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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 31 mai 2001

• 0910

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte, en vous présentant nos excuses pour le retard que nous avons, cette séance du Comité permanent du patrimoine canadien,

[Français]

qui se réunit aujourd'hui pour examiner le projet de loi C-10,

[Traduction]

loi concernant les aires marines nationales de conservation du Canada, qui a été adoptée en deuxième lecture à la Chambre des communes et renvoyée à notre comité.

Nous accueillons aujourd'hui nos premiers témoins: du Fonds mondial pour la nature, M. Josh Laughren, gestionnaire principal; du Conseil canadien des pêches, M. Ronald Bulmer, président, et M. Patrick McGuinness, vice-président—il semble que M. Bulmer ne sera pas des nôtres; de la Fédération canadienne de la nature, Christie Spence, codirectrice de la campagne pour la préservation des sites naturels; et de l'université Memorial, à Terre-Neuve, M. John Lien, groupe de recherche sur les baleines.

La séance d'aujourd'hui est une table ronde. C'est ce qui explique que nous ayons des témoins de divers secteurs; nous espérons entendre ainsi des points de vue différents afin de mieux comprendre le sujet.

Nous sommes maintenant dix, alors si vous voulez bien nous accorder votre indulgence pendant trois minutes, il y a une question que nous devons régler pour la greffière.

J'ai reçu une lettre de M. Andy Burton, député de Skeena, dont je vais vous faire lecture:

    Monsieur,

    Je suis très préoccupé par le manque apparent de consultation de la part du comité permanent en ce qui concerne le projet de loi C-10. Comme vous le savez sans doute, ce projet de loi pourrait nuire considérablement au développement économique dans ma circonscription de Skeena, en Colombie-Britannique. La vaste portée de ce projet de loi préoccupe aussi au plus haut point beaucoup de collectivités de la côte et de l'intérieur de la Colombie-Britannique dont la survie économique dépend des ressources naturelles de l'océan.

    Je m'inquiète tout particulièrement du manque de consultation auprès des collectivités touchées du fait qu'on tente de faire adopter le projet de loi à toute vapeur à l'étape de l'étude en comité et de le renvoyer à la Chambre des communes pour l'étape du rapport et la troisième lecture. Je me suis permis d'envoyer des exemplaires du projet de loi C-10 à beaucoup de collectivités côtières ainsi qu'à des chambres de commerce, des collectivités autochtones, des groupes d'intérêts particuliers et diverses personnes intéressées par le sujet dans ma circonscription pour obtenir leurs impressions. Je crois savoir que beaucoup de ces groupes et particuliers ont déjà fait des démarches auprès de votre comité à ce sujet. Je crois pouvoir résumer leurs préoccupations sans trop me tromper en disant que le comité doit se rendre sur la côte de la Colombie-Britannique pour entendre directement les collectivités qui seraient touchées. Je crois que le comité n'a pas suffisamment exploré cette possibilité et j'estime les avantages pour la démocratie dépassent de loin les dépenses initiales.

    Je vous demande respectueusement, en votre qualité de président du comité, d'envisager de prolonger l'actuelle période de consultation afin de prévoir le temps nécessaire pour entendre des témoins des collectivités côtières qui seraient touchées. Je vous invite instamment aussi à commencer à prendre les dispositions nécessaires pour que le comité se rende sur la côte de la Colombie-Britannique soit au cours de l'été soit au début de l'automne. Le projet de loi C-10 est une importante mesure législative, et ce n'est pas trop demander à mon avis, que de demander qu'il fasse l'objet de consultations exhaustives avec les localités canadiennes qui seraient touchées avant qu'il ne soit adopté à la Chambre des communes.

    Je vous demande respectueusement d'examiner ma requête de toute urgence et de me répondre par écrit à Ottawa dans les meilleurs délais.

J'ai tenu à faire lecture de la lettre à une audience publique du comité parce que je considère que c'est une allégation sérieuse que de parler du manque apparent de consultation sur le projet de loi C-10 de la part du comité permanent. Je suis indigné par cette lettre.

• 0915

Le 12 mars, nous avons bel et bien écrit aux membres et aux attachés de recherche du comité. La greffière leur a écrit pour leur dire:

    Vous trouverez ci-dessous la liste des témoins qui ont été proposés pour les audiences que tiendra le comité sur le projet de loi C-10.

    Si les députés ont d'autres témoins à proposer, ils peuvent soumettre les noms à la greffière du comité pour qu'elle puisse les communiquer à tous les membres du comité.

Une seule collectivité côtière figurait sur la liste des témoins proposés, à savoir le Lake Superior Regional Committee, représenté par son président, David Trembley. La greffière avait clairement fait savoir que nous aurions amplement le temps d'entendre des représentants d'autres collectivités et qu'on n'avait qu'à proposer des noms en conséquence. Elle en a d'ailleurs parlé avec M. Burton lui-même.

À cette réunion-là, j'ai précisé au moins une fois, et le compte rendu le confirmera, que nous avons décidé de clore la liste parce que nous n'avions reçu aucune autre proposition. Je me souviens très clairement de cela.

Qu'on vienne parler aujourd'hui d'un manque apparent de consultation de la part du comité, cela m'indigne et je vais écrire à M. Burton pour le lui dire.

Pour ce qui est de la demande voulant que nous nous rendions dans les collectivités côtières de la Colombie-Britannique, si nous allons rencontrer des gens de ces collectivités, il faudra de toute évidence, si nous voulons être justes, aller rendre visite aussi aux collectivités côtières du Nord, de l'Est, etc., qui demanderont à nous rencontrer. Ce ne serait pas du tout pratique; cela coûterait très cher. Nous sommes disposés à les inviter à venir nous rencontrer ici. Le comité, conformément à la façon de faire habituelle, défraye les témoins qui doivent se déplacer. Nous avons des fonds dans le budget pour cela.

M. Dennis Mills (Toronto—Danforth, Lib.): C'est contraire aux principes de l'Alliance canadienne de voyager.

Le président: Oui, tout à fait.

Alors, je ne sais pas trop quoi dire. Je crois que vous étiez à ces réunions où nous avons dit que vous pouviez ajouter des noms à la liste. Nous vous avons écrit à ce sujet, mais vous n'avez pas répondu.

Que M. Burton donne à entendre à ce stade très avancé du processus qu'il y a eu manque de consultation et que nous essayons d'étudier le projet de loi à toute vapeur dans une lettre du 30 mai, je trouve cela absolument injuste. Il aurait fallu qu'il le dise plus tôt, et c'est ce que je vais lui répondre.

S'il avait des réserves au sujet de notre liste, il a certainement eu tout le temps voulu entre le 12 mars et le 30 mai pour nous en faire part. La greffière s'est déjà entretenue avec lui. Je ne sais pas comment qualifier ce qu'il fait là, mais je trouve que ce n'est pas très juste.

Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, AC): Nous cherchions à trouver les témoins qu'il conviendrait d'entendre, et c'est seulement il y a quelques semaines que nous avons pu déterminer quelles étaient les personnes qui voudraient comparaître comme témoins.

Le projet de loi C-10 ne figurait plus du tout au programme législatif à long terme, si bien que nous ne savions pas vraiment si les témoins allaient comparaître maintenant ou à l'automne. Pendant un certain temps, il semblait que l'on attendrait jusqu'en septembre. Nous allons décrier avec véhémence le fait que l'opposition n'ait pas pu convoquer de témoins. C'est comme d'empêcher une des deux parties à un procès de convoquer des témoins. On n'a que le point de vue d'une partie.

Le président: Madame Gallant, je suis extrêmement indigné par ce que vous dites, parce que la formule est toujours la même à la Chambre des communes. Ceux qui siègent au comité savent que je suis très ouvert à ce qu'on nous propose des témoins à entendre. Vous avez reçu la lettre le 12 mars, et si vous n'avez pas pu entre le 12 mars et le 30 mai,...

Même si le projet de loi ne devait être étudié qu'en juin, comment se fait-il que les autres témoins ont pu nous faire savoir qu'ils étaient disponibles? Le Conseil des pêches? L'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture? Comment se fait-il que le Lake Superior Regional Committee a pu nous envoyer un mémoire et nous indiquer qu'il souhaitait témoigner devant nous? Quel est le rapport avec le fait que le projet de loi arrive en juin ou à un autre moment?

Quand nous demandons des noms de témoins, si les députés de l'opposition officielle souhaitent entendre certains témoins, ils prennent contact avec ces gens de toute manière. Ils nous disent que telle ou telle personne pourrait témoigner. Quand le projet nous arrive, la greffière communique avec les témoins et leur indique que le comité va les défrayer de leurs dépenses. Je trouve que nous n'avons rien à nous reprocher. Nous vous avons donné tout le préavis voulu. Si vous n'avez pas pu contacter les témoins à temps ou les faire venir ici, c'est à cause de votre manque de diligence et il est complètement inacceptable de nous en blâmer.

• 0920

Mme Cheryl Gallant: Nos témoins exploitent des entreprises et ne pouvaient se présenter qu'à certaines dates. Il nous fallait savoir quand exactement l'examen allait se faire pour qu'ils puissent prendre les dispositions voulues.

Le président: Il aurait suffi que vous nous donniez à tout le moins la liste de ceux qui voulaient venir. La greffière aurait pu communiquer avec eux pour prendre les dispositions voulues. Comment les autres ont-ils fait pour prendre leurs dispositions?

Mme Cheryl Gallant: Nous avions demandé aux fonctionnaires du ministère qui étaient là de nous donner les noms de ceux qui avaient siégé au comité consultatif de la côte. Nous voulions faire venir des gens de Terre-Neuve pour qu'ils nous parlent de leurs préoccupations et qu'ils nous expliquent pourquoi le projet a été abandonné là-bas. Nous considérions que ces informations nous seraient très utiles pour l'étude de ce projet de loi.

Le président: Alors pourquoi n'avez-vous pas demandé que les gens de Terre-Neuve viennent témoigner devant nous?

Mme Cheryl Gallant: Nous avons demandé au ministère de nous dire qui étaient les personnes en cause et nous n'avons toujours pas eu de réponse.

Le président: Je trouve cela très étrange. Si vous vouliez faire venir les gens de Terre-Neuve vous auriez dû communiquer avec eux ou lire le compte rendu pour avoir les noms afin que vous puissiez les contacter.

Mme Cheryl Gallant: Il s'agissait des membres d'un comité consultatif. Leurs noms ne figuraient pas au compte rendu. Il s'agissait des audiences que le comité avait tenues sur la côte.

Le président: Monsieur Hearn.

M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Je tiens à faire remarquer, monsieur le président, que nous avons ici aujourd'hui quelqu'un de Terre-Neuve, de l'université Memorial. J'ai communiqué avec le groupe qui vraisemblablement représente les préoccupations de toutes les parties en ce qui a trait à la côte et aux pêches, le FFAW. J'ai communiqué directement avec l'organisme, puis je lui ai fait parvenir un exemplaire du projet de loi et tous les renseignements nécessaires.

Je n'ai pas eu de réponse, et je ne pense pas que la greffière en ait eu. J'ai expliqué quels étaient les délais et j'ai indiqué que je transmettrais toutes demandes de comparution. Nous n'avons pas eu de réponse. Ceux qui voulaient venir témoigner auraient donc pu le faire. N'allez pas blâmer Terre- Neuve s'il y a un problème; ces gens-là ont eu la possibilité de venir témoigner.

Le président: J'ai l'intention d'écrire à M. Burton, mais je tiens à ce qu'il soit consigné au compte rendu que je trouve inadmissible qu'on dise que nous avons quelque chose à cacher; que nous essayons d'empêcher les gens de venir devant nous, ou que nous voulons éviter d'entendre les collectivités.

Il est tout à fait injustifié de proposer que nous nous rendions sur la côte de la Colombie-Britannique pour entendre les collectivités une à une, sans que nous en fassions autant pour l'est ou pour le nord. Il est inconcevable de penser, compte tenu des contraintes auxquelles les comités sont soumis, que nous pourrions obtenir les fonds nécessaires et prendre les dispositions voulues, avec un préavis très court, pour nous rendre sur la côte de la Colombie-Britannique—comme le sait M. Burton puisqu'il est ici depuis un certain temps.

Les collectivités touchées ont eu amplement le temps entre le mois de mars et le 30 mai de manifester leur intérêt, à tout le moins, de venir témoigner. Nous n'avons rien entendu de la part de votre parti pour ce qui est de savoir qui nous pourrions convoquer et si ces personnes souhaiteraient même venir témoigner. Si vous nous aviez dit quelles étaient les collectivités qui souhaitaient se faire entendre, la greffière aurait pu communiquer avec les représentants et s'assurer que nous prévoyions le temps nécessaire pour les entendre.

Nous n'avons jamais cherché à éviter d'entendre des gens qui voulaient être entendus.

Mme Cheryl Gallant: Nous pourrions peut-être nous entendre, en guise de compromis, pour attendre jusqu'à ce que les gens de la Colombie-Britannique puissent venir devant le comité, au lieu que nous allions là-bas et que nous nous rendions dans toutes les collectivités côtières.

Le président: Je vais vérifier le compte rendu, madame Gallant. Je crois que M. Abbott et vous-même étiez là quand nous avons décidé de clore la liste. Nous avions décidé de la clore parce qu'il fallait inviter les témoins. Il fallait prendre les dispositions nécessaires pour les faire venir par avion. Je n'ai rien entendu de la part de votre parti à ce moment-là. Vous auriez pu nous demander de ne pas clore la liste tout de suite, et nous aurions attendu.

Tôt ou tard nous devrons faire des préparatifs de voyage. Si demain nous pouvons faire en sorte que ces personnes comparaissent à la dernière minute, vous vous rendez compte que le coût doublera ou triplera.

Mme Cheryl Gallant: Pourquoi n'attendons-nous pas à l'automne alors, monsieur le président.

Le président: C'est ça, nous allons retenir un projet de loi jusqu'à l'automne parce que vous et M. Burton n'avez pas fait vos devoirs. C'est un peu fort.

Je ne crois pas que ce soit le travail du comité. Notre travail à l'heure actuelle consiste à entendre les témoins qui ont pris la peine de nous laisser savoir qu'ils voulaient être entendus, ce qui est leur prérogative. Ces collectivités auraient pu nous écrire des millions de fois depuis mars.

Elles savaient que le projet de loi C-10 allait être étudié. Nous n'allons pas retarder le projet de loi pendant trois mois simplement parce que vous ou M. Burton avez l'impression que nous n'avons pas fait notre devoir. Je pense que c'est l'inverse; j'estime que vous n'avez pas fait votre devoir. Je suis désolé.

Je n'ai pas l'intention de retarder le projet de loi simplement pour cette raison. Si les collectivités ont l'impression d'avoir été lésées, elles peuvent faire appel au Président. J'estime que nous avons fait notre travail, et le compte rendu l'indiquera très clairement. Nous avons invité des témoins. Je pense que le compte rendu indiquera que lorsque nous avons dit qu'il n'y avait plus personne à inscrire sur la liste, vous n'avez pas fait la moindre observation en sens contraire. Maintenant, à la toute dernière minute, vous voulez que nous retardions l'étude du projet de loi. Je ne crois pas que cela soit la chose à faire.

• 0925

Entre-temps, j'ignore comment nous pouvons amener ces collectivités ici maintenant à la toute dernière minute et à grands frais. C'est très malheureux.

Monsieur Mills.

M. Dennis Mills: Pourquoi le député ne comparaîtrait-il pas pour représenter sa collectivité? Dieu sait qu'en tant que député pour la collectivité, il comprendrait et connaîtrait l'ensemble de ses préoccupations et de ses points de vue. Il n'y a rien qui empêche un député de comparaître devant un comité pour y exprimer ses réflexions aux fins du compte rendu. Il pourrait même comparaître aujourd'hui. Il aurait au moins l'impression que le message a été transmis. Il y a beaucoup de personnes dans nos circonscriptions que nous ne pouvons pas amener ici, mais c'est notre travail de parler en leur nom. Qu'en pensez-vous?

Mme Cheryl Gallant: Il devrait recevoir le même préavis qu'ont reçu les autres témoins.

M. Dennis Mills: Je suis en train de parler du député.

Mme Cheryl Gallant: Précisément, le député doit recevoir un avis s'il va comparaître en tant que témoin.

M. Dennis Mills: Non, il suffirait de lui téléphoner et de lui dire de comparaître aujourd'hui. Il connaîtrait la situation sur le bout des doigts. Il ne s'agit pas d'un nouveau dossier pour lui.

Le président: La parole est à M. Wilfert, après quoi nous devrons clore la discussion.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le président, j'ai lu la lettre du député quand je suis arrivé ce matin et je dois avouer avoir été assez étonné, compte tenu du délai, comme vous l'avez très clairement indiqué. Je crains que nous établissions un précédent si nous rouvrons la liste chaque fois que quelqu'un ne fait pas preuve de diligence raisonnable.

À mon avis, la question n'est pas de savoir si ce projet de loi doit être adopté aujourd'hui, demain, dans un mois ou dans cinq mois. Il existe des procédures établies par la Chambre que nous sommes censés suivre. Chacun a eu sa chance. Si nous ouvrons la liste dans ce cas-ci, ne courrons-nous pas le risque que d'autres personnes diraient alors, peut-être à la dernière minute—maintenant de toute évidence bien après la dernière minute—qu'ils aimeraient comparaître? Est-ce qu'on en verrait la fin?

Je considère qu'une fois que nous avons annoncé la date limite, il n'est pas approprié que quelqu'un demande à comparaître maintenant à la fin mai. Je ne crois pas que qui que ce soit essaie d'étouffer le débat ou d'avoir des témoins appropriés, mais nous savons tous, comme dans tout comité, quels sont les délais. Je pense que par courtoisie envers les membres du comité et la greffière qui doit communiquer avec ces personnes, il ne convient pas à ce stade-ci de dire que tel député veut proposer la comparution de certains témoins ou de se rendre sur la côte de la Colombie-Britannique ou quoi que ce soit. Je pense que cela créerait un mauvais précédent.

J'espère, monsieur le président, que vous mettrez par écrit ce que vous avez indiqué aujourd'hui. Je ne manquerai pas d'appuyer votre position, et si elle est contestée, nous déciderons alors des mesures à prendre.

Le président: En passant, le projet de loi C-10 s'est trouvé devant la Chambre pendant plusieurs jours. Votre parti avait présenté une motion de renvoi, donc les gens étaient bien au courant du délai concernant ce projet de loi. C'était il y a plusieurs semaines, au moment où l'un de vos collègues a présenté la motion visant à renvoyer le projet de loi. Elle a été débattue, et ce n'est pas comme si ce projet de loi était complètement inattendu.

Mme Cheryl Gallant: Nous n'avons pas reçu les renseignements que nous avons demandés au ministère sur les personnes qui ont participé aux travaux du au Comité consultatif de la baie de Bonavista. Nous voulons connaître leurs préoccupations parce qu'elles peuvent être utiles dans le cadre de ce projet de loi.

Le président: Oui, mais cela n'a rien à voir avec le fait de les inviter. Je pense que M. Hearn...

Mme Cheryl Gallant: Mais si nous ignorons qui ils sont, comment pouvons-nous les inviter, monsieur?

Le président: M. Hearn les connaît et les a effectivement invités. Il vient de l'indiquer, et ils ont préféré ne pas comparaître. De toute évidence, leur projet côtier communautaire n'aura pas lieu, ce qui indique peut-être leur manque d'intérêt.

M. Burton ne parle pas des collectivités de Terre-Neuve; il parle des collectivités côtières de la Colombie-Britannique. Cela n'a rien à voir avec Terre-Neuve.

Donc, je crois que nous allons clore maintenant la discussion. J'ai l'intention d'écrire à M. Burton afin de lui indiquer à quel point je désapprouve ses observations. Je suis en fait indigné par ses observations. Je crois qu'il pose simplement pour la galerie alors que le compte rendu indiquera qu'il avait amplement le temps de convoquer tous les témoins qu'il voulait.

Monsieur Mills?

• 0930

M. Dennis Mills: Monsieur le président, le deuxième avis que je voulais présenter avant que nous passions aux témoins, c'est que la semaine prochaine, lors de la séance du comité, nous devrions discuter du plus important événement culturel de l'histoire de notre pays, la Journée mondiale de la jeunesse. Je tiens à m'assurer que tous les membres du comité sont au courant de cet événement.

Le président: Allez-vous présenter un avis de résolution?

M. Dennis Mills: Oui. J'en donne avis dès maintenant.

Le président: Pouvez-vous nous donner une idée de cet événement, car nous n'avons rien par écrit? Est-ce que vous l'enverrez aux députés?

M. Dennis Mills: Oui. J'enverrai l'information aux députés avant midi aujourd'hui.

Le président: Très bien. Je vous remercie.

Très bien. Monsieur Laughren, si vous voulez bien commencer. Je vous prie d'excuser ce long retard.

M. Josh Laughren (gestionnaire principal, Fonds mondial pour la nature): Je vous remercie beaucoup de m'avoir offert l'occasion de comparaître ici aujourd'hui. Je m'appelle Josh Laughren et je suis directeur du programme maritime du Fonds mondial pour la nature et je siège aussi au conseil consultatif maritime international du Fonds mondial pour la nature.

J'espère que la plupart d'entre vous connaissent au moins l'acronyme anglais WWF.

Une voix: De quel WWF s'agit-il?

M. Josh Laughren: Bonne question. L'autre WWF protège des animaux d'une toute autre espèce.

M. Dennis Mills: Nous voulons l'un de vos calendriers.

M. Josh Laughren: Nous nous sommes établis ici au Canada en 1967, et nous sommes l'une des plus importantes et à mon avis des plus efficaces organisations de conservation au Canada. Nous travaillons au Canada et à l'étranger, et nous bénéficions de l'appui de plus de 50 000 Canadiens. Nous faisons partie d'une organisation internationale, de toute évidence, qui compte environ cinq millions de membres et de partisans réguliers, qui se compose d'un réseau de 27 organisations nationales, de bureaux de programmes dans 22 pays, sans compter d'autres organisations associées. Le World Wildlife Fund International, dont nous faisons partie, est l'organisation de conservation indépendante la plus importante au monde.

Notre programme maritime fait partie d'une série de travaux que nous avons entrepris, et l'objectif du programme maritime est d'assurer la santé des écosystèmes maritimes. À cet effet, nous visons à assurer un système représentatif d'aires protégées au Canada d'ici l'année 2010. Comme certains d'entre vous l'ont peut-être remarqué, il s'agit d'un objectif similaire à celui de notre programme d'espaces en danger, que nous avons administré de 1989 à l'an 2000. Ce programme a été une grande réussite, à mon avis, et a permis de doubler l'étendue des aires terrestres protégées au Canada au cours de cette période. Nous nous intéressons aux écosystèmes marins depuis de nombreuses années grâce à nos travaux sur la présence de substances toxiques dans l'Arctique, à nos travaux sur les baleines boréales dans l'Arctique, nous avons préparé en collaboration avec Pêches et Océans le plan de rétablissement du béluga pour le Saint-Laurent, et nous nous occupons des espèces en danger de disparition et de la protection de l'habitat.

Donc, nous connaissons bien le domaine de la conservation du milieu marin, mais en l'an 2000, ce programme a fait peau neuve et est devenu un aspect important de l'organisation. Nous avons pris un engagement envers ce programme pour les dix prochaines années, et c'est un programme dont l'impulsion provient en fait de nos régions. Nous avons maintenant des bureaux à Prince Rupert. Michele Patterson est notre directrice régionale là-bas, et vit à Prince Rupert sur la côte Nord depuis de nombreuses années. Nous avons un bureau à Halifax administré par M. Bob Rangeley, un spécialiste des sciences de la mer qui travaillait auparavant pour Pêches et Océans, y compris des consultants en Haida Gwaii sur les Îles de la Reine-Charlotte et au lac Supérieur.

Il s'agit donc d'un programme dont l'impulsion provient en grande partie des régions. De fait, nous avons un conseil consultatif sur la côte Est et sur la côte Ouest. Sur la côte Ouest, il est présidé par l'honorable John Fraser. Sur la côte Est, il est présidé par Donald Sobey, avec des représentants des milieux d'affaires, de l'industrie des pêches, de l'industrie de l'énergie, qui siègent au conseil pour nous aider à nous orienter, non pas tant dans nos activités proprement dites mais plutôt dans la façon dont nous procédons, afin de nous assurer de rester sur la bonne voie. C'est tout ce que j'avais à dire sur le Fonds mondial pour la nature, bien que je me ferai un plaisir de répondre aux questions.

Nous sommes ici pour appuyer le projet de loi C-10. Nous considérons qu'il s'agit d'un excellent début. Toutes les dispositions du projet de loi et toutes les conversations que j'ai eues avec Parcs Canada témoignent d'un effort honnête de la part de Parcs Canada de concilier l'engagement qu'il a pris envers la conservation avec une compréhension des complexités du travail dans le milieu marin et des besoins des utilisateurs de la ressource et de la croissance des collectivités côtières. Je crois qu'il s'agit d'une façon intelligente d'inclure le milieu marin dans le mandat de Parcs Canada, qui ne se contente pas de reprendre l'approche adoptée à l'égard des parcs nationaux mais qui tâche de vraiment tenir compte des différentes complexités biologiques et sociales des océans.

