JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 14 juin 2005
¿ | 0905 |
Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)) |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ) |
Le président |
M. Wayne Jeffery (président, Comité sur la conduite sous l'influence des drogues, Société canadiennce des sciences judiciaires, laboratoire judiciaire de Vancouver) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
Le président |
M. Michael Lomer (représentant, Criminal Lawyers' Association) |
Le président |
M. Kwei Quaye (président, Stratégie de réduction de la conduite avec facultés affaiblies, Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Michael Lomer |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Mark Warawa (Langley, PCC) |
¿ | 0935 |
M. Wayne Jeffery |
M. Mark Warawa |
M. Wayne Jeffery |
Le président |
¿ | 0940 |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ) |
M. Michael Lomer |
M. Richard Marceau |
M. Kwei Quaye |
¿ | 0945 |
M. Richard Marceau |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.) |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Wayne Jeffery |
¿ | 0950 |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Wayne Jeffery |
Le président |
M. Randy White (Abbotsford, PCC) |
M. Michael Lomer |
M. Randy White |
M. Michael Lomer |
M. Randy White |
M. Michael Lomer |
M. Randy White |
M. Wayne Jeffery |
M. Randy White |
M. Wayne Jeffery |
M. Randy White |
M. Wayne Jeffery |
¿ | 0955 |
M. Randy White |
M. Wayne Jeffery |
Le président |
M. Richard Marceau |
M. Michael Lomer |
M. Richard Marceau |
M. Wayne Jeffery |
À | 1000 |
Le président |
M. Kwei Quaye |
M. Richard Marceau |
Le président |
L'hon. Judy Sgro (York-Ouest, Lib.) |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Judy Sgro |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Judy Sgro |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Judy Sgro |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Judy Sgro |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Judy Sgro |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Judy Sgro |
M. Wayne Jeffery |
À | 1005 |
L'hon. Judy Sgro |
M. Michael Lomer |
Le président |
M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC) |
À | 1010 |
Le président |
M. Michael Lomer |
M. Myron Thompson |
M. Michael Lomer |
M. Myron Thompson |
M. Michael Lomer |
M. Myron Thompson |
M. Wayne Jeffery |
M. Myron Thompson |
M. Michael Lomer |
M. Myron Thompson |
M. Michael Lomer |
M. Myron Thompson |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.) |
À | 1015 |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Roy Cullen |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Roy Cullen |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Roy Cullen |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Roy Cullen |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Roy Cullen |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Roy Cullen |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Roy Cullen |
M. Kwei Quaye |
À | 1020 |
L'hon. Roy Cullen |
Le président |
M. Randy White |
M. Michael Lomer |
M. Randy White |
M. Michael Lomer |
M. Randy White |
M. Michael Lomer |
M. Randy White |
M. Wayne Jeffery |
M. Randy White |
M. Wayne Jeffery |
À | 1025 |
Le président |
M. Michael Lomer |
Le président |
M. Mark Warawa |
Le président |
M. Randy White |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Wayne Jeffery |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Wayne Jeffery |
À | 1030 |
M. Michael Lomer |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Michael Lomer |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Wayne Jeffery |
M. Mark Warawa |
M. Michael Lomer |
M. Kwei Quaye |
M. Mark Warawa |
À | 1035 |
M. Kwei Quaye |
M. Mark Warawa |
M. Wayne Jeffery |
M. Mark Warawa |
M. Wayne Jeffery |
M. Mark Warawa |
M. Wayne Jeffery |
M. Mark Warawa |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 14 juin 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): Il y a quorum. Je propose donc de commencer parce que nous avons d’autres affaires à régler avant de mettre fin à la réunion. De plus, nous devons avoir quitté cette salle avant 11 heures. Nous n’avons donc pas de temps à perdre.
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Nous avons aussi une motion.
Le président: Nous avons votre motion. Il y a aussi M. Toews qui a demandé à déposer une motion. Nous devons donc inscrire tout cela à notre programme. Je propose de commencer. J’espère que nous pourrons terminer l’audition des témoins vers 10 h 45 ou 10 h 50 pour nous occuper de la motion de M. Marceau. Croyez-vous que nous aurons assez de temps pour cela? En fait, nous avons déjà examiné votre motion. Il restera seulement à élire un président et à proposer des candidatures.
Je voudrais maintenant remercier M. Jeffery, de la Société canadienne des sciences judiciaires, et M. Kwei Quaye—excusez la prononciation—, du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, d’avoir accepté de comparaître devant le comité.
Je vais demander à M. Jeffery de commencer. Généralement, les exposés préliminaires durent environ 10 minutes. Nous entendrons ensuite M. Quaye, après quoi nous passerons aux questions et réponses, pour lesquelles les membres du comité disposeront de cinq minutes chacun pendant nos tours de table.
M. Wayne Jeffery (président, Comité sur la conduite sous l'influence des drogues, Société canadiennce des sciences judiciaires, laboratoire judiciaire de Vancouver): Merci beaucoup.
C’est un fait bien connu que des substances autres que l’alcool peuvent affaiblir les facultés et mener à la conduite avec facultés affaiblies. Deux articles publiés par le Comité sur la conduite sous l’influence des drogues de la Société canadienne des sciences judiciaires, A Report on the Incidence of Drugs and Driving in Canada et The Involvement of Drugs in Driving in Canada: An Update to 1994, décrivent le genre de drogues trouvées dans l’organisme des personnes ayant été impliquées dans des accidents mortels de la route et dans les cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue où on a obtenu un échantillon de sang.
Deux catégories de drogues, le cannabis et les benzodiazépines, sont beaucoup plus souvent en cause que les autres dans le contexte de la conduite avec facultés affaiblies. En 2003, Transports Canada a publié un rapport intitulé Effets du cannabis sur la conduite : Une analyse de l’état actuel des connaissances centrée sur les données canadiennes, dont les auteurs déclarent : « La preuve est très claire qu’une dose modérée ou plus élevée de cannabis altère la performance du conducteur et plusieurs des aptitudes nécessaires à une conduite sûre. »
L’ampleur du problème de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue au Canada a été sous-estimée en raison du handicap que constitue pour les policiers la loi actuelle. L’article Alcohol, Drugs and Impairment in Fatal Accidents in BC traite de ce problème. Il montre que 9 p. 100 de tous les accidents mortels de la route survenus en Colombie-Britannique ont été provoqués par les drogues et 10 p. 100, par les effets combinés de petites quantités de drogue associées à de petites quantités d’alcool. Les données sur les accidents mortels de la route tirées de cet article et d’autres articles semblables permettent-elles de formuler une hypothèse générale sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue? La documentation scientifique internationale a démontré que de 10 à 40 p. 100 des conducteurs dont les facultés étaient affaiblies et dont l’alcoolémie était inférieure à 100 mg/100 ml étaient drogués.
Au Canada, la loi actuelle prévoit déjà l’infraction de conduite avec facultés affaiblies par la drogue (alinéa 253a)). Toutefois, les policiers sont actuellement aux prises avec des obstacles considérables quand ils doivent recueillir des preuves pour étayer une accusation de conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Aussi, tant que la loi reste telle quelle, les condamnations pour conduite avec facultés affaiblies par la drogue sont peu probables. Les policiers doivent prouver que l’accusé avait les facultés affaiblies et établir la présence de drogues actives dans son organisme. Cela ne peut être fait que de deux façons : un test de sobriété administré sur place et l’obtention d’un liquide organique permettant de prouver la présence de la drogue dans l’organisme. La loi actuelle ne permet pas aux policiers d'exiger ni l’administration du test de sobriété ni le prélèvement d'un échantillon de liquide organique.
Pour ce qui est de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, il n’existe aucune disposition discrétionnaire comme c’est le cas pour l’alcool. Pour prouver l’affaiblissement des facultés, les policiers doivent être autorisés à effectuer des tests de sobriété sur place et à exiger un échantillon d’un liquide organique approprié (sang, urine ou salive). Le Comité sur la conduite sous l’influence des drogues de la SCSJ n’est pas en faveur du prélèvement sur route, par des policiers, d’échantillons d’urine ou de salive pour déceler la présence de drogue. Ces analyses ne devraient être faites que dans un laboratoire judiciaire.
Aux États-Unis, la plupart des États ont réagi au problème de la drogue au volant en créant des programmes d’experts en reconnaissance des drogues (DRE). Le programme DRE avait été adopté par la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) en 1988 et est administré par l’International Association of Chiefs of Police (IACP). Il comprend une procédure structurée pour évaluer les personnes soupçonnées de conduire avec les facultés affaiblies en décelant et en décrivant les symptômes et les effets de la consommation de différentes drogues. Sur la base des renseignements recueillis, la procédure offre un cadre systématique permettant de prédire les catégories de drogues les plus susceptibles d’être présentes dans chaque cas. Cette approche établit la cause probable nécessaire pour justifier la collecte d’un échantillon biologique à utiliser pour des tests de toxicologie, ce qui fournit les principaux éléments nécessaires pour étayer une accusation de conduite avec facultés affaiblies. La procédure est décrite dans un autre article, The Drug-Impaired Driver: The Drug Recognition Expert Response. À l’heure actuelle, 38 États américains utilisent cette procédure pour déceler et poursuivre les conducteurs ayant les facultés affaiblies par la drogue. Le programme a été validé aussi bien en laboratoire que sur la route.
Le programme DRE a été mis en œuvre en Colombie-Britannique en 1995, avec l’appui de l’Insurance Corporation of B.C. Son succès a toutefois été limité, sur le plan des condamnations, en raison de la rareté des tests de sobriété et des prélèvements de liquides organiques effectués sur le terrain. II a toutefois bien réussi à écarter de la route les conducteurs aux facultés affaiblies, qui se sont fait retirer leur permis de conduire pour 24 heures en vertu de la loi provinciale.
Si on veut poursuivre les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par la drogue, le point de départ n’est pas de fixer une limite de concentration dans le sang. Il vaut mieux recueillir des preuves indépendantes du comportement du conducteur fondées soit sur l’administration sur place d’un test normalisé de sobriété soit sur une évaluation faite par un expert en reconnaissance des drogues et corroborée par une analyse en laboratoire. L’analyse permet de confirmer ou d’infirmer l’évaluation faite quant au genre de drogue ayant causé le comportement observé.
¿ (0910)
Pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, le Comité sur la conduite sous l’influence des drogues recommande que les modifications suivantes soient apportées à l’alinéa 253a) du Code criminel, selon les indications données à la page 4 de l’article soumis précédemment.
Nous recommandons que le prélèvement d’un échantillon de liquide organique pour fins de détection de drogue ne soit autorisé que si la totalité des conditions suivantes sont réunies :
a) Un agent de la paix a des motifs raisonnables de croire qu’une personne commet ou a commis pendant les deux heures précédentes une infraction à l’alinéa 253a).
b) Il existe des symptômes manifestes et parfois spécifiques de l’affaiblissement des facultés physiques et psychomotrices ou du comportement au volant, de sorte qu’il semble y avoir des écarts marqués par rapport à la norme pour ce qui est de la capacité de conduire ou d’avoir la garde et le contrôle d’un véhicule automobile.
c) Un test effectué à l’aide d’un alcootest routier ou d’un éthylomètre de constat a démontré que l’alcoolémie du conducteur ne dépassait pas la limite prescrite à l’alinéa 253b).
Dans le contexte des modifications proposées à l’alinéa 253a), nous supposons qu’un certain nombre d’agents de police recevront une formation spécialisée semblable à celle qui est donnée dans le cadre du programme américain des experts en reconnaissance des drogues et que la loi sera modifiée pour permettre les tests sur route.
