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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 060 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 25 février 2013

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Nous en sommes à la 60e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Avant de passer à l'ordre du jour, je tiens à vous dire que le projet de loi C-55 est présenté à la Chambre aujourd'hui. Comme il nous sera renvoyé sous peu, j'ai pensé que nous pourrions réunir le sous-comité du programme durant les 30 dernières minutes de la séance de mercredi. Nous allons réserver cela afin de pouvoir apporter quelques ajustements à ce que nous avions planifié en raison de cette mesure gouvernementale qui nous sera renvoyée.
    Nous avons aujourd'hui à l'ordre du jour, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 6 juin, le projet de loi C-273, Loi modifiant le Code criminel (cyberintimidation). L'auteure de ce projet de loi d'initiative parlementaire est l'honorable Hedy Fry. La députée est ici pour nous parler de son projet de loi. Nous passerons la première heure avec elle.
    La parole est à vous, madame Fry.
    Merci beaucoup, monsieur le président, chers collègues, de me donner l'occasion de vous présenter le projet de loi C-273, mon projet de loi d'initiative parlementaire qui vise à clarifier dans le Code criminel l'infraction de cyberintimidation.
    Je tiens d'abord à remercier tous les députés de tous les partis politiques qui ont appuyé mon projet de loi, ainsi que les membres de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants et l'Association canadienne des commissions de police, de même que l'organisme Jer's Vision et d'autres groupes.
    Je tiens d'emblée à dissiper toute ambiguïté. Ce projet de loi n'ajoute aucun nouvel article au Code criminel. Il vise à préciser les articles du Code criminel pour inclure la communication au moyen d'un ordinateur dans les catégories du harcèlement criminel, des faux messages et du libelle diffamatoire. Actuellement, ces trois articles du Code criminel visent tous les types de communication: journaux, lettres, télégrammes, câblodiffusion et télévision, téléphones, radio. Tous ces moyens de communication sont visés par ces trois catégories du Code criminel. Le seul qui ne l'est pas — et c'est parce qu'il s'agit d'un nouveau segment et que le Code criminel ne s'est jamais mis à jour à ce chapitre —, c'est l'utilisation d'un ordinateur comme moyen de communication.
    Toutes ces choses sont déjà là. Je demande simplement que nous ajoutions l'utilisation d'un ordinateur, car en théorie, la seule chose qui est véritablement à l'abri, parmi tous les moyens de communication, c'est un ordinateur. Tous les autres moyens de communication sont déjà là.
    Je voulais simplement que vous sachiez qu'il y a eu quelques idées fausses qui ont circulé durant les discussions au sujet du projet de loi, et je veux tout de suite rectifier les faits. D'abord et avant tout, on m'a dit que la raison pour laquelle ce projet de loi ne devrait pas être mis à l'étude, c'est que le Sénat se penchait sur la question de la cyberintimidation et que, par conséquent, nous devrions attendre. Nous avons vu le rapport du Sénat, maintenant, et il ne clarifie rien du tout. Il ne parle que d'un groupe de travail, mais il mentionne tout de même certains éléments que j'essaie de proposer dans mon projet de loi. Je vais vous en parler dans une minute.
    La deuxième idée fausse, c'est que ce projet de loi tente de criminaliser les enfants.
    La troisième idée fausse — qui n'est pas une idée fausse, mais un commentaire —, c'est qu'il devrait y avoir d'autres catégories dans le Code criminel que celles qui sont déjà mentionnées, soit le harcèlement criminel, les faux messages et le libelle diffamatoire. En fait, c'est le gouvernement, lorsqu'il a fait son discours lors de la première lecture, qui a indiqué que nous devrions ajouter d'autres éléments qui n'incluent pas les ordinateurs actuellement.
    Enfin, je veux appuyer toute personne qui a déjà dit que ce qu'il nous faut, en réalité, c'est une stratégie contre l'intimidation qui est globale, qui mobilise les administrations fédérale, provinciale et municipale, le secteur privé, les ONG, etc., et qui porte sur des questions comme la prévention, la clarification des dispositions du Code criminel et l'aide aux victimes d'intimidation, entre autres.
    Je considère la cyberintimidation comme un problème de santé publique, car elle fait du tort aux gens. Elle cause une augmentation importante de la morbidité. Les gens victimes de cyberintimidation qui souffrent de dépression sont très enclins à se suicider. Cette stratégie devra donc être élargie tôt ou tard, mais cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas présenter le projet de loi pendant que nous attendons qu'une stratégie consciencieuse soit mise en place, ce qui prendra peut-être des années.
    Je voudrais vous parler du rapport du Sénat. Dans son rapport, le Sénat a mentionné qu'il est nécessaire d'étudier la question de façon plus approfondie — ce qui veut dire, comme nous le savons très bien, que cela prendra encore deux ou trois ans — et qu'il nous faut définir ce que nous entendons par cyberintimidation. Je croyais que le Sénat définirait la cyberintimidation, mais il ne l'a pas fait.
    Ensuite, dans son rapport, le Sénat a attiré l'attention sur les déclarations des témoins selon lesquelles les dispositions du Code criminel relatives au harcèlement, soit ce dont je parle, n'incluent effectivement pas les moyens électroniques de communication, et c'est ce que je voudrais qu'elles fassent.
    Le rapport du Sénat a recommandé que les initiatives de justice réparatrice soient une composante clé de toute stratégie coordonnée. Je partage ce point de vue en ce qui concerne l'élaboration d'une stratégie coordonnée dans l'avenir. Mais nous devons nous demander, pendant que nous attendons de faire ce qu'il faut, combien de gens seront harcelés. Combien de gens verront leur maladie mentale s'aggraver, et combien pourraient mourir? Je n'exagère pas du tout. Nous savons que des personnes se sont enlevé la vie après avoir été victimes de cyberintimidation. Je pense que nous devrions vraiment en tenir compte afin de nous pencher promptement sur cette question.

  (1535)  

    J'ai entendu un certain nombre de personnes dire que ce projet de loi va criminaliser les enfants, et que les enfants doivent être traités comme des enfants. Nous connaissons tous l'adage voulant que les bâtons et les pierres peuvent nous briser les os, mais que les mots ne peuvent jamais nous faire du mal; or, nous savons tous que les mots font bel et bien mal. Nous savons ce qu'est l'intimidation dans les écoles: on pousse et on bouscule, on lance des injures, etc.
    La différence entre ce genre d'intimidation et la cyberintimidation — et c'est ce que m'ont dit de nombreuses personnes ayant été victimes de cyberintimidation —, c'est que lorsqu'on subit de l'intimidation quelque part, on peut toujours s'en aller. On peut rentrer à la maison. On peut y échapper. On peut être soutenu par ses amis, sa famille et d'autres personnes. Mais c'est différent pour la cyberintimidation; elle est dans votre maison, dans votre ordinateur; elle est partout où vous allez. Vous ne pouvez y échapper.
    Nous disons aussi à propos de l'intimidation que la meilleure façon de se venger, c'est de grandir et de bien réussir; cela prouve aux gens qui vous intimidaient que leur comportement était ridicule. Mais c'est différent pour la cyberintimidation. Elle ne cesse jamais. Ce qu'on a dit de vous quand vous aviez 10, 16, 20 ou 30 ans reste dans le cyberespace pour toujours. Quand vous aurez 90 ans, les gens pourront encore le trouver dans Google. Et même après votre décès, ce sera encore là.
    Si c'est un faux message et si c'est du harcèlement criminel, alors votre réputation s'en trouve entachée, à tel point que cela peut nuire à votre capacité de poursuivre votre carrière et de réussir dans ce que vous faites, déshonorer votre famille et créer le genre de préjudice que vous ne pouvez plus fuir, comme vous le faisiez quand quelqu'un disait des choses méchantes à votre sujet.
    La raison pour laquelle nous avons des articles dans le Code criminel qui traitent de harcèlement criminel, de faux messages et de libelle diffamatoire, c'est que nous savons que ces choses sont préjudiciables. Ce que je veux dire, c'est que ce ne sont pas uniquement les enfants qui sont victimes de cyberintimidation, mais aussi les adultes.
    Quand l'intimidation franchit la limite entre des choses méchantes dites à votre sujet et des actes criminels, comme le harcèlement criminel, les faux messages et le libelle diffamatoire, alors cela devient un problème de nature criminelle, et la justice le traite comme tel. Si on se sert d'un téléphone, d'une télévision ou d'un télégramme, si on écrit une lettre à un journal ou on envoie une copie du journal à quelqu'un par la poste, les tribunaux et la police peuvent retracer la personne qui l'a envoyé et où elle l'a fait. Ils peuvent obliger les compagnies de téléphone, les stations et les journaux à dévoiler le nom de l'expéditeur.
    Ce n'est pas possible avec un ordinateur. L’ordinateur, de nos jours, même si c’est une bonne chose et que nous nous réjouissons tous de l'existence de ce média numérique et de la façon dont il a changé le monde… le fait est qu’il est anonyme. C’est l’anonymat qui a permis aux gens de franchir la limite entre les gros mots et l’activité criminelle. C’est là où nous voulons intervenir: lorsqu’on franchit cette limite. À l’heure actuelle, on ne peut savoir qui le fait et qui envoie le message, mais on le pourrait si un autre moyen de communication était utilisé.
    Je voudrais parler d’une situation où cela s'est produit entre adultes. Il suffit de regarder ce qui s’est passé ici, à Ottawa. Une femme, Mme Katz — et il s’agit ici d’information ouverte, et non privée — a été victime de cyberintimidation parce qu’elle a publié sur Twitter une mauvaise critique d’un restaurant. La propriétaire du restaurant s’est mise à se faire passer pour Mme Katz; elle a donc commis une fraude liée à l'identité. Elle a envoyé des courriels au patron de cette femme et lui a créé un profil de rencontre en ligne. Évidemment, elle l’a poursuivie en justice parce qu’elle le pouvait, puisqu'elle connaissait l’identité de l’auteure. C’était évident, il n’y avait pas d'anonymat. Il s’agissait de la propriétaire du restaurant, qui a été reconnue coupable sous deux chefs d’accusation de libelle diffamatoire et a été condamnée à une peine de deux ans de prison.
    La juge Lahaie a alors déclaré que les « attaques anonymes contre Elayna Katz » de Mme Simoes, celle qui avait fait de l’intimidation, « étaient vindicatives, malveillantes et très personnelles » et qu’elles « s’apparentaient à la cyberintimidation ». La juge a dit: « Une cyberintimidation de cette nature peut avoir des conséquences plus tragiques pour les gens que ce que nous avons vu ici. » La juge Lahaie a ensuite ajouté: « Contrairement aux graffitis », la cyberintimidation « ne peut jamais être totalement effacée ». Beaucoup de gens de tous âges me l’ont dit. Les jeunes ont indiqué qu’ils ne peuvent pas y échapper, et que cela les suit toute leur vie.
    Nous savons qu’une personne peut faire de la cyberintimidation au travail. Vous et une autre personne avez une occasion d’être promus et vous vous faites concurrence; soudainement, votre patron reçoit des messages anonymes, et quelqu’un dit des choses à votre sujet qui ne sont pas nécessairement vraies.

  (1540)  

    Cela n’arrive pas qu’en milieu de travail; cela arrive également à la Chambre des communes. Nous avons vu cela ici, à la Chambre des communes, quand quelqu’un décide qu’il peut diffamer ou répandre de faux messages causant un préjudice.
    C’est ce que nous avons vu dans le cas d’Amanda Todd, en Colombie-Britannique. Il ne s'agissait pas simplement d’intimidation, mais de harcèlement criminel. Cela a eu un impact profond sur sa vie, et elle s’est suicidée.
     Rebecca Marino, de la Colombie-Britannique, était une joueuse de tennis très prometteuse. Elle a souffert de dépression et a été victime de cyberintimidation. Des gens ont dit qu’elle devrait être tuée. Ils disaient des choses négatives à son sujet. Cela a aggravé sa dépression, et elle a maintenant abandonné. Elle n’a plus utilisé ni les médias sociaux ni son ordinateur. Elle a cessé de jouer au tennis. Et elle était brevetée; elle était une tête de série à l’échelle mondiale.
     En deuxième lecture de ce projet de loi, j’ai entendu le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice dire qu’il nous faut clarifier plus que ces trois articles. Il a parlé, par exemple, de l’article 264.1, qui porte sur le fait de proférer des menaces; l’article 266, sur les voies de fait; l’article 271, sur le fait d'utiliser un ordinateur pour commettre une agression sexuelle; l’article 346, sur l'extorsion; l’article 403, la fraude à l’identité et le fait de se faire passer pour une autre personne intentionnellement, comme nous l’avons vu pour cette femme; et l’article 423, sur l'intimidation.
     Cette question doit dépasser les frontières de la partisanerie, et j’espère que nous pourrons tous travailler ensemble en ce sens.
     Monsieur le président, si vous me laissez encore une minute, j’aimerais parler des préoccupations au sujet d’une stratégie globale. Je suis d’accord; il nous faut la considérer comme une initiative secondaire que nous devrions envisager pour être en mesure de traiter de façon globale, avec les autres administrations, les ONG et les entreprises du secteur privé, entre autres, de la question de la cyberintimidation. Ce projet de loi n’a jamais eu pour objectif de traiter de ces choses; nous voulions simplement nous pencher immédiatement sur le problème qui cause beaucoup de torts aux gens, qui leur coûte leur emploi et leur vie.
     Je veux simplement dire que l’anonymat de l’Internet est un problème ici, car il permet de protéger l’identité de la personne qui commet ces actes criminels. Cela mène à une malveillance que l’on ne voit pas normalement dans les cas d’intimidation en personne. N’oublions pas que n’importe qui peut faire de l’intimidation, surtout lorsqu’on peut profiter de l’anonymat.
     Enfin, ce projet de loi constitue un pas logique et important vers la mise en place de sanctions appropriées à l'égard des personnes qui pratiquent ce genre d'activité criminelle et de cruauté en ligne et qui causent du tort aux gens, afin qu'elles reconnaissent la gravité de leurs gestes lorsqu'elles franchissent la limite.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Merci, madame Fry. C'était une excellente présentation de votre projet de loi d’initiative parlementaire. J’ai vu d’autres députés présenter leur projet de loi; je peux dire que vous connaissez très bien le vôtre, et j'en suis heureux.
     Nous allons maintenant passer aux questions. Les députés auront cinq minutes chacun.
     C’est Mme Boivin, du NPD, qui va commencer.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Je remercie notre collègue Mme Fry de présenter le projet de loi C-273, qui modifierait le Code criminel. On y traite de cyberintimidation.
    J'aimerais souligner publiquement que j'apprécie le travail que vous faites. Pour notre collègue Dany Morin, de Chicoutimi—Le Fjord, toute la question de l'intimidation, qui comporte de nombreuses facettes, est aussi extrêmement importante. Comme vous l'avez dit dans votre exposé, ce n'est pas nécessairement la question la plus facile à régler. Je ne pense pas que le projet de loi C-273 fasse cesser la cyberintimidation. Par contre, c'est certainement un pas dans la bonne direction.
    Dans la lettre que vous avez distribuée le 30 janvier 2013 pour appuyer votre projet de loi, vous précisiez que ce dernier allait être étudié par le comité. Vous y faisiez allusion aux propos de notre collègue M. Goguen, le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice. Selon lui, c'était peut-être

  (1545)  

[Traduction]

    d'une portée un peu restreinte.

