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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 011 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 avril 2010

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Permettez-moi de souhaiter à tout le monde la bienvenue à notre onzième séance, cet après-midi.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, l'ordre du jour consiste à faire le suivi de la séance d'information par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration sur son rôle joué dans la réponse du gouvernement du Canada à la suite du tremblement de terre en Haïti.
    Nous avons le plaisir de compter parmi nous des représentants de l'Association haïtienne de Hamilton, du Conseil national des citoyens et citoyennes d'origine haïtienne et de l'Église baptiste Nouvelle Jérusalem.
    Bienvenue à tous.
    Certains d'entre vous ont probablement déjà témoigné devant un comité. Vous aurez chacun de cinq à sept minutes pour votre allocution. Par la suite, nous passerons aux questions et aux réponses.
    Je cède la parole pour commencer à M. John Abrams, qui est membre de l'Association haïtienne de Hamilton, ainsi qu'à M. Bernard Dubois, qui en est le vice-président.
    Bienvenue, et vous pouvez y aller.

[Français]

     Je m'appelle Bernard DuBois. Je suis accompagné de M. John Abrams. Je représente l'Association Haïtienne de Hamilton. Je remercie la députée, Mme Olivia Chow, d'avoir proposé mon nom au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes.
     Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, membres du comité, d'avoir accepté de me lancer cette invitation. J'espère que M. Abrams et moi vous ferons part de faits et d'idées qui feront avancer la cause de l'immigration haïtienne.
    Après le séisme du 12 janvier qui a dévasté Port-au-Prince, le premier ministre du Canada, M. Stephen Harper, flanqué de cinq de ses ministres, dans un élan de générosité a déclaré, entre autres, que le gouvernement allait accélérer le processus d'immigration pour les Haïtiens. Je crois qu'il entendait par là les dossiers qui étaient en filière pour la résidence permanente. Il voulait, par ce geste, diminuer le stress de nos compatriotes qui vivent ici et qui ont fait pour leur famille une demande de résidence permanente. Cette mesure visait aussi à améliorer la qualité de vie de plusieurs Haïtiens qui vivaient sur les trottoirs de Port-au-Prince et maintenant sous une tente. Cette annonce du premier ministre a fait souffler un vent d'espoir pour les Canadiens d'origine haïtienne.
    Par contre, tout comme nous, ils ne savaient pas et ne savent toujours pas quelle directive a été donnée aux fonctionnaires pour exécuter cette intention si bonne du gouvernement. Des associations et des agences ont été obligées de faire des représentations pour tenter de connaître les procédures mises en place pour atteindre cet objectif, puis informer et rassurer nos compatriotes de l'état de leur dossier.
    Personnellement, j'ai rencontré tous les députés fédéraux de ma région avant de me trouver ici. Le CIC, dans tous les organes de presse, a demandé aux Haïtiens d'écrire « Haïti » sur l'enveloppe contenant leur dossier, afin de permettre aux fonctionnaires de savoir quels dossiers devaient être traités plus rapidement. De plus, le CIC a publié un numéro de téléphone grâce auquel les Haïtiens pouvaient vérifier l'état de leur dossier. Soulignons que l'utilisation de ce numéro de téléphone constituait une perte de temps. Lorsqu'on appelait à ce numéro et qu'on réussissait enfin à parler à une personne humaine, c'était pour se faire dire que les informations disponibles étaient sur le site Web du CIC. Sinon, c'était la boîte vocale. Point n'est besoin de vous dire combien frustrante est une boîte vocale lorsque l'information recherchée ne s'y trouve pas.
    Dans son article du 19 avril 2010, M. Andrew Chung, journaliste du Toronto Star, a réalisé un portrait de l'état de la situation de l'immigration accélérée des Haïtiens. Il nous a informé que l'objectif d'immigration du gouvernement canadien pour l'année 2010 se situe quelque part entre 2 358 et 2 435 visas de résidence permanente. Du 13 janvier au 27 mars 2010, 311 visas avaient été délivrés. En 2009, pour la même période, c'est-à-dire de janvier à mars, 302 visas avaient été délivrés, ce qui fait une différence de 9 visas pour cette période de l'année. Si on en juge par ce nombre, la vitesse de délivrance des visas pour les Haïtiens a même diminué et se plafonnerait à environ 1 500 visas pour l'année. C'est complètement en dessous des objectifs visés par le CIC. Je ne crois pas que l'intention d'accélérer de notre premier ministre voulait dire émettre moins de visas pour l'année. On sait aussi que 104 permis de résidence temporaire avaient été délivrés. Ces permis pourront éventuellement se traduire en résidence permanente si on devait les prolonger. Il faut dire que ces visas n'ont rien de particulier et que, bon gré mal gré, un peu plus de 500 de ces visas sont délivrés annuellement. Cela n'a donc rien à voir avec le processus d'accélération.

  (1545)  

    On ne voit rien qui indique une accélération du processus. Cette absence d'indication augmente le stress des Canadiens d'origine haïtienne qui attendent leur famille et qui dorment sous une tente en subissant les assauts répétés de la nature. De la petite pluie fine à l'ondée, la pluie peut aggraver et aggrave déjà, dans certains cas, les difficultés de vivre sous une tente. On parle de personnes qui vivent sous des tentes en pleine saison de pluies et on ne sait pas pour combien de temps.
    Le Canada nous informe que, plutôt que les 4 agents habituels, 30 agents d'immigration, basés à Ottawa et en République dominicaine, ont été affectés à l'étude des dossiers des Haïtiens. Même si nous ne savons pas ce qu'ils font, nous tenons à remercier le gouvernement de cette généreuse attention. Cependant, cette mesure est-elle efficace? Une fois de plus, si on en juge par le nombre de visas délivrés par le CIC, on serait porté à dire que non.
    Pour des raisons strictement humanitaires, alors qu'il y avait plus de 200 000 morts gisant dans les rues de Port-au-Prince, le Canada a transporté 1 700 Haïtiens de Port-au-Prince à Montréal. Ces Haïtiens, pour la plupart, étaient des Canadiens et étaient présentés à la presse pour montrer à la population que l'on faisait quelque chose. L'idée de les amener ici était bonne. Nous en remercions le gouvernement. Toutefois, c'est encore le cas, ils ne font pas partie des dossiers à accélérer.
    Pour ma part, je crois que le processus d'accélération est en cours et qu'on verra des résultats sous peu. Je le crois fermement. Cependant, je crois aussi que le stress de ne pouvoir suivre les étapes peut être dommageable pour la santé mentale de certains membres de la communauté haïtienne vivant au Canada.
    Les Haïtiens, s'ils sont résilients et peuvent combattre l'adversité, n'ont pas les ressources nécessaires pour la vaincre. Ils ont besoin de vous. On a besoin de votre aide, et ce, dans l'immédiat. La déclaration faite par le premier ministre visant à accélérer le processus d'immigration pour les Haïtiens doit avoir un sens. Travaillons à ce qu'elle devienne réalité. Lors de la Conférence de Montréal du 25 janvier, le gouvernement a reconnu que la reconstruction d'Haïti pourrait prendre une bonne dizaine d'années. Cela nous indique, selon les experts mêmes du gouvernement, que la situation des Haïtiens ne sera pas améliorée avant 10 ans.
    Parallèlement, dans un but humanitaire, le premier ministre Charest a fait une avancée en déclarant que le Québec réaménagerait son quota, afin d'accepter de nouvelles demandes de parrainage et que le Québec tiendrait compte de la famille élargie lors de l'étude de ces dossiers. C'est un geste d'une grande générosité de la part du gouvernement du Québec. Malheureusement, le Québec n'a que le pouvoir de sélectionner ces immigrants et non pas de leur donner des visas.
    Ces bonnes intentions ne semblent pas avoir résulté en de bonnes instructions aux fonctionnaires pour le processus. Un grand nombre d'Haïtiens vivent actuellement au Canada, par suite d'une demande de statut de réfugié, en attendant une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la CISR. On sait que ces gens ne seront pas déportés. Le gouvernement l'a dit.
    Toutefois, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié continue, jour après jour, à rejeter leurs demandes et à leur refuser le droit de faire une demande pour un statut d'immigrant. Cette façon de procéder n'est certainement pas conforme à la volonté du gouvernement. Elle a pour seul but d'augmenter le stress et de diminuer la qualité de vie de ces gens. Pire encore, ces gens vivent au Canada, ils ne peuvent pas quitter le pays et ne peuvent pas non plus parrainer leur famille. Cette situation est totalement incompréhensible pour les membres de la famille qui vivent en Haïti.
    Je ne crois pas que le gouvernement du Canada veuille vraiment acculer ces gens à ce point, mais cela en a tout l'air. Sur le plan strictement humanitaire, le gouvernement devrait accorder une considération particulière à ces cas.

  (1550)  

     Afin de diminuer le stress des Haïtiens vivant au Canada ayant un statut précaire, afin de permettre à tous les Haïtiens vivant au Canada d'avoir l'option de se pencher sur le bien-être de leurs familles, afin de permettre aux Haïtiens vivant au Canada de pouvoir faire des demandes de parrainage pour leurs familles qui vivent actuellement et qui, éventuellement, vivront sous une tente pour les 10 prochaines années, afin de clarifier les procédures d'immigration pour les Haïtiens vivant au Canada, je recommande que le Parlement, sur une base humanitaire, offre la résidence permanente à tous les Haïtiens à statut précaire qui se trouvent actuellement en terre canadienne.
    D'autre part, je suggère que l'on fasse adopter une loi temporaire au Parlement pour accélérer les dossiers des Haïtiens, c'est-à-dire définir le temps qui leur sera alloué, du début de l'étude d'un dossier jusqu'à son terme. Cette loi définira aussi la procédure à suivre dans le cas des dossiers des Haïtiens pour les 10 prochaines années. Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Dubois.
    Nous allons entendre maintenant M. Joseph Jean-Gilles, du Conseil national des citoyens et citoyennes d'origine haïtienne.

