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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 3 mai 2001

• 1529

[Traduction]

Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): J'ouvre la séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.

Nous accueillons aujourd'hui le général Maurice Baril et plusieurs membres des Forces canadiennes, dans le cadre de l'étude sur l'état de préparation des Forces canadiennes. Le général Baril est accompagné du commodore Dan McNeil, directeur de la Planification des Forces et de la coordination du programme, du colonel W.J. Natynczyk, chef d'état-major J3 International, de J.J.L.M. Dessureault, adjudant-chef des Forces canadiennes. C'est à peu près tout... Vous avez quelques autres personnes avec vous, mais elles ne sont pas à la table.

• 1530

Général, messieurs les membres des Forces canadiennes, bienvenue encore une fois devant le Comité de la défense. Général Baril, vous connaissez bien cette salle et c'est toujours un plaisir pour nous de vous recevoir. Nous pourrions peut-être entendre dès maintenant votre déclaration.

Je demanderais aux députés de rester quelques minutes après la séance, à 17 h 30. J'aimerais aborder certaines questions administratives avec le comité.

Général, vous avez la parole.

Général Maurice Baril (chef d'état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale): Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

Mesdames et messieurs, membres du comité, c'est toujours avec plaisir que je viens comparaître devant votre comité. J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue et offrir mes félicitations aux nouveaux membres de votre comité, monsieur le président.

Au fil des ans, j'ai beaucoup apprécié le rôle important joué par votre comité, notamment dans l'amélioration de la qualité de vie des membres des Forces canadiennes. Votre contribution continue de faire partie intégrante de nos efforts visant à doter notre pays de forces modernes aptes au combat et capables d'honorer les engagements du Canada en matière de défense.

[Traduction]

Avant de passer aux questions, j'aimerais décrire quelques problèmes que doivent résoudre les Forces canadiennes pour rester à même de relever les futurs défis en matière de défense. Je commencerai par des questions soulevées dans vos délibérations ou à l'extérieur au sujet de la capacité des Forces canadiennes et de leur état de préparation face à leurs engagements.

Ces engagements sont clairement énoncés dans le livre blanc de la défense de 1994. Les Forces canadiennes doivent être en mesure de remplir une grande variété de missions, allant d'opérations de recherche et sauvetage à des missions de sécurité collective au sein des Nations Unies, de l'OTAN ou de forces de coalition. Les Forces canadiennes ont la capacité et la préparation voulues pour respecter leurs engagements en matière de défense. Elles en ont maintes et maintes fois fait la preuve, ici au pays en effectuant des missions de surveillance et de recherche et sauvetage, durant les inondations au Saguenay et au Manitoba, lors du passage à l'an 2000 et, à l'étranger, que ce soit en Bosnie, au Timor oriental, au Kosovo, dans le golfe Persique ou en Éthiopie et en Érythrée.

Les Forces canadiennes ont répondu lorsqu'on a fait appel à elles. Elles ont fait et continuent de faire une différence au Canada et dans le monde entier. Passons maintenant à la notion de préparation.

Il faut préciser que le livre blanc fournit des indications spécifiques sur ce que devrait être notre seuil de préparation. En voici un exemple. Pour appuyer l'ONU, l'OTAN ou des opérations coalisées, les Forces canadiennes doivent être prêtes à déployer une partie ou la totalité des éléments de sa force d'intervention d'avant-garde en 21 jours, c'est-à-dire pouvoir déployer en moins de trois semaines deux bateaux, un groupement tactique d'environ 1 250 militaires, un bataillon d'infanterie de quelque 1 000 personnes, un escadron de chasse, une escadrille d'aéronefs de transport tactique, un élément de communications et un élément au quartier général.

En trois semaines, nos troupes et leur équipement doivent être prêts à passer de leur garnison au point d'embarquement. Dans ce contexte, les Forces canadiennes définissent l'état de préparation comme étant la capacité, pour le personnel et le matériel, de remplir la tâche décrite dans un scénario donné ou de réaliser l'opération envisagée, c'est-à-dire l'engagement énoncé dans le livre blanc.

Afin de respecter ces engagements, tous les chefs d'état-major d'armée, soit les commandants de l'armée, de la marine et de l'aviation, ont la responsabilité de trouver la méthode la plus efficace pour que le nombre approprié d'unités soient prêtes au moment voulu. En termes concrets, l'équipement, l'effectif et le niveau de formation d'une unité déterminent l'état de préparation de cette dernière.

De toute évidence, le niveau de préparation maintenu a des conséquences directes sur les coûts—les coûts augmentent ou diminuent parallèlement à une augmentation ou à une diminution de l'état de préparation. Sur le plan du personnel, les coûts sont en rapport avec les effectifs autorisés de l'unité, le niveau réel de dotation, la politique de roulement, la cadence opérationnelle, l'activité concernant les besoins en formation, la qualité de vie, les préparatifs administratifs—par exemple, les vaccins avant le déploiement—et le nombre de réservistes déployés avec l'unité. Quant à l'équipement, les coûts tiennent à la quantité et au type de matériel nécessaire à une mission ainsi qu'au niveau d'entretien requis.

• 1535

Je suis convaincu que les trois chefs d'état-major d'armée pourront vous donner beaucoup plus de détails sur la disponibilité opérationnelle de leur service respectif lorsqu'ils comparaîtront devant vous. Ce sont eux qui mettent les forces sur pied, alors que moi je les engage dans les opérations et en prends le commandement.

J'aimerais aborder une autre question qui a été soulevée, soit la capacité de combat des Forces canadiennes. Comme je l'ai déjà dit, j'estime que bien des éléments sont plus aptes au combat aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a dix ans. Permettez-moi d'illustrer mon propos.

Il y a dix ans, le Canada se joignait à une coalition de pays chargés de libérer le Koweït de l'agression iraqienne. Quoique précieuse, notre contribution était modeste. Elle consistait en deux navires de guerre vieillissants et un navire de ravitaillement, avec un canon Beaufort 40 millimètres boulonné et une troupe d'opérateurs militaires Blowpipe de ma propre unité antiaérienne de Gagetown (Nouveau-Brunswick), un escadron de CF-18 équipés de bombes non guidées pour les attaques au sol ainsi que de missiles air-air, une compagnie d'infanterie d'Allemagne et un hôpital de campagne du Canada. Notre contribution au combat a été nettement limitée par le manque de techniques et de systèmes modernes requis pour appuyer les opérations internationales au sein de forces coalisées. Cependant, tout notre personnel s'est exécuté à merveille, comme d'habitude, tirant au maximum parti de ce qu'il avait.

Depuis, nous avons fait de grands progrès. Nous avons maintenant un système de commandement qui permet la transmission instantanée, partout au monde, d'un fort volume d'informations, de renseignements et de données-image. La Marine canadienne possède douze frégates modernes et quatre destroyers mis à niveau. Ces dernières années, elle a encore perfectionné ses compétences au combat, lors de l'application des sanctions de l'ONU contre l'Iraq dans les eaux du golf Persique. Et en fonctionnant d'une façon régulière comme membre pleinement intégré de groupes aéronavals américains, nous avons atteint un niveau d'interopérabilité insurpassé avec la marine des États-Unis.

En 1999, nos CF-18, maintenant équipés de munitions guidées avec précision et de nacelles de désignation d'objectif, ont apporté une contribution marquée à la campagne menée par l'OTAN sur la République fédérale de Yougoslavie.

L'armée a bénéficié de l'introduction de véhicules perfectionnés comme le Coyote et le VBL III, avec antiblindé, sous blindage et mortier sous blindage. De nouveaux systèmes de communication et de nouvelles pièces de protection et de vêtements personnels font également leur apparition.

Nos nouveaux engagements opérationnels à l'appui de missions de maintien et d'imposition de la paix sont maintenant adaptés en fonction des tâches pour optimiser l'utilisation de notre capacité accrue et sont fondés sur l'expérience et la confiance que nous avons acquises avec des pays d'optique commune. Par exemple, notre contingent actuellement en Éthiopie et en Érythrée repose sur une compagnie de VBL III d'environ 250 personnes, renforcée par le véhicule de reconnaissance Coyote, qui fonctionne avec un groupement tactique des Pays-Bas et la brigade d'intervention rapide, la BIRFA. Ce groupe est très efficace pour ce qui est de la puissance de feu, de la capacité de reconnaissance, de la protection, de la mobilité ainsi que du commandement et contrôle.

Permettez-moi d'ajouter que, même si les Forces canadiennes ont dû réduire leur personnel, la haute direction de l'époque a pris la bonne décision en préservant la force de combat au prix de réductions radicales dans d'autres secteurs.

Sous bien des aspects, notre position s'est améliorée mais il ne faut pas s'en satisfaire. Nous devons continuer sur notre lancée et nous adapter aux nouvelles réalités. Et c'est pourquoi nous regardons vers l'avenir et non pas ce que cÂétait il y a 15 ans. Nous avons élaboré une stratégie susceptible de nous maintenir aptes à relever les défis à venir. Stratégie 2020 guidera et orientera, jusqu'au siècle prochain, la planification et l'investissement de défense.

[Français]

Alors que nous progressons vers l'avenir, nous devons relever trois grands défis afin que les Forces canadiennes demeurent aptes à honorer leurs engagements de défense. En premier lieu figurent le recrutement et le maintien des effectifs. Il est évident que si nous négligeons de relever ce défi, la diminution de nos effectifs pourrait éroder notre capacité de respecter nos engagements en matière de défense. Nous devons attirer un personnel qualifié et faire en sorte qu'il demeure au sein des Forces canadiennes.

• 1540

Dans le cadre des mesures que nous prenons à cet effet, nous avons plus que doublé le budget alloué à notre campagne de publicité en vue du recrutement. Nous avons simplifié le processus des demandes d'enrôlement, mis en place des primes d'engagement destinées à recruter certains candidats qualifiés, et continué de subventionner les études et la formation dans des spécialités qui sont en demande, notamment pour les techniciens en informatique et les médecins.

Le maintien des effectifs en place est une pièce tout aussi importante du casse-tête. Les Forces canadiennes doivent créer un climat plus favorable à une carrière enrichissante. Pour ce faire, nous améliorons les conditions de service, nous offrons des possibilités de formation, nous veillons à ce que nos membres obtiennent l'équipement dont ils ont besoin pour accomplir leur mission, nous leur offrons un soutien ainsi qu'à leur famille, et nous offrons aussi des défis excitants.

[Traduction]

Un autre défi consiste à accroître notre capacité opérationnelle. Notre but ultime demeure clair: maintenir une force polyfonctionnelle apte au combat, interopérable avec nos alliés et déployable dans le monde entier. L'expérience de la dernière décennie a montré que c'était essentiel pour que les Forces canadiennes aient la capacité de contribuer à la gamme complète des opérations militaires, du maintien de la paix à la guerre comme telle. Il faut par conséquent choisir avec soin le type de capacités terrestres, maritimes, aériennes et spatiales dont nous aurons besoin et les incorporer à nos priorités en matière de biens d'équipement. Pour nous aider sur ce plan, nous avons récemment adopté une approche au développement des forces, la planification axée sur la capacité, ce qui signifie que nous définirons notre structure selon la capacité dont nous aurons besoin pour fonctionner dans le contexte de sécurité de demain.

Cela signifie également qu'il faut intégrer la nouvelle technologie, et nous aurons alors de difficiles choix à faire. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d'affecter des ressources à toute la gamme de la capacité militaire. Nous devons aussi concevoir et essayer de nouveaux concepts sur la façon d'utiliser et d'intégrer cette nouvelle technologie. À cet effet, nous sommes à établir un centre d'expérimentation des Forces canadiennes, qui servira de point central à l'évaluation de la théorie et des capacités des Forces canadiennes.

La capacité de déploiement à l'échelle mondiale est en train de devenir une capacité opérationnelle clé pour les forces militaires. Les récents conflits au Timor oriental ainsi qu'en Éthiopie et en Érythrée ont mis en lumière le fait que, si le Canada a l'intention de rester un intervenant actif dans les affaires mondiales, les Forces canadiennes doivent pouvoir se déployer rapidement et efficacement partout sur la planète. C'est pourquoi nous élaborons des options susceptibles d'accroître notre capacité de déploiement. Nous allons soit acquérir nos propres moyens ou nous continuerons de compter sur des services de location maritimes et aériens.

Il est également essentiel que les Forces canadiennes demeurent interopérables avec nos principaux alliés, spécialement les États-Unis. Les coûts et les défis de l'interopérabilité ont fortement augmenté avec les derniers progrès technologiques et nous devrons trouver des solutions si nous voulons continuer de participer aux opérations coalisées.

Accroître notre capacité opérationnelle signifie utiliser plus efficacement nos ressources. À cet effet, nous cherchons actuellement la meilleure façon de contribuer aux opérations de soutien de la paix selon l'approche du «premier arrivé premier parti», approche que nous avons déjà utilisée pour nos déploiements au Kosovo, dans le cadre de la KFOR, au Timor oriental ainsi qu'en Éthiopie et en Érythrée. L'idée n'est pas nouvelle et elle concorde avec notre politique de défense.

En nous déployant parmi les premiers pour ensuite passer le flambeau à d'autres forces ou à des pays compétents de la région, lorsque la situation de conflit s'est stabilisée, nous apportons une contribution précieuse et très recherchée. En retour, nous pouvons nous préparer à répondre à l'appel du gouvernement, en cas de besoin. Il s'agit là d'un rôle pour lequel les Forces canadiennes sont particulièrement qualifiées. L'utilisation précoce d'un personnel hautement qualifié à l'étape initiale critique d'une opération nous sied bien. Cette façon de procéder garantirait par ailleurs que notre expérience et notre capacité serviraient là où elles peuvent avoir le plus d'effet.

[Français]

Le troisième défi à relever est le maintien de notre capacité de soutien des opérations.

De nombreux Canadiens ne se rendent pas compte que pour soutenir la majorité des opérations de paix, il faut mobiliser quatre membres des Forces canadiennes pour chaque militaire déployé. C'est ce qu'on appelle le ratio de soutenabilité. Il assure aux membres des Forces canadiennes le temps de s'entraîner en vue de leur mission, de servir outre-mer et de prendre des congés et des cours de perfectionnement à leur retour au Canada.

À l'heure actuelle, les Forces canadiennes comptent environ 3 000 membres affectés à 19 missions de par le monde. Si on applique un ratio de maintien en puissance de quatre pour un, cela donne à nos militaires une période minimum de 18 mois entre chaque mission. Nous visons 24 mois entre chaque mission.

• 1545

Pour alléger le fardeau imposé à notre personnel, nous avons récemment adopté certaines mesures. Ces dernières comprennent, entre autres, la réduction et la concentration de l'engagement du Canada dans les Balkans et la participation accrue du secteur privé au soutien de certaines de nos activités en mission. Nous avons aussi indiqué clairement à l'ONU que notre participation en Éthiopie et en Érythrée serait de durée limitée.

[Traduction]

Ces mesures ont été utiles, mais les conséquences d'avoir eu à soutenir un rythme accéléré continuent de se faire sentir. Nous sommes donc en train d'élaborer des plans pour procéder à une impartition accrue d'un élément de notre capacité d'appui tactique.

Enfin, la restructuration de la Réserve de la Force terrestre contribuera elle aussi à améliorer la soutenabilité de nos opérations. Nous en sommes actuellement à la première phase de cette initiative, le but étant d'accroître l'effectif de la réserve de l'armée à 15 500 personnes.

Notre façon de relever ces défis et d'autres encore déterminera jusqu'à quel point les Forces canadiennes seront prêtes pour l'avenir. Je crois que nous sommes en bonne position. Nous avons consolidé nos fondements et réalisé bien des progrès ces dernières années. Il reste encore beaucoup à faire, évidemment, mais nous savons où concentrer nos énergies et nos ressources. Notre défi consiste maintenant à trouver le bon équilibre entre les besoins immédiats et les exigences futures de manière à garantir que la Force canadienne reste une force multifonctionnelle apte au combat, comme le veut le gouvernement du Canada.

