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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 003 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 novembre 2013

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, je déclare ouverte la troisième séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Au cours de la première heure, nous entendrons le parrain du projet de loi, Mark Warawa, député de Langley. Pendant la deuxième heure, nous entendrons à huis clos des interventions sur le sujet.
    Bienvenue, monsieur Warawa, et merci d'être venu soutenir votre projet de loi. La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis vraiment heureux d'être ici. Comme nous le savons tous, c'est à ce comité que sont nommés les plus brillants députés. C'est donc pour moi une vrai joie d'être parmi vous.
    Un peu de flatterie ne fait de mal à personne, monsieur Warawa.
    Vous avez la parole.
    Je suis ici pour vous parler du projet de loi C-489, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (conditions imposées aux délinquants), dont je suis le parrain, et vous expliquer les besoins que l'on cherche à combler et les mesures prévues pour y arriver.
    Je vous présente ce projet de loi au nom de mes électeurs de la belle circonscription de Langley et des milliers de jeunes victimes canadiennes qui vivent dans l'angoisse et la peur des délinquants qui leur ont causé préjudice. Je m'inspire de leur courage pour lutter pour les droits des victimes de demain et assurer leur protection.
    L'objectif du projet de loi C-489 cadre parfaitement avec ce que souhaitent les Canadiens, à savoir que le gouvernement assure la sécurité des rues et tienne compte des droits des victimes. Je n'ai aucun doute que tous les membres du Comité permanent étudieront à fond le projet de loi et ses répercussions opérationnelles pour s'assurer que les mesures prévues donnent les résultats escomptés et que les objectifs sont pleinement atteints.
    Le projet de loi C-489 a vu le jour à cause de victimes dans ma circonscription et de leur famille. Vous avez probablement entendu relater cette histoire durant les débats à la Chambre des communes. Je vais vous en faire part de nouveau, car une famille courageuse nous a permis d'utiliser son histoire pour nous aider à comprendre la gravité du problème et donner au Parlement les moyens d'adopter les changements législatifs nécessaires.
    Dans ma circonscription de Langley, des familles ont vécu dans le stress et la tourmente lorsqu'un tribunal a permis au délinquant sexuel ayant agressé leur enfant de purger sa peine avec sursis, en étant détenu à domicile, dans leur quartier. Dans un cas, le délinquant sexuel a purgé sa peine dans la maison située en face de celle de sa jeune victime, et dans un autre cas, dans la maison voisine.
    La victime d'agression sexuelle ne peut se sentir en sécurité chez elle dans son quartier, là où elle devrait se sentir le plus en sécurité, quand on permet au délinquant de purger sa peine juste à côté. Et pas seulement la victime, mais la famille au complet revivait le crime chaque fois qu'elle voyait le délinquant. Ils vivaient dans l'angoisse, sans savoir si le délinquant les surveillait, cherchant une occasion de récidiver ou de faire une nouvelle victime.
    On ne peut imaginer comment un parent peut rester calme en voyant régulièrement l'agresseur de son enfant. Les parents rentraient du travail pour voir le délinquant qui tondait sa pelouse ou qui profitait de la vie, un verre à la main, de l'autre côté de la rue. Comment nous serions-nous sentis dans cette situation? Les parents redoutaient maintenant leur maison et quartier tant aimés en raison de la présence de leur agresseur. Une famille n'a pas tenu le coup et a quitté le quartier. Une mère m'a demandé pourquoi sa famille devait déménager alors qu'elle et les siens étaient les victimes. Voilà une excellente question, chers collègues.
    Chacun devrait avoir le droit de se sentir en sécurité dans son foyer, et plus encore les victimes d'agression sexuelle. Les victimes ont l'impression d'être oubliées et que leur bien-être et leur sécurité ne sont pas pris en considération dans la détermination des peines. C'est ce que le projet de loi C-489 propose de corriger.
    Monsieur le président, ces cas dans ma circonscription ne sont pas les seuls. Statistique Canada a rapporté l'an dernier près de 4 000 cas d'agression sexuelle contre des enfants. Les enfants étaient cinq fois plus susceptibles que les adultes d'être agressés sexuellement, quel que soit le type d'agression sexuelle. Les enfants font partie des membres les plus vulnérables de notre société, et c'est à nous de demander justice en leur nom.
    Malheureusement, dans les cas d'agression sexuelle, la sécurité de l'enfant est souvent compromise par un proche. En 2011, Statistique Canada a constaté que 50 % des infractions sexuelles visant des enfants et des jeunes qui sont signalés à la police étaient perpétrées par un ami ou une connaissance de la famille, et 38 %, par un membre de la famille. Ces données montrent malheureusement que près de 88 % des infractions sexuelles à l'endroit de jeunes et d'enfants sont commises par une personne que la victime connaissait déjà.
    Non seulement la jeune victime subit des conséquences sur les plans émotifs et physiques, mais sa confiance est trahie. Nous ne pouvons pas imaginer le supplice que vivent ces enfants et leur famille.

  (0850)  