[Français]

    Mesdames, messieurs, membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, distingués députés, je remercie bien chaleureusement le comité d'avoir donné l'occasion au CONACOH d'être témoin. J'agirai comme représentant du CONACOH dans ce dossier. Je parlerai plus amplement du rôle du Canada depuis le séisme, en matière d'immigration.
    Auparavant, permettez-moi de présenter brièvement le CONACOH. Le Conseil national des citoyens et citoyennes d'origine haïtienne est un organisme fondé en 1981. C'est une plateforme de concertation et de représentation politique non partisane au service des communautés haïtiennes établies dans les provinces du Canada, et notamment au Québec. Sa mission essentielle est de soutenir ses membres associatifs et individuels dans une perspective de défense et de promotion des droits et des intérêts collectifs des communautés haïtiennes du Québec et du Canada. À ce titre, le CONACOH assure l'intégration harmonieuse des ressortissants haïtiens dans la société d'accueil en faisant la promotion de la participation des membres de notre communauté dans les différentes sphères d'activité des sociétés canadienne et québécoise en matière d'emploi et en matière de citoyenneté, d'éducation, de santé. Notre mission est aussi d'intensifier les actions de solidarité avec Haïti.
    Ainsi, depuis le séisme survenu le 12 janvier en Haïti, notre pays d'origine, la communauté haïtienne s'est mobilisée. Le CONACOH a été l'initiateur d'un comité de solidarité avec Haïti, qui avait pour objectif de créer des liens avec tous les acteurs de différents niveaux, provincial, fédéral, municipal, scolaire, et des membres de la société civile, afin d'accompagner nos frères et soeurs d'ici, et aussi d'accompagner nos frères et soeurs qui sont sur le territoire national. Le rôle que nous entendons jouer, à ce titre, n'est pas un rôle de soutien et de solidarité avec Haïti, mais un rôle d'organisme consultatif qui peut donner une vision éclairée de la situation, parce que nos organismes membres et nous sommes vraiment sur le terrain avec des gens dans le besoin qui nous font part de leurs besoins de tous les jours.
    Le Conseil national des citoyens et citoyennes d'origine haïtienne, le CONACOH, tient à féliciter et à remercier, au nom de tous les Haïtiens, les différents ordres de gouvernement et d'administration de la promptitude et de la rapidité avec laquelle ils ont réagi, et aussi les populations québécoise et canadienne de leur générosité, leur appui et leur solidarité face à la catastrophe qui s'est abattue sur notre pays d'origine. Nous sommes fiers d'être des citoyens et citoyennes du Québec et du Canada. L'effort déployé présentement est remarquable et apprécié. Nous avons accueilli favorablement la décision prise jusqu'à présent et la coordination des actions. On parle de décisions prises et on parle aussi d'intention de prendre quelques décisions.
    Mon témoignage cet après-midi portera essentiellement sur l'immigration et sur le rôle que le Canada doit jouer dans le dossier d'Haïti sur le plan international. On ne cesse pas de le dire: à situation exceptionnelle mesure exceptionnelle, mais tout est dans l'urgence, actuellement. Plus de 100 jours après le séisme, on a l'impression que, en matière d'immigration, il ne s'est rien passé en matière d'accueil des personnes directement touchées. Le CONACOH, à ce titre, s'adresse au gouvernement du Canada en disant qu'on s'attendait, en matière de revendication, au moins à ce que la régularisation des personnes sans statut ici se fasse en 3 à 6 mois. Maintenant, on est à 100 jours, plus de 3 mois après.
    L'autre chose, que mon collègue précédent a mentionnée, est d'assouplir les critères du programme de réunification des familles. Il faudrait assouplir ce critère et nous permettre d'élargir la notion de famille à d'autres catégories de membres de la famille, aux frères, aux soeurs et aux nièces.

  (1555)  

    On s'attendait à ce que le Canada puisse appliquer les mêmes mesures que celles fortement appuyées par l'ONU et appliquées au Canada dans le cas des Kosovars, c'est-à-dire permettre que les personnes viennent directement ici et fassent les démarches à partir du Canada. Le processus est assez long, à Port-au-Prince.
    Quand on est à Montréal, on a l'impression que le Canada se résume au Québec. Or le gouvernement fédéral devrait penser à élaborer un programme national, c'est-à-dire dans toutes les provinces et territoires, pour établir un quota et accueillir des ressortissants haïtiens touchés par le séisme. On pense également que les mesures devraient être harmonisées. On sait qu'à l'heure actuelle, des mesures sont prises au Québec, mais on est convaincu qu'elles ne sont pas harmonisées avec celles d'Ottawa. Si on élabore un programme d'un océan à l'autre, il faut qu'il y ait une certaine harmonisation.
    Pour ce qui est du parrainage, on pense que les personnes morales, c'est-à-dire les organisations communautaires, les églises et les groupes d'intérêt, peuvent aussi agir à titre de parrains.
     À cause de la situation d'urgence, on pense qu'il y a lieu de rétablir une mesure d'exception. Ce type de mesure permettrait aux Québécois et Canadiens d'origine qui le désirent d'accueillir pour un temps limité — six mois, par exemple — des orphelins, des sinistrés ou d'autres personnes. Dans certains cas, les gens veulent venir au pays, mais seulement pendant le temps qu'il faut pour se ressaisir un peu.
    Au niveau international, on pense que le Canada devrait prendre le leadership en matière d'immigration et faire la promotion de la mesure d'exception auprès des leaders des pays amis. C'est là qu'intervient l'exemple des Kosovars. Le Canada ne peut-il pas soumettre ces dossiers à l'ONU et faire en sorte que tous les pays du monde qui le veulent bien accueillent des personnes originaires d'Haïti victimes du séisme?
     On sait que le Canada s'intéresse à la reconstruction d'Haïti, mais on veut que ce soit de plus en plus efficace, en ce qui a trait à l'implication. Il faut mettre à contribution la diaspora haïtienne, c'est-à-dire les Canadiens d'origine haïtienne.
    Enfin, depuis le 12 janvier dernier, beaucoup d'organismes communautaires d'un peu partout sont débordés. C'est le cas à Montréal, notamment. Ils sont en quelque sorte obligés d'offrir des services. Si l'on veut desservir les personnes originaires d'Haïti, il faudrait aussi penser à offrir du soutien financier à ces organismes. On parle ici de personnes nouvellement arrivées et de personnes vivant au Canada qui sont fragilisées. Il y a beaucoup d'aînés, d'enfants et de familles en détresse.
    Il ne me reste qu'à vous remercier, au nom de la communauté haïtienne et du peuple haïtien, de nous avoir accueillis ici cet après-midi.

  (1600)  

[Traduction]

    Nous allons entendre maintenant le représentant de l'Église baptiste de la Nouvelle Jérusalem.
    Monsieur Jean-Baptiste Sauveur.

[Français]

    Messieurs les députés et membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, je vous remercie très sincèrement de l'honneur que vous me faites en m'invitant à comparaître devant vous.
    Haïti a été durement frappée en plein coeur par l'épouvantable tremblement de terre, le 12 janvier dernier. Cette catastrophe naturelle a semé la panique et le désarroi dans l'univers haïtien. Le séisme était d'une magnitude de 7 sur l'échelle de Richter, et l'épicentre se situait à Port-au-Prince.
    Le Canada, par le truchement du premier ministre, M. Stephen Harper, et de ses ministres, fut parmi les premiers pays à se rendre sur place pour secourir toute une population complètement désemparée et livrée à son sort. Ce phénomène naturel, non moins dévastateur, a semé la mort dans des centaines de milliers de familles. Des milliers de femmes, des milliers d'hommes et d'enfants de toutes les classes sociales jonchaient les rues de Port-au-Prince et de villes d'autres provinces. Des cadavres sont jusqu'à présent restés sous les décombres, abandonnés. Tous les édifices gouvernementaux, les écoles, les églises, les commerces et les bâtiments résidentiels n'ont pas été épargnés. C'est comme une apocalypse, une fin du monde.
    Le peuple haïtien a vraiment été témoin de la profondeur de la générosité du peuple canadien. Dans un laps de temps très court, on nous a fourni des tentes, de l'eau potable et de la nourriture, et des routes ont été réparées. Une piste d'atterrissage, des équipes volantes médicales, des techniciens: tout a été mis en place avec les grands moyens pour secourir le peuple haïtien en détresse. Pendant ce temps, le premier ministre Stephen Harper et des ministres de différents ministères organisaient des points de presse pour exprimer des mots d'espoir qui se résument en une phrase: le peuple haïtien ne sera pas seul dans la tourmente. L'armée canadienne a été mise à contribution en envoyant des bateaux — des frégates et des destroyers — et des professionnels à Port-au-Prince, à Léogâne, à Jacmel, etc., afin de répondre à l'urgence et de venir en aide aux gens de façon rapide.
    De toutes les actions entreprises, il en est une qui a servi de moteur à allumage, et qui est digne d'être mentionnée cet après-midi. C'est qu'au cours de cette catastrophe à la fois naturelle et humaine, le pays était coupé du reste du monde et privé de ses moyens habituels de communication. Alors que les gouvernants haïtiens sont restés muets, d'entre tous les autres pays qui ont donné de l'aide humanitaire à notre peuple, c'est au Canada qu'on a pris l'heureuse décision — le premier ministre Harper précisément — d'agir sans attendre la requête officielle d'Haïti. En plus, M. Harper a été le seul chef d'État du monde à passer la nuit avec le peuple haïtien, en dormant en Haïti.

  (1605)  

    C'est dans la détresse qu'on reconnaît nos vrais amis. J'estime que c'est un point fort qui est digne de mention. Nous sommes reconnaissants envers vous, peuple canadien, et envers votre gouvernement. Nous vous disons merci, et cela, de tout notre coeur. Le peuple haïtien ne va pas oublier cet élan de générosité du Canada et l'aide précieuse qui se perpétuera dans le futur avec la reconstruction du pays.
    Les Haïtiens de l'intérieur et de l'extérieur du pays comptent sur vous et vous demandent de les accompagner dans la reconstruction d'Haïti. Également, votre aide en matière d'immigration est considérable; c'est un constat. Cependant, nous espérons un assouplissement dans le traitement des dossiers en cours. Aussi, il serait de toute nécessité de mettre sur pied un projet de contrats de travail saisonniers dans le domaine de l'agriculture afin d'aider les gens d'Haïti à combattre le chômage, comme vous l'avez fait pour les Cubains et les Mexicains.
    Merci beaucoup à vous tous, députés, ministres et premier ministre. C'est avec joie que j'ai répondu à votre invitation. Que Dieu vous bénisse.
    Merci, monsieur Sauveur.

[Traduction]

    Il est temps de faire un premier tour de table où chacun aura sept minutes.
    C'est M. Coderre qui commence.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Merci, messieurs.
     [Le député s'exprime en créole]
    L'hon. Denis Coderre: Le but de la rencontre d'aujourd'hui est avant tout d'apporter des éléments constructifs. Évidemment, on ne doit pas le faire d'un point de vue partisan. Il s'agit d'un peuple qui a souffert. Il y a des besoins sanitaires en Haïti. Il y a des besoins de construction — je ne veux pas utiliser le terme « reconstruction », car je ne voudrais pas que la situation redevienne comme avant. J'utiliserai donc plutôt le terme « construction ». Il faut bâtir Haïti. Dans la réalité domestique, il y a des besoins de réunification. J'étais heureux de voir ce qu'on a fait en matière d'adoption. Cependant, j'ai toujours dit que j'étais inquiet par rapport à la réunification des familles, notamment au sujet de la question domestique, soit la question d'intégration. Effectivement, les traumatismes vécus sont importants.
    Nous sommes en quelque sorte privilégiés de vous recevoir comme témoins, parce que vous nous permettez de comprendre ce que vous vivez sur le terrain. Le but de ce dialogue est de s'assurer qu'on pourra trouver et proposer des solutions constructives et d'en arriver à des résultats probants. Le Parti libéral du Canada n'est pas satisfait sur le plan de l'immigration, sur celui de la réunification des familles. J'aurais aimé qu'on élabore un programme, un peu comme nous l'avions fait pour les Kosovars, mais spécifique au problème d'Haïti. Comme vous, monsieur Jean-Gilles, je pense que pour une situation extraordinaire, il faut employer des mesures extraordinaires.
    Maintenant, considérant qu'une décision a été prise, il faut trouver des façons concrètes d'accélérer le traitement des dossiers. J'aimerais entendre chacun de vous, en y allant rapidement, puisqu'on n'a que sept minutes.
    Monsieur Jean-Gilles, vous nous avez donné des recommandations très spécifiques. Vous avez vous-même participé à un colloque important, en tant que membre du CONACOH, en vue de vous préparer à assister à la Conférence de Montréal.
    Je suis heureux de constater qu'il n'y a pas que des Québécois qui sont présents, et que M. DuBois, de Hamilton, est ici. Il y a donc deux aspects à cette situation: la réalité québécoise avec l'Accord Canada-Québec, et la réalité de ceux qui sont de l'autre côté de la rivière des Outaouais, qui est tout autre.
    En tant que pasteur, mon ami M. Sauveur doit rassembler tous ces gens tous les dimanches pour leur parler. Il constate, en quelque sorte, le désespoir de certains individus, et il essaie de les aider.
    Rapidement, expliquez-moi ce que les gens vivent présentement, sur le terrain, en matière d'immigration. On sait ce qu'on a fait pour la reconstruction. En matière d'immigration, maintenant, qu'est-ce que les gens vous disent, présentement?
    Commençons par M. Jean-Gilles.

