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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 034 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er mai 2012

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Il s'agit de la 34e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Nous sommes le mardi 1er mai 2012, et la séance est télévisée.
    Nous reprenons aujourd'hui les travaux prévus à l'ordre de renvoi du lundi 23 avril 2012, soit le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois.
    Nous accueillons ce matin, pendant la première heure, M. Richard Kurland, analyste de la politique et avocat.
    Bonjour. Vous avez déjà témoigné devant notre comité à de nombreuses occasions. Je vois que vous portez, en anglais, le titre d'« attorney ». Est-ce que cela signifie que vous êtes Américain?
    Tant mieux.
    ... et je suis aussi Canadien. Le Barreau du Québec autorise clairement l'utilisation du terme « attorney ». J'ai vérifié depuis notre dernière rencontre, monsieur.
    D'accord. C'est que, ici, le terme « attorney » désigne non pas les avocats, mais plutôt les procureurs, du moins d'après ce que j'en sais.
    Nous accueillons aussi des représentants de l'Association du Barreau canadien. Je vous souhaite la bienvenue. Tamra Thomson est directrice de la législation et de la réforme en droit. Bonjour, madame Thompson. Nous accueillons aussi Peter Edelmann, qui est membre de la Section nationale du droit de l'immigration.
    Vous avez chacun 10 minutes pour présenter un exposé au Comité — monsieur Kurland, vous savez comment cela fonctionne —, puis il y aura les questions.
    Nous sommes heureux de vous accueillir de nouveau. Vous avez jusqu'à 10 minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Comme d'habitude, je serai bref et j'irai droit au but, parce que je sais que votre temps est précieux, monsieur le président.
    Après avoir discuté avec des collègues, des associations et des personnes de partout au Canada, j'ai constaté que deux grandes émotions s'affrontent. D'une part, il y a notre tendance naturelle à vouloir généreusement protéger les personnes qui sont persécutées, les réfugiés. Cela relève de la pure tradition canadienne. D'autre part, le grand public souhaite que l'on protège et que l'on respecte la souveraineté canadienne, ce qui fait que nous devons nous prémunir contre ceux qui pourraient abuser de la générosité du Canada quand vient le temps de protéger les réfugiés.
    Comment pouvons-nous concilier ces deux émotions? Vous entendrez probablement des spécialistes vous expliquer, tout au long de la journée, que nous faisons fausse route en ce qui concerne l'octroi de l'asile dans le projet de loi C-31. J'aimerais me joindre à eux et vous expliquer très rapidement comment nous en sommes arrivés là, et pourquoi il est si difficile de trouver le juste équilibre.
    D'abord, je dis souvent aux gens de penser à ce qui ne figure pas dans le projet de loi. Le Canada a la possibilité de se doter du pouvoir d'intercepter les éventuels demandeurs d'asile en haute mer. On ne peut pas faire comme si on ne savait pas qu'il s'agit d'un choix politique conscient qui a été fait pour ne pas intercepter les demandeurs d'asile à l'étranger parce que nous souhaitons véritablement protéger les personnes persécutées. D'autres pays — des pays démocratiques occidentaux — ont adopté cette pratique, mais ce n'est pas le cas du Canada.
    Sur le plan des chiffres, il s'agit de 35 000 demandeurs d'asile par année, ce qui signifie que l'on peut estimer à au moins 250 000 à 350 000 le nombre de demandes de ce type sur une période de dix ans.
    La partie du projet de loi C-31 qui intéresse le plus mes collègues concerne la détention obligatoire, l'impossibilité de réunir les familles pendant cinq ans, et toutes les autres mesures de ce type associées à une arrivée massive. Je pense qu'il faudrait essayer de mettre l'accent sur les solutions. Il est facile de trouver de possibles violations de la Charte.
    Où est la solution? Ce qu'il faut dire, c'est que les opinions politiques à la suite de l'arrivée de plus de 500 demandeurs d'asile par navire ont entraîné une forte baisse du soutien à l'égard de l'intégralité de nos programmes d'immigration au Canada.
    Combien de fois, en dix ans, assiste-t-on à ce type d'arrivées par la voie maritime? En 20 ans, cela s'est produit trois fois. Cela se produit donc en moyenne deux fois tous les dix ans, et le plus grand nombre sont arrivés récemment. On parle donc, sur 30 ans, de 1 000 ou de 2 000 personnes sur les 250 000 à 350 000. Je ne peux pas m'énerver quand les chiffres sont si faibles. Comme dans les autres catégories, parmi les pauvres personnes qui ont présenté une demande, environ 40 p. 100 des demandes présentées par la méthode habituelle ont été acceptées, et les autres se sont glissées dans d'autres programmes et sont acceptées, par exemple, pour des considérations d'ordre humanitaire.
    Mais en ce qui concerne les principes en jeu, y compris la détention obligatoire au Canada, je ne pense pas que la Loi sur les mesures d'urgence a été invoquée. Mais l'opinion publique, qui exige une solution, a poussé le gouvernement du Canada à adopter une stratégie de communication politique pour prévenir les arrivées. Cette stratégie est le résultat d'une loi qui pourrait bien aller à l'encontre de la Charte. Ce qu'on ne connaît pas encore, c'est son incidence. Le risque, c'est de se retrouver dans l'embarras sur le plan politique si une loi est déclarée contraire à la loi suprême du Canada, la Charte.
    Sur le plan pratique, cette mesure pourrait très bien entraîner une diminution, voire l'élimination, des arrivées massives par la voie maritime.

  (0850)  

    Voilà la stratégie et la toile de fond politiques avec lesquelles nous devons composer, et j'aimerais que les autres témoins nous fassent part de solutions plutôt que de s'attaquer, d'un point de vue juridique et technique, au fait que la mesure est ou non contraire à la Charte. Toutes les personnes présentes aujourd'hui doivent collaborer, de façon prospective, pour trouver une solution qui accorderait une place égale aux deux grandes émotions qui nous tiraillent — la volonté de protéger les personnes persécutées, et la volonté d'empêcher que l'on abuse de la générosité canadienne. C'est la tâche qui nous incombe.
    Cela dit, je vais parler brièvement — je vais conclure dans une minute ou deux — de certains aspects qui peuvent être réglés de façon technique. L'idée de créer une liste des tiers pays sûrs pose des problèmes sur le plan politique; je recommanderais donc que l'on envisage une disposition de temporisation concernant la liste. Plutôt que de subir deux gifles sur le plan politique, une au moment d'inscrire un pays sur la liste et une autre au moment de l'en retirer, il faudrait placer les pays sur la liste pour une durée limitée, ce qui fait qu'ils en seraient retirés de façon automatique, sans autre forme de procès, après un certain temps, par exemple, 24 mois. Une telle façon de faire permettrait d'éviter bien des difficultés. C'est une solution pratique et faisable.
    Je vais aborder rapidement un autre aspect, puis je passerai le flambeau. Je pense qu'il y a deux situations qu'il faut avoir à l'esprit quand on examine le projet de loi C-31. D'abord, l'arrivée massive par le paquebot St. Louis. Comment traiteriez-vous ces Juifs? Se verraient-ils imposer une détention obligatoire de un an? C'est ce qui s'est passé à l'époque. Les fours ou la détention au Canada? Le choix est facile. Il y a ensuite le massacre de la Place Tiananmen et l'arrivée, par la suite, d'étudiants au pays. Avant juin 1989, personne ne pensait qu'il y avait un problème en Chine. Qu'en est-il aujourd'hui? Il faut donc prévoir des mesures de protection qui vous offrent, en quelque sorte, une petite soupape de sécurité proactive, un petit délai, pour une suite d'événements comme ceux qui ont précédé les manifestations de la Place Tiananmen. Je pense que c'est important.
    Je m'arrête ici pour l'instant. Merci. monsieur le président.
    Merci, monsieur. C'est toujours un plaisir d'entendre vos exposés. Ils valent le prix du billet d'entrée à eux seuls.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur.
    D'accord. Mme Thomson, d'abord, puis M. Edelmann. D'après ce que je comprends, vous avez tous deux des témoignages à livrer. Vous avez 10 minutes.

  (0855)  

    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs.
    L'Association du Barreau canadien est heureuse de s'adresser aujourd'hui au comité à propos de ce projet de loi important. L'Association du Barreau canadien est une association bénévole qui regroupe 37 000 juristes de partout au Canada et dont les principaux objectifs comprennent l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est dans cette optique que les membres de notre section du droit de l'immigration ont analysé le projet de loi C-31 et formulé les commentaires que nous avons transmis par écrit et dont nous vous ferons part aujourd'hui.
    Je suis heureuse d'être accompagnée aujourd'hui de M. Edelmann. Il est avocat spécialisé en droit des réfugiés et fait partie de la section du droit de l'immigration. Je vais lui céder la parole pour la plus grande partie du temps qui nous est alloué.
    Merci de me donner l'occasion de m'adresser aujourd'hui au comité.
    Nous avons, à la section de l'ABC, passé les dernières semaines à étudier le projet de loi le plus en détail possible compte tenu du temps dont nous disposions. Comme vous le savez, il s'agit d'une mesure législative très complexe qui a d'importantes répercussions sur le droit de l'immigration et des réfugiés.
    Nos observations écrites sont plutôt détaillées et énoncent un certain nombre de nos préoccupations concernant le projet de loi. Je vais aujourd'hui mettre l'accent sur deux enjeux qui regroupent un certain nombre de nos préoccupations. Il y a, d'abord, la portée du projet de loi en tant que tel, et, ensuite, l'élargissement des pouvoirs que le Parlement délègue au ministre.
    La section de l'ABC s'inquiète particulièrement du caractère omnibus du projet de loi, plus particulièrement de l'objectif affirmé du gouvernement de le faire adopter dans un très court délai — avant le 29 juin — compte tenu de la portée des changements. On dispose de très peu de temps, mais nous avons tout de même cerné un certain nombre d'aspects problématiques du projet de loi.
    Les changements ont une portée considérable, et ils sont particulièrement difficiles à comprendre en raison de l'accumulation de multiples sections — des lois antérieures qui n'ont pas encore été promulguées, ou des parties de la LIPR qui n'ont pas été adoptées.
    À tout cela s'ajoutent les changements apportés par la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, le projet de loi C-11, puis les changements prévus dans le projet de loi C-31 concernant des articles de la LIPR qui n'étaient pas en vigueur et concernant la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, de même que d'autres changements à venir.
    Le simple fait d'essayer de comprendre tout cela et de faire des liens entre les amendements constitue une tâche énorme. La Bibliothèque du Parlement, qui a admirablement résumé le projet de loi, indique, par exemple, que la SAR serait créée tout de suite après l'obtention de la sanction royale. J'espère que c'est une erreur, parce que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ne sera pas en mesure de mettre en place la SAR dès l'obtention de la sanction royale. On peut facilement comprendre que la Bibliothèque du Parlement ait commis cette erreur compte tenu des nombreux articles qui entrent en vigueur en vertu du projet de loi.
    Il y a donc, dans le projet de loi, des dispositions emboîtées les unes dans les autres d'une telle façon que même la Bibliothèque du Parlement a de la difficulté à comprendre. On a vu que le ministre lui-même ne comprend pas bien certains aspects fondamentaux du projet de loi.
    Les articles 18 et 19 du projet de loi entraîneraient des changements catégoriques de la loi puisque la perte de l'asile emporterait interdiction de territoire et entraînerait la perte du statut de résident permanent. À titre d'avocat qui s'occupe fréquemment de cas de membres de la communauté latino-américaine, je peux vous dire que ce changement risquerait d'avoir des conséquences désastreuses pour des milliers, voire des dizaines de milliers, de résidents permanents.
    Je vais vous donner l'exemple d'un réfugié chilien qui a fui le régime Pinochet dans les années 1980, qui est devenu résident permanent et qui est un membre utile de la société canadienne depuis. Les nouvelles dispositions sur la perte de l'asile signifieraient que cette personne pourrait, à tout moment, être amenée devant la Commission pour une audience visant la perte de l'asile, et elle n'aurait aucun argument pour se défendre. Les changements au Chili sont clairs; le régime Pinochet est tombé il y a déjà bien des années.
    Ces réfugiés perdraient non seulement leur statut permanent de personnes protégées, mais aussi leur statut de résident permanent; ils n'auraient aucune possibilité d'appel, ils ne pourraient pas invoquer de motifs d'ordre humanitaire, et ils seraient donc renvoyés le plus rapidement possible.
    Ce qui préoccupe particulièrement l'ABC, mis à part la nature de la disposition en tant que telle, c'est le fait que le ministre semblait ne pas comprendre la nature du changement. En effet, il a affirmé fermement et à plusieurs reprises, devant la Chambre et en public, que les dispositions sur la perte de l'asile n'avaient pas changé. Je vais lire une lettre du ministre Kenney publiée dans la Gazette de Montréal le 8 mars 2012. Il écrit:
Vous affirmez à tort, dans votre éditorial, que le projet de loi C-31 [...] inclut un nouveau pouvoir qui permet au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de révoquer le statut de résident permanent des réfugiés au Canada.
    Il poursuit ainsi:
Le seul changement de la loi attribuable au projet de loi C-31 est le changement concernant le processus actuel de révocation du statut de résident permanent et de réfugié obtenu par des moyens frauduleux. Ce processus, actuellement redondant puisqu'il se fait en deux étapes, deviendra un processus en une étape puisque la Commission indépendante de l'immigration et du statut de réfugié pourra révoquer les deux statuts en même temps. Il s'agit d'un changement administratif, mais il ne s'agit pas d'un nouveau pouvoir.
    C'est clairement inexact.
    Il y a un consensus chez les avocats. L'ABC, l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, un certain nombre d'autres personnes qui ont étudié le projet de loi, la Bibliothèque du Parlement, et le Ministère lui-même se sont entendus pour dire clairement que cette interprétation est inexacte.
    Le ministre lui-même a comparu devant le comité et a semblé reconnaître que ce n'était pas l'objectif visé et qu'il était ouvert à un amendement. Nous espérons qu'il y aura bel et bien un amendement. J'espère que le comité fera un suivi de cette question.

  (0900)  

    Ce qui est particulièrement préoccupant, c'est la rapidité avec laquelle cette mesure législative complexe est adoptée, sans que nous ayons assez de temps pour l'étudier adéquatement. On vous demande d'adopter un projet de loi dans un délai très court, et nous ne savons même pas combien d'autres conséquences involontaires le projet de loi aura — et il en aura.
    En tout respect, je ne connais personne qui a pu étudier ce projet de loi en profondeur. Et je parle aussi de moi et de M. Kurland. Je ne cherche pas à accuser M. Kurland et les autres personnes qui témoignent devant le comité, mais c'est tout simplement que nous n'avons pas eu le temps d'étudier en profondeur ce projet de loi et toutes les conséquences involontaires qu'il pourrait avoir.
    Le manque de détail rend le problème encore plus complexe. Quand la LIPR a été adoptée en 2002, certaines personnes se sont dites préoccupées par le fait que l'on semblait vouloir légiférer par le truchement du Règlement. Cette tendance se poursuit avec le présent projet de loi. Nous n'avons pas vu le Règlement qui viendra combler le manque de détails dans bon nombre de parties du projet de loi. Nous sommes face à des dispositions sur la biométrie pour lesquelles on nous dit simplement que le gouvernement réglera toute question dans le Règlement. C'est donc très difficile pour nous de nous prononcer à ce sujet, de dire si nous pensons que la biométrie est une bonne chose, puisque le projet de loi ne contient aucun détail. Puis il y a la question des renvois effectués le plus rapidement possible et la question des délais.
    Dans d'autres cas, les détails ne dépendent même pas du Règlement; ils dépendent d'un arrêté du ministre. Dans le cas, par exemple, de la désignation du pays d'origine, le ministre pourra non seulement classer par arrêté un pays comme pays d'origine désigné, mais il choisira aussi lui-même les critères sur lesquels il s'appuiera pour ce faire. Il n'y a rien, dans la Loi, qui empêcherait le ministre de classer tous les pays comme pays d'origine désignés s'il le désire.
    L'un des exemples les plus frappants de l'élargissement des pouvoirs concerne les pouvoirs de l'ASFC concernant la détention aux fins d'enquête, lesquels sont beaucoup plus importants. À l'heure actuelle, on peut, aux termes de l'alinéa 58(1)c) adopté en 2002 peu après les attentats terroristes du 11 septembre, détenir des résidents permanents et des étrangers aux points d'entrée si on soupçonne qu'ils représentent une menace à la sécurité ou une atteinte aux droits humains ou internationaux. À l'époque, le gouvernement avait justifié l'adoption de cet alinéa en expliquant qu'il s'agissait d'une mesure antiterrorisme. L'interdiction de territoire pour raison de sécurité et pour ces types d'atteinte aux droits est plutôt rare.
    Le projet de loi suppose un important élargissement de ces pouvoirs, de façon à ce que l'on puisse détenir une personne si on la soupçonne vaguement de n'importe quel type de criminalité, même d'avoir commis une infraction mineure il y a longtemps, et ce, même si la personne n'a jamais été arrêtée ni accusée. Par exemple, un résident permanent de 20 ans qui serait soupçonné d'avoir utilisé une fausse carte d'identité pour entrer dans un bar pendant un séjour aux États-Unis pourrait être détenu pendant que le ministre enquête pour déterminer si cette personne devrait être interdite de territoire parce qu'elle aurait commis l'infraction d'utiliser un document frauduleux, et cette personne n'aurait que peu de recours, voire aucun. Une peine maximale de 10 ans ou plus est associée à cette infraction, et on peut donc considérer que la personne est coupable de grande criminalité en vertu de la Loi. Et je suppose que ce même résident permanent pourrait être détenu pour la même raison 20 ans plus tard.
    Le projet de loi accorderait aux agents des pouvoirs de détention exceptionnellement larges, tout en ne fournissant que peu d'orientation, voire aucune, concernant leur application. C'est là l'étendue de ce dont nous parlons.
    Si je donne cet exemple, c'est parce qu'il est particulièrement préoccupant de voir que le Parlement délègue ses pouvoirs, que ce soit au ministre ou aux agents, tandis que ceux-ci n'ont pas été circonscrits adéquatement. Ce type de délégation n'est pas favorable à l'ordre public. En réalité, il nuit à la règle de droit sur laquelle s'appuie cette institution. J'espère que, à titre de parlementaires, vous mettrez un frein à la délégation de ces types de pouvoirs dans un contexte où peu d'orientation est fournie.

  (0905)  

    Vous pourriez peut-être conclure.

