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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 056 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 31 octobre 2012

[Enregistrement électronique]

  (1555)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 56e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration tenue le mercredi 31 octobre 2012. Notre séance est télévisée. Selon l’ordre du jour, nous étudions aujourd’hui le projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, conformément à l’ordre de renvoi du 16 octobre 2012.
    Mesdames et messieurs, je vous présente mes excuses. Nous sommes en retard en raison des votes. Nous allons répartir le temps qui nous est imparti entre les deux groupes. Nous avons deux invités.
    Nous recevons Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie internationale Canada, et je présume qu’Anna Shea vous accompagne.
    Nous accueillons également par vidéoconférence Tom Stamatakis, président de l’Association canadienne des policiers, qui se trouve à Regina, en Saskatchewan.
    Monsieur Neve, vous êtes notre premier intervenant.
    Je suis heureux d’être parmi vous cet après-midi et d’avoir l’occasion de vous communiquer les préoccupations et les recommandations d’Amnistie internationale concernant le projet de loi C-43.
    Depuis plus de 25 ans maintenant, Amnistie internationale, formule des observations et présente des mémoires au Parlement concernant les changements apportés aux lois canadiennes portant sur l’immigration et sur la protection des réfugiés et ce, régulièrement. Bien entendu, notre priorité a toujours été de nous assurer que ces lois respectaient les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, que ce soit relativement à la protection des réfugiés, relativement à l’interdiction visant la torture, relativement aux droits des enfants, relativement à l’équité et à la non-discrimination, relativement à des procès justes et à l’application régulière de la loi ou relativement à d’autres droits fondamentaux qui sont enchâssés dans le droit international.
    Nous reconnaissons que la nécessité de s’assurer que les droits de la personne sont complètement protégés par les lois, les politiques et les pratiques ayant trait à l’immigration et aux réfugiés crée des difficultés et des tensions, que ce soit des tensions engendrées en tentant de concilier vitesse et efficacité avec équité et justice ou, comme c’est le cas dans le projet de loi C-43, en tentant de répondre aux préoccupations concernant la criminalité et la sécurité, tout en respectant entièrement d’importantes normes en matière de droits de la personne.
    Amnistie internationale est bien entendu un organisme de surveillance des droits de la personne. Il n’a pas un mandat particulier à remplir par rapport à l’immigration, aux politiques relatives aux réfugiés, à l’application de la loi ou à la justice pénale. Notre rôle consiste à rappeler aux gouvernements, y compris le gouvernement canadien, qu’ils ont accepté des obligations contraignantes en matière de droits de la personne et qu’ils doivent absolument veiller à leur respect.
    Amnistie internationale comprend certainement le fait qu’il est non seulement acceptable, mais souvent essentiel que le gouvernement canadien utilise la loi sur l’immigration pour exclure ou renvoyer du Canada des personnes qui représentent une menace pour la sécurité publique et nationale du pays, y compris lorsqu’on craint qu’ils aient commis des crimes graves, qu’ils aient participé à des actes terroristes ou qu’ils soient liés à des menaces connexes.
    Aujourd’hui, j’aimerais vous indiquer que nous sommes préoccupés, parce que l’approche adoptée à cet effet, dont nous observons le reflet dans le projet de loi C-43 et qui, dans certains cas, tire parti des dispositions qui figurent déjà dans la loi canadienne sur l’immigration ou les complète, soulève un certain nombre de préoccupations réelles et prioritaires liées à trois principaux domaines: la responsabilité, la protection et l’accès à la justice. Permettez-moi d’aborder brièvement chacun de ces domaines.
    Premièrement, en ce qui concerne la responsabilité, au cours des quelque 10 dernières années, Amnistie internationale a souvent mentionné, avec inquiétude, que, lorsque le Canada est aux prises avec une personne qui tente d’entrer sur son territoire ou qui a déjà réussi à le faire et que cette personne fait l’objet d’allégations crédibles de responsabilité à l’égard de crimes internationaux graves, comme les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, la torture et le terrorisme, le Canada a recours, dans la majeure partie des cas, à des mesures d’immigration, comme l’interdiction de territoire ou l’expulsion, pour régler le problème.
    Très souvent, le résultat est le suivant: les graves accusations de violation des droits de la personne qui pèsent contre la personne ne sont pas gérées d’une façon qui garantit la justice, par exemple, en remettant la personne à un tribunal international compétent, en l’extradant afin qu’elle soit traduite en justice dans un autre pays, ou en enquêtant sur elle et en intentant des poursuites contre elle au Canada. Cela va à l’encontre de nombreuses obligations internationales qui exigent que le Canada s’assure que les personnes de ce genre sont traduites en justice, entre autres, en vertu de la Convention des Nations Unies contre la torture et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
    Nous craignons que les dispositions du projet de loi C-43, que ce soit l’article 8 qui élargit considérablement le pouvoir discrétionnaire du ministère afin de lui permettre d’interdire l’entrée au Canada à certaines personnes, ou les restrictions qui ont été apportées au séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger et à l’initiative du ministre ainsi qu’aux droits d’appel dans les articles 9, 10, 18 et 24, contribuent seulement à accroître énormément la tendance à utiliser des mesures d’immigration. S’il est encore plus facile et plus rapide d’expulser quelqu’un, la probabilité qu’une cause soit examinée adéquatement du point de vue du droit pénal international en sera réduite d’autant.
    À l’heure actuelle, rien dans les lois canadiennes n’officialise l’obligation légale du Canada d’avoir recours à l’extradition ou aux poursuites judiciaires, au lieu de se contenter d’options comme l’interdiction de territoire ou l’expulsion. Nous croyons fermement qu’il est temps de combler cette lacune. Cette question est trop importante pour dépendre de politiques et de décisions budgétaires. Notre mémoire, que nous remettrons au comité après l’audience — il n’est pas encore disponible en français — propose un ajout au projet de loi qui définit clairement l’obligation du Canada d’avoir recours à l’extradition ou aux poursuites judiciaires dans des cas appropriés, conformément à ses obligations juridiques internationales.

  (1600)  

    Permettez-moi de passer maintenant à nos préoccupations concernant la protection. Le projet de loi  C-43 limite ou supprime un certain nombre de mécanismes d’appel et de séjour pour motif d’ordre humanitaire qui, en ce moment, donnent une dernière occasion de répondre à des préoccupations concernant des violations des droits de la personne qui pourraient suivre le renvoi d’une personne dans un autre pays. On craint peut-être que la personne subisse des tortures ou d’autres graves violations des droits de la personne dans le pays où elle va être expulsée. On peut s’inquiéter de savoir ce qui est dans l’intérêt des enfants qui restent au Canada ou des perturbations que l’expulsion occasionnera à la famille.
    Toutes ces facettes constituent des obligations fondamentales en matière de droits de la personne, et non des aspirations politiques ou des enjeux sociaux. Ce sont des obligations en matière de droits de la personne qui figurent dans d’importants traités internationaux comme la Convention sur les réfugiés, la Convention contre la torture, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention relative aux droits de l’enfant, c’est-à-dire des traités qui doivent tous être honorés par le Canada.
    Les décisions rendues par les tribunaux canadiens soutiennent que le Canada doit tenir compte de ces obligations internationales dans ses lois et ses pratiques en matière d’immigration. En limitant ou en supprimant ces possibilités d’appel ou de séjour pour motif d’ordre humanitaire, on accroît la probabilité que les préoccupations de ce genre restent sans réponse.
    L’importance de maintenir ces possibilités d’appel et ces autres mesures d’ordre humanitaire est encore plus manifeste lorsqu’on prend en considération la vaste portée de ces dispositions d’exclusion. La suppression du séjour pour motif d’ordre humanitaire aux articles 9 et 10, dans les cas de terrorisme, de violations des droits de la personne et de crime organisé, pourrait bien s’appliquer à des gens qui n’ont jamais été accusés d’aucun crime, et encore moins condamnés pour une infraction, quelle qu’elle soit, et elle pourrait même s’étendre à des gens qui ne représentent pas eux-mêmes un danger ou une menace pour la sécurité.
    Dans certaines de ses anciennes études, le Conseil canadien pour les réfugiés a fait ressortir les effets néfastes que les dispositions de ce genre ont sur les anciens membres du Congrès national africain et sur les membres de groupes qui s’opposent à des gouvernements répressifs, comme le régime de Kadhafi en Libye et l’administration Pinochet au Chili.
    Les restrictions apportées au droit d’appel à l’article 24 s’appliquent même aux résidents permanents qui ont été condamnés à six mois ou plus d’emprisonnement au Canada ou qui, dans un autre pays, ont été reconnus coupables d’un crime passible au Canada d’une peine maximale d’au moins 10 ans. Ce seuil est très bas. En elle-même, cette condition s’applique à des crimes commis au Canada tels que le fait de cultiver aussi peu que six plants de marijuana à des fins de trafic, d’utiliser un dispositif d’enregistrement dans un cinéma et de blesser du bétail. Et lorsque l’on songe aux crimes commis à l’étranger, cela soulève évidemment des inquiétudes concernant des accusations et des procès injustes ou liés à des motifs politiques, l’utilisation de la torture et d’autres graves lacunes qui sont endémiques dans les systèmes de justice de nombreux pays.
    Une audition d’appel est le mécanisme qui permet de prendre en considération toutes ces facettes, soit la nature des accusations, la gravité ou la bénignité du crime, le caractère injuste des condamnations prononcées à l’étranger, et les violations des droits de la personne qui surviendront si l’expulsion a lieu.
    Par conséquent, Amnistie internationale recommande vivement que les articles 9, 10, 18 et 24, qui proposent de limiter ou de supprimer le séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger ou à l’initiative du ministère, soient éliminés du projet de loi. Ces séjours représentent un moyen indispensable de s’assurer que les droits de la personne sont protégés. Mais ils garantissent également la possibilité que de graves préoccupations concernant la criminalité et la sécurité soient prises en compte.
    La dernière question que j’aimerais soulever brièvement est celle de l’accès à la justice. En supprimant ces moyens de faire appel ou d’obtenir un séjour pour motif d’ordre humanitaire à la suite de la délivrance d’une ordonnance d’expulsion, on élimine un mécanisme essentiel, en ce sens que ces moyens constituent une façon de protéger les gens contre des violations des droits de la personne, comme je viens de vous l’exposer. Ce qu’ils représentent, à savoir l’accès à la justice, est en soi une préoccupation en matière de droits de la personne. Le droit international reconnaît depuis longtemps que l’expulsion n’a rien d’une mesure ordinaire. Bien que ce ne soit peut-être pas l’équivalent d’une peine imposée à la fin d’une affaire criminelle, l’expulsion envoie un message tout aussi fort de châtiment et de désapprobation sociétaire, qui s’accompagne de terribles conséquences pour la personne qui en fait l’objet.

