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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 058 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 7 novembre 2012

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    En ce mercredi 7 novembre 2012, je vous souhaite la bienvenue à la 58e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, séance qui sera télévisée. Conformément à l’ordre de renvoi reçu le 16 octobre 2012, le comité poursuit son étude du projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    Mesdames et messieurs, comme vous le savez, la sonnerie d’appel retentira à 17 h 15. Le comité devra consacrer cinq minutes à des questions de régie interne. La séance se terminera à 17 h 10. Donc, nous disposerons de 55 minutes en compagnie du premier groupe de témoins. Pour la deuxième partie, nous n’accueillons qu’un seul témoin avec lequel nous passerons 45 minutes. Voilà l’horaire prévu. La première partie se terminera donc à 16 h 25.
    Deux témoins sont ici avec nous, tous les deux avocats de l’Association du Barreau canadien: Kerri Froc, avocate-conseil en Réforme du droit et Égalité; et Michael A. Green, membre de la Section nationale du droit de l’immigration. Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’être ici.
    Monsieur Lamoureux, vous serez heureux d’apprendre que nous accueillons, par vidéoconférence, un témoin de Winnipeg, au Manitoba. Il s'agit de M. Reynaldo Reis Visarra Jr. Pagtakhan, avocat en immigration.
    Monsieur Pagtakhan, nous allons commencer par vous. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé.
    Je tiens à remercier le comité de m’avoir invité à témoigner. La dernière fois que j’ai assisté à une réunion d’un comité de la Chambre des communes, c’est lorsque mon père était député. Je suis chanceux de pouvoir vous aider à servir les Canadiens.
    Le projet de loi C-43 n'est pas parfait. Certes, il propose des dispositions qui méritent notre appui. Toutefois, certaines doivent être éliminées ou modifiées pour être plus équitables, alors que d'autres devraient faire l'objet d'un examen de la part du comité.
    Les dispositions qui méritent notre appui proposent de retirer aux résidents permanents condamnés à une peine d’emprisonnement de six mois ou plus le droit de porter en appel devant la Section d’appel de l’immigration la mesure de renvoi qui leur est imposée. Certains diront que cette disposition pénaliserait injustement les résidents permanents de longue date qui risqueront l’expulsion pour les gestes qu’ils auront posés. Mais, ce qu’ils oublient, c’est que les résidents permanents visés par ces dispositions sont des criminels. Ce ne sont pas des criminels présumés, ils ne sont pas accusés d’un crime et ils ne sont pas innocents; ils ont été reconnus coupables d’un crime.
    Rappelons que, pour être reconnu coupable, un individu doit non seulement avoir commis un crime, mais il doit l’avoir fait en toute connaissance de cause, sinon ce n’est pas considéré comme un crime. Aussi, il ne faut pas oublier que ces criminels n’avaient qu’à respecter la loi pour éviter d’être expulsés. Le Code criminel du Canada a été rédigé de façon à codifier ce qui constitue un comportement criminel aux yeux des Canadiens. Les individus visés par ces dispositions ont choisi le chemin de la criminalité.
    De plus, ils ont bénéficié de l’application régulière de la loi. Ils ont d’abord été présumés innocents et ont eu le droit, en vertu de la charte, de se défendre devant un tribunal où ils ont été reconnus coupables par un juge ou un jury. Ceux qui ont porté leur cause en appel ont vu le jugement être maintenu.
    En outre, on ne parle pas ici de criminels ayant été condamnés à purger une peine autre que l’emprisonnement, à payer une amende ou à respecter des conditions de probation, mais bien de criminels condamnés à au moins six mois de prison.
    Il ne s'agit pas non plus de criminels n’ayant pas eu l’occasion de défendre leur statut d’immigrant au moment du prononcé de la sentence. De nombreuses décisions rendues par les cours d’appel de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, du Manitoba, de l’Alberta, des Territoires du Nord-Ouest et de la Nouvelle-Écosse, notamment, parlent de conséquences sur le statut d’immigrant comme d'un facteur pertinent dans la détermination de la peine.
    Il serait donc faux de dire que les criminels n’ont pas eu l’occasion de se défendre.
    Comme vous le savez, avant d’imposer une peine, le juge doit tenir compte de certains principes décrits à l’article 718 du Code criminel du Canada, notamment la possibilité de réhabilitation et les circonstances atténuantes.
    D’ailleurs, le Code criminel précise que le tribunal a « l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes […]. ». Il précise également que le tribunal doit examiner « toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances […] »
    Tout comme les Canadiens, les résidents permanents qui commettent un crime comprennent ce qu'ils font.
    Les dispositions qui doivent être modifiées concernent l’interdiction de territoire imposée à un étranger pour fausses déclarations. Contrairement aux dispositions du Code criminel, cette interdiction peut pénaliser des innocents. En vertu de la loi, de fausses déclarations peuvent être faites dans le dossier d’un demandeur sans qu’il le sache. D’ailleurs, dans certains cas, de fausses déclarations ont été faites par des représentants malhonnêtes sans que le demandeur soit au courant. Dans un tel cas, un demandeur innocent serait pénalisé en vertu du projet de loi C-43.
    Il suffirait de modifier ces dispositions pour préciser qu’elles ne s’appliquent qu’en cas de fausses déclarations faites sciemment. Ainsi, elles seraient plus équitables et respecteraient davantage les valeurs canadiennes.
    Une des dispositions devant être retirées propose de permettre au ministre de refuser le statut de résident temporaire à un étranger pour des raisons d’intérêt public. Ce pouvoir discrétionnaire est inquiétant, car il permet de refuser une demande sans autres critères plus précis. Les Canadiens sont en droit de savoir quels gestes pourraient faire en sorte qu’un demandeur se voit refuser l’entrée au pays.

  (1535)  

    Dans un document d’information qu’il a publié en juin, le ministère donne l’exemple d’un ministre qui refuse l’entrée au pays à un étranger qui encouragerait la violence contre un groupe religieux. Si la promotion de la violence est un crime, alors une fois au pays, les individus qui commettent ce crime devraient être appréhendés et accusés. Toutefois, cette décision ne devrait pas revenir à un acteur politique, mais plutôt à des professionnels du système judiciaire, comme les policiers et les procureurs de la Couronne.
    Si un étranger commet un crime au Canada, il devrait être arrêté. On ne devrait pas lui interdire l’entrée au pays sous prétexte qu'il pourrait commettre un crime.
    Les dernières dispositions du projet de loi C-43 que j’aimerais aborder concernent le respect des exigences imposées à un employeur. Je comprends que l’article 37 ne traite que de la possibilité de créer des règlements à l’égard des travailleurs étrangers et de leurs employeurs, entre autres. Je comprends également que les citoyens auront l’occasion de se prononcer sur de tels règlements avant leur mise en oeuvre.
    Cependant, les membres du comité devraient réfléchir au genre d’exigences que l’on peut imposer aux employeurs de travailleurs étrangers et aux sanctions applicables en cas de non-respect de ces exigences. À tout moment, il y a plus de 180 000 travailleurs étrangers au pays. Ils composent une grande partie de la main-d'oeuvre canadienne, et tant les employeurs que les autres employés en profitent. Par conséquent, avant de mettre en oeuvre de tels règlements, il serait nécessaire de mener de vastes consultations auprès des entreprises et de la main-d'oeuvre, notamment.
    Merci, monsieur le président. Je serai heureux de répondre aux questions du comité.

  (1540)  

    Merci, monsieur Pagtakhan.
    Madame Froc et monsieur Greene, vous disposez, à vous deux, de 10 minutes pour votre déclaration.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
    L’Association du Barreau canadien est heureuse d’avoir été invitée à témoigner sur le projet de loi C-43.
    L’Association du Barreau canadien est une association volontaire comptant 37 000 membres un peu partout au pays. Parmi ses principaux objectifs, on trouve l’amélioration du droit et de l’administration de la justice.
    C’est dans cet esprit que les membres de notre section du droit de l’immigration se sont penchés sur le projet de loi C-43 et vous ont fait parvenir, par écrit, les commentaires sur lesquels nous reviendrons aujourd’hui.
    Je suis accompagné de Michael Greene, membre et ancien président de la Section du droit de l’immigration. Je vais maintenant lui laisser la parole pour qu’il puisse aborder l’essentiel de nos commentaires.
    Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à témoigner aujourd’hui.
    Mon nom est Michael Greene. Je suis avocat du droit de l’immigration, à Calgary, et j’enseigne le droit de l’immigration à la Faculté de droit de l’Université de Calgary. J’étais président national lors de l’adoption de la LIPR. D’ailleurs, j’ai déjà témoigné devant le comité pour parler, notamment, de dispositions très similaires concernant l’interdiction de deux ans. Vous pouvez vous imaginer que nous n’étions pas d’accord avec ces dispositions.
    Peu importe. Nous sommes conscients que, pour qu’ils appuient un programme d’immigration solide, les Canadiens doivent être sûrs que le gouvernement sera sévère avec ceux qui bafouent notre système d’immigration. Le ministre a été efficace à cet égard, et nous le félicitons de s’être attaqué, notamment, à la fraude relative à la citoyenneté, à la résidence permanente et au mariage, ainsi qu’aux activités d’experts-conseils malhonnêtes.
    Malheureusement, nous ne pouvons pas appuyer ce projet de loi. Il s’agit d’une mesure inutile qui ne respecte pas les valeurs essentielles canadiennes que sont la justice, l’équité et la compassion. Nous convenons qu’il est important de limiter l’imposition de la plupart des formes d’interdiction de territoire aux individus impliqués plutôt qu’aux membres de leurs familles, mais il s’agit là de notre seul commentaire positif sur ce projet de loi.
    Contrairement à la plupart des réformes du système d’immigration proposées par le gouvernement actuel, ce projet de loi n’est pas le fruit de consultations publiques et n’a pas fait l’objet de telles consultations. Cette façon de faire ne peut mener qu’à l'adoption de mauvaises lois.
    Nous savons que vous subissez d’énormes pressions pour adopter rapidement ce projet de loi au comité. Toutefois, nous vous recommandons fortement de prendre votre temps et de bien l’examiner, car nous croyons que les problèmes qu’il présente sont suffisamment importants pour justifier une étude et un débat sérieux.
    Nous avons déjà suffisamment d’outils efficaces pour empêcher les étrangers au passé criminel d’entrer au pays et les expulser s’ils commettent un crime sérieux une fois ici. Comme c’est le cas avec la fraude relative à la citoyenneté, le problème, ce n’est pas les lois ou les outils à la disposition du ministère, mais plutôt les priorités établies et le manque de ressources. Les retards importants dont fait état le ministre dans certains cas délicats sont plus attribuables à des compressions budgétaires et de personnel à l’ASFC qu’à des lacunes dans la procédure.
    L'élimination récente de 1 700 postes à l’agence risque d’allonger les retards, et non de les réduire. Les exemples de retards importants cités relativement à l’expulsion de résidents permanents ayant commis un crime ne sont pas représentatifs de la majorité des cas. Bien que cette mesure législative ait été conçue pour intercepter la plupart des criminels sérieux et des délinquants impénitents dont la présence au pays continue de choquer les citoyens, elle sera moins efficace pour intercepter les petits délinquants.
    Ce projet de loi déchirera des familles et aura un impact négatif sur les enfants concernés. L’équité et l’application régulière de la loi ne sont pas des failles du système juridique canadien. Elles en sont plutôt les pierres angulaires.
    Lors de son témoignage, le ministre a dit que tout le monde devrait pouvoir se défendre devant les tribunaux, mais pas indéfiniment. Toutefois, les procédures d’appel contre les mesures de renvoi ou les interdictions de territoire ne sont pas nombreuses sous la catégorie du regroupement familial. Il n’y en a qu’une. Tant et aussi longtemps que le ministère et les décideurs appliquent la loi de façon régulière, leurs décisions ne peuvent pas être réexaminées. Il est très rare qu’une décision de la SAI soit renversée par un tribunal.
    Par ailleurs, lorsque la SAI rend une décision, la personne concernée doit quitter le pays. Son statut de résident permanent lui est retiré, même si elle porte la décision en appel, sauf si l’ASFC lui permet de rester. Mais ça, c’est une autre histoire. Sinon, elle ne peut pas rester au Canada pendant que l’appel suit son cours. Si le tribunal suspend la décision, alors elle peut demeurer au pays, mais cela ne se produit que pour les causes méritoires.
    J’aimerais souligner quelques éléments de notre exposé. Je parlerai d’abord de l’élimination du droit d’appel pour les résidents permanents condamnés à une peine d’emprisonnement de six mois pour des crimes commis au Canada. Sur ce point, nous sommes en désaccord avec M. Pagtakhan. Selon nous, la SAI n’est pas la source du problème. Dans le cadre de son examen, le tribunal tient compte à la fois de la sécurité des Canadiens et de celle des immigrants, de leurs familles, de leurs employeurs, de leurs collègues et de leurs collectivités.
    Les délinquants qui représentent un risque de récidive n’ont pas gain de cause en appel. Ceux qui ont gain de cause doivent presque toujours respecter des conditions les obligeant à adopter un comportement exemplaire et à se réhabiliter, sans quoi ils seront expulsés. La capacité qu’a la SAI d’ajouter des conditions à une ordonnance de sursis constitue un outil de renforcement et de réhabilitation incroyablement efficace, comme nous avons pu souvent le constater. La réhabilitation de délinquants témoigne souvent de l'efficacité de ce processus.

