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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 30 novembre 2004




¿ 0905
V         Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.))
V         L'hon. Tom Osborne (ministre de l'Environnement et de la Conservation, Gouvernement de Terre-Neuve et Labrador)

¿ 0910
V         Le président
V         M. Michael Broad (président, Fédération maritime du Canada)
V         Mme Anne Legars (directrice, Politiques et affaires gouvernementales, Fédération maritime du Canada)

¿ 0915

¿ 0920

¿ 0925
V         Le président
V         M. Peter Cullen (président, Association canadienne de droit maritime)
V         M. John O'Connor (président, Sous-comité sur la pollution marine, Association canadienne de droit maritime)

¿ 0930

¿ 0935

¿ 0940
V         Le président
V         M. Bob Mills (Red Deer, PCC)

¿ 0945
V         M. Michael Broad
V         Le président
V         M. Michael Broad
V         Le président
V         M. Michael Broad
V         M. Bob Mills
V         Mme Anne Legars
V         M. Bob Mills
V         Le président
V         M. Bob Mills
V         M. John O'Connor

¿ 0950
V         Le président
V         M. John O'Connor
V         Le président
V         M. Christian Simard (Beauport—Limoilou, BQ)
V         Le président

¿ 0955
V         M. John O'Connor
V         Le président
V         Mme Anne Legars

À 1000
V         Le président
V         L'hon. Bryon Wilfert (Richmond Hill, Lib.)

À 1005
V         Le président
V         M. Peter Cullen
V         L'hon. Bryon Wilfert
V         M. Peter Cullen

À 1010
V         Le président
V         M. Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley, NPD)
V         Mme Anne Legars
V         M. Nathan Cullen
V         M. John O'Connor

À 1015
V         M. Nathan Cullen
V         M. John O'Connor
V         Le président
V         M. John O'Connor
V         M. Nathan Cullen

À 1020
V         L'hon. Tom Osborne
V         Le président
V         M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC)
V         L'hon. Tom Osborne

À 1025
V         Le président
V         M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.)

À 1030
V         Mme Anne Legars
V         Le président
V         Mme Anne Legars
V         Le président
V         M. John O'Connor
V         Le président
V         M. Peter Cullen

À 1035
V         Le président
V         M. Marcel Gagnon (Saint-Maurice—Champlain, BQ)
V         Le président
V         L'hon. Tom Osborne

À 1040
V         Le président
V         Mme Yasmin Ratansi (Don Valley-Est, Lib.)
V         Le président
V         Mme Anne Legars

À 1045
V         Le président
V         M. John O'Connor
V         Le président
V         M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC)

À 1050
V         M. John O'Connor
V         M. Lee Richardson
V         M. John O'Connor
V         M. Lee Richardson
V         M. John O'Connor
V         M. Lee Richardson
V         Le président
V         M. Michael Broad
V         Le président

À 1055
V         L'hon. Bryon Wilfert
V         Le président
V         M. Peter Cullen
V         Le président
V         M. Brian Jean
V         Le président
V         M. John O'Connor

Á 1100
V         M. Brian Jean
V         Le président
V         M. Marcel Gagnon
V         M. John O'Connor
V         M. Peter Cullen
V         Le président
V         Mme Anne Legars

Á 1105
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 010 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 novembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.)): Bonjour à mesdames et messieurs membres du comité, aux témoins et au grand public. Bienvenue sur la Colline parlementaire et au Comité de l'environnement et du développement durable.

    Sachez que nous examinons actuellement le projet de loi C-15—vous et moi sommes donc dans la bonne salle. Il s'agit de la loi modifiant la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999).

    Comme l'indique l'ordre du jour, nous accueillons la Fédération maritime du Canada, représentée par son président, M. Michael Broad, et sa directrice des politiques et affaires gouvernementales, Mme Anne Legars. Au nom de l'Association canadienne de droit maritime, nous recevons M. Peter Cullen, président, et M. John O'Connor, président du Sous-comité sur la pollution marine.

    Est également présent le ministre Tom Osborne. Nous sommes très heureux que vous puissiez comparaître devant le comité ce matin. Je sais que le tout s'est fait à la dernière minute et c'est pourquoi nous vous sommes reconnaissants d'être ici. Nous sommes impatients de connaître vos idées ainsi que celles des autres témoins.

    On me dit que les témoins ont convenu de l'ordre dans lequel ils vont intervenir. Monsieur le ministre, les autres m'ont dit que vous alliez commencer. Nous entendrons ensuite la Fédération maritime du Canada puis l'Association canadienne de droit maritime.

    Monsieur le ministre, soyez le bienvenu. La parole est à vous.

+-

    L'hon. Tom Osborne (ministre de l'Environnement et de la Conservation, Gouvernement de Terre-Neuve et Labrador): Merci. Il y a toujours des avantages et des inconvénients à être en tête de liste, j'imagine.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité permanent, je suis très heureux de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole devant vous aujourd'hui. La question à l'étude est très importante pour toutes les provinces côtières, mais en particulier pour la région du Canada Atlantique. Je vais essayer de vous faire comprendre en quoi elle a tant d'importance pour Terre-Neuve et Labrador.

    Depuis des années, notre province ne cesse de faire connaître sa pensée à une succession de ministres de l'Environnement à propos de ce dossier. Les principaux éléments du projet de loi C-15 sont l'extension de la compétence des tribunaux, un mécanisme amélioré d'application des lois et l'augmentation du montant des amendes imposées aux contrevenants.

    La pollution par le déversement du mazout de cale est une réalité toute l'année durant. Pendant les mois d'hiver, à cause de la rigueur des conditions climatiques et marines, les navires ont tendance à rester à proximité du littoral. Chaque année, nous voyons littéralement des milliers de cadavres d'oiseaux de mer rejetés sur le rivage. On estime qu'ils ne représentent environ que 5 p. 100 des cadavres d'oiseaux. On sait qu'environ 300 000 d'entre eux sont tués chaque année par la pollution provenant du mazout de cale. Nous savons qu'il en va de même sur la côte du Pacifique.

    Dans la catastrophe de l'Exxon Valdez, quelque 300 000 oiseaux de mer ont été tués. Chaque année, au large de Terre-Neuve et Labrador, il y a un désastre du même ordre. Il s'agit donc d'un problème très réel pour nous.

    Ce que j'appelle des navires voyous déversent leur mazout de cale sans le moindre égard—ou si peu—pour le milieu côtier canadien. Ils polluent nos eaux, tuent notre faune et nuisent à l'économie locale, à la pêche et au tourisme. Au moment où je vous parle, comme chaque année, des oiseaux marins sont rejetés sur le rivage le long de la côte sud de Terre-Neuve. Le week-end dernier, on en a dénombré 300 dans la région de Placentia. Un déversement non identifié en est la cause.

    Le refuge d'oiseaux de Cape Saint Mary est bien connu à l'échelle nationale et internationale. Des milliers de visiteurs viennent dans notre province chaque année uniquement pour se rendre dans un des derniers refuges de cette taille qui existent encore. C'est un lieu unique au monde. Il se trouve directement sur la voie des traînées de mazout qui sont rejetées sur le rivage et qui proviennent des déversements dans les routes maritimes. On ne suffit plus de se croiser les bras. Comme élus, il est de notre devoir d'agir. Pour moi, ce texte est un acte vigoureux de lutte contre le problème.

    Je sais que ces dernières années le gouvernement fédéral s'est penché sur la question. De nouvelles mesures de détection ont été mises en place pour repérer les navires, mais il faut reconnaître que leur succès est mitigé. Cela tient en partie à la différence des sanctions et des condamnations au Canada et aux États-Unis.

    Il faut que le gouvernement fédéral puisse peser avec tout le poids de la loi pour que ses efforts soient couronnés de succès. L'amende proposée d'un million de dollars dans le projet de loi C-15 est la même qui existe aux États-Unis. De fait, il y a trois ou quatre ans, une compagnie de croisière floridienne s'est vue imposer une amende de 20 millions de dollars pour 18 cas de pollution maritime.

¿  +-(0910)  

    On sait qu'un des problèmes rencontrés par le gouvernement dans l'application des lois précédentes est que les tribunaux n'ont pas le pouvoir d'imposer des amendes de cet ordre. Je suis donc heureux que dans ce texte, le montant des amendes soit porté à un million.

    Nous constatons que ces navires considèrent les eaux canadiennes comme un endroit sûr pour déverser leur mazout. La surveillance n'est pas aussi serrée que dans les eaux américaines. Les pouvoirs policiers de nos agents ne sont pas aussi forts que ceux des agents américains. Les amendes imposées ne sont pas aussi lourdes que les amendes américaines. les navires qui viennent polluer nos eaux savent que les lois ne sont pas appliquées. Les risques de se faire épingler sont minimes. S'ils le sont, nos agents ont très peu de pouvoirs. Toutes ces questions sont réglées dans le projet de loi. C'est donc pourquoi notre province en est très satisfaite.

    Une fois que le projet de loi aura été adopté—et je vous encourage à le faire rapidement—je pense qu'il nous appartiendra ensemble, comme gouvernement provincial et gouvernement fédéral, de sensibiliser la magistrature à la nécessité d'imposer des amendes conséquentes.

    On trouve deux catégories de navires dans nos eaux. Il y a ceux qui viennent dans les ports canadiens en provenance de toutes les parties du monde. Il est désolant de les voir continuer à polluer nos eaux. Ils ne sont pas tous coupables. La plupart des navires respectent les règles, mais beaucoup ne le font pas.

    Il est désolant de voir les navires qui mouillent dans nos ports polluer nos eaux mais il est encore plus navrant de voir des navires qui polluent sans même s'arrêter dans un port canadien. Ils viennent de toutes les régions de la planète et traversent nos eaux pour se rendre sur le littoral est américain sans contribuer quoi que ce soit à notre économie. Ils n'ont aucun égard pour les gens qui dépendent pour vivre de nos eaux côtières, pour notre milieu côtier et pour la faune précieuse de nos eaux. Ce texte, je crois, apaisera la plupart de nos inquiétudes.

    Adopter une loi suppose en parallèle la responsabilité de l'appliquer. Il ne faut surtout pas que le gouvernement fédéral oublie qu'une fois en vigueur, la loi devra être appliquée. J'entrevois plusieurs façons de le faire. La patrouille des pêches pourra faire de la surveillance. Il faudra aussi prendre des mesures en coopération avec les États-Unis pour protéger notre littoral. Ce dispositif permettra d'appliquer la loi et d'effectuer la surveillance, mais cela ne suffira pas. Si les navires réalisent qu'ils peuvent continuer de polluer sans risquer de se faire prendre, ils continueront de le faire. Les lourdes amendes ne sont qu'un mécanisme de dissuasion.

    Je remercie le comité de m'avoir permis au pied levé de comparaître ici aujourd'hui. Je serai très heureux de répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Osborne. Monsieur le ministre, nous avons aussi le plaisir d'accueillir votre sous-ministre, M. Paul Dean. Bienvenue à vous, monsieur Dean.

    L'usage au comité est d'entendre tous les témoins puis de vous questionner. Cela vous convient-il?

    Nous allons maintenant entendre M. Michael Broad, président de la Fédération maritime du Canada.

+-

    M. Michael Broad (président, Fédération maritime du Canada): Merci, monsieur le président.

    C'est notre directrice des affaires gouvernementales, Anne Legars, qui fera l'exposé.

+-

    Mme Anne Legars (directrice, Politiques et affaires gouvernementales, Fédération maritime du Canada): Merci.

    Comme mon exposé sera mi en français mi en anglais, je vous suggère de mettre vos écouteurs. Je vais commencer en français.

[Français]

    La fédération représente, depuis plus de 100 ans, les navires qui transportent le commerce international du Canada en provenance ou à destination de ports qui sont à l'est des Rocheuses. Nos membres sont les armateurs, les opérateurs ou les agents de ces navires parmi lesquels on trouve des vraquiers, des pétroliers, des porte-conteneurs, des navires spécialisés et des navires de croisière internationale. Au total, les navires représentés par les membres de la fédération comptent pour plus de 90 p. 100 du trafic maritime international dans les ports canadiens à l'est des Rocheuses.

    À l'ouest des Rocheuses, l'industrie du transport maritime international est représenté par la Chamber of Shipping of British Columbia.

    L'industrie du transport maritime international existe depuis des millénaires et elle a toujours été l'un des fers de lance du développement du droit international privé et public. En effet, puisque les navires passent sans cesse d'un pays à l'autre, il est indispensable pour l'efficacité du commerce international que les règles qui régissent le transport de ce commerce international soient aussi claires, prévisibles et uniformes que possible.

    Le transport maritime international transporte en effet plus de 90 p. 100 du volume du commerce mondial de marchandises. C'est ainsi qu'il est aujourd'hui encadré par un ensemble très serré de conventions internationales et de normes qui régissent autant le navire et ses caractéristiques techniques que son équipement à bord, la gestion de ses opérations, le traitement de son équipage, les registres qu'il doit tenir, les certificats qu'il doit détenir et les rapports qu'il doit fournir en arrivant dans un nouveau pays.

    Mais ce qui met le transport maritime à l'avant-garde du droit international, et plus particulièrement à l'avant-garde du droit international de l'environnement, ce sont ses mécanismes de mise en oeuvre: afin d'assurer à la fois la conformité aux normes internationales et la fluidité des flux de marchandises et d'approvisionnement, les États côtiers ont le droit et le devoir d'inspecter les navires qui font escale dans leurs ports et de les détenir lorsqu'ils ne sont pas conformes aux normes internationales.

    Les résultats de ces inspections sont versés dans une base de données internationale à laquelle ont accès les autorités afin de cibler leurs inspections. En contrepartie, les États côtiers ne peuvent arraisonner ou dévier des navires que dans des cas bien spécifiques et particulièrement graves. En cas de problème avec un navire en transit, la solution qui est sinon prescrite par les conventions, est de demander aux autorités du prochain port d'escale de faire enquête et de coopérer avec les autorités du pays qui ont effectué le signalement. Ce système de mise en oeuvre est appelé le « contrôle par l'État du Port », ou Port State Control, dans le jargon du droit international.

    Le communiqué de presse sur la conférence de Vancouver, que j'ai fait suivre au greffier du comité, explique ce système de contrôle par l'État du Port.

    Parce que le transport maritime international est extrêmement dépendant d'un cadre juridique international cohérent, l'un des rôles clés de la fédération est de suivre la mise en oeuvre au Canada des conventions maritimes internationales dont le Canada est partie. À cet égard, la fédération joue le rôle d'un chien de garde, et cela fait six mois, mesdames et messieurs les membres du comité, que ce chien de garde aboie pour faire savoir aux élus et au gouvernement que le projet de loi C-34, devenu depuis le projet de loi C-15, ne cadre pas avec les obligations internationales du Canada.

    Vous êtes les premiers, en six mois, à accepter de prêter une oreille attentive à ce chien de garde, et nous vous en sommes reconnaissants.

    Tel qu'annoncé dans le résumé de notre témoignage, nous voulons vous faire connaître nos préoccupations, vous suggérer des moyens de remédier à ces préoccupations et surtout insister sur la nécessité de renforcer la protection de l'environnement marin au-delà du projet de loi C-15.

¿  +-(0915)  

[Traduction]

    Nos préoccupations au sujet du projet de loi C-15 sont de deux ordres : national et international. Au plan national, nous sommes fort préoccupés de voir que le projet de loi C-15 fait double emploi avec la Loi sur la marine marchande du Canada, qui est la principale loi canadienne sur la pollution causée par les navires et qui tient compte des conventions et normes internationales.

