada pour escroquer les gens en leur faisant foncièrement accroire qu'un parent qu'ils n'ont pas vu depuis longtemps est mort en Afrique, en Europe ou dans l'ancienne Yougoslavie ou en Extrême-Orient en leur laissant un héritage.

Beaucoup de gens ont perdu beaucoup d'argent dans des escroqueries de ce genre qui, je le répète, sont souvent liées au crime organisé international, selon des sources à l'escouade des infractions commerciales de la GRC. Les communautés ethniques du Canada sont très vulnérables à cet égard.

Mais, monsieur le Président, l'infiltration probablement la plus importante du crime organisé dans le secteur des oeuvres de charité vient du fait que la loi actuelle veut que le fonctionnement et les finances des organisations sans but lucratif et notamment des oeuvres de bienfaisance ne soient à peu près pas surveillés. Je vous dirai, monsieur le Président, que les oeuvres de bienfaisance sont devenues un véhicule important pour le blanchiment d'argent.

Monsieur le Président, je ne vous énumérerai pas les oeuvres de bienfaisance ou les organisations qui sont impliquées là-dedans parce que, franchement, je ne les connais pas. Je ne suis pas policier. Je ne suis pas chargé de dépister les activités criminelles. En m'appuyant sur mes recherches—et vous savez, monsieur le Président, que j'examine de près le secteur des organismes de charité—, je peux vous affirmer que de nombreux éléments de preuve établissent clairement que des organismes de charité servent de façade pour le financement de conflits interethniques et d'organisations terroristes à l'étranger.

Cela est tout à fait logique puisque les organismes de charité recueillent des fonds. Selon les règles actuelles, un organisme de charité peut accepter plus d'un million de dollars en pièces de monnaie, par exemple lors de bingos ou de loteries, et, dans l'état actuel des choses, aucun moyen ne permet de vérifier la provenance de cet argent. De plus, il n'existe aucun moyen de vérifier si l'argent qu'un organisme de charité canadien transfère à un organisme affilié à l'étranger sert à financer un conflit interethnique ou des activités qui n'ont rien de bienfaisantes.

Monsieur le Président, ce qui est bon pour le terrorisme international est bon pour le crime organisé. J'ajouterai que le gouvernement a exprimé un certain intérêt pour la question, et nous pouvons peut-être espérer voir un jour une mesure législative sur la question, à tout le moins pour mieux réglementer les organismes de bienfaisance qui, je vous le rappelle, constituent une industrie de 90 milliards de dollars qui échappe à toute surveillance rigoureuse.

Je termine là-dessus, monsieur le Président. Je suis heureux d'avoir pu aborder cet aspect de la question à la Chambre des communes pour que le Comité de la justice puisse en tenir compte lorsqu'il se penchera sur la motion du Bloc québécois. Je crois que la motion est une excellente motion. Il faut reconnaître les qualités de nos vis-à-vis. Parfois, monsieur le Président, je vous avoue qu'ils travaillent si bien que j'aimerais qu'ils forment l'opposition officielle, mais que puis-je ajouter, monsieur le Président? Il leur faudrait pour cela changer complètement de programme politique. Merci, monsieur le Président, et je remercie aussi les bloquistes.

[Français]

Le président suppléant (M. McClelland): Comme il est 17 h 15, il est de mon devoir d'interrompre les délibérations et de mettre aux voix sur-le-champ toutes les questions nécessaires pour disposer des travaux des subsides.

 

. 1715 + -

La mise aux voix porte sur l'amendement. Plaît-il à la Chambre d'adopter cet amendement?

Des voix: D'accord.  

Le président suppléant (M. McClelland): Je déclare l'amendement adopté.

La prochaine mise aux voix porte sur la motion principale, telle que modifiée. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Compte tenu de l'importance de cette motion, on aimerait que la Chambre soit appelée à procéder à un vote par appel nominal sur cette motion.

Le président suppléant (M. McClelland): Je dois d'abord poser la question et voir si plus de cinq députés se lèvent.

Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. McClelland): Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. McClelland): Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. McClelland): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. McClelland): Convoquez les députés.

 

. 1745 + -

[Traduction]

(La motion amendée, mise aux voix, est adoptée.)

Vote no 59

POUR

Députés

Abbott Ablonczy Adams Alcock
Anders Assad Assadourian Asselin
Augustine Axworthy Bachand (Richmond – Arthabaska) Bachand (Saint - Jean)
Baker Bakopanos Beaumier Bélair
Bélanger Bellehumeur Bellemare Bennett
Bergeron Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok) Bernier (Tobique – Mactaquac) Bertrand
Bevilacqua Bigras Blondin - Andrew Bonin
Bonwick Boudria Bradshaw Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton – Melville) Brison Bryden Bulte
Cadman Calder Cannis Caplan
Cardin Carroll Casey Casson
Catterall Cauchon Chamberlain Chan
Charbonneau Chatters Chrétien (Frontenac – Mégantic) Clouthier
Coderre Collenette Comuzzi Copps
Cotler Crête Cullen Cummins
Dalphond - Guiral Davies de Savoye Debien
Desjarlais DeVillers Dhaliwal Dion
Discepola Dockrill Doyle Dromisky
Drouin Dubé (Lévis - et - Chutes - de - la - Chaudière) Duceppe Dumas
Duncan Earle Easter Eggleton
Elley Epp Finlay Folco
Fontana Forseth Fry Gagliano
Gagnon Gallaway Gauthier Gilmour
Girard - Bujold Godfrey Godin (Châteauguay) Goldring
Goodale Gouk Gray (Windsor West) Grewal
Grey (Edmonton North) Grose Gruending Guarnieri
Guay Guimond Harb Hardy
Hart Harvey Herron Hill (Macleod)
Hill (Prince George – Peace River) Hoeppner Hubbard Ianno
Iftody Jackson Jaffer Jennings
Johnston Jones Jordan Karetak - Lindell
Karygiannis Keddy (South Shore) Kenney (Calgary Southeast) Keyes
Kilger (Stormont – Dundas – Charlottenburgh) Kilgour (Edmonton Southeast) Knutson Konrad
Kraft Sloan Lalonde Lastewka Lavigne
Lebel Lee Leung Lill
Limoges Lincoln Longfield Loubier
Lowther MacAulay MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) Mahoney
Malhi Maloney Mancini Manley
Manning Marchand Marleau Martin (LaSalle – Émard)
Martin (Winnipeg Centre) Matthews Mayfield McCormick
McDonough McGuire McKay (Scarborough East) McLellan (Edmonton West)
McNally McTeague McWhinney Ménard
Mercier Meredith Mifflin Milliken
Mills (Broadview – Greenwood) Minna Mitchell Morrison
Muise Murray Myers Nault
Normand Nunziata Nystrom O'Brien (Labrador)
O'Brien (London – Fanshawe) O'Reilly Pagtakhan Paradis
Parrish Patry Penson Peric
Perron Peterson Phinney Picard (Drummond)
Pickard (Chatham – Kent Essex) Pillitteri Plamondon Pratt
Proctor Proud Proulx Redman
Reed Reynolds Richardson Riis
Robillard Robinson Rocheleau Rock
Saada Sauvageau Schmidt Scott (Fredericton)
Scott (Skeena) Sekora Serré Sgro
Shepherd Solberg Solomon Speller
St. Denis St - Hilaire St - Jacques St - Julien
Steckle Stewart (Brant) Stewart (Northumberland) Stinson
Stoffer Strahl Szabo Telegdi
Thibeault Thompson (New Brunswick Southwest) Torsney Tremblay (Lac - Saint - Jean)
Tremblay (Rimouski – Mitis) Turp Ur Valeri
Vautour Vellacott Venne Wappel
Wasylycia - Leis Whelan White (Langley – Abbotsford) White (North Vancouver)
Wilfert Williams – 254


CONTRE

Députés

AUCUN


«PAIRÉS»

Députés

Alarie Brien Brown Caccia
Canuel Desrochers Duhamel Harvard
Laurin Marceau Pettigrew Vanclief


 

Le Président: Je déclare la motion adoptée.

*  *  *

LOI SUR LES SUBVENTIONS AUX MUNICIPALITÉS

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 25 novembre 1999, de la motion: Que le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur les subventions aux municipalités, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Le Président: Conformément à l'ordre du jeudi 25 novembre 1999, la Chambre passe maintenant au vote différé sur la motion à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-10.

[Français]

M. Bob Kilger: Monsieur le Président, vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour que les députés qui ont voté sur la motion précédente soient enregistrés comme ayant voté sur la motion dont la Chambre est actuellement saisie, les députés libéraux ayant voté oui.

 

. 1750 + -

[Traduction]

Le Président: Est-ce d'accord pour que nous procédions ainsi?

Des voix: D'accord.

M. Chuck Strahl: Monsieur le Président, les députés du Parti réformiste présents votent contre cette motion, à moins que leurs électeurs ne les en avisent autrement.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Monsieur le Président, les députés du Bloc québécois sont en faveur de cette motion.

