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IWFA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones


NUMÉRO 006 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 mai 2013

[Enregistrement électronique]

  (1810)  

[Traduction]

    Bonsoir à toutes et à tous. Je vous souhaite la bienvenue à la sixième séance du Comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones.
    J'aimerais commencer par remercier nos témoins de l'Association des femmes autochtones du Canada d'être ici aujourd'hui. Le comité reconnaît le rôle important que vous jouez pour mettre en lumière les enjeux horribles que ce comité a été créé pour étudier. Pour cette raison, nous estimons que votre association devrait jouer un rôle important dans le travail de notre comité.
    Je suis heureuse de vous informer que le comité a adopté un rapport qui décrit le rôle que votre association va jouer dans cette étude. Le comité aimerait que l'AFAC soit reconnue comme témoin expert au comité, pour l'orienter dans l'étude qu'il entreprend.
    Nous proposons plus précisément que les membres de votre association soient invitées à comparaître chaque fois que le comité aborde pour la première fois l'un des thèmes que nous avons ciblés pour structurer notre étude, c'est-à-dire la violence et ses causes profondes, l'assistance de première ligne et la prévention de la violence contre les femmes autochtones.
    Nous croyons que cela devrait fournir aux représentantes de votre association de nombreuses occasions de comparaître à titre de témoins devant le comité et de nous faire part de votre point de vue expert sur les éléments dont le comité devrait tenir compte, à votre avis, au début de chaque thème, de chaque volet de cette étude. Bien sûr, vous êtes toujours les bienvenues à participer à toutes les séances publiques du comité si vous le souhaitez.
    Nous espérons qu'en vous nommant témoins experts, nous pourrons bénéficier de votre expertise pour nous orienter dans l'étude que nous amorçons au nom des victimes de ces horreurs.
    Nous vous accueillons donc de nouveau aujourd'hui. Veuillez prendre le temps qu'il vous faut pour nous présenter votre exposé. Normalement, le temps imparti est de 10 minutes. Je suis certaine que personne ici ne va s'y opposer si vous voulez prendre plus de temps. Je vous prie de nous présenter toutes les recommandations et les renseignements que vous jugez pertinents à ce stade-ci, parce que nous croyons que c'est un excellent point de départ pour nous.
    Lorsque vous aurez toutes trois fini votre exposé, nous tiendrons la période de questions habituelle.
    Merci beaucoup.
    Madame Audette.

[Français]

    [Le témoin s'exprime en langue innue.]
    J'aimerais tout d'abord, si vous me le permettez, saluer la nation anishinabe, qui nous accueille sur son territoire. Comme je le dis chaque fois, de multiples mocassins ont caressé la Colline du Parlement, sur ce très beau territoire, pour rappeler aux citoyens et citoyennes du Canada que nous, les peuples autochtones, sommes et resterons toujours fiers de qui nous sommes.
    Il serait aussi important de rendre hommage à tous ceux et celles pour qui nous travaillons au quotidien: des familles qui ont perdu une mère, une soeur, une cousine, une enfant ou une petite-fille. Au cours des deux derniers mois, uniquement au sein de ma nation, trois jeunes femmes innues ont été soit assassinées, soit tout simplement séquestrées pendant plusieurs semaines. J'aimerais leur rendre hommage. Si vous voulez faire partie de cet hommage, nous pourrions observer une minute de silence pour l'ensemble des femmes assassinées ou disparues, phénomène qui se produit ici depuis trop longtemps.
    [On observe un moment de silence.]
    Merci beaucoup.
    [Le témoin s'exprime en langue innue.]
    Il s'agit de notre première rencontre, et j'espère que ce ne sera pas la dernière. J'aimerais aussi partager un peu avec vous notre perception et vous mentionner comment nous, à l'Association des femmes autochtones du Canada, ressentons cette réalité que je qualifie de tragédie nationale, de tragédie qui touche tout le monde. En effet, nous avons tous et toutes auprès de nous une personne proche qui a perdu un enfant ou une personne très aimée.
    Je dois aussi vous dire un gros merci de nous offrir l'occasion d'échanger avec ce comité. C'est ainsi que je vois le rôle que joue l'Association des femmes autochtones du Canada auprès de vous, chers députés, qui représentez différentes régions du Canada. Il s'agit d'une possibilité d'échanger et de tenir des débats, mais des débats sains. Cela ne veut pas dire que nous allons toujours convenir des mêmes idées ou nous entendre sur tout ce dont nous allons discuter. D'ailleurs, ce n'est pas le cas non plus dans une famille. Cependant, j'espère que nous allons le faire dans le respect, car en ce moment, il est question de vies humaines et de dignité. Des gens ont vraiment beaucoup d'espoir dans le rôle de ce comité, mais aussi dans le rôle de l'Association des femmes autochtones du Canada. Je pense que si nous unissons nos forces, nous allons sûrement faire de grands changements.
    L'Association des femmes autochtones du Canada a été fondée en 1974. Laissez-moi vous faire un bref résumé de qui nous sommes et d'où nous venons. Notre association lutte depuis plusieurs décennies sur plusieurs fronts, tant au chapitre des droits individuels, des droits collectifs et de l'environnement que sur le plan des droits de la personne. Nous dénonçons notamment la discrimination, le racisme et le sexisme, mais toujours dans le but d'avoir une approche constructive, afin de permettre à nos sociétés de vivre en sécurité, dans la dignité, évidemment, et surtout loin de la violence.
    Le rôle que nous nous donnons aujourd'hui, en fait celui que nous allons essayer de bâtir ensemble, avec vous tous et toutes ici, est de mieux comprendre comment l'Association des femmes autochtones du Canada va pouvoir nourrir le débat et contribuer aux travaux de ce comité grâce à l'expertise, à la passion, à l'amour et à la connaissance des femmes de partout au Canada ainsi que des organisations qui en sont membres. Cela représente beaucoup de personnes.
    Différents enjeux soulèvent chez nous des préoccupations ou des incertitudes. Peut-être avons-nous aussi des solutions, tout simplement, qui sait? J'aimerais aussi vous dire qu'en ce moment, nous avons une discussion avec nos élus et nos collègues au sein de notre organisation. Nous ne nous percevons pas comme étant des témoins, comme on nous appelle en ce moment, mais plutôt comme des partenaires ou des gens avec lesquels faire avancer ces causes. Je ne crois pas que nous avons le même statut que l'ensemble des gens qui vont venir en tant que témoins. Je pense que ce sera important de clarifier cela ou que nous nous entendions officiellement.
    Nous avons d'ailleurs envoyé, en avril dernier, une lettre à Mme la présidente pour essayer de savoir comment nous pourrions discuter du rôle de l'Association des femmes autochtones du Canada, de la compréhension face au processus et de la manière dont nous pourrions nourrir cet exercice.

  (1815)  

    Nous avons d'ailleurs envoyé un courriel cette semaine, je crois, expliquant comment notre organisation travaillerait de bonne foi et avec bonne volonté dans les mois à venir et au cours de la prochaine année.
    Madame la présidente, j'ai été contente que votre présentation d'introduction nous permette de comprendre un peu plus le rôle exact qui nous est donné. Toutefois, je crois qu'il faudra établir un dialogue beaucoup plus officiel entre la présidente et moi-même, ou entre la présidente et nos organisations. Je pense que nous allons trouver les bonnes solutions.
    Notre présence ici aujourd'hui ne fait pas en sorte de mettre de côté l'enquête nationale publique pour faire la lumière sur la question des femmes assassinées ou disparues. Cela reste pour nous une priorité. Nous le disons sur toutes les tribunes, qu'elles soient locales, régionales ou nationales. Nous l'avons récemment dit aux Nations Unies, à Genève et à New York, et je le dirai à nouveau la semaine prochaine en Norvège: nous voulons qu'il y ait une enquête nationale publique.
    Comme nous l'avons vu récemment, beaucoup de gens réclament des enquêtes en ce qui a trait à de l'argent mal dépensé ou à des élections. On demande des enquêtes. C'est donc normal. On parle ici d'un grand nombre de femmes qui disparaissent et qui n'ont jamais obtenu justice. Le problème est peut-être systémique. Une enquête nationale publique permettrait donc de faire la lumière et d'amener des solutions.
    Nous maintenons donc très fermement notre position. Nous voulons et nous demandons une enquête nationale. Nous appuyons aussi le comité dans ses travaux, en souhaitant que le rôle de l'AFAC se clarifiera au fil des jours.
    Il est clair pour nous que cet enjeu ne touche pas seulement les Autochtones.

  (1820)  

[Traduction]