• 0935

Nous appuyons le projet de loi pour un certain nombre de raisons. Il comporte un aspect vraiment important, à savoir qu'il s'agit de l'expression législative du mandat de Parcs Canada. Parcs Canada a pour mandat de s'occuper du milieu marin depuis un certain nombre d'années; je crois que la politique est en vigueur depuis 1984 ou peut-être 1986. Parcs Canada s'est occupé du parc marin du Saguenay—Saint-Laurent, et du lac Supérieur, du sud des îles Gulf, de toute évidence de la réserve du parc marin national Gwaii Haanas sur les Îles de la Reine-Charlotte. Donc il ne s'agit pas d'un nouveau mandat pour Parcs Canada, il s'agit simplement de l'expression législative de son mandat.

Ils auraient pu s'acquitter de ce mandat en vertu de la Loi sur les parcs puisqu'ils avaient le mandat de le faire. Mais ils ont décidé—sagement, à mon avis—que le milieu marin présentait des caractéristiques suffisamment différentes tant sur le plan social que biologique, pour justifier la création d'une loi distincte. Je considère donc que cette loi établit très clairement le rôle de Parcs Canada à cet égard.

Il existe en fait dans ce milieu un engagement solide envers la consultation et la coopération—plus solide que dans tout autre projet de loi à ma connaissance—et un besoin pressant de consultation avec d'autres paliers de gouvernement et d'autres ministères. Ce projet de loi prévoit un processus de constitution, des critères de sélection, des interdictions et des objectifs clairement définis, de même qu'un programme réalisable. Dans mes conversations avec les représentants de l'industrie, ils ont indiqué que c'est effectivement ce qu'ils veulent.

Par exemple, l'industrie pétrolière et gazière aime bien dire qu'il existe peut-être des réserves pétrolières et gazières sous le parc national de Banff, mais qu'ils ne se donnent pas la peine d'aller y voir de plus près parce qu'ils savent que c'est interdit. Ils veulent connaître les règles du jeu: comment procéder; quelles sont les zones interdites et celles qui ne le sont pas? Je pense que ce projet de loi est utile à cet égard.

Nous avons certaines recommandations clés que nous considérons comme des amendements favorables. Nous pensons que ces recommandations aideront Parcs Canada à atteindre les objectifs qu'il s'est fixés, et nous espérons qu'elles seront jugées utiles.

La recommandation sans doute la plus controversée est de renforcer les interdictions. À l'heure actuelle, l'article 13, du moins je crois que c'est cet article, interdit la prospection ou l'exploitation pétrolière et gazière, de minéraux et d'agrégats dans une aire marine de conservation. Nous estimons que la portée de cette interdiction doit être étendue pour inclure entre autres l'aquaculture des poissons en cage ouverte, le dragage et le chalutage par le fonds, par exemple. Si vous examinez les objectifs du projet de loi concernant la structure et la fonction de l'habitat, et la protection environnementale, nous considérons qu'il y aurait lieu de limiter ce genre d'activité dans ces aires de conservation.

Pour revenir en arrière, les recommandations du groupe d'intégrité écologique de Parcs Canada montrent très clairement qu'il est très difficile de gérer l'intégrité écologique ou la protection environnementale dans ces secteurs protégés. Parcs Canada se rend compte de la nécessité de redoubler ses efforts dans les parcs nationaux. Je ne critique pas; c'est une très bonne chose. Il reste qu'il est très difficile de trouver dans le monde des exemples de secteurs maritimes protégés bien gérés.

La Grande barrière de corail fait actuellement l'objet d'un examen, comme tous les 25 ans, et le gouvernement se rend compte qu'il n'est pas parvenu à atteindre ses objectifs de biodiversité et de protection environnementale. Il réfléchit à la nécessité de renforcer certains secteurs—je m'empresse d'ajouter, en consultation et avec le soutien des pêcheurs.

Nous devons en tirer des leçons et nous fixer des niveaux supérieurs de protection et de transparence. De cette manière, lorsque les collectivités et les comités locaux décident du sort de ces secteurs, ils le font en toute connaissance de cause. Que leur choix porte ou non sur la conservation, ils choisissent en toute connaissance de cause.

Ma plus grande crainte est que nous nous lancions dans une procédure interminable avec une grande partie du travail effectué par les représentants des collectivités locales, en général, bénévolement, et on finit par se retrouver avec un secteur qui ne répond pas aux objectifs fixés.

Je devrais également ajouter que si nous réclamons ces interdictions, ce n'est pas dans un but punitif et cela ne signifie pas que nous sommes partout contre ces activités. Loin de là: à partir du moment où nous disons que ces activités ne doivent pas exister dans certains lieux, cela revient à dire qu'elles le peuvent dans d'autres. Nombre des arguments présentés par nos adversaires m'incitent à penser que s'ils craignent ces interdictions, c'est parce qu'ils pensent que ce n'est qu'un début: que nous voulons interdire ces activités—comme le chahutage par le fond, par exemple—partout. Permettez-moi de dire clairement que ce n'est certainement pas ce que nous, nous voulons.

Si nous prenons le mandat de Parcs Canada sur la côte Ouest, par exemple, il y a cinq régions maritimes que Parcs Canada veut inclure dans sa politique—politique, qui encore une fois, est déjà depuis plus de dix ans en place. Dans les deux régions proposées—Gwaii Haanas dans les Îles de la Reine Charlotte, Haida Gwaii et les Îles Gulf du Sud—je crois que le potentiel de prospection gazière et pétrolière y est non existant. Pour les Îles de la Reine Charlotte et le Haida Gwaii, les compagnies pétrolières et gazières ont déjà volontairement cédé leurs droits sur le pétrole et sur le gaz.

• 0940

Il y a cinq secteurs—en fait, quatre, car je crois qu'Haida Gwaii représente deux secteurs, parce que la géographie de l'île couvre deux régions. Quoi qu'il en soit, trois secteurs sont déjà représentés sur la côte Ouest sans que cela ne gène en rien les activités pétrolières et gazières. Considérer cela comme une attaque généralisée contre toute l'industrie est absurde. Nous sommes d'accord pour reconnaître que l'industrie a sa place dans certains endroits mais que dans d'autres, ses activités doivent être limitées.

Notre deuxième recommandation lie les octrois de permis au plan de gestion pour s'assurer que tous les permis respectent la loi. Il est indispensable, et je crois que nous sommes tous d'accord, que tout secteur protégé ou tout secteur de conservation maritime soit accompagné d'un bon plan de gestion. C'est un préalable indispensable.

Or, actuellement, ces permis peuvent être octroyés par un certain nombre de ministères et par le surintendant du parc, et aucun de ces permis ne se réfère explicitement au plan de gestion. Je crois qu'il serait tout à fait logique de s'assurer que tous les permis octroyés, par qui que ce soit, soient liés aux objectifs du plan de gestion. Les océans sont un lieu compliqué et 19 ministères différents exercent une autorité de gestion quelconque sur eux.

Sur terre, il y a toute une série de ministères différents qui ont la responsabilité de l'utilisation et de la gestion des ressources et c'est normal. C'est la même chose sur l'eau que sur la terre. Il faut que cela reste comme cela—mais assurons-nous que les administrations qui délivrent ces permis vérifient avec le plan de gestion afin que les activités autorisées ne contreviennent pas aux objectifs fixés. Ces objectifs ont été fixés par consultation et par consensus avec le comité local ce qui, à mon avis, est la façon la plus démocratique d'agir.

Notre troisième recommandation concerne ce que nous appelons les examens préalables. Cela s'applique aussi à la terre, mais surtout à l'eau, à cause de la nature fluide de l'environnement maritime. Les activités qui se déroulent à l'extérieur d'un secteur de conservation de parc marin peuvent avoir une incidence énorme sur notre capacité à d'atteindre les objectifs fixés dans ces secteurs.

L'exemple toujours cité est celui du déversement de pétrole à deux mètres d'un secteur protégé et qui finit par l'envahir. Dans certains cas, c'est inévitable. Nous voudrions que pour ces secteurs de conservation marine soit envisagée une évaluation de l'environnement conformément à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale afin de s'assurer que toute activité importante à proximité d'un secteur protégé en atténue autant que possible les conséquences.

Je vais vous donner un exemple, celui du projet de prospection énergétique au large de l'île de Sable en face de la Nouvelle-Écosse. Lors de son examen, le groupe d'experts a décidé—bonne décision, à mon avis—que le projet devait prendre en compte ses conséquences sur le Gully, zone très proche du projet de prospection. Ce n'était pas un secteur protégé mais son importance biologique était reconnue.

Les promoteurs du projet de l'Île de Sable ont donc dû proposer un code de pratiques pour assurer que tout ce qu'ils feraient limiterait autant que possible les conséquences dommageables pour Le Gully. C'est ce qu'ils ont fait, ils s'y sont tout à fait tenus, et, à mon avis, c'est un bon exemple de civisme corporatif. Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu la preuve d'endommagement du Gully par le projet de l'Île de Sable—et croyez-moi, nous gardons les yeux grand ouverts. Ils ont fait du bon travail.

Le président: Je me demande combien de temps il vous faut encore car nous voulons garder du temps pour que les députés puissent vous poser des questions ainsi qu'à votre collègue.

M. Josh Laughren: Je vais conclure—de fait, c'était mon dernier point.

Le président: Merci.

M. Josh Laughren: Je crois que c'est un point important: le projet de prospection énergétique au large de l'Île de Sable a eu le feu vert, a respecté son budget, et aujourd'hui donne du pétrole, et pourtant il a été réalisé d'une manière qui n'a pas eu d'incidence sur ce que nous espérons être un jour un secteur protégé. Défendre l'environnement ne signifie pas interdire toute activité mais signifie activité intelligemment menée. Nous avons la preuve que cela peut marcher.

Nous appuyons donc ce projet de loi et nous espérons que les modifications que nous proposons seront considérées d'un oeil bienveillant.

Voilà, c'est tout. Merci.

Le président: Merci.

Monsieur McGuinness.

M. Patrick McGuinness (vice-président, Conseil des pêches du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Le Conseil des pêches du Canada est une association commerciale unissant les associations de pêche provinciales du Canada atlantique et de l'Ontario et les compagnies de pêche de Colombie-Britannique et du Nunavut. En outre, le Conseil des pêches du Canada représente trois flottilles: la flottille hauturière de pêche au poisson de fond, la flottille de pêche à la crevette du Nord et la flottille de pêche au pétoncle.

• 0945

Je vais commencer par faire quelques commentaires généraux. Nous avons deux propositions à faire que, pour reprendre l'expression de Josh, vous devriez accueillir avec bienveillance.

Ce projet de loi pose un dilemme particulier au Conseil des pêches du Canada. Nous avons des difficultés avec sa formulation. Cependant, c'est un bon exemple de mécanisme de contrôle sur les ministres et les fonctionnaires.

Nous estimons que s'il est nécessaire de légiférer pour créer les aires marines de conservation, cet outil législatif doit s'intégrer à la Loi sur les océans récemment promulguée, qui relève du ministre des Pêches et des Océans et qui est appliquée par son ministère. Comme Josh l'a mentionné, il y a déjà 19 ministères qui ont des responsabilités dans le domaine maritime. Selon nous, pour l'administration publique, il est à la fois inefficace et encombrant d'avoir une loi particulière pour les aires marines, relevant d'un ministère différent.

Ainsi, le secteur des pêches collabore avec le ministre et les fonctionnaires du MPO à l'élaboration d'une stratégie marine pour le Canada et à une approche de la création des aires marines de protection qui relèvent de la Loi sur les océans. Ces tâches découlent de l'article 29, partie II, de la loi adoptée en 1996: «le ministre...dirige et favorise l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de gestion des écosystèmes estuariens, côtiers et marins...».

Notre message est donc que de déposer le projet de loi actuel, sous la responsabilité du ministre et du ministère du Patrimoine canadien, mine la responsabilité des océans assignée au ministre des Pêches et des Océans par la Loi sur les océans. Mesdames et messieurs, ou bien on a un ministre des Pêches et des Océans qui se charge de ces questions, ou on n'en a pas.

En résumé, peu importe les mérites du projet de loi, cette façon de faire entraînera confusion, dédoublement et conflits dans la mise en oeuvre de la loi.

Si une AMC est justifiée à un endroit précis, on ne devrait l'approuver qu'à l'intérieur d'un plan intégré de gestion marine. C'est ce que de nombreuses localités commencent déjà à faire, comme les collectivités côtières de la baie de Bonavista. Nous commençons à avoir des plans intégrés de gestion marine qui examinent d'abord le rapport eau-sol sous l'angle de la pollution et qui englobent progressivement des éléments comme des aires fermées pour la pêche ou des zones de protection marines.

La préparation de ces plans, respectant l'approche écosystémique, est en cours dans le cadre de la Loi sur les Océans, sous la gouverne du MPO. Créer une loi indépendante de la Loi sur les océans pour administrer les AMC ajoute un niveau de complexité inutile à la tâche difficile de réunir le secteur privé, les collectivités et les autres intervenants pour établir des plans de gestion des océans. Ce travail commence à trouver un écho dans les localités côtières, et introduire à présent quelque chose qui sera administré par un groupe distinct ne fera que semer la confusion.

Si la création des AMC doit devenir une initiative importante, que nous encourageons, qu'elle s'inscrive dans la Stratégie sur les océans du Canada et qu'elle soit évaluée comme d'autres éléments—les zones de protection marines, par exemple—comme Josh l'a dit.

Enfin, Patrimoine Canada n'a aucune compétence scientifique pour évaluer la justification écologique d'une AMC. Mesdames et messieurs, cette expertise se trouve au ministère des Pêches et des Océans.

Voilà pour la forme, parlons maintenant du document proprement dit. Nonobstant les objections mentionnées à la forme du projet de loi, celui-ci est louable à plusieurs égards. Nous approuvons tout à fait les articles 5 et 7, qui précisent que c'est le gouverneur en conseil et non le ministre qui crée une aire de conservation, et seulement après que les comités pertinents de la Chambre et du Sénat ont eu l'occasion d'examiner la proposition. Nous estimons que c'est une excellente forme d'administration publique.

• 0950

Cela dit, nous recommandons deux modifications. La première est dans le préambule, où il est question du principe de prudence. Nous proposons de remplacer cette expression par «approche de précaution», parce que dans toutes les zones de pêche dans le monde, on emploie l'expression «approche de précaution», au lieu de «principe de la prudence». Cela concorde avec le chapitre 17 de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement et sur l'Accord de l'ONU sur les pêches, qui devrait prochainement être ratifié, espérons- nous.

Pour ce qui est du paragraphe 7(1), où il est sous-entendu qu'en cas de création proposée d'une aire de conservation, le projet serait soumis à votre comité et à vos vis-à-vis du Sénat, et où il est dit «tout autre comité désigné par celle-ci», nous proposons d'être un peu plus précis. Nous proposons, dans l'éventualité d'une modification ou d'un projet de création d'une AMC susceptible d'influer sur une pêche commerciale active, que l'amendement proposé soit renvoyé au comité permanent de chaque Chambre qui examine normalement les questions halieutiques.

Cela signifie donc que dans le cas d'une AMC, il ne fait pas de doute que votre comité devrait examiner la question, mais si la pêche est pratiquée activement, nous espérons que la Chambre chargera aussi le Comité des pêches d'examiner la question.

Je vais maintenant me contenter d'énumérer un certain nombre de paragraphes que nous jugeons essentiels et qu'il faut conserver pour continuer de soutenir la pêche.

Nous appuyons entièrement le paragraphe 9(4), voulant que les plans de gestion des AMC touchant la pêche, l'aquaculture, la gestion des pêches ainsi que la navigation et la sécurité maritimes soient assujettis à l'accord du ministre des Pêches et des Océans. Nous souscrivons également au paragraphe 11(1) qui exige la constitution, pour chaque AMC, d'un comité consultatif chargé de conseiller le ministre sur l'établissement, la révision et la mise en oeuvre du plan directeur.

Nous appuyons aussi le paragraphe 15(2) concernant les permis de pêche, le paragraphe 15(3), qui précise que le directeur ne peut modifier, suspendre, etc. ainsi que le paragraphe 16(2) qui exige que les règlements visant la gestion des pêches et la conservation des stocks, ou qui limitent ou interdisent la pêche ou l'aquaculture, la navigation et la sécurité maritimes fassent l'objet d'une recommandation commune des ministres du Patrimoine canadien et des Pêches et des Océans.

En conclusion, à cause de préoccupations, nous recommandons que le projet de loi soit retiré et que les fonctionnaires des ministères du Patrimoine canadien et des Pêches et Océans entreprennent des discussions afin de soumettre un projet de changement à la Loi sur les océans qui prévoit expressément la création d'aires marines de conservation lorsque la Stratégie sur les océans du Canada le justifie. Toutefois, si cette recommandation était rejetée et que le projet de loi passait aux étapes subséquentes, nous appuyons une partie des thèmes récurrents qui s'y trouvent: approbation nécessaire du ministre des Pêches et des Océans dans le cas des mesures touchant les pêches; nécessité d'un comité consultatif État-secteur privé pour créer une AMC désignée; renvoi final, rapide et rigoureusement structuré aux comités de la Chambre concernant un projet d'AMC.

Sur ce dernier point, en ce qui concerne le renvoi en comité, nous estimons que le projet de loi est raisonnable. Nous serions opposés à ce que les comités jouent un plus grand rôle que celui prévu au projet de loi. Nous voulons nous prémunir contre des mesures passées à toute vapeur par les ministres et les fonctionnaires, mais nous tenons également à ce que les questions d'intérêt public qui ont fait l'objet de consultations, de discussions et d'accommodements ne soient pas à la merci des comités qui n'ont pas profité des échanges entre les parties adverses. Nous ne voulons pas non plus que les membres de comités, n'ayant pas participé à l'opération, aient à se prononcer sans connaître tous les éléments.

La conclusion en ce qui concerne la formulation et tout le reste, c'est qu'il mérite un A-plus. Nous sommes prêts à l'adopter presque tel quel. Malheureusement, on a choisi le mauvais ministre.

Le président: Madame Spence.

Mme Christie Spence (codirectrice, Wildlands Campaign, Fédération canadienne de la nature): Je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de comparaître devant le comité. Je représente aujourd'hui ici la Fédération canadienne de la nature. Nous comptons plus de 40 000 membres et partisans partout au pays. Nous représentons les naturalistes, les spécialistes lâchés dans la nature avec leurs jumelles et leurs loupes.

• 0955

Au fil des années, nous n'avons cessé de nous intéresser vigoureusement à la protection de l'espace marin et en particulier à la création et à la gestion d'aires marines de conservation, surtout par Parcs Canada.

Lors de notre assemblée générale à Sackville, au Nouveau- Brunswick, il y a plusieurs années, nos membres ont adopté à l'unanimité une résolution invitant le Parlement à adopter le projet de loi sur les aires marines nationales de conservation afin de protéger ces zones de la prospection pétrolière et gazière, de l'exploitation minière et de l'extraction de granulat, du chalutage par le fond et du dragage, de l'immersion et de l'élevage de poisson.

En ce qui concerne le projet de loi à l'étude, nous appuyons entièrement le gouvernement fédéral dans ses efforts pour faire adopter une loi permettant la création et la gestion de zones marines de conservation. Ce texte nous semble une nette amélioration par rapport aux propositions antérieures de Parcs Canada exposées dans le document intitulé Le chemin à parcourir et dans le texte qui a précédé celui-ci, le projet de loi C-48. Nous félicitons Parcs Canada de son travail à cet égard.

En particulier, nous croyons que ce projet de loi comporte de très bons éléments, et nous les appuyons tout à fait. Il y a entre autres le fait qu'on souligne l'importance des écosystèmes marins dans la préservation de la biodiversité mondiale globale; l'engagement ferme que l'on prend de consulter la population et de l'inclure dans le processus décisionnel relatif aux aires marines de conservation—je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus; l'engagement selon lequel une fois qu'une aire marine de conservation est établie, sa taille ne sera pas réduite; l'importance que l'on accorde à la gestion des écosystèmes, le principe ou l'approche de prudence, et la nécessité de créer un système représentatif d'aires marines de conservation; l'obligation pour le législateur de faire des rapports régulièrement sur l'état du système d'aires marines de conservation; et le fait que l'on reconnaît l'importance de donner aux localités côtières des possibilités de faire un usage durable des ressources de l'océan comme par le passé.

Nous avons toutefois des réserves, et une fois de plus, nous allons proposer des amendements qui enrichiront le projet de loi. Je ne les mentionnerai pas tous, mais je peux d'entrée de jeu en résumer les plus importants.

Nous aimerions parler des interdictions qui sont énoncées dans le projet de loi; des pouvoirs de gestion du ministre du Patrimoine canadien; du pouvoir qui est conféré aux gardes et aux agents de l'autorité qui sont chargés de faire respecter la loi; des moyens que prévoit le projet de loi pour atténuer ou prévenir les dommages environnementaux au sein d'une AMC; et de la nécessité d'ajouter au projet de loi une disposition obligatoire de révision. Je n'entrerai pas dans les détails, je me contenterai de résumer nos observations.

À mon avis, il faut le répéter, nous croyons que ce projet de loi est très important et qu'il peut compléter la Loi sur les océans. Les objets et mandats différents des deux lois peuvent de concert faire beaucoup pour la protection de nos écosystèmes marins sans double emploi inutile ou gaspillage de ressources publiques limitées.

Parcs Canada doit demeurer l'organisme fédéral responsable de la conservation structurée et systématique de l'habitat marin, et il doit conserver aussi ce mandat sur la terre ferme. Parcs Canada a mis au point une planification des systèmes qui exprime une politique importante remontant à fort longtemps, qui a fait l'objet de plusieurs processus de consultation nationale. Même si la Loi sur les océans demeure l'un des principaux outils qu'a notre pays pour la protection de l'environnement marin, les aires protégées qui sont visées sont, et ont tendance à être, de petits sites sans cette valeur plus globale de conservation qu'un système de zones protégées pourrait avoir.

Je passe tout de suite à l'article sur les interdictions.

En vertu des articles 12 à 15, les seules activités interdites dans les aires marines de conservation sont l'aliénation et l'utilisation des terres domaniales, la prospection et l'exploitation d'hydrocarbures et de minéraux, et la nécessité d'obtenir un permis spécial pour immerger des substances. À notre avis, cette liste est incomplète. Il y a certaines activités dont nous savons qu'elles peuvent endommager l'environnement marin. Si le principe de la prudence doit vraiment être mis en oeuvre dans les AMC, comme il est dit dans le préambule, et si les aires marines de conservation doivent constituer de manière concrète un outil de conservation, il y a alors des activités dommageables qui doivent être interdites.

La FCN est d'avis que les activités suivantes doivent être interdites: le dragage; le dynamitage; la pose de conduits hydroélectriques, pétroliers ou gaziers; l'utilisation d'effaroucheurs acoustiques; la chasse, et les engins qui endommagent l'habitat de manière générale; ainsi que la pêche au filet maillant, à tout le moins dans les zones essentielles de protection et les zone tampons. En principe, la FCN n'est pas favorable aux activités aquicoles dans les AMC. La conchyculture pourrait être acceptable dans certains cas, mais nous ne pouvons accepter aucun type d'aquiculture des poissons.

Je tiens à souligner que nous comprenons le fait que le gouvernement hésite à mettre de l'avant une liste exhaustive d'interdictions ou une liste très précise d'interdictions, parce que le gouvernement craint de ne pouvoir inviter les localités touchées à prendre part à des consultations et à la négociation. Je répondrai seulement à cela que d'après notre expérience—et nous avons une assez longue expérience des consultations communautaires relativement aux propositions visant à créer les parcs nationaux—qu'il est extrêmement important d'être franc, ouvert, honnête et transparent lorsqu'on fait affaire avec les localités.

• 1000

En vertu du paragraphe 4(3), il y a des activités qui ne sont tout simplement pas compatibles avec le critère de l'usage durable et de la protection des éléments et des fonctions de l'écosystème. Et si l'on nÂa aucune intention d'autoriser ces activités en vertu de la loi, il est très important d'édifier une saine relation de confiance avec les localités, par des consultations, et plus tard par des négociations, où l'on dira très clairement ce qui sera interdit. Nous pensons que les activités que nous avons énumérées ne devraient pas être pratiquées dans ces aires.

Nous aimerions souligner le mandat que prévoit ce projet de loi au titre de la conservation, qui à notre avis n'est pas énoncé avec assez de clarté, et nous aimerions articuler clairement, au paragraphe 8(2), le rôle du ministre du Patrimoine canadien dans la gestion et la conservation de l'écosystème marin. Nous proposons un énoncé qui se lirait ainsi:

    Dans la prise en compte de tous les aspects de la gestion des aires marines nationales de conservation, le ministre aura pour priorité de maintenir ou de restaurer l'intégrité écologique par la protection des ressources naturelles et des processus naturels.