[Français]

    Vous vous disiez tout à fait prête à amender votre projet de loi. Or concernant les dispositions dont vous avez parlé plus tôt, j'aimerais savoir si vous avez effectivement l'intention de l'amender. Les choses vont se dérouler rapidement, ici. Il y a la séance d'aujourd'hui et celle de mercredi, au cours de laquelle nous allons rencontrer les gens du ministère, puis nous allons commencer l'étude article par article. J'aimerais donc profiter de votre présence comme témoin pour vous demander si vous avez l'intention d'inclure à votre projet de loi l'article 423 du Code criminel, sur l'intimidation, ainsi que les articles 403, 264, 266, 271 et 346.
     Quelle est votre intention à ce sujet?

[Traduction]

    Je suis très ouverte aux amendements.
    Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il y a un moment où la cyberintimidation franchit la limite entre les gros mots et ce que l'on définit dans le Code criminel comme une activité criminelle et qui s'applique à tous les autres moyens de communication, sauf l'ordinateur. Je pense que cela uniformise les règles du jeu et indique que tous les moyens de communication sont égaux.
    Je préférerais que quelqu'un du comité... et je crois que mon collègue du Parti libéral, Irwin Cotler, va présenter des amendements qui porteront sur les éléments proposés par le secrétaire parlementaire. Je suis très ouverte à cette idée. Je préférerais que ce soit le comité plutôt que moi qui présente les amendements. Mais si personne ne le fait, je le ferai.
    Avez-vous vérifié si cela respecte la portée de votre projet de loi, afin que nous ne reportions pas la question? Soit nous adoptons le projet de loi sans les amendements, soit... Je ne voudrais pas que cela commence à

[Français]

à chirer, comme on dirait en français, du fait qu'on a présenté des amendements qui créent ensuite des problèmes.
    Est-ce que vous avez fait des vérifications pour savoir si cela respectait bien la portée du projet de loi?

[Traduction]

    Oui, je dirais que cela s'inscrit dans la portée du projet de loi, comme le secrétaire parlementaire l'a mentionné. Après avoir entendu son discours, nous nous sommes rendus à la Bibliothèque du Parlement pour demander des précisions. Le projet de loi visait à élargir et à clarifier des mesures prévues dans le Code criminel de sorte à inclure les ordinateurs et à faire en sorte que ces mesures soient toutes visées par le projet de loi. En théorie, lorsque la cyberintimidation va trop loin et devient un acte criminel, nous élargissons la portée de la loi pour inclure ce moyen de communication qui a été oublié.
    Puis-je vous demander pourquoi vous n'avez pas songé à ajouter ces éléments lorsque vous avez créé le projet de loi? Ils me paraissent très évidents.
    Le projet de loi a été présenté il y a environ cinq ans et a été mis de côté lors des différentes élections qui ont eu lieu.
    À l'époque, j'ai travaillé avec divers groupes tels que la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, des universitaires et d'autres intervenants. Nous nous sommes penchés sur ce point. Il nous semblait que si nous élargissions trop la portée du projet de loi, nous courrions le risque qu'il ne soit pas adopté.
    Là encore, depuis que mon projet de loi a été rendu public, on a fait valoir l'argument selon lequel ces amendements l'amélioreraient. Je suis heureux de voir qu'on l'améliore.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Wilks, du Parti conservateur, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Fry, du témoignage que vous avez fait aujourd'hui.
    Je veux aborder quelques éléments des articles 264 et 298, mais plus particulièrement de l'article 299 du code. J'aimerais entendre vos observations là-dessus.
    À l'alinéa 264(2)b), on peut lire ceci: « communiquer de façon répétée, même indirectement, avec cette personne ou une de ses connaissances. » Le Code criminel ne définit pas la notion de communication, si bien qu'il s'agit d'une définition qui laisse place à l'interprétation. Le libellé pourrait déjà inclure l'ordinateur, Internet, Twitter, Facebook, ou peu importe, car la notion de communication n'est pas définie.
    Par ailleurs, à l'article 299 — et vous avez mentionné l'article 298 portant sur le libelle diffamatoire, mais l'article 299 traite de la publication —, on peut lire ceci:
Une personne publie un libelle lorsque, selon le cas:
On pourrait peut-être modifier cet article pour inclure « he or she » dans la version anglaise.
a) elle l'exhibe en public;
b) elle le fait lire ou voir;
c) elle le montre ou le délivre, ou le fait montrer ou délivrer, dans l'intention qu'il soit lu ou vu par la personne qu'il diffame ou par toute autre personne.
    Étant donné qu'il n'y a aucune définition de la notion de communication, j'en déduirais que l'article inclut Internet, Facebook ou Twitter.
    J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.

  (1550)  

    Oui. En vertu du Code criminel à l'heure actuelle, les policiers et les personnes qui font enquête sur des cas de diffamation, de harcèlement criminel, etc., peuvent demander à une compagnie de téléphone — puisqu'un article traite d'autres moyens de communication — de divulguer le nom de la personne qui a fait l'appel, même si son numéro de téléphone n'est pas inscrit dans l'annuaire. La compagnie est tenue de divulguer cette information.
    Les journaux peuvent dévoiler le nom de celui qui a rédigé et envoyé la lettre. Il y a des façons de retracer ces personnes.
    On n'a pas eu beaucoup de succès pour obtenir cette information. Dans le cas d'Amanda Todd, par exemple, même si les policiers tentaient de retracer l'auteur du harcèlement criminel, ils ne détenaient pas tous les pouvoirs pour le faire. C'est la raison pour laquelle les commissions de police appuient mon projet de loi. Elles estiment qu'elles n'ont pas les outils adéquats. La loi est floue quant au sens de la notion de communication, mais elle est aussi très précise dans certains domaines des communications. Elle ne l'est toutefois pas concernant les ordinateurs. Par conséquent, on doit demander aux fournisseurs de services Internet de divulguer l'information, ce qui est très difficile à faire.
    De surcroît, à l'article 2 de la Charte, et plus précisément à l'alinéa 2b) — pour ceux qui ont un code, c'est à la page 1806 —, on fait référence à l'affaire de la Reine c. Keegstra, en 1990. Le jugement qui a été rendu à l'époque était le suivant:
    
[...] la protection dont pourra bénéficier l'expression variera selon sa nature. Plus l'expression s'éloigne des valeurs centrales de ce droit [il en va de même pour l'infraction de diffamation], plus la capacité de justifier l'action restrictive de l'État sera grande.
    Il y a également eu par la suite l'affaire La Reine c. Lucas.
    Êtes-vous préoccupée par le fait, ou avez-vous déjà songé à la possibilité, que le point de vue constitutionnel canadien à l'égard de l'alinéa 2b) pourrait peut-être aller trop loin?
    Non. Nous avons vu très clairement comment les tribunaux ont interprété la différence entre la liberté d'expression qui va trop loin et devient des propos haineux qui causent des torts. À l'heure actuelle, si vous publiez un article dans le journal qui est diffamatoire à mon égard, je peux obtenir justice devant les tribunaux car il y a des limites à la liberté d'expression dans une société libre et démocratique.
    En fait, je reviens tout juste de Vienne, où l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a défendu le droit à la liberté d'expression. Elle a toutefois ajouté que lorsque la liberté d'expression franchit la limite où elle devient des propos haineux ou diffamatoires, etc., il y a des façons dont les tribunaux peuvent définir cette limite pour éviter que des torts soient causés. Il était évident que tout le monde s'inquiétait du fait que tous les moyens de communication sont clairement définis dans de nombreux pays et démocraties d'Europe de l'Ouest, mais pas dans le monde numérique. Les gens parlaient de trouver une façon d'examiner comment nous définissons ce genre de liberté extraordinaire dans le monde numérique, compte tenu de son caractère très anonyme.
    C'était une discussion très intéressante. Il a fallu une demi-journée entière pour faire le tour du sujet. Nous avions avec nous des spécialistes des médias et des juristes qui ont parlé de la liberté d'expression dans une société démocratique, lorsqu'elle franchit une certaine limite.
    Je ne voudrais pas que la liberté de parole et d'expression soit restreinte d'aucune façon dans notre société, mais je pense que lorsque des personnes s'enlèvent la vie à cause de la cyberintimidation ou d'actes criminels de cette nature, ce que l'on ne peut pas faire actuellement à l'aide des moyens de communication habituels...
    Il y a un moyen de communication qui est tout à fait nouveau et que personne n'a vraiment défini ni étudié à fond... Le monde numérique fonctionne essentiellement dans un environnement libre et ouvert.
    Merci, madame Fry.
    Merci, monsieur Wilks, et bienvenue au sein du comité en tant que membre permanent. Merci de votre contribution.
    Nous entendrons maintenant M. Casey, du Parti libéral.

  (1555)  

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, docteure Fry.
    Ma première question porte sur ce qui vous a motivée à présenter le projet de loi. Je ne suis pas ici depuis très longtemps, mais le projet de loi d'initiative parlementaire qui a été présenté est motivé par le désir de faire une déclaration publique quelconque, de sensibiliser la population ou de supprimer une échappatoire. Si c'est votre motivation, vous attendez-vous à ce que le projet de loi entraîne une augmentation du nombre de poursuites ou de condamnations?
    La troisième catégorie serait une réponse à un incident précis. Je présume que dans ce cas-ci, ce pourrait être l'affaire d'Amanda Todd.
    Pourriez-vous parler un peu plus longuement de votre motivation et nous dire si elle s'inscrit dans l'une de ces catégories, où avez-vous un autre grand objectif en tête?
    En fait, j'espère que le projet de loi n'entraînera pas plus de poursuites. J'espère plutôt qu'il pourra constituer un moyen de dissuasion d'une certaine manière. Si les gens croient qu'il y a une ligne au-delà de laquelle l'intimidation devient un acte criminel, ils prendront peut-être le temps de réfléchir.
    J'ai pris conscience du phénomène de la cyberintimidation lorsque j'étais médecin et que je voyais des gens qui étaient déprimés ou qui avaient subi du harcèlement au moyen de l'ordinateur. Cette forme d'intimidation est de plus en plus fréquente maintenant que nous avons les médias sociaux. J'ai dû aider ces personnes car elles avaient des idées suicidaires et voulaient s'enlever la vie parce qu'elles n'en pouvaient plus. Ce type de harcèlement les suivait partout et elles ne pouvaient jamais y échapper. Je pense que c'est l'une des raisons qui m'a incitée à présenter le projet de loi.
    Bien entendu, des représentants de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants sont ensuite venus me voir pour me parler de la hausse démesurée de la cyberintimidation et de l'incapacité des écoles de régler le problème parce qu'elles ne parviennent pas à trouver les coupables. Il y a eu ensuite l'Association canadienne des commissions de police et les nombreux universitaires que j'ai interrogés sur cette question — notamment des psychologues et des criminalistes qui utilisent le Code criminel —, qui estimaient qu'il y avait une zone grise entourant la question des médias numériques et qu'il manquait de clarté à certains égards. Au moyen de mon projet de loi, je cherche à apporter des éclaircissements.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que vous jugez le projet de loi nécessaire, mais qu'il ne devrait pas être considéré comme étant une stratégie, quoiqu'une stratégie s'impose. À votre avis, quels seraient les éléments clés d'une stratégie en matière d'intimidation, de cyberintimidation ou de lutte contre l'intimidation?
    La prévention serait le premier élément clé. On sensibiliserait donc la population. Ce serait toutes les initiatives que les gens commencent à prendre. La stratégie doit être coordonnée entre les divers ordres de gouvernement et les diverses compétences pour déterminer les pièces qu'il faut pour assembler le casse-tête. La stratégie doit être pancanadienne, pangouvernementale, et il faut y faire participer des ONG, des universitaires, des écoles, etc., pour qu'elle ne relève pas d'une seule compétence. J'aimerais d'abord et avant tout qu'on sensibilise la population au problème, au danger associé à l'intimidation et à l'espèce de zone grise entourant la cyberintimidation.
    Deuxièmement, j'aimerais que des programmes de prévention aillent de l'avant et soient mis en oeuvre dans la société et les écoles, selon la compétence dont ils relèvent.
    Troisièmement, j'aimerais que nous examinions comment nous pourrions traiter avec les victimes de la cyberintimidation ou de toute autre forme d'intimidation. Je vais me mettre à penser que les victimes portent les deux chapeaux. De nombreuses études, des psychologues et des universitaires ont découvert que ceux qui intimident sont en fait eux-mêmes victimes d'intimidation. Autrement dit, ils deviennent des tyrans à cause d'un sentiment d'impuissance, parce qu'à un moment donné dans leur vie, ils ont été victimes d'intimidation et on les a amenés à se sentir minables, inférieurs et impuissants. L'intimidation est une question de pouvoir. Les tyrans ont donc essayé d'exercer un pouvoir sur d'autres qu'ils considéraient comme étant plus faibles qu'eux. Nous devons nous occuper de cet aspect.
    Il y a bien entendu le problème des victimes qui sont susceptibles d'entretenir des idées suicidaires ou de se faire du tort. Il y aurait donc des secteurs civils que nous examinerions, mais aussi des secteurs criminels. J'aimerais voir une façon d'appliquer la stratégie et une façon de poursuivre ceux qui sont allés trop loin et ont commis un acte criminel, ainsi qu'une manière quelconque de réadapter la société pour qu'elle comprenne comment nous utilisons les outils de communication d'une manière totalement différente.
    Désolé, monsieur Casey, mais votre temps est écoulé. Merci beaucoup.
    Notre prochain intervenant est M. Goguen, du Parti conservateur.