  (1605)  

    C’est pourquoi on reconnaît depuis longtemps, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale, que l’expulsion doit être entourée de protections procédurales solides. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU, qui est l’organisme compétent des Nations Unies chargé de contrôler et de mettre en oeuvre le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a insisté sur le fait que cela signifie que toute personne frappée d’une ordonnance d’expulsion devrait avoir l’occasion d’interjeter appel de son ordonnance, à moins qu’elle soit justifiée par des « raisons impérieuses » de sécurité nationale.
    La vaste portée de l’article, qui limite les possibilités d’appel et de séjour pour motif d’ordre humanitaire dans le projet de loi C-43, dépasse de loin ce qu’exigeraient des raisons impérieuses de sécurité nationale.
    Pourriez-vous conclure, monsieur? Bien que nous ayons des problèmes techniques, il se peut que vous puissiez poursuivre éternellement.
    Je n’ai plus qu’une phrase à prononcer.
    Allez-y alors.
    Par conséquent, ces dispositions devraient être supprimées, ne serait-ce que pour cette raison supplémentaire, c’est-à-dire le fait qu’elles violent des droits importants reconnus mondialement qui ont trait à l’accès à la justice.
    Voilà les observations que je souhaitais formuler.
    Merci, monsieur.
    Monsieur Stamatakis, pouvez-vous nous entendre?
    Bonjour. Oui, je peux vous entendre.
    Excellent. Cela m’inquiétait.
    Monsieur, vous disposez d’un maximum de 10 minutes pour donner votre exposé. Je vous remercie de prendre le temps de nous parler.
    Merci, monsieur le président, merci, chers membres du comité.
    Je suis heureux de comparaître devant vous aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-43, Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers. Je témoigne aujourd’hui en ma qualité de président de l’Association canadienne des policiers, une organisation qui représente plus de 50 000 agents d’exécution de la loi de première ligne qui travaillent dans plus de 160 services de police distincts, établis partout au Canada. Nos membres comprennent des agents de police relevant d’organismes fédéraux, provinciaux, municipaux et autochtones.
    Bien que je sois conscient que le projet de loi C-43 compte un certain nombre de dispositions de grande envergure, j’aimerais axer ma brève déclaration préliminaire sur les sections de la mesure législative qui traitent précisément du processus simplifié de renvoi d’auteurs de crimes graves à l’extérieur du pays et sur la raison pour laquelle ce processus est manifestement l’une des priorités de notre organisation.
    La nuit du 16 juin 1994, les agents du service de police de Toronto Todd Baylis et Mike Leone patrouillaient à pied un ensemble de logements sociaux situé sur la Trethewey Drive dans l’ouest de Toronto, lorsqu’ils ont rencontré Clinton Gayle, un jeune homme d’origine jamaïcaine. Gayle était un trafiquant de drogue chevronné, âgé de 26 ans. Ses poches étaient remplies de sacs de crack, et il portait une arme de poing de neuf millimètres, chargée à bloc. Clinton Gayle a frappé l’agent Baylis et a tenté de fuir les lieux. Il a été rattrapé par les deux jeunes agents de police de Toronto, et une fusillade a éclaté. Tragiquement, l’agent Baylis a reçu une balle dans la tête et a perdu la vie dans l’exercice de ses fonctions, après seulement quatre années de service. Il a laissé dans le deuil sa famille, ses amis et ses collègues qui continuent d’honorer son sacrifice.
    Malheureusement, c’est l’un des dangers très réels qu’affrontent quotidiennement nos policiers. Ce qui rend ce cas particulièrement tragique et la raison pour laquelle je comparais devant vous aujourd’hui, c’est que cette mort était tout à fait évitable. Si seulement les dispositions du projet de loi C-43 avaient été en vigueur à cette époque.
    Clinton Gayle était sous le coup d’une ordonnance d’expulsion, parce que son casier judiciaire comportait un certain nombre de condamnations criminelles découlant de diverses infractions graves liées à la drogue, au port d’armes et à des voies de fait. Malgré ces condamnations, Clinton Gayle avait tiré parti de sa période d’incarcération pour interjeter appel de son ordonnance d’expulsion. À la fin de sa peine d’emprisonnement, il a été mis en liberté par un représentant officiel du ministère de l’Immigration, après avoir versé une maigre caution de 2 000 $.
    Nous savons maintenant que de 1990 à 1996, le gouvernement a déployé un certain nombre d’efforts pour expulser M. Gayle, efforts qui, en fin de compte, se sont avérés infructueux. La bureaucratie et l’utilisation abusive de notre système par un criminel connu sont les facteurs qui ont entraîné le meurtre tragique de l’un de nos collègues, l’agent Baylis, ainsi que les blessures graves qu’a reçues son partenaire, l’agent Leone.
    Soyons clairs. La nation canadienne est très forte en raison des immigrants qui viennent ici pour enrichir nos collectivités en partageant leur culture. Les services de police des quatre coins du pays — de Vancouver où j’ai travaillé à titre d’agent de police à Halifax, en passant par toutes les villes qui les séparent — comptent un certain nombre d’immigrants de première et deuxième générations qui servent quotidiennement leur pays adoptif avec honneur et fierté, et j’en suis un.
    Malheureusement, il y a des gens qui viennent au Canada et qui choisissent de ne pas respecter nos lois. En fait, en me préparant pour ma comparution d’aujourd’hui, j’ai été étonné de noter que, depuis 2007, selon le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, une moyenne de 900 appels d’ordonnance d’expulsion sont déposés annuellement par des auteurs de crimes graves, soit plus de 4 000 au total. Nous pouvons sûrement nous entendre pour dire que nos collectivités seraient plus en sécurité et que la tâche de nos policiers serait facilitée, si nous simplifiions le processus en renvoyant ces problèmes de sécurité aussi rapidement que possible.
    Selon le système actuel, les criminels qui purgent une peine de moins de deux ans ont le droit de déposer un appel auprès de la Section d’appel de l’immigration. L’ACP appuie entièrement les mesures prévues par le projet de loi pour réduire cette condition, de sorte qu’elle corresponde à des peines de moins de six mois. Nous soutenons également les nouvelles mesures qui visent à rendre l’accès à la Section d’appel de l’immigration plus difficile pour les criminels qui ont été condamnés à une peine d’emprisonnement à l’extérieur du Canada.
    Ces solutions pleines de bon sens sont requises pour aider nos membres à protéger leurs collectivités. Le problème tient essentiellement au fait que les criminels que nous appréhendons sont de plus en plus conscients qu’il y a des façons de déjouer le système. Ils abusent des processus qui ont été mis en place avec la meilleure des intentions.
    Encore une fois, monsieur le président, chers membres du comité, je vous suis reconnaissant de m’avoir permis de vous parler aujourd’hui des circonstances tragiques de la mort de l’agent Baylis. C’est avec plaisir que je m’efforcerai de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir concernant l’Association canadienne des policiers ou notre appui de la mesure législative proposée.
    Merci.

  (1610)  

    Merci, monsieur, de votre exposé. Les membres du comité auront des questions à vous poser.
    Monsieur Opitz.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, monsieur Neve, le projet de loi C-43 ne change en rien la résolution du Canada à expulser des gens du pays, ou plutôt vers un pays, vers des pays dans lesquels ils risquent d'être persécutés, alors je crois que vous avez peut-être tort de le laisser entendre. En outre, j'ai retenu de votre exposé que vous parliez surtout des droits des criminels. Je ne vous ai pas entendu parler des droits des victimes de ces criminels.
    Monsieur, j'aimerais connaître l'opinion d'Amnistie sur le droit des Canadiens à ne pas être les victimes de criminels, comme dans le cas que M. Stamatakis vient de décrire.
    Manifestement, les gouvernements n'ont pas que des droits, mais aussi des obligations. Ils doivent obligatoirement prendre des mesures rigoureuses en matière de droit pénal et aussi de droit de l'immigration pour enrayer la criminalité, c'est-à-dire pour prévenir les crimes, intervenir quand ils se produisent, et répondre aux besoins des victimes. Tout à fait. Dans le cadre du travail qu'elle accomplit depuis des décennies pour défendre les droits de la personne dans le monde entier, Amnistie Internationale a formulé d'importantes recommandations concernant les façons pour les gouvernements de le faire.
    Parallèlement, d'autres questions de droits de la personne sont en jeu dans ce genre d'affaires. Amnistie Internationale ne dit absolument pas que les criminels graves devraient rester au Canada. Je ne l'ai pas dit dans l'exposé que je viens de faire, il n'en est pas non plus question dans notre document d'information, et nous n'avons jamais laissé entendre une chose pareille.
    Nous avons fait valoir que les procédures d'appel ou les mécanismes de secours humanitaires sont des options importantes pour faire en sorte que l'on soit en mesure de faire un examen rigoureux et indépendant de l'affaire dans son ensemble, pour veiller à ce que l'on comprenne et l'on aborde les préoccupations concernant les crimes graves, mais aussi pour comprendre qu'il pourrait être nécessaire de tenir compte d'autres préoccupations légitimes au plan des droits de la personne s'il s'agit d'une affaire dans laquelle l'aspect criminel n'est pas aussi grave.
    Lorsque vous étiez membre du CISR, avez-vous recommandé l'expulsion de criminels graves?
    J'étais membre de la section du statut, pas de la section d’appel de l’immigration, alors je décidais d'accorder ou non le statut de réfugié. Je ne m'occupais pas d'expulsion.
    Très bien.
    Monsieur Stamatakis, selon le CISR, il y a en moyenne 850 criminels graves qui interjettent un appel à la SAI chaque année pour retarder leur expulsion. Diriez-vous que ce nombre est important? En quoi vous préoccupe-t-il? Encore une fois, il s'agissait en moyenne de 850 criminels graves.
    Je crois que le nombre est important dans le contexte de mon exposé et des dispositions qui définissent ce qu'est un criminel grave. Je crois qu'au Canada, pour se voir imposer une peine d'emprisonnement de six mois, il faut avoir commis un crime grave.
    Pour un agent de première ligne, qu'il s'agisse d'un acte criminel dans le cadre duquel des innocents d'ici sont victimes de violence ou d'autres abus semblables, ou d'un crime en col blanc dans le cadre duquel des personnes perdent toutes leurs économies et sont détruites, lorsqu'une peine d'emprisonnement de six mois est imposée, il s'agit selon moi d'un crime grave, et j'estime que 800, c'est trop.
    Je comprends ce que vous dites, en passant. J'ai beaucoup d'amis dans la police et je les ai accompagnés dans leurs patrouilles. Je connais leur situation, surtout dans certaines zones plus dangereuses.
    Cela dit, monsieur, j'ai été choqué d'apprendre que pendant plusieurs années, des criminels qui ont été inadmissibles pour les motifs les plus graves, et cela comprend entre autres des criminels de guerre, des personnes qui enfreignent les droits de la personne et des membres du crime organisé, ont été en mesure de retarder leur expulsion du Canada simplement en présentant des demandes pour motifs d'ordre humanitaire et de compassion. Cela est, en fait, contraire à la nouvelle politique d’exclusion des criminels de guerre du Canada.
    J'ai une question en trois parties, mais je vais y aller une partie à la fois.
    Êtes-vous d'accord avec la disposition contenue dans le projet de loi C-43 qui prévoit de ne plus permettre à ces criminels graves d'invoquer des motifs d'ordre humanitaire et de compassion pour retarder leur expulsion? Commençons par celle-là. Aimeriez-vous que je la répète?