    Plus il y a d'organismes et de ministères mêlés à un dossier, plus il est probable qu'il y ait des problèmes de coordination et d'application. Nous ne croyons pas que d'étendre la compétence en matière de pollution causée par les navires, que comporte la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs de 1994 et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999, soit une initiative efficace. Tant que les mesures prises par le Canada respectent le cadre des conventions internationales dont il est signataire, la façon dont l'État répartit les responsabilités entre ses divers ministères est un choix souverain, peu importe l'efficacité du résultat.

    Mais au niveau international, la préoccupation est autre. En effet, nous estimons que diverses dispositions du projet de loi C-15 ne sont pas conformes aux conventions internationales ratifiées par le Canada. Notre mémoire écrit souligne les articles précis du projet de loi qui vont à l'encontre de dispositions précises de conventions internationales : actions au-delà des eaux territoriales du Canada de dispositions non conformes au droit international; l'octroi de droits de vote; de pouvoirs réglementaires et d'arraisonnement; de pouvoirs de déviation, d'arrestation et de détention, ainsi que le type de sanctions qui peuvent être imposées, dans tous les cas ne sont pas conformes au droit international.

    Vous l'avez peut-être constaté, comme représentants de ce secteur, nous nous concentrons principalement sur les dispositions qui auraient une incidence sur la navigation maritime et sur l'exploitation des navires, parce qu'elles vont à l'encontre des conventions comme UNCLOS et MARPOL. Cela dit, nous endossons les points de vue et recommandations de l'ACDM, pour les questions de responsabilité judiciaire.

    Nous avons noté que le projet de loi contient deux sauvegardes, l'une au sujet de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs de 1994, voulant que le procureur général du Canada consente au préalable à la prise de certaines mesures; et une autre, au sujet de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999, portant que le ministre de l'Environnement doit consentir au préalable à la prise de certaines mesures. Comme nous le disons dans notre mémoire, nous croyons toutefois que ces sauvegardes sont nettement insuffisantes, d'abord parce qu'elles ne portent que sur certains articles du projet de loi qui s'écartent du droit international et, ensuite, parce qu'elles ne précisent pas explicitement que le procureur général ou le ministre devra appliquer le droit international quand on lui demande une autorisation préalable à la prise des mesures prévue par la loi.

    Que proposons-nous, au sujet du projet de loi C-15? Bien sincèrement, nous proposerions d'emblée de retirer le projet de loi, puisque nous croyons fermement qu'il n'est pas nécessaire pour protéger le milieu marin contre la pollution causée par les navires, parce qu'il fait double emploi avec la Loi sur la marine marchande du Canada et enfin, parce qu'il contrevient à bon nombre de conventions internationales. Toutefois, il devient de plus en plus apparent que le projet de loi est une priorité dans les milieux politiques, sans parler du fait qu'il est accrocheur pour l'ensemble de l'échiquier politique. Après tout, qui se prononcera contre la vertu?

    Pour les raisons précitées, nous comprenons qu'il serait futile de demander le retrait du projet de loi et nous consacrons plutôt nos énergies à réparer ce qui peut l'être. Il y a un fossé entre certaines dispositions du projet de loi et certains articles de conventions internationales pertinentes. Nos recommandations à ce sujet figurent dans notre mémoire.

    Comme je l'ai dit dans mon introduction, il est essentiel pour l'industrie du transport maritime international et pour le commerce international qui en dépend, de pouvoir compter sur un régime juridique international clair.

    Nous avons même une proposition de rechange. Nous proposons que tous les articles du projet de loi C-15 qui sont contraires au droit international fassent l'objet d'une sauvegarde, comme le paragraphe 18(3) qui nécessite l'approbation préalable du procureur général du Canada. La sauvegarde associée au ministre de l'Environnement n'est pas valable à nos yeux, parce qu'il est trop soumis aux aléas de la politique. Cette sauvegarde nécessiterait aussi que le procureur général du Canada tienne compte des conventions pertinentes dans la prise de décisions. Quoi qu'il en soit, les gardes-chasse qui font l'inspection à bord des navires devraient être accompagnés par des inspecteurs de Transports Canada qui connaissent les conventions, les normes et les certificats internationaux pertinents.

    Outre le projet de loi C-15, d'autres mesures sont disponibles et on doit y recourir le plus possible.

¿  +-(0920)  

[Français]

    Parlons donc un peu des moyens qui devraient être mis en oeuvre afin de renforcer la protection de l'environnement marin. Le premier moyen devrait être la mise en oeuvre vigoureuse du régime juridique international et du contrôle par l'État du Port. Nous soutenons donc les initiatives visant à renforcer la mise en oeuvre du régime international et nous saluons le rôle de chef de file que joue le Canada à cet égard comme il vient de le démontrer, une fois encore, à Vancouver le mois dernier.

    Le droit international prévoit également la création de zones spéciales pour lesquelles les normes antipollution sont encore plus sévères. La Baltique, la Méditerranée, l'Antarctique ont ainsi été déclarées zones spéciales en vertu du droit international. En contrepartie, cependant, l'État côtier doit veiller à ce que des installations de réception des résidus soient disponibles dans ses ports. Alors, si le Canada veut faire désigner certaines de ses eaux comme zones spéciales en vertu du droit international et faire en sorte que des installations de réception de résidus soient disponibles dans les ports, il aura le soutien de l'industrie.

    Nous sommes également en faveur de solides pénalités dans les cas de pollution, spécialement dans les cas de pollution volontaire. Si la différence de montant de pénalités entre les États-Unis et le Canada est considérée comme un incitatif à polluer au Canada plutôt qu'aux États-Unis, augmentons le montant des amendes au Canada. Vous aurez notre appui.

    Nous estimons également prioritaire, avec ou sans le projet de loi C-15, que la coopération entre les différents ministères impliqués lors des cas de pollution soit consolidée et rendue plus efficace, car lorsqu'un pollueur passe à travers les mailles du filet à cause d'une mauvaise coordination entre les différents ministères, c'est l'image de l'industrie maritime toute entière qui en souffre et les bons opérateurs aussi.

    En un mot, il y a beaucoup qui peut être fait et qui doit être fait pour renforcer la protection de l'environnement marin. Cela nécessite cependant de mobiliser les énergies de tous les acteurs concernés, du côté du gouvernement comme de l'industrie, des groupes environnementaux et des syndicats. Cela demande plus de temps et d'efforts que de passer à la sauvette une loi imparfaite, mais ce sont le temps et les efforts qui portent fruit à long terme. Nous sommes prêts à être des partenaires dans cet effort.

    Nous suggérons même de prévoir une révision quinquennale de la loi pour évaluer son application ainsi que les progrès atteints.

    Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de votre attention. Je vous remercie surtout d'avoir accepté d'ouvrir le débat sur les questions importantes soulevées par le projet de loi C-15.

¿  +-(0925)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, madame Legars. Nous apprécions votre participation.

    Nous passons maintenant à l'Association canadienne de droit maritime, représentée par MM. Cullen et O'Connor.

+-

    M. Peter Cullen (président, Association canadienne de droit maritime): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Mesdames et messieurs, permettez-moi d'abord de vous remercier au nom de l'Association canadienne de droit maritime pour cette invitation à vous faire part de nos principales préoccupations au sujet du projet de loi C-15.

    Mais auparavant, j'aimerais vous dire quelques mots au sujet de notre association. Elle a été créée en 1951 pour promouvoir l'étude et la promotion du droit maritime et de son application au Canada, notamment l'uniformité du droit maritime. Nos administrateurs et nos dirigeants sont tous des bénévoles et nos membres font partie de la marine marchande canadienne de l'ensemble du pays, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique, qu'ils soient gens d'affaires, avocats, assureurs, courtiers, experts en sinistres, importateurs ou exportateurs.

    Nos membres comprennent aussi bon nombre de groupes qui ont présenté des mémoires sur ce projet de loi à votre comité, par exemple, cela va de soi, la Fédération maritime du Canada, la Chamber of Shipping of British Columbia, l'Association des armateurs canadiens, l'Institut canadien des produits pétroliers, l'Association du Barreau canadien et la Guilde de la marine marchande du Canada.

    En collaboration avec les associations nationales de droit maritime d'autres pays, nous participons à l'étude et à l'élaboration du droit maritime international au sein des Nations Unies, dans le cadre de l'OMI de la CNUDCI et du Comité maritime international. En juin dernier, nous avons accueilli pour le CMI une conférence d'une semaine à Vancouver sur le droit maritime international portant notamment sur la pollution; 400 participants y assistaient provenant de plus de 40 autres associations nationales de droit maritime.

    Au nom de l'association, j'ai écrit au ministre de l'Environnement cette année, pour présenter nos réserves au sujet du projet de loi antérieur à celui-ci, soit le projet de loi C-34. Ces préoccupations traduisent la position unanime du conseil d'administration de l'association; pour des questions législatives, la simple majorité ne suffit pas. Mon collègue, John O'Connor, président du Sous-comité sur la marine et la pollution a de nouveau présenté cette lettre le 12 novembre, dans le contexte du projet de loi C-15. Je lui céderai sous peu la parole, pour les questions de fond sur le projet de loi.

    Le projet de loi C-15 comporte bon nombre de graves lacunes dont traitera M. O'Connor. En écoutant nos arguments sur ces lacunes, nous vous prions de ne pas oublier que comme tout le monde dans cette pièce, notre association n'est pas en faveur des navires qui sans scrupule déversent délibérément des polluants dans le milieu marin. Là-dessus, je ne peux que répéter les propos de l'honorable député de Terre-Neuve.

    D'ailleurs, l'objectif de MARPOL et d'autres conventions internationales dont on a parlé et qui ont l'appui de notre association veulent contrer cela. Il s'agit d'offrir un cadre international efficace permettant d'exercer des contrôles nationaux dans le but de limiter de tels incidents de pollution.

    M. O'Connor vous en parlera plus en détail.

    Merci.

+-

    M. John O'Connor (président, Sous-comité sur la pollution marine, Association canadienne de droit maritime): Merci, monsieur le président.

[Français]

    Je remercie aussi tous les membres du comité de nous donner l'occasion de faire connaître notre position sur ce projet de loi.

¿  +-(0930)  

[Traduction]

    En écoutant le ministre de Terre-Neuve et Labrador, M. Osborne, j'ai noté quatre choses. Je pense qu'il a très brièvement évoqué les quatre piliers de ce projet de loi, et je ne doute pas qu'il me reprenne si je me trompe. Il a donc dit, si j'ai bien compris, que ce nouveau texte de loi était nécessaire pour protéger les oiseaux marins. Ensuite, il a affirmé qu'à son avis, l'élargissement de la compétence des tribunaux canadiens, j'imagine qu'il parlait de la zone économique, faciliterait les mesures d'application. Il a également déclaré que le projet de loi, dans sa structure actuelle, permettrait une meilleure application des dispositions, et enfin, que les amendes plus lourdes dissuaderaient les navires voyous, c'est cela qu'il a dit je crois, qui viennent polluer nos eaux. Notre association, l'Association canadienne de droit maritime, est résolument favorable à tout texte de loi, à toute initiative qui permet d'imposer des amendes aux propriétaires de navires voyous de manière à réduire la pollution, et ainsi de suite.

    Mais à notre avis, ce projet de loi ne permettra d'atteindre aucun de ces quatre objectifs.

    Pour ce qui est de savoir si ce texte est nécessaire pour protéger les oiseaux marins, notre position est que, certes, nous voulons protéger les oiseaux de mer, mais qu'il existe déjà des lois pour le faire. Il s'agit simplement de les faire appliquer, et il n'est pas nécessaire d'avoir une nouvelle loi qui serait redondante; c'est la loi actuelle qui doit être appliquée, il n'en faut pas une nouvelle. La Loi de la marine marchande et la Loi de 2001 sur la marine marchande qui viendra bientôt la remplacer, aussitôt que la réglementation sera prête, prévoit déjà des amendes qui atteignent un million de dollars. Cette loi s'applique aussi déjà dans la ZEE. Et elle couvre tous les aspects de la pollution, y compris les oiseaux mazoutés.

    Ce que nous disons, c'est qu'au lieu de diluer les efforts entre différents ministères, entre différentes lois et entre différents aspects de l'exécution de la loi, il n'en faudrait qu'un seul afin que les fonds publics puissent être utilisés de la façon la plus efficace possible pour faire respecter les lois. À notre avis donc, ce texte de loi ne va pas permettre d'atteindre les objectifs que nous souhaitons tous, mais nous ne sommes pas optimistes au point de penser que vous allez recommander au Parlement de rejeter le projet de loi.

    Nous essayons simplement de suggérer certains changements qui, à notre avis, pourraient améliorer le projet de loi et qui devraient y être apportés. Le premier concerne le droit international, et Mme Legars, la représentante de la Fédération maritime, a été fort éloquente à ce sujet il y a quelques instants, de sorte que je ne vais pas répéter ce qu'elle a déjà dit. Mais peut-être en la prenant pour muse, pourrais-je dire en français,

[Français]

    Le Canada est un pays souverain. Je pense que nos députés du Bloc québécois comprendront cet adjectif. Cela veut dire que nous avons la liberté d'agir au plan international, que nous ne sommes pas obligés de conclure des traités avec d'autres pays et que nous ne sommes pas obligés de signer des conventions avec d'autres pays. Toutefois, si le Canada le fait, nous affirmons que même en étant souverain, le Canada a l'obligation de respecter ce qu'il a signé.

[Traduction]

    Le Canada a adopté plusieurs conventions internationales de sa propre volonté, des conventions que notre association soutient. Nous estimons que le projet de loi va à l'encontre de nos obligations internationales et, pour parler franc, nous donne l'air stupide. C'est un peu comme si nous signons une convention puis, six ou douze mois plus tard, nous légiférions pour dire que nous n'avions pas lu la convention que nous avons signée.

    Le meilleur exemple est la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer à laquelle pratiquement tous les pays du monde ont adhéré et que le Canada a lui-même ratifiée il y a un an, le 6 novembre 2003. Et nous voici ici, devant un comité, pour parler d'un texte de loi qui est contraire aux engagements que nous avons pris en signant cette convention. Et l'exemple que nous vous donnons est que, certes, c'est ce qu'ils font aux États-Unis. George Bush arrive aujourd'hui, et peut-être devrions-nous accorder un peu plus d'attention à ce que font les Américains. Mais la réponse à cela est que les États-Unis ont refusé de signer cette Convention des Nations Unies et ils n'ont adhéré à presqu'aucune des conventions signées par le Canada. Par conséquent, les États-Unis sont manifestement souverains à leur propre manière, et ils sont libres de faire ce que bon leur semble.

    Mais nous, nous devons prendre une décision. Devons-nous adhérer à une convention et la respecter ensuite, ou alors ne pas y adhérer? Si le Canada a décidé d'adhérer à la convention, à ce moment-là nous devons la respecter. Et adopter une loi qui est contraire à ce que nous avons fait il y a 12 mois sur le plan international nous donne l'air un peu idiot, si vous me passez le terme.

    Mais la Convention sur le droit de la mer n'est pas la seule à laquelle contrevient le projet de loi. Incidemment, Anne Legars a dit en quoi le projet de loi y contrevenait. Il contrevient à la façon de faire appliquer la loi dans la zone économique, ce que précise très clairement la partie XII de la convention et doit être fait de façon très claire et très diplomatique. Mais il y a aussi d'autres conventions auxquelles ce projet de loi contrevient, et en particulier la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, MARPOL, qui est la principale convention internationale concernant la pollution provoquée par les navires, la pollution des mers. C'est une convention à laquelle pratiquement tous les pays du monde ont adhéré, le Canada ne faisant pas exception.