  (1600)  

    Vous avez abordé la question de la liberté d'expression, et c'est ce dont j'aimerais discuter.
    Je constate que votre projet de loi s'attaquera à la cyberintimidation en modifiant trois infractions, que vous connaissez évidemment bien: le harcèlement criminel, à l'article 264, le libelle diffamatoire, à l'article 298, les faux messages, à l'article 372, ainsi que les propos indécents au téléphone, aussi couverts à l'article 372. Les dispositions relatives au harcèlement criminel et au libelle diffamatoire seraient modifiées en clarifiant les articles qui s'appliquent à un acte perpétré à l'aide d'un ordinateur. Vous avez entendu les questions de M. Wilks. C'est probablement déjà prévu dans le Code criminel mais, quoi qu'il en soit, Internet serait inclus. Bien entendu, il y a un changement plus important à l'article 372, de sorte que la portée des infractions énumérées inclurait, par définition, l'utilisation des systèmes informatiques ou les communications électroniques.
    Il y a quelques éminents professeurs qui s'inscrivent en faux contre la criminalisation de la cyberintimidation. Il s'agit des professeurs Lyrissa Lidsky et Andrea Pinzon Garcia, du Levin College of Law de l'Université de la Floride. Elles soutiennent que la criminalisation de la cyberintimidation constitue une menace à la liberté d'expression. Je me demande si vous pourriez préciser vos idées à ce sujet. D'un point de vue canadien, pensez-vous que les lois criminelles de lutte contre la cyberintimidation vont trop loin et contreviennent à la Charte?
    Non. J'ai répondu tout à l'heure à la question de M. Wilks à propos de la Charte. Je pense que dans toute société démocratique, il faut trouver un équilibre entre jouir de la liberté de parole et de la liberté d'expression et causer des torts graves et importants. C'est là où le Code criminel a défini certains éléments sur lesquels la liberté d'expression empiète, tels que les propos haineux. Nous savons clairement que le code définit les notions de propos haineux et d'activités criminelles où l'on fait appel aux propos ou aux communications. Alors personne, et surtout pas quelqu'un comme moi... Je suis d'allégeance libérale et je crois fermement à la Charte ainsi qu'à la liberté de parole et à la liberté d'expression.
    Comme je l'ai dit plus tôt, j'aime croire que si l'on demande à 10 médecins de poser un diagnostic, on en recevra probablement 14. J'aime croire que si l'on demande à 20 universitaires leur opinion sur un sujet, on en aura probablement 40. Nous savons tous que c'est une opinion d'une opinion d'une opinion. J'ai consulté de nombreux universitaires qui m'ont donné une autre opinion.
    Sur la liste des personnes qui comparaîtront devant le comité, j'ai remarqué quelques personnes qui vous expliqueront pourquoi. Les policiers disent également qu'ils ont besoin d'outils, et la loi est très floue car elle ne précise pas les outils qu'ils ont et ceux qu'ils n'ont pas. Personne ne dit que les policiers devraient être libres d'enquêter sur n'importe quoi, mais ils veulent des éclaircissements eux aussi car ils ont besoin d'avoir certains outils dans certains domaines. Le cas d'Amanda Todd était un exemple où ils ne disposaient pas des outils dont ils avaient besoin pour régler le problème du harcèlement criminel. Ce n'était pas de l'intimidation ni les gens qui disaient des choses à son sujet. C'était une personne qui la harcelait, et les policiers n'ont pas pu faire la lumière sur cette affaire.
    Je suis certain que vous conviendrez que nous gardons jalousement nos droits constitutionnels, et de toute évidence, nous ne nous aventurerions pas en terre inconnue au risque de brimer nos droits constitutionnels s'il y avait d'autres façons de le faire.
    J'en déduis que vous seriez d'accord avec cette affirmation.
    Oui, mais j'aimerais vous faire remarquer que la même charte s'appliquerait non seulement à un ordinateur, ou à un ordinateur comme moyen de communication, mais aussi à un journal. Elle s'appliquerait à un télégramme, une lettre personnelle, un appel téléphonique.
    Elle clarifie très bien ces choses sans enfreindre la charte, comme vous l'avez vu, s'agissant de chacun de ces moyens de communication. Le seul qui ne soit pas précisé est l'ordinateur.
    Pendant l'une de mes visites récentes dans ma circonscription, j'ai parlé à l'agent Butler de la GRC, qui est affecté aux écoles secondaires. Il passe ses journées à traiter les cas de cyberintimidation, et je lui ai parlé de votre projet de loi. Il l'a examiné et a dit, écoutez, une grande partie de ces points sont déjà couverts par le Code criminel, et honnêtement, c'est exagéré. Si quelqu'un prenait le temps de lire le texte en petits caractères dans les accords sur Internet... Si l'on déterminait qu'une personne se servait de l'Internet pour faire de l'intimidation, il serait très très simple de couper son service. Et vous pouvez imaginer comment cela pourrait anéantir un jeune dont l'univers gravite complètement autour de l'Internet.
    Ne serait-ce pas une façon beaucoup plus efficace de mettre fin à la cyberintimidation sans enfreindre le droit à la liberté étant donné que la plupart de ces éléments se trouvent dans le Code criminel?
    Il vous faudrait savoir à qui vous enlevez le privilège d'utiliser Internet. Le fait est que vous l'ignorez.
    À l'heure actuelle...
    Comment pourriez-vous les poursuivre sans savoir...
    Le président: Monsieur Goguen, laissez-la finir de répondre.
    Le fait est que vous ne savez pas, pour l'instant, et c'est cela qui pose problème: vous ne savez pas.
    Vous pouvez demander à la compagnie de téléphone de vous dire qui a fait ces appels, et ce, même si cette personne a un numéro confidentiel. Même si elle utilise un téléphone cellulaire, il vous est possible de le faire à l'heure actuelle. Cependant, vous ne pouvez pas faire en sorte que les fournisseurs de services Internet vous disent qui utilisent leurs services pour faire de l'intimidation. C'est impossible.
    Alors je pense que votre agent de la GRC a dû trouver une bonne façon de contourner certains de ces obstacles. Des policiers m'ont dit eux-mêmes qu'ils n'y étaient pas arrivés et qu'ils ont besoin de cet outil.

  (1605)  

    Merci, madame Fry.
    Merci, monsieur Goguen.
    La parole est maintenant à M. Morin du NPD.
    Bienvenue.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je n'ai pas beaucoup de voix, mais je vais tout de même faire du bon travail.
    Docteure Fry, j'aimerais d'abord vous remercier d'appuyer une stratégie coordonnée visant à prévenir l'intimidation. Peu importe quelle sera la stratégie finale, je pense que pour le pays, le fait de miser sur la prévention afin de protéger nos jeunes est gagnant. À plusieurs reprises dans votre discours vous avez dit vouloir prévenir le plus grand nombre possible de cas d'intimidation ou de cyberintimidation pouvant affecter négativement la vie des jeunes. Je constate aussi que vous avez opté pour une mesure concrète et rapide, en l'occurrence votre propre projet de loi.
    Concernant ce dernier, j'aimerais savoir si, à votre avis, le fait d'apporter des modifications au Code criminel va dissuader les intimidateurs ou les cyberintimidateurs d'intimider leurs victimes. Bien que ce projet de loi vise à renforcer la criminalisation de ces actes, croyez-vous que la prévention y aura sa place? Les experts que j'ai consultés ont été davantage alarmés que rassurés. C'est mon cas également. C'est pourquoi j'aimerais entendre votre point de vue.

[Traduction]

    Je vais revenir en arrière et dire encore une fois que je ne demande pas que nous ajoutions des éléments au Code criminel pour créer de nouvelles infractions. Il s'agit d'infractions qui existent déjà.
    J'aimerais vous lire le paragraphe 372(1) du Code, qui stipule:
Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans quiconque, avec l’intention de nuire à quelqu’un ou de l’alarmer, transmet ou fait en sorte ou obtient que soit transmis, par lettre, télégramme, téléphone, câble, radio ou autrement, des renseignements qu’il sait être faux.
    Nous ne parlons pas seulement de simple cyberintimidation. Il y a un point où la cyberintimidation devient des « messages faux » dans l'article dont j'ai lu un passage. Le fait est que si les moyens de communication ont été énoncés clairement...
    Il est dit « ou autrement », et certaines personnes en déduisent que cela exclut les ordinateurs tandis que d'autres pensent peut-être le contraire. Là où je veux en venir est que ce n'est pas clair, et mon projet de loi a pour objet de clarifier ces éléments criminels.
    Je ne suis pas en train de dire, par exemple, que Dany Morin a mal à la gorge et qu'il ne peut pas parler, avant de diffuser l'information dans les médias sociaux.
    Madame Fry, j'ai une autre question.
    Faites-vous une distinction entre... ou pensez-vous que votre projet de loi devrait s'appliquer tant aux jeunes contrevenants, aux mineurs, qu'aux adultes? Nous savons tous que les enfants et les adolescents peuvent être bêtes et ne pas prendre conscience de l'ampleur de leurs actes. Pensez-vous qu'il soit sage de déposer pareil projet de loi, qui pourrait avoir des retombées néfastes et créer le dangereux précédent de criminaliser les jeunes enfants?
    Non, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne parlais pas de l'intimidation chez les jeunes enfants seulement. Je vous ai donné des exemples de cyberintimidation chez les adultes qui ont causé des problèmes à des gens, notamment à la jeune joueuse de tennis que j'ai mentionnée.
    Le fait est que nous avons des lois qui visent les mineurs et les jeunes enfants qui ont commis des crimes. Personne n'essaie de changer cela. Il y a la question de savoir quand une personne est assez ou pas assez jeune pour qu'on regarde ce qu'elle fait. Mais si des jeunes comprennent la différence entre certaines des activités qu'elles ont sur Internet et certaines de leurs activités qui, en fait, dépassent les bornes.... C'est comme dire à un jeune enfant que c'est une chose de crier des injures à quelqu'un, mais une autre de le battre à coups de batte de baseball dans un stationnement; c'est un meurtre.
    Les jeunes ont besoin de savoir qu'il y a une limite à dépasser ou à ne pas dépasser, mais que, selon moi, la plupart d'entre eux ne voudraient pas dépasser.

  (1610)  

[Français]

    D'accord.
    J'aimerais vous poser une dernière question, docteure Fry.
    Mon collègue M. Goguen a parlé des

[Traduction]

    des universitaires qui font valoir que la prévention est la voie à suivre plutôt que la criminalisation.
    Vous avez dit avoir consulté des gens, mais la plupart des universitaires que j'ai consultés ont affirmé que la prévention est la meilleure solution.
    Qui avez-vous consulté?
    J'ai consulté des universitaires, mais pas tous les universitaires au Canada, évidemment.
    C'est vrai.

[Français]

    Cependant, la plupart des intellectuels que vous avez consultés vous ont-ils dit d'aller vers la criminalisation ou vers la prévention?

[Traduction]

