JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 16 juin 2005
¿ | 0905 |
Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)) |
M. Robert Solomon (directeur, Politiques juridiques, Les mères contre l'alcool au volant) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
Le président |
M. Joseph Di Luca (représentant, Conseil canadien des avocats de la défense) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Joseph Di Luca |
Le président |
M. Christopher McNeil (président, Comité sur l'abus des drogues, Association canadienne des chefs de police) |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
Le président |
M. Herb Simpson (président et directeur général, Fondation de recherches sur les blessures de la route) |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Randy White (Abbotsford) |
M. Joseph Di Luca |
M. Randy White |
¿ | 0950 |
M. Robert Solomon |
M. Christopher McNeil |
M. Randy White |
M. Joseph Di Luca |
Le président |
M. Robert Solomon |
¿ | 0955 |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ) |
M. Robert Solomon |
M. Richard Marceau |
M. Robert Solomon |
M. Herb Simpson |
M. Richard Marceau |
À | 1000 |
M. Joseph Di Luca |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD) |
M. Robert Solomon |
M. Joe Comartin |
M. Robert Solomon |
M. Joe Comartin |
M. Robert Solomon |
M. Joe Comartin |
M. Robert Solomon |
À | 1005 |
M. Joe Comartin |
M. Douglas Beirness (vice-président, Recherche, Fondation de recherches sur les blessures de la route) |
M. Joe Comartin |
M. Douglas Beirness |
M. Joe Comartin |
M. Joseph Di Luca |
M. Herb Simpson |
M. Robert Solomon |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.) |
À | 1010 |
M. Joseph Di Luca |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Joseph Di Luca |
M. Robert Solomon |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Joseph Di Luca |
À | 1015 |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Le président |
M. Christopher McNeil |
Le président |
M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC) |
À | 1020 |
Le président |
M. Robert Solomon |
M. Myron Thompson |
M. Joseph Di Luca |
M. Myron Thompson |
M. Joseph Di Luca |
M. Myron Thompson |
M. Joseph Di Luca |
À | 1025 |
M. Myron Thompson |
Le président |
M. Christopher McNeil |
M. Myron Thompson |
Le président |
M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ) |
M. Christopher McNeil |
M. Serge Ménard |
M. Christopher McNeil |
M. Serge Ménard |
M. Christopher McNeil |
M. Serge Ménard |
M. Christopher McNeil |
M. Serge Ménard |
M. Douglas Beirness |
À | 1030 |
M. Serge Ménard |
M. Douglas Beirness |
M. Serge Ménard |
M. Douglas Beirness |
M. Serge Ménard |
M. Joseph Di Luca |
M. Serge Ménard |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
M. Joseph Di Luca |
À | 1035 |
Mme Anita Neville |
M. Andrew Murie (chef de la direction, Les mères contre l'alcool au volant) |
M. Robert Solomon |
M. Andrew Murie |
Mme Anita Neville |
M. Andrew Murie |
M. Robert Solomon |
Le président |
À | 1040 |
Mme Anita Neville |
Le président |
M. Mark Warawa (Langley, PCC) |
M. Joseph Di Luca |
M. Mark Warawa |
M. Christopher McNeil |
M. Mark Warawa |
M. Robert Solomon |
M. Mark Warawa |
M. Joseph Di Luca |
Le président |
M. Mark Warawa |
Le président |
À | 1045 |
M. Richard Marceau |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 16 juin 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): Je vais ouvrir la séance.
C'est la 46e séance du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile. Nous étudions le projet de loi C-16, Loi modifiant le Code criminel en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies.
Nos invités de ce matin sont M. Murie et M. Solomon, qui représentent Les mères contre l'alcool au volant, M. Di Luca, du Conseil canadien des avocats de la défense, Christopher McNeil, de l'Association canadienne des chefs de police et nous attendons un autre groupe, la Fondation de recherches sur les blessures de la route.
Nous allons commencer par Les mères contre l'alcool au volant.
Comme d'habitude, vous avez jusqu'à 10 minutes pour nous faire votre exposé. Quand tout le monde aura fait le sien, les membres du comité vous poseront des questions. Ils auront cinq minutes pour les questions et réponses.
Monsieur Solomon, c'est vous qui prenez la parole?
M. Robert Solomon (directeur, Politiques juridiques, Les mères contre l'alcool au volant): Merci. Je comparais aujourd'hui au nom des Mères contre l'alcool au volant. Je suis le directeur national des politiques juridiques de MADD Canada. Je suis professeur à l'Université Western Ontario, à London, depuis 1972. Je suis l'auteur de nombreux articles, études et rapports gouvernementaux sur les questions juridiques que soulèvent l'alcool et la drogue. Ces dernières années, mes recherches ont été centrées sur la conduite avec facultés affaiblies et la réforme des lois fédérales et provinciales en la matière. Aujourd'hui, je parlerai en faveur du projet de loi C-16 et je vous ferai des suggestions pour renforcer cette mesure.
Je dirai d'abord que le projet de loi C-16 répond à un besoin. Nous avons toutes les raisons de considérer la conduite avec facultés affaiblies comme un sérieux problème. Le rôle causal exact des diverses drogues exige davantage de recherche, mais il est évident que la consommation de drogues pose un grave problème pour la sécurité routière au Canada. C'est surtout vrai pour les jeunes conducteurs. Ce sont eux qui ont le taux le plus élevé de consommation de drogues illicites et le taux le plus élevé d'accidents par kilomètre parcouru.
L'article 253 du Code criminel interdit de conduire lorsqu'on a ses facultés affaiblies par une drogue, mais il ne fournit pas à la police les moyens pratiques de recueillir les preuves nécessaires pour porter des accusations. Pour cette raison, ceux qui conduisent au Canada avec leurs facultés affaiblies par la drogue ou la drogue alliée à l'alcool, sont largement à l'abri d'accusations criminelles.
Étant donné que la première interdiction de conduire sous l'effet de la drogue a été inscrite dans le Code criminel du Canada en 1925, le moins qu'on puisse dire c'est que le projet de loi C-16 s'est longtemps fait attendre. Quoi qu'il en soit, l'augmentation récente de l'incidence de la conduite sous l'effet de la drogue, surtout chez les jeunes, rend l'adoption immédiate du projet de loi C-16 essentielles. On aurait tort de vouloir relier le projet de loi C-16 au projet de loi C-17 qui réduit les peines prévues pour la consommation de cannabis. Ce serait également une erreur que de différer l'adoption du projet de loi C-16 en attendant un consensus au sujet du projet de loi C-17.
Je vais maintenant parler du projet de loi proprement dit. Je voudrais d'abord féliciter Justice Canada et ses fonctionnaires. Ce projet de loi est un cadre d'application beaucoup plus simple, plus solide et plus constitutionnel que le document de consultation sur la conduite avec facultés affaiblies qui l'a précédé. Il est encourageant de voir que les recommandations faites par MADD Canada et la police ont été adoptées dans cette nouvelle loi.
Il y a néanmoins quatre amendements qui, à notre avis, renforceraient cette mesure et amélioreraient l'application de la Loi contre la conduite avec facultés affaiblies au Canada. Il faudrait d'abord modifier l'article 258 du Code criminel pour porter de deux heures à trois heures la présomption de temporalité. C'est assez complexe comme la plupart des dispositions concernant la conduite avec facultés affaiblies. Je vais donc essayer d'être assez précis. Selon la présomption de temporalité, les échantillons d'haleine et de sang prélevés dans les deux heures suivant l'infraction sont admissibles pour prouver la concentration d'alcool dans le sang de l'accusé au moment de l'infraction. Cette présomption est d'une importance cruciale pour la Couronne, car elle libère la poursuite de l'obligation longue et coûteuse de faire venir un toxicologue dans chaque cas.
En 1999, le Parlement a porté de deux heures à trois heures le délai dont disposait la police pour prélever un échantillon d'haleine ou de sang. Cette modification paraissait prometteuse. Elle visait à réduire le nombre de chauffards qui échappaient à la justice à cause des limites de temps trop strictes imposées par le Code criminel. Cela posait souvent un problème si l'arrestation avait lieu dans une région rurale, une nuit où la police était très occupée ou si le policier commençait son enquête tardivement parce qu'il avait dû intervenir sur les lieux de l'accident ou porter secours aux victimes. Toutefois, quand le Parlement a prolongé le délai disponible pour exiger un échantillon de sang et d'haleine, il n'a pas prolongé la durée de la présomption. Pour cette raison, si des échantillons d'haleine et de sang sont prélevés après le délai de deux heures, la Couronne doit toujours faire appel à un toxicologue dans chaque cas. État donné que l'obtention de ce genre de preuves est longue, coûteuse et difficile, les accusations risquent fort d'être retirées, sauf dans les cas de décès ou de blessures graves. Pour cette raison, l'amendement de 1999 qui prolongeait le délai accordé à la police pour exiger des échantillons a été en grande partie inutile.
Deuxièmement, nous désirons modifier le projet de loi C-16 et le Code criminel pour autoriser les professionnels de la santé dûment habilités en vertu de la législation provinciale et territoriale à prélever des échantillons de sang conformément aux dispositions visant la conduite avec facultés affaiblies. À l'heure actuelle, seul un médecin peut prélever ces échantillons ou les faire prélever par quelqu'un d'autre. Le Code criminel n'exige pas l'intervention d'un médecin. Par conséquent, les médecins peuvent, pour une raison ou pour une autre, ne pas vouloir prélever l'échantillon. Étant donné le délai que prévoit le Code criminel, la police a souvent de la difficulté à trouver un médecin disponible qui est prêt à abandonner ses autres responsabilités pour aller faire le prélèvement.
Nous estimons que ces restrictions devraient être abandonnées car elles sont inutiles et peu pratiques, et que des médecins et autres professionnels de la santé dûment autorisés devraient pouvoir prélever les échantillons. En réalité, ce sont des infirmières et d'autres professionnels de la santé qui prélèvent tous les échantillons ou la majeure partie d'entre eux au Canada et nous voulons donc que ce soit élargi. Cet amendement supprimerait un autre des obstacles inutiles qui s'opposent à l'application efficace des dispositions contre la conduite avec facultés affaiblies.
Troisièmement, nous désirons modifier le projet de loi C-16 pour autoriser la police à filmer les tests de sobriété et de dépistage de la drogue administrés sur place. Les causes de conduite avec facultés affaiblies sont défendues énergiquement et tous les aspects de la conduite du policier peuvent être contestés. En autorisant la police à filmer ces tests, on lui fournirait des preuves supplémentaires et ajouterait du poids au témoignage du policier au sujet de l'attitude, du comportement et de l'état du suspect. Il ressort des recherches que si la police peut filmer ces épreuves, la loi peut être appliquée plus efficacement et il y a moins de cas contestés. Un petit projet pilote réalisé en Ontario permet de croire que la police, la poursuite, les juges et les avocats de la défense seraient tout à fait d'accord pour qu'on filme ces épreuves sur le terrain. À notre avis, c'est là un amendement mineur qui renforcerait la loi.
Quatrièmement, et c'est le dernier amendement que nous suggérons, il faudrait permettre aux autorités provinciales de la sécurité routière d'utiliser les résultats des tests de sobriété et de dépistage de la drogue. Il est plutôt bizarre que, tel qu'il est libellé, le projet de loi C-16 rendrait les autorités provinciales et territoriales coupables d'une infraction au Code criminel si elles utilisaient les résultats de ces tests pour suspendre le permis sur le champ, émettre une suspension de permis provinciale de 90 jours, exiger que le conducteur participe à des programmes d'éducation, d'évaluation, de traitement et d'antidémarreurs ou utilisaient ces preuves pour décider de saisir un véhicule. Ces programmes provinciaux et territoriaux jouent un rôle extrêmement important dans la stratégie de sécurité routière globale du Canada. Comme d'autres témoins l'ont certainement souligné, il serait inefficace et contraire aux objectifs visés d'interdire aux provinces et aux territoires d'utiliser les résultats de ces épreuves pour leurs programmes de sécurité routière.
Je voudrais maintenant faire quelques suggestions concernant la mise en oeuvre du projet de loi qui me paraissent aussi importantes que les amendements suggérés. L'adoption du projet de loi C-16 fournira simplement un cadre d'application pour les accusations de conduite avec facultés affaiblies. À moins qu'un nombre suffisant de policiers ne soient formés et accrédités pour soumettre les conducteurs à des épreuves normalisées de sobriété et de dépistage de la drogue, le projet de loi C-16 sera rarement utilisé. Il faut aussi qu'il y ait suffisamment de laboratoires et de personnel disponible pour traiter dans les délais voulus les échantillons de sang et autres prélevés en vertu du projet de loi C-16.