    Le projet de loi fait deux choses. Pour commencer, il impose aux navires qui transitent par nos eaux certains registres que la convention MARPOL n'exige pas, ce qui selon moi est contraire à nos obligations en vertu de cette convention. En second lieu, ce qui est peut-être plus important encore, le projet de loi recoupe la loi d'application que nous avons adoptée après avoir signé la convention MARPOL, une loi qui prévoit des amendes d'un million de dollars et qui permet tout ce que ce projet de loi-ci veut également faire. Cela se trouve déjà dans la Loi de la marine marchande, et cela se trouvera aussi dans la Loi de 2001 sur la marine marchande lorsqu'elle aura été adoptée. Notre association a déjà comparu devant ce même comité il y a trois ans, c'était en 2001, pour appuyer le projet de loi en question, et les obligations auxquelles nous avons souscrit dans le cadre de la convention MARPOL figurent dans le texte de la LMM de 2001.

    Une troisième convention à laquelle le projet de loi contrevient est la Convention sur la responsabilité civile que le Canada a signé en mars 1989. Cette convention est un compromis entre les armateurs et le secteur pétrolier. Elle ne concerne que les navires-citernes, certes, mais il n'empêche que ce projet de loi-ci permettrait au gouvernement d'imposer à un navire-citerne une responsabilité civile contraire à nos obligations aux termes de la convention. La Convention sur la responsabilité civile était, comme je l'ai dit, un compromis entre la participation financière de l'industrie pétrolière et celle de l'industrie du transport maritime, et ce texte-ci nous permettrait de nous en prendre encore plus au milieu du transport maritime, ce qui est contraire à la convention, uniquement en ce qui concerne les navires-citernes.

    Nous sommes d'avis que le projet de loi pourrait être modifié, et qu'il devrait l'être, qu'il doit même l'être afin que les engagements que nous avons pris en signant la convention puissent être honorés. Pour nous, c'est cela la souveraineté.

    S'agissant maintenant de la redondance, il y en a deux éléments. Il faut savoir qu'il existe au moins quatre textes de loi qu'on peut invoquer pour intenter des poursuites pénales en cas de pollution. Ce projet de loi en mentionne deux, la Loi de 1999 sur la protection de l'environnement, et la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Mais il y en a encore deux autres, la Loi sur les pêches et la Loi sur la marine marchande. Le problème tient au fait qu'il y a recoupement des responsabilités pénales, ce qui à notre avis amoindri les effets de la loi.

    Prenons un exemple : un navire pourrait être accusé d'avoir pollué en vertu d'une de ces quatre lois, mais admettons que le ministère civil n'ait pas choisi la bonne. Cela a été le cas récemment dans la province de Terre-Neuve et Labrador, où le procureur général avait mal choisi la loi qu'il a invoquée. Le ministère civil n'y avait pas vraiment réfléchi, et il a choisi la mauvaise loi. Il faudrait au contraire essayer de concentrer nos efforts au même endroit en choisissant un régime complet auquel on pourrait avoir recours sans risquer de se tromper pour poursuivre les pollueurs.

¿  +-(0935)  

    En ce qui concerne la responsabilité civile, le projet de loi est également en partie redondant puisqu'il permet deux recours en indemnisation en cas de pollution, alors que l'actuelle Loi sur la responsabilité maritime adoptée par le Parlement en 2001, prévoit déjà tout un système d'indemnisation. En effet, la partie 6 de la loi concerne expressément l'indemnisation civile et prévoit deux recours. Un particulier peut faire une demande d'indemnisation aux termes de la loi, laquelle prévoit par ailleurs dans un autre article—je les ai ici si vous voulez les voir— qu'un tribunal peut, en prononçant une peine, exiger le remboursement des frais de nettoyage et ainsi de suite.

    Nous ne nous opposons pas à ce qu'on ordonne à un pollueur de payer, nous sommes tout à fait d'accord là-dessus. Mais la réalité est qu'en diluant des lois différentes, c'est également le financement gouvernemental qui est dilué, ce qui amoindrit par conséquent les possibilités de lutter efficacement contre la pollution.

    Enfin, le projet de loi impose aux employés une responsabilité pénale au sens strict pour le fait d'autrui. « Au sens strict » signifie qu'il n'y a ni faute, ni négligence. « Du fait d'autrui » signifie que même si c'est quelque chose que vous n'avez fait vous-même, vous en serrez tenu responsable. Cela vaut pour les capitaines et les officiers mécaniciens en chef, selon le libellé du projet de loi. Les capitaines et les officiers mécaniciens en chef sont les employés des compagnies de navigation et, s'ils causent une pollution, il faut qu'ils soient tenus responsables comme n'importe qui. Mais les parties des dispositions du projet de loi qui portent sur le fait d'autrui reviennent à dire que le capitaine et l'officier mécanicien en chef seront tenus pour responsables, peu importe qu'ils aient eux-mêmes pollué, qu'ils aient été ou non au courant, et cela à notre avis est injuste.

    L'un des membres de l'association est la Guilde de la marine marchande du Canada dont a déjà parlé il y a quelques instants et qui représente les capitaines et les officiers mécaniciens en chef partout au Canada. C'est un peu comme un syndicat. Sous le régime du projet de loi, les membres de la Guilde seraient tenus pénalement responsables du fait d'autrui et risqueraient des amendements allant jusqu'à 1 million de dollars pour un acte qu'ils n'auraient pas commis. Voilà une autre chose que nous voulions souligner.

¿  +-(0940)  

[Français]

    En conclusion, tout comme la Fédération maritime du Canada, nous suggérons que le comité prenne une décision aujourd'hui. Nous suggérons qu'on se donne quelques heures, au lieu de courir et de faire l'étude article par article en 15 minutes après deux questions. Nous sommes là.

    Il y a ici trois juristes qui ne vous coûteront rien. C'est rare. Nous sommes tous les trois prêts à vous aider à rédiger cinq ou six articles qui amélioreront énormément ce projet de loi qui a déjà l'appui de tous les partis politiques. Il sera encore plus attrayant si on l'améliore et si on le corrige. Nous sommes ici, séance tenante, pour vous aider à le faire, si vous nous en donnez la chance.

[Traduction]

    Monsieur le président, voilà qui conclut mon exposé.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur O'Connor.

    Nous vous remercions tous et toutes pour vos propositions ainsi que pour vos éclaircissements.

    Nous allons donc maintenant donner la parole aux membres du comité selon notre formule officielle qui prévoit un premier tour de questions de dix minutes par intervenant, avec alternance entre les parties, puis des tours supplémentaires de cinq minutes.

    Nous allons commencer par M. Mills.

+-

    M. Bob Mills (Red Deer, PCC): Merci beaucoup.

    Merci à vous d'être venus ce matin.

    Cela me fait penser à 1996, lorsque j'avais pour la première fois posé une question au sujet des oiseaux qui mourraient à Terre-Neuve. Il n'y a pas grand-chose qui a changé depuis. Chaque année, des centaines de milliers d'oiseaux meurent et les populations d'oiseaux sont sérieusement décimées. Les gens de Terre-Neuve et ceux qui vivent le long du littoral sont vraiment inquiets. Vous nous dites qu'il y a des lois qui sont déjà opérantes. De toute évidence, bien des gens ne seraient pas d'accord là-dessus.

    Tout dernièrement, une plate-forme de forage a eu une fuite. Je sais que les analyses effectuées sur les oiseaux morts qui se retrouvent sur les côtes révèlent que ces oiseaux ont été mazoutés par des navires qui, en traversant la nappe de pétrole, en ont profité pour déballaster, sachant qu'ils ne seraient pas repérés. Manifestement, cela en dit long sur l'intégrité de l'industrie de la navigation maritime et du groupe que vous représentez. Si les responsables sont prêts à faire ce genre de choses, cela veut manifestement dire qu'ils seraient également prêts à violer n'importe quelle loi. Je soutiens donc qu'il n'y a aucune loi qui protège adéquatement les oiseaux et la faune dans ce secteur.

    C'est bien beau de venir ici nous dire que ce projet de loi n'est qu'un ramassis... Vous avez bien dit que nous aurions l'air idiot si nous adoptions un projet de loi comme celui-là, que cela revient simplement à suivre ce que font les Américains? Je ne le pense pas. Je pense qu'il s'agit plutôt de protéger la faune. Il s'agit de tous ces oiseaux morts qui sont rejetés sur les côtes depuis fort longtemps. Il est grand temps de nous ayons une loi qui soit effectivement opérante.

    Je sais que nous sommes souverains dans ces eaux dès lors que nous signions des instruments internationaux, et que cela devrait par conséquent nous incomber. Mais peut-être ne devrions-nous pas signer autant de traités que nous le faisons, mais c'est une toute autre question.

    Ce qui est certain, c'est que nous prenons cela très au sérieux. Nous avons besoin de cette loi, il nous faut exercer une surveillance, comme vous l'avez vous-même dit, et il faut également faire respecter les lois qui existent déjà.

    J'ai suivi le cheminement du projet de loi et j'espère qu'il permettra de mettre fin aux guerres territoriales en nous permettant d'effectuer une meilleure surveillance afin de pouvoir arraisonner ces navires. J'espère qu'en utilisant l'imagerie satellitaire et toute la technologie dont nous disposons aujourd'hui, qu'en travaillant en étroite collaboration avec la Défense nationale et la Garde côtière, nous allons pouvoir commencer à coincer quelques-uns de vos membres et à faire appliquer les lois qui existent déjà. J'espère que les amendes seront aussi lourdes que celles qu'imposent les États-Unis, précisément pour empêcher ce genre de pollution. Par ailleurs, je pense également qu'il est important que, grâce à ce projet de loi, les ministères des Transports, de la Justice, de la Défense nationale et de l'Environnement vont pouvoir travailler de concert et, quand ces bateaux seront arraisonnés, que l'on fera vraiment quelque chose.

    Vous nous dites que le capitaine ne devrait pas être tenu responsable. Mais qui doit l'être alors? Si la personne qui a le commandement du navire... Peu importe qu'il l'ait fait ou non, il faut que quelqu'un puisse être tenu responsable. Le capitaine ne peut pas continuer à pointer du doigt quelqu'un d'autre et s'en tirer aussi facilement.

    Alors j'imagine que je commencerai par vous demander quelles seraient les conséquences si le projet de loi était adopté en l'état? Que se passerait-il selon vous dans l'industrie du transport maritime que vous représentez?

¿  +-(0945)  

+-

    M. Michael Broad: Tout d'abord, comme Canadien, la pollution par les navires m'inquiète beaucoup.

    Laissez-moi vous poser une question. Quelle partie de notre exposé va à l'encontre de votre position?

+-

    Le président: Monsieur Broad, permettez-moi d'intervenir. C'est quelque chose que vous pouvez laisser entendre dans vos réponses; nous allons revenir à M. Mills. Si nous vous demandons votre position, c'est pour nous permettre d'y réfléchir. Je préférerais qu'on ne se lance pas dans ce genre de débat, si vous le voulez bien. Je ne crois pas que ce soit fructueux.

+-

    M. Michael Broad: D'accord.

+-

    Le président: Peut-être pourriez-vous répondre à la question.

+-

    M. Michael Broad: Tout ce que nous disons, c'est que nous aimerions que soient apportés au projet de loi C-15 des amendements dont nous pourrions nous accommoder. Le Canada a été un leader quand il a adhéré à des conventions internationales et, de fait, il participe même à leur préparation. Nous estimons qu'il faut respecter ce que signe le Canada; nous pensons que grâce à nos amendements, il est possible de gagner sur les deux tableaux. C'est tout ce que nous disons. Nous aimerions savoir si vous avez lu nos amendements.

+-

    M. Bob Mills: Les fonctionnaires du ministère l'ont mentionné lorsqu'ils ont témoigné devant le comité. Chose certaine, ils n'ont relevé aucun conflit entre le droit international et ce que nous avons sous les yeux. Comme je l'ai dit, nous avons bien apporté des changements au projet de loi C-34 pour corriger les problèmes qu'il renfermait. Mais je pense qu'il est temps de passer aux actes.

    Quant à emboîter le pas aux Américains, s'ils ont une loi qui est efficace, ce qui semble être le cas—le ministre a mentionné les amendes infligées aux compagnies de croisière—alors c'est dans cette direction qu'il faut aller.

+-

    Mme Anne Legars: Comme nous l'avons dit, ce ne sont pas des amendes élevées qui nous dérangent; nous n'avions rien contre une application plus rigoureuse des lois. Le problème, c'est d'en arriver à un cadre international. C'est essentiel pour un secteur comme le nôtre qui est international par définition. Il faut que le cadre dans lequel s'inscrit la loi soit le même pour tous les pays.

+-

    M. Bob Mills: Je pense que la solution, au lieu de discuter des amendements, serait d'obtenir un avis juridique du ministère de la Justice. Le projet de loi a été passé au crible et approuvé avant de nous être transmis; comment se fait-il tout à coup qu'on trouve toutes ces contradictions? J'ai du mal à croire, monsieur le président, que nos fonctionnaires seraient incompétents, comme vous le dites, au point de nous présenter un tel projet de loi.

+-

    Le président: Monsieur Mills, si vous me le permettez, des représentants du ministère de la Justice sont ici. Si des questions surgissent, le personnel peut les formuler et obtenir une réponse. J'aimerais qu'on s'en tienne à l'interrogatoire des témoins pour obtenir l'information relative à leur témoignage. Le comité pourra ensuite décider s'il veut comparer leurs réponses à...

+-

    M. Bob Mills: Puis-je revenir à ma question sur les conséquences qu'aurait, pour l'industrie du transport maritime, l'adoption de ce projet de loi. Quelles en seraient les conséquences sur le plan commercial?

+-

    M. John O'Connor: Puis-je répondre à la question?

    Je vous remercie de la question. Tout d'abord, merci de nous écouter. Je crois que c'est important. La dernière fois que j'ai comparu devant ce comité, il n'y a pas eu beaucoup de très bonnes questions.

    Je crois que la réponse à votre question, c'est que cela risque d'influer sur l'industrie du transport maritime de différentes façons. Moi aussi j'ai trouvé inquiétant d'apprendre que le ministère de la Justice y avait souscrit. Le fait que cela ira à l'encontre des conventions internationales risque de donner lieu à de nombreux procès. Cela ne signifie pas qu'il y aura un navire qui sera arraisonné chaque jour. Cela est faux. Malheureusement, ces problèmes se produisent régulièrement, mais pas quotidiennement, je crois.Malheureusement, c'est une chose qui se produit régulièrement, peut-être chaque semaine. Il y aura beaucoup de poursuites, tout d'abord—des poursuites inutiles, ce qui sera coûteux.

    Deuxièmement, nous tâchons d'améliorer l'application de la loi, pourtant nous allons demander aux gardes-chasse—qui se trouveront sur les côtes de Terre-Neuve et du Labrador, je suppose, et qui verront ces oiseaux englués de pétrole ou qui verront le pétrole se déverser sur le rivage, en vertu de la Loi sur les oiseaux migrateurs, de décider d'arraisonner ou de détenir des navires ou de monter à bord de ces navires dans la zone économique, qui s'étend sur 200 milles au large des côtes. Les gardes-chasse n'ont pas de navires. Ils ont des Zodiac. Je ne crois pas qu'ils se rendront jusqu'aux navires à l'aide de Zodiac.