  (1610)  

    Essentiellement, les gens nous disent que la bureaucratie est très lourde. Quand les gens essaient de faire venir une personne d'Haïti, c'est très difficile. Même à Port-au-Prince, les gens n'ont pas accès à l'ambassade.
    Premièrement, il n'y a pas eu de nouvelle mesure pour permettre l'accélération du traitement des dossiers, comme on nous l'a dit. Tout le monde vérifie. Nous, personnellement, au CONACOH, on a accompagné des gens qui avaient leur code d'accès pour consulter leur dossier d'immigration. Le traitement de chacun de ces dossiers en est au même point. C'est une des choses qu'on nous dit. On nous dit aussi que l'ambassade à Port-au-Prince ne peut pas livrer les services. Il y a probablement un problème de ressources humaines, ou je ne sais quoi. On nous dit que compte tenu du nombre de demandes qui viennent d'Haïti et du Canada, on ne peut pas livrer les services.
    Nous, au CONACOH, on était justement en réunion samedi dernier avec les gens de la communauté pour traiter de la question de l'immigration. Les gens ont insisté sur le fait que certains dossiers peuvent être réglés ici, sur place. Nous insistons sur ce sujet, car c'est un mandat qu'on a reçu des gens. Ils nous disent qu'il faut absolument le faire, car à Port-au-Prince, les choses vont très lentement. Je crois qu'il y a certains dossiers qui concernent des demandes de visa de résident temporaire qui seraient traités en République dominicaine. Toutefois, il n'est pas permis à tout le monde d'aller en République dominicaine pour faire traiter leur demande. On ne peut donc pas parler de processus d'accélération pour les bénéficiaires, la clientèle, les membres de la communauté.
    Monsieur DuBois, comment ça se passe à Hamilton?
    Je vais vous donner un exemple. Une famille de huit personnes est arrivée d'Haïti. En atterrissant à Toronto, on leur a donné un visa de visiteur. Or, lorsqu'ils ont pris l'avion en République dominicaine, on leur avait dit qu'au point d'entrée, on leur donnerait un visa de résident temporaire, ce qui leur permettrait de faire des choses, de vivre dans le pays. Avec un visa de visiteur, ces gens ont tous les problèmes du monde.
    Je vais aller dans le sens le plus aigu du terme. Parmi ces personnes, il y a un bébé de 15 mois qui est né à New York. Ces gens étaient en Haïti avant d'arriver ici. On leur a tous donné une carte d'assurance maladie, sauf au bébé. Imaginez la situation: une maman qui a un bébé de 15 mois peut aller voir le médecin. Par contre, si son enfant est malade, elle a le choix du poison. Elle ne peut pas amener son enfant à l'hôpital; on ne l'acceptera pas puisqu'elle n'a pas d'argent pour payer. Autrement, si elle traverse la frontière avec son enfant, elle ne peut pas revenir, puisqu'elle a un visa pour un seul séjour.

  (1615)  

    Monsieur Sauveur, qu'est-ce que les gens vous disent lorsqu'ils vont se confier à vous?
    Il y a beaucoup de problèmes sur le plan de l'immigration, sur le plan de l'adoption d'enfants. Pour la question d'adoption, il semble que ce soit la même chose, que ce soit impossible.
    Je connais le cas très précis d'une dame qui a été blessée et retirée des décombres. Elle a été amenée ici, mais son enfant a été laissé en Haïti, blessé. On a amené la femme seule ici, et maintenant, on ne sait pas quoi faire pour que l'enfant puisse venir retrouver sa mère. C'est tout un problème, et on ne sait pas à qui s'adresser. Tous les jours, nous nous retrouvons face à tous genres de problèmes.

[Traduction]

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous d'être présents aujourd'hui.
    J'aimerais commencer par une question assez technique. Je pense que c'est M. Jean-Gilles qui a parlé de l'importance de venir en aide aux victimes du séisme. Je ne sais pas s'il y avait une intention en utilisant cette terminologie. On assiste souvent à des débats sur les clauses adoptées par les deux paliers gouvernementaux. Dans leurs programmes spéciaux, il faut démontrer qu'on est une victime du séisme, qu'on est affecté par le séisme.
    Il y a le pour et le contre. Il y a des gens qui disent que puisqu'il y a déjà beaucoup de personnes à aider, il ne faudrait pas aider, en plus, celles qui ne sont pas victimes du séisme. D'autres disent que ce sont des embêtements administratifs supplémentaires, et qu'il n'est pas toujours facile de démontrer qu'on est victime du séisme.
    J'aimerais savoir ce que chacun d'entre vous pense de cette exigence.
    Selon la définition, il faut être personnellement et directement touché. Je crois que, tant au niveau de la pratique que de la sémantique, il est très difficile de prouver qu'on est directement touché. La définition est assez large. J'ai parlé à un fonctionnaire et je lui disais...
    Donc, vous êtes en faveur du retrait de cette définition.
    Personnellement, au CONACOH, on aimerait que cette condition soit retirée. Port-au-Prince est le moteur d'Haïti. Il y a des gens qui, au moment du séisme, étaient en province mais qui sont directement touchés, du fait que là où ils habitaient ou que la maison d'un membre de leur famille qui les recevait, à Port-au-Prince, a été détruite. Cela fait que cette personne, de mon point de vue, est aussi directement touchée par le séisme.
    Donc, vous pensez qu'on devrait enlever ce critère.
    Monsieur DuBois?
    Moi aussi, je pense qu'on devrait l'enlever. Le séisme s'est produit à Port-au-Prince. Autour de Port-au-Prince, à 100 km à la ronde, les gens répondent à cette définition. Cependant, Haïti est un tout petit pays. Alors, quand 2 millions de personnes doivent déménager et quitter leur lieu de résidence, les autres endroits n'ont pas les infrastructures nécessaires pour les recevoir. Donc, c'est un autre genre de séisme qui survient à ces endroits.
    Vouliez-vous rajouter quelque chose?
    Oui. Au point de vue psychologique, tout un traumatisme s'installe chez les enfants actuellement. Ils ne veulent pas pénétrer à l'intérieur d'une bâtisse, pour aller à l'école. Cela vous dit combien les gens sont vraiment touchés. Ceux qui n'ont pas été ensevelis sous les décombres sont quand même vraiment touchés par ce séisme.
    Ma deuxième question concerne les mesures à plus long terme. On a dit qu'il fallait des mesures extraordinaires mais, en même temps, il arrive souvent des tragédies comme celle-là. C'est arrivé au Kosovo et un peu partout. Notre Parlement ne devrait-il pas envisager d'établir un cadre légal, tout en prévoyant une flexibilité pour tenir compte des différentes réalités, pour que les gouvernements à venir, dans le cas de telles tragédies, puissent réagir rapidement?
    Actuellement, le ministre nous répond souvent qu'il ne peut pas agir, que c'est la loi, qu'il faut la respecter et c'est tout. Pensez-vous qu'on devrait essayer de se pencher sur la question des mesures à long terme?

  (1620)  

    Je pense qu'un grand pays comme le Canada, le pays de la liberté et des droits de la personne, ne peut pas se permettre d'aborder la question de l'immigration à la pièce. Pour moi, c'est une question fondamentale. Cela fait partie des valeurs québécoises et canadiennes d'être accueillant.

[Traduction]

    Permettez-moi de vous interrompre une seconde; nous éprouvons des problèmes de traduction.
    Bien. Nous vous recevons maintenant cinq sur cinq.
    Continuez.

[Français]

    Je disais que le Canada, pays des droits de la personne, ne peut pas se permettre d'avoir un fonctionnement à la pièce. C'est un pays moderne. On a besoin des immigrants et on connaît l'apport de l'immigration ici au Canada, et au Québec en particulier, là où je vis. C'est important d'avoir une vraie politique d'immigration. C'est vrai, depuis que je suis ici, j'ai vu le Canada accueillir bon nombre de populations en détresse. Ce n'est pas normal qu'il n'y ait pas une politique sur l'accueil des personnes en détresse touchées par des catastrophes naturelles.
    Monsieur DuBois.
    J'ai fait deux recommandations devant ce comité. Ma deuxième recommandation était que l'on fasse adopter une loi, ne fût-ce que temporairement. Si cela pouvait être une loi permanente, cela serait bien, mais il faudrait adopter une loi temporaire pour régler ce problème, afin que l'hon. Jason Kenney ne soit pas toujours obligé de prendre des décisions déchirantes, de dire non à des personnes en train de mourir. Donc, je crois qu'un encadrement juridique est nécessaire. D'ailleurs, j'en ai fait la recommandation moi-même ici, devant ce comité.
    Je vais laisser le reste du temps qui m'est alloué à ma collègue.
    Bonjour, messieurs, merci d'être parmi nous.
    Lorsque vous avez connu le drame en Haïti, les Québécois et Québécoises ont été énormément généreux, ainsi que le reste des Canadiens. Beaucoup de Québécois d'origine haïtienne sont allés prêter main-forte sur le terrain. La diaspora haïtienne, dans l'ensemble du monde, fut très solidaire à son peuple d'origine. C'est tout à votre honneur.
    Vous avez dit plus tôt que vous aimeriez voir le Canada octroyer des résidences permanentes automatiques pour des raisons humanitaires dans le cas des ressortissants qui sont ici présentement. Pourriez-vous nous dire le nombre d'Haïtiens en territoire canadien que ça représenterait?
    Dernièrement, les fonctionnaires nous ont dit que d'ici à la fin d'avril, tous les dossiers concernant Haïti seraient réglés. Je suis un peu stupéfaite. Aujourd'hui, on est le 27 avril et la fin du mois approche. Il y avait 3 000 demandes avant le séisme, et depuis, il y en a 2 000 de plus. Vous dites que pour le premier trimestre, il y a une différence de 9 dossiers traités par rapport à l'année passée. Trouvez-vous réaliste l'affirmation proprement dite que des fonctionnaires?
    Nous pensons que c'est irréaliste. Au départ, le CONACOH estimait que le nombre de personnes entrées illégalement au Québec avoisinait 5 000. C'est ce que l'on pensait. Durant les trois dernières années, beaucoup de personnes qui vivaient aux États-Unis sont entrées au Québec.
    Quand on a rencontré d'autres partenaires, dont le TCRI, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, on nous a confirmé que c'était de l'ordre de 8 000 personnes, et même près de 9 000 personnes en situation d'illégalité au Québec, dont cette situation d'illégalité a besoin d'être légalisée au Québec. On parle ici de personnes d'origine haïtienne.