[Traduction]

M. John Solomon: Monsieur le Président, les membres du NPD présents ce soir votent en faveur de cette motion.

[Français]

M. André Harvey: Monsieur le Président, les députés progressistes-conservateurs votent oui sur cette motion.

[Traduction]

M. John Nunziata: Monsieur le Président, les bons électeurs de York Sud—Weston veulent que je vote en faveur de cette motion.

M. Jake E. Hoeppner: Monsieur le Président, les électeurs de Portage—Lisgar votent oui.

[Français]

(La motion, mise aux voix, est adoptée par le vote suivant:)

Vote no 60

POUR

Députés

Adams Alcock Assad Assadourian
Asselin Augustine Axworthy Bachand (Richmond – Arthabaska)
Bachand (Saint - Jean) Baker Bakopanos Beaumier
Bélair Bélanger Bellehumeur Bellemare
Bennett Bergeron Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok) Bernier (Tobique – Mactaquac)
Bertrand Bevilacqua Bigras Blondin - Andrew
Bonin Bonwick Boudria Bradshaw
Brison Bryden Bulte Calder
Cannis Caplan Cardin Carroll
Casey Catterall Cauchon Chamberlain
Chan Charbonneau Chrétien (Frontenac – Mégantic) Clouthier
Coderre Collenette Comuzzi Copps
Cotler Crête Cullen Dalphond - Guiral
Davies de Savoye Debien Desjarlais
DeVillers Dhaliwal Dion Discepola
Dockrill Doyle Dromisky Drouin
Dubé (Lévis - et - Chutes - de - la - Chaudière) Duceppe Dumas Earle
Easter Eggleton Finlay Folco
Fontana Fry Gagliano Gagnon
Gallaway Gauthier Girard - Bujold Godfrey
Godin (Châteauguay) Goodale Gray (Windsor West) Grose
Gruending Guarnieri Guay Guimond
Harb Hardy Harvey Herron
Hoeppner Hubbard Ianno Iftody
Jackson Jennings Jones Jordan
Karetak - Lindell Karygiannis Keddy (South Shore) Keyes
Kilger (Stormont – Dundas – Charlottenburgh) Kilgour (Edmonton Southeast) Knutson Kraft Sloan
Lalonde Lastewka Lavigne Lebel
Lee Leung Lill Limoges
Lincoln Longfield Loubier MacAulay
MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) Mahoney Malhi Maloney
Mancini Manley Marchand Marleau
Martin (LaSalle – Émard) Martin (Winnipeg Centre) Matthews McCormick
McDonough McGuire McKay (Scarborough East) McLellan (Edmonton West)
McTeague McWhinney Ménard Mercier
Mifflin Milliken Mills (Broadview – Greenwood) Minna
Mitchell Muise Murray Myers
Nault Normand Nunziata Nystrom
O'Brien (Labrador) O'Brien (London – Fanshawe) O'Reilly Pagtakhan
Paradis Parrish Patry Peric
Perron Peterson Phinney Picard (Drummond)
Pickard (Chatham – Kent Essex) Pillitteri Plamondon Pratt
Proctor Proud Proulx Redman
Reed Richardson Riis Robillard
Robinson Rocheleau Rock Saada
Sauvageau Scott (Fredericton) Sekora Serré
Sgro Shepherd Solomon Speller
St. Denis St - Hilaire St - Jacques St - Julien
Steckle Stewart (Brant) Stewart (Northumberland) Stoffer
Szabo Telegdi Thibeault Thompson (New Brunswick Southwest)
Torsney Tremblay (Lac - Saint - Jean) Tremblay (Rimouski – Mitis) Turp
Ur Valeri Vautour Venne
Wappel Wasylycia - Leis Whelan Wilfert – 212


CONTRE

Députés

Abbott Ablonczy Anders Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton – Melville) Cadman Casson Chatters
Cummins Duncan Elley Epp
Forseth Gilmour Goldring Gouk
Grewal Grey (Edmonton North) Hart Hill (Macleod)
Hill (Prince George – Peace River) Jaffer Johnston Kenney (Calgary Southeast)
Konrad Lowther Manning Mayfield
McNally Meredith Morrison Penson
Reynolds Schmidt Scott (Skeena) Solberg
Stinson Strahl Vellacott White (Langley – Abbotsford)
White (North Vancouver) Williams – 42


«PAIRÉS»

Députés

Alarie Brien Brown Caccia
Canuel Desrochers Duhamel Harvard
Laurin Marceau Pettigrew Vanclief


 

Le Président: Je déclare la motion adoptée. En conséquence, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales.

(Le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)

[Traduction]

Le Président: Comme il est 17 h 50, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.



INITIATIVES PARLEMENTAIRES

 

. 1755 + -

[Traduction]

LOI SUR LE RECONNAISSANCE DES CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ

 

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.) propose: Que le projet de loi C-224, Loi établissant d'ici le début du vingt et unième siècle une exposition au Musée canadien des civilisations pour reconnaître les crimes contre l'humanité, tel que l'expression est définie par les Nations Unies, qui ont été perpétrés au cours du vingtième siècle, soit lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

—Monsieur le Président, comme vous le savez, le projet de loi C-224 a été présenté initialement le 15 février 1999 en tant que projet de loi C-479. Le chiffre a été changé en raison de la prorogation du Parlement et du début d'une nouvelle session. Dans ce projet de loi, il est demandé au gouvernement d'établir une exposition au Musée canadien des civilisations pour reconnaître les crimes perpétrés contre l'humanité au cours du XXe siècle. Au total, quelque 90 millions de personnes sont mortes au cours de ce siècle dans ces circonstances.

Il existe de nombreuses définition des crimes contre l'humanité. D'aucuns appellent cela génocide. D'autres, holocauste. D'autres encore, atrocités. J'ai choisi la définition des Nations Unies pour que personne ne la conteste, parce que nous l'avons ratifiée.

Je n'ai pas utilisé le mot génocide parce que notre gouvernement, à l'instar d'une foule d'autres, reconnaît que plus de 90 millions de personnes sont mortes dans des génocides. Par exemple, 35 millions de Chinois ont été victimes d'un génocide. J'ai utilisé le terme crime contre l'humanité parce qu'il comprend tout.

Ensuite, je n'ai pas demandé la construction d'un musée uniquement consacré aux génocides ou aux crimes contre l'humanité simplement parce que, en tant que simple député, je ne puis demander au gouvernement de dépenser de l'argent. J'espère que l'on tiendra compte de ces deux raisons au cours de la discussion.

Je voudrais signaler la présence à la tribune d'un représentant du gouvernement turc travaillant à l'ambassade de Turquie à Ottawa et du chargé d'affaires publiques de la République d'Arménie. J'ai réussi à amener ces deux nations à la Tribune pour écouter le débat. Je crois qu'il y a également des Canadiens de diverses origines qui se préoccupent beaucoup de cette question.

Lorsque j'ai déposé mon projet de loi à la Chambre, le 15 février, j'ai dit:

    Qu'il avait pour but de prévoir la mise sur pied, au début du XXIe siècle, d'une exposition qui se tiendrait au Musée canadien des civilisations et qui reconnaîtrait tous les crimes contre l'humanité perpétrés au cours du XXe siècle.

    Des Canadiens de diverses origines ont été affectés par des crimes contre l'humanité depuis le début du siècle. Les souffrances d'un groupe ne sont pas moins importantes que celles d'un autre groupe.

    En déposant ce projet de loi, j'espère faire prendre conscience aux Canadiens du fait que la création d'un musée qui ne reconnaîtrait qu'un seul groupe de victimes réduirait considérablement l'importance des millions d'autres vies qui ont été perdues ou ruinées par suite de crimes contre l'humanité.

    Comme le gouvernement pourrait-il reconnaître les souffrances d'un groupe de victimes et oublier les souffrances d'autres groupes?

Ce serait une insulte pour les 90 millions d'autres personnes qui sont mortes depuis le début du siècle.

Un comité sénatorial a tenu des audiences qui ont donné lieu, en mai 1998, à la publication d'un rapport intitulé Gardiens de notre histoire. La recommandation 12 de ce rapport invitait à établir un musée portant sur l'holocauste et/ou d'autres cas de génocide. Mon projet de loi vise à donner suite au rapport que le Sénat nous a donné.

Nous nous rappellerons également que le premier ministre s'est rendu à Auschwitz au début de l'année. J'espérais qu'il en profite pour y annoncer que nous allions créer dans notre pays un musée portant sur tous les génocides. Je regrette que cela ne se soit pas fait. Espérons que le débat aujourd'hui aboutira à l'établissement d'un musée sur tous les génocides.

Je suis allé en Pologne avec la délégation parlementaire pour la réunion de l'OTAN. J'ai eu l'occasion de visiter Majdanek, dont le camp de concentration fut la scène d'atrocités incroyables. Les victimes de ces atrocités appartenaient à 54 nationalités. Elles ont toutes été victimes de crimes contre l'humanité.