  (1615)  

    La question m'est-elle adressée?
    Oui, monsieur.
    Oui, je suis d'accord. De toute évidence, je présume que l'on mettrait en place la réglementation et les processus appropriés pour faire en sorte que nous ayons des renseignements légitimes à cet égard, mais je suis d'accord avec cette affirmation.
    Selon vous, quelle incidence cela a-t-il sur les personnes respectueuses des lois qui présentent des demandes pour des motifs d'ordre humanitaire et de compassion de bonne foi et pour des raisons véritables? En permettant à des criminels graves d'invoquer les mêmes motifs, croyez-vous que cela influera sur des personnes décentes et travailleuses qui cherchent à commencer une nouvelle vie et qui présentent une demande dans le cadre du même programme ou au titre des mêmes dispositions d'ordre humanitaire et de compassion?
    Je ne suis aucunement expert, mais si j'en juge par mon expérience du système de justice pénale, je dirais que lorsque des gens interjettent appel de décisions et accaparent les ressources du système, cela pourrait signifier que les demandes des personnes respectueuses des lois qui cherchent à obtenir le statut de réfugié de façon légitime ou la permission d'immigrer au Canada pourraient être retardées. L'autre chose qui pourrait se passer c'est que d'un côté, vous pourriez vous retrouver face à un criminel grave et de l'autre, une personne qui cherche de façon légitime à venir s'établir au Canada. Cela crée une atmosphère qui pourrait influer négativement sur une demande légitime.
    Je suis certain qu'en tant qu'agent de police vous en êtes bien conscient. Quelle incidence cela a-t-il sur les collectivités, par exemple, où des victimes de ces criminels de guerre résident? Dans une collectivité en particulier, pourrait-il y avoir des problèmes d'intimidation? Pourrait-il y avoir de la coercition dans certaines collectivités parce que des personnes de ce genre s'y trouvent? Avez-vous eu cette expérience?
    Bien sûr. Si vous avez participé à des activités de sensibilisation auprès des collectivités, lorsque les gens apprennent, dans certains cas, qu'une personne trouvée coupable de crimes de guerre dans une autre partie du monde arrive au Canada et, dans certains cas, vit même dans le voisinage, cela cause énormément d'angoisse dans cette collectivité ou ce quartier, c'est certain.
    Merci, monsieur Opitz.
    Madame Sims.
    Merci beaucoup. Merci à vous deux de vos exposés.
    À la dernière réunion lundi, le comité a entendu le témoignage de M. Andrew Brouwer, un représentant du Conseil canadien des réfugiés. M. Brouwer s'est dit profondément préoccupé par un certain nombre d'aspects du projet de loi C-43, notamment les dispositions qui feraient en sorte que des personnes soient jugées inadmissibles pour des raisons de sécurité ou pour cause de violations des droits de la personne ou des droits internationaux sans avoir recours à des mécanismes pour établir leur innocence ou demander que l'on examine leurs circonstances personnelles exceptionnelles pour des motifs d'ordre humanitaire ou de compassion.
    La question s'adresse à vous, monsieur Neve. Pourriez-vous s'il vous plaît nous dire quelle serait l'incidence sur les réfugiés et les résidents permanents et temporaires au Canada des modifications proposées pour interdire l'accès à une procédure d'appel aux personnes jugées inadmissibles pour des raisons de sécurité ou pour cause de violations des droits de la personne?
    On a souvent tendance à voir les dispositions relatives aux appels et les dispositions relatives au secours humanitaire comme quelque chose qui retarde l'inévitable expulsion, et elles ralentissent donc un résultat final nécessaire. Par contre, il importe aussi de reconnaître qu'il s'agit vraiment de mesures de sécurité pour veiller à ce que la décision d'expulser soit la bonne, qu'il s'agisse d'un appel interjeté devant la section d'appel de l'immigration ou d'autres possibilités de secours humanitaire.
    C'est une possibilité, souvent la seule, de faire en sorte que les circonstances personnelles impérieuses, qui supposent souvent des obligations en matière de droit humanitaire international, le risque d'expulsion vers un pays pratiquant la torture, le risque de séparer des jeunes enfants de leurs parents, le risque de ne pas agir dans l'intérêt des enfants et autres types de questions, soient prises en compte et évaluées comme il se doit. Par conséquent, on décide à juste titre d'expulser en ayant tenu compte de toutes les circonstances.
    En éliminant ces mécanismes d'appel et de secours humanitaire et la capacité de les invoquer, ces mesures de protection des droits de la personne disparaîtront du système canadien. Cela aura des conséquences très négatives sur un grand nombre de résidents permanents et d'autres non-citoyens ainsi que sur leurs familles. Je crois que nous devons reconnaître que l'incidence et les conséquences de l'élimination des mécanismes d'appel et de secours vont beaucoup plus loin.

  (1620)  

    Merci.
    Le projet de loi C-43 stipule aussi que les résidents permanents qui commettent un crime pour lequel ils sont condamnés à une peine d'emprisonnement de six mois ou plus perdent le droit d'interjeter appel. C'est un droit dont ils jouissent maintenant, le droit d'interjeter appel d'une mesure de renvoi auprès de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada.
    Nous avons entendu des témoignages de divers groupes selon lesquels diverses circonstances requièrent un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, même pour les résidents trouvés coupables de crimes, par exemple lorsqu'un résident a passé la majeure partie de sa vie au Canada et a un lien faible ou inexistant avec le pays de sa naissance; le résident souffre de problèmes de santé mentale qui sont à l'origine de son crime; et les circonstances familiales du résident au Canada militent en faveur d'un sursis conditionnel à l'exécution de la mesure de renvoi pour des motifs d'ordre humanitaire ou de compassion.
    Comment votre organisation perçoit-elle l'élimination du droit d'interjeter appel d'une mesure de renvoi pour les résidents condamnés à purger une peine d'emprisonnement de six mois ou plus? La loi devrait-elle donner à tous les résidents permanents, y compris ceux qui sont trouvés coupables d'un crime, le droit d'interjeter appel auprès de la CISR?
    Nous répondons dans l'affirmative. Le signe distinctif d'un système de justice fort est l'accès à la justice, et les procédures d'appel en constituent un élément essentiel. Il ne s'agit pas de garder des criminels graves au Canada. Il ne s'agit pas de chercher des façons de retarder leur expulsion. Il s'agit de veiller à ce que la bonne décision soit prise, en tenant compte de toutes les circonstances que vous avez évoquées et peut-être d'autres.
    Je pense que le premier point que vous avez soulevé est très notable, en particulier la question des personnes qui ont passé non seulement la majeure partie, mais parfois la quasi-totalité de leur vie au Canada et qui, pour bien des raisons, n'ont jamais obtenu la citoyenneté, se sont retrouvés du mauvais côté de la loi et ont un casier judiciaire. Il est très problématique de présumer que c'est, en quelque sorte, la faute du pays d'origine et non la responsabilité du Canada même. Il est donc très troublant d'éliminer les dispositions d'appel dans ces circonstances.
    Merci beaucoup.
    Lorsque nous entendons parler d'erreurs opérationnelles, ainsi que de problèmes au plan de l'administration des lois en vigueur, il y a des éléments qui peuvent vraiment nuire à la sûreté et à la sécurité des Canadiens. Lorsque le ministre est venu la semaine dernière, il a mentionné des erreurs opérationnelles qui avaient retardé l'expulsion de Clinton Gayle, qui a ensuite abattu l'agent Todd Baylis. Ce qu'il n'a pas mentionné a été la nature grave de ces erreurs, dont la perte du dossier de Gayle et le fait que lorsque les responsables l'ont trouvé et ont tenté de hâter son expulsion, ils n'ont pas fourni les documents de voyage nécessaires; ils lui ont plutôt dit de se rendre au consulat à Toronto et de les obtenir lui-même. Bien sûr, il est ensuite entré dans la clandestinité.
    Êtes-vous d'accord pour dire qu'une meilleure administration de nos lois actuelles en matière d'immigration contribuerait à protéger les Canadiens et à prévenir de futurs crimes? Avez-vous des recommandations à formuler sur ce point?
    Je crois que c'est un point très important, pas seulement dans ce domaine, mais dans toutes sortes d'autres. C'est facile d'être tenté de présumer que le fait de durcir les lois est la panacée qui réglera tous nos problèmes. Il arrive souvent que ce ne soit pas une question de dispositions légales. La loi existe déjà, et elles contient toutes sortes de dispositions légales, bien entendu, qui montrent clairement que les criminels graves devraient être expulsés du Canada.
    Au bout du compte, c'est une question d'opérationnalisation. Ça revient aux ressources fournies et à l'évaluation continue que l'on fait des systèmes pour veiller à ce que les problèmes opérationnels soient cernés lorsqu'ils surviennent et corrigés.
    On a fait un travail important au fil des ans, y compris des rapports du vérificateur général, et on a employé d'autres méthodes pour jeter l'éclairage sur certains de ces enjeux opérationnels.