L'appui de votre comité, monsieur le président, sera essentiel à l'atteinte de cet objectif. En fin de compte, nous faisons tous partie de la même équipe. Je vous souhaite bonne chance dans votre étude et je serai heureux de connaître votre conclusion.

[Français]

Merci, monsieur président.

[Traduction]

Le président: Merci, général, de vos commentaires.

Monsieur Benoit, vous avez sept minutes.

M. Leon Benoit (Lakeland, AC): Merci, monsieur le président.

Bienvenue messieurs.

Ma première question a trait au commentaire que je vous ai entendu formuler, général, et d'autres aussi, au cours des deux dernières années. Ce commentaire est que nos militaires sont maintenant davantage aptes au combat qu'ils ne l'étaient il y a dix ans. Je constate aujourd'hui que vous avez modifié cette opinion. Vous avez dit que de nombreux aspects de notre force militaire sont maintenant aptes au combat plus qu'ils ne l'étaient il y a dix ans. Est-ce là une atténuation de votre déclaration antérieure?

Gén Maurice Baril: C'est votre question?

M. Leon Benoit: Oui.

Gén Maurice Baril: Non, je n'atténue rien.

M. Leon Benoit: Alors, pourriez-vous remettre au comité aujourd'hui l'étude sur laquelle vous basez votre déclaration?

Gén Maurice Baril: Je me base sur l'expérience acquise en près de 40 ans de service. Dans mes observations préliminaires, j'ai mentionné ce que j'ai vu, surtout au cours des 20 dernières années, période où j'ai eu plus d'expériences et de responsabilités. J'étais chef de bataillon en 1980. Je sais quelle était la situation en 1990. En 1980, j'ai participé aux opérations en tant que commandant d'unité sur le seul théâtre que nous ayons eu.

M. Leon Benoit: Ainsi, vous vous en tenez à votre déclaration selon laquelle l'armée est maintenant plus apte au combat qu'il y a dix ans.

Gén Maurice Baril: Vous pouvez probablement trouver des endroits où cette capacité a diminué et vous pouvez simplement procéder par un calcul mathématique du personnel.

M. Leon Benoit: Il n'y a donc pas eu d'étude—seulement votre expérience, sur laquelle vous vous basez.

Gén Maurice Baril: Il y a eu quantité d'études, d'opinions et critiques, mais vous me demandez mon avis et c'est ce que je vous donne.

M. Leon Benoit: D'accord. Il n'y a donc aucune étude à déposer devant le comité, qui étayerait votre déclaration voulant que l'armée soit plus apte au combat maintenant qu'il y a dix ans.

Gén Maurice Baril: Non, aucune étude spécifique pour cette question. Cela gâcherait l'intéressant débat que nous entretenons depuis cinq ans.

M. Leon Benoit: Approfondissons quand même le sujet. Je crois que la raison pour laquelle je pose la question et m'informe de l'étude est assez évidente. Si l'on examine la situation, on peut constater qu'il y a énormément de vieil équipement. On trouve des chars de 20 ans, une conception remontant à 35 ans, des Sea King qui approchent les 40 ans. Comme l'a dit mon collègue, leur lancement a eu lieu en même temps que celui du Spoutnik. C'est assez difficile à croire, et on les utilise toujours. Il y a des navires de soutien de 30 ans, nous en avions trois en 1991 et seulement deux maintenant. Plusieurs C-130 frôle les 40 ans. Et je pourrais donner encore beaucoup d'autres exemples. Énormément dÂappareils clés sont rendus vraiment vieux. Pardonnez-moi de ne pas accepter d'emblée l'analyse que vous nous faite, c'est-à-dire que l'armée est plus apte au combat aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a dix ans. Étant donné les faits, c'est plutôt difficile à croire.

• 1550

Sur le plan des chiffres, le livre blanc de 1994 promettait que le Canada pourrait déployer outre-mer en 90 jours une brigade, de 5 000 à 8 000 militaires, plus un groupe-bataillon, soit de 1 200 à 1 500 personnes. Aujourd'hui, vous parlez d'un déploiement en 21 jours de 1 250 militaires, un bataillon d'infanterie d'environ 1 000 personnes. Ce n'est pas vraiment ce que le livre blanc promettait. Ce n'est pas exactement l'engagement pris en 1994.

Gén Maurice Baril: Puis-je commenter?

M. Leon Benoit: S'il vous plaît.

Gén Maurice Baril: Monsieur le président, je n'avais que 15 minutes pour mes observations préliminaires. J'aurais pu parler des 90 jours, de ce que nous avons fourni en 90 jours, mais, comme c'est du domaine public, je ne pensais pas que c'était approprié. Je me suis servi de l'avant-garde à titre d'exemple de ce que nous pouvions fournir, de ce qu'on nous demande de fournir en 21 jours.

Vous avez utilisé des exemples précis pour montrer que nous sommes moins aptes aujourd'hui que nous ne l'étions il y a dix ans. Vous avez notamment abordé la question des chars que nous avons achetés en 1977. En 1977, alors qu'ils étaient flambant neufs, ils servaient en tant que système de mise intensificateur d'image. Depuis, nous les avons améliorés. J'ignore combien nous en avons maintenant. Nous avons pris le Léopard, acheté des tourelles avec de nouveaux systèmes de visée, changé les canons, avec des munitions neuves qui se sont beaucoup améliorées, et nous avons maintenant une machine très efficace. Cela nous permettra de décider, au cours des dix prochaines années, ce qui remplacera cet équipement de soutien direct.

Vous avez mentionné les bateaux. En 1990, nous avions quatre destroyers. Nous avons encore les mêmes, mais ils ont été mis à niveau. Auparavant, ils n'avaient pas de défense aérienne intégrale. Nous avons remplacé tous les navires à vapeur par des frégates, 12 en tout. À quelques-uns des vieux caboteurs en bois, nous avons substitué 12 sinon 14 bâtiments de défense côtière maritime que nous utilisons partout au Canada.

M. Leon Benoit: Au sujet des quatre destroyers...

Le président: Pardon, monsieur Benoit. Je vous rappelle d'adresser vos commentaires directement à la présidence. De plus, le général Baril est en train de répondre à votre question; je vous demanderais de ne pas l'interrompre.

M. Leon Benoit: Monsieur le président, je voulais simplement poser une question au sujet d'un élément d'information qu'il a donné.

Gén Maurice Baril: Je n'avais pas fini de répondre. Il a soulevé la question...

Le président: S'il vous plaît, s'il vous plaît.

M. Leon Benoit: Je voulais juste avoir une réponse rapide sur un détail de la question.

Le président: S'il vous plaît.

M. Leon Benoit: Les quatre destroyers...

Le président: Monsieur Benoit, laissez le général répondre.

M. Leon Benoit: Non. Allez, monsieur le président. Sauf le respect que je vous dois, j'aimerais bien avoir la chance de poser les questions que je veux poser.

Une voix: Vous n'avez aucun respect, Leon.

Le président: Général, vous pouvez continuer.

Gén Maurice Baril: Merci. Sur les F-18, nous avons des munitions à guidage de précision. L'avion en soi est le même qu'en 1990, mais il possède maintenant des nacelles de désignation d'objectif et les munitions correspondantes. Et, bien sûr, nous avons un contrat pour la mise à niveau.

La flotte des Hercules au grand complet est en train d'être mise à niveau. Nous avons des Airbus au lieu du vieux 707. Pour la recherche et le sauvetage, nous utilisons le même hélicoptère mais, comme vous le savez, les nouveaux arrivent. Sur le plan de l'aviation tactique, nous avons 100 Griffon qui ont remplacé trois familles d'hélicoptères. Mais c'est là un autre sujet de discussion.

Nous avions dix bataillons d'infanterie avant que le régiment aéroporté ne soit retiré de l'ordre de bataille. Nous comptons maintenant six bataillons mécanisés et trois bataillons d'infanterie légère qui ont déjà servi dans quelques opérations, sur des véhicules de combat. Six de ces bataillons possèdent ou posséderont le VBL III, un véhicule ultramoderne. Tous les pelotons de reconnaissance du bataillon d'infanterie, les six bataillons, disposent de véhicules Coyote. Les troupes de reconnaissance blindées d'infanterie ont des Coyote et des Léopard améliorés. Pour l'artillerie, nous avons modernisé nos 109 en y mettant des systèmes particuliers, un nouveau obusier léger qui nous donne de la souplesse. C'est ce qui est déployé en ce moment dans les opérations.

M. Leon Benoit: Vous vous en tenez donc à votre déclaration que l'armée est maintenant plus apte au combat qu'il y a dix ans?

Gén Maurice Baril: C'est ce que je dis parce que...

M. Leon Benoit: Vous vous en tenez à cela?

Gén Maurice Baril: ...vous m'avez donné quelques chiffres...

Le président: Merci, monsieur Benoit. Votre temps est écoulé.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Merci, monsieur le président.

Je voudrais d'abord redire devant tout le monde que j'ai vraiment apprécié la présence de l'armée dans mon comté de Saint-Jean lors de la crise du verglas de 1998. J'aimerais d'ailleurs que vous transmettiez mes meilleurs voeux aux gens du PPCLI. Ce sont ces gens qui étaient dans mon comté. On peut faire beaucoup de missions internationales et beaucoup d'entraînement, mais quand les gens sont aux prises avec un fléau, que ce soit une inondation ou un verglas comme ceux qu'on a connus, pour améliorer son image, il n'y a rien de mieux, pour l'armée canadienne, que de faire une intervention sur son propre territoire pour aider les gens. Alors, je voudrais que vous transmettiez mes salutations les plus fraternelles aux gens du PPCLI.

• 1555

Je pourrais discuter longuement avec vous de la capacité actuelle de l'armée canadienne, parce que vous parlez d'améliorer des... Quand on parle d'améliorations... Vous savez, quand on a un vieux Chevrolet 1940, on peut changer le moteur, mais la carrosserie laisse parfois à désirer. Quant à moi, il y a des problèmes. Ce qui m'inquiète le plus, ce sont les problèmes de recrutement et de rétention des gens qui s'inscrivent dans l'armée. On a beau avoir le plus beau matériel, dans le contexte actuel, ce sont encore des humains qui sont derrière ce matériel.

J'ai ici un article paru ce matin dans le Ottawa Sun, qui dit que vous auriez vous-même recommandé au ministre de ne pas envoyer de troupes en Sierra Leone, pas plus que les 97 personnes qui avaient été demandées. Je pense qu'on a un gros problème du côté du recrutement. D'ailleurs, comme vous le mentionniez plus tôt, le Livre blanc disait qu'il ne fallait pas descendre en bas de 60 000. Au moment où on se parle, les chiffres diffèrent, mais on est nettement en bas de 60 000. Il sera donc extrêmement important, à mon point de vue, de relancer le recrutement. Je vois que vous avez fait des choses. Est-il vrai, par exemple, que du côté du recrutement, vous allez passer de 3 000 à 5 000 au cours des prochaines années?

Pendant que j'ai devant moi le chef d'état-major, j'aimerais lui demander s'il est vrai que ces troupes-là vont passer dans la région de Saint-Jean. Vous savez que c'est la base de recrutement par excellence.

Une voix: C'est une bonne idée.

M. Claude Bachand: C'est important. On parle de la qualité de l'enseignement et du recrutement chez nous. J'ai vu de bonnes nouvelles dans le journal local de chez nous cette semaine. J'en profite pour vous remercier si c'est le cas, parce qu'il semble que ce sera le cas et qu'on déplacera effectivement des programmes vers le collège militaire. Mais c'est une autre chose. Confirmez-moi d'abord que l'intention de l'armée est de passer de 3 000 à 5 000 recrues par année.

Parlons maintenant de la rétention. C'est beau, le recrutement, mais s'il y a des gens qui partent... Il y a des soldats qui m'ont expliqué qu'ils sont encore en excellente forme à 42 ou 43 ans, mais qu'ils commencent à hésiter à renouveler leur contrat. Il me semble que cela devrait être porté à votre attention. Si quelqu'un est en excellente forme à 42 ou 43 ans, pourquoi l'envoyer chez lui alors qu'on manque de personnel?

Il y a aussi toute la question des soldats qui reviennent malades au pays. Je trouve que l'armée canadienne les laisse un peu pour compte. J'en ai rencontré une série. On appelle ça le syndrome du golfe. Quand ces gens-là parlent en public, cela n'aide pas l'armée canadienne. Ils ont l'impression d'avoir été rendus malades par l'uranium appauvri ou les cocktails de vaccins ou de pilules qu'ils ont pris. Il me semble que l'armée devrait faire quelque chose pour ces gens-là, un peu comme les Américains et les Français. L'armée devrait les prendre en charge, car elle sait qu'il y a des problèmes, plutôt que d'essayer de nier ces problèmes.

Parlez-moi un peu du recrutement et de la rétention, général.

Gén Maurice Baril: Je pense que votre question pourrait être résumée dans le contexte de la gestion des ressources humaines. Comme je l'ai souvent dit, l'outil le plus important et le plus valable qu'on a, ce sont les ressources humaines, les hommes et les femmes qu'on a dans les Forces armées canadiennes régulières et de réserve, dans les trois services. L'avenir des Forces armées canadiennes réside dans la qualité de nos gens. On y consacre beaucoup de ressources, beaucoup d'argent et beaucoup d'énergie pour s'assurer de pouvoir remplacer ceux qui nous quittent. Plusieurs de ceux qui viennent travailler dans les forces ne s'intéressent pas nécessairement à une barrière de 35 ans. Plusieurs ont une carrière de 20 ans et d'autres, des contrats de trois ans.

Une grande majorité des gens sont entrés dans les forces alors qu'ils avaient 17 ans. On n'entrait pas dans les forces à l'âge de 17 ans pour servir jusqu'à l'âge de 57 ans, tout comme c'est le cas présentement. On y entrait parce que c'était excitant et qu'il y avait un défi fantastique devant nous. C'était attrayant. Ceux qui entrent dans les forces maintenant le font parce qu'on est compétitifs, parce qu'on offre un défi ou parce qu'ils ne peuvent pas se trouver un emploi ailleurs. Ceux qui restent dans les forces après leur contrat initial, pour une carrière, le font parce qu'on est compétitifs, parce qu'on offre de grands défis, parce qu'on est intéressants ou parce qu'ils ne peuvent pas se trouver un emploi ailleurs. Les choses ont toujours été comme ça dans l'organisation des Forces armées canadiennes.

• 1600

Vous me demandez de confirmer que le nombre de recrues va passer de 3 000 à 5 000 ou 7 000 par année. Le nombre de Canadiens et de Canadiennes qui sont recrutés dans nos rangs est toujours relié à la demande: demande dans les métiers, en nombre, en qualité, etc. Présentement, on suit la situation de très près. On a maintenant des mécanismes pour suivre quasiment au jour le jour le nombre de personnes qui sortent, qui sont malades, qui ne sont pas efficaces ou qu'on doit recruter.

Plus on recrute de personnes pour s'entraîner dans votre comté, plus on a besoin d'énergie. Je pense que même nos établissements comme l'école de leadership à Saint-Jean-sur-Richelieu et le collège militaire à Kingston ne suffisent plus. On devra aller dans les unités de combat, dans les brigades et dans les autres infrastructures des trois services. Les trois services, pour être en mesure de renflouer leurs rangs, doivent y consacrer des ressources et transférer des ressources des opérations à l'entraînement. Ils doivent le faire et c'est extrêmement difficile. On prend certains moyens. Par exemple, on donne des bonis à la signature du contrat. On se demande ce qu'on peut faire pour les garder dans l'armée. Entraîner un fantassin pendant les sept premiers mois nous coûte extrêmement cher. Quand on est capables d'en garder, on épargne cet argent et on peut l'affecter ailleurs.