    Il n'est donc pas étonnant que la victime et sa famille revivent le crime chaque fois qu'elles voient le délinquant qui est mis en liberté sous condition dans le quartier.
    C'est là qu'intervient le projet de loi C-489, qui propose d'obliger les tribunaux à imposer des restrictions géographiques aux délinquants.
    Mon projet de loi jouit d'ailleurs d'un vaste soutien dans tout le pays.
    Dans notre système de justice, les tribunaux peuvent imposer aux délinquants des interdictions de communiquer, là n'est pas le problème. Les lois actuelles confèrent aux tribunaux le pouvoir et la latitude pour imposer des conditions, par exemple des ordonnances d'interdiction, de probation, de sursis et de bonne conduite, ou encore des conditions de mise en liberté conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
    Or, les tribunaux ne sont pas tenus d'imposer de conditions de ce genre, ni d'expliquer pourquoi ils ne le font pas. Par conséquent, ces conditions interdisant les contacts sont laissées pour compte, et les victimes se demandent pourquoi on n'a pas pris en considération leur bien-être et leur sécurité.
    Le but du projet de loi C-489 est clair: assurer le bien-être et la sécurité des victimes et de leur famille ainsi que des témoins en les protégeant contre les délinquants reconnus coupables, et accroître la confiance des victimes à l'égard du système de justice. Grâce au projet de loi, les victimes auront l'impression que leurs préoccupations quant à leur sécurité ont été entendues. Pour atteindre cet objectif, le projet de loi obligera les tribunaux à imposer aux délinquants reconnus coupables d'une infraction sexuelle à l'endroit d'un enfant des restrictions précises afin de protéger la victime et sa famille, ainsi que les témoins. Les tribunaux doivent l'envisager, ils ne seraient pas tenus de l'imposer, mais de l'envisager comme option. Ces mesures renforceraient la sûreté et la tranquillité d'esprit en faisant en sorte que les victimes ne revivent pas leur expérience en rencontrant à nouveau leur agresseur.
    Plus précisément, le projet de loi C-489 vise à modifier l'article 161 du Code criminel en obligeant le tribunal à rendre une ordonnance interdisant au délinquant de se trouver à moins de deux kilomètres d'une maison d'habitation où se trouve la victime, et à imposer des conditions lui interdisant de se trouver à l'intérieur d'un véhicule personnel avec une personne âgée de moins de 16 ans.
    Grâce au projet de loi C-10, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, on trouve maintenant dans le Code criminel des dispositions interdisant aux délinquants d'entrer en contact avec une personne de moins de 16 ans. Je suis donc prêt à supprimer l'alinéa a.2) puisqu'il n'est plus nécessaire.
    Le projet de loi modifie également les articles 732.1 et 742.3 du Code criminel afin d'obliger les tribunaux à assortir les ordonnances de probation ou de sursis de conditions interdisant au délinquant de communiquer avec toute personne — victime ou témoin — identifiée dans le document ou encore d'aller dans un lieu qui y est mentionné. Ces conditions seraient obligatoires, mais le tribunal pourrait ne pas les imposer si la victime ou le témoin y consent ou s'il existe des circonstances exceptionnelles, auxquels cas les raisons devraient en être communiquées par écrit.
    Le projet de loi C-489 propose également de modifier les ordonnances d'engagement et les engagements de ne pas troubler l'ordre public visant des individus qui sont susceptibles de commettre une infraction sexuelle contre un enfant. Plus précisément, il propose de modifier l'article 810.1, qui porte sur les engagements de ne pas troubler la paix, en obligeant le tribunal à imposer des conditions interdisant au délinquant de communiquer avec toute personne identifiée dans l'engagement ou d'aller dans un lieu qui y est mentionné. Dans ce cas aussi, le tribunal pourrait lever la condition si la victime ou le témoin y consent ou s'il existe des circonstances exceptionnelles.

  (0855)  

    Enfin, chers collègues, le projet de loi C-489 propose de modifier l'article 133 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour obliger les décideurs en vertu de cette loi à imposer des conditions semblables.
    À l'heure actuelle et conformément à cette loi, la Commission des libérations conditionnelles du Canada et les services correctionnels peuvent imposer des conditions aux délinquants à qui l'on accorde la libération conditionnelle, la libération d'office ou une permission de sortir. Dans ce cas aussi, les autorités compétentes ne seront pas tenues d'imposer de condition si la victime y consent ou dans des circonstances exceptionnelles. Ces deux exceptions permettront de composer avec des situations qui risquent de se produire.
    Les autorités compétentes qui estiment qu'il existe des circonstances exceptionnelles devront expliquer par écrit leur décision, ce qui permettra aux victimes et à leur famille, ainsi qu'aux témoins, selon moi, de mieux comprendre les décisions de la Commission des libérations conditionnelles.
    Monsieur le président, il ne fait pas de doute que le projet de loi C-489 contribuera à renforcer la confiance du public à l'égard du système de justice canadien en renforçant les outils mis à la disposition de nos tribunaux pour assurer la sécurité des victimes et de leur famille. Il y parviendra en modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour empêcher les délinquants mis en liberté de contacter les victimes ou de se trouver à proximité du domicile de leurs victimes.
    J'espère que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne agira pour accroître la sécurité du public en tenant les criminels responsables de leurs actes, en prenant en considération les répercussions des peines sur les victimes et en faisant en sorte que les victimes se sentent en sécurité chez elles et dans leur quartier. Je demande aux députés qui sont ici pour étudier le projet de loi de m'aider à en faire une loi, pour que les jeunes victimes et leur famille se sentent en sécurité dans leur foyer.
    Comme je l'ai déjà mentionné, je suis ouvert à des amendements et si vous avez des questions à ce sujet, je suis prêt à y répondre. J'ai déjà parlé à un certain nombre d'entre vous au sujet d'ajustements à apporter et que je suis prêt à envisager.

  (0900)  

    Merci, monsieur Warawa.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Notre première intervenante est Mme Boivin, du Nouveau Parti démocratique. Je vous rappelle que vous disposez de cinq minutes.
    Je n'ai pas oublié.

[Français]

    Merci, monsieur Warawa, de votre présence.
    Je vous remercie aussi de votre projet de loi.

[Traduction]

    Attendez. Mettez votre écouteur, monsieur Warawa. Ce ne sera pas déduit de votre temps, madame Boivin.
    Excellent. Je vous remerciais simplement de votre présence, monsieur Warawa.

[Français]

    Je vous remercie de votre projet de loi.
    Nous, du NPD, étions bien heureux de pouvoir l'appuyer en deuxième lecture. Évidemment, nous allons maintenant le regarder plus en détail. C'est souvent dans les détails qu'on voit certaines petites corrections à apporter.
    Cela étant dit, vous avez parlé de milliers de cas. Savez-vous quel genre d'impact ce projet de loi aurait et sur combien de dossiers environ? Avez-vous des statistiques par rapport à cela? On connaît les statistiques en matière d'infractions d'ordre sexuel, par exemple, mais sur combien de dossiers environ cela aurait-il un impact?
     Pensez-vous que les tribunaux sont suffisamment équipés? Cela va-t-il augmenter leur charge de travail? Je suis un peu inquiète relativement à l'accessibilité à la justice, parce que cela prend du temps. Ce genre de projet de loi risque-t-il de ralentir le processus ou, au contraire, va-t-il s'insérer très bien et très facilement dans le type d'ordonnances qui étaient analysées auparavant?