[Français]

     D'accord.
    Comme je vous l'ai dit au début, nous avons fait de notre mieux, dans le délai qui nous était alloué, pour fournir une étude détaillée. Je serai heureux de répondre aux questions touchant tous les points soulevés dans nos soumissions écrites.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci. M. Menegakis a quelques questions.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais commencer par m'adresser à M. Richard Kurland. Monsieur Kurland, je vous souhaite la bienvenue.
    Bienvenue aussi à M. Edelmann et Mme Thomson. Merci d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Kurland, certains témoins ont dit que notre système actuel menait tout droit à la faillite — en fait, l'un d'eux a dit que c'était le cas avec une allocation supplémentaire pour régime alimentaire spécial. Dans quelle mesure êtes-vous d'accord ou en désaccord avec cette remarque?
    Eh bien, le système n'est pas sur la voie de la faillite parce que les données sur le nombre de demandes sont limitées; il n'y aura donc pas de dépenses incontrôlées.
    De plus, en réalité, le projet de loi resserre les processus, la surveillance et les contrôles financiers. En outre, ce que j'ai vu du côté de la Commission du statut de réfugié, sur le plan de la conception technique, de la présentation, c'est que le cadre du nouveau système d'octroi de l'asile entraîne une augmentation de l'efficacité. Les délais de traitement seront raccourcis de façon importante et marquante, ce qui entraînera une réduction du nombre total de demandeurs d'asile dans le cadre du processus d'octroi d'asile puisque vous vous retrouverez à traiter un plus grand nombre de cas plus rapidement, avec moins de ressources.
    Cela entraînerait aussi une diminution des frais attribuables aux demandeurs d'asile pour les provinces du centre du Canada et la Colombie-Britannique puisqu'il y aura une diminution des demandes d'aide sociale. Les mesures de contrôle concernant les permis de travail permettront bel et bien à certains demandeurs d'asile de devenir des contribuables quand une décision positive sera rendue. Enfin, nous pourrions constater un changement dans la composition des admissions de façon générale. Je ne m'attends pas à ce que les pays sources restent les mêmes à la suite de l'entrée en vigueur du projet de loi C-31.
    Cela me mène à ma deuxième question. J'allais vous demander si vous appuyez le projet de loi C-31, et pourquoi. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Eh bien, je vous remercie de me poser une question si difficile.
    C'est que, voyez-vous, je n'ai pas encore vu de loi parfaite proposée par le Parlement. Comme je l'ai dit, nous assistons aujourd'hui à un affrontement entre deux grandes émotions. Il est impossible de rédiger une loi parfaite parce qu'il faut trouver un équilibre et faire les compromis qui rendront possible la mesure législative. Je pourrai vous répondre quand j'aurai vu l'examen que nos institutions judiciaires canadiennes auront fait du projet de loi. Mais, aujourd'hui, non, il n'est pas parfait.
    Je m'inquiète de la détention obligatoire et des pouvoirs accrus d'application de la loi qui permettent de mettre à l'écart des êtres humains pendant des périodes prolongées sur autorisation, sans qu'une surveillance judiciaire appropriée soit exercée. Ce sont des aspects qui m'inquiètent.
    Je suis d'accord avec le fait que la perte de l'asile entraîne une grande vulnérabilité sur le plan émotif pour des dizaines de milliers de personnes qui se pensaient en sécurité au Canada, et qui ne le sont plus. Il y a des solutions. Pour ce qui est de la perte d'asile, il s'agit de la Loi sur les frais d'utilisation.
    Si, d'une part, vous exigez que les demandeurs d'asile qui ont reçu une réponse positive deviennent des citoyens canadiens, d'autre part, vous imposez à Immigration Canada la tâche et la responsabilité de conclure le traitement d'une demande de résidence permanente dans un délai d'au plus 12 mois. Si les conditions dans le pays changent 24 ou 36 mois plus tard, les gens ont suffisamment de temps pour devenir des citoyens canadiens. Je n'ai donc rien contre la perte de l'asile, mais, à l'heure actuelle, il n'y a aucune limite à la durée du traitement des demandes de citoyenneté ou de résidence permanente au pays, et cela doit changer.
    De nombreux demandeurs d'asile viennent de l'Union européenne. J'aimerais savoir si vous pensez qu'il est juste que ce soit les contribuables qui paient la facture pour les personnes de l'Union européenne qui retirent ou abandonnent leur demande. Je vous pose la question parce que c'est ce à quoi nous assistons.
    Quand la Convention a été rédigée... Vous parlez d'une loi qui existe depuis près d'un demi-siècle, d'un protocole, d'une convention ou d'une entente internationale visant à fournir un refuge. C'est limité à un pays. Oui, vous pourriez invoquer en droit que vous êtes victime de persécution, et non que vous faites l'objet de discrimination dans un pays...

  (0910)  

    Mais nous payons la facture.
    ... et nous payons la facture. D'ailleurs, sur le plan légal, en Union européenne, un demandeur d'asile d'un pays européen peut, aujourd'hui, acheter un billet de train, marcher ou prendre un vol pour se rendre dans un pays limitrophe et y vivre et y travailler en toute légalité. Pourquoi décide-t-il d'immigrer au Canada à titre de demandeur d'asile quand il peut trouver refuge tout près de chez lui en toute légalité? On ne peut tout simplement pas parler de refuge. Ils ont le droit de vivre et de travailler là-bas en toute liberté, et c'est donc vrai qu'il s'agit là d'une perte fiscale. Nous devons régler ce problème, et je pense que le projet de loi proposé le fait.
    Que pensez-vous de la biométrie? En quoi permettra-t-elle, d'après vous, de protéger l'intégrité de notre système d'immigration de même que la sécurité des Canadiens?
    Comme l'a souligné mon collègue, le projet de loi semble un peu avare de détails, mais nous n'avons pas pour l'instant de système officiel général de contrôle des sorties en place au Canada. Nous surveillons étroitement les entrées et les sorties en collaboration avec nos partenaires des autres pays.
    Je ne veux pas que nous nous retrouvions à tous devoir transporter avec nous une carte d'identité nationale. Si nous adoptons la biométrie, ce que nous devons envisager, et qui n'existe pas à l'heure actuelle, c'est une mesure efficace de contrôle de la protection des consommateurs. Si le gouvernement souhaite recueillir des données biométriques, qui sont profondément personnelles, les membres du grand public ont le droit de savoir quelles sont les données que le gouvernement possède à leur sujet et au sujet de leur famille. C'est donc une chose à corriger.
    Pensez-vous qu'il faudrait recueillir des données biométriques seulement sur les personnes possédant un visa de résident temporaire ou sur toutes les personnes qui entrent au Canada?
    Bien honnêtement, je me méfie de la biométrie. Je ne suis pas à l'aise avec le fait que la technologie permet aujourd'hui à un gouvernement, le nôtre ou celui d'un pays étranger, d'identifier et de localiser le détenteur de certains documents qui contiennent une puce. Je me méfie du logiciel de reconnaissance biométrique du visage utilisé aux points d'entrée. Les Canadiens ne connaissent pas l'étendue des données biométriques recueillies; ils ne connaissent pas l'étendue des renseignements biométriques qui sont conservés et transmis, non seulement à l'intérieur du gouvernement fédéral et aux gouvernements des provinces, mais aussi à des gouvernements étrangers.
    Merci, monsieur Kurland.
    Madame Sims, allez-y, je vous en prie.
    Je vous remercie beaucoup.
    Merci à vous trois d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à Peter.
    Je crois qu'on a beaucoup discuté du fait que le gouvernement souhaite faire adopter le projet de loi à la hâte. Je ne crois pas que quiconque puisse affirmer que nous disposons de tout le temps nécessaire pour en examiner chaque détail. Je suis également préoccupée par le fait que le pouvoir serait concentré entre les mains d'une seule personne, à savoir le ministre. Je ne parle pas seulement du ministre actuel, car, dès qu'une loi entre en vigueur, elle sera aussi appliquée par ses successeurs. Je m'inquiète du fait que les législateurs aient eu si peu voix au chapitre, étant donné qu'une grande partie des mesures seront fixées par arrêté ministériel. De plus, à bien des égards, on nous demande d'examiner un projet de loi dont la clarté laisse à désirer, car une grande partie des dispositions figureront dans un règlement.
    Je dois dire que l'article 19, qui porte sur la révocation du statut de résident permanent, a déjà créé toute une commotion. Il est très clair que le ministre lui-même n'en comprend pas toute la portée. Au moins, lorsqu'il est venu ici, il s'est dit ouvert à des amendements, ce qui m'amène à penser que, si telle n'était pas son intention, alors pourquoi n'a-t-il pas modifié le projet de loi avant de venir témoigner devant le comité ou avant que le projet de loi aboutisse à la Chambre? Même s'il se dit maintenant disposé à accepter des amendements, je demeure un peu méfiante.
    Nombre de Canadiens ou de résidents du Canada vivent beaucoup d'anxiété en ce moment. Vous et bien d'autres ont soulevé cette préoccupation. Soit dit en passant, des témoins ont fait part de leurs inquiétudes à ce sujet à maintes reprises hier.
    Pouvez-vous nous expliquer comment vous en êtes arrivé à cette interprétation, et pourquoi cela est préoccupant?
    Le libellé du projet de loi est très clair. Je ne crois pas qu'il faille en faire une interprétation subtile pour comprendre que l'article 19 modifie l'article 46. Il n'y a aucune ambiguïté. Il s'agit d'une modification.
    Lorsque le ministre a discuté de cet aspect, il semblait confondre l'annulation et la perte d'asile. Or, il s'agit de deux notions distinctes. L'annulation consiste à annuler la protection accordée à un réfugié lorsque l'obtention du statut de personne protégée résultait de la présentation erronée des faits ou de la dissimulation de faits importants.
    Aux termes de la loi, la personne qui commet une telle infraction se voit retirer la résidence permanente et le statut de personne protégée. Donc, une sanction est déjà prévue dans la loi.
    La perte de l'asile est un processus distinct. Une personne peut perdre son statut de personne protégée si la situation dans son pays de nationalité ou son pays d'origine a changé, et dans d'autres circonstances semblables. C'est un processus qui est déjà prévu dans la loi, et une personne peut donc perdre son statut de personne protégée dans de telles circonstances.
    Ce qui est toutefois différent dans la loi, c'est que ce processus n'entraîne pas la perte de la résidence permanente. La personne perd son statut de personne protégée, mais pas la résidence permanente.
    Lorsque le ministre a abordé cette question — par exemple dans l'article du quotidien montréalais la Gazette —, il a utilisé le terme « révocation » pour désigner ces deux processus. Toutefois, dans la loi, le terme révocation n'est pas utilisé dans ce contexte. Il l'a donc employé pour désigner ces deux concepts, alors qu'il s'agit de deux concepts distincts.
    Quant à l'annulation de l'asile et à l'exemple de la personne qui retourne dans son pays après quelques mois — exemple qu'a donné le ministre et, si je ne me trompe pas, Mme James —, si cela prouve que la personne avait soumis des renseignements trompeurs au moment de présenter sa demande d'asile, alors il s'agirait d'un nouveau motif d'annulation de l'asile.

  (0915)  

    Je vous remercie beaucoup.
    Je trouve préoccupant que cela ait peut-être pu échapper à un ministre qui connaît pourtant sur le bout de ses doigts tout ce qui touche le dossier de l'immigration. Il se dit maintenant disposé à apporter des amendements, mais nous verrons bien ce qu'il en est.
    En quoi les dispositions du projet de loi C-31 qui se rapportent à la détention d'étrangers désignés diffèrent-elles des dispositions qui existent déjà dans la loi? C'est un autre sujet de préoccupation. Le Canada n'a pas l'habitude de simplement garder indéfiniment en prison — ou, du moins, jusqu'à une année — les demandeurs d'asile qui arrivent ici en groupe. Par conséquent, quelles sont les différences, et en quoi sont-elles importantes?
    C'est le jour et la nuit. La loi actuelle prévoit le contrôle des motifs de détention après 48 heures, puis après 7 jours, et, ensuite, tous les 30 jours.
    Dans les cas exceptionnels, c'est-à-dire les personnes visées par le certificat de sécurité, on procède à un contrôle des motifs de détention au début, et, ensuite, au moins tous les six mois. On parle ici de dispositions qui sont encore plus sévères que le régime des certificats de sécurité, sur lequel s'est prononcée la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Charkaoui. Je n'arrive même pas à comprendre comment on pourrait avancer que cette disposition est constitutionnelle.
    Si je devais défendre la position du ministère de la Justice, j'aurais beaucoup de mal à prouver la constitutionnalité des dispositions prévoyant une année de détention sans contrôle judiciaire. Il est possible qu'on puisse recourir à l'habeas corpus devant les tribunaux provinciaux, étant donné que les dispositions fédérales auront été déclarées inconstitutionnelles. Mais il n'y aura aucun mécanisme de contrôle, et les dispositions relatives à la détention devront être contestées d'une certaine façon, et il se pourrait bien que cela se fasse par voie d'habeas corpus. J'ignore s'il s'agit ou non de l'intention du législateur — que ce soit les tribunaux provinciaux qui statuent sur la question de la détention —, mais il me semble que ce soit le seul recours possible.
    Merci.
    Monsieur Lamoureux.
    Mon temps est déjà écoulé.
    C'est ce qui arrive lorsqu'on s'amuse.
    On ne sait jamais: le ministre pourrait aussi avoir l'idée de se servir de la disposition de dérogation pour gagner sa cause. Je dis cela avec une certaine ironie, sachant très bien que ça n'arriverait jamais — du moins, j'ose l'espérer.
    Ma question — j'ai deux ou trois questions à vous poser, et mon temps est très limité — se rapporte à la détention obligatoire. Hier, l'Agence des services frontaliers du Canada a laissé très clairement entendre que le système actuel fonctionne très bien.
    Monsieur Kurland, vous avez mentionné le fait que, au cours des dernières années — je crois que vous avez dit les 10 dernières années —, il y a eu deux ou trois arrivées par bateau et qu'il s'agit d'un phénomène très rare. Pourtant, le gouvernement a décidé de prendre une mesure draconienne: la détention obligatoire. Appuyez-vous de quelque façon que ce soit cet aspect du projet de loi, ou croyez-vous que, à tout le moins, cette disposition devrait faire l'objet d'un amendement?

  (0920)  

    J'ai laissé le terme « attorney » parce que je savais que le président le soulignerait, et cela a un lien avec la réponse que je vais vous donner.
    Par pure coïncidence, des, disons, cinq dernières arrivées par bateau, au moins trois ont eu lieu dans les trois semaines suivant la nomination d'un nouveau ministre de l'immigration. Il est impossible de lancer une balle de base-ball au-dessus de l'océan Pacifique sans que les Américains le sachent. Alors, juste pour faire une digression avec une balle mouillée... et si un analyste de Washington avait eu l'idée de laisser les contribuables canadiens payer pour la défense de notre frontière au nord en envoyant des immigrants par bateau, sachant très bien quelles seraient les conséquences politiques pour un ministre de l'immigration inexpérimenté? En ce qui a trait à la probabilité qu'il y ait davantage d'arrivées par bateau, faites attention lorsque vous nommez quelqu'un au poste de ministre.
    Oui, je m'oppose à la détention obligatoire en cas d'arrivées massives, mais je soupçonne qu'elles seront rares dans l'avenir. Je n'ai rien d'autre à dire à ce sujet.
    Monsieur Edelmann, une chose qu'ont assez clairement fait ressortir le ministre et un certain nombre de députés conservateurs qui se sont exprimés au sujet du projet de loi, c'est que vous pourriez avoir intérêt à ce qu'il soit adopté parce que vous êtes avocat et que vous représentez des réfugiés.
    Je me demande si vous pourriez nous dire pourquoi vous souhaitez donner des conseils au comité. Est-ce que cela a à voir avec votre revenu actuel ou votre revenu futur?
    Je dois dire que je suis criminaliste et avocat en droit de l'immigration. Les affaires qui relèvent du droit des réfugiés sont loin de représenter le volet le plus lucratif de ma pratique. Je ne connais aucun avocat en droit des réfugiés qui tire des revenus considérables de la pratique du droit des réfugiés. Je suis venu ici pour deux jours dans le but d'exprimer un certain nombre de mes préoccupations au sujet du projet de loi.
    La détention aux fins d'enquête sera une mesure très lucrative pour ma profession. Les résidents permanents qui seront mis en détention sur de simples soupçons m'appelleront. Ils retiendront mes services. Donc, pour ce qui est de mes intérêts financiers à strictement parler, le projet de loi ne sera jamais assez sévère.
    Si je suis ici, c'est parce que je crains les effets possibles du projet de loi sur l'intégrité de l'ensemble du système. Je crains aussi les effets qu'il pourrait avoir sur les personnes qu'il touchera directement. Je m'adresse à vous au nom de mes clients et de mes futurs clients ainsi que des autres Canadiens et des résidents permanents qui verront leur vie complètement changée en raison du projet de loi.
    En ce qui concerne mes intérêts financiers et personnels, n'hésitez pas à aller de l'avant; je n'y vois aucun inconvénient. Plus le projet de loi est mal rédigé, plus nous pouvons faire d'argent.
    Plus vous avez de travail.
    En fait, le projet de loi nous est très utile.
    Pour ce qui est des dispositions qui, selon vous, auraient le plus besoin d'être amendées, s'agit-il des articles 23 et 26? Si vous pouviez amender une seule disposition, laquelle serait-ce? Mais abstenez-vous de mentionner celles qui se rapportent à la détention, car nous savons déjà à quel point elles sont inappropriées.
    C'est très difficile. Nous avons des recommandations sur un certain nombre de dispositions différentes.
    Les dispositions relatives à la détention aux fins d'enquête suscitent des inquiétudes. Il y a un certain nombre de préoccupations dans le contexte des réfugiés. Les dispositions liées à la perte de l'asile figureraient en tête de liste. Le refus de prendre en considération les motifs d'ordre humanitaire est manifestement un aspect préoccupant. Je dirais qu'il faudrait modifier l'intégralité du régime de l'étranger désigné, pour peu qu'il soit utile. La liste des pays d'origine désignés devrait aussi faire l'objet de modifications importantes; il faudrait modifier non pas l'idée de désigner des pays d'origine, mais le mécanisme et les critères de sélection.
    Merci.
    Monsieur Opitz.
    Monsieur Kurland, la majorité des demandes d'asile sont présentées par des personnes se trouvant en sol canadien. Que croyez-vous que nous pourrions faire pour inciter davantage de personnes à présenter des demandes d'asile de l'étranger?

  (0925)  

    Rien. Il existe amplement de demandeurs d'asile à l'étranger qui méritent de venir au Canada, mais qui ne peuvent pas le faire parce qu'il y a des limites à notre générosité.
    Nous faisons notre part d'efforts. Le Canada est le champion des pays qui accordent l'asile. Nous devrions en accepter davantage. Nous en accepterons peut-être davantage dans l'avenir, mais c'est sur cette question que doit porter la discussion. Si nous voulons en accepter davantage, il faut expliquer comment nous y parviendrons. C'est une question prioritaire.
    Dans ce cas, que croyez-vous que le gouvernement peut faire pour empêcher que le système d'asile serve de système d'immigration parallèle au lieu d'accorder l'asile à ceux qui en ont le plus besoin?
    Eh bien, ce qui fait défaut à l'analyse du projet de loi C-31 — ce qui tient probablement au manque de temps, comme cela a été mentionné au début —, ce sont les mesures prises par le Canada en marge du projet de loi C-31. Le budget alloue davantage de ressources, à une époque marquée par les compressions, aux fins de la collecte et de l'échange de renseignements à l'étranger pour endiguer le flot de demandeurs d'asile au Canada.
    Après l'arrivée d'immigrants par bateau, le gouvernement du Canada — sans qu'on lui en attribue publiquement le crédit — a alloué des ressources dans le domaine du renseignement aux pays voisins du Sri Lanka, et il a exploité ses ressources diplomatiques pour endiguer le flot et corriger la situation sur le terrain. En Europe, le Canada contribue à la recherche de solutions proactives pour améliorer la situation des Roms. Malgré le cloisonnement de notre système d'octroi de l'asile et de notre processus d'immigration, nous allouons globalement des ressources dans les domaines de la diplomatie, du renseignement et de l'application de la loi pour accroître nos partenariats à l'étranger dans le but précis de contrer le problème que vous avez mentionné dans votre question.
    Hier, Martin Collacott a déclaré que les trafiquants de drogues se tournaient vers le passage de clandestins parce qu'ils encourraient ainsi des pénalités moins élevées. Êtes-vous d'accord avec lui, et croyez-vous que les mesures prévues dans le projet de loi C-31 vont assez loin?
    J'ai du mal à être officiellement en désaccord — sur quelque sujet que ce soit — avec M. Collacott, qui est mon bon ami depuis plus de vingt ans. Toutefois, il pourrait ne pas avoir tort, car il a accès à des renseignements beaucoup plus précis que ceux que j'obtiens avec les moyens rudimentaires dont je dispose. S'il affirme que les criminels étrangers ou les trafiquants de drogues préfèrent maintenant se livrer au passage illégal de réfugiés ou de clandestins parce que ce type de trafic est moins coûteux, il doit le savoir mieux que moi, car il connaît les faits, et moi pas.
    Quoi qu'il en soit, ce n'est pas ce que j'essaierais de mesurer. On ne peut mesurer l'offre possible; on doit mesurer sur le terrain, le nombre de demandes traitées par le système canadien d'octroi de l'asile à l'étranger et le nombre de demandes traitées par le système au Canada. A-t-on constaté une hausse à ce chapitre? Non.
    Il y a des criminels, des trafiquants et des passeurs qui entrent au Canada. Je vous rappellerais, monsieur, que ces personnes se servent des événements d'envergure pour se cacher dans la foule. Ce phénomène a des répercussions sur la sécurité publique. Je sais quelles en sont les répercussions. Plus particulièrement, les personnes qui sont victimes de la traite et qui sont passées clandestinement sous de faux prétextes s'attendraient à aller vers un endroit donné, et, la première chose qu'elles apprennent, c'est qu'on les amène ailleurs.
    Vous avez parlé de la biométrie. Je vous dirais que, en fait, la biométrie est utile dans ce genre de cas, pas seulement pour cette raison, mais aussi parce que des criminels sont entrés au pays à de nombreuses reprises, ils ont été expulsés à de nombreuses reprises, sont revenus à maintes reprises et ont récidivé de multiples fois — commettant parfois des crimes graves —, et cela a des répercussions énormes sur la sécurité publique. Donc, lorsqu'il y a une arrivée massive d'immigrants, que ce soit par avion, par bateau ou par d'autres moyens — et même lorsqu'il n'y a qu'un ou deux immigrants —, la détention est parfois nécessaire.
    Si on ignore qui sont ces personnes et qu'elles refusent de dévoiler leur propre identité, pourquoi les laisserait-on se mêler à la population canadienne avant d'être absolument certain de qui elles sont?
    Laissez-moi vous dire quelque chose...
    Que pourra-t-on dire à la population canadienne si quelqu'un est blessé par la suite?
    Je vous dirais — et on peut faire appel à ces ressources dans un cas semblable — que, dans les trois jours suivant l'arrivée, les menaces possibles que présentent les passagers du navire auraient été décelées. Depuis le 11 septembre 2001, des milliards de dollars ont été dépensés à l'échelle internationale dans le domaine du renseignement. Et les gens du renseignement sont nos amis.
    Aujourd'hui, si on voyage à l'étranger, si on arrive au Canada, on a recueilli tant de données biométriques et le processus d'identification est si efficace qu'on peut identifier une personne littéralement en quelques secondes. Je ne peux pas imaginer un seul instant... Obtenez l'avis d'un expert et vous verrez. Lorsque je suis passé par un point d'entrée en République populaire de Chine, on m'a montré le logiciel biométrique de reconnaissance faciale; je pouvais voir les visages qui défilaient jusqu'à ce que le mien apparaisse — la photo avait été prise au moment où je m'approchais du point d'entrée. Nous disposons effectivement de cette technologie.
    Le risque pour la population canadienne que présente une personne libérée doit être analysé au cas par cas dans le cadre d'un processus judiciaire. L'analyse des coûts et des avantages ne nous offre qu'une seule alternative: soit on accepte qu'il y ait des files de 12 heures d'attente à nos points d'entrée, soit on ne l'accepte pas. Soit on accepte qu'il y ait deux jours de retard dans la livraison des produits... Terminé, le stockage juste-à-temps, qui bouleverse notre économie. Oui, on devra porter le blâme à l'occasion et faire l'objet de publicité négative. C'est le prix à payer. Mais, l'avantage, c'est la libre circulation des biens et des services à l'échelle mondiale, et cela en vaut largement le prix.