    Je crois que l'on connaîtra d'énormes problèmes d'ordre pratique en matière d'application de la loi. Ce que nous préconisons, c'est d'améliorer l'application de la loi en la confiant au groupe qui possède les navires et qui sait ce qu'il faut faire—la Garde côtière. Cela relève de la Loi sur la marine marchande du Canada. Nous ne sommes pas contre l'application de la loi, nous y sommes favorables.

    Pourquoi consacrons-nous une partie de cet argent aux gardes-chasse, une partie à la Garde côtière et une partie aux inspecteurs des pêches? Nous devrions canaliser cet argent vers un seul groupe. Le projet de loi aura entre autres pour conséquence d'éparpiller les fonds disponibles, et cela ne présentera probablement aucun avantage et risque même de nuire aux dispositions actuelles en matière d'application de la loi. C'est une réponse à votre question.

¿  +-(0950)  

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Monsieur Mills, nous reviendrons à vous.

    Monsieur O'Connor, je sais que vous n'aviez pas l'intention d'attaquer le comité précédent à propos des questions que ses membres ont posées, mais on m'a dit que vous aviez comparu auparavant devant le Comité des transports.

+-

    M. John O'Connor: C'est donc l'explication.

+-

    Le président: Il s'agit aussi d'un nouveau comité.

[Français]

+-

    M. Christian Simard (Beauport—Limoilou, BQ): Je remercie tous les témoins. C'était extrêmement intéressant. Votre demande de travail séance tenante avec des juristes d'une association me rend toutefois mal à l'aise. On se sent très mal à l'aise face à une offre pareille, parce qu'il y a pratiquement autant d'opinions juridiques—vous le savez, vous êtes avocat—qu'il y a d'avocats. Vous comprendrez que travailler avec des avocats liés à une partie et à des intérêts n'est pas la façon de faire des lois. Ce n'est pas la façon de faire et de travailler du comité.

    Cela ne veut pas dire que la problématique que vous soulevez n'est pas importante. Pourquoi faire les choses simplement quand on peut les faire d'une façon compliquée? J'ai travaillé longtemps pour des organismes qui oeuvrent en environnement. Il y a parfois dans ce domaine une surenchère législative qui n'est pas toujours axée sur l'efficacité, mais qui a plutôt pour but d'avoir l'air d'en faire beaucoup.

    Au bout du compte, y a-t-il une meilleure protection? Y a-t-il plus de surveillance? Y a-t-il une efficacité réelle? On peut se le demander.

    Malheureusement, suite à un constat qui peut être réel, on peut être tenté de ne rien vouloir changer ou d'appliquer la loi actuelle. Cela peut ne pas fonctionner non plus.

    Vous avez sans doute lu le rapport de Mme Johanne Gélinas sur le peu d'efficacité--c'est vraiment un euphémisme--dans l'application de la Convention MARPOL. On n'a considéré que les eaux autour de Terre-Neuve et de l'Atlantique, dans l'Est.

    Nous en sommes maintenant à l'adoption article par article du projet de loi ou aux modifications article par article. J'avoue que je n'ai pas lu précisément les modifications techniques proposées. Je ne les ai pas obtenues. Je n'ai pas vu les amendements proposés.

    Je suis très mal à l'aise face à cette proposition de dernière minute, où on tente de nous faire accepter sous pression les amendements provenant de l'industrie.

    Cela dit, je crois que la façon de légiférer est trop rapide. Il y a un manque d'intégration entre les ministères et il semble ne pas y avoir eu suffisamment de discussions. Il y a un manque de clarté en ce qui a trait aux ressources disponibles. J'ai déjà demandé, à ce comité, si le fait de rajouter des gardes-chasse aux gardes-côtes était la meilleure façon. Trois différents policiers vont-ils considérer le même événement selon trois lois différentes? Cela me trouble.

    Je connais maintenant votre opinion sur le non-respect de la convention. J'ai toujours cru, cependant, qu'on pouvait aller au-delà des conventions et que celles-ci étaient souvent un minimum. Je me trompe peut-être.

    Parlons de la confusion juridique que cela peut causer. Comme membre du comité, je me sens extrêmement mal à l'aise d'adopter un projet de loi pour lequel j'ai l'impression d'avoir été mal breffé par les ministères. J'en ai encore une compréhension incomplète. Cela me place dans une position très gênante.

    Que devrait-on faire maintenant? Je vous le demande. Résumez-nous les amendements que vous proposez--Mme Legars nous en a soufflé quelques mots un peu plus tôt--pour qu'on comprenne bien, sinon mieux, votre position.

[Traduction]

+-

    Le président: M. Simard pose cette question à tous ceux qui souhaitent y répondre.

    Madame Legars, vous avez signalé des amendements en particulier, et M. O'Connor fait savoir qu'il aimerait aussi prendre la parole.

    Monsieur O'Connor, aimeriez-vous y répondre, après quoi nous passerons à Mme Legars?

¿  +-(0955)  

[Français]

+-

    M. John O'Connor: Merci, monsieur le président.

    Chaque avocat a son opinion sur les conventions internationales. Pour ma part, je suis d'avis qu'on peut aller au-delà d'une convention, à condition de ne pas la contredire. Si la convention passe un point sous silence, on peut toujours établir un régime qui ne contredit pas cette dernière: il peut être accessoire et peut aussi aller beaucoup plus loin.

    La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer est très claire. La partie XII n'a que trois pages. Il faut simplement les lire. On y dit qu'on ne peut pas arrêter un navire dans la zone économique, sauf dans certains cas.

    Ce projet de loi dit le contraire, en l'occurrence qu'un garde-chasse croyant qu'un navire est impliqué dans un cas de pollution peut monter à bord de ce navire et ordonner qu'il se rende dans un port canadien, même si le navire n'est pas et ne va pas au Canada. On ne cherche pas à contourner toutes les lois qui contreviennent à la pollution. On essaie simplement de coordonner la convention avec ce projet de loi.

    Si vous lisez ma lettre, dont vous avez une copie, vous constaterez que, contrairement à Anne Legars, je n'ai pas annexé de modifications précises. Toutefois, je suis prêt à le faire séance tenante. C'est d'ailleurs ce que je fais. En outre, si vous lisez la partie intitulée Bill C-15 and UNCLOS, vous constaterez que les dispositions du projet de loi et celles de UNCLOS se contredisent. Il y en a quatre dans le projet de loi. Or, il y aurait lieu de les vérifier et de les modifier.

    Comme Mme Legars l'a suggéré, une autre façon de procéder consisterait à créer une disposition d'exemption stipulant que c'est sous réserve de la convention, et seulement si cela respecte la convention. C'est peut-être plus facile de procéder ainsi, mais ce n'est pas une façon appropriée pour un Parlement. En effet, on est en train de concevoir une loi qui contredit une convention; on ajoute une disposition précisant que si jamais il y avait contradiction avec une convention, cela ne s'appliquerait pas. Cette approche ne me plaît pas, mais en ce qui a trait à ces deux points, ce sont les deux choix possibles.

    Nous proposons environ six modifications. Concernant le MARPOL, on précise que le paragraphe 8(2) doit à notre avis être modifié parce qu'il fait en sorte que les navires soient tenus de garder des dossiers qui n'existent pas en vertu du droit international. Par conséquent, ils ne se trouvent pas à bord. Dès que le navire pénètre dans la zone économique, il doit en principe avoir ce genre de dossier, mais le capitaine n'est pas au courant de cela.

    Quant au problème de chevauchement entre la responsabilité pénale et civile, on a fait une suggestion à la page 5 de notre texte. On suggère de remplacer le paragraphe 17.1(3) du projet de loi.

    Il est difficile de vous répondre verbalement, mais l'information se trouve dans notre texte. Nous sommes là pour vous aider dans la mesure où nous pouvons le faire.

[Traduction]

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur O'Connor.

    Madame Legars.

[Français]

+-

    Mme Anne Legars: J'essaierai de résumer le plus possible, étant donné que notre mémoire fait à peu près 13 pages. Je ne voudrais pas monopoliser le temps du comité avec de l'information trop technique.

    Je dirai toutefois, pour faire une histoire courte, que nous avons déterminé que cinq types de dispositions allaient à l'encontre de UNCLOS et de MARPOL. Je poursuis en anglais, parce que mon mémoire est rédigé dans cette langue: cela m'évitera de faire de la traduction simultanée. Voici donc la première disposition:

[Traduction]

    ... extension au-delà des eaux internationales du Canada de dispositions non conformes au droit international;

    Ainsi, il y a plusieurs modifications à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et à la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs qui visent à en assurer l'application aux eaux faisant partie de la zone économique exclusive.

    Le droit international exige que les états côtiers puissent adopter des lois sur la pollution par les navires dans leurs zones économiques exclusives qui ont pour effet de se conformer et de donner effet aux règles et aux normes internationales généralement reconnues. Nous avons repéré tous les articles où il est précisé qu'ils s'appliquent dans la ZEE, et nous proposons d'ajouter à la fin de ces articles la précision suivante : « lorsque l'effet est d'appliquer les règles et les normes internationales généralement reconnues et établies par l'organisation internationale compétente ou par une conférence diplomatique générale ».

    Cela peut bien sûr paraître un peu lourd, mais il s'agit simplement de signaler l'intention, de montrer que les rédacteurs de mesures législatives savent qu'ils peuvent étendre la compétence dans les ZEE, à condition qu'ils ne dépassent pas les limites de cette convention internationale. Il s'agit simplement d'une façon de le signaler. Nous avons repéré quatre articles où ce problème se pose.

    Pour ce qui est de conférer des pouvoirs d'arraisonnement qui ne seraient pas conformes au droit international, le projet de loi prévoit un certain nombre de modifications à la LCPE ainsi qu'à la LCOM afin de conférer aux gardes-chasse le pouvoir d'arraisonner des navires où qu'ils se trouvent, y compris dans la ZEE.

    Le droit international comporte bien des nuances à cet égard. Il prévoit une gradation des pouvoirs d'inspection, selon les indications qui permettent de croire à une violation, selon l'endroit où se trouvait le navire quand la violation s'est produite et selon la gravité de la pollution.

    Nous proposons un certain nombre d'amendements qui tiendraient compte de cette convention. Ainsi, à l'article 6 du projet de loi, « Dans le but de vérifier l'observation de la présente loi et des règlements, le garde-chasse peut... procéder à la visite de tout lieu », je propose un amendement qui viserait simplement à assurer la compatibilité avec les conventions internationales. Je propose d'ajouter « notamment un bâtiment battant pavillon étranger qui se trouve volontairement dans un port ou à un terminal extracôtier », puisqu'il s'agit d'une précision courante en droit international. On ne peut pas arraisonner un navire n'importe où, monter à bord et dire : « je vous arraisonne et je vais visiter votre bâtiment ». En règle générale, le navire doit se trouver au port, etc.

    L'exercice auquel nous nous sommes livrés visait essentiellement à repérer tous les articles qui vont à l'encontre des conventions internationales et de les corriger en y ajoutant le libellé de la convention pertinente au moyen d'un copié-collé, si vous voulez.

À  +-(1000)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Simard. Votre temps est écoulé, mais nous allons vous revenir.

    Nous allons maintenant passer à M. Cullen.

    M. Cullen fait signe que c'est vous qui allez passer en premier, monsieur Wilfert. C'est donc vous qui avez la parole.

+-

    L'hon. Bryon Wilfert (Richmond Hill, Lib.): Merci, monsieur le président. Je remercie tous les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

    Tout d'abord, j'ose espérer que nous allons tous conclure que l'approche actuelle ne réalise pas l'objectif escompté. Les oiseaux continuent à mourir, et il faut donc apporter des changements. Si ce n'était pas le cas, je suppose, mesdames et messieurs, que nous n'aurions pas besoin de ce projet de loi.

    Monsieur Cullen, vous avez reçu une lettre du ministre en réponse à vos préoccupations. Le ministre et moi voulons réitérer ce qui suit : les rédacteurs législatifs se sont reportés aux conventions internationales et aux lois canadiennes pertinentes quand ils ont rédigé le projet de loi, et nous avons confiance que la mesure proposée est effectivement conforme à nos obligations en vertu du droit international, un point c'est tout. Nous voulons pouvoir intervenir de façon plus efficace et, bien sûr, régler le problème des rejets illégaux. Le projet de loi vise manifestement à faire en sorte que les deux lois adoptées par le Parlement puissent être appliquées efficacement dans la zone économique exclusive du Canada.

    Vous avez tous fait mention de la MARPOL et, dans ce cas-ci, de la LCOM. Je le répète, le projet de loi est conforme, tout comme les pouvoirs d'application de la loi. Le fait est qu'il suffit d'examiner le projet de loi—et je tiens à bien insister encore là-dessus, car j'ai été très étonné par le ton assez strident des propos—pour se rendre compte qu'il ne fait pas double emploi avec la Loi sur la marine marchande du Canada. Il ne crée aucune nouvelle attribution ni ne modifie les politiques du gouvernement du Canada, mais il se penche sur les problèmes d'application de la loi, préoccupation que partagent de toute évidence tous ceux qui sont autour de la table.

    Vous avez parlé de l'expérience américaine. Les États-Unis n'ont pas signé la UNCLOS, mais ont pris position en faveur d'une interprétation qui est compatible, à notre avis, avec celle du Canada. Ainsi, même s'ils n'ont pas signé la convention, ils en ont une interprétation qui semble très près de la nôtre. Les conventions internationales ne traitent pas comme telle la législation nationale de quelque État que ce soit.

    Le gouvernement du Canada est bien décidé à faire en sorte qu'il y ait une collaboration interministérielle efficace. On s'inquiétait notamment du manque de coordination. Le projet de loi est très précis sur ce point.

    Je suppose que, si le secteur du transport maritime se conformait à la limite de 15 ppm fixée par la MARPOL en ce qui concerne les eaux souillées par le mazout déversé, il n'y aurait aucune contradiction avec la présente mesure législative. Mais nous sommes convaincus qu'elle est conforme au droit international. J'ai moi-même enseigné le droit international pendant 20 ans. Je peux vous dire catégoriquement que nous aurions l'air stupide, comme disait M. O'Connor, si nous proposions des mesures législatives qui ne seraient pas conformes. Il ne faut pas conclure pour autant que je vous invite à vous adresser aux tribunaux, mais je soutiens que les rédacteurs, en consultation avec le ministère de la Justice, ont conclu que les dispositions sont conformes avec nos obligations internationales. La lettre que le ministre vous a envoyée le disait clairement. Nous tenons à ce que notre législation soit conforme.aux conventions

    J'ai entendu les propos qu'a tenus M. Mills ce matin, et je le comprends. J'avais, moi aussi, des inquiétudes, et j'ai entendu parler de ce problème des rejets ou des déversements au large des côtes de Terre-Neuve. Je ne sais pas s'ils sont le fait de navires qui passaient par là; je ne suis pas en mesure pour l'instant de me prononcer d'une façon ou d'une autre. Mais ce sont là des questions qui nous préoccupent bien sûr. Vous nous dites tous que vous êtes préoccupés par ce problème et que, peu importe que les déversements soient délibérés ou accidentels, vous aimeriez que le problème soit réglé. Il y a bien des années que l'on tente de faire adopter un projet de loi semblable; pourtant 300 000 oiseaux continuent à mourir chaque année en moyenne. Il me semble que plus nous tardons à agir, plus le problème environnemental va s'aggraver.