[Traduction]

    C'est une très bonne et très importante question.
    D'abord, nous n'avons pas de statistiques précises en ce qui concerne les peines avec sursis qui débouchent sur la détention à domicile dans le quartier de la victime. Nous savons qu'en 2012, 4 000 cas d'agression sexuelle contre des enfants ont été signalés. Ce ne sont pas tous les cas d'agression sexuelle qui sont signalés. On parle ici des appels de signalement à la police; en réalité, le nombre d'agressions est beaucoup plus élevé.
    Dans le cadre de la détermination et de l'administration de la peine, si on crée un climat propice à un environnement sain pour la victime et le délinquant, je crois que la charge de travail pour faire face à cette situation sera moindre si la peine est idéale. Les gens veulent et ont besoin que justice soit rendue. Il faut favoriser la guérison de la victime, mais il faut aussi favoriser celle du délinquant, pour trouver les raisons profondes pour lesquelles il a commis l'infraction et les façons de l'empêcher de recommencer. Si on peut s'attaquer à ces causes profondes et placer le délinquant dans un milieu où ce problème peut être traité de manière appropriée, et si la victime et sa famille peuvent guérir, je pense que la charge de travail diminuera.
    Il est évident que vous ne voulez pas que les victimes aient peur; selon moi, c'est l'un des objectifs, que les victimes puissent vivre en paix durant tout le processus.

[Français]

    Votre projet de loi suscite certaines inquiétudes relativement à la notion de kilomètres. Cela peut être bien pratique, par exemple, dans une grande ville comme Toronto, Gatineau ou Montréal, mais peut-être pas autant dans certains petits villages où la règle du 2 kilomètres peut poser certains problèmes. L'avez-vous fait analyser à cet égard relativement au droit d'une personne de vivre à l'endroit où elle veut.? Comment cela va-t-il s'insérer du côté pratique?

[Traduction]

    Oui, et c'est une autre excellente question. Merci.
    Quand j'ai commencé à travailler au projet de loi C-489, il y a environ deux ans, peu après avoir rencontré l'une des familles, j'ai proposé une distance de cinq kilomètres. Quand nous avons commencé à rédiger le projet de loi, j'ai constaté que c'était beaucoup trop dans des circonstances normales; nous avons donc réduit la distance à deux kilomètres. Puis, comme vous le soulignez, dans les petites collectivités, la règle du deux kilomètres peut être beaucoup trop restrictive et tout à fait irréaliste.
    J'ai vu un amendement au projet de loi sur lequel le comité va se pencher et qui propose que ce soit deux kilomètres ou une distance jugée appropriée par les tribunaux. Cela donne un pouvoir discrétionnaire aux tribunaux. Ils examinent la question. Dans certains cas, le tribunal peut estimer qu'il est plus approprié d'imposer une distance de cinq kilomètres, ou ce peut être beaucoup moins, selon la taille de la collectivité. Chaque situation est unique. Les tribunaux conserveraient leur pouvoir discrétionnaire.

  (0905)  

    Merci.
    Est-ce qu'il me reste un peu de temps?
    Vous avez 30 secondes.

[Français]

    L'expression « circonstances exceptionnelles » m'inquiète un peu, parce que cela risque d'être un peu difficile de déterminer d'une cour à l'autre. Dans quelques années, on va peut-être vouloir le préciser un peu plus. Avez-vous aussi fait analyser ce concept?

[Traduction]

    En ce qui concerne le terme « circonstances exceptionnelles », il reviendrait aux tribunaux de déterminer quelles sont les circonstances exceptionnelles, mais je crois que nous considérons tous important que les tribunaux aient un pouvoir discrétionnaire. Nous ne pouvons pas leur dire « Vous devez faire ceci » ou « Voici les peines que vous allez imposer dans toutes les situations »; je crois que nous laissons aux tribunaux ce pouvoir discrétionnaire.
    Merci.
    Je vous remercie pour ces questions et ces réponses.
    Notre prochain intervenant est M. Dechert, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Warawa, je vous remercie d'avoir présenté ce projet de loi au Parlement.
    Comme l'ont fait tous les députés, j'ai discuté avec un grand nombre de mes électeurs qui me disent constamment qu'ils perdent confiance dans le système judiciaire. Il est clair que nous voulons que tous les citoyens aient la plus grande confiance en notre système de justice et, selon moi, ce projet de loi nous permettra d'accroître leur niveau de confiance. J'entends souvent des gens dire que les victimes ne sont pas bien protégées. Ils estiment que le système tient de la porte tournante et qu'il favorise les contrevenants plus qu'il ne protège les victimes et les citoyens respectueux des lois. La plupart d'entre nous croyons qu'il doit non seulement y avoir justice, mais aussi apparence de justice; je pense que ce projet de loi serait utile dans ce sens.
    Quand je siégeais au Comité de la justice, il y a environ deux ans et demi, nous avons entendu l'histoire dont vous avez parlé, je crois, dans votre déclaration préliminaire. Il s'agissait d'une femme qui a courageusement raconté son histoire après avoir été agressée sexuellement par un voisin. Elle a traversé toutes les difficultés liées à un procès et à un témoignage. L'homme a été reconnu coupable et il a reçu une peine d'emprisonnement avec sursis. Le jour même, au retour du tribunal, la femme a vu que son voisin était dehors devant sa maison, de l'autre côté de la rue, en train de couper le gazon.
    Cela a tellement anéanti son respect et son estime de soi — elle avait fait tous ces efforts pour traduire cette personne en justice et pourtant il était là, au même endroit où il avait abusé d'elle durant des années — qu'elle a fait une tentative de suicide. Je pense que nous en avons tous été affligés. Heureusement, ce fut une tentative ratée et aujourd'hui, elle va bien et elle peut raconter son histoire.
    Je crois que le projet de loi tient précisément compte de ce genre de situation; en mon nom et au nom des gens que je représente à Mississauga, je tiens donc à vous remercier.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné des statistiques. Pourriez-vous nous dire ce que vous comprenez des statistiques concernant les agressions sexuelles au Canada, en particulier en ce qui a trait aux enfants? Quelle est la situation? Y a-t-il davantage ou moins de cas signalés chaque année?
    En fait, l'agression sexuelle contre les enfants est l'une des infractions criminelles qui a connu une augmentation. Je ne saurais dire ce qui cause cette augmentation, mais les victimes hésitent souvent à signaler les agressions à cause d'un certain nombre de facteurs. Il peut s'agir d'un sentiment de honte ou de culpabilité. Il peut s'agir de menaces faites à l'enfant par le délinquant: si l'enfant le dit à quelqu'un, le délinquant fera du mal aux membres de sa famille.
    Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles un certain nombre d'infractions ne sont pas signalées, mais il est très troublant de voir qu'il y a actuellement une augmentation considérable. Il nous faut découvrir s'il y a réellement une hausse du nombre d'infractions ou s'il y a en fait une hausse du nombre d'infractions signalées. Le comité pourra peut-être se pencher sur cette question dans le cadre d'une future étude.
    Mon projet de loi porte en particulier sur notre façon de gérer le cas de ces délinquants. Je crois que le moyen le plus sûr et le plus approprié de créer une société juste et sûre, c'est de veiller à ce qu'il existe une zone de sécurité, une zone réservée, afin que le délinquant ne puisse sciemment se rendre dans le secteur où se trouve la victime.
    Pour une victime, la guérison peut être très longue. Elle peut prendre des années. La victime ne pourra peut-être jamais se remettre complètement. Chaque fois qu'elle voit son agresseur, le délinquant, elle risque d'éprouver de la peur et de l'anxiété. Nous avons tous des souvenirs, qui durent très longtemps. Nous devons donner à la victime le temps de guérir. Voilà pourquoi le projet de loi porte sur cette zone de sécurité non seulement durant la période d'ordonnance, mais possiblement après, si les tribunaux jugent approprié d'imposer un engagement de ne pas troubler l'ordre public.
    Je vous remercie de votre question.