  (1625)  

    Merci.
    Monsieur Lamoureux.
    Monsieur Stamatakis, j'ai une question concernant un commentaire que vous avez fait et un commentaire que le ministre de l'Immigration a fait lorsqu'il s'est adressé au comité quant aux 850 criminels et plus qui interjettent appel tous les ans.
    Je me préoccupe en partie de la formulation et de l'interprétation du libellé de ce projet de loi. Ce qui est arrivé à l'agent Baylis est tragique. Je crois que tous les Canadiens du Nord au Sud et d'Est en Ouest seraient bouleversés par ce récit, et nos pensées et nos prières accompagnent sa famille.
    Cela étant dit, on fait constamment référence à 850 criminels graves. Savez-vous dans quelles catégories ils se divisent? De quels types de criminels graves est-il question?
    Non, je n'ai pas reçu de document dans lequel ils étaient divisés en catégories et j'aimerais bien en voir un. Cela dépend de la définition de criminel grave qu'on utilise; dans mes commentaires, j'utilise celle du projet de loi et aussi celle qui existait déjà.
    S'il est question de personnes qui sont emprisonnées ou ont été condamnées à purger une peine de six mois ou même de deux ans, c'est là que le nombre 850 devient un problème de taille. Nous pouvons parler de crimes commis dans les collectivités au pays et montrer clairement que les auteurs représentent un faible pourcentage de la population. Mais si nous parlons de personnes qui se sont vu imposer des peines d'emprisonnement, même de six mois, si j'en juge par mon expérience de policier de première ligne, cela signifie que ces personnes commettent des centaines d'infractions.
    Ces 850 pourraient en fait être associés à un nombre considérable d'infractions si nous parlons de criminels graves. Voilà pourquoi je dis, à titre de policier de première ligne, que c'est un nombre élevé. Même dans les grandes villes, nous pouvons voir de très petits nombres de personnes impliquées dans des activités criminelles chroniques qui victimisent les Canadiens à répétition parce qu'elles commettent un crime après l'autre. Lorsqu'elles comparaissent devant un juge, accusées parfois de plus d'une centaine d'entrées par effraction, par exemple, elles sont condamnées pour quelques-unes d'entre elles; leur peine est négociée, et souvent, il ne s'agit même pas d'une peine d'emprisonnement. Il peut s'agir d'une période de probation ou d'une peine avec sursis, si bien que...
    Je dois vous interrompre parce qu'il ne me reste que deux ou trois minutes.
    Compte tenu de la nature et du nombre de crimes graves que le ministre a signalés, croyez-vous que le ministre devrait avoir l'obligation de fournir des renseignements concernant les types de crimes graves, que ce soit au présent comité ou même à quelqu'un comme vous, étant donné le poste que vous occupez? Serait-il utile de connaître la nature de ces 850 crimes ou même s'ils se concentrent dans certaines régions? Serait-il utile que le ministre transmette ces informations au comité?
    Je ne suis pas certain d'être placé pour formuler des commentaires à cet égard. Je crois que plus vous avez d'informations, y compris sur les types de crimes commis par ces individus, plus les membres du comité et tous ceux qui ont discuté du projet de loi C-43 ou d'autres questions concernant la politique en matière d'immigration seront informés.
    Monsieur Neve, je veux revenir à vous brièvement. Les membres de la famille qui n'ont pas le droit d'obtenir des visas de visiteurs de l'étranger parce que leurs conjoints, par exemple, pourraient être impliqués dans le crime organisé sont pénalisés, même s'il pourrait s'agir de personnes formidables et remarquables en elles-mêmes. Avez-vous une opinion sur la façon dont ce projet de loi concrétisera cette situation s'il est adopté?
    C'est l'une des nombreuses préoccupations qui ont été soulevées lorsque l'on a tenté de s'imaginer l'incidence non seulement théorique mais aussi pratique du projet de loi sur la vie des gens. Votre exemple, que j'ai déjà entendu, est excellent. Il souligne l'importance d'un recours discrétionnaire dans de telles circonstances, objectif nécessaire et admirable. On s'assurait ainsi qu'il n'y aurait pas de décision injuste ou encore d'injustice commise dans de tels cas sans la possibilité de redresser la situation.

  (1630)  

    Merci, monsieur Lamoureux.
    Madame James.
    Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins.
    Monsieur Stamatakis, merci beaucoup d'être venu aujourd'hui. Je suis heureuse que vous ayez parlé de l'agent Todd Baylis. Mon père, qui est à la retraite depuis longtemps, était agent de police, donc cet incident particulier m'a touchée. J'ai grandi à Toronto. Moi-même et ma famille avons certes été attristées, mais je ne peux même pas m'imaginer ce qu'ont ressenti sa fiancée et sa famille. Je vous remercie d'en avoir parlé à ce comité.
    Vous avez indiqué que M. Gayle était un revendeur de drogues. Todd Baylis a malheureusement interrompu une transaction de crack. Encore une fois, merci d'en avoir parlé au comité.
    Je vais vous poser une question dans un instant, mais j'aimerais tout d'abord en poser une à M. Neve.
    Dans votre déclaration, vous avez mentionné que vous étiez contre le projet de loi. Vous avez indiqué que l'on pourrait expulser quelqu'un qui aurait commis un crime aussi minime que le fait d'avoir en sa possession six plants de marijuana. Ce que vous n'avez pas dit, c'est qu'il ne s'agit pas seulement de possession; il y a aussi l'intention de vendre de la drogue.
    Ma question est la suivante: croyez-vous que le trafic de stupéfiants est une infraction sérieuse?
    Bien sûr. En fait, j'avais bien « aux fins de les revendre » dans mes notes. Je ne l'ai peut-être pas dit, c'était un oubli. C'est bel et bien dans mes notes.
    Oui, nous comprenons que le trafic de stupéfiants est une infraction grave. Nous ne mettons pas l'accent sur le trafic de stupéfiants, mais plutôt sur le seuil de tolérance très bas qui consiste à avoir en sa possession six plants de marijuana.
    Cela ne veut pas dire...
    Pour les revendre.
    D'accord, mais j'aimerais tirer les choses au clair. Nous ne disons pas forcément que quiconque a été trouvé coupable de cette infraction ne devrait pas être expulsé, nous disons qu'il faudrait prévoir des mécanismes de recours et d'appel afin de s'assurer que les circonstances sont prises en considération.
    Votre point est valide. Je voulais indiquer que la personne accusée de trafic de stupéfiants, que ce soit du crack ou encore des plants de marijuana, peut se prévaloir du processus d'appel du système judiciaire. Les personnes peuvent en appeler d'une condamnation si elles estiment avoir été faussement accusées ou victimes d'une erreur judiciaire.
    Vous savez bien que le système judiciaire autorise les recours en appel, n'est-ce pas?
    Je le sais très bien. Je suis moi-même juriste.
    Merci beaucoup.
    Cependant, vous parlez d'autre chose. Nous parlons d'expulsion et non de condamnation.
    Merci.
    La prochaine question s'adresse à M. Stamatakis.
    Vous avez parlé du revendeur de crack. Aurait-il pu également être un revendeur de marijuana...
    À mon avis, c'est certainement possible que...
    Il aurait pu s'agir d'un dealer qui faisait pousser six plants de marijuana avec l'intention de les revendre qui a tué un agent de police. Le trafic de stupéfiants, c'est le trafic de stupéfiants. Ai-je bien raison?
    Le trafic de stupéfiants, c'est le trafic de stupéfiants. Nous avons eu des agents grièvement blessés ou tués dans l'exercice de leurs fonctions par des gens qui ne participaient même pas à une activité criminelle au moment des faits.
    Je travaille comme policier de première ligne et je suis du même avis que les membres de notre association. Nous souscrivons au principe du processus juste. C'est l'un des piliers de notre société et l'une des valeurs fondamentales du Canada, mais il faut trouver un équilibre entre le droit des Canadiens de vivre dans leurs maisons et de ne pas devenir victimes de crimes, et les droits des personnes trouvées coupables de graves infractions criminelles. Ce sont des gens que nous voyons tout le temps, des gens qui continuent à commettre des crimes pendant qu'ils font appel de leur condamnation. Je vous dis que les Canadiens ne devraient pas servir de cobayes.
    Merci.
    L'autre témoin, M. Neve, a laissé entendre quelque part qu'une meilleure administration aurait peut-être protégé l'agent Todd Baylis.
    D'après ce que je sais du système pénal, une personne trouvée coupable de trafic de stupéfiants purge sa peine et est ensuite libérée. À votre avis, un trafiquant de stupéfiants qui est capable de tuer un policier sera-t-il toujours aussi capable de commettre un tel crime une fois relâché?

  (1635)  

    Oui, il serait très capable de le faire et nous le voyons régulièrement. C'est vrai qu'il y a eu des problèmes administratifs dans le traitement du dossier d'expulsion de M. Gayle. Cependant, je suis d'avis que plus le délai de prescription d'un appel est long et plus la durée de l'appel est longue, plus il devient probable de constater ce type de problèmes administratifs qui font que certaines personnes passent par les mailles du filet.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste une minute.
    Puisque vous êtes membre de l'association des policiers, vous connaissez sans doute très bien les statistiques en matière de criminalité et autre sujets connexes. Le Canada a-t-il vraiment besoin d'un autre trafiquant de stupéfiants?
    Non, nous en avons déjà bien suffisamment. Nul besoin de les importer.
    Merci beaucoup.
    J'ai une dernière question... mais je commence à manquer de temps.
    Monsieur Neve, vous avez parlé des diverses façons de protéger les particuliers. Dans le projet de loi, il est question de criminels de guerre, de terroristes et de violeurs des droits de la personne. J'aimerais savoir quand il sera question de protéger nos citoyens canadiens et nos frontières. À votre avis, quand le Canada devient-il la priorité?
    J'aimerais corriger quelque chose pour le compte rendu. Je n'ai rien dit sur le cas de M. Gayle, dont j'ignore tout. C'est l'un des députés du NPD qui en a parlé.
    J'ai bien noté cependant qu'il a été clairement établi que des difficultés opérationnelles ont souvent expliqué le retard dans l'exécution des ordonnances d'expulsion. Encore une fois, je ne connais pas du tout le cas de M. Gayle.
    Êtes-vous en mesure de répondre à la question? Quand les Canadiens deviendront-ils la priorité?
    Oui je peux le faire, mais je voulais d'abord clarifier les choses pour le compte rendu.
    Il n'est pas question d'accorder la priorité à quelqu'un, il est question de respecter nos obligations en matière de respect des droits de la personne. Amnistie internationale est très active en ce qui concerne les criminels de guerre, les auteurs de crimes contre l'humanité et encore d'autres. Je l'ai bien indiqué au début.
    Nous nous préoccupons du fait que la justice ne soit pas servie par un recours excessif à l'expulsion. Si nous sommes confrontés à des personnes qui ont commis ce type de crimes graves, l'expulsion ne fait qu'accroître la possibilité qu'elles s'en sortent en toute impunité. Nous devrions...
    Croyez-vous qu'il incombe au Canada de...
    Je suis désolé. Il faut s'arrêter là.