[Traduction]

    Madame Hughes.

[Français]

    J'aimerais que mon collègue s'en tienne à une déclaration de 45 secondes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, chère collègue.
    Je dois me dépêcher. Un taxi m'attend pour m'emmener à l'aéroport, mais je voulais quand même passer pour remercier les témoins, en particulier M. Abrams et M. Dubois, qui viennent de Hamilton.
    Je voudrais que les membres du comité sachent que ces deux messieurs jouent de manière fantastique leur rôle de chef de file à Hamilton, non seulement au sein de la communauté haïtienne, mais également pour faire le lien avec le reste de la population et coordonner les efforts de tout le monde.
    Nous avons organisé plusieurs collectes de fonds, qui sont toujours en cours. Ils avaient comme objectif de maintenir l'intérêt au sein du public, à Hamilton et ailleurs au Canada. Ils ont fait un travail tout simplement remarquable à Hamilton. Je suis très heureux et je leur suis très reconnaissant d'avoir consacré temps et argent à venir témoigner devant notre comité, pour nous mettre au courant de leurs réalisations, de leur point de vue et de ce que le Canada pourrait encore faire.
    Sur ce, je vous remercie, monsieur le président, et je remercie aussi ma collègue.
    Je dis un gros merci à mes concitoyens de Hamilton, qui, mus par leur grand coeur, sont présents ici pour que le Canada puisse améliorer ses interventions et pour que tout le pays participe autant que Hamilton à cet élan de générosité.
    Encore une fois, merci beaucoup.

  (1625)  

[Français]

    Merci.
    Comme vous l'avez dit, vous avez beaucoup d'appui du NPD à Hamilton. Le caucus est bien sûr sensible à ce qui se passe en Haïti. J'aimerais savoir si vous avez des suggestions à faire pour qu'on s'assure d'avoir la meilleure façon d'utiliser les investissements monétaires que le gouvernement a octroyés afin de venir en aide à Haïti.
    Comment est-ce que ça pourrait aider à rebâtir les fondations pour permettre aux Haïtiens de sortir de la crise?
    Monsieur Sauveur?
    Personnellement, je recommanderais que l'on soit plus clément envers ces jeunes Haïtiens qui vivent dans la misère. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle j'ai souligné tout à l'heure que l'on pourrait avoir le projet de faire venir des travailleurs saisonniers ici, au Canada, pour qu'on puisse aider le peuple haïtien et le gouvernement haïtien à combattre le chômage. La misère fait rage et beaucoup de personnes ont perdu leur emploi. Il y actuellement beaucoup d'épidémies en Haïti. D'ailleurs, j'ai reçu quelques nouvelles à ce sujet. Il faut penser à ce que l'on pourrait faire pour aider le peuple haïtien à sortir de cette ornière.
    Y a-t-il d'autres commentaires.
    En ce qui concerne l'aide en Haïti, il existe deux notions: la responsabilité et la transparence. Je pense que le Canada, et nous-mêmes en tant que contribuables, doit s'assurer que l'argent est bien dépensé en Haïti; et quelqu'un quelque part au Canada doit être responsable. Étant donné que nous sommes des contribuables canadiens, la responsabilité revient au gouvernement du Canada. S'il donne notre argent, il va demander au gouvernement haïtien d'en rendre compte.
    De plus, quand on parle de développement en Haïti, il s'agit de faire en sorte que les Canadiens d'origine haïtienne soient associés à cette démarche.
    En vous entendant parler, il semble clairement que le processus mis en place, les mesures spéciales d'immigration que le gouvernement a mises en oeuvre semblent avoir rencontré beaucoup d'obstacles sérieux: un manque de fonctionnaires, un manque de clarté, des définitions trop restrictives, pour n'en nommer que quelques-uns.
    Où selon vous devrait-on apporter des changements? Quelles devraient être les priorités? Auriez-vous des recommandations à faire sur le fait qu'on a expédié des adoptions pour les enfants, mais pas pour les enfants haïtiens canadiens?
    D'abord, les changements doivent se faire dans la législation. Beaucoup de choses se font par la législation.
    Premièrement, nous, les Haïtiens, nous présentons devant le comité aujourd'hui, pour vous dire ce que nous pensons, ce que nous ressentons parce que nous n'avons pas d'information. Nos membres nous demandent ce qui se passe, où ils sont rendus. Nous ne pouvons pas le leur dire parce que nous devons nous référer au ministre Kenney. Quand on le fait, on n'a pas d'information.
    Cela veut dire que certains choses se font, mais on doute que, d'ici la fin du mois, des dossiers d'immigration vont se régler. On m'a dit que ce serait d'ici la fin du mois de juin. On peut dire oui ou non, mais on dit qu'on ne le sait pas parce que l'information ne peut pas être passée pas.
    S'il y a une loi, elle va suivre une certaine procédure. Cette procédure nous dirait que notre dossier doit se rendre du point A au point M, il qu'il est maintenant au point D. On peut ainsi aider les gens. Ça les rassure. C'est une question de législation. Plus tôt, M. St-Cyr a posé la question: doit-on encadrer le processus. Si on n'encadre pas le processus, on va toujours se poser des questions. Cela dit, si on l'encadre, comme je propose maintenant qu'on le fasse le plus vite possible, si on le fait mal, on a toujours moyen de faire des amendements, mais qu'on le fasse.

  (1630)  

[Traduction]

    Merci. Je cède la parole au membre du comité qui posera les prochaines questions.
    Allez-y, monsieur Young.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais vous souhaiter la bienvenue, à tous. Merci de vous être déplacés pour venir nous dire aujourd'hui comment nous pouvons améliorer la situation à Haïti.
    La plupart des Canadiens sont très fiers que le Canada ait répondu très rapidement à l'urgence qui s'est produite en janvier, à Haïti. Nous avons fait parvenir de l'aide sur le terrain dans les 48 heures environ et nous avons participé au maintien de l'ordre, en fournissant des quantités initiales d'eau potable et de nourriture et en répondant à d'autres besoins.
    Parallèlement à cela, les services d'immigration du Canada se sont occupés rapidement de certaines priorités pour tâcher de faire oeuvre utile. Comme vous le savez peut-être, de l'assistance consulaire a été fournie aux gens. On a procédé en premier à l'évacuation des citoyens canadiens et des résidents permanents. On a facilité l'évacuation des enfants haïtiens devant être adoptés par des parents canadiens. On a suspendu temporairement toutes les expulsions à destination de Haïti. On a exonéré de droits les demandes de résidence permanente au Canada et on les a étudiées en tenant compte des conditions difficiles, à titre de facteurs additionnels plaidant pour le demandeur. L'obligation de détenir un visa a été suspendue pour les travailleurs humanitaires et les évacués en transit au Canada.
    Vous nous dites que les mesures de traitement prioritaire n'ont pas fonctionné aussi bien que nous aurions voulu qu'elles fonctionnent. Ces mesures visaient les personnes ayant souffert directement du tremblement de terre et comprenaient le parrainage en vue du regroupement familial, l'obtention des certificats de citoyenneté et la réunification des familles des réfugiés reconnus comme tels.
    Au Canada, les mesures visaient le parrainage du conjoint et des personnes protégées, la prolongation du statut de résident permanent et l'octroi de permis de travail pour les Haïtiens incapables de subvenir à leurs besoins en raison du tremblement de terre.
    À l'instar des autres personnes ici présentes, je m'inquiète de ce nous dit M. Jean-Gilles au sujet du nombre total d'immigrants ayant bénéficié du traitement prioritaire.
    Monsieur Jean-Gilles, pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? J'ignore dans quelle mesure la mission canadienne a été endommagée. J'imagine que le bâtiment a été endommagé comme pratiquement tous les bâtiments à Haïti. Le personnel a dû remettre les installations en état de marche et, en même temps, essayer de traiter une quantité énorme de demandes. On ne sait pas combien de cas le personnel a traités. La situation est devenue passablement chaotique dès le tremblement de terre. Le personnel a dû effectuer des vérifications de sécurité, comme il l'a toujours fait, ainsi que des vérifications médicales. Dans chaque cas, il a dû, tout en s'affairant à rebâtir l'organisation sur le terrain, s'assurer de l'existence réelle des liens familiaux invoqués par les gens qui voulaient immigrer au Canada.
    Reconnaissez-vous la complexité de la situation et la difficulté de maintenir l'intégrité du processus d'immigration avec de pareils problèmes, dans de telles conditions?
    Vous nous proposez en outre, comme solution, d'affecter davantage de ressources à ce dossier, monsieur Jean-Gilles. Avez-vous d'autres suggestions à nous faire? Avez-vous d'autres solutions à nous proposer pour accélérer l'immigration?

[Français]

    Oui, j'avais parlé de davantage de ressources, mais j'ai aussi parlé d'autres moyens de traitement. J'ai clairement mentionné qu'il y avait des dossiers qui pourraient être traités ici, soit en acceptant que les dossiers soient étudiés directement ici en faisant venir les personnes concernées au Québec, ou encore qu'on puisse mettre les fonctionnaires du Canada à contribution pour que l'étude des dossiers puisse progresser.

[Traduction]

    Voilà qui est utile. Merci.
    Monsieur DuBois, vous pensez que le Parlement devrait adopter une loi. À long terme, ce pourrait être une solution structurante, mais nous sommes en présence d'une situation unique dans l'histoire du Canada et de Haïti. Je ne suis pas certain qu'on puisse résoudre une situation aussi particulière avec une loi, quoiqu'on pourrait ainsi structurer les projets futurs d'aide humanitaire.
    Avez-vous des suggestions à nous faire quant au contenu d'une telle loi?

  (1635)  

[Français]

    Comme vous le dites, ce qui s'est passé en Haïti est unique. Par contre, il y a déjà eu des cas dans le passé pour lesquels on a pris des décisions. Par exemple, en 2004, lors du tsunami, le Canada a pris des décisions rapidement. Ces décisions étaient encore au cas par cas. Le Canada est un grand pays. Ce n'est pas un pays qui peut se contenter de prendre des décisions à la pièce, surtout en immigration, parce que le pays est grand et qu'on a besoin de gens. Il est certain que dans les prochaines années, il y aura beaucoup d'immigration. Alors, c'est maintenant qu'il faut établir des règles, qui seraient en même temps très sévères mais très larges aussi.
    Quand de tels cas se présentent, c'est sûr qu'on intervient, qu'on donne quelques dollars et même plusieurs dollars s'il le faut, mais cela ne résout pas les problèmes.