  (0910)  

    Ces statistiques sont correctes.
    Dites-nous brièvement en quoi cela tient compte des craintes des victimes durant le processus de libération conditionnelle. Comment donnerait-on une voix aux victimes durant ce processus?
    Évidemment, comme nous le savons, la peine est généralement imposée par les tribunaux, puis elle doit être administrée par le Service correctionnel du Canada, et ensuite par la Commission des libérations conditionnelles. Les tribunaux seraient tenus, tout comme les autres organismes administratifs, de veiller à ce qu'on tienne compte des victimes à la libération du délinquant.
    Après avoir purgé les deux tiers de sa peine, la personne sera libérée à moins qu'elle ne présente un risque très élevé pour la sécurité du public en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Elle sera libérée. Elle sera préparée. Le Service correctionnel du Canada la prépare pour la date de libération, la libération d'office. En fait, la plupart peuvent demander et demanderont à sortir au tiers de leur peine.
    On exige maintenant que ces organismes administratifs tiennent compte de la victime et de l'incidence sur la victime de cette libération dans la collectivité.
    Je vous remercie de ces questions et de ces réponses.
    Notre prochain intervenant est M. Easter, du Parti libéral. Vous disposez de cinq minutes, monsieur Easter.
    J'aimerais revenir à cette dernière question au sujet des conditions de libération. Est-ce que vous dites que les mêmes considérations qui s'appliquent au tribunal sur le plan des conditions s'appliqueraient aux conditions de libération conditionnelle pour ce qui est de la distance, par exemple?
    Oui.
    Je pense que l'intention du projet de loi est bonne.
    Je voudrais revenir au point qu'a soulevé le député du NPD. Vous avez dit dans votre exposé qu'il y a des milliers de victimes, et selon les données de Statistique Canada, il y a eu 4 000 cas d'agression contre des enfants. Savez-vous combien de personnes visées par ce projet de loi se sont trouvées dans une situation où le délinquant était à moins de deux milles de leur résidence?
    Non.
    Vous n'avez pas ces chiffres. Je vais vous dire comment je vois les choses. Ce qui me pose problème, ce sont les exagérations du gouvernement et des membres de votre parti en ce qui concerne les bienfaits de ces projets de loi pour la sécurité de la population. Voilà pourquoi j'ai posé la question et j'ai demandé les chiffres. Nous ne savons pas.
    Il y a effectivement des milliers de personnes. Les incidents dont M. Dechert et vous-même avez parlé sont terribles; cela ne fait pas de doute. Nous voulons empêcher la revictimisation et rassurer les gens en leur disant qu'ils ne deviendront pas des victimes une deuxième fois et que les familles ne vivront pas dans la peur, mais je pense qu'il est exagéré de prétendre que ce projet de loi aura une incidence sur la sécurité de milliers de gens, alors qu'il ne touchera peut-être en réalité qu'une dizaine de personnes.
    Nous souscrivons à l'intention du projet de loi. Je tiens seulement à souligner ce point. En ce qui concerne les décisions des tribunaux, actuellement, ces restrictions peuvent déjà être imposées par un juge, n'est-ce pas?

  (0915)  