  (0930)  

    Dans ce cas, je serais en désaccord avec vous dans une certaine mesure, en ce sens que, oui, la technologie existe. A-t-elle été adéquatement mise en oeuvre jusqu'à maintenant? Non. Permet-elle de déterminer l'identité d'une personne en trois jours? Je ne le crois pas. Pas encore. Si nous pouvons essayer d'atteindre cette norme, ce serait un objectif louable, car cela nous permettrait d'améliorer énormément la situation, mais nous devons composer avec la situation et les circonstances qui prévalent en ce moment.
    Seriez-vous d'accord, monsieur, pour dire que, dans l'intérêt de la sécurité publique et pour veiller à ce qu'il n'y ait aucune répercussion sur la population canadienne, la détention constitue un moyen efficace de déterminer l'identité d'une personne avant de la libérer dans la collectivité, où elle pourrait causer du tort à autrui? Je vous pose la question parce qu'il ne s'agit pas seulement de criminels qui sont actifs dans leur propre milieu; il pourrait aussi s'agir de terroristes. Il n'y a pas besoin d'y avoir un grand nombre de terroristes; il suffit qu'il n'y ait qu'une seule personne motivée à faire quelque chose. Il n'en faut pas plus.
    Avec tout le respect que je vous dois, je dois répondre non.
    D'autres facteurs doivent être pris en considération. L'évaluation des circonstances liées à chaque cas, comme nous le faisons actuellement — est un processus qui fonctionne et qui sert de modèle partout dans le monde. Peut-il être resserré? Oui, et il faudrait alors consacrer davantage de ressources au processus décisionnel, mais cela n'est pas prioritaire. Le processus fonctionne très bien.
    Merci.
    Madame Groguhé.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous ce matin.
     Ma question s'adresse à M. Edelmann.
     Vous considérez que la création d'une catégorie de réfugiés selon leur mode d'arrivée serait problématique. En quoi cela pourrait-il poser problème?
     En ce qui a trait à la désignation des étrangers selon leur mode d'arrivée, je crois pouvoir parler du système déjà en vigueur et de celui qui est proposé ici. La désignation dont on parle ici est beaucoup plus large que le mode d'arrivée. N'importe quel groupe, même une famille qui arriverait par avion ou en voiture, pourrait être désigné par le ministre.
    Le problème, dans ce projet de loi, est que les conséquences sont punitives. C'est le problème fondamental du régime proposé par ce projet de loi. Toutes les mesures reliées à cette désignation, que ce soit la détention, le refus de la résidence permanente ou le refus des documents de voyage, sont punitives. Je ne pourrais pas vraiment émettre de commentaires sur une question aussi vaste que la pertinence de désigner différents groupes pour des raisons données, mais je peux dire, en ce qui concerne le projet de loi, que l'intention de la désignation et les détails de celle-ci sont problématiques.
    D'accord.
    On parle de la nécessité de prendre plus de temps pour obtenir des détails supplémentaires, étudier à fond le projet de loi, prendre en compte les conditions et les applications en vue de déterminer quelles en seront les conséquences par la suite.
     Le projet de loi C-31 interdit la réunification familiale lorsqu'il s'agit d'une entrée illégale. Qu'en dites-vous? Est-ce conforme à la Charte?
    Je crois que la professeure Dauvergne, qui va venir témoigner devant vous, va pouvoir vous parler de l'expérience australienne. Selon ce que j'en comprends, les gens emmènent avec eux leur femme, leurs enfants et d'autres membres vulnérables de leur famille dans le bateau ou d'autres moyens de transport qui peuvent être très dangereux, parce qu'ils ne veulent pas être séparés d'eux pendant des années et des années. Or si l'on interdit la réunification des familles après l'arrivée des bateaux, les conséquences de cette séparation, sur le plan psychologique, peuvent être très importantes. La Cour suprême a d'ailleurs déjà indiqué que le fait d'être séparé des enfants était un problème d'ordre constitutionnel. Pour ce qui est de savoir comment on va aborder cette question, si ça va se faire dans le cadre de ces désignations, on va voir éventuellement, mais de prime abord, c'est problématique.

  (0935)  

    D'accord.
    Nous avons d'ailleurs évoqué, lors des derniers témoignages, l'intérêt supérieur de l'enfant. Selon certains témoins, il n'est pas pris en considération dans le projet de loi C-31.
     Vous jugez déraisonnable l'imposition d'une anné de détention dans le cas d'une arrivée illégale. Pour quelle raison?
    En fin de compte, le problème est le manque de critères et l'aspect punitif de ce projet de loi. Le critère est simplement le mode d'arrivée. On ne devrait pas se fonder sur un tel critère pour détenir une personne. Il n'y a pas de lien ou de lien logique entre la détention et les raisons pour lesquelles la personne est détenue.
    Dans les autres dispositions sur la détention, on voit que dans le cas d'une détention due au fait qu'une personne essaie de s'enfuir, si elle est un danger pour le public ou qu'on la soupçonne d'être liée à un groupe terroriste, il y a un lien avec la sécurité nationale ou la protection du public. Si le régime comportait ce genre de critères et qu'une entité indépendante déterminait que la personne pose un danger et doit être détenue, ce serait différent. Par contre, si on impose une année de détention simplement à cause de la façon dont la personne est arrivée, il n'y a pas de lien entre la détention et les critères. Il n'y a qu'un aspect punitif.

[Traduction]

    Merci.
    Madame James.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, et je souhaite la bienvenue à nos trois témoins.
    J'entends constamment les termes « détention » et « prison ». Il est trompeur d'utiliser le terme « prison » lorsque nous parlons de la détention d'immigrants illégaux qui arrivent ici en groupe.
    Je me demande parfois si l'opposition ne préférerait pas installer ces personnes dans un hôtel cinq étoiles, où on place un chocolat sur l'oreiller chaque matin. Je ne crois pas que les Canadiens estiment qu'il est nécessaire d'accueillir à bras ouverts des personnes qui entrent ici par des moyens détournés. Les immigrants illégaux ne choisissent pas les voies officielles et ne demandent pas l'asile, et ainsi de suite, pour venir au Canada.
    Bien qu'il ne s'agisse pas d'un hôtel cinq étoiles, je suis persuadée que les établissements de détention hébergent adéquatement les personnes qui recourent à des moyens irréguliers pour venir au Canada. Je ne pense pas que quiconque dans cette salle croie réellement que les immigrants illégaux qui arrivent en groupe sont munis de tous les documents nécessaires et qu'on peut traiter chaque cas en une journée.
    Monsieur Kurland, croyez-vous que ce soit le cas? Croyez-vous que les immigrants illégaux qui arrivent en groupe, des centaines à la fois, par bateau, ont sur eux les documents nécessaires et que nous pouvons les identifier du jour au lendemain?
    Habituellement, les personnes qui craignent d'être persécutées arrivent sans être munies des documents appropriés. Il s'agit juste du cours normal du système d'octroi de l'asile où qu'on soit dans le monde. Pourtant, au fil des décennies, tout finit par se régler.
    Merci.
    J'ai entendu des témoins dire que, dans certains cas, les personnes jettent littéralement leurs documents par-dessus bord. Il arrive parfois que les passeurs eux-mêmes essaient d'entrer au Canada et se cachent parmi les autres immigrants.
    Croyez-vous un instant qu'il serait judicieux pour le Canada de laisser simplement ces personnes intégrer la population, sans qu'on les ait identifiées? Comme citoyenne canadienne, contribuable et mère, je serais très préoccupée si nous nous contentions de dire: « Vous êtes arrivés. Nous n'enquêterons pas sur vous. Nous ne vous identifierons pas. Nous allons simplement vous laisser aller et croiser les doigts pour que rien n'arrive. » Croyez-vous que c'est la bonne façon de faire?
    Je me penche sur cette question depuis maintenant presque un quart de siècle. Quels que soient le montant d'argent ou les moyens technologiques qu'on consacre au problème de l'immigration illégale au Canada, chaque année depuis la Deuxième Guerre mondiale, de 30 000 à 40 000 personnes arrivent illégalement au Canada, sans pièces d'identité. Avez-vous calculé combien aurait coûté la détention de toutes ces personnes durant cette période? La détention ne dissuadera pas les immigrants illégaux dans l'avenir. Ce ne sera pas une utilisation judicieuse de l'argent des contribuables.

  (0940)  

    Merci.
    Je voudrais juste clarifier un autre point. J'entends toujours dire que le projet de loi prévoit une détention obligatoire de un an. C'est faux. Je tiens à clarifier cet aspect aujourd'hui, car j'entends constamment dire cela.
    En fait, dès qu'ils sont identifiés, la plupart des réfugiés sont libérés. Je veux que cela soit parfaitement clair, car on répète constamment qu'il s'agit d'une « prison » et d'une « détention obligatoire pendant un an », ce qui n'est pas vraiment le cas.
    Monsieur Kurland, j'aurais deux ou trois autres questions à vous poser. En ce qui a trait aux autres moyens de prévenir l'immigration illégale, certains ont proposé que nous imposions simplement le visa à davantage de pays qui en sont actuellement dispensés. Quelle est votre opinion à ce sujet? Croyez-vous qu'il s'agit là de la solution à tous nos problèmes au Canada en ce qui a trait aux demandeurs d'asile, aux réfugiés illégaux ou aux immigrants qui présentent des demandes frauduleuses?
    Premièrement, il n'existe aucun changement qui permettrait d'éliminer complètement le nombre d'immigrants illégaux. Par conséquent, si on s'attend à trouver une solution rapide pour régler tous les problèmes, on doit oublier cette idée.
    Le fait d'imposer un visa réduit directement le nombre de réfugiés. Regardez le Mexique. Regardez nos amis en Europe. Toutefois, est-ce que cela a permis d'endiguer complètement le flot? Non. Cela l'a réduit, mais à quel prix? Sur le plan diplomatique, nous nous tirons une balle dans le pied en faisant cela. Une telle mesure va à l'encontre de notre obligation d'assurer la libre circulation des biens et des services. On doit comparer les maigres économies réalisées du côté du système d'octroi de l'asile et le coût associé au risque d'avoir des personnes mal identifiées qui vivent parmi nous.
    Merci.
    Monsieur Leung.
    Monsieur Kurland, nous entendons parler de toute la question de la détention. Si une personne se présente à notre frontière sans pièce d'identité, alors je crois qu'il faut que ce soit équitable pour les deux parties et que nous devrions pouvoir l'expulser dans un délai de trois jours — dans un délai de 72 heures. Si la personne ne nous révèle pas son identité, alors elle enfreint la loi canadienne sur l'immigration, et nous devrions pouvoir l'expulser immédiatement.
    J'aimerais savoir si vous pourriez nous proposer une solution plus rapide à ce problème.
    Oh, cette satanée charte, n'est-ce pas?
    Des voix: Oh, oh!
    M. Richard Kurland: Il s'agissait d'une question ironique qui méritait une réponse amusante. Oui, nous aimerions avoir la possibilité de traiter rapidement chaque cas, mais il nous manque les ressources et le temps nécessaires pour y parvenir. Oui, nous pouvons améliorer les choses. Le fait est que le projet de loi C-31 améliore bel et bien les choses.
    Je m'oppose à la détention obligatoire et aux mesures prises à l'égard des arrivées massives pour les raisons que j'ai mentionnées. Ne fermez pas les yeux sur les aspects positifs: dans ce dossier, le verre est plus qu'à moitié plein. Nous pouvons faire un meilleur travail sur la première ligne, pourvu que nous ayons les ressources pour le faire. Il faut faire un compromis avec d'autres secteurs du gouvernement.
    Vous avez précisé que nous essayons, avec le projet de loi, de corriger une faille qui touche tout le système d'immigration. Pourriez-vous nous expliquer brièvement en quoi l'adoption rapide du projet de loi nous permettra d'aller de l'avant? Je tiens également compte du commentaire précédent concernant le fait que les avocats aiment que tout soit formulé en bonne et due forme. Laissez-moi vous dire qu'il y a eu toutes ces arrivées irrégulières par le Komagata Maru et le St. Louis — et, même dans mon cas, lorsque je suis entré au Canada muni d'un passeport de la République de Chine. Puis, du jour au lendemain, Trudeau a reconnu la Chine communiste. Soudain, j'étais devenu apatride, et, techniquement, j'étais un immigrant illégal dans les années 1970.
    Quoi qu'il en soit, j'aimerais que vous me donniez vos commentaires à ce sujet.

  (0945)  

    Aujourd'hui, il n'y a plus d'entente relative au visa entre le Canada et Taïwan.
    C'est exact.
    C'est à cause du gouvernement actuel, soit dit en passant.
    Oui.
    Voici ce qui en est. Je conviens que nous pouvons en faire plus. En 1989, lorsque les mêmes questions et les mêmes préoccupations ont été soulevées, le gouvernement voulait mettre en place un système rapide assorti d'un processus décisionnel expéditif. Devinez ce qui a permis de le faire? À l'époque, il y avait un budget fédéral qui servait à rémunérer directement les avocats en droit des réfugiés pendant le processus. Des avocats en droit des réfugiés qui sont bien rémunérés permettent d'obtenir des résultats rapides. J'attire ici l'attention sur une mesure bien connue. Elle est l'équivalent de la loi sur l'aide aux avocats en droit de l'immigration au chômage.
    Le fait est que si on prend ce que propose le gouvernement du jour — je crois que, à l'époque, c'était Flora MacDonald qui était en poste —, il y avait un certain montant qui n'allait pas dans les services provinciaux d'aide juridique et qui était directement versé aux avocats en droit des réfugiés. Comme par magie, il s'en est suivi des délais de traitement plus courts. Si vous souhaitez vraiment accélérer le traitement des demandes, envisagez la possibilité de rémunérer l'élément essentiel du système, à savoir les avocats en droit des réfugiés.
    Merci.
    Messieurs Edelmann et Kurland, nous avons été ravis d'entendre vos exposés pleins de verve. C'est grâce à des personnes comme vous que j'adore mon travail. Je vous remercie également, madame Thompson.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes.

  (0945)  


  (0950)  

    Nous reprenons la réunion.
    Nous accueillons les représentants de deux organismes: la Fédération canadienne des contribuables et le Centre canadien pour victimes de torture. Je ne vois qu'une personne ici, alors nous verrons ce qui se passera.
    Nous entendrons Derek Fildebrandt, directeur de recherche national de la Fédération canadienne des contribuables, et Ezat Mossallanejad...
    ..., analyste des politiques et recherchiste.
    Monsieur Fildebrandt, vous avez 10 minutes pour présenter votre déclaration préliminaire au comité.
    Mesdames et messieurs les députés, au nom des 70 000 membres de la Fédération canadienne des contribuables, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner ici aujourd'hui au sujet du projet de loi C-31.
    Je m'appelle Derek Fildebrandt. Je suis directeur de recherche national à la Fédération canadienne des contribuables.
    La FCC est un organisme de défense des droits des citoyens, à but non lucratif, qui favorise les baisses d'impôt, la réduction du gaspillage et une plus grande responsabilisation du gouvernement. Nous n'avons pas le statut d'organisme de charité et nous n'acceptons pas d'argent du gouvernement — nous ne l'avons jamais fait, et nous ne le ferons jamais.
    Les politiques publiques canadiennes sont écrasées sous le poids de vaches sacrées qui ne peuvent être touchées, et très peu de personnes sont prêtes à porter le blâme pour s'en être prises à elles. Toutefois, de rares personnes à Ottawa ont déjà évolué au sein de la FCC. Je vais devancer un point qui sera inévitablement soulevé: Jason Kenney, auteur du projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui, figure parmi nos anciens. Depuis qu'il a quitté la FCC, il y a 16 ans, pour se présenter comme député, nous avons appuyé plusieurs de ses initiatives, y compris le projet de loi C-31.
    La FCC ne prétend aucunement être experte de la question de l'immigration et des réfugiés, mais nous surveillons la façon dont l'argent des contribuables est dépensé.
    Nous appuyons sans réserve le projet de loi pour trois raisons. Premièrement, il est conforme à la croyance des Canadiens selon laquelle notre système d'octroi de l'asile doit être axé sur la compassion et l'accueil. Deuxièmement, il renforce ce système en le rendant plus rapide et plus efficient. Troisièmement, il devrait permettre aux contribuables canadiens d'économiser au moins 1,65 milliard de dollars sur une période de cinq ans.
    Parmi les éléments de réforme proposés dans le projet de loi C-31, mentionnons un nouveau processus d'appel à l'intention des demandeurs, la certitude que les demandeurs déboutés seront expulsés dans les plus brefs délais et la désignation de pays sûrs pour simplifier le processus. Grâce aux mesures proposées, un demandeur d'asile serait entendu, selon les estimations, dans un délai de 60 jours, ce qui représente une énorme amélioration par rapport au temps d'attente actuel, qui est de 19 mois en moyenne.
    Actuellement, un demandeur d'asile débouté coûte environ 50 000 $ aux contribuables, et ces dépenses sont principalement assumées par les gouvernements provinciaux dans les domaines des soins de santé et de l'aide sociale. On prévoit que ce montant passera à 29 000 $ par demandeur d'asile sous le régime proposé. La facture sera toujours salée, mais il s'agit néanmoins d'une amélioration marquée.
    En outre, le projet de loi fera en sorte que les demandeurs d'asile dont le statut est douteux passent moins de temps à utiliser les généreux régimes de soins de santé et d'aide sociale de nos provinces, ce qui se traduira par des économies importantes pour les contribuables. Seulement en Ontario, cette mesure permettra d'économiser plus de un milliard de dollars au cours des cinq prochaines années; au Québec, les économies devraient s'élever à 465 millions de dollars; en Colombie-Britannique, à 99 millions de dollars; et, en Alberta, à 46 millions de dollars.
    En avoir plus pour notre argent est un objectif qui est depuis longtemps laissé de côté dans le débat entourant la politique sur les réfugiés, car on craint de s'en prendre à cette vache sacrée et que tout changement soit considéré comme égoïste ou constitue une cible politique idéale pour l'opposition.
    La plupart du temps, la FCC formule des critiques et attire l'attention sur les faux pas des gouvernements. Vous vous rappellerez que, en janvier, nous avons fait le calcul des pensions des députés. Toutefois, nous n'hésitons pas à souligner les bons coups des gouvernements. La FCC félicite le gouvernement pour sa volonté d'agir et donne tout son appui au projet de loi, et nous encourageons les députés à travailler ensemble pour l'adopter et à éviter la tentation — quel que soit leur parti — de se servir de ce débat à des fins partisanes.
    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.