  (1545)  

    Si le projet de loi tient compte des peines avec sursis, il ciblera les auteurs d'infractions relativement mineures qui n'ont jamais mis les pieds en prison.
    En clair, le seuil du projet de loi n'est pas de six mois d'emprisonnement, mais bien de six mois de punition, ce qui englobe les peines avec sursis, beaucoup moins sévères aux yeux des tribunaux, comme dans le cas d'un individu assigné à résidence. À tout le moins, nous croyons qu'il faudrait amender la disposition de façon à ce qu'elle vise exclusivement les peines d'emprisonnement.
    Refuser l'accès à l'examen par la Section d'appel de l'immigration, ou SAI, aux résidents permanents en se fondant uniquement sur des déclarations de culpabilité ou des infractions à l'étranger est beaucoup plus sévère que si le geste avait été commis au Canada; on ne tient compte ni de la peine ni même de la condamnation, le cas échéant. Les déclarations de culpabilité et les infractions à l'étranger ne sont souvent pas traitées avec la même équité en matière de procédure qu'au Canada. Le libellé actuel ne s'arrête pas du tout à la peine; il s'intéresse uniquement aux poursuites auxquelles l'infraction aurait été passible au Canada.
    Par exemple, utiliser un document frauduleux ou contrefait constitue une infraction en vertu de l'article 368 du Code criminel du Canada, qui est passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans.
    Disons qu'un résident permanent de 20 ans habitant Windsor emprunte l'acte de naissance de quelqu'un d'autre pour entrer dans un bar à Detroit. Cette personne a commis une infraction en présentant un faux document. Si elle se fait pincer, elle pourrait être trouvée coupable et écoper d'une amende dérisoire, après quoi elle serait frappée d'une interdiction de territoire sans droit d'appel.
    Voilà ce que le libellé de l'article pourrait occasionner. À notre avis, rien ne justifie d'imposer une interdiction de territoire dans un cas semblable.
    Ce n'est pas tout. Le projet de loi permet de refuser le droit d'appel d'un individu simplement parce qu'on croit qu'il a commis une infraction, et ce, même s'il n'a pas été reconnu coupable à la suite d'un processus judiciaire. La décision incombe à l'agent, même si la personne n'a peut-être jamais été accusée.
    Je tiens à souligner que la loi ne permettait pas de tels pouvoirs auparavant; c'est un ajout. Les déclarations de culpabilité et les infractions à l'étranger ne justifiaient pas non plus un renvoi automatique en vertu de la loi.
    J'aimerais parler du nouveau pouvoir du ministre de refuser l'entrée d'un étranger si l'intérêt public le justifie, qui est proposé dans le projet de loi. Je suis d'accord avec M. Pagtakhan sur ce point. Nous sommes d'avis que ce pouvoir illimité, qui n'oblige pas le ministre à rendre des comptes et qui va à l'encontre de la mentalité canadienne, est inutile. Il n'a pas sa place dans une société libre et démocratique comme la nôtre, qui prône les libertés fondamentales.
    Il est faux de penser que le ministre n'a aucun pouvoir à l'heure actuelle. Neuf catégories justifient l'interdiction de territoire au Canada. De plus, des dispositions législatives sur les crimes haineux et visant à lutter contre le terrorisme ciblent justement ceux qui encouragent la violence à l'endroit d'un segment de la société. En vertu des lois actuelles sur l'immigration, ceux qui ont des antécédents ou qui ont l'intention de tenir des propos haineux au Canada sont frappés d'interdiction de territoire.
    J'aimerais aussi parler de la durée de l'interdiction de territoire, qui est passée de deux à cinq ans. Comme M. Pagtakhan l'a souligné, ce sont les déclarations faussées par inadvertance qui posent problème, un point sur lequel les instances judiciaires jusqu'à la Cour d'appel fédéral ont tranché. Par exemple, une fausse déclaration au sujet d'un enfant dont on ignore l'existence est acceptable. Or, un demandeur pourrait être frappé d'interdiction de territoire s'il ne mentionne pas d'enfant lorsqu'il remplit le formulaire, mais qu'il apprend plus tard être le père d'un enfant né hors mariage. La pénalité ne devrait pas durer cinq ans.
    Il existe de nombreux autres exemples de fausses déclarations mineures, comme un demandeur qui enjolive une relation, par exemple, alors qu'il s'agit d'une relation légitime.
    Pour terminer, le projet de loi limite le recours à des motifs d'ordre humanitaire dans certaines catégories d'interdiction de territoire, y compris le crime organisé. Même si de telles dispositions semblent attirantes, elles pourraient dans bien des cas créer des injustices.
    Le problème, c'est que bien des lois sont conçues pour les cas scandaleux et vraiment choquants aux yeux de tous, et où la population tient à ce que l'individu soit expulsé du pays au plus vite ou n'y mette pas les pieds. Or, ces dispositions touchent bien d'autres personnes.
    Un individu qui, en compagnie de quelqu'un d'autre, commet un crime contre les biens comme le vol à l'étalage peut être accusé de criminalité organisée. Par exemple, l'Agence des services frontaliers du Canada peut considérer un tel geste comme du crime organisé. Elle ne le fait pas souvent, mais c'est déjà arrivé dans une affaire de crime contre les biens. Les individus en question n'ont rien à voir avec les Hells Angels. Il suffit d'agir de concert avec une autre personne pour qu'il s'agisse de criminalité organisée.

  (1550)  

    Monsieur Greene, je vous invite à conclure, s'il vous plaît.
    Avec tout le respect que nous vous devons, nous croyons que le projet de loi présente tellement de failles et de défauts qu'il devrait être retiré, ou du moins amendé considérablement avant d'aller de l'avant. Nous vous recommandons de mener une consultation approfondie afin de trouver d'autres solutions.
    Merci.
    Monsieur Greene et madame Froc, je vous remercie.
    Nous vous sommes reconnaissants de votre participation à tous les trois. Je sais que les membres du comité ont des questions à vous poser.
    Nous allons commencer par M. Opitz.
    Par votre entremise, monsieur le président, je remercie infiniment les témoins de leur présence. Nous vous sommes bien reconnaissants de votre temps, de vos efforts et du point de vue que vous nous donnerez en réponse à nos questions.
    Je vais commencer par M. Greene.
    Votre mémoire porte sur la criminalité chez les résidents permanents. Lorsqu'une personne vient vivre au Canada, comment peut-elle même songer à commettre un crime? Elle commence une nouvelle vie dans un nouveau pays. Pourquoi devrait-elle pouvoir commettre un crime?
    À vrai dire, ces personnes ne devraient pas commettre de crime, et notre système de justice pénale est là pour punir ce genre de comportement. Nous pouvons aussi expulser les pires cas; ne l'oublions pas. Je pense que chacun doit répondre de ses actes.
    Le problème avec un projet de loi général semblable, c'est qu'il n'établit aucune distinction entre... Ce genre d'affaires comporte toujours divers degrés.
    Je travaille dans le domaine depuis 25 ans, et j'ai traité un grand nombre de dossiers du genre. Le plus souvent, nous avons affaire à des résidents permanents à long terme, dont le projet de loi ne tient pas compte. Ces gens sont arrivés au pays pendant l'enfance, souvent en bas âge. Ils proviennent de pays et d'origines culturelles diverses. La famille a du mal à s'adapter, et les parents ne sont pas très présents puisqu'ils doivent souvent travailler très fort. Il peut y avoir des conflits si les parents tiennent à ce que l'enfant conserve ses valeurs culturelles à la maison, alors que lui s'adapte au style de vie occidental. Le jeune peut avoir du mal à s'intégrer à l'école, ce qui se traduit par de mauvaises fréquentations. Certains décrochent, et d'autres non.
    J'ai souvent affaire à des infractions commises vers l'âge de 18 à 21 ans, où ces jeunes se sentent invincibles, comme tous les autres. Ils pensent pouvoir faire n'importe quoi. C'est alors qu'ils commettent un crime et entrent dans le système. S'ils démontrent suffisamment de facteurs positifs devant la SAI, ils se feront imposer des conditions à respecter.
    J'ai vu tellement de jeunes reprendre leur vie en main. J'en ai aussi vu d'autres qui n'ont pas changé. Puisqu'on voyait bien qu'ils n'avaient rien fait pour s'améliorer devant la section d'appel, on les a renvoyés dans leur pays.
    Il ne s'agit pas toujours de jeunes. Ce genre de situation se produit, et nous le comprenons, mais il ne faut pas oublier la criminalité grave. Par exemple, un individu faisait face à 60 chefs d'accusation, notamment pour fraude, fabrication de faux documents, complot en vue de commettre une fraude, entrave au travail d'un agent de police et défaut de se conformer à une ordonnance la cour. Après l'adoption de la mesure de renvoi, il a fallu plus de cinq ans avant d'arriver à l'expulser du pays.
    La liste des chefs d'accusation est loin de s'arrêter ici; l'individu a été accusé de traite de personnes, de meurtre et de nombreuses autres infractions dont nous avons entendu parler au cours des dernières séances, y compris du meurtre d'un agent de police. Vous avez dit dans votre exposé que la justice, l'équité et la compassion règnent au pays, et je pense que vous avez raison. Nous sommes un des plus grands pays au monde, et c'est pour cette raison que tant de gens veulent y venir. À vrai dire, des dizaines de millions de personnes souhaitent entrer au pays.
    En passant, saviez-vous que bien d'autres pays, y compris le Royaume-Uni, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, ont déjà adopté des dispositions pour interdire l'entrée d'individus qui pourraient porter préjudice à l'intérêt public? Certaines de ces dispositions sont bien plus générales et laissent bien plus de latitude que celles du projet de loi C-43.
    Vous soulevez deux questions différentes. En ce qui concerne les crimes graves, je tiens à préciser que nous sommes loin de dire que tous les criminels doivent rester au pays. Nous voudrions simplement qu'il y ait une procédure.
    Les plus grands criminels devraient être traités en priorité. Des fraudes en matière d'immigration sont commises depuis des dizaines d'années. Combien d'individus ont perdu leur citoyenneté à la suite d'une fraude semblable? Pratiquement aucun, jusqu'à ce que le ministre décide de s'en charger et de mobiliser les ressources nécessaires pour renvoyer 2 500 personnes. Je peux vous dire que cette décision a provoqué une onde de choc partout dans le monde. Nous en sommes ravis, mais sommes aussi consternés que personne n'ait agi plus tôt. C'était une simple question de ressources.
    Voici ce qu'il faut faire de certains délinquants graves qui dérangent beaucoup la population, et dont le ministre a parlé; il faut les classer par ordre de priorité, puis les envoyer en prison. S'ils risquent de commettre une infraction, il est possible de les détenir sous garde. Nous avons ce pouvoir. Croyez-moi, ils voudront que leur dossier d'appel soit traité un peu plus vite s'ils sont pris quelque part dans un établissement de détention provisoire.
    Il existe déjà des outils. Le problème, c'est que les exemples donnés pour appuyer le projet de loi sont les plus horribles, mais qu'on oublie quelles seront les conséquences des dispositions sur la grande majorité des cas qui ne sont probablement pas aussi scandaleux.
    Dans l'affaire Baylis, où un agent de police a été tué, ce n'est pas la Section d'appel de l'immigration qui est en tort. En fait, l'individu en question a interjeté appel, a perdu sa cause, a reçu une ordonnance d'expulsion, puis a disparu. On avait perdu sa trace, mais il a fini par ressurgir l'arme au poing et par tuer quelqu'un. C'est épouvantable.
    Ce ne serait pas aussi long si l'on faisait une distinction entre les cas mineurs et les affaires graves, puis qu'on se concentrait sur ces derniers.
    Par ailleurs, vous pourriez laisser l'agent imposer des conditions aux délinquants mineurs, de façon similaire à la libération sous caution, où ils doivent obligatoirement respecter des conditions. Un délinquant mineur qui en déroge serait expulsé sur-le-champ.
    Veuillez m'excuser de cette longue réponse.