    Non, parce que la plupart des gens reconnaissent que dans toute stratégie pour traiter un problème — et je crois qu'il s'agit d'un problème de santé publique, car il cause la morbidité et la mort — il n'y a pas de panacée. Vous devez vous pencher sur une série de sujets relatifs à la question. La prévention ne suffira pas à elle seule.
    Je suis médecin, et je peux vous dire qu'aucune maladie ni question de santé publique ne peut être guérie par la seule prévention. Il y en a beaucoup qui ne peuvent pas l'être. Alors vous devez prendre la prévention comme l'un des éléments fondamentaux de cette stratégie, mais ensuite vous devez vous concentrer sur des secteurs dans lesquels la prévention est impossible, et ensuite vous concentrer sur l'application.
    Je crois qu'il faut se pencher sur la question de la toxicomanie. Vous sensibilisez les gens à la toxicomanie, vous trouvez des façons de prévenir les cas, mais lorsque les personnes deviennent toxicomanes, il vous faut traiter la question comme une question de santé publique. Et ceux qui exploitent des toxicomanes, comme des criminels qui vendent de la drogue et des personnes qui ont des cartels internationaux de stupéfiants, doivent être visés par des mesures d'application.
    Il n'y a de panacée dans aucune stratégie. Vous devez utiliser une série de choses. Ce n'est que l'un des éléments.
    Merci, madame Fry.
    Merci, monsieur Morin.
    La parole est maintenant à M. Seeback du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Fry, j'essaie de comprendre deux ou trois choses que vous nous avez dites. Vous semblez laisser entendre que dans un certain nombre de cas dans le Code criminel, par exemple, lorsqu'il dit « ou autrement » et à l'article 264, où il est question de « communiquer de façon répétée, même indirectement »... Avez-vous des preuves que vous pouvez nous présenter de crime qui n'a pas fait l'objet d'une action en justice ou sur lequel la police n'a pas enquêté à cause de la mention « ou autrement », ou de communications, même indirectes?
    Pourquoi pensez-vous, essentiellement, que cette clarification est nécessaire? À votre connaissance, y a-t-il un cas où la police a dit que le Code criminel était ambigu, qu'elle n'enquêtait pas sur un cas d'intimidation parce que l'article ne contient pas le mot « ordinateur »?  
    Oui, c'est la raison pour laquelle je l'ai déposé.
    De quel cas s'agit-il?
    Je peux vous donner un exemple, celui d'Amanda Todd, dont l'affaire a été abandonnée parce qu'on est incapable d'obtenir de l'information concernant la personne qui la harcelait de manière criminelle; elle a été harcelée directement et indirectement.
    Alors comment ce projet de loi permettrait-il à la police d'obtenir l'information? Je ne vois rien qui laisse entendre que la police peut obliger un fournisseur de services Internet à divulguer des renseignements. Aucun des articles que vous avez modifiés ne le ferait.
    Quels pouvoirs supplémentaires le projet de loi donne-t-il à la police pour qu'elle enquête?
    Il lui donne les mêmes pouvoirs qu'elle a d'enquêter sur une quelconque de ces trois infractions que je présente lorsque l'on utilise un téléphone, le câble — la télévision au sens large  —, un journal, une lettre, un télégramme ou une radio. Lorsque l'un de ces moyens est utilisé, la police a le pouvoir d'enquêter. En ce moment, elle n'a pas le pouvoir de le faire lorsqu'un intimidateur se sert d'un ordinateur, des médias sociaux ou autres.
    C'est parfois facile. Le groupe de fournisseurs de services Internet peut décider de révéler l'identité de l'intimidateur, mais dans bien des cas, il est impossible d'obtenir l'information comme on pourrait le faire avec les autres moyens de communication.
    Pour ce qui est de votre suggestion de faire l'adjonction, comme vous l'avez dit, « d'un ordinateur, d’un ensemble d’ordinateurs connectés ou reliés les uns aux autres », cela leur donnera le pouvoir de procéder à cette enquête?
    Cela l'ajoute à la liste actuelle dans laquelle sont énoncés les moyens de communication sur lesquels ils peuvent enquêter. Le terme sera ajouté précisément pour clarifier la signification du mot « autre ». 
    Je crois qu'il y a une différence entre « clarifier » et « donner de nouveaux pouvoirs ». Vous semblez laisser entendre que cela donnera de nouveaux pouvoirs aux policiers.
    Je trouve difficile de croire qu'un agent de police qui enquête sur une personne accusée d'intimidation extrême se voit refuser les renseignements qu'il demande par un fournisseur de services Internet au motif que le Code criminel ne contient pas le mot « ordinateur ». C'est ce que vous laissez entendre.
    C'est peut-être difficile à croire, monsieur, mais dans les faits, cela se produit, voilà pourquoi les policiers ne peuvent s'en servir.
    Je ne dis pas que cela donnera des pouvoirs aux policiers, mais que cela rend les règles du jeu plus équitables au plan des communications ou des moyens de communication, c.-à-d. avec tous les moyens énoncés, mais sans les ordinateurs.
    Les ordinateurs et l'ère numérique ont émergé depuis la rédaction du Code criminel. Comme mon collègue l'a mentionné, le code utilise « il » dans chaque partie, et peut-être devrions-nous dire « il et elle », si nous voulons nous pencher sur cette partie. Je dis simplement que nous essayons de clarifier la signification du terme « autre ».

  (1615)  

    En fait, « ordinateur » est défini dans le Code criminel. L'article 342.1 parle d'un « ordinateur » et donne un certain nombre de définitions. Pourquoi n'avez-vous pas utilisé cette définition dans le Code criminel, qui a été établie par la jurisprudence et que l'on comprend? Pourquoi avoir écrit la vôtre? Elle crée des incohérences dans le Code criminel.
    Désolée, mais je n'ai pas écrit ma propre définition. Le projet de loi est passé...
    C'est votre projet de loi.
    Le projet de loi est passé par la Bibliothèque du Parlement, qui a convenu qu'il s'agissait d'un projet de loi valide.
    J'ai parlé à des universitaires. J'ai parlé à bien des gens qui croient qu'il s'agit d'un projet de loi valide, qu'il clarifie la signification du mot « autre », et que, en fait, il veille à ce que tous les moyens de communications du XXIe siècle puissent être accessibles, au besoin, pour identifier la personne qui se sert de ces moyens anonymes pour répandre des faux messages, faire du harcèlement criminel, etc.
    Saviez-vous qu'« ordinateur » était défini à l'article 342.1?
    Oui, je le savais. Nous avons constaté que la définition n'était pas appliquée uniformément et qu'elle est sujette à interprétation dans bien des cas.
    Alors vous pensez que votre définition...
    Nous ne faisons que clarifier. Encore une fois, si la définition est sujette à interprétation, le mot « clarifier » s'applique. Je clarifie parce que nous ne voulons plus que le mot soit sujet à interprétation. Nous serons aussi clairs que l'est le Code criminel lorsqu'il mentionne les autres moyens d'utiliser les communications.
    Pensez-vous que la définition d'« ordinateur » signifie:
Dispositif ou ensemble de dispositifs connectés ou reliés les uns aux autres, dont l’un ou plusieurs d’entre eux:
a) contiennent des programmes d’ordinateur ou d’autres données, et
b) conformément à des programmes d’ordinateur:
(i) soit exécutent des fonctions logiques et de commande,
(ii) soit peuvent exécuter toute autre fonction?
    Vous pensez que votre définition, qui est beaucoup plus succincte, est meilleure que la définition du Code criminel?
    Soyez brève, s'il vous plaît.
    Non. Je ne remets pas en question la définition du Code criminel; je dis que dans ces articles du Code criminel, il semble y avoir de l'ambiguïté, et cela ne s'applique pas au cas qui nous intéresse. Deux de vos collègues ont mentionné l'ambiguïté dont je parle en ce moment. J'essaie simplement de clarifier. C'est aussi simple que cela.
    Merci, madame Fry.
    Merci, monsieur Seeback.
    La parole est maintenant à M. Mai du NPD.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Fry.
    J'aimerais, si possible, enchaîner sur les commentaires de M. Seeback. Vous dites que vous avez rencontré divers organismes. Avez-vous rencontré des responsables de l'application de la loi qui disent que cela clarifierait le Code?
    Les commissions de police appuient mon projet de loi.
    D'accord.
    Pouvons-nous revenir un peu en arrière? Je crois comprendre que la cyberintimidation existe depuis longtemps. Pouvez-vous me parler de l'origine du projet de loi? Vous avez mentionné qu'il avait été déposé avant les élections. Quand avez-vous commencé à le faire valoir?
    Mon doux, je ne sais plus. Je crois que c'était en 2007.
    C'était en 2007. Qu'est-ce que le gouvernement a fait sur ce plan?
    Les conservateurs nous ont dit que la question les préoccupait, mais pour une raison ou une autre, ils n'ont rien fait. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi aucune mesure n'a été prise à cet égard?
    Non, j'en suis incapable. Je crois qu'il revient au gouvernement de l'expliquer.
    Pourquoi les libéraux n'ont-ils rien fait dans ce dossier alors qu'ils étaient au pouvoir? Nous savons que la cyberintimidation ne date pas d'hier et que c'est une question qui nous préoccupe depuis longtemps.
    En fait, ce n'est pas tout à fait vrai. Les médias sociaux n'ont pas pris l'ampleur qu'ils ont avant environ 2009. Nous avions commencé à nous pencher sur leur utilisation dans les écoles dès...
    Brian, quand ai-je déposé mon premier projet de loi?
    Une voix: C'était en 2007.
    L'hon. Hedy Fry: Oui. Nous venions tout juste de commencer à en entendre parler à l'époque et nous cherchions à aborder la question de cette façon. Mais avant cela, l'Internet n'était pas aussi répandu. Les médias sociaux n'étaient pas ce qu'ils sont aujourd'hui.
    Nous avons vu une escalade de l'utilisation des médias sociaux en raison de son anonymat, et que la personne en ait eu ou non l'intention, cela a causé du tort. En fait, cela a causé la mort dans certains cas. Encore une fois, comme je l'ai mentionné, nous ne sommes plus au pouvoir depuis 2006. À mon sens, ce n'était pas une question importante à l'époque.

  (1620)  

    Vous avez mentionné le cas d'Amanda Todd. Y a-t-il d'autres cas que ce projet de loi clarifierait et dans lesquels il serait utilisé? Pensez-vous qu'il préviendrait la cyberintimidation?
    Il y a beaucoup de cas et je ne les ai pas tous devant moi pour vous en parler. Par exemple, l'un de ces cas est celui d'une jeune femme, une joueuse de tennis qui a arrêté de jouer. Elle est déprimée.
    Le fait est que lorsque vous intimidez quelqu'un en personne ou par Internet, cette personne continuera d'être intimidée où qu'elle se trouve et elle ne peut pas y échapper. C'est ça le côté insidieux de la cyberintimidation.
    Comme je l'ai dit, on peut se faire injurier à l'école. On peut se faire enfermer dans les toilettes des garçons ou dans celles des filles et les autres peuvent vous faire subir toutes sortes de choses. On peut rentrer chez soi et être protégé par sa famille et d'autres amis et on peut grandir et prouver, en réussissant comme Bill Gates, que les injures reçues à l'école importent peu, car comme nous le voyons, pour toutes les victimes d'intimidation la réussite est la plus délicieuse des revanches.
    Le problème, c'est que l'intimidation est insidieuse et qu'elle ne disparaît pas. On ne peut y échapper, elle se manifeste partout. C'est une des choses dites par, comme je l'ai mentionné, Rebecca Marino. Il lui était impossible d'y échapper et elle a abandonné sa carrière. Elle avait une circonstance atténuante, elle était déprimée. Elle luttait contre la dépression et c'était la dernière goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
    J'ai constaté que l'intimidation ordinaire, ne parlons même pas de la cyberintimidation, a poussé ceux qui sont plus susceptibles d'être déprimés et qui ont une faible estime de soi à avoir des idées suicidaires et, à ce stade, il est difficile de les en dissuader.
    Pour que je comprenne bien, est-ce parce que la cyberintimidation n'avait pas été définie comme elle l'est dans votre projet de loi que ce cas n'a pas été pris en compte?
    Non, elle a choisi de ne pas aller devant les tribunaux. Elle a préféré tout simplement d'abandonner sa carrière de joueuse de tennis.
    Donc, techniquement, le projet de loi ne changerait pas grand-chose, mais je comprends où vous voulez en venir ou ce que vous voulez expliquer.
    Très rapidement, avez-vous eu des consultations avec les provinces pour savoir quelles mesures elles prendraient et ce que le projet de loi entraînerait?
    Non, parce que le Code criminel est de la compétence du fédéral.
    Je comprends, mais elles devront l'appliquer en fonction de la façon dont les provinces...
    J'en ai parlé en Colombie-Britannique et ils semblent penser que ce sera un élément d'une bonne stratégie. Ils n'ont pas fait de commentaires puisque le Code criminel relève de la compétence du fédéral.
    Merci.
    Merci, monsieur Mai.
    M. Albas, du Parti conservateur, est le prochain questionneur.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue à une concitoyenne de la Colombie-Britannique et la remercie d'être ici aujourd'hui.
    Madame Fry, l'objectif de votre projet de loi est certainement louable afin d'assurer que des infractions existantes s'appliquent à l'intimidation qui est de nature criminelle lorsqu'elle est communiquée au moyen d'Internet. Je pense toutefois que ses approches soulèvent d'importantes préoccupations en matière de politique criminelle; des préoccupations que je vais énumérer rapidement.
    En règle générale, les infractions s'appliquent à des comportements spécifiques, donc même si les moyens utilisés, tel Internet, ne sont pas forcément précisés — par exemple, un meurtre est un meurtre, peu importe l'arme ou le moyen utilisé pour le commettre —, le fait de modifier certaines infractions qui pourraient s'appliquer à l'intimidation, puis d'en abolir d'autres, par exemple, l'article 264.1, proférer des menaces, pourrait être problématique. Par exemple, si l’on inclut une référence sur l’utilisation d’un ordinateur ou d’Internet pour certaines infractions, on pourrait penser que son exclusion est intentionnelle, c’est-à-dire que cette référence ne s’appliquerait pas à d’autres infractions.
    En outre, le libellé « d'un ordinateur, d'un ensemble d'ordinateurs connectés ou reliés les uns aux autres, y compris l'Internet, ou de tout moyen de communication semblable » est incompatible avec les dispositions du Code criminel ainsi que l'a dit mon collègue, M. Seeback, un peu plus tôt.
    À mon avis, l'utilisation de deux termes liés au même moyen de communication pourrait causer des problèmes ou porter à confusion.
    Bref, je pense que les amendements que le projet de loi 273 propose d'apporter aux articles 264 et 298 n'améliorent pas le regard que porte le Code criminel sur l'intimidation qui constitue un comportement criminel. Ces amendements risquent même de limiter la capacité du Code criminel à condamner efficacement un tel comportement.
    Comment réagissez-vous à ces préoccupations?
    Il me semble avoir déjà réagi, mais je vais le redire.
    Je crois que la signification du mot « autre » dans certaines parties du Code criminel n'est pas encore claire et dans de nombreux cas sa définition s'est avérée inappropriée. On peut lire au début du projet de loi « afin d'ériger ». J'essaie donc de donner une signification exacte du mot « autre », car il y a des listes qui précisent les ensembles et les moyens de communication et ils ne sont pas nécessairement définis.
    Si cela était vrai, alors le rapport du Sénat qui mentionne aussi la nécessité de clarifier certains éléments du Code criminel n'aurait pas mentionné cela. Mais les sénateurs ont entendu beaucoup de témoins qui ont souligné le besoin d'éclaircissement.
    En fin de compte, personne ne cherche à criminaliser qui que ce soit. Ce que je veux, c'est définir clairement les moyens de communication au XXIe...