  (0955)  

    Monsieur, je ne vais pas répéter votre nom, car je l'ai massacré.
    Vous disposez également de 10 minutes.
    Je vous remercie beaucoup de me donner cette occasion en or.
    Je m'exprime à titre de survivant de la torture, de la guerre, d'un génocide et de crimes contre l'humanité. Je m'adresse également à vous en tant que réfugié politique au Canada. Je suis une victime et un survivant de la torture et j'ai passé quatre ans en prison pour des motifs liés à la défense des droits de la personne.
    Dans un premier temps, je vais aborder les aspects positifs du projet de loi C-31. Ensuite, je soulignerai les points qui soulèvent les préoccupations, et, enfin, je vous présenterai des demandes spéciales.
    Pour commencer, je voudrais attirer votre attention sur le fait que, depuis sa fondation en 1977, le Centre canadien pour les victimes de torture a offert ses services holistiques à plus de 19 000 clients venant de quelque 136 pays. Il s'agit du centre le plus important en Amérique du Nord, et il se classe deuxième dans le monde.
    Je voudrais d'abord aborder les aspects positifs du projet de loi C-31. Le fait qu'il accorde au ministre le pouvoir discrétionnaire de libérer des étrangers désignés dans des circonstances exceptionnelles est très positif. Le fait d'exempter de détention les enfants âgés de moins de 16 ans est tout aussi positif, mais la séparation des familles pendant la détention des parents est un aspect préoccupant. Enfin, la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et de l'absence de soins médicaux d'urgence dans le pays d'origine dans le cas d'une personne qui présente une demande pour des motifs d'ordre humanitaire est aussi un point positif.
    Je voudrais maintenant parler des aspects que nous jugeons préoccupants. D'abord, comme le centre offre des services directs aux survivants, nous trouvons que le délai de traitement des demandes d'asile est trop court. Il est de 30, de 45 ou de 60 jours, selon la catégorie de réfugiés. À notre avis, ces délais ne sont ni réalistes ni équitables. Il me faut parfois jusqu'à trois mois pour obtenir les documents attestant qu'une personne a été victime de torture; je dois faire appel à des psychiatres, à des psychologues et à des médecins. J'ignore comment il est possible de faire tout cela en si peu de temps et si nous disposons des ressources pour le faire.
    Le deuxième élément qui nous préoccupe, c'est le fait que presque cinq catégories de demandeurs d'asile ne peuvent interjeter appel à la Section d'appel des réfugiés, et, dans certains cas, ils ne peuvent se prévaloir des recours devant la Cour fédérale.
    Je vais vous donner un exemple. Le projet de loi prévoit le refus de la demande d'asile d'une personne dont la crédibilité est mise en doute. Or, la plupart de mes clients se contredisent justement parce qu'ils sont des survivants. Ils présentent des problèmes de dissociation mentale. Ils souffrent de dépression et de troubles mentaux graves, alors leur demande est rejetée. Toutefois, il existe d'autres recours qui, au bout du compte, prouveront leur crédibilité. Nous croyons qu'ils devraient avoir accès au processus d'appel de la Section et de la Cour fédérale.
    La liste des pays d'origine désignés est un autre aspect qui suscite des inquiétudes. Rappelez-vous que nous vivons dans un monde en constante évolution: la situation d'un pays peut changer du jour au lendemain, alors soyez extrêmement prudents lorsque vous préparez la liste.
    Il existe aussi des catégories de personnes, par exemple celles issues de la communauté GLBT, qui sont victimes de torture presque partout. Le Canada est une exception. Or, si ces personnes sont des ressortissants d'un pays d'origine désigné, elles pourraient se voir refuser la protection. Nous sommes très préoccupés par cette possibilité.

  (1000)  

    Il y a aussi la catégorie des étrangers désignés. Nous avons beaucoup d'inquiétudes à ce sujet. Si je me fie à mon expérience auprès des réfugiés au Canada depuis 27 ans, je sais qu'ils peuvent être en détention pour toujours. Ils peuvent vivre aussi de l'incertitude pendant de nombreuses années, car ils n'ont pas accès à... pendant cinq ans. Ils n'ont aucune chance d'être réunis avec leur famille. Même si leur demande est acceptée à titre de personne protégée, ils doivent faire rapport à la police. Cela va à l'encontre de l'article 16 de la Convention contre la torture, qui interdit toute peine ou tout traitement inhumains, cruels ou dégradants. Je vous demande de faire quelque chose pour changer cela.
    Par ailleurs, nous sommes préoccupés par la restriction de l'accès à l'examen des risques avant renvoi et des limites imposées à la présentation d'une demande pour des motifs d'ordre humanitaire pendant la première année suivant le refus. Il s'agit des recours qui s'offrent aux survivants de la torture, et nous les avons utilisés par le passé.
    Enfin, nous sommes très préoccupés par les dispositions relatives à l'annulation et à la perte de l'asile. Laissez-moi vous dire que les cicatrices de la torture ne partent jamais. Sur le plan psychologique, les cicatrices marqueront une personne pour le restant de ses jours. Des personnes peuvent fournir des renseignements erronés concernant leur situation de survivant, mais cela ne devrait pas être une raison d'annuler l'asile. De plus, la situation d'un pays pourrait changer, mais je crois qu'il s'agit d'un changement à première vue, pas forcément d'un changement réel, étant donné que l'impunité est un phénomène mondial et que les seigneurs de guerre et les bourreaux restent actifs même si la situation d'un pays évolue. Cela ne devrait donc pas constituer un motif de perte d'asile.
    Je voudrais maintenant vous faire des demandes spéciales. D'abord, je prie le pouvoir législatif de faire en sorte que toutes les dispositions importantes figurent dans la loi elle-même pour ne pas qu'elles se retrouvent dans le règlement.
    Deuxièmement, je vous demande d'accorder au ministre le pouvoir discrétionnaire de protéger les personnes qui en ont besoin. Même la loi la plus exhaustive ne saurait prévoir les cas exceptionnels.
    Troisièmement, faites preuve de souplesse dans la mesure du possible. Une loi stricte et des restrictions sévères ne seront d'aucune efficacité si elles ne permettent pas de s'attaquer aux causes du problème.
    Enfin, vous savez que, depuis 1976, la loi sur l'immigration a fait l'objet de nombreuses modifications, et, pourtant, nous sommes toujours aux prises avec un problème. Je vous prie de ne pas oublier le lien vital qui doit exister entre l'immigration et les droits de la personne. Je vous demande de désigner un ombudsman qui surveillerait les pratiques d'immigration et en rendrait compte au Parlement.
    Je vous remercie beaucoup.

  (1005)  

    Merci, monsieur. Je vais vous appeler Ezat, si vous me le permettez, car je ne veux pas vous insulter davantage en réessayant de prononcer votre nom. Je vous remercie de votre exposé.
    Madame James souhaite vous poser des questions à tous les deux.
    Merci monsieur le président.
    Et je remercie nos deux témoins. Je suis ravie que vous soyez tous deux ici aujourd'hui, mais je suis extrêmement heureuse que nous accueillions un représentant de la Fédération canadienne des contribuables.
    Hier, pendant la séance du comité, j'ai parlé de la fraude de l'aide sociale. Depuis les six dernières années, lorsque je discute avec mes commettants de la circonscription de Scarborough-Centre, située à l'est de la région du Grand Toronto, la question de la fraude de l'aide sociale revient constamment sur le tapis. Les gens en ont assez de la fraude de l'aide sociale. Bien que nous fassions preuve de compassion à l'égard des réfugiés et que nous les aidions — et le projet de loi vise en fait à aider les réfugiés légitimes en faisant en sorte que leur demande soit traitée plus rapidement et qu'ils puissent s'intégrer beaucoup plus rapidement à la société canadienne —, l'un des principaux objectifs du projet de loi consiste à sévir contre les personnes qui présentent des demandes d'asile frauduleuses.
    Vous avez parlé des coûts que doivent assumer les contribuables, mais pourriez-vous me dire à combien s'élève la facture en Ontario? L'avez-vous précisé? Je ne l'ai pas entendu.
    En Ontario, les coûts se chiffraient à plus de un milliard de dollars.
    C'est ce que j'avais cru entendre, mais je voulais simplement le clarifier. Je n'en suis pas étonnée, mais je crois que mes commettants seraient sous le choc s'ils l'apprenaient. Tout ce que nous pouvons faire en tant que citoyens canadiens, en tant que gouvernement, pour protéger l'intérêt des contribuables... Tout le monde travaille dur, paie ses impôts et veut que le gouvernement veille à ce que cet argent soit utilisé de façon judicieuse.
    Je vais vous poser deux ou trois questions sur ce sujet, car il préoccupe les gens de ma province. Savez-vous combien de temps une personne — après être arrivée au Canada et avoir présenté une demande — attend avant de recevoir son premier chèque d'aide sociale? Je vous le demande simplement par curiosité, si jamais vous connaissez la réponse.
    Nous n'avons pas la durée exacte ici, mais nous savons que, si le processus d'octroi de l'asile est efficient pour une chose, c'est sa capacité de faire le lien avec le réseau des services sociaux et d'intégrer presque immédiatement la personne au système de santé.
    Comme nous le savons maintenant, cela coûte des milliards de dollars aux provinces, essentiellement pour les soins de santé et l'aide sociale. Quant au montant global économisé, les provinces qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés seront les premières bénéficiaires. Alors, la première est évidemment l'Ontario, suivie du Québec, de la Colombie-Britannique, puis de l'Alberta. Cela revient à 1,65 milliard de dollars.
    Alors, lorsque vous dites immédiatement, vous parlez de quelques semaines?
    Nous n'avons pas ici le délai exact avant qu'ils soient intégrés, mais les réfugiés sont soutenus par le gouvernement. Ils arrivent ici sans source de revenus. Il n'est pas déraisonnable que les contribuables soutiennent temporairement les réfugiés qui arrivent ici; de toute évidence, ils n'ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins.
    Croyez-vous qu'une période de deux, cinq ou six ans est raisonnable pour soutenir les réfugiés qui sont venus ici par des moyens frauduleux?
    Non. Du reste, vous pouvez tenir compte d'autres circonstances, comme la formation linguistique. Si un réfugié arrive ici et connaît l'anglais, évidemment, il pourra intégrer le marché du travail beaucoup plus rapidement. Mais je crois qu'assortir d'un échéancier la période durant laquelle un réfugié peut toucher l'aide sociale avant...
    Excusez-moi, à vrai dire, d'autres témoins nous ont aussi dit que les généreuses prestations ici au Canada, pour les soins de santé et l'aide sociale, sont réellement un facteur qui incite bien des gens à venir ici pour exploiter le système. Nous ne sommes pas certains du nombre exact de semaines qui doit s'écouler avant que quelqu'un commence à recevoir des chèques, mais je peux vous dire que, en moyenne, 20 mois s'écoulent avant qu'un demandeur d'asile qui arrive ici obtienne sa première audience devant la CISR. Alors, 20 mois, c'est presque deux ans. Oui, nous voulons nous assurer que les personnes qui ont qualité de réfugié légitime obtiennent notre aide, et c'est ce que le projet de loi tente de réaliser, parce qu'on va mettre en place une méthode beaucoup plus rapide, qui permettra que les choses se fassent dans des délais beaucoup plus raisonnables.
    Mais, en même temps, nous voulons nous assurer que ceux qui viennent ici simplement pour toucher les prestations et, dans certains cas... Par exemple, 95 p. 100 des demandeurs d'asile de l'Union européenne, ce qui équivaut à quelque 25 p. 100 des gens qui viennent véritablement ici en qualité de réfugié, renoncent à leur demande d'asile ou la retirent. Alors, pour une période moyenne de deux ans, ces personnes ont droit à des prestations, et je considère que cela est tout à fait inacceptable au Canada.
    Au nom des contribuables canadiens et en ma qualité de députée, je vous remercie d'être venu à la séance du comité pour mettre cet aspect en lumière. Je vous en suis vraiment reconnaissante.
    Maintenant, pour ce qui est de l'aide sociale, bien entendu, elle est de ressort provincial. Croyez-vous que les gouvernements provinciaux ont un rôle à jouer pour s'assurer que nous aidons à décourager les faux demandeurs d'asile de toucher des prestations? Évidemment, nous devons aider les gens lorsqu'ils arrivent, mais croyez-vous que le gouvernement provincial peut faire quelque chose pour aider les contribuables? Nous payons la note, après tout.

  (1010)  

    Comme vous le relevez, les demandeurs d'asile frauduleux ont souvent un incitatif pour venir ici du fait de nos programmes d'aide sociale généreux. Bien que le gouvernement fédéral n'ait pas la compétence de leur demander de le faire, les provinces atténuent cet incitatif qui encourage les demandeurs d'asile à venir ici exploiter le système. Les provinces peuvent mettre en place leurs propres mesures pour essayer de déterminer qui sont les demandeurs d'asile légitimes et si ces demandeurs devraient profiter de services sociaux. Les provinces décident réellement à qui elles veulent offrir une aide sociale. Il s'agit d'une mesure volontaire.
    Les provinces peuvent aussi prendre leurs propres mesures. Elles ne sont pas tenues de toujours prendre le gouvernement fédéral au mot lorsqu'il déclare un réfugié légitime, alors qu'il y a d'énormes volumes de gens provenant de l'Europe qui renoncent à leur demande d'asile dès le départ. Les gouvernements provinciaux peuvent repasser sur les calculs et voir s'ils devraient réellement offrir ces sommes généreuses — pas seulement l'aide sociale, mais aussi les soins de santé et les nombreux autres avantages qui viennent avec la résidence canadienne.
    Alors, à votre avis, les provinces devraient réellement appuyer cette disposition particulière du projet de loi, parce que, lorsque je pense à environ 1 milliard de dollars pour l'Ontario... J'habite dans la GRT, et le transport en commun est une question municipale là-bas; j'entends dire encore et encore que nous avons besoin de métros. Je veux dire, 1 milliard de dollars aiderait grandement les municipalités à l'échelle de la grande province de l'Ontario.
    J'aimerais vous remercier. Je sais que vous avez mentionné que la Fédération des contribuables est en faveur des dispositions du projet de loi C-31, mais je me demandais si vous aviez des commentaires particuliers à nous transmettre de la part de certains de vos membres concernant le projet de loi.
    Question de ne rien cacher, comme je l'ai dit, l'auteur du projet de loi a servi auprès de la Fédération canadienne des contribuables en tant que président pendant plusieurs années avant de briguer les suffrages. Alors nos membres sont vivement en faveur du projet de loi.
    Nos membres sont vivement en faveur d'un système d'octroi de l'asile généreux et accueillant, d'un système d'immigration généreux et ouvert, mais d'un système qui ne devrait pas faire l'objet d'abus. Bien des gens viennent au Canada chaque année, et nous les accueillons. Ils forment un segment crucial de notre économie. Ils représentent une source de contribuables, et nous en avons besoin.
    Merci.
    Et merci, madame James.
    Madame Sitsabaiesan.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos deux témoins.
    Mes questions s'adresseront surtout à M. Mossallanejad.
    Vous avez été victime de torture et de persécution. Vous travaillez depuis 27 ans avec les réfugiés au pays. Cela me blesse — et vous aussi probablement — lorsque j'entends les députés de l'autre côté parler des demandeurs d'asile comme de resquilleurs. À mes yeux, il ne saurait y avoir de file d'attente lorsque vous tentez d'échapper à la persécution, que votre vie est en danger et que vous venez dans un pays qui sera sûr et où vous pourrez demeurer en vie, où vous pourrez avoir une vie meilleure. Il n'y a pas de file d'attente. Les demandeurs d'asile sont tout simplement des gens qui cherchent l'asile.
    Il a aussi été question des arrivées en masse. Les gens arrivent sans la documentation nécessaire. À la lumière de vos 27 années d'expérience, diriez-vous que tous les demandeurs d'asile arrivent par avion? Je vous le demande, car les membres du gouvernement semblent penser que les vrais demandeurs d'asile sont des gens qui peuvent se payer un billet d'avion. Est-ce que tous les demandeurs d'asile qui arrivent par d'autres moyens ont tous les documents nécessaires en main comme ça?
    Merci pour la question.
    Premièrement, permettez-moi de vous dire que le fait d'être réfugié est l'expérience la plus amère qu'un être humain puisse vivre. Vous devez tout laisser derrière vous pour toujours. Vous avez les jambes prises ici, mais vous regardez en arrière. Le monde entier devient pour vous une prison. La liberté règne dans un petit coin du monde qui ne vous est pas accessible. Laissez-moi vous dire que les réfugiés sont les gens qui ont les valeurs les plus élevées, car ils ont été en proie à la tyrannie et à la violation des droits de la personne. Ils contribuent à l'engagement mondial de la société canadienne qui consiste à défendre les droits de la personne.
    Lorsque je suis arrivé ici, j'étais un réfugié bouleversé. Il y a certaines dates qu'on n'oublie jamais, et, pour ma part, je n'oublierai jamais le 12 février 1985, date à laquelle je suis arrivé à Montréal sans documentation. Dans votre tentative de sauver votre peau, vous quittez votre famille et même vos enfants, parce que, si vous ne le faites pas, on va vous tuer. On est toujours à vos trousses pour vous tuer. Alors, vous ne vous préoccupez pas de la documentation. Vous cherchez un refuge. C'est comme si le feu prenait dans votre appartement: lorsque les flammes arrivent de partout et qu'il y a seulement une fenêtre ouverte vers la maison du voisin, vous sautez et vous ne vous posez pas de questions. Il n'y a pas de documentation.
    Je crois que l'enjeu aujourd'hui est la compassion canadienne. Nous avons toujours été fiers de la compassion canadienne. Laissez-moi vous dire que, au Canada, j'ai passé cinq ans à faire de durs travaux manuels, même si je suis arrivé avec un doctorat en économie politique et que j'étais auparavant professeur adjoint en économie politique. Au Canada, j'ai fait de mon mieux pour contribuer. J'ai dit: « À bas l'économie politique, je veux me dévouer aux droits de la personne. » Je suis entré dans un centre jésuite et j'ai travaillé auprès de réfugiés et pour des réfugiés.
    La difficulté est de construire un nouveau chez-soi dans un nouveau pays, et je suis très heureux d'avoir réussi à le faire ici. J'ai publié trois ouvrages et au moins 70 articles. Je travaille très dur. Je suis bénévole auprès de nombreuses organisations. Je siège au conseil du Centre canadien pour la justice internationale. Je suis un fier Canadien. Je ne crois pas que les réfugiés ou les demandeurs d'asile sont un fardeau. Nous contribuons aussi.