  (1555)  

    Vous savez que je n'ai que sept minutes.
    J'aimerais simplement commenter ce que vous avez dit à propos des autres pays, même si je ne suis pas un spécialiste des affaires étrangères. Tout ce que je peux dire, c'est que la seule fois où les États-Unis ont invoqué ce pouvoir, à ma connaissance, c'était pour empêcher Farley Mowat d'entrer sur le territoire américain. J'ignore quel était son problème, s'il avait commis un crime haineux ou s'il aimait trop les animaux, mais Farley Moway n'avait pas le droit d'entrer aux États-Unis. J'ignore ce que les autres pays...
    Je pense que les dispositions visent des crimes un peu plus graves.
    Je l'espère.
    Nous parlons de criminels ici.
    Avez-vous déjà demandé à des groupes ou associations de victimes ce qu'ils pensent du projet de loi C-43? Les crimes dont vous parlez ne sont peut-être pas aussi odieux, mais voler toutes les économies d'un aîné, même s'il ne s'agit ni d'un meurtre ni d'un crime capital, est un crime lourd de conséquences pour la victime, qui subit alors un préjudice probablement irréparable. En avez-vous discuté avec des organisations de victimes?
    Il nous arrive de recevoir des appels de victimes de fraude. C'est fréquent dans le cas de mariages frauduleux et d'autres types de crimes. La victime nous dit que l'individu ne mérite pas d'être au pays et nous demande ce qu'elle peut faire pour contribuer à son expulsion. Nous leur suggérons parfois de porter plainte auprès de l'Agence des services frontaliers du Canada, ou encore de demander à leur député d'accorder la priorité au dossier et de faire bouger les choses. Il est parfois consternant de voir que rien n'est fait.
    Vous recevez donc des appels de victimes, mais êtes-vous allés au-devant de ce genre d'organisation?
    Permettez-moi d'y réfléchir un instant. Bien franchement, je ne crois pas que l'Association du Barreau canadien ait sollicité qui que ce soit sur la question. Nous nous appuyons plutôt sur l'expérience de l'ensemble de nos membres.
    Le temps est malheureusement écoulé.
    Madame Sims.
    J'aimerais remercier tous nos témoins de comparaître devant le Comité de la citoyenneté et de l'immigration. C'est toujours un défi en soi, je trouve. Nous vous remercions de prendre le temps de venir nous faire part de votre point de vue. Je vous remercie de votre témoignage.
    Nous avons quelques inquiétudes en commun au sujet du projet de loi à l'étude, particulièrement en ce qui concerne le pouvoir accru qui se trouvera concentré dans les mains du ministre sans aucune mesure de contrepoids. Par ailleurs, nous avons exprimé très clairement au gouvernement notre volonté de collaborer pour que les non-citoyens qui commettent des crimes graves et souvent violents soient expulsés rapidement. Je crois vous avoir entendu dire la même chose. Il y a des façons d'accélérer les choses.
    Nous croyons que les affaires sensationnelles que nous présentent mes collègues de l'autre côté et le ministre nous montrent que le vrai problème est le manque de formation, de coordination, de ressources et le faible niveau de sécurité à la frontière.
    Dans le Toronto Star d'aujourd'hui, on peut lire un article sur un ressortissant chinois qui a réussi à entrer et à rester au Canada malgré le fait qu'il est recherché pour un meurtre horrible. Ce n'est pas faute d'outils législatifs pour le déporter, c'est à cause d'une brèche dans la sécurité à la frontière.
    Il y a un autre cas qui a été mentionné, celui de Clinton Gayle, qui a brutalement tué le constable Todd Baylis. Nous sommes de tout coeur avec la famille de Todd Baylis et les policiers de Toronto. Encore une fois, une enquête fédérale a révélé qu'il y avait eu de graves erreurs qui nous ont empêchés d'expulser rapidement ce criminel dangereux. Un ancien sous-ministre délégué a même admis que la priorité du ministère à l'époque était de cibler les personnes qui étaient en fuite après s'être vu refuser le statut de réfugié plutôt que de cibler les criminels, afin de gonfler les chiffres sur la déportation. Tout dépend de l'objectif.
    Nous croyons que le gouvernement doit retourner à la planche à dessin et trouver des solutions au manque de formation, de ressources, d'intégration de l'information et de techniques de surveillance dans les organismes de services publics actuellement responsables.
    J'aimerais adresser ma première question à Michael et à Kerri. Dans le mémoire que vous avez soumis au comité, vous concluez que bon nombre des amendements proposés sont à la fois inutiles et injustifiés. En gardant en tête les cas sensationnalistes que je viens de rappeler, pouvez-vous nous parler de la façon dont on pourrait améliorer le système actuel sans éliminer le droit à des principes d'application régulière de la loi que propose ce projet de loi?

  (1600)  

    Quand on arrive à l'urgence d'un hôpital, il y a un écriteau qui nous informe que ce n'est pas premier arrivé, premier servi. Il y a un ordre de priorité, un triage.
    Je porte beaucoup d'affaires en appel dans l'exercice de ma profession. Cela me frustre au plus haut point que l'ASFC ne fasse pas de triage, ce qui peut être dû en partie à un manque de ressources. Je ne vois pas le triage qui me semblerait nécessaire. Tous les cas sont traités de la même façon. Il suffirait pourtant de revoir les critères de priorité des audiences de l'ASFC, par exemple, afin de cibler les infractions les plus graves, par exemple, mettons celles qui sont passibles d'une peine de plus de six mois d'emprisonnement, pour en faire une priorité et en accélérer le traitement.
    On pourrait même aller plus loin. Si on voulait traiter ces dossiers comme on a traité les réformes sur le statut de réfugié, on pourrait décider d'accélérer le traitement des dossiers qui répondent à certains critères. Le problème, en ce moment, c'est qu'on ne fait aucune distinction entre les cas extrêmes et les autres.
    Je dois dire que nous sommes inquiets. Le fait de fonder un projet de loi de la sorte sur des cas extrêmes est problématique, parce que beaucoup d'entre eux ne sont tout simplement pas pertinents. Prenons le cas de Clinton Gayle, par exemple, qui relève plus d'un problème d'application de la loi que de procédure d'appel. Les événements se sont passés dans le contexte de l'ancienne loi. Le ministre a rappelé l'affaire Just Desserts, qui est arrivée dans le contexte de l'ancienne loi et dans laquelle quatre personnes ont été accusées et trois, trouvées coupables. Les trois personnes trouvées coupables étaient des citoyens canadiens, mais pas la personne acquittée. Ce n'est pas un très bon exemple d'échec de la procédure d'appel.
    Le problème de l'affaire Khosa, dont le ministre a fait mention et qui a passé des années devant les tribunaux, c'est qu'elle a créé un précédent quant à la façon dont les tribunaux interprètent les décisions administratives au Canada. C'est un jugement fondamental. Je le présente dans mes cours de droit. Il a changé toutes les règles du jeu. Il a établi un principe de droit. Ce n'est pas que Khosa a porté les décisions successives le concernant en appel; en fait, il a gagné son appel en première instance. C'est le bon ministère qui a contesté ces décisions, et non la personne. Ce n'est un bon exemple du mauvais fonctionnement de notre système. Ce n'est pas qu'il n'y a pas de faille. Il y a des failles dans le système de justice criminelle. Il y a des personnes qui sont acquittées pour des raisons techniques ou parce que l'affaire a trop traîné. Nous ne disons pas que nous allons annuler des procès criminels et supprimer le droit à un procès criminel parce qu'il y a des voyous qui s'en sortent. Il faut croire davantage au système et envisager d'établir des priorités.
    Mon autre recommandation serait d'envisager d'imposer des conditions aux agents du ministère. Il faudrait pour cela modifier la loi, mais je pense que ce serait possible.
    Merci.
    J'ai lu votre mémoire rapidement. Vous proposez quelques amendements au projet de loi. Pouvez-vous nous en parler un peu plus? Croyez-vous que nous pourrions modifier ce projet de loi de manière à préserver à la fois les dispositions pour une application juste et équitable de la loi et les dispositions nous permettant d'accélérer la déportation des criminels dangereux?
    Oui et non. Comme nous l'avons écrit dans notre mémoire, et nous vous invitons vraiment à le lire attentivement, le problème que nous voyons, c'est que pour beaucoup d'autres initiatives du ministre, il y a eu de vastes consultations, ce qui a permis de bien réfléchir aux enjeux et d'en discuter. Dans ce cas-ci, on peut lire dans l'introduction que c'était une promesse électorale, que le ministre a demandé à son ministère d'examiner la question et de faire des recommandations. On dirait presque qu'il a reçu une liste de souhaits du ministère, que les gens de certains secteurs lui ont dit ce qu'ils voulaient. Il a réalisé leurs souhaits. Je ne sais pas d'où lui est venue l'idée, mais je sais que nous n'avons pas participé au processus.
    Il faut parfois du temps pour concevoir des mécanismes, en faire l'essai et les peaufiner à l'usage. C'est ainsi que les choses devraient se passer. C'est ce que je préférerais.
    Il apporte quelques améliorations. Nous avons parlé de quelques améliorations très précises ici. On ne peut pas ordonner de peines d'emprisonnement avec sursis et on ne devrait pas juger des gens pour des accusations portées à l'étranger sans leur accorder de droit d'appel. Il faut leur laisser le droit d'appel. Mais déportons les voyous quand nous en rencontrons. Traitons leur dossier rapidement.

  (1605)  

    Merci, monsieur Greene.
    Monsieur Lamoureux.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leurs exposés.
    J'aimerais reprendre une critique contre le projet de loi. Nous croyons qu'il comprend des failles fondamentales et qu'il n'aurait jamais dû passer l'étape de la seconde lecture. Il doit retourner à la planche à dessin. Ce que vous dites en particulier, monsieur Greene, soit qu'il n'y a eu aucune consultation, ne fait que le confirmer. Nous sommes le seul parti qui a voté pour qu'il ne soit même pas renvoyé au comité parce que nous croyons qu'il comporte des lacunes fondamentales.
    J'aimerais revenir à une chose à laquelle vous avez fait allusion. J'en ai parlé lundi, et je vais me répéter. Je cite un autre témoin sur le Code criminel.
En vertu de l'article 368 du Code criminel, quiconque se sert d'un document faux ou frauduleux est passible d'une peine maximale de 10 ans. Un résident permanent âgé de 20 ans déclaré coupable d'utilisation d'une fausse pièce d'identité pour entrer dans un bar alors qu'il était en visite aux États-Unis est interdit de territoire au motif d'une déclaration de culpabilité à l'étranger. Le fait que le tribunal américain ait seulement imposé une amende de 200 $ n'importe pas. L'alinéa 36(1)b) de la LIPR n'exige pas une peine minimale, mais seulement une déclaration de culpabilité à l'étranger.
    Certains sont d'avis qu'il n'y a même pas besoin de déclaration de culpabilité à l'étranger.
    Prenons l'exemple concret d'une personne née dans un autre pays qui est arrivée au Canada quand elle avait deux ou trois ans. Cette personne vit au Canada depuis de nombreuses années. À l'âge de 19 ans, après avoir terminé ses études secondaires, elle traverse la frontière et utilise une fausse carte d'identité pour se faire servir de l'alcool, parce que de l'autre côté de la frontière, il faut avoir 20 ou 21 ans pour boire de l'alcool. Elle se fait prendre. Elle va être déportée. Le reste de sa famille peut rester ici, mais cette personne va être déportée, même si elle a passé toute sa vie au Canada, pour ainsi dire, puisqu'elle est arrivée ici à deux ou trois ans.
    Ce n'est pas un cas exceptionnel. Quand le ministre a déposé ce projet de loi, il a mentionné cinq raisons pour lesquelles il nous le soumettait. Il a enchaîné les histoires d'horreur les unes après les autres. Il a intitulé le projet de loi Loi accélérant le renvoi des criminels étrangers. Je crois que cela envoie un message effrayant à 1,5 million de résidents permanents qui considèrent le Canada comme leur pays.
    Croyez-vous qu'il serait préférable que le ministre retravaille le texte du projet de loi, qu'il consulte d'autres intervenants et qu'il essaie de le déposer à nouveau sous la forme d'un autre projet de loi modifié en profondeur? Ne serait-ce pas préférable à toutes les contorsions que nous devrons faire pour panser les plaies que crée ce projet ce loi lui-même?
    Oui. Ce ne serait peut-être pas des contorsions, mais il est clair qu'il ne serait pas facile de simplement le corriger. Je pense qu'il contient des lacunes fondamentales, et c'est pourquoi nous recommandons qu'il retourne à la planche à dessin. Nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement.
    Comme nous l'avons dit d'emblée, il est essentiel que le public ne perde pas confiance en la qualité du système d'immigration. Nous ne voulons pas que l'histoire des États-Unis se répète ici, que les gens ne croient tellement plus à l'application de la loi qu'ils n'appuient plus du tout une réforme en profondeur du régime d'immigration.
    Le ministre a accompli beaucoup pour de choses incroyables pour moderniser et améliorer le régime, mais il ne peut pas y arriver sans l'appui du public. Je sais que c'est pourquoi il présente un projet de loi comme celui-ci, mais ce n'est pas la bonne façon de faire.
    En fait, il pourrait même être contre-productif, à mon avis, de mettre l'accent sur les cas extrêmes, les cas les plus horribles, parce que cela pourrait porter les gens à croire que le problème est beaucoup plus gros qu'il ne l'est en réalité. Bon nombre des exemples qu'il a donnés sont très anciens et remontent à l'époque d'avant la LIPR. Ils ne se sont même pas produits sous le régime de cette loi. C'est un peu dangereux, parce qu'on risque de faire croire aux gens que l'immigration pose un grave problème et que nous devrions purement et simplement fermer nos portes à l'immigration.
    Un sondage récent montre un changement dans l'opinion publique: un pourcentage accru de la population craint nos niveaux d'immigration. Je me demande si l'alarmisme affiché ici n'y est pas pour quelque chose.
    Monsieur le président, j'ai une question à poser très brièvement à M. Pagtakhan.
    Je vous remercie de vos observations sur les fausses déclarations. Pouvez-vous nous donner un exemple ou deux de ce qui constituerait selon vous une fausse déclaration involontaire?
    Monsieur Lamoureux, outre le problème que pose la fausse déclaration en soi, il y a celui qui se pose quand un consultant en fait une sans en informer le demandeur. La Cour fédérale a rendu récemment un certain nombre de décisions où elle a conclu à une fausse déclaration parce qu'un consultant avait déposé de faux résultats de tests d'anglais. La Cour a statué que ces personnes avaient fait de fausses déclarations. Leurs demandes ont été refusées. En vertu de la nouvelle loi, ces personnes seraient interdites de territoire pendant cinq ans. Ce n'est pas juste.
    Ces dispositions risquent de pénaliser des personnes innocentes. Ces personnes innocentes n'ont aucun droit d'appel. Au lieu d'exclure des innocents pour cause de fausse déclaration, vous devriez cibler les gens qui déposent de faux documents en toute connaissance de cause pour se faufiler dans le système et entrer au pays. Les dispositions sur la fausse déclaration, comme l'a indiqué M. Greene, sont vastes et touchent des personnes qui ont...