Lorsque j'ai présenté mon projet de loi en février dernier, j'ai reçu, en l'espace de deux heures, l'appui de plus de 100 députés. Ils voulaient que la Chambre soit saisie du projet de loi pour en discuter. Je profite de l'occasion pour les remercier de leur appui. Il m'a été très précieux. Tout au long des mois au cours desquels j'ai travaillé à l'élaboration de mon projet de loi, j'ai reçu un appui énorme de divers groupes culturels, dont je lirai bientôt la liste.

 

. 1800 + -

Nous avons eu également l'occasion d'envoyer environ 85 000 pièces de documentation: des cartes postales, des lettres, des pétitions et du courrier ordinaire. Monsieur le Président, je voudrais vous en présenter quelques unes. Je demanderais donc le consentement unanime de la Chambre pour déposer ces deux pages.

Le président suppléant (M. McClelland): Le député de Brampton-Centre demande le consentement unanime de la Chambre pour déposer des documents se rapportant à sa mesure d'initiative parlementaire. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

M. Sarkis Assadourian: Monsieur le Président, en faisant mes observations plus tôt, j'ai mentionné que je bénéficiais d'un appui solide de la part de nombreux Canadiens. Il y a 23 organisations qui m'ont donné leur appui. Aux fins du compte rendu, voici la liste de ces organisations: Association for Learning and Preserving of the History of WWII in Asia; Belarusan Canadian Coordinating Committee; Buddhist Community of Greater Toronto; Fédération Canado-Arabe; Canadian Islamic Congress; Canadian Ukrainian Immigrant Aid Society; Council of Muslim Communities of Canada; Cypriot Federation of Canada; Federation of Associations of Canadians Tamils; Federation of Canadian Turkish Associations; Hellenic Canadian Congress; Hellenic Committee for Human Rights and National Issues; Latvian National Federation in Canada; National Association of Canadians of Origin in India; National Federation of Pakistani Canadians; Palestine Heritage Canada; Pan African Movement of Canada; Serbian National Shield Society of Canada; Slovenian National Federation; Toronto Kurdish Community and Information Centre; Ukrainian Canadian Civil Liberties Association; Congrès des Ukrainiens-Canadiens; Ukrainian National Association of Canada; Ukrainian Women's Association of Canada.

Il y a deux semaines, j'ai eu l'honneur de recevoir l'appui de l'Armenian General Benevolent Union, dirigée par M. Danny Boyajan, ce qui porte le total à 23.

Voici quelques lignes tirées d'une lettre reçue de la Federation of Canadian Turkish Associations:

    La Fédération prie le gouvernement canadien de songer à établir un site d'exposition ou un musée polyvalent sur le génocide où l'on retrouverait les réalités de toutes les collectivités ethnoculturelles.

La lettre dit ensuite:

    Il faudrait que ce processus soit déterminé par la population et qu'on rende des comptes à son égard.

Je suis entièrement d'accord.

Il y a aussi une lettre générale d'appui venant d'un groupe de Canadiens qui se nomme les Canadiens pour le Musée du génocide. Ce groupe dit que ses 24 associations membres représentent un vaste groupe multiculturel et qu'il appuie de tout coeur l'adoption du projet de loi C-224, Loi établissant d'ici le début du vingt et unième siècle une exposition au Musée canadien des civilisations pour reconnaître les crimes contre l'humanité. Comme les députés peuvent le constater, l'appui à l'égard de ce projet de loi est énorme.

Le week-end dernier, j'ai eu l'occasion d'assister à une cérémonie commémorative à l'église ukrainienne. C'était le 66e anniversaire du génocide par la famine de la population ukrainienne, survenu en 1933. J'ai été ému de voir de jeunes Canadiens allumer des chandelles pour chacune des nationalités que j'ai mentionnées plus tôt, qui ont subi tant d'atrocités.

Le 18 novembre, j'ai posé à la Chambre une question qui s'adressait à la ministre du Patrimoine canadien. Elle m'a répondu en disant:

    Monsieur le Président, je veux d'abord remercier le député de Brampton—Centre, qui a fait un travail incroyable afin de mobiliser 22 organismes de toutes les régions du pays pour travailler à cet important projet.

    J'espère que tous les députés seront présents à la Chambre pour exprimer leur appui au projet de loi d'initiative parlementaire C-224, qui sera débattu le 30 novembre.

Je remercie la ministre de son appui. J'aimerais me réserver quelques minutes à la fin du débat pour présenter mon commentaire final.

 

. 1805 + -

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir de commenter le projet de loi C-224, Loi sur la reconnaissance des crimes contre l'humanité, parrainé par le député de Brampton-Centre. Il est regrettable que ce projet de loi ne fasse pas l'objet d'un vote. Il est à souhaiter que le gouvernement prendra sérieusement note de ce débat et donnera suite aux opinions exprimées par mes collègues et moi.

Aux termes du projet de loi C-224, le Parlement donnerait au Musée canadien des civilisations l'ordre d'établir une exposition qui reconnaisse les crimes contre l'humanité perpétrés au cours du XXe siècle. L'exposition doit être installée au Musée canadien des civilisations, et le conseil d'administration a deux ans, à compter de la date de l'ordre du gouvernement, pour établir l'exposition «crimes contre l'humanité», suivant la définition de cette expression donnée par les Nations Unies. Cette définition est très large et englobe des actes particuliers commis dans le cadre d'une attaque générale ou systémique dirigée contre une population civile, quelle qu'elle soit.

En retenant la définition que l'ONU donne des crimes contre l'humanité plutôt que celle qu'elle donne du génocide, le député élargit les catégories des actes qui peuvent être illustrées par le Musée canadien des civilisations. Le génocide est un crime contre l'humanité, mais tous les crimes contre l'humanité ne sont pas des génocides. Le génocide est un acte commis avec l'intention de détruire en totalité ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux.

Si le cas notoire des viols commis à Nankin, en Chine, par les Japonais avant le début de la Seconde Guerre mondiale peut être considéré comme un crime contre l'humanité, il ne s'agit aucunement d'un génocide. Le crime de Nankin suscite l'horreur chez les Canadiens qui ont des liens familiaux avec la Chine, tout comme la famine provoquée par les Russes en Ukraine, en 1932-1933, suscite l'horreur chez les Canadiens qui ont des liens avec l'Ukraine. Si, par l'effet du projet de loi du député, le viol de Nankin était commémoré au Canada, cela revêtirait une grande signification pour bien des gens.

J'appuie le projet de loi du député et plus particulièrement sa proposition voulant que le Parlement donne des orientations sur la façon dont les musées financés par les autorités fédérales utilisent les fonds publics qui leur sont accordés par la Chambre. Ils devraient se conformer aux voeux de la Chambre. Il arrive que des bureaucrates oublient que les fonds publics dont ils doivent rendre compte leur sont confiés en fiducie pour être utilisés dans l'intérêt du public. Cette relation fiduciaire est établie par les crédits votés à la Chambre.

Dans le passé, les députés et sénateurs ont dû intervenir relativement à l'administration du Musée canadien de la guerre et à une regrettable proposition visant à y aménager une section sur l'holocauste. De nombreux députés et observateurs ont dit qu'il serait préférable d'aborder ce sombre aspect de l'humanité ailleurs que dans le Musée canadien de la guerre. Ils étaient de cet avis parce qu'il reste encore énormément d'artefacts et d'objets d'art militaire canadiens à exposer convenablement dans le Musée de la guerre.

Ces gens ont aussi reconnu que, même s'il y a vraiment eu un holocauste reconnu, sur le plan historique, celui-ci s'inscrit historiquement dans un tableau beaucoup plus vaste de tentatives de génocides et de crimes connexes perpétrés contre l'humanité. Le côté sombre de l'humanité devrait faire l'objet d'une exposition distincte non associée à la valeureuse histoire militaire du Canada. Personnellement, j'ai présenté la motion M-18, qui préconise la création au Canada d'un musée des génocides survenus à l'échelle mondiale, un musée distinct et autonome.

Le projet de loi présenté par le député Brampton-Centre est un pas dans la bonne direction. Si le projet de loi du député est énonciatif et qu'il ne va pas jusqu'à exiger la création d'un musée distinct des crimes contre l'humanité, c'est notamment parce que son auteur ne peut, en tant que député du parti ministériel, présenter un projet de loi obligeant le gouvernement à engager des dépenses. En résumé, il ne peut présenter de projet de loi de finances.

La race humaine a été témoin de génocides au cours de son histoire. Le génocide n'est pas uniquement le sous-produit horrible issu de certaines guerres. En fait, de nombreux génocides ne sont absolument pas liés à des guerres. Le génocide traduit toujours une défaillance de l'humanité, le côté sombre d'une civilisation prise d'un accès de folie meurtrière.

Pour les groupes qui ont été décimés à la suite de génocides, il est important que le monde entier se souvienne des atrocités particulières qui ont été commises afin d'en tirer une leçon et de comprendre ce qui s'est passé. Les groupes victimes de génocides veulent seulement qu'on se souvienne d'eux également. On ne peut établir de distinctions fondées sur l'ampleur ou l'importance des génocides survenus dans l'histoire de l'humanité. Tous les génocides relèvent de l'horreur.