Nous comprenons que le gouvernement hésite à employer ces termes précis que sont «intégrité écologique», parce que cela ressemble à la Loi sur les parcs nationaux, mais on pourrait avoir un libellé qui marcherait, et cela se trouve déjà au paragraphe 4(3), qui se lirait donc ainsi:

    Dans la prise en compte de tous les aspects de la gestion des aires marines nationales de conservation, le ministre a pour priorité de protéger les éléments et les fonctions des écosystèmes, dont les terres immergées qui en font partie et les eaux qui les recouvrent.

Nous craignons également que cette loi ne soit pas en mesure d'atténuer ou de prévenir les dommages environnementaux. Nous croyons que cet article est assez faible et qu'il compromet le pouvoir qu'a le ministre d'assurer une prévention véritable ou l'atténuation des dommages environnementaux. Plus particulièrement, le projet de loi dit que le responsable d'un déversement dans une aire marine de conservation se rend coupable d'une infraction s'il ne la dépollue pas. Mais en fait, déverser une substance dans une aire ou y déverser une substance toxique n'est pas interdit. À notre avis, le responsable d'un tel déversement dispose d'une trop grande marge de manoeuvre et peut plaider qu'il n'a pas déversé la substance dans l'aire marine de conservation; que les mesures qu'il a prises pour dépolluer l'air étaient raisonnables, mêmes si elles n'étaient que superficielles ou totalement inefficaces—on propose des mesures raisonnables, mais celles-ci ne sont pas définies; ou que l'on aurait dû prendre ces mesures en vertu d'une autre loi, par exemple, la Loi sur la marine marchande, La loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques ou la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, et que par conséquent, le ministre du Patrimoine canadien n'a pas la compétence voulue pour ordonner ces mesures.

Nous aimerions donc que ces articles soient consolidés. Autrement les gardes de l'aire marine de conservation se trouveront dans une position très difficile, et la loi doit être consolidée à cet égard.

Enfin, étant donné qu'il s'agit d'une mesure législative toute neuve—bien sûr, le Canada dispose d'une certaine expérience à cet égard avec ses parcs marins, mais cela demeure un domaine nouveau pour lui—nous croyons que l'on pourrait avoir besoin d'apporter de petites améliorations ou des modifications plus tard, étant donné que l'expérience a prouvé que de telles modifications sont nécessaires pour faciliter la gestion et la conservation. Nous pensons qu'il serait acceptable d'avoir une période de sept ans, au terme de laquelle nous pourrions examiner cette loi de nouveau et voir si l'on peut l'améliorer. Et il existe un précédent pour ce genre de disposition, notamment dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et la Loi sur l'évaluation environnementale.

En conclusion, nous pressons le comité permanent de faire adopter le projet de loi C-10, qui a tout notre appui, même si nous avons quelques suggestions susceptibles de l'améliorer.

Enfin, nous tenons à souligner le fait que Parcs Canada a beaucoup de difficulté à s'acquitter de ses mandats très importants en vertu de la loi étant donné qu'il manque de ressources. Nous prions donc vivement votre comité de recommander au Parlement d'allouer des ressources humaines et financières importantes à Parcs Canada pour qu'il puisse s'acquitter de ce mandat et de représenter enfin certaines de nos régions marines.

Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Lien.

M. John Lien (Whale Research Group, université Memorial, à Terre-Neuve): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être des vôtres. C'est la deuxième fois que je viens vous parler de ce projet de loi.

Dans le fond, je ne représente personne. J'ai oeuvré pendant des décennies dans les localités côtières de Terre-Neuve. Mon travail porte largement sur la concentration des ressources marines. J'ai siégé au CCRH, et je siège en ce moment au comité du ministre sur les Océans, et j'ai agi en tant que conseiller scientifique à la table ronde sur l'environnement et l'économie.

Si je m'intéresse au projet de loi, c'est que de façon générale je suis préoccupé par la protection de l'environnement dont dépendent nos localités côtières. Nous ne pouvons pas avoir de localités côtières à moins d'avoir un environnement océanique sûr. L'un ne va pas sans l'autre. Voilà donc pourquoi je m'intéresse au projet de loi.

• 1005

Tout d'abord, j'aimerais parler des raisons pour lesquelles nous avons besoin d'aires marines de conservation. Je vis dans une petite localité côtière de Terre-Neuve. Ma localité, comme la plupart des collectivités rurales de Terre-Neuve, a été dévastée par la perte des ressources océaniques. Voilà maintenant neuf ans que nous avons un moratoire sur la morue du Nord. Cela a coûté au gouvernement du Canada des milliards de dollars. Cela a changé nos localités et nos gens à tout jamais. Les choses ne seront jamais plus les mêmes parce que nous avons perdu ces ressources.

Nous vivons avec ce moratoire depuis longtemps. Le rapport du CCRH qui a été publié cette semaine révèle que la biomasse de la morue du Nord a atteint son point le plus bas de toute l'histoire. La biomasse a diminué depuis le moratoire. Elle est à 3 p. 100 de ce qu'elle était autrefois, et nous pêchons toujours la morue, car nous sommes obligés de le faire. Le pronostic pour ce stock de poisson est donc peu encourageant.

L'effondrement des ressources de la morue du Nord et du poisson de fond à Terre-Neuve est attribuable à l'erreur humaine, et il est très important de le comprendre. Il y a eu des erreurs au niveau des données scientifiques et des erreurs causées par l'avidité. Les conséquences de ces erreurs ont été profondes pour les stocks, car les sanctuaires naturels qui existaient depuis toujours ont tout simplement disparu.

Par le passé, il n'était pas possible de pêcher à travers la glace. Il n'était pas possible de pêcher très loin des côtes car nous n'avions pas de réfrigération. Nous ne pouvions pêcher par mauvais temps car nos bateaux n'étaient pas sécuritaires, etc. Il y avait toujours sortes de zones dans l'océan où le poisson était naturellement protégé de l'homme, mais notre technologie a changé depuis la Seconde guerre mondiale. Il est dorénavant possible de pêcher le poisson à travers la glace à la dérive, à de très grandes profondeurs, par n'importe quel temps, et à n'importe quelle distance. Les poissons n'ont aucun endroit où ils peuvent se cacher. Donc, lorsque nous commettons des erreurs et lorsque nous sommes trop avides, il n'y a pas de protection. Cette protection a disparu.

C'est fondamentalement la raison pour laquelle nous avons besoin d'aires marines de conservation et peu importe la façon dont nous les obtenons, aux termes de quelque mesure législative. Nous devons maintenant rétablir artificiellement les sanctuaires afin de nous protéger contre ce genre d'erreur humaine. Ce n'est pas seulement le poisson qui a besoin de protection, et je tiens à le souligner. C'est aussi nos collectivités côtières, car les deux vont de pair.

Il est important que vous compreniez que dans un contexte international, le Canada accuse un retard important pour ce qui est de créer des sanctuaires océaniques.

Récemment, j'ai assisté à une réunion de la Commission de coopération environnementale dans le cadre de l'ALENA. Nos collègues mexicains m'ont dit que 19 p. 100 de leurs eaux territoriales avaient le statut de sanctuaire et qu'ils avaient un budget annuel de 45 millions de dollars américains pour les gérer.

Aux États-Unis, la commission du vice-président sur les océans a récemment reçu la recommandation que 20 p. 100 de toutes les eaux américaines obtiennent une sorte de statut de sanctuaire. Le président Clinton a donné suite à cette recommandation dans un décret-loi. Des mesures ont déjà été prises pour accorder à 20 p. 100 des récifs de corail le statut de sanctuaire, et cette initiative est en train d'aller de l'avant.

Ce ne sont pas seulement les gouvernements qui commencent à se rendre compte de cette situation. L'American Association for the Advancement of Science, qui est sans doute l'un des organismes scientifiques les plus éminents en Amérique du Nord, a recommandé que 20 p. 100 de toutes les aires océaniques soient réservées afin de les protéger contre le genre d'erreur que nous pouvons commettre.

Donc, comme vous pouvez le constater, j'appuie fermement ce projet de loi. Je ne pense pas qu'il comporte de lacunes fondamentales, et il complétera très bien l'autre mesure législative aux termes de laquelle des réserves pourront être créées en vertu de la Loi sur les océans et des lois environnementales.

• 1010

Il est important de savoir que Parcs Canada apportera une contribution unique aux sanctuaires océaniques du Canada. Le projet de loi C-10 est conçu pour protéger des aires représentatives. La Loi sur les océans ne dit pas cela. Elle protège des aires spéciales. C'est la même chose pour les lois environnementales. Les deux autres initiatives fédérales ont une portée beaucoup plus étroite. Étant donné que Parcs Canada a pour mandat de protéger les aires représentatives, il contribuera dans une large mesure à protéger la plus grande gamme de biodiversité. Ce projet de loi nous permettra de respecter les attentes de la Convention sur la biodiversité.

J'aime la façon dont le projet de loi est conçu. Le projet de loi crée des aires qui sont réparties en zones. Certaines ont pleine protection. Cela veut sans doute dire qu'il ne peut y avoir aucune exploration pétrolière et gazière. Cela veut dire dans de nombreux cas qu'il n'y a pas de pêche. Un tel programme de zonage est nécessaire afin de protéger les noyaux essentiels qui sont si sensibles et vulnérables à l'activité humaine. Il faut donc créer des zones tampons afin de les protéger contre l'activité humaine qui ne cesse d'augmenter. Ce type d'approche à l'échelle mondiale a connu du succès. À ma connaissance, il s'agit de la meilleure pratique pour les océans.

Dans certaines de ces zones, la principale activité qui sera encouragée sera l'activité de loisirs, de tourisme, d'interprétation et d'éducation. Ce sera l'une des contributions les plus importantes des aires qui sont créées en vertu du projet de loi. Je tiens à le souligner.

Récemment, lors de sondages qui ont été effectués aux États- Unis et au Canada, on a demandé aux gens ce qu'ils pensaient des océans. Chaque fois, les Canadiens ont répondu qu'ils se préoccupaient des océans, qu'ils avaient vraiment les océans à coeur. La surpêche, la pollution et les déversements de pétrole les préoccupent.

Par ailleurs, ils ne connaissent pas beaucoup de choses au sujet des océans et de leur fonctionnement: le genre de services écologiques qu'ils fournissent, les processus qui sont essentiels pour créer l'environnement dont les organismes vivants ont besoin. Ce qui m'a le plus choqué, et c'est le cas tant aux États-Unis qu'au Canada, c'est que les gens n'assument aucune responsabilité personnelle face à l'état des océans. Ils n'établissent aucun lien entre leurs activités et l'état des océans. Dans ma localité, nous voyons ce lien. Nous savons où nos égouts vont, nous savons d'où viennent nos aliments, etc.

Il est vrai que dans le centre du Canada et dans les Prairies, vous êtes reliés également aux océans. Les pratiques agricoles, les pratiques industrielles, le transport, le consumérisme, etc., sont toutes des activités qui affectent l'état de nos océans.

Je crois que l'une des contributions vraiment uniques de Parcs Canada, c'est d'établir ce lien pour les Canadiens. Cela est essentiel. Je ne pense pas que nous puissions réellement protéger les océans à moins d'avoir une population canadienne engagée, bien informée et qui se soucie des océans. Cela est nécessaire pour appuyer même un projet de loi comme celui-ci.

Parcs Canada a une excellente réputation. Les études révèlent que cet organisme est le communicateur le plus respecté au Canada sur les questions environnementales. Il est donc en mesure d'offrir un service très unique.

Vous tous, députés, devez sans doute vous préoccuper principalement de la façon dont ce projet de loi affectera vos localités côtières. C'est normal que vous vous en inquiétiez. Je peux parler un peu du processus de création de l'aire marine nationale de conservation Terra Nova. J'ai travaillé avec les collectivités dans ce dossier.

La réalité des réserves marines dans le monde entier, c'est qu'elles ne sont jamais créées avec succès s'il n'y a pas d'appui local. Graeme Kelleher de la Grande Barrière dit que le premier principe pour créer un sanctuaire marin, c'est d'avoir l'appui de la communauté locale. Dans la politique de Parcs Canada sur les aires marines nationales de conservation, on dit que l'appui local est essentiel, et je pense que c'est tout à fait vrai.

• 1015

Je vais vous parler un peu du manque d'appui local dans le cas de l'aire marine nationale de conservation Terra Nova. Je pense qu'il y a eu un certain nombre de choses qui ont mal fonctionné au cours de ce processus. Cela s'est passé à un moment où nous avions l'impression d'avoir été brûlés par le gouvernement. On nous avait dit que nos réserves de poissons étaient en bon état et, tout à coup, on nous a imposé un moratoire. Je pense que l'image frappante qui montre ce que nous ressentions à l'époque était ces gens qui tentaient de défoncer la porte pour entrer parler au ministre des Pêches. On avait vraiment beaucoup de méfiance à l'égard du gouvernement fédéral et voilà qu'un autre ministère fédéral disait qu'il allait faire quelque chose de bien pour nous. Donc, le moment était très mal choisi et il y avait une énorme méfiance.

Par ailleurs, il y a eu un manque remarquable de collaboration de la part d'autres organismes gouvernementaux et du gouvernement provincial. Tout le monde a laissé Parcs Canada s'occuper de ce dossier seul. Il n'y a tout simplement pas eu de collaboration de la part des partenaires qui auraient dû collaborer.

Un autre problème a été le délai beaucoup trop rapide. Les localités prennent des décisions dans des délais différents de ceux que vous ou nous prenons. Il nous faut beaucoup de temps pour arriver à un consensus et régler les problèmes pour savoir comment nous voulons nous y prendre. Nous leur avons donné un délai très court, et s'il y a quelque chose qui a été imposé dans ce processus, c'est bien le délai. Nous voulions des réponses dans un délai qui nous convenait, car nous en avions besoin pour l'année budgétaire et ce genre de chose.

Une autre chose qui n'a pas fonctionné dans ce processus c'est qu'au départ, le FFAW, le syndicat des pêcheurs à Terre- Neuve, n'a pas participé. Récemment, le président du syndicat des pêcheurs—et il parlait des océans et des autres intervenants comme l'industrie pétrolière et gazière—a dit: «nous avons des droits de squatters dans toute cette sacrée affaire». On avait l'impression que le syndicat des pêcheurs de Terre-Neuve considérait que l'on accommodait d'autres intervenants dans le domaine des océans, du tourisme, de l'éducation, de la protection, etc., et c'était comme une question d'allocation pour le syndicat. Donc, dès le départ, on ne leur a pas fait comprendre de quelle façon cela serait à leur avantage.

Le dernier point que je voudrais mentionner c'est qu'à ce moment-là, il y avait un mouvement actif dans les régions rurales de Terre-Neuve où l'on se préoccupait de la privatisation de l'accès traditionnel, que ce soit pour les rivières, la coupe du bois ou la pêche, et l'étude de faisabilité du programme d'aires marines nationales de conservation était considérée comme un autre effort de privatisation. Ce qui est arrivé, c'est que les gens ont parlé de ces questions, ils ont parlé des solutions qui seraient possibles dans une aire marine nationale de conservation et ils ont dit non, nous ne voulons pas faire cela, et Parcs Canada a écouté.

Nous pourrions considérer cela comme un échec, ou nous pourrions considérer que le gouvernement a écouté les gens localement. Quoi qu'il en soit, en fin de compte le gouvernement a fait un bon effort: il a créé bon nombre de programmes d'éducation, a fait beaucoup d'efforts de recherche dans ce domaine, et les gens ont dit non. La réalité, c'est que les programmes de recherche se poursuivent. Il y a maintenant beaucoup plus de recherche qui se fait dans les zones limitrophes proposées comme aires marines nationales de conservation. Il n'y en a jamais eu avant cette initiative.

Depuis l'échec de la création d'une aire marine nationale de conservation, à la demande des comités de pêcheurs locaux, nous avons créé deux zones pilotes marines de protection. Il y a quatre autres localités qui demandent des zones marines de protection et un programme en quelque sorte semblable aux zones marines de protection qui ont été créées.

• 1020

Beaucoup de bonnes choses sont ressorties de tout cela, et on a beaucoup parlé de la meilleure façon de répondre aux besoins de conservation dans l'océan, mais l'aire marine nationale de conservation n'était simplement pas l'une de ces façons. Je ne peux parler au nom du Comité d'étude de faisabilité, mais j'ai activement participé au niveau des localités et avec Parcs Canada et d'autres intervenants dans ce dossier. Je pense que cela a fait mal à l'époque parce que certains ont exprimé de mauvais sentiments, mais franchement les gens se sont penchés sur la question de la conservation, qui est une question difficile, selon des points de vue très différents—des pêcheurs, des maires, des touristes—et dans tout cela, il est normal qu'il y ait des conflits. Cependant, je pense qu'à ce moment-ci on peut affirmer que cet exercice a été positif.

Je souligne qu'il est important d'aborder les localités avec un programme souple, mais aussi avec un délai souple. Je pense que les localités ne pourront jamais avoir les mêmes délais que le gouvernement. Une des choses qui me plaît particulièrement dans ce projet de loi, c'est qu'on dit que le processus n'est pas rigide. J'espère que cela ne va pas changer dans la pratique.

Je ferai deux dernières remarques. Je vous rappelle que si ce projet de loi est adopté, sa mise en oeuvre constituera un énorme défi et je ne crois pas que Parcs Canada puisse relever ce défi avec ses budgets actuels. Il s'agit d'une nouvelle initiative qui doit faire l'objet d'une injection de fonds supplémentaires. Le travail en mer est coûteux, le travail dans les localités côtières prend du temps; il faudra donc un budget assez important.

Par ailleurs, j'abonde dans le même sens que la Fédération canadienne de la nature. La courbe d'apprentissage sera plutôt raide, et il serait dommage de nous embarrasser d'un projet de loi qui ne correspond pas à nos objectifs. Tout comme la Loi sur les océans qui prévoit un examen obligatoire après trois ans, je propose l'ajout d'une disposition prévoyant un examen de cette mesure législative après un certain temps. C'est ma recommandation. C'est important pour nos poissons, nos collectivités et la biodiversité.

Merci de m'avoir écouté.

Le président: Nous passons maintenant à la période de questions en commençant par Mme Gallant.

Mme Cheryl Gallant: J'aimerais d'abord vous demander, monsieur Laughren, quelles circonstances vous ont amené à venir témoigner. Avez-vous été invité ou suivez-vous l'évolution de ce projet de loi depuis un moment?

M. Josh Laughren: Nous suivons l'évolution de ce projet de loi depuis cinq ans, probablement depuis la première version. Nous travaillons beaucoup dans les îles de la Reine-Charlotte, à Haida Gwaii et à Prince Rupert, et les gens avec qui nous travaillons nous ont indiqué clairement qu'il fallait que nous apportions notre contribution. Lorsqu'ont commencé les discussions sur le projet de loi C-48, nous nous sommes adressés à Parcs Canada pour demander à témoigner. C'est moi qui suis venu alors. Je suis presque certain que nous avons envoyé une note pour demander à témoigner.

Mme Cheryl Gallant: Puisque vous suivez cette mesure législative depuis le projet de loi C-48, savez-vous combien coûteront soit chacune de ces aires marines nationales de conservation ou l'ensemble de ces aires?

M. Josh Laughren: Non, je n'en ai pas la moindre idée.

Mme Cheryl Gallant: Vous représentez le Fonds mondial pour la nature; manifestement, votre organisation amasse des fonds pour protéger la nature. Votre organisation serait-elle disposée à partager les coûts de construction et d'entretien de ces parcs marins?

M. Josh Laughren: Notre organisation est un fonds: L'argent que nous recueillons est tout de suite dépensé. Déjà, nous participons à des initiatives de collecte de fonds en collaboration avec le gouvernement et les collectivités et nous serions tout à fait prêts à participer à ce genre de travail. Mais puisque notre organisation est non gouvernementale, son financement vient des dons provenant de ceux qui nous appuient et de fondations et est donc beaucoup moins stable que celui provenant du gouvernement. Il serait donc dangereux pour nous de nous engager à remplir un mandat gouvernemental que nous ne serons peut-être pas en mesure de mener à bien.

• 1025

Il ne fait aucun doute que nous aimerions contribuer au financement de projets de recherche et d'initiatives communautaires. Nous le faisons déjà et nous comptons continuer. Nous nous intéressons particulièrement à ces aires de conservation.

Mme Cheryl Gallant: Mais vous ne savez pas combien coûtera ne serait-ce qu'une des aires marines de conservation?

M. Josh Laughren: Non, et je n'oserais même pas vous donner un chiffre approximatif. Toutefois, nous savons ce que coûte une mauvaise gestion, comme l'a souligné M. Lien, qui est toujours pour moi une source d'inspiration, soit des milliards et des milliards de dollars à Terre-Neuve seulement. Aucune des mesures de conservation qu'on aurait pu proposer là aurait été plus coûteuse pour la société ou même du point de vue financier que ce qu'a coûté la mauvaise gestion des stocks de poisson.

Mme Cheryl Gallant: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Tremblay, pas de questions?

[Traduction]

Monsieur Comartin, vous avez la parole.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Merci, monsieur le président.

Je m'adresserai d'abord à M. McGuinness, du Conseil canadien des pêches. Je ne suis pas d'accord avec votre façon d'appliquer le principe de la prudence. J'attire l'attention du comité sur l'effet que ce principe a été intégré à bon nombre de lois, déclarations, traités et protocoles internationaux. D'après les informations qui nous proviennent du rapport de la Société royale, il y en a au moins 20. Sans vouloir paraître arrogant, j'estime qu'il incombe à chaque membre de ce comité de lire le principe de la prudence tel qu'il est énoncé dans ces documents. D'après ce que disent différents groupes un peu partout dans le monde, ce libellé est probablement l'un des meilleurs et le Canada peut en être fier.

J'ai une question, mais je ferai d'abord une dernière remarque sur le Conseil des pêches et la question de savoir si ce projet de loi devrait relever du ministère des Pêches et des Océans.

M. McGuinness a témoigné devant le Comité de l'environnement hier, et le président de ce comité en a profité pour remettre en question certains propos des représentants du Conseil des pêches, ainsi que le travail du ministère des Pêches et des Océans, qui est loin d'être exemplaire.

Les observations de M. Lien sur les répercussions de ce travail, ainsi que l'article qui est paru dans le Globe and Mail d'aujourd'hui sur les stocks de saumon au large de la côte Est, militent fortement pour que ce projet de loi relève de Parcs Canada et non pas de Pêches et Océans.

J'ai une question pour Mme Spence et peut-être aussi pour M. Lien. Un groupe d'écologistes de la Nouvelle-Écosse nous a donné hier des informations sur les coraux le long de nos côtes; ils nous ont indiqué que le dragage est particulièrement néfaste. Je connais votre position, madame Spence, mais qu'en pensez-vous, monsieur Lien? Vous n'avez pas réclamé d'interdictions, en fait vous n'avez pas abordé ce sujet. Croyez-vous qu'on devrait interdire le dragage dans les aires marines de conservation?

M. John Lien: Oui, je serais d'accord avec cette idée.

Les données sur l'incidence du dragage varient. Le MPO a mené des expériences sur la plate-forme Néo-Écossaise et sur les Grands Bancs. Mais on s'est contenté de faire du dragage le long d'une ligne de temps à autre, toujours au même endroit. On a constaté que dans ces zones, il y a renouvellement rapide pas nécessairement du corail dur, mais plutôt des organismes benthiques. Évidemment, si je tente d'éliminer les pissenlits de ma pelouse en supprimant seulement ceux qui sont sur le pourtour, je n'empêcherai pas l'ensemencement. Ce genre d'expérience n'est probablement pas très valable. Il y a donc des différences fondamentales entre les différentes études et des différends sur la façon de les mener.

Il ne fait aucun doute que le dragage détruit le corail dur. Le pourcentage de la surface de l'océan qui a fait l'objet de dragage est plus élevé que le pourcentage d'habitats terrestres en Amérique du Nord qui ont fait l'objet de coupes ou de coupes à blanc. Il n'y a donc aucun doute que cela a une incidence.

Lorsqu'on pêche, cela ne se fait pas dans des zones bien délimitées que l'on peut recoloniser facilement des alentours. Ça se produit comme ceci. Les effets sur l'habitat benthique sont peut-être donc permanents. Cela a d'ailleurs été prouvé dans certaines zones marines.

• 1030

M. Joe Comartin: Monsieur Lien, ce groupe nous a aussi dit que très peu de recherche a été faite sur le corail, qu'on en sait très peu à ce sujet. Avez-vous d'autres informations à nous donner?

M. John Lien: Une conférence internationale s'est tenue à Halifax l'an dernier sur le corail dur du monde entier; cela a été un très bon début pour la collecte d'information. Je commence à susciter l'intérêt des scientifiques.