Vous avez mentionné les autres problèmes qu'on a. Le PTSD, que vous mentionniez, je le qualifie de blessure pour nos nouveaux blessés des nouveaux champs de bataille. Tous les pays, surtout l'Angleterre, la France, le Canada la Hollande et les pays nordiques en Europe, ont fait des études et ont découvert que les opérations auxquelles nos membres participaient étaient d'une violence inouïe et avaient des répercussions dans leur cerveau. Certains experts médicaux pensent que le traumatisme est physique, que le cerveau est altéré. Si vous avez la chance de parler au général Dallaire durant vos audiences, il va sûrement vous en parler parce que c'est un de nos grands blessés des guerres modernes.

Pendant la Première Guerre mondiale, on fusillait ceux qui souffraient de tels chocs. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, on les prenait pour des lâches et on les renvoyait chez eux. Pendant la guerre du Vietnam, les Américains ne savaient pas quoi faire de ceux qui avaient des flash-back. On a vu plusieurs choses: des Rambo, etc. On n'avait pas encore codifié ces choses et on ne savait pas ce qui se passait. Il y a eu de grandes missions dans les années 1990, à partir de la guerre du Golfe. En 1995, on s'est rendu compte qu'il y avait des problèmes sérieux, parce qu'on ne pouvait pas les identifier. Beaucoup de ceux qui étaient frappés par ces maux se cachaient parce qu'il y avait un stigmate rattaché à celui qui souffrait de PTSD.

Évidemment, les leaders, à tous les niveaux, n'étaient pas habitués de voir ce genre de blessures et étaient très intolérants à cet égard. Donc, il y a eu une réaction en chaîne. On ne veut pas être un wimp et on ne veut pas être traité comme un wimp. Quelqu'un qui souffre d'une telle blessure a énormément de difficulté à se dire blessé, parce que ce n'est pas une blessure comme une autre. Quand on perd un bras, c'est facile, mais quand on est blessé de cette manière, on ne sait pas comment faire. J'étais un vieux tough, se disent-ils, et...

[Traduction]

Le président: Général, je vais être obligé de vous interrompre. Nous avons beaucoup de questionneurs. Même si nous aimerions approfondir le sujet, je crois qu'il faut donner à d'autres députés l'occasion de prendre la parole.

Monsieur Wood.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Merci, monsieur le président.

Général, vers le milieu de février dans ma circonscription, le North Bay Nugget a publié un article sur l'Aviation canadienne. Sauf erreur, l'article révélait que la flotte de l'aviation serait amputée de 50 p. 100. Si cette réduction est réelle, qui protégera la souveraineté du Canada? Qui fera la surveillance en matière de drogue? Qui s'occupera des opérations de recherche et sauvetage? Quel effet cela aura-t-il sur nos ententes avec l'OTAN et NORAD?

J'ignore d'où proviennent ces renseignements, mais en ma qualité de membre de ce comité depuis un certain nombre d'années déjà, je les trouve particulièrement démoralisants. Je pense qu'une annonce de cette nature est grandement préjudiciable non seulement aux femmes et aux hommes qui servent au sein des Forces armées canadiennes, mais aussi à nos alliés de l'OTAN.

Pourriez-vous répondre à certaines de mes interrogations à ce propos?

• 1605

Gén Maurice Baril: Bien sûr, mais pas directement en réponse à l'article en question, parce que la plupart du temps je ne lis pas ces nouvelles rapportées dans les journaux.

M. Bob Wood: Oui, mais nous le faisons.

Gén Maurice Baril: Je préfère me fier à ma propre information.

D'un point de vue purement mathématique, il peut être trompeur d'affirmer que la force aérienne sera réduite de moitié. L'article ne dit pas que nous réduisons le nombre de Tutors pour ne garder que ceux utilisés par les Snowbirds, que nous les remplaçons par un type d'appareil plus efficient dont le taux de fiabilité est supérieur ou qu'un contrat a été conclu avec Bombardier pour la construction de ce nouvel appareil. Voilà qui fait une différence. Nous retirons de la flotte des avions qui ne serviront plus parce qu'ils ne nous sont plus utiles.

Vous faites également mention du nombre d'heures de vol de nos avions de surveillance. On estime que d'ici à peu près quatre ou cinq ans, lorsque le CP-140 Aurora aura été modernisé et qu'un système de simulation haut de gamme sera en place, nos pilotes n'auront plus besoin d'autant d'heures de vol pour apprendre à atterrir et à décoller et pour se familiariser avec le fonctionnement de ces appareils hautement perfectionnés. Tout l'entraînement pourra se faire au sol. Nous estimons que nous pouvons faire le même travail tout en réduisant le nombre d'heures de vol et, par conséquent, les coûts, de sorte qu'il nous est possible de réinvestir dans l'achat d'appareils de meilleure qualité.

Je pense qu'il est très facile de se méprendre sur la portée réelle de la réduction évoquée. Nous pouvons probablement conserver les 121 CF-18 sans avoir l'argent nécessaire pour les moderniser. Ces appareils vont continuer à faire des prouesses dans le ciel, mais ils ne pourront communiquer avec aucun autre appareil. Si nous voulons investir dans l'avenir et avoir des avions de meilleure qualité et plus puissants, il vaut mieux réduire la taille de notre flotte et chercher à être plus performants.

Le passé me donne d'ailleurs raison là-dessus. Songez au nombre d'avions Sabre—que j'ai moi-même vu voler—que notre flotte comptait à l'époque, puis, au nombre d'avions Voodoo qui les ont remplacés, avant d'être eux-mêmes remplacés par les CF-104. Je suis sûr que la flotte de CF-18 achetée en 1983-1984 pour remplacer les CF-104 et qui doit à son tour être rajeunie, était elle aussi moins importante. Étant donné la capacité des appareils modernes, je pense qu'il est normal que nous en réduisions le nombre encore une fois. C'est ce que nous faisons avec l'ensemble de notre flotte. Cela me paraît logique.

Peut-être que d'ici une quinzaine d'années, nous nous rendrons compte que nous avons fait fausse route. Ainsi, nous découvrons aujourd'hui que certaines orientations adoptées par le passé étaient des erreurs, mais les décisions prises à l'époque l'ont été dans les meilleurs intérêts des forces compte tenu des renseignements disponibles à ce moment. Donc, selon l'évaluation que nous avons faite de la situation actuelle, nous estimons que c'est là la meilleure voie à suivre.

M. Bob Wood: Le lieutenant-général Campbell a parlé, je crois, d'une quarantaine de CF-18 qui allaient être mis au rancart.

Gén Maurice Baril: Nous allons en moderniser 80 sur une flotte qui en compte 121 exactement.

M. Bob Wood: Le chiffre évoqué est donc exact.

Gén Maurice Baril: Je pense que l'expression *mettre au rancart+ n'est peut-être pas exacte, puisque plusieurs options sont possibles.

M. Bob Wood: Je ne sais pas si vous pourrez répondre à cette question, mais je l'espère.

Compte tenu du rôle du système de défense antimissile—qui fait la manchette des journaux américains ces jours-ci—dans la disponibilité opérationnelle, quelles sont, selon vous, les implications stratégiques pour les Forces armées canadiennes?

Gén Maurice Baril: Du point de vue national...

M. Bob Wood: Je veux dire si la mise en oeuvre du système de défense antimissile se concrétise, comme cela devrait probablement se produire.

Gén Maurice Baril: Je suis sûr que la décision des États-Unis relativement au bouclier antimissile ne sera pas une décision militaire. Les militaires auront leur mot à dire dans...

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Mais ils vont faire des pressions.

Gén Maurice Baril: Non, je dis que ce ne sera pas une décision militaire. Ce sera une décision politique.

M. Bob Wood: Absolument.

M. Peter Stoffer: C'est ce que j'essaie de dire.

Gén Maurice Baril: Ce sera la même chose au Canada. Ce sera une décision prise par le gouvernement du Canada. Quelle sera-t-elle? Je pense que le débat est en cours maintenant.

Mais ce que vous voulez savoir c'est quel en sera l'impact sur notre travail. C'est là une question très intéressante. C'est comme si vous m'aviez interrogé il y a 30 ans sur l'impact de la destruction mutuelle assurée. Par exemple, jusqu'en 1975 à peu près, la France était presqu'exclusivement la seule à posséder des armes nucléaires. Son approche à l'égard de la dissuasion était la suivante: «Si vous m'attaquez, je n'aurai d'autre choix que de larguer un missile nucléaire sur vous». En termes plus subtiles: «Vous pouvez prendre possession de mon territoire si vous voulez, mais je vais détruire quelques-unes de vos villes». C'est ce qu'on disait à l'époque. Depuis, les positions se sont considérablement assouplies.

Le système dont nous parlons aura certainement un impact dans l'avenir. Toutefois, comme le système n'est toujours pas en place, personne est en mesure de dire quel en sera l'impact sur ce que nous appelons les forces classiques, plus précisément sur nos capacités classiques. Ces capacités feront certainement partie de tous les changements technologiques qui s'annoncent dans la foulée de la révolution dans les affaires militaires. Ce système fait partie des systèmes d'armes.

• 1610

Le président: Autre chose, monsieur Wood?

M. Bob Wood: J'ai juste un dernier point.

Comme vous le savez, monsieur, bon nombre des membres du comité présents à cette table ont participé au débat sur la qualité de vie. À une époque où nous faisons des pieds et des mains pour attirer de nouvelles recrues, je pense que le moins que nous puissions faire est de leur offrir un logement abordable. Je sais que ce n'est pas toujours le cas, du moins jusqu'à ce que le soldat ait gravi suffisamment d'échelons dans la hiérarchie militaire pour pouvoir vivre confortablement. Je pense qu'il est désolant de constater que de jeunes soldats qui commencent dans la vie doivent se contenter d'augmentations annuelles d'au plus 75 $ par mois jusqu'à ce que leur salaire atteigne quelque chose comme 33 000 $ ou 35 000 $.

À une époque, je crois que le Conseil du Trésor avait imposé un plafond. Existe-t-il une possibilité que ce plafond soit rétabli—je pense qu'il avait été institué il y a deux à quatre ans—du moins pour atténuer les contre-coups, tout en continuant les démarches pour faire fixer la valeur de base du gîte au niveau qu'ils essaient de faire approuver pour les maisons qu'ils habitent? Je pense que quelque chose doit être fait à ce chapitre.

Vous dites que le Programme de recrutement de l'Armée canadienne est très actif. Quelque chose doit être fait pour les jeunes soldats qui débutent dans la vie, de façon qu'ils puissent au moins avoir un niveau de vie décent lorsqu'ils s'acquittent de leurs fonctions au sein des Forces canadiennes.

Gén Maurice Baril: C'est une question fort complexe. Nous avons fait toutes les démarches que nous avons pu auprès du Conseil du Trésor, mais au bout du compte nous avons dû nous conformer.

N'oubliez pas que ce ne sont pas toutes les nouvelles recrues qui sont concernées. Environ 30 p. 100 de notre effectif habite dans des logements militaires un peu partout au Canada, et quelques-uns en Europe. Il ne s'agit pas de logements subventionnés. Ce sont des logements dont le coût suit celui du marché. Nous avons été capables de prouver au Conseil du Trésor que nous avions besoin de ces logements pour des raisons opérationnelles. Ce n'est pas pour subventionner nos troupes, parce qu'il serait beaucoup plus simple pour le gouvernement du Canada de hausser les salaires du personnel. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait.

Quoi que nous fassions, chaque fois que nous établissons le salaire de nos effectifs, certaines dispositions sont prévues pour le logement. Tous ces aspects sont pris en considération selon une formule très compliquée. Mais ce ne sont pas des logements subventionnés que nous offrons. Nous mettons ces maisons à la disposition des familles dans le besoin. Mais il y a des gens qui joignent les rangs de l'armée et qui n'ont pas du tout besoin de maison. Ils n'ont pas de famille, ils sont célibataires et ils gagnent un assez bon salaire depuis un certain nombre d'années.

Accroître le coût du logement—et il semble que cela coïncide toujours avec l'annonce d'une augmentation salariale pour les soldats...

M. Bob Wood: Absolument.

Gén Maurice Baril: C'est assez vexant en effet, mais existe-t-il au Canada une organisation qui ne s'est pas retrouvée dans la même situation? Mon compte de taxes foncières augmente chaque année. Nous avons été jusqu'à l'extrême limite de ce que la loi permet, mais éventuellement nous devons nous conformer.

Le président: Je vous remercie, monsieur Wood.

M. Bob Wood: Je vous remercie, général.

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais d'abord vous dire, général, qu'Irene McCormick vous transmet ses salutations. Vous êtes allé à Halifax pour lui remettre à elle et à sa famille une récompense à titre posthume pour Sean.

Gén Maurice Baril: Ah!

M. Peter Stoffer: De même, je ne peux m'empêcher de noter qu'après 40 ans dans l'armée, vous n'avez toujours pas de cheveux gris. C'est très bien. C'est même excellent.

Bon, passons maintenant aux choses sérieuses.

Quelle proportion du budget actuel est consacrée aux dépenses en capital? Des 11,2 ou 11,3 milliards de dollars, quel pourcentage est alloué aux dépenses en capital?

Gén Maurice Baril: Un peu plus de 18 p. 100.

Avez-vous le chiffre exact...?

Adjudant-chef J.J.L.M. Dessureault (ministère de la Défense nationale): C'est environ 19 ou 18,9 p. 100, pour être plus précis.

M. Peter Stoffer: Ce pourcentage devrait-il être plus élevé?

Gén Maurice Baril: Nous essayons de le faire passer à 23 p. 100.

M. Peter Stoffer: Comptez-vous le faire à la faveur de nouveaux fonds ou d'un réaménagement des dépenses ou plutôt à la faveur de l'élimination de quarante CF-18? Vous avez aussi déménagé une base de Winnipeg à Shilo, donc essentiellement... L'impression est que prenez à l'un pour donner à l'autre. Cette affirmation est-elle exacte?

Gén Maurice Baril: Nous essayons d'être plus efficaces et de trouver de meilleures façons de dépenser l'argent que nous avons dans notre budget afin d'être en mesure d'accroître la part consacrée aux dépenses en capital. Pour nous, l'avenir est là et c'est là où nous devons investir pour l'avenir.

• 1615

M. Peter Stoffer: Lorsqu'il a comparu devant nous, le général Belzile, maintenant à la retraite, nous a dit que vous-même, général Baril, avez affirmé que les Forces armées canadiennes «sont plus aptes au combat maintenant qu'elles ne l'étaient il y a 10 ans.» Vous l'avez répété tout à l'heure.

Gén Maurice Baril: Effectivement.

M. Peter Stoffer: Il a aussi dit, avec tout le respect que «je vous dois, qu'il avait des doutes quant à cette affirmation.» Pourquoi quelqu'un qui a une telle carrière militaire derrière lui, quelqu'un qui est respecté dans tout le pays, aurait-il fait ce genre de commentaire à propos de votre affirmation?

Gén Maurice Baril: Je pense que nous avons déjà soulevé cette question avant. Je fonde mon jugement sur ce que nous avons maintenant par rapport à ce que nous avions il y a 10 ans, sur notre performance maintenant par rapport à celle d'il y a 10 ans et, en particulier, sur la qualité de l'expérience acquise par les chefs que nous avons en poste à tous les niveaux.

Nous avons des chefs qui ont occupé des postes de commandement au niveau de caporal et d'autres encore qui ont assuré le commandement à des niveaux de troisième échelon. C'est un général de deuxième échelon qui commande actuellement en Bosnie. Ce n'est pas arrivé très souvent dans notre histoire, depuis la guerre de Corée, que nous ayons en place des gens de très haut niveau avec autant d'expérience. Au fil du temps, les chefs en place pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée ont quitté et il n'en restait plus un seul dans nos rangs au début des années 80. Mais actuellement, c'est ce que nous avons: des chefs très expérimentés.