Les modifications législatives proposées ne viseraient pas les conducteurs qui prennent correctement des médicaments à des fins thérapeutiques. L’utilisation éthique de médicaments prescrits par un médecin et préparés par un pharmacien ne devrait pas entraîner l’affaiblissement des facultés. Comme ces mesures permettraient de déceler l’abus aussi bien de drogues illicites que de médicaments, il ne faudrait pas en limiter l’application aux drogues illicites.
II est certain qu’à part l’alcool et d’autres drogues, beaucoup de troubles médicaux peuvent affaiblir les facultés. Le diabète non traité, l’épilepsie et les accidents cérébrovasculaires ne sont que trois exemptes. La procédure DRE est conçue pour aider les policiers à déceler les troubles médicaux qui causent l’affaiblissement des facultés. Par conséquent, l’agent ayant reçu la formation correspondante qui reconnaît un cas de facultés affaiblies par un problème médical ferait appel à un médecin au lieu d’incarcérer le conducteur en cause.
Le Comité sur la conduite sous l’influence des drogues de la Société canadienne des sciences judiciaires appuie les propositions présentées dans le projet de loi C-16. Je vous ai apporté la documentation scientifique connexe.
¿ (0915)
Le président: Je vous remercie.
Bonjour, monsieur Lomer.
M. Michael Lomer (représentant, Criminal Lawyers' Association): Je m’excuse, monsieur le président, mais la circulation à Ottawa est en train de devenir aussi pénible qu’à Toronto.
Le président: Nous allons demander à M. Quaye de présenter son exposé, après quoi vous aurez 10 minutes pour le vôtre.
Monsieur Quaye.
M. Kwei Quaye (président, Stratégie de réduction de la conduite avec facultés affaiblies, Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé): Merci beaucoup.
L’alcool au volant constitue un grave problème partout au Canada. Il tue des centaines de Canadiens chaque année. Dans sa forme actuelle, l’article 8 du projet de loi C-16 aggravera, à notre avis, le problème de la conduite avec facultés affaiblies au Canada.
Mon exposé comportera trois volets. Dans le premier, je parlerai brièvement du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé (CCATM). Deuxièmement, j’aborderai la question de la conduite avec facultés affaiblies et de la réaction du CCATM. Enfin, je vous présenterai le point de vue du CCATM sur le projet de loi C-16.
Le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé est un organisme sans but lucratif qui comprend des représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada qui, par le biais d’un processus consultatif, formulent des recommandations relativement à la gestion et au traitement de l’immatriculation, du contrôle du transport motorisé et de la sécurité routière. Le CCATM comprend aussi des membres associés du secteur privé et des ministères fédéraux dont l’expertise et les opinions sont sollicitées dans l’élaboration de stratégies et de programmes. Le CCATM reçoit son mandat du Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière.
L’alcool au volant a été et demeure encore le principal facteur intervenant dans les accidents mortels de la route au Canada. En 1995, près de 1300 personnes ont trouvé la mort dans des collisions mettant en cause un conducteur qui avait bu. En 2000, 864 personnes ont été tuées dans des accidents impliquant un conducteur qui avait bu. En 2003, dernière année pour laquelle nous disposons de statistiques nationales, 902 personnes sont mortes à cause de conducteurs qui avaient bu. Dans l’ensemble, au niveau national, 33 p. 100 des décès causés par des accidents de la route impliquaient des conducteurs qui avaient consommé de l’alcool. Aucune province, aucun territoire du pays n’est à l’abri de ce problème.
Le CCATM considère cela comme un problème important qui nécessite une attention soutenue. En 1990, le Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière a approuvé des programmes destinés à réduire de 20 p. 100 le nombre de décès sur la route attribuables à l’alcool dans les cinq années suivantes, et a chargé le CCATM de mettre en oeuvre ces programmes. Pour atteindre cet objectif, le CCATM a élaboré une stratégie de réduction de la conduite avec facultés affaiblies ou SRCFA. Il s’agissait d’une initiative conjointe du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que d’autres organismes de sécurité du Canada.
La SRCFA a été mise en oeuvre dans le but d’établir une infrastructure et des approches communes de lutte contre le problème de la conduite avec facultés affaiblies. Durant cette première phase de la SRCFA, nous avons réalisé d’importants progrès dans la mise en place d’une infrastructure pour appuyer d’autres initiatives de la SRCFA. Ces initiatives comprenaient notamment des stratégies de quatre ans à appliquer dans chaque province et territoire pour suivre l’évolution de la conduite avec facultés affaiblies, la création d’organismes de coordination et de comités interorganismes et la mise en oeuvre de programmes concertés d’exécution et de sensibilisation.
Cette initiative a été renouvelée en 1995, sous le titre de SRCFA 2001, parce que le problème persistait. Cette fois, le mandat prévoyait, pour 2001, une réduction de 20 p. 100 du nombre de décès et de blessures graves dus à des collisions impliquant des conducteurs qui avaient bu. Au cours de cette période, les progrès ont été lents mais réguliers : le nombre de décès attribuables à l’alcool au volant a baissé en dépit de l’augmentation constante du nombre de conducteurs.
En novembre 2001, le groupe de travail de la SRCFA a publié la dernière version de la stratégie de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies. La nouvelle stratégie est maintenant connue sous le titre de SRCFA 2010. Fondée sur l’expérience et les enseignements tirés des deux stratégies précédentes, ainsi que sur l’atelier national que nous avons organisé sur le sujet, SRCFA 2010 vise à réduire de 40 p. 100 le pourcentage des usagers de la route qui sont tués ou gravement blessés dans des collisions impliquant l’alcool au volant.
Pour atteindre les objectifs de SRCFA 2010, nous avons un certain nombre de recommandations et d’initiatives visant les buveurs incorrigibles, les jeunes néophytes du volant, les buveurs mondains et les conducteurs qui en sont à leur première sanction. Ces initiatives se répartissent entre différentes catégories : éducation et sensibilisation, rôle de la police, initiatives touchant les politiques et les lois, promotion de la santé, établissement de liens, suivi de la recherche et de l’évaluation, ainsi qu’une catégorie « autres éléments » comprenant le problème de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
¿ (0920)
La SRCFA 2010 est une composante clé de la vision nationale 2010 de la sécurité routière, qui a été approuvée par le Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière et qui vise à faire des routes canadiennes les plus sûres du monde.
La stratégie nationale du CCATM pour réduire la conduite avec facultés affaiblies permet de mettre à la disposition des provinces et des territoires des trousses complètes de contre-mesures destinées à combattre l’alcool au volant. Parmi les contre-mesures les plus importantes de la stratégie, il y a lieu de mentionner le recours aux suspensions administratives à court terme, comme les suspensions de 24 heures imposées dans le cadre de contrôles routiers et les suspensions administratives de 90 jours. La majorité des provinces et territoires du Canada utilisent actuellement ces outils pour gérer l’alcool au volant et ses conséquences.
Le CCATM croit qu’il y a suffisamment d’indices aujourd’hui pour conclure que la drogue constitue aussi un important problème. Nous avons donc la question de la drogue au volant. La nécessité d’affronter cette question est explicitement reconnue dans la SRCFA 2010. En fait, la SRCFA comprend un sous-groupe chargé de cette question, qui a pour mandat d’élaborer une stratégie de lutte contre la drogue au volant. Les fonctions du sous-groupe s’étendent à l’affaiblissement des facultés dû aux médicaments d’ordonnance, aux drogues illicites et aux médicaments en vente libre. Il s’occupe actuellement de l’élaboration d’une stratégie, dont la première ébauche est attendue vers la fin de 2005.
Entre-temps, le sous-groupe a entrepris, seul ou de concert avec d’autres, un certain nombre de projets destinés à mieux connaître le problème. Le CCATM et Transports Canada s’occupent conjointement de la mise à jour annuelle de la base de données de la SRCFA sur les décès de la route, qui recueille des renseignements sur la consommation d’alcool des conducteurs et des piétons tués sur les routes canadiennes. Depuis 2000, la base de données a été agrandie pour permettre le stockage de renseignements sur la consommation de drogue, si de tels renseignements existent.
Compte tenu de tout cela, le CCATM appuie l’orientation générale du projet de loi C-16, qui donne à la police des moyens plus efficaces d’exécution des dispositions existantes du Code criminel concernant la conduite avec facultés affaiblies par la drogue et qui renforce et l’appui le rôle de la police dans la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies. Toutefois, le CCATM ne peut pas appuyer le projet de loi C-16 dans sa forme actuelle à cause de ses effets préjudiciables possibles sur la gestion de la conduite avec facultés affaiblies au niveau provincial et territorial. L’article 8 du projet de loi établit le nouvel article 258.1 du Code criminel, qui aurait pour effet d’empêcher l’utilisation des résultats des alcootests, des prélèvements d’échantillons de sang et d’autres liquides organiques, des tests de sobriété et des évaluations de reconnaissance des drogues en vue de l’imposition de sanctions en vertu des codes provinciaux de la route.
Dans sa forme actuelle, l’article 258.1 proposé interdit l’utilisation des résultats de ces tests à des fins autres que des enquêtes criminelles sur la conduite avec facultés affaiblies. Les sanctions provinciales et territoriales actuellement appliquées dans la majorité des administrations canadiennes qui délivrent des permis de conduire—comme la suspension de 24 heures, les suspensions administratives de permis liées à l’alcool et la saisie des véhicules—se fondent sur les résultats de tests tels que l’alcootest et les tests normalisés de sobriété administrés sur place plutôt que sur des accusations en vertu du Code criminel. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-16 empêchera les provinces et les territoires d’interdire le volant aux conducteurs ayant des facultés affaiblies et enlèvera toute efficacité aux programmes provinciaux et territoriaux de suspension du permis de conduire et de saisie des véhicules.
Le CCATM n’appuie pas le projet de loi C-16 dans sa forme actuelle. S’il est adopté tel quel, nous croyons qu’il fera très sensiblement reculer la gestion de la conduite avec facultés affaiblies au Canada, surtout en ce qui concerne l’alcool au volant. Le CCATM recommande que le projet de loi soit modifié de façon à autoriser l’utilisation des résultats de l’alcootest, des analyses de sang et d’autres liquides organiques, des tests de sobriété et des évaluations de reconnaissance des drogues aux fins de la mise en vigueur des codes provinciaux de la route.
Je voudrais, en conclusion, présenter les observations suivantes au nom du CCATM.
¿ (0925)
Le CCATM tiens à souligner que l’alcool au volant continue d’être le principal facteur des décès sur toutes les routes du Canada.
Le CCATM croit que, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-16 sapera les efforts de dissuasion déployés par toutes les administrations canadiennes pour décourager les gens de prendre le volant après avoir bu. Les conséquences d’une telle mesure seraient désastreuses et constitueraient un énorme recul.
Le CCATM se félicite de l’effort fédéral tendant à donner à la police des moyens supplémentaires de contrôler la conduite avec facultés affaiblies, mais, comme nous l’avons dit, nous ne pouvons pas appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle. Le projet de loi doit être modifié de façon à autoriser l’utilisation des résultats des analyses de sang et d’autres liquides organiques, des tests de sobriété administrés sur place et des évaluations de reconnaissance des drogues aux fins de la mise en vigueur des codes provinciaux de la route. C’est là le point de vue unanime de toutes les administrations canadiennes.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Quaye.
À vous, monsieur Lomer.