Le problème de l'océanographie, c'est que nous n'avons encore qu'effleuré la surface. Nous n'avons étudié que quelques- unes des créatures de l'océan. Lorsque je siégeais au Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, nous n'avions aucune information scientifique ou ne disposions pas de suffisamment d'information pour plus de la moitié des stocks commerciaux que nous devions gérer de façon intensive—et il s'agit là de la plus grande partie des sommes consacrées à la recherche océanographique. Dans le cas d'un corail qui n'intéresse personne, mais qui a une certaine valeur dans la biodiversité et pour les autres organismes dans cette communauté, on en sait très peu sur le cycle évolutif, le rôle écologique ou quoi que soit d'autre. Alors vous entendrez souvent les gens dire, comme on vous l'a dit au sujet des coraux durs, que nous n'en savons pas encore assez pour bien les protéger.

M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Bulte.

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.

Peut-être, monsieur le président, pourrions-nous demander à M. Comartin, par votre entremise, s'il pourrait remettre à la greffière le document dont il parle et qui traite du principe de précaution, afin qu'on puisse le distribuer aux membres du comité. Ce serait grandement apprécié. Je pense qu'il serait utile que nous le lisions tous et je remercie M. Comartin de nous avoir transmis ce renseignement.

Monsieur McGuinness, vous avez dit au début que vous étiez pris dans un dilemme et que vous appuyiez le projet de loi, si j'ai bien compris votre présentation. Mais vous avez soulevé des questions intéressantes et je pourrais peut-être les poser à mon tour et demander aux autres membres du comité d'y répondre.

Quand vous avez dit que cela devrait figurer dans la Loi sur les océans, vous avez utilisé les mots double emploi, confusion, vous avez dit qu'il n'y a aucune compétence scientifique au ministère du Patrimoine. Je me demande si M. Laughren, M. Lien, ou Mme Spence pourrait commenter là-dessus. Si c'est vrai qu'il pourrait y avoir double emploi et confusion—et nous ne devrions pas faire double emploi—sur quoi se fonde-t-on pour décider de procéder de cette manière, outre ce que M. Comartin a dit? En vertu de quel argument juridique a-t-on décidé de mettre en cause le ministère du Patrimoine canadien?

M. Josh Laughren: Pour répondre à cette question, je ferai une comparaison avec le domaine terrestre. Dans l'environnement terrestre, nous trouvons normal qu'il y ait des centaines de lois différentes promulguées par divers niveaux de gouvernement qui s'appliquent à la gestion du paysage. Dans le cas des océans, comme on s'en sert surtout pour la pêche depuis 500 ans, c'est principalement une seule organisation, nommément Pêches et Océans, qui s'en est occupés. Dans le domaine terrestre, il y a des parcs nationaux, des parcs provinciaux, des parcs municipaux, des réserves écologiques, des sanctuaires d'oiseaux. Nous avons probablement une douzaine de catégories d'aires de conservation.

C'est logique. On ne voudrait pas que Parcs Canada s'occupe du parc urbain High Park, à Toronto, et l'on ne voudrait pas non plus que le gouvernement municipal s'occupe du Parc national Wood Buffalo. C'est différent sur le plan de l'ordre de grandeur et de l'utilisation et il est donc logique que ce soit des organismes différents qui en assurent la conservation. La préservation de l'environnement touche absolument tout, depuis l'utilisation des ressources jusqu'aux collectivités en passant par la biodiversité.

Alors, quand il s'agit de l'océan, je ne pense pas que nous devrions nous étonner que l'environnement mette en cause un certain nombre d'organisations différentes. Si vous voulez parler de double emploi, le ministère des Ressources naturelles du Canada a un règlement environnemental et s'occupe de diverses questions environnementales, et il compte sur d'autres ministères comme le ministère de l'Environnement pour lui fournir conseils, informations, transports. Chaque organisation gouvernementale doit s'occuper d'un environnement quelconque et je ne pense pas que ce soit faire double emploi que d'avoir trois ministères, le Service canadien de la faune, qui relève d'Environnement Canada, Pêches et Océans et Parcs Canada qui s'occupent d'aires protégées dans l'océan.

Le corail en est un bon exemple. Les coraux que nous voulons protéger sont à 1 000 mètres de profondeur au large de la plate-forme scotian et il faut absolument les protéger. On n'a pas besoin d'un parc national ni d'une aire marine de conservation pour cela. Ce pourrait être une aire de protection aux termes de la Loi sur les océans ou encore on pourrait interdire la pêche en application de la Loi sur les pêches. Ce sont là différents outils que nous pouvons utiliser.

• 1035

Prenons par exemple le secteur Haida Gwaii des Îles de la Reine-Charlotte, où il y a une grande superficie, une importante zone de contact entre la mer et la terre, des îles aux utilisations diverses; je ne crois pas que Pêches et Océans serait très bien outillé pour s'en occuper.

Je pense que John a soulevé un excellent point. C'est vrai qu'il faut assurer la conservation dans certains secteurs, mais il y a des aspects qui sont absolument fondamentaux comme l'éducation, l'encouragement du tourisme, et le fait d'encourager tous les Canadiens à commencer à se soucier de tout cela. Parcs Canada possède une riche expérience qu'aucune autre agence ne possède à cet égard. Ils n'ont pas de connaissances précises relatives aux espèces et aux secteurs des pêches, mais on y trouve, beaucoup plus qu'au MPO, des biologistes spécialistes du paysage, des écologistes qui sont habitués d'étudier les questions à plus grande échelle.

Je pense donc que c'est tout à fait complémentaire et ce serait mauvais d'essayer de confier à un seul et même ministère tout ce qui se trouve à avoir un rapport avec les océans. En fait, je pense même que ce serait impossible.

Mme Christie Spence: Cette réponse était assez complète. Nous appuyons fermement l'idée d'un système exhaustif permettant de protéger toutes les aires représentatives d'un bout à l'autre du pays, que ce soit dans les écosystèmes d'eau douce ou dans nos océans, et Parcs Canada a de l'expérience dans ce domaine. Ils n'ont pas connu un très bon départ dans la baie de Bonavista, mais ils ont de l'expérience en consultations communautaires, ils ont un solide mandat dans le domaine de l'éducation, de la consultation, et il y a aussi cette possibilité de faire appel peut-être au ministère des Pêches pour la mise en application de dispositions rigoureuses ou pour une expertise précise dans le domaine des pêches. Parcs Canada possède tout un éventail d'expérience qu'il peut mettre à profit. Et surtout, pour ce qui est de traiter avec le grand public canadien, ils ont la capacité de consulter d'un bout à l'autre du pays, de rejoindre la clientèle cible. Je pense donc qu'il est très important de lui donner la possibilité de protéger des aires plus grandes que celles qui sont en permanence visées par des lois, par opposition aux fermetures saisonnières ou à de très petits secteurs qui peuvent être visés par la Loi sur les pêches.

M. John Lien: Mon programme est d'intéresser à la conservation des océans absolument toutes les organisations fédérales, que ce soit les Affaires étrangères, le ministère des Transports ou la Défense nationale. Cela ne m'inquiète donc pas que la conservation des océans relève maintenant d'un autre ministère fédéral. Je ne pense pas qu'il y ait double emploi. Si vous lisez la Loi sur les océans et ensuite cette loi-ci, vous verrez qu'elles font appel à des stratégies très différentes quant au choix des aires à protéger.

Je crois par ailleurs que nous devons mettre à profit les capacités uniques de chaque organisation pour atteindre cet objectif de la conservation des océans. J'ai dit clairement qu'à mon avis, la conservation structurelle, la protection de certaines aires sont des éléments importants de cette stratégie. Et il est indéniable que Parcs Canada est un communicateur respecté et est passé maître dans l'art de l'enseignement. Je pense qu'il est essentiel, pour assurer la conservation des océans, d'établir ce lien entre la vie quotidienne des Canadiens et les océans. Je pense que les organismes qui s'occupent des pêches et les pêcheurs sont en général plus à l'aise avec le MPO comme gestionnaire des océans. Je pense que c'est dû au fait que le MPO agit depuis longtemps comme défenseur de l'industrie, plutôt que comme gestionnaire de l'environnement. C'est un endroit où les intervenants se sentent beaucoup plus à l'aise.

Je pense que l'industrie elle-même craint l'arrivée d'un nouvel intervenant dans le domaine des océans. C'est comme une nouvelle allocation. Mais je pense qu'il est dans l'intérêt des Canadiens, et pas seulement des pêcheurs, d'assurer la qualité de nos océans, et nous avons des intérêts différents qui vont bien au-delà de la pêche commerciale. Nous devons protéger les processus écologiques, nous devons garantir ces services que les océans nous fournissent. Je ne pense donc pas qu'il soit inapproprié que Parcs Canada s'en occupe. Ce n'est pas une erreur, je pense plutôt que c'est un atout.

Mme Sarmite Bulte: Madame Spence et docteur Lien, je partage votre enthousiasme quand vous dites qu'il faudra des fonds supplémentaires et même un investissement considérable. Je vous invite donc à faire votre présentation au Comité permanent des finances.

Merci.

Le président: Monsieur Hearn, avez-vous des questions?

M. Loyola Hearn: Merci, monsieur le président.

C'est intéressant d'écouter des points de vue différents et peut-être que l'on pourrait trouver la même diversité parmi les membres du comité.

• 1040

Quand on commence à parler de conservation et de l'environnement, je pense qu'on a affaire à deux types de personnes. Il y a celles qui vivent dans un monde imaginaire, et puis il y a les réalistes. Je suis peut-être injuste. Je devrais peut-être dire celles qui ont une vision de la réalité telle qu'elle pourrait être, et celles qui se préoccupent peut-être davantage de ce qui se passe à l'heure actuelle.

Nous sommes tous conscients de ce que nous faisons à notre environnement, autant sur terre que dans les océans. Nous nous rendons bien compte que si nous ne le protégeons pas, il ne sera plus utilisable à notre profit pendant très longtemps. Mais dans l'intervalle, la plupart des gens qui vivent dans les régions maritimes tirent leur gagne-pain directement de cet environnement marin.

J'examine ce projet de loi et je constate qu'il est d'une grande importance sur deux plans. Premièrement, en l'absence d'une loi appropriée, on verra de plus en plus de moratoires imposés un peu partout au Canada. Comme M. Lien l'a dit très clairement, Terre-Neuve n'est plus aujourd'hui la Terre-Neuve d'il y a vingt ans. Elle ne sera plus jamais la même, parce que les gouvernements, les pêcheurs eux-mêmes, tout le monde en fait, n'ont pas fait le travail ou n'ont pas fait attention aux signes précurseurs, n'ont pas pensé en fonction de demain.

Un célèbre Terre-Neuvien a dit: «Je dois me soucier d'aujourd'hui, mais je dois aussi me soucier de demain, parce que je ne veux pas que demain soit comme hier». Je pense que c'est tout à fait vrai. Nous ne voulons pas que demain ressemble à hier. Mais il y a ce petit élément, entre les deux, dont nous devons nous soucier, à savoir aujourd'hui. Si cette loi est adoptée dans sa forme actuelle, l'établissement des zones que nous voulons protéger dans divers coins du pays soulèvera énormément d'obstruction à cause des inquiétudes des gens qui habitent dans ces régions.

Il y a trop d'inconnues et ces inconnues se situent peut-être plutôt du côté des visionnaires que du côté de ceux qui vivent sur place et qui dépendent de l'environnement marin pour leur gagne-pain.

Je pense par ailleurs que le ministère des Pêches et des Océans doit être le chef de file dans ce dossier, afin d'obtenir l'appui nécessaire, en particulier dans des endroits comme Terre-Neuve et je dirais aussi la Colombie-Britannique et d'autres.

Nous devons procéder avec prudence. Si nous n'obtenons pas les appuis voulus au niveau local... Je pense que ce que M. Lien et d'autres font en ce moment même dans la région de la baie de Bonavista, se révèle un succès éclatant. Nous assistons à l'établissement de zones protégées parce que les gens y tiennent. Ils constatent que c'est à leur avantage et ils ont tiré les leçons du passé. Mais cela a été fait en tenant soigneusement compte de leur point de vue, et aussi avec l'aide de professionnels. C'est peut-être la façon de procéder. Mais si l'on commence à intervenir d'une main trop ferme, nous aurons les mêmes problèmes qui se sont posés dans la baie de Bonavista.

Nous devons aussi nous rendre compte qu'il y a encore des gens qui doivent gagner leur vie. Quand on parle d'interdire le dragage et tout le reste, c'est bien beau, mais allez donc dire cela aux gens du village de pêcheurs qui n'arrivent plus à sortir leur bateau parce que le port s'est ensablé ou qui doivent pêcher les pétoncles à l'aide d'un dragueur pour gagner quelques maigres dollars qui vont leur permettre de survivre, eux et leur communauté.

Nous devons adopter une approche très prudente. J'inviterais M. McGuinness et peut-être M. Lien à commenter mes propos.

M. Patrick McGuinness: Je suis entièrement d'accord avec ce que vous avez dit.

Pour ce qui est de la proposition de Josh et de Christine d'inclure le dragage dans la liste des interdictions, je vous mets en garde contre cela. Il y a des membres de mon organisation qui font la pêche aux dragueurs. Certains d'entre eux pêchent aux filets maillants, etc.

Si vous voulez vraiment établir des aires marines de conservation à Terre-Neuve et dans les Maritimes et même en Colombie-Britannique, John Lien a absolument raison, vous devez avoir l'appui des gens de l'endroit et leur permettre, comme nous le réclamons, d'élaborer un plan de gestion. Mais si vous légiférez et décrétez qu'une collectivité de 500 personnes, dont peut-être 100 font la pêche à la drague...tout cela va ressembler à un problème d'allocation. Vous aurez constamment le même problème qu'à Bonavista; c'est-à-dire de nombreux conflits d'intérêts entre les divers secteurs de la pêche, pêche aux filets maillants, à la drague, etc.

• 1045

Et je dis que ce serait une erreur et que votre succès serait compromis si vous ajoutiez carrément cette interdiction. Néanmoins, si vous établissez un domaine d'intérêt et élaborez un plan de gestion et s'il y a des coraux vulnérables dans ce secteur, j'ai très confiance que les gens responsables et les commentateurs responsables dans le domaine des pêches diront qu'il y a lieu d'établir une zone où le dragage serait interdit pour protéger les coraux. C'est compréhensible, parce que l'on protège un élément qui est particulièrement sensible.

Je tiens à insister sur le fait que c'est local. Et comme John Lien l'a dit, si vous le faites, ce doit être souple et ce doit être perçu comme tel. Notre argument est que c'est une bien belle loi. Les localités côtières sont plus habituées au ministère des Pêches et des Océans, qui établit déjà des stratégies pour les océans. Josh et John ont mentionné les aires marines de conservation. C'est un outil de la Loi sur les océans.

Notre souci est que nous voudrions que tous soient inclus dans cet effort. Nous voulons pouvoir compter sur l'expertise de Parcs Canada. Nous voulons aussi avoir la possibilité d'établir peut-être une stratégie des océans au lieu d'une simple aire marine de protection. Peut-être qu'il conviendrait davantage d'établir une aire marine de conservation.

Ce qui nous inquiète actuellement, c'est qu'il y aura des gens de Pêches et Océans qui discuteront de l'utilisation de leurs outils et quelque temps plus tard, Parcs Canada viendra demander ce qui se passe pour les aires marines de conservation.

Nous voulons être pratiques, nous voulons nous soucier d'aujourd'hui. Mais nous avons aussi une vision. Nous avons appris, nous avons tiré les leçons de l'expérience. Notre vision consiste à mettre au point un système fondé sur le développement durable. Nous reconnaissons qu'il peut y avoir des secteurs où il est dans l'intérêt supérieur des pêches d'assurer la conservation ou même la protection.

Merci beaucoup.

M. John Lien: Je dirai ceci, et Loyola est bien conscient de cela: dans nos localités côtières, nous avons une structure très complexe et beaucoup de discussions sont très difficiles. Peu importe que l'on discute du conseil municipal, ou du pavage des rues, il y aura toujours des discussions difficiles, surtout quand il est question d'établir une aire marine de conservation ou un sanctuaire ou quelque chose du genre. C'est dans la nature des choses. Ce sont des dossiers compliqués pour nous.

Je me rappelle d'un incident. Gordon Slade était sous-ministre des Pêches à Terre-Neuve. Un jour, il rentrait du bureau et sa fille de sept ans lui dit: papa, quelqu'un a téléphoné d'Ottawa et il parlait de poisson. Mais il doit y avoir une erreur, il n'y a pas de poisson à Ottawa.» Je pense que, de là-bas, c'est difficile de comprendre la réalité des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. C'est pourquoi il est tellement essentiel d'obtenir l'appui des gens de l'endroit et c'est pourquoi c'est un processus tellement difficile.

Je comprends le point de vue du Conseil des pêches sur la Loi sur les océans. Peut-être qu'il fut un temps dans notre histoire où nous aurions pu consolider dans une seule loi toute notre législation sur les océans. Je ne sais pas. Il est évident que ce n'est pas possible aujourd'hui. Mais je suis vraiment très heureux que l'on puisse compter sur une organisation qui a tellement un bilan intéressant pour ce qui est de l'interprétation et de l'éducation et qui se joindra maintenant à nous pour poursuivre l'objectif de la conservation des océans.

M. Rodger Cuzner (Bras d'Or—Cape Breton, Lib.): Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Spence.

À titre d'information, vous avez dit dans votre exposé que vous n'appuyez pas l'aquaculture des poissons, mais que vous appuyez certaines initiatives dans le domaine de l'aquaculture des mollusques et coquillages. Est-ce la position de la Fédération, à savoir que vous êtes contre l'aquaculture des poissons? Quelles initiatives d'aquaculture appuyez-vous au juste?

• 1050

Mme Christie Spence: Nous sommes contre l'aquaculture des poissons, bien sûr. Il y a peut-être moyen de faire l'aquaculture des mollusques et coquillages d'une manière qui ne serait pas contraire à l'intention de ce projet de loi ou d'un plan de gestion. Nous ne l'avons pas dit très clairement et je m'en excuse, mais l'aquaculture des mollusques et coquillages pourrait être une activité permise aux termes de l'article 12. Mais aux termes de l'article 13, l'aquaculture des poissons serait interdite.

Au sujet de cette interdiction et pour revenir à ce que l'on disait de l'adhésion des collectivités locales, je réitère que quand on s'adresse aux gens de l'endroit et que l'on semble très ouvert à toutes les idées possibles, les gens disent: «Mais n'êtes-vous pas censés protéger quelque chose? Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous venez nous voir, si tout ce que nous faisons maintenant, nous pourrions le faire dans une aire de conservation».

Je pense qu'il y a une certaine méfiance à l'égard des gens qui viennent d'Ottawa, qu'ils soient au service de l'État ou que ce soit des gens comme nous; les gens ont l'impression que nous avons peut-être des intentions cachées. Ils disent: «Si vous venez nous dire que nous pouvons faire tout cela, par exemple le dragage, qui est nocif pour le plancher de l'océan, nous le savons, alors à quoi bon? Où sont les petits caractères?» C'est dans le projet de loi qu'on trouve les petits caractères et on précise qu'il faut protéger à certains égards la structure et la fonction et la structure de l'écosystème ainsi que les terres submergées et la colonne d'eau.

Tout en reconnaissant qu'il est essentiel de compter sur l'appui de la collectivité, il est très difficile de gagner sa confiance et d'obtenir sa participation si elle soupçonne qu'il y a anguille sous roche ou que malgré les assurances, il est impossible d'envisager certaines activités, étant donné les interdictions du paragraphe 4(3) et l'objet du projet de loi.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Hearn.

M. Loyola Hearn: Par rapport à ce que nous avons entendu, et probablement à ce que nous allons entendre, le projet de loi est extrêmement important. Il comporte des éléments dont on a grand besoin, mais d'autres en revanche vont causer beaucoup de problèmes et de bouleversements dans les milieux marins. Je sais bien que nous allons faire notre travail ici, mais il ne faudrait pas précipiter les choses, tout simplement parce qu'il faut qu'un projet de loi soit adopté.

L'occasion nous est offerte de faire quelque chose de bien pour une fois, et nous pouvons probablement réussir, mais il faudra convaincre beaucoup de monde. Encore une fois, je vous donne là mon avis strictement personnel.

Le président: Madame Bulte.

Mme Sarmite Bulte: Vous avez dit à quel point le Canada tire de l'arrière sur le plan international. Nous avons cependant signé une convention internationale, et c'est pour cela que nous devons adopter une loi sur la protection des espèces en péril. Avons-nous aussi signé une convention internationale sur la protection des aires marines de conservation?

Corrigez-moi si je me trompe, mais les interdictions figurant à l'article 13 du projet de loi ont-elles cours aussi à l'échelle internationale? Est-ce que d'autres pays les ont adoptées? Sont-elles plus étendues que celles-là? Maintenant, pour revenir à l'interdiction du dragage et du chalutage à l'article 13, de telles interdictions sont-elles communes dans le monde ou encore plus strictes? Je reviens donc à vos propos selon lesquels nous accusons un certain retard à l'échelle internationale.

M. John Lien: Je pense que Josh est bien placé pour répondre également.

Nous sommes signataires de la convention sur la biodiversité, qui comporte des exigences précises en matière de protection des océans et de la terre. Nous faisons aussi partie de l'UICN qui, je crois, a aussi recommandé que les gouvernements nationaux...

Mme Sarmite Bulte: Que signifie UICN?

M. John Lien: L'Union internationale pour la conservation de la nature. Cette dernière fait des recommandations aux nations qui en font partie, pour qu'elles établissent des aires de protection, dans le cadre de son mandat de protection des océans.

Josh a peut-être quelque chose de mieux à dire là-dessus.

M. Josh Laughren: Il n'existe pas vraiment de norme internationale, mais je peux vous donner quelques exemples.

Ainsi, dans la Grande Barrière de corail, en Australie, il est interdit d'effectuer des activités d'exploitation pétrolière, gazière ou minière, mais on permet le chalutage dans certaines parties. C'est à très grande échelle. C'est énorme—des milliers de kilomètres carrés.

Dans le pays voisin, la Nouvelle-Zélande, on a adopté une politique différente et créé des réserves marines très strictement contrôlées mais plus petites, et on n'y autorise aucune forme de pêche. Dans les deux cas cependant, les résultats ont été assez positifs.

• 1055

On peut donner l'exemple des sanctuaires marins aux États- Unis, où on ne permet aucune exploitation pétrolière et gazière. Je pense d'ailleurs que c'est pour interdire de telles activités que quelques-uns d'entre eux avaient d'abord été établis. Dans des régions comme Stelwagon Bank, dans le golfe du Maine, au large de la côte Est, on effectue cependant un réexamen de la situation, car on se rend compte qu'il ne suffit pas d'interdire l'exploitation pétrolière et gazière pour protéger une aire marine car d'autres activités ont également des impacts sur l'environnement.

Les États-Unis ont également créé d'autres zones strictement protégées, comme celle de Dry Tortugas en Floride, où les pêcheurs eux-mêmes ont appuyé leur création en dépit du fait que la pêche y est strictement interdite. On en observe déjà les avantages. Par conséquent, en dépit du fait qu'il n'existe pas vraiment de norme internationale, on observe une tendance à être d'autant plus strict que la zone de protection est petite. Si en revanche, on est prêt à envisager de protéger des milliers de kilomètres carrés, alors les activités permises ont tendance à être plus nombreuses, ce qui est normal.

Mme Sarmite Bulte: Bien, je vous remercie.

Le président: S'il n'y a pas d'autres questions de la part des membres du comité, j'aimerais moi-même en poser une à M. Lien au sujet du corail.

Récemment, un spécialiste des coraux, qui a effectué beaucoup de plongées sous-marines pour les étudier, a affirmé que le corail représente un immense potentiel d'oxygène. Vous avez vous-même affirmé qu'il est équivalent à la production du bassin de l'Amazonie, et qu'on perdrait donc tout cela si on continue à le détruire. Vous avez dit aussi que le corail vit à des températures se situant entre 17 et 33 degrés Celsius.

Je crois savoir que nous avons déjà perdu d'immenses étendues de corail aux îles Maldives et Seychelles en raison du réchauffement des océans à des températures au-delà de 33 degrés centigrades. Êtes-vous au courant de cela? Pouvez-vous nous en parler? Faites-nous profiter de vos connaissances.

M. John Lien: J'ai quelques connaissances. Les coraux dont nous parlions plus tôt sont situés en eau profonde, et jouent un rôle très différent dans leur milieu benthique. Les coraux auxquels vous vous reportez sont les récifs. On les trouve dans des eaux moins profondes, et il y en a certainement en Amérique du Nord et ailleurs.

Récemment, les récifs de corail ont connu de sérieuses difficultés en raison d'un léger changement dans la température de l'eau. Un groupe de travail américain a étudié les récifs de corail afin de voir ce qu'on pouvait faire. Les États-Unis ont ensuite pris des mesures, et par décret exécutif, ont créé des sanctuaires protégés couvrant 20 p. 100 des récifs de corail.

Pour ce qui est de l'oxygène produit par les récifs de corail, c'est une question très complexe. Récemment, on a aussi discuté de l'oxygène produit en Amazonie. Cela dit, les océans rendent certainement d'immenses services écologiques, car ils s'occupent du gaz carbonique, produisent de l'oxygène et le reste. J'ignore cependant quelle est la production d'oxygène respective des récifs de corail et de l'Amazonie.