Je fonde aussi mon jugement sur mon service actuel. Je fais encore partie des forces aujourd'hui.

M. Peter Stoffer: Très bien. Dans le mémoire que vous nous avez présenté aujourd'hui, vous dites:

    Notre but ultime demeure clair: maintenir une force polyfonctionnelle apte au combat, interopérable avec nos alliés et déployable dans le monde entier.

Plus loin, vous indiquez:

    Nous aurons des choix difficiles à faire. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d'affecter des ressources à toute la gamme de la capacité militaire.

Ne voyez-vous pas une contradiction quelque part là-dedans?

Gén Maurice Baril: Non, je n'en vois pas, parce qu'il n'y a pas beaucoup de pays dans le monde qui peuvent avoir toute une série d'appareils allant du C-5A Galaxy aux hélicoptères d'attaque, mis à part les États-Unis et les Britanniques, qui, en fait, louent des C-17A et viennent tout juste de se procurer quelques hélicoptères d'attaque.

Au Canada, ça a toujours été comme ça. Nous n'avons jamais eu de capacité complète sur le champ de bataille, parce que nous avons toujours «uvré au sein d'une coalition et auprès d'alliés. Nous disposons d'atouts très utiles et très capables qui complètent ce qui manque aux autres, et les autres font la même chose pour nous.

Pendant la guerre du Golfe, par exemple, au-delà de 45 p. 100 de la puissance de feu de la Division française d'infanterie légère—et j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec le commandant de Division juste après la guerre du Golfe—était fournie par les Américains qui ont prêté 200 hélicoptères d'attaque spéciaux et assurer le soutien d'artillerie. Dans un conflit, nous fonctionnons toujours en équipe. Nous appelons cela une coalition d'alliés.

J'aimerais appartenir à un pays qui a vraiment les moyens de tout se payer. Mais avec les ressources actuellement disponibles et dans le contexte actuel, nous n'avons pas les ressources qu'il faudrait.

M. Peter Stoffer: Très bien, je vous remercie.

Avec la réduction du temps de vol des avions Aurora, je crois qu'il n'est pas seulement important pour les Canadiens de bien comprendre que leur force militaire est apte au combat, mais ils doivent aussi savoir que celle-ci est en mesure de protéger la souveraineté de nos zones économiques sur les trois littoraux. Avec la réduction du nombre d'avions Aurora et le vieillissement des avions Hercules, bien des gens estiment que nous ne serons plus en mesure de surveiller nos côtes et de faire échec aux activités des contrebandiers de drogue, à la pêche légale, à l'immigration illégale ou à toute autre menace qui pèse sur le Canada à intervalle plus ou moins régulier. À votre avis, le Canada peut-il assurer sa souveraineté économique et sa sécurité, compte tenu des récentes compressions?

Gén Maurice Baril: Nous le pouvons, certes, à un niveau qui est jugé acceptable.

Étant donné l'étendue de nos frontières au nord, à l'est à l'ouest et au sud, notre pays sera toujours vulnérable aux activités de pêche illégale, de trafic de drogues... Je ne pense que nous pouvons fermer nos frontières et transformer le Canada en forteresse. Ce serait rêver.

Je pense que ce que vous voulez savoir c'est si notre capacité d'intervention va en souffrir. La réponse est non. Ce n'est pas en réduisant le nombre d'heures de vol d'une flotte d'avion que nous allons réduire notre capacité de surveillance. Nous disposons maintenant de l'imagerie par satellite, de meilleurs outils électroniques, de meilleurs radars et de meilleurs simulateurs. Il importe donc de ne pas s'arrêter simplement au nombre d'heures de vol, car cela peut laisser une fausse impression. Nous allons mener probablement autant de missions de reconnaissance et de surveillance que par le passé. C'est pourquoi nous disons que d'ici quatre ans, nous serons en mesure de réduire le nombre d'heures de vol tout en assurant la même surveillance. Avec tout l'argent que nous dépensons, je suis sûr que nous allons améliorer de beaucoup notre capacité et notre précision grâce aux différents moyens à notre disposition.

• 1620

M. Peter Stoffer: J'ai une autre question.

Le président: Vous avez 30 secondes.

M. Peter Stoffer: J'aimerais simplement vous remercier pour vos commentaires sur le système national de défense antimissiles. Lorsque j'ai frappé sur mon bureau tout à l'heure, c'était pour appuyer ce que vous disiez. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Je vous remercie, monsieur Stoffer.

Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, AC): Je vous remercie, monsieur le président.

Je vous remercie pour votre exposé, général. C'était très intéressant.

J'aimerais signaler à M. Bachand que j'ai fait mon entraînement au sein de l'Aviation royale du Canada à Saint-Jean au début des années 60 et que, par conséquent, j'ai certainement contribué à l'économie locale de la région moi aussi. Les choses ont bien changé depuis ce temps.

La première partie de ma question a trait au recrutement. À l'époque où j'étais dans l'Aviation royale du Canada, il y avait beaucoup de femmes qui s'entraînaient. Mon numéro de cours était le 6221. Un cours sur cinq était constitué de femmes. Le recrutement ne semblait pas poser de problème du tout. En fait, les candidats devaient probablement se bousculer à l'entrée à cette époque.

Qu'est-ce qui s'est produit entre-temps? Nous avons parlé tout à l'heure du logement et vous avez vous-même mentionné il y a quelques minutes qu'une prime devrait peut-être être accordée aux candidats qui renouvellent leur contrat ou que le logement pourrait être un à-côté ou un avantage pour les militaires; ce qui serait très facile à arranger. Après tout, les maisons sont la propriété de l'État depuis 50 ans, il ne devrait donc pas y avoir de coût en capital pour ce genre de chose.

Pour savoir si les mesures de recrutement et de maintien à long terme des effectifs fonctionnent vraiment, il faudrait peut-être voir combien de militaires se réengagent. Avons-nous fait une étude là-dessus? Combien de militaires terminent leur contrat et s'engagent de nouveau? Ces chiffres ont-ils beaucoup évolué et pourquoi?

Gén Maurice Baril: Je n'ai pas les chiffres avec moi mais je peux vous dire ce que nous savons. Nous sommes maintenant en mesure de suivre de plus près le nombre de recrues qui se présentent au bureau, celles qui restent, celles qui quittent pendant l'entraînement et celles qui renouvellent leur contrat. Nous ne pouvons tout simplement pas gérer une part aussi importante de nos ressources que sont les ressources humaines, sans avoir de données absolument justes que nous suivons au jour le jour.

Mais pour revenir aux raisons pour lesquelles les jeunes ne joignent plus les rangs de l'armée aujourd'hui, c'est parce que les entreprises leur offrent davantage que nous ne pouvons le faire. La concurrence avec l'industrie est très forte. Or, il se trouve que l'industrie de notre pays est d'un niveau très élevé et celle de nos voisins du Sud aussi. Nous devons donc batailler ferme pour attirer les meilleurs candidats.

En 1965, j'étais moi aussi dans l'armée. Je l'étais également en 1961. En 1965, on offrait une prime de 500 $ aux caporaux et aux simples soldats qui s'engageaient de nouveau. C'est donc dire que la file d'attente au bureau de recrutement de l'armée de terre n'était pas très longue. Pour la force aérienne, je ne sais pas. Mais il est certain qu'il y a eu une diminution. Depuis que je suis dans l'armée, le recrutement a toujours connu des périodes fastes et d'autres moins fastes et, bien sûr, une organisation gouvernementale comme la nôtre met toujours du temps à réagir au changement. Nous sommes beaucoup plus lents à réagir que les entreprises, de sorte que nous sommes toujours perdants. Nous allons continuer de perdre nos pilotes au profit d'Air Canada, parce que si nous augmentons le salaire de nos pilotes, Air Canada va doubler les siens, tout simplement parce que ses avions doivent voler et que nous ne sommes pas en guerre.

M. Peter Goldring: Je peux comprendre pour des compétences de niveau supérieur comme celle exigées des médecins ainsi que des officiers et des pilotes, mais pas pour du personnel au sol—j'ai moi-même été membre du personnel au sol et à cette époque, l'armée était perçue comme un endroit où quelqu'un comme moi, qui était peu scolarisé, pouvait obtenir une formation. Ainsi, avec ma 11e année—je n'ai pas pu finir ma scolarité—c'était une façon pour moi de joindre les rangs d'une organisation et de recevoir une formation. Avons-nous haussé les critères d'admissibilité de sorte qu'il n'est plus possible pour des gens peu expérimentés et peu scolarisés d'entrer dans l'armée, de parfaire leur scolarité et de demeurer ensuite dans les rangs de l'armée, peut-être même pour y faire carrière? Nous sommes-nous nous-mêmes exclus du marché en imposant des critères d'admissibilité trop élevés?

• 1625

Gén Maurice Baril: Non, parce que nous avons des exigences précises, selon que vous êtes issus d'un collège militaire, d'une université subventionnée ou de différents métiers. Et même les différents métiers ont changé.

Vous dites que le resserrement des exigences a pour effet de réduire le recrutement, mais étrangement, c'est tout à fait le contraire qui s'est produit avec la police militaire. Afin de hausser les normes et d'accroître la capacité et la qualité de la police militaire, nous avons exigé des candidats qu'ils aient au moins deux années d'études collégiales. Or, nous avons eu un afflux incroyable de candidats.

Nous avons demandé à nos spécialistes ce qui s'est passé tout à coup. Il semble que le relèvement de la norme signifie pour les jeunes qui cherchent une carrière que les Forces armées offrent un emploi de qualité puisqu'elles veulent des gens de grande qualité pour les remplir. Quand nous recrutons pour l'infanterie, le radar, les services médicaux ou autre chose, nous devons adopter d'autres normes puisque nous ne pouvons pas imposer des exigences arbitrairement. Nous devons pouvoir les justifier. En effet, nous traitons encore avec des Canadiens et des Canadiennes couverts par la Charte canadienne des droits de la personne.

M. Peter Goldring: Le niveau demandé pour la police militaire m'aurait enlevé toute possibilité de faire carrière dans les Forces canadiennes, et pour combien d'autres cela est-il vrai? S'agit-il d'une politique stricte, dure et ferme avec laquelle il faut composer? Je comprends que vous avez eu un nombre suffisant de candidats dans ce secteur, mais il me semble que vous devez offrir de la souplesse dans l'ensemble.

Gén Maurice Baril: Je pense que la politique doit être fondée sur des données, sur des exigences scolaires, sur l'aptitude technique nécessaire. Nous ne pouvons pas être un organisme de bien-être qui accueille les gens pour les instruire. Nous participons à une entreprise assez coûteuse, et nous ne sommes que 58 000. Il n'y a plus d'endroit où se cacher maintenant dans les Forces armées. Tout le monde est utilisé et mis à contribution, et malheureusement, nous sommes parfois un peu exploités avec le nombre d'opérations que nous réalisons et la quantité de formation que nous recevons.

Étant donné la quantité de formation que doivent suivre nos gens, et le niveau de raffinement, nous devons exiger un minimum de qualités et d'instruction. Sinon, ça ne fonctionnera pas.

M. Peter Goldring: C'est très bien, mais là n'est pas la question.

Le président: En fait, vous avez largement dépassé le temps qui vous est accordé, monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Merci.

Le président: Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.

Général, dans votre réponse de tout à l'heure, vous avez omis de me parler de la mission en Sierra Leone que vous n'avez pas pu mener. Je voulais seulement savoir si c'était relié au manque de ressources dans l'armée canadienne.

Maintenant, vous parlez depuis tout à l'heure de hausser l'efficacité de l'armée. J'en suis et je pense qu'un des volets importants pour y arriver, c'est la qualité de la formation. Vous avez abordé le sujet il y a deux minutes. Il y a un grand personnage que j'aime beaucoup, et c'est le lieutenant général Dallaire qui, comme vous le savez, a été commandant du Collège militaire royal de Saint-Jean. Ce collège était le plus efficace, le plus bilingue et le plus compétitif au Canada. Il est malheureusement fermé aujourd'hui.

L'avis du lieutenant général Dallaire, à mon point de vue, tranche avec votre approche. Il considère, en effet, que les techniques actuelles de maintien de la paix ont été établies au temps de la guerre froide. À cette époque, on apprenait aux gens comment tirer sur des adversaires, comment tirer sur des forces ennemies. Aujourd'hui, les gens qu'on envoie dans des missions de paix—je suis allé en Érythrée avec le ministre—sont davantage formés pour servir de médiateurs plutôt que pour tirer un coup de feu en l'air et déclencher un désastre.

Donc, le lieutenant général Dallaire semble dire qu'il faut revoir complètement la formation du côté des missions de paix, qu'il faut changer le vocabulaire, la vocation, le mode d'entraînement, etc.

Que pensez-vous des opinions du lieutenant général Dallaire?

Gén Maurice Baril: Voici ma réponse par rapport à la Sierra Leone. Je trouve curieux qu'on me critique, la plupart du temps, parce que je recommande au gouvernement du Canada de participer à des missions et que, pour une fois que je dis qu'on ne devrait y aller parce que on est trop engagés de tous côtés, on me critique encore.

Je continue à fonder mes recommandations sur mon jugement.

M. Claude Bachand: Ce n'était pas une critique, mon général.

Gén Maurice Baril: L'article était une critique. On n'avait pas assez de ressources.

M. Claude Bachand: Mais la question du député n'en était pas une.

Gén Maurice Baril: Non, je le comprends.

On ménage nos ressources et on les gère bien. Cette fois-là, j'ai recommandé qu'on n'y aille pas parce que le prix à payer en ressources humaines était trop élevé. Je m'intéresse beaucoup aux ressources humaines.

Quand au deuxième point que vous avez abordé, nous venons de passer 10 années à mener des opérations très différentes de celles pour lesquelles nous étions habitués à nous entraîner. Nous nous sommes lancés dans ces opérations avec cet entraînement et l'expérience acquise à Chypre. Nous sommes tous des gens de Chypre. Et nous avons fait assez bien. Nous avons fait quelques petites erreurs ici et là, mais nous avons fait assez bien. La qualité de nos chefs est reconnue dans le monde à tout égard.

• 1630

Vous avez raison de dire que l'entraînement et la formation qu'on doit donner à tous nos officiers, et particulièrement aux jeunes, sont extrêmement importants. Le caporal en Éthiopie qui va tirer un coup de canon à partir de son véhicule prend une décision stratégique, et cette décision-là aura des répercussions à la Chambre des communes en moins de 10 minutes.

M. Claude Bachand: Exactement.

Gén Maurice Baril: Donc, ce caporal n'est plus le même que celui de la Deuxième Guerre mondiale, de la Corée ou de Chypre. C'est un jeune chef qui a beaucoup de responsabilités entre les mains et, à cause de cela, on doit mettre en application un plan de développement professionnel pour nos officiers et nos sous-officiers, un plan qui va faire du jeune de 18 ans qu'on engage aujourd'hui un commandant de bataillon dans 20 ans.

Aujourd'hui, il est trop tard pour celui qui commande un bataillon; il est déjà entraîné et formé. C'est lui qui commande et c'est lui qui fait bien. Mais, dans l'avenir, on doit absolument se réorienter. Le général Dallaire est l'initiateur et l'auteur de ce changement dans le développement professionnel des officiers.

Je ne sais pas si je dévoile une nouvelle, mais demain après-midi, notre ministre va annoncer avec moi, à Toronto, ce nouveau plan de développement professionnel pour nos officiers. L'équipe de travail qui relève directement de moi et qui est sous la direction du général Lemieux a déjà entrepris, il y a quatre mois, de faire la même chose pour le développement professionnel de nos sous-officiers. À travers toute notre histoire, nous avons été une équipe et cela doit continuer.

L'officier ne peut plus apprendre seulement au moyen de l'expérience. Il doit passer par des périodes de développement professionnel. Il faut que nous ayons les outils pour le faire et ils sont en place.