  (1625)  

    Je ne parle pas de criminaliser qui que ce soit. Je dis qu'il y a des incohérences dans le mécanisme que vous produisez dans le cadre d'un projet de loi d'initiative parlementaire. L'objectif est évidemment louable, mais il crée des incohérences, même dans le code à mon avis, qui ne contribuent pas nécessairement à combler ce manque de clarté.
    Vous avez dit, au début de votre témoignage, que le projet de loi offre de nouveaux outils aux organismes d'application de la loi. Je le conteste en disant simplement, par exemple, que la Chambre est saisie du projet de loi C-55 qui donne des outils aux organismes d'application de la loi en cas de circonstances atténuantes, dans le cas d'une personne qui s'apprête à commettre un crime qui mettrait en grand danger la sécurité publique ou d'une personne suicidaire qui va se faire du mal. Les organismes d'application de la loi peuvent intervenir dans de tels cas. J'espère que vous voterez pour ce projet de loi parce qu'il donnera aux organismes d'application de la loi les outils dont ils ont besoin pour maintenir la sécurité publique et sauver des vies.
    Finalement, je voudrais que vous répondiez parce que vous avez donné l'impression, me semble-t-il, que cela aiderait les organismes d'application de la loi à composer avec les FAI. Vous avez mentionné le cas d'Amanda Todd, un cas très tragique. J'aimerais avoir votre réponse au sujet des dispositions relatives aux FAI car je ne vois rien dans votre projet de loi qui aiderait à composer avec les FAI.
    Je vais relire le paragraphe 372(1) du Code criminel qui dit au sujet des faux messages:
... quiconque, avec l’intention de nuire à quelqu’un ou de l’alarmer, transmet ou fait en sorte ou obtient que soit transmis, par lettre, télégramme, téléphone, câble, radio
    On peut avoir accès aux registres des communication d'un téléphone cellulaire, d'un téléphone, et découvrir qui a fait les appels pour transmettre des faux messages.
    Cela n'est pas toujours possible actuellement avec les FAI. Je voudrais ajouter « au moyen d'un ordinateur » sous un petit titre qui dirait « ajouter ceci ». Ce n'est pas indiqué. Suffisamment de personnes, entre autres des universitaires, ont dit qu'il était nécessaire d'ajouter cela. C'est l'une des raisons pour lesquelles les commissions de police soutiennent le projet de loi.
    Monsieur le président, j'aimerais aussi faire une observation. J'ai dit que j'avais présenté mon projet de loi en 2001, mais il s'agit d'un autre projet de loi. Ce projet de loi a été présenté en 2009.
    Merci pour vos questions. C'était tout le temps dont vous disposiez monsieur Albas.
    Je vous remercie, madame Fry, de nous avoir consacré une heure, qui est terminée. Vous avez très bien défendu votre projet de loi. Comme je l'ai dit, j'ai assisté à d'autres séances durant lesquelles des membres du personnel de députés, et pas le député ou la députée eux-mêmes, ont défendu un projet de loi d'initiative parlementaire. Je peux donc apprécier vos efforts.
    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour nous préparer à entamer la prochaine heure.
    Je voudrais que les membres du comité, sachent que s'ils vont présenter des amendements pour le projet de loi, je les remercie de faire en sorte que les amendements soient reçus avant 17 heures demain. Vous n'y êtes pas obligés, mais ce serait apprécié.
    Sur ce, la séance est suspendue pendant deux minutes. Merci.

  (1625)  


  (1630)  

    Mesdames et messieurs, nous reprenons nos travaux. Cette séance est la soixantième et nous examinons le projet de loi d'initiative parlementaire C-273, Loi modifiant le Code criminel (cyberintimidation).
    Nous avons la chance d'avoir parmi nous Mme Shariff, professeure agrégée du Département d'études intégrées en éducation de l'Université McGill. Mme Shariff est ici à titre personnel.
    De PREVNet, nous avons Mme Craig, professeure en psychologie à l'Université Queen's.
    Et par vidéoconférence, nous avons Mme Cathryn Palmer, vice-présidente de l'Association canadienne des commissions de police.
    Les témoins feront leurs exposés dans l'ordre dans lequel ils ont été présentés. Vous avez jusqu'à 10 minutes, puis nous passerons aux questions.
    Commençons par Mme Shariff, la parole est à vous.

  (1635)  

    Je suis une universitaire et une chercheuse à l'Université McGill. J'ai passé environ 10 ans à étudier les questions juridiques et les enjeux relatifs aux politiques portant sur la cyberintimidation. Je suis titulaire d'une bourse pour une période de cinq ans versée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et d'une bourse inaugurale de la citoyenneté numérique attribuée par Facebook.
    Bien que le projet de loi C-273 ne mentionne pas précisément la cyberintimidation, je suis préoccupée par certaines de ses incohérences que nous avons constatées à l'écoute des questions posées à Mme la députée Hedy Fry.
    La cyberintimidation peut comprendre des actes tels que le harcèlement criminel, les menaces d'agression sexuelle, le libelle diffamatoire, l'extorsion, la fraude d'identité, la supposition intentionnelle de personne, l'intimidation, ainsi que le sexto; la plupart de ces actes peuvent actuellement être traités en vertu du Code criminel.
    Ce qui me préoccupe aussi, c'est le fait que les téléphones intelligents, les médias numériques ne sont pas mentionnés... Je parcours rapidement mes notes sachant que je n'ai pas beaucoup de temps.
    Ce que m'inquiète le plus, c'est le fait que le Code s'applique à tout le monde. Il est fait mention de tout le monde. Je m'inquiète que cet amendement est une réaction, comme Mme Fry l'a dit, à beaucoup de rapports des médias sur la cyberintimidation et les suicides qui en découlent.
    Le problème est que nous devons considérer deux auditoires. Celui des adultes qui ont suffisamment de maturité pour être tenus responsables de certains de ces crimes. Ils sont suffisamment âgés pour être conscients de leurs actions. Mais, nos recherches indiquent que les jeunes de la génération numérique — les enfants qui grandissent en étant immergés dans les technologies numériques — ne se rendent souvent pas compte de ce qu'ils font.
    Les normes et les perceptions du risque ont changé chez les jeunes de la génération numérique. Ces enfants, qui peuvent avoir huit ans, sont sur Facebook, même s'il est illégal d'y être avant d'avoir 13 ans. Les insultes, les plaisanteries et les farces y sont beaucoup plus tolérées. On mesure moins l'effet de nos actes sur les autres. La distinction entre les espaces publics et les espaces privés n'est pas aussi marquée sur Internet. On n'y mesure pas aussi bien les risques juridiques et c'est pour cette raison que je suis en faveur d'une meilleure éducation et alphabétisation juridiques.
    Les auteurs de cyberintimidation souffrent autant de cette forme d'intimidation que leurs victimes. Ce qui les placerait en position très délicate si le Code était modifié et qu'ils feraient l'objet de poursuites. Notre réaction pourrait être excessive. Nous risquerions d'emprisonner des enfants qui ne le mériteraient pas.
    Beaucoup d'enfants ont des problèmes de santé mentale. Nous savons qu'il est problématique d'envoyer en prison des jeunes atteints de maladie mentale. Nous avons plusieurs fois vu des reportages d'Ashley Smith quand elle était incarcérée et les problèmes qu'elle a rencontrés.
    Une étude faite en Autriche a révélé que les jeunes s'adonnent à la cyberintimidation principalement parce qu'ils sont en colère ou qu'ils ont envie de s'amuser. Je pourrais parler de certains cas durant les séries de questions si quelqu'un veut savoir ce que je veux dire exactement.
    Au vu de l'évolution des normes sociales, le fait de modifier le Code pourrait entraîner des poursuites qui seraient entamées pour de mauvaises raisons.
    L'autre chose, c'est que les adultes... Quand on parle d'auditoires différents, les adultes adoptent le pire des comportements, pourtant à cet égard on pense surtout aux jeunes, et ce, en raison de l'attention que leur portent les médias. Je crains que cet amendement ne soit proposé que pour apaiser la peur du public et lui faire croire que des mesures sont prises.
    Nous devons faire beaucoup plus de recherche. Nous devons mesure le degré de connaissance et de compréhension du milieu juridique vis-à-vis le mode d'utilisation d'Internet par la génération numérique.
    Notre recherche sur cinq ans avec le CRSH porte sur les hypothèses qui sous-tendent le raisonnement de l'appareil judiciaire quand il est confronté à des cas de cyberintimidation. La cyberintimidation est quelque chose d'extrêmement complexe et qui comporte tellement d'éléments. Nous devons être sûrs que nous nous attaquons aux véritables enjeux.

  (1640)  

    Il y a la diffamation. Il y a les sextos, et vous êtes nombreux à savoir que les polices du Canada et des États-Unis s'y attaquent en recourant aux lois sur la pornographie juvénile.
    Des enfants affichent des choses en ligne sans vraiment penser aux conséquences, et notre recherche indique constamment le même comportement de la part d'enfants qui disent qu'ils ne font que s'amuser et qu'il s'agit seulement d'une concurrence entre amis. Ils oublient la victime. Ils ne pensaient même pas à la personne qu'ils taquinaient. Ils essayaient simplement de se faire entendre dans le brouhaha de l'Internet. Il s'agit d'enfants en mal d'attention.
    Je ne dis pas qu'il ne devrait pas y avoir de conséquences. Je suis vraiment en faveur de la discipline pour les jeunes et je pense qu'il est possible de le faire au moyen de l'éducation. Il nous faut des conséquences pertinentes. Je ne crois pas que ce genre d'amendements faits de bric et de broc auront beaucoup d'effet.
    Pour ce qui est des répercussions du projet de loi sur les jeunes, ceux de la génération numérique qui ne se rendent pas compte que les risques juridiques peuvent aboutir à des casiers judiciaires s'ils n'arrivent pas à faire la distinction entre les conséquences de leurs blagues et de leurs farces et la responsabilité criminelle grave. Même s'ils doivent faire l'objet de mesures disciplinaires, ils doivent aussi être éduqués sur le plan juridique. Les casiers judiciaires ou les peines d'emprisonnement réduiront leur chance d'être acceptés dans de bons établissements d'enseignement postsecondaire et limiteront leur capacité de trouver des emplois dans un marché où il est déjà difficile d'en trouver, ce qui alourdira le fardeau de l'aide sociale. En fin de compte, une telle situation pourrait accaparer des ressources gouvernementales considérables et réduire chez certains enfants leur chances de réussir.
    Une meilleure solution de rechange consisterait à investir dans l'éducation, à aider les jeunes atteints de troubles mentaux, à les sensibiliser davantage et à leur offrir une alphabétisation juridique. L'année dernière, nous avons témoigné au Comité sénatorial permanent des droits de la personne qui étudiait la question de la cyberintimidation au Canada en ce qui concerne les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne aux termes de l'article 19 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Je suis certaine que vous êtes nombreux à connaître ce rapport qui regroupe tout un ensemble de questions soulevées par des experts et des chercheurs de tout le Canada et je pense que le comité devrait considérer les sujets soulevés dans ce rapport.
    La création d'un commissaire pour les enfants est l'une des choses qui ont été suggérées. L'autre étant une stratégie nationale. Je sais que la motion a été rejetée l'année dernière parce qu'elle prêtait à controverse. Mais j'estime qu'il nous faut quelque chose, par exemple un groupe de travail composé d'experts en la matière qui étudiera ces questions et déterminera les lois qui devraient être modifiées. Comment allons-nous modifier cette loi? Quel est le rôle de la loi? Voulons-nous vraiment des sanctions du gros bâton? Un universitaire de l'Université Harvard, John Palfrey, a fait le même genre de plaidoyer au Congrès et il l'a fait en 2009 quand ils voulaient modifier leur législation.
    Ce sont mes collègues australiens, Kift, Campbell et divers collaborateurs qui ont inventé l'expression « sanctions du gros bâton » parce qu'elles ne fonctionnent pas vraiment dans ce contexte. Compte tenu du fait que les enfants ne comprennent pas... Ils ne voient même pas la différence entre les espaces publics et les espaces privés.
    J'ai remis un mémoire de 25 pages, comme le font les universitaires, et je vous exhorte de le lire ou de le parcourir d'ici demain, avant de faire vos commentaires. Je pense vraiment que cette question mérite une plus ample réflexion.
    J'ai ici — je peux le faire circuler — mon... presque mon logo. Durant les 10 dernières années de mon étude de la cyberintimidation, voici les mesures prises par des écoles et quelques gouvernements provinciaux pour résoudre ces questions. Je propose des mesures beaucoup plus proactives qui mettent en évidence l'éducation.
    Nous parlons de droit substantiel comparativement à un droit positiviste ou un droit plus punitif. Considérons les piliers de notre Constitution, nos lois sur les droits de la personne, et voyons comment nous pouvons aider les jeunes à comprendre pourquoi ils ne devraient pas s'adonner à cela. Le défi est d'inciter les jeunes à comprendre leur motivation, à les mobiliser. Ce sont des experts du numérique. Mobilisons les jeunes pour qu'ils contribuent au processus de modification des lois.