[Traduction]

    Merci.
    Pourriez-vous nous donner un exemple de règle de ce type? Vous parlez d'une règle prévoyant une certaine souplesse, je pense.
    Le traitement des demandes pour motifs d'ordre humanitaire.
    D'accord. Merci.
    Je songe à l'avenir de Haïti et je me demande s'il y en a parmi vous, messieurs, qui s'inquiètent de l'exode des Haïtiens les plus compétents et les plus instruits, y compris de nombre de professionnels, qui seraient parmi les gens admissibles à l'immigration au Canada ou ailleurs. Ces gens ne seraient-ils pas les plus utiles à la reconstruction de Haïti?
    J'aimerais entendre votre point de vue à ce sujet, je vous prie.
    Certainement.
    Dans mon cas, je parle de la famille, c'est-à-dire de réunification familiale.

[Français]

    Permettez-moi de le dire en français. Je suis venu ici pour plaider en faveur de l'accélération du visa de résidence pour les gens qui en ont fait la demande. Cependant, je dois vous dire aussi que j'ai de la difficulté à accepter qu'on aille dans le pays prendre nos professionnels, dont les diplômes fonctionnent très bien là-bas, qu'on les amène ici et qu'une fois ici, on leur dise que ça ne fonctionne pas. Donc, on appauvrit le pays et on vient créer ici plus de problèmes en accueillant des Haïtiens qui étaient des professionnels là-bas. Ça me pose problème. Par contre, il y a des gens dont la famille,

[Traduction]

    les êtres chers, qui habitent à Haïti, dorment dans des tentes ou dans les rues. Bien que nous fassions tout ce que nous pouvons ici, que nous parlions... nous ne sommes pas en train de vider le pays de sa population lorsque nous demandons simplement la possibilité, pour ces gens, de retrouver leur famille.
    Merci beaucoup, monsieur Young.
    Au nom du comité, je vous remercie beaucoup de nous donner une quantité importante de matière à réflexion. Comme vous le savez, nous faisons de notre mieux, mais il y a toujours moyen d'améliorer notre capacité d'intervenir dans une situation comme celle de Haïti. Le Canada a été profondément touché par ce qui s'est produit à Haïti. Je crois que la réaction des Canadiens montre bien quelle amitié et quelles relations chaleureuses existent entre nos deux peuples.
    Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant deux minutes.

    


    

  (1640)  

    Nous allons maintenant donner la parole aux gens du Centre des femmes interculturel Claire, c'est-à-dire Micheline Cantave, qui en est la directrice, ainsi que Michel Nemours.
    De plus, nous allons écouter les gens du Service d'aide aux Néo-Québécois et immigrants inc., M. Keder Hyppolite, directeur général, et M. Serge Bien Aimé, conseiller principal en immigration.
    Enfin, Mme Josette Jacques, du Regroupement des femmes haïtiennes de la Montérégie, nous adressera aussi la parole.

[Français]

     En premier, nous entendrons Micheline Cantave.
    Bienvenue. Vous pouvez commencer.
    Mesdames, messieurs, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de venir témoigner dans cette enceinte sur la participation du gouvernement canadien au vaste processus de reconstruction ou de « refondation » que nécessite notre pays d'origine après ce meurtrier séisme qui l'a secoué le 12 janvier dernier.
    Tout d'abord, au nom de la communauté haïtienne au Canada, au nom du peuple haïtien et en mon nom, je vous dis merci, je dis merci au Parlement canadien qui s'est mobilisé sur la question, merci au peuple canadien, merci au gouvernement de son appui et de son assistance.
    En effet, au lendemain du séisme, le gouvernement canadien a adressé ses condoléances au gouvernement et au peuple haïtiens. Il en a profité pour annoncer une aide considérable. À cela s'ajoute la contribution du public canadien qu'il a décidé de doubler. Il faut aussi tenir compte du fait que ses offres se sont ajustées au fur et à mesure que les dégâts et les besoins se matérialisaient. Autant d'actions concrètes auxquelles il faut applaudir et pour lesquelles nous devons être reconnaissants.
    Le gouvernement canadien a aussi déployé des équipements lourds afin d'aider à sauver de nombreux êtres humains coincés dans les décombres. Il a aussi dépêché des équipes spécialisées capables de faire face à cette situation combien catastrophique. Le travail de ces hommes et de ces femmes était très utile et très apprécié. Ils ont déblayé certaines routes dans le Sud-Est et, plus particulièrement à Jacmel. Ils ont prodigué des soins aux victimes et monté des tentes pour les sans-abri. Ils ont fourni des médicaments, bref, ils ont grandement contribué à améliorer le sort de nos frères et de nos soeurs là-bas.
    Le rapatriement de nos concitoyens par le gouvernement canadien doit être mentionné et considéré à sa juste valeur, car cela a permis à beaucoup de familles stressées et angoissées de respirer et de reprendre une vie relativement normale. Il y a aussi lieu de relater les efforts du gouvernement canadien afin de faire venir les enfants adoptés pour permettre aux parents de ces enfants de les récupérer rapidement. Nous parlons ici de l'Opération cigogne.
    Le gouvernement canadien, par l'intermédiaire de l'Agence canadienne de développement international, a promis beaucoup de choses: construction d'hôpitaux, d'immeubles devant loger les divers ministères, formation de fonctionnaires, etc. Le voyage du premier ministre Harper en Haïti, à bord d'un avion militaire pour distribuer des médicaments et du matériel sanitaire, ne doit pas passer inaperçu. Cela a démontré sa sympathie envers le peuple haïtien et la détermination de ce gouvernement d'accompagner les dirigeants haïtiens. La communauté haïtienne a pris note de toutes ces actions. D'ailleurs, sur le terrain, les efforts des missions ou des ONG canadiennes sont palpables.
    La Croix-Rouge canadienne, Oxfam-Québec, l'ACDI, l'ambassade canadienne en Haïti, toutes ces institutions ont accompli de façon remarquable leurs tâches. Le peuple haïtien s'en souviendra, et il se souviendra aussi de ce qui devrait être fait.
    Le gouvernement canadien a fait preuve de générosité à l'égard de nos victimes, le gouvernement canadien a été l'un des premiers à répondre « présent » sur le terrain. Sa contribution financière est considérable. Les ressources humaines déployées en Haïti ont été d'une grande utilité. Cependant, considérant l'ampleur de la situation, les attentes de la communauté haïtienne restent et demeurent entières. Entières, pour la simple et bonne raison que beaucoup de nos frères et soeurs dorment encore sous des tentes de fortune alors que la saison pluvieuse est déjà commencée, saison qui va être suivie de celle des cyclones et des ouragans. La situation va être pire. Entières, parce qu'aucune mesure n'est prise par le fédéral pour faciliter la participation de la diaspora haïtienne vivant au Canada au processus de reconstruction.
    Il est vrai que le ministères des Affaires étrangères a facilité la participation d'une délégation canadienne constituée d'Haïtiens à la Conférence de Washington. Cependant, il faut aller au-delà des conférences. Beaucoup d'entre nous, de la diaspora, aimeraient être sur le terrain. Nous attendons seulement une ouverture de la part du fédéral. Les attentes de la communauté haïtienne restent et demeurent entières puisque le fédéral ne s'est pas prononcé sur sa politique d'immigration.
    Si le Québec parle de réunification de la famille, le fédéral quant à lui, en ce qui a trait aux nouvelles mesures, propose qu'on mentionne « Haïti » sur les enveloppes afin que les demandes provenant des Haïtiens soient traitées en priorité.

  (1645)  

    Nous attirons l'attention des membres du comité sur le fait que cette mesure n'est pas suffisante pour un pays qui vient de vivre une telle catastrophe. Nous ne demandons pas au fédéral d'ouvrir ses portes à toutes et à tous. Cependant, si le Québec propose de recevoir 3 000 Haïtiens supplémentaires, le fédéral peut demander aux autres provinces d'imiter l'exemple du Québec. Devant un tel drame, la barrière linguistique ne tient pas.
    D'autres mesures peuvent être assouplies. Par exemple, pourquoi un enfant ne peut-il pas parrainer sa mère, son oncle ou une tante? Le cadre familial haïtien est beaucoup plus large que celui sur lequel s'appuie le fédéral. Donc, nous pensons qu'il y a urgence et péril en la demeure. Le fédéral peut faire mieux. Il peut commencer, par exemple, par régulariser le statut des demandeurs d'asile. C'est une autre mesure qui doit être revue, et je pense que c'est le moment de le faire.
    Quand un époux ou une épouse doit attendre trois ou quatre ans pour faire venir l'autre partenaire, cela constitue un grave problème. Après un temps si long, la vie de couple devient très fragile. En conséquence, il y a des séparations, des familles monoparentales, le décrochage et la délinquance. Nous pensons que le fédéral doit se pencher sur cette question. En tant que directrice d'un centre des femmes, je sais de quoi je parle. Je peux vous donner divers exemples de ce problème qui, selon moi, mérite une attention particulière.
    Nous applaudissons à la générosité du gouvernement fédéral à l'égard de nos frères et de nos soeurs victimes du séisme puisqu'il a décidé, par exemple, de doubler tout montant recueilli auprès du public canadien. Toutefois, savez-vous que certaines ONG intervenant auprès des couches vulnérables de la société haïtienne ne reçoivent plus de financement de l'ACDI? Il semble que le gouvernement donne d'une main et reprenne de l'autre, car les couches vulnérables sont devenues plus vulnérables. Au moment où des groupes de femmes, de paysans, sont aux abois après ce terrible tremblement de terre, certaines ONG sont obligées de discontinuer leurs projets, abandonnant ces gens dans leur malheur et dans leur misère sous prétexte que la reconstruction va se faire bientôt. Les besoins sont en amont et en aval en même temps. Il faut être cohérent pour être efficace. L'engagement du gouvernement canadien dans la reconstruction ne doit pas empêcher l'ACDI de travailler avec les ONG locales.
    Je termine, mesdames et messieurs, en vous disant ceci. Quelle que soit votre appartenance politique, vos idéologies politiques, je vous interpelle au sujet de ce que vous avez fait ou de ce que vous pouvez faire pour venir en aide à ces gens, ces femmes et ces enfants qui croupissent dans la misère, la faim, la soif, le froid et la chaleur. La souffrance n'a pas de couleur politique. Donc, je vous demande, membres de ce comité, au nom de toutes les femmes du monde qui sont solidaires de celles d'Haïti, de vous faire entendre ou d'unir vos expertises et vos forces pour les aider à soulager leurs souffrances inhumaines. La communauté haïtienne, les organismes communautaires croient en l'ensemble du Parlement pour aider encore une fois ce petit pays dont les habitants veulent continuer à faire rouler la roue de l'existence humaine.
    Merci de votre attention.

  (1650)  

[Traduction]

    Je cède la parole à M. Keder Hyppolite.