Le président: Monsieur McGuinness, vous êtes préoccupé par le principe de la prudence et lui préférez l'approche de précaution, qui est hélas maintenant à la mode.

Nous avons adopté le principe de la prudence lors de la conférence de Rio, dont le Canada a été l'un des maîtres d'oeuvre, et nous l'avons inscrit dans bon nombre de lois. Qu'est-ce qui vous effraie dans ce principe, et pourquoi devrions-nous adopter une approche de précaution à la place? Enfin, quelle est la différence entre les deux?

M. Patrick McGuinness: Vous avez tout à fait raison. Tout ce que nous avons fait en matière de pêche, à l'échelle internationale, a été d'adopter le principe de la prudence pour ensuite essayer de l'appliquer dans le monde marin. Par exemple, à Rio de Janeiro, lors de la CNUED, le principe de la prudence a été repris dans les 21 chapitres de l'Action 21—, qu'il s'agisse de l'exploitation forestière ou d'autres secteurs. Dans le chapitre des pêches, soit le chapitre 17, on parle de l'approche de précaution. Nous proposons simplement un changement de terminologie.

• 1100

Comme John Lien l'a très bien souligné, au fond, ce que nous disons, c'est qu'on commence à peine à savoir comment les poissons du monde marin vivent, comment fonctionnent leurs écosystèmes, etc. Reconnaissant donc l'insuffisance de nos connaissances, prétendre gérer les pêches ou les écosystèmes en nous fondant strictement sur un principe... Bon nombre de biologistes et d'experts mondiaux ont affirmé que nous devrions plutôt envisager une approche de précaution.

Supposons, par exemple, qu'on connaisse bien la biomasse d'une zone de pêche particulière; en ce cas, on concevrait une stratégie de gestion précise. Si la biomasse diminuait en deçà d'un certain seuil, on disposerait déjà de régimes de gestion qu'on pourrait appliquer—qu'il s'agisse de la fermeture de la zone de pêche ou de quelque chose d'approchant. Ce n'est donc pas un grand... Nous sommes donc tout à fait favorables à l'approche de précaution ou au principe de la prudence. Tout ce que je dis, c'est que du point de vue des zones marines de pêche, on a observé à la fois au Canada et ailleurs dans le monde que la tendance est maintenant à utiliser l'expression «approche de précaution» plutôt que «principe de la prudence». John Lien est peut-être mieux placé que moi pour vous expliquer cela.

Le président: Non, je voulais tout simplement... Selon vous, est-ce que l'approche de précaution est moins stricte que le principe de la prudence?

M. Patrick McGuinness: Non, essentiellement, ce que nous avons tenté de faire dans l'industrie de la pêche, c'est de prendre, si vous voulez, les principes courants. Comment peut-on ensuite les appliquer à la gestion d'une pêche, en tenant compte des principes de la prudence? Comment est-ce qu'on peut les mettre à l'épreuve sur le terrain? Qu'est-ce que cela veut dire? Comment les appliquer à la gestion des pêches? Comme je l'ai dit, une façon serait d'établir certains seuils ou certains critères. Cela provoquerait certaines mesures de la part des gestionnaires pour soit fermer une aire, peut-être réduire considérablement le quota, ou bien réorienter la pêche dans une autre aire.

Donc, nous ne disons pas... Soyons très clairs; cela ne nous dérange aucunement si vous voulez continuer à utiliser le principe de la prudence. Cela ne nous pose aucun problème. Nous sommes tout à fait d'accord avec le principe de la prudence. C'est tout simplement que dans la terminologie utilisée dans le secteur à l'échelle mondiale, nous parlons d'approche de précaution.

Le président: Monsieur Harvey.

[Français]

M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Je tiens d'abord à remercier tous les participants à notre table ronde. Je pense que nous sommes tous un peu sensibles à cette réalité. On est en déséquilibre à la fois par rapport à la protection de l'environnement et de nos ressources et par rapport à tout le développement industriel qui doit être assuré par le développement d'autres ressources.

Chez moi, il y a eu la création d'un parc national marin, que M. Lien connaît certainement, le Parc marin du Saguenay—Saint-Laurent, qui a d'ailleurs été créé grâce à la collaboration de notre président, dans sa vie antérieure. Il avait très bien compris les enjeux de la création d'un parc national dans le fjord du Saguenay. Cet été, il y avait un festival relié à la pêche et, pour la première fois, on a vu apparaître des poissons qui revenaient dans le fjord, dont la ouananiche et le doré. Cela a été une découverte pour toute notre communauté régionale.

Monsieur Lien, vous avez mentionné dans votre énoncé que tous les Canadiens devraient peut-être faire preuve de la même sensibilité quant à la préservation de nos côtes. J'aimerais vous demander si vous avez réfléchi à une stratégie qui nous permettrait, comme gouvernement, de sensibiliser à cela toutes les provinces canadiennes, tant les provinces centrales que les provinces côtières. J'aimerais avoir votre point de vue sur une stratégie à laquelle vous avez certainement commencé à réfléchir.

[Traduction]

M. John Lien: Je crois que la région du Saguenay est un exemple parfait de la souplesse avec laquelle on peut créer ces aires protégées. Je crois que le Saguenay, ces dernières années, a reçu quelque 300 000 visiteurs. Il faut amener les Canadiens dans ces aires afin qu'ils puissent voir l'environnement qui est spectaculaire, afin qu'ils puissent observer les bélugas et les rorquals... À mon avis, on ne peut apprécier quelque chose qu'on n'a jamais connu; il est donc essentiel que nous amenions les Canadiens sur l'eau, près de l'eau.

• 1105

Je crois qu'il nous faut découvrir les meilleurs moyens pour faire connaître aux Canadiens la vie en eaux froides. La plupart des parcs marins se trouvent dans des eaux à température élevée, où on peut se baigner et s'amuser pendant des heures. Ce n'est pas le cas au Canada. Il faut que nous soyons très créatifs en essayant de permettre aux Canadiens de voir ce qui se passe dans l'océan, comment ils peuvent y participer, etc.

Récemment j'étais à Monterey en Californie où l'aquarium possède un engin télécommandé. C'est un petit sous-marin qui voyage dans l'océan tout seul et transmet des images à un navire. À l'aquarium, on diffusait les images de cet engin. Tout d'un coup, on voyait un petit calmar et, immédiatement, on passait des vidéos stockées dans une banque, des vidéos qui donnaient des renseignements sur la vie de ce calmar—ce qu'il mangeait, ses prédateurs, et ainsi de suite. Ensuite on revient à l'engin télécommandé, et lorsque l'engin voyait quelque chose d'intéressant, on passait encore une fois à la banque de vidéos.

À mon avis, un des progrès les plus intéressants—et un des véritables défis pour Parcs Canada dans ces aires marines protégées—sera de développer des techniques d'interprétation et d'éducation pour les eaux froides. Mais, à mon avis, la façon d'établir ce lien entre les Canadiens et le milieu océanique, c'est de les attirer sur place et de leur fournir de bons programmes d'interprétation.

[Français]

M. André Harvey: Merci beaucoup.

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci.

Un grand merci aux témoins. J'aimerais vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.

J'aimerais dire à Mme Spence et à M. Laughren que leurs mémoires n'ont pas été distribués car, selon notre règle, ils doivent être traduits en français. Voilà pourquoi nous ne les avons pas distribués aujourd'hui. C'est contre le règlement. Nous allons donc les faire traduire avant de les remettre aux députés. À l'avenir, si vous nous les envoyez un peu plus tôt, nous allons nous assurer qu'ils soient traduits pour les députés à temps.

Bien. Je vous remercie encore une fois.

Nous allons faire une pause.

Il y a à manger pour les députés et les témoins. Je crois qu'il y en aura assez pour tout le monde. Nous allons reprendre à midi.

• 1107




• 1211

Le président: [Note de la rédaction: Inaudible]...projet de loi C-10, Loi concernant les aires marines nationales de conservation du Canada. Nous entamons maintenant la deuxième table ronde, avec nos trois témoins—de l'Université de Victoria, M. Philip Dearden, professeur au Département de géographie; du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, M. Michael D'Eça, conseiller juridique; et de l'Assemblée des premières nations, M. Ovide Mercredi, conseiller politique du chef national.

Monsieur Dearden, voulez-vous commencer?

M. Philip Dearden (Département de géographie, Université de Victoria): Merci, monsieur le président. Permettez-moi d'abord de vous remercier pour cette occasion de venir vous rencontrer. Je m'excuse de ne pas avoir envoyé mon mémoire à temps pour qu'il puisse être reproduit pour ce comité. J'ai avec moi tous les détails et je me ferai un plaisir de vous le laisser aujourd'hui, car j'ai une copie sur mon disque dur. Toutes mes excuses.

Je suis professeur à l'Université de Victoria, et mon principal domaine d'expertise, ce sont les aires protégées. Le manuel que j'ai écrit sur les aires protégées est d'usage courant dans les universités au Canada, et je suis expert-conseil auprès d'un grand nombre d'organismes internationaux, y compris la Banque mondiale, l'ONU, la Banque asiatique de développement, et l'UICN sur les aires protégées.

Je m'intéresse notamment aux aires marines protégées. J'ai également habité les deux côtes, l'Atlantique et le Pacifique pendant plus de 30 ans. Et je ne blague pas. J'ai vécu pendant 10 ans sur mon bateau. Je connais donc assez bien les océans.

Mon mémoire comporte essentiellement trois parties. La première porte sur les raisons pour lesquelles nous avons besoin d'aires marines protégées; la deuxième, sur les raisons pour lesquelles nous avons besoin de cette loi en particulier; et la troisième, propose des amendements au projet de loi.

Étant donné le travail que ce comité a déjà effectué, je ne pense pas avoir besoin de passer en détail la première partie, les raisons pour lesquelles nous avons besoin d'aires protégées, car je pense que ce comité reconnaît—tout comme la communauté scientifique—qu'il est essentiel que nous ayons des aires marines protégées si nous voulons protéger nos océans des abus dont ils sont victimes depuis toujours.

Donc, afin de vous dire pourquoi nous avions besoin d'aires marines protégées, j'allais examiner le rôle crucial que jouent les océans dans les systèmes de maintien de la vie sur la planète—comment les océans produisent de l'oxygène et captent le carbone, comment ils influent sur le climat, comment ils produisent de la pluie pour les agriculteurs des Prairies. Les scientifiques conviennent tous que la mort des océans signifie la mort de la planète.

La deuxième raison pour laquelle nous avons besoin d'aires marines protégées, c'est que l'état des océans s'est gravement détérioré. En réalité, ce n'est qu'au cours des 10 dernières années que nous avons commencé à disposer de la technologie et de la science qui nous ont permis de comprendre ces questions. Et les résultats ont été étonnants.

Nous avons appris, par exemple, que 70 p. 100 des récifs coralliens se sont gravement détériorés et que plus de la moitié des mangroves de la planète ont disparu. Au Canada, bien sûr, nous n'avons pas besoin de nous rappeler—comme l'a fait ce matin le professeur Lien—des tragédies sociales qui ont découlé de l'effondrement des stocks parmi les plus étudiés de la côte Est et également de la côte Ouest. Donc, je ne pense pas qu'on puisse nier le fait que les océans ont subi une grave détérioration.

• 1215

Pourquoi avons-nous besoin d'aires protégées pour endiguer ce problème? Nous avons recours à des aires protégées comme mesure de conservation depuis plus de 130 ans. À l'heure actuelle, il y a plus de 44 000 aires protégées sur la planète. La raison pour laquelle elles sont si nombreuses est simple—elles donnent des résultats. On a pu clairement démontrer qu'il y a d'énormes avantages à retirer sur le plan de la conservation lorsqu'on élabore des systèmes d'aires protégées. Presque toutes ces aires protégées cependant consistent en sites terrestres. Moins de 0,5 p. 100 se trouvent dans les océans.

Plusieurs raisons expliquent cela. Pourquoi avons-nous tant tardé à nous occuper des océans? Le professeur Lien nous a fourni la première explication ce matin. Jusqu'à tout récemment, une partie considérable de l'océan était protégée parce que nous n'y avions pas accès. Ce n'est plus le cas.

Deuxièmement, nous ne savions pas jusqu'à quel point les océans étaient détériorés. Depuis toujours, nous nous disions que les océans étaient si vastes que rien ne pouvait les atteindre. Nous savons maintenant que ce n'est pas vrai.

La troisième raison qui explique pourquoi nous avons tant tardé à délimiter des aires marines de conservation est que nous n'étions pas certains du résultat. Nous nous demandions si nous en retirerions effectivement les avantages auxquels nous nous attendions sur le plan de la conservation. Le consensus est désormais clair au sein de la communauté scientifique. Certains des premiers bénéficiaires sont les pêcheurs des aires marines de conservation protégées.

Ce matin, on a fait état d'un protocole d'accord sur la valeur des aires marines protégées par l'American Association for the Advancement of Science.

J'ai des exemplaires de cette déclaration si cela vous intéresse.

Il s'agit d'un protocole d'accord entre les plus éminents biologistes ichtyologues mondiaux qui mettent au point des tests de la planète afin de voir ce qui se produirait pour les pêches si certaines zones étaient fermées à la pêche. Les résultats de leurs recherches sont surprenants, même pour ce comité. Après seulement un an ou deux d'activités de protection, par exemple, on a constaté que la densité de la population marine avait augmenté de 91 p. 100. Quant à la biomasse, elle avait augmenté de 192 p. 100. La taille moyenne des organismes était plus élevée de 31 p. 100, et la diversité des espèces, de 23 p. 100.

Les mêmes résultats ont été obtenus sur la côte de Colombie- Britannique. Nous pouvons donc affirmer que les pêches sont l'une des principales bénéficiaires de ces aires qui sont constituées en réserves marines.

Cela ne veut pas dire que les aires marines protégées sont la panacée à tous les problèmes de l'océan. Cela laisse entendre qu'elles sont une pièce du casse-tête qui aboutira à la reconstitution de nos océans. Ce projet de loi est aussi une pièce importante de ce casse-tête.

Concernant la deuxième partie de mon mémoire, je voudrais signaler ce qui pour moi constitue certains des avantages qu'offre ce projet de loi et comment ses dispositions sont complémentaires aux lois existantes.

Comme l'ont dit ce matin les représentants du Fonds mondial pour la nature, c'est une pratique internationale reconnue que de se doter de plusieurs textes législatifs pour édicter des mesures de conservation marine. Aux États-Unis, il y a cinq lois différentes à cet égard. Ainsi, cela n'a rien de singulier car, comme on l'a dit, il faut que les divers éléments s'agencent suivant diverses perspectives.

• 1220

Quelle valeur trouve-t-on à ce projet de loi? Il faut dire tout d'abord qu'il s'agit du seul régime de protection marine fondé sur la mise en valeur de notre patrimoine naturel marin et côtier. Cela signifie que nous ne protégeons pas uniquement les aires qui sont faciles à protéger, bon marché, ou intéressantes sur le plan politique, mais que nous avons un régime scientifique établi qui dictera quelles sont les aires les plus dignes d'être reconnues comme faisant partie de l'histoire naturelle du Canada dans nos eaux côtières. Je pense que cela est essentiel pour les générations actuelles et futures. Il s'agira donc d'aires marines représentatives.

Deuxièmement, je reprends un point soulevé ce matin par le professeur Lien, à savoir que Parcs Canada et ce projet de loi ont tous deux explicitement pour objet de faire oeuvre éducative auprès du public. C'est là un de nos principaux défis. Comment faire en sorte que les agriculteurs des Prairies soient mieux sensibilisés au fait qu'eux aussi sont touchés de façon cruciale par la santé des écosystèmes océaniques? Parcs Canada est un organisme réputé à l'échelle internationale pour son travail d'éducation du public et d'interprétation des écosystèmes naturels. Cette tâche n'aurait pu être confiée à des professionnels plus dévoués qui ont montré leurs compétences en ce qui concerne les aires terrestres et peuvent appliquer ces connaissances aux aires océaniques.

Une question a été soulevée ce matin—et je me suis dit que c'était une excellente question—quant à savoir comment rejoindre le public? Parcs Canada a des idées tout à fait novatrices à cet égard. Si je ne m'abuse, Parcs Canada propose la création d'un centre des océans, non pas à Victoria ou à St. John's, mais ici même en Ontario. Comment donc diffuser les connaissances? Allons vers les gens. Nous essayons d'attirer les gens dans les parcs marins, mais nous essayons également de rejoindre les gens pour les renseigner davantage sur nos océans. L'accent que le projet de loi met sur l'édification des connaissances dans le grand public est la deuxième raison de son importance.

Troisièmement, le projet de loi va consolider et diversifier les économies locales. Quand Parcs Canada désigne des aires protégées, on constate invariablement une augmentation des visites touristiques. Parcs Canada a appris par expérience comment gérer ce tourisme. On a abordé la chose sous l'angle de la gestion des gens. Cette expérience n'est pas le fait de tous les organismes. Ainsi, nous pourrons compter sur la diversification des économies et également sur des gens expérimentés à cet égard.

Quatrièmement, aux termes du projet de loi, le ministre a l'obligation expresse de consulter les divers intervenants de la région, y compris les gouvernements, les Premières nations et les collectivités locales. La loi exige explicitement qu'on forme un comité consultatif de gestion. Cela ne se trouve dans aucune autre loi.

Le président: Monsieur Dearden, allez-vous être prêt à conclure bientôt?

M. Philip Dearden: Oui, monsieur.

Je vais passer rapidement en revue les amendements que je propose. Cela vous va-t-il?

Le président: Deux autres participants à la table ronde doivent prendre la parole. Donnez-nous l'idée essentielle parce que nous risquons de manquer de temps.

M. Philip Dearden: D'accord.

J'ai sept suggestions d'amendement pour consolider les dispositions du projet de loi.

Le président: Quand nous recevrons les documents que vous voulez déposer, nous les ferons distribuer aux membres du comité. Ainsi, ils ont l'assurance de les avoir au moment de l'étude article par article. Ne vous inquiétez pas.

M. Philip Dearden: D'accord. Merci.

Je ne vais pas parler de toutes mes suggestions d'amendement. Je vais en prendre quelques-unes. La recommandation en vue du zonage m'inquiète un peu parce que les aires marines protégées sont à usage multiple. Par conséquent, la question du zonage est beaucoup plus cruciale que s'il s'agissait d'aires terrestres protégées. Je crains que nous ne soyons pas assez scientifiques dans les dispositions du projet de loi en ce qui concerne la façon de procéder au zonage. Je propose un autre libellé qui, à mon avis, précise les moyens à utiliser pour le zonage.

• 1225

Mon amendement vise à ce qu'au moins 25 p. 100 de chaque site soit réservé en tant que zone de préservation. Cela découle des recommandations d'organismes internationaux qui ont constaté que les seuls échecs dans les aires marines protégées étaient dus au fait que les zones interdites étaient trop exiguës pour être efficaces. Nous devons donc nous assurer que la superficie est assez vaste, et 25 p. 100 est ce que je recommande.

Je recommande également d'obliger le ministre à effectuer des recherches ou contrôles scientifiques, car cela est essentiel pour prendre de bonnes décisions.

J'appuie également la suggestion d'interdire le dragage à l'intérieur des aires marines de conservation.

Pour ce qui est de l'aquaculture, je propose que personne ne s'adonne à la pisciculture à moins qu'il puisse être prouvé qu'elle s'exerce en vase clos pour empêcher toute incidence nuisible pour environnement. Je pense qu'il existe un bon potentiel en ce qui concerne une aquaculture durable, et je pense que si nous en réduisons au minimum les effets sur l'environnement, cela suffira.

En résumé, je voudrais dire que je pense que ce projet de loi est extrêmement nécessaire. Il va nous permettre de rattraper le retard que nous avons face à nos obligations internationales. On l'a déjà dit ce matin, il faudra des ressources considérables pour le mettre en application.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Dearden.

Chef Mercredi, vous avez la parole.

M. Ovide Mercredi (conseiller politique du chef national, Assemblée des Premières nations): Puis-je poser une question ayant trait à la procédure, monsieur le président? Quel est le quorum du comité?

Le président: Nous avons le quorum actuellement.

M. Ovide Mercredi: Quel est le quorum du comité? Donnez-moi un chiffre.

Le président: Nous avons deux quorums: le quorum pour la conduite des affaires du comité est de neuf membres, alors qu'il nous faut quatre membres pour entendre des témoins.

M. Ovide Mercredi: Quand je suis arrivé, je tiens à signaler que vous étiez le seul représentant de votre parti outre le député désigné par le ministre. Le seul représentant de l'opposition était M. Hearn, du Parti conservateur. Si vous voulez que nous prenions vos délibérations au sérieux, vous devez en faire autant. Voilà pourquoi je vous ai dit, monsieur le président, que je ne prendrai pas la parole devant des chaises vides. Je constate toutefois, après qu'on ait fait des appels, que d'autres députés sont arrivés.

L'Assemblée des Premières nations n'a pas eu un mot à dire quant à ce projet de loi. Nous ne sommes pas d'accord avec le témoin précédent en ce qui concerne les points forts de ce projet de loi. En tant que peuple, nous n'en voyons aucun.

En ce moment, le gouvernement essaie de nous rendre responsables en tant que gouvernement des Premières nations. Mais ce n'est pas quelque chose qui fonctionne à sens unique, monsieur. Si nous devons être plus transparents envers nos citoyens, alors le comité parlementaire devrait être plus transparent dans sa façon de fonctionner envers ses citoyens également.

Je suis vraiment offusqué quand l'opposition officielle ne se présente pas à une réunion aussi importante que celle-ci pour entendre nos commentaires en tant que peuple autochtone. Je ne sais pas qui est représenté actuellement du côté de l'opposition. Je vois qu'une autre personne est arrivée. Je ne sais pas si elle représente le NPD ou un autre parti.

Le président: Mme Gallant représente l'opposition officielle.

M. Ovide Mercredi: C'est l'Alliance.

M. Dennis Mills: Pardon, monsieur le président, pour être juste envers la loyale opposition de Sa Majesté, ancien chef Ovide Mercredi, Mme Gallant était en fait au fond de la salle en train de prendre un café et de dîner, et elle écoutait les témoins. Parfois, quand un comité commence à 8 heures du matin, on prend une petite pause pour un café et un sandwich. Il n'était pas question de vous manquer de respect. C'est mon opinion.

M. Ovide Mercredi: Vous avez votre opinion, et moi j'ai mes observations.

M. Dennis Mills: Oui.

• 1230

Le président: Je vous donnerai le temps de terminer par la suite.

Mme Cheryl Gallant: Monsieur Mercredi, j'ai été appelée à un autre comité pour entendre des témoins, et j'ai vraiment fait mon possible pour revenir ici afin d'entendre précisément ce que vous aviez à dire.

M. Ovide Mercredi: Ce qui est important n'est pas ce que moi j'ai à dire; c'est ce que mon peuple a à dire, mon peuple qui n'a pas encore été entendu. En écoutant l'Assemblée des premières nations, vous allez entendre que ce comité ne fait pas de son travail. Vous n'avez pas écouté ceux et celles à qui vous devez parler.

Ce projet de loi soumis à l'examen du Parlement aura un impact immense sur les droits et titre autochtones en Colombie- Britannique et dans les Maritimes. Nous le voyons comme une grande menace au titre de notre peuple sur les ressources marines. Vous devrez entendre cela directement de la part de ceux qui sont le plus touchés.

Je peux vous faire maintenant la présentation que l'APN voulait faire; je le fais sous réserve des objections que j'ai soulevées.

Nous n'avons pas beaucoup de possibilités d'influer sur ce qui se produit à la Chambre. La seule possibilité qui s'offre à nous, c'est de parler de nos préoccupations de temps en temps concernant des mesures législatives. Nous ne pouvons faire plus. Au bout du compte, c'est à vous de décider si vous allez nous entendre ou pas. Ce que je suis à la veille de vous dire maintenant a déjà été dit devant d'autres comités permanents concernant nos droits en tant que peuple dans le cadre de la mesure législative visant Parcs Canada, le prétendu champion du développement durable.

Ce texte législatif me laisse perplexe, et je ne suis pas certain de l'objectif pour ce qui est de lier l'idée des aires marines à la politique de revendications globales du gouvernement fédéral.

M. Lincoln sait pertinemment que notre organisme et nos chefs partout au pays se sont opposés à cette politique de revendications globales dès le début. Nous nous y sommes opposés parce qu'elle abolit nos droits en tant que peuple; elle les abolit, elle ne les reconnaît pas. Ce que je vois dans ce projet de loi est une allusion directe à la politique de revendications globales qui a été rejetée par l'Assemblée des premières nations dès le début.

Cela engendre énormément de frustration quand vient le moment de conclure des traités en Colombie-Britannique de nos jours. Bon nombre de Premières nations dans les Maritimes ainsi qu'en Colombie-Britannique refusent de se présenter à la table de négociation pour parler du titre autochtone parce qu'ils ne veulent pas participer à des négociations assujetties à la politique de revendications globales. Mais cette politique constitue une partie de la loi selon le projet de loi proposé.