M. Claude Bachand: Est-ce qu'on peut connaître les grandes lignes du plan de formation qui sera annoncé demain?

Gén Maurice Baril: Je ne peux pas...

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Bachand.

Monsieur Provenzano.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Général Baril, vous avez réuni dans votre courte présentation une foule de questions.

J'étais particulièrement intéressé par certains commentaires que vous avez formulés concernant le défi du maintien de l'interopérabilité. Vous dites que ce défi prend de nouvelles proportions en raison de la nouvelle technologie et du coût de cette dernière, ce qui pourrait influer sur notre capacité de participer aux opérations de coalition.

Vous avez déclaré autre chose, soit que les Forces canadiennes doivent absolument conserver leur interopérabilité avec nos principaux alliés, spécialement les États-Unis. Je me demandais, à titre de membre du comité, si nous devions être au courant ou être mis au courant de politiques ou de nouveautés particulières. Je veux dire surtout des politiques ou des tendances de la nouvelle administration Bush, qui pourraient avoir un effet sur nous et nuire à la réalisation de l'objectif du maintien de l'interopérabilité.

Gén Maurice Baril: Il est extrêmement coûteux d'assurer l'interopérabilité avec la nouvelle technologie, et des forces comme les nôtres et celles de certains autres pays de notre taille doivent faire des sacrifices pour assurer leur compatibilité. Sinon, nous serons une sorte de citoyens de seconde classe sur le champ de bataille ou dans toute autre opération, et je ne crois pas que ce soit ce que veut notre pays.

Il est toujours difficile d'échanger de la technologie, mais nous avons une longue histoire de coopération et de discussions avec les Américains. Ce matin, j'ai passé quelques heures avec le Commandant Suprême des Forces alliées en Europe et avec le Commandant américain de toutes les forces des États-Unis en Europe. J'essaie toujours de leur faire comprendre de ne pas oublier leurs amis et alliés quand ils vont de l'avant et font des sauts de géant avec leur technologie extrêmement coûteuse. Je leur rappelle qu'ils doivent nous permettre de nous brancher d'une façon ou d'une autre, pour que nous restions connectés. Sinon, nous ne serons pas à même de participer aux opérations avec eux. Nous ne pourrons pas y contribuer. Je leur demande de veiller à ce que leurs avancées technologiques soient compatibles avec ce que nous faisons.

Bien entendu, nous devons être sélectifs quand nous décidons ce dans quoi nous investirons et où. Pouvons-nous sauter une amélioration apportée par nos alliés et rester compatibles?

• 1635

Je pense que nous étions dans une très bonne position pendant la campagne aérienne au Kosovo. Nos F-18 étaient encore très capables et très compatibles, mais nous savions déjà qu'il s'agissait de notre dernière participation à moins que les Américains ne consentent à des compromis et gardent une partie de leur équipement. Sinon, nous nous retrouverons dans une situation où nous ne pourrons plus leur parler. Nous n'avons pas la même sophistication et c'est très difficile, comme vous le savez.

Maintenant, pour répondre plus précisément à votre question, nous ne voyons pas de changement dans l'administration Bush en ce qui concerne cette situation, mais tout est relié à l'ITAR, le partage de la technologie et l'accès à cette dernière. C'est très délicat.

M. Carmen Provenzano: J'ai une question supplémentaire, général.

Il semble y avoir une plus grande détermination en matière de technologie. Ce que vous dites est intéressant et fait penser au hockey: si vous avez un patineur rapide, vous lui demandez de ne pas brûler ses ailiers. Je pense que c'est fondamentalement le message que vous envoyez à nos alliés européens et, particulièrement, américains: veillez à ne pas nous distancer à tel point avec votre technologie que nous ne puissions plus nous intégrer à l'exercice.

J'ai l'impression toutefois que cette nouvelle administration souscrira à la nouvelle technologie et s'engagera très sérieusement à fournir à sa force militaire la technologie la plus récente. Est-ce vrai? Est-ce que c'est ce que vous percevez? Le comité doit-il savoir que, le cas échéant, nous aurons de nouveaux défis à relever pour conserver notre capacité de rester interopérables?

Gén Maurice Baril: Je suis absolument convaincu que les Américains feront exactement ce que vous dites. Curieusement, ils viennent d'acheter le même véhicule que nous avons acheté il y a deux ou trois ans—en fait, nous nous y sommes engagés il y a six ans—le LAV III. Ils viennent de l'acheter, et ils vont commencer à le produire.

Nous sommes compatibles avec eux et interopérables dans la plupart des domaines. Au moment où nous parlons, deux de nos frégates les plus modernes sont entièrement intégrées à leur groupe aéronaval en opération dans le golfe. Nos avions volent avec les leurs à Cold Lake dans le cadre de l'exercice Feuille d'érable. Nous travaillons ensemble en Bosnie. C'est donc toujours difficile. C'est la même chose avec d'autres pays, surtout en Europe. À tous nous disons la même chose qu'aux Américains: allez-y avec la technologie, mais quand vous faites vos avancées, pensez à vos alliés et au fait que nous ne disposons pas des mêmes ressources et de la même capacité que vous.

Le président: Merci général.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci encore, monsieur le président.

Monsieur, vous avez mentionné la responsabilité des personnes qui sont membres des Forces armées, parce que c'est à cela que tout revient en fait: des hommes et des femmes et leurs familles. Dans de nombreux cas, ils ont en fait une responsabilité illimitée, une expression que j'ai entendue tout récemment. C'est une déclaration frappante: une personne qui se joint aux rangs des militaires assume une responsabilité illimitée.

En tant que législateur, j'aime à penser que le gouvernement devrait avoir une responsabilité illimitée à leur égard, c'est-à-dire leur fournir des soins de santé et dentaires appropriés, un logement adapté, les soins qui conviennent à leurs enfants et des services de garderie adéquats. Il faut aussi prévoir des politiques qui conviennent afin que ces familles restent dans une collectivité assez longtemps pour que les enfants s'installent un peu avant de déménager un peu partout au pays, comme c'est le cas actuellement.

Ce récent déménagement à Shilo...c'était peut-être une mesure de réduction des frais, mais il a bouleversé la vie de nombreuses familles. On leur a demandé de passer de la ville à une région rurale, une adaptation impossible pour beaucoup de personnes. C'est ce qui arrive, et je le vois souvent dans les appels téléphoniques que nous recevons, bien que les interlocuteurs ne se nomment pas, puisqu'ils n'en ont pas le droit.

Il y a beaucoup de mariages qui éclatent, beaucoup d'enfants qui se demandent où sont maman et papa et quand ils reviendront à la maison, qui se disent, flûte, vous n'avez été à la maison que quelques mois et déjà vous repartez. Voilà les tensions et le stress que vivent nos familles militaires.

Je sais que c'est très difficile. Vous dites que les officiers se bousculent à votre porte, mais le recrutement est un très gros défi de nos jours pour le militaire. J'estime personnellement que la carrière militaire est un très bon choix pour les hommes et les femmes, mais ce n'est pas ce que croient de nombreux jeunes. Ils se posent beaucoup de questions, par exemple au sujet du logement. Il n'y a plus vraiment de stabilité, et une personne peut tomber malade ou, comme Terry Riordon, mourir. C'est ce que les gens entendent et ils se disent, eh bien, si je m'enrôle et que je tombe malade, les Forces armées ne s'occuperont pas de moi ni de ma famille. C'est la perception qu'ont les gens.

• 1640

J'aimerais que vous ayez l'occasion pendant quelques minutes, si vous le souhaitez, de dissiper cette perception et de dire aux gens du Canada, aux jeunes surtout, pourquoi ils devraient choisir l=armée comme carrière, malgré toutes les questions en suspens. Vous pouvez parler de technologie, d'équipement et d'interopérabilité avec nos alliés, mais en fait, tout se résume aux hommes, aux femmes et à leurs familles. C'est à cela que tout revient. Pourquoi donc les membres des Forces armées devraient-ils rester et pourquoi les jeunes devraient-ils choisir la vie militaire?

Gén Maurice Baril: La décision de s=engager dans l=armée ou d=y rester est une chose très personnelle. Il nous incombe—aux dirigeants à tous les niveaux—de faire en sorte d'offrir un défi, une qualité de vie qui est acceptable tant pour l'individu que pour la famille, et de l'équipement et une formation sécuritaires qui aideront les membres à remplir la mission qui leur est confiée, de leur donner le perfectionnement professionnel qui convient, mais en bout de ligne...

Vous avez parlé de responsabilité. Nous sommes une armée—trois services, en fait—qui est petite et efficace, et nous demandons beaucoup à nos gens, comme toute autre organisation au Canada. Nous devons répondre à notre pays de ce que nous faisons avec les ressources qui nous sont allouées, et nous devons le faire à un niveau acceptable.

C'est une vie trépidante, et elle ne convient pas à tout le monde: postes de trois ans, une ou deux missions et élever une famille dans ces conditions. Je suis dans l=armée depuis longtemps, j'ai élevé une famille et je suis chanceux parce que ma famille est encore unie. Mais il faut comparer cela avec d'autres professions tout aussi exigeantes, comme le travail sur les plates-formes pétrolières, les pilotes de lignes aériennes et d'autres aussi.

Il n'y a pas de données concrètes disant que nous connaissons un taux plus élevé de divorce ou de suicide ou d'autre chose. Un seul cas est un de trop, et nous travaillons d=arrache-pied pour nous occuper de la famille et offrir des programmes afin d'aider les enfants dont les parents doivent partir.

La structure de notre société militaire a beaucoup changé. Nous prenons des gens plus âgés, plus mûrs, qui sont aussi plus exigeants. Bon nombre ont déjà des familles quand ils arrivent. Des chefs de famille monoparentale s'enrôlent—c'est du jamais vu—et même des grands-parents. C'est donc très difficile, c'est très mouvant.

Nous avons des projets qui ont été mis en place et d=autres en cours de mise en oeuvre et nous étudions la situation afin de prévoir les événements. Nous gérons tant de ressources humaines qu'il nous faut absolument des spécialistes pour le faire. Nous passons à une spécialisation très délibérée des gestionnaires de ressources humaines que nous avons. Mais il y aura toujours des gens qui s'engagent et qui se rendent compte que ce n'est pas leur place et qui ne serviront que leur premier tour; il y aura toujours des gens qui se font blesser ou tuer. C'est ce que signifie la responsabilité illimitée. Il y aura toujours des familles qui ne peuvent pas vivre avec le stress de la vie militaire.

Pour l'instant, comme je l'ai déjà dit, de nombreux membres des Forces vont outre-mer pendant six mois, reviennent de 18 à 24 mois et retournent. Il semble que pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale, on allait au combat, on revenait et c'était fini. On n'était pas rappelé. Mais depuis dix ans, la personne qui revient s'inquiète, quand devra-t-elle retourner? Voilà la vie des membres des Forces canadiennes.

Je ne peux pas engager une personne et lui dire: «Vous allez servir six mois en Bosnie et revenir chez vous pour dix ans». Comment pourrais-je me tenir devant ce comité et affirmer que je n'engagerai pas mes gens plus d'une fois tous les cinq ans parce que c'est trop dur pour leurs familles? Le président serait le premier à me dire: «Eh bien, qu'ils trouvent du travail ailleurs, parce que nous voulons qu'ils y aillent». Nous ne pouvons même pas garantir 24 mois; nous sommes rendus à 18, voire 12 pour certains spécialistes.

Nous sommes très exigeants, et c'est très astreignant pour les gens, cela a une incidence. Il y aura un impact sur ce que seront les Forces canadiennes dans cinq, dix et quinze ans. D'ailleurs, les armées du monde—pas seulement la nôtre, mais dans la plupart des pays—envisagent des armées professionnelles, et c'est ce qui va arriver. Il faut donner une qualité de vie, s'occuper d'une famille et offrir un salaire compétitif, parce que sinon les gens iront travailler sur les chemins de fer parce que c'est plus payant, ou ils iront ailleurs.

C'est donc très difficile. Nous consacrons beaucoup de temps à cette question.

Le président: Merci monsieur Stoffer.

Monsieur Peric.

• 1645

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Merci, monsieur le président.

Général, vous avez dit dans votre déclaration préliminaire, que les Forces canadiennes doivent être prêtes à déployer une partie ou la totalité des éléments d'une force armée d'intervention en 21 jours, afin d'appuyer les Nations Unies, l'OTAN ou des opérations de coalition. Est-il possible, oui ou non, de réduire ce délai? Dans l'affirmative, que faudrait-il faire? Dans la négative, pourquoi? C'est ma toute première question.

En deuxième lieu, nous savons qu'au cours des dix dernières années, les Forces armées canadiennes ont amélioré la technologie et probablement aussi la qualité de vie, mais d'autres pays l'ont fait aussi. Je n'ai qu'un commentaire. Comment se comparent-elles aux forces d'autres pays aujourd'hui—de petits pays du nord de l'Europe—comme la Norvège ou la Suède?

Et votre commentaire... Je n'en suis pas trop heureux, car mon propre fils est dans la marine et il a bel et bien reçu une augmentation de salaire, mais le lendemain on l'a informé que son loyer augmentait.

Général, la question est la suivante: est-ce ainsi que nous allons attirer de nouveaux membres? La question est la suivante: comment allons-nous retenir les gens qui sont dans les Forces armées aujourd'hui? Nous pouvons leur fournir le meilleur équipement possible, mais pour ce qui est de la qualité de vie...et vous ne pouvez pas les comparer avec d'autres organisations. Ce sont les premiers à partir, à aller défendre notre nation. Ce sont les premiers à sacrifier leur vie. Vous ne pouvez donc pas comparer les pilotes des Forces aériennes à ceux d'Air Canada ou d'une autre organisation. Un pilote d'Air Canada n'est pas obligé de piloter s'il y a une tempête de verglas ou un orage; le vol est annulé. Mais s'il y a un combat, nos soldats ou les membres de nos Forces armées n'ont pas le choix. Ils doivent y aller.

Nous devons donc leur réserver un traitement spécial. Les Forces armées canadiennes constituent une organisation spéciale. Et nous ne pouvons pas les comparer au secteur privé. Comment allez-vous retenir les membres actuels? Nous les formons; nous dépensons l'argent des contribuables; nous les préparons et ensuite nous les perdons parce que nous ne sommes pas prêts à leur offrir ce qui importe le plus à leurs yeux, une qualité de vie.

Gén Maurice Baril: Je ne sais vraiment pas comment je pourrais pourvoir aux besoins de mes gens et leur offrir une rémunération et une qualité de vie concurrentielles si je ne compare pas ce qu'ils font avec le reste du monde.

Nous vivons dans un monde compétitif, et quand nous essayons d'engager un médecin, nous devons être prêts à le rémunérer au même taux que Sioux Lookout sinon, il ne se joindra pas à nous, qu'il soit le premier en ligne ou non.

Je pense donc que de comparer la qualité et les conditions de vie et le reste de nos troupes à celles d'autres pays... Vous devriez peut-être demander à votre fils comment il se compare par rapport aux autres pays où il a voyagé au cours des opérations et ailleurs pour voir où se situe le Canada. Je vois de nombreux autres pays, et je pense que notre situation est assez bonne; dans le cas contraire, je serais ici devant vous en train de réclamer à grands cris que vous répétiez ce que vous avez fait il y a deux ans. Parce que ce comité a fait comprendre à la population canadienne que nous étions en train de souffrir dans le champ, mais en même temps vous avez vu où nous étions il y a quatre ou cinq ans, avec des salaires gelés depuis 1990. Vous savez où nous en sommes aujourd'hui.