¿ (0910)
On peut dire que relativement peu de juges canadiens connaissent bien les tests normalisés de sobriété et de dépistage de la drogue. De plus, il n'est pas réaliste de supposer que nos juges accepteront facilement ces preuves avant d'avoir mieux compris la teneur de ces tests et les bases scientifiques sur lesquelles ils reposent.
Contrairement à la situation aux États-Unis, il y a très peu d'information ou de recherche sur ces questions dans la littérature juridique canadienne ou les écrits sur la sécurité routière. Le gouvernement fédéral doit soutenir la recherche sur les tests normalisés de sobriété et de dépistage de la drogue et il doit veiller à ce que ces renseignements soient largement diffusés dans le milieu juridique et le milieu de la sécurité routière.
La formation des policiers, l'élargissement des ressources toxicologiques et la recherche sur les tests de sobriété normalisés sont essentiels pour atteindre les objectifs du projet de loi C-16. J'exhorte le comité à recommander fortement au gouvernement fédéral et à Transports Canada de financer et de mettre en oeuvre ce genre d'initiatives.
Pour conclure, la conduite avec facultés affaiblies constitue un sérieux problème pour la sécurité routière, surtout chez les jeunes conducteurs. Le projet de loi C-16 doit être modifié et adopté sans retard. Il faudrait qu'il soit adopté et mis en oeuvre bien avant qu'il ne soit donné suite au projet de loi C-17. Enfin, le gouvernement fédéral doit veiller à ce que les fonds nécessaires soient disponibles pour former suffisamment de policiers, élargir les services et soutenir la recherche sur les tests.
Pour terminer, je voudrais vous remercier au nom de mon collègue Andrew Murie, le chef de la direction de MADD Canada, de nous avoir invités à comparaître devant vous au sujet de cette importante question.
¿ (0915)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Solomon.
Monsieur Di Luca, s'il vous plaît, vous avez 10 minutes.
M. Joseph Di Luca (représentant, Conseil canadien des avocats de la défense): Merci, monsieur le président et membres du comité.
Le Conseil canadien des avocats de la défense se réjouit de pouvoir présenter ses opinions au sujet de ce projet de loi très important. Pour préparer son témoignage d'aujourd'hui, le CCAD a recueilli les avis des avocats de la défense de tout le pays, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve, jusqu'au Nunavut.
Le Conseil canadien des avocats de la défense tient à reconnaître l'objectif parfaitement légitime de ce projet de loi qui est, bien entendu, de mettre un terme au carnage qui se produit sur nos routes. Il ne fait aucune doute que les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par l'alcool ou la drogue causent énormément de souffrances aux familles et aux gens un peu partout.
Le CCAD estime que non seulement le régime proposé risque de susciter des contestations judiciaires, mais qu'il est également trop complexe. Ces dispositions risquent réellement de compliquer nettement un domaine du droit qui, aux yeux de bien des gens, est déjà encombré de toutes sortes de moyens de défense, comme n'importe quel praticien ou expert vous le dira. Il est fort possible qu'étant donné la complexité de la question la loi qui cherche à résoudre la réponse doive également être complexe, mais nous craignons que ces dispositions ne créent un véritable champ de mines pour les avocats de la défense.
Cela dit, le CCAD ne s'oppose évidemment pas, en principe, à l'atténuation du risque que représentent ceux qui conduisent avec des facultés affaiblies. Je tiens à bien le préciser. Nous voudrions toutefois que cet objectif très valide soit atteint grâce à des moyens équilibrés, bien adaptés, qui répondront aux exigences de la Constitution, et surtout, de façon à ne pas créer une incertitude inutile dans le processus.
Je vais examiner le projet de loi article par article en soulignant certaines des préoccupations de notre organisation nationale. Je vais mettre en lumière certains des aspects que nous trouvons problématiques.
Au paragraphe 2(3) qui modifie les dispositions du Code criminel pour permettre un contrôle lorsque l'agent a des motifs raisonnables de croire que quelqu'un a consommé de la drogue, le mot « drogue » n'est pas clairement défini. S'agit-il d'une drogue illicite? S'agit-il d'un médicament prescrit? S'agit-il d'un produit grand public? Si une personne a pris de la caféine, du Tylenol ou du Contact C, est-ce une drogue suffisante pour qu'elle soit soumise sur le champ à un contrôle? Et si elle échoue au test normalisé de sobriété pour diverses raisons, cela suffit-il, au regard de la Constitution, pour justifier sa détention au poste de police pendant une heure aux fins de l'enquête?
À mon humble avis, les possibilités d'abus sont importantes. Et il y a une distinction à établir. Dans le cas de l'alcool, il est évident que sa présence dans l'organisme peut empêcher une personne de conduire un véhicule motorisé; c'est simplement une question de quantité et de temps. Il y a toutefois des drogues qui ne limitent pas la capacité de conduire. L'alcool n'en fait pas partie et il n'est donc pas contraire à la Constitution de limiter les droits d'une personne lorsqu'on pense qu'elle a de l'alcool dans le sang étant donné les effets bien connus de cette substance. À notre avis, l'inclusion du mot « drogue » au sens large pourrait compromettre le délicat équilibre constitutionnel qu'exige l'article 1 pour justifier qu'on viole les droits d'une personne sur le bord de la route. C'est ce qui risque de se produire.
À notre avis, cette disposition serait plus constitutionnelle si l'agent soupçonnait que la présence de drogues dans l'organisme compromettait la capacité de conduire le véhicule. Si l'agent soupçonne que la capacité de conduire de la personne est affaiblie par une drogue, au moins il y a un lien entre la présence de la drogue et la possibilité d'un affaiblissement de ses capacités. Pour le moment, ce lien n'existe pas. La simple présence de drogues dans l'organisme suffit à justifier la détention.
C'est une question qui nous préoccupe sérieusement. Cela reste à réexaminer, car les analyses constitutionnelles qui ont été faites dans le contexte de l'alcool vont devoir être révisées dans le cas de ce nouveau régime et l'équilibre sera différent. Si cette disposition reste aussi vaste, elle peut susciter des contestations judiciaires.
¿ (0920)
En ce qui concerne les tests normalisés de sobriété, bien entendu, ils ne sont pas précisés dans la loi et doivent l'être par règlement.
J'avouerais que la jurisprudence à cet égard va dans tous les sens. Certains juges estiment que ces tests n'ont aucune validité scientifique tandis que d'autres les acceptent. Il semble que le régime proposé sera quand même soumis aux témoignages d'experts lors d'un procès.
Il y a des années, quand les policiers se servaient de pistolets radar pour vérifier la vitesse des véhicules, il fallait faire témoigner les experts devant les tribunaux pour prouver que le pistolet radar faisait bien ce qu'il était censé faire. Nous ne le faisons plus; c'est devenu une science acceptée. Nous en sommes maintenant au début de cette science, du moins au Canada. Il faut prévoir un recours accru aux experts, ce qui rendra ces procès très longs et très compliqués, car la science doit faire ses preuves.
En ce qui concerne les dispositions qui permettent de faire le dépistage de la drogue au poste de police, nous y voyons un certain nombre d'objections que je vais essayer de vous décrire brièvement.
Nous sommes entièrement d'accord avec MADD pour dire que ces tests devraient être filmés. D'un point de vue très pratique, en tant qu'avocat de la défense qui a défendu de nombreuses personnes accusées de ce genre d'infractions, j'ai pu convaincre beaucoup plus facilement mes clients qu'ils avaient intérêt à reconnaître les faits après avoir pu leur présenter un vidéo montrant à quel point leurs capacités étaient affaiblies le soir en question. Il s'agit d'une preuve tangible, indiscutable et objective de l'affaiblissement des capacités. Les tribunaux ont retenu ce genre de preuves.
Par contre, dans les cas que nous défendons énergiquement, cela peut éliminer l'élément subjectif des tests. Ces tests doivent être scientifiques ou présenter une certaine validité scientifique, mais ils comporteront inévitablement un élément subjectif et on peut toujours se demander s'ils ont été administrés selon les protocoles. Le vidéo permettra sans doute de répondre à ces questions et, du point de vue de la défense, il sera possible d'en faire une analyse indépendante qui peut très bien confirmer que le test a été effectué de façon valide et que ses résultats sont valides scientifiquement; mais cela peut également faire douter de la validité du test.
Néanmoins, si l'on recherche la vérité, le fait de filmer ces tests ne fera de tort à personne, si ce n'est bien entendu l'aspect financier qui est évidemment réel.
En ce qui concerne l'admissibilité de l'évaluation de dépistage de la drogue, rien que pour cette raison, sa validité scientifique devra être démontrée au tribunal, ce qui posera un problème. Contrairement aux instruments approuvés qui sont présumés exacts, les bases scientifiques de cette évaluation devront être examinées devant le tribunal jusqu'à ce que les juges finissent par l'accepter. C'est une question qui va faire l'objet de nombreux litiges et il faut envisager des décisions différentes d'une instance à l'autre jusqu'à ce que la question puisse être réglée en appel. Cela va donc poser un problème.
Je remarque dans les documents qui accompagnent le projet de loi qu'on semble dire que les accusations ne seront pas portées avant que l'évaluation de dépistage de la drogue ne soit confirmée par une analyse de sang, de salive ou d'urine. Nous voulons savoir combien de temps s'écoulera avant l'analyse toxicologique et ce que vous ferez de l'intéressé lorsqu'il sera au poste de police? Allez-vous le laisser rentrer chez lui en voiture? Allez-vous le garder en détention?
D'après mon expérience, les analyses toxicologiques ne sont pas faites sur place; les échantillons sont envoyés à un laboratoire. Cela peut prendre des jours, des semaines ou des mois. N'oubliez pas que le cas « classique » de conduite en état d'ébriété ou sous l'effet de la drogue est poursuivi par déclaration de culpabilité par procédure sommaire, ce qui veut dire qu'il y a un délai pour porter cette accusation; c'est un délai maximum de six mois.
Je ne suis pas certain que les analyses toxicologiques seront faites à temps; peut-être que oui. Il faudra alors retrouver l'accusé. Cette personne n'est plus là; elle a quitté le poste de police; elle est partie ailleurs. Si c'est un chauffeur de camion qui s'est fait arrêter au Québec pour conduite avec facultés affaiblies et qu'il a repris la route, il peut se trouver à Vancouver lorsque vous obtenez les résultats de l'analyse toxicologique. Cela pose un problème pratique et il va falloir compléter ces dispositions.
¿ (0925)
Cela dit, nous sommes pour la confirmation de l'évaluation a posteriori. C'est logique et cela tient peut-être compte du fait que ces épreuves comportent un élément de subjectivité.
La seule autre chose que j'ajouterais brièvement est que le régime envisagé va créer énormément de complications pour les policiers qui devront témoigner et expliquer quel raisonnement ils ont suivi pour évaluer les motifs qui leur permettaient d'exiger certaines choses. En tant qu'avocats de la défense, nous rendons déjà la vie difficile aux policiers lorsqu'ils présentent leurs preuves dans ce genre de cas. Cela risque maintenant de déclencher des enquêtes parallèles.
Lorsqu'un policier enquête sur un cas de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool et peut-être aussi par la drogue seule ou la drogue accompagnée d'alcool, les conseils que vous donnez à votre client sont très compliqués. Un client vous appelle en vous disant : « Je suis au poste de police. On me demande de me soumettre à une épreuve de sobriété, ici au poste ». En tant qu'avocat de la défense, vous devez vérifier auprès des policiers si les preuves portent uniquement sur la consommation d'alcool. Si c'est le cas, en général, nous conseillons à nos clients de ne pas se soumettre à un test de sobriété au poste de police. Si ce n'est pas l'alcool qui est en cause, mais plutôt la drogue ou la drogue associée à l'alcool, nous devons vérifier si ces soupçons sont justifiés et conseiller notre client en conséquence. Nous lui dirons sans doute que la loi l'oblige à se soumettre à ces tests pendant qu'il est au poste de police.
Il sera très difficile de savoir où on en est avec cet ensemble de motifs raisonnables et d'enquêtes, sans oublier qu'à cela s'ajoute l'utilisation à d'autres fins de preuves obtenues par la contrainte, lorsqu'elles servent dans des circonstances dans lesquelles vous n'auriez normalement pas été forcé de les fournir.