[Français]

    Chers membres du comité, c'est avec grand intérêt et beaucoup d'à-propos que je me présente ici pour vous remercier de l'occasion que vous offrez à la communauté haïtienne de témoigner sur différents aspects de ce tremblement de terre dévastateur qui a fait basculer la capitale de la République d'Haïti le 12 janvier dernier. C'était le jour où le pays d'Haïti ne répondait plus. Il n'y avait personne au bout du fil. Les survivants ont fait ce qu'ils pouvaient, avec ce qu'ils avaient. Que Dieu continue de les protéger. C'est un peuple croyant.
    Le témoignage que je vous présente aujourd'hui porte sur trois composantes essentielles en la circonstance, soit la fierté canadienne, la réponse du Canada et l'espoir.
    Au sujet de la fierté canadienne, je dois dire que nous, les membres de la communauté haïtienne, sommes fiers d'être citoyens canadiens. Nous soutenons encore et toujours la feuille d'érable. Nous vivons dans un pays où les droits sont protégés, ce qui n'est pas peu dire.
    Chaque fois que nous avons l'occasion de le faire, nous soumettons des demandes concernant la communauté haïtienne. Nous saisissons toujours l'occasion parce que c'est le seul moyen et le seul moment où nous pouvons être en présence des personnes et des structures responsables pouvant nous permettre d'avancer et de sensibiliser les gens à ce qui se passe autour de la communauté haïtienne. Ottawa est proche de Montréal, mais Ottawa est aussi loin de nous.
    La réponse ponctuelle du gouvernement canadien s'est manifestée par de gestes concrets, entre autres par le déploiement de l'EICC, une équipe de spécialistes de l'armée canadienne. C'est la deuxième fois que cette équipe était déployée à l'étranger depuis le tsunami en Asie. Il s'agissait de donner de l'eau potable à une catégorie de personnes oubliées et de prodiguer une assistance médicale immédiate à des personnes qui n'avaient pas consulté un médecin depuis des années. Le gouvernement a manifesté sa volonté d'être près des gens dans leur détresse en envoyant des francophones, des personnes s'exprimant en français et des personnes d'origine haïtienne dans lesquelles les victimes pouvaient se reconnaître.
     Je ne répéterai pas tous les propos des personnes qui m'ont précédé, mais je les confirme, parce qu'ils sont justes et appropriés. J'ajouterai cependant que le Canada a démontré qu'il pouvait s'élever au-dessus de la mêlée lorsqu'il s'agissait de voler au secours d'un pays ami se situant dans son voisinage.
    Le dernier point, et non le moindre, c'est l'espoir. Le Canada nous a donné l'espoir. Il ne faut pas que cet espoir s'estompe. Le Canada doit continuer à appuyer les victimes, leurs parents, leurs enfants. Il y a ceux qui souffrent de ne pas pouvoir réunir leur famille. Il y a surtout ceux et celles qui ne peuvent pas retourner dans un pays dévasté. En effet, Port-au-Prince, c'était Haïti. Il y a les sans-papier, les demandeurs d'asile en attente d'une audience. Nous comptons près de 2 000 personnes qui attendent une audience en vue d'obtenir le statut de réfugié. Il y a ceux et celles qui, depuis plus de trois ans, sont touchés par un moratoire. On se demande ce qu'il va advenir de ces personnes dont la plupart n'ont pas de permis de travail. Elles ne peuvent pas recevoir de services publics parce qu'elles ne sont ni citoyens canadiens ni résidents permanents. Il y a les étudiants et les étudiantes qui ne reçoivent plus le soutien de leurs parents. Leurs rêves viennent d'être brisés brutalement. Il faut veiller à ce qu'ils ne soient pas brisés à jamais.
    Le Canada ne peut pas ralentir au moment où les Canado-Haïtiens ont le plus besoin de son aide. Des organismes de soutien à la population ne reçoivent plus, dans certains cas, le soutien de l'ACDI. Durant la reconstruction, la vie doit continuer. Les personnes qui recevaient cette aide en ont besoin encore plus urgemment maintenant à cause des personnes déplacées qui viennent grossir les populations de l'arrière-pays. Non, il ne faut pas s'arrêter là. Le gouvernement canadien ne doit pas assombrir le travail accompli précédemment et qui a été applaudi par toute la population canadienne, toutes origines confondues. Encore aujourd'hui, la population canadienne demeure sensibilisée aux conséquences tragiques de ce tremblement de terre. Elle est prête à agir pour secourir ceux et celles qui demeurent encore en Haïti et à intégrer au Canada ceux et celles qui veulent rejoindre leur famille.
    Au nom du Service d'aide aux néo-Québécois et immigrants, que je représente aujourd'hui et que M. Bien Aimé va représenter tout à l'heure, je salue cette initiative et je vous remercie encore de donner à la communauté haïtienne l'occasion de vous sensibiliser de nouveau sur les autres décisions importantes que le Canada aura à prendre pour améliorer la situation des familles et des jeunes.
    Je serai prêt à vous faire des suggestions au moment de la période des questions. Cependant, avant d'en arriver là et de permettre à M. Bien Aimé de vous présenter l'organisation et les services que nous fournissons aux personnes déplacées qui sont à Montréal, vous pourrez remarquer que la communauté haïtienne est très unie. Les gens sont venus devant vous aujourd'hui vous parler d'une seule voix, pour demander les mêmes choses.

  (1655)  

    Nous serons en contact de façon constante, de Hamilton — nouvellement connue aujourd'hui — à Ottawa, en passant par Québec et Toronto. Je visite régulièrement la communauté haïtienne du Canada. J'ai eu l'occasion de faire le tour du Canada dans le cadre de mon travail auprès des immigrants et des réfugiés. Ça m'a permis d'avoir une idée assez large de la perspective des organismes qui travaillent dans l'établissement et le rétablissement des personnes vivant au Canada.
    Si le gouvernement canadien donne des ressources à ces groupes, ceux-ci peuvent se mettre au service des personnes provenant d'autres endroits. Nous croyons fermement — et je suis le premier à le faire — que les personnes d'origine haïtienne peuvent s'intégrer au Canada, spécifiquement dans les groupes francophones des diverses provinces, notamment les Fransaskois, les Franco-Ontariens et, de l'autre côté de la rivière, les gens de Gatineau.
    Je vais m'arrêter là pour le moment parce que je veux permettre à mon collègue d'aborder la question de l'immigration et des services. Je pourrai ensuite répondre aux questions que vous voudrez me poser.
    Vous disposez de quatre minutes.
    Chers membres du comité, il me revient ce soir le très grand honneur de vous présenter les constatations du Service d'aide aux néo-Québécois et immigrants concernant les programmes de parrainage canadien et québécois à la suite du terrible tremblement de terre qui a ravagé la capitale d'Haïti et ses environs.
    Le Service d'aide aux néo-Québécois et immigrants est un organisme multiethnique sans but lucratif. Sa vocation première est de fournir aux néo-Québécois et immigrants tout service qui facilite leur intégration et leur adaptation à la société canadienne et québécoise.
    Actuellement, notre principal service est le développement de l'employabilité et l'accompagnement des nouveaux arrivants qui éprouvent beaucoup de difficulté à intégrer le marché du travail canadien et québécois, en particulier dans leur quête de trouver un emploi correspondant à leurs qualifications. En dépit des exigences de son projet SAE, service d'aide à l'emploi, le SANQI, depuis sa création, le 30 mai 1978, n'a jamais démissionné de son objectif primordial, soit celui d'aider les visiteurs, les étudiants, les indépendants, les parrainés, les ouvriers qualifiés, les travailleurs saisonniers, les revendicateurs du statut de réfugié à vaincre leurs déceptions et à comprendre la réalité nord-américaine afin qu'ils avancent à pas sûr vers la réalisation des rêves qui les avaient poussés à laisser leur pays d'origine.
    Depuis le terrible tremblement de terre qui a ravagé, le 12 janvier 2010, Port-au-prince, la capitale d'Haïti, et ses environs, le SANQI ne sait où donner de la tête. Il y a une demande accrue d'information, d'entrevues et d'aide à remplir des formulaires. Pour le Québec, il y a 23 pages de formulaire pour le programme d'obtention du certificat de sélection du Québec, sans compter le formulaire du fédéral. Le SANQI n'a pas d'effectifs supplémentaires, car nous n'avons aucune ressource financière nous permettant d'engager une personne pour s'occuper de ces dossiers, si nombreux soient-ils. Cela crée beaucoup de mécontents qui ne peuvent pas tous avoir un service approprié de notre organisme.
    Déjà, avec ses propres moyens de fortune, le SANQI a pu donner 215 informations par téléphone, 47 entrevues au cours desquelles des formulaires doivent être remplis ou corrigés. Le SANQI a participé à quatre reprises à des émissions radiophoniques communautaires pour expliquer les programmes canadien et québécois pour les parents qui veulent parrainer un membre de leur famille. Le SANQI a participé à deux occasions à des ateliers qu'organisait le Conseil national des citoyens et citoyennes d'origine haïtienne, le CONACOH. Il a également participé à plusieurs reprises à des rencontres avec la Table de concertation au service des personnes réfugiées et immigrantes.
    Après analyse de la situation, le SANQI a pu déceler que le programme de parrainage tel que conçu ne répond pas aux attentes de la communauté haïtienne du Québec et du Canada pour les raisons suivantes. Le programme s'adresse tout d'abord aux personnes gravement touchées par le séisme: ce critère manque de précision. Il parle de leur capacité d'intégration: comment ces personnes vont pouvoir s'intégrer au Québec et au Canada. Quant à la capacité financière des garants et co-garants, l'évaluation financière des garants et co-garants est très exigeante. L'engagement de cinq ans des garants et des co-garants est jugé trop long. La contrainte de ne pas scinder les membres d'une même famille, même s'il y en a qui ne viennent pas tout de suite, qui ne veulent pas venir ou qui sont déjà dans un autre pays avec un parent, aurait pu réduire les exigences financières dans certains cas.
    La volonté du Québec dans le dossier des victimes du séisme du 12 janvier 2010 en Haïti est louable, mais le chemin emprunté est rempli d'épines.
    Le fédéral parle d'émission de visas temporaires pour certaines victimes afin de leur permettre de venir prendre un nouveau souffle au Canada, mais les critères ne sont pas amendés et les agents sont inflexibles. L'ambassade canadienne en Haïti ne peut étudier pour le moment l'émission de ce genre de visa. Sa capacité est affaiblie par les dégâts du séisme. Elle est occupée à finaliser les demandes en cours.

  (1700)  

    L'ambassade canadienne a ouvert un bureau à Saint-Domingue. Cela a créé un impact négatif pour les sinistrés qui n'ont pas le sou pour payer un visa dominicain, le transport, l'hôtel, les taxis et les frais de visa canadien, pour se faire refuser sous prétexte que s'ils viennent au Canada, ils ne voudront plus retourner en Haïti. Ce sont encore les parents au Canada qui, en plus de subvenir à leurs besoins primordiaux, doivent gaspiller de l'argent qu'ils n'ont pas la plupart du temps.
    Le Canada maintient mordicus ses critères de santé et de sécurité. Au plus fort des problèmes, les candidats ont dû se rendre au Cap-Haïtien dans le nord ou au Cayes dans le sud à des coûts exorbitants pour subir les examens médicaux. À cela s'ajoutent les difficultés d'avoir un certificat de police en raison de l'effondrement du ministère de la Justice, des tribunaux et des postes de police. Le SANQI se demande, en ce qui concerne les délinquants que le Canada renvoient, pourquoi le Canada n'attend pas un peu, sachant que le pénitencier national n'existe plus et que tous les détenus ont pris la poudre d'escampette.
    Pourquoi le Canada ne peut-il pas donner un visa de visiteur aux enfants mineurs des revendicateurs acceptés du statut de réfugié qui ont déposé une demande de résidence permanente pour les familles? En dernier lieu, pourquoi le Canada et le Québec ne conjuguent-ils pas leurs efforts pour offrir un programme souple aux membres de la communauté haïtienne qui contribue, depuis plus de 60 ans, à tous les niveaux, au développement de leur pays d'adoption.
    Merci, monsieur Bien Aimé.
    Notre prochain témoin sera Mme Josette Jacques.
    Bienvenue.