  (1015)  

    Certainement. Vous êtes clairement ici...
    Veuillez faire preuve de compassion en votre qualité de législateurs. Les gouvernements vont et viennent, mais la loi reste toujours; pas nos législateurs.
    Monsieur Mossallanejad, vous êtes de toute évidence un exemple de réfugié venu au Canada et ayant beaucoup contribué au pays. Comme vous l'avez dit, ce projet de loi n'est pas empreint de la compassion canadienne — l'élément de la compassion canadienne. J'ai vu M. Fildebrandt hocher la tête lui aussi en guise d'approbation de votre propos. Et je suis d'accord avec vous.
    J'aimerais parler des pénalités, de la pénalisation des réfugiés, que prévoit le projet de loi. Comme vous l'avez mentionné plus tôt, il y a une détention obligatoire de 12 mois sans contrôle de la Section de l'immigration, ainsi que l'élimination du droit de demander le statut de résident permanent pour les cinq années suivant l'arrivée au pays.
    Le fait que ces pénalités, entre autres, soient fondées sur le mode d'arrivée dans le pays est, à mon avis, très problématique. Ces pénalités ne s'appliquent qu'aux réfugiés dont l'arrivée est désignée irrégulière. Cela signifie... En fait, ce n'est pas vraiment défini dans le projet de loi, d'après ce que je peux voir. Mais c'est fondé sur le mode d'arrivée. L'élimination des recours conçus pour les victimes de persécution sont, à mon avis, un problème.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Mossallanejad?
    Premièrement, permettez-moi de partager avec vous une page sombre de l'histoire canadienne, puis une page de l'histoire canadienne plus optimiste.
    La page sombre remonte à 1939, lorsque le Canada a renvoyé un bateau de Juifs au large. La page optimiste raconte comment le Canada a obtenu la médaille Nansen pour avoir protégé des réfugiés de la mer qui fuyaient la guerre en Asie du Sud-Est.
    Maintenant, nous avons créé une nouvelle catégorie: les étrangers désignés.
    Oui, je suis en faveur de la lutte contre la traite de personnes. Je suis de votre côté. Mais, encore une fois, pourquoi pénaliserions-nous les victimes plutôt que les agresseurs?
    Merci, Ezat.
    Nous allons passer à M. Lamoureux.
    M. Weston invoque le Règlement.
    Arrêtez le chronomètre, s'il vous plaît.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président; je ne voulais pas interrompre un dialogue important, mais je crois que ma collègue a été un peu injuste en prêtant une intention à la communication non verbale d'un témoin à l'égard de ce qu'on était en train de dire alors que celui-ci ne pouvait pas parler pour lui-même.

  (1020)  

    La politique est une chose difficile. Je suis certain que les membres du gouvernement demanderont à M. Fildebrandt si cela était bien exact. Vous avez peut-être raison, peut-être pas. Je ne l'ai pas vu, et je n'ai pas le mandat de rectifier...
    Très bien.
    Eh bien, parfois c'est le cas.
    Monsieur Lamoureux.
    Merci, monsieur le président, et je veux remercier les deux témoins d'être venus auprès du comité aujourd'hui.
    Je veux revenir sur le propos du représentant de la Fédération canadienne des contribuables. La principale préoccupation semble être d'économiser l'argent des contribuables canadiens, et c'est admirable.
    C'est au fil des dernières années que toute cette question d'arriéré et des années que l'on met à traiter une demande d'asile a vraiment fait surface. Dans les quatre ou cinq dernières années, avez-vous réussi à déterminer le coût de cette prolongation du traitement pour les contribuables?
    Nous n'avons pas vu un montant précis à cet égard, mais je crois que ce chiffre serait une donnée importante que pourrait produire le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. À mon avis, cela permettrait de faire beaucoup plus de lumière sur la discussion que nous tenons.
    Quel est le prix de cet arriéré pour les contribuables? Nous savons qu'un montant en argent a été attribué au rétablissement de la situation et à la mise en place d'un processus rapide. Il s'agit d'une bonne politique si l'on veut traiter les demandes d'asile dans des délais raisonnables: c'est bon pour les réfugiés, et c'est bon pour les contribuables canadiens, car ils sont retirés de la liste d'attente. Mais il s'agit aussi d'une bonne politique lorsqu'il s'agit de déterminer le montant d'argent supplémentaire que nous dépensons en laissant les gens sur cette liste, en gaspillant le temps des demandeurs d'asile légitimes et l'argent des contribuables, qui en paient les frais.
    Vous voyez, c'est l'une des préoccupations que nous entretenions lorsque le ministre de l'Immigration, il y a des années, ne nommait pas de nouveaux commissaires pour entendre les appels — ce qui a causé un arriéré supplémentaire et, au bout du compte, de nouveaux coûts qui préoccupent la fédération.
    L'une des suggestions qu'un témoin a formulées plus tôt tenait à la possibilité d'intégrer une réserve de fonds au budget fédéral pour aider à faire cela, en offrant des services fondamentaux à certains de ces réfugiés. Est-ce quelque chose qu'approuverait la fédération?
    Parlez-vous d'offrir un supplément pour les coûts qui incombent aux provinces en raison des demandeurs d'asile?
    L'offre d'une aide aux réfugiés par l'intermédiaire d'un mécanisme juridique différent a été proposée par les progressistes-conservateurs en 1989. C'était un excellent moyen de réduire l'arriéré. Au bout du compte, cela aurait permis d'économiser beaucoup d'argent, certes. Est-ce une mesure que favoriserait la fédération?
    Il faudrait que nous voyions des montants en dollars. Pour chaque mesure, il y a un coût et un bénéfice. Il faudrait voir le montant en argent qui s'y rattache. Ce n'est pas quelque chose que nous avons étudié en profondeur.
    Ezat — si vous permettez que je vous appelle par votre prénom — si j'ai bien compris, vous êtes arrivé au Canada le 12 février 1985. Je me demandais si vous pouviez me dire — et c'est un peu personnel — combien de temps vous avez mis à obtenir le statut de réfugié à partir du moment où vous êtes arrivé au Canada. J'imagine que vous êtes maintenant citoyen. Pouvez-vous établir la chronologie de votre expérience personnelle?
    J'ai dû attendre quatre mois avant de me présenter à un agent de l'immigration. J'ai attendu encore quatre ou cinq mois pour être soumis à un contrôle sous serment. À ce moment-là, il n'y avait pas d'autre façon. On m'a envoyé les documents et on m'a demandé de rectifier les faits, s'il y avait lieu. Cela a pris encore deux mois, puis j'ai obtenu mon statut de réfugié au sens de la Convention. Après encore un an et demi, j'ai obtenu mon statut de résident permanent.
    Vous donnez l'impression que vous êtes un homme bien informé et très passionné, qui a vécu beaucoup de choses. Je me demande, dans cette optique, ce qui, selon vous, serait un échéancier approprié? Je pense aux personnes qui sont arrivées à bord du Sun Sea ou de l'Ocean Lady, dont le nombre total dépassait 560. De votre point de vue, comment est-ce que cela devrait se dérouler?
    Premièrement, je crois que tous les demandeurs d'asile au monde devraient obtenir un traitement équitable. Je ne comprends pas la discrimination. Par exemple, les ressortissants de tiers pays sûrs qui présentent une exception n'ont pas accès à certains recours. Pourquoi? Je ne comprends pas.
    Deuxièmement, l'échéancier devrait prévoir le temps nécessaire à la documentation de la persécution subie par la personne, surtout dans les cas de torture, car les survivants ont un grand nombre de cicatrices. Il faut envoyer cette personne consulter un professionnel de la santé. Il prend des radiographies. Il fait tout ces...

  (1025)  

    Je m'excuse. Merci.
    Monsieur Leung, la parole est à vous.
    Je remercie les témoins d'être venus.
    Ma question s'adresse à Derek Fildebrandt. J'aimerais que vous nous donniez un meilleur aperçu du coût total de la documentation des arrivées et des réfugiés illégaux. Parfois, nous confondons les réfugiés avec d'autres arrivées.
    On a parlé de 50 000 $ par année, mais je crois que le phénomène est plus insidieux, parce qu'il y a un coût sur le plan économique. Il y a un coût sur le plan social. Il y a le coût que doit engager le gouvernement pour offrir une sécurité, pour assurer une surveillance et, éventuellement, une aide juridique. Pourriez-vous passer en revue ces coûts à l'échelon fédéral, provincial et municipal? Nous arriverons peut-être à un nombre avoisinant 100 000 $ par personne ou par famille. Pourriez-vous s'il vous plaît donner vos commentaires à cet égard?
    Je vous remercie de la question. C'est un très bon point.
    Les coûts qui se rattachent au traitement et au maintien — pour un demandeur d'asile moyen — de 55 000 $ sont surtout, comme je l'ai dit, les coûts des soins de santé et de l'aide sociale et, essentiellement, des transferts directs à la personne.
    Il y a beaucoup d'autres coûts, dont certains sont cachés, comme l'utilisation de nos routes. Ce sont des biens publics partagés. Ces personnes utilisent les biens publics payés par les contribuables. Il s'agit parfois de coûts cachés. J'imagine que les services de police dépendent beaucoup des circonstances. Ces coûts n'englobent pas les interventions policières auprès de ces personnes ni le fait qu'elles profitent du vaste éventail de biens qui viennent avec la vie au Canada, le plus important étant la défense nationale.
    Comme je l'ai dit, dans bien des cas, ces coûts sont cachés; certains sont peut-être plus directs. Il est plus difficile de quantifier ces coûts que les mesures que Citoyenneté et Immigration a déjà prises au chapitre des transferts directs aux personnes.
    Êtes-vous d'accord pour dire que, si nous avions une méthode qui nous permettrait de les identifier rapidement, et donc de pouvoir les expulser, nous épargnerions certains de ces coûts? Là où je veux en venir, c'est que, s'il y avait une méthode biométrique ou autre pour déterminer l'identité de façon plus rapide, alors les coûts diminueraient de beaucoup.
    C'est l'un des cas où, en fait, nous militons peut-être en faveur d'une plus grande concentration des ressources et du financement du gouvernement, car plus nous pourrons traiter les demandes d'asile rapidement, plus nous pourrons rapidement intégrer les réfugiés légitimes à la société canadienne et expulser les faux demandeurs d'asile vers leur lieu d'origine.
    Je crois qu'il est possible d'évoquer d'autres coûts dans le cadre du projet de loi, au chapitre des ressources qui permettraient d'accélérer le processus. Mais nous savons toutefois que, plus nous pourrons traiter rapidement les demandes, plus nous pourrons intégrer rapidement les personnes à la société et plus nous pourrons expulser les faux réfugiés du système et les renvoyer d'où ils sont venus, afin de libérer les ressources des contribuables canadiens.
    Les parlementaires ont parfois un double rôle à jouer: d'une part, ils doivent épargner l'argent des contribuables et protéger nos frontières et, d'autre part, ils doivent être des Canadiens faisant preuve de compassion et d'humanité.
    Compte tenu de ces différentes perspectives, vous pourriez peut-être nous expliquer ce qui, selon vous, constituerait le juste équilibre entre ces deux idéaux.
    Comme on l'a mentionné, j'ai hoché la tête en signe d'approbation à certains des propos d'Ezat plus tôt, car je crois fermement — et la Fédération canadienne des contribuables croit fermement — que le système de réfugiés canadiens doit être ouvert, humain et accueillant à l'égard des personnes victimes de persécution. Mais je ne crois pas que le projet de loi rend le système moins humain. En fait, je crois qu'il le rend plus humain, car il empêche les réfugiés non légitimes de l'exploiter — ou, à tout le moins, il le rend moins vulnérable à l'exploitation — et il accélère le processus pour les réfugiés légitimes. Je crois qu'il rend notre système plus humain.
    Mes grands-parents ont fui l'Allemagne de l'Est en tant que réfugiés pour aller vers l'ouest et, au bout du compte, ils ont été accueillis au Canada en tant qu'immigrants. Ma famille a une expérience directe de la fuite de la tyrannie, de la fuite de l'oppression et de la générosité du Canada, qui ouvre ses frontières aux gens qui veulent devenir des Canadiens et contribuer à la société. Je crois vivement que nous devons accueillir les réfugiés légitimes à bras ouverts. J'estime que le projet de loi renforce cette compassion, à vrai dire. Je ne crois pas du tout qu'il la diminue.

  (1030)  

    Ainsi, vous êtes d'accord pour dire que, en décourageant les gens de tout simplement arriver au pays et demander l'asile, le système sera plus juste en les dirigeant vers les voies appropriées prévues par le projet de loi C-31 lorsqu'ils viennent au Canada?
    Oui. Assurément.
    Lorsque je parle aux gens de réformes du système d'immigration et de réfugiés, je constate que l'appui le plus solide provient des Canadiens de première et de deuxième générations, et non pas des gens qui sont ici depuis de nombreuses générations. Les gens qui ont suivi le processus de façon légitime, les gens qui ont fait la file et qui ont été inscrits sur des listes d'attente légalement, selon ce que je vois, sont les plus en faveur de ce genre de réforme.
    Je crois que c'est tout à fait nécessaire. Ce n'est pas seulement un élément positif pour les contribuables, que je suis ici pour représenter, mais, en vérité, il s'agit d'une bonne politique pour les réfugiés en général.
    Merci.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Vous avez 30 secondes, si vous voulez dire au revoir.
    D'accord, très bien. Je vais dire au revoir.
    D'accord.
    Madame Sims.
    Merci beaucoup.
    J'ai seulement une demande, Derek. Au début, je sais que vous avez mentionné beaucoup de chiffres, que vous nous avez lancés, en ce qui concerne le coût et l'économie. Je me demandais si vous pouviez fournir à la greffière du comité les données sur lesquelles vous avez fondé tous vos chiffres.
    Certes, j'en serais ravi.
    J'ai aimé vos commentaires sur le caractère humain du Canada et la façon dont, par le passé, nous avons accueilli des gens des quatre coins du monde qui sont arrivés ici à titre de réfugiés.
    Je veux passer à vous, Ezat, et vous poser une question.
    Lorsque vous parliez, je pouvais sentir la douleur que vous éprouvez toujours de votre expérience personnelle. J'essaie d'imaginer la position dans laquelle se trouve un groupe de personnes qui fuient le feu que vous avez décrit. Ces gens sont entourés de flammes et ils essaient de se sauver. Voilà la situation, qu'il s'agisse d'un camp de réfugiés ou d'un endroit où la vie de ces réfugiés est en danger et qu'ils doivent fuir. Ils embarquent sur un bateau et arrivent au Canada. Quel est le genre de répercussions psychologiques que connaîtront ces personnes lorsque la première chose qui leur arrive est la détention dans une prison?
    Nous ne parlons pas d'hôtels cinq étoiles ici... même les centres de détention. Ce dont nous parlons — même aujourd'hui, à la lumière des chiffres ordinaires que nous ont fournis des représentants du gouvernement —, c'est que ces personnes, au quotidien, doivent encore être placées dans des prisons provinciales parce qu'il n'y a pas assez de centres de détention de l'Immigration.
    J'aimerais que vous nous décriviez ce qui, selon vous, sont les répercussions chez les personnes qui arrivent ici après avoir fui un feu brûlant et que l'on emprisonne.
    Nous appelons ce processus le renouvellement du traumatisme. Lorsque vous avez vécu de multiples traumatismes et que vous arrivez ici à la recherche d'un accueil, mais que l'on vous jette en prison, toute votre expérience de la torture revient. Les répercussions ne s'estompent jamais; vous éprouverez toujours une certaine paranoïa et aurez un grand nombre de troubles.
    Lorsque vous parlez des contribuables, n'oublions pas que les perdants, au bout du compte, seront le peuple canadien et la société canadienne. La détention de gens est onéreuse. Le processus de renvoi est onéreux. Si nous refusons l'aide sociale aux gens, il ne leur reste plus qu'à quêter. Parfois, ils commettent des crimes. Tout cela est coûteux. Pour épargner l'argent des contribuables, nous devons payer davantage. Les répercussions sont horribles.

  (1035)  

    L'un des autres éléments du projet de loi — et le ministre Kenney a été très clair à ce sujet — tient au fait que les parents auront un choix. Disons que des gens arrivent au Canada par bateau. S'ils ont des enfants âgés de moins de 16 ans, ils ont deux options. Pour des parents qui se sauvent d'un feu et arrivent au Canada, j'aimerais savoir à quel point il s'agit d'un choix. Ils peuvent garder leurs enfants avec eux en détention — en prison — ou ils peuvent confier leurs enfants aux autorités de la province où ils se trouvent. Quel genre de répercussions psychologiques cela entraînerait-il, pas seulement pour les parents, mais aussi pour les enfants, compte tenu du fait que les enfants fuient le même feu?
    Chaque année, nous servons presque 300 enfants ayant survécu à la torture et à la guerre. Malheureusement, tout événement horrible, comme la séparation de la famille, l'incarcération et les mauvais traitements, aura des répercussions psychologiques durables chez les enfants. L'existence sera très mauvaise pour eux à l'âge adulte. Cela ne disparaît jamais.
    Et les coûts pour les Canadiens seraient plus élevés.
    Merci.
    Merci, Ezat.
    Monsieur Weston.
    Merci.
    Monsieur Leung, bienvenue.
    Et merci à vous deux d'être ici ce matin.
    Je crois que l'heure que nous passons avec vous est extraordinaire, car cela nous permet de voir deux côtés de ce que j'appellerais une fausse dichotomie. Il est si facile de dire que, soit on fait preuve de compassion, soit on épargne de l'argent. Mais cela ne résume pas la position de quiconque ici présent. Tout le monde ici dans la salle se soucie des droits de la personne. Je suis certain que même quelqu'un qui a vécu l'expérience horrifiante que vous nous avez décrite, monsieur Mossallanejad, se soucie également d'épargner l'argent des contribuables. Vous avez fait allusion à cela. Il me semble que nous devons éviter la fausse dichotomie. En fait, si nous ne protégeons pas nos contribuables, nous éroderons notre capacité de subvenir aux besoins des réfugiés et perdrons la volonté démocratique qui nous permet, en tant que gouvernement, de faire ce que nous faisons. Je crois que vous l'avez exprimé avec beaucoup d'élégance dans la conclusion de votre exposé, monsieur Mossallanejad, lorsque vous avez dit: « Je vous prie de ne pas oublier le lien vital qui doit exister entre l'immigration et les droits de la personne. »
    Je tiens à vous rappeler à tous que notre ministre est un chef de file mondial au chapitre de la promotion des droits de la personne. Où qu'il aille, il défend bec et ongles les droits de la personne partout dans le monde: en Iran, en Chine et ailleurs. Alors, je crois qu'il y a davantage d'éléments qui nous rapprochent que d'éléments qui nous divisent.
    L'article 91 de l'AANB, mieux connu comme étant notre Constitution, parle de paix, d'ordre et d'un bon gouvernement. Alors je ne suis pas d'accord avec ma collègue, Mme Sitsabaiesan, qui dit qu'il n'y a pas de file d'attente. En fait, si nous permettons le chaos à nos frontières, nous ne pourrons pas avoir un programme d'immigration et d'octroi de l'asile. Nous ne devons pas non plus oublier la sécurité des Canadiens. La détention n'est pas la prison: la détention assure une sécurité, à tout le moins relative, pour certaines personnes, et elle permet aux Canadiens et aux réfugiés de créer des liens.
    Alors, l'objectif de traiter une demande d'asile en 45 jours plutôt qu'en 1 038 jours — je vous le demande — traduit-il un certain élément de compassion à vos yeux, vous qui avez vécu ce que vous avez vécu, monsieur Mossallanejad?
    Premièrement, je conviens de la question de la fausse dichotomie, mais je vous prie aussi de trouver le juste équilibre dans tout texte législatif.
    Deuxièmement, pour ce qui est de la détention, on devrait s'en servir en dernier recours seulement, et non pas en guise de raccourci.
    Quant à l'échéancier, selon moi, l'important, c'est l'application régulière de la loi. Alors, nous avons besoin d'un échéancier qui permettra à une organisation de services comme nous de fournir tous les documents nécessaires. Du reste, le rapprochement de l'échéance semble aller dans la direction du procès sommaire, et nous devrions éviter cela.