[Français]

    Madame Groguhé, vous avez la parole pour deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être présents parmi nous aujourd'hui. Monsieur Neve, je ne dispose pas de beaucoup de temps alors je serai brève.
    Un des buts du projet de loi C-43 est, selon le gouvernement, de faciliter le renvoi de criminels étrangers dangereux. Pensez-vous que le fait, pour un criminel étranger, d'utiliser le recours que lui reconnaît la Charte est un abus? D'après vous, peut-on concilier le respect des droits fondamentaux et le recours à la déportation accélérée des criminels? Si oui, de quelle manière?

[Traduction]

    Ni la Charte des droits et libertés, ni un seul des traités internationaux en matière de droits de la personne auxquels j'ai fait référence dans mes déclarations ne sont des instruments qui pourraient être perçus comme étant des moyens ouvrant droit à un abus quelconque. Il s'agit de certains des documents les plus fondamentaux qui existent dans notre système judiciaire et dans le système judiciaire international. Chacune de nos lois devrait être promulguée de façon à assurer le respect de ces normes en tout temps, même dans des cas difficiles lorsqu'il s'agit de quelqu'un qui est accusé d'un crime grave ou qui soulève des préoccupations en matière de sécurité. Ce sont dans de tels cas que les normes sont les plus mises à l'épreuve, mais ce n'est pas le moment d'en faire fi.

[Français]

    La suppression d'un recours permettant aux personnes interdites de territoire pour des raisons de sécurité, d'atteinte aux droits humains ou internationaux ou de criminalité organisée augmente la possibilité que ces personnes soient renvoyées. Le gouvernement devrait-il tenir compte des conséquences pour le pays d'accueil lorsque ces personnes sont renvoyées?

  (1640)  

[Traduction]

    Bien sûr que non. Nous devons nous assurer qu'il existe des moyens, des recours qui permettent d'infirmer une décision prévoyant le renvoi d'un particulier dans son pays lorsqu'il y a violation de ses droits. C'est pour cela que nous avons besoin de ces recours.
    Merci.
    Malheureusement, il ne nous reste plus de temps. Je vous présente mes excuses, monsieur Neve et monsieur Stamatakis, pour le peu de temps dont nous avons disposé, mais nous devions passer au vote.
    J'aimerais vous remercier tous les deux, ainsi que Mme Shea, d'être venus aujourd'hui pour nous aider à mieux comprendre le projet de loi.
    Nous ferons une pause de quelques minutes.

  (1640)  


  (1640)  

    Nous allons reprendre. Silence, s'il vous plaît. Vous pourrez continuer votre discussion dehors. Merci.
    Deux témoins doivent comparaître et nous avons déjà un peu de retard. Monsieur Bissett et madame Rosenfeldt, merci d'être venus.
    M. Bissett, qui a déjà comparu devant le comité de nombreuses fois, représente le Centre pour une Réforme des Politiques d'Immigration. Bon après-midi, monsieur.
    Madame Rosenfeldt, votre renommée fait que je ne sais pas si vous êtes déjà venue comparaître ici ou si je vous ai vue ailleurs, mais vous représentez Victimes de violence, et nous sommes heureux de vous accueillir.
    Vous disposez de 10 minutes chacun pour faire votre déclaration.
    Nous commencerons par Mme Rosenfeldt.
    On voit bien mon âge. Je cherchais mes lunettes et elles se trouvent sur ma tête.
    Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie d'avoir invité notre organisation, Victimes de violence, à faire une déclaration aujourd'hui.
    Nous sommes ici pour appuyer le projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui porte le titre abrégé de Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers.
    Je vais vous parler brièvement de notre organisation. Nous visons un système de justice qui serait plus équilibré grâce à des dispositions législatives et à la sensibilisation du public.
    Victimes de violence a été constituée en 1984 pour défendre les droits des victimes de crimes et pour accroître la sécurité des Canadiens respectueux des lois en s'attaquant aux problèmes du système de justice pénale du Canada.
    Grâce aux efforts inlassables de nombreux bénévoles, dont la plupart sont victimes de crimes violents, nous avons réalisé beaucoup de progrès en vue d'accomplir notre mission. Victimes de violence travaille avec le gouvernement depuis 30 années déjà afin d'accorder l'importance qui se doit à la sécurité du public et aux droits des victimes.
    Victimes de violence a travaillé avec des centaines de victimes individuelles, afin de les aider à se retrouver dans le labyrinthe bureaucratique et d'obtenir la justice au sein du système de justice pénale. Notre travail pour le compte des victimes de crimes touche parfois d'autres ministères, comme c'est le cas aujourd'hui.
    À ce jour, le gouvernement a effectivement écouté les victimes et les Canadiens respectueux des lois qui veulent que nos lois fassent la distinction entre la majorité des contrevenants, pour lesquels la réinsertion est une possibilité réaliste, et les récidivistes, pour lesquels le système de justice pénale et correctionnelle est une porte tournante, groupe dans lequel sont compris les étrangers qui violent régulièrement nos lois.
    Nous sommes d'avis qu'à la longue, les mesures prévues par le projet de loi C-43 ne mettront pas plus de criminels étrangers derrière les barreaux, mais aideront plutôt à garder au Canada les gens qui devraient y être. C'est ce que recherchent les victimes de crimes.
    Le projet de loi C-43 répond-il à tous les problèmes de la société vis-à-vis de l'immigration et des réfugiés? Bien sûr que non. Est-ce la seule revendication des victimes? Non, mais il constitue un élément nécessaire et important.
    Pour assurer la sécurité des collectivités canadiennes, il faut disposer d'un système d'immigration efficace. Aussi faut-il exercer ces pouvoirs à bon escient pour promouvoir le plus grand bien-être des citoyens.
    Nous croyons que des lois raisonnables contribuent au bien-être de tous et défendent les intérêts de chacun, tandis que des lois illogiques et partiales accordent tous les droits à une petite tranche de la population, au grand détriment des autres. Aujourd'hui, il s'agit des victimes de crimes graves commis par des étrangers au Canada.
    Si les systèmes de justice traditionnels n'ont jamais offert de solutions idéales du point de vue de la victime, la société moderne a toutefois cherché à offrir une protection étendue à la victime grâce à des lois de justice pénale et à des systèmes de sécurité sociale.
    Le projet de loi C-43, longuement attendu, a été conçu en partie pour faciliter l'entrée au Canada de visiteurs et d'immigrants légitimes, tout en dotant le gouvernement d'outils juridiques plus musclés pour interdire l'entrée à ceux qui pourraient représenter un risque. L'élément le plus important aux yeux des victimes de crimes, c'est l'expulsion du Canada des personnes ayant été trouvées coupables de crimes graves par notre système judiciaire équitable.
    Nous sommes d'accord avec le ministre Kenney qui a déclaré que la vaste majorité des néo-Canadiens ne commettraient jamais de crime grave et ainsi ne toléreraient jamais la petite minorité qui sévit et qui a perdu le privilège de rester au Canada.
    Nous sommes également d'accord avec le ministre Kenney qui a avancé les principes de l'application régulière de la loi et de la justice naturelle de l'état de droit. Nous sommes d'accord pour dire que même les criminels étrangers déclarés coupables devraient pouvoir défendre leur cause devant un tribunal et bénéficier de l'application régulière de la loi.
    Il croit, tout comme nous, que ces gens ne devraient pas être expulsés sans que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada n'examine leurs dossiers. Toutefois, le ministre Kenney n'est pas d'accord pour que les dossiers de ces gens-là traînent devant les tribunaux pendant d'innombrables années et qu'il y ait abus de notre processus équitable.
    Victimes de violence abonde dans le même sens que le ministre. Le projet de loi mettrait un terme à l'exploitation du système.
    Le projet de loi prévoit des mesures décisives et s'impose comme une évidence à notre pays et à ses citoyens respectueux de la loi. Il envoie un message selon lequel les règles d'engagement ont changé au Canada et les gens qui viennent ici et violent nos lois ne pourront plus le faire impunément.

  (1645)  

    J'aimerais attirer l'attention du comité sur une question que je n'ai trouvée dans aucune de mes recherches sur le projet de loi C-43.
    Je demanderais aux membres du comité de prendre en considération ce que la criminalité coûte aux victimes. Les crimes violents et graves ne coûtent pas seulement de l'argent aux contribuables; ils représentent également des pertes de vies humaines, des pertes de parents, des perturbations de l'ordre public et des pertes de confiance dans l'administration de la justice pénale.
    En 2008, le ministère de la Justice a publié un rapport qui présentait les coûts approximatifs de la criminalité. Selon ce rapport, les coûts tangibles de la criminalité, qui comprenaient les services policiers, les tribunaux, les services correctionnels, les soins de santé, les coûts pour les victimes, etc., s'élevaient à environ 31,4 milliards de dollars. Les coûts intangibles, qui incluaient la douleur et la souffrance, les pertes de vie, etc., étaient plus de deux fois plus élevés: ils atteignaient un total de 68,2 milliards de dollars.
    Je demande la permission au comité de déposer ce rapport. Je ne l'ai pas en main, mais je veillerai à ce que la greffière en reçoive une copie qu'elle pourra vous transmettre.
    En conclusion, nous croyons que le projet de loi C-43 permet au système d'immigration du Canada de répondre aux besoins réels et pressants que le ministère de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme éprouve en ce moment. Nous pensons également qu'il prépare le système aux nouveaux défis qui pourraient survenir dans l'avenir. Nous sommes convaincus que si toutes les modifications contenues dans le projet de loi C-43 sont appuyées et adoptées, la sécurité des Canadiens s'en trouvera améliorée.
    Tous les Canadiens ont le droit de vivre dans des collectivités sûres. Le ministère de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme devrait réagir rapidement et efficacement à toute atteinte à ce droit.
    Merci beaucoup.