C'est très technique, en ce sens que cela peut sembler bizarre, mais il y a plusieurs causes devant la Cour suprême du Canada, dont l'affaire White où, suite à un accident d'automobile, une personne a été forcée de faire une déclaration. La Cour suprême du Canada a jugé qu'il s'agissait d'une déclaration forcée et qu'elle ne pouvait pas être utilisée contre l'intéressé dans une enquête criminelle sans rapport avec l'accident.
Il pourrait arriver qu'une personne soit forcée de fournir des preuves parce qu'elle est soupçonnée de conduire sous l'effet de la drogue ou de la drogue et de l'alcool, que cela ne donne pas lieu à des accusations pour facultés affaiblies par la drogue, mais qu'elle soit accusée de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool alors qu'elle a été forcée de fournir ces preuves.
J'en parle simplement pour vous montrer que la confusion que ces dispositions vont susciter mérite d'être étudiée plus à fond. C'est un projet de loi complexe. Ses répercussions seront profondes en ce sens qu'il va apporter une complexité supplémentaire à des procès criminels autrement jugés assez simples.
Le président: Monsieur Di Luca, puis-je vous demander de conclure en une minute environ?
M. Joseph Di Luca: Certainement, je vais m'arrêter là.
Je tiens seulement à souligner que nous ne nous opposons pas à ce qu'on enlève de la route les gens qui conduisent sous l'influence de la drogue. Nous demandons seulement qu'on le fasse d'une façon adaptée à la Constitution.
J'en resterai là, monsieur le président. Merci.
Le président: Merci.
Monsieur McNeil.
M. Christopher McNeil (président, Comité sur l'abus des drogues, Association canadienne des chefs de police): Bonjour. Je suis heureux de vous parler aujourd'hui du projet de loi C-16 au nom de l'Association canadienne des chefs de police.
Je sais que d'autres collègues de la collectivité policière vous ont déjà parlé et j'essaierais donc de ne pas répéter leurs points de vue.
La conduite avec facultés affaiblies par la drogue préoccupe de plus en plus l'ACCP, mais elle est extrêmement heureuse que le Parlement s'en inquiète aussi.
Les dispositions actuelles du Code criminel ne prévoient pas de mesures appropriées contre la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, outre l'alcool. Étant donné les lacunes des mesures d'inculpation pour conduite avec facultés affaiblies par la drogue, la portée réelle du problème est difficile à déterminer.
Des études faites en Colombie-Britannique et au Québec révèlent qu'un important pourcentage de conducteurs qui ont perdu la vie dans des collisions avaient consommé de la drogue ou avaient un faible taux d'alcoolémie et des traces de drogues dans le sang. Également, selon une enquête auprès des étudiants au Manitoba en 2001 sur la fréquence de la consommation de drogues, les jeunes fument et prennent le volant en plus grand nombre que ceux qui boivent et prennent le volant.
Cette enquête a donné les mêmes résultats en Nouvelle-Écosse où 26 p. 100 des étudiants ont admis avoir pris le volant moins d'une heure après avoir fumé du cannabis au cours de l'année précédente. En Ontario, les résultats ont été les mêmes, 20 p. 100 des étudiants des écoles secondaires ayant déclaré avoir pris le volant moins d'une heure après avoir fumé du cannabis au moins une fois au cours de l'année précédente.
Étant donné que, comme on l'a dit plus tôt, les jeunes représentent le sous-groupe de la population le plus à risque de pertes de vie ou de blessures dans des accidents de véhicule automobile, le taux élevé d'adolescents qui prennent le volant après avoir fumé du cannabis devrait être dénoncé comme une menace grave pour la sécurité routière.
Il est erroné de soutenir qu'une drogue affaiblit moins ou différemment les facultés qu'une autre. C'est bien simple, les drogues affaiblissent la capacité de conduire.
Le THC diminue les aptitudes psychomotrices et l'attention. Il réduit la capacité d'accomplir des tâches directionnelles, par exemple le virage au volant. Un conducteur ayant les facultés affaiblies par le cannabis a une capacité moindre de prendre rapidement des décisions et de réagir à un imprévu. Ce n'est pas une grande consolation pour une famille en deuil de savoir que le conducteur qui a tué un proche aurait eu les facultés plus affaiblies encore s'il avait bu de l'alcool au lieu de fumer du pot.
C'est bien simple, les drogues affaiblissent les facultés et les conducteurs avec facultés affaiblies tuent.
La collectivité policière applique avec succès la technologie de l'éthyloscopie pour l'ivresse. Cet outil d'application de la loi est un moyen de dissuasion qui a contribué à la diminution de la conduite avec facultés affaiblies, mais il n'y a pas de technologie équivalente pour identifier la plupart des drogues qui affaiblissent les facultés.
Les tests de sobriété normalisés et les évaluations de l'expert en reconnaissance de drogues sont les seules méthodes fiables que les services de police peuvent appliquer pour obtenir la preuve nécessaire, afin de déterminer si un particulier a les facultés affaiblies, ainsi que la cause de son état.
Depuis le lancement de ces méthodes au Canada en 1995, les agents de police d'un océan à l'autre ont été et sont formés pour dépister les faibles taux d'alcoolémie et les facultés affaiblies par la drogue à l'aide des tests de sobriété normalisés et des évaluations de l'expert en reconnaissance de drogues. Les évaluations de l'expert en reconnaissance de drogues sont acceptées dans les tribunaux au pays, mais il faut une structure législative.
L'alinéa 253a) du Code criminel interdit actuellement la conduite avec facultés affaiblies par la drogue et l'alcool. Un conducteur soupçonné d'ivresse au volant peut être obligé, sur demande, de remettre un échantillon d'haleine pour déterminer son taux d'alcoolémie et vérifier s'il est supérieur au taux légal. Cette mesure ne s'applique pas dans le cas d'un conducteur soupçonné de facultés affaiblies par la drogue parce qu'il n'y a pas d'exigence semblable dans le Code criminel.
Les agents de police doivent constater des symptômes de facultés affaiblies par la drogue, notamment un comportement irrégulier au volant et les témoignages lorsqu'ils font enquête sur un conducteur soupçonné de facultés affaiblies par la drogue. Les tests de dépistage de drogues sont des preuves admissibles en cour, mais seulement si le conducteur participe volontairement à une évaluation de la consommation de drogues.
Les modifications proposées au Code criminel combleront cette lacune en donnant le pouvoir d'obliger un conducteur soupçonné de facultés affaiblies par la drogue de passer, sur demande, les tests de sobriété normalisés ou une évaluation de l'expert en reconnaissance de drogues et de remettre éventuellement un échantillon de liquide organique. Il est convenu dans le projet de loi qu'il faut prévoir des sanctions pénales pour ceux qui refusent d'obtempérer.
Il ne fait aucun doute que la stratégie approfondie appliquée au début de la décennie 1980 a profondément changé les attitudes et les comportements du public envers la conduite en état d'ébriété. Une structure législative solide qui renforce la capacité de dépister et de traduire en justice les conducteurs en état d'ébriété a été essentielle à ce succès. Le même succès est possible dans le cas des conducteurs avec facultés affaiblies par la drogue.
Les lacunes de la loi actuelle et la difficulté de traduire en justice les conducteurs avec facultés affaiblies par la drogue donnent malheureusement au public l'impression que la conduite avec facultés affaiblies par la drogue n'est pas un problème. Nous avons remarqué que les jeunes n'hésitent pas à admettre qu'ils fument et prennent le volant.
Ce débat sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, comme d'autres discussions sur la consommation de drogues, a tendance à être embrouillé de nos jours par les messages contradictoires de la réforme ciblant le cannabis. En minimisant les effets de la consommation du cannabis et son interdiction, nous avons aussi soutenu l'impression erronée que la conduite sous l'influence du cannabis a peu de répercussions, sinon aucune, sur les aptitudes à la conduite automobile.
¿ (0930)
Il serait négligent de ma part d'omettre la consommation de médicaments d'ordonnance et en vente libre qui peuvent avoir des répercussions sur la conduite automobile, autre problème très grave de la sécurité publique.
La conduite avec facultés affaiblies par la drogue suscite les mêmes préoccupations à l'ACCP que chez les Canadiens qui soutiennent l'application de mesures législatives pour dépister et traduire en justice les conducteurs avec facultés affaiblies par la drogue. Néanmoins, l'ACCP et ses membres mettent en garde le Parlement de ne pas amenuiser par mégarde les dispositions actuelles du Code criminel sur la conduite en état d'ébriété.
La version provisoire du paragraphe 2(3) du projet de loi C-16 modifiant le paragraphe 254(2) du Code criminel suscite une préoccupation particulière. Je conviens que l'intention de l'article proposé est de donner le pouvoir législatif de demander à un citoyen de passer les tests de sobriété normalisés, mais il pourrait aussi être raisonnablement interprété comme s'il ajoutait un fardeau à l'enquête sur le conducteur soupçonné d'ivresse au volant.
Le terme « et » à la fin de l'alinéa 254(2)a) laisse une ambiguïté, à savoir si les tests de coordination physique seront nécessaires avant de demander à un conducteur soupçonné d'ivresse au volant de passer l'alcootest routier. Une précision est nécessaire. Il serait tragique de perdre du terrain durement gagné dans la bataille contre l'ivresse au volant à cause d'une ambiguïté dans la version provisoire de ce projet de loi.
L'ACCP recommande que le paragraphe 2(3) du projet de loi C-16 soit modifié en supprimant le terme « et » à l'alinéa 254(2)a) ou en ajoutant une disposition « pour certitude accrue » qui précise que les tests de coordination physique ne seront pas nécessaires avant de demander aux conducteurs soupçonnés d'ivresse au volant de passer l'alcootest routier.
Comme on l'a déjà dit, les articles sur la conduite avec facultés affaiblies sont maintenant parmi les plus compliqués du Code criminel. Le projet de loi C-16 les compliquera davantage. L'ACCP s'oppose à l'intégration de multiples modifications à ce projet de loi. Une législation surchargée risque d'avoir des répercussions négatives sur l'application de la loi et la prévention de la conduite avec facultés affaiblies.
L'ACCP fait l'éloge des leaders du gouvernement du Canada et de la GRC qui ont donné aux agents de police la formation aux tests de sobriété normalisés et d'experts en reconnaissance de drogues. Le projet de loi C-16 n'aura pas les répercussions voulues si les agents de police de première ligne n'obtiennent pas la formation nécessaire pour l'appliquer. Le gouvernement du Canada doit continuer de faire preuve de leadership et insister pour que tous les organismes policiers au Canada aient l'accès approprié à la formation aux tests de sobriété normalisés et d'experts en reconnaissance de drogues.
L'ACCP est d'avis que les dommages que cause l'abus des drogues, y compris la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, seront considérés seulement à l'aide d'une stratégie canadienne anti-drogues entièrement financée qui comprend la prévention, la formation, le traitement et l'application de la loi, mais la loi doit faire sa part au volet de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
Je réitère en conclusion la déclaration de mon collègue, le surintendant en chef Raf Souccar de la GRC qui a déjà témoigné devant vous :
En adoptant le projet de loi C-16, le Parlement donnera d'abord à la collectivité policière la structure législative et les instruments nécessaires pour aider à dépister et traduire en justice les conducteurs avec facultés affaiblies par la drogue. Deuxièmement, cette mesure contribuera à améliorer la sécurité routière au Canada et à diminuer les coûts sociaux, économiques, personnels et de santé qu'imposent à la société les conducteurs avec facultés affaiblies. |
Je vous remercie de votre attention.
¿ (0935)
Le président: Merci, monsieur McNeil.
M. Beirness et M. Simpson de la Fondation de recherches sur les blessures de la route.
M. Simpson va nous faire un exposé d'une dizaine de minutes.
M. Herb Simpson (président et directeur général, Fondation de recherches sur les blessures de la route): Merci, monsieur le président.
Mon collègue est le Dr Doug Beirness, vice-président de la recherche de notre fondation.
La Fondation de recherches sur les blessures de la route ou FRBR est un organisme de bienfaisance national. En plus d'avoir fait des recherches sur l'alcool au volant pendant des décennies et de s'être intéressée à l'élaboration des politiques à cet égard, la Fondation a été l'un des fers de lance de la recherche sur la conduite sous l'effet de la drogue. Il n'est donc pas étonnant que nos observations d'aujourd'hui portent principalement sur les questions fondamentales soulignant la nécessité de légiférer plutôt que sur les caractéristiques du projet de loi comme tel. Nous ferons toutefois quelques commentaires pertinents à ce sujet également.