Pour en revenir au logement. Je sais qu'il est insultant de subir une augmentation, mais en même temps, il ne s'agit pas de logement subventionné et ceux qui font le calcul et pensent que c'est trop élevé peuvent s'acheter une maison. L'idée d'ailleurs n'est pas de passer sa carrière dans le logement familial, mais bien de faire un temps dans les logements militaires et puis de passer à une maison—petite, pas trop luxueuse ni rien—mais juste question de travailler à faire le versement initial. C'est ce qu'a fait mon chauffeur mardi dernier et il est heureux comme un poisson dans l'eau parce qu'il vient d'acheter sa première maison après huit années de service. Il habitait dans un très petit logement familial à Ottawa mais il a maintenant acheté sa première maison pour sa petite famille et il a pourtant été en opération un peu partout dans le monde.

Alors oui, c'est insultant, mais comme je l'ai dit, c'est la loi du pays, et on en tient compte dans le calcul.

• 1650

Je ne peux pas comparer notre armée à d'autres. Nous sommes à peu près de la même taille que celle des Pays-Bas, de l'Australie et de quelques autres pays. Je connais davantage les Pays-Bas, parce que nous avons participé avec eux assez souvent à des opérations. Ils vivent aussi une période assez difficile; restrictions budgétaires, armée de volontaires plutôt que de conscrits. Leur armée est syndicalisée, ce qui est assez intéressant.

M. Janko Peric: Et qu'en est-il du délai de 21 jours?

Gén Maurice Baril: Bien sûr, on peut le réduire. Nous avons des troupes qui peuvent bouger avec un avis de 48 heures, certains avec un avis de quatre heures et d'autres avec un avis de 90 jours. Tout dépend de la tâche à accomplir et de son urgence. La DART, par exemple, mettrait la reconnaissance en marche en 48 heures et le reste en sept jours. Le GTF n'a que quelques heures, voire quelques minutes, pour bouger.

Le président: Merci, général.

Monsieur Anders.

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, AC): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je ne pense pas que je voudrais du poste du général aujourd'hui. Je trouverais assez difficile de garder mon sérieux tout en me vantant que l'armée recrute des grands-parents et des mères célibataires.

Vous avez notamment parlé dans votre allocution de la viabilité, dont l'un des aspects est la capacité d'avoir des transports de troupes appropriés. D'après l'information dont je dispose, que l'on parle de l'avion Hercules ou du transport aérien stratégique Airbus, les deux sont usés pratiquement à la corde. Je vais vous poser une série de questions, dont la suivante: comment pouvez-vous assurer la viabilité de nos forces si elles ne disposent pas de capacités de transport adéquates?

Il est quand même ironique qu'avec un équipement si usé, nous parlions d'offrir au Canada la capacité «d'entrer tôt et de sortir au bon moment». J'ai de la difficulté à avaler cette logique alors que nous avons une réserve plus petite que nos forces régulières, une aberration quand on regarde le reste du monde. Vous avez mentionné vous-même dans vos commentaires qu'il vous fallait prévoir un taux de quatre membres pour un pour soutenir les troupes. Vous voulez peut-être parler de forces régulières qui soutiennent des forces régulières, mais il me semble que la réserve doit être capable de soutenir les forces régulières et de lui succéder quand les forces régulières ont été envoyées pour assurer l'engagement initial. Et pourtant, nous continuons de voir des choses pas très belles qui vont jusqu'à la cannibalisation du budget de la réserve.

Je vais m'arrêter ici pour le moment et écouter vos commentaires avant de poser d'autres questions.

Gén Maurice Baril: Laissez-moi revenir à votre premier commentaire au sujet de ma capacité de parler du recrutement d'une grand-mère sans rire. J'y reviens parce que j'étais là lorsqu'on a procédé à ce recrutement. Ce n'était pas il y a deux ans, nous étions en 1990. Ce fut une grande surprise pour moi, qui était là à parler du défi de la jeunesse, lorsque quelqu'un m'a informé qu'il y avait dans l'auditoire une grand-mère de 39 ans. Sa fille et sa petite-fille étaient aussi présentes. La dame avait fini première au cours parce qu'elle était en aussi bonne condition physique que tout le monde. Or, nous vivons dans une démocratie et dans un pays doté d'une Charte des droits. Une fois que nous avons approuvé des normes pour le recrutement de membres des forces dans un métier donné, si une personne respecte ces normes, elle peut se joindre aux forces. Rien ne précise que vous devez avoir 17 ou 22 ans. C'est de cette façon que nous procédons. Quand une mère ou un père se présente au centre de recrutement avec des enfants, nous ne les renvoyons pas à la maison. Si nous avons besoin d'eux et qu'ils respectent les normes, nous les embauchons. S'ils réussissent la formation, nous allons les prendre. C'est notre façon de procéder. C'est pour cette raison que j'en parle sans sourire. Nous avons affaire ici à des êtres humains et non à des chiffres.

Quant à votre question précise, vous avez mentionné le transport aérien. Les Airbus que nous avons datent de 15 ans. Ils sont réparés au besoin. C'est le meilleur moyen de transport stratégique dont nous disposons. Ces appareils ont bien sûr des limites, puisqu'il ne s'agit pas de C-17, il s'agit d'un autre type de moyen de transport stratégique. Ils sont très polyvalents parce qu'ils sont dotés de portes latérales et de réservoirs long-rayon d'action.

Quant aux Hercules, nous en sommes aux dernières étapes de la modernisation de l'ensemble de l'optoélectronique. Il ne nous reste que quelques appareils. Par conséquent, un Hercules à ce prix est une bonne affaire, compte tenu de la qualité de l'ensemble de la flotte d'Hercules. Certains ont été construits probablement récemment et d'autres sont âgés de 35 à 40 ans. C'est probablement le meilleur type d'appareil de cette taille à avoir jamais été construit. Ils sont dans la même situation que nos autres flottes. Nous les avons toujours modernisés, nous les avons rendus sûrs. Certains datent probablement du milieu des années soixante alors que d'autres ont été achetés récemment, je pense que c'est en 1997 pour les derniers.

• 1655

Quant à la stratégie «arriver tôt et partir au bon moment»—et je pense que vous avez utilisé une expression différente—ce n'est pas nouveau. Et cela ne signifie pas «premier arrivé, premier parti». Par «arriver tôt», nous voulons signifier que lorsque le gouvernement du Canada décide qu'il contribuera à une mission, quand notre expérience, notre capacité et notre équipement nous le permettent—non pas à toutes les missions, mais aux missions auxquelles le Canada acceptera de participer—je dois, à titre de Chef d'état-major des armées et avec mon personnel, évaluer quels sont les risques, quelle est la nature de la mission et si nous disposons des moyens voulus pour la remplir? Si nous avons cette capacité et si nous pouvons nous rendre rapidement dans un autre pays avec des ressources limitées, je pense qu'il convient que nous acceptions cette mission. C'est très excitant pour les troupes. Nous sommes de bons planificateurs, nous sommes compétents pour organiser des missions en raison de notre expérience passée. Quant à l'autre partie, «partir au bon moment», cela ne signifie pas que nous remballons simplement l'équipement et abandonnons la mission.

J'ai travaillé longtemps à l'administration centrale de l'ONU et il est arrivé trop souvent que des missions nous soient refilées. Nous n'étions pas prêts, nous ne disposions pas des moyens voulus. Le commandement et la logistique n'étaient pas en place. Par conséquent, selon moi, et je parle ici avec beaucoup d'émotion, nous devrions remettre la mission à celui qui est en mesure de la poursuivre lorsqu'il le peut. Si cela signifie que nous devons demeurer plus de six mois ou moins de six mois ou plus d'un an, c'est ce que nous devrions faire. Et nous devrions nous assurer que notre successeur est en mesure d'assumer cette mission. Dans le cas de l'Érythrée, il s'agit de l'ONU, et c'est l'une de nos préoccupations: ils doivent être en mesure d'accepter cette mission et nous devons être convaincus qu'ils l'assumeront parce qu'il s'agit d'une nouvelle expérience avec la BIRFA. Nous serons là pour six mois et ils prendront la relève.

Quant aux forces de réserve et à la question de la soutenabilité, disons qu'il existe des Forces canadiennes à temps plein ou à temps partiel. On est en train de restructurer la réserve. Le commandant de l'armée est un champion de la restructuration de la milice, les forces terrestres. Il comparaîtra devant vous et je pense qu'il sera en mesure de vous fournir tous les détails de ce plan parce qu'il y a travaillé personnellement pendant plus d'un an. Nous disposons dorénavant d'un bureau de projet en bonne et due forme et il pourra vous fournir tous les détails.

Le président: Merci monsieur Anders.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci monsieur le président.

Général, il me semble que je parle toujours de transports et je n'y ai jamais travaillé, même si j'ai failli y laisser ma vie une fois. Je vais adopter un angle un peu différent de celui de M. Anders. Vos 21 jours ne me posent pas de problème. Vous vous préparez pour l'embarquement et puis vous vous embarquez, mais après, qu'arrive-t-il? À l'heure actuelle, nous ne disposons pas de moyens de transport lourds. Nous ne pouvons transporter par air nos chars d'assaut. Nous nous sommes retrouvés dans la position embarrassante de devoir louer un aéronef russe—je ne crois pas que ce soit une source fiable. Nous nous sommes également retrouvés dans une situation embarrassante après avoir loué un navire qui hésitait à ramener notre matériel au pays. Il nous a fallu aller le chercher nous-mêmes. Ce n'est pas une situation qui me réjouit beaucoup. Êtes-vous à l'aise avec ces méthodes?

Gén Maurice Baril: Je suis aussi à l'aise que tous mes prédécesseurs puisque c'est la première fois que cette situation se produit.

M. Ivan Grose: C'est exact.

Gén Maurice Baril: Et je ne suis pas du genre à être embarrassé lorsque nous ne disposons pas du matériel voulu. Il y a seulement deux pays au monde qui peuvent transporter un char d'assaut et un avion, les États-Unis et la Russie—l'Ukraine prévoit pouvoir le faire bientôt. Si nous ne disposons pas des ressources et qu'on me demande de déployer une unité quelque part—et c'est que j'ai dit—nous avons fait appel dans le passé et nous faisons toujours appel aujourd'hui à des services de location pour le transport maritime et aérien. Nous avons toujours procédé ainsi. Les Américains procèdent ainsi. Lorsqu'il nous a fallu déployer l'équipe d'intervention en cas de catastrophe en Turquie l'an dernier, j'ai dû réserver à midi précisément l'immense avion russe Antonov et m'engager à verser un demi-million de dollars pour cela, parce que les Américains voulaient le louer.

M. Ivan Grose: Vous étiez en concurrence avec les Américains.

Gén Maurice Baril: Oui, parce qu'ils essayaient eux aussi de déployer leur force dans cette région et c'est ce qui se produit tout le temps. Nous ne sommes donc pas les seuls. Tout le monde le fait. Si le gouvernement du Canada souhaite avoir cette liberté, je pense qu'il lui faudra investir des ressources énormes dans le transport aérien et maritime stratégique pour en bénéficier totalement. Je pense que nous serons en mesure de déployer assez rapidement des forces de la taille d'un groupement tactique par nos propres moyens, mais deux ou trois voyages seront nécessaires ou nous devrons encore louer de l'équipement. Et l'entretien est une aberration puisqu'aucune organisation commerciale n'accepte de le faire.

M. Ivan Grose: Je vois. Merci beaucoup.

Merci, monsieur le président.

• 1700

Le président: Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Selon ce que vous nous dites, vous faites déjà beaucoup avec peu de moyens, en somme. Alors que tout le monde réclame des hausses budgétaires, vous faites déjà de l'entraînement et de la formation. Lorsqu'il y a des catastrophes au Canada, vous vous y rendez. Vous accomplissez des missions de paix.

Cependant, il semble que le premier ministre ait ajouté à cela un autre volet. Je vous avoue que ce volet me semble mystérieux et je voudrais vous interroger à ce sujet. Je veux parler du Bureau de la protection de l'infrastructure essentielle et de la planification d'urgence. Cela me semble mystérieux parce qu'en plus des catastrophes et des accidents, cela comporte les attaques terroristes et les attaques cybernétiques.

Je pense que cela a été mis sur pied à l'occasion du bogue de l'an 2000, alors que s'était établie une sorte de coordination interministérielle. Toutefois, si j'ai bien compris, le premier ministre vient maintenant de confier au ministère de la Défense nationale la tâche de coordonner l'ensemble de la chose. Cela touche à des domaines assez vastes comme l'énergie, le transport, la sécurité, les services et le gouvernement.

Pour moi, je vous avoue que c'est un peu mystérieux. Dans ces domaines, vous avez aussi la charge d'émettre des directives nationales. Vous comprendrez que, venant du Québec, je ne sais pas si l'armée canadienne protégera les pylônes d'Hydro-Québec et si je peux me permettre une telle supposition. J'aimerais que vous nous parliez un peu de ce bureau qui, pour moi, constitue un peu un mystère. Pourriez-vous soulever un coin du voile qui me dissimule ce bureau?

Gén Maurice Baril: Je ne pense pas qu'il y ait quelque mystère là. L'annonce a été faite il y a quelques mois que le Bureau de la protection de l'infrastructure essentielle et de la planification d'urgence avait été confié au ministère de la Défense nationale et non aux Forces canadiennes, sous la direction de la sous-ministre associée, Margaret Purdy, déjà au service du gouvernement auparavant. Elle est en train de développer son plan d'action et son budget, et à prévoir ses demandes en ressources.

La décision du gouvernement de le confier au ministère de la Défense nationale, comme vous le dites, vient s'ajouter à la tâche. Cela étant dit, je pense personnellement que c'était l'instance à laquelle il fallait confier ce rôle. À la Défense nationale, c'est notre affaire. Je pense que le Bureau de la protection de l'infrastructure essentielle et de la planification d'urgence fait partie du domaine de la sécurité nationale. Je pense que les deux se complètent et que c'est là qu'il doit être placé.

Vous entendrez sûrement beaucoup parler, dans un avenir rapproché, de ce que seront ses intentions, ses capacités et de quelles ressources il aura besoin.

Il est certain, et c'est mon avis personnel, qu'on fait face maintenant à des menaces multidimensionnelles. C'est différent et cela nécessite l'informatique. C'est l'avenir. On ne peut plus compter seulement sur des moyens conventionnels. Ce sont des menaces pour nos amis du Sud. Ici, comme vous le savez, nous sommes tellement interconnectés avec les États-Unis d'Amérique qu'il nous faut travailler ensemble sur les plans interministériel, interprovincial et international.

M. Claude Bachand: Donc, c'est possible que vous soyez appelés à protéger les pylônes d'Hydro-Québec.

Gén Maurice Baril: Non, non. Je ne pense pas qu'il soit du tout question de cela. Une des possibilités était que nous devions protéger les ponts et les voies ferrées. On verra ce qui sera requis à ce moment-là.

M. Claude Bachand: Le plan d'action n'est pas complété, si je comprends bien.

Gén Maurice Baril: Absolument pas. C'est Protection civile Canada, par exemple, qui se déployait partout pour venir en aide en cas d'inondation, etc. Donc, ce sera un groupe qui va grossir et prendre énormément plus de responsabilités. Nous en faisons partie étant donné nos ressources très spéciales mais, selon la situation, on va nous demander quoi faire.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Bachand.

Monsieur Provenzano.

M. Carmen Provenzano: Pour continuer avec la question de l'interopérabilité, nos alliés semblent, dans leurs orientations comme dans leurs engagements, avoir davantage recours à l'espace pour les communications, la navigation et la reconnaissance. Je ne sais pas quelles sont les intentions du Canada en ce qui touche à l'accroissement de notre capacité dans l'espace. Nous dépendons dans une certaine mesure des systèmes de nos alliés. Prévoyons-nous augmenter notre puissance dans ce domaine et selon vous, général, est-il problématique que nous dépendions de nos alliés dans ce domaine?

• 1705

Gén Maurice Baril: Comme de nombreux autres pays, nous dépendons de nos alliés qui disposent des moyens voulus pour lancer un satellite. En même temps, nous contribuons d'une certaine façon à nous garantir un accès à ces moyens, que ce soit pour la navigation ou l'observation. L'espace est un nouveau secteur qui absorbe énormément de ressources et le Canada a investi des ressources dans ce domaine pour l'avenir.