    C'est exact. Ils ne sont pas tenus d'en tenir compte. Elles pourraient être imposées.
    Ce projet de loi ferait en sorte qu'un juge devrait en tenir compte. Quel serait le processus en ce sens? Comment saurions-nous qu'un juge en a tenu compte dans sa décision finale? Comment procéderait-on, à part en leur disant qu'ils doivent le faire? Comment la victime saurait-elle qu'on a pris cela en considération?
    Je vous remercie de la question. Le Code criminel du Canada serait modifié. Cela s'appliquerait partout au Canada, et les juges devraient en tenir compte. À l'heure actuelle, ils n'ont pas à tenir compte des conséquences sur la victime.
    L'idée première, pour le projet de loi, était de rendre cette zone de sécurité obligatoire, mais cela annulerait le pouvoir discrétionnaire des tribunaux. Il s'agirait d'un extrême. Actuellement, ils n'ont pas à tenir compte de la victime. C'est ce qui existe maintenant, et je crois que c'est une extrémité du spectre. L'autre extrémité serait d'exiger que les tribunaux le fassent. Je pense que le juste milieu serait que les tribunaux et les organismes administratifs soient tous tenus de prendre en considération les conséquences sur la victime. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas.
    Permettez-moi de revenir à l'exemple de la petite collectivité, car il se peut que la résidence principale du délinquant soit plus près de celle de la victime. En fait, cela ne me pose pas de problème si la résidence principale du délinquant est située à un demi-kilomètre de celle de la victime. Cela ne me pose pas de problème s'il ne peut plus y vivre. Puisqu'il a commis l'infraction, s'il doit déménager ailleurs, c'est tant pis pour lui. Je n'y vois aucun problème, alors je pense que nous devrions être prudents en ce qui concerne la disposition 732.1(2)(a.1)(i) proposée, car on demanderait essentiellement le consentement de la victime ou de sa famille si la résidence est plus près. Il nous faut être prudents à ce sujet, car dans une petite collectivité comme la mienne, il serait difficile de s'éloigner de deux kilomètres. Toutefois, si les infractions ont été commises et que l'une des conditions prévoit un rayon de deux kilomètres, je ne vois pas pourquoi on donnerait au délinquant cette option parce qu'il s'agit d'une petite collectivité. C'est tant pis; il a commis l'infraction, il devra déménager ailleurs, c'est son problème. Nous ne voulons pas accabler davantage la victime.
    Quelle est votre position à ce sujet?
    Veuillez répondre très brièvement, monsieur Warawa.
    Je pense que le projet de loi établit un équilibre en exigeant que les tribunaux en tiennent compte. Si la situation du délinquant...
    Dans l'une des décisions, les tribunaux ont statué que le délinquant serait moins dangereux s'il pouvait purger sa peine à la maison, avec sa famille pour l'appuyer. Voilà pourquoi on a permis la détention à domicile dans cette situation, à Langley.
    Vous dites que le délinquant devrait être obligé de déménager si nous tenons compte des conséquences sur la victime, et je suis d'accord. Le délinquant aurait pu faire installer sa famille avec lui loin de la victime durant la période d'ordonnance. Pourquoi la victime devrait-elle déménager? Pourquoi sacrifierait-on le quartier d'une victime et d'une famille en faveur du délinquant?
    Je suis d'accord pour dire qu'il nous faut tenir compte des victimes, et non des délinquants.
    Je vous remercie de ces questions et réponses.
    Notre prochain intervenant est M. Goguen, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup de présenter cette très importante loi. De toute évidence, cela s'inscrit tout à fait dans ce thème qui nous est cher, soit celui de donner une voix aux victimes et, essentiellement, de faire un équilibre entre les intérêts de ces dernières et ceux des délinquants.
    Je suis ravi d'entendre que le Parti libéral est d'accord avec l'intention de ce projet de loi, mais il ne s'agit pas ici de faire un exercice de statistique. À vrai dire, n'est-il pas suffisant qu'une seule personne soit victimisée? Posez-vous la question: comment réagiriez-vous si cette personne était votre enfant? Il n'est pas nécessaire d'en rajouter.
    Vous avez manifestement étudié le sujet en profondeur. Pouvez-vous nous faire part de ce que vos recherches ont mis au jour? Quels sont les types de dommages dont souffrent les victimes selon les incidents — qu'ils soient psychologiques, physiques ou même pécuniaires —, comme ceux auxquels vous tentez de remédier?

  (0920)  

    Comme je l'ai fait remarquer, le processus de guérison pour une victime et sa famille peut s'étendre sur toute une vie. Si cette guérison nécessite un déménagement, cela représente des coûts énormes. Qu'une famille soit en mesure d'assumer les coûts d'une réinstallation de toute la famille ou pas est déjà une chose, mais si l'on veut qu'elle survive, on ne peut pas lui demander de rester dans une situation où elle continue d'être attaquée jour après jour. Il faut qu'elle se sente en sécurité. Il faut lui donner la chance de se remettre.
    Les coûts financiers peuvent être énormes pour les familles. Si les tribunaux étaient tenus de tenir compte de cet aspect, je crois que cela rendrait notre société beaucoup plus sécuritaire. Il est très difficile de calculer quels seraient ces coûts, mais si vous donnez la chance aux victimes de se rétablir, les coûts pour le système de santé... Je crois que c'est dans l'intérêt de tous de permettre aux victimes de guérir et de redevenir des citoyens productifs.
    Pour revenir sur le point soulevé par M. Easter, je crois qu'il a vu juste. Si vous vivez dans une petite collectivité et que toute la famille doit déménager, j'estime que le fardeau doit retomber sur le transgresseur. En d'autres mots: tant pis pour lui. C'est ce qui est visé.
    M. Mark Warawa: Oui, je suis d'accord.
    M. Robert Goguen: De toute évidence, pour équilibrer les intérêts de la victime avec ceux de l'accusé, le tribunal détiendrait un certain pouvoir d'imposer des conditions, comme c'est le cas pour la commission des libérations conditionnelles. Pouvez-vous nous redire de quelle façon vous estimez que les victimes devraient avoir une voix, malgré ce pouvoir discrétionnaire des tribunaux? Comment cela leur permettrait-il au départ de se sentir en sécurité dans leur collectivité? Comment cela les aiderait-il? Qui les conseillera? Pouvez-vous nous expliquer cela?
    À l'heure actuelle, dans l'appareil judiciaire, le délinquant a droit à un avocat ou à un conseiller juridique qui le défendra tout au long du processus. Mais qu'en est-il de la victime? Nous avons un avocat de la défense qui est nommé pour protéger les droits du délinquant. Nous avons un avocat de la Couronne et nous avons les tribunaux pour prononcer un verdict. Et la victime? Lui donne-t-on accès à des conseils, à des renseignements? Non.
    Avec cette nouvelle structure, le projet de loi C-489 obligera les tribunaux et les instances administratives à tenir compte des victimes. Ils seront tenus de le faire sur le plan administratif. Dans les faits, je crois qu'ils devront contacter la victime pour lui expliquer ce qui sera pris en considération et lui demander si elle est à l'aise avec cette perspective. La victime — ou le tuteur ou le parent, si la victime est mineure  — devra ensuite dire si elle est en mesure de vivre avec ce scénario.
    Il pourra y avoir un processus administratif et de détermination de la peine convenable pour tous, mais la prise en considération de la sécurité et du bien-être des victimes doit primer. Je crois que c'est un bon équilibre.
    Merci pour ces questions et ces réponses.
    La prochaine personne à poser des questions est Mme Péclet, du Nouveau Parti démocratique.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Warawa, de répondre à nos questions.
    Ma première question porte sur la première disposition qui est le coeur du projet de loi. Il est écrit qu'une personne ne pourra pas s'installer à moins de deux kilomètres du lieu de résidence de la victime. Vous le connaissez, c'est votre projet de loi. Vous avez écrit les mots suivants « il sait ou devrait savoir ». Je ne sais pas exactement si vous avez consulté, par exemple, les rédacteurs législatifs de la Chambre des communes ou si vous avez consulté des organisations. Quelle serait la portée des mots « il sait ou devrait savoir »? Qui devrait déterminer comment la personne devrait savoir? La cour devra-t-elle lui fournir les informations? Serait-ce sa responsabilité? Devrait-il savoir? Si oui, quels critères seraient utilisés par la Couronne ou par la cour pour déterminer qu'il devait savoir? Serait-ce, par exemple, en vertu de motifs raisonnables de croire ou serait-ce hors de tout doute raisonnable? Comment ce critère d'obligation de savoir devrait-il être interprété par les avocats, les juges et, d'abord, par les députés?