Je ne sais pas qui vous a conseillés à ce sujet: c'était peut-être des représentants du ministère des Affaires indiennes.

Tout d'abord, concernant la question de la consultation, les tribunaux vous ont signalé à maintes reprises, notamment dans des décisions de la Cour suprême, que quand il s'agit d'empiéter sur des droits ancestraux ou issus de traités, vous avez le devoir de consulter la population visée. Cette consultation n'est pas simplement une question de forme, c'est une responsabilité sérieuse. Et c'est pour cette raison que je me suis plaint au début de cette réunion en constatant qu'il y avait si peu de députés présents.

Comme je vous l'ai déjà dit, ce devoir de consultation, énoncé par la Cour suprême, dans certains cas exige que vous obteniez notre consentement à des mesures législatives.

• 1235

De la même façon que vous avez prévu l'accord des provinces dans ce projet de loi, vous êtes tenus d'obtenir notre accord en tant que gouvernements des Premières nations à toute mesure se rattachant aux objectifs de ce projet de loi.

Le Canada n'a pas encore atteint un niveau aussi progressiste. Les parlementaires ne considèrent pas notre peuple de la même façon que les provinces. Il nous voit comme des gouvernements subalternes. En fait, il nous voit comme des gouvernements en évolution. Certains estiment que nous ne constituons que des formes municipales de gouvernement. Et d'autres préféreraient que nous ne soyons pas du tout des gouvernements.

Nous nous posons donc la question de savoir pourquoi le gouvernement fédéral n'a pas consulté notre peuple avant de rédiger ce projet de loi. La décision de la Cour suprême aurait dû faire comprendre aux parlementaires que lorsque le Parlement adopte des lois qui touchent notre peuple, il a le devoir de nous consulter, et je ne me limite pas ici à l'Assemblée des premières nations. Cet organisme national est un corps politique qui représente les chefs de tous les pays.

Quand il s'agit d'un projet de loi aussi important que celui-ci, nous ne pouvons pas simplement l'accepter ou le rejeter. Nous avons la responsabilité de vous conseiller en tant que comité d'aller consulter sur place nos gens dans les régions qui seront les plus touchées par cette loi.

Votre comité permanent devrait se rendre à tout le moins en Colombie-Britannique pour consulter les Premières nations de la région côtière. Votre comité devrait également se rendre dans les provinces Atlantiques pour y consulter nos Premières nations, et rencontrer toutes les tribus indiennes qui habitent autour des Grands Lacs, car ces eaux-là seront également visées par cette loi.

Nos exposés présentés à d'autres comités législatifs au cours des deux dernières années n'ont pas été pris en compte par ces comités. Nous avons recommandé certaines modifications au projet de loi concernant les parcs et ces recommandations ont été passées sous silence. On n'y a pas donné suite, on les a simplement rejetées du revers de la main.

Nous n'avons pas d'autre choix que de nous en remettre au Parti libéral, qui a formé le gouvernement, pour qu'il s'acquitte sérieusement de son devoir de consulter notre peuple, de quitter cette tour d'ivoire pour aller voir les gens de la base. C'est quelque chose que nous avons en commun avec le Parti de l'Alliance. Nous croyons aux gens de la base.

Je ne comprends pas le projet de loi. Je l'ai regardé, j'ai essayé de comprendre mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi, lorsqu'on accepte notre revendication de droits autochtones, le fait que le gouvernement accepte de négocier avec nous concernant ces ressources entraîne la création d'une réserve dans ce secteur. Ai-je mal compris cette disposition?

Monsieur le président, cela ne nous aide pas. D'après ce projet de loi, le simple fait de revendiquer un territoire donne lieu automatiquement à la création d'une réserve à vocation d'aire marine de conservation, ce qui signifie que lorsque nous commencerons à négocier avec vos négociateurs fédéraux sur des questions reliées au titre autochtone en Colombie-Britannique ou dans les provinces Atlantiques, nous n'aurons pas seulement à traiter avec les intérêts tiers des entreprises forestières, des sociétés commerciales, etc., mais nous devrons également aussi faire face aux intérêts de puissants ministères du gouvernement du Canada qui auront intérêt à maintenir cette réserve comme aire marine de conservation.

• 1240

Les négociations deviendront donc un bras de fer entre les Autochtones, qui se battront contre le gouvernement pour conserver leurs terres, afin de les soustraire à l'influence de Parcs Canada, d'Environnement Canada et du ministère des Pêches et des Océans, et ces trois puissants ministères de la Couronne invoqueront la loi que vous êtes sur le point d'adopter pour empêcher les Autochtones de faire reconnaître le titre qu'ils ont sur les terres en question. La loi, si elle est adoptée, précise aussi que le Canada aura un titre incontestable sur les terres. Si le Canada est persuadé qu'il a un titre incontestable, il pourra alors désigner les terres comme faisant partie d'une aire marine de conservation.

Je vous pose la question parce que je ne connais pas la réponse. On dit ici qu'au terme de la négociation de nos revendications territoriales, il faudra décider si les terres visées doivent figurer à l'annexe 1 ou à l'annexe 2 du projet de loi. L'annexe 2 énumère les réserves, tandis que l'annexe 1 énumère les aires de conservation. La décision sera prise par le Cabinet.

Supposons que nous réussissions à soustraire 10 p. 100 de la superficie de l'aire marine à l'influence de la loi qui sera adoptée, qu'arrivera-t-il du reste sera-t-il à tout jamais désigné comme aire marine de conservation? Je ne connais pas la réponse. Ce ne sont pas seulement les Autochtones qui auront des inquiétudes au sujet de la mesure législative une fois qu'elle aura été rendue publique, car je suis sûr que beaucoup de non- Autochtones de la Colombie-Britannique qui utilisent les ressources marines à diverses fins, que ce soit pour le tourisme, pour l'aquaculture ou pour la pêche commerciale, seront inquiets à l'idée qu'une revendication territoriale autochtone ait pour effet de désigner automatiquement les zones visées comme réserve à vocation d'aire de conservation.

Nos revendications territoriales en Colombie-Britannique suscitent déjà assez de tensions entre nous et les non- Autochtones. Nous n'avons pas besoin qu'elles soient exacerbées par le projet de loi—si j'en comprends bien le sens, mais je peux me tromper. Comme je l'ai dit, je trouve qu'il n'est pas clair, je ne le comprends pas, et je souhaite ne pas avoir raison. Le paragraphe 4(1) stipule:

    Sont constituées en aires marines de conservation, en application de la présente loi, des aires marines représentatives qu'il faut à ce titre protéger et conserver en tant que telles pour le plaisir et l'enrichissement des connaissances de la population canadienne et mondiale.

Pourquoi ne pas parler des Autochtones, avant d'inclure le monde entier?

Puis, on peut lire au paragraphe 4(2):

    Sont également constituées, aux fins énoncées au paragraphe (1), des réserves à vocation d'aire marine de conservation lorsqu'un peuple autochtone revendique des droits sur tout ou partie du territoire et que le gouvernement fédéral a accepté d'engager des négociations à cet égard dans le cadre de revendications territoriales globales.

Nous n'avons même pas le droit de décider avant les négociations si cela devrait être désigné comme réserve ou comme «aire de conservation». La décision est déjà prise aux termes de la loi. Je ne sais pas si j'en fais une interprétation trop large.

Ce qui m'inquiète également, c'est que la gestion et l'utilisation des terres seront sous l'égide de fonctionnaires, d'agents de conservation et d'autres, qui géreront l'aire en invoquant de beaux principes comme celui de la conservation pour les «générations futures», etc., mais qui auront essentiellement la possibilité de diviser le territoire en deux zones.

• 1245

Tout d'abord, il y a l'idée de la création d'une réserve susceptible d'être désignée comme aire marine de conservation, et il y a l'idée de créer une aire marine de conservation comme telle. L'aire marine de conservation est automatiquement soumise à toutes les dispositions du projet de loi. La réserve désigne les terres qui pourraient être englobées dans une aire marine de conservation. Or, contrairement à ce à quoi on s'attendrait, le projet de loi fait plus que cela. Il précise que la réserve peut aussi être gérée comme une aire marine de conservation et divisée en deux zones. Dans une zone, l'utilisation et l'occupation de l'aire marine continueraient à être autorisées tandis que dans l'autre, toute activité serait interdite. Il y aurait donc un système de délivrance de permis. Les activités seraient réglementées au moyen de permis délivrés par les fonctionnaires du gouvernement du Canada.

Le projet de loi, si j'en comprends bien le sens, prévoit toutefois—je ne sais pas au juste—une certaine protection pour les provinces qui, dans la mesure où leur droit de propriété est mis en cause—je suppose que ce serait le cas de la Colombie- Britannique et des provinces Maritimes et peut-être aussi du gouvernement de l'Ontario en ce qui concerne les Grands Lacs—, auront leur mot à dire dans la gestion de l'aire en question aux termes d'un accord négocié avec le gouvernement fédéral. Aucune disposition ne protège ainsi les Autochtones. Le gouvernement fédéral n'est aucunement tenu de conclure des accords avec nous. Le projet de loi ne fait qu'obliger le gouvernement à nous consulter, mais il ne prévoit pas de disposition équivalente l'obligeant à conclure avec nous un accord sur la gestion de la réserve à vocation d'aire marine de conservation—de parcs marins finalement, puisqu'il s'agit essentiellement de constituer des parcs dans l'eau.

Nous sommes aussi préoccupés par les règlements et par le pouvoir que s'arroge le gouvernement sur nos droits ancestraux et issus de traités, de décider par la voie réglementaire si nous allons pouvoir continuer à utiliser les ressources comme nous le faisions avant et même si nous allons pouvoir occuper le rivage des parcs marins qui seront créés.

Nous avons une expérience considérable des parcs terrestres. Beaucoup de nos chefs se sont d'ailleurs présentés devant le comité permanent qui a précédé le vôtre pour faire sauter le mythe selon lequel Parcs Canada traite bien les Autochtones. Ils sont venus vous dire très clairement que Parcs Canada ne traite pas bien les Autochtones et que, dès qu'un parc est constitué, nous n'arrivons plus à faire valoir nos droits ancestraux et issus de traités. C'est ce qui suscite l'opposition des gens de ma collectivité de Grand Rapids à l'idée de créer un parc à Long Point. Nous poursuivons depuis bien des années nos activités traditionnelles sur les terres visées, mais le gouvernement veut maintenant en faire un parc terrestre pour les touristes.

Le projet de loi nous inspire les mêmes craintes, car nous n'avons aucune raison de croire que Parcs Canada va bien nous traiter quand il aura force de loi. Ce n'est pas que nous nous opposons à tous ces beaux principes, la conservation des espèces, la préservation de l'écologie et la saine gestion des ressources. Nous ne nous y opposons pas, pas du tout. Il faut trouver un autre moyen d'assurer la protection des ressources marines. Le projet de loi témoigne d'une mentalité qui n'a pas évolué et qui veut qu'on édicte une loi, qu'on y prévoie des interdictions et des amendes et qu'on en applique les dispositions.

• 1250

J'aime bien le modèle de la LEP, la Loi sur les espèces en péril que le ministre de l'Environnement a proposée et qui est actuellement à l'étude à la Chambre, où l'on part du principe de la collaboration.

Comment arrive-t-on à protéger les espèces menacées en partant du principe de la collaboration? On y arrive en amenant tous les gouvernements à s'entendre sur un ensemble de principes et d'objectifs communs et à travailler ensemble à la réalisation de ces objectifs.

Or, le projet de loi dont vous êtes saisis ne reconnaît pas les gouvernements des Premières nations. Nous serions exclus du processus et c'est Parcs Canada, de concert avec Environnement Canada et le MPO, qui déciderait de l'avenir des écosystèmes marins où vivent les Premières nations. Nous serions écartés du processus.

L'autre partie intéressée ne sera toutefois pas écartée. Il s'agit de la province de la Colombie-Britannique ou des autres gouvernements provinciaux en cause, car le gouvernement fédéral ne peut pas leur marcher sur les pieds comme il le fait dans le cas des Premières nations et des autres groupes autochtones.

Je ne suis qu'un messager. Je ne suis pas un chef. Je vous conseille, monsieur le président, d'aller rencontrer les Autochtones. Allez les voir et les entendre directement.

J'ai ici une lettre de l'Aboriginal Fisheries Commission que j'ai invitée à se joindre à nous aujourd'hui. J'ai aussi invité l'Atlantic Policy Congress, car je craignais que cette rencontre soit la seule que nous puissions avoir avec vous, mais ni l'un ni l'autre organisme n'a pu envoyer de représentants étant donné le court préavis.

J'aimerais vous lire la lettre de l'Aboriginal Fisheries Commission avant de conclure mon exposé:

    Il est regrettable que nous n'ayons pas pu comparaître devant votre comité. L'invitation est arrivée très peu de temps avant la date de la réunion et celle-ci coïncidait avec la date de notre assemblée d'avant-saison. Donc la direction et le personnel ne pourront pas y assister.

Cette lettre a été rédigée par le B.C. Aboriginal Fisheries Commission, qui est présidé par Arnie Narcisse.

La conservation marine est un sujet qui tient à coeur à notre organisation ainsi qu'aux peuples autochtones en Colombie-Britannique.

Les Premières nations ont toujours pratiqué la conservation. Notre existence même en tant que nation et en tant que peuple dépend de l'existence continue des écosystèmes marins. Nous ne serions pas ici sans les océans, et sans les ressources aquatiques qui autrefois étaient abondantes le long de la côte.

Malgré votre empressement à protéger certaines aires qui restent sur la côte, vous devez tenir compte de notre place dans l'environnement et la respecter.

Bon nombre d'entre vous qui vantaient les mérites de la biodiversité semblent oublier la place que nos peuples et nos cultures occupe dans le tissu de la vie. Depuis des temps immémoriaux, nous vivons comme un élément de ces mêmes aires ou ces mêmes écosystèmes que vous essayez de protéger. Vous devez donc protéger aussi notre place dans ces aires et dans ces écosystèmes.

En outre, bien des aires qu'on envisage de protéger représentent les seules occasions qui nous restent de regagner notre indépendance. La protection de ces aires devient nécessaire maintenant seulement parce que vos cultures essaient de consommer et de développer tout ce qu'elles voient. Maintenant qu'il ne reste que très peu de choses, et vous décidez de les protéger.

Il ne faut pas pratiquer la conservation sur le dos des Premières nations, alors que nous ne sommes pas responsables de la surutilisation et de la surexploitation des ressources.

• 1255

La loi doit reconnaître l'utilisation de ces aires par nos peuples, non seulement pour des fins de subsistance et de culture, mais aussi pour leur exploitation économique dont nos collectivités ont absolument besoin. Si nous devons porter le poids de la conservation, il nous faut une indemnisation complète et juste.

Étant donné que toutes les aires marines de conservation éventuelles sont dans le territoire d'une Première nation, nos gouvernements doivent participer à part entière à leur gestion. Une cogestion de ces aires est essentielle pour assurer le succès des programmes qui pourraient éventuellement servir à l'application de la loi. C'est la raison pour laquelle vous devez aller entendre les chefs de nos Premières nations qui seront touchés par ce projet de loi. Je recommande que vous vous rendiez en Colombie-Britannique, dans les Maritimes, et dans les régions des Grands Lacs, afin de permettre à nos peuples de faire des présentations au comité. C'est ce que je voulais souligner dans mon exposé.

Je vous remercie pour votre temps.

Le président: Merci beaucoup, chef Mercredi.

Monsieur Michael d'Eça.

M. Michael d'Eça (conseiller juridique, Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut): Merci, monsieur le président, et merci, Ovide.

Je suis conseiller juridique au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Le point de vue que je représente est un peu différent de celui de M. Mercredi, mais à mon avis il le complète. Mon client est lié par les dispositions d'un accord sur une revendication territoriale qui a déjà été réglée. J'aimerais utiliser le sigle CGRFN.

Le CGRFN aussi a eu très peu de préavis pour cette réunion. La semaine dernière, la greffière nous a téléphoné pour nous demander si nous voudrions comparaître. Nous voulions absolument comparaître, mais nous nous sommes préparés à la hâte. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas pu vous transmettre notre mémoire à l'avance afin de les faire traduire.

J'ai avec moi des copies de notre mémoire, mais en anglais seulement. Je me ferai un plaisir de le faire distribuer immédiatement ou de les remettre plus tard. Je regrette bien sûr de ne pas avoir la traduction, mais c'est à cause des délais qui nous ont été imposées.

Le président: Nous le ferons traduire et ensuite distribuer.

M. Michael d'Eça: Très bien.

J'ai quelques observations préliminaires au sujet du processus suivi pour l'élaboration de cette loi. M. Mercredi a parlé du processus utilisé dans le cas de la Loi sur les espèces en péril. Le CGRFN peut certainement recommander ce processus, qui comporte des problèmes, mais qui a néanmoins fixé des normes plus élevées pour l'élaboration de projets de loi qui touchent les peuples autochtones. On devrait encourager d'autres ministères, et j'espère que ce comité pourrait encourager celui du Patrimoine canadien, à suivre le même processus à l'avenir.

Notre mémoire renferme six recommandations. Je n'ai pas l'intention de toutes les aborder aujourd'hui. Je vais tâcher de respecter la limite de temps qui m'est allouée. Je mettrai l'accent sur trois ou quatre d'entre elles, mais j'encourage le comité à étudier soigneusement chacune des propositions faites par le Conseil.

Je vais vous donner une brève description de notre Conseil, de sa sphère de compétences, etc. Il s'agit d'une institution du gouvernement populaire, un conseil d'administration indépendant établi par l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Il s'agit bien entendu d'un accord sur les revendications territoriales au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle.

En cas d'incompatibilité ou de conflit entre des lois fédérales, territoriales ou locales dans le cadre d'un accord sur les revendications territoriales, la revendication territoriale protégée par la Constitution prévaudra. Il s'agit d'un important aspect préliminaire dont il faut tenir compte lorsque l'on examine ce projet de loi.

Le CGRFN est le principal instrument de gestion des ressources fauniques et la principale instance de réglementation de l'accès aux ressources fauniques de la région du Nunavut. Il s'agit d'une immense région qui couvre environ 2 millions de kilomètres carrés. Elle inclut les aires marines de l'archipel Arctique et les 12 milles de la mer territoriale adjacente au Nunavut. Elle contient environ 43 p. 100 de la ligne de côte de l'océan.

Dans le cadre de cette vaste sphère de compétences en matière de gestion des ressources fauniques, le Conseil possède un pouvoir de prise de décisions exclusif en ce qui concerne l'établissement, la modification ou l'élimination de quotas, et toute autre restriction en matière d'exploitation des ressources fauniques dans la région du Nunavut, y compris dans les aires de conservation.

Il a également le pouvoir d'approuver la constitution d'aires de conservation ou la fin de cette mesure, et des changements aux délimitations des aires de conservation, et d'approuver des plans pour la gestion et la protection de certaines ressources fauniques et de certains habitats de la faune dans les aires de conservation. Son pouvoir de prise de décisions est assujetti au pouvoir du ministre d'accepter, de rejeter ou de modifier une décision du Conseil conformément aux conditions de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

• 1300

En plus de la compétence exercée par le Conseil, les Inuits exercent un certain nombre de droits protégés par la Constitution dans les aires marines de conservation dans la région du Nunavut. En fait, la revendication territoriale même consacre tout un article à cette question—l'article 9 sur les aires de conservation. Cet article énonce d'importantes directives qui s'appliquent directement au projet de loi C-10, et j'en aborderai certaines dans mes remarques aujourd'hui.

Je vais maintenant proposer au comité certaines recommandations destinées à consolider et clarifier le projet de loi.

La première recommandation reprend une recommandation qui avait été soulevée devant le comité en 1999 dans le cadre de l'étude du projet de loi C-48. Le Conseil demande au comité de rétablir au paragraphe 2(2) du projet de loi concernant la disposition de non-dérogation la formulation traditionnelle en vigueur dans les lois fédérales depuis 1985.

Comme je l'ai dit, lorsque le Conseil a comparu pour la première fois devant ce comité au cours de l'hiver de 1999, le projet de loi ne prévoyait aucune disposition de non-dérogation et le Conseil avait recommandé qu'une telle disposition soit incluse mais que l'on utilise le libellé en vigueur dans pratiquement toutes les lois fédérales qui renferment une disposition de non-dérogation depuis au moins les 15 années précédentes. Le comité a effectivement décidé d'inclure une disposition de ce genre dans le projet de loi C-10, mais il s'agit d'un nouveau libellé imposé par le ministère de la Justice, et auquel s'opposent les organisations autochtones de même que les conseils de gestion des ressources fauniques du Canada.

Le ministère a décidé, au début de 1998, que le libellé courant en vigueur pour les dispositions de non-dérogation depuis de nombreuses années n'était plus acceptable. Bien que le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut n'est peut-être pas d'accord avec l'analyse faite par le ministère de la Justice, il ne conteste pas le droit du ministère de faire un examen critique d'une disposition législative aussi fondamentalement importante tant pour la Couronne que pour les Autochtones que l'est la disposition de non-dérogation en ce qui concerne les Autochtones.

Le problème, que d'ailleurs le Conseil trouve tout à fait inacceptable, c'est qu'après avoir terminé son analyse sans avoir aucunement consulté les peuples autochtones ni les conseils de gestion des ressources fauniques, le ministère a alors supprimé unilatéralement l'ancienne disposition, laquelle n'a d'ailleurs jamais été contestée devant la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale ni la Cour suprême du Canada. Le ministère a alors inséré cette nouvelle disposition sans aucune consultation, explication ni dialogue avec les Inuits, ni avec d'autres peuples autochtones, pas plus qu'avec les conseils de gestion des ressources fauniques.

Le point capital dans l'argument du Conseil est simple et direct. Compte tenu des responsabilités fiduciaires de la Couronne envers les Autochtones, il est essentiel que l'on consulte les titulaires de droits issus de traités et de revendications territoriales avant de proposer une quelconque modification à une disposition législative standard touchant leurs droits. En effet, parmi les obligations fiduciaires de la Couronne envers les Autochtones, il y a le devoir de consulter ceux-ci concernant toute action que la Couronne envisage de prendre et qui pourrait avoir une incidence sur eux—et M. Mercredi a parlé quelque peu du contexte légal dans lequel s'inscrit cette obligation.

C'est pourquoi le CGRFN recommande que la disposition classique de non-dérogation soit inscrite dans le projet de loi C-5. Peut-être ce comité devrait-il recommander que toute autre initiative lancée par le ministère de la Justice—et il y a de nombreuses initiatives de ce genre, notamment la Loi sur les espèces en péril et de nombreuses lois qui adoptent la même formulation—visant à modifier à l'avenir des dispositions de lois touchant les titulaires de droits issus de traités et de revendications territoriales fasse d'abord l'objet de consultations auprès des Autochtones et des conseils de gestion des ressources fauniques. Je puis vous assurer que vous trouverez une volonté correspondante de participer à ces consultations.

Je vais maintenant passer à une autre des six recommandations formulées par le Conseil. Elle se rapporte à l'alinéa 12b) du projet de loi, dont voici la teneur:

    12. Sauf dans la mesure permise par les autres dispositions de la présente loi ou les règlements, il est interdit:

      b) d'autre part, de conférer un droit réel sur celles-ci ou de les utiliser ou de les occuper.

L'alinéa 12b), tel qu'il est formulé actuellement, est contradictoire en ce sens qu'il va à l'encontre des dispositions de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, qui autorise les Inuits à exercer différents droits sur les aires de conservation. En effet, en vertu de cet accord, les Inuits peuvent continuer d'occuper des camps éloignés se trouvant sur des terres domaniales situées dans des aires de conservation. Ils ont également le droit d'accès libre et illimité, à des fins d'exploitation, aux terres, aux ressources hydriques et aux aires marines se trouvant dans des aires de conservation. En outre, l'Accord autorise le CGRFN à réglementer l'exploitation des aires de conservation par les Inuits.

• 1305

Par conséquent, la Loi concernant les aires marines nationales de conservation du Canada ne peut imposer l'interdiction prévue à l'alinéa 12b), qui dispose que seules deux exceptions sont permises, soit celles permises par les autres dispositions de la loi ou les règlements. Le CGRFN recommande donc que l'alinéa 12b) soit modifié. Il ne s'agit pas de supprimer toute la disposition, mais de la modifier de la façon suivante:

    Sous réserve des dispositions des accords sur les revendications territoriales applicables et sauf dans la mesure permise par la présente loi ou les règlements [...] il est interdit d'utiliser ou d'occuper des terres domaniales situées dans une aire marine de conservation.

Monsieur le président, n'hésitez pas à m'interrompre si je dépasse le temps qui m'est alloué, mais avec votre permission, j'aimerais vous parler brièvement de deux autres recommandations.