M. Michael Lomer: Je remercie beaucoup les membres du comité.
Permettez-moi de dire dès le départ qu’il n’y a probablement aucun domaine du droit pénal qui réunisse la Charte des droits et libertés, la classe moyenne et la police dans une combinaison aussi difficile de circonstances que le cas de ceux que je considère comme des citoyens respectueux des lois qui se trouvent au volant d’un véhicule et doivent faire face, probablement pour la première fois, à un agent de police.
Je vous prie de ne pas vous méprendre sur mes intentions. Je ne suis pas venu ici pour essayer de réfuter ce que les autres témoins ont dit au sujet de la conduite avec facultés affaiblies et de ses conséquences pour les Canadiens. Je voudrais cependant dire ceci : vous autorisez ici une forme de détention pour fins d’enquête; vous allez permettre que des gens soient détenus pendant qu’une enquête se déroule à leur sujet pour déterminer s’ils ont commis une infraction criminelle.
L’alcootest, dispositif qui mesure le taux d’alcoolémie à l’aide d’un échantillon d’haleine, a franchi l’épreuve de la Charte il y a une quinzaine d’années dans l’affaire Thomsen. Il a été déclaré conforme à la Charte principalement parce qu’il y avait un lien clair et évident entre l’alcool et l’affaiblissement des facultés. L’existence d’un soupçon raisonnable de présence d’alcool dans le sang est un seuil que la Cour suprême a jugé acceptable pour déterminer si la détention pour fins d’enquête est admissible. La nouvelle disposition du projet de loi va maintenant autoriser la détention pour fins d’enquête lorsqu’il existe un soupçon raisonnable de présence d’une drogue dans l’organisme.
En même temps, vous n’avez aucune définition de « drogue ». Je m’aventurerai à dire, sans trop craindre de me tromper, que chacun des membres du comité a probablement une drogue dans son organisme en ce moment même. Je n’ai pas pris de café ce matin, mais vous en avez probablement pris. Je n’essaie pas d’être facétieux. No-Doz est un médicament apparenté à la caféine que vous pouvez acheter sans ordonnance. J’ai entendu dire que ceux qui conduisent sur de longues distances en prennent à l’occasion pour éviter de s’assoupir au volant. Ont-ils les facultés affaiblies par une drogue? Ont-ils une drogue dans leur organisme? La réponse est oui. Toute personne qui prend un médicament quelconque sans rapport avec l’affaiblissement des facultés aurait quand même une « drogue » dans son organisme.
Voulez-vous réellement établir un seuil tellement bas qu’il n’existe aucun lien causal entre l’affaiblissement des facultés, comme dans le cas de l’alcool, et la détention pour fins d’enquête qu’autorise ce projet de loi?
Je peux prédire tout de suite que cette disposition ne passera pas l’épreuve de la Charte parce qu’elle est beaucoup trop générale. Vous ne faites aucun effort pour définir « drogue ». S’agit-il d’un stupéfiant, d’une substance réglementée aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances? Non. Même certaines de ces substances réglementées ne provoquent aucun signe d’affaiblissement des facultés. Les stéroïdes anabolisants, par exemple, sont des drogues réglementées, mais ils ne causent pas nécessairement un affaiblissement des facultés. Ils pourraient être liés d’une façon ou d’une autre à la rage au volant, mais nous ne sommes même pas sûrs de cela.
Ce que vous faites avec ce critère—et c’est probablement là ma plus grande préoccupation—, ce que vous placez la barre si bas que même si l’agent dans la rue ne voit aucun signe d’affaiblissement des facultés, mais peut vérifier la présence d’une drogue dans l’organisme, il a toute latitude pour pratiquer la détention pour fins d’enquête.
En même temps, la personne qui refuse de se plier sur-le-champ aux exigences de l’agent commet une infraction criminelle. J’aimerais examiner le libellé actuel du paragraphe 254(5) proposé dans le projet de loi. Nous savons que si une personne refuse l’alcootest, elle peut être accusée d’une infraction. Aujourd’hui, cependant, si une personne refuse de se prêter sur place à un test normalisé de sobriété, elle peut être accusée d’une infraction. Je vous le demande : était-ce l’intention du Parlement de faire un criminel de quelqu’un qui pourrait ne pas avoir les facultés affaiblies, mais être incapable de marcher en ligne droite ou de toucher son nez d’une certaine façon?
¿ (0930)
À première vue, je ne croyais pas que c’était le cas, mais le libellé du paragraphe proposé montre clairement que c’est une interprétation raisonnable de cette disposition. Voulez-vous vraiment créer cette infraction, en gardant à l’esprit le fait que c’est ce que j’appellerai presque une infraction inchoative? Ces gens n’ont pas la possibilité d’aller au poste de police pour subir le test en 12 étapes administré par un expert en reconnaissance des drogues. Tout arrive sur place : si vous échouez au test, vous êtes accusé d’une infraction.
Était-ce vraiment notre intention d’en arriver là? Ma proposition, qui bénéficie d’un appui assez large, je crois, notamment dans le système de justice, est de procéder par voie présomptive : si vous échouez au test ou si vous le refusez, vous n’êtes pas accusé d’une infraction criminelle, mais passez plutôt à l’étape suivante, c’est-à-dire le poste de police, l’alcootest et la reconnaissance des drogues. À mon avis, cela réduirait le risque de criminaliser ce qui n’est pas criminel.
Il y a une autre chose. Le libellé de la disposition a été modifié, et je ne sais pas pourquoi. L’expression « dès que possible » est utilisée depuis que j’ai commencé à pratiquer le droit, il y a 25 ans. Elle a un certain prestige juridique et a toujours été interprétée comme voulant dire « aussitôt qu’il sera raisonnablement possible de le faire ». C’est une expression assez flexible. Je me demande pourquoi les avocats ont décidé de remplacer « dès que possible » par « dans les meilleurs délais ». S’attendaient-il à 20 autres années de procès?
Je dois vous dire que notre interprétation, d’après les cours d’appel, est que les deux expressions... Je ne vois vraiment pas de différence réelle. Mais si vous vous attendiez à gagner du temps pour l’agent... Je ne crois pas que cela se produira nécessairement. Je ne vois pas la nécessité de modifier une définition en cours de route alors que l’expression actuelle est déjà bien établie. Je recommande au comité d’envisager de revenir à l’ancien libellé. Il n’a rien de magique. Il aboutira au même résultat.
Je crois que certains d’entre vous ont des questions à poser. J’ai terminé mes observations préliminaires.
Le président: Monsieur Thompson, cinq minutes?
Monsieur Warawa.
M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.
Je voudrais tout d’abord remercier les témoins d’être venus. J’aimerais aussi formuler une observation sur le dernier exposé, celui de M. Lomer.
Le scénario que vous avez décrit est possible, mais très peu vraisemblable. On peut citer n’importe quel exemple extrême, mais je n’y vois rien de particulièrement pratique. Nous sommes très ouverts pour discuter et envisager des amendements pouvant resserrer les dispositions du projet de loi. Toutefois, à mon avis, si le projet de loi C-16 est adopté, il serait appliqué de la façon suivante. Un agent de police verrait quelqu’un conduire d’une manière dangereuse. La personne a les facultés affaiblies, mettant en danger sa propre vie et la vie d’autres usagers de la route.
Dans le scénario que vous avez décrit, si j’ai bien compris, il s’agirait de tests administrés au hasard, de demandes de prélèvements et de demandes concernant des tests de sobriété sur place. Je ne crois pas que ce scénario soit très réaliste. Ordinairement, il y a quelqu’un qui conduit d’une manière dangereuse et à qui un agent de police demande de s’arrêter sur le bord de la route. L’agent détermine s’il y a ou non affaiblissement des facultés. Y a-t-il un problème? Y a-t-il des ennuis médicaux? Y a-t-il un problème lié à la drogue? Ensuite, l’agent administre un test de sobriété sur place. S’il a l’impression que la personne a les facultés affaiblies par la drogue, il va la ramener au poste de police où un expert en reconnaissance des drogues procédera à un autre test pour déterminer si la personne est sous l’influence d’une drogue. L’expert sera en mesure de déterminer s’il s’agit d’alcool, de drogue ou d’un problème médical.
Si la personne a les facultés affaiblies par une drogue illicite, on lui demandera de se prêter à un autre test. L’objectif est de rendre nos rues plus sûres. Ce n’est pas de créer un État policier.
Je voudrais poser une question à M. Jeffery. Dans le cas de l’alcool, nous avons un seuil de 0,08 ou 0,05 p. 100. Si nous n’avons pas un seuil pour la drogue—on peut d’ailleurs se demander quelle drogue, comme un témoin l’a déjà signalé—, comment pouvons-nous déterminer si une personne a les facultés affaiblies? Devons-nous supposer que, même en quantités infimes, les drogues affaiblissent les facultés? À quel degré y a-t-il affaiblissement?
Je crois que c’est cet aspect du projet de loi C-16 qui devrait nous inquiéter. Nous avons demandé de pouvoir déterminer s’il y a de la drogue dans l’organisme, mais cela signifie-t-il que la personne a les facultés affaiblies? Devons-nous compter sur l’expert en reconnaissance des drogues pour déterminer s’il y a affaiblissement des facultés?
¿ (0935)
M. Wayne Jeffery: C’est une très bonne question.
La proposition concernant la reconnaissance des drogues étant ce qu’elle est... Je me suis occupé de ce programme depuis 1995 en Colombie-Britannique. Tout d’abord, pour qu'une personne soit arrêtée, il faut qu’elle soit remarquée par un agent de police parce qu’elle a commis une infraction quelconque au code de la route. Cela doit se produire en premier. Ensuite, l’agent parle à la personne : s’il a un motif raisonnable de croire qu’elle a les facultés affaiblies par l’alcool ou une drogue, il peut demander à la personne de se prêter à un test de sobriété sur place. À ce moment, l’agent doit décider si la personne a réussi ou a échoué au test de sobriété.
Si la personne a échoué au test de sobriété, l’agent passe à l’étape suivante, qui est l’évaluation pour la reconnaissance des drogues. S’il conclut que la personne a une drogue dans l’organisme, qui peut être la cause de l’affaiblissement des facultés révélé par le test de sobriété, alors il passe à la troisième étape, qui est très importante. C’est le prélèvement d’un liquide organique destiné à confirmer la présence de drogue dans l’organisme.
Il y a donc trois protections. Le conducteur doit d’abord avoir commis une infraction au code de la route. Il doit ensuite échouer au test de sobriété et, enfin, avoir une drogue dans l’organisme. Si une personne prend des médicaments d’ordonnance, sous la surveillance d’un médecin, cela ne se produira pas parce qu’il n’y aura pas de signe d’affaiblissement des facultés pendant la conduite d’un véhicule. En situation normale, pendant que la personne prend son médicament, il n’y aura pas d’affaiblissement des facultés, qu’il s’agisse de caféine, de No-Doz ou d’un somnifère d’ordonnance. Cela n’arrivera tout simplement pas.
M. Mark Warawa: Mais vous n’avez pas répondu à ma question. Dans le cas de la drogue, le seuil est-il à zéro?
Nous disons que la personne a les facultés affaiblies parce qu’elle conduit d’une façon inhabituelle. L’agent lui demande d’arrêter son véhicule. Une analyse révèle ensuite qu’elle a une drogue dans l’organisme. Mais à quel niveau? Quel est le seuil? Dans le cas de l’alcool, nous avons un seuil.