Puis-je demander au commodore McNeil de vous entretenir des détails de notre projet spatial.

M. Carmen Provenzano: Il pourrait aussi nous dire si le Canada est à l'aise avec ce niveau de dépendance.

Commodore Daniel G. McNeil (directeur, Planification des Forces et coordination du programme, ministère de la Défense nationale): Selon notre analyse, en l'an 2000, l'utilisation commerciale de l'espace a pris le pas sur l'utilisation militaire de l'espace et cette tendance se poursuit. Divers pays se sont lancés dans des programmes perfectionnés d'imagerie spatiale de nature commerciale, ce que nous ne voyions pas à l'époque de la guerre froide. Vous pouvez vous en rendre compte sur Internet si vous sortez votre carte de crédit. Vous pouvez partir en canot sur les Grands Lacs avec un système de positionnement global du Canadian Tire et obtenir des données de navigation plus exactes que ce que nous avions à l'époque de la guerre froide. Tout cela s'inscrit dans une sorte de révolution de l'appareil militaire.

Comme nous formons un pays très avancé sur le plan technologique, je pourrais affirmer que nous sommes très à l'aise avec l'Agence spatiale canadienne, un satellite—radar dans l'espace et nos partenariats de très haut niveau. Nous disposons bien de programmes d'investissement pour l'avenir, qui constituent en fait des genres de partenariats, qui porteront sur tous les aspects de l'utilisation commerciale et militaire de l'espace.

M. Carmen Provenzano: Pour formuler ma question autrement, risquons-nous de prendre tellement de retard qu'il serait risqué de dépendre de nos alliés et que cette situation pourrait nuire à notre capacité sur le plan de l'interopérabilité?

Cmdre Daniel McNeil: Pour poursuivre avec ce que j'essayais de dire, parce que les technologies se répandent de plus en plus au niveau commercial et parce que notre pays est si avancé sur le plan technique, même par rapport à nos partenaires avancés comme l'Australie, la Grande-Bretagne et l'Europe, nous nous trouvons, ici au Canada, aux premières loges avec l'industrie et avec notre capacité, et nous savons qu'il vaut la peine d'investir dans ce secteur. Je pense donc que nous nous trouvons dans une position acceptable.

Gén Maurice Baril: Pour être à l'aise dans ce secteur, il nous faut accepter de participer à ces projets. Nous devons verser notre contribution pour prendre part à ces programmes. Cela signifie qu'il nous faut débloquer énormément de ressources pour nos programmes. Ensuite, il s'agit de faire confiance au pays qui nous fournit ces services et de nous entendre avec lui.

M. Carmen Provenzano: Merci.

Le président: Merci monsieur Provenzano.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Vous avez mentionné plusieurs fois que l'appareil militaire est comme les autres organisations. Je suis peut-être idiot, mais j'ai toujours pensé que les militaires formaient une organisation entièrement différente des autres.

Vous avez mentionné les trois armes des forces armées. J'ai toujours considéré que le personnel civil constituait la quatrième arme. Prenez par exemple l'Union des employés de la Défense nationale, dont les membres sont affectés aux diverses bases de tout le pays. Vous avez mentionné le Koweït. En 1990, nous étions à Halifax et ces employés civils ont travaillé avec certains entrepreneurs de 16 à 20 heures par jour pendant six semaines consécutives pour préparer les trois équipes. Il est remarquable qu'ils soient parvenus à terminer ces préparatifs aussi rapidement. Vous auriez dû voir les sourires qui illuminaient leurs visages lorsque ces navires ont quitté le port. Je n'oublierai jamais cette image. Ce fut toute une expérience.

Pour les récompenser, on parle bien sûr dorénavant de la diversification des modes de prestation des services. Bon nombre de ceux qui occupaient ces emplois se verront dire bientôt que leur tâche sera confiée à une entreprise de l'extérieur. La chaîne d'approvisionnement sera confiée à un entrepreneur et l'arsenal maritime à un autre. C'est ce qui se passe partout au pays. Nous savons ce qui est arrivé à Goose Bay. Ce fut un désastre sur le plan des relations publiques et sur tous les autres plans. Gagetown a été fermé, mais ils ont ensuite stoppé la machine.

Monsieur, ces gens forment la quatrième arme de l'appareil militaire, une arme très importante, même s'ils ne font pas partie du personnel militaire. Ils sont extrêmement fiers de ce qu'ils font; ils doivent préparer les militaires de manière à ce qu'ils puissent intervenir en tout temps. Croyez-vous que la diversification des modes de prestation des services constitue réellement une bonne chose pour ces employés? Parce que lorsque vous regardez cette opération globalement, il ne s'agit pas d'une mesure de réduction des coûts. Vous allez épargner de l'argent au début, mais à la fin, ce contrat vous aura coûté beaucoup plus cher et vous ne pourrez certainement pas bénéficier de la loyauté et de la qualité des services que vous obtiendriez d'employés permanents. Selon vous, est-ce que la diversification des modes de prestation des services constitue une bonne idée?

• 1710

Gén Maurice Baril: Je suis content que vous souleviez cette question parce que ce groupe compte un peu plus de 20 000 employés et collègues très dévoués et qu'il leur a fallu, comme nous d'ailleurs, passer de 40 000 à 23 000 d'une manière assez brutale, comme dans toute autre organisation. Vous savez aussi bien que moi que lorsque les affaires ne vont pas bien, les choses peuvent être assez brutales. On peut penser aux employés de Nortel par exemple. Ce groupe compte donc quelque 20 000 employés et non seulement nous ont-ils donné un bon exemple de ce qu'ils pouvaient faire durant les préparatifs pour la guerre du Golfe, mais ils ont également récidivé lors de la tempête de verglas, en particulier à Montréal. Ils se sont occupés du gros centre d'approvisionnement et de l'atelier d'entretien. Je pense qu'ils ont rangé leurs cartes syndicales au début et qu'ils les ont reprises à la fin. Comme vous pouvez l'imaginer, ils étaient très fiers de leur travail. Nous étions si contents de pouvoir compter sur eux à l'époque.

Pour ce qui est de la diversification des modes de prestation des services, nous devons également gérer de manière responsable les sommes qui nous sont confiées et si nous pouvons trouver une meilleure façon de procéder, je pense que nous ne pouvons nous en tenir aux solutions du passé. Le tout doit être fait en consultation avec les employés. Comme vous connaissez bien ces questions, vous savez qu'il existe plusieurs options et notamment la possibilité pour les employés de soumissionner pour les divers projets et ensuite s'en charger. On peut stipuler dans le contrat que l'entreprise se doit d'embaucher un certain nombre de ces employés avec la somme d'argent qui lui est attribuée. Goose Bay est un exemple.

Vous avez manifestement une opinion différente sur les résultats obtenus. Vous étiez peut-être plus au courant de cette situation particulière, mais nous avons déployé ce genre d'efforts. Nous examinons toujours ces dossiers très soigneusement. Comme vous l'avez mentionné, il y a toujours un peu de politique parce que des emplois changent de mains ou qu'il y a au moins des changements de direction.

Les employés civils travaillent très près de nous. Je pense qu'environ 75 p. 100 d'entre eux relèvent directement d'employés du ministère en uniforme. Nous déployons beaucoup d'efforts pour essayer de comprendre leur situation, mais lorsqu'il existe une meilleure façon de procéder, que ce soit pour embaucher moins de gens en uniforme ou pour ne pas avoir à leur demander de faire certaines choses, il nous faut opter pour cette solution.

Je parlais l'autre jour à un adjudant-chef qui était en Bosnie je pense. Comme vous le savez, nous avons remplacé certains employés en uniforme par des entrepreneurs en Bosnie. Nous en avions environ 140. Cet adjudant-chef m'a déclaré: *Il vous en coûte plus cher de demander à des civils d'aller y travailler+. Et je lui ai répondu: *Vous ne comprenez pas, je n'essaie par d'épargner de l'argent dans cette opération; j'essaie de vous épargner, vous et votre famille, en vous envoyant moins souvent dans des opérations+.

Ainsi, d'un côté, nous essayons d'améliorer la qualité de vie de nos employés qui partent trop souvent à l'étranger et nous accordons pour ce faire des contrats à des organisations civiles; d'un autre côté, nous essayons d'épargner de l'argent afin de le réinvestir ailleurs.

M. Peter Stoffer: On m'accordera peut-être une dernière question?

Le président: Très rapidement.

M. Peter Stoffer: Comme Shearwater est situé dans ma circonscription, je suis extrêmement inquiet à propos de l'avenir de cette base. Avec le projet d'hélicoptères maritimes, je suis certain que nous assisterons un jour au remplacement des Sea King. Selon vous, le programme d'hélicoptères maritimes, qui en passant complètent notre marine... Le terrain d'aviation est ici et la marine est là, ils vont très bien ensemble. Il y a toujours des rumeurs qui circulent selon lesquelles Shearwater devrait fermer ses portes. Ce ne sont que des rumeurs qui ne s'appuient sur aucun fait. Mais selon vous, lorsque le projet d'hélicoptères maritimes sera terminé et que nous disposerons des nouveaux appareils, ceux-ci devraient-ils être basés le plus près possible—c.—à-d. à Shearwater—pour répondre également aux besoins de la marine? En d'autres mots, m'aiderez-vous à garder toujours ouverte la base de Shearwater?

Des membres: Oh! Oh!

M. Peter Stoffer: S'il vous plaît.

Gén Maurice Baril: C'est de cet endroit que les Sea King opèrent actuellement.

M. Peter Stoffer: Oui, monsieur.

Gén Maurice Baril: Je pense qu'ils seront basés là pendant encore un certain temps.

M. Peter Stoffer: Mais les appareils qui les remplaceront?

Gén Maurice Baril: Je pense que d'ici à ce que les nouveaux appareils soient disponibles, nous aurons le temps de préparer une analyse de rentabilisation afin de déterminer si ces appareils devraient être basés à Shearwater ou à Greenwood. Selon moi, vous aurez alors l'occasion de faire des représentations au nom de vos électeurs.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Merci monsieur Stoffer.

Monsieur Wood.

M. Bob Wood: J'aurais une question rapide, monsieur le président.

Général, étant donné que l'appareil militaire canadien diminue graduellement avec les années, quand, selon vous, atteindra-t-il un niveau où notre pays ne sera plus en mesure de répondre à ses besoins en matière d'intervention? Où ce processus doit-il s'arrêter? À 55 000 membres? À 10 000 membres? Où ce processus doit-il s'arrêter?

• 1715

Gén Maurice Baril: Je pense que nous nous trouverons toujours devant le dilemme de devoir maintenir un équilibre entre technologie et effectif. Dans 10 ans, serons-nous en mesure de remplir le même mandat qu'actuellement avec 5 000 membres de moins? Bien sûr, nous examinons toujours l'effectif lorsqu'il nous faut réduire les ressources, car cette composante est très coûteuse. Les membres accaparent près de 50 p. 100 de notre budget. Aussi, s'il nous faut couper quelque part et conserver la même capacité, c'est le genre d'équilibre que nous devons chercher à établir. Disposerons-nous à l'avenir d'un genre d'aéronef jetable et sans pilote qui permet de faire de la reconnaissance? Disposerons-nous de bombes qui n'auront plus à être larguées d'un avion et que nous pourrons lancer d'ailleurs? Cela réduirait beaucoup nos effectifs.

Je pense qu'il s'agit d'un effort permanent. Je préférerais disposer de plus de membres. C'est beaucoup plus facile; vous pouvez réduire la pression. Mais l'effort de compression des effectifs demeurera toujours là, car il s'agit d'un élément très coûteux.

Donc, non, je n'ai pas de réponse. Je vous ai dit dans mes remarques préliminaires que nous étions en mesure de nous acquitter du mandat qu'on nous confiait actuellement. Dans 10 ans, selon les orientations que nous suivons et avec les mesures que nous prenons actuellement, nous serons toujours en mesure de nous acquitter de cette tâche. Je ne sais pas si la situation va changer dans cinq ans, mais d'après ce qu'on peut voir et prévoir actuellement, nous sommes sur la bonne voie. Mais si les ressources dont nous disposons ne suivent pas les coûts des opérations, il faudra céder quelque part, et une décision difficile devra être prise.

M. Bob Wood: Merci.

Le président: Merci, monsieur Wood.

Monsieur Benoit, vous avez cinq minutes.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.

Général, tantôt vous avez parlé de notre capacité de combat et vous avez dit que votre déclaration voulant que l'appareil militaire dispose de davantage de moyens actuellement qu'il y a 10 ans n'était fondée sur aucune étude ou preuve tangible. Vous avez bien parlé de la modernisation de pièces d'équipement très vieilles et désuètes, mais je ne pense pas que cela démontre réellement que nous disposons d'une capacité de combat supérieure à ce que nous avions dans le passé.

En fait, le colonel Lewis MacKenzie, lors d'une réunion tenue il y a environ deux semaines, à Toronto, à l'Institut canadien des études stratégiques, a déclaré qu'il était extrêmement important pour les relations Canada-États-Unis que notre pays soit considéré comme disposant d'une capacité de combat et que ce n'était pas la situation actuellement. Il l'a dit d'une manière très claire: on ne considère pas que nous disposons d'une capacité de combat et nous ne disposons pas d'une capacité de combat. Pour appuyer son affirmation, il a ensuite précisé que nos engagements actuels à l'étranger représentent environ la moitié de ce qu'ils étaient au début des années 90. Cela démontre que nous ne disposons réellement pas de la capacité que nous avions il y a 10 ans. Qu'en pensez-vous?

Gén Maurice Baril: En 1989, jusqu'à l'été de 1990 ou jusqu'en mai 1990, nous avions plus d'engagements en Europe. Dans les Balkans, nous avions deux importants groupements tactiques, soit plus de 4 000 membres. Nous avions des navires en fonction à l'époque et nous étions également présents au Sierra Leone. Nous nous sommes aussi occupés de la tempête de verglas au même moment. Donc, je ne sais pas où il prend cette idée.

J'ai dit que nous étions davantage compatibles qu'en 1990, et c'est encore vrai. Si nous commençons à compter et à évaluer notre aptitude au combat selon nos effectifs à l'extérieur du pays, c'est cependant une autre histoire. Je parle de ces effectifs et aussi des plates-formes d'armes et des moyens, de communication notamment dont ils disposent, de leur expérience, leur formation et de ceux qui les dirigent. Je parle de leur capacité de collaborer avec les États-Unis et 15 autres pays et de l'expérience qu'ils possèdent.

Si mon point de vue n'a pas changé, je ne mets toutefois pas en question ses propos car il utilise un barème différent.

M. Leon Benoit: Alors croyez-vous qu'il accorde une grande importance aux effectifs dans son évaluation de l'aptitude au combat? Vous avez également mentionné que l'effectif des forces est d'environ 58 000 actuellement. Or, le Congrès des associations de défense, qui a comparu devant le comité le 26 avril, a dit que l'effectif avait diminué d'environ de moitié au cours des 10 dernières années. Il est difficile d'obtenir des chiffres exacts.

Vous trouverez parmi les documents que nous avons reçus le «Survol du MDN et des FC, Exposé devant le CPDNAC—20 mars 2001». On y indique que les forces maritimes comptent 8 911 membres, les forces terrestres, 20 396 et les forces aériennes, 13 219, soit 42 526 en tout. Je vous demande d'abord qui constitue le reste de l'effectif total de 58 000?

• 1720

Gén Maurice Baril: Je vais m'en remettre à l'expert, qui a fourni ces renseignements ce matin au général Ralston, Commandant Suprême des Forces alliées en Europe.