  (1705)  

     Je salue en particulier les députés et les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.
    Je remercie également Mme Eugénia Romain, qui m'a permis de participer à cette rencontre.
    Je vous remercie de l'occasion qui m'est accordée ce soir pour vous faire part des interrogations, pour vous faire entendre ma voix et celle de toutes ces personnes victimes de cette catastrophe, qui sont sans défense et qui luttent pour leur survie. Je n'ai pas pu apporter mes notes, je les oubliées dans ma voiture. Je suis venue avec un ami.
    Le tremblement de terre du 12 janvier dernier nous a tous laissés perplexes. Sans vouloir répéter ce que les autres ont dit, je tiens, au nom de toutes les Haïtiennes et de tous les Haïtiens de la diaspora et en mon nom personnel, à remercier la planète entière, particulièrement les Canadiens et les Québécois, pour leur élan de générosité, leur compréhension à l'égard des sinistrés en Haïti.
    Étant donné que je suis interpellée ce soir pour parler de l'aide apportée aux sinistrés en Haïti, je dois vous dire que je suis comme tout le monde, j'ai entendu dans les médias que le Canada... Je sais que le Canada a été le premier pays à se manifester lors de ce séisme, le lendemain. Les gens ont reçu de l'aide, certes.
    Cependant, si on en juge d'après les témoignages que j'ai reçus, que j'ai eus... On parle de l'aide, mais je crois que le Canada aurait pu faire mieux. On entend les gens parler depuis que ces témoignages ont commencé. Tout le monde mentionne l'immigration, qui est le point sensible, le point qui fait mal, le point que, moi, je considère vraiment comme une farce.
    En effet, les gens en Haïti attendent impatiemment cette aide. Les gens en Haïti font des reproches. Ceux qui sont ici disent que c'est de la mauvaise foi parce que l'immigration est ouverte à tous et à toutes, mais ceux qui sont là-bas sont en train de croupir, de manger de la poussière. On se demande ce qui se passe.
    Je fais partie du Regroupement des Femmes Haïtiennes de la Montérégie et je suis la présidente du Centre haïtien d'action familiale qui, depuis le 13 janvier à 6 heures du matin, n'a pas cessé d'offrir de l'aide. Nous travaillons dans l'ombre, on ne nous voit pas à la télévision, on ne parle pas de nous, mais toutes les réalisations que nous accomplissons sont immenses. Je ne peux même pas dire que nous avons des ressources; nous n'en avons pas. Nous essayons d'aider les gens qui viennent du matin au soir, chaque jour, qui appellent, qui veulent ceci, qui veulent cela.
     Le centre a eu la difficile tâche de se rendre, en compagnie de deux policiers du SPVM, chez une mère lui annonçant le décès de son fils. Ensuite, le même centre a pu faire venir, avec l'aide des policiers, trois jeunes dont la mère se trouve au Québec. Nous nous arrangeons pour trouver des logements décents aux personnes qui ont la chance de venir ici et qui n'ont pas de moyens. Nous essayons de leur trouver des loyers à des prix vraiment plus que modiques.

  (1710)  

    Nous nous demandons dans quelle mesure le Canada peut faire davantage. Les gens qui croupissent en Haïti ont des besoins énormes. Ils souffrent de malnutrition, d'un manque d'hygiène et font leurs besoins à même le sol. Ils vivent dans des tentes de fortune improvisées, la plupart du temps. Pour survivre, ces gens sont obligés de rester debout toute la nuit lorsqu'il pleut parce que par terre, c'est de la boue. Les soi-disant tentes sont fabriquées de plastique qu'on retrouve au magasin à 1 $. C'est mince, ce n'est pas de qualité. Lorsqu'il pleut et qu'il vente, ces feuilles de plastique se déchirent. Ils sont donc obligés de mettre des vêtements pour se protéger et s'abriter.
    On se demande dans quelle mesure le Canada pourrait faire construire des abris provisoires faits de plastique résistant et munis d'une toiture et d'une porte, pour que les gens soient protégés. Je ne vous apprends rien en disant que les enfants et les femmes se font violer et que ce sont des viols à répétition. Les gens n'osent pas dénoncer ces actes, par peur de représailles. J'ai une soeur qui, ironie du sort, est allée en Haïti. Elle est revenue la semaine dernière. Elle était allée travailler avec un groupe d'Américains. Elle a constaté que dans certaines tentes, il y avait des policiers et des militaires équipés de fusils. Elle s'est demandé si elle était en Afghanistan ou en Iraq. Pourquoi ces personnes qu'on envoie là-bas n'assurent-ils aucunement la sécurité des gens?
    On a beaucoup parlé de l'immigration. J'espère que toutes ces recommandations ne vont pas tomber dans l'oreille de sourds. Le gouvernement avait promis d'accélérer le processus d'immigration, mais on se demande dans quelle mesure cette promesse a été tenue. Si je me réfère au centre, le dixième des gens qui viennent ici n'ont pas les moyens de faire venir un membre de leur famille parce qu'ils n'ont rien.
    J'aimerais dire que le centre, qui n'a aucune ressource, a mis sur pied un atelier de deuil pour les gens qui étaient là-bas et sont revenus, qui ne dorment pas la nuit, qui tremblent et font des cauchemars épouvantables. Les gens, là-bas, sont déshydratés. Ils ont besoin d'aide psychologique, mais ils n'ont rien. Les gens ici ont besoin d'aide également, mais tant bien que de mal, les CLSC s'occupent un peu d'eux. Par contre, il y a ceux qui sont en Haïti, les enfants qui ne dorment pas la nuit, souffrent de cauchemars, hurlent, voient des scènes défiler devant leurs yeux. On se demande ce qu'on peut faire pour améliorer leur sort.
    Avant de terminer, j'aimerais qu'on se lève et qu'on observe une minute de silence à la mémoire de toutes les personnes disparues dans les décombres. C'est sans doute inhabituel, mais puisqu'on m'a invitée, j'ai le droit de le demander.
    [On observe un moment de silence.]

  (1715)  

    Mme Josette Jacques: Merci.
    J'aimerais ajouter que je regrette sincèrement d'avoir oublié mes notes dans ma voiture.
     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons passer maintenant aux questions et aux observations. Nous avons seulement quatre minutes chacun. Je demanderais aux membres du comité et aux gens qui vont répondre d'être concis pour que nous puissions entendre le plus grand nombre possible de questions et de réponses.
    Merci beaucoup.
    M. Karygiannis sera le premier.
    Je vais partager le temps qui m'est accordé avec mon collègue, M. Coderre.
    Je vous remercie d'être venus et je vous prie d'accepter mes condoléances. Mes prières vous accompagnent.
    Lorsque les responsables du ministère sont venus, ils nous ont dit que, pendant les deux premiers mois, ils avaient laissé entrer environ 260 personnes, ce qui fait 130 personnes par mois. Et il reste des milliers de personnes dans la file d'attente.
    Monsieur Hyppolite, pourriez-vous nous dire approximativement combien de temps il va falloir pour traiter les dossiers des gens qui ont fait une demande, avec la méthode accélérée que le gouvernement a mise en oeuvre pour faciliter leur venue au Canada?
    Je sais qu'il est très difficile de faire bouger des structures. Le traitement des demandes prend probablement trop de temps. On pourrait faciliter ce traitement en fixant un échéancier de six ou sept mois, par exemple. C'est difficile.
    Avant le tremblement de terre, le gouvernement du Canada avait déjà en main 2 200 demandes, et 1 500 en provenance du Québec. Ces demandes n'ont pas encore été traitées.
    De plus, j'ai peine à imaginer combien de temps il va falloir pour traiter les demandes des personnes qui sont à Haïti et qui demandent à venir au Canada. Je dirais qu'il faudrait faire venir ces gens au Canada et donner aux fonctionnaires un délai de six ou sept mois pour traiter leurs dossiers, comme M. Jean-Gilles et M. DuBois l'ont indiqué, parce que cela faciliterait le traitement et parce que les gens consacreraient spécialement leur temps à s'occuper de ces dossiers.
    Croyez-vous, monsieur, qu'il est réaliste de penser qu'on pourra, en six mois, rattraper le retard dans le traitement des demandes?
    Le retard ne sera pas rattrapé en six mois, mais au cours de la période de six mois, le rythme de traitement des demandes serait plus élevé qu'il l'est actuellement.
    De façon réaliste, combien de temps pensez-vous qu'il faudrait?
    De façon réaliste, cela ne devrait pas prendre plus d'un an. Je sais pertinemment que le traitement des dossiers d'immigration prend beaucoup de temps et que les fonctionnaires doivent faire beaucoup de vérifications. En outre, il n'y a pas de vérifications de sécurité qui se font actuellement à Haïti et il n'est pas possible d'y contrôler beaucoup de choses, alors on pourrait compenser par des vérifications supplémentaires une fois que les gens seraient arrivés au Canada. Les fonctionnaires sont capables.
    Merci, monsieur Karygiannis.
    Monsieur Coderre.

[Français]

    Comme on l'a dit plus tôt, il faudrait assurer l'accélération des dossiers. Madame Cantave, on connaît bien le Centre des Femmes Interculturel Claire. Vous y accueillez des femmes. Le traumatisme vécu face à ce qui se passe là-bas est énorme. Les gens vous disent qu'ils ne réussissent pas à faire venir les membres de leur famille et qu'ils ont toute la difficulté du monde à avoir des nouvelles. On a tous entendu la même chose. Il y a censément un problème de bureaucratie. Il faudrait accélérer le traitement des dossiers. Les tests médicaux et la sécurité sont aussi un problème. L'ambassade a connu des difficultés, mais on a essayé de faire le maximum.
    De quelle façon pourrait-on utiliser les organismes qui ont une expertise, aussi bien en matière d'intégration que d'aide à l'immigration? Je ne parle pas d'aide aux immigrants mais bien d'aide à l'immigration. Comment peut-on mettre à contribution Immigration Canada et les représentants du programme du gouvernement du Québec, de façon à s'assurer que la question des arriérés est réglée? Comment peut-on en arriver directement à des résultats? Vous a-t-on approchée à ce sujet?
    Madame Cantave pourrait répondre brièvement avant le laisser la parole à M. Hyppolite.

  (1720)  

    Pour ma part, je n'ai pas été approchée. Par contre, comme l'a dit Mme Jacques, tous les organismes de Montréal ou du Québec s'impliquent. Une subvention me permettait d'arrondir mes fins d'année, mais depuis la catastrophe, le séisme, je reçois beaucoup de femmes qui ont subi des traumatismes, beaucoup de demandes pour du logement et des vêtements. De plus, un grand nombre de personnes viennent nous voir pour que nous les aidions à remplir des formulaires. À cause d'un manque de ressources financières, les demandes de ces personnes sont refusées. Je pense que nous devrions au moins recevoir une subvention pour être en mesure d'accueillir ces personnes. La charge de travail augmente, mais nous ne pouvons pas dire non. Quand une femme en détresse arrive, même s'il est 17 heures ou 18 heures, je ferme la porte du bureau et je la reçois. Je n'ai pas le choix.