  (0925)  

[Traduction]

    C'est une très bonne question, merci.
    Il est ici question d'une condamnation avec sursis. Les tribunaux seraient tenus d'envisager l'imposition de conditions, une zone tampon et l'interdiction de contact. On présume que le transgresseur sait ou doit savoir où se trouve la victime, l'enfant ou l'adolescent.
     Dans 88 % des crimes sexuels, la victime connaît son agresseur. Il s'agit souvent de quelqu'un qui est en position d'autorité par rapport à la victime. Il y a un lien entre les deux. Le délinquant connaît souvent la victime et où celle-ci reste, travaille et étudie. Dans les cas où il est évident que le délinquant sait tout cela, les tribunaux devraient pouvoir dire...
    Le critère serait-il le lien avec la personne? Disons que c'est un membre de la famille ou un ami. Quel serait le critère pour établir qu'il aurait dû savoir? Est-ce que c'est le lien amical ou le lien familial? C'est ce que nous essayons d'établir. Si le délinquant a un lien avec l'enfant ou la famille, est-ce que c'est ce critère que les tribunaux prendront en compte?
    Monsieur le président, les tribunaux se servent déjà de ces mots. Ils sont déjà dans le Code criminel et ils sont utilisés couramment.
    Les tribunaux et les instances administratives seraient appelés à établir si le délinquant savait ou s'il aurait dû savoir. Si ce dernier se promène en voiture et qu'il croise le regard de la victime alors qu'il est au volant, on établira que le délinquant ignorait que la victime se trouvait dans la rue au moment de la croiser. Cela pourrait être présenté comme défense légitime. En revanche, si le délinquant était l'entraîneur de natation de la victime et qu'il se rend à la piscine faire des longueurs aux mêmes heures où il avait l'habitude de l'y entraîner, et que la victime s'adonne à s'entraîner à ce moment précis, on dirait que le délinquant aurait dû savoir.
    Je vous donne deux scénarios. Ce sera aux tribunaux à établir si le délinquant a enfreint les conditions de mise en liberté. Encore une fois, c'est à la discrétion des tribunaux de s'assurer que justice soit faite.
    Si l'on tient compte du fait que Montréal est une grande ville, deux kilomètres, ce n'est pas beaucoup. Admettons que « aurait dû savoir » est différent de « savait ». Disons que quelqu'un vit à Montréal et qu'il avait été l'entraîneur de la victime, mais sans savoir qu'il restait à deux kilomètres de chez elle. Le critère est de deux kilomètres. Comme je l'ai dit, Toronto, Vancouver, Gatineau et Ottawa sont de grandes villes. Le critère est de deux kilomètres. Dira-t-on qu'il « aurait dû savoir » qu'il vivrait dans la même ville, à moins de deux kilomètres? S'agit-il d'un doute raisonnable ou est-ce hors de tout doute raisonnable?
    Comprenez-vous où je veux en venir?
    M. Mark Warawa: Je comprends.
    Mme Ève Péclet: Merci beaucoup.
    Je répète que ce sera aux tribunaux d'établir si les conditions n'ont pas été respectées.

  (0930)  

    Merci beaucoup.
    La prochaine personne à poser des questions est M. Wilks, du Parti conservateur. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Warawa, d'être ici aujourd'hui.
    Cette question me touche de très près, car j'ai enquêté sur de nombreux crimes de ce type au cours de mes années de service comme agent de police.
    Je voulais revenir sur cette partie du projet de loi qui traite de revictimisation. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez au sujet de la revictimisation et sur ce que le projet de loi prévoit à cet égard? Puis nous pourrons poursuivre à partir de là.
    Ce sont des notions un peu abstraites pour moi, car je n'ai pas vécu cette situation dont les victimes nous font part avec beaucoup d'émotion, ce moment où elles retournent dans leur patelin à la fin d'une journée de travail et voient la personne qui a agressé leur enfant profiter de la vie, couper son gazon, apparemment sans conséquence majeure pour ce qu'elle a fait.
    Je ne peux pas m'identifier à cela, car je ne l'ai pas vécu, mais les histoires que nous avons entendues sont bouleversantes. C'est la même chose pour les victimes. Si, par inadvertance, elles revoient le délinquant, leur agresseur, elles revivent ce qu'on leur a fait subir. Il y a ces petits déclencheurs; il y a des mots et des déclencheurs visuels qui ramènent ces mauvais souvenirs. Il est important que nous protégions ces victimes autant que faire se peut et que nous leur procurions un environnement où elles pourront guérir sans craindre la revictimisation, ce qui ne manquera pas de se produire.
    Les parents auront de la difficulté. Ils auront mal pour leur enfant. Toutes les fois que l'enfant souffrira, les parents souffriront avec lui. Tout cela fait partie de la revictimisation; c'est une dynamique navrante.
    Il me semble que le genre de crime visé par ce projet de loi et les considérations connexes en matière de libération conditionnelle ne devrait pas faire partie de ceux auxquels une détention à domicile peut s'appliquer. Il y a de nombreux crimes où cela pourrait s'appliquer, et je peux penser à quelques-uns d'entre eux, mais l'agression sexuelle ne fait pas partie de ceux-là.
    Au moment de rédiger le projet de loi, avez-vous envisagé la possibilité de modifier l'article 742 du Code criminel pour supprimer la détention à domicile des conditions de mise en liberté? En clair, avez-vous envisagé la possibilité de faire en sorte qu'une personne condamnée à une peine de moins de deux ans ne puisse pas la purger bien au chaud à la maison, comme aurait pu l'y autoriser le juge?
    Oui, et le scénario dont vous vous servez est très plausible. Les peines de deux ans moins un jour sont administrées par les provinces. Ces peines ne relèvent pas du gouvernement fédéral. Les administrations provinciales tiennent compte des coûts de détention et des coûts administratifs. La façon la plus facile est de permettre au délinquant de purger sa peine à la maison, avec la condition de ne pas contacter leur victime, de ne pas la voir, de ne pas lui téléphoner, de ne pas lui envoyer de courriel et de n'avoir aucun contact avec elle. Voilà peut-être la raison pour laquelle cela est arrivé.
    Je ne crois pas que le fait d'avoir cette détention à domicile et de permettre cette revictimisation n'ait jamais été examiné sérieusement, peut-être même pas du tout. Le principal changement contenu dans le projet de loi C-489 à ce sujet est qu'ils seraient maintenant tenus de le faire, « ils » étant la commission fédérale des libérations conditionnelles, la Commission des libérations conditionnelles du Canada... Comme vous le savez, si la peine est de deux ans ou plus, elle relève du gouvernement fédéral; si elle est de deux ans moins un jour, elle relève de l'administration provinciale. Toutes les instances gouvernementales devront se plier à cette modification. Elle serait inscrite dans le Code criminel du Canada. Les administrations devront tenir compte des conséquences de l'établissement de la peine sur la victime et sur la famille de la victime.
    Il vous reste une minute, monsieur Wilks.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, je pense que l'aspect important de votre projet de loi et de tout projet de loi soumis à l'examen de notre comité est que l'accent doit être mis sur la victime avant tout. Je crois que nous avons pendant un certain temps été davantage préoccupés par la façon de réadapter les délinquants. Bien que cela soit une partie importante du système, il est encore plus important de veiller à ce que les victimes puissent continuer à avancer dans la vie.
    Pour en revenir à la détention à domicile et dans l'optique d'aider le délinquant à obtenir l'aide dont il pourrait avoir besoin, je suis un peu perplexe, car il semble que cette aide n'existe pas.
    Pouvez-vous me donner une brève réponse à ce sujet?