  (1645)  

     C'est ce que nous faisons.
    Pour expliquer brièvement, une partie de la recherche que nous effectuons avec les subventions reçues de Facebook et du CRSH consiste à organiser des enquêtes et des groupes de discussion avec des jeunes de 9 à 17 ans. On leur demande de nous indiquer où se trouve la ligne qui départage la blague et la taquinerie d'une part, et les infractions criminelles d'autre part. Comment font-ils pour savoir s'ils sont en train de dépasser les limites et de commettre un crime? Comment font-ils la distinction entre l'espace public et l'espace privé? Dans la dernière phase, nous demanderons aux jeunes d'élaborer des projets interactifs en ligne. Cela devrait les amener à réfléchir sur leur façon de définir la limite.
     Nous avons déjà mené ces activités à titre d'essai, à Vancouver, et la réponse a été formidable. Mon site Web est le www.definetheline.ca, et nous avons eu beaucoup de réponses à ces questions. Nous informons les enseignants et les responsables de l’élaboration des politiques au sujet des différents aspects légaux...
    Madame Shariff, je vais devoir vous interrompre. J'aime bien interrompre les professeurs.
    Je présume que vous serez appelée à répondre à diverses questions au sujet de votre recherche durant la période de questions.
    Merci beaucoup pour votre excellent exposé.
    Notre prochain présentateur est le professeur Craig.
    Je suis la professeure Craig, de l'Université Queen's. Je suis psychologue en clinique spécialisée dans le développement de l'enfant.
    Une bonne partie de ce que je vais dire confirmera les déclarations de ma collègue.
    Pour commencer, je précise que je m'intéresse surtout aux enfants et aux jeunes, et qu'en termes juridiques, il convient de faire une distinction entre les enfants et les jeunes d'un côté et les adultes de l'autre. L'une des choses les plus importantes que je tiens à vous dire est que les enfants sont en processus de développement. Pensez aux vôtres. Les enfants doivent apprendre à se comporter différemment. Il faut que ces dispositions leur soient enseignées. Ils ont besoin de l'encadrement des adultes, d'un échafaudage. Ils ont besoin d'être éduqués.
    Les mesures punitives ne fourniront pas le contexte d'apprentissage qu'il leur faut pour acquérir les stratégies voulues pour se réinventer. Compte tenu de tous les aspects de développement qui ont été soulevés, je crois que nous devons envisager une réponse pour les enfants et les jeunes qui soit différente de celle que nous avons pour les adultes.
    Mes recherches portent aussi sur la cyberintimidation, et il y a deux ou trois aspects de ce domaine qui rendent problématique ce projet de loi. Bien que le centre pour le contrôle des maladies ait fait un certain travail à cet égard, nous ne disposons à l'heure actuelle d'aucune définition de la cyberintimidation. J'ai fait partie d'un groupe de travail chargé de la définir. Il n'existe aucune définition qui fasse l'unanimité. Une partie de la définition évoque la notion de « volonté de nuire », chose très difficile à mesurer dans le contexte d'une loi. Les définitions actuelles parlent de volonté de nuire, de déséquilibre des forces et du ciblage répété des victimes. Plus une définition a d'éléments, plus le fardeau de la preuve est mis sur les personnes qui doivent intenter des poursuites pour qu'il y ait un changement.
    Nous avons besoin d'une définition universelle. Nous devons préciser chacun des éléments de cette définition, tels que la volonté de nuire et ce qui constitue un préjudice. Et nous devons tracer la ligne au-delà de laquelle l'intimidation et l'humiliation s'inscrivent dans un comportement criminel. Je crois que ces questions sont des zones grises au sujet desquelles nous n'avons pas beaucoup d'informations.
    J'aimerais parler un peu du problème afin que vous compreniez ce sur quoi vous devrez légiférer. Jetons un coup d'oeil à l'enquête sur les comportements en matière de santé — je fais partie de l'équipe —, qui porte sur environ 27 000 enfants. Il s'agit d'une enquête pancanadienne financée par l'Agence de la santé publique du Canada, qui cherche à rendre compte de la situation à l'échelle nationale. En 10e année, soit vers l'âge de 15 ans, la proportion de cybervictimes — c'est-à-dire les enfants qui rapportent avoir été victimes de cyberintimidation — est d'environ 18 p. 100 et, de ces derniers, 99 p. 100 sont aussi victimes d'intimidation en personne.
    Selon moi, ce qu'il importe de retenir c'est qu'il nous faut une stratégie nationale exhaustive. Cela a déjà été soulevé à la Chambre des communes, et j'estime qu'une telle stratégie sera absolument essentielle à la mise en oeuvre d'une approche intégrée pour faire face au phénomène.
    Environ un enfant sur cinq se dit avoir fait l'objet de cyberintimidation, mais il ne s'agit là que de l'un des nombreux types d'intimidation qu'ils doivent subir. Nous devons par conséquent faire face au problème.
    De plus, si vous examinez la recherche sur ce qui arrive aux enfants dans les nouveaux médias, vous constaterez qu'environ 43 p. 100 ont affirmé avoir reçu au cours des 30 derniers jours précédents un courriel ou un message texte qui les a troublés, ou avoir été la cible de railleries, ou avoir vu quelque chose les concernant affiché sur un site Web, ou avoir vu mettre en ligne quelque chose qu'ils ne voulaient pas que les autres voient, ou avoir eu peur de se servir de l'ordinateur. Aucun de ces actes n'est défini par eux comme étant de l'intimidation, alors comment pouvons-nous commencer à les définir comme telle quand les enfants eux-mêmes ne sont pas au fait de ce qui entre dans cette définition? C'est là un processus éducatif qui demande une campagne de santé publique dans le cadre d'une stratégie nationale.
    Nous avons fait des recherches sur la perception de la nocivité de la cyberintimidation et de l'intimidation électronique. Qu'ont dit les principaux intéressés? Les filles ont été plus enclines que les garçons à dire que cela était nocif. Accessoirement, elles ont démontré une propension plus grande à s'en servir que les garçons. Les enfants affirment aussi que la cyberintimidation est moins dommageable que l'intimidation physique, mais qu'elle l'est autant que l'intimidation verbale.
    Bref, l'intimidation est nocive en général, et la cyberintimidation est l'une des formes nocives de l'intimidation, mais ils ne la rapportent pas pour autant aux adultes.
    Lorsque vous demandez aux enfants ce qui leur arrive quand ils vont en ligne, la majorité des actes évoqués sont des menaces et la profération d'insultes. Il est très rare — et cela n'arrive que dans les pires cas — qu'ils évoquent des comportements sexuels inappropriés ou la présence de personnes qui se font passer pour d'autres.
    Nous savons aussi que les comportements en ligne et hors ligne se recoupent. Ils font tous deux partie des relations en société. Les deux types d'enfants sont actifs sur les deux plans. Avec la cyberintimidation, on retrouve des enfants qui sont aussi plus enclins à se faire agresseur et à devenir victime. Cette dynamique nous place devant un dilemme, car si nous considérons ces enfants par la lorgnette de la criminalité, nous en faisons des victimes une deuxième fois alors qu'ils viennent en fait de trouver une façon qui, bien qu'elle soit maladroite, leur permet d'avoir un certain pouvoir.

  (1650)  

     Ce que nous savons cependant, c'est que le tort psychologique de la cybervictimisation est supérieur à celui de la cyberintimidation. C'est-à-dire que ses effets sont plus graves et plus intenses, que la dépression et l'anxiété qu'elle suscite sont ressenties avec plus d'acuité.
    Nous nous sommes aussi intéressés aux auteurs de la cyberintimidation. Qui sont ceux qui infligent ces traitements aux autres? Nous avons trouvé qu'il était plus vraisemblable que l'intimidation  — tous types confondus: insultes, menaces, rumeurs, photos et même allusions à caractère sexuel — soit le fait d'amis. L'intimidation est perpétrée par des personnes connues. Il y a très peu de cas où les auteurs sont des étrangers ou des inconnus. Ces personnes sont les coupables les moins plausibles. Selon moi, cela signifie que la façon d'interagir des jeunes est problématique, et que nous devons leur donner l'aide dont ils ont besoin.
    C'était la dernière chose que j'avais à dire sur ce que la recherche nous a appris. Nous avons aussi étudié les rôles que les enfants jouent dans le cyberespace, leur façon de contribuer à la cyberintimidation. Les enfants affirment que le rôle premier qu'ils jouent consiste à aller en ligne et à défendre ceux qui se trouvent dans le même contexte qu'eux. Les filles sont plus enclines à faire cela. Je me dois cependant de souligner qu'environ 20 p. 100 d'entre elles affirment aussi aller en ligne dans l'intention de démontrer une agressivité semblable. Voilà un autre aspect sur lequel il y aurait lieu de faire leur éducation. Comme cela a été dit dans le témoignage précédent, les enfants ne sont pas conscients de leur agressivité, ou ne qualifient pas ce qu'ils font comme étant agressif ou ne perçoivent pas leur comportement comme étant issu d'une intention criminelle s'accompagnant de possibles conséquences.
    J'ai trois messages à vous livrer. Le premier est que, si nous choisissons d'intervenir, nous devons avoir une définition légale de l'intimidation et des normes qui pourront être défendues lorsque viendra le temps d'appliquer la loi. Le deuxième message est que nous nous appuyons sur une définition uniforme, que cette dernière devra être connue des enfants, des jeunes et des adultes, et qu'elle pourra s'appliquer uniformément à toutes les facettes du phénomène. La troisième chose qu'il faudra inclure dans la loi est une explication entendue de la limite au-delà de laquelle les comportements deviennent criminels. Quand y a-t-il humiliation et intention criminelle?
    Une chose encore qu'il nous faudra prendre en compte est que la majorité des jeunes — au moins la moitié en tous cas — affirment ne rien dire aux adultes. Ils ne rapportent pas les incidents. Nous ne savons même pas à quel point cette attitude est vraiment répandue. Ils ne rapportent rien par peur de représailles. Si nous en faisons une question légale, cet aspect deviendra encore plus problématique.
    Le message sur lequel je veux vous laisser est que les enfants sont des êtres en développement. Ils jouent de nombreux rôles, ils expérimentent. Malheureusement, une partie de notre développement consiste à essayer différents rôles, à épouser diverses identités, à tester une certaine agressivité dans notre comportement. Cela fait partie des expériences que nous tentons. Cela participe à la définition du soi, les enfants y ont recours pour se définir eux-mêmes. Si nous voulons être efficaces dans le traitement que nous accorderons au phénomène de la cyberintimidation ou de l'intimidation dans notre société, il nous faudra commencer avec une approche préventive: une campagne d'éducation publique en matière de santé. Le gouvernement a un rôle à jouer comme coordonnateur de cette stratégie globale, puisqu'il s'agit d'une question de santé publique et que nous avons nombre d'exemples — l'alcool au volant, le tabagisme — où l'efficacité de campagnes de santé publique a été démontrée. Cela pourrait changer la vie de nos enfants et les aider à devenir les êtres épanouis que nous souhaitons qu'ils deviennent.
    En ma qualité d'universitaire, j'espère avoir respecté les 10 minutes qui m'étaient accordées.

  (1655)  

    Vous avez pris moins de 10 minutes, madame. C'est bien. Merci pour votre exposé.
    Nous passons maintenant à notre invitée, qui se joint à nous par vidéoconférence. Il s'agit de Mme Palmer, vice-présidente de l'Association canadienne des commissions de police.
    Madame Palmer, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de commenter ce projet de loi, qui est très important pour notre organisation.
    Mon point de vue est un peu différent de celui des deux autres savants témoins.
    J'aimerais d'abord, si possible, présenter notre organisation. L'Association canadienne des commissions de police a été créée en 1989 afin que les personnes chargées de la gouvernance des services de police puissent trouver un terrain d’entente sur des questions d’intérêt commun ayant une incidence nationale. L'association est l’organisation nationale des commissions et des conseils des services de police qui assure une surveillance et une gouvernance civiles des services de police municipaux et des Premières Nations dans la majeure partie du Canada.
    Les commissions et conseils de police membres sont responsables de plus de 75 p. 100 des services de police municipaux au Canada. Nous gérons les services, nous établissons les priorités au sein des municipalités, nous mettons en oeuvre les politiques et nous représentons l'intérêt public par l'entremise du processus de gouvernance et de surveillance civiles.
    Comme vous le savez, les services locaux de police assurent d'importantes fonctions autres que la lutte contre le crime. Nos agents sont présents dans les écoles, ils aident les personnes qui souffrent de troubles mentaux, ils préviennent la victimisation sociale, ils surveillent les voies d'eau internationales, ils contribuent à la sécurité nationale et à la lutte contre le terrorisme, ils participent aux projets policiers intégrés et conjoints, et ainsi de suite. Ils sont souvent les agents de premier recours lorsque d'autres programmes sont réduits ou éliminés en raison des problèmes financiers des municipalités.
    Nous devons veiller à ce que les policiers aient les outils nécessaires pour prendre les bonnes décisions en vue de protéger la sécurité publique, et particulièrement la sécurité de nos enfants.
    Nous croyons également que les lois qu'ils exécutent doivent refléter nos valeurs et principes communautaires.
    Si une loi peut nous aider à changer les comportements délinquants et les attitudes à l'égard de ces comportements, alors nous devons l'appuyer.
    En 2009, nos membres ont voté en faveur de la résolution suivante:
ATTENDU QUE les nouvelles technologies facilitent l'accès aux domaines privés;
ATTENDU QUE ces technologies permettent aux personnes de cacher leur identité tout en ciblant d'autres personnes;
ATTENDU QUE la cyberintimidation affecte de plus en plus les jeunes canadiens;
ATTENDU QUE la loi actuelle ne criminalise pas la cyberintimidation;
PAR CONSÉQUENT, il est résolu que l'Association canadienne des commissions de police demande au gouvernement fédéral d'adopter une loi visant à élargir la portée des dispositions du Code criminel en vue de criminaliser les comportements de cyberintimidation et d'accroître la responsabilité des fournisseurs de services de technologie relative à l'utilisation abusive de leurs systèmes. [Traduction]
    Comme vous pouvez le constater, la résolution en faveur de la modification du Code criminel et de la responsabilité accrue des fournisseurs de service Internet à l'égard de la cyberintimidation a été pleinement appuyée par les membres de l'ACCP.
    Chaque année, les résolutions approuvées sont transmises aux ministres fédéraux et provinciaux concernés en vue d'obtenir leurs commentaires.
    J'aimerais vous lire la réponse du ministre de la Sécurité publique de l'époque, l'honorable Peter Van Loan, qui a écrit:
En ce qui a trait à la résolution de l'Association sur la cyberintimidation, j'affirme que nous avons le devoir de protéger nos enfants. L'intimidation, sous quelle que forme que ce soit, est un comportement social inacceptable. Notre gouvernement a pris des mesures pour sensibiliser la population et pour prévenir l'intimidation grâce à l'action du Centre national de prévention du crime et à l'établissement d'un partenariat entre la GRC et la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants visant à transmettre aux jeunes de l'information sur la façon de détecter, d'aborder et d'éliminer la cyberintimidation. Le rôle le plus important du gouvernement consiste à assurer la sécurité et la protection de la population la plus vulnérable du Canada, nos enfants. [Traduction]
    Nous félicitons le gouvernement d'avoir pris les devants en vue d'éduquer la population et de prévenir la cyberintimidation, mais nous sommes convaincus qu'il n'est pas allé assez loin. Nous devons mettre à jour nos lois pénales en ce qui a trait aux technologies modernes et aux personnes qui en font une utilisation abusive, étant donné qu'elles ont une incidence sur notre société.
    En tant qu'organisme de surveillance, il nous incombe notamment de veiller à ce que les policiers aient les outils dont ils ont besoin pour bien faire leur travail. Parfois, ces outils se présentent sous forme de lois, sans lesquelles ils ont les mains liées.