    Ce n'est pas un enjeu proprement autochtone. Pour nous, mères, grands-mères et femmes — et j'espère que nos frères s'en rendront compte également — c'est un enjeu canadien et une atteinte aux droits de la personne.
    Je le dis avec mon coeur. Je suis une passionnée et je sais que notre association et notre conseil d'administration ont le même objectif que moi dans cet exercice. Nous voulons travailler en partenariat avec vous, bien sûr, collaborer avec le comité et avec le groupe de travail sur les affaires autochtones parce que nous savons pertinemment que depuis 1974, nous avons acquis une solide expertise sur la violence familiale, la violence faite aux aînés et la violence sexuelle. Nous faisons beaucoup de choses, dont de la recherche et de la formation, nous élaborons des bases de données aussi, entre autres. Nous avons témoigné à plusieurs comités. Nous avons parcouru le monde afin d'apprendre et d'échanger sur le sujet. Nous devons travailler ensemble, et je pense que nous allons trouver une bonne façon de le faire.
    Au fil du temps, d'autres organisations ont remarqué que nous avions acquis cette expertise. L'Assemblée des Premières Nations est essentiellement dirigée par des hommes. Je sais qu'il y a de plus en plus d'hommes qui font partie de la stratégie et de la solution pour faire cesser la violence dans nos communautés. Je suis ravie de vous dire que l'APN est notre partenaire dans cette lutte. Nous avons tenu un énorme forum à Edmonton. Environ 450 hommes et femmes de partout au Canada y ont participé, des chefs comme de simples citoyens autochtones. Nous y avons tenu une discussion puissante sur trois jours, à l'issue de laquelle nous avons formulé des recommandations pour mettre un terme à la violence faite aux femmes.
    Nous travaillons également avec les gouvernements autochtones, non seulement avec l'APN, mais également avec des communautés, de même qu'avec 11 provinces et territoires. Chaque fois que le groupe de travail du Comité des affaires autochtones se réunit, les ministres responsables des affaires autochtones et certains premiers ministres sont là. J'ai eu la chance de les rencontrer à deux reprises en décembre, il n'y a pas si longtemps. Nous sommes vraiment honorées d'assister à ce que j'appellerais un moment historique. Pendant longtemps, ils ne voulaient rien savoir d'une enquête publique nationale. Pendant longtemps, ils nous ont dit qu'un groupe de travail national coûterait bien trop cher, entre autres.
    Après deux rencontres, l'AFAC a réussi à leur expliquer que cet enjeu nous touchait tous. Ce n'est pas un enjeu propre à l'AFAC.
    J'était tellement contente d'apprendre qu'ils avaient accepté d'envoyer une lettre au ministre Valcourt et au premier ministre Harper pour leur dire que le comité, de même que 11 provinces et territoires, appuyaient l'AFAC et l'APN dans leur demande d'enquête publique.
    Il y a l'aspect international, en plus de celui des autres provinces et territoires du Canada. Tout le monde pense qu'il faut approfondir la question. C'est fantastique. Je suis fière d'avoir fait partie de ce moment historique. Espérons que ce n'est qu'un début.
    Tous les jours, nous travaillons avec des familles. Je les appelle des familles: nos soeurs volées et nos Soeurs par l'esprit. Nous travaillons avec elles pour prévenir la violence et pour faire preuve de présence, pour les appuyer et les écouter. Nous pouvons les rencontrer une ou deux fois par année, simplement pour nous assurer que nous ne les oublions pas. Ces moments sont tellement importants pour elles, elles ont besoin de savoir qu'elles ne sont pas seules. Leurs histoires se ressemblent toutes, qu'elles viennent du Yukon ou de l'Île-du-Prince-Édouard, et il est important que nous travaillions avec elles.
    Pour moi, de travailler avec les gens... vous le faites tous. Vous avez été élus et vous êtres responsables envers les gens de vos régions respectives. C'est la raison pour laquelle nous sommes en politique. C'est la raison pour laquelle nous décidons un jour de nous lever et de nous porter candidats, pour faire quelque chose pour le peuple. La plupart d'entre nous ne le faisons pas pour le salaire, mais par amour pour notre peuple. Nous l'écoutons. C'est de lui que nous tirons toute notre énergie, en fonction de lui que nous déterminons quoi dire ou quoi faire. Ces personnes ne peuvent peut-être pas le faire elles-mêmes, peut-être qu'elles ne sont pas à l'aise de le faire. Pour nous, ces rassemblements sont très importants.
    Madame la présidente, j'espère que vos collègues et vous allez prendre une demi-journée ou quelques heures pour écouter les familles. Je viens de la Nation innu, et c'est une caractéristique propre aux Innu d'écouter la personne. C'est probablement votre première expérience dans une culture différente. Pourquoi ne pas essayer un après-midi ou un soir? Réunissons quelques familles pour écouter ce qu'elles ont à dire. Je ne vous promets rien, mais je pense que cela pourrait changer des perceptions dans votre esprit et que vous pourriez vous sentir différents. C'est après avoir écouté de nombreuses familles que j'ai eu la flamme, comme on dit. Je travaille pour les familles et pour les femmes dans tout ce que je fais tous les jours. Elles sont très près de mon coeur. Ce serait bien que vous organisiez un événement spécial ou quelque chose avec des familles.
    Bien sûr, si nous voulons nous attaquer à ce problème, nous devons veiller à bien cerner... J'espère que nous en connaissons tous les causes profondes. Il y a beaucoup de rapports à cet égard, de bases de données, de données de Statistique Canada. Il est évident que le logement est un problème, de même que l'héritage des pensionnats indiens. Même si je n'ai moi-même pas fréquenté de pensionnat, que ma génération n'est pas passée par là, je dois vous dire avec tristesse que nous sommes toujours touchés par ce qui s'est passé là-bas. Je ne vous raconterai pas mon histoire personnelle, mais cela fait partie de l'histoire de tout le monde au Canada, de toutes les femmes autochtones, métisses ou inuites de notre génération, puisque nous souffrons toujours des conséquences de cette époque.
    Il faut aussi prendre d'autre enjeux en considération. Le logement, l'itinérance, la toxicomanie et l'alcoolisme, le racisme, le sexisme, la violence sexuelle contre les enfants, la santé mentale (qui est un enjeu important), les politiques gouvernementales négatives, l'histoire de victimisation, les facteurs liés aux différences entre les sexes, la traite de personnes: ce sont autant de grands enjeux qui touchent les Autochtones.

  (1825)  

    La traite de personnes est un gros problème. Nous n'en parlons pas beaucoup, mais elle existe, et il est triste que les femmes autochtones en souffrent.
    Il est plus que temps d'arrêter les personnes, les mécanismes et les politiques qui maintiennent le statu quo et de remédier à tous les torts que la violence cause aux femmes et aux filles autochtones.
    Il serait aussi important que...
    Je vais passer un peu au français pour me faciliter un peu la tâche, et je vais revenir en anglais par la suite pour ceux d'entre vous qui ne parlez pas français.

  (1830)  

[Français]

    Ça va aussi me faire du bien de parler un peu en français.
    Il est important que vous sachiez que vous avez un rôle extrêmement important à jouer dans le travail qui va se faire. Nous avons vu plusieurs comités. Cela fait 20 ans que je suis en politique autochtone. Cela va faire 20 ans que je donne mon amour aux femmes autochtones, et croyez-moi, je le donne. En 20 ans, on en a vu, des comités, des mémoires, des rapports, etc. J'aimerais, madame Ambler et vous tous, membres de ce comité, que vous fassiez en sorte que cette fois-ci ce soit différent et que les recommandations du comité soient différentes. Nous n'allons pas choisir seulement les recommandations qui coûtent le moins d'argent ou celles qui se déroulent sur une petite période, ni tout simplement les choisir en fonction d'un capital politique. Je vous demande que nous prenions ici des résolutions dont l'ensemble de la société canadienne va pouvoir bénéficier à court, moyen et long terme. C'est un bel exercice.
    Il y a eu différents forums à plusieurs niveaux, que ce soit à l'échelle du fédéral, de la région ou de la communauté, dans lesquels les organisations autochtones nationales et les groupes de femmes autochtones, notamment l'Association des femmes autochtones du Canada ou ses organisations membres, ont essayé de faire entendre leurs recommandations.
    Aussi, comme vous le savez sûrement, il y a eu deux éditions du Sommet national des femmes autochtones d'où sont ressorties des recommandations très intéressantes qui pourraient faire partie de cet exercice.
    Il y a aussi eu le Forum national sur la justice de l'Assemblée des Premières Nations, où une importante portion de la deuxième journée était consacrée aux femmes assassinées ou disparues. Là aussi, on retrouvait des recommandations.
    Comme je vous le disais, nous avons tout récemment fait un sommet avec l'Assemblée des Premières Nations pour lequel nous préparons encore des recommandations.
    Souvenons-nous qu'une province, la Colombie-Britannique, avait tenu une coorganisation avec l'Association des femmes autochtones du Canada. C'était un bel exercice où, encore une fois, des avenues intéressantes ont été soulevées relativement à la question qui préoccupe ce comité.
    Je répète qu'il est important de ne pas simplement prendre ces recommandations à la légère, mais d'investir dans le capital humain. On parle ici de femmes et de familles qui méritent la justice et des réponses.
    Nous avons présenté cette réalité dans plusieurs régions du Canada et dans plusieurs pays. Tout récemment, le Canada devait se soumettre à une reddition de comptes, dans le contexte de la Universal Periodic Review aux Nations Unies, à Genève. Je vous dirais que notre organisation a vraiment bien travaillé auprès des États membres auxquels le Canada devait répondre. Nous avons aussi ressenti de la solidarité de la part de la communauté internationale, qui était préoccupée par ce qui se passe ici, au Canada. Donc, c'est partout. Même si nous ne sommes plus actifs à l'échelle internationale pour le moment — ça m'étonnerait que nous en restions là, puisque rien ne m'arrête —, le message a été lancé à l'échelle internationale.
    Tout récemment, nous avons soumis une demande au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, un comité des Nations Unies. Mme Ameline en est la présidente. J'ai rencontré celle-ci la semaine dernière à New York et j'ai fait valoir l'importance que la ou le rapporteur spécial travaille avec nous si elle ou il vient au Canada. C'est important. Vous avez aussi l'occasion de démontrer, sur le plan international, que vous avez réellement la volonté d'éliminer de telles statistiques pour faire place à la prévention et à la sécurité des femmes autochtones partout au Canada.
    Nous avons eu la chance de rencontrer à trois reprises les membres de l'Organisation des États américains dans le cadre de la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Tout récemment, toujours au sein de l'Organisation des États américains, nous avons réitéré notre appui. Enfin, le Canada — merci beaucoup — a accepté de faire venir les trois rapporteurs spéciaux. Sur les plans international et interaméricain, à ce jour, les rencontres ont eu lieu en présence du rapporteur spécial, M. James Anaya, de la responsable de la Commission interaméricaine des droits de l'homme de l'Organisation des États américains ainsi que de Mme Ameline, de la CEDAW.
    Tous ces gens sont sensibilisés. Chaque fois, je les invite à venir constater la situation tout en leur disant que je suis convaincue qu'ensemble, en adoptant une approche constructive, il y aura moyen de changer les choses. C'est toujours un espoir. Par contre, si ça ne bouge pas, il reste peut-être les recours auprès de la Cour internationale. Toutefois, je me dis qu'il n'est pas nécessaire d'en venir là, du moins je l'espère.
    Au Canada et aux États-Unis, il y a un phénomène qui est peut-être émergent pour certains, mais qui, de notre côté, existe depuis trop longtemps. Il s'agit de la traite des femmes. Arrive ensuite la prostitution. Il est clair que la traite et la prostitution sont intimement liées, malheureusement. J'espère que vous le savez. Pour nous, ça viole clairement les droits de la personne.
    On parle ici de pauvreté, de vulnérabilité. Au début, on a traité de l'itinérance, des problèmes de logement, de la pauvreté extrême, des répercussions des écoles résidentielles. Les Canadiens et Canadiennes se demandent peut-être en quoi c'est lié aux écoles, au manque de logement et à la pauvreté. Ce sont tous des déterminants de la santé, des facteurs qui rendent les femmes autochtones cinq fois plus susceptibles de mourir d'un crime violent. Dans bien des cas, le profil de ces femmes fait partie des exemples que je viens de vous donner.
    Il est clair pour nous qu'il y a vraiment un problème systémique. La traite devient de plus en plus...
    Madame la présidente, je sais que ce n'est pas notre rôle, mais dans mon coeur, comme militante, je crois qu'il serait intéressant de se pencher ultérieurement sur les liens qui existent entre les femmes autochtones, la traite et la prostitution, de même que sur les facteurs qui font que nos jeunes enfants et nos filles se retrouvent dans des situations où ils sont extrêmement vulnérables. Elles sont enlevées avant l'âge de 18 ans et tombent ensuite dans la prostitution. Ici, j'entends certains groupes me dire que ces personnes ont le droit de choisir ce qu'elles font de leur corps et de leur vie. Or il faut tenir compte du fait que ces jeunes personnes avaient peut-être été amenées dans un milieu malsain bien avant l'âge de 18 ans.

