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SECU Rapport du Comité

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DROITS, RESTRICTIONS ET SÉCURITÉ : UN
EXAMEN COMPLET DE LA LOI ANTITERRORISTE
ET DES QUESTIONS CONNEXES

CHAPITRE UN :
INTRODUCTION

Le Canada n’est pas à l’abri des activités terroristes et de leurs conséquences. En effet, on estime qu’il y a eu au Canada, entre 1973 et 2003, 6 détournements d’avion, 2 attentats à la bombe contre des avions, 73 canulars perturbateurs, 9 prises d’otages ou enlèvements, 4 lettres piégées, 170 bombes, bombes incendiaires et incendies criminels, 59 menaces, 35 agressions contre des personnes, 45 actes de vandalisme, 14 complots et attaques déjoués et 32 cas de soutien d’activités terroristes1. Ces actes sont le fait de groupes et de particuliers agissant dans le cadre de campagnes d’action politique et sociale menées dans diverses régions du Canada. La plupart cependant ne présentaient aucun caractère transnational et aucun n’a eu l’impact de l’attentat de septembre 2001 aux États-Unis.

Avant même 2001, le Canada avait déjà conclu un certain nombre d’accords internationaux au sujet de la prévention, de la détection et de la sanction des activités terroristes, sur son propre territoire et dans le monde entier. Dans les années 1990, le gouvernement avait formulé beaucoup de politiques concernant la sécurité nationale et élaboré des stratégies de lutte contre le terrorisme, mais le Canada n’avait pas pris toutes les mesures législatives voulues pour dûment remplir ses obligations internationales. Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre les États-Unis ont complètement changé la donne.

En exploitant habilement la facilité des déplacements et l’ouverture caractéristiques des sociétés démocratiques du XXIsiècle, ces attentats ont été absolument dévastateurs. Ils ont montré que les atouts de ces sociétés étaient, en même temps, leur talon d’Achille. Leur ouverture, les moyens technologiques dont elles disposent et l’aisance des déplacements ont fourni aux terroristes les armes dont ils avaient besoin. Les attentats ont eu des conséquences immédiates : les économies en ont souffert, les déplacements ont chuté, les contrôles frontaliers ont été grandement resserrés, l’efficacité des services de police et de renseignements a été mise en doute, la méfiance s’est installée à l’égard de certains groupes ethnoculturels, et la confiance dans la capacité des institutions démocratiques à réagir correctement à la menace terroriste a vacillé.

C’est dans ce contexte que la communauté internationale a réagi. De nombreuses ententes internationales visant à prévenir et à contrer les activités terroristes avaient déjà été négociées, ratifiées et mises en œuvre. Les événements du 11 septembre ont suscité un sentiment d’urgence et l’adoption de toutes sortes de mesures conçues pour faire échec à la nouvelle menace terroriste. Le Canada n’a pas échappé à cette tendance mondiale.

Le Parlement du Canada a adopté la Loi antiterroriste en partie en réaction à une obligation imposée par le Conseil de sécurité des Nations Unies aux États membres de l’ONU. Au lieu d’adopter des mesures d’urgence à titre temporaire, le Parlement a décidé de modifier la législation courante et d’adopter un certain nombre de nouvelles mesures législatives. Ainsi ont été modifiés notamment le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur la défense nationale, la Loi sur le Service canadien de renseignement de sécurité et la Loi sur les secrets officiels. Il s’agissait là d’une entreprise complexe portant sur des questions difficiles qui s’est déroulée dans une atmosphère très tendue, empreinte d’alarme et d’incertitude.

Dans toute la Loi antiterroriste, du préambule jusqu’à la disposition portant examen parlementaire de son contenu et de son application, on a tenté de concilier des intérêts et des besoins divergents. La Loi, qui visait à renforcer la capacité du Canada de prévenir les actes terroristes et de perturber, mettre hors d’état de nuire et démanteler les groupes terroristes avant qu’ils puissent agir. Elle a été adoptée pour remplir les obligations internationales du Canada dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution.