  (0935)  

     Oui, je suis d'accord, l'accent doit être mis sur la victime. L'exemple dont je me suis servi plus tôt est que le délinquant reçoit des conseils pour tenir compte de ses droits de délinquants, pour s'assurer d'être bien traité et de recevoir une sentence appropriée. Le délinquant a droit à des conseils, mais la victime et sa famille sont laissées à eux-mêmes. Dans le système actuel, ils sont perçus comme des observateurs, mais on devra désormais tenir compte d'eux. Ils feront partie du système et ils auront la chance de guérir. Merci.
    Merci pour cette question et pour cette réponse.
    Pour le Nouveau Parti démocratique, monsieur Jacob.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie M. Warawa d'être parmi nous pour répondre à nos questions.
    Ma première question touche l'article 5 du projet de loi qui ajoute des conditions obligatoires — par exemple l'interdiction de communiquer ou d'aller dans un lieu mentionné — à des personnes qui ont déjà été condamnées et qui purgent actuellement leur peine. Le projet de loi produit-il, selon vous, des effets rétroactifs?

[Traduction]

    Non. Si le projet de loi devient loi, ses dispositions ne s'appliqueront qu'aux infractions qui se produiront après l'entrée en vigueur. Donc, pas d'effets rétroactifs.

[Français]

    Le fait d'ajouter de nouvelles conditions obligatoires constitue-t-il, selon vous, une peine au sens de l'alinéa 11h) de la Charte canadienne des droits et libertés qui interdit de punir un délinquant « de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni »?

[Traduction]

    Merci pour cette question.
    Je crois que cela respecte les dispositions de la Charte. L'importance de permettre aux tribunaux d'examiner chaque situation et l'établissement de la peine en fonction des conditions propres à cette situation sera maintenue. Il est laissé à la discrétion des tribunaux de prendre la décision définitive sur ce qui constitue une sentence appropriée. Le changement qui se produira avec le projet de loi C-489 est que les tribunaux devront tenir compte des conséquences sur les victimes, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. C'est un changement majeur. Une fois que les tribunaux auront prononcé ces sentences, les instances administratives devront à leur tour tenir compte des conséquences sur les victimes.
    Je crois que votre question était de savoir si les dispositions du projet de loi pourront résister à une contestation en vertu de la Charte. Tous les documents législatifs, et notamment ceux qui sont soumis au Comité de la justice, doivent être envisagés sous cet angle. Des experts se sont penchés sur le projet de loi, et je crois qu'il est tout à fait en harmonie avec les dispositions de la Charte et qu'il résisterait à une contestation en vertu de cette dernière, le cas échéant.

[Français]

    Si je comprends bien, le fait d'ajouter de nouvelles conditions obligatoires constitue, selon vous, une peine au sens de l'alinéa 11h) de la Charte canadienne.
     Je voudrais vous poser une question sur la portée du projet de loi C-489. S'applique-t-il aussi aux jeunes contrevenants?

[Traduction]

    Oui, il s'applique aussi aux jeunes contrevenants. Laissez-moi préciser. Ce qui sera obligatoire sera que les tribunaux devront examiner la situation. L'un des amendements proposés par les membres ici présents est que la disposition exigeant une zone tampon de deux kilomètres autour de la victime devienne deux kilomètres ou la distance que les tribunaux jugeront appropriée. Nous devons avoir un amendement, et je suis tout à fait en faveur, car, encore une fois, j'estime que les tribunaux doivent avoir ce pouvoir discrétionnaire.
    Voilà ce qui est obligatoire, pas les deux kilomètres, mais ce que les tribunaux jugeront approprié et le fait qu'ils en tiennent compte.

  (0940)  

[Français]

    J'ai une dernière question à vous poser. Vous avez dit que le pouvoir discrétionnaire des juges existe, et j'en suis fort aise. Cependant, qu'aviez-vous en tête quand vous parliez de circonstances exceptionnelles relativement à la condition d'interdiction de communiquer? Pouvez-vous fournir au comité des exemples concrets de circonstances exceptionnelles?