  (1835)  

[Traduction]

    Pour nous, la violence n'est clairement pas acceptable, et je suis certaine que toutes les personnes ici présentes sont d'accord. Nous nous concentrons sur des cas de violence très, très graves depuis de nombreuses années.
    La violence touche les femmes autochtones, nos enfants, nos familles. Je vais vous raconter quelques histoires et événements survenus dans nos communautés un peu partout au Canada. Ce sont des histoires tristes, mais vraies.
    À l'époque où Paul Bernardo a tué deux jeunes filles blanches, tous les Canadiens, même moi, connaissaient les noms des deux filles, Leslie Mahaffy et Kristen French. Tout le monde connaissait leurs noms. Mais nous devons nous rappeler, et nous nous en rappelons, que pendant la même période, de nombreuses filles autochtones étaient portées disparues, mais encore aujourd'hui, les Canadiens n'en connaissent pas les noms.
    En 1996, des statistiques choquantes du gouvernement révèlent que les femmes autochtones entre 25 et 44 ans qui ont le statut d'indiennes en vertu de la Loi sur les Indiens, comme je l'ai déjà dit, sont cinq fois plus susceptibles que les autres femmes du même âge de mourir des suites d'un acte de violence. Ces chiffres viennent d'une organisation fédérale. Aujourd'hui, en 2013, les femmes autochtones sont toujours confrontées à cette réalité tous les jours.
    En deux occasions séparées, en 1994, deux jeunes autochtones de 15 ans, Roxanna Thiara et Alishia Germaine, ont été trouvées assassinées à Prince George. Le corps d'une troisième jeune autochtone de 15 ans, Ramona Wilson, disparue la même année, a été trouvé à Smithers, dans le centre de la Colombie-Britannique, en avril 1995. Ce n'est qu'en 2002, après la disparition d'une femme non-autochtone de 26 ans, Nicola Hoar, pendant qu'elle faisait du stop le long de la route qui relie Prince George à Smithers, que tous les médias du Canada se sont intéressés à cette histoire. Le nom de cette jeune femme a été inscrit à la liste des meurtres irrésolus et des autres disparitions le long de ce qu'on a appelé l'Autoroute des pleurs. Mais qu'en est-il des autres jeunes filles autochtones?
    Je vais vous raconter une dernière histoire aujourd'hui. En 1996, John Martin Crawford a été trouvé coupable du meurtre de trois femmes autochtones: Eva Taysup, Shelley Napope et Calinda Waterhen, à Saskatoon, en Saskatchewan. Warren Goulding, l'un des rares journalistes à couvrir le procès, a écrit ce qui suit: « Je n'ai pas l'impression que le public en général se soucie beaucoup de la disparition ou du meurtre de femmes autochtones. Tout cela fait partie de l'indifférence générale à l'égard de la vie des Autochtones. Ils ne semblent pas compter autant que les Blancs. » Je cite l'un de vos frères.
    La disparité entre les recommandations formulées par les femmes autochtones lors d'événements comme le SNFA, le Sommet national des femmes autochtones, qui est un forum national conjoint tenu par l'APN et l'AFAC, entre autres, que j'ai déjà nommé dans mon exposé, et ce que le gouvernement fait de concret est en train de devenir vraiment trop grande. J'ai toutefois la forte impression — et nous en avons discuté — que nous pouvons, que nous devons veiller à ce que ces statistiques diminuent pour que nos soeurs ne soient plus portées disparues ni assassinées.

  (1840)  

    Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire, mais nous devons travailler ensemble. Nous devons travailler avec les familles. Nous devons travailler avec les organismes communautaires.
    C'est ce que nous avons entendu quand nous en avons discuté. J'ai rencontré plusieurs ministre du gouvernement Harper, et je crois que nous sommes du même avis. Il est important pour nous d'agir. Nous devons mettre l'accent là-dessus. J'entends souvent vos collègues parler d'action. C'est la même chose pour nous. Nous avons un point commun ici. Nous devons mettre l'accent sur des mesures concrètes.
    Pour agir, comme je l'ai dit, nous devons travailler ensemble. Nous avons besoin de financement, non seulement à l'Association des femmes autochtones du Canada, mais pour les AMPT les membres de l'AFAC, les organismes, les bénévoles, les femmes qui aiment leur région de tout leur coeur, pour d'autres communautés autochtones ou des Premières Nations, des organisations métisses et inuites. Ces acteurs ont tous besoin de financement et de ressources adéquates pour prévenir la violence.
    Je vais conclure ma partie ici, parce que nous sommes une équipe et que son anglais est bien meilleur que le mien. Si le comité poursuit son travail, et je suis certaine qu'il va le faire d'après ce que vous avez dit en introduction, madame la présidente, mais que l'Association des femmes autochtones du Canada ne peut pas participer pleinement à ces travaux, nous ne pourrons pas endosser votre étude. Je suis certaine, toutefois, que nous allons trouver une façon officielle de le faire. Nous avons déjà eu une bonne discussion avec madame la présidente sur ce que nous pouvons faire, et notre position privilégiée de conseillères spéciales nous convient très bien. Le dialogue entre les réunions sera lui aussi important, pour que nous soyons le plus possible en lien pour échanger des renseignements.
    J'ai beaucoup d'espoir, madame la présidente. J'ai eu une bonne rencontre avec vous, donc j'ai toujours espoir.

  (1845)  

    Merci, madame Audette.
    Irene, voulez-vous nous dire quelques mots?
    Bonjour à tous. Je m'appelle Irene Goodwin. Je suis une Ojibway du Nord-Ouest de l'Ontario. J'habite à Ottawa depuis environ sept ans, et j'ai la chance de travailler avec l'AFAC depuis environ cinq ans. C'est pour moi un grand privilège et une expérience qui me permet d'en apprendre beaucoup.
    C'est tout un honneur pour moi de faire partie de cette présentation au comité. Contrairement à notre présidente, je ne suis pas très à l'aise pour parler de façon spontanée, donc vous allez me voir lire mes notes. Je m'excuse si j'ai la tête baissée.
    Bon nombre d'entre vous savent que nous avons publié divers travaux. C'est un fait bien connu. En 2010, l'AFAC a publié un document intitulé Ce que leurs histoires nous disent, qui informe le public sur 582 femmes et filles autochtones portées disparues ou assassinées, et je précise qu'il y a eu des cas dans chacune des provinces et chacun des territoires du Canada. L'AFAC continue d'ailleurs de suivre les occurrences de violence et souligne qu'elles ne semblent pas diminuer substantiellement.
    Malheureusement, ces données sont difficiles à mettre à jour. L'AFAC n'a pas suffisamment de ressources pour maintenir ses bases de données en ce moment. La base de données de la GRC sur les personnes portées disparues vient tout juste d'entrer en fonction, et il y a encore des lacunes importantes dans la façon dont la GRC recueille l'information sur l'identité autochtone des victimes, ce qui en fait une piètre source d'information.
    L'AFAC recueille des renseignements sur les nouveaux cas de femmes et de filles autochtones portées disparues ou assassinées depuis qu'elle a cessé d'alimenter sa base de données en 2010. En janvier 2012, par exemple, l'AFAC a recensé 56 nouvelles occurrences de femmes et de filles autochtones portées disparues ou assassinées entre avril 2010 et janvier 2012. Il y a 16 autres cas potentiels qui nécessiteraient une enquête plus approfondie sur les circonstances ou dans lesquelles l'identité autochtone de la victime n'a pas été établie.
    En mars 2013, l'AFAC a mis à jour sa compilation de nouvelles occurrences et a constaté que le nombre de cas de femmes et de filles autochtones portées disparues ou assassinées était rendu à 86. Si l'on additionne ce chiffre aux 582 cas déjà recensés, le total est de 668, mais il faut mentionner clairement qu'il ne s'agit que des cas connus. Nous savons très bien que le chiffre réel est bien plus élevé. Il y a des limites à ce que nous pouvons faire pour recueillir des données en ce moment, donc le chiffre réel pourrait être trois ou même quatre fois plus élevé que celui dont nous disposons en ce moment.
    Il se dégage de notre base de données, de nos recherches et de notre travail avec les familles pour comprendre l'histoire de la vie de femmes et de filles autochtones que celles qui vivent de la violence n'ont pas toutes le même profil professionnel, financier ou social. Notre travail permet de documenter le fait que bon nombre des victimes étaient des mères, qui ont laissé derrière elles des enfants en deuil et irréparablement meurtris par le traumatisme de la perte de leur mère. Nos efforts soutenus auprès de bénévoles nous portent à croire que rien ne se règle, qu'il y a continuellement de nouvelles occurrences. Nous entendons parler de nouveaux cas tous les jours.
    Pour vous donner une idée de la structure de notre travail, nous adhérons aux cinq valeurs et principes qui suivent, qui sont les mêmes, en fait, que ceux du groupe de travail sur les affaires autochtones dont Michèle a fait mention.
    Il y a premièrement les relations personnelles. Nous estimons important de bâtir des relations respectueuses entre toutes les parties. C'est essentiel si nous voulons trouver des solutions efficaces. Le respect sous-entend une volonté de connaître ce que chacun a à offrir, d'y accorder de la valeur, d'entretenir constamment des communications claires et cohérentes, d'inclure tout le monde dans le processus et de favoriser la reddition de comptes mutuelle. Je pense que c'est ce que Michèle a mentionné un peu plus tôt avec éloquence pour décrire le travail que nous pouvons faire avec ce comité.
    Deuxièmement, il faut favoriser des solutions dont les communautés sont parties prenantes et dans lesquelles elles assument le leadership. Les communautés, peu importe comment elles se définissent, doivent contribuer à la recherche et à la mise en place de solutions. Les programmes et les services se fondent sur la connaissance et l'expérience vécues des femmes et des familles autochtones. Les relations de travail entre les représentants des gouvernements ainsi que les femmes et les familles autochtones, inuites et les métisses doivent jouer un rôle central dans l'élaboration et la mise en place de programmes et de services, il ne faut pas nous limiter aux fournisseurs des services et aux organisations. Nous estimons essentiel de mettre la communauté dans le coup pour tout ce que nous faisons, surtout lorsque nos interventions la touchent.

  (1850)  

    Troisièmement, il faut favoriser une relation engagée et responsable. Les dirigeants à tous les ordres de gouvernement (fédéral, provincial, territorial, municipal, autochtone, inuit ou métis) doivent faire de la lutte à la violence contre les filles et les femmes autochtones une priorité et y attribuer les ressources et l'énergie qu'il faut pour régler les problèmes. Tous les dirigeants doivent être tenus responsables. C'est un principe important.
    Le quatrième principe est l'intégration, la collaboration et l'équité. Toutes les parties doivent travailler en collaboration et efficacement pour intégrer ces programmes et ces services à des réseaux globaux qui sont accessibles aux femmes, aux enfants, aux jeunes, aux adultes, aux aînés et aux hommes.
    Le cinquième principe est très important: il faut tenir compte de la culture. Les programmes et les services doivent être conçus et offerts dans le respect de la culture, de manière à reconnaître l'importance de la tradition, des connaissances culturelles et de l'identité, et se fonder sur la résilience et les compétences des femmes, des jeunes et des hommes qui appartiennent aux communautés inuites, métisses ou autochtones.
    À titre de consultant actif du comité, l'AFAC peut vous fournir directement de l'information pertinente à cet égard. Les politiques et les lois mises en place sans la participation autochtone ont échoué jusqu'ici et vont continuer d'échouer. Bon nombre de ces politiques ont encore des répercussions sur les femmes autochtones, ce qui crée beaucoup de difficultés socio-économiques qui peuvent compromettre leur sécurité et leur bien-être et accroître leur risque d'être victimes d'exploitation sexuelle, de la traite de personnes ou d'actes violents qui pourraient causer leur disparition ou leur mort. Il y a une différence entre le fait de répondre à des besoins immédiats et celui de répondre à des besoins futurs; il y a des mesures qui permettent de réagir à la violence commise, mais qui ne préviennent en rien la violence future. Il faut le savoir.
    L'AFAC a préparé un graphique en prévision de cette étude. Je l'ai ici, donc je vais vous le remettre, madame la présidente. Il s'agit d'un graphique en couleur sur les femmes et les filles autochtones portées disparues ou assassinées.
    Ce n'est pas un modèle de logique, et il ne met pas en lumière tous les aspects de la disparition et du meurtre de femmes et de filles autochtones. Il donne plutôt un aperçu des enjeux dans une optique de prévention et d'intervention. Chaque segment présente de multiples variables et des solutions potentielles.
    Très brièvement, il se fonde sur la perspective à court, moyen et long terme de la question. Par exemple, on voit dans le volet prévention que le fait de répondre rapidement aux besoins personnels immédiats des femmes et des filles autochtones permet de fournir le soutien nécessaire aux familles.