  (1700)  

    C'est dans cette optique que je témoigne devant vous pour appuyer le projet de loi C-273, Loi modifiant le Code criminel (cyberintimidation). L'Association canadienne des commissions de police appuie les modifications législatives proposées, étant donné qu'elles reflètent l'influence des technologies modernes sur notre vie.
    La cyberintimidation soulève de nombreuses préoccupations en matière d'application de la loi. Ainsi, selon le rapport du groupe d'étude de la Nouvelle-Écosse sur l'intimidation et la cyberintimidation, et je cite:
La cyberintimidation présente un défi particulier pour la collectivité étant donné qu'elle se fait dans une sorte de no man's land. Le monde cybernétique est un espace public qui remet en question nos méthodes de maintien de la paix et de l'ordre traditionnelles. Il est trop vaste pour avoir recours efficacement aux moyens de surveillance traditionnels. [Traduction]
    En termes simples, le projet de loi précise que les articles du Code criminel s'appliquent aux communications électroniques. Nous l'appuyons pleinement.
    Nous croyons également qu'une législation plus stricte ne constitue pas une stratégie de lutte contre la cyberintimidation en soi, mais plutôt le volet d'une stratégie nationale qui doit être mise en place.
    Pour faire suite aux commentaires précédents, j'ai eu l'occasion d'assister la semaine dernière à la présentation finale d'une jeune agente du service de police d'Edmonton. Son projet vise l'élimination de l'intimidation en Alberta. L'agente Cunningham a fait valoir clairement que l'intimidation est un problème social et qu'il était nécessaire de bien comprendre les relations humaines pour le régler. Nous devons favoriser le développement social positif de nos jeunes. Tous les enfants impliqués dans l'intimidation — les auteurs, les victimes et les spectateurs — doivent être pris en compte dans les interventions, et les changements les plus importants se feront sentir au sein du plus grand groupe, les spectateurs. Elle croit que nous devons intervenir à divers niveaux pour effectuer de réels changements dans notre société.
    Ainsi, le projet de loi n'est peut-être qu'un outil parmi d'autres. La cyberintimidation peut être un crime très grave impliquant de vraies victimes et pouvant, dans certains cas, avoir des conséquences tragiques.
    Notre tâche aujourd'hui — et j'emprunterai les mots de l'ancien ministre de la Sécurité publique — consiste à détecter, à aborder et à éliminer la cyberintimidation. En tant qu'association représentant la surveillance civile de la police municipale au Canada, notre rôle le plus important consiste à assurer la sécurité et la protection de la population la plus vulnérable du Canada, nos enfants. Nous croyons que les modifications au Code criminel proposées dans le projet de loi C-273 sont un pas dans la bonne direction.
    Merci.
    Merci madame Palmer.
    Nous passons maintenant aux séries de questions.
    Le premier intervenant est M. Morin du Nouveau Parti démocratique.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous nos témoins. Chacun de leurs témoignages a constitué une source très précieuse d'information.
     Mes premières questions s'adressent à Mme Shariff et à Mme Craig.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de cet endroit du projet de loi présenté par Mme Fry où il est question de

[Traduction]

    intentions malveillantes.

[Français]

    Comment cela pourrait-il toucher des jeunes adultes, des adolescents ou des enfants qui n'ont pas pleinement conscience de la portée de leurs actions? De quelle façon ces trois petits mots pourraient-ils compromettre l'essence de ce projet de loi, qui est de prévenir ou au moins limiter les dégâts liés à l'intimidation?

  (1705)  

[Traduction]

    J'aimerais répondre. C'est une très bonne question parce que, comme je l'ai dit, les jeunes manquent de discernement.
    Vous parlez des jeunes enfants, mais pour la génération numérique qui a grandi dans une mare de technologies, cette notion est difficile à comprendre, même pour les universitaires. Par exemple, il y a quelques années, un étudiant de McGill a publié un message sur Twitter dans lequel il disait vouloir prendre un M 15 et tirer sur les conférenciers d'un séminaire auquel il assistait. Lorsqu'il a été interrogé à ce sujet, l'étudiant a dit qu'il ne faisait que s'exprimer. Ces cas sont nombreux.
    En Californie, un jeune de 14 ans de la trempe de Justin Bieber, destiné à une brillante carrière en musique, écrivait sur son site Web qu'il avait les yeux brun doré. Ses camarades de classe, et certains élèves qui ne le connaissaient même pas, ont publié des commentaires haineux à son sujet. Ils ont fait valoir devant le tribunal qu'il s'agissait pour eux d'un concours des pires insultes. Ils ont dit ne pas avoir pensé à la victime, et simplement avoir voulu être drôles.
    En analysant la société — les comédies de situation, les spectacles d'humour, les émissions de téléréalité — on s'aperçoit que la norme relative à la drôlerie, à la blague, à l'insulte et au préjudice a changé. Dans l'affaire A.B. c. Bragg Communications Inc., la Cour suprême du Canada a conclu qu'il y avait eu préjudice discernable. Mais, comme l'a mentionné Wendy, il faut définir clairement l'intention et le préjudice. Qu'est-ce que l'intention perçue?
    J'aimerais présenter un autre exemple, rapidement. En Colombie-Britannique, une adolescente s'est suicidée après avoir reçu l'appel d'anciennes amies, qui la menaçaient de mort. Elle pensait vraiment qu'elle allait être tuée, alors elle s'est elle-même enlevé la vie. Dans cette affaire, la Cour de première instance a déterminé que le préjudice perçu pouvait être considéré à titre de harcèlement criminel; une des jeunes filles en cause a donc été accusée. Mais il s'agit d'une zone grise; les hautes cours n'ont pas encore tranché la question.
    Donc oui, les modifications toucheraient les jeunes, puisqu'ils ne réalisent pas vraiment l'ampleur de leurs gestes. Si les directeurs d'école s'en servent pour déclarer les jeunes à la police et leur faire subir le système de justice pénale, alors je crois qu'on rate une occasion de les éduquer, et qu'on les embarque dans un système où ils seront considérés comme des criminels ou de jeunes délinquants, et traités de la sorte. Voilà donc un problème.
    Je crois que les policiers sont d'excellents agents de liaison, mais cela ne résout pas le problème des jeunes qui ne savent pas ce qu'ils font.
    Merci, madame.
    Votre temps est écoulé, monsieur Morin, désolé.
    La parole est maintenant à M. Goguen du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président. Je lance une question ouverte aux trois témoins. S'il me reste du temps, je céderai la parole à M. Wilks.
    Tout récemment, en décembre 2012, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a publié son rapport intitulé La cyberintimidation, ça blesse! Respect des droits à l’ère numérique. À la page 80 du rapport, Shelley Hymel, professeure de psychologie à l'Université de la Colombie-Britannique, souligne que la vaste majorité des écoles appliquent encore les méthodes de la discipline punitive. Selon Mme Hymel, il est plus efficace d'enseigner aux enfants à être responsables de leur comportement par des pratiques réparatrices et de restitution qui favorisent l'empathie et aident les enfants qui posent des gestes d'intimidation à se responsabiliser.
    Les opinions des personnes qui ont témoigné devant le Sénat sont divergentes, mais la plupart d'entre eux s'entendent sur un message clair: l'approche de la justice réparatrice est la plus efficace.
    J'aimerais avoir vos idées à cet sujet.

  (1710)  

    Qui souhaiterait répondre en premier?
    Je crois que je suis tout à fait d'accord, lorsqu'on examine les recherches effectuées sur les solutions pour prévenir l'intimidation: l'approche réparatrice, l'approche globale à l'échelle de l'école et l'approche montrant à chaque enfant en cause les compétences qu'il doit acquérir pour agir différemment.
    En fait, il ne s'agit pas uniquement de leur enseigner ces compétences. Il faut recourir à des conséquences formatrices. Les enfants doivent assumer les conséquences de leurs gestes, mais ces conséquences doivent être formatrices, leur montrer une nouvelle façon d'être et d'évoluer. De toute évidence, les recherches montrent que ces approches positives sont fructueuses, contrairement aux méthodes dissuasives qui ne préviennent en rien l'intimidation. L'avenir, c'est une approche réparatrice qui permet aux enfants d'acquérir les compétences dont ils ont besoin.
    Madame Palmer, souhaiteriez-vous répondre à la question?
    Oui. J'aimerais souligner de nouveau que nous convenons que des lois plus rigoureuses ne constituent pas à elles seules une stratégie en matière de cyberintimidation. Elles ne sont qu'un élément de la stratégie exhaustive nécessaire. Nous sommes du même avis que les nombreux témoins qui ont comparu devant le comité sénatorial et qui ont appuyé les modifications proposées au Code criminel. Selon nous, les articles actuels portant sur le harcèlement ne visent pas les moyens de communication électronique. Nous avons également reconnu que le rapport du comité a recommandé que l'approche réparatrice devrait être un élément clé de toute stratégie coordonnée.
    Madame Shaheen Shariff, souhaiteriez-vous ajouter une précision?
    Oui. Je me suis penchée sur l'approche réparatrice il y a environ 10 ans. Mais je ne l'ai pas fait récemment. Cependant, l'un des problèmes consistait à mettre à contribution toutes les parties en cause.
    On pourrait également recourir à la méthode autochtone du cercle de détermination de la peine, ce qui n'a pas été proposé dans le rapport du comité sénatorial. Cela demeure toutefois une approche possible.
    L'un des problèmes consistait à obtenir la contribution des parents et des autres intervenants. Quoi qu'il en soit, je suis en faveur d'une telle méthode.
    Merci.
    Monsieur Wilks, il vous reste une minute et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je serai très bref. Je voudrais adresser une question à Mme Craig et une autre à notre témoin d'Edmonton.
    Dans votre déclaration, vous avez cité une définition universelle. Il me semble que notre société a échoué dans une certaine mesure. Nous ne donnons pas tout simplement une bicyclette à nos enfants, en leur disant de s'en servir, n'est-ce pas? Nous les accompagnons dans cet apprentissage. Lorsqu'ils commencent à se traîner ou à marcher, nous ne leur disons pas tout simplement de mettre leurs souliers et de marcher. Nous les aidons et les encadrons.
    Tout à coup, les ordinateurs sont entrés dans nos vies dans les années 1990 ou 2000. Nous avons dit à nos enfants: « C'est un ordinateur. Tu peux t'en servir. Je ne te surveillerai pas. » C'est en gros ce que nous avons fait. Je voudrais savoir ce que vous pensez d'une définition universelle.
    J'aurais également une brève question pour notre témoin d'Edmonton en ce qui concerne les outils dont auraient besoin les policiers. À titre de policier à la retraite, j'ignore si ces modifications donneront aux policiers de nouveaux outils. Selon moi, la responsabilité incombera finalement aux forces policières, et le public finira par croire à un moment donné que les policiers auront échoué parce qu'ils n'auront été capables d'appliquer le Code criminel... Il y a d'autres aspects dont il faudrait tenir compte à cet égard. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Merci.
    Je donne à chacune d'entre vous 30 secondes pour répondre.
    Je voudrais simplement préciser une chose.
    Vous avez tout à fait raison: nous mettons beaucoup en garde nos enfants contre les dangers de la rue, mais nous oublions de leur montrer comment adopter un comportement sûr sur l'Internet. Combien de fois disons-nous à nos enfants de dire s'il vous plaît et merci? Vous savez maintenant quel âge ont mes enfants.
    Nous devons redoubler d'efforts pour montrer à nos enfants comment se comporter sur Internet. C'est pourquoi cette campagne de sensibilisation publique met l'accent sur ce point.
    Deuxièmement, je voudrais ajouter qu'il nous faut absolument une définition universelle parce que, si nous adoptons des lois à ce chapitre, il faudra établir quels comportements seront sanctionnés et quelles limites il faudra respecter. Selon moi, la cyberintimidation, c'est de l'intimidation dans un contexte différent. Si nous pouvons donc définir ce qu'est l'intimidation, nous pouvons certes le faire pour la cyberintimidation.
    Très bien.
    Madame Palmer, la deuxième question s'adressait à vous.
    Merci.
    Je vois où le député veut en venir. D'après moi, les différents services dans l'ensemble du pays ont souvent l'impression qu'on décharge sur leurs épaules de nombreuses responsabilités et qu'on s'attend à ce qu'ils s'attaquent à un problème social complexe et épineux.
    Je voudrais souligner de nouveau que nous appuyons ce projet de loi, estimant qu'il s'agit d'un élément d'une stratégie qui devra être exhaustive et comporter de multiples facettes, un outil dont pourront disposer les policiers dans l'ensemble du pays.