M. Wayne Jeffery: Dans le cas de l’alcool, nous avons la limite de 0,08 p. 100. Dans le cas de la drogue—je prendrai l’exemple du cannabis—, certaines personnes en fumeront un peu sans manifester de signes quelconques, notamment en conduisant. Toutefois, si ces personnes manifestent des signes d’affaiblissement des facultés au volant et si une analyse révèle la présence de drogue dans leur organisme, quel que soit le niveau et quels que soient les chiffres—car il est impossible d’établir une corrélation entre la concentration de la drogue dans le sang et le niveau d’affaiblissement des facultés... Si les deux premiers éléments sont présents, c’est-à-dire la conduite et l’évaluation établissant la présence probable d’une drogue, puis qu’on trouve du cannabis dans l’échantillon de liquide organique, alors les trois conditions sont remplies.
Toutefois, pour en arriver au troisième échantillon, c’est-à-dire pour prélever un échantillon de liquide organique, il faut avoir déjà les deux premiers éléments. C’est la garantie de protection.
Le président: Je vous remercie.
Allez-y, monsieur Marceau.
¿ (0940)
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci aux témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui et de nous avoir fait des présentations fort intéressantes.
Ma question peut paraître un peu particulière, mais la voici. Je crois que nous voulons tous limiter le nombre d'accidents attribuables au problème de la conduite avec facultés affaiblies. Nous ne voudrions pas être dans cette situation. Pourtant, j'ai entendu deux personnes parmi vous dire que le projet de loi C-16 ne devrait pas être adopté. Qu'est-ce que vous nous suggérez de faire? Renvoyez-vous le gouvernement à ses devoirs? Lui dites-vous d'oublier ce projet de loi et de faire autre chose, ou de l'améliorer? Monsieur Quaye et maître Lomer, quelles suggestions concrètes nous faites-vous à nous, législateurs, qui avons à nous pencher sur ce projet de loi très directement?
[Traduction]
M. Michael Lomer: M. Jeffery parle d’un critère appliqué au tout début, lorsque l’agent de police... M. Jeffery—et M. Warawa l’a fait aussi—a parlé de conduite dangereuse ou d’un soupçon raisonnable de conduite avec facultés affaiblies. Aucun de ces deux critères ne figure dans le projet de loi.
Il suffit de lire le paragraphe 254(2) proposé. Il y est question de « motifs raisonnables de soupçonner la présence [...] de drogue dans l’organisme de la personne qui conduit un véhicule moteur [...] » C’est tout. Il n’y a pas d’autre seuil d’affaiblissement des facultés. « Motifs raisonnables de soupçonner un affaiblissement des facultés » aurait été préférable. Il n’y a pas d’autre indice de conduite dangereuse ou imprudente, ni rien de la sorte. Tout ce que nous avons, c’est « motifs raisonnables de soupçonner » la présence de drogue dans l’organisme du conducteur. J’estime qu’un tel seuil est trop bas.
En termes concrets, pour répondre à votre question, je proposerais de faire ce dont M. Jeffery a parlé, car c’est de cela qu’il s’agit. Oui, c’est un agent voit une voiture qui zigzague sur la route on ne respecte pas la signalisation, il peut raisonnablement soupçonner que quelque chose ne va pas et décider de faire enquête. Toutefois, le texte actuel parle simplement de motifs raisonnables de soupçonner la présence de drogue. C’est tout et, à mon avis, ce n’est pas assez. Je crois qu’il vous en faut davantage.
Pour répondre à votre question, monsieur Warawa, si le facteur de la conduite dangereuse avait été là, le conducteur serait arrêté dès le départ pour cette raison et ferait l’objet d’une enquête. Je peux vous assurer que c’est la raison pour laquelle les agents sont là.
Il pourrait être imprudent de tenir pour acquises des choses parce qu’elles sont prévues dans d’autres lois, surtout si vous êtes sur le point de vous aventurer dans un nouveau domaine, pour lequel aucun seuil n’est fixé, comme M. Marceau l’a signalé. Vous risquez des contestations en vertu de la Charte. Cela arrivera. Vous savez pourquoi. Je voudrais juste rappeler au comité que la Cour suprême du Canada, dans la décision Smith, a déclaré inconstitutionnelle la peine minimale de sept ans d’emprisonnement pour l’importation de stupéfiants parce qu’elle pouvait s’appliquer à quelqu’un qui arriverait au Canada avec un joint de marijuana dans la poche. En fait, Smith était arrivé avec 1 kilogramme de cocaïne, mais la peine minimale a été déclarée inconstitutionnelle sur la base d’une situation hypothétique.
Je n’essaie pas d’être facétieux en vous disant qu’il est important de considérer le seuil, car c’est ainsi que les tribunaux l’interpréteront.
[Français]
M. Richard Marceau: Monsieur Quaye.
[Traduction]
M. Kwei Quaye: Merci beaucoup.
Je voudrais préciser que le CCATM a exprimé un appui conditionnel au projet de loi C-16. La difficulté que nous voyons dans le projet de loi, dans sa forme actuelle, est qu’il réduira sérieusement les moyens dont les provinces et les territoires disposent pour lutter contre l’alcool au volant. Nous demandons que l’article 8 soit modifié pour que le projet de loi C-16 appuie les dispositions des codes provinciaux de la route relatives à la conduite avec facultés affaiblies au lieu d’en réduire l’efficacité.
¿ (0945)
[Français]
M. Richard Marceau: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Macklin, vous avez cinq minutes.
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également les témoins d'être venus ce matin et de nous avoir présenté leur point de vue sur le projet de loi C-16.
Tout d’abord, monsieur Jeffery, je crois qu’il est important pour nous de savoir où en est la recherche sur les concentrations de drogue dans l’organisme—je veux parler de drogues actives—et sur ce que représente l’affaiblissement des facultés. Pouvez-vous nous donner des renseignements sur les travaux effectués en Europe ou ailleurs dans le monde à cet égard? Je crois que nous sommes tous assez satisfaits des règles actuelles relatives à l’alcool, à l’alcootest et à l’alcoolémie. Pouvez-vous nous parler des recherches effectuées et de l’aide à laquelle nous pouvons nous attendre pour ce qui est de la détermination des niveaux d’affaiblissement des facultés causées par d’autres drogues?
M. Wayne Jeffery: Pour ce qui est de l’alcool, d’après la documentation scientifique, il est notoire que nous avons la limite de 0,08 p. 100. Comme toxicologues—je crois que tous les toxicologues du monde s’entendent sur ce point—, nous n’avons pas suffisamment de données en ce moment pour déclarer qu’à une concentration donnée de drogue, une personne aura les facultés affaiblies. Nous ne possédons pas les connaissances nécessaires pour le moment.
Pour ce qui est de la recherche dans les autres pays, certains ont défini des limites arbitraires pour certaines drogues. L’Allemagne l’a fait, de même que certains États des États-Unis, sans consulter de toxicologues. Certains des niveaux fixés sont beaucoup trop élevés, d’autres sont beaucoup trop bas.
Il y a les enquêtes sur route effectuées dans le cadre du projet ROSITA en Europe pour déceler cinq catégories de drogue. Des gens sont arrêtés le long d’une route pour déterminer s’ils ont de la drogue dans leur organisme. Si les enquêteurs trouvent de la drogue, ils peuvent soit appliquer les règles correspondant à la conduite avec facultés affaiblies ou exiger un prélèvement de liquide organique. Cela est obligatoire en Allemagne. L’Australie a des lois semblables dans ce domaine. Quand un conducteur est arrêté sur la route, des prélèvements d’urine ou de salive sont obligatoires. Une accusation de conduite avec facultés affaiblies peut suivre, mais le prélèvement est obligatoire.
À titre de toxicologue qui étudie cette question depuis des années, personnellement, je n’aime pas cette façon de procéder. Comme M. Lomer, je préférerais donner la priorité à la conduite en état d’ébriété. Si l’on a des raisons d’arrêter un conducteur, est-ce pour l’alcool ou pour la drogue? Le prélèvement de liquide organique ne devrait venir qu’en dernier.
De toutes les études réalisées en Europe, en Grande-Bretagne, en Australie ou aux États-Unis, les meilleures que nous ayons examinées à la Société canadienne des sciences judiciaires, depuis sa création en 1989, sont les tests de sobriété administrés sur place et le programme DRE de reconnaissance des drogues, qui ont passé l’épreuve de l’affaire Frye aux États-Unis, dans 38 tribunaux. Nous avons dans ce cas des preuves scientifiquement validées de la détection des conducteurs dont les facultés sont affaiblies par la drogue. J’aurais bien aimé pouvoir dire, sur une base toxicologique, qu’une personne a les facultés affaiblies à partir d’une concentration donnée de drogue, mais ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.
L’étude des résultats des tests effectués sur la route se poursuit. Une drogue est-elle présente? La personne en cause montre-t-elle des signes et des symptômes d’affaiblissement des facultés? Les recherches continuent. Personnellement, je ne suis pas en faveur des enquêtes sur route effectuées par des agents de police, et mon comité non plus. Il s’agit là d’une méthode scientifique, d’un dosage immunoenzymatique ou d’autres essais qui, à notre avis, devraient être effectués dans un laboratoire, après prélèvement sur route.
L'hon. Paul Harold Macklin: Lorsque ces analyses sont faites ailleurs, permettent-elles de déterminer la concentration de la drogue ou simplement sa présence, dans la salive par exemple?
M. Wayne Jeffery: Elles permettent de déceler la présence de la drogue dans l’organisme. Dans le cas du cannabis, on peut parfois déceler l’ingrédient actif. Autrement, c’est le métabolite qui est détecté. Dans le cas de l’héroïne, on détecte le métabolite. Cela dépend de la drogue. Il est difficile de dire, même dans le cas des enquêtes sur route, si c’est la drogue active qui est décelée.
Il arrive parfois de déceler la présence d’une drogue dans l’organisme, mais que la personne ait les facultés affaiblies par une drogue complètement différente. Les tests sur route effectués dans le cadre de ROSITA ne permettent de déceler que cinq catégories de drogue. Il en a beaucoup d’autres que les essais ne permettront pas de détecter. Il est bien possible qu’une personne ait les facultés affaiblies, mais que l’agent de police effectuant le test sur route ne découvre rien. Si l’échantillon avait été analysé en laboratoire, la drogue aurait été découverte.
¿ (0950)
L'hon. Paul Harold Macklin: Je suppose que si nous avons des difficultés à déceler une seule drogue dans l’organisme, la présence de drogues multiples rendrait les choses encore beaucoup plus complexes et plus difficiles.
M. Wayne Jeffery: Oui, c’est ce qui arrivera, nous l’espérons, dans notre système. En présence de faibles concentrations d’alcool et de drogue, le laboratoire judiciaire pourra faire les analyses nécessaires et fournir les témoignages qui étaieront les déclarations de l’agent de police.
Le président: Je vous remercie.
À vous, monsieur White.
M. Randy White (Abbotsford, PCC): Monsieur Lomer, vous m’avez perdu, du point de vue de la crédibilité, lorsque vous avez essayé d’établir une analogie entre la drogue et une personne qui sort de chez Tim Hortons. Je ne crois pas que l’analogie soit très bonne. Qu’en pensez-vous?
M. Michael Lomer: Tim Hortons?
M. Randy White: Je veux dire quelqu’un qui aurait bu beaucoup de café. C’est ce que vous avez dit.
M. Michael Lomer: La caféine est une drogue. Or vous ne définissez pas les drogues pour lesquelles vos agents de police seront autorisés à mettre des gens en détention pour fins d’enquête. Si vous ne définissez pas les drogues, n’importe laquelle... De plus, il suffit que l’agent de police ait un motif raisonnable de soupçonner.