La base de connaissances sur les drogues et la conduite est limitée par rapport à celle que l'on possède sur l'alcool et la conduite, en partie parce que la drogue pose un problème beaucoup plus complexe. Ces difficultés ont ralenti les progrès dans ce domaine et limité le nombre de déclarations fermes et sans équivoque quant à l'ampleur du problème de la conduite sous l'effet de la drogue. Elles contribuent également à des erreurs d'interprétation persistantes qui ont entraîné une grande diversité d'opinions au sujet de l'ampleur du problème. Nous estimons toutefois qu'une analyse éclairée de la preuve existante concernant la conduite sous l'effet de la drogue révèle un grave problème et la nécessité d'agir efficacement pour y remédier. Nous vous présentons ci-après notre interprétation des conclusions de la recherche sur quatre questions principales qui sont interreliées.
Premièrement, la drogue compromet-elle les capacités nécessaires pour conduire en toute sécurité? La réponse est un oui catégorique. Les études expérimentales ont démontré qu'une grande variété de drogues compromettent diverses compétences et capacités jugées nécessaires pour conduire sans danger un véhicule à moteur.
Une importante leçon à tirer de ces études concerne la nature de l'affaiblissement des facultés causé par la drogue. Différents types de compétences et de capacités peuvent être touchés. Autrement dit, il n'y a pas de symptomatologie unique qui définisse l'affaiblissement des facultés.
Par exemple, certaines études ont démontré que les conducteurs qui fument du cannabis font preuve d'une plus grande prudence, c'est-à-dire qu'ils conduisent plus lentement. Toutefois, les mesures des autres capacités telles que l'attention ou le repérage témoignent clairement d'un affaiblissement des facultés. Il est donc important de reconnaître que les type d'affaiblissement des facultés engendré par certaines drogues peuvent différer de ceux qui sont généralement associés à l'alcool et varier d'une drogue à l'autre. Il ne peut donc pas y avoir de test comportemental unique pour l'affaiblissement des facultés associé à la drogue. Il faut plutôt utiliser divers tests comme c'est le cas actuellement pour l'évaluation de dépistage de la drogue.
Deuxièmement, combien de gens conduisent après avoir consommé de la drogue? Malheureusement, il y a peu de données indiquant avec quelle fréquence et en quelle quantité les conducteurs consomment de la drogue. Très peu d'enquêtes ont posé la question aux conducteurs et il y a eu encore moins d'enquêtes moins subjectives sur la route. De plus, les méthodes utilisées n'étaient pas toujours les mêmes, si bien qu'il n'y a pas de chiffres fiables. Pour le moment, nous estimons que moins de 10 p. 100 des conducteurs consomment de la drogue. Ce chiffre varie toutefois beaucoup en fonction de facteurs tels que l'âge. Au moins une constante ressort de toutes les enquêtes à savoir que la marijuana est la substance la plus souvent déclarée ou détectée et que sa consommation est surtout répandue chez les jeunes hommes.
Troisièmement, dans combien de collisions la drogue est-elle impliquée? Il y a une masse assez importante d'études épidémiologiques, mais les estimations obtenues varient énormément. Selon les études, 7 p. 100 à 30 p. 100 des conducteurs impliqués dans des collisions avaient consommé une drogue autre que l'alcool.
Selon nos estimations, la présence de drogue dans l'organisme des conducteurs tués ou blessés dans des accidents de la route se situe davantage entre 14 p. 100 et 17 p. 100, ce qui n'est certainement pas un chiffre insignifiant. En même temps, cette estimation souligne une autre conclusion, à savoir que la présence de drogue n'a jamais été constatée aussi souvent que celle de l'alcool.
Une autre constatation fiable est que la présence de certaines drogues est plus régulière et plus fréquente. La substance la plus souvent détectée est le cannabis, que l'on retrouve dans environ 10 p. 100 des cas et les benzodiazépines, dans environ 5 p. 100 des cas.
Enfin, lorsque des drogues sont détectées, elles le sont souvent en même temps que l'alcool, dans au moins la moitié des cas, si bien qu'il est difficile d'évaluer dans quelle mesure elles affaiblissent les facultés, mais cela pose également des questions quant aux comportements à risque des consommateurs de drogues multiples.
Pour résumer, nous estimons que 14 p. 100 à 17 p. 100 des conducteurs blessés ou tués dans des collisions ont consommé de la drogue. Les drogues les plus souvent détectées sont le cannabis et les benzodiazépines.
Quatrièmement, combien de collisions sont causées par un affaiblissement des facultés attribuable à la drogue? La présence d'une drogue dans l'organisme d'un conducteur impliqué dans une collision est une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour conclure que la drogue a contribué à l'accident.
¿ (0940)
Il est toutefois possible d'obtenir la preuve de la causalité en utilisant deux méthodes soit l'étude cas-témoin et l'évaluation causale. Ces méthodes ont déjà permis d'établir le risque de collision chez les conducteurs ayant consommé différentes quantités d'alcool.
Nous avons récemment réexaminé 19 études portant sur la drogue. Malheureusement, les conclusions sont variées et non concluantes. Par exemple, certaines études montrent que la consommation de marijuana s'accompagne d'une augmentation du risque. D'autres ne parviennent pas aux mêmes résultats. Alors que le lien entre le taux d'alcoolémie et le risque de collision est bien établi, ce rapport n'a pas encore été clairement démontré pour les autres drogues. La constatation qui ressort toutefois de toutes ces études est que la drogue associée à l'alcool augmente beaucoup plus le risque que l'alcool consommé seul.
Pour résumer, il est évident que les données ne sont pas complètes et ne fournissent pas toutes les preuves nécessaires pour élaborer un programme et une politique, mais dans l'ensemble, les connaissances démontrent que le problème de la conduite sous l'effet de la drogue n'a rien d'insignifiant. À notre avis, des mesures sont tout à fait justifiées. En même temps, il faudra faire en sorte de réunir les preuves nécessaires au cours des années à venir pour aider à améliorer les mesures prises.
Je savais que vous seriez déçus si un chercheur vous disait qu'il n'est pas nécessaire de faire plus de recherches.
Que faudrait-il faire? Une réponse intelligente et équilibrée doit inclure diverses tactiques, comme on vous l'a souvent dit, afin de s'attaquer efficacement aux nombreuses dimensions du problème. L'adoption d'une loi et son application constituent des éléments essentiels. Le projet de loi cherche à faciliter l'application des lois sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue de la même façon que pour la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. Une différence importante est que l'alcool présent dans l'haleine peut être quantifié de façon fiable alors qu'on ne dispose pas, à l'heure actuelle, d'un instrument permettant de quantifier sur place la présence de drogue dans l'organisme.
Récemment, les tests de fluide oral ont beaucoup retenu l'attention comme moyen pratique et facile de détecter la présence de drogues. Ces tests permettent de déceler les niveaux actifs de la plupart des drogues dans la salive et des dispositifs d'analyse ont été mis au point pour le dépistage au bord de la route.
Ces dispositifs ont fait l'objet d'une étude à grande échelle, connue sous le nom de projet ROSITA, qui a été financée par la Commission européenne. Cette étude a conclu que la génération actuelle de tests de fluide oral n'était pas suffisamment sensible ou précise pour donner des résultats fiables pour les principales drogues consommées. On est toutefois en train de mettre au point de nouvelles variations de ces tests et de les évaluer dans le cadre du projet ROSITA. Il est important de suivre de près l'évolution de ce projet.
La seule solution disponible pour le moment consiste à faciliter la collecte de preuves de facultés affaiblies et c'est ce que propose ce projet de loi en obligeant les conducteurs à se soumettre à une série de tests, les tests de sobriété normalisés ou TSN.
Si le résultat du TSN est mauvais, l'agent de police aura des motifs raisonnables de croire que les facultés du conducteur sont affaiblies et pourra le soumettre à un examen approfondi. Comme vous le savez, il s'agit de le soumettre à l'évaluation d'un agent formé comme expert en reconnaissance de drogues pour déterminer dans quelle mesure ses facultés sont affaiblies et quelle est la catégorie de drogue qu'il a le plus probablement consommée. Le suspect devra alors fournir un échantillon de liquide corporel.
Ces méthodes ne sont pas parfaites. Il peut y avoir des résultats faussement positifs ou faussement négatifs, mais ce sont actuellement les meilleures méthodes disponibles. Heureusement, d'autres pays poursuivent leurs recherches pour améliorer ces techniques et trouver d'autres moyens de dépister la présence de drogues chez les conducteurs. Il faudra suivre de près les améliorations et les progrès à cet égard. Également, au fur et à mesure que l'utilisation des tests de salubrité normalisés et des test de dépistage de la drogue se répandra davantage au Canada, il faudra surveiller et évaluer ces deux méthodes.
Je voudrais maintenant mentionner quelques problèmes. Premièrement, lorsqu'on parle de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, on a tendance à penser surtout aux drogues illicites et au recours au Code criminel pour y remédier. Néanmoins, comme vous le savez, il ne faut pas oublier que le problème de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue touche différents types de gens, par exemple les conducteurs âgés qui consomment des médicaments et pour lesquels des solutions différentes ou du moins complémentaires pourraient être plus rentables et plus appropriées.
Deuxièmement, il est essentiel que le public ne considère pas la conduite avec facultés affaiblies par la drogue comme une infraction moins grave que la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. Comme on l'a déjà mentionné, c'est ce qui pourrait se passer si les provinces ne pouvaient pas punir la conduite avec facultés affaiblies par la drogue de la même façon que la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. Il faut remédier à ces possibilités d'injustice.
Finalement, il faut poursuivre les recherches pour déterminer l'ampleur du problème de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue et quantifier les risques qui y sont associés. Il faudra pour cela soumettre systématiquement à des tests les conducteurs impliqués dans des accidents graves et étudier l'incidence de la consommation de drogues chez les conducteurs.
Merci, monsieur le président, de m'avoir permis de prendre la parole devant le comité.
¿ (0945)
Le président: Merci, monsieur Simpson.
Nous allons passer aux questions.
Monsieur White, vous avez cinq minutes pour les questions et réponses.
M. Randy White (Abbotsford): Merci, monsieur le président. Merci à tous d'être venus.
C'était là des exposés intéressants. Je dois dire toutefois que les points de vue des juristes sur ces graves questions sont remarquablement similaires. Je siégeais à ce comité lorsque nous avons étudié le projet de loi C-17 sur la marijuana. La Chambre est actuellement saisie d'un projet de loi sur le délit de fuite. Les mêmes préoccupations ont été émises au sujet du Registre national des délinquants sexuels, au sujet du projet de loi C-16, de la banque d'empreintes génétiques et toutes sortes d'autres projets de loi, que la Chambre a adoptés ou dont elle est saisie. La crainte de contestations en vertu de la Charte des droits est devenue une excuse pour ne pas améliorer le système de justice. Pendant ce temps, le carnage continue sur les routes.
Monsieur Di Luca, pourriez-vous me dire en quelques mots si le Conseil canadien des avocats de la défense est pour ou contre le projet de loi C-16?
M. Joseph Di Luca: Nous croyons que, tel qu'il est actuellement libellé, ce projet de loi va susciter des contestations constitutionnelles auxquelles il ne pourra peut-être pas survivre. Nous ne croyons absolument pas qu'il ne faut rien faire contre les conducteurs qui ont les facultés affaiblies par la drogue ou par l'alcool. C'est tout ce que je peux vous dire en quelques mots. En principe, nous reconnaissons qu'il représente un danger et qu'il faut atténuer ce danger grâce à des moyens conformes à la Constitution.
M. Randy White: Merci.
J'ai rédigé un projet de loi qui se trouve aujourd'hui devant la Chambre, le projet de loi sur le délit de fuite qui connaît quelques difficultés. Je pense qu'il reviendra devant notre comité, car il le devrait.
Je voudrais questionner M. Solomon et M. McNeil au sujet du lien entre les travaux récents concernant la conduite avec facultés affaiblies et le projet de loi C-16. Ces mesures deviennent plus sévères. J'ai constaté que beaucoup de gens qui sont impliqués dans un accident alors qu'ils sont sous l'effet de la boisson fuient les lieux par crainte de se faire punir par les lois actuelles régissant la conduite en état d'ivresse.
¿ (0950)
M. Robert Solomon: Je suis d'accord avec M. Di Luca pour dire que ce projet de loi sera contesté en vertu de la Charte. Toutes les autres lois peuvent l'être également. Je suis d'accord avec M. Di Luca sur le fait que certaines questions vont susciter un examen rigoureux dans le contexte de la Charte. Mais je ne suis pas d'accord avec lui quant aux résultats probables de ces contestations. Bien entendu, l'issue des causes portant sur la Charte n'est jamais garantie.