  (1855)  

    Madame, puis-je vous demander de fournir une copie de ce document à notre greffier? C'est en anglais seulement?
    Oui, pour le moment.
    Le greffier le fera traduire avant de le distribuer à tous membres du comité.
    Vous pouvez poursuivre de cette manière pour l'instant.
    Je voulais simplement montrer qu'il y avait une perspective à court, à moyen et à long terme. C'est seulement un aperçu de la question.
    Nous avons accompli beaucoup de travail dans le dossier des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées.
    Si nous pouvions régler tous ces problèmes... Pouvez-vous imaginer quels seraient les résultats si ces femmes et ces filles se voyaient offrir les moyens de s'épanouir, plutôt que d'être sans cesse des victimes au sein de notre société?
    J'aimerais maintenant vous entretenir d'autres éléments clés qui ont également été observés par nos partenaires. Je sais que Michèle y a déjà fait allusion, mais je me dois tout de même de mentionner qu'un Forum national sur la justice a été tenu en février 2012 par l'Assemblée des Premières Nations. Il y a notamment été question de l'établissement d'un plan d'action aux fins d'une stratégie pour mettre fin à la violence à l'endroit des femmes et des filles autochtones. L'AFAC a participé à ce processus.
    Les secteurs d'intervention clés et les recommandations principales ont été cernés dans un guide pour l'établissement d'un plan d'action. Il s'agissait notamment d'aider les gens à mieux comprendre les réalités et les expériences autochtones qui ont mené à la victimisation et à la violence; d'encourager tous les leaders et tous les individus à faire leur part pour prévenir la violence et lutter contre ce fléau; de faire le nécessaire pour rejoindre les jeunes en misant sur des approches ciblées auprès des hommes et des garçons; et de mieux travailler en partenariat avec les organismes de services, la police et les services correctionnels.
    À son assemblée générale annuelle de 2012, l'APN a présenté un document intitulé « Demander la justice et le respect des droits: Une stratégie pour mettre fin à la violence à l'encontre des femmes et des jeunes filles autochtones ». Je ne sais pas si le comité a déjà ce document en main, mais il peut certes se le procurer. La stratégie prévoit différentes activités prioritaires visant à favoriser la sensibilisation, la mobilisation des instances parlementaires et internationales, les activités de recherche et d'élaboration de politiques, et le maintien d'un dialogue en vue d'appuyer les communautés dans leurs efforts pour améliorer la sécurité et mettre un terme à la violence.
    Outre le travail accompli par les organisations autochtones nationales, nous savons qu'il y a eu de multiples enquêtes judiciaires, études spéciales et groupes de travail fédéraux, provinciaux et territoriaux qui sont à l'origine de centaines de recommandations à l'intention des gouvernements, des fournisseurs de services, des collectivités, des organismes d'application de la loi et des tribunaux en vue de prévenir la violence et de mieux y réagir.
    Cependant, bon nombre de ces recommandations n'ont jamais été mises en oeuvre en raison de problèmes chroniques et systémiques.
    J'ai ma propre liste de recommandations à vous soumettre, mais je crois que vous en avez déjà une copie, ce qui est très bien. Il s'agit d'un document évolutif; nous y ajoutons sans cesse des recommandations au fur et à mesure que de nouveaux rapports deviennent disponibles.
    Il est primordial de procéder à une analyse approfondie de chacun de ces rapports et de chacune de ces recommandations. On pourra ensuite élaborer un modèle logique ou un autre schéma d'intervention tenant compte de tous les paliers et de toutes les sphères de compétence aux fins d'une mise en oeuvre fructueuse de ces recommandations. Si nous y travaillons tous ensemble, nous serons en meilleure posture pour examiner toutes ces questions et déployer les solutions qui s'imposent.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, madame Goodwin.
    Je vais demander à Mme Dumont-Smith de nous dire également quelques mots.
    Je suis une Algonquine de la communauté de Kitigan Zibi. Je suis infirmière de formation. En juillet prochain, cela fera trois ans que je suis directrice générale de l'Association des femmes autochtones du Canada.
    Après avoir entendu votre mot d'ouverture au sujet du rôle de l'AFAC, madame la présidente, je me réjouis grandement de voir notre expertise ainsi reconnue et du rôle de conseillères que l'on nous confie dans ce processus. C'est une chose que nous ignorions en nous présentant à la séance d'aujourd'hui. Nous avons donc été très heureuses de l'apprendre.
    Comme vous le savez, l'AFAC s'intéresse depuis bien des années à la violence sous toutes ces formes — violence familiale, mauvais traitements à l'endroit des aînés, violence contre les enfants. La lutte contre la violence a toujours figuré au rang de nos priorités et le demeurera tant que l'on n'aura pas réglé le problème des femmes autochtones disparues ou assassinées dans une mesure où leur situation deviendra tout au moins comparable à celle des autres Canadiennes.
    Comme les statistiques en témoignent, nous accusons un retard énorme pour ce qui est des femmes disparues ou assassinées, de la pauvreté et de l'éducation. Notre croisade est loin d'être terminée. Nous voulons travailler de concert avec le gouvernement et tous les autres intervenants afin d'améliorer les choses.
    Nous sommes déterminées à être des participantes à part entière dans ce processus. Nous allons prendre part à toutes les séances portant sur les trois thèmes que vous avez mentionnés au départ, madame la présidente. S'il n'est pas trop tard, nous souhaiterions avoir notre mot à dire quant aux témoins que vous allez convoquer. Nous pensons pouvoir proposer d'autres témoins qui vous donneraient accès à un plus large éventail de points de vue. Nous sommes prêtes à jouer ce rôle et tout à fait disposées à le faire.
    En préparation pour la séance d'aujourd'hui, nous avons pris connaissance d'une partie des témoignages entendus par le comité. Nous avons repéré certains renseignements erronés qui vous ont été communiqués et nous aimerions rectifier les faits, même si le tout a déjà été consigné officiellement.
    Par exemple, Mme Lisa Hitch, avocate-conseil à la Section de la famille, des enfants et des adolescents au ministère de la Justice, a indiqué ce qui suit lors de votre séance du 25 avril:
Le gouvernement du Canada a aussi accordé 5 millions de dollars sur cinq ans, de 2005 à 2010, à l'Association des femmes autochtones du Canada pour son initiative Soeurs d'esprit, par l'intermédiaire de Condition féminine Canada, en réponse à des préoccupations concernant les femmes autochtones disparues et assassinées.
    Tout cela est vrai, mais je tiens à vous rappeler que l'initiative Soeurs par l'esprit de l'AFAC a pris fin le 31 mars 2010. Elle n'existe donc plus aujourd'hui. Notre personnel a noté que Mme Hitch avait indiqué au comité que cette initiative était encore en marche. Ce n'est pas le cas. L'AFAC n'a pas reçu 25 millions de dollars en financement pour la poursuite de cette initiative. À notre avis, cela montre très bien que l'AFAC devrait être représentée tout au long du processus, ou agir à titre de conseillère.
    La plus récente aide financière que nous avons reçue du gouvernement, une somme de 500 000 $, visait l'initiative Du constat aux actes I, qui a débuté le 1er avril 2010 pour prendre fin en septembre de la même année. Ce projet visait des objectifs différents de ceux de Soeurs par l'esprit. On voulait faire en sorte que les femmes et les filles autochtones de tout le Canada soient mieux aptes à reconnaître les problèmes de violence fondés sur le sexe dans leur famille et leur collectivité et à y réagir. On souhaitait en outre renforcer la capacité des collectivités à rompre le cycle de la violence.
    À l'été 2011, nous avons obtenu du financement pour Du constat à l'action II, une initiative de trois ans qui prendra fin en avril 2014.
    En résumé, après avoir entendu ce que vous avez dit et ce que notre présidente a indiqué également, je peux vous assurer, à titre de directrice générale, que vous pouvez compter sur notre expertise. Si nous n'avons pas les capacités nécessaires à l'interne, nous nous arrangerons pour les obtenir. Nous croyons aussi que nous devrions participer à l'élaboration de votre rapport final.
    Nous sommes ici pour aider le comité. J'aurais toutefois une mise en garde. Il y a un élément qui nous préoccupe. Nous nous opposons à la légalisation de la prostitution. Nous avons défendu vivement cette position. Nous avons remarqué que l'un des membres du comité n'est pas du même avis. Il pourrait y avoir conflit à ce sujet; je ne sais pas. C'est toutefois certes une question dont il conviendrait de discuter davantage.

  (1900)  

    Comme l'indiquait notre présidente, nous appuyions le travail de ce comité parlementaire, mais nous continuons de réclamer la tenue d'une enquête publique nationale et l'établissement d'un plan d'action pour que l'on puisse s'attaquer à cette problématique en allant vraiment au fond des choses.
    Je vous remercie.

  (1905)  