    Vous avez certainement le droit de vous adresser aux tribunaux si vous estimez que le projet de loi n'est pas conforme aux conventions internationales, mais je le répète, je ne peux que m'en tenir à ce que disent les fonctionnaires du ministère de l'Environnement et du ministère de la Justice, qui affirment que la mesure y est effectivement conforme.

À  +-(1005)  

    Je ne veux pas m'engager ici dans un débat. Vous avez présenté votre position au gouvernement et je ne fais pour ma part que présenter clairement la position du gouvernement du Canada. Si nous ne sommes pas d'accord, soit.

    J'ignore, monsieur Cullen, si vous avez écrit de nouveau au ministre après qu'il vous ait répondu, mais je peux vous dire que, dans sa lettre, le ministre a effectivement tenté de répondre à toutes les préoccupations spécifiques qui avaient été soulevées.

    Je ne nie pas du tout que vous aviez des inquiétudes. Je crois que nous avons essayé d'y répondre de la façon la plus efficace et la plus cohérente possible en présentant la position du gouvernement du Canada. Il n'en demeure pas moins qu'il faut prévoir des sanctions contre les propriétaires, les capitaines et les exploitants de navires et faire en sorte que les sanctions puissent bel et bien être appliquées. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Tant que ce projet de loi n'aura pas été adopté, nous continuerons à nous heurter au même problème qui nous confronte depuis des années.

    Je comprends la position exprimée aujourd'hui par Terre-Neuve et Labrador et je comprends aussi tout ce que vous avez dit. Nous sommes ici en présence d'une divergence d'opinion, qui est le signe que notre démocratie fonctionne. Certains des arguments qui ont été invoqués au sujet des États-Unis et d'autres éléments ne résistent toutefois pas à l'analyse, à mon avis. Vous devez comprendre que nous voulons non seulement nous assurer de prévoir les sanctions appropriées, mais que nous tenons aussi à pouvoir les appliquer, et c'est l'application qui à mon avis a été le plus gros problème.

    Monsieur le président, je n'ai pas vraiment de questions. Je voulais tout simplement faire état de certaines de nos réserves au sujet de la lettre que nous avons reçue et, bien entendu, de certains des propos que nous avons entendus ici aujourd'hui.

+-

    Le président: Merci.

    M. Cullen a indiqué qu'il voudrait répondre; il a conclu qu'il y avait une question dans tout cela.

+-

    M. Peter Cullen: Oui, j'en ai trouvé une, et je vous remercie.

    Merci beaucoup pour vos observations, monsieur Wilfert. J'aurais été heureux de répondre à cette lettre si je l'avais reçue. Je n'ai pas la lettre en question. Vous pourriez peut-être me faire tenir copie de la réponse.

    J'ai effectivement écrit au ministre le 8 octobre. Tout ce que j'ai reçu, c'est une réponse du ministre des Transports, à qui j'avais envoyé une copie conforme de ma lettre.

    Nous avons écrit une nouvelle lettre le 12 novembre. Peut-être que la réponse à cette lettre se trouve dans le courrier. Je suis impatient de la recevoir.

+-

    L'hon. Bryon Wilfert: La bonne nouvelle, c'est que ce n'est pas nous qui gérons le bureau de poste.

    J'ai ici copie de la lettre. Je serais heureux de vous la remettre, puisqu'elle a été envoyée. J'en ai cité des extraits.

+-

    M. Peter Cullen: Je comprends, et je vous remercie.

    En ce qui concerne votre principal argument, je crois que nous avons bien indiqué à ce bout-ci de la table que nous sommes pour les mesures visant à faire respecter la loi. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici, comme vous et d'autres ont voulu le laisser entendre.

    Nous sommes d'avis que les mesures d'application devraient être plus sévères. Nous estimons que les mécanismes pour ce faire existent. Nous avons tous constaté que, depuis cinq ans—et le député de Terre-Neuve va sûrement confirmer mes dires— les amendes prévues pour les infractions relatives à la pollution ont augmenté considérablement. Elles pourraient augmenter encore plus. Ce sera aux tribunaux d'en décider, mais le cadre législatif existe.

    Nous n'avons rien contre l'application de la loi et l'imposition d'amendes élevées aux navires étrangers et à ceux qui polluent délibérément nos eaux. Ce contre quoi nous en avons, ce sont certaines des remarques que vous avez faites. Je suis d'accord avec vous pour dire que nous ne voulons pas nous engager ici dans un débat. Nous voulons simplement expliquer notre position. Je vais toutefois appuyer ce qu'a dit M. Mills, à savoir qu'il est peut-être temps que Justice Canada revoie toute cette question.

    Je vous serais très reconnaissant, à vous et aux autres qui sont autour de cette table, de bien vouloir transmettre les observations de la Fédération maritime, de l'ACDM, de la Chamber of Shipping de la Colombie-Britannique, de l'Association des armateurs canadiens, de l'Association du Barreau canadien et de la Merchant Service Guild au ministère de la Justice, de transmettre les mémoires de tous ces groupes au ministère pour qu'il puisse les réexaminer. J'estime qu'il serait utile au comité, et utile en tout cas au processus législatif, qu'on réexamine ces mémoires dans le contexte des discussions que nous venons d'avoir. Peut-être qu'on arrivera à d'autres conclusions quant au libellé qui devrait se retrouver dans le projet de loi.

    Nous estimons qu'il y a des façons d'améliorer le projet de loi. Nous avons fait des propositions en ce sens. Nous ne sommes pas là pour argumenter, mais plutôt pour travailler avec vous afin d'améliorer le projet de loi pour qu'il permette la réalisation des objectifs qui vous tiennent à coeur.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Monsieur McGuinty, je mets votre nom sur la liste. Nous allons vous revenir après M. Cullen.

    Merci, monsieur Wilfert. Votre temps de parole est écoulé.

    Monsieur Cullen.

+-

    M. Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley, NPD): Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins.

    Je serai honnête avec vous : j'ai eu très peu de temps pour me familiariser avec ce sujet qui est tout nouveau pour moi. Je vous sais gré de vos exposés et des nombreux documents que vous nous avez remis.

    Nous semblons avoir du mal à communiquer.

    J'ai quelques questions à vous poser et je préférerais que vos réponses soient brèves. Je n'ai pas l'intention de me lancer dans une diatribe politique sur mes positions personnelles. Tout le monde sait que le système actuel est inefficace, que les oiseaux mazoutés échouent sur nos plages et que des navires... qu'on leur donne le nom de navires voyous ou autre, il y a des gens qui polluent les océans. Les groupes que nous avons entendus ce matin nous ont clairement dit ce que nous entendons déjà régulièrement, à savoir que le système ne marche pas.

    Ma première question s'adresse à la fédération. Vous avez dit préconiser l'imposition d'amendes plus élevées. Avez-vous fait cette proposition par écrit? Avez-vous écrit au gouvernement pour lui réclamer des amendes plus élevées et lui expliquer pourquoi?

+-

    Mme Anne Legars: Le CCMC, le Conseil consultatif maritime canadien, qui se réunit à Ottawa tous les six mois, compte un groupe de travail sur les oiseaux mazoutés. Je me souviens que la fédération a présenté des instances et déclaré, entre autres choses, qu'elle appuierait des peines plus élevées, surtout dans les cas de pollution délibérée. Nous sommes disposés à assumer le rôle d'amicus curiae dans certaines causes et appuyer l'imposition d'amendes plus coûteuses à titre de représentants de l'industrie. Nous avons aussi un exposé en format PowerPoint qui a été préparé il y a deux ou trois ans sur ce sujet. Nous avons adopté cette position il y a déjà un certain temps.

    Dans notre mémoire au ministère des Finances, nous avons réclamé davantage de fonds pour la surveillance aérienne, car nous savons qu'il faudrait plus d'argent pour que la surveillance aérienne soit vraiment efficace. Nous exerçons des pressions en ce sens.

+-

    M. Nathan Cullen: Très bien. J'aimerais bien voir ces documents ou l'exposé ou quelque autre document pertinent.

    En ce qui concerne la violation du cadre juridique international, j'ai du mal à croire , vu tous les avocats qui ont témoigné devant nous ces derniers mois, que nous contrevenons à nos obligations internationales. Cela m'étonne et je crois qu'il serait bon que le comité tente d'obtenir une contre-expertise à ce sujet. Je suis très intéressé par la question et j'ai confiance—étant député de l'opposition, je ne fais jamais confiance au gouvernement, mais je fais confiance aux avocats à qui nous versons de si coûteux honoraires.

    Est-ce que quelqu'un parmi vous pourrait m'expliquer aussi brièvement que possible pourquoi certains estiment que nous contrevenons à nos obligations internationales? Si ce projet de loi est adopté, que se passera-t-il? Nous arraisonnerons des navires pour faire quoi? Que se passera-t-il? Serons-nous cités à comparaître devant la Cour internationale? Est-ce que nous passerons pour des idiots? Expliquez-moi cela.

+-

    M. John O'Connor: Puis-je répondre, monsieur le président?

    Merci de votre question. Pour y répondre brièvement, je dirai qu'il y aura certainement des poursuites, pas devant le Tribunal international, mais devant les tribunaux canadiens. Il se pourrait très bien que quelqu'un contrevienne à nos obligations internationales en arraisonnant un navire dans la zone économique pour ensuite l'accuser de pollution, que ce navire soit coupable ou non.

    La partie XII de la Convention des Nations Unies ne fait pas mention de l'arraisonnement de vaisseaux innocents mais parle plutôt de vaisseaux pollueurs. Cette convention décrit comment cela doit se faire dans les eaux internationales. Or, en l'occurrence, il ne s'agit pas d'eaux canadiennes, mais des eaux internationales, dans la zone économique.

    Il y aurait donc des procès pour que soient retirées les accusations portées contre ces navires, ces accusations étant en violation de conventions internationales. Ces poursuites se feraient devant un tribunal canadien. Certains prétendront que ce serait une bonne chose, puisque cela donnerait de la visibilité à ces incidents, mais j'estime personnellement que nous devrions plutôt respecter nos obligations. La convention établit un cadre qui balise la façon dont on traite un navire qui pollue dans la zone économique. C'est aussi simple que cela. Voilà pourquoi cela figure à la partie XII.

À  +-(1015)  

+-

    M. Nathan Cullen: Comme le traduit bien le degré de frustration de M. Mills, tous ceux qui travaillent dans ce domaine depuis des années et qui voient les conséquences de cette pollution, savent évidemment que ça ne marche pas. Il y a trois ou quatre semaines, j'ai eu comme compagnon de vol un capitaine de navire qui m'a dit essentiellement ce que nous avons entendu aujourd'hui : si vous voulez polluer, vous allez vers le nord; s'il vous est possible de passer par là, vous passez par le Canada car vous savez que personne ne vous trouvera et que, même si on vous trouve, cela ne portera pas à conséquence. C'est ce que m'a dit quelqu'un qui travaille à bord d'un navire. Cela paraît peut-être mal, mais il ne savait pas que j'étais politicien jusqu'à ce que je le lui dise, à la fin du vol. J'aurais probablement dû lui dire avant.

    J'ai aussi une question sur celui ou ceux qui paient l'amende au bout du compte. D'après le peu que je connais du transport maritime international, avec les pavillons de complaisance et les armateurs qui sont ici et là, il n'est pas toujours facile de trouver le véritable responsable. Mais si un membre d'équipage innocent, qui est à bord quand le mazout de cale est soudain déversé, doit payer une amende qui entraîne pour lui la perte de sa maison, ce n'est pas là ce que notre comité ou le gouvernement souhaite accomplir avec ce projet de loi. Mais il faut quand même trouver le propriétaire ou le responsable. Qui sont-ils? Où sont-ils? Il suffit de penser à notre propre premier ministre.

    Je me demande donc pourquoi il est si difficile de s'attaquer à ceux qui sont à bord d'un navire, de leur faire porter la responsabilité, qu'ils aient été au courant ou non, surtout s'il s'agit du capitaine ou du mécanicien. Pourquoi est-ce si difficile?

+-

    M. John O'Connor: Puis-je répondre à cette question, monsieur le président?

+-

    Le président: Oui.

+-

    M. John O'Connor: Le problème est le suivant. Considérer un navire comme une usine flottante. Il gagne de l'argent 24 heures par jour. Il faut qu'il en gagne autrement il en perd; cette activité est très coûteuse.

    En ce qui concerne les amendes. Il n'est pas vraiment important de connaître le nom du propriétaire—bien que je souhaite que cela soit toujours possible—parce que si vous pouvez imposer une amende à un navire, et si vous pouvez faire en sorte qu'il paye l'amende, alors c'est le propriétaire qui paye. Peu importe que l'on connaisse son nom, le fait que vous imposiez une amende de 1 million de dollars au navire et que le navire doive payer cette amende signifie que le propriétaire vient de payer un million de dollars, et ça lui fait mal.

    Je crois que le fait de connaître le nom du propriétaire et savoir où il se trouve n'est pas vraiment la solution. C'est la raison pour laquelle nous personnifions un navire. C'est la raison pour laquelle on peut intenter des poursuites contre un navire. On ne peut pas intenter de poursuites contre un bureau, mais on peut intenter des poursuites contre un navire pour atténuer ce problème. C'est la première réponse.

    Deuxièmement, si vous dites simplement qu'il faut s'en prendre au chef mécanicien et au capitaine—je ne suis certainement pas contre le fait d'accuser de pollution un chef mécanicien ou un capitaine s'il y a contribué... S'il dit, videz, alors il devrait être poursuivi et se voir imposer une amende. Le problème indirect, c'est qu'il est automatiquement responsable de ce qui se produit à bord du navire, dont il n'est qu'un employé. Il n'a pas d'argent pour payer ce genre d'amende. Il n'a pas d'avocat. Il n'a pas d'assurance. Il s'agit essentiellement d'un particulier qui fera l'objet de poursuites.

    Un cas de ce genre s'est produit en Europe lors du regrettable accident qui s'est produit à bord du Prestige, le navire qui s'est brisé en deux au large des côtes de l'Espagne et de la France. Le capitaine de ce navire se trouve toujours en Espagne. Il ne peut pas rentrer chez lui parce qu'il fait l'objet de poursuites à titre personnel. Il n'a pas d'argent. Un bon samaritain a payé le cautionnement qui lui a permis de sortir de la prison, mais il doit encore loger à l'hôtel. Il n'a absolument aucune protection. Et il y a maintenant deux ans qu'il se trouve en Espagne, loin de chez lui. Il représente la mauvaise cible.

    Il faut cibler le navire, cibler les propriétaires du navire. Le projet de loi vise les administrateurs et les dirigeants, mais nous considérons qu'il va trop loin en visant les capitaines et les mécaniciens en chef.

+-

    M. Nathan Cullen: Je vous remercie.

    Pour ce qui est de monter à bord d'un navire, s'agissait-il d'un chalutier espagnol qui se trouvait au large de nos côtes et en direction duquel nous avons tiré un coup de feu il y a quelques années? Je crois que c'est probablement l'un des moments de l'histoire maritime canadienne dont nous sommes le plus fiers.

    Je n'ai pas vraiment de problème à soulever. Nous allons peut-être à l'encontre du droit international, mais l'idée de monter à bord de navires qui traversent les eaux... La zone économique est en train de devenir un objet de contestation.