  (1715)  

    Merci.
    Merci, monsieur Wilks.
    M. Casey, du Parti libéral, sera le prochain intervenant. Il dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, je voudrais remercier M. Goguen de sa question et nos témoins pour leurs commentaires sur l'approche réparatrice. À l'ère des peines obligatoires minimales, des mesures législatives visant la répression de la criminalité et des multiples changements au Code criminel en vue d'y ajouter de nouvelles infractions, il est donc agréable d'entendre quelqu'un parler d'approche réparatrice sur la Colline du Parlement. Je vous en suis reconnaissant.
    Ma question portera sur le dernier point qu'on fait valoir Mme Palmer et l'honorable Hedy Fry.
    Ma question s'adresse à vous madame Shariff, mais je voudrais également avoir l'avis de Mme Craig.
    Vous avez toutes les deux parlé du fait que ce projet de loi n'est qu'un outil et qu'il faut l'intégrer à une stratégie plus exhaustive. Pourtant, si j'ai bien compris vos propos, madame Shariff, le projet de loi n'a pas beaucoup de valeur à vos yeux.
    Que pensez-vous des propos de Mme Palmer et de l'honorable Hedy Fry qui ont toutes les deux fait valoir que rien ne justifie qu'on retarde plus longtemps l'ajout de cet outil en attendant une stratégie plus exhaustive.
    Je dirais que la version actuelle du code porte sur bien des infractions criminelles en matière de cyberintimidation. Que cela soit fait en ligne ou non, du harcèlement demeure toujours du harcèlement, et de l'extorsion demeure toujours de l'extorsion.
    Cependant, je suis d'accord avec le député conservateur qui posait à Mme Fry des questions sur les incohérences du projet de loi. Les modifications proposées ne portent que sur certains aspects de la cyberintimidation.
    Je ne crois vraiment pas que cela changerait quoi que ce soit. Je comprends qu'on ait besoin d'un outil. Cependant, on ne parviendrait qu'à rassurer le public en lui disant que des mesures sont prises, mais on a déjà adopté tellement de solutions symboliques. Est-ce vraiment ce dont on a besoin? Tout cela donnera l'impression que nous avons fait ce que nous avons pu, mais nous devons vraiment approfondir beaucoup plus ce dossier et envisager différemment les choses.
    J'ignore s'il me reste encore du temps.
    Il reste encore deux minutes.
    Madame Craig, souhaitez-vous intervenir?
    Je pense que le projet de loi vise à être un élément de cette stratégie. Je pense qu'on s'exposerait à des problèmes en n'ajoutant pas d'autres outils. Qu'est-ce que nous apprend le projet de loi sur les principes? Ce qui pose problème, c'est qu'il faut reconnaître la nécessité d'une approche mettant l'accent sur la sensibilisation sur notamment le comportement des enfants au fur et à mesure qu'ils grandissent et l'intention qu'ils ont lorsqu'ils adoptent ces comportements...
    Si nous ne recourons qu'à ce seul outil, je crains que nous adoptions l'approche punitive, ce qui pourrait avoir des répercussions sur nos enfants et adolescents pendant toute leur vie. Ce projet de loi ne respecte pas l'intérêt de l'enfant et de l'adolescent, en ce sens que l'on ne leur offre pas les moyens de changer et d'adopter des comportements différents. En fait, on dressera des obstacles freinant leur épanouissement, ce qui aura des répercussions négatives sur eux.
    Les enfants évoluent tout comme leur compréhension de l'intention de nuire par leurs comportements. À ce titre, adopter des mesures de sensibilisation peut être utile, à condition de fournir aux policiers les outils dont ils ont besoin pour venir en aide aux jeunes. Ces policiers travaillent efficacement dans les diverses collectivités et cherchent à cerner de tels comportements.
    Ce projet de loi doit être un élément d'une stratégie globale, sinon il ne sera guère efficace. En fait, il aura plutôt un effet négatif sur les adolescents.

  (1720)  

    Monsieur Casey, votre temps de parole est écoulé. Je suis désolé. Merci beaucoup.
    Le prochain intervenant est M. Armstrong du Parti conservateur.
    Contrairement à vous, monsieur le président, j'ai beaucoup de respect pour les professeurs. J'ai déjà été professeur adjoint.
    Des voix: Oh, oh!
    Si vous étiez au courant de mes résultats, vous comprendriez.
    Je viens du monde de l'éducation. J'ai enseigné pendant 18 ans dans des écoles publiques, de la 4e année jusqu'au niveau postdoctoral. J'ai vu souvent des enfants adopter des comportements fort répréhensibles les uns contre les autres.
    Je souscris à bien des propos formulés par nos témoins d'aujourd'hui. Je ne pense pas que ce projet de loi fera beaucoup bouger les choses, parce que la plupart des aspects qu'il couvre sont déjà abordés dans le code.
    Mes questions seront précises. Je formulerai des idées susceptibles d'avoir une influence positive sur les adolescents aux prises avec un tel problème, car nous sommes confrontés à un fléau social.
    Madame Shariff, vous avez évoqué une étude autrichienne selon laquelle les enfants donnent deux raisons pour lesquelles ils ont adopté de tels comportements répréhensibles: ils étaient en colère et ils voulaient s'amuser. Je sais que c'est ce que les enfants diraient. Cependant, qu'il s'agisse de cyberintimidation, d'intimidation physique, d'intimidation verbale ou d'exclusion, toutes ces manifestations reposent sur le pouvoir ainsi exercé. C'est là vraiment la clé du problème. Êtes-vous toutes les deux d'accord avec moi?
    Oui.
    Oui.
    Lorsque vous avez du pouvoir, vous êtes en mesure d'avoir l'intention de nuire ou de blesser. Le problème parfois, c'est que les adolescents ne se rendent pas compte du pouvoir qu'ils détiennent.
    Par exemple, comme je l'ai dit au président... et c'était une blague, ce que je peux me permettre avec lui puisqu'il est mon ami. Je pourrais faire la même blague à quelqu'un d'autre qui n'est pas autant mon ami et qui pourrait s'estimer lésé, même si telle n'était mon intention dans un cas comme dans l'autre.
    Essentiellement, c'est autant une question de perception de la part de la victime qu'une question d'intention de la personne accusée d'intimidation. Êtes-vous d'accord? Est-ce que je fais fausse route?
    Merci. Je signale qu'ils font signe que oui de la tête.
    Des voix: Oh, oh!
    Brièvement, vous devez répondre par oui ou par non.
    Oui.
    Oui.
    Merci.
    En raison de l'expérience que j'ai acquise ici dans les dossiers concernant les enfants, je conviens qu'une définition de cyberintimidation est nécessaire si nous voulons adopter une stratégie à ce chapitre. Cette définition devra tenir compte du pouvoir que détient la personne accusée d'intimidation. Je pense que c'est un élément essentiel.
    Vous avez notamment évoqué que l'intimidation est davantage l'apanage des filles. D'après mon expérience, c'est à certains égards davantage une question d'exclusion et d'intimidation verbale. Les garçons se livrent à l'intimidation physique. C'est la raison pour laquelle, à mon avis, il y a davantage de suicides chez les filles au Canada que chez les garçons. L'intimidation verbale et l'exclusion durent éternellement. En passant aux actes, les garçons règlent rapidement leurs différends et peuvent redevenir amis deux minutes plus tard. Avec les filles, cela peut parfois durer beaucoup plus longtemps, particulièrement chez les adolescentes.
    Pour vraiment enrayer l'intimidation physique et la cyberintimidation, il faudrait mettre en place un cadre de supervision. C'est ce que je préconise depuis toujours. Êtes-vous d'accord avec moi sur ce point?
    Oui.
    Oui, mais...
    Je formulerai une solution et je vous laisserai y réagir par la suite.
    À mon avis, les parents doivent surveiller les activités de leurs enfants sur Internet. Les enseignants ne peuvent pas le faire puisqu'ils ne travaillent pas 24 heures sur 24. Les policiers n'ont pas les ressources nécessaires pour assurer la surveillance sur Internet. Les parents peuvent par contre le faire. Il faut trouver les moyens de les inciter à le faire.
    Je pense que nous devons intervenir auprès des fournisseurs d'accès Internet. Si quelqu'un se livre à de la cyberintimidation, il faut pouvoir lui enlever les moyens de le faire. Comme M. Wilks l'a indiqué, nous leur avons donné un outil dont ils ne savent pas encore se servir. Lorsque votre enfant ne sait pas conduire et ne possède pas de permis, vous ne lui remettez pas les clés de votre voiture. S'ils ne se servent pas d'Internet correctement, il faudrait leur en interdire l'accès. C'est, selon moi, le seul message qu'ils comprendront. Si vous menacez ainsi un ménage ou quelqu'un qui paie la facture d'un téléphone cellulaire, je pense qu'on commencera à surveiller ce que font les enfants. Ce n'est qu'un morceau du casse-tête.
    Devrait-on envisager d'interdire l'utilisation de cet équipement dans le cadre de ce projet de loi?
    Il vous reste une minute pour répondre à cette longue intervention.
    Une minute? Mon Dieu!
    Je m'attarderai à la question que vous avez posée à la fin. La censure n'est pas vraiment efficace, et je vais vous dire pourquoi par un exemple. En Australie, le ministre a investi environ 59 millions de dollars pour mettre en oeuvre ce que vous proposez. Un adolescent de 14 ans a rétorqué au ministre qu'il pouvait déjouer tous les filtres installés, ce qu'il a fait à plusieurs reprises devant les journalistes. Si les jeunes d'aujourd'hui le veulent, ils auront accès aux technologies modernes, particulièrement à ces médias numériques.
    Il y a effectivement un déséquilibre qu'on peut corriger, parce que les agresseurs sont des victimes et les victimes sont des agresseurs.
    En ce qui concerne la définition, j'estime qu'il nous faut une définition juridique. Il faut davantage de définitions juridiques parce que le cyberintimidation revêt différents aspects juridiques. Il est très difficile d'en arriver à une définition universelle de ce comportement
    Quelle était votre autre question?

  (1725)  

    Je céderai la parole à Mme Craig qui dispose de 30 secondes.
    Je voudrais faire valoir deux ou trois points. Premièrement, il faut absolument mettre à contribution les parents, qui ont besoin d'outils pour exercer une surveillance efficace de leurs enfants, ce qui atténue les comportements agressifs.
    Actuellement, les parents n'ont pas ces outils. Ce sont les enfants qui sont les experts à ce chapitre. Ils apprennent plus rapidement à se servir de la technologie. Ils sont plus efficaces. Nous devons donc combler le retard. C'est le lot de notre génération.
    Deuxièmement, on ne peut leur enlever l'accès à cette nouvelle technologie. C'est la raison principale pourquoi les enfants ne signalent pas les cas d'intimidation. Il s'agit d'un comportement extrêmement négatif, mais beaucoup de recherches ont été effectuées — y compris par nous — pour montrer les effets positifs de l'Internet. Les enfants vulnérables souffrant d'isolement et ceux des minorités peuvent ainsi communiquer avec d'autres, qui les acceptent, et ils peuvent aussi explorer. Internet a également des effets positifs. On ne peut enlever aux enfants l'accès à cette technologie car, ce faisant, vous les isoleriez, ce qui entraînerait des conséquences encore plus négatives.
    Il s'agit de permettre aux adultes de perfectionner leurs compétences par rapport à ce que vivent les enfants et aux enfants de perfectionner les leurs par rapport à ce qui les entoure.
    Très bien. Merci infiniment.
    Merci monsieur Armstrong de vos commentaires.
    M. Jacob, du Nouveau Parti démocratique, sera notre dernier intervenant.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je suis peut-être le dernier, mais non le moindre.
    Ma question s'adresse à Mme Craig et à Mme Shariff.
    Sur le plan de la prévention, de la réhabilitation et d'une stratégie globale sur l'intimidation, le projet de loi C-273 a des lacunes. Nous, du NPD, prenons très au sérieux la cyberintimidation. J'aimerais que vous commentiez deux choses.
     Tout d'abord, Dr André Grace a dit que les jeunes intimidateurs vivaient souvent d'autres problèmes sociaux. Il souhaitait que le gouvernement développe un cadre législatif et considère les communautés, les écoles et les parents comme faisant partie de la solution.
    Par ailleurs, on trouve en Finlande le programme KiVa, qui est considéré comme l'un des meilleurs programmes de lutte contre l'intimidation au monde. Au lieu d'expulser l'intimidateur, on organise des discussions entre ce dernier, sa victime et d'autres élèves. L'inclusion de l'ensemble de la communauté est au centre des efforts pour contrer l'intimidation.
     J'aimerais que vous commentiez ces deux éléments, madame Shariff. Par la suite, Mme Craig pourra nous dire ce qu'elle pense.

[Traduction]

    Je suis d'accord. Je pense qu'il faut absolument mettre à contribution les adolescents pour tous les aspects. Dan Olweus, le spécialiste scandinave en matière d'intimidation, a constaté il y a longtemps que, si vous donnez aux adolescents la chance de participer à l'élaboration des règles, l'intimidation diminue de moitié. Les adolescents devraient effectivement être mis à contribution.
    Selon les responsables de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, le Canada n'a pas été suffisamment efficace par rapport à l'article 12, qui garantit à l'enfant le droit d'être entendu. Nous avons demandé à maintes reprises de mettre à contribution les enfants. Je suis donc d'accord.
    Je voudrais simplement aborder la question de l'enquête financée par l'Agence de la santé publique du Canada sur les comportements des enfants et des adolescents liés à la santé. Cette enquête a été effectuée dans 42 pays différents. Le Canada se classe dans le dernier tiers des pays pour la prévalence de l'intimidation. C'est un très mauvais résultat pour nous, soit dit en passant. La prévalence de l'intimidation est donc élevée.
    Les pays qui affichent les meilleurs résultats sont ceux dont vous avez parlé, c'est-à-dire les pays scandinaves: Norvège, Finlande et Suède. Qu'est-ce que ces pays ont en commun? Ils ont tous mis en oeuvre une campagne nationale qui met systématiquement à contribution les enfants qui sont victimes, les parents, les enseignants et la collectivité afin de donner à chaque niveau du système les outils nécessaires pour s'attaquer au problème. Selon ces pays qui affichent des faibles taux en matière d'intimidation et de victimisation, l'intimidation est un problème qui se pose effectivement à l'école, mais qui concerne également la collectivité et la société. Voilà une approche efficace, qui donne des résultats. Ces pays ont effectivement de faibles taux de prévalence de l'intimidation.

  (1730)  

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Je trouve que vous avez bien cerné le problème. La stratégie globale sur l'intimidation est très importante. La répression n'est que le début. On continue en faisant de la réhabilitation et de la prévention, naturellement.
    Merci, monsieur le président. C'est tout ce que j'avais à dire.

[Traduction]

    Merci infiniment.
    Je voudrais également remercier nos témoins d'aujourd'hui, Mmes Craig et Shariff.
    Madame Palmer, je vous remercie d'avoir participé à la séance par vidéoconférence.
    Les questions posées étaient excellentes.
    Je remercie les membres du comité.
    Les réponses ont été judicieuses. Je pense que nous avons une idée claire de la position adoptée par les témoins. Nous vous en sommes donc très reconnaissants.
    Je voudrais rappeler aux membres du comité qu'ils peuvent faire parvenir leurs amendements d'ici 17 heures demain. Mercredi, nous entendrons des témoins pendant une heure, puis nous passerons à l'étude article par article.
    Merci beaucoup à tous.
    La séance est levée.
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