[Traduction]

    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci.
    J'aimerais apporter une précision.
    Dans les années 1980, il y a eu un programme pour les Sri Lankais. Le gouvernement fédéral a permis aux groupes communautaires de soutenir des personnes pour qu'elles puissent venir au Canada. Lorsque le gouvernement du Québec a accordé la résidence permanente à des personnes qui vivaient dans l'illégalité, il y avait une entente avec notre bureau pour aider les personnes à remplir les documents.
    On peut créer cette même atmosphère en donnant une responsabilité aux organismes communautaires comme le Service d'aide aux néo-Québécois et immigrants, ou SANQI, le Bureau de la Communauté Chrétienne des Haïtiens de Montréal, la Maison d'Haïti ou d'autres organismes qui ont une expérience en immigration. Nous avons 32 ans d'expérience dans le domaine de l'immigration. Nous pouvons facilement aider les gens à répondre à toutes les exigences du processus.

[Traduction]

    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Nous, les membres du comité, tenions à vous recevoir afin de comparer votre expérience de terrain à ce qui nous est rapporté par les officiers de l'immigration. À ce propos, j'aimerais connaître vos commentaires et votre propre perception de trois éléments qui nous ont été rapportés par CIC.
    D'une part, on nous a parlé de la réouverture des installations médicales, qui aurait eu lieu le 8 mars dernier et qui, aux dires de CIC, aurait un impact positif sur le traitement des demandes. Avez-vous une opinion là-dessus.
    En ce qui a trait aux regroupements familiaux, on nous a parlé de la possibilité d'utiliser les analyses d'ADN pour faire les démonstrations de filiation lorsqu'on n'a plus les documents en notre possession. Quelle est votre perception, sur le terrain, de cet élément?
    De plus, on nous a affirmé que les autorités haïtiennes avaient recommencé à délivrer des certificats de naissance, des certificats de décès et des passeports aux demandeurs qui ont perdu leurs documents dans le tremblement de terre. Êtes-vous au courant de cela? Quelle est, votre perception de ce qui se passe sur le terrain à cet égard?
    Le gouvernement haïtien n'a plus de passeports. J'ai participé à une rencontre, lundi, et le consulat d'Haïti à Montréal n'a plus de passeports. C'est le témoignage de personnes...
    Physiquement, il n'a plus de passeports?
    Concrètement, il n'a plus de passeports à délivrer. Des gens veulent renouveler leur passeport à Montréal et ne peuvent pas le faire. Nous avons obtenu cette information hier, et non pas il y a deux mois.
    Qu'en est-il des certificats de naissance et de décès?
    Je ne connais pas la situation des certificats de naissance, mais je sais que les archives se sont aussi effondrées. On n'a pas d'information sur les certificats de naissance qui ont été délivrés. Il est difficile de trouver de tels documents, actuellement, en Haïti, pour permettre aux gens de venir ici, au Canada. Par contre, certaines personnes avaient déjà des documents à l'ambassade du Canada. Ces documents sont sur ordinateurs et on peut les utiliser. C'est l'état de la situation au moment où l'on se parle.
    Je vais laisser Serge parler du programme de santé.
    En ce qui a trait aux certificats de décès, on a vu à la télévision les fosses communes où l'on enterrait des milliers de personnes sans identification. On ne sait donc pas qui est mort exactement. On doit se fier à la parole des parents qui disent que leur père, leur frère ou leur fils a disparu.
    Au plus fort du séisme, il n'y avait pas de certificats de santé à Port-au-Prince. Même s'il y avait une certaine accélération, les gens devaient aller aux Cayes ou au Cap, dans le nord et dans le sud. Parfois, ils n'avaient pas d'argent ou les routes étaient brisées. Cela a causé pas mal de problèmes. Ils commencent peut-être tranquillement, maintenant.
    On a dit qu'on commence à rapatrier des dossiers d'archives, mais c'est surtout le cas des certificats de police. En Haïti, on regarde non seulement l'extrait des archives, mais on demande aussi un certificat de naissance validé par le ministère ou l'archevêché, alors que l'archevêché s'est effondré. Tout est parti, d'où la difficulté de trouver ces certificats. C'est très lent.

  (1725)  

[Traduction]

    Merci, monsieur St-Cyr. Votre temps est écoulé. Je suis désolé.
    Compte tenu de la limite de temps, je vais demander à Mme Hughes et Mme Wong si elles acceptent de poser toutes les deux leurs questions pour ensuite laisser les témoins répondre.
    Merci, madame Hughes et madame Wong.
    Madame Hughes.

[Français]

    Je serai brève, car vous avez abondamment parlé de la réalité en Haïti et des ressources que vous avez.
     Il est évident que vous n'avez pas beaucoup de ressources financières. Avez-vous accès à plus de ressources, de fonds du gouvernement, pour aider les gens qui se retrouvent ici au Canada? Il semble aussi y avoir un manquement dans la façon dont les fonds dirigés vers Haïti sont utilisés. Pouvez-vous nous en dire plus, surtout en ce qui concerne les femmes, sur la manière dont ces fonds devraient être dirigés? J'ai une autre question au sujet des adoptions. Une personne haïtienne vivant au Canada a-t-elle plus de difficulté à adopter un enfant d'Haïti?

[Traduction]

    Je cède la parole à Mme Wong.
    J'ai deux questions, monsieur le président.
    Merci beaucoup d'être venus pour nous renseigner sur Haïti et sur les besoins de la communauté haïtienne.
    Ma première question porte sur l'observation de Mme Cantave à propos des coupes dans le financement accordé par l'ACDI aux ONG oeuvrant à Haïti. Je voudrais savoir quelles ONG ont subi ces coupes.
    Ma deuxième question porte sur l'adoption. Je sais que des familles canadiennes voudraient adopter des enfants haïtiens, mais savez-vous que le gouvernement de Haïti doit donner son approbation en premier, puis le gouvernement provincial? Alors, je voudrais en savoir davantage sur la situation à Haïti, à cet égard.

[Français]

    Alors, je répondrai en premier. Il y a le ROCAHD. Oui, l'ACDI a coupé les dépenses, les subventions qu'elle octroyait en Haïti. Selon moi, qui dirige un centre de femmes, c'est très important parce que toute l'infrastructure, toute la base, comme les ONG qui étaient là-bas et qui s'occupaient des femmes, est sous les décombres. Donc, c'est vraiment très important.
    En ce moment, je sais que le ROCAHD, le Regroupement des organismes canado-haïtiens pour le développement, qui faisait du travail sur le terrain, n'a plus de subventions. Peut-être cela répond-il aux deux questions, celle de Mme Hughes et la vôtre. Les ONG sur place, en tout cas celles reconnues, devraient avoir plus de subventions et continuer à être subventionnées parce qu'en ce moment, elles se plaignent de ne plus en recevoir sous prétexte de la reconstruction. On sait que ce n'est pas facile, parce que le tremblement de terre ne s'est pas annoncé, mais ces organisations-là devraient continuer à recevoir de l'argent pour continuer à aider les gens sur place, comme elles le faisaient avant le 12 janvier.

[Traduction]

    Puis-je avoir les noms? On nous a dit que nous avions donné 220 millions de dollars et que cette somme était en cours d'envoi. Une somme de 150 millions de dollars aurait déjà été envoyée à Haïti, aux organismes sans but lucratif, du moins à 20 organismes internationaux. J'aimerais que vous m'envoyiez les noms plus tard parce que nous pouvons en parler à l'ACDI.
    Permettez-moi de vous rappeler que, conformément aux règles administratives applicables à notre comité, vous devez faire parvenir les noms à la présidence, qui distribuera par la suite l'information aux membres du comité.

  (1730)  

[Français]

    Je me demandais si Mme Jacques avait des commentaires à faire.

[Traduction]

    Madame Jacques.

[Français]

    Mme Cantave a répondu parfaitement bien. J'aurais répondu de la même façon qu'elle. En effet, l'aide est coupée. Les ressources ont été diminuées, pour ne pas dire carrément suspendues. Alors on se demande dans quelle mesure les organisations peuvent continuer à travailler si elles n'ont aucune ressource. Alors voilà, c'est un peu cela que je voulais dire, comme Mme Cantave l'a fait en émettant son opinion à ce sujet.
    En ce qui concerne la question de Mme Wong, nous vous ferons parvenir cette information que j'ai chez moi. J'ai les noms des organismes chez moi. C'était dans mon dossier. Mme Cantave s'occupera de vous les faire parvenir.
    Madame Cantave, ça va? Parfait.
    En ce qui concerne les adoptions, les familles haïtiennes ne peuvent pas adopter un enfant facilement. Cela devient de plus en plus difficile d'adopter un enfant en Haïti. C'est vrai que le gouvernement haïtien doit donner son aval parce qu'en matière d'adoption internationale, si le pays qui laisse partir les enfants adoptés ne donne pas son aval, les enfants ne peuvent pas partir. Cependant, au moment où l'on se parle, même ici, on ne facilite pas l'accès à l'adoption aux familles haïtiennes avant même qu'elles ne déposent une demande en Haïti. C'est la situation.
    Pour ce qui est de l'ADN, les gens ne pouvant pas prouver le lien qu'il y a entre eux et les enfants dont ils disent être les parents éprouvent beaucoup de difficulté, et ça coûte entre 800 $ et 1 000 $ pour un test d'ADN. Telle est la situation.

[Traduction]

    Premièrement, je vous remercie pour votre coopération, madame Hughes et madame Wong, compte tenu du temps limité dont nous disposons.
    Je voudrais aussi remercier les témoins. Nous comptons grandement sur l'éclairage que peuvent nous apporter les Canadiens, et vous nous avez certainement fourni beaucoup d'idées pour améliorer le système.
    M. Coderre me demande de lui céder la parole pour un rappel au Règlement, je crois.
    Ce n'est qu'un bref rappel, au sujet de ce que vous venez de dire, c'est-à-dire de l'envoi des noms.
    J'aurais une demande à vous faire.

[Français]

étant donné qu'on a reçu de bonnes recommandations, aujourd'hui, des organismes présents, c'est qu'on nous fasse parvenir les textes qu'on pourra traduire afin que tous les membres du comité puissent en profiter. La question haïtienne va de nouveau être discutée, plus tard, et on aura toujours besoin de vérifier ce qu'on fait sur le plan de la citoyenneté et de l'immigration au Canada. On ne déposera pas de rapport à la Chambre, mais le fait d'avoir ces recommandations va nous permettre de mieux faire notre travail.
    Donc, faites parvenir vos textes à l'attention du greffier qui va les faire traduire au besoin et nous les distribuer par la suite.

[Traduction]

    Merci, monsieur Coderre. Vous avez bien raison.
    Merci beaucoup une fois de plus, et soyez prudents lors de votre voyage de retour chez vous.
    La séance est levée.
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