  (1040)  

    Monsieur Fildebrandt, nous avons entendu des choses semblables de trois éminents avocats hier et, en ma qualité d'avocat, je crois moi-même à l'application régulière de la loi. De toute évidence, lorsque vous êtes dans la position du gouvernement et que vous devez prendre des décisions, vous ne pouvez pas toujours satisfaire tout le monde. Dans le but d'avoir un programme d'octroi de l'asile viable, comment assurons-nous l'équilibre entre l'application régulière de la loi et les autres choses? Qu'en pensez-vous?
    Encore une fois, je me ferai l'écho des propos d'Ezat et j'appuie ce que vous dites: on nous présente souvent la fausse dichotomie qui oppose économie d'argent et compassion. Je ne crois pas que ces deux choses soient mutuellement exclusives. Les gouvernements doivent prendre de dures décisions, et, à mon avis, le projet de loi reflète en fait la prise d'une décision dure, mais juste.
    Votre question était de savoir comment nous pouvons assurer l'application régulière de la loi tout en optimisant le rendement de l'argent des contribuables. Je crois que le projet de loi permet de l'accomplir grâce à ses dispositions sur les pays désignés pour les pays reconnus comme n'étant pas de graves contrevenants aux droits de la personne. Nous savons que les pays de l'UE ne sont pas dans la même catégorie que le Cameroun. Toute déclaration contraire serait pure politicaillerie. Nous n'avons pas besoin d'un processus d'appel dans fin pour les ressortissants de démocraties occidentales évoluées. Alors, à mes yeux, c'est l'un des aspects les plus importants du projet de loi.
    Nous allons continuer de prévoir des processus d'appel pour les gens qui viennent du Cameroun, par exemple, mais ce pays n'est pas dans la même catégorie que ceux de l'UE.
    Merci.
    Monsieur Menegakis.
    J'aimerais vous remercier tous les deux d'être venus aujourd'hui.
    Monsieur Mossallanejad, je vous remercie d'avoir partagé votre histoire personnelle et je reconnais à quel point vous avez traversé des épreuves très difficiles.
    Monsieur Fildebrandt, je suis curieux de savoir ce que vous entendez dire au sujet de l'annonce récente du gouvernement selon laquelle il veut s'assurer que les réfugiés ne touchent pas des prestations plus généreuses que les contribuables canadiens. Nous entendons cela beaucoup de nos électeurs.
    À tout le moins, cela renforcera le soutien d'un système d'octroi de l'asile ouvert et généreux, car les Canadiens ne croiront plus que le système est injuste. Une partie importante de cela consiste à conserver le soutien de l'électorat canadien général à l'égard d'un système d'immigration ouvert, d'un système d'octroi de l'asile ouvert, et une partie de cela consiste à s'assurer que les gens savent qu'ils ne subissent pas un traitement injuste comparativement à ceux qui arrivent ici. Par conséquent, cela renforcera au moins le soutien public à l'égard de notre système d'octroi de l'asile.
    L'un des principaux objectifs du projet de loi C-31 est de repérer les gens qui veulent venir au pays par des moyens illégaux, ce qui serait injuste envers des personnes comme M. Mossallanejad et bien d'autres, qui sont venues ici pour échapper à la persécution et peut-être à la mort et à la torture dans leur pays d'origine. Ces personnes peuvent aujourd'hui attendre jusqu'à 1 038 jours. Cela équivaut à presque trois ans à partir de la réception de leur demande. Leur cas est traité après celui de faux demandeurs, après celui de ressortissants de l'Union européenne. L'Union européenne regroupe 27 pays. Alors, si quelqu'un ne se sent pas en sécurité dans l'un de ces 27 pays, tous gouvernés par des élus, il a 26 autres options qu'il peut explorer.
    M. Mossallanejad n'avait pas le choix d'aller dans 26 autres pays où il aurait été en sécurité. Alors, les personnes comme lui doivent avoir la priorité. Le projet de loi C-31 comporte un élément de compassion, c'est-à-dire servir les gens qui en ont besoin plus rapidement et leur permettre de venir au pays plus rapidement et de ne pas voir leur cas être traité après celui de faux demandeurs, qui renoncent souvent à leur demande, ce qui crée un problème de coût et engorge le système.
    Lorsque quelqu'un demande le statut de réfugié, nous devons entreprendre un processus d'évaluation du bien-fondé de la demande sans égard à l'endroit d'où elle provient. Le projet de loi C-31 se veut une solution à ce problème et permet d'axer les efforts sur les gens qui en ont le plus besoin. Je crois qu'il importe de faire valoir cela.
    Croyez-vous que le projet de loi C-31 réduirait le passage de clandestins au Canada en éliminant la capacité d'exploiter nos généreux systèmes d'immigration et services sociaux? Les passeurs les utilisent comme raccourci pour entrer et barrent la route aux personnes qui ont un besoin légitime.

  (1045)  

    Selon un principe économique de base, si on veut plus d'une chose, on la subventionne; si on en veut moins, on y impose une taxe; si on veut l'éliminer, on la nationalise. Si vous voulez réduire le nombre de faux demandeurs d'asile, l'élimination des incitatifs est l'une des premières choses à faire. Si vous venez ici, vous n'allez pas avoir carte blanche. Le projet de loi traite de cette question. Du reste, vous n'allez pas faire la belle vie pendant plus de 1 000 jours et utiliser les systèmes de soins de santé et d'aide sociale du Canada.
    En éliminant ces incitatifs, nous réduirions de beaucoup le nombre de personnes qui tentent de frauder le système. C'est bon pour les deux côtés du spectre: c'est une bonne chose pour les contribuables canadiens de ne pas être victimes d'arnaque, et c'est encore mieux pour les réfugiés légitimes, qui n'ont pas besoin de passer 19 mois à patienter et à se demander quel sera leur statut avant d'être acceptés dans la société canadienne.
    Merci.
    Madame Sims, vous avez trois ou quatre minutes.
    Merci beaucoup.
    Il semble y avoir une généralisation ici: si vous n'avez pas de documents, vous n'êtes pas un réfugié. Pourtant, Ezat, si vous étiez arrivé ici en bateau avec cinq ou dix autres personnes, vous auriez risqué d'être jeté en prison pendant un an aux termes du projet de loi, puis ensuite, pendant cinq ans, vous n'auriez pas pu obtenir votre résidence permanente et vous n'auriez pas pu présenter de demande pour les membres de votre famille, et alors votre réunification aurait en fait pu prendre environ 10 ans. En même temps, nous entendons beaucoup parler de la compassion canadienne.
    Quelle aurait été l'incidence de cela pour vous personnellement? Le « feu » que vous avez quitté, la situation de torture — est-ce que cela aurait été la même chose si vous étiez arrivé avec un groupe par bateau ou par avion sans documents. Pouvez-vous m'en parler un peu s'il vous plaît?
    Nous avons servi des clients provenant de pays aux prises avec un traumatisme collectif découlant de la guerre, de la violence généralisée et du génocide. Dans certains cas, la seule option est de prendre tout simplement la fuite en groupe. Je ne crois pas que ces gens devraient être victimes de discrimination. Les répercussions de la prison — du fait d'être détenu — et du maintien constant dans un entre-deux sont horribles. Ces personnes ne peuvent jamais s'en remettre.
    J'ai des clients qui sont devenus paranoïaques pour cette raison. Un client a vécu la même expérience à nouveau lorsqu'il a été maltraité par un agent d'immigration. Cela a été un choc pour lui. Depuis 17 ans, il reçoit des soins psychiatriques et prend des médicaments très coûteux. Il n'a jamais plus été lui-même.
    Alors cette façon de regarder les arrivées au Canada selon deux catégories — les demandeurs d'asile en fonction de leur mode de transport — pourrait finir par se révéler beaucoup plus coûteuse aux Canadiens, sur le plan des soins de santé, que le système actuellement en place. Êtes-vous prêt à dire cela?

  (1050)  

    Je suis d'accord avec vous, et je travaille avec des clients qui ont éprouvé le même problème, dans une moindre mesure. J'ignore quelles seront les conséquences de ce projet de loi s'il obtient la sanction royale et entre en vigueur. Des amendements sont nécessaires selon moi — une révision et des amendements radicaux.
    On a aussi intégré dans ce texte législatif la possibilité de renvoyer des gens lorsque la conjoncture dans leur pays d'origine s'améliore. Autrement dit, une personne peut être ici pendant 10 ans et, si tout à coup la situation dans son pays d'origine s'améliore, elle risque d'être renvoyée. Quel genre de répercussions aurait une telle disposition chez les demandeurs d'asile qui ont obtenu le statut de réfugié, vivent maintenant au Canada et ont des enfants au Canada?
    Je peux vous dire que, si on me renvoyait aujourd'hui, je n'aurais pas peur d'être exécuté, car la mort met un terme définitif à la vie. Je crains la torture. Le Canada s'est engagé à respecter la Convention contre la torture. Je suis très heureux de voir que le texte législatif mentionne la protection contre la torture, mais je suis frustré de l'absence de considérations à l'égard des survivants de torture, de guerre, de génocide et de traumatisme collectif.
    Merci, monsieur.
    Je vous remercie, Ezat et monsieur Fildebrandt, de vos excellents exposés. Le comité vous en est reconnaissant. Merci beaucoup.
    Je vais suspendre la séance pour quelques instants.

  (1050)  


  (1055)  

    Nous allons reprendre.
    Nous avons un autre témoin. Il semble que le deuxième témoin ait annulé son intervention en fin d'après-midi hier, alors il nous reste seulement un témoin aujourd'hui. Il y a trois représentants du Barreau du Québec. Nous accueillons Nicolas Plourde, bâtonnier du Québec. C'est un honneur de vous avoir ici, monsieur.
    Nous avons Mitchell Goldberg, avocat et membre du Comité en droit de l'immigration et de la citoyenneté. Bonjour à vous.
    Nous avons aussi Carla Chamass, avocate et chercheuse. Alors nous avons trois avocats ici aujourd'hui.
    Vous avez un maximum de 10 minutes pour présenter un exposé, monsieur.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, à titre de bâtonnier élu du Barreau du Québec, je tiens à vous remercier de nous avoir invités aujourd'hui pour discuter d'une question très importante pour les Canadiennes et les Canadiens, soit la sécurité et l'efficacité de notre système d'immigration.
    Tout d'abord, je tiens à vous souligner toute l'importance qu'accorde le Barreau du Québec à l'amélioration de la sécurité et de l'efficacité du système d'immigration au Canada. Je vous invite d'ailleurs à prendre connaissance des interventions passées du Barreau du Québec dans le domaine de l'immigration, plus particulièrement les lettres relatives aux projets de loi C-49 et C-11.
    Comme vous le savez certainement, le Barreau du Québec est l'ordre professionnel qui regroupe les 24 000 avocates et avocats du Québec. Le Barreau est fier de collaborer partout dans le monde à la mise en place d'une gouvernance démocratique et d'institutions fondées sur la primauté du droit. Sa mission première est la protection du public. Il exerce donc une responsabilité sociale et de défense des valeurs démocratiques qui sont propres à notre société, dont le respect des droits de la personne.
    Le Barreau du Québec a étudié le projet de loi C-31, qui donne suite au projet de loi C-11 et qui modifie la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés. Essentiellement, le Barreau du Québec craint que les modifications apportées par le projet de loi relativement au processus de catégorisation n'entraînent un traitement discriminatoire et différent des demandes, lequel risquerait de miner la confiance des demandeurs dans la légalité et la légitimité des décisions qui seront rendues sur leurs demandes d'asile.
    Cela dit, le Barreau du Québec considère que la protection du système d'immigration canadien est effectivement un enjeu important et que le gouvernement du Canada a raison de vouloir dissuader l'immigration illégale. À cette fin, il peut exister une nécessité d'encadrer certains droits dans l'intérêt du public. Par contre, le projet de loi comporte des mesures sévères, soit la détention automatique des étrangers désignés pendant une période pouvant aller jusqu'à un an. Mon collègue Me Goldberg vous entretiendra davantage des effets néfastes que nous craignons relativement à cette mesure.
    Le Barreau du Québec s'oppose également à la restriction du droit d'appel sur le fond devant la Section d'appel des réfugiés. Le Barreau estime que la confiance des demandeurs dans l'État exige la promotion et le maintien d'une structure judiciaire de tribunaux accessibles et indépendants, ainsi qu'une juste et efficace représentation.
    Avant de céder la parole à mon confrère Me Goldberg pour un exposé plus détaillé de la position du Barreau du Québec, permettez-moi de vous le présenter brièvement. Me Goldberg est avocat et membre du Barreau du Québec depuis 1989. Il est membre du Comité en droit de l'immigration et de la citoyenneté du Barreau. Il pratique en droit de l'immigration et de la protection des réfugiés depuis 1990. Il représente donc régulièrement et devant toutes les instances des ressortissants étrangers dans des demandes diverses en immigration ainsi que des demandes d'asile au Canada.
    Me Goldberg est fortement engagé dans son domaine. Il a été volontaire pour une organisation des droits de la personne au Guatemala. Il est également actif au sein de l'Association du Barreau canadien et de son comité de liaison avec la Cour fédérale. Il est un des fondateurs de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, où il agit à titre de vice-président depuis 2001.
    Monsieur le président, avec votre permission, je cède la parole à mon confrère Me Goldberg.

  (1100)  

    Merci beaucoup, maître Plourde.
    Je m'adresse à vous aujourd'hui non seulement en tant qu'avocat, mais également en tant que papa de deux enfants. J'ai deux filles: Sabine, 13 ans, et Naomi, 17 ans. Je me suis inspiré de mes enfants pour vous présenter les trois scénarios suivants.
    D'abord, le premier scénario implique que j'arrive au Canada avec Naomi et Sabine. Le ministre me désigne comme étant un arrivant en situation irrégulière, ce qui fait que je suis détenu de façon obligatoire. Naomi, qui a 17 ans, est elle aussi assujettie à ce régime et doit être emprisonnée pendant 12 mois avec moi. Par contre, Sabine, qui a 13 ans, aura un soi-disant choix: elle peut décider d'être emprisonnée avec Naomi et moi, ou d'être placée en institution pendant 12 mois, séparée de son papa et de sa soeur. C'est le choix offert par le projet de loi C-31. Non seulement comme avocat, mais comme Canadien, ça me fait honte de penser qu'on pourrait détenir des personnes vulnérables qui cherchent la protection au Canada.
    Dans le deuxième scénario, je suis un réfugié de la Syrie. Je suis un opposant au régime en place et, pour ça, je suis venu au Canada pour chercher la protection. Heureusement, le tribunal m'a reconnu comme étant un réfugié; j'ai été accepté. Malheureusement, selon le projet de loi C-31, parce que j'ai été désigné comme étant un réfugié, je ne pourrai pas demander ma résidence avant cinq ans. Je suis très désespéré de faire venir au Canada mes filles, qui sont toujours en Syrie. J'ai peur que les militaires du gouvernement syrien me recherchent activement. J'ai peur que s'ils trouvent mes filles, ils les agressent en leur demandant où est leur papa. J'ai peur que lorsque celles-ci diront ne pas savoir ou que leur papa est à l'étranger, elles puissent être en danger de violence. Toutefois, je ne peux rien faire pour les faire venir au Canada. Je ne pourrai même pas entamer le processus avant cinq ans, ce qui veut dire qu'en réalité ça pourrait être sept ans après avoir été reconnu. Cela veut dire que Sabine, qui a 13 ans, aura 20 ans et que Naomi, qui a 17 ans, aura 24 ans, avant que j'aie la possibilité de les voir.

  (1105)  

    Voici le troisième scénario. J'arrive au Canada en 2000, d'Algérie. Je suis reconnu en tant que réfugié. En 2002, j'obtiens le statut de résident permanent au Canada. J'épouse une Canadienne. On a deux enfants, qui ont maintenant 4 et 7 ans. Bien sûr, mes enfants sont Canadiens, car ils sont nés à Montréal. Le ministre prétend maintenant qu'il y a un changement de circonstances en Algérie, parce qu'il n'y a plus de guerre. Il y a toujours de la violence, mais ce n'est pas comme c'était en 2000. Voilà que, selon les clauses de cessation et la résidence permanente conditionnelle du projet de loi C-31, je pourrais être assujetti à une audience devant la commission. Ma seule défense sera de prétendre qu'il n'y a pas de changement de circonstances. J'ai toujours dit la vérité, mais je pourrais être renvoyé en Algérie. Je ne pourrai pas invoquer l'intérêt supérieur de mes enfants canadiens. Je n'ai pas de droit d'appel. Je n'ai pas d'instance où faire valoir des considérations humanitaires.

[Traduction]

    Monsieur Goldberg, peut-être que vous pourriez conclure, monsieur.
    Je ne voulais pas vous interrompre. Vous pouvez conclure.
    Avez-vous terminé?

[Français]

    Oui, merci.

[Traduction]

    Monsieur Dykstra.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous suis reconnaissant à tous les trois d'être ici aujourd'hui. Je suis désolé qu'un de nos témoins ait dû se retirer. Habituellement, nous aimons avoir deux témoins par séance, plutôt qu'un. Mais, certes, je vous suis reconnaissant à tous les trois d'être ici.
    J'ai lu votre mémoire.
    Tout d'abord, monsieur Goldberg, je voulais répondre aux trois exemples et scénarios que vous avez présentés. J'aimerais penser que, si l'une de vos enfants ou les deux — qui vous ont inspiré un discours si passionné — subissaient un quelconque préjudice aux mains d'une personne venue au pays par bateau et qui n'était pas identifiée et avait le droit de se promener impunément dans notre pays — un terroriste, un criminel ou un passeur de clandestins —, vous seriez devant le comité pour nous demander de nous assurer qu'une loi ou un règlement était adopté pour protéger vos enfants. Je comprends les arguments que vous présentez sous la forme d'un scénario dans lequel elles se trouvent sur le bateau, mais j'avancerais que vous devriez aussi concevoir un scénario dans lequel elles et vous subiriez un préjudice à cause d'une vague de personnes qui arrivent au pays et sont peut-être dangereuses — bien que ce ne soit pas toujours le cas. Nous avons documenté les deux derniers navires qui sont arrivés ici. Peu de personnes à bord auraient été considérées comme des criminels — des criminels de guerre ou des personnes qui ne devraient pas être au pays ou n'auraient pas reçu un visa leur permettant de le faire. En notre qualité de représentants du gouvernement, nous avons à la fois la responsabilité de garantir les droits de la personne et la responsabilité de les protéger. J'avance que c'est ce que nous tentons d'accomplir ici au moyen du projet de loi C-31.
    J'ai lu votre mémoire. La seule chose que j'ai trouvée en guise de recommandation ou de modification, c'est le retrait du projet de loi C-31. Est-ce la seule modification que vous proposez au comité aujourd'hui?

  (1110)  

    Merci beaucoup pour votre question.
    Oui, le Barreau du Québec se soucie de la protection de l'intégrité du système d'immigration.
    J'ai seulement sept minutes. Je faisais plus une déclaration que...
    Monsieur Dykstra, vous lui avez posé une question.
    C'est vrai.
    Il essaie d'y répondre.
    D'accord. Merci.
    Monsieur Goldberg.
    Merci.
    Il y a plusieurs commentaires auxquels j'aimerais répondre. Je vous suis reconnaissant d'avoir posé la question.
    Oui, le Barreau du Québec se soucie de l'intégrité du système. Bien sûr, le Barreau du Québec — à l'instar de tous les groupes qui ont comparu devant vous, je crois — se soucie aussi de la protection de la sécurité des Canadiens. Toutefois, le projet de loi n'a rien à voir avec la protection de la sécurité des Canadiens. Sincèrement, le projet de loi rate complètement la cible. Il n'a presque rien à voir avec la protection du Canada contre les passeurs de clandestins ou les criminels, comme vous le prétendez. Il n'a rien à voir avec la sécurité des enfants réfugiés sur les bateaux. Son seul objectif est d'empêcher les réfugiés de venir au Canada et, une fois qu'ils sont ici, de les punir — c'est-à-dire punir les réfugiés et les résidents permanents parce qu'ils sont au Canada et qu'ils sont venus chercher refuge au Canada.
    Pour répondre à votre question au sujet de la position du Barreau du Québec, il est du même avis que l'Association du Barreau canadien, l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés et les groupes de protection des droits de la personne des quatre coins du pays: le projet de loi illustre un tel mépris des droits de la personne et de la protection des réfugiés que la seule façon de rectifier le tir consiste à l'éliminer.
    Évidemment, cela ne va pas arriver. Je vous suis reconnaissant de donner votre opinion; c'est pourquoi je cherchais à savoir si vous aviez des amendements à proposer qui pourraient être utiles. Vous avez cerné un certain nombre d'aspects qui sont pour vous une source de préoccupations et vous n'avez pas nécessairement proposé d'amendements particuliers à cet égard.
    J'ai encore quelques questions. Pour commencer, à la page 8 de votre mémoire, vous dites que le Barreau invite le gouvernement à prévoir des délais de 38 jours pour le dépôt des formulaires en début de processus, ce qui est, à vrai dire, 10 jours de plus que le processus actuellement en place. Mais, à la page 9, dans votre dernier paragraphe, vous parlez en fait d'un échéancier de 28 jours. J'imagine que « 38 » est une erreur et qu'on devrait lire « 28 »?
    Oui, c'est 28 jours.
    Merci.
    La première partie de votre mémoire est axée sur la catégorie des pays désignés. J'aimerais aborder ce sujet — ou vous poser quelques questions connexes —, car vous qualifiez le fonctionnement du processus comme reposant sur des « critères peu définis ». Je m'interrogeais à ce sujet, parce que vous invoquez, à la page 6, l'avis du Comité des droits de la personne des Nations Unies en faveur de l'une des recommandations que vous soutenez, mais vous vous opposez à la notion de pays désignés. Or, Abraham Abraham a fait la déclaration suivante au comité:
... le HCR ne s'oppose pas à la création [d'une liste de pays désignés ou liste de « pays d'origine sûrs »], tant que cette liste reste un outil procédural permettant de prioriser les demandes et d'en accélérer le traitement dans certaines situations bien précises, et qu'on ne s'en sert pas comme critère d'élimination absolu.
    Je me demandais pourquoi vous invoquiez l'ONU pour appuyer une partie de votre argument, tandis que, pour ce qui est des pays désignés, vous n'êtes pas disposé à appuyer la position d'Abraham Abraham ni celle du Royaume-Uni, de l'Irlande, de la France, de l'Allemagne, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Suisse et de la Finlande, pour ne nommer que quelques pays qui ont eux aussi une liste de pays sûrs désignés.