M. Randy White: Croyez-vous vraiment que tout cet exercice, avec la police, les responsables et tous les gens en cause, va servir à poursuivre une personne qui aura pris quatre tasses de café? Croyez-vous vraiment cela?
M. Michael Lomer: Nous avons actuellement à Toronto, par suite d’une décision en appel dans l’affaire Brown, un cas clair et convaincant de profilage racial, qui a été utilisé dans un cas de conduite avec facultés affaiblies.
J’ose dire que si l’on peut affirmer, sans trop craindre de se tromper, que la majorité des conducteurs ont une drogue dans l’organisme, alors il y a toujours un motif raisonnable d’arrêter quelqu’un. Je n’essaie pas d’être facétieux, je n’essaie pas de perdre ma crédibilité, mais nous avons du profilage racial à Toronto. Des voitures sont arrêtées pour cette raison. Je sais que le sujet est délicat. C’est la raison pour laquelle il importe d’éviter toute possibilité d’abus et toute enquête dont les paramètres ne sont pas clairement délimités. Oui, il y a des possibilités d’abus.
M. Randy White: D’accord. Je crois simplement que vous ne saisissez pas l’objet de ces dispositions.
Mais j'aimerai poser une question à M. Jeffery. Pouvez-vous nous expliquer le genre d’équipement utilisé dans la détection des drogues?
Je crois savoir que l’un des dispositifs utilisés pour déceler une drogue particulière est assez coûteux. J’ai entendu parler de la nécessité d’investir quelque 12 millions de dollars pour cet exercice. Je me demande où sera l’équipement. Faudra-t-il en placer dans chaque bureau régional de police ou bien dans trois laboratoires spécialisés pour tout le pays, comme dans le cas de l’agriculture? Comment cela serait-il organisé?
M. Wayne Jeffery: Voulez-vous parler de l’analyse des liquides organiques ou bien du matériel dont l’agent de police a besoin pour procéder à une évaluation de reconnaissance des drogues?
M. Randy White: Je dirais que cela va au-delà de cette étape, probablement jusqu’aux analyses.
M. Wayne Jeffery: Le matériel d’analyse permettant de déceler la présence de drogue et d’analyser les prélèvements de liquides organiques se trouve déjà dans les laboratoires judiciaires de la GRC, au laboratoire du Centre des sciences judiciaires et au laboratoire de Montréal. Nous avons actuellement les appareils à ces endroits. Le dispositif utilisé est un système comprenant un spectromètre de masse et un chromatographe en phase gazeuse. Cet équipement sert à faire les analyses. Il est utilisé pour examiner les échantillons de liquides organiques prélevés dans certains cas de conduite avec facultés affaiblies. Les mêmes analyses sont faites pour les drogues et les poisons.
M. Randy White: Pouvons-nous être plus précis? Combien de ces appareils avons-nous? Est-ce que la police régionale de, je ne sais pas, Surrey en Colombie-Britannique ou d’Abbotsford en Colombie-Britannique doit recourir à ces laboratoires ou bien a-t-elle son propre laboratoire et son propre équipement?
M. Wayne Jeffery: En prenant l’exemple de la Colombie-Britannique, comme dans n’importe quelle province, un prélèvement de liquide organique irait au laboratoire médico-légal de la GRC à Vancouver. Dans les provinces des Prairies, l’échantillon irait au laboratoire de la GRC à Winnipeg. Dans les Maritimes, ce serait à Halifax. À Toronto, l’échantillon serait envoyé au Centre des sciences judiciaires. Au Québec, il irait au laboratoire de Québec.
Par conséquent, l’infrastructure pour l’analyse finale existe déjà.
¿ (0955)
M. Randy White: Mais il me semblait que lorsqu’on parlait de conduite avec facultés affaiblies, tout se faisait au niveau local, municipal. Si un incident se produit à Halifax, faudra-t-il attendre deux, trois ou quatre semaines parce qu’il y a un arriéré dû aux échantillons envoyés par d’autres services de police?
M. Wayne Jeffery: Je crois que le système des laboratoires médico-légaux du Canada, y compris ceux de la GRC et du Centre des sciences judiciaires, est bien équipé. Il pourrait manquer actuellement de personnel pour faire toutes les analyses, mais il devrait être possible d’engager progressivement plus d’employés dans les laboratoires pour absorber la charge de travail.
Pour le moment, je ne m’inquiète pas des analyses judiciaires. Je crois que nous avons ce qu’il faut de ce côté. Ma principale préoccupation serait de former des agents de police partout au Canada dans le domaine des tests de sobriété et de l’évaluation pour la reconnaissance des drogues, dont les résultats permettent ensuite d’exiger un prélèvement de liquide organique.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.
Maître Lomer, à moins que je ne me trompe, il semble y avoir une grande différence entre le nombre d'accusations portées et de déclarations de culpabilité obtenues dans les cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue, et le nombre d'accusations et de déclarations de culpabilité dans les cas de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool.Vous avez 25 ans d'expérience dans ce domaine. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette comparaison? On peut parler de taux de déclarations de culpabilité. Quels sont les facteurs qui ont donné lieu à ces déclarations de culpabilité, etc.? Finalement, quel problème tentons-nous de résoudre avec le projet de loi C-16?
[Traduction]
M. Michael Lomer: Pour moi, la difficulté découle du fait que nous avons, d’une part, une très grande expérience, je dirais même des milliers d’années d’expérience, en ce qui concerne le lien entre l’alcool et l’affaiblissement des facultés. Il n’est donc pas difficile de fixer ce qu’on pourrait appeler des limites arbitraires, comme l’alcoolémie à 0,08 p. 100, qui représentent des normes sociales minimales. Nous sommes donc tout à fait capables d’établir un lien entre les résultats d’un alcootest administré sur la route et la décision de vous laisser ou non continuer à conduire.
Nous n’avons pas les mêmes moyens quand il s’agit de drogue. Nous ne savons vraiment pas. Je comprends donc pourquoi nous nous orientons vers le programme DRE. En fait, je ne suis pas venu vous dire que c’est une mauvaise idée. La seule chose que je veux dire, c’est que, dans le cas de la drogue, nous ne pouvons pas utiliser le même seuil que pour l’alcool, tout simplement parce que notre expérience de l’alcool est tellement plus étendue. Il va falloir définir un seuil dans le cas de la drogue. Je ne peux pas être plus clair que cela.
[Français]
M. Richard Marceau: Les autres témoins veulent-ils faire des commentaires? Monsieur Jeffery.
[Traduction]
M. Wayne Jeffery: Ce qui vient d’être dit au sujet de la conduite, c’est qu’il faut prouver—et je suis d’accord avec M. Lomer sur ce point—que la drogue présente dans l’organisme est la cause de l’affaiblissement des facultés. Nous ne serons jamais en mesure de définir un seuil pour chaque drogue particulière. Je crois que le seuil est bien défini à l’alinéa 253a), qui dit en substance « lorsqu’il y a un motif raisonnable de soupçonner que votre faculté de conduire un véhicule est affaiblie »—c’est dit très clairement—« par l’effet de l’alcool ou d’une drogue ». C’est dans le texte de la loi « ou d’une drogue ».
« Drogue » n’est pas défini à l’alinéa 253a). Le seuil d’affaiblissement des facultés serait déterminé par l’agent de police en fonction de deux éléments : l’infraction au code de la route et l’échec au test de sobriété.
À (1000)
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Quaye.
M. Kwei Quaye: J’ai une observation à formuler au sujet de votre toute dernière question concernant ce que nous essayons de résoudre avec le projet de loi C-16.
Nous savons que la conduite en état d’ébriété est un problème. Il y a des indices que la conduite sous l’effet de la drogue est également un problème. La police n’a pas actuellement les moyens de s’attaquer à ce dernier problème.
Le CCATM croit que le projet de loi C-16 donne à la police du Canada les moyens de gérer le problème de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Nous croyons que la drogue au volant tue des gens sur les routes canadiennes et que plus tôt nous pourrons nous y attaquer, mieux cela vaudra.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci.
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Madame Sgro, vous avez cinq minutes.
L'hon. Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.
Monsieur Jeffery, y a-t-il des provinces autres que la Colombie-Britannique qui aient recours au programme DRE de reconnaissance des drogues pour procéder à des suspensions du permis de conduire, etc.?
M. Wayne Jeffery: Oui, nous avons actuellement des agents experts en reconnaissance des drogues dans toutes les provinces du Canada.
L'hon. Judy Sgro: Et qu’en est-il de la suspension administrative utilisée en Colombie-Britannique?
M. Wayne Jeffery: Eh bien, on s’en sert davantage. Un plus grand nombre d’agents de police y ont recours. En Colombie-Britannique, la suspension de 24 heures a été modifiée il y a deux ans pour inclure les cas d’affaiblissement des facultés sous l’effet de la drogue. Auparavant, la suspension n’était liée qu’à l’alcool. Nous utilisons maintenant le protocole DRE ou une partie de ce protocole pour des suspensions sur route de 24 heures liées à la conduite sous l’effet de la drogue.
L'hon. Judy Sgro: Allez-vous évaluer le succès de l’opération? Avez-vous eu des contestations?
M. Wayne Jeffery: Il y a eu des contestations de la suspension de 24 heures, oui, mais les suspensions ont été maintenues par les tribunaux.
L'hon. Judy Sgro: Y a-t-il une raison pour laquelle les autres provinces ne font pas la même chose?
M. Wayne Jeffery: Les autres provinces peuvent avoir des suspensions de 24 heures pour l’alcool, mais je ne crois pas qu’il y en ait pour la drogue. Il est possible que le Manitoba le fasse, mais je n’en suis pas sûr.
L'hon. Judy Sgro: Je crois que nous devrions nous intéresser surtout à la définition de l’affaiblissement des facultés. Nous ne devrions pas rattacher cela à l’alcool ou à la drogue. Tout tourne autour de la conduite avec facultés affaiblies. C’est sur cette notion que nous devrions concentrer notre attention et que nous devrions essayer de définir dans le cas de vérifications courantes, pas dans le cas d’une personne qui, de toute évidence, conduit d’une manière imprévisible ou dangereuse.
M. Wayne Jeffery: C’est exact.
L'hon. Judy Sgro: Je vais maintenant passer à l’observation de M. Lomer selon laquelle, au cours d’une vérification normale sur route, il est très facile de trouver des gens qui ne s’entendent pas entre eux ou qui ont des problèmes de personnalité. C’est ainsi que l’agent peut demander à quelqu’un de souffler dans un tube ou lui faire des difficultés. Cela peut arriver très facilement. Je crois que nous ne devrions pas le perdre de vue.
C’est la question de la conduite avec facultés affaiblies, de la capacité de conduire raisonnablement bien, sans se préoccuper d’alcool, de drogues illicites, de médicaments d’ordonnance ou de médicaments en vente libre. Nous devons essayer de mieux délimiter la définition. Il s’agit de pouvoir regarder une personne et de dire, dans les limites du raisonnable, qu’elle est ou non capable de conduire son véhicule, peu importe qu’elle ait consommé de l’alcool ou autre chose, puis de suspendre son permis, de faire remorquer son véhicule et de l’obliger à rentrer chez elle en taxi. Notre objectif est de rendre les voies publiques plus sûres. Une fois qu’une personne a été suspendue et a vécu cette expérience, je suppose que sa prime d’assurance augmentera et qu’elle aura d’autres difficultés.