  (1650)  

    Merci, madame Rosenfeldt.
    Monsieur Bisset, bienvenue encore une fois parmi nous. Comme vous le savez, vous avez droit à 10 minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis toujours ravi de me présenter devant le comité.
    Je travaille dans le secteur de l'immigration et des réfugiés depuis presque 36 ans. Le domaine le plus difficile de la gestion de l'immigration a toujours été l'application des lois liées à l'arrestation et au renvoi des personnes qui entrent illégalement au pays ou qui restent après l'expiration de leur statut juridique ou après avoir été reconnues coupables de crimes graves.
    À mon avis, les mesures prévues dans le projet de loi C-43 devraient être adoptées à l'unanimité. Elles constituent une première étape modeste qui se fait attendre depuis longtemps dans la réforme d'un système de renvoi qui s'est révélé inefficace. J'ai beaucoup d'exemples, mais le plus récent est probablement celui du Rwandais qui a été renvoyé du Canada cette semaine. Il était accusé de génocide et de crimes contre l'humanité. Nous avons pris connaissance de son cas en 2002, et il a fallu toutes ces années pour enfin le renvoyer, après de multiples révisions de son dossier et de nombreux appels.
    L'exemple le plus frappant d'abus de notre système est l'affaire Mahmoud Mohammad Issa Mohammad. Je pense que je vous ai déjà parlé de lui. Il était assassin et terroriste pour le Front populaire de libération de la Palestine. Il a attaqué un avion israélien sur le tarmac à Athènes, armé d'une mitrailleuse et de grenades. Il a tué un homme d'affaires juif et blessé une agente de bord avant d'être arrêté. Il est arrivé au Canada en 1987. Lorsque nous avons appris qu'il était au pays, nous avons ordonné son expulsion. Il est toujours ici. L'affaire est encore devant les tribunaux.
    Il y a deux ou trois ans, le Globe and Mail a publié un article selon lequel son cas avait coûté trois millions de dollars aux contribuables canadiens à ce jour. Je doute que nous réussirons un jour à nous débarrasser de lui. Il n'est pas accusé de terrorisme, il a été reconnu coupable de terrorisme.
    Nous devons placer le projet de loi C-43 dans le contexte d'un système d'immigration qui est affaibli par la difficulté de renvoyer des gens qui ont fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion et d'empêcher les pires criminels d'entrer au pays. De nombreuses raisons expliquent ce fait. Je vais me servir de mon temps de parole pour en mentionner quelques-unes.
    Malheureusement, l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, selon lequel chacun a droit à l'application régulière de la loi, pose une partie du problème. On n'y fait pas de distinction entre les citoyens canadiens et les résidents autorisés. Toute personne qui arrive au pays ou même dans nos eaux internationales est protégée par la Charte.
    Les obligations imposées par la Charte sont peut-être fondées sur de bonnes intentions, mais elles nuisent certainement au renvoi rapide de personnes qui sont des criminels étrangers ou qui constituent un danger pour la sécurité et qui ont fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion, puisqu'elles ont tous droit à de nombreux processus de révision et d'appel. Elles peuvent plaider leur cause non seulement pendant des mois, mais aussi pendant des années, dans la plupart des cas — pour ne pas dire dans tous les cas — aux frais des contribuables.
    Comme M. Neve l'a déjà dit, nous avons aussi des obligations en vertu de la Convention des Nations Unies en ce qui touche le renvoi de personnes dans des pays où elles pourraient êtres maltraitées ou torturées. C'est un autre instrument qui nous empêche de renvoyer de très mauvaises personnes qui devraient être expulsées du Canada. L'Allemagne et le Royaume-Uni ont surmonté cet obstacle en concluant un accord avec le pays d'origine qui garantit à leurs fonctionnaires consulaires le droit de visiter les prisons et de vérifier que les personnes ne sont pas maltraitées.
    Un autre facteur est le nombre très élevé de demandes d'immigration que nous avons reçues au cours des 10 ou 15 dernières années. En raison de ce volume, les agents d'immigration à l'étranger rencontrent ou passent en entrevue très peu d'immigrants. Tout est fait sur papier. Beaucoup d'immigrants arrivent de pays où la fraude, la tromperie et la contrefaçon sont presque endémiques; nous laissons donc entrer de nombreuses personnes qui ne devraient probablement pas être ici.
    En outre, notre système d'asile est unique au monde: il permet à toute personne de tout pays d'entrer au Canada et de déclarer qu'elle est victime de persécution. Tout ce qu'elle a à faire, c'est le dire, et on la laisse automatiquement entrer. Elle a ensuite le droit d'être entendue par un tribunal quasi judiciaire, ce qui peut prendre deux à trois ans. Si sa demande est rejetée — elle doit vraiment être réfugiée —, il est extrêmement difficile de la renvoyer.

  (1655)  

    Le dernier rapport du vérificateur général indique que nous avons perdu la trace de plus de 40 000 demandeurs d'asile déboutés.
    Le manque d'effectif d'application de la loi constitue un autre facteur. L'Agence des services frontaliers du Canada n'a tout simplement pas assez d'agents pour s'occuper d'un certain nombre de cas très sérieux. Les agents font de leur mieux, mais ils ne sont pas assez nombreux. Par le passé, le Canada n'a pas pris de mesures vigoureuses pour appliquer la loi en matière d'immigration.
    Ces dernières années, les travailleurs étrangers temporaires sont entrés au pays en très grand nombre. Les casiers judiciaires ne sont pas vérifiés dans la majorité des cas. Ces gens entrent tout simplement au Canada, la plupart sans passer d'entrevue. Le 31 décembre de l'an dernier, il y avait plus de 300 000 travailleurs étrangers temporaires au pays. S'ils quittent leurs emplois, personne ne connaît leurs allées et venues ou ce qu'ils font. C'est une autre faiblesse de notre système qui, contrairement à ceux de bien d'autres pays, ne permet pas de garantir et de contrôler le départ des gens et de surveiller les travailleurs étrangers temporaires ou les visiteurs. Cette faiblesse rend l'application des lois en matière d'immigration très problématique.
    Enfin, l'immigration est selon moi une des principales questions qui concernent le Canada. C'est une des grandes questions de notre époque, pour notre pays et bien d'autres. La migration massive de millions de personnes n'est pas terminée. En fait, elle va s'amplifier si les changements climatiques et la violence continuent de sévir dans bien des régions du monde. Nous devons être en mesure de gérer la situation et de contrôler les immigrants de façon efficace.
    Les gens migrent pour améliorer leur qualité de vie, pour fuir la violence ou pour donner un meilleur avenir à leurs enfants. Mais si la migration est chaotique et que nous laissons les mauvaises personnes entrer au pays, tout le système peut être mis à mal.
    D'après moi, si nous ne pouvons pas établir qui doit entrer au pays, qui doit être tenu à l'écart et qui doit être renvoyé, nous avons bel et bien perdu notre souveraineté. C'est pourquoi j'espère que, même s'il ne répond pas à bien des questions que j'ai soulevées, le projet de loi C-43 constitue une première mesure de réforme fondamentale du système pour accepter les gens que nous voulons, refuser ceux que nous ne voulons pas et renvoyer les criminels ou ceux qui ont compromis la sécurité nationale.
    Merci.
    Merci, monsieur Bissett. Nous allons poser des questions aux deux témoins.
    Monsieur Weston.
    Madame Rosenfeldt, à titre de parent, je vous remercie d'être ici et, surtout, de ce que vous faites pour notre pays. Félicitations d'avoir reçu récemment la médaille du jubilé de diamant de la reine. C'est un honneur de vous recevoir ici aujourd'hui.
    Monsieur Bissett, merci d'être revenu et de votre témoignage très clair qui nous est utile.
    Permettez-moi de parler du recours aux motifs d'ordre humanitaire, qui sont invoqués pour protéger des criminels de guerre au Canada et retarder leur expulsion.
    Pouvez-vous parler davantage de la disposition du projet de loi C-31 qui vise à empêcher un criminel de guerre reconnu de reporter son expulsion?

  (1700)  

    À mon avis, c'est clair que les motifs d'ordre humanitaire servent à repousser l'expulsion. C'est un des problèmes que le projet de loi tente de surmonter.
    Concernant le Rwandais expulsé cette semaine, sa femme et ses enfants sont ici. On pourrait dire que c'est inhumain de l'expulser, mais quel est l'équilibre à atteindre? Cet homme a participé au génocide. Il a été accusé de crimes contre l'humanité. Nous l'expulsons dans son propre pays. Pourquoi devrions-nous lui permettre de rester au Canada?
    Oui, il faut tenir compte des motifs d'ordre humanitaire avant chaque expulsion. Mais selon moi, nous devons avant tout protéger les Canadiens et veiller à ce que les criminels ne récidivent pas ici.
    Merci.

[Français]

    Si quelqu'un commet un crime et qu'il est condamné à une peine de 10 ans ou plus dans son pays d'origine, il peut quand même immigrer au Canada. Convenez-vous du fait que le projet de loi C-43 changera cette façon de faire?

[Traduction]

    D'après ce que je comprends du projet de loi, je crois que la disposition est bonne et qu'elle atteint son objectif.
    Êtes-vous d'accord?
    Tout à fait.
    Monsieur Bissett.
    Je suis tout à fait d'accord.
    Le problème, c'est que nous ne savons pas si les immigrants qui affirment au point d'entrée qu'ils sont persécutés dans leurs pays ont été condamnés à 10 ans d'emprisonnement. Aucune vérification judiciaire n'est effectuée. Nous laissons entrer les gens qui arrivent ici et qui affirment tout simplement être persécutés.
    Si la commission établit que l'immigrant est bel et bien un réfugié, le processus d'obtention du statut d'immigrant admis s'amorce. Nous pourrions découvrir trois ou quatre ans plus tard qu'en fait, la personne a un casier judiciaire très chargé. C'est là que le processus d'expulsion commence.
    Je répète que, sans l'adoption du projet de loi C-43, la personne peut interjeter appel à tous les niveaux, invoquer des motifs d'ordre humanitaire, demander une autorisation d'appel à la Cour fédérale et faire en sorte, comme bien d'autres, de bloquer et de ralentir le processus.
    Vous avez parlé de l'entrevue, une question que vous avez évoquée dans l'exposé et durant un autre témoignage devant le comité. Vous avez mentionné plusieurs aspects, comme la difficulté de passer en entrevue le grand nombre de gens qui veulent immigrer au Canada.
    Pour avoir pratiqué le droit, j'ai été très surpris de voir que nous ne pouvons pas forcer les gens qui présentent un risque pour la sécurité à passer une entrevue avec le SCRS.
    Voulez-vous parler du fait que le projet de loi C-43 permet pour la première fois de contraindre la personne qui a déjà représenté un risque pour la sécurité à subir une entrevue avec le SCRS?
    Je suis tout à fait d'accord. Une autre faiblesse de notre système, c'est que nous ne pouvons pas obliger les gens à se plier à certaines mesures.
    Le système présente de graves problèmes. Heureusement, le Canada n'a pas connu d'incident terroriste très grave comme aux États-Unis, en Espagne et en Angleterre. Mais avant que ça arrive... Je pense que, très souvent, les Canadiens ne prennent pas les actes terroristes très au sérieux, parce qu'aucun n'est survenu au pays. Nous devons nous rappeler que ça peut arriver.
    Selon ce que j'entends, vous soutenez tous les deux nos très généreux systèmes d'immigration et d'asile et vous comprenez l'importance de respecter la procédure établie. Pour reprendre les paroles de Mme Rosenfeldt, les gens doivent être en sécurité à la maison et se sentir en sécurité. Ces mesures rétablissent l'équilibre au profit du bon sens, de la logique et de la sécurité.
    Des commentaires?