  (1115)  

    C'est une bonne question. J'appuie la position du HCR reflétée dans la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, parce que le Barreau, à l'instar d'autres groupes, est en faveur de cette loi — que le ministre de l'Immigration, ainsi que tous les partis de l'opposition, appuyaient aussi à l'époque.
    En fait, le HCR avait adopté une position — qui, soit dit en passant, se rattachait à la désignation des pays sûrs et non pas à la désignation des arrivées irrégulières — selon laquelle il était acceptable d'accélérer certaines demandes, mais non pas de priver les gens issus de certains pays de la possibilité d'interjeter appel sur le fond. Voilà la position de longue date du Barreau du Québec et d'autres groupes ailleurs dans le pays, et c'était la position du ministre, reflétée par le soutien du gouvernement à l'égard de la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés.
    Merci.
    Madame Groguhé.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être avec nous ce matin.
    Hier, dans son témoignage, la professeure Macklin nous mettait en garde contre le projet de loi C-31, qui violerait le principe de justice naturelle ainsi que celui de la primauté du droit, qu'il remettrait en cause. Nous avons entendu plusieurs témoignages, et je m'avouerai particulièrement inquiète, d'autant plus que le visage humain des réfugiés ou des demandeurs d'asile est complètement oblitéré et mis de côté.
    J'en arrive à mes questions. Pour commencer, dans votre mémoire, vous qualifiez de déraisonnable et d'abusive l'année de détention obligatoire en cas d'arrivée irrégulière. Pourriez-vous nous expliquez plus en profondeur ce que vous considérez comme déraisonnable et en quoi c'est abusif, particulièrement à la lumière de la Charte et du droit international?
    Merci beaucoup de la question.
    D'abord, il est très clair que la détention obligatoire est une violation de la Charte canadienne, spécifiquement de ses articles 7, 9, 10 et 12. La Cour suprême s'est déjà prononcée par la voie de l'arrêt dans l'affaire Charkaoui. La juge en chef a été très éloquente lorsqu'elle a dit qu'il n'était pas acceptable de détenir de façon prolongée des personnes immigrantes au Canada sans qu'on leur accorde une révision judiciaire.
    Vous savez que la loi actuelle prévoit des mécanismes pour détenir des personnes s'il y a des doutes sur leur identité. Ça existe déjà. Également, si des personnes sont soupçonnées d'être un danger pour le public, elles sont détenues. Par contre, il y a des révisions judiciaires pour s'assurer de relâcher les personnes s'il n'y a pas de motif pour les garder en détention.
    À mon avis, il faut remonter à la Seconde Guerre mondiale pour trouver une situation comparable au Canada, un pays démocratique. Il faut remonter aux détentions massives des Canadiens d'origine japonaise. C'est la dernière fois, au Canada, que des personnes ont été envoyées dans des camps de concentration simplement parce qu'elles étaient d'origine japonaise. On peut faire un parallèle entre cela et ce qui est proposé par le gouvernement dans le projet de loi C-31, et ce n'est pas acceptable.
    Merci.
    Toujours dans votre mémoire, vous dites que la procédure de détention obligatoire est contraire à la règle de l'habeas corpus. Voudriez-vous nous expliquer plus en détail ce que vous entendez par là?
    La Charte canadienne des droits et libertés dit très simplement que si quelqu'un est détenu, il a le droit de se faire entendre par un juge pour qu'il évalue les motifs de sa détention. Dans un pays libre et démocratique, c'est une règle de base. On ne peut pas garder quelqu'un en détention sans qu'il ait accès à un juge indépendant pour évaluer le droit du gouvernement de le garder en détention. C'est choquant pour les avocats, pour l'Association du Barreau canadien et le Barreau du Québec, pour les groupes de défense des droits de la personne et pour les Canadiens ordinaires de savoir que le gouvernement propose de le faire. Je fais confiance aux cours de justice qui vont casser cette loi. Pourquoi présenter un projet de loi quand on sait, au départ, qu'il va à l'encontre de la Constitution canadienne?

  (1120)  

    Je confirme ce que vous venez de dire. D'autres témoins nous ont déjà fait cette observation, c'est-à-dire la possibilité d'aller en cour et d'entamer de longues procédures.
    Pourriez-vous nous expliquer brièvement en quoi le fait que ce projet de loi soit rétroactif portera atteinte à la primauté du droit?
    Par rapport à la rétroactivité, il y a plusieurs aspects. Je pense surtout au fait que le pouvoir de désignation du ministre est rétroactif à 2009. Cela veut dire que les personnes arrivées au Canada à bord du Sun Sea, par exemple, ne pourraient pas, même si elles sont reconnues comme des réfugiées, demander la résidence avant cinq ans ou faire venir leurs enfants et leur mari avant cinq ans. Elles ne pourraient pas demander de passeport ou de documents de voyage avant cinq ans.
    Comme vous le savez, le projet de loi C-31 accorde au ministre le nouveau pouvoir de révoquer la résidence permanente de personnes protégées si la situation dans leur pays d'origine change et qu'elles ne courent plus aucun risque. Le ministre a déclaré que ce n'était pas l'effet visé par l'article du projet de loi. Pourtant, vous et beaucoup d'autres avez exprimé des préoccupations à ce sujet.
    Pourriez-vous nous expliquer comment vous en êtes arrivé à cette interprétation et pourquoi cela vous inquiète?
    Cette interprétation est partagée par tous les experts juridiques de tout le Canada: l'Association du Barreau canadien, l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, le Barreau du Québec. Au moins huit professeurs de droit spécialisés dans le domaine de l'immigration se sont prononcés là-dessus.
    Il est clair que c'est un nouveau pouvoir. On ne parle pas de fraudeurs, mais de personnes qui ont toujours dit la vérité et dont les circonstances dans leur pays d'origine ont changé. Ce sont des résidents permanents. Ce nouveau pouvoir n'existe pas dans la loi actuelle. Si le ministre prétend que ce n'est pas son intention, alors il suffit d'amender le projet de loi pour que ce soit clair. J'ai entendu dire que le ministre veut clarifier cet aspect du projet de loi, et je trouve cela encourageant.

[Traduction]

    Je suis désolé, mais je dois vous interrompre. Le temps que nous pouvons vous allouer est limité, et je m'en excuse.
    Monsieur Lamoureux.
    Monsieur Goldberg, j'aimerais profiter du fait que vous êtes à la tête du Barreau du Québec. Est-ce exact?
    M. Plourde est le bâtonnier.
    D'accord. Je vais lui poser ma question.
    Le projet de loi touchant le droit des réfugiés que nous étudions est en bonne partie, comme vous le dira le gouvernement, dans l'intérêt des réfugiés. C'est intéressant. Je crois comprendre que la Section d'appel à Ottawa va être fermée. Par conséquent, les réfugiés d'Ottawa devront se rendre à Montréal pour faire entendre leur cause. Je ne suis pas certain de la façon dont cela fonctionnera pour ce qui est de l'aide juridique, par exemple, dans la province de l'Ontario.
    Pourriez-vous nous parler de cela? Je comprends qu'il ne s'agit pas de la question la plus pertinente. C'est seulement pour mettre en lumière le fait que nous tentons d'aider les réfugiés, selon le gouvernement, en accélérant le processus. Une décision de cette nature a-t-elle une incidence sur le traitement des réfugiés?

  (1125)  

    Je vais laisser mon collègue, M. Goldberg, répondre. La question est très pointue, et c'est lui l'expert. Je crois que mon collègue saurait mieux répondre à la question.
    Bien sûr.
    Vous faites allusion aux décisions budgétaires du gouvernement et à l'incidence sur la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il a dû effectuer de grosses compressions budgétaires, et l'une des mesures qu'a prises la Commission de l'immigration et du statut de réfugié était effectivement, comme vous l'avez dit, de fermer le bureau d'Ottawa, de sorte que toutes les audiences pour la région d'Ottawa seront tenues à Montréal. Je suis certain que cela sera une source de difficultés pour nombre de personnes vivant dans la région d'Ottawa, qui devront se déplacer à Montréal ou procéder par vidéoconférence, ce qui est très problématique.
    Je m'interroge sur la façon dont ces dispositions législatives accéléreront le processus selon le gouvernement.
    Je vais arrêter le chronomètre. Habituellement, nous vous laissons parler de n'importe quoi, mais il est question du projet de loi C-31 — je vous le rappelle —, et je ne crois pas que votre première question ait le moindre rapport avec le projet de loi C-31.
    Votre commentaire est bien noté.
    Vous pouvez toujours essayer, mais je vous rappelle seulement que c'est là l'objet de notre discussion.
    Oui.
    Repartez le chronomètre.
    Merci, monsieur le président.
    J'imagine que je n'ai pas pu m'en empêcher, vu les témoins qui sont ici et parce que je crois que, au bout du compte, les compressions nuiront aux réfugiés ici et en particulier à Ottawa. Cela dit, je vais...
    Monsieur Lamoureux, vous devez arrêter lorsque je le recommande.
    Merci.
    Merci, monsieur le président. Je vous suis reconnaissant de l'indulgence.
    Je m'interroge sur toute la question de la Charte et de la détention. Ici, le système actuel fonctionne. J'avancerais que la détention obligatoire de un an est tout à fait inutile. J'aimerais que l'un ou l'autre des témoins puisse donner ses commentaires quant à savoir si toute cette question de la détention obligatoire de un an pourrait être contestée en cour — comme je me doute bien que ce sera le cas — et donner son opinion à ce chapitre.
    Je serais ravi de le faire.
    Non seulement cette disposition est susceptible d'être contestée, mais elle le sera. Nous faisons bien attention lorsque nous disons que quelque chose va à l'encontre de la Charte. Vous pourrez noter que, la plupart du temps, le libellé dans notre mémoire est « peut-être à l'encontre de la Charte », car nous essayons d'être — disons — prudents dans nos observations, car nous parlons au nom du Barreau du Québec.
    Quant à la détention obligatoire de un an sans mandat, le Barreau du Québec, comme d'autres experts juridiques, convient du fait non pas qu'elle est peut-être inconstitutionnelle, mais qu'elle est inconstitutionnelle. Pourquoi allons-nous si loin? Parce que la Cour suprême a statué en ce sens dans l'affaire Charkaoui en 2006. C'est écrit noir sur blanc.
    Je remarque que l'Association du Barreau canadien et l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés ont tiré des citations de cet arrêt. Il n'y a aucun doute: une détention obligatoire de un an sans recours judiciaire contrevient au droit international et à la Charte canadienne des droits et libertés.
    Seriez-vous prêt à dire — et je ne veux pas vous mettre de mots dans la bouche — que, si le comité permettait qu'on l'adopte, nous favoriserions une loi pratiquement inconstitutionnelle?
    Chaque loi présentée au Parlement doit faire l'objet d'un examen par le ministère de la Justice pour déterminer si elle est conforme à la Charte, car notre pays est censé respecter la primauté du droit.
    J'adorerais voir l'avis juridique que le gouvernement a supposément obtenu confirmant que la loi est constitutionnelle, particulièrement les dispositions relatives à la détention. J'adorerais voir cet avis. Je crois que beaucoup d'entre nous adoreraient voir cet avis, car il est très dur d'imaginer qu'un juriste puisse expliquer comment et pourquoi le projet de loi est constitutionnel.
    Il y a beaucoup d'autres aspects du projet de loi qui sont aussi très douteux, mais cet aspect est flagrant.
    Vous ne faites pas vos premières armes, et le monsieur à vos côtés est à la tête du Barreau du Québec. De ce que vous savez, on n'a jamais rien mis à votre disposition ou vous n'avez jamais rien entendu à l'égard d'un avis juridique en faveur de la constitutionnalité du projet de loi?
    Si je comprends bien, le gouvernement doit confirmer que chaque loi est conforme à la Charte. Si je comprends bien, le gouvernement a dit que, oui, il a un avis juridique. Le ministre est allé dire que le projet de loi est conforme à la Charte, mais l'avis juridique n'a jamais été produit — pour autant que je le sache — pour le compte des partis de l'opposition ou d'un quelconque juriste externe.

  (1130)  

    Merci, monsieur Goldberg.
    Passons à M. Dykstra.
    Merci, monsieur le président. Voilà ce qui arrive lorsqu'on a seulement sept minutes; on finit par devoir revenir.
    Abordons encore une fois la question des pays sûrs désignés. Vous avez mentionné, à la page 4, que le mode de détermination par arrêté ne laisse aucune place au débat public. Vous dites que le ministre pourra exercer son pouvoir selon des critères peu définis. Pourriez-vous me dire ce que sont des critères peu définis?
    Vous parlez du pays d'origine désigné.
    Oui.
    Il est intéressant de noter que la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés prévoyait des critères très différents. Ils étaient beaucoup plus exhaustifs, au profit des droits de la personne. De plus, la loi censée entrer en vigueur le 29 juin prévoyait la création d'un comité d'experts des droits de la personne pour conseiller le gouvernement selon des critères très exhaustifs. Maintenant, on a dilué les critères, pour une raison ou une autre, et le gouvernement, dans le cadre du projet de loi, a jugé convenable de dissoudre le comité d'experts des droits de la personne.
    Je remarque que le Globe and Mail a été très critique à cet égard, à l'instar — bien sûr — de groupes de défense des droits de la personne et de groupes d'avocats des quatre coins du pays. C'est étonnant. Je me demande de quoi le gouvernement a peur, puisqu'il dissout un groupe d'experts des droits de la personne.
    Je remarque que la Communauté européenne a une disposition sur les pays d'origine sûrs, mais elle est assortie de critères extrêmement contraignants en matière de droits de la personne. Nous sommes tous préoccupés du fait que la disposition permet au gouvernement de faire passer des intérêts commerciaux et politiques avant des vies et les droits de la personne.
    Je ne vous ai pas demandé de vous épancher sur les raisons pour lesquelles le projet de loi ne vous plaît pas. J'ai lu dans votre mémoire pourquoi il ne vous plaît pas. J'essaie d'en venir à la question des critères peu définis. Vous n'avez pas répondu à la question.
    Je vais préciser, au cas où vous ne le sauriez pas, que la désignation, tout d'abord, n'est pas automatique. Elle est assortie de seuils quantitatifs. Le taux de rejet du pays doit être d'au moins 75 p. 100. Le taux de désistement doit être supérieur à 60 p. 100. Quant aux pays à partir desquels on reçoit peu de demandes d'asile, nous exigeons — avant même d'entamer le processus — qu'ils aient un système judiciaire indépendant et que l'on reconnaisse les droits et libertés démocratiques de base.
    Avant de déterminer qu'un pays devrait être désigné, un examen est déclenché dans le cadre duquel, premièrement, CIC, le ministre, mène un examen et tient des consultations avec d'autres ministères, dont un certain nombre de représentants sont venus témoigner au début du processus. Deuxièmement, nous avons effectivement en place un certain nombre de lignes directrices qui seraient suivies dans le cadre du processus d'examen.
    Vous n'approuvez peut-être pas le processus, mais il sera plus rapide. Il sera plus transparent et il sera plus uniforme. Il fera appel à l'intervention de hauts fonctionnaires de différents ministères, dont des sous-ministres, des sous-ministres adjoints et des directeurs possédant une expertise dans le domaine.
    Je ferais valoir que vous avez le droit de ne pas approuver la tournure que prendront les choses avec le projet de loi C-31, mais je ne crois pas que vous puissiez réellement prétendre que les critères sont peu définis. Il importe de faire valoir que des critères ont été établis pour aller de l'avant.
    Tout au long de votre mémoire, vous précisez que les personnes provenant d'un pays sûr désigné n'ont pas de droit d'appel. J'aimerais que vous abordiez cet aspect plus en profondeur, car, en fait, ce n'est pas le cas.
    Pardon. Vous venez d'avancer que les ressortissants de pays d'origine désignés ont un droit d'appel.

  (1135)  

    C'est exact. J'ai parlé des pays d'origine sûrs désignés. Vous avez indiqué que...
    C'est faux. Le paragraphe 36(1) du projet de loi C-31 énumère sept motifs, prévus au paragraphe 110(2) proposé, selon lesquels un demandeur d'asile n'a pas de recours devant la Section d'appel des réfugiés. Parmi ces sept motifs, il y a les ressortissants de pays désignés et les gens provenant d'un pays d'origine désigné. C'est écrit noir sur blanc au paragraphe 36(1) du projet de loi C-31. Je suis désolé, mais vous faites erreur.
    En fait, non, c'est...
    Si vous me permettez de répondre à votre question...
    Attendez. Non, je vous l'ai permis.
    Vous avez dit deux ou trois choses, et je voulais...
    J'invoque le Règlement.
    Excusez-moi. Mme Sims invoque le Règlement.
    Lorsqu'on a posé une question à un témoin, on devrait avoir l'obligeance d'écouter sa réponse au complet. J'ai entendu un certain nombre de questions dans les propos qui viennent d'être tenus.
    Nous sommes ici pour entendre les témoins.
    Merci.
    Il s'agit d'un rappel valide.
    Monsieur Dykstra, M. Goldberg peut terminer.
    Vous invoquez le Règlement, madame James.
    Arrêtez le chronomètre, s'il vous plaît.
    Je suis d'accord pour dire qu'il y avait une question, mais je crois que le député, M. Dykstra, a le droit de contester les propos tenus par le témoin, parce que ce qu'il a dit n'est pas nécessairement exact. Je crois que, pour le compte rendu, nous devons nous assurer que mon collègue a le droit — dans les contraintes de temps prévu, les cinq ou sept minutes accordées — de préciser ce qui est véritablement exact et les faits exacts. J'aimerais m'assurer que mon rappel au Règlement est inscrit et que mon collègue a la possibilité de contester ce qui a été dit et d'exposer la réalité.
    Merci.
    Merci.
    J'invoque le Règlement.
    Est-ce pour la même question, ou est-ce un autre rappel?
    C'est certainement pour la même question. Je conviens du fait que chaque côté a le droit d'exposer un nouveau point de vue, mais il faut le faire dans les délais prescrits et non pas au-delà de ceux-ci. Tout le monde a la possibilité de faire valoir les propos du côté du gouvernement aussi.
    Repartez le chronomètre.
    Monsieur Goldberg, vous pouvez terminer...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    C'est fantastique. Voilà un moment que nous n'avions pas entendu cela.
    Il y a un précédent ici. Les députés de l'autre côté ont souvent fait cela; c'est-à-dire poser la question en disant qu'ils avaient peu de temps, clore le sujet, puis passer à un autre. Le précédent est créé, et M. Dykstra devrait avoir les mêmes droits.
    Je vais laisser M. Goldberg terminer sa réponse de façon concise, monsieur.
    Merci.
    Avec tous ces rappels, je me serais cru au Barreau du Québec, parmi d'autres avocats.
    Nous sommes heureux que vous soyez ici, monsieur.
    Merci.
    L'autre volet de la question auquel je voulais répondre touchait à la notion de critères pour définir les pays d'origine sûrs. Il est vrai qu'il y a des critères vagues concernant le nombre de personnes accueillies. Toutefois, on dit « ou ». La première chose qu'on apprend en droit, c'est que, quand une loi dit une chose, suivie de « ou », il faut regarder les deux volets. Ici, « ou » tient au fait que, si une personne est supposément originaire d'un pays démocratique, on peut contourner les critères que vous venez de mentionner. Alors, si le ministre est d'avis que M. Untel qui arrive au Canada de la Syrie provient d'un pays sûr, d'un pays démocratique, c'est l'opinion du ministre qui compte.
    Je crois, par exemple, que rien n'empêche le ministre de dire que la Chine est un pays sûr pour des motifs commerciaux, et si quelqu'un dit que ce n'est pas un pays démocratique, je lui souhaite bonne chance. Il n'y a aucun recours. Il n'y a aucun recours judiciaire.
    Sous le régime actuel, c'est aussi vrai. Le ministre peut infirmer une décision rendue par la CISR s'il le souhaite.
    J'essaie de faire valoir que nous avons étudié la mise en oeuvre d'un processus dans le cadre du projet de loi C-31. Dans votre mémoire, vous avez avancé qu'il était mal conçu ou mal défini. Je vous ai demandé pourquoi, et vous n'avez rien précisé; vous ne m'avez pas donné de réponse. Vous avez répondu en disant que les dispositions du projet de loi C-11 vous plaisaient.
    J'essaie de faire valoir que, dans votre mémoire, vous avancez qu'il est mal défini. Évidemment, j'avance que peut-être il ne vous plaît pas, mais, en fait, il est très bien défini.
    Je reviens à la question du droit d'appel et, catégoriquement...
    Le temps est écoulé, je m'excuse.
    Madame Sims, allez-y, je vous prie.
    Merci beaucoup.
    Lorsque nous parlons de dispositions législatives et de choses survenues par le passé, comme je suis enseignante en sciences sociales, j'aime toujours parler aux élèves de choses que nous avons apprises par le passé. L'histoire est un excellent professeur, alors je voulais aborder une partie de notre histoire.
    Le ministre a déclaré que nous avons véritablement appris de nos erreurs passées, comme lorsque nous avons renvoyé le S.S. Saint-Louis en 1939. C'était le bateau qui transportait les réfugiés Juifs allemands.
    À la lumière du projet de loi C-31, croyez-vous que nous avons appris de notre histoire?