Il s'agit de la recommandation portant sur l'article 15 du projet de loi. Je vous dirai sensiblement la même chose que je vous ai dite au sujet de la recommandation précédente. Voici la teneur de l'article 15:

    Le directeur peut, dans la mesure prévue par les règlements, délivrer, modifier, suspendre ou résilier les permis ou autres autorisations régissant l'exercice d'activités dans l'aire marine de conservation.

On peut mener de nombreuses activités dans des aires marines de conservation entièrement ou partiellement régies par un accord sur les revendications territoriales qui sont permises ou autorisées par les processus établis dans l'accord de revendications territoriales lui-même. Je sais que la dernière fois que nous avons comparu devant ce comité, nous vous avons montré une petite carte illustrant les régions visées par les revendications territoriales au Canada, celles qui existent déjà et celles qui seront négociées. En fait, toute la côte canadienne est, ou sera, assujettie à des accords sur des revendications territoriales—à peu près toute la côte canadienne.

Dans la région négociée du Nunavut, c'est le CGRFN qui détermine l'espèce et le volume de ressources fauniques que l'on peut exploiter, où, quand et comment. En outre, comme je viens de l'indiquer il y a quelques instants, l'accord sur les revendications territoriales autorise les Inuits à exercer différents droits dans des aires marines de conservation. C'est pourquoi il est impératif de préciser dans le projet de loi que le pouvoir du directeur pour la délivrance de permis et d'autres autorisations doit être régi par les accords sur les revendications territoriales. Une fois de plus, nous proposons une formulation qui faciliterait la réalisation de cet objectif. Ainsi:

    Le directeur peut, dans la mesure prévue par les règlements et sous réserve des dispositions des accords sur les revendications territoriales applicables, délivrer, modifier, suspendre ou résilier les permis ou autres autorisations régissant l'exercice d'activités dans l'aire marine de conservation.

J'arrive à la fin de mon intervention, monsieur le président. J'aimerais cependant aborder une dernière recommandation, touchant cette fois-ci le paragraphe 16(1). Il s'agit d'une disposition importante dans la mesure où elle autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements, et je cite, «compatibles avec le droit international—pour le contrôle et la gestion d'une ou de toutes les aires marines de conservation». Or, bien des aspects du contrôle et de la gestion des aires marines de conservation sont régies par les accords sur les revendications territoriales, notamment si ces aires se trouvent entièrement ou partiellement dans des régions visées par les revendications territoriales.

Conformément aux articles 8, 9 et 15 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut—quand vous aurez reçu notre mémoire, vous verrez que nous avons annoté tous ces articles à votre intention—, la gestion et le contrôle des aires marines de conservation se trouvant entièrement ou même partiellement au-delà des régions qui ont fait l'objet de l'Accord du Nunavut doivent être assumés de concert avec les Inuits.

En outre, de nombreuses conditions énumérées dans le paragraphe 16(1) relèvent d'organes créés en vertu d'accords sur les revendications territoriales, dont le CGRFN. En effet, seule une décision émanant de ce conseil peut donner lieu à des règlements comme ceux prévus à l'alinéa 16(1)c), qui concernent «la gestion et la réglementation des activités de récolte portant sur les ressources renouvelables», ou à l'alinéa 16(1)e), qui limitent ou interdisent certaines activités comme la récolte dans le territoire du Nunavut.

Par conséquent, le Conseil recommande que le comité clarifie le paragraphe 16(1) en indiquant expressément dans la formulation de la disposition que les règlements doivent non seulement être conformes au droit international, mais aussi aux dispositions des accords sur les revendications territoriales applicables.

• 1310

Pour terminer, monsieur le président, je vous rappellerai que le CGRFN appuie l'adoption de tout projet de loi concernant les aires marines de conservation. Cela dit, j'espère avoir été en mesure de vous montrer que le projet de loi C-10, dans sa forme actuelle, ne reconnaît pas tout à fait l'application des accords sur les revendications territoriales, ni la juridiction des organes créés en vertu de tels accords, et ce, à bien des égards.

Je voudrais également signaler que M. Mercredi a soulevé de vives inquiétudes au nom des Premières nations qui, pour la plupart, n'ont pas encore d'accords sur les revendications territoriales.

Au nom du conseil, je voudrais remercier le comité de nous avoir donné l'occasion de comparaître et du temps que vous allez consacrer aux recommandations que nous vous avons faites. Si vous avez des questions concernant notre position, je me ferai un plaisir d'y répondre.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Nous allons commencer la période des questions.

Madame Gallant, allez-y.

Mme Cheryl Gallant: Oui, je voudrais adresser ma première question à M. Mercredi.

Avant de poser ma question, je voudrais vous signaler qu'avant votre arrivée, un membre de l'opposition officielle a proposé que l'on tienne des audiences dans des collectivités côtières de la Colombie-Britannique. Apparemment, cela ne cadre pas avec le calendrier du comité.

Quand les représentants du ministère sont venus nous parler de ce projet de loi, je leur ai posé des questions sur la disposition d'exemption des revendications territoriales. On m'a alors expliqué qu'entre le projet de loi C-8 et le projet de loi C-10, il n'y avait plus lieu de s'inquiéter.

Tout d'abord, comment avez-vous appris que nous tenions cette audience? Vous a-t-on invité ou est-ce que vous suivez simplement l'actualité? Avez-vous participé aux délibérations sur les autres projets de loi que j'ai évoqués? Vous a-t-on convoqué en tant que témoin dans le cadre du projet de loi C-8?

M. Ovide Mercredi: S'agissant de votre première question, à savoir comment j'ai appris que l'on tenait cette audience, sachez que ce n'est que la semaine dernière que l'Assemblée des premières nations a pris connaissance de ce projet de loi. Je crois effectivement que ce n'est que la semaine dernière que nous avons appris son existence. J'ai reçu un appel téléphonique du greffier de la Chambre des communes qui voulait savoir si l'Assemblée des premières nations serait disposée à faire une déposition.

J'ai alors répondu que ce serait idéal de consulter les gens touchés par ce projet de loi, et que je ferais mon possible pour préparer un exposé. Je ne savais pas si quelqu'un à l'Assemblée des premières nations serait disposé à préparer un mémoire aussi vite.

Le fait que c'est moi qui suis ici, et non pas un de leurs représentants élus est révélateur également. Normalement, les leaders devraient parler à des leaders, mais nous n'avons pas eu le temps d'organiser les choses pour que les nôtres puissent venir vous parler. Je suis un bureaucrate maintenant, je suis ici à titre de messager.

En outre, il semble que nous ne soyons pas intervenus à l'époque où on étudiait le précédent projet de loi, celui qu'on ressuscite ici aujourd'hui. Personne ne se souvient d'une intervention que nous aurions faite.

Mme Cheryl Gallant: C'est donc la première fois que les Premières nations donnent leur opinion sur cette mesure législative.

M. Ovide Mercredi: C'est la raison pour laquelle j'ai dit que nous étions frustrés, justement parce que c'est la première fois. Et c'est la raison pour laquelle j'insiste tellement sur la nécessité de consulter: ce comité doit absolument consulter les gens qui sont touchés le plus directement par ce projet de loi.

Ma propre communauté ne sera pas touchée. Je vis dans les provinces des Prairies, je suis du Manitoba, et en particulier du lac Winnipeg. Pour tous ces gens-là, il n'y a rien là de bien effrayant. Toutefois, les gens qui vivent dans l'île de Vancouver ou dans n'importe quelle communauté de la côte—les communautés blanches ou autochtones—doivent absolument être consultés.

Ce n'est pas au gouvernement de décider tout seul du sort de nos ressources marines. Ce genre de dirigisme est tout à fait dépassé. Par ailleurs, et c'est ce que j'essaye de vous expliquer, c'est un système qui ne marche pas. Ça n'a jamais marché, ça ne marchera jamais. Et pourtant, ce projet de loi ne laisse aucune place à la démocratie locale, ne donne pas le moindre rôle aux gens de la base ou aux gouvernements de la communauté. On se contente d'imposer des mesures bureaucratiques à une région en particulier. Peu importe que les décisions soient prises par Parcs Canada, par le ministère des Pêches ou par celui de l'Environnement, ce qu'il faudrait, c'est que les décisions soient prises par les gens qui vivent dans la région.

• 1315

Tout le principe de la gestion de ces aires de conservation... Prenons l'idée des aires marines de conservation. C'est une très bonne idée. Je ne prétends pas que c'est une mauvaise idée; c'est une bonne idée, mais pas de cette façon-là. Les organisations non gouvernementales ont effectué de nombreuses études pour essayer d'influencer le gouvernement et de lui faire comprendre qu'il est important de respecter le droit démocratique de la population de participer aux décisions qui ont une incidence directe sur elles. Il ne suffit pas de créer un comité consultatif pour seconder le ministre. Peu importe qu'il y ait une ou trois ou quatre personnes qui conseillent le ministre. Quand une décision du gouvernement touche à l'existence même des gens, cela a un impact économique immédiat sur leurs familles, leurs communautés et leurs régions. C'est justement ce que nous essayons de vous expliquer, que cela a un impact économique sur nous également. Nous ne protégeons pas nos droits pour le plaisir de protéger nos droits, nous essayons de conserver les moyens que nous avons de gagner notre vie.

On ne peut pas laisser ces décisions entièrement à un surintendant sans donner à la population un rôle démocratique quelconque. La cogestion, un terme qui vient du style de gouvernement des Inuits, est maintenant acceptée par le gouvernement. C'est une notion qui existe chez nous également, mais nous parlons plutôt d'autogestion des ressources. Depuis un certain temps, les ONG préconisent la cogestion des ressources. Elles essayent de convaincre le gouvernement que le meilleur moyen de conserver les ressources est de faire participer les gens à des décisions qui sont parfois difficiles. Or, avec ce projet de loi, cette participation n'existe pas.

Ce qui m'inquiète le plus, c'est que lorsqu'une de nos revendications territoriales est acceptée, on dit immédiatement que le secteur devient un secteur réservé. Quelle est la logique? Pourquoi fait-on cela? Je ne sais pas, car ce n'est pas nous qui l'avons proposé, cela n'est pas venu de nous. C'est la raison pour laquelle je posais la question: À quoi ce genre de pratique peut-il bien servir? La définition d'une réserve est la suivante: «Réserve à vocation d'aire marine nationale de conservation du Canada dénommée et décrite à l'annexe 2.»

Mme Cheryl Gallant: Monsieur Mercredi, dans les communautés désignées, des comités consultatifs seront créés, ce qui permettra de faire participer les gens d'affaires, les organismes et les particuliers, le cas échéant. En quoi ce processus vous déplaît-il?

M. Ovide Mercredi: Je ne vois pas les choses de cette façon-là. Ce que je vois, c'est qu'on prévoit un comité consultatif à l'article 11. Et d'après ce que j'ai lu dans l'avion en provenance de Winnipeg ce matin, quand j'essayais d'arriver à l'heure à cette réunion, le ministre pourrait mettre sur pied un comité consultatif sur une aire marine nationale de conservation, mais on ne précise pas qui fera partie de ce comité. Il pourrait s'agir de bons libéraux ou de bons députés de l'Alliance. Qui le sait? Il n'y a pas de critère, et on ne parle pas non plus des Autochtones.

Dans la LEP, dont nous avons participé à l'élaboration, vous verrez que concernant nos représentants, c'est nous qui les choisirons. Nous serons représentés aux comités. C'est cela, la différence. Il n'est pas précisé dans ce projet de loi-ci que nos membres participeront. Rien ne garantit que des Autochtones siégeront à l'un de ces comités consultatifs que le ministre mettra sur pied.

• 1320

Bien sûr qu'on peut créer des comités consultatifs, mais pour que cela nous convienne vraiment, il faudrait mentionner «et des représentants autochtones», tout juste comme dans la Loi sur les espèces en péril en ce qui concerne certaines institutions qui sont appelées à prendre des décisions importantes, comme le COSEPAC. Un comité constitué d'Autochtones donnera des conseils aux chercheurs qui participeront au processus de désignation des espèces menacées et cela, sur la base de leurs connaissances traditionnelles.

Le président: Madame Bulte.

Mme Sarmite Bulte: Merci. Monsieur Mercredi, j'aimerais revenir à ce que vous nous dites. À propos des réserves, je pense que c'est une excellente question, mais est-ce que le processus se déclenche automatiquement? J'ai cru comprendre qu'il n'y aurait pas automatiquement une réserve, pas plus qu'on ne peut créer automatiquement une aire marine de conservation. Il faut commencer par consulter le groupe et obtenir son approbation.

Par conséquent, avec le paragraphe 6(2), on n'avait certainement pas l'intention de créer automatiquement des réserves dès qu'il y avait une revendication territoriale. De même, on ne peut pas désigner une aire marine de conservation avant d'avoir franchi toutes les étapes. Peut-être pourrait-on essayer de rendre cette intention plus claire. Je comprends vos hésitations, mais je ne crois pas que cela ait été l'intention.

Monsieur Mercredi, avez-vous un exemplaire du projet de loi? Dans l'article 10, on parle de la consultation. Je sais qu'au début, vous avez dit que la consultation devait être améliorée. Que pouvons-nous faire pour l'améliorer? On parle des communautés côtières touchées et des organisations autochtones. Y a-t-il quelque chose que nous pourrions faire pour vous rassurer? Aimeriez-vous qu'on parle des communautés côtières et autochtones?

M. Ovide Mercredi: Ce serait un minimum. Le fait d'être consultés serait un minimum absolu. Ce que j'essaie de vous expliquer, c'est qu'il ne suffit pas de simplement consulter les gens qui sont touchés par des décisions du gouvernement, il faut leur permettre de participer à la prise de ces décisions. Vous comprenez ce que je veux dire?

Mme Sarmite Bulte: Oui.

M. Ovide Mercredi: Prenez l'exemple de nos droits, de nos droits ancestraux et issus de traités: s'il est nécessaire d'adopter des mesures de conservation, je suis certain que ces mesures iront dans le sens de nos intérêts à nous, mais il importe que nous participions au processus de décision. Il ne suffit pas qu'un fonctionnaire quelconque vienne nous voir avant de rédiger un rapport qui conduira à une décision prise à Ottawa, dans un ministère fédéral ou ailleurs.

Notre population a droit à son autonomie gouvernementale. Le gouvernement libéral a annoncé que nous avions l'autonomie gouvernementale. Donc, essayez d'en tenir compte dans votre législation, parce que pour l'instant, vous n'en tenez pas compte.

Je voudrais revenir à ce qui constitue une question délicate. Pourquoi le territoire d'un peuple autochtone devrait- il déclencher l'idée d'une réserve tout simplement parce qu'il y a acceptation des négociations? Ce ne devrait pas être le cas.

Mme Sarmite Bulte: Non, en effet. Je ne crois pas...

M. Ovide Mercredi: Pourquoi ce principe fait-il partie intégrante du projet de loi? Il y a dans cette mesure une autre disposition qui m'a quelque peu troublé, quand j'étais dans l'avion. C'est l'idée que lorsqu'il y a un règlement de la revendication globale...

Mme Sarmite Bulte: Désolée, de quel article parlez-vous?

M. Ovide Mercredi: Du paragraphe 6(2), «Règlement de revendications territoriales globales». Il y est dit que, à la suite du règlement de toute revendication territoriale visée au paragraphe précédent, deux choses se produisent. La première est la modification de l'annexe 2. Ce que je veux savoir, c'est pourquoi l'annexe 2 est nécessaire. L'objectif n'est-il pas d'établir une aire marine de conservation? Ne devriez-vous pas aller voir les Autochtones qui ont une revendication à l'égard de cette région pour leur demander si nous devrions établir une aire marine de conservation, au lieu de nous dire que, en vertu de vos lois, dès que nous acceptons vos négociations, il y aura une aire marine de conservation, deuxième catégorie?

• 1325

Puis vous confirmez cela à l'alinéa 6(2)b), où il est dit ceci:

    dans le cas où, aux termes du règlement, toute ou partie de la réserve devient une aire marine de conservation ou est intégrée à une aire existante,

...l'annexe 1 en tiendra compte. C'est à mes yeux la question fondamentale.

Le président: Chef Mercredi, nous nous connaissons bien et vous savez que j'ai le plus grand respect pour les Premières nations et leurs droits. Je voulais savoir comment prendre en compte vos préoccupations. Il vous suffit d'examiner l'article des définitions et de l'interprétation. S'agissant des droits ancestraux, le projet de loi stipule:

    Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte à la protection des droits existants ancestraux ou issus de traités—des peuples autochtones du Canada aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle.

C'est le principe fondamental. On passe ensuite au paragraphe 4(2), qui stipule ceci:

    Sont également constituées, aux fins énoncées [...] des réserves [...] lorsqu'un peuple autochtone revendique des droits sur tout ou partie du territoire et que le gouvernement fédéral a accepté d'engager des négociations [...] dans le cadre de revendications territoriales globales.

Si vous examinez l'article 10, c'est peut-être là que le projet de loi devrait être plus direct. Au lieu de dire: «le ministre favorise», je ne comprends pas pourquoi il n'est pas dit que le ministre tiendra des consultations, ce qui lui donnerait l'obligation de le faire. En l'absence de consultations, il n'y aura pas d'établissement possible, car le ministre doit consulter. Puis, si vous examinez—il faudra considérer le règlement dans son intégralité—l'article 6 ou 16, il est dit là encore que le gouverneur en conseil «peut» prendre des règlements, après que le ministre aura consulté les organismes autochtones touchés. C'est de nouveau un renvoi à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

D'après mon interprétation du projet de loi, compte tenu des audiences qui ont eu lieu sur le projet de loi C-48... Cela a été prouvé par l'exemple de Terre-Neuve, où les personnes consultées n'étaient pas d'accord avec l'établissement d'une aire marine de conservation et où le projet n'est pas allé de l'avant puisque les consultations ont débouché sur un refus. Si les consultations sont considérées comme une condition préalable, il va sans dire qu'elles doivent être positives pour que l'aire soit établie; dans le cas contraire, cela ne se fera pas. Pour ce qui est de la question des réserves, si des négociations concluaient que toutes les parties en cause approuvent l'établissement d'une aire marine de conservation, n'est-ce pas au contraire une façon de dire qu'on ne peut pas le faire, et qu'on va réserver le secteur faisant l'objet de négociations en vue d'une revendication, autrement dit que l'on s'efforce de protéger cette région plutôt que le contraire? Même dans ce cas, je ne pense pas qu'une réserve puisse être établie sans consultation, d'après mon interprétation.

C'est peut-être le genre de chose dont nous devrions discuter plus à fond dans le but, éventuellement, de préciser cette disposition.

M. Ovide Mercredi: Votre interprétation est plausible, tout comme la mienne, il y a donc un problème de clarté. Quel est l'objet véritable de cette disposition? C'est pourquoi je vous ai demandé quel est le véritable objet de ce projet de loi.

• 1330

J'ai expliqué les problèmes auxquels vous allez vous heurter avec les Premières nations de la Colombie-Britannique et des Maritimes lorsque vous commencerez à imposer des conditions préalables visant leur territoire, leurs propres terres, tout simplement parce que le fait que le gouvernement ait accepté d'engager des négociations ne devrait pas entraîner automatiquement la désignation de ce territoire comme réserve à vocation d'aire marine de conservation; cela ne devrait pas être automatique. Si ce n'est pas l'objet du projet de loi, alors il faut le préciser. Cela devrait être stipulé clairement dans le projet de loi.

Il est possible que le gouvernement et les Premières nations poursuivent un objectif commun relativement aux aires marines de conservation. Ce que je veux dire, c'est qu'il vous incombe de venir nous consulter à ce sujet. C'est de là que vient l'obligation de consulter, n'est-ce pas? Ce que je veux vous dire, c'est que nos dirigeants et nos gouvernements vous diront qu'il ne suffit pas que vous veniez nous parler, mais qu'il vous faut obtenir notre accord avant de procéder à la désignation d'une aire sur notre territoire traditionnel. C'est ce qu'ils vous diront. Le projet de loi ne va pas jusque-là relativement au droit de notre peuple de consentir à la désignation d'une aire. Il sera essentiel d'en tenir compte.

C'est pourquoi j'ai dit plus tôt qu'il est inutile d'arriver armés de gros bâtons, mais qu'il faut plutôt miser sur la collaboration pour réussir; ce n'est pas avec des interdictions, des amendes lourdes et de strictes mesures d'application, comme à Burnt Church, que l'on obtient cette collaboration. Cela se fait grâce au dialogue et à l'entente entre gouvernements. Dans une certaine mesure, le projet de loi le reconnaît pour les gouvernements provinciaux. Il vous faut obtenir leur accord dans certains secteurs où la compétence des provinces est en cause. Toutefois, on n'accorde pas le même respect aux gouvernements inuit ou des Premières nations. C'est pourquoi cette question mérite d'être approfondie.

Voici ce que je propose. La nation métisse est absente, au même titre que l'Association des femmes autochtones et les autres groupes autochtones avec lesquels nous témoignons généralement. Il serait peut-être utile que le comité essaie à nouveau de rencontrer les représentants désignés de ces groupes. Si vous décidez de ne pas vous déplacer dans les régions, comme cela a été recommandé—et c'est ce que souhaite l'opposition—il vous faut à tout le moins rencontrer nos dirigeants une fois de plus pour régler tous ces détails. Auparavant, comme l'a dit mon collègue, on pourrait se pencher sur des questions de forme pour améliorer le libellé du projet de loi. Je vais le laisser vous en parler.

M. Michael d'Eça: Monsieur le président, quand les Inuits ont comparu devant le comité permanent lors de l'étude de la Loi sur les océans en 1996, ils ont exprimé certaines préoccupations fondamentales; le président de ce comité, M. MacDonald, sauf erreur, a simplement demandé au ministère de rencontrer les organismes autochtones ou leurs représentants en vue d'en arriver à une entente acceptable pour les deux parties et de présenter un rapport au comité. En fait, c'est ce qui s'est produit en l'occurrence. Tout le monde est sorti de là relativement satisfait, le comité a pris connaissance du rapport et a poursuivi ses travaux. C'est une autre possibilité que vous pourriez envisager.

Le président: Très bien.

Chef Mercredi, pour rétablir les faits et pour qu'il n'y ait aucune équivoque, l'opposition officielle a eu le loisir d'inviter à comparaître tous les témoins qu'elle souhaitait. Nous avons envoyé une note à tous les membres du comité en les invitant à proposer les noms de personnes ou de groupes qu'ils souhaitaient voir comparaître le 12 mars. J'ai reçu une lettre de M. Andy Burton de l'Alliance canadienne le 28 mai disant que nous n'avions pas consulté les habitants des collectivités côtières et que nous devrions nous rendre sur place. Je ne sais pas ce qu'a fait ce parti entre le 12 mars et le 28 mai, parce que M. Burton a lui-même proposé une motion de renvoi à la Chambre. Il y a des semaines que l'on discute de ce projet de loi. Le 28 mai, il me fait parvenir une longue liste de 28 organismes qu'il souhaite inviter à comparaître. Ce n'est certainement pas faute d'avoir essayé d'entendre tous les témoignages possibles, je peux vous en donner l'assurance.

• 1335

J'ai pris bonne note de vos préoccupations et je tiens à vous dire, monsieur d'Eça, que nous allons certainement en tenir compte car il s'agit de points très importants.

Madame Bulte, avez-vous terminé vos questions?

Mme Sarmite Bulte: Non. J'ai encore une question pour le professeur Dearden, si vous le permettez. C'est une toute petite question.

Si je reviens en arrière un petit peu, monsieur Dearden, vous avez parlé d'obligations internationales. Je sais que j'ai posé la question déjà ce matin, mais pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de ces obligations internationales parce que ce matin...?

M. Philip Dearden: Le professeur Lien en a parlé.

Mme Sarmite Bulte: Oui, le professeur Lien a effectivement dit quelques mots à ce sujet, mais je me demandais... Il a parlé de la Convention sur la biodiversité et de l'Union internationale pour la conservation de la nature. Je me demandais simplement s'il y avait autre chose que ces deux-là. Vous pourriez peut-être simplement me donner... Je ne sais pas ce que dit au juste la Convention sur la biodiversité. Vous pourriez peut-être en faire ressortir les principales dispositions concernant les aires protégées.

M. Philip Dearden: La Convention sur la biodiversité oblige effectivement les parties à créer des réseaux d'aires protégées, dans les milieux tant terrestres que marins, et elle les oblige également à définir les espèces menacées, à protéger la biodiversité, etc. Étant donné l'enthousiasme avec lequel nous avons adhéré très tôt à cette convention, il serait tout à fait indiqué que nous fassions du rattrapage dans le cas des aires marines.

L'Union internationale pour la conservation de la nature, avec laquelle j'ai fait pas mal de travail, a élaboré un guide des pratiques exemplaires relatives aux aires marines protégées. On y retrouve toutes les recommandations qui ont été formulées aux assemblées générales de l'Union mondiale pour la nature, qui est le plus important groupe mondial voué à la conservation. Le Canada est un des pays membres, tout comme tous les grands pays du monde. Le guide comprend un chapitre sur les lois qui évalue la conformité des diverses législations nationales. J'ai vérifié, et il semble que notre législation soit tout à fait conforme aux pratiques internationales.