  (1705)  

     Durant l'examen du projet de loi C-43, j'ai été très étonnée moi aussi par le laxisme qui sévit durant tout le processus au fil des ans. Je suis tout à fait d'accord que le projet de loi profite aux Canadiens qui observent la loi.
    Je pense qu'un certain nombre d'immigrants choisissent justement de venir au Canada parce que c'est un pays très sécuritaire. Même si j'ai souvent témoigné devant des comités et parlé de crimes violents, etc., la sécurité dans notre beau pays attire les immigrants.
    Je n'aimerais pas que les dispositions du projet de loi C-43 ne soient pas prises au sérieux.
    Merci, monsieur Weston.
    Madame Péclet, bienvenue au Comité de l'immigration. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup aux témoins de leurs exposés.
    Je vais commencer par parler des priorités, la sécurité et les ressources, dont vous avez parlé dans vos exposés.
    Ma question s'adresse à Mme Rosenfeldt et comporte deux volets.
    Le gouvernement n'a pas tenu ses promesses de 2006 d'avoir plus de policiers sur le terrain et dans les rues pour que nos collectivités soient plus sécuritaires. Il devrait peut-être accorder la priorité à la sécurité et à la protection, au lieu de renforcer la loi, qui n'est pas l'essentiel du problème à l'heure actuelle. Veuillez commenter le premier volet de ma question. Nous parlons de crimes commis dans les collectivités. La solution, c'est peut-être d'accorder la priorité à la sécurité et au renforcement des effectifs sur le terrain pour protéger les Canadiens contre le crime.
    Voici le deuxième volet de ma question. Concernant l'enquête fédérale liée à l'affaire Clinton Gayle, l'ancien sous-ministre adjoint de l'immigration a dit que le système a tout simplement échoué. Il a précisé qu'à l'époque, la priorité du ministère était de cibler les demandeurs d'asile déboutés en fuite, plutôt que les criminels pour augmenter le nombre d'expulsions.
    Que pensez-vous de cette priorité? Êtes-vous d'accord que les ressources doivent servir à trouver les criminels et qu'il faut s'employer à les expulser, au lieu de mettre l'accent sur les demandeurs d'asile déboutés?
    Oui, c'est pourquoi j'ai parlé de 31,4 milliards de dollars dans mon exposé. Cette somme comprend les coûts liés aux tribunaux, à la police, etc. Nous estimons que, si les lois et les ordres d'expulsion étaient plus stricts, nous pourrions peut-être allouer certains montants à la consolidation des effectifs policiers au pays.
    Nous devons trouver un équilibre. Je ne comprends pas pourquoi vous avez dit qu'il faut choisir entre examiner avec soin les ordres d'expulsion et renvoyer des criminels étrangers qui commettent des crimes ici. Je souligne que nous soutenons l'application régulière de la loi. Nous parlons de criminels étrangers qui ont été condamnés, pas de gens accusés d'un délit, qui n'ont pas subi de procès ou ce genre de choses. Nous parlons de condamnés.
    Nous travaillons avec les victimes de crimes perpétrés par des immigrants qui ont commis des crimes très graves et qui peuvent être expulsés. Le processus prend beaucoup de temps. Certaines victimes doivent trouver refuge dans des maisons pour femmes battues, d'autres doivent quitter le Canada. Les criminels étrangers condamnés causent toutes sortes de problèmes au Canada.

  (1710)  

[Français]

    En fait, la loi existe déjà, mais si certaines personnes n'ont pas été en mesure de l'appliquer, c'est autre chose. Je vais toutefois passer à un autre sujet.
    Pour justifier la présentation d'un projet de loi, le gouvernement a utilisé plusieurs cas très médiatisés afin de créer une sorte de politique de la peur. Nous sommes d'accord pour dire que ces cas sont vraiment ignobles. Par contre, ils ne représentent pas la toute la réalité ou, autrement dit, le portrait global de la situation. Ce qu'il fait est dommage.
    On parle ici de la communauté immigrante et des réfugiés. À ce sujet, je peux vous dire que depuis environ sept ans, 250 000 immigrants sont arrivés chaque année au Canada, ce qui fait un total d'environ 1 750 000 personnes. Les cas auxquels vous avez fait allusion dans vos présentations et auxquels le gouvernement a également fait allusion ne sont qu'une goutte d'eau dans une mer d'immigrants. Ces personnes font partie de nos communautés et participent à la vie économique ainsi qu'à notre culture canadienne. Je pense qu'il serait important de rappeler au ministre et au gouvernement qu'une simple goutte d'eau dans tout un océan ne justifie pas la présentation d'une loi qui, par ailleurs, existe déjà.
    J'aimerais entendre vos commentaires sur une citation du ministre concernant Jackie Tran. Il est intéressant de se pencher sur un blogue. Je vais citer Raj Sharma, un ancien agent d'immigration qui est maintenant partenaire dans une firme qui se spécialise en droit de l'immigration, à Calgary:

[Traduction]

Sans parler du soulagement qu'auraient ressenti la plupart des gens de Calgary, l'expulsion de M. Tran n'améliore pas la sécurité ou ne réduit pas la violence croissante commise par les gangs de rue de Calgary. En fait, la plupart des criminels sont Canadiens et ne peuvent pas être expulsés. Le renvoi de M. Tran repose moins sur son casier judiciaire que sur son impopularité et le fait qu'il est devenu en quelque sorte le représentant du crime organisé à Calgary.

[Français]

    À partir de cette citation, j'aimerais d'abord que vous me disiez en quoi, selon vous, la déportation d'un tel individu est pertinente en regard de la sécurité des Canadiens.

[Traduction]

    Merci, le temps est écoulé.
    Monsieur Lamoureux.
    Les deux témoins pourraient répondre à ma question.
    Je me suis toujours questionné à propos du titre du projet de loi, Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers, qui est très éloquent. Il y a environ 1,5 million de résidents permanents. Les étrangers en question sont des résidents permanents. Des milliers vivent bien sûr au Canada depuis 15 ans ou plus et n'ont pas pu obtenir la citoyenneté pour une raison ou une autre, peut-être parce qu'ils travaillent fort. Autrement dit, bien des résidents exemplaires font des erreurs de temps à autre, comme le reste de la population. Ils ont peut-être enfreint la loi et commis un crime grave, mais pourquoi peuvent-ils être expulsés, au bout du compte? Parce qu'ils n'ont jamais obtenu la citoyenneté canadienne.
    Par exemple, un homme de 23 ans qui faisait pousser six plants de marijuana va être expulsé et ne peut pas interjeter appel, même si ses parents sont arrivés au Canada il y a 15 ans. Ces derniers peuvent rester, mais leur fils sera expulsé. Cet étudiant est peut-être allé en vacances aux États-Unis ou ailleurs pour célébrer le diplôme universitaire qu'il a décroché. Il ne pourra pas faire appel, parce qu'il n'est pas citoyen, mais seulement résident permanent.
    Je suis d'accord concernant la gravité des crimes et les cinq exemples que le ministre donne toujours. Je pense que la plupart des Canadiens sont d'accord, mais en réalité, bien des gens qui font partie du 1,5 million de résidents permanents au Canada et qui vont faire des erreurs sont de bonnes personnes. Faut-il les traiter différemment? Si ces gens sont au Canada depuis 15 ou 20 ans et qu'ils contribuent à la croissance économique, aux programmes sociaux, etc., pourquoi doivent-ils être expulsés sans pouvoir interjeter appel, à cause d'une erreur stupide?
    Cela vous paraît-il juste et équitable?

  (1715)  

    Je suis sûr que ça ne paraît pas équitable pour bien des gens, mais les cas dont vous avez parlé sont très rares. J'ai moi-même travaillé à certains cas de ce genre. C'est malheureux à bien des égards. Je répète que je ne connais aucun cas de renvoi du Canada qui ne pénalise personne. Mais un homme de 23 ans qui peut être expulsé s'il reçoit une peine de plus de six mois ne devrait pas commettre de crime.
    Il faut se rappeler que les criminels qui reçoivent une peine de plus de six mois peuvent porter leur affaire en appel devant les tribunaux. Nous ne leur imposons pas une peine d'emprisonnement. Dans la plupart des cas, nous renvoyons les gens dans leurs pays. Nous ne faisons que les expulser du Canada, parce qu'ils n'ont pas respecté leurs obligations.
    Le renvoi de ces personnes sert d'exemple aux autres immigrants. Ceux qui font mal paraître leur communauté doivent être expulsés. Les autres immigrants sont en faveur du renvoi de ces criminels.
    Madame Rosenfeldt.
    Savez-vous quelle quantité de marijuana peuvent produire six plants? Cela en fait beaucoup. Je pense que vous avez omis de préciser que la législation en tiendrait compte si les six plants de marijuana étaient destinés au trafic.
    J'ai un petit-fils de 16 ans. Je ne veux certainement pas côtoyer des trafiquants. Peu m'importe s'ils ont 23 ou 45 ans, ou s'il s'agit de résidents canadiens ou non.
    Le processus en place au Canada est très équitable pour ceux qui enfreignent la loi. Le juge devrait alors tenir compte du facteur suivant, et la plupart des juges le font, c'est-à-dire: est-ce sa première infraction ou la quinzième? Beaucoup de ceux qui se présentent devant les tribunaux en sont à leur cinquième ou sixième infraction. Pour une première infraction, le juge a la discrétion d'offrir au contrevenant de suivre une thérapie s'il le préfère...
    Merci.
    ... et cela serait certainement pris en compte dans la détermination de la peine.
    Désolée, madame Rosenfeldt, nous devons passer au prochain intervenant.
    Monsieur Holder, bienvenue à cette séance du comité.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais aussi remercier nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    C'est curieux, j'hésite entre répondre aux commentaires des membres de l'opposition, qui bien franchement, et sauf le respect que je leur dois, semblent tout à fait ridicules, et vous poser des questions parfaitement légitimes. Je vais tâcher de faire un peu des deux.
    Selon moi, la logique est très simple: les truands sont ceux qui ont été reconnus coupables de crimes graves, et les bons sont les innocentes victimes d'actes criminels. Je pense que le principe fondamental du bien et du mal n'est pas accepté par tout le monde assis à cette table, et je ne comprends tout simplement pas pourquoi, mais la division ne pourrait pas être plus évidente à ce sujet.
    D'après ce que vous nous avez dit jusqu'à présent, la réponse est très simple.
    Si les gens ne veulent pas être déportés, ils n'ont qu'à respecter la loi. Pas de trafic de drogues, pas de vol, pas d'utilisation d'armes à feu, pas de viol, pas d'enlèvement, pas d'agression, pas de harcèlement, pas de menaces, pas de meurtre. N'enfreignez pas nos lois. C'est ce que j'ai compris de votre témoignage jusqu'à maintenant, et c'est aussi ce que nous a dit le président de l'Association canadienne des policiers tout à l'heure. C'est la base, finalement. Ce n'est pas compliqué.
    Un autre principe semble se dégager de tout cela — et je crois que cela vient de vous, madame Rosenfeldt —, soit que les personnes qui arrivent ici avec l'intention d'y rester à long terme sont des invitées de notre pays. Vivre au Canada est un droit, pas un privilège, et je pense qu'il faut mériter ce droit tous les jours, et c'est ce que j'en ai conclu de vos commentaires.
    Madame Rosenfeldt, me permettez-vous d'en parler? Vous avez perdu un enfant qui était alors âgé de 16 ans, et vous en avez parlé très ouvertement. Vous et votre mari avez créé Victimes de violence, probablement pour offrir votre propre soutien et donner un sens à la mort de votre fils, victime de Clifford Olson. Bien que je préférerais qu'il en soit autrement, je comprends comment on se sent dans de telles circonstances, car j'ai moi-même perdu un fils de 14 ans. Je vous offre mes sincères condoléances, et je vous remercie, vous et votre mari, pour tout le travail que vous avez fait afin de faire changer les choses dans ce pays. Je vous félicite. Je sais que tout le monde ici présent vous admire pour tout ce que vous avez fait.
    J'aurais des commentaires à formuler concernant deux ou trois choses.
    Vous nous avez dit que « tous les Canadiens ont le droit de vivre dans des collectivités sûres », et j'ai été très touché par cela. Vous avez également indiqué qu'il était question de criminels étrangers condamnés, pas de personnes accusées d'une infraction ou en attente d'un procès.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus là-dessus, je vous prie?