M. Wayne Jeffery: Puis-je vous parler de ce qui se produit? Si vous examinez les statistiques de la conduite avec facultés affaiblies—je viens de terminer un cours à ce sujet—, vous constaterez que, dans la ville de Vancouver, par exemple, le nombre d’accusations portées pour conduite avec facultés affaiblies a considérablement baissé. En même temps, le nombre de suspensions de 24 heures a beaucoup augmenté. Je suppose donc que les suspensions de 24 heures constituent une solution provisoire du problème.
L'hon. Judy Sgro: Est-ce une solution raisonnable, compte tenu des tribunaux et de tous les problèmes qui se présentent une fois qu’un agent porte une accusation, les délais, les répercussions, etc.?
M. Wayne Jeffery: En Colombie-Britannique, ce qui se passe à l’heure actuelle, c’est que lorsqu’un agent de police soupçonne un conducteur d’avoir les facultés affaiblies par la drogue, il doit le prouver en procédant à des tests de sobriété sur place. En ce moment, rien n’oblige le conducteur à accepter ces tests. Il peut sortir de la voiture et dire qu’il ne fera pas les tests. L’agent de police aura alors les mains liées et ne pourra pas imposer une suspension de 24 heures liée à l’alcool ou à la drogue.
Comme je l’ai dit, le Code criminel renferme les dispositions voulues au sujet de l’affaiblissement des facultés par la drogue. Ces deux éléments, le test obligatoire de sobriété sur place et le prélèvement obligatoire de liquide organique, empêchent l’agent de recueillir les preuves voulues pour prouver l’affaiblissement des facultés par la drogue.
À (1005)
L'hon. Judy Sgro: Monsieur Lomer, qu’avons-nous besoin de faire de plus? Vous dites que la définition est insuffisante. Je peux facilement le comprendre. Ce sera extrêmement difficile, compte tenu des drogues que les gens prennent et des combinaisons accidentelles avec autre chose. Comment serait-il possible de resserrer les définitions?
M. Michael Lomer: Eh bien, j’ai déjà présenté quelques suggestions.
Permettez-moi de vous expliquer. La jurisprudence impose plus ou moins à la Couronne, à l’étape du procès, de prouver au-delà d’un doute raisonnable que la capacité de conduire de l’accusé était pour le moins réduite. Je crois que l’expression utilisée dans la décision R. c. Stellato était « légèrement réduite ». Ce seuil n’est pas très élevé, même s’il faut le prouver au-delà d’un doute raisonnable. Il faut cependant qu’il y ait une preuve d’affaiblissement des facultés : soit une conduite inhabituelle soit un comportement subséquent inhabituel. Avec ces deux éléments, on n’a pas besoin de taux d’alcoolémie, s’il y a preuve de consommation d’une drogue.
Quant au degré auquel il convient de placer le seuil, il est différent de celui de l’alcool. Nous n’avons pas tous les mêmes réactions. Si vous permettez le genre d’enquête dont nous parlons, qui pourrait résister à une contestation en vertu de la Charte, vous aurez besoin de preuves de conduite inhabituelle ou d’une réduction des facultés.
L’affaiblissement des facultés pourrait bien ne pas être dû à une drogue. Le conducteur peut être diabétique ou être sur le point de tomber dans le coma. Je discutais de cela avec un collègue diabétique, qui m’a dit qu’en cas de crise—il est atteint de diabète de type 2—, il n’y a pas beaucoup de gens qui feraient la distinction entre la crise diabétique et un affaiblissement extrême des facultés. Je veux bien faire confiance aux experts, mais mon collègue me disait que la crise diabétique peut même causer une vague odeur d’alcool dans l’haleine.
Ce ne sera pas facile, mais ce sont les deux suggestions que j’ai : la conduite et le comportement. Il faut aussi établir le lien avec la drogue, pour satisfaire au critère du doute raisonnable.
Le président: Je vous remercie.
Nous passons maintenant à M. Thompson. Vous avez cinq minutes, monsieur.
M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC): J’écoute avec le plus grand intérêt parce que je crois qu’il y a quelque chose qui manque. Pour ce qui est de la conduite avec facultés affaiblies et de la réduction des risques sur la route, notre comité souhaite prendre toutes les mesures possibles pour mettre un terme à cela. Nous envisageons donc la prévention et la dissuasion, c’est-à-dire les sanctions imposées après une condamnation.
J’ai ici un bon échantillon de ce qui se fait dans le monde au chapitre des lois sur la conduite avec facultés affaiblies. Les sanctions imposées vont de choses aussi ridicules que l’obligation d’assister à des séances d’information sur le comportement animées par des politiciens à des sentences extrêmes faisant en sorte que la première infraction est aussi la dernière parce que la personne condamnée est exécutée. Je crois que vous êtes au courant de cela, que vous savez que cela existe. Le projet de loi C-16 est une mesure que nous essayons de faire adopter parce qu’elle se situe au milieu, tout en gardant à l’esprit qu’il y a des choses à faire au chapitre de la prévention.
J’ai été directeur d’une école secondaire pendant 15 ans. Nous avons adopté successivement différents programmes à l’intention des jeunes pour les sensibiliser à la question de la conduite avec facultés affaiblies ainsi qu’à la conduite en général. Personnellement, je n’ai jamais constaté d’effets vraiment positifs. Nos efforts n’aboutissaient à rien de concret. Quand les jeunes allaient fêter, ils buvaient puis prenaient le volant. Ils fumaient des joints et buvaient. Rien n’y faisait. Nous devons faire quelque chose pour changer la situation.
L’autre exemple auquel je pense est celui d’une jeune de 16 ans qui rentrait chez elle après l’école. Elle s’apprêtait à faire un virage à gauche sur une route à deux voies quand elle a été emboutie par un camion chargé de gravier. Comme elle avait déjà braqué son volant, son véhicule a été projeté devant un camion chargé de grumes. Ce fut un accident horrible, qui a entraîné sa mort.
Tous les tests de drogue effectués ont été faits sur la victime. Les chauffeurs des deux camions ont refusé de se soumettre à des tests. Pourtant, le pompier qui était sur place soupçonnait le chauffeur du premier camion d’avoir des facultés affaiblies.
Nous avons besoin de lois qui permettent d’agir dans des situations de ce genre. Aucune accusation n’a été portée. Une jeune fille tuée. Des parents éplorés. Pourquoi cet accident s’est-il produit, quand elle essayait simplement de virer à gauche pour rentrer chez elle?
Je vis dans une petite ville. Nous avons un tribunal local où un juge vient siéger une fois par semaine. Et chaque semaine, 90 p. 100 des affaires soumises au tribunal portent sur des cas de conduite avec facultés affaiblies. Cela ne semble jamais s’arrêter. Je voudrais voir dans le projet de loi C-16 des dispositions dissuasives. Avez-vous des suggestions au sujet de ce que nous pouvons faire? J’en ai assez d’entendre parler des mesures à prendre pour s’assurer que les dispositions seront jugées conformes à la Charte. Nous devons mettre en place quelque chose qui rendra nos routes plus sûres.
À (1010)
Le président: Monsieur Lomer.
M. Michael Lomer: Monsieur Thompson, je crois qu’il existe des dispositions législatives qui s’appliquent dans des cas comme celui que vous venez de décrire. Si un pompier a des motifs raisonnables de croire qu’un chauffeur avait consommé de l’alcool, il en informe l’agent de police chargé de l’enquête. L’agent a le pouvoir d’exiger un test. Je ne suis donc pas sûr...
M. Myron Thompson: Ces dispositions sont-elles en vigueur depuis longtemps?
M. Michael Lomer: Oui, elles existent depuis longtemps... Cela fait une vingtaine d’années, je crois, que les premiers alcootests ont été introduits.
M. Myron Thompson: Eh bien, l’agent de police m’a lui-même dit—c’était en 1996—qu’il ne pouvait pas obliger le chauffeur à se soumettre au test. Il a fallu l’emmener à la salle des urgences de l’hôpital.
M. Michael Lomer: C’est différent dans le cas des analyses de sang, mais pour ce qui est de l’alcootest...
M. Myron Thompson: C’est ce que l’agent voulait faire, une analyse de sang.
M. Wayne Jeffery: M. Lomer a raison pour ce qui est de l’alcool. Comme je l’ai dit, si l’on soupçonne quelqu’un d’avoir les facultés affaiblies par la drogue, aucune disposition législative ne lui impose d’accepter un prélèvement de liquide organique pour un test de drogue. C’est l’élément essentiel que le projet de loi C-16 doit corriger. À l’heure actuelle, une personne soupçonnée n’a pas à se soumettre au test normalisé de sobriété ou à un prélèvement de liquide organique destiné à prouver la présence de drogue. Les agents de police ont besoin de ces deux éléments pour prouver l’affaiblissement des facultés par la drogue.
M. Myron Thompson: Je dois ajouter que, par suite de cet accident, j’ai déposé depuis un certain temps déjà un projet de loi d’initiative parlementaire, justement pour imposer ces tests, surtout dans le cas d’accidents ayant fait des morts ou des blessés. Ces dispositions n’existent pas.
L’agent de police a dit qu’il devait obtenir une prise de sang, mais que le chauffeur a refusé.
M. Michael Lomer: Pourquoi ne lui a-t-il pas imposé l’alcootest?
M. Myron Thompson: Il n’y avait pas d’indices évidents de consommation d’alcool. Il n’y avait pas d’odeur ou d’autres indices semblables. On avait soupçonné le chauffeur d’avoir été au volant pendant des heures et d’avoir pris ces... Comment les appelle-t-on encore?
M. Michael Lomer: Des amphétamines ou quelque chose de ce genre?
M. Myron Thompson: Des pilules quelconques. Je crois qu’il s’agit de benzédrine. Mais il fallait une prise de sang pour le prouver.
Le président: Merci, monsieur Thompson.
Monsieur Marceau. Vous avez terminé?
[Français]
M. Richard Marceau: Oui.
[Traduction]
Le président: Monsieur Cullen.
L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais également remercier les témoins.
Monsieur Jeffery, j’ai trouvé intéressant le modèle dont vous avez parlé. Si j’ai bien compris, les recherches effectuées ne nous permettent pas encore de fixer des seuils à partir desquels on peut dire que différentes drogues affaiblissent les facultés. Dans le cadre de votre modèle, il faut d’abord établir qu’un véhicule était conduit d’une manière anormale. Ensuite, si l’agent de police arrête le véhicule et a des raisons de soupçonner que le conducteur a les facultés affaiblies, il va procéder à un test de sobriété sur place. Si le conducteur ne passe pas le test, on lui demanderait de se soumettre à un prélèvement de liquide organique. Est-ce exact?
À (1015)
M. Wayne Jeffery: C’est exact.
L'hon. Roy Cullen: Très bien. Ensuite, si on établit la présence d’une drogue dans le liquide organique, on pourrait en déduire, de prime abord, que c’est la raison de la conduite inhabituelle...
Laissez-moi terminer. Vous n’êtes peut-être pas d’accord, mais vous pourrez réfuter mes arguments dans quelques instants.
Supposons pour le moment que c’est le cas. Faudrait-il que des seuils aient été fixés? Je sais que c’est un dilemme parce que vous ne disposez pas de la technologie ou des données nécessaires pour définir des seuils. Mais nous avons entendu dire qu’il existe une jurisprudence bien établie dans le domaine de la conduite avec facultés affaiblies parce que beaucoup de gros riches ont engagé une armée d’avocats pour établir toute cette jurisprudence.