Vous voulez savoir comment est calculé le chiffre de 58 000. Permettez-moi de revenir en arrière. Vous avez dit, je crois, que de 80 000, nos effectifs sont tombés à 58 000. J'ai mentionné que nos prédécesseurs, les leaders du début des années 90, avaient tout fait pour s'assurer que les unités combattantes ne seraient pas amputées et que notre aptitude au combat serait maintenue. Les compressions ont probablement été effectuées dans les effectifs médicaux, le corps des postes, les communications et ainsi de suite. On n'a pas touché aux troupes de combat et c'est pourquoi j'ai dit que le nombre de régiments blindés et de régiments d'artillerie n'avait pas changé. Le nombre de bataillons d'infanterie est passé de 10 à neuf, et le Régiment aéroporté du Canada a été supprimé.

Notre force de combat est donc inchangée. Je demanderai toutefois à Walt Natynczyk de vous fournir les chiffres s'il les a en mémoire.

Colonel W.J. Natynczyk (chef d'état major J3 International, ministère de la Défense nationale): Vous venez tout juste de parler, Monsieur, des services environnementaux des forces terrestres, des services maritimes et des forces navales.

Vous trouverez ailleurs dans les documents le chiffre de 58 000, que je vous ai communiqué, je crois, ce même jour. Lorsqu'on considère les ressources opérationnelles ou les organisations de manoeuvre plutôt que l'infrastructure et les quartiers généraux, on compte en tout environ 58 000 membres, dont quelque 25 000 dans les éléments de manoeuvre. Ces derniers sont affectés aux navires, aux escadrons et aux escadres qui leur apportent un soutien, aux brigades et aux bases qui les soutiennent. Les autres font partie de l'organisation de formation, ou sont affectés aux quartiers généraux et à d'autres opérations.

M. Leon Benoit: Combien d'entre eux se trouveraient aux quartiers généraux?

Col W.J. Natynczyk: Vous demandez quelle proportion est affectée aux quartiers généraux? Je n'ai pas cette information à la mémoire pour l'instant.

M. Leon Benoit: Est-ce que la plupart des membres affectés aux quartiers généraux ne sont pas comptés dans ces chiffres? On indique que les forces maritimes comptent 9 000 membres et les forces terrestres 20 000. Est-ce qu'il n'y en aurait pas un grand nombre...

Col W.J. Natynczyk: En plus des 42 000 que vous avez mentionnés...

M. Leon Benoit: C'était bien 42 000, en effet.

Col W.J. Natynczyk: ...il y a d'autres organisations, par exemple celles qui s'occupent des ressources humaines—et les établissements centraux de formation chargés de former les recrues. Ils ont déjà été mentionnés à St-Jean—et ne font pas partie des trois éléments sur lesquels vous avez attiré l'attention là-bas. Il y a aussi le personnel de l'infrastructure qui n'est pas compté dans ces chiffres. Au total donc...

M. Leon Benoit: À propos de ces chiffres, est-ce que je pourrais très rapidement...

Le président: Non, monsieur Benoit. Votre temps est écoulé.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur le président, j'ai gardé pour la fin la question la plus intéressante que je veux adresser au général.

On entend souvent des critiques au sujet du ratio général-soldats dans l'armée canadienne. J'aimerais avoir le chiffre. On me parle d'un général pour 700 soldats, alors que dans d'autres armées, le ratio est beaucoup plus élevé.

Il y a aussi la question salariale. Je vous avoue que je suis un peu envieux. Je ne vous demande pas de me donner des chiffres tout de suite, mais est-ce que les chiffres sur les salaires des généraux sont disponibles à l'intérieur de votre ministère ou des Forces armées canadiennes? Combien un général avec quatre feuilles d'érable est-il payé? Combien un général avec trois feuilles d'érable est-il payé? Combien un général avec deux feuilles d'érables est-il payé? Enfin, combien un général avec une feuille d'érable est-il payé? On entend souvent dire aussi qu'on aurait actuellement gelé l'embauche ou la promotion de nouveaux généraux ou d'officiers supérieurs. Cependant, depuis qu'on aurait pris cette décision, il y aurait eu des promotions à l'intérieur. Autrement dit, un général à une étoile serait maintenant un général à deux étoiles. Je ne sais pas si tout ce qu'on me dit est vrai, mais je profite de votre passage ici pour vous le demander. Je savais qu'il vous serait peut-être un peu plus difficile de répondre à cette question qu'aux autres, mais...

Gén Maurice Baril: Non. Attendez...

M. Claude Bachand: Est-ce qu'il y a un plan d'attrition ici? Pouvez-vous répondre à cette question? A-t-on prévu qu'au fur et à mesure que les généraux partent, on ne fera pas monter d'autres personnes en grade afin de ramener le ratio, qui est actuellement de 1 pour 700, à 1 pour 800, 1 pour 900 ou 1 pour 1 000?

Gén Maurice Baril: Dans la fonction publique, y a-t-il un ratio comme celui-là entre les EX-1, 2, 3, 4 et 5 et le nombre d'employés?

M. Claude Bachand: Je ne le pense pas.

Gén Maurice Baril: Je vous demanderais d'aller regarder, à un moment donné, pour voir combien il y a de EX-1, 2, 3, 4 et 5 comparativement au nombre d'employés dans la fonction publique.

• 1725

Dans les Forces armées canadiennes, dans la force régulière, il y a 64 officiers généraux, ce qui inclut le padre, le chef des services médicaux ainsi que mon avocat en chef. En fait, le total est de 70, mais le Canada et le ministre de la Défense nationale ont décidé de prêter certains officiers à d'autres ministères. Deux généraux ont été prêtés à d'autres ministères. Un général à deux étoiles a été prêté aux État-Unis, à ma demande, qui commande la force en Bosnie. Enfin, trois généraux sont en développement professionnel à l'université et font des études postuniversitaires. Voilà qui me donne un total de 70.

Donc, selon les années et selon les dates de promotion, j'ai 68, 69, 70 et parfois même 71 généraux pendant quelques mois, mais on s'en est tenus à 70. Si quelqu'un veut que je prenne un poste additionnel, je vais demander à mon ministre de me donner un général de plus.

Quant au rapport, il est insensé de dire qu'on passe de 80 000 à 60 000 et qu'on devrait réduire le nombre de généraux dans la même proportion. Ce n'est pas comme ça que les choses fonctionnent. J'ai besoin des officiers supérieurs qui ont beaucoup d'expérience. Qu'ils aient sous leur commandement 752 ou 1 152 soldats, c'est un peu irrelevant.

C'est une question de perception, et je dis souvent cela à mon ministre. Pourquoi me gardez-vous au niveau de 70 alors que vous ne le faites pas pour le reste du ministère et que les autres ministres ne le font pas? Je n'ai pas besoin de sa réponse. C'est parce qu'on porte nos grades sur nos épaules et qu'on est reconnus partout.

Je pourrais vous dire le salaire que je gagne, mais ce ne serait pas approprié. Les salaires précis que gagnent mes généraux sont des renseignements personnels qu'on ne peut pas dévoiler, mais on peut dévoiler leur échelle salariale, comme pour tout le monde. Je ne connais pas votre salaire.

M. Claude Bachand: Je m'excuse, mais mon salaire est très bien connu. Ce sont les contribuables canadiens qui payent votre salaire. Ils devraient pouvoir savoir à combien il s'élève.

Gén Maurice Baril: Laissez-moi m'expliquer. Il y a des parties de votre salaire qu'on ne connaît probablement pas parce que c'est très précis. Dans les Forces armées canadiennes et dans la fonction publique, le salaire d'un général et celui d'un employé sont toujours donnés en termes d'une échelle salariale. C'est connu. Je pense d'ailleurs que c'est sur le web.

M. Claude Bachand: D'accord.

Gén Maurice Baril: C'est connu de tout le monde. Mais où le salaire de la personne se situe-t-il dans cette échelle à ce moment-là? C'est un renseignement qui ne peut pas être dévoilé parce que c'est donné selon son rendement. Si on vous dit son salaire exact, on vous dévoile son rendement durant l'année.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Bachand.

[Français]

Gén Maurice Baril: C'est comme pour tout le monde. On est complètement liés à la fonction publique.

[Traduction]

Le président: Général, nous devons vous arrêter maintenant.

Nous avons environ deux minutes, monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Je n'ai pas besoin de deux minutes.

Le président: D'accord.

M. Bob Wood: C'est difficile à croire, de votre part.

M. Peter Stoffer: J'ai une seule chose à dire. J'ai appris, général Baril, que vous nous quitterez bientôt, et au nom de l'ensemble de la population de la Nouvelle-Écosse, ma province d'origine, je tiens à vous remercier des services que vous avez rendus à notre pays.

Gén Maurice Baril: Je vous en prie. Merci beaucoup.

M. Peter Stoffer: Qu'ai-je dit?

Le président: Monsieur Anders.

M. Rob Anders: Je ne pensais pas que la parole me serait enfin accordée.

Ma question...

Le président: Je ne fais qu'appliquer les règles, M. Anders.

Une voix: C'est un boulot embêtant.

M. Rob Anders: Non, je comprends.

Général Baril, vous disiez que les Américains achètent actuellement des véhicules blindés légers. Lorsque vous avez répondu à ma question, vous avez parlé de votre façon de traiter avec les gens. Vous avez dit que vous les évaluez individuellement et d'autres choses du genre, et que votre mandat est de faire le mieux que vous pouvez pour les forces, et ainsi de suite. Bien que vous soyez très fier du fait que les Américains achètent des véhicules blindés légers comme ceux que possède le Canada, il n'en demeure pas moins qu'ils possèdent des chars M1 Abrams. Je parie que beaucoup de membres de l'infanterie canadienne souhaiteraient être protégés des tirs directs par de tels appareils plutôt que par nos vieux chars désuets.

Lorsque les Américains ont offert de nous prêter, sans frais, des chars M1 Abrams—c'est ce que m'ont dit à Calgary des contre-amiraux qui savent ce qu'ils disent même si vous faites valoir le fait qu'ils font partie des forces navales—nous avons refusé ces chars même si nous n'achetons actuellement que des véhicules blindés légers. Pourquoi refuserions-nous ce genre de matériel d'un pays qui préfère nous le donner plutôt que de l'entreposer quelque part?

• 1730

Gén Maurice Baril: Je n'ai jamais refusé ces appareils puisque je n'ai jamais entendu parler de cette offre. Peut-être que les gens des forces navales à Calgary en ont entendu parler, mais moi pas.

Certains ont offert d'acheter le Léopard 1 et le Léopard 2 de pays qui voulaient s'en débarrasser. C'est peut-être la raison pour laquelle ils offrent à d'autres leurs Abrams M1. Ces appareils sont trop lourds et leur entretien trop onéreux. Ils veulent se procurer un autre type de véhicule. Le LAV III muni d'un canon, d'un Chain Gun et du canon léger 105 répondront probablement à leurs besoins. Le Abrams est une machine passablement lourde qui ne passe pas toujours dans les endroits où on doit aller. Il est trop gros et trop lourd, tout simplement.

Le président: Monsieur Anders, vous avez quelques minutes encore.

M. Rob Anders: Vous avez dit, général, que le Canada ne peut être une forteresse. Nous avons l'Arctique au nord, l'Atlantique à l'est—un océan houleux—, le Pacifique qui est le plus grand océan du monde, ainsi qu'une frontière commune avec un autre pays. Si le Canada ne peut être une forteresse, qu'en est-il d'un pays comme l'Autriche qui est complètement entouré d'autres pays? Il est curieux d'entendre l'un de nos généraux dire que notre pays ne peut être une forteresse alors que de trois côtés, nous sommes entourés d'océans.

Gén Maurice Baril: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Est-ce que vous sous-entendez que nous devrions faire de notre pays une forteresse parce que nous sommes entourés d'océans? Il est assez facile de pénétrer dans notre pays par la mer et par les airs à moins que nous en fassions une forteresse. Je crois que nous avons évalué les risques et pris les moyens nécessaires pour protéger notre pays et assurer une surveillance complète de l'espace aérien. Personne ne peut pénétrer dans notre espace aérien sans que nous en soyons informés par la Défense aérienne du continent nord-américain (NORAD). Nous avons le droit de contrôler les mers qui nous entourent. Grâce à différents capteurs et à d'autres moyens, nous sommes renseignés sur ce qui se passe. Faire de notre pays une forteresse veut dire d'empêcher les gens d'y entrer ou de savoir ce qui se passe. Alors nous...

M. Rob Anders: Est-ce que ce n'est pas là votre mandat, monsieur?

Gén Maurice Baril: À mon sens, ériger une forteresse signifie empêcher les gens d'entrer. Vu la façon dont notre monde fonctionne, nous devons savoir ce qui se passe. Lorsqu'il se passe des choses non désirables, par exemple lorsque des immigrants illégaux ou des drogues sont transportés par bateau, nous pouvons intervenir, et je peux vous assurer que nous le faisons très souvent, en collaboration avec d'autres ministères, avec les moyens spéciaux et les ressources à notre disposition.

Il serait très difficile de rendre notre pays totalement impénétrable. Je ne crois pas que cela soit possible. Le Canada est trop grand et les coûts seraient prohibitifs.

Le président: Membres du comité, nous devons maintenant conclure le débat. Nous avons pris plus de temps que prévu, et il reste une question administrative à régler.

Au nom des membres du comité, je vous remercie beaucoup, général et les autres membres des forces présents aujourd'hui, de vos commentaires très instructifs. Nous sommes impatients d'entendre les témoignages de quelques-uns de vos collègues qui comparaîtront devant le comité assez prochainement.

Ce que je souhaitais porter à l'attention des membres du comité, ce sont les changements apportés récemment au Règlement, et plus précisément au paragraphe 81(7), qui autorise un comité à faire des commentaires sur le Budget principal des dépenses. Un comité est également habilité «à examiner les plans et priorités des ministères et organismes dont il examine le budget, pour les années financières futures, et à faire rapport à ce sujet».

Nous sommes tenus, également en vertu du Règlement, à présenter nos conclusions avant le dernier jour de séance régulière en juin. Nous avons donc un délai à respecter pour tout rapport que nous souhaitons préparer sur le sujet.

Si vous souhaitez que certains éléments figurent dans un rapport qui serait préparé par nos attachés de recherche et soumis à la Chambre, cela pourrait être fait au cours des prochaines semaines. Et si vous voulez soumettre des projets et des recommandations concernant les dépenses futures, je vous prie de communiquer avec moi ou avec Wolf Koerner. Nous vous saurions gré de nous les transmettre par écrit. Nous en tiendrons compte lors de la préparation du rapport sur les dépenses futures, qui sera présenté au comité. Nous pourrons, je l'espère, dégager un consensus et présenter le rapport à la Chambre.

• 1735

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Pardonnez-moi, monsieur le président, entendez-vous par dépenses les frais liés à la comparution des témoins que nous comptons inviter?

Le président: Non, car ce sont là des dépenses futures. Cet élément est tiré des documents budgétaires. Le paragraphe 81(7) du Règlement comprend une disposition qu'aucun de vous probablement ne connaît. Je n'en ai entendu parler que récemment au cours d'un entretien avec le leader de la Chambre. Je lui ai parlé de cette idée et de la possibilité d'entreprendre une démarche à ce sujet. Cela est de notre compétence et je crois que nous ne devrions pas rater l'occasion, pour parler bien franchement.

Y a-t-il d'autres questions?

M. Peter Stoffer: Pourriez-vous me donner un exemple?

Le président: Plusieurs exemples pourraient être donnés pour ce qui est des priorités en matière de dépenses futures, par exemple prévoir davantage de crédits pour les réserves, la capacité de transport aérien stratégique, etc. La liste est longue, comme vous le savez sûrement.

M. Peter Stoffer: Oui. Merci.

Le président: Je voulais soumettre cette question au Comité dès que possible pour que nous puissions présenter les recommandations, préparer le rapport et le soumettre au comité puis l'envoyer à la Chambre.

La séance est levée.

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