À mon avis, le Canada devrait officialiser le souvenir des génocides en construisant un musée consacré à tous ceux qui ont été commis dans le monde entier. Il s'agirait d'un musée situé dans la capitale du Canada et qui illustrerait la folie et le caractère inhumain de la décimation de tant de peuples. Un tel musée enverrait un message puissant aux dirigeants du monde en visite chez nous. Il ferait comprendre à tous les Canadiens que leur devoir consiste à promouvoir une paix mondiale qui respecte toutes les personnes.

 

. 1810 + -

On s'entend généralement pour dire que notre histoire a été témoin d'un holocauste au cours de la Seconde Guerre mondiale et de nombreuses tentatives de génocide. L'holocauste est la seule tentative de génocide reconnue comme telle. D'autres cas n'ont pas reçu ce triste honneur, mais il ne faudrait pas les oublier pour autant.

À mon avis, un génocide devrait être considéré davantage comme un échec de la civilisation que comme une conséquence de la guerre. Qu'il s'agisse de la famine en Ukraine, des champs de la mort au Cambodge, de l'holocauste, ce côté sinistre de l'humanité est à distinguer de la commémoration des honorables faits militaires. J'espère qu'on envisagera de prendre en compte le côté sinistre de l'humanité qui a traversé l'histoire en établissant une exposition permanente d'envergure internationale sur les crimes génocidaires.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi présenté par le député de Brampton-Centre me permet aujourd'hui d'engager une réflexion sur un sujet d'une extrême gravité. Je parle bien sûr des génocides et des crimes contre l'humanité dont il ne faut jamais oublier et encore moins nier l'existence.

Comme on le sait, au cours des dernières années, les députés du Bloc québécois ont soutenu toutes les mesures visant à souligner et à commémorer les événements tragiques de l'humanité où l'inhumanité de l'être humain s'est exprimé violemment. Nous nous sommes élevés entre autres contre les tentatives de certaines personnes qui voulaient bâillonner la mémoire historique.

Rappelons que dans cette Chambre, en 1996 plus exactement, le gouvernement libéral a édulcoré le libellé d'une motion portant sur le génocide arménien et a fait disparaître le mot «génocide» pour le remplacer par les mots «événements tragiques».

De plus, la même année, le ministre de la Coopération internationale exerça des pressions auprès du maire de Montréal afin que celui-ci abandonne son projet d'ériger un monument à la mémoire des victimes du génocide arménien. Encore là, le ministre préférait qu'on substitue au mot «génocide» les mots «événements tragiques».

J'étais alors intervenue dans cette Chambre pour rappeler à mes collègues que la dilution des mots, dans un tel contexte, revenait à confirmer que l'étape ultime d'un génocide est de tenter, après coup, d'en nier l'existence même ou, à tout le moins, d'en minimiser l'importance. C'est ce qu'on appelle la mémoire sélective.

Pour le Bloc québécois, les génocides et tous les crimes contre l'humanité qui s'y apparentent ne doivent pas être passés sous silence. L'humanité doit en tirer des leçons. De plus, les mots qui décrivent ces actes de barbarie ne doivent pas servir de prétexte à banaliser des gestes inqualifiables.

N'oublions pas que la conscience historique et la mémoire collective sont des clefs qui gardent vivant le souvenir du passé de l'humanité.

Le projet de loi C-224 que nous débattons présentement a un titre qui définit assez clairement son contenu puisqu'il s'intitule, Loi établissant d'ici le début du vingt et unième siècle une exposition au Musée canadien des civilisations pour reconnaître les crimes contre l'humanité, tel que l'expression est définie par les Nations Unies, qui ont été perpétrés au cours de vingtième siècle.

Mes collègues du Bloc québécois et moi-même n'allons pas nous objecter à des initiatives qui ont pour but de rappeler les erreurs du passé afin qu'elles ne se reproduisent plus jamais.

Ayant oeuvré dans l'enseignement, il est évident que je considère qu'au niveau des apprentissages, il est essentiel que nos jeunes aient une connaissance accrue de toutes ces erreurs tragiques et de tous ces génocides.

Nous considérons donc avec intérêt la diffusion d'informations portant sur les génocides et les crimes contre l'humanité dans le cadre d'une exposition au Musée canadien des civilisations.

 

. 1815 + -

Ce pourrait être un outil pédagogique intéressant à l'intention des jeunes et aussi des moins jeunes.

Mais il y a aussi l'enseignement de l'histoire qui importe, car ce ne sont pas tous les Québécois et les Canadiens qui ont la chance et l'occasion de fréquenter les musées.

Pour que les générations futures se rappellent ces tragédies humaines, il faudrait possiblement les inscrire dans le curriculum de nos cours d'histoire. Ce serait là également une bonne façon d'assurer la pérennité de ces événements dans notre mémoire collective.

Nous voyons donc le débat sur le projet de loi du député de Brampton-Centre comme une occasion unique de rappeler les préoccupations grandissantes des Québécois et des Canadiens à l'égard des grands crimes commis contre l'humanité.

Toutefois, il n'est pas question pour nous, du Bloc québécois, d'imposer des thèmes ou des sujets d'exposition aux institutions muséales. Ce n'est pas aux politiciens et aux politiciennes de cette Chambre de décider de ces questions.

Nous sommes là aujourd'hui pour soulever une préoccupation chère aux populations que nous représentons et exprimer un voeu et un appui à une éventuelle exposition. C'est dans cet esprit que nous considérons que le projet de loi C-224 part d'une bonne intention et que nous en appuyons le principe, mais en laissant au Musée canadien des civilisations toute la latitude nécessaire pour en décider.

À titre de parlementaires, notre responsabilité dépasse le fait d'appuyer l'idée d'une exposition sur les génocides et les crimes contre l'humanité. Par exemple, nous savons que le Canada a servi et sert toujours de terre de refuge à de trop nombreux responsables de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité.

Le Bloc québécois a d'ailleurs soutenu des mesures afin de modifier le Code criminel canadien permettant la révocation et l'expulsion de criminels de guerre. Nous attendons toujours une autre modification au Code criminel qui permettrait de les juger ici.

Voilà une mesure concrète que le gouvernement et les parlementaires devront un jour adopter s'ils sont sérieux dans leur mission de tirer les leçons du passé.

Le XXe siècle a malheureusement été témoin de nombreux génocides et crimes perpétrés contre l'humanité. Ceux que nous connaissons le plus, celui contre le peuple arménien, celui de l'Holocauste et, plus récemment, les atrocités commises au Cambodge, au Rwanda, au Burundi, au Timor oriental, en Bosnie ou au Kosovo, pour ne nommer que ceux-là, nous interpellent encore très récemment.

Pour que les peuples se rappellent, pour que la faculté collective de se souvenir reste vivante, pour que la réconciliation entre les peuples soit possible, il faut que la société commémore, bien sûr, ses épopées glorieuses, mais aussi ses moments les plus sombres.

C'est dans la reconnaissance du droit à l'existence des peuples que la justice et la liberté prennent leur sens. La justice, n'est-ce pas la liberté en action?

[Traduction]

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de prendre la parole au sujet du projet de loi C-224, qui demande l'établissement d'une exposition sur les génocides au Musée canadien des civilisations.

Je tiens tout d'abord à remercier le député de Brampton-Centre d'avoir saisi la Chambre de cette importante mesure. Je remercie également les Canadiens qui ont exprimé de façon judicieuse leur opinion, en faisant parvenir aux députés des cartes et surtout des lettres. Bon nombre d'entre nous avons reçu de telles lettres d'organisations nationales. Il est évident que la question a fait beaucoup réfléchir un grand nombre de Canadiens.

 

. 1820 + -

Les néo-démocrates sont unanimes à reconnaître que la société doit rendre hommage à toutes les victimes de crimes contre l'humanité, quels que soient le lieu et l'époque auxquels ces crimes ont été perpétrés. Nous savons devoir redoubler d'efforts pour éduquer nos enfants, nous souvenir des victimes de génocide et encourager toutes les organisations nationales oeuvrant dans ce domaine à remplir cette importante mission.

Je m'enorgueillis de faire partie d'un mouvement politique qui s'est systématiquement porté à la défense des droits de l'homme, que ce soit sur la scène nationale ou internationale, et même lorsqu'une telle prise de position n'avait pas particulièrement la faveur populaire. La Fédération du commonwealth coopératif, le parti précurseur du Nouveau parti démocratique, avait dénoncé les politiques d'immigration racistes préconisées par d'anciens gouvernements canadiens, par exemple les droits d'admission prélevés par immigrant chinois et la détention des Canadiens d'origine japonaise lors de le Seconde Guerre mondiale.

En 1970, le NPD a été le seul parti à la Chambre des communes à dénoncer la suspension des droits de l'homme décidée par le gouvernement en vertu de la Loi sur les mesures d'urgence. Les néo-démocrates ont constamment préconisé le respect des droits de l'homme comme principe de base de la politique étrangère du Canada. Dans l'ensemble, mais il y a eu des exceptions dont je ne veux pas parler à présent, le Canada est aujourd'hui perçu, par la plupart des pays et des peuples du monde, comme un pays qui prend fait et cause pour les droits de l'homme et qui privilégie la paix.