Disons qu’on a découvert des traces de cocaïne—vous excuserez mon vocabulaire de profane—et que quelqu’un prétende : « Eh bien, ce ne sont que des traces. J’ai conduit d’une manière inhabituelle parce que j’ai été soumis à beaucoup de stress ces derniers temps. Ma femme vient de me quitter et j’ai perdu mon emploi. Pendant que je conduisais, mon esprit a vagabondé. J’ai pris de la cocaïne il y a deux semaines, mais ce n’est pas la raison de ma conduite inhabituelle. » Est-ce que quelqu’un a déjà essayé ce genre de défense? Dites-moi si je m’égare. J’aime bien l’idée de ne pas fixer de seuils puisque nous n’avons pas les données nécessaires, mais quelqu’un a-t-il essayé ou essaiera ce genre de défense?
M. Wayne Jeffery: Vous avez parfaitement raison. Il faut d’abord une conduite inhabituelle. Il faut ensuite avoir échoué au test de sobriété sur place pour prouver l’affaiblissement des facultés par la drogue. Il faut également un prélèvement de liquide organique. Toutefois, la drogue découverte dans ce prélèvement doit correspondre au constat de l’expert en reconnaissance des drogues. Si on ne découvre que des traces de cocaïne dans le prélèvement d’un conducteur, il n’aurait pas échoué au test de sobriété sur place. C’est ce test qui a été normalisé et documenté de façon à reconnaître les indices physiques de l’affaiblissement des facultés ainsi que les drogues présentes dans l’organisme.
Par conséquent, même si un conducteur a été arrêté pour une autre raison, comme d’avoir manqué de concentration en conduisant, et que des traces de cocaïne soient présentes dans son organisme, il ne manifesterait pas des signes d’affaiblissement des facultés par la drogue et n’échouerait pas au test de sobriété.
L'hon. Roy Cullen: Je vois. Oui. Il peut donc soutenir que son esprit vagabondait, mais s’il est capable de toucher son nez ou de marcher le long d’une ligne droite, on supposera qu’il est capable de conduire normalement.
M. Wayne Jeffery: C’est exact.
L'hon. Roy Cullen: D’accord. Que se passe-t-il si l’agent perçoit une odeur de marijuana lorsque le conducteur baisse sa vitre? En fait, vous pouvez regarder une personne et constater qu’elle ne sent ni l’alcool ni la marijuana, mais elle parle d’une façon indistincte et a les pupilles dilatées. Est-ce que l’agent de police va essayer de deviner en disant : « Je crois que vous avez pris de la cocaïne ou de la marijuana », ou bien dira-t-il : « Vous allez faire le test de sobriété. Je n’ai pas à opter pour une drogue particulière. Si vous échouez au test de sobriété, nous allons faire une prise de sang et procéder à une analyse. » Est-ce que cela permettra de déceler n’importe quel niveau de n’importe quelle drogue?
M. Wayne Jeffery: Comme je l’ai dit, il y a deux éléments : le test de sobriété sur place et l’évaluation de l’agent expert en reconnaissance des drogues. Une fois que le conducteur échoue au test de sobriété, on fait appel à l’agent expert en reconnaissance des drogues. Celui-ci utilise une procédure en 12 étapes pour déterminer si le conducteur agit sous l’effet de l’une de sept catégories de drogues.
L'hon. Roy Cullen: Il n’est donc pas nécessaire de deviner.
M. Wayne Jeffery: Non, il n’est pas nécessaire de deviner.
L'hon. Roy Cullen: Ce serait l’une de ces drogues.
M. Wayne Jeffery: L’une de ces catégories de drogues. Ensuite, le prélèvement de liquides organiques doit correspondre à l’évaluation de l’expert.
L'hon. Roy Cullen: D’accord. Ainsi, on dispose de la technologie. S’il y a un prélèvement de liquide organique, on peut établir la présence dans l’organisme de l’une de ces drogues ou de l’une de ces catégories de drogues.
M. Wayne Jeffery: Oui.
L'hon. Roy Cullen: J’ai maintenant une brève question à poser à quiconque voudra y répondre. Je crois qu’il me reste encore un peu de temps, monsieur le président.
Le problème, pour moi, c’est le récidiviste chronique. On entend parler de gens qui sont arrêtés pour conduite en état d’ébriété ou pour conduite avec facultés affaiblies par n’importe quoi, dont le permis de conduire est suspendu et qui se font reprendre cinq, six ou sept fois.
Bien sûr, la personne qui conduit pendant qu’elle est sous le coup d’une suspension est un problème. Je ne sais pas comment y remédier parce qu’une fois qu’elle monte dans une voiture, cette personne va conduire même si elle n’est pas censée le faire. Habituellement, il est déjà trop tard parce qu’elle sera entrée en collision avec quelque chose ou quelqu’un. Mais à quel moment a-t-on le pouvoir de... Cela relève-t-il des autorités provinciales responsables des routes? Si une personne conduit avec les facultés affaiblies, la suspension de 24 heures s’applique peut-être la première fois. La deuxième fois, la sanction est plus grave, de sorte que s’il y a une troisième fois, on peut retirer à cette personne son permis de conduire pendant un an ou plus. Qui a le pouvoir de le faire? Y a-t-il des administrations qui puissent le faire?
M. Kwei Quaye: Je peux répondre à cette question.
Oui, cela se fait dans quelques provinces, mais elles ne sont pas nombreuses. Dans le cadre de la stratégie de réduction de la conduite avec facultés affaiblies du CCATM, il est recommandé aux provinces et aux territoires d’envisager un programme de suspension de 24 heures et d’utiliser un tel programme pour s’attaquer au problème de la conduite avec facultés affaiblies.
Je vais vous donner un exemple. En Saskatchewan, pour un nouveau conducteur, la première suspension de 24 heures entraîne une suspension supplémentaire de 30 jours. Une deuxième suspension de 24 heures en entraîne une autre de 90 jours. Dans le cas des conducteurs dits expérimentés, les deux premières suspensions sont de 24 heures, mais la troisième entraîne une suspension de 90 jours, à laquelle s’ajoute l’obligation de suivre un programme d’éducation ou de subir une évaluation pouvant mener encore une fois à un programme d’éducation ou de réadaptation.
Les autres administrations canadiennes envisagent toutes ces suspensions de 24 heures. En fait, le CCATM a récemment proposé un modèle ou un outil devant permettre aux administrations d’adopter des programmes allant au-delà des suspensions de 24 heures.
Nous reconnaissons qu’un conducteur pris une première fois sur la route par un agent de police a probablement déjà conduit avec les facultés affaiblies 100 ou 200 fois auparavant. Par conséquent, chaque fois que nous en avons l’occasion, nous cherchons à profiter de la première suspension pour essayer d’éduquer le conducteur et de mettre en place des sanctions assez sévères pour le dissuader de recommencer.
Pour les conducteurs qui ont été condamnés, ont perdu leur permis et continuent à conduire, un bon nombre de provinces et de territoires, la plupart en fait, ont un programme de saisie du véhicule, initialement pour une période de 30 jours. En cas de récidive, la saisie dure 60 jours. Presque toutes les administrations ont maintenant ces dispositions.
Nous utilisons donc un ensemble de moyens assez complet. Les administrations ne les ont pas toutes adoptés, mais nous progressons lentement. Comme je l’ai dit plus tôt, la mise en place d’une infrastructure nous permettra de remédier au problème de la conduite avec facultés affaiblies. Pour ce qui est de la drogue au volant, une fois que le projet de loi aura été adopté, nous espérons pouvoir faire adopter des mesures correspondantes au niveau provincial pour que les dispositions soient aussi efficaces que possible.
À (1020)
L'hon. Roy Cullen: Eh bien, poursuivez vos efforts.
Le président: Je vous remercie.
Je crois que le député conservateur M. Warawa souhaite partager son temps de parole avec M. White.
Ah, c’est juste M. White.
M. Randy White: Je voudrais avoir quelques précisions. Si une personne est arrêtée pour conduite avec facultés affaiblies, finit-on toujours par faire un prélèvement de liquide organique?
M. Michael Lomer: Voulez-vous parler d’une prise de sang, monsieur White?
M. Randy White: Oui.
M. Michael Lomer: Si l’affaiblissement des facultés est dû à l’alcool, ce n’est pas vraiment nécessaire parce que...
M. Randy White: Comment savez-vous que c’est juste dû à l’alcool?
M. Michael Lomer: Permettez-moi de vous décrire tout d’abord ce qui se passe ordinairement quand l’affaiblissement des facultés est uniquement dû à l’alcool. Le suspect est emmené soit parce que l’alcootest a été positif soit parce qu’il manifestait suffisamment de symptômes que l’agent a décidé de l’emmener. Si l’alcootest est supérieur à 0,08, il est accusé de conduite avec facultés affaiblies et une alcoolémie de plus de 80 mg. Il n’y aura aucun test de drogue, à moins qu’il n’y ait d’autres indices incompatibles avec les effets de l’alcool.
M. Randy White: M. Jeffery, pouvez-vous estimer le pourcentage des cas où les tests vont jusqu’au prélèvement de liquide organique?
M. Wayne Jeffery: Tout d’abord, comme M. Lomer l’a dit, si une alcoolémie supérieure à 100 mg est exclue, l’agent entreprendra la procédure des facultés affaiblies par la drogue. Si le test normalisé de sobriété sur place ou l’agent de reconnaissance des drogues ou les deux révèlent des effets attribuables à la drogue, l’agent demandera un prélèvement de liquide organique.
Pour reprendre l’exemple de la Colombie-Britannique, que je connais le mieux pour ce qui est de la reconnaissance des drogues, les évaluations complètes de dépistage de drogues n’ont pas été très nombreuses, mais dans environ 80 p. 100 des cas, un prélèvement de liquide organique a été effectué. La personne en cause peut dire non. L’agent de police en cause peut aussi dire non s’il croit qu’il n’y a pas affaiblissement des facultés ou que l’affaiblissement a des causes médicales. Après la conduite et le test de sobriété, si l’alcool est exclu et qu’on constate un affaiblissement des facultés attribuable à la drogue, un échantillon de liquide organique est prélevé.
M. Randy White: J’essaie d’avoir une idée du nombre de cas que nous pourrions avoir.
M. Wayne Jeffery: En Colombie-Britannique, d’après les données dont nous disposions, un cas sur dix parmi les accidents mortels est dû à l’affaiblissement des facultés par la drogue. Ayant fait cette analyse, je crois que ce chiffre est un peu trop bas. On dit en fait que 10 à 40 p. 100 des conducteurs dont l’alcootest est inférieur à 100 mg ont les facultés affaiblies par une drogue. Par conséquent, nous ne nous attendons pas à ce que le nombre de cas qui iraient devant un tribunal soit énorme, mais il ne sera pas non plus très petit.
À la Société canadienne des sciences judiciaires, nous avons réuni des données pour une assez longue période sur le nombre de cas impliquant de la drogue qui sont allés devant un tribunal, parce que les analyses doivent alors être faites dans l’un des laboratoires judiciaires du Canada. En moyenne, nous avons eu moins de 200 cas par an. Ce sont les cas où des prélèvements de liquide organique ont été effectués sur une base volontaire et où des accusations ont été portées. Il y en aura davantage parce que la demande augmentera. Toutefois, du moins au départ, les nombres ne seront pas très importants puisque nous n’avons pas actuellement des agents de police formés dans toutes les administrations. Une fois les prélèvements faits, nous aurons peut-être un conducteur sur 100 ayant enregistré moins de 100 mg à l’alcootest qui sera accusé de conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
À (1025)
Le président: Monsieur Lomer, avez-vous des observations à présenter?