  (1610)  

    Merci. Je suis désolé de vous interrompre, monsieur, mais nous devons poursuivre.
    Monsieur Weston.
    C'est une journée extraordinaire. Je tiens à en remercier tous nos témoins. Vous vous êtes présentés clairement, en toute sincérité et de façon équilibrée. Il est difficile de réfuter la crédibilité d'un témoin qui d'une part, relève des problèmes dans une loi, mais d'autre part, complimente le ministre pour d'autres choses qu'il a faites. Dans tous les cas, nous vous remercions.
    Je suis très fier de faire partie de ce comité et de participer avec mes collègues aux efforts déployés pour ouvrir les portes du Canada à des milliers de personnes de partout dans le monde. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, avec 250 000 nouveaux arrivants, nous pouvons dire que nous avons un système très généreux pour accueillir les réfugiés.
    On dit souvent que ce sont les immigrants eux-mêmes qui sont les plus fervents adeptes du genre de mesures que le ministre propose ici.
    J'aimerais vous poser une question de base. N'est-il pas raisonnable de demander aux résidents permanents de ne pas commettre de crimes graves pour pouvoir conserver leur statut de résident permanent ou obtenir leur citoyenneté?
    Je vais d'abord donner la parole à M. Greene
    Bien sûr, c'est raisonnable. C'est ce à quoi il faut nous attendre.
    La seule chose, c'est que tout n'est pas noir ou blanc. Notre système de justice pénale le montre bien. Nous nous attendons à ce que les gens respectent la loi. S'ils ne la respectent pas, il y a des conséquences. Les conséquences dépendent de la gravité de l'infraction et du fait qu'il s'agisse d'un acte isolé ou répété. La même règle devrait s'appliquer à l'immigration.
    Je viens de Calgary, et vous pouvez imaginer que j'en entends parler tout le temps. La personne moyenne me dit qu'on devrait appliquer la tolérance zéro, mais la tolérance zéro ne fonctionne pas vraiment. Les êtres humains sont beaucoup plus complexes que cela. Si une personne arrive au pays quand elle n'est encore qu'un bambin, mais qu'elle commet un crime 20 ou 30 ans plus tard, c'est un peu plus difficile appliquer la tolérance zéro.
    J'aimerais donner la parole à monsieur Pagtakhan.
    N'est-il pas raisonnable de nous attendre à ce qu'un immigrant ne commette pas de crime grave pour conserver son statut ou obtenir la citoyenneté?
    Absolument. Nous nous attendons tous à ce que les gens respectent les lois et à ce qu'il y ait des conséquences pour ceux qui les enfreignent.
    Il y a une chose que l'on oublie parfois dans cette histoire. Même si certains des individus touchés n'ont pas droit à un appel pour leur dossier d'immigration lorsqu'on leur impose une peine de plus de six mois d'incarcération, ils peuvent toujours faire valoir au tribunal qu'ils risquent l'expulsion, qu'ils n'ont pas droit d'interjeter appel et que l'on devrait peut-être en tenir compte dans la détermination de leur peine. Les cours d'appel du Manitoba, de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse, des Territoires du Nord-Ouest et d'autres provinces et territoires ont accepté de le prendre en considération. Il y a plusieurs causes, dont récemment celle d'Arganda au Manitoba, où les cours d'appel ont effectivement réduit la peine imposée pour préserver un droit d'appel en immigration.
    L'immigrant reconnu coupable d'un crime a la possibilité de plaider sa cause lors de l'audience de détermination de la peine où le juge de la cour pénale, de la Cour du Banc de la Reine, peut prendre en considération la déclaration sur les répercussions sur la victime, tous les facteurs pouvant influer sur la détermination de la peine ainsi que la situation particulière de l'individu. Lorsqu'on prend en compte tous ces éléments, on fait essentiellement le même travail que la Section d'appel de l'immigration. L'individu n'est pas privé de son droit de faire valoir les circonstances particulières à sa cause. Il est possible de le faire et les cours d'appel le reconnaissent.
    J'ai été étonné de constater que pas moins de 850 personnes par année interjettent appel devant la SAI pour retarder leur expulsion. Nous nous sommes attardés aujourd'hui à différents cas individuels, mais il y a aussi la question du volume.
    Monsieur Pagtakhan, que pensez-vous de ce nombre? Est-ce que cela vous surprend? Est-ce une quantité considérable à vos yeux?

  (1615)  

    Il y a beaucoup de gens qui commettent des crimes. Huit cent cinquante personnes par année, ce n'est pas nécessairement très élevé. Je ne sais quels sont les chiffres pour les autres types de causes. Je ne suis pas certain qu'il y ait lieu de s'inquiéter au sujet du nombre d'appels. Je n'ai pas vu les données sur la quantité que l'on obtiendrait en réduisant la période visée de deux ans moins un jour à six mois.
    D'accord, c'est un commentaire intéressant.
    Je m'inquiète aussi du cas des individus interdits de territoire pour des raisons très graves, comme les crimes de guerre, les violations des droits de la personne et l'appartenance au crime organisé, qui réussissent à retarder leur expulsion en invoquant des motifs d'ordre humanitaire.
    Pourrais-je savoir ce que vous en pensez, monsieur Pagtakhan? Croyez-vous que les dispositions du projet de loi C-43 qui excluent les motifs humanitaires pouvant être invoqués pour retarder l'expulsion d'une personne qui a commis...
    Je ne voudrais pas dire que certains crimes sont plus graves que d'autres, mais ceux que vous mentionnez sont particulièrement sérieux. Le retrait d'une possibilité d'appel pour des motifs d'ordre humanitaire est une mesure lourde de conséquences, mais si on doit l'imposer à quelqu'un, c'est bien aux criminels de guerre, aux terroristes et à tous les individus de la sorte. La nature de ces crimes est telle que l'on peut se demander quels motifs humanitaires pourraient bien être invoqués. Je vois mal un individu dont l'engin explosif a fait de multiples victimes déclarer qu'il existe de très bonnes raisons pour lesquelles il devrait rester au pays. J'ai de la difficulté à m'imaginer quel pourrait être le motif humanitaire en pareil cas.
    Ma prochaine question s'adresse à nos deux témoins. Étant moi-même avocat et soucieux de la primauté du droit et ayant débattu de ces questions de motifs humanitaires sur d'autres tribunes auparavant, je souhaite maintenir la confiance envers notre système d'immigration. Il faut que tous les Canadiens soient convaincus que notre ministre a raison de vouloir continuer de faire entrer au pays un si grand nombre de personnes chaque année en ayant l'assurance qu'il s'agit de bons citoyens qui vont contribuer au développement du Canada, plutôt que de lui nuire.
    Avez-vous une dernière observation, monsieur Greene?
    Pour ce qui est des criminels de guerre, je dois signaler qu'il existe des zones grises. Il s'agit effectivement de crimes effroyables. Si un individu a fait exploser des gens, il va de soi que nous n'en voulons pas ici et que nous devrions l'expulser rapidement, ou l'empêcher carrément d'entrer au pays. Mais...
    Nous devons passer au prochain intervenant. Désolé.
    D'accord. Pour vous donner un exemple frappant, disons simplement que Nelson Mandela n'aurait pas droit à un appel en vertu de cette loi.
    Il n'en aurait pas besoin; il a été admis au Canada.
    Silence, s'il vous plaît. La parole est maintenant à Mme Sitsabaiesan.
    Merci, monsieur le président. Merci également à nos témoins d'aujourd'hui.
    Nous convenons qu'il faut traiter rapidement le cas des non-citoyens qui commettent des crimes graves au Canada. Nous nous inquiétons grandement du fait que ce projet de loi conservateur conférera un pouvoir arbitraire encore plus considérable au ministre sans un système de freins et contrepoids approprié.
    J'ai pu constater dans le mémoire que vous avez soumis à notre comité que vous étiez du même avis, monsieur Greene.
    Quelles sont les répercussions de l'énorme transfert de pouvoirs discrétionnaires des instances judiciaires vers le bureau politique du ministre de l'Immigration que propose ce projet de loi?
    Je veux d'abord préciser qu'il ne s'agit pas de mes opinions personnelles. Je vous présente ici le point de vue de l'Association du Barreau canadien. C'est le résultat de vastes consultations auprès des membres du Barreau.
    Pour revenir à votre question, différentes mesures législatives nous ont causé des préoccupations semblables. Je signale pour votre gouverne que l'on continuera à examiner tous les facteurs pertinents. C'est la tâche que l'on confie actuellement à un agent pour les individus dont la peine est supérieure à deux ans.
    Il est cependant difficile pour un agent de prendre des décisions semblables, car personne ne veut faire fausse route et mettre sa carrière en péril. Par contre, les instances judiciaires indépendantes existent précisément à cette fin. Les membres de ces instances doivent peser tous les facteurs en cause. Pour sa part, un agent verrait ses perspectives de carrière s'assombrir s'il permettait le maintien au pays d'un individu qui commettrait un nouveau crime par la suite.
    Nous estimons que l'on serait mal avisé de transférer ces pouvoirs. C'est justement la raison pour laquelle la Section d'appel de l'immigration a été créée dans les années 1970; on voulait retirer ce pouvoir discrétionnaire aux agents de l'État pour établir un système plus efficace.
    La plupart des gens qui travaillent au sein du système croient en son efficacité. Je pense que les gens s'inquiètent en fait surtout des retards causés par le nombre élevé de cas. Je ne saurais vous dire si 850 cas par année, c'est vraiment énorme, mais reste quand même que cela crée des arriérés dans le système, surtout lorsque les ressources sont insuffisantes.
    Merci.
    Le ministre a mis en lumière une bonne demi-douzaine de cas extrêmes de non-citoyens récidivistes qui auraient commis des crimes graves pendant que leur expulsion était retardée. Nous avons déjà parlé de quelques-uns de ces cas aujourd'hui.
    De toute évidence, plusieurs de ces tristes et célèbres affaires mettent au jour des problèmes graves en matière de sécurité frontalière. Nous devons arrêter les criminels et les terroristes avant même qu'ils n'arrivent au Canada, mais les coupures conservatrices dans les services frontaliers font en sorte que nos agents devront essayer de faire de leur mieux avec moins de ressources à leur disposition.
    Je vais vous poser quelques questions en vous laissant le reste de mon temps pour y répondre.
    Est-ce que le retrait du droit d'appel est la seule façon d'empêcher que des cas semblables se produisent? Avez-vous des suggestions sur les moyens de mieux équiper l'Agence des services frontaliers du Canada pour qu'elle puisse empêcher l'entrée au pays de ces criminels dangereux? En quoi les coupures conservatrices entravent-elles les efforts de l'ASFC?
    Vous avez tout le temps encore à ma disposition.

  (1620)  

    Je ne crois pas que ce soit notre capacité à empêcher les grands criminels d'entrer au pays qui pose problème. Dans aucun des cas cités par le ministre, tout au moins parmi ceux dont j'ai pris connaissance, le coupable était une personne qui n'aurait pas dû être au Canada. Tous ces individus ont commis leurs crimes après leur arrivée au pays.
    Je pense que les outils nécessaires existent déjà. On fait notamment un meilleur usage des données biométriques. Il deviendra beaucoup plus difficile pour un individu — quelqu'un qui aurait été expulsé, par exemple — de revenir au Canada en prenant une fausse identité, car le ministre donne suite à d'autres propositions qui accroissent l'efficacité du système.
    J'ai déjà parlé suffisamment de ces questions pour faire valoir qu'une approche sélective est possible. Ainsi, les agents peuvent imposer certaines conditions pour les crimes les moins graves de telle sorte que les audiences en bonne et due forme soient réservées aux cas les plus sérieux.
    Il vous reste une minute.
    Je vais poursuivre dans la même veine. Dans plusieurs de ses rapports, le vérificateur général a fait état des ressources insuffisantes, du manque de formation adéquate pour les agents de l'ASFC et de l'absence d'une intégration appropriée entre le personnel de l'ASFC et celui de CIC.
    Pensez-vous que nous devrions surtout nous demander si la loi existante peut permettre d'atteindre les objectifs visés par ce projet de loi? Devrions-nous nous assurer en priorité que la loi en vigueur est bel et bien appliquée, plutôt que de nous contenter de rédiger de nouvelles lois?
    C'est une question qui relève peut-être en partie des politiciens, mais je peux vous dire que l'on ne va pas tout régler en modifiant la loi. Le problème va persister. Pour un individu faisant l'objet d'une ordonnance d'expulsion et n'ayant pas de droit d'appel, nous devrons toujours nous prêter au même exercice de cueillette et de présentation des renseignements pertinents. C'est ce que nous faisons par écrit. Le tout se retrouve sur le bureau d'un agent au centre-ville de Calgary, dans mon cas, avant d'aboutir à Ottawa. C'est un processus qui exige plusieurs mois. J'ai vu des cas où les choses s'éternisaient sans raison pendant des années. Mais je sais ce qui arrive. On manque simplement de ressources. C'est une question de priorités.
    Merci.
    Contrairement à ce que je vous avais dit, j'apprends maintenant que la sonnerie va se faire entendre à compter de 17 h 45, ce qui fait que cette portion de notre séance se terminera à 16 h 30.
    Monsieur Menegakis.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui. J'ai trouvé vos témoignages fort intéressants.
    J'ai ici quelques statistiques. L'an dernier, 43 millions de personnes ont visité le site Web d'Immigration Canada. Un nombre record de 265 000 individus ont été admis comme immigrants au pays. C'est un afflux sans précédent depuis la deuxième guerre mondiale, et la situation devrait se répéter cette année encore. Il va de soi que les gens respectueux des lois devraient être admis au Canada avant ceux qui bafouent les lois et commettent des crimes.
    Mme Sims a dit que l'affaire Clinton Gayle était sensationnelle. Je suis d'accord avec elle; c'est tout à fait sensationnel. Todd Baylis, un policier de 24 ans, est tombé sous les balles d'un tueur en série, un trafiquant de drogue. Le policier essayait alors d'intervenir pour contrer une transaction de crack. Clinton Gayle était toujours au Canada parce qu'il avait interjeté appel devant la Section d'appel de l'immigration.
    Monsieur Pagtakhan, croyez-vous que des criminels comme Clinton Gayle, des récidivistes reconnus coupables de crimes graves comme le trafic de drogue, devraient avoir le droit d'interjeter appel?