Vous avez parfaitement raison de dire qu'avec le renforcement de la législation concernant la conduite avec facultés affaiblies, un pourcentage important de délits de fuite sont probablement commis par des conducteurs en état d'ivresse. Des bonnes recherches ont été faites aux États-Unis sur le pourcentage de délits de fuite commis par des conducteurs en état d'ivresse même si les statistiques américaines ne sont peut-être pas comparables à la situation au Canada. C'est un problème important.
Je pense que le durcissement de la législation fédérale, il y a quelques années, à l'égard du délit de fuite devrait punir plus rigoureusement ce genre de comportement, mais le fait est que cela pose un problème.
M. Christopher McNeil: Je ne peux pas faire le lien avec la recherche sur ce sujet, mais je crois que vous avez raison. Si vous regardez ce qui se passe actuellement dans les tribunaux, les attaques portent contre la conduite avec facultés affaiblies et non pas contre la technologie de l'alcootest. C'est comme pour le pistolet radar—si vous êtes pris, vous êtes pris. Cela ne vous laisse qu'une solution, et c'est prendre la fuite.
M. Randy White: Une question a souvent été posée devant le comité : Qu'est-ce qu'une drogue? En fait, le café a été mentionné plusieurs fois. Pauvres Starbucks et Tim Hortons…
Que penseriez-vous si le projet de loi énumérait une liste de drogues? Si le projet de loi C-16 contenait une liste de drogues à rechercher—le cannabis, le meth, la cocaïne, l'héroïne, le speed ou que sais-je—serait-ce une amélioration?
M. Joseph Di Luca: Je me ferai un plaisir de répondre à cela. Ce serait certainement une amélioration en ce sens que cela préciserait, au moins au départ, que l'agent peut lancer une enquête sur une série de drogues bien précises dont l'inclusion dans l'annexe de la loi prouverait qu'il s'agit du type de drogues qui, d'après les données statistiques ou scientifiques, affaiblissent la capacité de conduire. La Loi sur les stupéfiants, ou plutôt maintenant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, donne une liste de drogues par ordre de gravité et, théoriquement, il n'y a aucune raison de ne pouvoir en faire autant dans le contexte de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
Le président: Quelqu'un d'autre désire-t-il répondre?
Monsieur Solomon.
M. Robert Solomon: Si c'était fait, j'ai peur que nous mettions l'accent uniquement sur les drogues illicites sans tenir compte des médicaments en vente libre ou sur ordonnance. Je ne suis pas contre cette idée, mais il faudrait s'assurer que la liste comprend la gamme complète de drogues risquant d'affaiblir les facultés. Je pense que ce serait trop difficile à faire étant donné la multitude de drogues sur le marché.
Il faut bien comprendre qu'il est illégal de conduire sous l'effet de la drogue depuis environ 80 ans. Nous n'avons pas arrêté et questionné beaucoup de gens au sujet de leurs beta-bloquants.
Cela pose donc un problème et je ne suis pas certain que l'inclusion d'une liste soit la bonne solution. N'oubliez pas que l'agent doit soupçonner la présence d'une drogue dans votre organisme. Il faut ensuite que le conducteur échoue au test de sobriété normalisé. Le policier a alors des motifs raisonnables de croire que vos facultés sont affaiblies et c'est à ce moment-là qu'il exige… Je pense que c'est là une protection suffisante.
Je ne m'opposerais pas à l'inclusion d'une liste, à la condition qu'elle soit suffisamment large. Je ne voudrais pas empêcher des policiers d'enquêter parce qu'ils ne connaissent pas suffisamment la psychopharmacologie.
¿ (0955)
Le président: Merci.
Monsieur Marceau, cinq minutes, s'il vous plaît.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être venus nous rencontrer.
Ma première question est très simple. D'un côté, des gens de l'organisation MADD nous ont dit, et je cite:
[Traduction]
L'incidence de la conduite sous l'effet des drogues est en augmentation.
[Français]
D'un autre côté, M. Simpson nous dit que nous n'avons pas de statistiques précises à ce sujet. J'aimerais savoir si nous avons, oui ou non, des statistiques sur les gens qui sont en état d'ébriété à cause de la drogue. Si oui, quelles sont-elles? Il s'agit de deux versions contradictoires.
[Traduction]
M. Robert Solomon: Je ne vois aucune contradiction entre ce que j'ai dit et ce qu'a dit le Dr Simpson. Le fait est que la présence de drogues ressort plus souvent des enquêtes de même que des tests effectués sur les conducteurs morts dans un accident. Je crois que les preuves sont là.
L'élément plus incertain est le rôle exact que la drogue en question a joué dans l'accident et le Dr Simpson pourra peut-être vous en dire plus.
[Français]
M. Richard Marceau: Monsieur Solomon, je veux simplement bien comprendre. Je suis convaincu qu'il y a des anecdotes, cela dit sans intention péjorative. Y a-t-il des chiffres précis sur ce problème, auquel on essaie de trouver une solution, provenant des forces policières du pays? Il s'agit d'un problème réel que tout le monde veut régler. J'aimerais savoir s'il existe des statistiques précises à ce sujet. Si oui, quelles sont-elles? Si vous ne les avez pas, est-il possible que vous nous les fournissiez par le biais du greffier?
[Traduction]
M. Robert Solomon: Un certain nombre d'études ont été publiées. Il y a eu des enquêtes au Québec et au Manitoba et le Centre de toxicomanie et de santé mentale a étudié les résultats des enquêtes auprès des élèves du secondaire. Il y a donc des études bien précises concernant la consommation de drogues déclarée par les répondants et d'autres études sur la présence de drogues dans l'organisme des conducteurs tués sur la route.
Un grand nombre de ces travaux sont cités dans notre rapport. Les travaux du Dr Simpson et de la Fondation de recherches sur les blessures de la route fournissent de très nombreuses statistiques. Je crois que l'incidence de la consommation de drogues chez les conducteurs a augmenté. C'est la tendance actuelle et c'est clairement établi, mais je cède la parole au Dr Simpson.
M. Herb Simpson: À mon avis, le problème dont vous parlez se rattache aussi à la question du risque associé à la consommation de drogues et les recherches sur le sujet ne sont pas aussi avancées qu'elles le sont pour l'alcool. Dans le cas de l'alcool, on a clairement établi que le risque augmente avec l'augmentation du taux d'alcoolémie. Le rapport de cause à effet n'a pas encore été établi pour la plupart des drogues. Nous n'avons donc pas des renseignements aussi précis, mais nous savons que les drogues sont associées à un risque accru de collisions. C'est simplement que nous n'avons pas le même niveau de précision.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci.
Maître Di Luca, je vous remercie de témoigner de nouveau. Je trouve vos présentations toujours fort intéressantes.
J'aimerais vous poser deux questions sur votre présentation.
Vous avez dit que vous cherchiez
[Traduction]
une façon plus conforme à la Constitution.
[Français]
pour régler le problème. Vous avez aussi parlé d'un lien entre la suspicion et la drogue. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Pouvez-vous d'abord me réexpliquer cela?
D'autre part, vous dites que les tests normalisés de sobriété ne sont pas universellement acceptés. Y a-t-il des problèmes avec ces tests? Si oui, peut-on faire quelque chose pour aider les procureurs de la Couronne et les procureurs de la défense tels que vous à s'entendre, un peu sur le modèle du radar? On pourrait s'entendre là-dessus et argumenter sur la suite des choses.
À (1000)
[Traduction]
M. Joseph Di Luca: Certainement. Pour répondre à votre première question en ce qui concerne l'alcool, pour pouvoir exiger que le conducteur se soumette à l'alcootest, le policier doit soupçonner la présence d'alcool dans son organisme. Nous savons que l'alcool affaiblit les facultés. Si vous avez suffisamment d'alcool dans votre sang, vous serez coupable d'avoir conduit avec des facultés affaiblies, mais si le taux d'alcoolémie est faible, il provoque quand même un certain affaiblissement des facultés. Il est vrai qu'une seule goutte d'alcool n'affaiblira peut-être pas vos facultés de façon significative, mais nous savons que l'alcool affaiblit les facultés.
Le problème que pose la drogue, à notre avis, c'est que pour le moment, le lien avec la possibilité d'affaiblissement des facultés n'a pas été fait. Il y a toutes sortes de drogues. Nous savons qu'il y en a des centaines ou des milliers sur le marché et qu'aucun lien n'a été fait qui permette de soupçonner ou d'avoir un doute raisonnable qu'une drogue puisse avoir affaibli vos facultés simplement en raison de sa nature.
Pour que ce soit plus conforme à la Constitution, si vous liez la nature du soupçon : a) à la présence d'une drogue, si vous voulez l'appeler ainsi, ou d'une drogue désignée dans l'organisme de la personne et b) à des doutes raisonnables permettant de soupçonner un affaiblissement des facultés, alors d'accord. Vous aurez tenu compte de la Constitution pour permettre au régime de s'en prendre aux personnes que vise ce genre de loi.
Si nous incluons la liste des drogues que nous savons affaiblir les facultés, cela pourrait également résoudre le problème, tout comme nous l'avons fait en désignant l'alcool comme une substance connue pour affaiblir les facultés. J'espère que cela répond à la première question.
Désolé, mais pourriez-vous me rappeler votre deuxième question… le test, c'est cela?
Quand j'ai parlé d'incertitude à propos du test, je voulais dire… il y a une incertitude au niveau judiciaire. Les juges ne peuvent rendre leur verdict qu'à partir des preuves qui leur sont présentées. Ils ne peuvent pas nécessairement tenir compte de la validité scientifique de certaines choses. Si nous l'avions fait il y a des milliers d'années, la terre serait toujours plate, selon les juges.
La science va donc progresser et évoluer et nous soumettons des preuves devant les tribunaux. Certains juges les acceptent. D'autres exigent le témoignage d'experts pour valider les bases scientifiques de ces tests afin de s'assurer que, même s'ils comportent un élément subjectif, ils donnent des résultats objectivement vérifiables.
Pour ce qui est d'amener la poursuite et la défense à accepter un test normalisé, c'est sans doute aussi difficile que de dresser des chats. Il sera très difficile de parvenir à un consensus, mais cela fait partie des progrès scientifiques et il y a eu beaucoup de publications aux États-Unis sur des causes dans lesquelles le test de sobriété normalisé a donné de faux résultats ici et là avec données statistiques à l'appui.
Ce n'est donc pas un test infaillible et il comporte un élément de subjectivité. En fin de compte, il s'agit de placer devant un tribunal suffisamment de preuves pour permettre aux juges de porter un jugement, mais je pourrais citer toute une série de causes dans lesquelles les juges ont déjà mis cette science en doute.
Le président: Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être venus.
Monsieur Solomon, à propos de votre quatrième recommandation qui vise à permettre aux provinces d'utiliser les résultats de ces tests—et je tiens à être précis—je suppose que vous parlez de la teneur de l'article 8 et des amendements à l'article 258.1 de la Loi.
M. Robert Solomon: Je crois que c'est exact.
M. Joe Comartin: Est-ce le seul article qui vous inquiète en ce qui concerne les restrictions imposées aux organismes provinciaux pour l'utilisation de ces données?
M. Robert Solomon: Si je me souviens bien, c'est la disposition qui interdit qu'elles soient utilisées à toute autre fin. Je crois que c'est le seul article. Je n'ai pas le texte directement sous les yeux.
M. Joe Comartin: Avez-vous une suggestion précise à nous faire quant à la façon de modifier cette disposition pour que ces données puissent être utilisées?
Suite à ce qu'a dit M. Di Luca, vous pouvez comprendre qu'on craint qu'elles soient utilisées pour d'autres infractions au Code criminel ou infractions concernant la drogue.
M. Robert Solomon: Il est difficile de rédiger un projet de loi comme ça, en l'air, mais une disposition qui exempterait la police de la route provinciale et territoriale pour lui permettre de s'en servir dans le cadre de ses programmes de sécurité routière… Je préfère laisser le ministère s'en charger.
M. Joe Comartin: Vous ne vous déchargez pas de cette tâche sur le comité; nous allons simplement la confier aux fonctionnaires.
M. Robert Solomon: Absolument.
Ils doivent également élaborer un règlement pour les tests de sobriété normalisés et les autres dispositions, si bien qu'ils seront très occupés. Ce n'est pas un sérieux problème, car de nombreuses exemptions sont prévues; c'est simplement qu'il m'est difficile de vous répondre sans un délai de réflexion.