Nombreux sont ceux qui associent le terme génocide avec des endroits éloignés du Canada. Cependant, notre histoire a aussi connu des moments sombres, des moments que beaucoup de gens essaient d'oublier, des moments où nos ancêtres ont commis des violations massives des droits de la personne—que je qualifierais de crimes contre l'humanité—je pense en particulier au honteux commerce des esclaves qui a eu lieu à Halifax il y a deux cents ans ou encore aux actes barbares des puissances coloniales contre les peuples autochtones d'un océan à l'autre.

Nous ne devrions pas oublier le massacre des Béothuks à Terre-Neuve ou encore la réinstallation des Inuit, la destruction du potlach ou la politique des pensionnats. Tout cela était une forme de génocide.

Cela fait partie de notre histoire, nous devons le reconnaître et nos institutions nationales qui se consacrent à rendre hommage aux victimes de guerre contre l'humanité devraient enseigner cette partie de notre histoire aux Canadiens.

Il est malheureusement facile d'établir la liste de toutes les personnes qui ont été victimes d'un génocide. Notre siècle a été l'un des plus barbares de l'histoire. Tandis que notre civilisation faisait des progrès technologiques et scientifiques, des individus, des groupes et des sociétés entières tiraient parti de ces progrès pour mettre au point des moyens plus efficaces de tuer leurs voisins. L'holocauste, la famine en Ukraine sont seulement deux exemples de la façon dont les méthodes modernes visant à améliorer notre niveau de vie ont été mises à profit pour massacrer en masse des hommes, des enfants et des femmes.

Je crois que le Canada aurait intérêt à avoir une institution nationale qui reconnaisse ces faits. Je crois que nous devons apprendre à la future génération comment de telles plaies se produisent. Nous devons apprendre aux Canadiens à confronter leur passé en tant que Canadiens et en tant que citoyens du monde. Nous avons besoin d'un endroit où pleurer les millions de personnes qui sont mortes. Nous avons besoin d'un endroit où apprendre les leçons de notre histoire de sorte que l'histoire ne puisse se répéter.

Le projet de loi C-224 est-il le meilleur moyen de reconnaître la gravité du sujet? Je voudrais soulever deux questions à ce propos. D'abord, le Parlement devrait-il dicter à un musée national le contenu d'une exposition? Cette question a déjà été soulevée ce soir à la Chambre. Une exposition à l'actuel Musée des civilisations est-elle la tribune nationale qui convient le mieux pour ce sujet?

À la première question, je dois répondre par un non catégorique. Les politiciens ne devraient pas se mêler de dire directement à des directeurs, et spécialement à des curateurs de musée, comment exercer leurs activités. Les politiciens sont chargés de fournir un cadre d'expression appropriée de notre patrimoine. C'est ainsi que nous avons adopté la Loi sur les musées, qui établit nos musées nationaux et notre Musée des beaux-arts, qui leur offre des structures indépendantes du gouvernement et qui énonce leurs objectifs. Ces établissements font rapport au Parlement de la réalisation de leurs objectifs et des fonds publics qu'ils ont dépensés.

Voilà notre tradition. C'est ainsi que cela devrait fonctionner. Mais si le Parlement dit aux responsables d'un musée: «Au-delà de vos responsabilités actuelles, vous devez présenter l'exposition suivante, qui doit répondre à des objectifs précis en matière de contenu et respecter l'échéancier suivant», ce que sous-entend l'article 2 du projet de loi C-224, cela m'ennuie énormément. Si ce projet de loi est adopté, on brisera la tradition voulant qu'un organisme patrimonial national soit sans lien de dépendance, et cela ne me plaît guère. Je ne veux pas que des politiciens dire à des organismes culturels ce qu'est l'art ou l'histoire. Ce serait dangereux.

 

. 1825 + -

Je trouve à redire au projet de loi actuelle, compte tenu du libellé de l'article 2, qui rompt les relations indépendantes entre le Parlement et le Musée canadien des civilisations.

Une exposition au Musée des civilisations la tribune qui convient le mieux? Je propose une solution de rechange. Pourquoi ne pas demander au gouvernement de créer un musée sur le génocide, en vertu de l'organisation actuelle de la Loi sur les musées?

La proposition de créer un établissement distinct permettrait de tenir un débat sérieux, ce qui s'imposerait, je le sais, pour que le Canada se dote du meilleur établissement de ce genre dans le monde. Il existe de nombreuses opinions sur la forme que devrait revêtir un musée consacré aux victimes de génocide. Je sais qu'il y a eu des discussions entre divers intervenants, dont les groupes qui proposent un établissement visant à rappeler le souvenir de l'holocauste et d'autres crimes contre l'humanité dans un cadre approprié.

Je souhaite bonne chance à tous les parties intéressées étant donné que je sais que nul groupe n'aborde ce débat dans une perspective d'exclusion. Un musée autonome aurait pour objet, comme le précise le projet de loi C-224, de reconnaître les victimes des crimes contre l'humanité. Un établissement distinct présenterait un caractère de permanence que n'offrirait pas nécessairement une exposition au Musée des civilisations.

Un établissement distinct offrirait un emplacement spécial non seulement à ceux qui veulent apprendre mais également à ceux qui veulent se souvenir et se recueillir.

J'évoque cette possibilité avec optimisme en partie en raison du travail accompli par le député de Brampton-Centre. Bon nombre des groupes qui se sont prononcés en faveur de l'exposition prévue dans le projet de loi se sont aussi montrés favorables à un établissement distinct. Lorsque le député de Brampton-Centre a posé une question à ce sujet à la ministre du Patrimoine canadien le 18 novembre dernier, celle-ci a encouragé tous les députés à appuyer cette initiative.

À mon avis, c'est là un signal clair que le gouvernement est favorable à une proposition concernant la création d'un établissement autonome. En bout de piste, le succès d'une exposition, d'une galerie ou d'un établissement distinct serait fonction d'un financement adéquat de la part du gouvernement.

Une proposition venant du gouvernement donnerait l'assurance que la question des ressources a été réglée. À mon avis, un tel établissement ne coûterait pas une fortune. Je rappelle aux députés que le coût total de l'ensemble des musées et galeries du Canada est inférieur à 4 $ par personne. Je crois en toute franchise que c'est une aubaine.

Il convient de signaler qu'il y a plus de Canadiens qui visitent des musées qu'il y en a qui assistent à des activités de sports professionnels chaque année. Le Musée des civilisations et son musée affilié, le Musée de la guerre, ont accueilli un million et demi de visiteurs l'an dernier seulement. Bien que tous ces établissements coûtent de l'argent, ils sont fréquentés et appréciés par les Canadiens.

En terminant, je regrette de ne pas être en mesure d'appuyer le projet de loi C-224 en raison de la façon dont il porte atteinte à l'indépendance qui devrait caractériser selon moi les liens entre le Parlement et nos établissements ou organismes culturels. Toutefois, je suis également fière de m'associer aux autres personnes qui prient instamment le gouvernement de créer un musée en mesure de s'occuper de cette importante question.

M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de prendre la parole à la Chambre pour parler des mérites du projet de loi C-224, Loi établissant d'ici le début du vingt et unième siècle une exposition au Musée canadien des civilisations pour reconnaître les crimes contre l'humanité, tel que l'expression est définie par les Nations Unies, qui ont été perpétrés au cours du vingtième siècle.

Je félicite mon collègue de Brampton-Centre d'avoir le courage de présenter une mesure législative aussi importante. Je parle de courage, car déterminer si certains massacres qui sont qualifiés de crimes contre l'humanité étaient en quelque sorte justifiés en tant qu'actes de guerre suscite de nombreuses controverses.

Je suppose que tous les députés ont reçu de nombreux courriers en réponse au projet de loi d'initiative parlementaire du député de Brampton-Centre.

Je peux dire, en toute honnêteté, que j'ai reçu un certain nombre de lettres et de cartes postales de Canadiens montrant leur opinion bien arrêtée face à la perspective de l'établissement au Canada d'un musée du génocide de portée internationale.

Je remercie chacun des Canadiens qui a pris le temps de me faire part de ses expériences personnelles. La lecture de leurs expériences terribles m'a aidé à mieux comprendre et à mieux apprécier le merveilleux pays dans lequel nous vivons.

Les Canadiens qui ont la chance d'être nés dans un pays tel que le Canada ont tort de tenir notre liberté pour acquise.

 

. 1830 + -

Tous nos héros qui ont participé à la Première et à la Seconde Guerre mondiale, à la Guerre de Corée ou à celle des Boers, ainsi que les nombreux casques bleus qui nous ont dignement représentés dans tous les points chauds du globe auraient sûrement une opinion bien différente de ce que représente la vie dans une société libre et démocratique.

Dans un monde parfait, tous les gens seraient égaux et libres de vivre et de travailler où ils le veulent et de pratiquer la religion de leur choix sans crainte de représailles. Malheureusement, l'histoire nous a prouvé que ce n'est pas du tout le cas.