En adoptant cette loi, le Parlement reconnaissait que son rôle ne se bornait pas à légiférer. Une des fonctions traditionnelles des législatures et des législateurs consiste à veiller à ce que la loi soit appliquée dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution. On a recours pour cela à des examens et des contrôles des lois et programmes autorisés par le Parlement. Cet impératif est particulièrement important dans le cas des activités visant à lutter contre le terrorisme : toute mesure préemptive, préventive et punitive doit respecter les droits et libertés, le cours normal de la loi et les principes de la justice naturelle. Des impératifs et principes qui peuvent paraître incompatibles à première vue ne sont pas forcément inconciliables. C’est là que le rôle du Parlement prend toute son importance, dans la mesure où il fait un examen des mesures autorisées en vertu des mesures législatives qu’il a adoptées.

Conscient de l’importance cruciale de sa fonction de contrôle des mesures visant à contrer le terrorisme, le Parlement a intégré à l’article 145 de la Loi antiterroriste, une disposition prévoyant un examen parlementaire complet du contenu et de l’application de la loi trois ans après qu’elle ait reçu la sanction royale. Cet examen devait prendre fin l’année suivant son début, sauf si une extension de délai est accordée par le Parlement.

L’examen de la Loi antiterroriste a été amorcé en décembre 2004 par le Sous-comité de la sécurité publique et nationale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile de la Chambre des communes; il a été interrompu par la dissolution du Parlement en novembre 2005 et repris par le Sous-comité.

Le Sous-comité, constitué le 29 mai 2006 par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale, a étudié les témoignages et mémoires reçus par son prédécesseur, de même que l’information plus récente qui lui a été communiquée. Son prédécesseur avait tenu 22 audiences, d’une durée totale de 47 heures, au cours desquelles il avait entendu 82 témoins. Il avait également reçu 44 mémoires. Le Sous-comité lui-même a tenu 22 audiences, d’une durée de 36 heures, pendant lesquelles il a entendu 5 témoins et élaboré son rapport intérimaire et son rapport final. Il a aussi reçu 6 mémoires. On trouvera à l’annexe A la liste des témoins entendus par le Sous-comité et son prédécesseur, et à l’annexe B la liste des mémoires.

Le Sous-comité a déposé un rapport provisoire (en octobre 2006) sur les audiences d’investigation et les engagements assortis de conditions (arrestations préventives), lesquels faisaient tous deux l’objet d’une disposition de temporarisation, ce qui veut dire que les dispositions législatives les concernant expireraient à moins qu’elles ne soient prorogées par résolution des deux Chambres du Parlement. Le Sous-comité recommandait que les dispositions pertinentes soient reconduites pour une période de cinq ans, après quoi elles feraient l’objet d’un examen parlementaire. Le gouvernement a par la suite déposé une résolution en vue de proroger l’application des dispositions en question pendant trois ans, mais la Chambre a voté contre la prorogation de ces dispositions le 27 février 2007, si bien qu’elles ont maintenant expiré.

Le présent document, c’est-à-dire le rapport final du Sous-comité, contient le reste des résultats de l’examen complet des dispositions et de l’application de la Loi antiterroriste. Fondé en grande partie sur les travaux de son prédécesseur, auquel appartenaient déjà la plupart des membres du Sous-comité, le présent rapport présente des observations et des recommandations sur les changements que nous jugeons nécessaires pour améliorer la Loi et les mesures législatives connexes. Nous avons reçu des témoignages, des commentaires et des mémoires de fonctionnaires et d’organisations non gouvernementales. Toutes les propositions ont été étudiées sérieusement. Notre rapport fait état des suggestions que le Sous-comité a acceptées et dont il recommande la mise en œuvre.

Le rapport est structuré de la manière suivante : chaque chapitre commence par une description du contexte, c’est-à-dire des dispositions législatives actuelles. Nous décrivons ensuite les préoccupations dont nous avons été saisis et les raisons qui sous-tendent les mesures que nous recommandons. Notre propre analyse de la Loi antiterroriste nous a amenés à proposer d’autres modifications qui devraient, selon nous, clarifier et simplifier certains éléments de cette complexe législation.


1       Leman-Langlois, Stéphane et Jean-Paul Brodeur, « Terrorism Old and New : Counter-Terrorism in Canada », Police Practice and Research, vol. 6, n2, mai 2005, p. 121-140, à la page 123.