À (1005)
M. Joe Comartin: Merci.
Monsieur Simpson, nous avons entendu le témoignage du Conseil canadien de la sécurité, la semaine dernière. Je ne sais pas si c'est de l'étude ROSITA dont vous parlez, mais le Conseil nous a dit, je crois, que d'ici 10 ans il pourrait proposer une limite pour la présence de cannabis ou de THC dans le sang, comme nous en avons une pour l'alcool. Êtes-vous au courant de ces études, monsieur Beirness?
M. Douglas Beirness (vice-président, Recherche, Fondation de recherches sur les blessures de la route): Je sais que l'étude ROSITA se poursuit et que les méthodes de test de fluide oral et que la technologie y sont associés s'améliorent constamment, mais deux ans me paraissent optimistes. Je sais que certains pays d'Europe ont déjà fixé des limites pour la drogue. Ce n'est pas étayé par la recherche, car nous ne savons pas quels sont les risques associés à divers niveaux de drogues. Nous devons suivre l'évolution des tests de fluide oral afin de pouvoir adopter ce genre de méthodes lorsque la technologie sera suffisamment valide pour que nous puissions l'utiliser.
M. Joe Comartin: Nous n'en sommes pas encore là.
M. Douglas Beirness: Nous n'en sommes pas encore là.
M. Joe Comartin: Peut-être qu'à la suite des témoignages de la semaine dernière, je commence à penser que nous sommes trop ambitieux en ce qui concerne ce projet de loi et que si nous nous concentrons uniquement sur le cannabis, le THC, les substances dérivées de ces produits… Monsieur Di Luca, peut-être devrais-je vous poser la question. Devrions-nous concentrer ce projet de loi sur ces substances?
Et monsieur Simpson, j'aimerais connaître votre opinion, car je crois que le principal problème vient non pas des médicaments, mais du cannabis. Le problème posé par la conduite après consommation de cannabis par rapport à la conduite après consommation de médicaments est sans doute dix fois plus grave et peut-être même 100 fois plus grave. L'âge est peut-être un facteur en raison de l'agressivité des jeunes conducteurs du sexe masculin, mais quoi qu'il en soit…
Pourriez-vous me donner votre opinion? Est-il logique de limiter cette mesure au cannabis ou au THC? Monsieur Solomon, j'aimerais savoir également ce que vous en pensez.
M. Joseph Di Luca: Je pense que les études ne sont pas d'accord quant aux effets du cannabis et du THC sur la capacité de conduire. Il y a d'autres drogues qui, statistiquement, ont un impact beaucoup plus important sur la capacité de conduire ou le degré d'affaiblissement des facultés. Cela dit, il est logique, du point de vue constitutionnel, d'adapter la loi à des drogues pour lesquelles des données scientifiques permettent de conclure un risque d'affaiblissement des facultés. Ce n'est pas moi le chercheur ici, mais si c'est confirmé et appuyé par des données scientifiques, cela donnera un régime beaucoup plus conforme à la Constitution.
M. Herb Simpson: À mon avis, cette limitation serait une erreur. En effet, cela exempterait de nombreuses drogues qui affaiblissent les facultés. La consommation de drogues et la population de conducteurs ne sont pas statiques; c'est un phénomène dynamique. Nous devons être conscients des changements dans les caractéristiques des conducteurs de véhicules automobiles, par exemple l'augmentation du nombre de personnes âgées qui sont sur la route, qui gardent leur permis et qui conduisent davantage ainsi que l'augmentation de la population qui consomme des drogues. La chose la plus sage serait de ne pas limiter l'application de la loi à une drogue comme le cannabis.
M. Robert Solomon: Je partage cette opinion.
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Monsieur Macklin, vous avez cinq minutes.
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président et je remercie les témoins d'être venus.
Inutile de dire qu'il serait beaucoup plus simple d'avoir à faire face à une drogue facilement identifiable, comme l'alcool. Nous constatons toutefois que les réalités du monde d'aujourd'hui sont complexes en ce qui concerne les drogues qui sont consommées.
En fait, lorsqu'on parle du cannabis, il y a non seulement cette drogue comme telle, mais toutes les substances auxquelles elle pourrait être associée, qu'il s'agisse de médicaments en vente libre, de médicaments délivrés sur ordonnance ou d'autre chose. Il est peu probable que nous trouverons une solution toute simple qui plaira à tout le monde. Je vois beaucoup de gens hocher la tête.
Nous devons donc accepter le défi que vous nous avez lancé, à savoir que la tâche n'est pas simple, mais qu'il faut essayer d'établir d'abord l'affaiblissement des facultés au lieu de s'inquiéter de savoir quelle est la drogue ou l'ensemble de drogues qui en sont la cause.
Si nous réexaminons tout cela, il faut d'abord qu'il y ait des signes d'affaiblissement des facultés. Ce n'est pas d'un programme RIDE dont nous parlons ici en ce qui concerne l'alcool. Il faut que le policier constate un affaiblissement des facultés du conducteur.
Deuxièmement, ces règles prévoient qu'on peut arrêter le conducteur, lui demander de se soumettre sur le champ à un test de sobriété, effectuer le test et si le conducteur y échoue, le soumettre à l'évaluation de l'expert en reconnaissance de drogues, au poste de police, je suppose, dans la plupart des cas. À ce moment-là, si tous les tests sont positifs, je pense que l'affaiblissement des facultés a été établi.
Je tiens seulement à ce que ce soit bien clair. Dans ce cas, si on prélève un échantillon de fluide pour vérifier quelles sont les substances toxiques présentes dans le sang, c'est seulement pour obtenir une confirmation, n'est-ce pas? C'est seulement pour confirmer objectivement que toutes les mesures qui ont été prises jusque-là étaient justifiées, d'après l'analyse chimique.
Est-ce bien cela? N'importe lequel d'entre vous peut répondre.
À (1010)
M. Joseph Di Luca: D'après ce que j'ai compris, du moins étant donné la façon dont c'est prévu dans le projet de loi, le test a pour but de confirmer la présence de la drogue dans l'organisme. Ce n'est pas nécessairement pour la quantifier, mais pour confirmer sa présence.
Le test révélera si la drogue est présente ou non. Certaines drogues peuvent rester présentes dans l'organisme pendant plus longtemps que d'autres. Cela pose un tas de problèmes. La présence de la drogue ne révèle pas nécessairement un affaiblissement des facultés. Cette présence doit, en fait, être quantifiée et reliée à l'affaiblissement des facultés sur des bases scientifiques.
Même en ce qui concerne l'affaiblissement des facultés, ce n'est pas l'affaiblissement des facultés en général, mais de la faculté de conduire. Ce n'est pas la même chose. La différence est subtile, mais elle existe. Certaines personnes peuvent avoir leurs facultés légèrement affaiblies, mais pas leur capacité de conduire. C'est peut-être une distinction que seuls les avocats feront, mais en fin de compte, la jurisprudence établit clairement que la preuve de l'infraction exige que la capacité de conduire soit affaiblie.
Par conséquent, même si ce test est effectué en dernier lieu, ce qui est une excellente chose car il confirme objectivement les conclusions ou les vérifie de façon objective, il faut quand même faire le lien avec l'affaiblissement des facultés, soumettre au tribunal une preuve établissant ce lien.
L'hon. Paul Harold Macklin: D'accord, et je suppose que cela pourrait permettre d'invoquer pour sa défense que cet effet n'a pas été produit par une drogue, si la présence d'une drogue n'a pas été confirmée. Autrement dit, la personne en question souffrait d'un autre problème de santé.
M. Joseph Di Luca: Cette question nous inquiète. Une membre de notre groupe, du Nunavut, m'a écrit en réponse à ma demande pour dire qu'un bon nombre de ses clients conduisent non pas des automobiles, mais des motoneiges pendant des milles et des milles, restant dans le froid glacial pendant de longues heures. Si l'on vous demande de faire certains gestes à votre descente de motoneige, les résultats ne seront peut-être pas aussi valides scientifiquement que dans le cas d'une personne qui descend de son véhicule dans un climat plus chaud, après cinq minutes de conduite.
C'est une source d'inquiétude. Ce sont sans doute des détails qu'il faudra régler en cours de route, à l'occasion d'un procès, mais il faudra également l'examiner.
M. Robert Solomon: Vous avez parfaitement raison en ce qui concerne le test de dépistage de la drogue. Il vise seulement à confirmer la présence de la drogue dans l'organisme. Ce sont les 10 autres éléments—je crois que l'évaluation de l'expert en reconnaissance de la drogue comprend 10 éléments—qui établissent l'affaiblissement des facultés.
L'hon. Paul Harold Macklin: Revenons alors à la suggestion de filmer le processus. Comme il n'en est évidemment pas question dans ce projet de loi, j'aimerais m'en faire une idée plus précise.
Premièrement, je trouve plutôt inhabituel, monsieur Di Luca, que vous suggériez de filmer l'évaluation de l'expert en reconnaissance de la drogue. Je crois qu'elle se déroule en partie dans l'obscurité lorsqu'on examine la dilatation des pupilles. Comment ferions-nous? Cela ne pose-t-il pas un problème pratique?
M. Joseph Di Luca: Ce qui pourrait être filmé devrait être filmé. Du côté de la défense, et même pour faire reconnaître les faits, il est très utile de disposer d'un vidéo montrant à l'intéressé quels tests ont été effectués et pour que votre propre expert puisse examiner la procédure.
Cela dit, si l'élément visuel du test n'est pas visible, il reste certainement l'élément audio qui permet de savoir quelles sont les paroles échangées, comment le test a été administré, quelles instructions ont été données à l'intéressé et quelles ont été les réponses de ce dernier. Tout cela se suit et les 12 étapes ne se déroulent certainement dans l'obscurité. Ce sera une source d'information objective qui pourra servir à confirmer ou à contester les preuves soumises au tribunal. Dans bien des cas, ce sera à l'avantage de la poursuite.
À (1015)
L'hon. Paul Harold Macklin: Deuxièmement, je sais que M. McNeil veut répondre à cela…
Le président: Il faudra attendre le prochain tour.
L'hon. Paul Harold Macklin: M. McNeil voulait répondre à ma question.
Le président: Très bien, monsieur McNeil. Désolé, je ne vous avais pas vu.
M. Christopher McNeil: Je serais extrêmement inquiet. Je reconnais que les tests de sobriété montreraient des signes d'affaiblissement des facultés. Il serait exagéré selon moi de vouloir également filmer l'ERD.
Le problème est que le mot « peut » n'a aucune valeur. Si vous dites que le processus peut être filmé, les tribunaux vont exiger qu'il le soit. La règle de la meilleure preuve sera invoquée comme nous l'avons vu pour les déclarations au criminel, et il serait très difficile…
Il faut bien comprendre que les forces policières du pays ne sont pas toutes en mesure de filmer aussi facilement les tests effectués sur les lieux que les grandes organisations policières. Certaines d'entre elles n'auront pas de difficulté à le faire. Pour la plupart, nous avons des caméras vidéo dans nos voitures et cela pourrait donc faire partie de la procédure. Vous pourriez la filmer. Mais ce n'est pas le cas partout. Et si la loi dit « peut », cela deviendra « vous devez » pour que cela puisse fonctionner.
Le président: Quelqu'un d'autre veut la parole?
Monsieur Thompson, s'il vous plaît.
M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC): Merci.
Bienvenue à tous et merci pour vos exposés de ce matin.
Je tiens à adresser mes remerciements aux représentants de MADD pour l'excellent travail que cet organisme a réalisé au cours des années. Je suis fier de faire partie de cet organisme depuis sa création et je souhaite que votre succès continue.
Il y a environ deux ans à peine, mon collègue à ma droite—et peut-être d'autres également—a participé au dépôt d'une pétition qui comptait plusieurs millions de signatures lorsqu'elle a abouti à Ottawa. Je me souviens d'avoir été assez fort et assez jeune pour aider à porter une pile de ces pétitions. Elles réclamaient une tolérance zéro. Je suppose que la tolérance zéro est toujours l'objectif de MADD. Vous pouvez répondre à cela si vous le désirez, mais je tenais surtout à vous féliciter pour votre excellent travail. Continuez!
Sans aucun doute, chaque membre de ce comité et sans doute chaque député de la Chambre des communes—car je ne vois pas comment on pourrait s'y opposer—est pour l'objectif qui se retrouve dans toutes ces lois et qui est d'empêcher les conducteurs en état d'ébriété et les conducteurs aux facultés affaiblies de prendre le volant. Voilà ce que nous voulons et cela n'a rien à voir avec la politique.