    J'aimerais connaître le point de vue du ministre Osborne. Je sais à quel point le transport maritime est important pour Terre-Neuve, compte tenu de son histoire et de tout le reste. S'il y a une province au pays où il est important...

    J'aimerais savoir ce que vous pensez de certains des commentaires exprimés aujourd'hui par les autres analystes.

À  +-(1020)  

+-

    L'hon. Tom Osborne: Je vous remercie, monsieur Cullen, de m'offrir cette possibilité.

    Je suis ravi de constater que la Fédération maritime du Canada et l'Association canadienne de droits maritimes veulent travailler en collaboration pour régler ces problèmes. Je crois que la meilleure façon d'y parvenir, c'est d'être présent lorsqu'un navire est traduit en justice pour s'assurer qu'il est poursuivi et que les amendes sont imposées. Je me réjouis de la coopération dont vous ferez preuve à l'avenir à cet égard.

    J'ignore si elle existait par le passé. Je n'en ai pas eu de preuve, mais dorénavant, dans une perspective provinciale autant que nationale, nous ne pouvons que nous réjouir de cette aide.

    Le fait est que ces mesures fonctionnent aux États-Unis. Les mesures qui existent au Canada ne fonctionnent pas.

    L'amende moyenne imposée au Canada est aujourd'hui d'environ 25 000 $. Le navire pollue probablement vingt fois avant d'être arraisonné. Si vous faites le calcul, vous constaterez que c'est beaucoup moins coûteux pour les navires que de faire nettoyer légalement leur mazout de cale au port.

    Nous avons besoin de ces mesures. On ne peut pas y échapper. Je considère que l'obligation du Canada envers les conventions internationales devrait vraiment passer au deuxième plan, après l'obligation du Canada envers nos provinces, notre environnement, notre économie, nos ressources, envers la faune, et envers les industries qui sont si importantes pour les collectivités côtières qui en dépendent.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Osborne, et je vous remercie, monsieur Cullen. 

    Nous allons maintenant passer aux questions de cinq minutes chacune. Voici l'ordre : M. Jean, M. McGuinty, M. Gagnon, et Mme Ratansi. Nous alternerons donc dans cet ordre.

    Monsieur Jean.

+-

    M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC): Je vous remercie.

    Je tiens à remercier les témoins de comparaître devant nous aujourd'hui, je leur en suis vraiment reconnaissant et tous mes collègues aussi, je le crois.

    Je viens d'une région sans accès à la mer, Fort McMurray, donc je ne suis pas très au courant de ce genre de situation, mais je dirais que lorsque je suis arrivé au comité et que j'ai commencé à me familiariser avec ce qui se passe dans notre limite internationale et notre limite de 200 milles, j'ai été horrifié de constater le nombre d'animaux qui meurent par suite de déversements d'origine humaine.

    J'ai trouvé aussi intéressant, monsieur O'Connor, les arguments que vous avez présentés selon lesquels ce projet de loi fait double emploi avec les dispositions actuelles de la Loi sur la marine marchande du Canada, que j'ai lue, tout en déclarant d'autre part qu'elle était trop sévère compte tenu de la responsabilité objective qu'elle impose aux capitaines de navire.

    J'ai constaté également avec intérêt que cela ressemble beaucoup au droit concernant le préjudice corporel, où la responsabilité objective et la responsabilité indirecte s'appliquent aux employés et aux employeurs. J'ai trouvé que les similitudes étaient très frappantes, et cela pourrait avoir certaines conséquences.

    Dans cette veine, je me réjouis de l'adoption de ce projet de loi, même si je ne me réjouis pas qu'il soit adopté dans sa version actuelle. Je dois vous dire que je considère que le projet de loi même et les amendes prévues sont trop simples et à mon avis, les amendes infligées aux navires et à d'autres membres du personnel devraient être beaucoup plus sévères.

    Ma question s'adresse à M. Osborne. Je tiens à vous remercier de vous être joint à nous, monsieur.

    J'ai constaté dans le milieu des affaires et pendant de nombreuses années que parfois, il est préférable que l'information soit transmise directement aux intéressés par le biais de la commercialisation, etc. Cela d'une certaine façon les découragerait de venir en eaux canadiennes. Comme l'ont dit mes collègues, le Canada a la réputation d'être l'endroit où déverser des déchets, si on a l'intention de le faire.

    Tout d'abord, comment pourrait-on s'y prendre pour sensibiliser les gens au fait que nous ne tolérerons plus ce genre de pratique?

    Deuxièmement, ne vous semble-t-il pas, ainsi qu'aux autres témoins ici présents, qu'il s'agit davantage d'une question d'application de la loi, que notre gouvernement ne consacre pas suffisamment d'argent pour faire enquête, sur les auteurs de ces actes, pour déterminer qui ils sont et pour les trouver?

    N'est-ce pas là le réel problème?

+-

    L'hon. Tom Osborne: Merci beaucoup. Je dirais qu'il y a beaucoup de Terre-Neuviens à Fort McMurray.

    Je suppose que j'ai omis de dire que j'ai parlé non seulement aux ministres fédéraux de l'Environnement passés et présent, mais aussi aux ministres de l'Environnement de toutes les provinces de l'Est. Nous avons un caucus de l'Atlantique. Les ministres de l'Environnement, mes homologues dans les autres provinces de l'Atlantique, appuient entièrement le message que je transmets ici aujourd'hui.

    Le meilleur outil de sensibilisation que nous possédons, c'est que nous savons ce qui a fonctionné aux États-Unis. La meilleure façon de faire passer le message à ceux qui continuent d'enfreindre la loi, c'est de leur infliger de lourdes amendes et de maintenir les condamnations. Cela a fonctionné aux États-Unis. Ils déversent leurs déchets en eaux canadiennes avant d'arriver aux eaux américaines parce qu'ils savent que s'ils le font dans les eaux américaines, ils seront attrapés. Ils seront accusés, les accusations seront maintenues et les sanctions seront sévères. C'est le meilleur message que nous pouvons transmettre aux navires qui naviguent dans nos eaux.

    Avons-nous besoin de ressources supplémentaires? Tout à fait. Si nous voulons instaurer les mesures prévues par le projet de loi C-15 que, comme je l'ai dit, je l'appuie ainsi que les autres ministres de l'Est, si nous voulons que ce projet de loi soit vraiment efficace, nous devons accroître la surveillance et améliorer l'application de la loi.

    Oui, les agents de la faune devraient peut-être participer à l'application de la loi, parce qu'ils sont là en tout temps—et ils utilisent plus que des Zodiacs. Ils sont sur l'eau. Ils constatent ce qui se passe. Nous avons besoin des ressources nécessaires pour être vraiment efficaces à cet égard. J'ai entre autres proposé que l'application des lois concernant les pêches, la faune et la sécurité nationale sur laquelle le gouvernement fédéral mettra probablement l'accent au cours des mois et années à venir, sont autant d'éléments qui peuvent s'ajouter à la surveillance qui est nécessaire. Tous les ministères et organismes qui y participent doivent coopérer.

    Je vous remercie.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Osborne.

    Nous allons maintenant céder la parole à M. McGuinty.

+-

    M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Excusez-moi pour mon retard. Je me suis retrouvé coincé dans un embouteillage provoqué par le service de contrôle avancé pour l'arrivée du président Bush. Toutes mes excuses. J'ai raté une partie de vos exposés mais mon collègue m'en a fait un résumé.

    J'ai du mal à comprendre les facteurs qui motivent vos positions. J'ai une formation de conseil de société et de conseil pour les questions environnementales internationales et les ressources naturelles. Je n'arrive pas à croire que vous vouliez démontrer au comité qu'il n'y a pas de symétrie juridique entre les conventions internationales et la législation nationale.

    Je sais que les dispositions de responsabilité juridique vont secouer votre secteur industriel. Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose à entendre le ministre. Cela fait des décennies que se pratique le magasinage juridictionnel.

    Ma question est la suivante. Quels sont ici les véritables intérêts en jeu? Des intérêts économiques? Cette loi aura pour votre secteur industriel des conséquences au niveau de la gestion des risques. Est-ce qu'il vous sera plus difficile d'attirer des capitaux? Plus difficile de vous faire assurer? Est-ce une question de responsabilité des cadres et des administrateurs? Est-ce que cela permettra d'enfin savoir quel est le véritable armateur de nombre de ces bâtiments? De quoi s'agit-il exactement?

    Pour ce qui est de la deuxième question, le monde est en pleine évolution. En termes de responsabilité des sociétés, ayant conseillé toute une série de compagnies dans ces secteurs pendant 15 ans, je peux parler d'expérience. Par exemple, quand j'ai conseillé le gouvernement chilien sur de nouveaux règlements pour l'exploitation minière, nous avons pris pour exemple le secteur minier canadien. Si vous prenez les lois chiliennes sur l'exploitation minière aujourd'hui, vous constaterez une grande symétrie entre les lois chiliennes et les lois canadiennes.

    Le temps où les acteurs économiques pouvaient faire pratiquement ce que bon leur semblait est presque révolu. Beaucoup de secteurs économiques ont décidé d'assumer leurs responsabilités et d'anticiper ces problèmes. Ne serait-il pas plus intelligent pour l'industrie canadienne du transport de donner l'exemple plutôt que d'être en retard sur les autres? Je ne dis pas que nous sommes en retard par rapport aux autres, mais, par exemple, n'est-il pas temps de considérer les aspects concurrentiels positifs des nouvelles normes plus strictes de ce projet de loi?

À  +-(1030)  

+-

    Mme Anne Legars: Vous permettez?

+-

    Le président: Madame Legars.

+-

    Mme Anne Legars: Ce qui compte pour notre industrie c'est que c'est moins de 5 p. 100 de la flotte qui pose un problème alors que plus de 95 p. 100 applique strictement la loi. Ces 5 p. 100 qui ne respectent pas la loi ont un avantage concurrentiel déloyale par rapport à ceux qui l'appliquent. C'est un problème pour ces 95 p. 100. Ce que nous voulons c'est que ces 5 p. 100 perdent cet avantage déloyal.

    Autre chose, chaque fois qu'il y a un problème en mer, il y a automatiquement pollution. Les médias se saisissent immédiatement de ce genre d'incidents. Qui est blâmé? C'est toute l'industrie qui est blâmée, les 95 p. 100 qui respectent la loi. Mais si un bateau pollue, ce sont tous les bateaux qui polluent, etc. C'est la raison pour laquelle notre image est si mauvaise auprès du public. C'est un problème pour les 95 p. 100 qui respectent la loi et c'est la raison de notre position. Nous voulons que les règles et les lois soient respectées mais comment faire?

    Il faut cibler ces 5 p. 100 mais comment? Il faut surveiller de plus près les côtes et les ports et augmenter le montant des amendes. C'est tout à fait possible. C'est ce que vous pouvez déjà faire avec la Loi sur la marine marchande du Canada. Si vous voulez le faire dans le contexte d'autres lois, très bien, mais cela ne fera que compliquer les choses. Plus grandes seront les chances qu'une mauvaise coopération entre les ministères vous fasse perdre des poursuites pour un vice de dossier quelconque. C'est à vous de décider, j'en conviens.

    Le problème est que si vous décidez d'intégrer les conventions internationales, vous risquez d'endommager le cadre international qui permet aux 95 p. 100 des compagnies respectueuses des règlements et des lois de faire leur travail sans entrave à l'échelle internationale. Ce sont elles qui en pâtissent.

    Je vous suggère plutôt de mieux financer vos activités de répression et de contrôle, d'harmoniser les procédures entre les ministères afin qu'en cas d'incident vous ne ratiez pas le coupable. C'est ce que nous voudrions trouver dans ce projet de loi.

+-

    Le président: Vous avez une toute petite chose à ajouter, monsieur O'Connor?

+-

    M. John O'Connor: Oui, merci. Je serai très bref mais je tiens à répondre.

    Pourquoi le Canada ne donne-t-il pas l'exemple plutôt que d'être à la traîne? Selon moi, le Canada est un exemple dans le domaine maritime international. Nous comptons absolument parmi les meilleurs sur le front des conventions internationales concernant le secteur maritime. Vous ne savez probablement pas, mais c'est un haut fonctionnaire d'Ottawa, du ministère de la Justice, qui préside le Comité juridique de l'organisation maritime internationale. C'est une agence des Nations Unies.

    Au niveau des conventions nous comptons parmi les meilleurs. C'est la raison pour laquelle il nous est difficile d'accepter que notre propre législation nationale puisse ne pas respecter des conventions dont nous avons été les promoteurs et que nous avons aidé à adopter. Nous comptons déjà parmi les meilleurs; nous ne sommes pas à la traîne.

    Pour ce qui est de votre deuxième question sur les enjeux, je me contenterais de répéter que notre association, l'Association canadienne de droit maritime, ne peut être considérée comme un groupe de pression, dans la mesure où nous ne défendons pas un camp, celui des armateurs ou celui d'autres participants. Nous représentons tous les secteurs.

    Ce qui fait problème pour nous c'est la législation canadienne. Pour nous ce n'est pas vraiment une question économique. La question concernant les capitaines et les mécaniciens est économique car il est facile de voir ce qui pourrait arriver à des Canadiens ou à des étrangers. Nous représentons tous les secteurs, des syndicats jusqu'aux armateurs en passant par les avocats et tous les autres corps de métiers. Nous ne comparaissons devant des comités comme le vôtre que lorsque nous sommes parvenus à un consensus ou à une unanimité. En l'occurrence, ici c'est l'unanimité. Il n'y a pas d'intention cachée, nous sommes simplement venus vous faire part de nos craintes.

+-

    Le président: Monsieur O'Connor, votre patron veut ajouter une petite chose.

+-

    M. Peter Cullen: Monsieur McGuinty, quand vous avez dit que l'industrie de transport maritime canadienne devrait donner l'exemple, je ne sais si vous sous-entendiez les mêmes reproches que ceux qui viennent de ce bout de la table. Il suffit d'aller dans le Nord pour dégazer en toute impunité. Il n'y a pas que des bateaux canadiens qui en sont coupables. En fait, la vaste majorité de la flotte canadienne est une flotte nationale qui ne se rend pas sur les zones dont vous parlez. La vaste majorité des armateurs de Terre-Neuve ne dégaze pas au large de Terre-Neuve.

    Nous demander ce que fait l'industrie canadienne n'a rien à voir à la question, selon moi. La question ce sont ces incidents et comment y remédier au mieux. C'est aussi notre objectif.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Merci. Merci, monsieur McGuinty.

    Monsieur Gagnon, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. Marcel Gagnon (Saint-Maurice—Champlain, BQ): Merci, monsieur le président.

    Le sujet de cette réunion me préoccupe beaucoup. J'ai passé une partie de ma vie, soit 44 ans, au bord du fleuve Saint-Laurent. Je n'ai pas l'avantage de vivre au bord de la mer, mais c'est néanmoins un endroit où passent des navires. On me dit que les armateurs ou propriétaires de bateaux sont tout à fait responsables et que 95 p. 100 d'entre eux respectent les règlements et les lois. Je trouve ce chiffre un peu exagéré. Ayant vécu au bord du Saint-Laurent, je peux vous dire que ces 5 p. 100 qui ne respectent pas les lois et règlements détériorent l'environnement. Qui cause la mort de 300  000 oiseaux chaque année à Terre-Neuve? Des gens qui ne respectent pas l'environnement.