    Un grand merci à vous trois, mesdames Audette, Goodwin et Dumont-Smith, pour ces observations que vous nous présentez aujourd'hui.
    Avant de passer aux questions des membres du comité, je tiens à souligner encore une fois votre contribution tout à fait particulière à notre travail. Tout cela m'apparaît d'excellent augure pour la suite de notre partenariat avec vous dans votre rôle de témoins experts.
    Madame Audette, vous avez parlé de ce rôle de témoin, et j'aimerais vous exposer la conception que j'en ai, car il y a certaines structures que nous connaissons bien et qui nous rassurent dans nos fonctions de parlementaires. Pour nous, les témoins sont les gens qui s'assoient à l'autre extrémité de la table. C'est le terme que nous utilisons pour désigner votre rôle dans le cadre de nos discussions mais, comme je l'indiquais précédemment, nous vous considérons en fait comme des expertes. Vous êtes les seuls témoins que nous allons entendre à l'amorce de l'étude de chacun des thèmes, ce qui montre bien que votre contribution se distingue à nos yeux du fait que vos conseils sont si précieux pour nous. Vous nous avez d'ailleurs déjà fourni beaucoup de matière à réflexion, et nous vous en sommes reconnaissants.
    Je pense pouvoir parler au nom de tous les députés ici présents en vous disant que je crois que le comité a pris la bonne décision en vous convoquant à titre d'expertes pour nous conseiller sur ces questions. Nous sommes heureux de pouvoir compter sur votre aide et nous vous remercions encore une fois de bien vouloir nous l'apporter.
    Nous aurions maintenant quelques questions à vous poser, si cela vous convient. Nous débutons avec Mme Crowder qui dispose de sept minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci encore une fois pour votre comparution, mesdames Audette, Goodwin et Dumont-Smith. Je sais que vous avez témoigné devant plusieurs comités, et votre point de vue est toujours apprécié.
    À l'occasion du Forum national sur la sécurité communautaire et l'élimination de la violence tenu à Edmonton, on a fourni une liste des rapports produits et des recommandations formulées jusqu'à maintenant. Bien que nous ne disposions pas des ressources suffisantes pour passer en revue les rapports recensés dans cette liste de 47 pages afin de déterminer combien des recommandations formulées ont été mises en oeuvre, je crois pouvoir affirmer, à la lumière des autres travaux que nous avons effectués, qu'il y en a très peu.
    Notre comité a pour mandat, conformément à la motion qui a été adoptée, d'entendre des témoignages et de proposer des solutions permettant de s'attaquer aux causes profondes de la violence.
    Compte tenu du grand nombre de rapports déjà produits à ce sujet, la portée possible du travail de notre comité est plutôt limitée. Vous avez parlé d'une enquête publique nationale et vous savez que nous y sommes favorables, mais il est également question d'un plan d'action à l'échelle du pays. Je me demandais si vous pouviez nous indiquer quels éléments pourraient renfermer un tel plan d'action national, ce qui pourrait guider le travail de notre comité.
    Je crois que Mme Goodwin y a déjà fait référence d'une certaine manière en parlant d'une analyse approfondie des rapports en vue d'orienter la suite des choses.
    J'aimerais simplement que vous nous disiez comment cela pourrait s'articuler.
    Certainement. Beaucoup de travail a déjà été accompli quant au contenu d'un éventuel plan d'action national. Suivant une résolution des Nations Unies, tous les pays devront s'être dotés d'ici 2015 d'un plan d'action national pour lutter contre la violence faite aux femmes. Notre travail va donc dans le sens de cette résolution adoptée à l'échelle internationale.
    Je crois qu'il est un peu tôt pour vous répondre, car nous en sommes encore à déterminer ce que devrait contenir ce plan d'action. Nous mettons les bouchées doubles à cette fin en compilant les données de plusieurs rapports à ce sujet. Nous pourrions peut-être revenir vous en parler lorsque nous aurons une meilleure idée du contenu définitif. Comme je l'indiquais, il faut assurément miser sur l'inclusion active des familles et des différents membres de la communauté, y compris les hommes et les garçons, bien évidemment, ainsi que les dirigeants à tous les niveaux. Le gouvernement fédéral a aussi un rôle à jouer dans le processus. Il faut que tous comprennent bien et conviennent avec nous qu'il est grand temps d'agir.
    Il faut s'attaquer aux causes profondes du problème, mais il y a différents niveaux d'intervention. Bien des situations socioéconomiques sont problématiques. Nous savons très bien que beaucoup de gens ne prennent pas le temps nécessaire pour jauger toute l'ampleur du problème, et peuvent même s'interroger sur la pertinence d'un plan d'action national et la nécessité d'une enquête publique. Il faut généralement parvenir à mieux sensibiliser les gens avant de pouvoir aller au fond des choses, et j'estime que l'AFAC est très efficace à ce chapitre.
    Par exemple, nous n'avons tenu que 11 veilles dans le cadre de Soeurs par l'esprit en 2006. L'an dernier, soit en 2012, nous avons atteint le nombre de 175 veilles à l'échelle du pays. Il s'agit certes là d'une intensification rapide et marquée des efforts de sensibilisation, mais nous n'en sommes pas encore au point où le grand public serait pleinement conscient de nos besoins. Nous devons donc poursuivre nos efforts en ce sens pour en arriver à nous assurer les appuis nécessaires à la mise en oeuvre d'un plan d'action.
    Je sais que je ne réponds pas vraiment à votre question, mais je peux vous dire que nous travaillons vraiment très fort à déterminer ce contenu.

  (1910)  

    Je crois que Mme Audette a quelque chose à ajouter.

[Français]

    Je vais parler en français.
    Au fil des ans, j'ai voyagé partout au Canada, j'ai écouté les femmes autochtones et j'ai pris connaissance de toute la documentation que l'AFAC a publiée. J'ai mis la main sur un document qui m'a impressionnée. C'était un document que Condition féminine Canada nous avait demandé il y a plusieurs années. À la suite de cette réflexion, ou de cette analyse, une chose m'est apparue clairement. On revendique, demande ou espère un plan d'action national, mais comme l'a si bien dit ma collègue Mme Goodwin, il faut tout d'abord s'assurer que tous les ministères concernés ont une certaine compréhension de cette question. Souvent, quand on pense aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits, on pense seulement à Condition féminine Canada ou au ministère des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien. Quand on parle de l'AFAC, on pense à M. Valcourt et à Mme Ambrose.
    Depuis plusieurs semaines, je harcèle, de façon cocasse, les cabinets de ces différents ministères. Je les appelle sans cesse et leur dit qu'il est bien que leur gouvernement ait décidé de mettre en place un comité spécial, que c'est un début et que c'est un pas dans la bonne direction. Cependant, cela ne nous empêche pas de mettre en place un groupe de travail incluant les différents ministères touchés.
     On a parlé des sans-abri ou des difficultés relatives à l'habitation, à la sécurité et à la justice ainsi que de plusieurs enjeux. Dans le cadre de cette réflexion, pourquoi ne pas travailler autrement qu'en silo? Si vous me le permettez, madame Crowder, voici la façon dont je vois les choses. Cette réflexion n'a pas encore été collective, nous n'avons pas encore consulté nos membres. Il serait important qu'il y ait une volonté politique. Je demandais à M. Valcourt et à Mme Ambrose de coprésider ce groupe de travail qui pourrait rencontrer officiellement des représentants des ministères comme Sécurité publique Canada, les organismes responsables du logement, tout ce qui touche au développement économique, à l'emploi et à la formation, et les femmes autochtones. Il faudrait regrouper tous ces gens qui sont interpellés par cette réalité dans laquelle on ne devrait pas vivre. À vrai dire, on est en mode de survie. Tous ces ministres pourraient demander à leurs sous-ministres et aux personnes qui ont un pouvoir décisionnel de travailler avec l'Association des femmes autochtones du Canada. Ce serait le premier exercice.
    Pour terminer, je parlerai d'un autre exercice. Je ne lâcherai pas tant et aussi longtemps que je donnerai mon amour à l'Association des femmes autochtones du Canada. Il faut faire en sorte que les gouvernements des provinces et des territoires soient parties prenantes de ce travail. Nous avons réussi en deux rencontres à les faire signer cette entente. Vous voyez, cela ne concerne pas que le fédéral, mais aussi les provinces et les territoires. Je vous dirais même qu'il est important de rencontrer aussi les municipalités, tôt ou tard, parce qu'elles ont un rôle important à jouer.
    Il faut donc un plan d'action national. Nous allons mettre en place des mesures de développement socioéconomique pour faire face à certains problèmes qui nous touchent. Voilà pourquoi il faudrait mettre en place cet exercice.

  (1915)  

[Traduction]

    Merci.
    C'est à vous, monsieur Goguen.
    Merci, madame la présidente.

[Français]

    Je vous remercie de votre témoignage.
    De toute évidence, les causes profondes de la violence sont multiples et complexes. J'en ai noté plusieurs. Ce peut être le fait d'être sans-abri, la pauvreté, les écoles résidentielles, la santé mentale, le biais historique, la traite des femmes, le manque d'éducation, etc. Vous avez résumé cela en disant que c'était un problème systémique.
    Je ne veux nier l'importance d'aucun de ces facteurs de violence contre les femmes, mais y a-t-il un ou deux facteurs prédominants ou plus critiques? Je sais que chaque cas est individuel et que les circonstances de chacun sont différentes.
    Je pose, moi aussi, ces questions aux femmes que je rencontre tous les jours lors de mes déplacements. Les problèmes ne seront pas les mêmes s'il s'agit d'une communauté extrêmement isolée ou s'il s'agit d'une communauté beaucoup plus urbaine, mais la violence est ancrée. Dans certaines régions, on va me dire que la toxicomanie et la santé mentale constituent un problème majeur. Dans ces communautés, la consommation de speed et autres drogues de synthèse fait augmenter le taux de violence.
    Dans d'autres régions, cela peut être lié au fait de vivre dans un environnement qui comprend un territoire de plus en plus restreint. On parle donc de communautés beaucoup plus urbaines, comme la mienne, Uashat-Maliotenam, qui est séparée en deux. Les problèmes sont différents en raison du racisme et de la discrimination.
    J'aurais aimé avoir ces réponses, moi aussi. Malheureusement, il faut prendre en considération la géographie, le lieu, bref, la réalité.
    Donc, même le fait de diviser cela entre régions urbaines et régions rurales ne vous aide pas dans votre analyse de cet aspect.
    Que voulez-vous dire? Pardonnez-moi.
    Les facteurs prédominants dans les régions urbaines sont-ils différents des facteurs prédominants dans les régions rurales?
    C'est pourquoi il est important de ne pas appliquer les politiques de manière uniforme.
    Oui.
    On doit avoir cette flexibilité. Pour s'assurer d'un succès, il faut tenir compte de la réalité dans la région. S'il y a de la discrimination raciale ou du racisme dans la région, il faut mettre en place des mesures préventives. S'il y a de la toxicomanie dans d'autres régions, Santé Canada a alors un rôle à jouer.

[Traduction]