Ma femme doit conduire quatre de nos petits-enfants à Calaway Park, samedi après-midi. Je serai inquiet tant qu'ils ne seront pas entrés à la maison, car je sais qu'il y a encore des conducteurs aux facultés affaiblies sur la route, et en plus grand nombre que nous ne le souhaiterions. Il suffit de lire les nouvelles dans tous les journaux pour savoir que c'est le cas.
Compte tenu de cet objectif, nous voulons fournir à la police tous les outils dont elle a besoin pour assainir la situation. Mais il va y avoir des infractions. Je ne demande toujours quelle devrait être la peine imposée en cas d'infractions. À quel point prenons-nous cela au sérieux?
L'autre jour, j'ai remis au comité la liste des sanctions que prenaient d'autres pays. C'était plutôt amusant, mais certaines de ces sanctions étaient très efficaces. Un pays vous exécute dès votre première infraction. C'est un moyen de dissuasion assez efficace pour l'intéressé. Un autre pays—j'ai trouvé cela amusant et j'ai appris plus tard que c'était assez efficace—envoie directement en prison le mari ou la femme pris à conduire avec des facultés affaiblies et enferme son conjoint avec lui. Cela a eu un certain effet; cette mesure a incité les conjoints à se dissuader mutuellement de prendre la route s'ils étaient en état d'ivresse. Toutes sortes d'idées différentes ont été appliquées, mais je ne veux pas que nous prenions la situation tellement à la légère que le problème persistera. Je pense qu'il faut des moyens de dissuasion.
J'ai vécu dans un État américain où il y avait deux comtés : Rio Grande et Alamosa. La conduite avec facultés affaiblies posait un problème dans ces deux comtés. Chacun de ces comtés pouvait édicter ses propres règlements à ce sujet. Dans le compté de Rio Grande, si vous étiez pris à conduire avec des facultés affaiblies, que ce soit sous l'effet de la drogue ou d'autres choses, on saisissait votre véhicule et vous le perdiez. Peu importait que ce véhicule vous appartienne ou qu'il appartienne à votre entreprise, à votre père ou à qui que ce soit d'autre. Il était saisi et devenait la propriété du comté. Suite à ces mesures, le nombre de condamnations pour conduite avec facultés affaiblies est devenu pratiquement nul dans ce comté. L'autre comté était jaloux du succès de Rio Grande. Mais il avait peur de prendre des mesures aussi draconiennes.
Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Quelles mesures de dissuasion faut-il prendre? À quel point devraient-elles être rigoureuses?
À (1020)
Le président: Quelqu'un désire-t-il répondre à cela?
M. Robert Solomon: Pour le moment, si vous conduisez avec des facultés affaiblies par l'alcool ou la drogue, vous commettez une infraction pour laquelle le Code criminel prévoit des peines minimums. Nous estimons que les peines punissant la conduite avec facultés affaiblies par la drogue devraient être les mêmes que pour la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. À notre avis, si vous êtes reconnu coupable, vous devriez être assujetti aux peines que prévoit actuellement le Code criminel.
M. Myron Thompson: Quelqu'un d'autre?
M. Joseph Di Luca: Je pourrais émettre une opinion peu populaire pendant un bref instant. Je commencerai par dire qu'après avoir entendu ce que font les pays que vous avez cités, je suis heureux de vivre au Canada.
Des voix : Oh, oh!
M. Joseph Di Luca : Non, je suis sérieux.
M. Myron Thompson: Vous ne voudriez pas aller en prison avec votre femme?
M. Joseph Di Luca: Comme c'est enregistré, je ne peux pas répondre à cette question.
Vous n'aimerez pas ma réponse, mais écoutez moi quand même. On a vraiment l'impression que le taux d'acquittement dans les causes de conduite en état d'ivresse est dû à la sévérité des peines déjà prévues. Je ne sais pas si c'est tangible, si c'est prouvé scientifiquement, mais le sens de l'équité intervient dans ces procès compte tenu des sanctions qui sont imposées à un certain nombre de gens. Il y a diverses raisons à cela.
Du point de vue purement égoïste d'un avocat de la défense, je dirais que plus les peines sont sévères, plus il y aura de procès de ce genre et plus j'aurai de clients. De ce point de vue, je suis d'accord avec vous. Très bien, condamnons-les à mort et je suis sûr qu'on aura recours à mes services dans chacun de ces cas. Ces causes seront défendues avec l'énergie du désespoir et la Constitution sera constamment invoquée.
Cela dit—et c'est difficile—il s'agit d'un des actes criminels qui sont commis par des gens de tous les milieux, aussi bien les riches que les pauvres, les Blancs que les Noirs, les bourgeois que les ouvriers, les gens instruits que les gens peu instruits. C'est une des infractions pour lesquelles, lorsqu'ils se trouvent devant un accusé, bien des gens peuvent facilement se mettre à sa place et se dire : « Je suis content d'avoir eu la prévoyance, l'intelligence, la sagesse de ne pas commettre une erreur aussi stupide que cette personne ».
Devant un trafiquant de drogues, certains diront : « C'est un trafiquant de drogues! C'est le genre de type qui vend de la drogue ». Toutes sortes de gens peuvent être impliqués dans une cause de conduite avec facultés affaiblies, ce qui ajoute un élément humain très fort au procès, car un grand nombre des acteurs du système de justice peuvent voir qu'il ne s'agit pas des criminels qui se retrouvent habituellement devant les tribunaux. Cela incite à rechercher l'équité.
Je sais que cette opinion n'est pas très populaire, mais certains chercheurs qui ont écrit sur le sujet laissent entendre que si vous réduisiez la sévérité des peines, vous pourriez augmenter le taux de condamnation, aussi bizarre cela puisse-t-il paraître.
M. Myron Thompson: Je tiens toutefois à souligner que je connais plusieurs personnes qui, à cause de l'indulgence des tribunaux ont eu cinq, six ou sept condamnations de suite.
M. Joseph Di Luca: Je suis d'accord avec vous, il y aura toujours des gens qui s'en tirent à bon compte jusqu'à leur treizième condamnation pour conduite avec facultés affaiblies et qui finissent par tuer quelqu'un. C'est une tragédie que personne ne souhaite et que le système ne devrait pas tolérer. Je suis entièrement d'accord avec vous.
À (1025)
M. Myron Thompson: Merci.
Le président: M. McNeil veut dire quelque chose.
M. Christopher McNeil: Je crains qu'on ne confonde l'équité du monde artificiel d'une salle de tribunal et ce qu'on pourrait y considérer comme une punition équitable avec la réalité que l'on a sous les yeux à l'urgence de l'hôpital ou sur le bord de la route.
J'estime que le Parlement a le devoir de faire comprendre aux tribunaux à quel point c'est grave. Une façon de le faire est de prévoir des peines minimums. Si le Parlement envoie continuellement ce message à l'égard de certains crimes tels que la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, comme les tribunaux n'agissent pas seuls sans aucune influence extérieure, ils finiront par comprendre que c'est là un grave sujet de préoccupation.
Je suis assez inquiet. Quand on suggère de ne pas adopter une loi parce qu'elle est trop compliquée, je peux vous dire une chose. Je suis chargé de simplifier la loi pour les policiers de première ligne et je peux vous dire que j'ai du mal à trouver une seule loi que ne soit pas extrêmement compliquée à appliquer.
M. Myron Thompson: C'est vrai. Je vous en remercie.
Le président: Merci.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ): Monsieur Di Luca, j'ajouterai à vos remarques que les mauvaises lois font la fortune des bons avocats. J'ai moi-même eu l'occasion de le constater.
Je voudrais profiter du fait que vous êtes ici pour vous poser des questions, monsieur McNeil. J'imagine que vous avez une certaine expérience des barrages routiers. Depuis combien d'années peut-on en ériger? Je crois qu'on parle d'une dizaine d'années, peut-être même plus. C'est exact?
[Traduction]
M. Christopher McNeil: Depuis au moins 10 ans, en effet.
[Français]
M. Serge Ménard: Avez-vous remarqué si en moyenne, le nombre de personnes interceptées pour conduite avec facultés affaiblies a augmenté ou diminué depuis les premiers barrages routiers?
[Traduction]
M. Christopher McNeil: Les barrages policiers sont un des outils disponibles et, dans bien des cas, c'est autant un outil éducatif qu'un outil d'application. J'ai constaté que le nombre de contrevenants qui se font prendre dans les barrages routiers n'est pas très élevé, mais que c'est un rappel constant pour les conducteurs. Comme l'a dit M. Di Luca, nous sommes tous susceptibles de nous rendre coupables de conduite avec facultés affaiblies et nous devons faire constamment preuve de vigilance. Les barrages routiers représentent un rappel très visible et très convaincant.
[Français]
M. Serge Ménard: J'ai fait part de mon impression à ce sujet à un officier de la GRC venu témoigner devant nous, à savoir qu'au début, dans 10 ou 12 p. 100 des cas, il s'agissait de conduite avec facultés affaiblies, alors qu'aujourd'hui, l'indice est inférieur à 1 p. 100. Cela correspond-il assez bien à votre évaluation?
[Traduction]
M. Christopher McNeil: Je dirais seulement que lorsque les barrages routiers ont été mis en place, le problème était beaucoup plus visible qu'il ne l'est aujourd'hui. Il y a eu certainement un changement d'attitude dans la société face à la conduite avec facultés affaiblies et cela se reflète dans les barrages routiers. Je dirais que c'est exact.
[Français]
M. Serge Ménard: Bref, les barrages routiers sont dissuasifs.
[Traduction]
M. Christopher McNeil: Oui.
[Français]
M. Serge Ménard: Cela correspond aux données du domaine de la criminologie. Généralement, la possibilité d'être intercepté est beaucoup plus dissuasive que la sévérité des sentences.
Je ne sais pas qui peut répondre adéquatement à ma prochaine question. Monsieur Simpson, vous voudrez peut-être le faire. Le sujet n'est pas comme tel du domaine de votre recherche, mais puisque vous êtes chercheur, vous y arriverez peut-être.
En ce qui a trait aux tests objectifs, appelés en anglais sobriety tests, une chose me préoccupe. J'imagine qu'il s'agit de tests objectifs destinés à vérifier les réflexes des gens. Chez les conducteurs, surtout ceux qui sont âgés, mais aussi certains jeunes, être intercepté par la police engendre un certain degré de nervosité. Cela risque de rendre l'administration de ces tests plus difficile.
Les tests proposés et la façon dont on prévoit les administrer tiendront-ils compte de cette nervosité? Celle-ci peut varier selon la personne; elle peut être très intense chez certaines personnes facilement intimidables.
[Traduction]
M. Douglas Beirness: C'est certainement le cas. Certaines personnes deviennent très nerveuses ce qui peut avoir une légère influence sur leurs résultats.
D'après les recherches, ce n'est pas une influence énorme. Si vous recherchez les effets négatifs de l'alcool ou de la drogue, le test de sobriété normalisé les révélera beaucoup plus que si vous êtes simplement nerveux. L'un des points forts du test de sobriété est le test de nystagmus latéral, qui examine les mouvements de l'oeil latéralement, d'un côté à l'autre. Ce type de test n'est pas influencé par la nervosité à notre connaissance. Le résultat peut être influencé par certaines drogues bien précises.
À (1030)
[Français]
M. Serge Ménard: Cela répond peut-être à la question que j'allais poser.
En vieillissant, je remarque que le matin, après avoir conduit deux heures entre Montréal et ici, je ne peux pas marcher aussi bien lorsque je sors de ma voiture et ce, même si je n'ai pas consommé d'alcool, même la veille. Plusieurs secondes sont nécessaires avant que je puisse marcher normalement. J'imagine qu'avec l'âge, il s'agira de minutes et non de secondes. Les tests de sobriété tiendront-ils compte de ces facteurs?
[Traduction]
M. Douglas Beirness: Généralement oui. D'après ce que j'ai vu aux États-Unis où ces tests sont plus courants, le policier parle avec le conducteur quelques minutes, lui explique ce qui se passe et lui donne ainsi l'occasion de se remettre de sa nervosité.
[Français]
M. Serge Ménard: Mais, pendant ce temps, le conducteur est assis. Il n'est pas encore sorti de la voiture.
[Traduction]
M. Douglas Beirness: Une fois qu'il est sorti de sa voiture, l'agent doit lui expliquer ce qui va se passer. Le test de sobriété qui est effectué au bord de la route donne seulement au policier suffisamment de preuve pour emmener le suspect en ville où les tests sont répétés dans le cadre du programme ERD.
[Français]
M. Serge Ménard: D'accord.
Monsieur Di Luca, j'apprécie toujours votre présence, comme mon collègue à ma droite, et votre objectivité, même si vous faites état de votre partialité institutionnelle.