    Je suis d'accord avec ceux qui disent qu'il ne faut pas se limiter à adopter des lois, mais qu'il faut aussi les faire appliquer. À cet égard, le gouvernement devrait assumer une partie du blâme. Cependant, je ne suis strictement pas d'accord avec ceux qui disent ne pas trouver nécessaire la responsabilisation des employés de bateaux. J'ai moi-même fait venir des inspecteurs dans le cas d'un déversement au bord du fleuve. Ce n'était pas aussi grave que ce qu'on voit en mer. Heureusement d'ailleurs, parce que si c'était le cas, tout le Québec serait spolié. J'ai donc fait venir quelqu'un du ministère de l'Environnement. Les faits ont été constatés et on m'a dit que rien ne pouvait être fait: on ne savait pas qui était responsable de ce déversement. On sait néanmoins qu'il s'agissait d'un employé ayant décidé qu'il lui en coûterait moins cher de vidanger son bateau dans le fleuve plutôt que dans un port.

    Des gens préoccupés par l'environnement émettent régulièrement des critiques, entre autres M. Louis-Gilles Francoeur, qui est journaliste et spécialiste de l'environnement au quotidien Le Devoir. Selon lui, tant que les lois ne seront pas plus strictes, nous continuerons à polluer la planète. Il ne se passe pas un mois sans qu'on entende parler de catastrophes épouvantables.

    Si on nous dit qu'adopter ce projet de la loi est inutile étant donné qu'on ne fait pas appliquer les autres lois, j'accepte le reproche. Il est possible, en effet, que nous ne soyons pas assez sévères. Ce n'est pas tout d'adopter les lois: il faut aussi les faire appliquer. Par contre, si on me dit qu'il n'est pas opportun de responsabiliser les employés, je ne le crois pas. Vivant à Champlain, j'ai souvent côtoyé des gens qui pilotaient des bateaux sur le Saint-Laurent. On trouve à cet endroit un très grand nombre de ces pilotes. Ces derniers m'ont toujours dit que le fait de pouvoir refuser de piloter un bateau en mauvais état était pour eux une forme d'assurance. Il n'empêche que le bateau peut quand même remonter le Saint-Laurent.

    Il semblerait que des bateaux-poubelles se promènent et remontent le Saint-Laurent jusqu'aux Grands Lacs. Apparemment, ils ne pourraient pas aller aux États-Unis. Ces bateaux passent aussi chez vous. Je suis convaincu qu'il est temps de responsabiliser le transport maritime, non pas pour le détruire, mais pour l'améliorer et le faire entrer dans le XXIe siècle. Il faut arrêter de polluer la planète et comprendre que si on ne le fait pas, quelqu'un va en payer le prix.

    Je suis d'accord pour qu'on adopte le projet de loi, mais je crois aussi qu'on devrait faire appliquer les lois. La vérificatrice générale a adressé des reproches dans ce sens. Elle a précisé qu'il fallait d'abord faire appliquer certaines de nos lois, même si elles sont ni particulièrement bonnes ni spécialement mauvaises.

    En terminant, j'aimerais souhaiter la bienvenue au ministre de Terre-Neuve. Il vit dans sa province le même genre de situations que moi, qui suis au Québec, le long du Saint-Laurent. J'aimerais donc lui demander s'il trouve encourageant le fait qu'on ne considère pas nécessaire de responsabiliser les employés de bateaux. J'aimerais aussi savoir comment, selon lui, on pourrait s'assurer de réduire le nombre de dégâts.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Gagnon.

    Monsieur Osborne, voudriez-vous répondre?

+-

    L'hon. Tom Osborne: Merci beaucoup, monsieur Gagnon.

    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il n'y a pas que les armateurs ou les bâtiments qui sont responsables. Souvent c'est l'armateur qui donne l'ordre de dégazer en mer, mais nous ne pouvons pas toujours supposer que c'est le cas. Il arrive que ce soit l'équipage qui décide de dégazer en mer. Il n'y a pas que le mazout, mais aussi les produits détersifs, de nettoyage et autres produits chimiques qui se trouvent dans la cale et dont le déversement peut avoir des conséquences très graves pour l'environnement. Je suis donc d'accord avec pratiquement tout ce que vous dites.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Je vous remercie. Je vous remercie également, monsieur Gagnon.

    Madame Ratansi.

+-

    Mme Yasmin Ratansi (Don Valley-Est, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

    Je vous remercie de votre présence.

    J'aimerais obtenir quelques précisions de votre part.

    Madame Legars, permettez-moi de vous poser deux questions. Je vous demanderais cependant d'attendre pour répondre que j'aie terminé de poser mes questions.

    Vous avez dit vouloir corriger le paragraphe 18(3). Pourriez-vous m'indiquer quelle partie du paragraphe 18(3) doit être corrigée?

    Lorsque vous parliez, j'ai cru constater un manque de cohérence non pas dans ce que vous disiez, mais entre la teneur du projet de loi C-15 et l'interprétation que vous en avez faite. Si je ne m'abuse, au moment de la rédaction du projet de loi C-15, le ministère de la Justice a tenu compte de la convention internationale à laquelle nous sommes partie et il a jugé que ce projet de loi n'y portait pas atteinte. C'est la position du ministère. J'aimerais savoir pourquoi vous pensez le contraire.

    Le projet de loi C-15 vise essentiellement à permettre l'application de la convention dans la zone économique exclusive.

    Monsieur O'Connor, vous avez exprimé certaines préoccupations au sujet de l'établissement de rapports et vous avez dit que des problèmes se posaient dans 5 p. 100 des cas seulement. Pourquoi n'êtes-vous pas parvenus à exercer des pressions sur vos pairs qui ne se conforment pas à la réglementation? Vous êtes essentiellement favorables à l'application de cette réglementation. Si je ne m'abuse, le projet de loi C-15 assure une application uniforme de la réglementation, ce qui n'était pas le cas auparavant. Le ministère des Transports, la Garde côtière et le ministère de l'Environnement, soit tous les intervenants, déploient maintenant leurs ressources en vue d'assurer une application uniforme de cette réglementation

    Comme je suis vérificatrice de métier, je connais bien la gestion des risques. Pourquoi une entreprise qui n'a rien à se reprocher ne tiendrait-elle pas des dossiers adéquats? Si j'étais chargée de l'examen de vos dossiers et que je voyais que vous n'aviez pas causé de pollution, je ne mettrais pas beaucoup de temps à terminer mon travail. Or, des oiseaux continuent de mourir. Comment allons-nous régler ce problème? Je suis sûre que nous sommes tous favorables à la protection de l'environnement.

    Je vous serais reconnaissante de bien vouloir répondre à ces questions.

+-

    Le président: Je vous remercie, madame Ratansi.

    Madame Legars et ensuite monsieur O'Connor.

+-

    Mme Anne Legars: Je vous remercie.

    Le paragraphe 18(3) du projet de loi ne nous pose en fait pas de difficulté. À notre avis, c'est une bonne disposition, mais elle est de portée limitée. Nous aimerions en élargir la portée pour qu'elle serve de modèle. C'est essentiellement ce qu'on lit à la page 15 de notre mémoire.

    Voilà donc notre position sur le paragraphe. Quant à notre interprétation de la façon dont les conventions internationales sont appliquées, notre conclusion à cet égard s'appuie sur les recherches que nous avons faites. Nous énumérons dans notre mémoire tous les articles qui nous posent des difficultés. Les amendements que nous proposons visent à aplanir ces difficultés. Vous pouvez comparer la version avec amendements avec celle sans amendements. Vous verrez ainsi quelles sont les différences et quels sont les écarts dans nos interprétations.

    Je regrette que le ministère de la Justice ne partage pas notre avis, mais à titre de témoin et à titre de chien de garde, je me suis crue tenue de vous faire remarquer qu'un gros problème se pose en ce qui touche les transporteurs internationaux.

    Vous devrez parvenir à votre propre conclusion et prendre votre propre décision, mais vous ne pourrez pas dire qu'on ne vous a pas prévenus. Vous voudrez sans doute vérifier par vous-mêmes ce qu'il en est, mais nous voulions attirer votre attention sur ce problème. Nous pensons que c'est notre rôle. Notre rôle est effectivement d'évaluer si le Canada respecte les conventions internationales dans le domaine du transport international. Nous nous acquittons de nos responsabilités en vous laissant connaître notre position à cet égard.

    Qu'avons-nous fait? Plusieurs choses, notamment élaborer un code des pratiques exemplaires dans le domaine de la gestion des eaux de cale. Ce code a été approuvé par notre conseil d'administration et distribué à tous nos membres. Il s'agit d'une liste des pratiques exemplaires. Comme je le disais plus tôt, nous avons comparu à plusieurs reprises devant le Comité des finances et nous avons cherché à le convaincre qu'il faudrait investir davantage dans la surveillance aérienne de nos côtes, en particulier à Terre-Neuve et dans l'est du Canada. Nous participons aux activités du CCMC. Nous faisons des propositions auxquelles ne semblent pas s'intéresser les écologistes étant donné qu'ils n'ont jamais cru bon communiquer avec nous et nous demander de témoigner lors de poursuites à titre d'intervenants des intéressés. Nous avons pourtant proposé nos services. Nous ne défendrons cependant pas une cause devant les tribunaux et ne témoignerons pas au cours d'une poursuite si le ministère de l'Environnement ne le souhaite pas.

    Qu'avons-nous fait d'autre? Nous avons toujours été favorables à l'application rigoureuse des conventions internationales parce que c'est dans notre intérêt comme je vous le faisais remarquer.

    Je pense avoir répondu à vos questions.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Je vous remercie, madame Legars.

    Monsieur O'Connor, avez-vous quelque chose à ajouter?

+-

    M. John O'Connor: Oui. Je serai bref, monsieur le président. Je vous remercie de la question.

    Si vous avez un exemplaire du mémoire que nous avons présenté—et vous n'avez pas à vous y reporter tout de suite—nous pouvons répondre à la première question qui est de savoir si le projet de loi porte atteinte aux conventions des Nations Unies. Nous donnons toutes les positions voulues à ce sujet aux pages 2, 3 et 4 de notre mémoire.

    Ce matin, on nous a cité—et c'était la première fois que je l'entendais—un extrait d'une lettre du ministre dans laquelle nous apprenions que le ministère de la Justice avait donné son accord. C'est la première fois que j'ai entendu quelqu'un dire cela officiellement. Je pense avoir vu dans les délibérations de la séance du 5 novembre que quelqu'un d'autre avait dit la même chose. Je ne doute d'ailleurs pas que ce soit vrai. Je suis cependant surpris que le ministère soit parvenu à cette conclusion. J'aimerais qu'il se penche de nouveau sur la question. Je ne dis pas que le ministère a tort, et je n'ai d'ailleurs pas vu exactement sur quel argument s'appuie cette position. La nôtre figure dans notre mémoire.

    Pour ce qui est des dossiers, le projet de loi permet au gouverneur en conseil de prendre des règlements établissant les dossiers qui doivent être tenus. Les navires qui ne font que transiter par la zone économique ne pourront pas normalement se conformer à cette exigence. Si le Canada publie un règlement dans la partie II de la Gazettedu Canada, un transporteur qui transitera par les eaux canadiennes se renseignera certainement sur la réglementation en place. C'est une obligation pour les transporteurs. Il peut cependant être difficile à un transporteur qui ne fait que transiter par les eaux canadiennes de le faire.

    Nous disons simplement que MARPOL précise la liste des documents qu'un transporteur doit tenir à jour, liste qui comprend le très important registre des hydrocarbures. Ce registre précise ce qui est fait des eaux de cale et de tous les hydrocarbures à bord du navire. Le Canada se conforme à ces exigences puisque nos lois nous y obligent. Nous pensons cependant qu'il est contraire à la convention internationale que nous établissions notre propre réglementation à cet égard.

    Pour ce qui est de l'application des règles, j'aimerais faire deux observations. Premièrement, pourquoi les États-Unis semblent-ils en meilleure posture que le Canada de ce point de vue? C'est parce que les États-Unis ont investi bien davantage dans leur Garde côtière. Il s'agit plus ou moins d'une branche de l'armée dans ce pays. Ce n'est pas le cas au Canada. Aux États-Unis, la Garde côtière fait partie des forces armées. Les États-Unis ont donc investi beaucoup d'argent dans leur Garde côtière et cela paraît. Si nous avions les fonds voulus, je suis sûr que nous pourrions en faire autant.

    Nous estimons que nous ratissons un peu large en conférant des pouvoirs à toute une gamme d'intervenants comme les gardes-chasses, les agents de prévention de la pollution et les agents des pêches. Il y a sans doute trop d'intervenants. Nous sommes d'avis qu'il conviendrait sans doute de confier toutes les responsabilités dans ce domaine à la Garde côtière. Il faudrait donner à la Garde côtière les fonds voulus pour faire davantage de surveillance aérienne, par exemple, ou de surveillance par satellite. Voilà pourquoi nous pensons que l'application des conventions ne sera pas favorisée par ce projet de loi parce que nous allons simplement étaler encore davantage les maigres ressources publiques dont nous disposons.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur O'Connor.

    Monsieur Richardson, avez-vous une question à poser?

+-

    M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC): Je vous remercie, monsieur le président.

    Je veux remercier ce groupe de personnes d'avoir bien voulu comparaître devant le comité parce que leur témoignage a été fort instructif. Comme l'a bien montré le ministre de Terre-Neuve aujourd'hui, c'est une question sur laquelle de nombreuses personnes ont des idées bien arrêtées.

    En tant que membre du comité, j'ai certainement pu constater que des oiseaux meurent toujours. Des efforts ont été déployés pour prévenir cette situation, mais rien ne semble avoir changé. L'impression générale qui se dégage des témoignages que nous avons entendus ce matin, c'est que vous ressentez tous beaucoup de frustration du fait que vos vues n'ont peut-être pas été suffisamment prises en compte.

    Il y a d'abord eu le projet de loi C-34 et maintenant ce projet de loi-ci. La force avec laquelle vous avez présenté vos arguments m'a franchement étonné. Je suppose que vous êtes excédés de la réaction que vous avez obtenue jusqu'ici des fonctionnaires. Vous avez en particulier parlé des fonctionnaires du ministère de la Justice.

    Pourriez-vous nous en dire davantage à cet égard et pourriez-vous aussi nous dire si vous aviez plus de temps...? Pensez-vous que tout va trop vite? Aimeriez-vous avoir davantage de temps pour examiner le projet de loi?

À  +-(1050)  

+-

    M. John O'Connor: Comme vous me regardez, je présume que cette question s'adresse à moi.

+-

    M. Lee Richardson: Eh bien, la force avec laquelle vous avez présenté vos arguments m'a surpris. Nous ne sommes pas habitués à ce que les témoins s'expriment avec autant de force. Ils essaient habituellement de ménager les fonctionnaires.

+-

    M. John O'Connor: Je m'excuse si j'ai dépassé la mesure. Je n'avais pas l'intention de le faire.

+-

    M. Lee Richardson: J'ai trouvé vos propos rafraîchissants.

+-

    M. John O'Connor: C'est bien ce que j'espérais.

    Je ne pense pas que le mot  « frustration » soit le terme exact. Dans la mesure où nous avons certainement pu exprimer notre position devant le comité. Je pense que nous avons ressenti une certaine frustration à l'égard du projet de loi C-34. Nous avons écrit au ministre dès le dépôt de ce projet de loi. Nous avons demandé à comparaître devant le comité, mais je ne suis pas sûr que c'était le même comité. Je ne voudrais pas induire qui que ce soit en erreur. Le comité n'a pas pu nous recevoir à ce moment et c'est malheureux, mais nous sommes bien ici maintenant. Je pense que nous avons maintenant l'occasion de faire connaître notre position.