L'histoire est ponctuée d'actes de cruauté commis contre l'humanité. Des crimes contre l'humanité ont été rapportés depuis le début des temps. C'est à cause de tout ce passé de trahison que je remets en question la pertinence de tenir une exposition sur les crimes contre l'humanité restreinte au XXe siècle.

Il y a un grand nombre d'exemples de génocides ou de crimes contre l'humanité qui ont eu des répercussions directes sur l'évolution de la société canadienne. Nous rendrions un bien mauvais service à nos jeunes Canadiens en passant certains de ces crimes sous silence, en restreignant notre exposition aux événements du XXe siècle. Nos jeunes devraient être exposés aux diverses interprétations de l'histoire pour les aider à élargir leur optique et à comprendre les événements qui ont façonné le tissu social de notre pays.

[Français]

La plupart des Canadiens sont au courant de l'expulsion des Acadiens qui a eu lieu en 1755. Ce fut une grande tragédie dans l'histoire du Canada. Au cours de cette expulsion, la plupart des Acadiens furent envoyés par bateau aux États-Unis. La plus grande partie de ces Acadiens se sont retrouvés en Louisiane.

Des milliers d'Acadiens ont perdu leur vie lors de cette tragédie. Les survivants, eux, ont cherché sans succès à retrouver leurs familles perdues. De nombreux Acadiens ont réussi à fuir au Nouveau-Brunswick et au Québec, évitant le sort de leurs confrères.

Il a fallu plusieurs siècles avant que les Acadiens se remettent de cette tragédie. Il y en a qui pensent qu'on en souffre encore.

Certains historiens ne sont pas d'accord au sujet de cette expulsion. On se demande si ce fut une guerre contre les Acadiens ou une purification ethnique. Je crois que cela dépend du point de vue de l'historien en question. Néanmoins, nous ne pouvons pas ignorer le fait que cette tragédie ait eu lieu, ni les graves conséquences résultant des actions prises par la Grande-Bretagne.

[Traduction]

Une meilleure compréhension de ce qui est arrivé aux Acadiens peut aider les Canadiens à comprendre la dynamique intéressante qui a aidé à façonner nos diverses collectivités. Le fait de survivre à ces crimes contre l'humanité a créé un lien spécial entre nous. Il nous a donné une raison de nous unir et de renforcer notre patrimoine culturel unique. Le fait de comprendre la tragédie de la déportation de 1755 peut nous aider à mieux comprendre les souffrances humaines reliées à des exemples plus récents de crimes contre l'humanité.

Le 5 octobre 1998, la communauté arménienne a érigé à Montréal un monument commémoratif à la mémoire de toutes les victimes de génocides au cours du XXe siècle. C'est une réalisation très importante étant donné les graves persécutions dont la communauté arménienne a été victime. En reconnaissant non seulement sa propre tragédie, mais également les nombreux génocides commis dans le monde, la communauté arménienne a aidé à centrer notre attention sur cette tragédie en cours. En un sens, cet acte de compassion peut aider au processus de guérison.

Le député de Brampton-Centre propose une grande exposition sur les génocides au Musée canadien des civilisations. Ce pourrait être un outil très utile pour aider les Canadiens à en apprendre davantage sur les terribles actes de terreur perpétrés contre des concitoyens. Il se peut que des expositions comme celle-là aident le monde à bien saisir l'importance de ces atrocités.

Je ne pourrais jamais assez souligner le fait qu'une telle exposition doit être exhaustive. Lorsqu'un désaccord menace de tourner à la controverse, il est important que les parties en conflit puissent présenter leurs points de vue différents sur les événements entourant une accusation de génocide.

Les crimes contre l'humanité ne sont pas un phénomène nouveau. Les exemples de génocide remontent à avant la naissance de Jésus-Christ. Il est triste de constater que l'histoire fourmille de cas de génocides. Des crimes contre l'humanité ont été commis pour des motifs religieux, raciaux et politiques, pourtant le seul commun dénominateur continue d'être l'extermination de millions d'hommes, de femmes et d'enfants innocents.

 

. 1835 + -

J'ai mentionné les Arméniens tout à l'heure parce qu'ils ont été victimes de persécution au début du XXe siècle, quand des millions d'entre eux ont été massacrés, dit-on, au cours de la Première Guerre mondiale. Bien que certains prétendent qu'ils furent victimes de guerre et non de génocide, il est généralement reconnu par de nombreux historiens que des millions d'Arméniens ont bel et bien été victimes de génocide. Même jusqu'à présent, le peuple arménien continue d'être la cible du gouvernement répressif de Saddam Hussein.

Les Ukrainiens sont un autre peuple qui a souffert d'une terrible persécution, particulièrement au début des années 30. Josef Staline a créé une famine générée par l'État qui a fait mourir de faim des millions d'Ukrainiens. Ces gens sont morts inutilement alors qu'il y avait des aliments disponibles pour les sauver. Ils ont également été victimes de la politique d'épuration ethnique d'Hitler, que la plupart des gens associent surtout aux Juifs.

La plupart des gens ont sans doute déjà entendu parler de l'holocauste et des tristement célèbres camps de la mort dans lesquels plus de 6 millions de Juifs ont péri au cours de la Seconde Guerre mondiale. Ces Juifs étaient envoyés de partout en Europe pour être tués systématiquement dans ces camps de la mort. L'histoire reste peut-être muette sur le sort des Tsiganes et des Ukrainiens au cours de cet assaut contre l'humanité.

On a dit que le monde était épouvanté par cette attaque sans précédent contre l'humanité. On disait à l'époque qu'une telle horreur ne pourrait plus jamais se produire. Nous savons tous que, par malheur, l'histoire se répète. Il y a eu de nombreux génocides depuis la Deuxième Guerre mondiale et, malheureusement, il y en a encore.

Par exemple, au Cambodge, de 1975 à 1979, entre 2 millions et 4 millions d'habitants ont été tués par les Khmers rouges, seulement parce qu'ils dénonçaient le régime en place. Plus récemment, en 1994, nous avons été les témoins apathiques du massacre de centaines de milliers de Tutsis par les Hutus du Rwanda. Un nettoyage ethnique a été perpétré en Bosnie-Herzégovine au cours des guerres qui déchirent l'ex-Yougoslavie. Aujourd'hui encore, on signale des crimes contre l'humanité au Soudan.

Je suis debout ici à parler d'atrocités comme s'il s'agissait de cartes de pointage, alors qu'il est vraiment question de mort et de la destruction de millions d'êtres humains qui sont nos semblables. N'est-il pas révoltant de voir comment l'être humain persécute ses semblables? Il est peut-être plus facile de parler des atrocités quand on n'en a pas été soi-même témoin. Je crains que nous n'ayons été désensibilisés par les reportages qu'on nous présente constamment sur les atrocités.

Si c'est le cas, comme je le crains, je pense qu'il est d'autant plus important d'appuyer le député de Brampton-Centre, ainsi que les millions de victimes de crimes contre l'humanité. Établissons cette exposition au Musée canadien des civilisations. Peut-être qu'en voyant par nous-mêmes toute cette horreur, nous appuierons plus fermement les efforts déployés pour mettre fin aux atrocités qui se commettent partout dans le monde.

Le président suppléant (M. McClelland): Puis-je savoir combien de députés ont l'intention de prendre la parole sur cette motion? Je sais qu'il y en a au moins deux, soit les députés de Lac-Saint-Louis et de Vancouver Kingsway. Le parrain du projet de loi dispose de cinq minutes. Il reste environ 15 minutes de sorte que si la députée de Vancouver Kingsway voudrait bien ne pas dépasser sept minutes environ, nous pourrions offrir la même possibilité au député de Lac-Saint-Louis tout en permettant la tenue de la déclaration de clôture.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de Brampton Centre d'avoir présenté le projet de loi C-224, qui porte sur la reconnaissance des crimes contre l'humanité.

Nous savons tous que chaque meurtre perpétré porte atteinte à la dignité humaine. Les atrocités commises contre l'humanité ont une longue et triste histoire. Je vais parler de quelques cas inhumains.

Les horreurs dont se sont rendus coupables les Romains de l'antiquité au cours du sac de Carthage constituent l'un des premiers exemples d'atrocités. Dans les années 30, Staline a lancé ses programmes de collectivisation en Ukraine, qui se sont traduits par une famine ayant entraîné la mort d'un nombre incalculable d'Ukrainiens, une atrocité que ce peuple a encore de la difficulté à oublier.

 

. 1840 + -

Les historiens estiment qu'entre 1931 et 1945 les soldats japonais ont massacré 35 millions de Chinois au cours de l'invasion de la Chine par le Japon.

En 1975 s'est amorcée pour le peuple cambodgien une ère terrible quand les Khmers rouges ont pris le pouvoir. Ce régime n'a laissé qu'un bain de sang. Au cours des quatre années qui ont suivi, on estime que 1,5 à 2 millions de Cambodgiens ont été tués ou sont morts par suite de la réorganisation ordonnée par les Khmers rouges.