M. Michael Lomer: Non, ça va. Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Monsieur Warawa, vous avez une minute et 15 secondes. Préférez-vous attendre?
M. Mark Warawa: Je vais attendre le prochain tour de table. M. White a peut-être d’autres questions à poser.
Le président: Je croyais que vous aviez terminé.
M. Randy White: Non, je vais terminer, monsieur le président.
Le président: Monsieur Macklin.
L'hon. Paul Harold Macklin: J’aimerais avoir d’autres renseignements sur l’état d’avancement de la technologie.
Tout d’abord, monsieur Jeffery, pouvez-vous nous dire quelles autres drogues, à part l’alcool, sont décelables par simple analyse d’un échantillon d’haleine?
M. Wayne Jeffery: Aucune.
L'hon. Paul Harold Macklin: Par conséquent, un nouveau dispositif utilisable sur route devrait faire plus qu’analyser un échantillon d’haleine.
M. Wayne Jeffery: Oui. Il n’existe pas de dispositif utilisable sur route qui puisse déceler toutes les drogues dans un échantillon d’haleine. Étant volatil, l’alcool est facile à déceler dans l’air. Les drogues, elles, ne sont pas volatiles. Elles aboutissent dans le sang, l’urine ou la salive. Ce sont les liquides organiques les plus couramment utilisés pour l’analyse. Sur route, nous pouvons déceler cinq catégories de drogues. Toutefois, nous ne connaissons pas la concentration à laquelle correspond un affaiblissement des facultés.
Les analyses sur route actuellement effectuées par des agents de police sur des prélèvements de salive ou d’urine sont susceptibles de donner de faux positifs et de faux négatifs. Les résultats ne sont pas sûrs à 100 p. 100. Dans le cas des stupéfiants, l’analyse peut révéler la présence d’un opiacé. Mais s’agit-il de codéine ou d’héroïne? L’agent qui fait l’analyse sur route ne peut pas le savoir. Pour avoir une réponse précise, le prélèvement doit subir des analyses plus poussées dans un laboratoire judiciaire.
À quoi sert l’analyse sur route s’il faut de toute façon recommencer dans les laboratoires judiciaires agréés, qui sont tous au Canada maintenant? Je ne trouve pas très utiles les analyses effectuées sur route par des agents de police.
L'hon. Paul Harold Macklin: Si les dispositions du projet de loi sont appliquées, on obtiendrait un rapport de toxicologie établissant la présence d’une drogue dans l’organisme d’une personne. Faudra-t-il que le toxicologue vienne témoigner au tribunal pour prouver l’affaiblissement des facultés dans ces cas? Ou bien pensez-vous que le témoignage de l’expert en reconnaissance des drogues et les résultats du test de sobriété administré sur place suffiront pour prouver l’accusation de conduite avec facultés affaiblies?
M. Wayne Jeffery: Si le projet de loi est adopté, nous ferions venir le toxicologue au début pour étayer la preuve. Toutefois, aux États-Unis, par exemple, il est très rare que le toxicologue ait à se présenter devant le tribunal. Les Américains se fondent essentiellement sur les agents de police, l’affaiblissement des facultés et l’évaluation de l’expert en reconnaissance des drogues. Le rapport de toxicologie constitue une preuve à l’appui. Je n’ai pas l’impression que le toxicologue serait appelé à témoigner dans tous les cas.
À (1030)
M. Michael Lomer: Il y a toute une foule de considérations qui peuvent entrer en ligne de compte. Cela dépend de la défense présentée au procès. Il est probable que le toxicologue sera appelé à témoigner au début pour expliquer les analyses effectuées. Si l’accusé a des métabolites de cocaïne dans l’organisme, est-ce une preuve de facultés affaiblies ou de consommation récente? Pendant combien de temps les métabolites sont-ils décelables dans l’organisme? Le cannabis a tendance à se déposer dans les tissus adipeux, dans lesquels il reste décelable pendant des semaines, tandis que les autres métabolites, comme ceux de l’héroïne, disparaissent rapidement. Les tribunaux auront besoin d’explications pour comprendre les implications de la preuve présentée.
L'hon. Paul Harold Macklin: Croyez-vous que nous en arriverons ainsi à définir des seuils, grâce à une série de cas qui permettront de déterminer ce qui constitue un affaiblissement des facultés?
M. Michael Lomer: Oui. Vous parlez de la possibilité de déceler des niveaux d’affaiblissement des facultés très inférieures à ce que nous avions envisagé auparavant. Je ne dis pas que c’est une mauvaise idée. Dans les cas de ce genre que j’ai connus à mon cabinet, l’affaiblissement des facultés était vraiment évident et entraînait le plus souvent un plaidoyer de culpabilité. Il y avait tellement de preuves que ces affaires n’atteignaient même pas le stade du procès. Dans les cas que vous évoquez, les personnes en cause sont beaucoup plus éveillées, ce qui impose de déterminer où il convient de tirer la ligne. La ligne de démarcation se situe au niveau de la capacité de conduire. Cette capacité est affaiblie à différents degrés par l’alcool ou une drogue. C’est ce que dit la loi. La façon d’en arriver là dépend de l’affaire et de la difficulté de trouver des preuves.
L'hon. Paul Harold Macklin: Toutefois, comme vous l’avez indiqué, c’est dans une certaine mesure un nombre arbitraire que nous avons choisi, même dans le cas de l’alcool.
M. Wayne Jeffery: Le nombre choisi dans le cas de l’alcool n’est pas arbitraire. Nous avions suffisamment de données pour prouver qu’à une concentration de 0,08, la capacité de conduire est affaiblie. Nous pouvons dire qu’à ce niveau, tout le monde a des facultés affaiblies. Nous ne pouvons pas dire la même chose dans le cas de la drogue. Prenons l’exemple du cannabis. Vous trouverez des personnes qui peuvent conduire avec une concentration de 2 ng/ml, tandis que d’autres manifesteront des signes évidents d’affaiblissement des facultés. Ce sont ces signes qui constituent le seuil. Je suis d’accord avec M. Lomer : vous devez prouver que ce seuil a été dépassé pour justifier une accusation de conduite avec facultés affaiblies.
M. Mark Warawa: Je remercie les témoins. Je trouve ces renseignements très intéressants et très utiles.
Je voudrais avoir des précisions sur la façon dont les suspensions sur route sont gérées ainsi que sur leur efficacité. Si j’ai bien compris, lorsqu’un conducteur est arrêté parce qu’il conduisait d’une manière dangereuse et qu’il est soupçonné d’avoir les facultés affaiblies par un manque de sommeil, une drogue ou de l’alcool, la police est habilitée à lui imposer une suspension immédiate de 24 heures. Est-ce exact?
M. Michael Lomer: Ce n’est pas exactement ainsi que les choses se passent, du moins en Ontario. Peut-être M. Quaye peut parler des autres provinces. Chez nous, la suspension est de 12 heures si la lecture de l’alcootest se situe dans la zone d’avertissement, c’est-à-dire entre 50 et 100.
M. Kwei Quaye: C’est à peu près la même chose dans les autres provinces. On souffle dans l’alcootest, et si le résultat est positif, on reçoit une suspension de 24 heures, ou de 12 heures en Ontario. Le Québec n’a pas de suspension à court terme de ce genre. Au Manitoba, l’échec au test normalisé de sobriété administré sur place entraîne aussi une suspension immédiate.
M. Mark Warawa: D’accord. Je vous remercie de cette réponse.
J’ai obtenu ce renseignement d’un agent, qui m’a dit que les policiers ont des pouvoirs discrétionnaires à cet égard. S’ils estiment qu’une personne a les facultés affaiblies, ils peuvent lui interdire de conduire. J’ai maintenant des renseignements différents.
À (1035)
M. Kwei Quaye: Je vais prendre l’exemple de la Saskatchewan. Si le policier a l’impression que vos facultés sont affaiblies, il peut vous imposer une suspension de 24 heures, mais, techniquement parlant, vous devez avoir reçu un résultat positif à l’alcootest.
M. Mark Warawa: D’accord.
Monsieur Jeffery, je voudrais vous poser une question au sujet d’une collision qui s’est produite il y a environ deux ans. Comme vous êtes de Vancouver, vous connaissez probablement ce cas qui avait eu un certain retentissement dans ma circonscription, à Langley. L’accident s’était produit juste au nord de la route 1, sur la 264e. C’était une Mustang. Deux jeunes hommes assis sur la banquette arrière avaient été tués.
Nous ne voulons évidemment pas fonder une loi sur un seul incident, mais je poursuis dans la même veine que M. Thompson. Dans cet accident, l’affaiblissement des facultés était en cause. Les prélèvements n’étaient pas volontaires. Ils ont été faits à l’hôpital, mais je crois qu’il a été impossible de s’en servir dans cette affaire. La personne en cause avait été déclarée coupable de conduite dangereuse ayant causé la mort, mais l’affaiblissement des facultés attribuables à la marijuana n’avait pas été pris en considération.
Ma question est la suivante : si le projet de loi C-16 avait été en vigueur, aurait-il changé quelque chose à cette affaire?
M. Wayne Jeffery: Oui, les choses auraient été différentes.
Je connais bien ce cas. Le problème qui s’est posé avait trait à l’intégrité du sang prélevé. Comme le juge l’a dit dans ses observations, l’accusation n’a pas réussi à prouver que le sang appartenait au conducteur. L’affaire n’avait rien à voir avec l’affaiblissement des facultés par le cannabis parce qu’il était impossible de déterminer si le prélèvement venait du conducteur ou du passager.
Le sang avait été pris dans un hôpital et avait été analysé en un lieu autre qu’un laboratoire judiciaire. Malheureusement, l’intégrité du prélèvement avait été compromise. Si le projet de loi C-16 avait été en vigueur, un agent de police aurait été présent et le sang prélevé aurait été envoyé à un laboratoire judiciaire. La situation aurait été différente.
M. Mark Warawa: Le test de sobriété n’aurait pas été administré dans ce cas puisque la personne était à l’hôpital.
M. Wayne Jeffery: Non. L’agent qui s’est occupé de l’enquête était qualifié pour administrer le test de sobriété, mais il n'avait constaté aucun signe d’affaiblissement des facultés chez le conducteur. Il y a eu une enquête après coup. Lorsque le conducteur est allé à l’hôpital, des prises de sang ont été faites pour d’autres raisons et ont révélé la présence de cannabis. C’est à ce moment que l’intégrité des prélèvements a été compromise.
M. Mark Warawa: D’accord. Ainsi, si le projet de loi C-16 avait été en vigueur, aurait-il été possible d’imposer un prélèvement?
M. Wayne Jeffery: Si l’agent de police avait constaté des signes d’affaiblissement des facultés, une prise de sang aurait été faite. Toutefois, dans ce cas précis, l’agent n’avait vu aucun signe d’affaiblissement des facultés. Par conséquent, aucun prélèvement n’aurait été fait.
M. Mark Warawa: Je vous remercie.
Le président: Comme je n’ai plus personne sur ma liste, nous allons mettre fin à cette partie de notre réunion.
Merci beaucoup d’être venus et d’avoir répondu aussi complètement et aussi franchement à nos questions.
[La séance se poursuit à huis clos.]