  (1720)  

    Comme je le disais, on parle de criminels, qu'il s'agisse de Canadiens ou d'étrangers, de gens originaires d'autres pays arrivant au Canada. Je crois que nous avons un excellent système judiciaire au Canada, même s'il a ses travers. Nous avons voulu faire corriger certaines lacunes, mais j'estime que notre système demeure tout à fait juste et équitable.
    Je veux parler des gens qui arrivent chez nous et qui enfreignent nos lois, et qui ont comparu devant les tribunaux en toute équité, un processus qui comprend aussi un droit d'appel. Je crois qu'il faut prendre une décision éclairée et ferme à propos de ce qu'on attend des gens qui viennent au Canada et qui enfreignent nos lois. Comme je le disais dans ma présentation, je pense qu'il faut établir clairement que les règles d'engagement ont changé au Canada, et que nous n'allons pas tolérer ce genre de choses.
    J'ajouterais aussi qu'il est question de raccourcir les délais des processus d'appel pour les condamnés. Cela n'a pas d'importance pour les victimes d'actes criminels si vous cultivez six plants de marijuana ou quoi que ce soit. Si vous enfreignez la loi, vous ne devriez pas être ici.
    Merci.
    M. Neve et des membres de l'opposition ont exprimé des réserves tout à l'heure à l'égard du processus, mais il y a bel et bien un processus en place, et c'est celui du tribunal de droit...
    Oui.
    ... qui est également assorti d'un droit d'appel. Bien franchement, les abus qui se produisent sont inimaginables quand on y pense.
    J'ai entendu votre collègue dire tout à l'heure que le problème était comparable à une goutte d'eau dans l'océan. Je ne sais pas ce que je pourrais dire à la famille de M. Baylis à propos de cette goutte dans l'océan. Ce n'est tout simplement pas cela.
    Monsieur Bissett, vous nous avez dit plus tôt que l'immigration représentait le plus grand défi de notre époque. Pourquoi est-ce un dossier si important à votre avis?

  (1725)  

    C'est un dossier très important à mes yeux, car on observe depuis 1985 un mouvement de migration massive, peut-être le plus grand de l'histoire, des pays en développement vers les pays du monde industrialisé en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord. C'est un mouvement qui est généralement irrégulier et, surtout en Europe, non désiré.
    Le tout a débuté dans les années 1960, alors que des travailleurs temporaires étrangers sont arrivés en Europe, pour ne plus jamais repartir. Le phénomène s'est poursuivi avec les demandeurs d'asile.
    Si je ne m'abuse, quelque 500 000 demandeurs d'asile sont arrivés en Europe et en Amérique du Nord l'an dernier. Ces gens ont été déplacés, et on ne peut pas leur jeter le blâme. Mais s'il s'agit d'un mouvement irrégulier et que ces gens ne sont pas les bienvenus, et donc qu'ils ne sont pas du tout pris en charge ni aidés, ils finissent par miner la confiance qu'on avait envers les pays sources.
     Monsieur Bissett, si vous me permettez la question, M. Stamatakis nous a dit que les criminels étrangers, et honnêtement les criminels en général, mais les criminels étrangers en particulier engorgent le système, ce qui retarde l'arrivée d'immigrants légitimes qui sont en quête d'une vie meilleure. Nous avons beaucoup d'estime pour ces personnes, qui représentent la vaste majorité.
    Avez-vous déjà déterminé quelles étaient les répercussions économiques de ce cycle interminable d'appels auquel se prêtent les criminels étrangers, le tout aux frais des contribuables?
    À moins que vous ne puissiez répondre à la question en quelques secondes...
    Non, je ne l'ai pas fait, mais j'ai effectué des analyses des coûts et des avantages dans d'autres secteurs, par exemple pour notre système de demande d'asile. J'estime qu'il en coûte entre 2 et 3 milliards de dollars par année aux contribuables canadiens.
    Merci.
    Madame Groguhé.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être présents parmi nous aujourd'hui.
    Évidemment, nous ne mettrons jamais assez l'accent sur la prévention du crime. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est important de prévenir et d'agir contre la criminalité. Il est aussi nécessaire de rappeler et de promouvoir les droits des victimes, car c'est essentiel. Nous ne devons pas perdre de vue que les victimes ont des droits. Notre gouvernement doit être en mesure de les accompagner par la suite et de leur donner des réponses pour qu'elles puissent reconstruire leur vie.
    Monsieur Bissett, vous avez regretté le manque de ressources qui empêchent les agents de faire des entrevues avec les immigrants qui sont accueillis ici. Pensez-vous que le fait qu'il y ait de nouvelles mesures qui centralisent le traitement des demandes à Ottawa en se basant sur l'analyse des documents et des formulaires est une réponse adaptée à ce sujet?

[Traduction]

     Non, je ne crois pas.
    Je pense personnellement que tous les immigrants qui veulent s'installer au Canada devraient être interviewés par des agents des visas expérimentés du Canada avant même qu'ils n'arrivent au pays. À un certain moment, tous les immigrants devaient répondre à ces questions à l'étranger. Non seulement on vérifiait leurs documents et la véracité de leurs affirmations, à savoir s'ils étaient véritablement maître menuisier, ingénieur ou peu importe, mais on leur offrait aussi des services d'orientation avant leur arrivée. Ils étaient bien conseillés et savaient où aller en arrivant au Canada pour trouver un emploi. Ils étaient informés des choses à éviter à leur arrivée. Ils étaient beaucoup mieux préparés grâce à ce processus d'entrevue. Si l'agent voyait pendant l'entretien que la personne ne satisfaisait pas nécessairement aux critères de sélection, mais qu'elle faisait clairement preuve d'initiative et semblait autonome, il avait le pouvoir discrétionnaire de lui permettre d'entrer au pays.
    L'objectif du système de sélection était de choisir des gens qui allaient pouvoir s'établir par eux-mêmes en moins d'un an, et sans l'aide du gouvernement. Et c'était efficace. Les immigrants qui sont arrivés avant 1990 ont extrêmement bien réussi. Les résultats sont beaucoup moins reluisants pour ceux qui sont arrivés par la suite, parce qu'on ne les rencontre plus, on ne les interview pas et on ne vérifie pas leurs documents.
    Madame Sitsabaiesan, vous avez moins de trois minutes.
    Merci à vous deux d'être ici.
    Madame Rosenfeldt, j'ai moi-même été victime d'un crime grave, alors je peux comprendre ce que vous et les nombreux membres de votre organisation avez pu vivre.
    Je vais vous poser une question concernant le fonctionnement de tout cela.
    Les rapports du Bureau du vérificateur général s'empilent à ce sujet, alors c'est chose connue, mais on déplore encore et toujours le manque de formation et de ressources, la mauvaise intégration de l'information et la surveillance déficiente des technologies, tant à CIC qu'à l'ASFC. Et voilà qu'on annonce des coupes dans le budget de l'Agence des services frontaliers du Canada. Je crois que tous ces problèmes mettent la sécurité des Canadiens en péril.
    En réponse au rapport du vérificateur général, le ministre a indiqué que le ministère acceptait les recommandations et qu'il allait les mettre en oeuvre. Nous n'avons rien vu de cela dans le projet de loi C-43. Je crois que donner à l'ASFC la formation et les outils dont elle a besoin revient à assurer des mesures préventives pour protéger tout le monde.
     Êtes-vous d'accord pour dire qu'allouer des ressources à l'ASFC et à CIC leur permet de faire leur travail le plus efficacement possible pour assurer notre sécurité?

  (1730)  

    Je suis d'accord avec vous dans une certaine mesure.
    J'ai parlé dans mon mémoire d'un montant de 31,4 milliards de dollars. Je propose qu'on se penche sur le nombre de personnes qui arrivent ici et qui commettent des infractions à répétition, et il y en a beaucoup, et qu'on examine les coûts qui sont rattachés à tout cela. Le projet de loi C-43 viendrait certainement consolider ce processus et peut-être libérer des sommes qui servent actuellement à éviter la déportation aux criminels, pour qu'on puisse réinvestir dans la formation.
    Je comprends, mais d'après ce qu'on voit dans les rapports des vérificateurs...
    Je suis désolé, mais c'est tout le temps que nous avions.
    Voulez-vous invoquer le Règlement, monsieur Dykstra?
    Oui. Mme Rosenfeldt avait demandé de soumettre un rapport à la greffière. Je voulais simplement m'assurer que nous l'avions eu.
    Nous l'avons, monsieur.
    Merci.
    Je vous remercie tous les deux pour votre participation à l'étude de ce projet de loi. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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