En 1994, l'attention s'est lentement tournée vers le Rwanda d'où provenaient des nouvelles relatives à la perpétration d'un massacre. Ces atrocités ont provoqué la destruction de villages et de familles, faisant des milliers de réfugiés luttant pour leur survie. Selon des données recueillies par le ministère des Affaires intérieures du Rwanda à partir d'un sondage préliminaire auprès des groupes vulnérables, ceux-ci comptaient 145 881 veuves, 49 299 sans-abri, 39 727 orphelins et 4 619 personnes handicapées physiquement et mentalement.

Pas plus tard que la semaine dernière, on entendait parler de la découverte, au Timor oriental, de charniers dans lesquels seraient entassés des prêtres, des femmes et des enfants tués à coups de couteau et enterrés dans le but de dissimuler les preuves.

Nous devons prévenir ces crimes insensés contre l'humanité en racontant leur histoire à nos enfants pour qu'ils tirent des enseignements de nos erreurs.

Je voudrais féliciter le député de Brampton Centre. J'appuie sans réserve le projet de loi C-224, Loi sur la reconnaissance des crimes contre l'humanité. J'invite les députés à le faire aussi.

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à remercier mon collègue d'avoir ainsi parlé de la commémoration des crimes contre l'humanité perpétrés au cours du vingtième siècle.

Il y a bien des façons de commémorer de telles violations de la sécurité et des droits de la personne; une exposition dans un musée en est une. Il en existe certainement d'autres.

[Français]

Nous sommes sur le point de nous engager dans le XXIe siècle. Voilà le moment venu de prendre un répit et de nous interroger sur le siècle qui vient de s'écouler. Comme l'a bien exprimé l'honorable député qui a présenté ce projet de loi, le XXe siècle suffit à lui seul à témoigner, par de trop nombreux exemples, de l'inhumanité des hommes les uns envers les autres.

Je crois que nous devons tirer des leçons de ce passé. Le Canada est pour tout le monde un modèle. Tous ici peuvent trouver la paix, l'ordre et un bon gouvernement, et les gens coexistent en harmonie grâce à une compréhension, un partage des différentes cultures et un respect de ces différences.

[Traduction]

Notre pays est peuplé de personnes d'origines diverses et nous avons appris à respecter nos cultures, religions, races et origines ethniques. Nous sommes donc plus sensibles à la douleur des Canadiens qui ont pu, à un moment donné, être victimes des atrocités de la guerre, de sectarisme et d'oppression.

 

. 1845 + -

Notre histoire révèle que nous avons, nous aussi, commis des erreurs. Les Canadiens aimeraient bien qu'elles ne se soient jamais produites. On voudrait pouvoir réécrire l'histoire, mais malheureusement, on ne le peut pas. On doit cependant apprendre de nos erreurs passées et on le peut.

Pour ce faire, si nous voulons qu'un jour l'humanité puisse vivre dans la paix et le respect de chacun, nous ne devons pas oublier la cruauté, la tyrannie, les massacres, l'incarcération, l'humiliation et la barbarie que l'homme a parfois infligés à l'homme.

[Français]

Nous devons tous être conscients de la portée des crimes atroces contre l'humanité qui ont été perpétrés au cours de l'histoire. Nous saurons mieux tirer des leçons du passé en nous rappelant les crimes contre l'humanité qui sont encore frais à notre mémoire et dont le XXe siècle a été le triste témoin.

La voix du Canada est une voix pour la paix. Le Canada a été le premier à proposer le recours à des forces de maintien de la paix et, aujourd'hui, nous maintenons la paix dans de nombreux pays du monde.

À l'aube du XXIe siècle, le Canada est très bien placé pour montrer la voie vers un monde plus sûr et plus paisible. Dans le dernier discours du Trône, le gouvernement a promis d'accorder une plus grande importance à la sécurité humaine dans sa politique étrangère et de contribuer à faire progresser les conseils internationaux eu égard au programme global de la sécurité humaine.

On saisit mieux l'importance de cette promesse si l'on connaît les injustices qui ont menacé la sécurité humaine au cours de ce siècle et qu'on tire les leçons de cette expérience.

[Traduction]

Nous sommes fermement convaincus que, sur la scène mondiale, les Canadiens peuvent exercer une influence. La meilleure façon de nous protéger des crimes contre l'humanité est de veiller à ce que tous les pays et leurs peuples aient un profond respect pour la Déclaration universelle des droits de l'homme et la comprennent.

Les droits de la personne sont essentiels à une vie riche et remplie. Récemment, le 50e anniversaire de l'adoption de cette déclaration par l'assemblée générale de l'ONU a donné aux Canadiens une très belle occasion de réfléchir à la façon dont les droits de la personne contribuent à notre qualité de vie, au Canada.

[Français]

Les organismes canadiens et internationaux continuent de chercher des solutions aux problèmes durables de violation des droits de la personne et aux problèmes que l'on vient à peine de reconnaître comme relevant des droits de la personne.

La création d'un Tribunal criminel international n'est qu'une seule mesure parmi d'autres dans les efforts actuels du Canada et de la collectivité internationale pour régler ces problèmes.

[Traduction]

Au fil des ans, le Canada a mis en place un cadre législatif et une politique qui définissent les droits et les responsabilités de ses citoyens. Le gouvernement fédéral et l'ensemble des provinces et des territoires ont des lois exécutoires sur les droits de la personne pour lutter contre la discrimination dans des domaines comme l'emploi, le logement et la prestation de biens et de services.

Cependant, les lois seules ne sauraient garantir dans les faits les droits civils et politiques dans notre pays. Il faut aussi une infrastructure composée de bonnes politiques et de solides programmes propices au partenariat avec la société civile—et inspirés par elle—, par l'entremise des ONG, du secteur privé et de nos institutions.

En terminant, je tiens à souligner à quel point il est important de tirer des enseignements du drame qu'ont été les crimes contre l'humanité au cours du XXe siècle et de comprendre les leçons du passé. En veillant à ce que ces leçons soient bien comprises, nous pourrons édifier une société meilleure pour les générations à venir de Canadiens. C'est pourquoi je tiens à remercier mon collègue de l'occasion qu'ils nous a donnée de débattre cette question à la Chambre aujourd'hui.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Monsieur le Président, au cours de la dernière législature, la Chambre a adopté à l'unanimité une résolution visant à reconnaître la semaine du 20 au 27 avril de chaque année comme la semaine commémorant l'inhumanité de l'être humain envers son prochain. Cette motion a été adoptée à l'occasion du 81e anniversaire du génocide arménien.

Dans cet esprit de collaboration, je voudrais proposer la motion suivante à la Chambre. Je demande le consentement unanime de la Chambre pour que le projet de loi C-224, sur la reconnaissance des crimes contre l'humanité, puisse faire l'objet d'un vote.

 

. 1850 + -

Le président suppléant (M. McClelland): Le député de Brampton-Centre demande le consentement unanime de la Chambre pour que cette motion fasse l'objet d'un vote. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

M. Sarkis Assadourian: Je le regrette, monsieur le Président. Je demande le consentement unanime de la Chambre pour ordonner au sous-comité des affaires émanant des députés du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre de voir si le projet de loi C-224, sur la reconnaissance des crimes contre l'humanité, ne pourrait pas faire l'objet d'un vote et pour faire que le projet de loi garde sa place dans l'ordre de priorité jusqu'à ce que le comité ait fait rapport sur ce projet de loi.

Le président suppléant (M. McClelland): Y a-t-il consentement unanime de la Chambre?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

M. Sarkis Assadourian: Monsieur le Président, je vais essayer une approche différente. Je demande le consentement unanime de la Chambre pour que l'objet du projet de loi C-224, Loi sur la reconnaissance des crimes contre l'humanité, soit renvoyé au Comité permanent du patrimoine canadien pour qu'il l'étudie et présente un rapport au plus tard le 14 avril 2000.

Le président suppléant (M. McClelland): La Chambre donne-t-elle son consentement unanime?

Des voix: D'accord.

M. Derek Lee: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je suppose que, en donnant son consentement unanime, la Chambre reconnaît que le temps prévu pour débattre cette mesure est terminé ou sera bientôt terminé et que l'article sera rayé du Feuilleton conformément au paragraphe 96(1) du Règlement. La Chambre aurait alors décidé unanimement de renvoyer l'objet du projet de loi au comité de la façon exprimée par le député.

Le président suppléant (M. McClelland): Je vais avoir besoin d'éclaircissements. Si je comprends bien, nous renvoyons l'objet du projet de loi au comité. Permettez-moi de consulter à ce sujet.

Nous renvoyons seulement l'objet du projet de loi au comité et non le projet de loi lui-même. Le projet de loi expirera à la fin de l'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires. L'objet sera renvoyé au comité. Est-ce clair pour tout le monde?

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. McClelland): Y a-t-il consentement unanime pour que l'objet du projet de loi soit renvoyé au comité, comprenant bien que le projet de loi C-224 expirera aujourd'hui?

Des voix: D'accord.

M. Clifford Lincoln: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Comme je préside le comité en question, je veux être certain de bien comprendre ce dont il s'agit ici.