[Traduction]

    Encore une fois, c'est une chose qui serait laissée à la discrétion des tribunaux, s'ils venaient à considérer qu'une détention à domicile est une peine appropriée pour cette situation.
     Vous me demandez un exemple fictif. Si le délinquant était un jeune qui avait commis un acte vraiment stupide pour lequel il éprouverait beaucoup de remord, si le délinquant était en fait un mineur et que son tuteur assumait la pleine responsabilité, si l'on venait à comprendre pourquoi l'acte avait été perpétré — peut-être à cause de son accès à Internet — et si l'on arrivait à s'entendre avec la famille de la victime et le tuteur du contrevenant pour que les choses soient prises en main de façon appropriée, alors la détention à domicile serait une peine appropriée. Encore une fois, ce sera aux tribunaux à décider. C'est à leur entière discrétion. Ce sont eux qui pourront se prononcer sur ce qui constitue des « circonstances exceptionnelles ».
    D'accord.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci pour ces questions et ces réponses.
    Le dernier tour de questions pour ce témoin appartient à M. Seeback, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Mark, je tiens à vous dire que c'est un excellent projet de loi. Notre comité tient entre autres à ce que justice soit faite, mais également à ce que cela se manifeste concrètement. Les victimes aux prises avec le système de justice ont-elles l'impression que justice est faite lorsqu'elles s'aperçoivent que leur agresseur tond la pelouse en face de chez elles?
    Je vous réponds par un non catégorique.
    C'est important, à mon avis. Les parlementaires que nous sommes oublient parfois que les gens n'ont plus confiance dans notre système de justice lorsqu'une telle situation se produit. C'est déplorable, quelle que soit la société dans laquelle nous vivons. J'estime donc que votre mesure sera utile.
    M. Easter a notamment demandé comment les victimes sauraient que de telles mesures ont été envisagées. Je pense que vous lui répondriez sans ambages que le procureur de la Couronne ferait une demande en ce sens. D'après mon expérience du monde de la justice, je sais que les victimes assistent à toutes les audiences. Le procureur de la Couronne prendra donc les mesures pour s'assurer que l'une de ces interdictions serait imposée. Si le juge s'y opposait, il devrait justifier le tout.
    J'estime donc que c'est ainsi que les victimes sauraient que des mesures ont été prises. Êtes-vous d'accord avec moi?
    Oui.
    Souvent, ce n'est pas la jeune victime, mais bien les parents ou le tuteur qui assistent aux audiences pour prendre connaissance de la décision du juge après les plaidoiries de la défense et de la poursuite. Ils ont alors l'occasion de parler au juge et, face aux conditions discrétionnaires que peut imposer le tribunal... Le parent ou tuteur doit avoir voix au chapitre.
    Venons-en aux modifications proposées. À mon avis, le parent ou le tuteur doit être consulté au lieu d'être simplement un observateur qui espère être présent au moment opportun. De telles affaires, notamment l'imposition de conditions discrétionnaires, nécessitent plus d'une journée. Il faut parfois plusieurs jours, voire des mois. Le tout devient tellement répétitif que les familles, les parents de la victime, subissent un stress énorme.
    J'ignore si vous allez pouvoir répondre à ma question sur la modification que vous proposez au paragraphe 161(1) relatif aux interdictions. Dans votre modification, vous avez notamment omis un aspect que nous retrouvons ailleurs, c'est-à-dire que le tribunal doit justifier par écrit la raison pour laquelle ces interdictions ne sont pas imposées.
    Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cet aspect ne figure pas dans votre modification qui porte sur l'interdiction de se trouver à moins de deux kilomètres? Envisageriez-vous un amendement pour corriger le tout?

  (0945)  

    Oui.
     Si mes collègues estiment qu'une modification est nécessaire pour renforcer mon projet de loi, je n'y vois aucun inconvénient. Nous avons tous comme objectif de protéger les droits des victimes et d'exiger clairement que les tribunaux tiennent compte de ces droits. J'accueillerais volontiers toute modification susceptible de renforcer mon projet de loi.
    Magnifique! Merci infiniment.
    Monsieur Easter, vous invoquez le Règlement.
    J'invoque effectivement le Règlement.
    C'est l'unique raison pour laquelle je vous cède la parole, mon bon ami. S'il ne s'agit pas d'un recours au Règlement, je mettrai fin à votre intervention.
    M. Warawa a signalé que des amendements s'imposaient. C'est donc dire qu'on en a proposé.
    Il s'agit effectivement d'un recours au Règlement.
    Serait-il possible de voir ces amendements?
    Le greffier m'a signalé que le parti ministériel a proposé six amendements jusqu'à présent. À la séance de jeudi prochain, nous accueillerons d'autres témoins. Je demanderai à mes collègues de présenter tout autre amendement qu'ils estiment nécessaires. Nous les examinerons et nous procéderons à l'étude article par article ultérieurement. Tous les partis pourront présenter des amendements.
    Une autre intervention dans le même ordre d'idées.
    Effectivement.
    Si vous avez déjà en main ces amendements, nous pourrions y aller plus rapidement si nous pouvions les consulter. Comme je l'ai dit à mon collègue hier, si nous les avions en main, il y a peut-être des questions que nous ne poserions pas aux témoins. Nous saurions à quoi nous en tenir et cela nous éviterait de travailler inutilement.
    Ces amendements ont déjà été transmis au greffier, qui vous les distribuera avant la tenue de la prochaine séance.
    Monsieur Easter, c'était là un excellent recours au Règlement.
    Merci, monsieur Warawa, d'avoir bien expliqué votre projet de loi.
    Nous accueillerons maintenant plusieurs témoins qui ont demandé que la séance soit à huis clos, ce que nous ferons.
    Je dois cependant obtenir le consentement du comité sur un autre point.
    Un autre membre du comité et moi avons deux invités spéciaux: deux jeunes de l'Association Grands Frères Grandes Soeurs du Canada. Nos témoins sont-ils d'accord pour que ces deux jeunes assistent à la séance à huis clos? Oui. J'ai donc besoin du consentement unanime du comité pour que ces deux jeunes assistent à la séance à huis clos.
    Des voix: D'accord.
    Deux stagiaires m'accompagnent. Peuvent-ils assister à la séance à huis clos?
    Oui. Merci.
    La séance est suspendue pendant deux minutes pour que nous puissions passer à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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