    Votre collègue a mentionné à quelques reprises l'initiative Soeurs par l'esprit. Je n'ai entendu que de bonnes choses au sujet de ce programme.
    Je crois, madame Audette, que cette initiative avait notamment pour objectif de déterminer les causes profondes du problème. Si je ne m'abuse, le financement était de 5 millions de dollars sur une période de cinq ans. Est-ce que ces efforts ont porté fruit? Est-ce que le programme a vraiment permis de mettre au jour certaines causes? Le cas échéant, pourriez-vous nous dire lesquelles?
    Je vais laisser Irene vous répondre, car elle est la responsable de ce programme.
    On a accompli de l'excellent travail. Différents rapports ont été produits dans le cadre de l'initiative Soeurs par l'esprit. De nombreuses analyses ont été effectuées. Nous avons pu faire ressortir les différences entre les provinces à plusieurs égards. Par exemple, la prévalence des cas de femmes disparues ou assassinées était plus élevée dans certaines provinces de l'Ouest. Comme l'indiquait notre présidente, c'est peut-être attribuable au racisme. Dans d'autres régions, par exemple dans l'Est du pays, les statistiques moins élevées étaient peut-être dues à des lacunes au chapitre des signalements. Il n'est pas facile de savoir rapidement à quoi s'en tenir.
    Je peux toutefois vous assurer que l'initiative Soeurs par l'esprit a permis de mettre au jour de nombreuses informations encore inédites. Le projet aura tout au moins eu comme résultat positif de porter à l'attention de bien des gens le problème de la violence extrême dont sont victimes les femmes et les filles autochtones en rendant publics des chiffres encore inconnus sur le nombre d'entre elles qui sont disparues ou assassinées. Je sais qu'on peut toujours dire que 5 millions de dollars ce n'est pas une forte somme, mais la véritable valeur de l'initiative réside dans cette information. On ne peut pas mettre un prix sur la vie de ces femmes et de ces filles.
    Différents documents de référence sont issus de l'initiative Soeurs par l'esprit. Nous sommes entrés en contact avec un grand nombre de familles. Nous nous sommes déplacés partout au Canada pour discuter des problèmes des unes et des autres. J'invite le comité à prendre connaissance des fiches d'information que nous avons produites pour chaque région afin de voir quelles sont les différences. À titre d'exemple, nous savons qu'environ 87 p. 100 des femmes et des filles autochtones qui sont disparues étaient mères d'au moins un enfant. En tout cas, nos recherches soulignent tout au moins la nécessité de continuer à suivre les choses de près. Si nous voulons nous attaquer aux causes profondes et aux répercussions possibles pour l'avenir, nous avons absolument besoin de ces informations. Ce projet a donc été utile du fait qu'il nous a fourni des renseignements dont nous ne disposions pas auparavant.
    Dans une perspective d'avenir, nous nous devons de continuer à mener des recherches semblables. Comme vous l'indiquait notre directrice générale, les deux plus récents projets, Du constat à l'action I et II, ne permettent pas de poursuivre les recherches de la sorte, mais cela ne signifie pas que le problème est réglé. En fait, de nouvelles questions se posent. On peut par exemple se demander quels sont les besoins des hommes qui se retrouvent seuls pour élever leurs enfants. C'est le genre d'interrogations auxquelles on doit maintenant répondre.
    Nous devons aussi savoir ce qui se passe avec les enfants de ces mères qui disparaissent. Sont-ils confiés aux bons soins des services d'aide à l'enfance, et est-ce que cela crée un cercle vicieux? Combien de ces enfants deviennent-ils à leur tour des victimes d'une telle violence? Nous avons effectué quelques recherches de base dont il nous a été impossible de rendre publics les résultats, mais qui ont permis de dégager un cycle courant. Lorsqu'une mère disparaît, sa fille risque de subir le même sort des années plus tard. Dans certaines familles, plusieurs femmes sont ainsi disparues.
    Il est certes nécessaire de poursuivre les recherches. Nous ne saurions trop insister pour encourager les gouvernements à en faire davantage en vue de retracer les éléments manquants. L'initiative Soeurs par l'esprit a permis de recenser bon nombre des facteurs qui entrent en jeu, mais il serait trop long de les énumérer ici. Je sais que Michèle vous en a déjà mentionné quelques-uns. La pauvreté est un élément important, tout comme l'itinérance. Il y a aussi le manque d'instruction et les perspectives d'emploi insuffisantes. Il arrive que l'emplacement géographique ait un rôle à jouer.
    Il y a aussi des problèmes reliés aux politiques en matière d'éducation. Lorsqu'une jeune Autochtone d'une région éloignée doit déménager pour poursuivre ses études ou occuper un emploi, elle ne possède pas nécessairement les outils dont elle a besoin pour survivre au sein de ce nouvel environnement. Nous savons en effet que de nombreuses jeunes filles disparaissent après avoir quitté leur collectivité pour aller étudier ou travailler en ville.
    Bon nombre de ces faits et de ces circonstances n'étaient pas connus avant l'initiative Soeurs par l'esprit.

  (1920)  

    Il y a eu de nombreuses preuves anecdotiques, mais pas de statistiques par les pairs qui brossent un portrait de la situation. Le projet Soeurs par l'esprit, qui a généré ce type de recherche, est certainement bénéfique. Nous avons tenté de mettre en oeuvre ces recherches avec les initiatives Du constat aux actes et de mettre au point des outils et des ressources qui peuvent être utiles dans les situations auxquelles nous sommes confrontés.
    Le travail accompli souligne certainement la nécessité de continuer à effectuer des recherches et des analyses sur la situation. Je crois toutefois que ce projet a seulement révélé la pointe de l'iceberg.
    Merci.
    Puis-je faire un commentaire?
    La présidente: Bien sûr.
    Mme Claudette Dumont-Smith: Je crois que même avec l'AFAC et Soeurs par l'esprit, on se concentrait sur la question des femmes autochtones disparues et assassinées, et le nombre de cas le justifiait. L'Association des femmes autochtones du Canada a changé le nom de notre service: nous l'appelons maintenant le service de sécurité et de prévention de la violence. Étant donné que nous avions obtenu les fonds pour Soeurs par l'esprit, nous avons concentré nos efforts sur les femmes disparues et assassinées, une forme extrême de violence. Maintenant, nous devons nous pencher sur les taux élevés de violence dans les collectivités et dans les foyers. Je crois que c'est aussi ce que le comité souhaite examiner. Votre objectif est de cerner les causes fondamentales de la violence. Examinez-vous la question sous cet angle, ou est-ce à l'autre extrémité du spectre?
    Il est également important de revenir au volet de la prévention. Dans les collectivités autochtones, la violence est banalisée. Il n'y a pas assez de prévention. Comme je l'ai dit, l'AFAC était tellement concentrée là-dessus; on nous avait confié le mandat d'examiner les cas de femmes autochtones disparues et assassinées, et nous avons négligé un peu le volet de la prévention. Maintenant, nous voulons y revenir, tout en continuant à nous pencher sur les cas des femmes disparues et assassinées. Les deux éléments sont liés, mais on s'occupe de l'élément extrême, et ensuite on commence à revenir à la prévention.
    Lorsque nous examinons les causes fondamentales de la violence dans les collectivités ou dans les foyers, nous constatons qu'il y a la pauvreté. Pensez au taux de divorce: la question des finances est l'une des raisons principales pour lesquelles les couples divorcent. Vous pouvez imaginer que les gens qui vivent dans la pauvreté au quotidien ressentent beaucoup d'émotions négatives.
    Les jeunes sont maintenant exposés à la violence dans les médias, mais ils sont aussi exposés à un mode de vie dont tout le monde profite sauf eux. Ils vivent dans une cabane. Ils ont peut-être l'eau courante, mais ils n'ont même pas de chambre à coucher. Par l'entremise de la télévision, ils constatent que tout le monde possède une voiture. Voyez-vous où je veux en venir? Cela engendre de la frustration, car ils n'ont pas d'argent à dépenser et nulle part où aller.
    Les membres du comité doivent examiner ces questions. Les deux éléments sont liés, mais ils sont différents.

  (1925)  

    Merci.
    Madame Bennett, vous avez la parole.
    J'aimerais remercier les témoins d'être ici aujourd'hui. Je vous remercie, comme toujours, de votre approche presque thérapeutique à l'égard d'un sujet si important, car vous infusez de l'espoir et vous avez des suggestions concrètes. Nous vous en remercions. Nous vous sommes reconnaissants de tout le travail que vous avez accompli.
    Nous voulons veiller à ce que vous nous donniez du travail pendant l'été, c'est-à-dire ce que, selon vous, nous devrions avoir lu à notre retour à l'automne. J'espère qu'à ce moment-là, vous vérifierez si nous connaissons bien toutes les recommandations contenues dans vos documents.
    Le document de travail qui a été produit à la suite de l'excellente conférence que vous avez organisée en avril, à Edmonton, était extraordinaire. Nous avons été très chanceux que la Bibliothèque du Parlement ait décidé d'y envoyer nos analystes. Nous vous remercions donc d'y avoir assisté. J'espère que tous ceux qui n'ont pas pu y assister recevront un exemplaire du document de travail, car à mon avis, il explique très bien le travail que nous devons faire ensemble.
    Je vous remercie aussi de vous souvenir des femmes et des filles qui ont disparu, et des familles qui vivent maintenant avec cette énorme perte.
    Mes questions concernent surtout la façon dont nous pouvons collaborer, c'est-à-dire comment nous pouvons veiller à ne jamais oublier le visage humain de la situation, comme vous l'avez souligné; comment, au cours de nos travaux, nous pouvons continuer à nous informer sur les femmes disparues chaque semaine; comment nous pouvons rester concentrés sur les familles; et comment nous rappeler de la nécessité d'organiser un événement spécial. Je ne sais pas quelles sont vos recommandations pour la vigile du 4 octobre — s'il y a une façon spéciale de recevoir les gens lorsqu'ils se rassembleront sur la Colline. Si vous avez des conseils sur cet événement et sur les déplacements — dans la motion, le comité est prêt à se déplacer et si vous avez des conseils concernant la Route des pleurs ou si vous pensez que le témoignage a été livré lors d'études précédentes —, nous espérons recevoir vos sages conseils.
    De plus, nous devrons collaborer au sujet de la liste des témoins. Comme vous l'avez précisé, il ne s'agit pas seulement d'ajouter des gens à la liste des témoins, mais aussi d'organiser nos travaux. Je serai heureuse de profiter de votre avis d'expert en ce qui concerne les meilleurs témoins dans chacun des trois domaines et de la meilleure façon d'organiser les groupes de témoins. Je n'aime pas beaucoup l'idée de recevoir trois témoins dans une heure. Pensez seulement à la façon dont le temps s'est envolé ce soir: nous avons seulement trois témoins, et presque deux heures sont écoulées.
    J'espère qu'en collaboration avec la présidente, le greffier et les analystes, vous nous ferez parvenir vos meilleures recommandations. Nous avons présenté notre liste de témoins, mais vous pourriez peut-être nous aider à les organiser. Je crains que s'ils comparaissent dans n'importe quel ordre, les histoires et les récits ne nous permettent pas de faire le lien avec le travail que vous avez déjà accompli.
    Je crois également que dans votre initiative Du constat aux actes... J'aimerais qu'on parle du rôle du gouvernement, de ce qui fonctionne, de ce qui ne fonctionne pas, de ce qui coûte de l'argent, de ce qui coûte trop cher, et de ce qui ne coûte rien. Dans un plan d'action national, comment faire le lien entre tout le travail qui a déjà été accompli sur le terrain et ce que le gouvernement doit faire? Nous avons toujours à l'esprit les recommandations qui viendraient d'ici.
    Nous avons aussi entendu parler de la conférence des jeunes d'Oskayak. Mme Goodwin a parlé des jeunes femmes et des filles qui s'échappaient des foyers d'accueil, et le sujet n'a probablement pas été bien traité au Parlement. Lorsqu'une personne doit fuir une situation de violence, cela engendre de graves répercussions et le cycle se perpétue...

  (1930)  

    À part vos trois comparutions devant le comité, avez-vous des idées sur la façon dont nous pourrions collaborer, c'est-à-dire entre vos comparutions?

[Français]

    Je vais aussi laisser la parole à Irene.
    Selon moi, il est important que la présidente du comité et moi-même dialoguions le plus souvent possible à ce sujet. Je suis partante pour échanger et dialoguer. Peut-être que j'aurai des désaccords avec elle, et il est sain et normal d'avoir des désaccords, mais je veux sentir que je suis partie prenante au processus où l'on aborde les questions de dignité humaine et de vies humaines.
    À l'heure actuelle, nous avons plus de facilité à rencontrer d'autres ministres au sujet d'autres dossiers. En effet, toutes les deux semaines, je rencontre deux ministres pour échanger avec eux sur des sujets bien précis.

[Traduction]

    En ce qui concerne le volet des familles, comment pourrions-nous, en tant que membres du comité, faire savoir aux familles que nous voulons les écouter, même celles qui n'ont jamais été en mesure de...
    Quelle stratégie de communication pourriez-vous nous recommander pour que nous puissions trouver ces familles et les écouter?