  (1625)  

    Non, parce qu'ils ont déjà la possibilité de discuter de ces questions lors de la détermination de leur peine. C'est un cas qui s'est produit en Ontario. La cour d'appel de cette province a indiqué qu'elle procédait de cette manière. Si l'individu peut convaincre la cour d'appel de lui imposer une peine inférieure au maximum au-delà duquel il ne lui serait plus possible d'interjeter appel devant la SAI, eh bien soit. C'est la décision du juge chargé de déterminer la peine. Après tout, c'est ce juge qui entend la preuve présentée à l'égard du crime commis, les agents de police, les différents témoins, les victimes. Lors de l'audience de détermination de la peine, le juge peut aussi entendre la plaidoirie de l'avocat de la défense. C'est ainsi que l'on garantit la protection des droits de celui qui n'est alors plus seulement inculpé, mais bien reconnu coupable.
    Ses droits sont donc protégés et rien ne justifie un nouvel appel. Les garanties existent déjà grâce à la façon de faire établie, en l'espèce, par la Cour d'appel de l'Ontario.
    Lors de nos dernières séances portant sur ce projet de loi C-43, j'ai entendu plusieurs témoins parler de la question de la résidence permanente. Il est possible qu'un individu arrivé au Canada à l'âge de 2 ans emprunte la voie du crime à 30 ans. Certains se demandent si on devrait alors le traiter comme un criminel étranger ou comme un résident, voire un citoyen canadien.
    À mon avis, il y a une différence entre un résident permanent et un citoyen canadien. Si vous êtes assez vieux pour commettre des crimes semblables, vous devriez connaître quelques-uns des avantages associés à la citoyenneté canadienne. Vous avez aussi eu amplement de temps pour faire le nécessaire afin de l'obtenir.
    L'Association canadienne des chefs de police et l'Association canadienne des policiers ont exprimé tout leur soutien à l'égard du projet de loi C-43 en affirmant qu'il procurera une plus grande sécurité à tous les Canadiens, y compris les immigrants dont la vaste majorité sont des gens honnêtes et respectueux des lois.
    Êtes-vous d'accord avec ces organisations policières?
    Pour ce qui est de retirer le droit d'appel aux criminels dont la peine d'incarcération est de six mois et plus, je suis effectivement d'accord. Je vous ai d'ailleurs déjà parlé de quelques-unes des autres questions qui me préoccupent.
    Je suis aussi d'accord avec ce que vous avancez, monsieur Menegakis. Ces individus ont pris la décision de commettre un crime. Il faut qu'il y ait intention criminelle et que l'on passe aux actes, ce qu'on appelle dans notre jargon d'avocats actus reus et mens rea. Ces gens-là ont décidé sciemment de le faire. Ce sont des criminels. Ce ne sont plus seulement des inculpés. Ils ne sont plus présumés innocents. Lorsqu'on prend une telle décision, il faut en subir les conséquences.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Menegakis.
    Monsieur Leung, vous avez le dernier mot.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins pour leur comparution.
    J'ai moi-même vécu à Taïwan et au Japon avant d'arriver au Canada. Lorsque je suis venu ici à titre d'étudiant international, il était clair dans mon esprit que le Canada pouvait compter sur d'excellents régimes de gouvernance et de maintien de l'ordre public. J'ai poursuivi toutes mes études en craignant de ne pouvoir les terminer si j'enfreignais la loi ou si je n'agissais tout simplement pas en bon citoyen de ce pays. J'arrive difficilement à m'imaginer comment des législateurs et des avocats comme nous qui évaluent le système judiciaire pouvons permettre la poursuite d'un débat semblable lorsqu'il en ressort que nous autorisons l'entrée au Canada d'individus qui bafouent notre système judiciaire ou ne respectent pas nos lois.
    Monsieur Pagtakhan, pourriez-vous nous dire si c'est trop demander aux nouveaux arrivants au Canada que de respecter nos lois et de s'y conformer? Sinon, pourquoi sommes-nous même en train d'en discuter? Dites-nous donc ce que vous en pensez.
    Je ne sais pas pourquoi nous embarquons dans de telles discussions, bien qu'elles soient importantes et que le comité ait son mot à dire, tout comme les citoyens et mon collègue, M. Greene, de l'Association du Barreau canadien.
    Pour répondre à votre question, ce n'est pas trop de s'attendre à ce qu'un particulier venu au Canada comme immigrant respecte la loi. Bien franchement, ce n'est pas trop de s'attendre à ce que des gens nés au Canada, tels que vous et moi, respectent la loi. Nous nous attendons à ce que les gens obéissent aux lois, et c'est la raison pour laquelle nous avons un système de justice pénale. Les personnes qui violent la loi doivent en subir les conséquences. Les personnes qui ont choisi de ne pas obtenir la citoyenneté canadienne ou encore n'ont pas passé suffisamment de temps ici au pays pour devenir citoyens encourront d'autres conséquences.
    Comme le savent les juristes et les juges, chaque personne est censée connaître la loi. Si vous êtes censés connaître la loi, il vaut mieux la respecter, sinon il faudra en subir les conséquences.

  (1630)  

    Cette consigne vise également les personnes qui sont arrivées au Canada en bas âge. On peut en conclure que le fait de ne pas connaître la loi n'est pas forcément un prétexte qui permettrait à quelqu'un de rester au pays puisqu'il y a passé toute sa vie et n'a donc pas d'attaches avec son pays d'origine.
    Monsieur Leung, on peut bien sûr être un peu plus indulgent à l'égard des personnes qui étaient enfants lorsqu'elles sont arrivées au pays. Or, il n'est pas question de viser chaque personne trouvée coupable d'avoir commis un crime. Il s'agit des personnes déclarées coupables d'un crime et condamnées à une période d'emprisonnement d'au moins six mois. On ne parle pas du type qui a été arrêté par la police pour conduite dangereuse. Nous parlons de gens qui doivent purger une peine de prison. C'est sérieux.
    Le Code criminel précise bien que les juges ne devraient pas éviter les peines d'emprisonnement si celles-ci s'imposent. Il s'agit donc de personnes condamnées à purger une peine en prison par des juges qui ont entendu la cause et ont fait une décision quant à la peine. Voilà la différence. J'aurais beaucoup de réticences s'il était question d'expulser les personnes trouvées coupables d'avoir commis du vol à l'étalage une seule fois, mais ce n'est pas ce qui est prévu, monsieur Leung.
    Vous avez raison. D'après ce que j'ai compris du projet de loi C-43, les dispositions ne visent que les auteurs de crimes graves.
    En effet, c'est ce que fait la disposition.
    Monsieur le président, je crois que mon temps s'est écoulé.
    Merci.
    Merci, monsieur Pagtakhan, monsieur Greene et madame Froc. Nous vous remercions de votre contribution aux travaux du comité. Nous allons réfléchir à la suite de vos observations. Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui.
    La séance est suspendue.

    


    

  (1635)  

    Nous allons reprendre. La réunion se terminera à 17 h 25, et le comité se réunira ensuite à huis clos pour discuter de ses travaux.
    Notre dernier témoins est la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, représentée par Mme Rivka Augenfeld et M. Richard Goldman, qui est le responsable du volet protection.
    Madame, monsieur, vous avez déjà comparu sur le projet de loi C-31, et nous vous remercions de revenir encore une fois pour nous faire part de vos observations sur le projet de loi C-43. Vous disposez de 10 minutes en tout pour faire votre déclaration devant le comité.
    Merci.

[Français]

    Je remercie le comité de nous avoir invités. Je vais d'abord parler en français et, par la suite, mon collègue va continuer en anglais.
    La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes est un regroupement qui existe depuis 1979. Elle a été créée au moment de l'arrivée des réfugiés de la mer. Je pense que tous les gens ici présents qui ont un certain âge se rappellent cette époque.
    Nos organismes oeuvrent partout au Québec et aident les immigrants et les réfugiés à s'intégrer au Québec. Les organismes à l'extérieur de Montréal aident surtout les réfugiés sélectionnés à l'étranger et les réfugiés parrainés par le gouvernement. Nos organismes travaillent aussi avec les demandeurs d'asile. Normalement, ce travail est complètement bénévole, parce qu'aucun gouvernement ne subventionne cette activité.
    Aujourd'hui, nous voulons vous parler de ce qui se passe sur le terrain, au-delà des étiquettes, car parfois ces choses sont un peu abstraites.

[Traduction]

    Avant que je ne cède la parole à mon collègue, M. Rick Goldman, j'aimerais vous signaler que M. Goldman est juriste. Il travaille pour le Comité d'aide aux réfugiés, une organisation à but non lucratif. Il ne travaille pas dans un cabinet privé, donc sachez que tout ce que nous vous disons est dit du point de vue communautaire.
    Lorsque nous aborderons certains sujets aujourd'hui, j'espère que vous écouterez en qualité de députés parlementaires qui ont des électeurs. Je suis sûre que chacun d'entre vous a reçu récemment des personnes qui vous ont raconté des problèmes. Vous vous êtes sans doute rendus compte que cette personne ne ressemblait pas à une soi-disant menace pour la sécurité ou à une personne avec un casier judiciaire bien garni. Vous aviez devant vous des êtres humains. Lorsque vous les rencontrez et leur parlez, vous vous rendez compte que la vie, tout comme les personnes qui ont du vécu, ne ressemblent pas toujours à ce qui est écrit en noir et blanc.
    Je vais maintenant céder la parole à mon collègue. Nous allons essentiellement suivre le document que vous avez en main.
    Nous nous concentrerons sur une question qui nous préoccupe de façon particulière relativement au projet de loi C-43: l'impossibilité de demander la prise en compte des considérations humanitaires pour les personnes exclues de la protection des réfugiés ainsi que les personnes qui, ayant été jugées interdites de territoire pour des raisons de sécurité, demandent une dispense ministérielle.
    Nous commencerons par donner l'exemple d'une personne qui bénéficie actuellement de l'aide de l'un de nos organismes.
    Voici l'histoire de Salma.
    Alors qu'elle était toujours étudiante dans son pays d'Amérique latine ravagé par la guerre civile, Salma a été recrutée par la section étudiante du mouvement d'opposition. Elle a pris part à des réunions, en servant du café et en prenant des notes pour les comptes rendus, et a participé à l'organisation de manifestations pacifiques. Des années plus tard, après la signature d'accords de paix et la transformation du mouvement en parti politique légal, elle a de nouveau fait du bénévolat pendant une campagne électorale. Salma affirme qu'elle a découvert par inadvertance des preuves d'activités illégales et qu'elle a alors été ciblée par les dirigeants du parti, qui l'ont d'abord menacée puis brutalement agressée.
    Elle s'est enfuie au Canada pour y demander l'asile. Toutefois, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que sa participation au mouvement, lequel comportait un groupe guérilla ayant ciblé des civils pendant la guerre civile, l'empêchait d'obtenir la protection comme réfugiée au Canada. Elle a été jugée « complice de crimes contre l'humanité ».
    De plus, même si un responsable de l'Agence des services frontaliers du Canada a confirmé que Salma n'avait jamais participé à un acte de violence et qu'elle ne présentait aucun danger pour le Canada, elle est également devenue, par effet automatique de la loi, non admissible à la résidence permanente aux termes de l'article 35 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    Des médecins canadiens croient que Salma a effectivement été victime d'une agression sexuelle et qu'un retour dans son pays mettrait sa santé mentale en péril. Elle n'a aucune famille dans son pays d'origine, car son fils unique et son ex-conjoint ont immigré au Canada dans le cadre de processus d'immigration distincts.
    Conformément aux lois actuelles, Salma peut présenter une demande de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire. Un agent qui examinerait une telle demande aurait à prendre en compte tous les facteurs en cause: les difficultés qu'engendrerait pour Salma son retour dans le pays où elle a été traumatisée, sa situation médicale, l'intérêt supérieur de l'enfant touché, les liens qu'elle a établis au Canada, la nature de ses activités au sein de l'organisation à laquelle elle a été associée. L'agent pourrait ensuite décider d'accorder la résidence permanente à Salma pour des motifs d'ordre humanitaire, ce qui inclurait une dispense touchant l'interdiction de territoire. Le projet de loi C-43 empêcherait toutefois Salma d'avoir cette possibilité. Elle ne pourrait même pas présenter de demande pour des motifs d'ordre humanitaire.
    J'ai entendu dire dans la déclaration précédente que des personnes présentent des demandes pour des motifs d'ordre humanitaire afin de retarder leur expulsion du Canada. J'aimerais que ce soit clair: une demande présentée pour des raisons humanitaires ne retarde pas l'expulsion d'une personne du Canada.
    Ce problème est extrêmement préoccupant pour nous. D'après notre expérience, le cas de Salma n'est pas isolé. Nous constatons au contraire que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié applique de plus en plus fréquemment les clauses d'exclusion. Notre expérience est corroborée par une étude universitaire exhaustive qui décrit la culture croissante de l'exclusion au Canada. L'étude, intitulée « The Growing Culture of Exclusion: Trends in Canadian Refugee Exclusions », laquelle est citée dans le présent document, a été publiée en 2011. Elle a examiné chaque cas d'exclusion ayant fait l'objet d'une décision et ayant été rendue publique au cours de la période allant de 1999 à 2008. Les conclusions suivantes en ont été tirées:
Les cas d'exclusion à la CISR ont radicalement augmenté au cours de la période; on en comptait deux en 1998, 114 en 2004 et 79 en 2008.
Le gouvernement du Canada a activement cherché à accroître le nombre d'exclusions en intervenant dans des affaires examinées par la CISR et il a eu recours à des arguments « créatifs » à tous les paliers de décisions.
    Relativement à la question de la complicité:
Les cas révèlent une situation troublante: c'est souvent qui on est ou avec quelles personnes on est associé, plutôt que ce qu'on a fait, qui constitue le fondement de l'exclusion.
    En outre:
Ces interprétations de la notion de complicité sont plus larges que celles de cours pénales internationales qui ont jugé des personnes les plus lourdement responsables de crimes internationaux. Ainsi, on utilise les lois applicables aux réfugiés pour définir la culpabilité de personnes, et ce, selon des critères beaucoup plus sévères que ceux du droit pénal international.
    En bout de ligne, les auteurs, dont deux enseignent à l'Université de la Colombie-Britannique, concluent:
Cela n'est pas conforme aux obligations d'ordre humanitaire du droit international relatif aux réfugiés et du droit international relatif aux droits de la personne et cela ne tient aucunement compte du fait que bon nombre de demandeurs exclus n'ont jamais participé à des actes de violence ou à des crimes, et n'auraient pas été exclus il y a une décennie.