À ce que je sache, on n'a pas l'obligation de donner un échantillon à la personne qui a fourni un échantillon pour qu'elle puisse en faire faire elle-même une analyse. Cela ne vous fatigue-t-il pas?
[Traduction]
M. Joseph Di Luca: Pour le moment, la loi n'oblige pas à fournir un échantillon pour le dépistage de la drogue? Est-ce bien…?
Oui, la loi présente une lacune et je ne peux pas dire le contraire. Il y a là une lacune évidente. Vous êtes tenu de fournir un échantillon pour le test d'alcoolémie, mais pas pour quoi que ce soit d'autre. Il y a donc une lacune à ce niveau-là et notre Conseil est certainement en faveur de mesures visant à réduire un risque qui a été validé de façon tangible et scientifique. Si nous avons des objections c'est surtout parce que nous voulons que ce soit fait par des moyens constitutionnels. Il y a donc certainement une lacune à ce niveau.
[Français]
M. Serge Ménard: Évidemment, si nous l'obtenions, nous aurions peut-être le même succès qu'avec l'échantillon d'haleine.
[Traduction]
Le président: Nous devons passer au suivant, monsieur Ménard.
Madame Neville, s'il vous plaît.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ce n'est pas la question que je voulais poser au départ, mais je voudrais faire suite, monsieur Di Luca, à ce que vous avez dit à savoir que « plus sévère est la tendance, moins il risque d'y avoir de condamnations ». A-t-on fait des études portant sur la conduite avec facultés affaiblies en ce qui concerne la situation socioéconomique du contrevenant ou tout ce qui se rapporte à la peine infligée?
M. Joseph Di Luca: Je voudrais d'abord dire une chose avant qu'on me refuse l'accès à un autocar ou à un avion pour entrer chez moi. Les gens qui tuent quelqu'un dans un accident d'automobile parce qu'ils étaient en état d'ébriété ne reçoivent pas une tape sur la main; ils vont en prison. C'est ce que j'ai constaté.
Le recours aux sentences conditionnelles, qui est très contesté pour la conduite en état d'ivresse, a d'abord eu une certaine popularité, mais il est de moins en moins fréquent dans les cas de décès ou de blessures graves. C'est toujours une option possible, mais dans les cas graves, les peines que nous voyons imposer… Je sais que je ne convaincrai pas mes amis de MADD et je les comprends, car leurs intentions sont tout à fait valides et honnêtes. Elles sont pour le moins admirables.
Cela dit, si vous prenez les infractions dans lesquelles il y a eu dépassement de la limite de 0,08 p. 100, mais qui n'ont causé aucun accident ni aucune blessure, lorsqu'un conducteur est arrêté lors d'une vérification au hasard et que l'alcootest révèle qu'il a dépassé les limites permises, lorsque le seul tort causé est le risque que représente sa présence sur la route, les peines sont fixées par la loi.
Normalement, le contrevenant se voit imposer la peine minimum. Il perd son permis pendant un an, sans exception, du moins en Ontario. Il est très coûteux de récupérer son permis, et je ne parle même pas des conséquences du côté de l'assurance et du reste. C'est une sentence rigide qui s'applique aussi bien aux riches qu'aux pauvres, aux gens instruits ou non, quelle que soit la nature de l'infraction.
La majorité des infractions de conduite en état d'ébriété ne causent pas d'accidents. C'est peut-être en partie grâce aux efforts de sensibilisation et à la présence de la police. Je suis absolument d'accord avec M. McNeil. La présence policière est absolument essentielle pour arrêter les gens. Si les gens se disent qu'une fois sur la route un barrage policier les attend au coin de la rue, ils ne prendront pas ce risque. C'est une simple question de logique.
Par conséquent, les peines sont sévères, surtout pour les premières infractions qui n'ont causé aucune blessure.
Certaines études ont été publiées à ce sujet. La question a-t-elle été suffisamment étudiée? Non. Il y a une étude d'un professeur de l'Université Queen's du nom de David Muttart. Je pourrais en remettre un exemplaire au greffier si vous le désirez. Il a publié une étude—je ne sais pas dans quelle mesure elle repose sur des données scientifiques—dans lequel il parvient à la conclusion que si vous réduisez les peines pour certaines infractions, en fin de compte, vous sauverez des vies. Je vais vous la remettre. C'est une étude qui vise surtout à susciter la réflexion, mais elle fait valoir l'argument contraire.
À (1035)
Mme Anita Neville: Merci.
Monsieur Murie, je vous ai vu secouer la tête pendant que M. Di Luca parlait.
M. Andrew Murie (chef de la direction, Les mères contre l'alcool au volant): Notre organisme s'oppose aux sentences conditionnelles pour les gens qui choisissent de boire et de conduire et qui tuent ou blessent gravement quelqu'un. C'est un sujet de litige. C'est assez fréquent. Je ne suis donc pas d'accord avec mon collègue.
Nous avons examiné la question. En Ontario, nous avons étudié le cas des personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies causant la mort ou des blessures. Nous avons constaté qu'un très faible pourcentage des personnes accusées de l'infraction la plus grave ont présenté un plaidoyer de culpabilité.
M. Robert Solomon: Moins de 25 p. 100.
M. Andrew Murie: Je pense que c'était 23 p. 100 dans un cas et 19 p. 100 dans l'autre. C'est une étude assez approfondie que nous avons réalisée sur une longue période.
Mme Anita Neville: Avez-vous fait le lien avec les facteurs socioéconomiques…?
M. Andrew Murie: Non, il fallait obtenir ces renseignements dans le cadre de la Loi sur l'accès à l'information. Nous n'avons donc pas pu obtenir le statut socioéconomique des accusés. Nous avons examiné les données de base.
M. Robert Solomon: Le problème, c'est que la question des sanctions retient beaucoup l'attention. Cela inquiète MADD. Notre objectif est non seulement de veiller à ce que les gens soient punis suffisamment, mais aussi à ce que les lois permettent d'appréhender un plus grand nombre de contrevenants. Nous avons étudié les statistiques de 1994 à 1998. Selon nos estimations, moins de 25 p. 100 de ceux qui causent un accident mortel en état d'ébriété font l'objet d'accusations et moins de 25 p. 100 d'entre eux sont reconnus coupables.
Nous voulons faire en sorte que la police ait des pouvoirs d'application réels, que nous puissions augmenter le taux d'appréhension perçu et réel. Parfois, c'est la question des sanctions qui retient toute l'attention. Nous voulons des lois plus intelligentes et plus efficaces. Nous voulons des lois mieux appliquées. Ce n'est pas seulement une question de sanctions, mais aussi de prévention.
Le président: Merci, madame Neville.
À (1040)
Mme Anita Neville: Me reste-t-il du temps?
Le président: Non, vous avez terminé.
Monsieur Warawa, s'il vous plaît.
M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être venus. J'ai trouvé les exposés très intéressants et même un peu humoristiques. Je m'attends à ce que quelqu'un dise pour sa défense : « Votre honneur, je conduisais une motoneige alors que j'avais bu trop de café ». Nous l'entendrons peut-être un jour.
M. Joseph Di Luca: Je vais vous donner ma carte.
M. Mark Warawa: Avant la politique, je travaillais dans le domaine de la prévention des sinistres pour l'Insurance Corporation of British Columbia. Je me suis intéressé aux statistiques montrant que la plupart des accidents d'automobile se produisent à des carrefours et que la principale cause de ces accidents est le manque d'attention. Je me demande si les statistiques changeraient si, en cas d'affaiblissement des facultés attribuable à la drogue, nous commencions à exiger des échantillons sur les lieux des accidents. Les gens conduisent sans faire attention. Est-ce parce qu'ils se servent de leur téléphone cellulaire? Leurs facultés sont-elles affaiblies par un manque de sommeil, des médicaments, des drogues illicites ou l'alcool? La situation peut être différente et il pourrait être utile de faire des recherches sur les causes. Pourquoi les gens conduisent-ils sans faire suffisamment attention?
Je le dis seulement en passant. J'ai une question pour vous, monsieur McNeil. Dans votre exposé, à la page 5, vous dites :
L'alinéa 253a) du Code criminel interdit actuellement la conduite avec facultés affaiblies par la drogue et l'alcool. Un conducteur soupçonné d'ivresse au volant peut être obligé, sur demande, de remettre un échantillon d'haleine pour déterminer son taux d'alcoolémie et vérifier s'il est supérieur au taux légal. Cette mesure ne s'applique pas dans le cas d'un conducteur soupçonné de facultés affaiblies par la drogue parce qu'il n'y a pas d'exigence semblable… |
C'est un point très important. Pour le moment, si quelqu'un refuse de fournir un échantillon—une personne qui s'expose elle-même et expose les autres à des risques en conduisant de façon dangereuse—que faites-vous? Cela diffère d'une province à l'autre, mais si ces gens sont un danger sur la route, comment procédez-vous à l'heure actuelle?
M. Christopher McNeil: Je dois vous dire qu'on ne fait rien. On ne peut pas obliger cette personne à quitter la route en vertu du Code criminel. Certaines provinces ont une législation provinciale plus libérale à cet égard, mais on ne peut rien faire.
Vous n'aboutissez nulle part, vous ne pouvez pas aller au tribunal entendre les arguments de M. Di Luca si vous ne pouvez pas exiger que la personne se conforme à vos exigences. Cela ne vous mène nulle part et l'intéressé est libre de repartir dans la plupart des cas.
M. Mark Warawa: Je crois que le problème se situe là. Voilà pourquoi nous devons trouver une solution et pourquoi nous avons le projet de loi C-16.
M. Di Luca a soulevé une question que je pense valide : que faisons-nous des personnes dont les facultés sont affaiblies en attendant les résultats du test? Nous ne les gardons pas en prison, mais j'espère qu'on saisit leur automobile pendant que nous attendons les résultats des tests. Mais ce n'est probablement pas ce qui se passe non plus. J'ai entendu parler de cas où l'automobile était remorquée jusqu'au domicile du contrevenant qui pouvait alors rentrer chez lui en taxi et repartir au volant de sa voiture.
M. Robert Solomon: Voilà pourquoi nous voulons être certains que si quelqu'un échoue au test de sobriété au bord de la route, vous pouvez suspendre son permis pendant 24 heures comme la province en a le pouvoir. Voilà pourquoi il est important que la loi n'empêche pas les provinces et les territoires d'appliquer la législation sur la sécurité routière, qui a nettement amélioré les choses, pour empêcher les gens incapables de conduire pour diverses raisons, que ce soit l'alcool ou la drogue, de prendre le volant au moins temporairement.
Pour le moment, ce n'est pas possible et c'est pourquoi cet amendement dont un certain nombre de policiers et d'autres personnes ont parlé, je crois, est important, justement pour éviter ce problème.
M. Mark Warawa: Très bien. Monsieur Di Luca, vous seriez pour le projet de loi C-16 avec quelques amendements pour rendre son application plus pratique, mais vous seriez d'accord pour fournir cet outil à la police, n'est-ce pas?
M. Joseph Di Luca: Absolument, si cet outil est conforme à la Constitution, il ne sera pas différent des outils qui existent actuellement pour les tests d'alcoolémie. J'aurais du mal à dire qu'on ne peut pas faire pour la drogue ce que l'on peut faire pour l'alcool. Du moment que nous sommes tous d'accord et que c'est basé sur des données scientifiques, c'est acceptable.
Le président: Votre temps est expiré, monsieur.
M. Mark Warawa: Merci.
Le président: Le comité a une autre question à régler. Il semble que nous ayons été convoqués pour un vote, mais de toute façon, certains membres du comité ne peuvent pas rester après 11 heures.
Je m'en remets à vous. Nous pourrions peut-être faire un tour de plus, une période des questions supplémentaire, ou conclure immédiatement pour régler l'autre question à huis clos.
À (1045)
[Français]
M. Richard Marceau: Monsieur le président, je pense que les témoins ont fait un excellent travail. Ils nous ont bien éclairés sur les enjeux et les préoccupations qui sont les leurs. Il faudrait donc que nous nous penchions sur les autres enjeux avant le vote, tel que nous l'avions décidé il y a maintenant deux jours.
[Traduction]
Le président: D'accord.
Tout le monde est d'accord? Très bien.
Messieurs, merci beaucoup d'être venus aujourd'hui. C'était très intéressant et nous apprécions certainement les conseils que vous nous avez donnés.
Nous allons suspendre pendant deux minutes environ.
[Les délibérations se poursuivent à hui clos.]