[Français]

    Madame Bennett, je dois tout d'abord vous dire que nous n'avons pas la capacité, sur le plan des finances et des ressources humaines, de rejoindre toutes les familles. Il serait prétentieux de notre part de vous dire que c'est ce que veulent les familles. Il faut donc faire attention.
    Cependant, nous avons quand même un réseau de familles qui sont prêtes à témoigner. C'est à vous de les convoquer, puisqu'il s'agit de votre initiative. C'est une initiative du gouvernement fédéral, qui est accueillie par certains groupes, notamment par l'Association des femmes autochtones du Canada. C'est à vous de convoquer ces familles, et nous pouvons vous soutenir dans cet exercice.
    Il serait intéressant de les convoquer le 4 octobre prochain. C'est une très bonne idée, car beaucoup de familles se retrouveront ici, sur la Colline du Parlement et dans d'autres régions, comme vous l'avez mentionné. Par contre, la demande doit venir de votre comité. Ce sera pour nous un plaisir de vous soutenir à cet égard. Tant et aussi longtemps que je serai présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, je ne pourrai avoir la prétention de parler au nom des familles, mais je vous soutiendrai si vous leur lancez l'invitation. Vous devriez leur lancer l'invitation. Vous verriez que ce sont des gens remarquables.

  (1935)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame Truppe, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais également remercier les témoins d'être ici.
    Irene, vous avez parlé de l'initiative Soeurs par l'esprit. Il semble certainement que ces 5 millions de dollars ont été bien dépensés.
    Vous avez mentionné quelque chose et je ne suis pas certaine d'avoir bien entendu. Je crois que vous avez dit que vous aviez découvert qu'un grand nombre de ces femmes avaient disparu après avoir déménagé d'une région rurale à un centre urbain. Est-ce bien ce que vous avez dit?
    Oui.
    Je suis surprise. Je pensais que ce serait le contraire, ou que leur déménagement dans un centre urbain pourrait les aider.
    Claudette, vous avez mentionné que vous n'appuyiez pas la traite de personnes et la prostitution. Je veux que vous sachiez que nous n'appuyons certainement pas cela non plus. En fait, vous êtes peut-être déjà au courant, mais notre gouvernement a adopté le projet de loi C-310, un projet de loi contre la traite de personnes. Il s'agissait d'une modification au Code criminel qui visait à imposer des peines plus sévères pour les infractions à l'étranger. De notre côté de la Chambre, nous avons un collègue qui travaille très fort contre la traite de personnes. Je suis également heureuse d'entendre cela.
    Je ne suis pas certaine qui a mentionné qu'on avait accompli beaucoup de travail et rédigé de nombreux rapports, et que vous aviez trouvé beaucoup de renseignements sur les filles autochtones disparues. Depuis 2006, le gouvernement a versé 205 millions de dollars dans le programme de prévention de la violence familiale, alors je présume que cela ne vient pas de là.
    Était-ce du financement provenant de l'initiative Du constat aux actes I ou II ou était-ce du financement qui provenait d'ailleurs?
    Pourriez-vous répéter la dernière partie de votre question, c'est-à-dire celle sur les 25 millions de dollars?
    Non, je disais que je sais que 205 millions de dollars ont été versés dans le programme de prévention de la violence familiale, je crois, depuis 2006. Je présume que ce n'est probablement pas cet argent.
    Lorsque vous avez parlé de tout le travail que vous aviez accompli, des études et de tout le reste, le financement provenait-il des initiatives Du constat aux actes I et II ou d'une autre source?
    Non, à ma connaissance, tout l'argent que nous avons reçu pour nous pencher sur le problème de la violence — et je sais ce qui se passe à l'AFAC —, provient de Condition féminine Canada, par l'entremise des initiatives Du constat aux actes I et II, et avant cela, de l'initiative Soeurs par l'esprit.
    Nous avons fait une demande de financement auprès du ministère de la Justice et de Sécurité publique Canada, mais elles ont été refusées.
    Voilà où nous en sommes. Nous continuons de présenter des demandes, mais ce sont les faits. Voilà où nous avons obtenu l'argent depuis 2005, je crois.
    Excellent. Condition féminine Canada finance donc certaines de vos initiatives. Il semble que vous ayez très bien réussi avec ce que vous avez reçu.
    Les 2 millions de dollars qui ont été versés dans le cadre de l'initiative Du constat aux actions II, qui visait à renforcer la capacité des collectivités, des gouvernements, et des éducateurs, notamment le Collège canadien de police, les établissements d'enseignement postsecondaire, et les écoles élémentaires et secondaires... C'était pour se pencher sur les causes fondamentales de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones.
    Avez-vous entrepris des activités et de la formation pour partager ces renseignements avec les femmes et les filles autochtones? Comment leur avez-vous communiqué ces renseignements?
    Je vais demander à Irene de répondre à cette question. Nous avons accompli beaucoup de travail dans ce domaine. Elle vient juste de terminer un autre rapport provisoire et elle pourra vous répondre.
    Excellent. Merci. C'est son projet principal.
    Le guide des ressources communautaires est l'un des éléments importants qui ont découlé de ces activités. Ce guide renferme plusieurs trousses d'outils. Je crois qu'il contient 10 trousses d'outils. On y décrit aussi plusieurs mécanismes. Il y a également une partie qui porte sur les causes fondamentales.
    Un large éventail de personnes utilisent certainement ces outils et ces ressources. Lorsque nous avons rédigé nos rapports et que nous avons examiné le nombre de personnes qui s'en servaient, nous avons été surpris par les différentes utilisations. Par exemple, la GRC utilise ces outils et ces ressources pour former leurs cadets, et il y a aussi des éducateurs — c'est-à-dire des enseignants au secondaire et dans les écoles publiques — qui utilisent ces ressources pour informer leurs élèves, en particulier dans le domaine des études autochtones. Les services aux victimes utilisent également ces outils. Tout le monde les utilise de façon différente. Il s'agit donc d'une énorme ressource qui offre beaucoup de contenu supplémentaire.
    On nous demande constamment d'y ajouter du contenu. Par exemple, les services de police aimeraient avoir un manuel de formation complémentaire, et les enseignants aimeraient avoir des feuilles de questions et réponses pour évaluer les connaissances de leurs élèves. Ce sont des éléments secondaires que nous n'avons pas abordés dans le cadre des initiatives Du constat aux actions I et II, mais nous pouvons certainement nous pencher sur la façon d'améliorer ces outils et ces ressources.
    Dans le cadre de l'initiative Du constat aux actions II — et cela pourrait répondre à certaines des questions qui ont été posées plus tôt —, nous organisons un rassemblement annuel des familles. Le comité pourrait se servir de ce mécanisme pour rencontrer les familles.
    Évidemment, chaque année, nous organisons les vigiles du 4 octobre. Encore une fois, nous commençons tout juste la planification supplémentaire de ce processus et nous essayons de déterminer le programme de la journée. Nous sommes encore aux premières étapes du processus. Nous serions heureux d'entendre les suggestions des membres du comité sur la façon dont vous pourriez participer à ce processus.

  (1940)  

    C'est un outil d'enseignement dont les différents organismes peuvent se servir pour enseigner aux filles et aux femmes.
    Essentiellement, l'initiative Du constat aux actions fournit l'occasion de mettre en oeuvre les recherches qui découlent du projet Soeurs par l'esprit, et c'est pourquoi nous lui avons donné le nom Du constat aux actes. Toutes nos activités et nos documents visent à diffuser ces recherches dans les divers segments de la population canadienne. Je crois que nous accomplissons un excellent travail. Nous avons certainement constaté une grande augmentation dans la demande. En fait, la demande a dépassé notre capacité d'imprimerie et de traduction...
    C'est formidable.
    Nous avons gravé nos documents sur des disques compacts. Lorsque nous ne pouvions pas nous permettre d'acheter des disques compacts, nous avons utilisé des clés USB. Donc la demande...
    Excellent. Vous êtes très enthousiaste.
    Lorsqu'on lance un projet, on essaie de prévoir toutes les variables. Ce que nous n'avions pas prévu, et nous en avons parlé, c'est que la sensibilisation entraînerait une augmentation de la demande. Un des résultats positifs, c'est que nous savons que la sensibilisation augmente, ainsi que la demande. Nous devons mettre au point des mécanismes réels pour diffuser ces documents dans la population et pour mieux fournir en ressources les initiatives qui sont déjà en place.
    L'un des autres volets de l'initiative Du constat aux actes concerne les ateliers d'engagement communautaire. L'un de nos ateliers les plus réussis — et vous en avez peut-être entendu parler —, c'est le projet des poupées sans visage. Essentiellement, nous avons tenté de créer un produit particulier, par exemple notre « artivisme », pour que les gens puissent participer au lieu de recevoir passivement de l'information sur un sujet. Nous avons reçu un grand nombre de commentaires positifs. Ce projet a été conçu pour créer 600 poupées sans visage. Je ne sais pas si vous avez déjà vu des photos de ces poupées. Elles sont très touchantes.
    Nous tentons maintenant de créer des éléments permanents. Nous avons terminé ce projet particulier, mais les gens et les collectivités continuent de nous demander de poursuivre le projet. Nous nous efforçons actuellement de lancer un volet permanent.
    Nous participerons à la Journée nationale des Autochtones. La mise au point de ce type d'activités qui visent à accroître la sensibilisation fait partie intégrante de nos activités liées à ce projet.
    Merci.
    Mon temps est-il écoulé?
    Oui.
    Monsieur Saganash, vous avez cinq minutes.

[Français]

    [Le député s’exprime en langue crie.]

[Traduction]

    Était-ce bien?
    Une voix: Bon travail.

[Français]

    M. Romeo Saganash: Tout d'abord, je vous remercie toutes les trois de votre témoignage qui est fort important, je crois.
     Madame Audette, vous nous avez lancé un appel qui a résonné en moi. Votre appel demandait que ce soit différent cette fois. Cet appel est également un rappel pour nous, parce que s'il existe un sujet qui devrait être traité de façon non partisane, c'est bien celui-là. En ce sens, c'est un rappel pour nous.
    Je voudrais aborder la question du plan d'action national. C'est important, mais un plan d'action national comporte ses propres défis en ce qui concerne non seulement son élaboration, mais également sa mise en oeuvre. On pourra peut-être y revenir, si on a le temps.
     Ma première question porte sur le rôle que vous voulez jouer avec ce comité. Je vous écoutais attentivement. Vous avez parlé de travailler ensemble. Cela résonne très bien en moi, parce que c'est le slogan de notre parti.
     Vous avez parlé de partenariats. Cela aussi a une résonnance en moi. Or, tout le monde n'envisage pas le partenariat de la même façon.
    Il a été question de dialogue officiel et de clarification du rôle de l'AFAC. Vous l'avez mentionné et clarifié. La reconnaissance en tant que témoin expert qu'on vient de vous accorder est-elle suffisante? Tendez-vous plutôt à favoriser une entente officielle entre votre groupe et le comité? J'essaie de comprendre. Si j'ai bien entendu, Mme Goodwin parlait également de

[Traduction]

    participer à la rédaction du rapport final.

[Français]

    Cela comprend plusieurs choses.