  (1640)  

    Voilà la première partie de notre préoccupation principale.
    La deuxième partie, c'est que l'on ne tienne pas compte de l'avis de l'agence dans le traitement des demandes de dispense ministérielle. Nous voyons parfois des gens qui sont visés par les dispositions en matière d'inadmissibilité d'une façon différente mais dont le parcours ressemble beaucoup à celui que je viens de vous décrire.
    Par exemple, même si la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada avait choisi de ne pas exclure Salma et lui avait accordé le statut de réfugié, elle aurait pu être déclarée inadmissible au droit de séjour au Canada en vertu de l'article 34 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour avoir été membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle a été l'instigateur d'actes visant au renversement d'un gouvernement par la force.
    En fait, comme on l'a souvent fait remarquer, même Nelson Mandela, s'il n'était pas citoyen canadien d'honneur, aurait été visé par cette définition.
    Conformément aux lois actuelles, les personnes visées par une exclusion peuvent demander une dispense ministérielle touchant leur interdiction de territoire. Pour obtenir cette dispense, elles doivent convaincre le ministre que leur présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national. Dans le passé, le ministre a tenu compte des considérations humanitaires, comme celle dont je vous ai parlé plus tôt, pour examiner les demandes présentées.
    Toutefois, le projet de loi C-43 modifierait ainsi la disposition applicable de la façon suivante: le ministre ne tient compte que de considérations relatives à la sécurité nationale et à la sécurité publique sans toutefois limiter son analyse au fait que l'étranger constitue ou non un danger pour le public ou la sécurité du Canada.
    Aux termes de la même disposition du projet de loi C-43, dont je vous ai parlé dans le cas de Salma, il est également interdit à ces personnes de présenter une demande de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire. On leur interdit également la possibilité de demander une dispense ministérielle pour des motifs humanitaires ou encore de demander la résidence permanente pour ces mêmes motifs.
    Nous soutenons que l'exclusion complète des considérations humanitaires dans ces contextes est contraire aux obligations internationales du Canada en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui, entre autres, assure la protection des droits familiaux et de la sécurité de la personne.
    Cette exclusion viole aussi les obligations du Canada en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant, puisqu'elle exclurait la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, lequel est normalement un élément important dans la prise d'une décision touchant les considérations humanitaires. Elle violerait également les obligations du Canada en vertu de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, la CEDAW, qui protège les femmes contre toute discrimination fondée sur le sexe.

  (1645)  

    Pourriez-vous terminer vos observations, monsieur Goldman?
    D'accord.
    Nous recommandons que les articles 9 et 10 du projet de loi C-43 soient modifiés pour faire en sorte que les personnes exclues de la protection des réfugiés soient néanmoins autorisées à présenter une demande pour des motifs d'ordre humanitaire et que de telles demandes soient pleinement prises en compte.
    Que l'article 18 du projet de loi C-43 soit modifié de manière à éliminer toute restriction imposée aux facteurs que le ministre peut prendre en considération lorsqu'il examine une demande de dispense ministérielle.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Weston a le droit de parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici.
    Je pense que tout le monde ici reconnaît que le Canada est peut-être le pays le plus généreux au monde en raison de sa politique d'immigration des réfugiés.
     Isaac Newton disait que s'il y avait une action, il y avait aussi une réaction. Nous devons penser à une manière de conserver cette politique généreuse. Nous devons déterminer de quelle manière nous pouvons continuer à faire entrer 260 000 immigrants au Canada chaque année, de quelle façon nous pouvons maintenir cette proportion d'immigration qui est peut-être la plus généreuse au monde.
    Ma question porte sur les personnes qui ont un statut de résidents permanents au Canada. Est-il raisonnable de s'attendre à ce que ces personnes ne commettent pas de crimes graves ici, au Canada, afin de préserver leur statut, de même que la confiance des Canadiens et d'autres immigrants qui aimeraient venir au Canada?

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord. Je crois que toutes nos organisations associées s'entendent pour dire que ce n'est pas trop demander aux ressortissants étrangers de respecter la loi, comme le font les citoyens canadiens. Nous sommes entièrement d'accord que lorsqu'il y a une action, il doit aussi y avoir une réaction. Reste la question de la proportionnalité, cependant.
    Je crois que tout le monde ici présent s'entend pour dire que les criminels étrangers devraient être expulsés du Canada aussi rapidement que possible. Nous sommes préoccupés par le fait que la nouvelle définition de crime grave fasse baisser le seuil de tolérance de façon alarmante. Si votre voisin de 18 ans rentre dans votre maison et boit votre whisky, vous voudrez probablement le punir. Vous seriez même tenté de lui donner un coup de pied au derrière, mais il faudrait éviter d'agir comme justicier. Si votre voisin était venu d'Iran ou d'Érythrée à l'âge de trois ans, s'il n'avait aucune famille dans son pays d'origine, s'il était incapable de lire, d'écrire ou même de parler la langue du pays, je crois que la plupart des Canadiens seraient d'accord que l'on devrait tenir compte des considérations humanitaires dans la prise de décisions concernant son expulsion du Canada.

  (1650)  

[Français]

    Monsieur Goldman, permettez-moi de vous interrompre.
    En vertu du processus criminel, ce type de personnes disposent de tous les droits prévus par la Charte, dont la présomption d'innocence. Elles peuvent aussi plaider les conséquences de l'immigration si elles sont condamnées pour un crime grave au Canada.
    Le Canada accorde beaucoup de droits à ce type de personnes. Si ces personnes commettent leurs crimes ici et qu'elles ne sont pas déportées, je crains que les Canadiens ne perdent confiance en notre système. La conséquence la plus grave serait que le ministre ne puisse plus maintenir cette politique si généreuse. Qu'en pensez-vous?
    Je ne veux pas couper l'herbe sous le pied à mon collègue, mais j'aimerais répondre à cette question.
    Le problème est le suivant. Si la loi est modifiée afin de, comme vous le prétendez, capturer de très dangereux criminels, cela va finir par mener à la capture de gens comme ceux qu'a décrits Me Goldman.
    Cela représente un marteau trop gros et trop large. On veut attraper les criminels très dangereux, soit. Tout le monde est favorable à cela. On ne veut pas de criminels dangereux. Je suis opposée, moi aussi, à ce qu'on accueille des gens qui ont commis des crimes de guerre. Toutefois, cela finit par être trop large.

[Traduction]

    Le projet de loi ratisse trop large en visant des gens sans leur accorder de dispense, des gens qui ne devraient pas être visés. Je ne crois pas que vous voudriez priver Salma d'une dispense quelconque. Elle n'a rien fait. Ce n'est pas une criminelle. Pourquoi la punir de la même façon dont nous punissons quelqu'un qui a commis des crimes terribles contre l'humanité?
    Comme vous l'avez dit, ici au Canada, nous faisons respecter la loi et nous sommes généreux. Nous faisons des distinctions et accordons des possibilités de dispense qui peuvent aider une personne comme Salma sans pour autant accorder un droit de séjour de plusieurs années à quelqu'un qui a commis des crimes graves contre l'humanité.

[Français]

    Au-delà du cas de Salma, j'ai été scandalisé d'apprendre que, chaque année, 850 personnes ont recours à des motifs d'ordre humanitaire pour retarder le processus. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    J'aimerais revenir à votre question exacte qui portait sur le système de justice pénale. D'après ce que j'ai compris après avoir lu la jurisprudence des cours d'appel de diverses provinces, dont l'Alberta et le Québec, les tribunaux ne perçoivent pas la chose de la même façon, c'est-à-dire la possibilité de présenter des arguments en matière d'immigration lors de la détermination de la peine. Je ne suis pas expert en droit pénal, mais je ne suis pas persuadé qu'il soit établi partout au Canada que l'on puisse faire valoir des arguments en matière d'immigration lors de la détermination de la peine.
    Notre témoin précédent l'a pourtant dit clairement, monsieur Goldman.
    Ce n'est pas ce que je comprends. Je m'en remettrai aux pénalistes.
    Avant que le gouvernement n'aille de l'avant avec une disposition qui élimine le pouvoir discrétionnaire pour des raisons humanitaires, il faudrait être sûr que l'argument puisse être invoqué devant les tribunaux pénaux du Canada. Ce n'est pas le cas, d'après ce que je vois.
    Je suis désolé. Il ne nous reste plus de temps.
    Allez-y, madame Groguhé.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Je voudrais d'abord remercier nos témoins de leur présence.
    Je voudrais saluer également la qualité des mémoires, autant celui de l'Association du Barreau canadien que celui de la TCRI, que vous nous avez fait parvenir pour attirer notre attention sur vos préoccupations et les problèmes que pourrait poser le projet de loi C-43.
    Nous pensons que la société civile et nous, les représentants de cette société civile, cherchons à faire en sorte que les lois qui nous gouvernent puissent être justes, équitables et conformes non seulement à la Charte canadienne des droits et libertés, mais aussi aux obligations, comme vous l'avez mentionné, que nous avons acceptées en signant certaines conventions internationales.
    Monsieur Goldman, dans votre mémoire, il est question de vos préoccupations relativement à ce que vous avez appelé la culture de l'exclusion au Canada, et plus précisément l'exclusion des demandeurs d'asile déboutés en vertu de l'article 1F de la Convention de Genève ainsi que l'exclusion de gens qui ont fait une demande pour des motifs d'ordre humanitaire, même lorsque des agents des Services frontaliers du Canada confirment qu'ils n'ont jamais participé aux crimes et qu'ils ne représentent aucun danger au Canada. Aux termes du projet de loi C-43, ils doivent être renvoyés même si cela les expose à la torture.
    Pourquoi est-ce ainsi, selon vous? Quelles recommandations pourriez-vous faire à ce comité relativement à cette question précise?

  (1655)  

    Merci beaucoup.
    Je pense qu'on va un peu trop loin quand on dit que ces demandeurs pourraient être renvoyés même dans les cas où ils risqueraient d'être torturés. En effet, selon la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Canada serait obligé de ne pas les déporter.
    Il est vrai qu'avec la suppression de l'examen des risques avant renvoi... Non, c'est vrai, c'est maintenu pour les gens qui sont exclus.
    Quoi qu'il en soit, on irait trop loin si on disait que ces demandeurs seront renvoyés alors qu'on sait qu'ils risquent d'être torturés. Cependant, il est sûr et certain qu'ils n'auront pas accès à une demande de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire.
    Pour faire valoir le genre de motifs que nous avons mentionnés dans notre mémoire, à savoir les liens avec le Canada, le fait qu'ils n'ont pas participé à des actes de violence et des questions d'ordre médical, nous avons une recommandation qui n'est pas très compliquée. Il s'agit de ne pas supprimer le droit de faire une demande pour motifs d'ordre humanitaire. Pour des raisons que j'ignore, certaines personnes semblent penser que le fait de présenter une demande pour motifs d'ordre humanitaire reporte le renvoi. Je répète que ce n'est pas le cas. Rien dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ne prévoit que si on fait une demande pour motifs d'ordre humanitaire, il y a une suspension du renvoi. Ce n'est pas du tout le cas.
    Le fait de présenter une demande ne garantit pas qu'elle sera acceptée. Un agent d'immigration s'assoit, soupèse les considérations, évalue les difficultés de la personne, les questions d'ordre médical et l'intérêt supérieur de tout enfant en cause.
    Notre recommandation n'a rien de compliqué. On laisse cette voie ouverte. On laisse les agents d'immigration continuer à faire leur travail comme ils l'ont toujours fait. On les laisse statuer sur ces demandes sans que cela suspende les renvois puisque, au risque de me répéter, une demande pour motifs d'ordre humanitaire n'a pas cet effet.
    La croissance de la culture de l'exclusion démontre que la notion de complicité reçoit de plus en plus, au Canada, une interprétation plus large que celle que donnent les cours pénales internationales.
    Selon vous, quel problème cela pose-t-il concrètement, notamment en ce qui concerne l'accès à la protection internationale?
    C'est très clair si on regarde les chiffres. Il y avait deux cas en 1998 et il y en a maintenant entre 80 et 100 par année. Évidemment, il y a une expansion.
    Je vous recommande fortement de lire une étude faite par deux universitaires de l'Université de la Colombie-Britannique, Catherine Dauvergne et Asha Kaushal, qui s'intitule The Growing Culture of Exclusion: Trends in Canadian Refugee Exclusions. Il y est question de plusieurs personnes qui n'auraient rien fait de violent, qui auraient tenu certains rôles sans savoir ce qui se passait ailleurs dans le mouvement dont elles faisaient partie, comme dans l'exemple de Salma. Évidemment, toute personne à qui on nie la protection dont elle a besoin constitue un cas potentiel de refoulement vers la persécution.
    Je vous remercie.
     Nos précédents témoins ont insisté sur la nécessité d'une consultation beaucoup plus large en ce qui concerne le projet de loi C-43. Ils ont également mentionné que le projet de loi C-43 représentait un filet beaucoup trop grand. L'un des témoins préconisait de prévoir un processus de tri quant aux crimes et aux criminels. Qu'en pensez-vous?