Le comité a beaucoup de pain sur la planche jusqu'à bien après le congé des Fêtes. Je veux savoir l'importance que revêt cette question. Est-ce seulement une question de principe que nous étudierons seulement quand nous en aurons le temps? Car cela pourrait bien prendre des mois avant que nous puissions l'aborder.

Le président suppléant (M. McClelland): Ce serait au comité de décider. Le sujet serait renvoyé au comité et on peut supposer que l'étude serait laissée à sa discrétion. Encore une fois, je devrai vérifier.

 

. 1855 + -

On m'a fait remarquer que j'avais négligé d'ajouter un addenda écrit. Je lirai donc à nouveau la motion parce qu'il y a un délai.

C'est là-dessus que nous nous prononcerons. Le député de Brampton-Centre a demandé le consentement unanime de la Chambre pour renvoyer l'objet du projet de loi C-224, Loi sur la reconnaissance des crimes contre l'humanité, au Comité permanent du patrimoine canadien pour examen et présentation d'un rapport, au plus tard le 14 avril 2000.

Je constate qu'il y a des discussions. Nous nous arrêterons donc une minute.

M. Clifford Lincoln: Monsieur le Président, je suis certainement disposé à acquiescer à la requête du député, mais je lui demande d'être un peu plus souple. Nous avons beaucoup de travail devant nous. S'il acceptait de parler de la relâche de juin ou de quelque chose comme cela, nous aurions plus de temps pour voir ce que nous pouvons faire. Cependant, s'il tient à fixer le délai à avril, j'ai des doutes. Je ne voudrais pas m'engager. Nous avons si peu de temps pour nous occuper de tous nos dossiers.

Le président suppléant (M. McClelland): Il est tout à fait inhabituel de négocier comme nous le faisons en ce moment. Le parrain du projet de loi doit être à son fauteuil s'il veut la parole.

M. Derek Lee: Monsieur le Président, si on me permet cet animus revertendi, je soumets que si l'auteur de la motion proposait que l'étude du projet de loi soit reportée à la date fixée pour le rapport du Comité permanent du patrimoine canadien, soit le 15 juin 2000, le député qui vient de prendre la parole lui en saurait gré et la Chambre pourrait exprimer son consentement unanime.

Le président suppléant (M. McClelland): Le Président n'a pas qualité pour négocier ce genre de chose.

M. Sarkis Assadourian: Monsieur le Président, va pour le 15 juin 2000, ce sera un très bonne façon d'amorcer le nouveau siècle.

Le président suppléant (M. McClelland): Recommençons car nous devons être bien précis sur ce que nous faisons ici.

Le député de Brampton-Centre a demandé le consentement unanime de la Chambre pour renvoyer l'objet du projet de loi C-224, Loi sur la reconnaissance des crimes contre l'humanité, au Comité permanent du patrimoine canadien afin qu'il l'étudie et en fasse rapport au plus tard le 15 juin 2000. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Mme Wendy Lill: Monsieur le Président, vous dites que l'objet du projet de loi est la reconnaissance des crimes contre l'humanité. Que je sache, l'objet du projet de loi est une exposition pour reconnaître les crimes contre l'humanité. J'aimerais qu'on précise ce que nous demandons au comité d'examiner, exactement.

Le président suppléant (M. McClelland): Avec tout le respect que je dois à la députée, nous mettrons la question aux voix et chacun pourra voter pour ou contre, mais le débat sur cette question est terminé.

 

. 1900 + -

Par consentement unanime, l'ordre est révoqué et l'objet du projet de loi est renvoyé au Comité permanent du patrimoine canadien afin qu'il l'étudie et en fasse rapport d'ici le 15 juin 2000. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.



MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LE COMMERCE

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, aujourd'hui, des milliers de manifestants réunis à Seattle pour protester contre la ronde de négociations de l'OMC et défendre la cause de la démocratie, ont été arrosés de gaz lacrymogène et de gaz poivré. Des milliers d'étudiants, de personnes âgées, de syndicalistes, et de particuliers ont fait le voyage de Vancouver à Seattle pour se joindre à des dizaines de milliers de personnes, afin de faire clairement comprendre aux représentants de l'État canadien, notamment le ministre du Commerce international, que le Canada n'est pas à vendre.

La mobilisation et l'opposition suscitées contre la mondialisation sont généralisées et les individus sont de plus en plus nombreux à réaliser à quel point le plan d'action de l'OMC risque de compromettre la démocratie et les services publics au Canada.

Si le gouvernement libéral pense s'en tirer à bon compte en livrant le contrôle de nos ressources et de nos services à l'OMC, il se trompe royalement. Je trouve déplorable que le gouvernement du Canada ait soutenu et privilégié la définition très étroite et anti-démocratique que l'OMC envisage de donner à la notion de libéralisation du commerce.

Qu'il s'agisse du Pacte de l'automobile, qui protégeait les emplois au Canada, du programme de soutien du revenu agricole, ou de culture, le Canada a déjà beaucoup souffert des décisions de l'OMC. Aujourd'hui, nos lois sur les brevets sont contestées, ce qui risque de faire grimper les prix des médicaments à des niveaux supérieurs à ceux qu'ils avaient atteints à l'époque de l'ALENA.

Ce qui est plus inquiétant encore, c'est que, pour la première fois, le gouvernement fédéral envisage d'inclure les soins de santé et l'éducation dans ses priorités pour l'exportation. Tout changement apporté à l'Accord général sur le commerce des services le ramenant à un accord descendant sera dévastateur pour notre éducation et nos soins de santé, en fera des produits commerciaux et les soumettra au contrôle de sociétés étrangères.

Je ne peux pas croire que les libéraux laissent cela se produire. Qui sert qui? Le rôle du gouvernement fédéral est de servir les intérêts publics, de satisfaire les besoins des Canadiens et de protéger nos ressources précieuses et nos services. Tout nous prouve que le gouvernement libéral sert non pas les Canadiens ordinaires, mais l'élite du monde des affaires et l'idéologie du marché mondial.

Les Canadiens qui se battent aujourd'hui à Seattle et bon nombre de gens qui n'y sont pas disent au gouvernement: «Cessez la braderie de l'OMC. Nous nous opposons à l'hégémonie mondiale. Nous nous opposons à la règle du monde des affaires et nous nous opposons à ce que les ressources et les services publics canadiens passent à la moulinette de l'OMC.»

Nous avons besoin de règles pour protéger nos services et faire en sorte que les multinationales opèrent dans l'intérêt public. Pourquoi le gouvernement n'en fait-il pas son objectif? C'est ce que veulent les Canadiens.

M. John Cannis (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, il s'agit en effet de notre objectif. Les négociations prochaines de l'OMC, qui seront lancées à Seattle, le 30 novembre, ont suscité beaucoup d'intérêt, et pour cause. Ces négociations sont importantes pour les Canadiens, et avec raison.

Un des accords qui sera discuté est l'Accord général sur le commerce des services. Il s'agit là d'un accord important pour le Canada, car, en 1998, il se classait au 10e rang dans le monde parmi les exportateurs de services. À l'heure actuelle, le secteur des services représente plus de 60 p. 100 de notre PIB et 12 p. 100 de nos exportations, et nos exportations de services augmentent à un rythme de plus de 9 p. 100 par année.

 

. 1905 + -

Nos industries de service forment un secteur essentiel de notre économie fondée sur le savoir qui est en croissance. De même, compte tenu des progrès technologiques, un nombre toujours plus grand de nos exportations dépendent du secteur des services pour ce qui est du processus de production, de la distribution ou du service après vente.

La mondialisation incite le Canada à croître et à développer des marchés à l'extérieur de ses frontières. Cela avantage les Canadiens et contribue de façon importante à la création d'emplois. Étant donné le nombre de nos échanges commerciaux outre frontière, il est important d'avoir des règles qui protègent nos intérêts. Ces règles multilatérales, qu'ont acceptées les 134 pays membres de l'OMC, ont aidé à mettre de l'ordre sur le marché. C'est pourquoi nous participons à l'OMC.

Le Canada compte des entreprises de services de classe internationale dans des secteurs comme le génie, les télécommunications, l'environnement, l'informatique, le tourisme et les services financiers. Aux négociations du GATS, nous essaierons de trouver de nouveaux marchés étrangers pour les services canadiens. Comme dans le cas des marchandises, un plus grand nombre d'exportations de services signifiera un plus grand nombre d'emplois pour les Canadiens.

En même temps, nous sommes parfaitement conscients des cordes sensibles des Canadiens dans certains secteurs de services comme la santé, l'éducation et les services sociaux.

Comme on l'a déjà déclaré et réitéré, à l'OMC et dans le cadre du GATS, notre régime universel de soins de santé et notre système public d'éducation ne sont assujettis à aucune règle commerciale internationale sans l'approbation du gouvernement canadien. Cela signifie que nous ne nous livrerons pas à des négociations dans ces secteurs très importants. La position du Canada est que les soins de santé et l'éducation publique ne sont pas négociables et ne seront pas compromis dans les négociations actuelles et à venir.

Le président suppléant (M. McClelland): La motion d'ajournement étant adoptée d'office, la Chambre s'ajourne à 14 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 19 h 06.)