  (1945)  

    Monsieur Saganash, on sent bien le juriste en vous.
     Pour nous, c'est clair. Combien de fois avons-nous été déçus dans plusieurs domaines, relativement à certains dossiers, parce que nous n'avions pas officialisé les rôles et les responsabilités de chacun? Nous vous lançons un appel aujourd'hui. Nous aimerions officialiser une entente par écrit et qu'on la respecte, pour qu'il n'y ait pas de déception, d'incompréhension ou de mauvaise interprétation.
     Oui, ce partenariat veut dire qu'entre adultes, entre experts et entre élus, nous allons pouvoir dialoguer et échanger afin de trouver de meilleures solutions. J'espère voir se définir par écrit cette relation qui va nous permettre de faire quelque chose de nouveau. Ce serait déjà fort différent des autres comités.
    J'aimerais aussi sentir cette fois-ci qu'il n'y aura pas de partisanerie. Vous avez très bien exprimé cette idée, monsieur Saganash. Nos valeurs nous amènent à vouloir réaliser des changements pour les familles et les femmes. C'est très important. Nous espérons avoir ce contrat qui liera notre organisation et les députés qui représentent différentes régions du Canada.
    Pour ce qui est d'un plan d'action, monsieur Saganash, il est extrêmement important que nous sentions qu'il y a une telle volonté politique. Les députés de la majorité conservatrice qui sont ici pourraient peut-être aller sensibiliser leurs collègues ministres qui peuvent jouer un rôle. Comme ancienne sous-ministre associée chargée du Secrétariat à la condition féminine, j'appelle cela faire de l'advance. Vous avez cette capacité, alors profitez-en.
    Un aspect très important de ce plan d'action est de faire une chose très différente. Combien de fois vous a-t-on critiqués, peu importe le gouvernement au pouvoir, au cours des 20 dernières années? On a dit que vous ne consultiez pas les Premières Nations, les Métis et les Inuits et que vous aviez encore bien moins obtenu leur consentement éclairé. Cette fois, prouvons que nous pouvons faire les choses autrement. L'Association des femmes autochtones du Canada devrait participer à l'élaboration du plan d'action. Je vous garantis que si j'ai ce sentiment, vous allez m'avoir à vos côtés au cours des années où je vais travailler pour l'Association des femmes autochtones du Canada.

[Traduction]

    Cinq minutes, ce n'est pas long.
    Vous avez la parole, madame McLeod.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais vous remercier de cette conversation. J'ai aimé entendre la présidente expliquer que cette relation sera très formelle.
    J'aimerais simplement préciser que je sais que nous parlons d'un sujet très difficile, et que nous aborderons peut-être cette question seulement plus tard dans notre rapport, mais il y a une ou deux semaines, j'ai assisté à la remise des prix E-Spirit de la BDC. Des étudiants de partout au pays se sont rendus à Kamloops. C'était formidable de voir la jeunesse, l'enthousiasme, le mentorat et les plans d'activités proposés, tout en sachant que ces jeunes allaient les ramener dans leurs collectivités.
    J'ai constaté que les choses bougent. Nous avons entendu des représentants des différents ministères. Nous avons entendu parler de certains des travaux accomplis par l'entremise de l'initiative Soeurs par l'esprit. J'ose croire et espérer que nous faisons certaines choses beaucoup mieux que dans les années 1960, 1970 et 1980.
    Quelles sont les activités pour lesquelles nous progressons de façon satisfaisante?
    Jusqu'ici, à chaque réunion, j'ai été très préoccupée par les statistiques, et j'aimerais vraiment approfondir ce sujet.
    Madame Goodwin, vous disiez que les méthodes liées au statut autochtone que vous utilisiez pour les victimes d'actes criminels fonctionnaient très bien. Pourriez-vous nous parler un peu plus de la façon dont vous réussissez à obtenir ces statistiques, car je sais que Statistique Canada et d'autres organismes font face à des défis importants à cet égard?

  (1950)  

    Premièrement, nous ne recueillons pas de données et nous ne menons aucune recherche, ce qui fait que nous ne produisons pas de nouvelles statistiques concernant le projet Du constat aux actes. Une bonne partie des statistiques que nous avons produites proviennent du projet Soeurs par l'esprit. Il faut de plus en plus poursuivre ce genre de travail et ainsi mieux analyser ce qui se produit. Notre présidente pourrait sans doute en dire davantage sur les histoires de succès que nous avons relevées.
    L'aspect lié à l'éducation prend de l'ampleur parmi les jeunes Autochtones. Ils forment le plus important segment de la population. Ils continuent de rencontrer diverses difficultés socio-économiques.
    La collecte d'information que nous faisons en ce moment est liée de près à nos évaluations des besoins des familles. J'ai mentionné précédemment le rassemblement familial. C'est en partie pour dialoguer avec les familles. Nous recueillons aussi des récits personnels. Récemment, pour utiliser les nouvelles technologies, nous avons créé des récits personnels en format numérique. Je ne sais pas si quelqu'un les a vus, mais il s'agit d'un moyen très efficace de transmettre notre message. Ces récits portent sur les difficultés des familles et les situations dans lesquelles elles se trouvent. Ils relatent la disparition ou le meurtre d'un être cher. Avec ce travail et les récits des familles, nous réussissons à aller chercher l'information qu'il nous faut.
    Je veux souligner encore une fois que notre projet actuel n'est pas un projet de recherche, alors c'est une restriction. Le rapport final pourrait mentionner qu'il faut poursuivre ce genre de recherche et produire de nouvelles statistiques.
    Entre autres problèmes, surtout avec nos ateliers de mobilisation communautaire, nous utilisons toujours les données du rapport Soeurs par l'esprit de 2010. Bien des gens en sont mécontents. Ils veulent de l'information nouvelle et à jour, et c'est pour nous un défi de la fournir. Nous pouvons donner des informations anecdotiques, mais il nous faut un mécanisme éprouvé. Nous avons récemment discuté avec Statistique Canada de la façon dont nous pourrions fonctionner dorénavant. C'est le travail préliminaire qui se fait sur ce plan.
    Cet été, il y aura une réunion du Conseil de la fédération, et tous les premiers ministres vont se rencontrer ici, en Ontario.
    Nous avons discuté, la semaine passée, avec la ministre responsable de la Condition féminine en Ontario, Mme Broten. Je lui ai dit que le développement économique était essentiel, pour les femmes autochtones. Cet été, il faut travailler à faire en sorte que tous les premiers ministres adoptent un énoncé selon lequel ils mettront de l'argent de côté pour les femmes autochtones.
    Aussi, la pauvreté étant l'une des causes fondamentales, je rêve d'un fonds pour le microcrédit. Si nous étions en mesure, dans cinq ans peut-être, d'aider les femmes et...

  (1955)  

    Je suis désolée de vous interrompre, mais je veux m'assurer que Mme Duncan aura les cinq dernières minutes.
    D'accord. Je vous le dirai plus tard.
    Non, elles auront les cinq dernières minutes. Je vais juste essayer de présenter...
    Je suis si impressionnée par votre éloquence et votre sagesse, mais surtout, par votre patience et votre persévérance. Je tiens à vous remercier. Vous êtes trois femmes incroyables, et toutes les femmes qui sont derrière vous le sont aussi. Vous avez persévéré dans vos efforts pour être des partenaires dans tout cela.
    J'ai entendu une grande part de ce que vous avez dit entre les lignes, et je pense que la leçon véritablement importante qu'il faut que le comité ou le groupe de travail — peu importe comment on l'appelle — retienne, c'est la façon dont vous deviendrez des partenaires.
    Je vous lance une suggestion, au comité et à vous: pensez à un processus auquel j'ai eu la chance de participer en Alberta, avant d'être élue. Ce n'est pas vraiment lié au dossier que nous examinons actuellement, mais je suis intervenue dans la Clean Air Strategic Alliance. Cela fonctionne par consensus. C'est coprésidé par un haut dirigeant de l'industrie, un représentant du public et un cadre supérieur du gouvernement. Les gouvernements fédéral et provincial, les Premières Nations, les Métis et le grand public sont représentés à la table. Chaque rapport et chaque décision doivent faire consensus.
    J'ai pensé que je pourrais mentionner cette idée; ce serait bien d'essayer un modèle différent.
    Les protocoles à suivre pour entendre les témoignages, surtout ceux des familles, représentent un élément important. Vous voudrez peut-être en parler. Il me semble que les familles des victimes seraient plus à l'aise de relater leurs histoires si vous y êtes pour représenter les peuples autochtones.
    Même si la première discussion doit, je pense, porter sur la façon dont on discutera — et vous avez, à ce sujet, émis plusieurs excellentes idées —, il y a un sujet que je veux vous soumettre, compte tenu de ce dont nous sommes censés parler.
    Je remplace Niki Ashton, alors j'ai parcouru les procès-verbaux antérieurs. Dans toutes les discussions, personne n'a jamais parlé de ceux qui commettent les actes de violence. J'ai fondé un centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle à Edmonton, et j'ai beaucoup parlé et écrit au sujet du mythe selon lequel c'est le Bonhomme Sept Heures, dans les bois. C'est souvent le partenaire de la femme, son ami, une connaissance, n'importe qui. Cela me trouble beaucoup, parce que d'après vos récits, bon nombre des auteurs de la violence ne sont pas des Autochtones.
    Aussi, ce qu'on a demandé à la commission sur les pensionnats indiens, c'était d'aller éduquer tout le monde sur ce qui s'était produit et sur le rôle que nous devons jouer pour résoudre cela.
    J'aimerais vraiment que vous me disiez si vous pensez que ce serait un aspect important du travail à envisager. Nous ne pouvons pas résoudre cela en lançant mille et une initiatives pour les femmes et les filles qui sont victimes de violence, sans aussi travailler à l'autre aspect: l'attitude répréhensible que subissent depuis fort longtemps les femmes et les filles autochtones.
    Il faut se souvenir que bien des années passées, nos propres hommes niaient que cela se produisait bel et bien dans nos communautés. Aujourd'hui, nous constatons que les hommes autochtones sont de plus en plus nombreux à nous appuyer dans notre lutte.
    Les solutions sont nombreuses, mais vu les contraintes de temps, je dirai simplement que nous avons besoin de modèles à suivre, hommes et femmes, et que nous devons veiller à ce qu'ils parlent à leurs frères et leur disent que c'est la tolérance zéro, quand il est question de violence dans nos communautés.
    Pour ce qui est de la façon dont nous traitons les auteurs des actes de violence, il nous faut respecter le désir de certaines Premières Nations d'exercer le contrôle sur leur système de justice. Nous devons respecter cela. D'après moi, avec de bonnes relations et un solide partenariat, il faudrait l'admettre si les Atikamekw souhaitaient exercer le contrôle sur la justice, dans le respect, bien sûr, des droits de la personne. S'il y en a qui souhaitent autre chose...
    Comprenez-vous ce que je cherche à dire? Que ce n'est pas mur à mur?
    En ce qui concerne le protocole relatif aux familles, je vous rappelle qu'il faut leur réserver une journée, ou une demi-journée.
    J'ai été invitée à rencontrer le club Zonta, à Sault Ste. Marie, il n'y a pas très longtemps, et il y avait là 250 femmes, dont 30 Autochtones. Je leur ai posé simplement la question: combien d'entre elles avaient perdu une mère, une soeur, une cousine ou une fille, et 29 femmes autochtones se sont levées. J'ai posé la même question aux autres femmes qui étaient là. Sur 220, une seule s'est levée.
    C'était dans le sud de l'Ontario seulement. Pouvez-vous imaginer ce que c'est à l'échelle du Canada?
    Nous avons une grosse tâche à accomplir, et nous voulons nous assurer que ce n'est pas une initiative ponctuelle, mais que nous allons vraiment travailler ensemble. Croyez-moi, les choses changeront si nous pouvons tous bien comprendre ce que représente ce partenariat.

[Français]

    Merci beaucoup.

  (2000)  

[Traduction]

    Merci infiniment. Merci beaucoup.
    Sur ce, la séance est levée.
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