    Je crois que le projet de loi a été rédigé à la hâte. C'est du moins mon opinion personnelle. Ce n'est pas le point de vue de notre association, mais je dois admettre que nous avons dû faire vite pour rédiger notre mémoire et je crois qu'il aurait fallu que nous prenions un peu plus de temps. Il serait sans doute possible d'améliorer le projet de loi si le gouvernement était prêt à y consacrer un peu plus de temps et j'espère bien que le comité pourra exercer des pressions en ce sens. Il est bien évident que le projet de loi peut être amélioré.

    Je ne pense cependant pas que le mot « frustration » soit celui qui convienne. Nous essayons simplement de bien faire ressortir tous les aspects du projet de loi avec lesquels nous ne sommes pas d'accord pour qu'il soit possible d'améliorer ce projet de loi qui a sans doute été rédigé un peu trop rapidement. Nous sommes heureux de pouvoir vous exprimer ce point de vue et que vous en preniez note.

+-

    M. Lee Richardson: Je vous remercie.

+-

    Le président: Monsieur Broad.

+-

    M. Michael Broad: Je voudrais d'abord m'excuser, monsieur le président, d'avoir posé cette question de pure forme à M. Mills. C'est la première séance de comité à laquelle je participe; je viens seulement d'assumer ce poste cette année et je n'ai donc pas beaucoup d'expérience.

    Vous parlez de frustration. Nous avons écrit au ministre en septembre et avons indiqué nos recommandations quant à des amendements au projet de loi. Des gens au cabinet du ministre ont communiqué avec nous et nous ont demandé de venir à Ottawa pour discuter de ces amendements. Nous sommes venus et les avons rencontrés, des gens du ministère de l'Environnement. Après cinq minutes, ce type m'a demandé pourquoi nous étions contre le projet de loi et quel était le problème. Nous n'étions pas sur la même longueur d'ondes. Je lui ai demandé s'il avait lu nos amendements et il a dit non. Nous étions venus jusqu'à Ottawa pour discuter des amendements que nous avions présentés un mois auparavant et personne ne les avait lus.

    Je dois dire que j'ignore combien de gens ici présents ont lu nos amendements. Je pense que personne ne les a lus.

    J'éprouve donc un peu de frustration. Mais je pense que dans l'ensemble, n'importe quel secteur aime que les lois et les règlements soient cohérents et c'est ce que nous recherchons. Je pense que nos amendements vont dans ce sens. Ils répondent aux préoccupations de Terre-Neuve, du gouvernement canadien et de l'ensemble des Canadiens et j'aimerais que les gens en prennent connaissance, les lisent et tirent leurs propres conclusions.

+-

    Le président: Monsieur Broad, permettez que je vous réconforte quelque peu en vous disant que le comité a pris connaissance des mémoires qui lui ont été présentés. C'était à la demande du comité, à cause des préoccupations relatives aux questions de fond touchant la justice et le droit international de la mer. C'est pourquoi le comité a insisté pour que vous ayez la possibilité de comparaître.

    J'espère que cela atténue quelque peu vos préoccupations, parce que ce n'est pas le comité qui est sur la défensive en ce moment. Le comité est évidemment tout disposé à apprendre et à tirer les leçons de ce que vous avez exposé dans votre mémoire. Vous pouvez en conclure que le comité a bel et bien lu le mémoire et pris en compte les questions de fond qui y sont soulevées.

    Merci, monsieur Richardson.

    Monsieur Wilfert, vous avez signalé que vous vouliez poser une question, et ensuite M. Jean a également une question à poser.

    Monsieur Wilfert.

À  +-(1055)  

+-

    L'hon. Bryon Wilfert: Monsieur le président, quand on dit que ce projet de loi a été présenté à la vapeur, cela me rend un peu perplexe. J'ignore si les 300 000 oiseaux qui meurent en moyenne trouvent que c'est trop rapide. J'ignore si les localités côtières qui sont touchées par la pollution trouvent que c'est trop rapide. De manière générale, je ne crois pas que ce soit une observation juste.

    Monsieur le président, le ministère de la Justice l'a examiné et était tout à fait conscient des commentaires exprimés au moment de sa rédaction. Il y a divergence d'opinions, mais de là à dire que ce projet de loi est adopté à la vapeur... Il a d'abord été présenté sous le numéro C-34, monsieur le président, et il a alors été examiné et étudié.

    Je vous laisse avec l'observation suivante, monsieur le président. Le Canada respecte ses obligations internationales, purement et simplement. Que ce soient des navires étrangers ou canadiens qui polluent dans notre zone économique exclusive, nous prendrons toutes les mesures possibles. Je tiens à rappeler à tous les membres du comité que nous renforçons nos mesures d'exécution et de surveillance pour nous assurer que cette mesure législative fonctionne de manière satisfaisante. Il ne sert à rien de discuter autour de la table ici si nous rédigeons une mesure qui n'est pas applicable.

    De plus, monsieur le président, les États-Unis sont la principale destination portuaire au monde, mais les navires qui s'y rendent passent par les eaux canadiennes et c'est donc très commode pour certains.

    Maintenant, quelqu'un a dit que c'est seulement 5 p. 100 qui sont en faute. C'est peut-être vrai. Je ne veux pas que ce chiffre passe à 10 p. 100 ou 15 p. 100. Je ne veux pas récompenser les malfaisants en permettant à certains de s'en tirer. Vous savez, si vous voulez la perfection, monsieur le président, nous nous sommes trompés d'adresse. Nous sommes ici pour faire de notre mieux.

    Je suis convaincu que cette mesure répond aux préoccupations soulevées. S'il y a divergence d'opinions, il peut y avoir d'autres recours.

    Non seulement ai-je entendu le ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, mais je suis conscient des points de vue des autres provinces maritimes et de la Colombie-Britannique. Ce que j'ai entendu de leur part et d'autres intervenants est que cette mesure arrive peut-être un peu en retard. Je trouve que nous devons en terminer.

    Je répète que les gens du ministère de la Justice ont examiné les observations formulées et s'ils ont tiré une conclusion différente de leur conclusion initiale, je ne suis pas au courant. Je crois savoir que ce n'est pas le cas.

+-

    Le président: M. Cullen, en réponse.

+-

    M. Peter Cullen: Je veux seulement ajouter aux observations de M. Wilfert et répondre à ce que M. Richardson a dit tout à l'heure, quand il a utilisé le mot « frustration »; il a dit qu'il décelait une certaine frustration. Peut-être que le mot « consternation » serait plus juste, surtout quand il est question de ce que le ministère de la Justice peut avoir fait ou n'avoir pas fait. Vous verrez dans notre mémoire—je ne vais pas répéter tout cela—que nous avons effectivement, comme vous dites, certains doutes ou des réserves et de sérieuses préoccupations à l'égard de certains éléments de cette mesure législative. Maintenant, nous avons tout dit cela dans notre mémoire et je ne vais pas le répéter, mais je pense que ce serait probablement un mot plus juste : la consternation.

    En fait, je répète qu'il conviendrait peut-être que le comité renvoie toute l'affaire à Justice une fois de plus, puisque vous avez ces mémoires, pour réexaminer toute l'affaire une fois encore.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Cullen.

    Monsieur Jean.

+-

    M. Brian Jean: Je vous remercie de m'accorder du temps supplémentaire.

    Je veux d'abord dire, comme M. Cullen l'a dit, qu'il est normal que deux avocats aient deux opinions différentes . Mais dans le cas de M. McGuinty, nous avons enfin la même opinion qu'un ancien avocat, et les libéraux et les conservateurs ont essentiellement la même opinion, à savoir qu'il y a quelque chose qui cloche et qu'il faut y remédier.

    Je me demande si le secteur lui-même a envisagé d'autres options, par exemple, comme beaucoup d'entreprises l'ont fait au Canada, la création d'un groupe d'achat doté de certains incitatifs pour ses membres... une forme quelconque de rabais... ou un consortium qui se superviserait lui-même, comme cela se fait ailleurs. Par exemple, le barreau veille lui-même au respect de ses propres règles. Serait-il possible pour le secteur de s'en occuper et d'être plus efficace?

    Évidemment, ce qui se passe actuellement n'est pas efficace. Je ne sais pas trop dans quelle mesure cette nouvelle loi sera efficace, parce que, bien franchement, nous en attrapons seulement 5 p. 100, mais nous en trouvons moins de 1 p. 100 à cause du peu d'argent qui y est consacré. Serait-il possible pour le secteur de s'en occuper efficacement?

+-

    Le président: Monsieur O'Connor.

+-

    M. John O'Connor: Je voudrais répondre brièvement à cela. Le secteur s'en occupe, en fait, au niveau international et pas nécessairement au Canada. Il s'en occupe au niveau international par des régimes d'assurance. Disons qu'il y en a 5 p. 100—je ne suis pas certain des chiffres, mais disons 5 p. 100—que l'on pourrait qualifier d'inférieurs aux normes ou de bâtiments qui ne respectent pas les normes. L'idée est qu'il leur faudrait alors payer beaucoup plus cher pour l'assurance et cette proposition est actuellement discutée sur la scène internationale au sein de l'Organisation maritime internationale, qui est la division maritime des Nations Unies. Ils envisagent d'autres sanctions contre les navires qu'on pourrait qualifier d'inférieurs aux normes.

    C'est un débat difficile parce qu'il est difficile de définir à quoi correspond un tel navire. On pourrait avoir un navire qui, physiquement, ne présente aucun problème, mais s'il est exploité de manière inférieure aux normes, par exemple, si le capitaine ne respecte pas la législation antipollution ou une autre loi, peut-on dire alors que le navire ne respecte pas les normes? C'est très difficile de préciser tout cela, mais le débat se poursuit en ce moment même.

    Je pense que l'industrie fait des efforts à l'échelle internationale et le transport maritime est un secteur très international. Ce n'est pas un secteur national limité à un seul pays. Tout se fait à l'échelle internationale et le secteur s'efforce de s'imposer des règles de discipline, à mon sens.

Á  +-(1100)  

+-

    M. Brian Jean: Je serais très intéressé à appuyer cela sur le plan personnel, par l'entremise des travaux du comité et autrement, s'il y avait une manière d'encourager cela à l'avenir, parce que je pense que c'est la seule façon d'être efficace, à vrai dire.

+-

    Le président: Merci, monsieur Jean.

    Monsieur Gagnon, peut-être pourriez-vous terminer très brièvement.

[Français]

+-

    M. Marcel Gagnon: Je suis toujours préoccupé par ce pourcentage de 5 p. 100. Ce sont ces bateaux qui m'intriguent toujours, parce que ce sont eux qui font presque 100 p. 100 des dommages aux côtes.

    On ne laisserait pas une compagnie atterrir à Dorval ou à Toronto si 5 p. 100 des avions risquaient de tomber sur la ville. Ce pourcentage est très important.

    Peut-on espérer qu'un jour les bateaux seront inspectés? Je me rappelle une catastrophe qui a eu lieu quelque part en Europe. Si on avait inspecté le bateau, il n'aurait jamais pris la mer.

    Peut-on espérer cela?

+-

    M. John O'Connor: Oui, car il existe un programme. La Fédération maritime du Canada serait peut-être plus qualifiée que moi pour en parler. Cela s'appelle le contrôle par l'État du port. Ce n'est pas une convention, mais plutôt une espèce de mémorandum d'accord. Il y en a un qui s'applique à l'Atlantique et un autre qui s'applique au Pacifique.

    L'idée qui sous-tend ce programme est que bien qu'un navire batte pavillon étranger, lorsqu'il est dans un port d'un pays signataire, comme le Canada, les autorités locales peuvent faire des inspections sur ce bateau comme si elles avaient autorité sur le pavillon.

    Le contrôle par l'État du port a pour but d'améliorer la sécurité et de lutter contre la pollution. Il s'agit d'une autre mesure. Ce n'est pas une solution qui règle tout. Toutefois, cela solutionne certains problèmes. C'est de plus en plus populaire.

    Encore une fois, c'est une question de financement. A-t-on assez d'hommes, de gens et d'argent pour inspecter chaque bateau? La réponse est non.

    Par conséquent, on cible certaines sortes de navires, les plus suspects ou les plus dangereux, c'est-à-dire ceux qui peuvent disparaître en mer, comme les vraquiers. Ils sont normalement inspectés presque à 100 p. 100 au Canada. Chaque fois qu'on inspecte un navire, s'il y a quoi que ce soit, on consulte entre autres le Registre des hydrocarbures pour savoir s'il a déjà pollué. S'il y a une indication à cet effet, le navire est détenu et ses propriétaires peuvent être poursuivis au criminel.

    Cette initiative, qui est très importante, est très récente.

+-

    M. Peter Cullen: Il y a aussi un échange de renseignements qui est prévu. Il n'y a qu'un dossier pour chaque navire. Si le navire est chargé à Rotterdam avant de faire un voyage jusqu'à Montréal, les gens de Montréal peuvent avoir accès au dossier de Rotterdam pour savoir ce qui y est arrivé au chapitre de l'inspection, pour savoir si les inspections ont été faites et si on a promis qu'à Montréal, on allait réparer certaines choses, et pour savoir si elles ont été vraiment réparées, où, quand et par qui elles l'ont été.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Legars, je vous prie d'être très brève.

+-

    Mme Anne Legars: Oui.

    En fait, le Canada inspecte 25 p. 100 des navires annuellement. Certains navires sont inspectés plus souvent, par exemple, les vieux pétroliers. On cible vraiment les inspections pour s'assurer de déceler les fautifs, en s'appuyant sur cette base de données internationale, parce que si l'on sait que le propriétaire du navire n'a pas un bon dossier, ou encore l'exploitant du navire, ou que ce type de navire a un mauvais bilan, on s'en occupe de manière prioritaire.

    Et cela fonctionne parce qu'il y a cinq ans, 10 p. 100 étaient des navires non conformes alors qu'aujourd'hui c'est moins de 5 p. 100. Et nous avons maintenant ce nouveau protocole d'entente révisé pour renforcer encore davantage le contrôle portuaire, de sorte que l'on sait que l'évolution va dans le bon sens.

Á  -(1105)  

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    Le président: Je remercie beaucoup tous nos témoins. Quelqu'un a dit que l'on s'efforce d'atteindre la perfection, et je pense que M. Gagnon a fait une observation très profonde qui va au coeur même de la raison d'être de notre présence ici. Nous essayons toujours d'être le plus responsable possible. Si nous appliquions le même degré de responsabilité, et si nous montions à bord d'un aéronef, quel facteur de risque accepterions-nous? C'est une extrapolation intéressante et je remercie M. Gagnon de l'avoir soulevée.

    Et je vous remercie. J'espère que le processus qui nous occupe est vraiment la justice naturelle qui vient du fait que l'on entend des témoins qui sont visés au premier chef par la mesure législative. Je sais que certaines préoccupations ont été soulevées, mais je peux vous dire très franchement que le comité a pris bonne note de vos préoccupations.

    Je remercie les membres du comité. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir été présent et d'avoir participé aux travaux du comité.

    Le comité recevra copie de vos mémoires. Le greffier m'a dit, et je vous le signale à titre d'information, que lorsque nous ferons l'étude article par article, nous aurons les renvois à vos mémoires et que nous pourrons consulter à ce propos les représentants du ministère de la Justice et d'autres ministères si des questions surgissent.

    Merci beaucoup, mesdames et messieurs les membres du comité. La séance est levée.