  (1700)  

    Je suis tout à fait d'accord avec cette personne. Je sais qu'on n'est pas ici pour parler du système de détermination du statut de réfugié, mais, à plusieurs reprises, on a été confronté au fait que parfois cela prend 40 ou 50 mois pour renvoyer un demandeur d'asile refusé. Selon mon expérience personnelle et celle de nos groupes membres, on attendait souvent 15 mois, par exemple, avant d'être convoqué pour l'examen des risques avant renvoi.
    C'est la même chose pour les crimes. L'Agence des services frontaliers du Canada peut faire un travail de tri pour accorder la priorité aux cas dramatiques. Un peu plus tôt, on a parlé de ces cas dramatiques. Il me semble que tous ces cas ont déjà été couverts par la règle des deux ans. Même maintenant, une règle dit que s'il y a une peine de deux ans ou plus, on n'a pas de droit d'appel. J'imagine donc que les tueurs en série, par exemple, n'avaient pas de droit d'appel, puisqu'ils avaient reçu des peines de plus de deux ans.
    Nous sommes préoccupés par le fait que le seuil va être très bas à partir de maintenant. Plus tôt, j'ai donné l'exemple de quelqu'un qui entre par effraction chez son voisin. En vertu de l’article 348 du Code criminel, l'entrée par effraction pour commettre un vol peut entraîner une peine d'emprisonnement à perpétuité. Si on entre par effraction dans un centre commercial pour voler des DVD, la peine d'emprisonnement peut aller jusqu'à dix ans. Or si on a reçu une peine de six mois, il n'y a plus de considérations d'ordre humanitaire.
    Je pense que tout le monde est d'accord pour renvoyer les criminels étrangers le plus rapidement possible. La question est de définir ce qu'est un crime grave. Pour nous, face à des cas semblables, comme l'a dit ma collègue Rivka...

[Traduction]

    Nous allons devoir continuer.

[Français]

    ... quand on parle de crime grave, ce n'est pas toujours ce qui nous paraît grave.

[Traduction]

    Merci.
    À vous, monsieur Lamoureux.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les deux témoins pour leurs observations. Reprenons la question des raisons humanitaires.
    L'histoire de Salma est fort intéressante, je l'avoue. Et vous avez aussi mentionné d'autres exemples.
    Soulignons le fait que nous disons simplement qu'il faudrait tenir compte de ces considérations. C'est tout. Nous ne disons pas que certaines gens devraient se voir accorder le droit de séjour. Nous disons que certaines personnes devraient pouvoir demander le droit de séjour pour des raisons humanitaires. C'est bien cela?
    Tout à fait. Dans notre exposé, nous avons parlé de deux situations très différentes. Dans le premier cas, il est question de personnes qui demandent le statut de réfugié, lequel leur est refusé en raison de dispositions d'exclusion dont la portée est trop large. Nous sommes d'avis que ces personnes devraient pouvoir faire une demande en vertu de motifs d'ordre humanitaire. Nous avons soumis un cas réel pour étayer notre argument.
    Le témoin qui m'a précédé a indiqué qu'il y a des criminels de guerre dont il faudrait se débarrasser tout de suite. Or, quelqu'un comme Salma, qui a distribué des crayons et a versé le café aux réunions, a elle aussi été déclarée criminelle de guerre. C'est sa situation. Le droit de séjour lui sera peut-être refusé, mais elle devrait tout au moins avoir la possibilité de faire entendre sa cause pour des motifs d'ordre humanitaire.
    La deuxième situation, c'est l'ado d'à côté qui rentre dans votre maison, boit votre whisky et est frappé d'une peine d'emprisonnement de six mois. Il n'a pas habité en Érythée ou en Iran depuis l'âge de trois ans. Nous croyons que lui aussi devrait pouvoir faire une demande pour des raisons humanitaires. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il restera au Canada.
    Arrêtons-nous à cet exemple particulier. Le nombre de résidents permanents s'élève à quelque 1,5 million. Le projet de loi risque d'avoir un impact profond sur la vie de beaucoup d'entre eux, pour qui le Canada est leur patrie. Des milliers sont arrivés au Canada alors qu'ils étaient de jeunes enfants. Quand un jeune, qui est arrivé ici à l'âge de trois ans, commet ensuite un crime, même mineur, la société n'a-t-elle pas une sorte de responsabilité envers lui? Autrement dit, ne devrait-on pas exempter au moins les enfants, disons de huit ans, des effets de cette loi?
    Je dirais qu'il faut vraiment se poser la question. Il faut un certain pouvoir discrétionnaire pour bien examiner les aspects humanitaires.
    Des enfants arrivés ici à un âge très tendre ignorent qu'ils ne sont pas citoyens parce que leurs parents, pour je ne sais quelle raison, n'ont pas jugé bon d'obtenir pour eux la citoyenneté. Il est un peu tard maintenant. Ce n'est pas qu'ils soient innocents. Mais leurs actions sont-elles graves au point qu'on doive les renvoyer dans un pays où ils ne connaissent personne? Cela signifie aussi qu'il n'y a aucune possibilité de réadaptation.
    Des amis à nous, spécialistes du droit pénal et de la réadaptation, s'interrogent notamment sur l'enthousiasme pour la réadaptation d'un jeune incarcéré qui se sait destiné à l'expulsion, alors que cette réadaptation, convenablement menée, pourrait le remettre sur le droit chemin. L'obtention de la citoyenneté lui est interdite, parce que ses parents n'ont jamais cru que c'était important. Ce n'est pas sa faute.
    D'autre part, dans certains autres cas que nous avons décrits, il s'agit de parfaits innocents. Je pense que, parfois, il est très facile pour nous, et je m'inclus là-dedans, de préjuger de la conduite qu'ils auraient dû tenir ou auraient tenue sous un régime de dictature, de répression, d'oppression, de persécution et de torture, surtout quand il s'agit de jeunes. Après avoir abouti ici, ils sont victimisés encore et encore, par association avec des tiers, dont les actions ont été commises à leur insu.
    Salma n'est pas seule. Nous la prenons comme exemple, mais, de la même manière que, parfois, des exemples qui datent d'il y a 20 ans servent à justifier nos actions actuelles, elle n'est pas un cas isolé. C'est un exemple particulièrement éloquent, mais il y en a d'autres. Nous les voyons. Il faut absolument qu'un pouvoir discrétionnaire permette de tenir compte de la situation de la personne, qu'il ne ferme pas la porte à cette possibilité, pour que, après son expulsion, le cas échéant, nous ne soyons pas responsables de son sort, si ce sort est la torture ou une totale dépression mentale ou autre chose.

  (1705)  

    Je suis désolé, monsieur Lamoureux.
    Monsieur Dykstra.
    Votre exemple m'intrigue. Je comprends l'utilité du procédé pour rendre plus percutants nos arguments pour le projet de loi. Je pense que nous sommes tous capables de l'employer pour sa valeur explicative et que nous devrions avoir le droit de l'employer.
    Salma, la personne dont vous parlez — il s'agit d'un nom fictif, mais je comprends la nécessité de la protéger — n'était pas résidente permanente. Elle demandait le statut de réfugié. Vous auriez pu vous servir de cet exemple pendant les audiences sur le projet de loi C-31. Je ne comprends pas très bien pourquoi vous présentez l'exemple d'une réfugiée pour le projet de loi C-43, qui porte précisément sur les personnes qui possèdent déjà la résidence permanente. Salma ne possède pas la résidence permanente. Si, depuis l'étranger, elle avait demandé de venir au Canada, tout en ayant été, dans son propre pays, déclarée coupable ou accusée et que l'accusation avait été crédible, elle ne serait pas admissible au Canada, mais elle pourrait s'adresser à la Cour fédérale pour renverser cette décision. Elle pourrait également invoquer des motifs d'ordre humanitaire parce qu'elle ne se trouve pas encore au Canada.
    Je ne sais pas trop pourquoi vous invoquez maintenant cet exemple. Cette personne demande le statut de réfugié. Elle n'est donc pas visée par le projet de loi C-43. Elle l'aurait été par le projet de loi C-31.
    Elle l'est. Ce projet de loi a plusieurs effets.
    Il nie notamment le droit d'invoquer des circonstances d'ordre humanitaire pour la demande de résidence permanente si on est exclu en application de l'article 35. Comme nous l'expliquons dans notre mémoire, l'exclusion de la protection des réfugiés en application de l'article 1F entraîne automatiquement l'exclusion en application de l'article 35. Nos citations sont là. Les articles de la loi sont là. Tout est là. Nous n'avons pas présenté cet exemple, pendant les audiences sur le projet de loi C-31, parce que ce projet de loi ne niait pas aux Salma le droit d'invoquer des motifs d'ordre humanitaire, contrairement aux articles 9 et 10 du projet de loi C-43, qui retirent le droit de demander la résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire. C'est...
    Vous apportez de l'eau à mon moulin. En fait, elle peut le faire grâce au projet de loi C-31...
    Non, il lui enlève ce droit.
    Mis à part nos divergences d'opinion à ce sujet, vous n'avez pas fait d'observation sur le projet d'article 42.1, qui l'autoriserait à faire la demande:
Le ministre peut, sur demande d'un étranger, déclarer que les faits visés à l'article 34, aux alinéas 35(1)b) ou c) ou au paragraphe 37(1) n'emportent pas l'interdiction de territoire à l'égard de l'étranger si celui-ci le convainc que cela ne serait pas contraire à l'intérêt national.
    Là se trouve la possibilité de s'en prévaloir, et c'est ce que je trouve intéressant dans la dynamique du pouvoir discrétionnaire de rejet, qui semble invoqué de façon régulière, mais je n'entends jamais ceux qui y sont opposés. Je n'entends jamais de commentaires sur les projets de paragraphes 42.1(1), 42.1(2) et 42.1(3), non en vigueur, mais qui font partie du projet de loi. Je suppose que si vous n'étiez pas totalement pour le pouvoir discrétionnaire de rejet, vous ne seriez pas pour le nouveau projet de loi, qui donne au ministre de la Sécurité publique un pouvoir discrétionnaire d'acceptation, s'il le juge à propos, pour autoriser la personne à rester au Canada.