  (1140)  

    Non. Je crois qu'il importe de ne pas oublier qui nous sommes. Tous nos parents et nos grands-parents sont venus de l'étranger. J'aimerais répondre à cette question, en ma qualité de petit-fils de réfugiés Juifs de l'Europe. Je crois qu'il est important de demander ce qui serait arrivé aux Juifs allemands à bord du S.S. Saint-Louis en 1939. Vous vous souvenez peut-être que le Canada visait à renvoyer durant l'ère « aucun et c'est déjà trop », lorsqu'aucun réfugié Juif était encore trop, selon le gouvernement Mackenzie King de l'époque. Qu'est-ce qui serait arrivé si le projet de loi C-31 avait été en vigueur en 1939? Eh bien, on aurait déclaré que l'arrivée de ces réfugiés Juifs allemands était irrégulière, car ils étaient arrivés par bateau. Ils auraient été détenus obligatoirement sans mandat pendant un an. Si on leur avait reconnu la qualité de réfugiés, ils n'auraient pas été autorisés à parrainer leurs enfants et leurs conjoints qui étaient dans des camps de concentration en Europe avant 1944, date à laquelle la solution finale était complètement mise en oeuvre. Alors, je ne crois pas que nous ayons appris de l'histoire.
    Nous devons arrêter le chronomètre.
    M. Menegakis invoque le Règlement.
    Monsieur le président, nous parlons du projet de loi C-31. Je crois que M. Goldberg dépeint une situation très hypothétique illustrant ce qui serait arrivé, comment on l'aurait interprété ou appliqué en 1939.
    Je ne sais pas. Je crois qu'il répond à la question. On a soulevé une question au sujet de...
    Je trouve que la question est inappropriée.
    Monsieur Menegakis, je crois que la question a été posée au sujet du bateau qui est arrivé et a tenté d'accoster chez nous en 1939, et on a établi une comparaison avec la loi actuelle. Je crois que la question est pertinente, et la réponse est pertinente.
    Avez-vous autre chose à ajouter, monsieur, ou avez-vous terminé?
    Je signalerais seulement — et, encore une fois, en tant que Juif, pas seulement à titre de membre du Barreau du Québec — que le Canada a présenté des excuses pour avoir détenu les Canado-Japonais. Le Canada a présenté ses excuses pour le S.S. Saint-Louis. De fait, nous tenons maintenant une commémoration de cet événement. Il y a un adage selon lequel ceux qui ne connaissent pas l'histoire sont condamnés à la répéter. Je veux voir mon pays se souvenir du passé, pas seulement en érigeant des monuments commémoratifs, mais aussi en appliquant les leçons apprises aux réfugiés qui arrivent des quatre coins du monde et ont besoin de notre protection aujourd'hui.
    Merci.
    Actuellement, les réfugiés qui arrivent ici ont un certain accès à des titres de voyage. Quelles sont les dispositions actuelles qui régissent la remise de titres de voyage aux réfugiés? Comment la disposition qui refuse des titres de voyage aux réfugiés contrevient-elle à nos obligations internationales?
    Merci pour la question.
    Oui, les réfugiés désignés, en plus de ne pas pouvoir demander la résidence permanente pendant cinq ans, ne peuvent pas demander de titre de voyage pendant cinq ans, ce qui contrevient à la Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés. Dans le cadre de ma profession, je vois nombre de réfugiés voulant désespérément retrouver les membres de leur famille, qui sont parfois dans un camp de réfugiés à l'étranger, par exemple, et j'estime qu'il est inhumain de les priver de ce simple droit fondamental d'avoir un titre de voyage, de jouir d'un droit que nous tenons pour acquis: le droit de voyager. Je ne crois pas qu'il y ait de fondement pour... Encore une fois, nous parlons de gens dont la qualité de réfugié a été reconnue.
    D'une façon, il s'agit d'une forme de détention une fois que la personne a quitté le centre de détention après un an, parce que, maintenant, elle ne peut pas aller n'importe où, même pour rejoindre certains membres de sa parenté et créer des liens avec sa famille.
    La détention obligatoire des ressortissants étrangers désignés contrevient-elle au droit international?
    Assurément. Comme je l'ai mentionné, cette pratique contrevient à la Charte canadienne et, de toute évidence, au droit international et à la Convention de Genève. Le fait de traiter quelqu'un différemment à cause de son mode d'arrivée est en soi contraire au droit international.

  (1145)  

    Merci.
    Monsieur Weston.
    Merci, encore une fois, à nos invités d'être ici.

[Français]

    Je suis membre de trois barreaux, mais pas de celui du Québec; c'est vraiment difficile.
     Lorsque nous pensons aux droits et aux responsabilités, il y a toujours une question d'équilibre. C'est toujours un défi de penser à tous les aspects que nous devons considérer, en tant que législateurs.

[Traduction]

    De toute évidence, vous avez attiré notre attention sur des aspects que nous devons prendre en considération. Dans votre déclaration, vous avez insisté sur la question de l'application régulière de la loi.
    Encore une fois, je crois que nous risquons de tomber dans la fausse dichotomie. Nous risquons d'opposer ceux qui se soucient exclusivement de l'efficience et du contrôle des coûts et ceux qui se soucient exclusivement des droits de la personne. Je crois que c'est probablement une distorsion de ce que nous voyons réellement dans le comité, car chaque membre se soucie des deux aspects.
    Il y a un droit d'appel. Certes, on continue à avoir des recours devant la Cour fédérale aux termes du projet de loi C-31 et il y a un autre droit de contrôler ce processus. Encore une fois, vous jugez peut-être que ce mécanisme est moins robuste, monsieur Goldberg, que ce que vous aimeriez, mais n'oublions pas toutes ces personnes sur les listes d'attente. Il y a des gens dont personne ne contesterait la qualité de réfugié, des gens qui sont venus — comme l'a dit le ministre dans son témoignage — avec des cicatrices sur le dos, qui, autrement, seraient obligés d'attendre en moyenne 21 mois. Ces personnes jouissent maintenant d'une audience accélérée. Alors, nous avons un programme qui permettra de traiter plus rapidement la demande des personnes dont tout le monde reconnaît le fondement, sans éliminer les autres qui n'ont peut-être pas de justification, mais, au moins, ils ont toujours un certain recours dans un pays qui n'a aucune obligation juridique à leur égard, mais une responsabilité morale chère à tous les Canadiens.
    Je veux simplement que vous regardiez cela dans l'optique de la protection de l'intégrité d'un système sous tension, de la protection du soutien démocratique d'un programme d'octroi de l'asile que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre, de la protection de la capacité de le financer, choses qui nous importent à nous tous. Les avocats ont tendance à insister sur la question de l'application régulière de la loi au détriment des autres considérations.
    Monsieur Goldberg, comme vous pouvez vous appuyer sur une analyse historique — c'est notre cas à tous les deux, en raison de notre patrimoine respectif —, puis-je vous demander de le faire et de vous assurer que vous traitez le sujet avec la nuance que nous devons voir pour considérer que vous, comme tous les autres témoins, êtes crédible?
    Je vous suis reconnaissant de la question. C'est une question juste. Je crois que vous avez raison de dire que nous devons concilier plusieurs intérêts différents. Vous avez raison de dire que les réfugiés et la population canadienne ont le droit de s'attendre à un processus rapide, pas un processus qui prend deux ans. C'est pourquoi tous les partis politiques, dont le vôtre, étaient en faveur de la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, qui créerait un système rapide et juste. La Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés prévoit des échéanciers très serrés pour la tenue d'une audience. Il y aurait un droit d'appel, mais selon un processus très rapide; si l'appelant est débouté, il doit partir. Il y a un fort consensus — qu'on soit à gauche ou à droite — pour un système rapide et juste.
    Vous avez mentionné des recours judiciaires. Comme je l'ai dit, il n'y en a pas. Vous ne pouvez pas interjeter appel sur le fond si vous êtes sur une liste de... Il y a sept motifs au paragraphe 36(2) qui justifient l'impossibilité d'interjeter appel sur le fond.
    Vous avez mentionné la Cour fédérale. Malheureusement, il n'y a aucun sursis à la mesure de renvoi — aucun sursis administratif à la mesure de renvoi — pour quelqu'un qui a été débouté par la Section de la protection des réfugiés et se présente devant la Cour fédérale. À quoi bon, alors, avoir accès à un tribunal lorsque vous pouvez être jeté hors du pays avant même que vous obteniez votre audience? C'est ce que je voulais dire.
    Je crois qu'on avait trouvé la solution avec la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, et je crois que les contribuables seraient reconnaissants... Je ne crois pas que les contribuables vont aimer la détention obligatoire de un an. Je crois que cette mesure est extrêmement onéreuse. Elle est onéreuse sur le plan financier pour les contribuables et elle est onéreuse sur le plan de la psychologie humaine, c'est-à-dire lorsque l'on considère ses répercussions sur la santé mentale des personnes.

  (1150)  

    Nous avons parlé de la question de la détention...
    Désolé, mais votre temps est écoulé.
    Je ne crois pas que vous soyez désolé du tout, monsieur le président. Vous n'avez pas l'air désolé.
    Non, vous avez probablement raison. Je m'en fiche.
    Une voix: Oh, oh!
    Le président: Monsieur Giguère.

[Français]

    En tant que membre de votre barreau, cela me fera plaisir de vous poser quelques questions...

[Traduction]

    [Note de la rédaction: inaudible]
    Désolé, monsieur Opitz. Je m'excuse. Vous voyez, je ne m'en fiche pas.
    M. Opitz est le prochain.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Simplement pour clarifier, comme nous discutons du contenu du projet de loi avec l'un de nos témoins, je crois qu'il est très important que nous clarifiions quelque chose.
    Nous devrions tous connaître le contenu du texte législatif dont nous discutons. Je cherche plus à obtenir de l'information qu'à présenter un argument.
    Alors vous n'invoquez pas le Règlement. Nous allons passer à M. Opitz.
    Mme Jinny Jogindera Sims: L'article 36...
    Le président: Non, je m'en fiche.
    Monsieur Opitz.
    Je vais donner mon temps à M. Menegakis.
    D'accord.
    Monsieur Menegakis. Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Opitz, et je remercie nos témoins d'être venus ici aujourd'hui.
    Monsieur Goldberg, dès le début de votre exposé, vous avez clairement dit que vous recommandiez le retrait du projet de loi. Vous avez aussi dit que le projet de loi n'avait rien à voir avec les réfugiés — pour ainsi dire — ni avec l'accélération du processus.
    J'aimerais souligner deux ou trois choses que je crois que vous avez peut-être ratées lorsque vous avez fait votre évaluation. Selon les dispositions du projet de loi C-31, le délai pour parachever la demande d'asile d'un réfugié légitime serait réduit, des 1 038 jours actuels, à 45 jours, dans le cas des demandeurs d'asile de pays d'origine désignés, et à 216 jours pour tous les autres demandeurs d'asile. Je suis persuadé que vous convenez du fait qu'une personne qui fuit la persécution ou le risque de mort ou de torture dans son pays profiterait grandement de l'accélération du processus d'immigration au Canada. Je crois que cela met en valeur — et nous l'avons entendu d'autres témoins — un élément très humain du projet de loi.
    Vous avez mentionné vos enfants. Je vous remercie du fond du coeur d'avoir partagé votre histoire personnelle concernant vos enfants. J'aimerais parler un peu d'autres dispositions du projet de loi C-31 qui nous aideront à identifier les terroristes ou les criminels, peut-être même avant qu'ils arrivent à nos frontières. Nous espérons pouvoir être en mesure de les identifier. Mais, dans le cas contraire, prenons les deux exemples du Sun Sea et de l'Ocean Lady.
    Dans le cas du Sun Sea, cinq personnes ont été refusées; quatre pour des raisons de sécurité et une pour crimes de guerre. Dans le cas de l'Ocean Lady, 19 personnes ont été jugées interdites de territoire pour des raisons de sécurité, et 17 pour des crimes de guerre. Cela fait un total de 41 personnes. Je suis certain que vous — de même que tous les autres Canadiens au pays, seriez horrifiés à l'idée que 41 personnes ayant commis des crimes de guerre ou ayant commis des infractions à la sécurité dans leur pays soient autorisées à vivre dans votre quartier et à être près de vos enfants et de votre famille.
    J'aimerais parler un peu de la question de la biométrie. J'ai entendu, dans le cadre des séances du comité, témoigner des experts, dont des hauts fonctionnaires, de la GRC, du SCRS et de l'ASFC ainsi que des représentants des forces de l'ordre, qui ont confirmé que la biométrie est un outil d'identification du XXIe siècle. C'est un outil conçu pour aider les pays, c'est-à-dire les forces de l'ordre, à repérer les risques ou les risques potentiels. Pourriez-vous parler de cela? Quelles sont vos idées à ce chapitre? Cela met vraiment en lumière des éléments du projet de loi qui comportent un lien très étroit avec les réfugiés et la sécurité des Canadiens.

  (1155)  

    Merci pour votre question. J'ai trois commentaires à faire.
    Premièrement, comme je l'ai dit lorsque j'ai répondu à la question précédente, oui, je crois que l'accélération du processus est importante. Mes clients éprouvent beaucoup de frustration et de tristesse lorsqu'ils doivent attendre aussi longtemps pour obtenir une audience et qu'ils songent à leur famille à l'étranger qu'ils veulent faire venir ici. Ils savent qu'ils ne peuvent pas mettre le processus en branle avant que le système actuel leur ait reconnu la qualité de réfugiés. Ils veulent souvent désespérément obtenir une audience rapidement, et c'est pourquoi, à mon avis, la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés allait fonctionner.
    Vous dites que le projet de loi C-31 est humain car il accélère le processus. Je crois que la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés était humaine. Je crois qu'il n'est pas humain de mettre une personne en prison pendant un an lorsqu'elle n'est même pas accusée d'un crime. Le gouvernement n'aime tout simplement pas son mode d'arrivée.
    Pour répondre au deuxième volet de votre question...
    Je m'excuse. Je ne veux pas vous interrompre, mais, si vous permettez, le mot « prison » ne figure pas dans le projet de loi C-31.
    Vous avez 15 secondes, monsieur Menegakis.
    C'est ce qui va arriver. Les gens à l'extérieur de Montréal, de Toronto et de Vancouver iront en prison avec des criminels reconnus. Même les gens à Montréal, à Toronto et à Vancouver, une fois que les centres de détention de l'Immigration seront remplis, iront en prison avec des criminels reconnus. Alors je crois que le mot « prison » convient.
    Merci, monsieur.
    Puis-je répondre à la question?
    Eh bien, il semble que nous n'allons pas vous laisser le faire, à moins que M. Giguère le fasse.
    Vous avez cinq minutes, monsieur Giguère.

[Français]

    Je vais poser mes questions, qui portent sur la prévisibilité du droit.
    Ce projet de loi ouvre la porte à des pouvoirs discrétionnaires énormes pour le ministre. Le ministre pourrait désigner de son propre choix ce qu'est un pays sûr, ou encore ce qu'est une arrivée irrégulière. Par exemple, l'arrivée d'un bateau avec 500 personnes à bord pourrait être considérée comme une arrivée régulière par le ministre, alors que l'arrivée d'un autre bateau en provenance d'un autre pays pourrait être considérée comme une arrivée irrégulière. Cela relèverait d'un choix discrétionnaire du ministre.
    C'est la même chose pour la question de la résidence permanente. Établir qu'un pays passe de pays dangereux à pays sûr relèverait encore d'un choix discrétionnaire.
    Pour ce qui est du recours aux droits humanitaires, le ministre pourrait intervenir à n'importe quelle étape pour définir la possibilité d'accorder un droit pour des raisons humanitaires.
    Pouvez-vous nous indiquer quelles seraient les conséquences de l'ensemble de ces pouvoirs discrétionnaires sur la prévisibilité du droit?
    Merci de la question.
    Le Barreau du Québec est très préoccupé par les pouvoirs discrétionnaires dévolus à un seul ministre. Nous trouvons inacceptable qu'un ministre puisse déclarer un pays entier comme étant un pays sûr. Chaque cas doit être étudié selon ses qualités propres. On ne peut pas dire, par exemple, que le Mexique est un pays sûr, car beaucoup de personnes y sont assassinées chaque année et des femmes sont battues par leur mari. Il se peut que plusieurs personnes au Mexique soient en sécurité. Or, d'autres personnes peuvent être en danger de mort ou encore être battues par leur mari. La situation pour les homosexuels est un exemple parmi plusieurs autres.
    Le problème se pose également pour les étrangers désignés. Dans une démocratie où la règle de droit prévaut, il est très important d'avoir des automatismes régulateurs, d'avoir des freins et contrepoids, d'avoir un pouvoir judiciaire pour évaluer les décisions du gouvernement.
    Si vous me le permettez, j'aimerais compléter la réponse à votre question, monsieur le député.
    La prévisibilité du droit est un élément fondamental. On parlait plus tôt de règle de droit. Dans ce contexte, la prévisibilité est essentielle pour préserver la confiance du public dans le système. Dès lors que le public perd cette confiance, dès lors que cette prévisibilité n'existe plus, c'est tout le système qui est menacé.
    En ce sens, vous avez raison de dire que la prévisibilité est essentielle.
    Je vous remercie beaucoup.
    On a parlé des commentaires...

[Traduction]

    Je crois que notre temps est écoulé. Désolé, monsieur Giguère.

[Français]

    Il n'y a pas de problème.

[Traduction]

    Je vais prendre un instant pour conclure, ici, alors je vous remercie.
    J'aimerais remercier le bâtonnier, M. Goldberg et Mme Chamass d'être venus. Je n'ai jamais entendu autant de rappels au Règlement, alors, de toute évidence, vous avez suscité de l'intérêt, et nous vous sommes reconnaissants de votre expertise. Merci beaucoup d'être venus.

  (1200)  

    Merci beaucoup.
    Je rappelle aux membres de prendre tous leurs documents importants avec eux cet après-midi. Je ne laisserais rien sur mon bureau. Je crois que nous avons eu des problèmes hier, alors veuillez tout emporter.
    Nous allons reprendre la séance ici à 15 h 30.
    La séance est levée.
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