Je demande humblement au président la permission de dire un mot au sujet de cette question des réserves. Je suis resté moi aussi dans la confusion. Je crois que c'est une excellente question, et je comprends qu'on puisse se méprendre. Je crois que le paragraphe 4(2), qui parle, dans la version anglaise, des «Reserves for marine conservation areas»... Je crois que le mot «reserves» est au mauvais endroit. Il faudrait plutôt dire «marine conservation area reserves», pour suivre le modèle de la Loi sur les parcs nationaux, où l'on fait la distinction entre «national parks» et «national parks reserves».

Les réserves à vocation de parc national sont constituées en vue d'éviter de porter préjudice aux accords futurs sur les revendications territoriales visant les terres comprises dans ces réserves. Je crois que l'intention est exactement la même qu'ici, c'est-à-dire que, même si on décide de donner le feu vert, on ne pourra en aucun cas porter préjudice aux accords sur des revendications territoriales. Le libellé porte toutefois à confusion, et j'estime qu'il faudrait une nouvelle formulation. Je suis toutefois certain que c'est là l'intention du législateur.

Si vous me permettez d'ajouter quelque chose sur les consultations, j'ai participé à beaucoup de consultations sur cette loi avec les collectivités côtières de la Colombie- Britannique depuis la première à laquelle j'ai participé en 1984. Parcs Canada a organisé des visites libres dans les diverses collectivités côtières tout le long de la côte. Il y a eu beaucoup de consultations avec ces collectivités, mais il vient un temps où, après avoir tout considéré, les gouvernements doivent décider de ce qu'il convient de faire. J'estime que la loi fait une large part à la consultation. J'y vois une nouvelle façon de faire pour ce qui est de constituer des aires protégées, et je crois que la loi devrait nous permettre de collaborer et de nous entendre.

Le président: Monsieur Hearn.

M. Loyola Hearn: Merci beaucoup, monsieur le président.

Il est dommage que M. Mercredi n'ait pas été là ce matin, car certains des points que vous avez soulevés ont aussi été soulevés ce matin. M. Lien, de l'université Memorial à Terre- Neuve, que nous avons entendu ce matin nous a parlé de l'expérience qui a été tentée il y a deux ans à Terre-Neuve et qui n'a pas donné, comme vous le savez bien, j'en suis sûr, le résultat escompté. Il a toutefois décrit certaines mesures que l'on est en train de prendre et qui permettront de faire ce que vous cherchez à accomplir par la création d'une zone protégée, mais on procède lentement, au cas par cas et en consultant directement la population locale—à sa demande, d'ailleurs, car elle a tiré des leçons de l'effondrement complet des stocks de poisson dans la région.

• 1340

Je représente une région parsemée de dizaines de petites localités qui dépendent toutes directement de l'océan et du milieu marin. Nous sommes donc très conscients de la nécessité de préserver et de protéger le milieu marin. Nous avons beau avoir ce rêve, cet espoir, cette vision, mais nous savons aussi que nous devons gagner notre vie dans le monde d'aujourd'hui et utiliser de façon optimale les ressources que nous avons.

Pour ce qui est des consultations au niveau local, je pense qu'il importe peu que ce soit un groupe autochtone ou les pêcheurs de la région, toute décision politique doit passer par l'appui, par l'intérêt et par la participation de la population locale. Il ne suffit pas que la population dise: «Oui, nous sommes d'accord», le gouvernement se sentant ainsi autorisé à aller de l'avant et à gérer le tout à sa guise. Non, la population doit pouvoir participer à la gestion, sinon ce sera un échec.

J'en ai d'ailleurs discuté avec certaines des personnes qui sont ici à titre d'observateurs, monsieur le président, et notre expérience est essentiellement la même. Il y a divers projets dans les différentes régions du pays qui visent à préserver notre environnement. C'est peut-être le gouvernement qui prend l'initiative, mais la population locale a son mot à dire et participe de manière directe à la gestion du projet. Cela fait toute la différence.

Comme je l'ai dit, c'est sans doute l'approche qu'il faut retenir. Sinon, nous pourrions tuer le projet dans l'oeuf si nous arrivons avec nos gros sabots pour essayer de l'imposer. Il faut que la population locale y participe.

Ceux d'entre nous qui sont plus au courant comprennent, tandis que ceux qui ne le sont pas ne comprennent pas. Or, quand on a peur de quelque chose ou quand on ignore de quoi il s'agit, on a tendance à le rejeter d'emblée. Vous savez, dès que quelqu'un dit: «Je suis du gouvernement et je suis ici pour régler tous vos problèmes»—l'autre risque de lui fermer la porte au nez.

Je suis donc entièrement d'accord avec ce que disent nos témoins: même si nous partons peut-être d'un point de vue complètement opposé, nous voulons tous la même chose. Pour réaliser notre objectif, il faudra sans doute faire intervenir des approches différentes.

Nous sommes essentiellement en présence de deux groupes, dont un qui passe par la voie d'un accord sur ses revendications territoriales et l'autre pas. Je veux donc poser la question suivante: Si vous aviez des accords acceptables en place, monsieur Mercredi, cela répondrait-il à certaines de vos préoccupations? Est-ce là un des problèmes auxquels nous nous heurtons ici?

M. Ovide Mercredi: Le problème tel que j'essaye de le faire comprendre au comité, c'est que, si jamais vous vous rendez en Colombie-Britannique ou dans les Maritimes, vous entendrez les Premières nations vous dire, le moment venu, qu'elles ne veulent pas négocier avec le Canada en étant assujetties à la politique de règlement de leurs revendications globales qu'énonce le projet de loi. C'est là un des problèmes.

L'autre problème dont vous entendrez parler relativement à la conservation marine, c'est que les Premières nations souscrivent peut-être à cet objectif, mais je doute fort qu'elles accepteront de se soumettre au processus de négociations qui est prévu relativement à leurs revendications territoriales. Le projet de loi ne leur donne pas le choix. C'est déjà décidé pour elles. C'est là une interprétation possible de la disposition.

Si, par contre, elles décident de négocier, la décision devrait être prise entre gouvernements. Voilà ce que j'essaye de vous faire comprendre. Elles voudront peut-être participer à un processus comme celui-là. Si le professeur a raison en disant que l'intention du gouvernement est altruiste, peut-être que vous accepterez certaines de ces dispositions. Nous avons toutefois une expérience différente des relations avec le gouvernement. Nous ne considérons jamais les lois qui viennent du Canada comme ayant une intention altruiste. Nous avons toujours pour principe de nous méfier.

Ce que j'essaye de vous faire comprendre, c'est que le contexte n'est pas marqué au coin de la confiance. Si donc vous voulez essayer de réaliser des objectifs qui sont louables, auxquels les Autochtones souscrivent aussi, il faut faire comme dit M. Hearn et rallier la population. Il faut rallier les Premières nations.

• 1345

En ce qui concerne le projet de loi à l'étude, je crois sincèrement que l'Alliance est...vous devriez écouter les alliancistes et aller parler aux gens et les écouter. Vous devriez peut-être prolonger les travaux du comité. Comme je l'ai dit, ce n'est pas que nous acceptons ou que nous rejetons la proposition, mais il ne faut pas vous imaginer que, parce que je suis venu vous faire ce rapport ici aujourd'hui, vous n'allez pas recevoir des lettres dans lesquelles les Premières nations de la Colombie-Britannique et des Maritimes vous diront qu'elles rejettent la proposition.

Michael et moi avons tous deux fait partie de l'équipe juridique qui a assuré une certaine participation des Inuits, des Métis et des Premières nations à la rédaction de la Loi sur les espèces ne péril. Nous n'étions pas dans une salle du comité de rédaction. Le processus ne nous a pas totalement satisfaits, mais un mandataire, un fonctionnaire fédéral, faisait l'intermédiaire entre nous et les rédacteurs de la LEP auxquels il transmettait nos préoccupations.

Si l'occasion vous est donnée d'examiner la LEP, vous constaterez que cette loi est meilleure que celle-ci en raison du fait que nous avons participé à sa rédaction. Nous n'avons pas obtenu ce que nous voulions, mais nous avons convenu que ce que nous avions obtenu ferait l'objet d'un accord politique parce que toute la loi repose sur la coopération. L'accord politique sera un accord conclu de gouvernement à gouvernement de sorte que le moment venu, la mise en vigueur de la LEP sera assujettie à l'accord politique qu'auront signé nos dirigeants et ceux du gouvernement du Canada. Cet accord est toujours en cours d'élaboration, mais nous avons bon espoir qu'il sera signé.

Quant au projet de loi à l'étude, nous n'avons jamais pu exprimer nos préoccupations à l'égard du libellé proposé. Je pense qu'il serait utile que vous enjoigniez à quelqu'un—je ne sais pas qui ce devrait être—de voir avec nous comment il serait possible d'améliorer le projet de loi. Voilà le message que je veux vous laisser. Nous sommes plutôt partis du mauvais pied ce matin, mais l'objectif est d'améliorer le projet de loi pour qu'il respecte nos peuples.

Comme vous, monsieur Lincoln, j'ai écouté les dirigeants autochtones de tout le pays et ils mettent toujours l'accent sur la conservation. L'objectif visé est un objectif que nous partageons, mais il faut que le projet de loi nous satisfasse.

Le président: Monsieur Cuzner, suivi de M. Spencer. Vous avez 10 minutes.

M. Roger Cuzner: J'ai deux brèves questions à poser et la première s'adresse à M. Dearden.

En ce qui touche votre huitième amendement, si je ne m'abuse, relatif à la pisciculture, vous avez recommandé l'imposition de critères ou de conditions. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long là-dessus. Permettez-moi de poser ma seconde question tout de suite.

Cette question qui s'adresse à M. Mercredi paraîtra peut- être simpliste ou naïve. Lorsque Parcs Canada décide d'aménager un parc terrestre, par exemple, et vous avez fait allusion à un parc qui se trouve dans votre propre cour... Lorsque ce parc s'étend sur des terres traditionnelles, Parcs Canada impose-t-il des restrictions quant à l'accès à ce parc ou quant aux activités qu'on peut y mener? Je devrais sans doute formuler ma question de la façon suivante: Parcs Canada dispose-t-il d'un mécanisme ou d'un protocole permettant d'assurer la participation des Premières nations? M. Dearden peut peut-être répondre à la première question et vous répondrez ensuite à la seconde, monsieur Mercredi.

• 1350

M. Philip Dearden: Il existe des preuves scientifiques solides indiquant que la pisciculture est nocive pour l'environnement; elle ne devrait donc pas être permise dans une région qu'on cherche à protéger. Par ailleurs, il s'agit de régions à usages multiples. Dans la plupart de ces régions, on permet la pêche et les activités semblables. Il est possible que la pisciculture puisse un jour se faire complètement en vase clos, ce qui réduirait ses effets nocifs sur l'environnement.

Si l'on favorise ce genre d'aquacultures, elles pourraient avoir lieu dans une zone de conservation marine.

M. Ovide Mercredi: Je ne pense pas pouvoir vous fournir une réponse qui vaille dans tous les cas parce que le gouvernement est un caméléon, n'est-ce pas? Il n'agit pas toujours de la même façon. La même chose vaut pour Parcs Canada. Parfois ce sont nous qui proposons des initiatives et parfois c'est Parcs Canada. Parcs Canada est parfois forcé de traiter avec nous parce que certaines questions se posent comme celles des droits de chasse ou de récolte dans le parc, de l'accès au parc ou même des emplois qui sont créés dans le parc et qui peuvent être occupés par des membres des Premières nations, soit la question de l'équité en matière d'emploi.

Plusieurs chefs sont venus comparaître devant un comité permanent étudiant un projet de loi sur la création de parcs. Il était alors question du Parc national Mont-Riding au Manitoba. Les chefs ont fait valoir qu'il importait qu'ils puissent discuter des questions qui les intéressaient avec des employés du parc ayant des pouvoirs assez étendus.

Des initiatives de ce genre ont lieu et Parcs Canada compte un petit secrétariat autochtone. Ces questions sont assez délicates. Mon chef est venu dire au comité permanent qu'il fallait s'opposer à la création du parc à Longue-Pointe.

Mon chef a exprimé nos préoccupations au sujet de ce qui pourrait se produire advenant l'accès aux terres sur lesquelles depuis des années nous chassons, nous pêchons et nous cueillons des baies et des plantes médicinales. Nous craignons que des touristes de Winnipeg envahissent le parc. Très bientôt, les touristes seront partout, on construira des chalets et notre peuple ne pourra plus utiliser ces terres comme il l'a fait par le passé. Dans 10 ou 15 ans, ils craignent de ne plus avoir accès à leurs terres. Voilà donc pourquoi nos dirigeants sont venus s'opposer à la création de ce parc.

Il n'existe cependant pas de protocole entre les peuples autochtones et Parcs Canada. La leçon que les gouvernements apprennent lentement—et je ne sais pourquoi le gouvernement libéral a mis tant de temps à apprendre cette leçon puisque les conservateurs l'ont fait beaucoup plus rapidement lorsqu'ils étaient au pouvoir—est qu'il faut automatiquement faire participer nos peuples aux relations fédérales-provinciales puisque nous constituons aussi un palier de gouvernement. Nous devrions être invités à participer aux séances qui portent sur des questions comme la santé, le logement et l'éducation.

Vous voudrez peut-être demander des explications à cet égard à votre caucus parce que depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux, nous sommes exclus des réunions fédérales-provinciales. Ce n'est que récemment que certaines initiatives ont été prises pour assurer la participation autochtone à certaines réunions. Ainsi, le Conseil des ministres de l'Environnement a conclu un accord à cet égard avec les dirigeants autochtones.

Le conseil nous a invités à participer à une réunion qui aura lieu le 2 octobre à The Pas au Manitoba. On espère que la réunion aboutira à la signature d'un protocole entre les gouvernements autochtones et le gouvernement du Canada sur les questions touchant l'environnement. Comme je vous l'ai dit, nous avons conclu avec le gouvernement du Canada un accord précisant comment les peuples autochtones participeront à la mise en oeuvre de la LSEP.

• 1355

Les ministres responsables de la politique sociale au Canada compte se réunir. Or, nous n'avons pas encore été invités à cette réunion à laquelle nous souhaitons participer.

Le chef national vient de participer à une réunion à Winnipeg convoquée par les ministres chargés des affaires autochtones. C'est l'une des premières fois depuis longtemps que nous sommes invités à ce genre de réunions.

Comme je n'aurai sans doute plus jamais l'occasion de m'adresser à vous, j'en profite pour signaler que les gouvernements devraient être encouragés à signer des protocoles avec nous qui régirons nos rapports. En fait, la Commission royale a formulé 440 recommandations dont un bon nombre portaient sur les mécanismes devant régir les relations entre nos peuples et le Canada. Il ne faudrait pas l'oublier.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Spencer, je vous accorde les cinq dernières minutes.

M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, AC): Je vous remercie, monsieur le président.

J'ai en main copie de la lettre de M. Burton à laquelle vous avez fait allusion. Je voulais simplement citer une phrase tirée de cette lettre. Voici ce qu'on lit dans la lettre:

    Je me suis permis d'envoyer un exemplaire du projet de loi C-10 à bon nombre de collectivités côtières, de chambres de commerce, de collectivités autochtones, de groupes d'intérêts spéciaux et d'intervenants et je leur ai demandé de me faire part de leur avis sur ce projet de loi.

Monsieur le président, vous devez m'excuser de ne pas savoir ce qui s'est déjà passé à ce comité. C'est la première fois que je participe à une réunion de ce comité et c'est seulement la troisième réunion de comité à laquelle je participe depuis mon arrivée sur la Colline. Il semblerait qu'on ne s'entende pas sur le sens du terme consultation. M. Dearden dit que des consultations ont eu lieu dans toutes les collectivités le long de la côte tandis que M. Mercredi dit qu'il n'y a pas eu de consultations.

Si j'étais touché directement par cette législation, je m'attendrais à ce que la consultation se fasse avant la rédaction du projet de loi et qu'on me demande ensuite mes réactions. Est-ce que le projet de loi répond à mes préoccupations? Est-ce qu'il convient à ma situation? J'ai l'impression qu'une fois qu'un projet de loi rédigé, le comité se dépêche de l'étudier et de s'en débarrasser.

J'ai donc de la sympathie pour le point de vue de M. Mercredi. Est-ce que cela pourrait vous aider? Êtes-vous en train de dire que vous n'avez vraiment pas vu de texte écrit afin d'être consultés à cet égard?

M. Ovide Mercredi: Le premier texte que j'ai vu, c'est le projet de loi C-10.

M. Larry Spencer: C'est ce dont je parle; c'est le projet de loi C-10. Ils n'ont pas vu ces dispositions au stade de la consultation?

Le président: Si vous me permettez, monsieur Spencer, j'aimerais dire quelque chose, mais je veux mesurer mes paroles.

Ce projet de loi est à sa troisième version. On a eu premièrement le projet de loi C-48; le projet de loi est devant les communes depuis presque trois ans maintenant. Il y a eu des audiences sur le projet de loi C-48. Je vais déposer auprès du comité, et je vous en donnerai certainement des copies, toutes les lettres d'accompagnement envoyées avec un avant-projet de loi à toute une gamme d'organismes, y compris l'Assemblée des premières nations.

Avec tout le respect que je dois au chef Mercredi, il ne peut pas être au courant de tout ce qui se passe.

Dire donc qu'il n'y a pas eu de consultation sur ce projet de loi, dire que M. Burton est un grand héros quand il a lui-même... Quand a-t-il envoyé le projet de loi C-10 à la Chambre de commerce de Terrace et aux autres? «Cet après-midi j'ai appris de votre député, Andy Burton, les répercussions potentielles du projet de loi C-10»... Le 17 mai...il a lui-même présenté une motion de renvoi à la Chambre avant cette date. La première lecture a eu lieu il y a déjà quelques mois, et le projet de loi fait partie des travaux de la Chambre depuis lors.

Il faut donc cesser de jouer à la vierge offensée et de dire qu'il n'y a pas eu de consultation et que le comité a entièrement tort. Le projet de loi circule depuis à peu près trois ans, et il est maintenant à sa troisième version. Il y a eu des audiences au moment du projet de loi C-48. Il y a eu le projet de loi C-8 et nous avons maintenant le projet de loi C-10, qui est à la Chambre depuis plusieurs mois.

• 1400

Avant la fin des audiences, je me ferai un devoir de déposer toutes les lettres d'accompagnement envoyées avec l'avant-projet de loi par le ministère à un grand nombre d'organismes.

Dire qu'il n'y a pas eu de consultation sur ce projet de loi... Je dois dire que je suis d'accord avec le chef Mercredi. Il y a sûrement toutes sortes d'améliorations qu'on peut apporter à des projets de loi, et je l'écoute avec beaucoup de respect, puisque j'ai beaucoup d'estime pour lui et pour ce qu'il a fait pour son peuple, comme il le sait.

Je prends donc toute l'affaire très au sérieux, mais je ne vais pas me livrer à de la politicaillerie sur la question de la consultation et battre ma coulpe en disant que nous avons vraiment manqué à notre devoir; je vais par contre vous démontrer qu'il y a eu beaucoup de consultations sur ce projet de loi.

Dire que M. Burton est un grand héros parce qu'il a dit aux gens le 17 mai que...

«M. Burton m'a demandé de vous écrire...» Il a tout un paquet de lettres ici. Étrangement, elles sont toutes datées du 16 mai, du 18 mai et du 22 mai. Ce projet de loi est devant les communes depuis de nombreuses semaines. Pourquoi a-t-il attendu le 18 mai pour faire cela, tandis qu'il savait que le comité tenait des audiences ici? Il sait qu'il a deux ou trois représentants sur ce comité.

Mme Cheryl Gallant: Le projet de loi est tombé du calendrier législatif. Il avait disparu. Le comité étudiait plutôt la Loi sur la radiodiffusion, qu'on a laissé tomber tout à coup, et ce projet de loi-ci a réapparu.

Le président: Madame Gallant, je suis ici depuis 1993. Lorsqu'un projet de loi est présenté pour première lecture, si vous avez des préoccupations, le texte est publié; vous l'avez entre les mains.

Si M. Burton représente toutes ces localités avec tant de zèle, s'il s'en fait tant de souci qu'il envoie le projet de loi à ces gens après la première lecture pour susciter leurs commentaires, s'il en est si troublé qu'il a décidé de présenter une motion de renvoi à la Chambre, il faut croire qu'il aurait agi avant le 17 mai. Voici qu'il vient nous critiquer le 28 mai en disant qu'il n'y a pas eu de consultation. Je ne peux pas accepter cela. Je le trouve totalement inacceptable.

Si je comprends bien M. Mercredi, il n'y a pas eu de consultation, et je veux bien offrir nos excuses pour cela et accepter son affirmation. Mais dire tout à coup que nous en sommes responsables, c'est dire que moi personnellement j'en suis responsable. Dans sa lettre, il me dit: «Je suis très troublé par l'absence apparente de consultation sur le projet de loi C-10», mais en réalité il n'est jamais venu ici au comité pour défendre sa cause... En tant que député, il peut faire des interventions n'importe quand. Il a déjà présenté sa motion de renvoi, alors qu'il attend le 17 mai et le 22 mai pour demander à ces organismes de nous écrire.

Mme Cheryl Gallant: La motion de renvoi a été présentée parce que les députés qui voulaient intervenir siégeaient à d'autres comités, et ils ne pouvaient donc pas intervenir ce jour-là.

Le président: En tout cas, je dirai simplement que je vais déposer ici les lettres qui démontrent qu'on a envoyé l'avant-projet de loi à beaucoup de gens, à beaucoup d'organismes. On a écrit à un grand nombre d'organismes, et je vais déposer ces lettres au comité dès que je pourrai les obtenir. Nous travaillons en consensus ici, pas en deux camps, «un qui a tort et un qui a raison», «un qui consulte et un qui ne consulte pas», car c'est injuste et illogique de prétendre ça dans ce dossier-ci.

M. Michael d'Eça: Monsieur le président, si je peux dire quelque chose concernant toute la question de la consultation, en ce qui concerne les conseils de gestion de la faune des Autochtones, etc., il faut mener les consultations bien avant le stade des audiences du comité permanent.

Vous avez raison de dire qu'on met peut-être trop de pression sur vous en tant que président et sur ce comité, mais les consultations auraient dû avoir lieu beaucoup plus tôt. Il devrait y avoir un processus, un protocole pour les avant-projets de loi ou un document de discussion qui serait envoyé à l'avance aux Autochtones et présenté d'une manière culturellement appropriée.

Envoyer une lettre d'accompagnement et un exemplaire du projet de loi au siège social d'un organisme autochtone ne constitue certainement pas une consultation, et cette démarche ne vous donnera souvent pas le même résultat que dans le cas d'un groupe universitaire, environnemental ou forestier, etc. La dynamique est différente. On manque souvent de fonds, de capacité, et d'autres choses. Il faut donc mettre en place des protocoles appropriés.

Je connais surtout le Nord, l'Arctique, et je peux vous dire qu'on n'y a pas mené de consultations, même si certains organismes ont peut-être reçu des lettres. On n'y a pas mené de consultations sur le projet de loi C-10 lui-même.

On peut affirmer qu'il incombe aux organismes de suivre l'agenda législatif, mais là encore, le manque de personnel, le sous-financement, etc., et la surcharge de travail du personnel en place font en sorte que c'est impossible.

• 1405

Dans le Nord, les organismes tels que Inuit Tapirisat du Canada, Nunavut Tunngavik Inc., le Conseil de gestion de la faune du Nunavut, et je ne suis pas sûr en ce qui concerne les organismes plus à l'ouest... Je crois savoir qu'ils n'ont rien reçu.

Les premières informations que nous avons eues c'était lorsque le greffier nous a appelés il y a une semaine—et j'en suis reconnaissant—en disant que nous pouvions comparaître devant le comité; il nous a dit que c'était sans doute la seule possibilité, comme l'étude du projet de loi avance rapidement et qu'il aura franchi l'étape du comité avant l'ajournement pour l'été. Nous sommes donc venus comparaître, même si cela ne nous a pas été facile.

Je crois que cela explique un peu la frustration ressentie de ce côté-ci en ce qui concerne les consultations, sans vouloir jeter le blâme sur vous, mais pour dire de façon plus générale qu'il faut mettre en place un protocole approprié qui tienne compte de la culture et des circonstances des peuples autochtones et qu'il faut commencer beaucoup plus tôt dans le processus.

Le président: D'accord, merci beaucoup. C'est un point tout à fait valable.

Chef Mercredi et monsieur D'Eça, nous prenons bonne note de toutes vos doléances. J'ai bien compris ce que vous avez dit, les réserves que vous avez exprimées. Nous allons en tenir compte. Nous prenons tout ce que vous dites très au sérieux. Merci beaucoup d'être venus ici aujourd'hui, d'avoir voulu nous secouer et d'avoir exprimé votre point de vue de façon claire et directe.

Merci. La séance est levée.

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