  (1710)  

    Veuillez lire très attentivement les articles que nous citons dans la note 5. La personne est assujettie au projet d'alinéa 35(1)a). Les paragraphes que vous venez de mentionner ne s'appliquent pas à cet alinéa. Elle ne peut pas demander de dispense ministérielle. Les personnes exclues de la protection accordée par l'alinéa 1Fa) de la convention et, de ce fait, inadmissibles à se prévaloir de l'alinéa 35(1)a) n'ont jamais pu demander de dispense ministérielle. Elles ont pu demander la résidence permanente en invoquant des motifs d'ordre humanitaire. Les articles 8 et 9 du projet de loi C-43 leur enlèvent ce droit. Nous n'en avons pas parlé pendant l'étude du projet de loi C-31, qui ne leur retirait pas ce droit, contrairement à ce que propose le projet de loi C-43.
    Passons maintenant...
    Un instant!
    Notre président tient à ce que l'on donne aux gens le temps de répondre aux questions et j'y tiens moi aussi, mais nous disposons de sept minutes, et nous avons bifurqué sur un sujet que j'aimerais explorer. Je sais que le dialogue n'est pas facile, parce qu'il est technique. L'exemple que vous citez, c'est en fait celui de quelqu'un à qui on a refusé le statut de réfugié. Cette personne n'a pas été jugée admissible. Vous faites le saut.
    Les exemples que nous apportons sont ceux d'individus reconnus coupables d'un crime. Ils ont été accusés et condamnés. Vous vous arrêtez à un cas très peu répandu, d'un individu à qui on n'a pas accordé le statut de réfugié. Vous vous êtes peut-être fait une opinion sur la justesse de la décision de la CISR, et je comprends, mais vous ne pouvez pas vous servir de la décision de rejeter une demande pour laisser entendre que le demandeur s'est fait refuser quelque chose d'autre alors que, pour commencer, il ne possédait pas le statut de réfugié.
    Elle s'est fait refuser le statut de réfugié, comme nous l'avons expliqué, parce qu'elle avait participé, à peine, à un mouvement d'opposition polyvalent, que nous...
    Nous sommes d'accord avec la décision, mais la décision était de ne pas lui accorder le statut de réfugié à cause de sa...
    D'accord. Je vous concède tout ce que vous avez dit jusqu'ici. Ce que nous voulons faire valoir, c'est qu'une personne possédant son profil était au moins autorisée à faire une demande pour des motifs humanitaires et l'est encore, aujourd'hui, mais ne le pourrait pas si le projet de loi C-43 était adopté.
    Parce qu'elle n'est pas une vraie réfugiée.
    Désolé.
    Parce qu'elle n'est pas une vraie réfugiée. Sa demande a été rejetée et, en conséquence, les règles s'appliquent. Les règles sont les règles et il faut les suivre. Ce n'est pas parce que, tout simplement, par hasard, vous n'aimez pas la règle que cela signifie qu'elle a été jugée...
    Diriez-vous que la Commission n'est pas un organisme quasi judiciaire et juste? Voulez-vous laisser entendre que...
    Je ne comprends pas votre insistance sur le respect des règles, qu'on soit d'accord ou pas. Ce dont il est question, ici, c'est d'un changement dans les règles. Nous parlons du projet de loi C-43 qui change les règles de manière que quelqu'un comme Salma ne puisse pas faire de demande fondée sur des motifs humanitaires. C'est ce dont nous parlons.
    Je dois malheureusement dire que votre temps est écoulé.
    Madame Freeman.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être ici.
    Plus nous discutons du projet de loi C-43, plus il semble que, non seulement il agira à l'encontre de criminels, ce qui répond au but recherché et ce que le ministre nous a confirmé; il est censé atteindre les auteurs de crimes graves, et nous devons les expulser plus rapidement du pays. Mais le projet de loi risque également de sévir à l'encontre de victimes même d'en faire.
    Pourriez-vous donner d'autres exemples de victimes éventuelles ou de victimes qui peuvent être empêchées de venir au Canada en raison des modifications qui se trouvent dans le projet de loi C-43?

  (1715)  

    Je vais demander l'aide de mon collègue. Récemment, à Montréal, il y a eu le cas d'un homme qui souffrait de troubles mentaux très graves et qui a été tué dans une altercation avec la police. C'était un réfugié iranien. Il avait le statut de réfugié. Je ne pense pas qu'il était citoyen; non il ne l'était pas. Il était dérangé et il est entré dans un immeuble pour y trouver un abri. C'était un sans-abri.
    Même s'il ne pouvait pas être déporté, l'ASFC avait entrepris des procédures de déportation contre lui. C'était plus qu'il n'en pouvait supporter, et il était tellement effrayé qu'il en a fait une dépression psychotique.
    Je cède la parole à mon collègue pour qu'il explique les conséquences.
    Dans ce cas, il s'agissait d'une entrée par effraction, crime passible de 10 années ou plus d'emprisonnement. C'était un réfugié, mais il était très peu probable qu'on ait pu l'expulser, parce qu'il ne semblait pas présenter de danger pour le public et, en fait, il souffrait de problèmes de santé mentale. L'ASFC a choisi d'entamer contre lui une procédure d'expulsion pour mettre dans le dossier l'ordonnance d'expulsion. Ça l'a fait basculer et ça l'a conduit à une altercation mortelle avec la police. Nous pensons que c'est un exemple qui montre que l'excès de zèle peut avoir des conséquences très négatives pour quelqu'un.

[Français]

    Des témoins nous ont dit que certaines fausses déclarations pouvaient ne pas être intentionnelles.
    Pouvez-vous nous donner votre opinion sur ce changement?
    Il est très clair que dans certains cas, ce n'est pas intentionnel. Ce pourrait être fait par un consultant, ou peut-être même par un membre de la famille. Ça pourrait avoir lieu lors de situations, disons, humanitaires. Je vais vous donner un exemple concret.
    Il s'agit d'une jeune femme congolaise qui a été violée dans son pays à 14 ans. Elle n'a pas déclaré son enfant. Ses parents ont été acceptés avec le statut de réfugiés par le truchement de la réunification familiale. Cette jeune femme est venue, mais elle avait honte. Elle ne voulait pas déclarer le fait qu'elle avait eu un enfant à cause d'un viol. Elle était contrainte par le fameux alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. On l'a aidée à faire une demande de parrainage pour motifs d'ordre humanitaire.
    Dans certains cas, il arrive qu'on ne déclare pas des membres de la famille. Elle aurait pu être accusée de déclarations mensongères. Elle a eu la chance de ne pas avoir été accusée. Si elle l'avait été et si on l'avait reconnue coupable, non seulement elle n'aurait pas pu emmener sa petite fille, mais elle aurait été interdite de territoire pour deux ans. Selon le projet de loi C-43, ce serait cinq ans d'interdiction de territoire. C'est un exemple qui illustre combien ce sont des moyens beaucoup trop extrêmes.

[Traduction]

    Avons-nous le temps pour un autre exemple?
    Bien sûr.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Trente secondes.
    Oh! D'accord! Je vais donc, en fait, vous demander de communiquer les exemples que vous connaissez au comité, par l'entremise du président.
    Pour conclure, pensez-vous qu'il est possible de rendre plus efficace le processus d'expulsion des indésirables, sans les modifications prévues dans le projet de loi?
    Je ne pense pas que ces modifications sont nécessaires, parce qu'il existe déjà une règle selon laquelle une condamnation à une peine de deux ans de prison prive du droit d'appel. J'ai l'impression que nous nous en prenons aux auteurs de crimes sans gravité.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Opitz.
    Merci, monsieur le président.
    Même les petits criminels ne devraient pas, de toute manière; je veux dire qu'ils ne devraient pas venir commettre de crimes au Canada pour commencer. Mes parents étaient des immigrants. Chungsen Leung aussi. Beaucoup d'autres députés sont des immigrants. Ils ne sont pas arrivés au Canada en disant qu'ils allaient y vivre, mais, en passant, qu'ils allaient commettre des crimes en cours de route. En général, ce n'est pas ce que la plupart des gens font. Mais certains le font et certains grands criminels ont commis des crimes graves, notamment le meurtre, la traite de personnes, la fraude, des agressions et une foule d'autres crimes. Je pourrais en énumérer toute une liste.
    Vous parlez des criminels. Encore une fois, je n'entends pas beaucoup parler des victimes. Avez-vous consulté des groupes de victimes au sujet du projet de loi et de l'impact que ces grands criminels ont eu sur leurs familles? Oublions la famille du criminel. Qu'en est-il de celles des victimes et de l'impact qu'elles ont subi?
    Je vais vous donner la possibilité de répondre. Avez-vous consulté les victimes de crimes commis par de grands criminels étrangers?

  (1720)  

    Eh bien, je dois vous avouer que non. Nous ne sommes pas venus ici pour parler surtout de criminalité, mais nous sommes heureux de le faire, parce que nous en avons une certaine expérience. Je pense que nous avons tout à fait bien compris. Ce n'est pas trop demander aux étrangers qui viennent ici de respecter la loi. Les Canadiens s'y attendent, et c'est tout à fait normal. Encore une fois, je pense que c'est une simple question de proportionnalité.
    Dans l'exposé qui a précédé, la question des crimes sensationnels a été évoquée. Il me semble que, en ce qui concerne le meurtre, les meurtriers récidivistes, etc., ces sujets faisaient l'objet du projet de loi antérieur. Aujourd'hui, nous parlons de la façon dont le projet de loi C-43 pourrait contribuer à améliorer les choses. Je ne comprends pas comment le raccourcissement du délai d'exercice du droit d'appel, de deux ans à six mois, concerne les meurtriers récidivistes et ainsi de suite. Vous pourriez peut-être l'expliquer.
    Encore une fois, pour vous montrer de quoi il est question, les personnes qui écopent de peines de six mois sont des enfants, des voisins qui entrent par effraction dans une maison et boivent ce qu'ils trouvent dans le bar ou ceux qui entrent par effraction dans un commerce et y volent des DVD.
    Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose? Oui, nous parlons aux victimes. Nous parlons aux victimes de crimes très graves à l'étranger.
    Nous avons vu l'affaire Léon Mugéséra, un Rwandais accusé de crimes contre l'humanité. Nous avons parlé à beaucoup de ses victimes. Et il y a eu l'affaire Désiré, le Rwandais que le Canada a poursuivi. Il faut féliciter le Canada d'avoir intenté des poursuites contre lui. Beaucoup de victimes sont venues du Rwanda pour témoigner.
    Nous ne préconisons pas d'oublier les grands criminels, les auteurs de crimes contre l'humanité, ceux dont les victimes sont ici. Nous disons que, parfois — cela ne manquera pas d'arriver, et je ne dis pas que ce sera facile — vous verrez dans vos bureaux des personnes mêlées à ce genre de problème et vous direz que ce n'est pas tout à fait comme ça que vous vous les représentiez, vous demanderez une dispense pour elles et vous constaterez que cette dispense est très difficile à obtenir.
    Croyez-vous que, en général, notre système de justice est juste et compatissant?
    Je pense que oui, mais ce que nous faisons ici, c'est de refuser à des gens l'accès à certains niveaux de justice et à certains niveaux d'appel.
    Je pense que les juges, dans leur sagesse, seront capables de distinguer le jeune de 20 ans qui vole un peu d'alcool. Je pense que c'est un peu trivial. Ce dont il est vraiment question, ici, c'est l'expulsion de grands criminels du sol canadien.
    Savez-vous que d'autres pays, comme le Royaume-Uni, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et l'Australie interdisent déjà l'entrée d'individus dont la présence sur leur sol serait contraire à l'intérêt public et qui, par ailleurs, sont inadmissibles? En fait, les dispositions en vigueur dans beaucoup de ces pays sont beaucoup plus générales et discrétionnaires que celles du projet de loi C-43. Le saviez-vous?
    J'avais l'impression que, aux États-Unis ou au Royaume-Uni, le délai est d'un an. Ici, il sera de six mois. Encore une fois, je ne prétends pas être le spécialiste mondial de la question. Je pense tout simplement que c'est une question de proportionnalité.
    Sur la préparation des juges à tenir compte des circonstances, il me semble que j'ai lu des textes de la jurisprudence qui disent le contraire de vous. Avant de fonder ses conclusions sur l'idée que les juges de l'immigration, partout au Canada, tiendront entièrement compte de motifs humanitaires dans leurs décisions, le comité devrait, d'après moi, beaucoup mieux se renseigner.
    C'est pourquoi nous avons un système de justice, pour que les gens suivent la procédure établie. La loi suivra son cours normal et elle les traitera avec justice.
    Pensez-vous que le contribuable canadien...
    Merci.
    Je suis désolé, mais nous devons passer à M. Menegakis.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins.
    Visiblement, grâce au projet de loi C-43, nous essayons de garder les criminels étrangers à l'extérieur de nos écoles, parcs, centres commerciaux et quartiers. Nous essayons de les tenir loin de nos familles.
    On peut débattre longtemps de la gravité du crime qui consiste à entrer par effraction chez quelqu'un simplement pour se procurer de l'alcool. Le vrai crime, c'est l'entrée par effraction. Si votre enfant se trouvait chez vous lors de cette entrée par effraction, votre famille risquerait de subir des dommages irréparables à tout jamais, simplement à cause d'un coup de tête d'un jeune de 20 ans. Ce n'était pas le vol d'un stylo dans un magasin. C'était un cambriolage. Je pense que votre exemple n'est pas bon.
    Vous n'êtes pas davantage avancés avec celui de Nelson Mandela, parce que, si vous permettez, nous pouvons entamer tout un débat à ce sujet ou au sujet de l'appui ou non des Canadiens pour l'apartheid, dans le crime incroyable commis contre le bon peuple sud-africain.
    Cela dit, je m'en vais citer M. Tom Stamatakis, de l'Association canadienne des policiers. Il a dit que, d'après son expérience, les criminels qui reçoivent une peine privative de liberté de six mois ou plus ont commis des crimes très graves et sont très souvent des récidivistes.
    Souscrivez-vous à cette analyse?

  (1725)  

    J'ignore ce sur quoi elle se fonde. Comme tout le monde, je peux consulter le Code criminel et voir que les exemples que j'ai cités pourraient conduire à une peine de six mois.
    Encore une fois, nous pourrions discuter de la gravité d'une entrée par effraction chez un voisin pour y voler de l'alcool, mais je pense que la plupart des Canadiens s'accorderaient à dire que si le jeune contrevenant avait vécu toute sa vie au Canada, tout en étant originaire d'un pays comme l'Iran ou l'Érythrée et incapable de parler ou d'écrire dans notre langue, dans ce cas, au moins, il devrait y avoir une évaluation fondée sur des motifs humanitaires. Peut-être que, au bout du compte, il serait expulsé, mais, au moins, il faudrait que l'on tienne compte des considérations humanitaires.
    Merci, monsieur Goldman.
    Mme Freeman a attiré mon attention sur le fait que l'horloge au fond de la salle s'est arrêtée et que, en conséquence, notre réunion est arrivée à sa fin.
    J'étais fébrile. Je pensais que j'avais droit à une intervention.
    Madame Augenfeld et maître Goldman, je vous remercie de votre contribution aux travaux du comité.
    Nous avons d'autres travaux. Nous allons poursuivre à huis clos, et il nous reste peu de temps.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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